Mas 440.355
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LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
Département de français
De master
Thème
Présentépar :
ABDELOUHAB Amel
Membres de jury :
LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
Département de français
De master
Thème
Présentépar :
ABDELOUHAB Amel
Membres de jury :
Ma merveilleuse grand-mère
Mon très cher frère qui est toujours làpour moi, Aboubakre
Comme il est de fait incontestable et irrémédiable de par le monde, nul peuple, nul
communauté, n’est à l’abri des croisements culturels et de la diversité linguistique.
L’Algérie par exemple, et par excellence dans notre travail, connait une situation
linguistique très complexe par la présence de plusieurs langues et dialectes manipulés à la
guise des locuteurs et selon les convenances de leurs situations linguistiques.
Il existe un contact entre ces langues. Ce dernier est visible partout : dans
l’administratif, les médias, l’éducation et surtout la vie de tous les jours qui est le vrai bol à
mixé de la population, où cette dernière alterne entre l’arabe (dans toutes ses formes), et le
Français surtout, sans même en être conscient, d’une façon innée, comme s’ils l’avaient hérité
de leurs ancêtres.
En regardant ce film de «ce que le jour doit à la nuit », nous avons remarqué la
présence du phénomène en question, d’où notre choix, pour notre étude que voici.
Nous avons choisi donc de nous y baser pour pouvoir étudier ce phénomène ou une
spécialité de ce phénomène qui est l’alternance codique de par sa richesse en la variété de ses
alternances et leurs multitudes.
Le sujet de notre recherche porte donc sur une observation puis une analyse de ce film
«ce que le jour doit à la nuit », qui est une adaptation cinématographique du roman de
Yasmina Khadra, film Français d’une durée de deux heures quarante minutes, réalisé par
Alexandre Arcady et diffuséen France puis en Belgique le premier septembre 2012.
Présentation du corpus
Avant de présenter notre corpus sur lequel nous avons réalisénotre travail, nous avons
préféréde parler brièvement du corpus en sociolinguistique. Cette dernière favorise le terrain
en étudiant la langue dans son usage quotidien.
Sa méthode consiste àenregistrer les locuteurs dans des interactions ordinaires. Pour
notre cas, cela est fait dans un cadre médiatique, c’est-à-dire des interactions dans le film en
question. Dans ce sens John Sinclair définit «le corpus comme étant «une collection de
ressources langagières sélectionnées et organisées à partir des critères linguistiques
explicites et destinées à servir d’échantillons représentatifs »
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Introduction
Quant àMaingueneau (2009: 39), il le définit comme «un recueil plus au moins large,
parfois exhaustif, de données verbales ou non verbales [...] que l'on veut étudier. »
Motivation
Notre motivation découle de notre lecture du roman «Ce que le jour doit àla nuit »de
Yasmina Khadra. C’est une histoire que nous avons énormément apprécié et aimé, tout
d’abord parce qu’elle raconte une histoire d’amour, et ensuite parce que cet amour, il est
interdit par la famille de la française Emilie. C’est une histoire qui date des années de
l’Algérie colonisée.
A la sortie du film, nous avions hâte de le regarder. Il faut dire que nous l’avons vu
plusieurs fois, ce qui a poussénotre curiositéscientifique àentamer une recherche là-dessus.
Au départ, c’est-à-dire avant le visionnage du film, nous pensions que cette adaptation
était réalisée uniquement en langue française, toutefois nous nous sommes rendu compte que
certaines pratiques langagières étaient en langue arabe , notamment l’arabe algérien, dit
également dialecte algérien. Il nous a paru pertinent et original d’appréhender ces échanges
lors de cette recherche.
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Introduction
Problématique
Le présent travail prend son origine des phénomènes d’alternance codique et mélange
de langues dans l’adaptation cinématographique « Ce que le jour doit à la nuit » écrit par
Yasmina Khadra.
Hypothèses de travail
Pour mener àbien notre travail et aboutir àune meilleure compréhension de l’objet de
cette recherche, nous avons émis les hypothèses suivantes :
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Introduction
Pour mieux conduire notre recherche et apporter des éléments de réponses à notre
problématique, nous l’avons divisée en trois chapitres :
Ainsi, le troisième et dernier chapitre, sera consacré à l’analyse des séquences du film :
une analyse d’abord qualitative dans laquelle nous relèverons tous les énoncés contenant le
phénomène étudié, nous essayerons d’analyser les différents types ainsi que fonctions figurant
dans les énoncés déjà relevés puis une analyse quantitative où nous essayerons d’éclaircir ce
qui a déjàétédit.
Méthodologie de travail
Objectifs de la recherche
Notre objectif principal dans le présent travail est de comprendre et cerner les usages
alternatifs entre l’arabe et le français dans une adaptation cinématographique du roman « Ce
que le jour doit à la nuit » d’un écrivain algérien. En plus, nous avons voulu démontrer,
décrire et clarifier les situations discursives et conversationnelles dans cette production dans
4
Introduction
laquelle les personnages sont de nationalités algérienne et française et dont leur discours
contient deux ou plusieurs codes linguistiques.
Notre objectif personnel était de faire une sorte de comparaison entre l’histoire lue et
l’histoire regardée.
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Chapitre 01 :
La Situation sociolinguistique en
Algérie
Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.
Cette coprésence des langues a donnénaissance àune situation très complexe oùces
dernières en contact semblent créer des pratiques langagières qui perdurent et se répandent
de plus en plus tel que le bilinguisme, l’emprunt, l’interférence, l’alternance codique… etc.
Par ailleurs, c’est les variétés de cette langue « qui possèdent la vitalitéla plus forte »
comme l’affirme DJAMILA SAADI (1995 : 129-133). Ces variantes locales et régionales
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Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.
constituent la véritable identité du citoyen Algérien, étant pour la plupart, leurs langues
maternelles.
De ceci, il est très facile de reconnaitre en Algérie l’arabe standard du langage rurale
ou campagnards d’une part, et d’autres parts, celui d’un citoyen kabyle et d’un autre
algérois et àchaque région sa particularité d’Est en Ouest et du Sahara àla cote.
Cet arabe dit ‘dialectal’, considérée comme étant le registre le moins normé de la
langue arabe reste «le véhicule d’une culture populaire, riche et variée » (IBRAHIMI,
2006 : 207-2018).
Cette sphère constituée par plusieurs dialectes berbères actuels, constitue le plus
vieux substrat linguistique du Maghreb. Ces parlers amazigh sont représentés
essentiellement par : le kabyle, le Chaoui, le Mozabite et le Touareg.
Face à la vague d’islamisation et d’arabisation de cette région, ces parlers ont reculé
et se sont refugiés dans les régions difficile d’accès comme : l’Aurès, Djurdjura,
Gouraya …etc.
Parlé par une partie infime de la population, le tamazigh est confiné à un usage
strictement oral à l’exception d’une survie partielle d’une écriture Tifinagh. Elle fut déclaré
langue nationale le 08 avril 2002, mais cela n’a pas été suffisant pour l’affirmation de
l’identité berbère en Algérie. Sous la demande des kabyles qu’ils avaient reformulé à
plusieurs tentatives, enfin, elle fût déclarée officielle et fût introduite au système
d’éducation nationale et ce depuis la primaire.
Ensuite, ce fut l’Espagnol qui vient s’ajouter à cette palette dans l’Ouest du pays du
fait de la présence de l’occupant Espagnol àOran pendant trois siècles, et l’Italien à l’Est,
grâce aux échanges maritimes commerciaux et les rivalités entre commerçant marins
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Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.
italiens et pirates Algériens, puis c’est la côte qui est devenue le lieu d’accueil des colons
italiens du fait de la colonisation française.
Considéré comme une langue d’ouverture vers le monde, le français est aussi la
première langue étrangère du pays, variant entre un registre soutenu et un autre relâché
d’un usage quotidien. Le français a donc fait et fera toujours partie de la réalité
sociolinguistique de l’Algérie.
Aujourd’hui, les peuples se déplacent et les frontières sont ouvertes pour le libre
échange des biens, ce qui a fait que les langues entrent en contact et ce, dans presque
toutes les cultures et communautés linguistiques.
2.1. Le bilinguisme
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Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.
Il peut arriver que des bilingues mélangent des langues s’ils parlent avec quelqu'un
qui comprend leurs deux langues, si un mot choisi ne peut être exprimédans cette langue
alors on le trouve dans l’autre.
Cas d’un enfant qui a déjà acquis partiellement une première langue, et commence
l’apprentissage de la deuxième tôt dans l’enfance par exemple : déménagement d’un pays à
un autre ce qui produit un bilinguisme fort ou additif.
C’est celui qui commence après l’âge de six ou sept ans, ou plus tard à l’adolescence
ou à l’âge adulte. Ceci étant un bilinguisme consécutif qui vient après l’acquisition de la
première langue ou après la période du développement langagier de l’enfance
C’est le cas d’une personne qui apprend une langue au détriment de l’autre ; la
maitrise de la première langue diminue par la principale utilisation quotidienne de la
deuxième. Mais, il suffit d’un léger coup de pouce pour que la première langue revienne à
la mémoire.
Désigne le fait de comprendre une langue sans la parler. (C’était le cas des algériens
pendant la colonisation, certains étaient incapable de s’exprimer en français mais
comprenaient très bien quand on leur parle en cette langue).
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Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.
MOHAMMED MEOUAK cite que «la mosaïque de population qui constitue Alger
est un trait caractéristique bien connu des historiens, et qui a fait récemment l’objet de
nouvelles études »(T.SHUVAL, 1998 : 13-23).
Même du temps des grecques et des romains, il était nécessaire de parler plusieurs
langues pour les échanges entre états et empires. La valeur d’une langue est qu’elle soit
utilisée par plusieurs nations, dans le monde par exemple, l’Anglais et le Français sont les
plus parlés car ils sont la langue d’anciens grands empires colonisateurs, de même que
l’Espagnol en Amérique latine.
2.2. La diglossie
Diglossie, ‘terme grec de basse époque’ diglossia, traduit par dualité de langues.
C’est la présence de deux langues en même temps, dans un même territoire tel que le
français ou l’arabe en Algérie, ou de deux variantes développées de la langue écrite.
Ceci étant l’un des cas parmi les quatre proposés par FERGUSON. Les trois autres
étant les relations entre l’Allemand et Suisse-Allemand en Suisse germanophone, Français
et Créole en Haïti et Khatarevusa et démotique en Grèce.
Mais FISHMAN en 1967, va étendre la signification même entre les langues n’étant
pas génétiquement reliées et même pour les coexistences sans réelles durées.
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Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.
le dialectal, par exemple : certains mots de l’arabe classique dans les foyers et des mots
dialectaux dans les écoles ou l’administration, donc, le code intermittent, est considéré
comme un fait éminent positif.
Peut être que l’arabe médian résoudrait les problèmes d’incompréhension dans les
relations entre le sommet culturel, politique et administratif d’un coté, et la base populaire
d’un autre coté.
Mais les deux langues vraiment dominantes et coexistantes en Algérie sont pour la
première, l’arabe dialectal, et l’autre le français, étrangère mais légitime, par son statut
d’héritage que l’empire des colonisateurs imposa à l’Algérie pendant des siècles, et
aujourd’hui pour son statut privilégié dans divers domaines de la vie quotidienne.
«Les arabes ont le sentiment que l’utilisation de cette langue dénote une
certaine élévation du niveau social, et que dans le même temps son rejet permettrait
à leurs enfants qui ont fait leurs études secondaires en langue arabe l’accès aux
filières noble de l’enseignement supérieur dés lors que tout le système de formation
serait arabisé».
Ce peuple qui ne se suffit pas du bilinguisme, mais qui bénéficie d’un riche
répertoire verbal plurilingue, se dotant d’une très grande habilitédans chacun des dialectes
sachant décrire leurs situations, en s’exprimant même en les aménageant à leurs guises,
mélangeant les dialectes aux grandes langues.
«Ce faisant, ils font montre d’une grande libertédans leurs utilisation de ces
ressources et une formidable capacité à créer du sens, des mots, ‘des langues’ en
jouant justement avec elle, en se jouant d’elle… » (IBRAHIMI.K.T., 2018 : 206-
207).
La quasi-totalité des populations dans le monde, utilise plus d’un code dans leurs
parlers quotidiens, en effet, les locuteurs ont rarement conscience de cela, leur but principal
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Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.
étant de transmettre des informations et de se faire comprendre. Cette alternance des codes
est l’une des caractéristiques du parler bilingue, qui sont tout les deux, àleurs tours, des
conséquences du contact des langues.
CAUSA (1997 : 458) souligne que l’alternance codique est utilisée dans
l’enseignement «quand l’enseignant recourt simultanément aux deux langues présentes
dans la classe». Elle représente donc une stratégie de communication pour les enseignants
et les apprenants.
RILEY (2003 : 13) affirme que l’alternance codique peut se trouver « à l’intérieur
d’un énoncé-phrase ou d’un échange, ou entre deux situations de communications ».
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Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.
D’une manière plus simple, on peut dire que l’alternance codique est « des
changements d’une langue à une autre au cours de la conversation » (EDWARDS et
DEWAELE, 2007 : 222).
Comme nous l’avons mentionné plus haut, La situation plurilingue que connait
l’Algérie, découle des invasions, des colonisations et des infiltrations qu’a connues notre
pays ; ce qui fait que les individus sont confrontéàun usage langagier particulier souvent
qualifié par ‘complexe et mixte’. De l’arabe classique, arabe dialectal, berbère et français,
les locuteurs choisissent deux langues ou deux variétés, en les mélangeant et les utilisant à
leurs guises. Souvent ces individus «éprouvent le besoin d’utiliser les deux langues, pour
des fins communicatives et d’incompréhension »(BENCHERIF, 2008 : 89). Dans sa thèse,
ALI BENCHERIF explique que ce choix des deux langues est «fortement lié au profil
langagier des individus et àleurs préférences ».
Il faut noter que l’alternance codique n’est pas toujours entendue comme une
manifestation d’ «un bilinguisme idéale » (WEIRNEICH, 1953), «comme un stade
intermédiaire dans l’évolution linguistique d’une langue entre l’emprunt et les
interférences »(MABROUR.A, 2007 : n°7), mais aussi en tant qu’un signe de « décadence
linguistique, d’inculture ou de mutilation linguistique »(HOFFMAN, 1991).
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Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.
Il s’agit d’interférence «quand un sujet bilingue utilise dans une langue cible L2, un
trait phonétique, morphologique, lexical ou syntaxique caractéristique de la langue L1. »
(KANNAS, 1994 : 252). Elle est aussi considérée comme «un croisement involontaire
entre deux langues. A grande échelle, l’interférence dénote l’acquisition incomplète d’une
langue seconde. » (HAGEGE, 1996 : 239), ce que HAMERS vient confirmer en déclarant
que «l’interférence se manifeste surtout chez des locuteurs qui ont une connaissance
limitée de la langue qu’ils utilisent » (1994 : 178). Ce phénomène est liéàla compétence
incomplète du locuteur bilingue.
Comme nous l’avons cité plus haut, les algériens bénéficient d’un très vaste
répertoire composé de deux langues majeures et des dialectes régionaux qu’ils combinent
et utilisent àleurs guise, ce qui donne naissance àdes interférences diverses ; il ya donc
créativitéde la, ou dans la langue, du sujet parlant algérien en français.
Comme le dit K.T. IBRAHIMI «l’école algérienne ne produit pas de bilingues mais
plutôt des semi-lingues qui ne dominent vraiment aucune des deux langues ». Ceci dit,
c’est l’envie d’utiliser le français qui donne naissance à ce phénomène de français à
l’algérienne ; par exemple :
Selon les linguistes, les interférences se manifestent sur trois (03) niveaux : sur le
niveau phonétique, lexical et morphosyntaxique.
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Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.
Quand l’individu remplace un son de la langue étrangère par un autre qui lui
ressemble dans sa langue maternelle. Les interférences se produisent donc, lorsqu’un son
ou phonème de la langue cible est méconnu et que le locuteur choisi le son le plus proche
qui existe dans le système phonologique de la langue maternelle. Par exemple :
Ce genre désigne les interférences du genre et du nombre ainsi que les modalités de
dérivation et de composition.
2.5. L’emprunt
L’emprunt est le processus par lequel «un élément d’une langue est intégré au
système linguistique d’une autre »selon HAMERS et BLANC (1983 :452). Dans tous les
contacts de langues, l’emprunt en est le phénomène le plus important.
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Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.
Pour s’exprimer dans tous ses besoins de la vie quotidienne, l’algérien utilise des
mots de sa langue maternelle dans le système linguistique français et leurs appliquent selon
les circonstances, les règles de dérivation morphologique, syntaxique, lexicologique et
sémantique (préfixation, suffixation, composition, adjonction d’actualisateurs et de
déterminants, de marque de genre et de nombre…).
Elle n’est pas spécifique au bilingue seulement, mais aussi au monolingue, qui parle
l’arabe dialectal seulement (le maitrisant parfaitement).
Le mot empruntéest souvent un mot que le locuteur ne trouve pas en arabe. Nous
remarquons aussi des indicateurs de temps, de lieu, de personne, de modalitédiverse et de
termes dits conjoncturels appartenant au discours scientifique et technique du français.
(Prononciation du français respectée).
L’interpénétration des deux (02) langues est totale selon D.MORSLY (1988, 1977),
Y.CHERRAD BENCHEFFRA (1990), M.BENRABAH (1993), K.T.IBRAHIMI (1995,
1997) et Y.DERRADJI (1999), et ceci du point de vue phonétique, morphologique et
syntaxique.
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Chapitre 02 :
La typologie des alternances
codiques
Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.
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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.
Tu crois que chui fini hein, Avec toute [w Ʒahdɛk hna] Interjection
c’est ca ce que tu crois, w la force que
jahdek hna, c’est cette tu ressens
douleur que je ressens au ici.
fond de moi.
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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.
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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.
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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.
Bonjour mon garçon, rak Tu travailles bien ? [rak taxdɛm mlih Modalisation d’un
takhdem mlih ? kouli, dis-moi, qu’est ce quli wɛʃ sra fɛl message
Wesh sra fel madrassa qui s’est passé madrasa ljum]
lyoum ? ta tante me dit aujourd’hui à
que tu es rentréfâcher. l’école ?
Lui c’est un très grand Souviens-toi très [tfakar mlih hɛd l Modalisation d’un
monsieur, il s’appelle bien de ce nom. asm] message
Missali Lhadj, tfakar
mlih had l’Assm.
De toute façon même pour Younes, viens mon [junɛs arwah Désignation d’un
le petit, on ne peut pas fils, j’ai quelque wɛldi andi hadra locuteur
rester ici. Younes, arwah chose àte dire. mʕɛk]
weldi, andi hadra maak.
Aya rouh djibou nta, Vas-y va le [ɛja rɔh Ʒibu nta Désignation d’un
ezreb, imshi, à pieds ca chercher toi même, ɛzrɛb imʃi] locuteur
t’apprendra. dépêche-toi vite,
cours !
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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.
Khod mra Younes, w Prends- toi une [xod mra junɛs w Désignation d’un
habha ktar melli yalzem, femme Younes, et habha ktar mɛli locuteur +
keli mataarafsh dir haja aime-la plus qu’il yɛlzɛm kɛli interjection
okhra fi had denya. n’en faut, comme mataʕrafʃ dir haja
Souviens-toi si une femme si tu ne sais rien oxra fi had dɛnja]
te donne son amour, tu faire d’autre dans
pourras toucher toutes les ce monde.
étoiles.
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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.
Allez descends, rah il est entrain de se [rah jɛtfɛraɤ mɛn Désignation d’un
yatfaragh men demmou, vider de son sang, dɛmu ja rabi locuteur +
ya rabi glaalah had bon Dieu aide le à glaʕlɛh hɛd rsas] interjection
rssass. se débarrasser de
ces balles.
Madeleine, je garde ton Allez les frères, [ɛja lxawa bara] Interjection
fils avec moi. Aya lkhawa dehors.
barra.
Tes amis ont égorgé Si tu les soignes [ila tʕɛwɛd Désignation d’un
Simon avant de mettre le encore une fois, je tdɛwihum ja locuteur +
feu et tirer, ila taawed te le jure que je te walahi noqotlek] interjection
tedawihoum ya wallahi tue.
no9otlek.
il faut que tu rentres chez Maintenant ta vie [darwɛk ħjɛtɛk Modalisation d’un
ton oncle, ton père il est là-bas. tɛm] message
rentre tard, darwek
hyatek tem.
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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.
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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.
Jonas : pourquoi tu dis parce que c’est ça [xatar hɛda huwa Interjection
ca ? la vérité. sah]
Djelloul : khatar hada
houwa sah.
Djelloul : guellebt sma J’ai remué ciel et [gɛlɛbt sma w lard Désignation
w lard besh nsselkou terre pour le bɛʃ nsɛlku w d’un locuteur +
w dartha ala jalek. sauver et je l’ai dɛrtha ʕaƷɛlɛk] interjection
Jonas : merci Djelloul. fait pour toi.
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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.
Et la dernière est une alternance extra-phrastique, elle apparait lorsque les segments
alternés sont des expressions idiomatiques, des proverbes et dictons. Ces derniers
insérés dans des segments monolingues et servent àponctuer le discours.
Exemples Traduction Transcription fonction
ça va azizti. Désignation
ma chérie. [ʕzizti]
d’un locuteur +
interjection
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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.
J’ai rien dit w rass Je jure sur la tête de [w ras jɛma] Interjection
yemma ya ma mère.
Madeleine.
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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.
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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.
Alternance -Ibliss : elles étaient allées chercher Que Dieu [alah jɛnʕʕl
codique de l’eau, la bombe les a tuées net, je maudisse les lklɛb]
situationnelle les ai vues comme je vous vois, chiens !
toutes les deux la mère et la fille,
Allah yanal lkleb.
-Madeleine : et son père ?
Alternance -Aissa : cha rak dir hna ? -qu’est ce que tu [ʃa rak dir hna]
codique -Mohammed : ana li nassaalek, fais ici ? [ana li nɛsɛlɛk
conversationn ana khouk lekbir, tu arrives sans -C’est moi qui te ɛna xuk lɛkbir]
elle prévenir et je te trouve dans un pose la question,
taudis, chassralek ? je suis ton grand [ʃasralɛk].
-Aissa : echi rah. frère.
-Mohammed :alesh -qu’est ce qui t’es [ɛʃi raħ]
makhabartnish kount nawnek. arrivé? [ʕlɛʃ maxabartniʃ
-Aissa : kifesh tawenni, sra li sra, -Tout est parti. kunt nʕɛwnɛk]
maktoub rabbi. -Pourquoi tu ne [kifɛʃ tʕɛwɛni
-Mohammed : Personne n’a le droit me l’as pas dit ? sra li sra maktub
de voler nos terres ! je t’aurais aidé. rabi]
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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.
Dans le premier exemple, Ibliss, Algérien de souche, ayant l’arabe dialectal comme
langue maternelle, adopte une langue de base qui est le français pour ses échanges avec
Madeleine (française de souche). Cette adoption d’une langue étrangère est due à la
situation de communication dans laquelle Ibliss se trouve. Nous remarquons clairement un
certain accent dans son parler en plus de la traduction du mot à mot, l’expression « je les ai
vues comme je vous vois »par exemple est la traduction directe de l’expression en arabe
«chefthoum kima rani nshouf fik »[ʃɛfthum kima rani nʃuf fik].
Dans le deuxième exemple de la conversation entre Mohammed et Aissa, nous
remarquons que Aissa n’utilise que l’arabe dialectal dans ses productions, alors que
Mohammed produit des énoncés tantôt en arabe dialectal, tantôt, en français, et parfois en
utilisant des segments de l’arabe dialectal et du français dans la même phrase et cela, sans
que la conversation ou le sujet de discussion ne change. Raison pour laquelle nous
considérons cette alternance comme étant une alternance codique conversationnelle.
Inter-intervention intra-intervention
Inter-acte intra-acte
Segmentale unitaire
Insert incise
1.3.1. L’alternance codique inter-intervention
Elle surgit entre deux tours de parole d’un même locuteur, qui renonce par choix à
une langue en recourant à une autre, ou encore quand il s’agit de changements d’une
langue d’un locuteur à l’autre entre deux interventions.
1.3.2. L’alternance codique intra-intervention
Comprend l’alternance inter-acte qui se produit entre deux actes de paroles, et
l’alternance intra-acte qui se produit à l’intérieur d’un même acte de parole. Cette dernière
est divisée àson tour, en alternance segmentale et alternance unitaire.
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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.
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Chapitre 03 :
Analyse des séquences
Chapitre 03 : Analyse des séquences.
L’alternance codique n’est pas due au hasard ; elle a ses causes, ses conséquences,
ses circonstances et ses répercussions sur notre vie de tous les jours.
Notre corpus est tiré du film français «ce que le jour doit à la nuit », adaptation
cinématographique du roman de YASMINA KHADRA. Ce film est réalisé par
ALEXANDRE ARCADY, il a étédiffuséen France et en Belgique le 12 septembre 2012
d’une durée de deux heures quarante minutes.
L’histoire du film se déroule à Oran une ville de l’Ouest algérien, puis àRio Salado
(appellation espagnole), un petit village à 58 km d’Oran appelé actuellement « El maleh »
à partir des années 1930, jusqu’à l’indépendance de l’Algérie. Elle commence avec le
déménagement de Younes, un jeune garçon de dix ans, avec sa famille, de la compagne à
la ville d’Oran après que leurs terres eurent été incendiées. Pour arracher Younes à la
misère qui lui était promise, son oncle pharmacien Mohammed et son épouse française
Madeleine le prirent sous leurs ailes et le traitèrent comme s’il était leur propre enfant. La
nouvelle famille du petit Younes, rebaptiséJonas, déménagea àRio Salado après quelques
événements inattendus: il grandit donc avec les jeunes de ce village, oùil se fit des amitiés,
dans sa bande d’amis, il y avait Simon Benjamin, Isabelle et son frère Dédé qui avait
Djelloul comme domestique puis, enfin, Fabrice et Jean Christophe. Dans ce même village,
Jonas revit Émilie, qu’il rencontra à Oran et qui venait prendre des cours de piano chez
Madeleine, et il découvrit qu’elle était l’unique fille de madame Cazenave.
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Chapitre 03 : Analyse des séquences.
françaises. On en déduit donc, que les Algériens qui avaient la chance d’être scolarisés,
l’étaient mais en français.
Même en dehors de l’école, les Algériens étaient en contact social continu avec les
Français : en nouant des relations d’amitié avec eux (Younes et sa bande), parfois en étant
leurs domestiques (Djelloul, Krimo…) sans pour autant oublier les mouchards (Ibliss) et
les Gaïed.
Ce qui explique le fait que la quasi-totalitédu peuple Algérien était bilingue, même
si parfois les locuteurs ne pouvaient s’exprimer en français, ils étaient tout àfait capables
de comprendre cette langue (bilinguisme passif).
Nous nous sommes basée sur la typologie de POPLACK pour définir les types des
alternances codique se trouvant dans notre corpus qui est constituéde 58 énoncés :
19%
alternance inter-
phrastique
L’alternance de type inter-phrastique est la plus répandue dans notre corpus, c'est-à-
dire l’insertion de segments longs appartenant à une langue B dans une phrase appartenant
39
Chapitre 03 : Analyse des séquences.
àune langue A. on peut dire que ce type d’alternance prend la forme de deux phrases qui
se suivent, chacune des phrases relevant d’un code différent, par exemple :
«Ce que tu vois là Younes, c’est la trace de nos ancêtres. Hatta lyoum w rak f had l
costume chbab, amrek ma tanssa mnine jite. » [ħɛta ljum w rak f hɛd kɔstym ʃbɛb
ʕamrɛk ma tɛnsa mnin Ʒit], qui signifie en français que même si aujourd’hui tu es dans ce
beau costume, n’oublie jamais d’où tu viens.
Dans l’exemple cité, le locuteur qui est Mohammed, après avoir commencé un
énoncéen français, pratique une alternance codique inter-phrastique en passant àsa langue
maternelle qui est l’arabe dialectal en s’adressant directement à son neveu Younes.
«Mohammed : Vous ne pouvez pas rester ici, khamam. » [xamɛm] qui signifie
«réfléchis »en langue française.
Dans cet exemple, le locuteur qui est Mohammed en s’adressant à son frère Aissa
introduit un mot en arabe dialectal dans un énoncé en français, sans pour autant
transgresser les règles grammaticales de celui-ci. Mohammed a donc pratiqué une
alternance codique intra-phrastique.
«J’ai rien dit, w rass yemma ya Madeleine. »[w ras jɛma ja]
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Chapitre 03 : Analyse des séquences.
W rass yemma (qui signifie sur la tête de ma mère en langue française), azizti (qui
signifie ma chérie en langue française) et nchallah (qui signifie si Dieu le veut en langue
française) ne sont que de petites unités qui viennent ponctuer le discours. Généralement,
quand le locuteur recourt à ce type d’alternance, c’est qu’il est un bilingue mais qui n’est
pas vraiment à l’aise dans les deux langues.
A travers cette analyse, nous pouvons dire que les personnages du film «ce que le
jour doit à la nuit »n’emploient que rarement l’alternance extra-phrastique vu qu’elle ne
requiert qu’une compétence minime dans la deuxième langue, cet emploi est beaucoup
plus remarqué chez les français qui ne sont pas à l’aise dans l’arabe dialectal. Ils
emploient des expressions courtes dans cette langue qui peuvent être des insultes tel que :
mahboul (qui signifie fou en langue française), lehmar (qui signifie l’âne en langue
Française) . Dans ce sens Kerbrat-Orecchioni cite que ces termes renvoyant à l’agression
verbale sont-ils vraiment classés par les dictionnaires comme termes péjoratifs. Elle
s’interroge également si tout énoncé agressif est-il réellement une insulte. D’un point de
vue de la pragmatique de l’interaction, l’insulte a une fonction d’adresse portant un
jugement de valeur négative. Cette fonction peut prendre différentes formes. Pour notre cas,
il s’agit d’une forme nominale.
Nous avons relevéégalement des expressions figées telle que : tabka ala khir (qui
signifie au revoir en langue française). Ces derniers, comme nous l’avons mentionné, ne
sont pas à l’aise avec l’arabe dialectal, mais ils veulent quand même faire état de leur
affiliation ethnique en maniant les deux langues dans une même conversation.
L’alternance intra-phrastique, quant à elle, ne peut être pratiquée que par ceux qui
maitrisent les deux langues. Elle nous permet de juger le degrédu bilinguisme du locuteur,
selon sa capacité pour ce type d’alternance où les deux langues sont hautement intégrées
l’une à l’autre. Les personnages de notre film font recours à ce type d’alternance mais cet
usage reste quand même assez limité. Si cela prouve une chose, ce serait alors celle que les
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Chapitre 03 : Analyse des séquences.
Première position alors, dans ce film, pour l’alternance inter-phrastique qui ne fait
que mettre l’accent sur le fait que dans la plupart des cas, les Algériens (les campagnards)
ne maitrisaient pas parfaitement le français et que leurs compétences dans la langue étaient
limitées. Ils ont donc créécette façon de communiquer pour combler les lacunes qu’ils ont
dans la deuxième langue en intégrant des expressions de leur première langue. Ils
alternaient entre deux segments longs appartenant àdeux systèmes linguistiques différents
(arabe dialectal et français) pour une plus grande facilité d’élocution par rapport à
l’alternance intra-phrastique. Alors que dans d’autres cas, où les locuteurs étaient beaucoup
plus à l’aise dans les deux langues, ils utilisaient l’alternance codique parce que c’était le
meilleur moyen qu’ils trouvaient pour bien transmettre leur message comme ils le
souhaitaient.
Vu que l’analyse des fonctions constitue l’une des étapes importantes lors d’une
étude de ce phénomène d’alternance codique, nous nous sommes basée sur la grille
fonctionnelle de GUMPERZ (1989) pour pouvoir comprendre ce fonctionnement dans
notre corpus :
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Chapitre 03 : Analyse des séquences.
la citation
1%
6%
23% la désignation d'un locuteur
23%
L'interjection
7%
la réitération
40%
La modélisation d'un message
personnalisation vs
objectivation
Nous remarquons que les fonctions les plus présentes sont : l’interjection, la
désignation d’un locuteur et la modélisation d’un message.
De ce fait nous pouvons dire que les personnages du film «ce que le jour doit à la
nuit » passent du français à l’arabe dialectal et de l’arabe dialectal au français dans leurs
productions langagières pour des intentions diverses.
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Chapitre 03 : Analyse des séquences.
Ensuite, les personnages utilisent cette alternance entre les deux codes (arabe
dialectal et Français) quand ils s’adressent directement à une personne spécifique, c'est-à-
dire sélectionner un interlocuteur et distribuer le tour de parole. Ainsi, le locuteur choisi la
langue dominante de la personne àlaquelle il s’adresse et fais usage de cette langue qu’ils
partagent tous les deux.
Exemple : «Mohammed : de toute façon même pour le petit on peut pas rester ici.
Younes, arwah weldi andi hadra maak »[junɛs arwaħ wɛldi ʕɛndi hadra mʕɛk]
Mohammed utilise l’expression en arabe dialectal (qui signifie viens mon fils j’ai
quelque chose à te dire en langue française) en s’adressant à Younes après avoir parléà
Madeleine en utilisant la langue Française. Il a donc utilisé la langue qu’il partage avec
Younes pour s’adresser directement à lui et exclure Madeleine de la conversation.
Les personnages ont aussi tendance à traduire une prise de position ou des
informations qu’ils ont à transmettre en utilisant l’arabe dialectal et le Français. Ils forment
des énoncés en exprimant leurs points de vue par rapport au contenu, c’est ce que l’on
appelle : la modalisation d’un message.
Le segment inséréen arabe dialectal (et qui signifie réfléchis en langue Française) ne
vient que mettre l’accent sur le segment en Français qui le précède. Mohammed transmet à
44
Chapitre 03 : Analyse des séquences.
son frère Aissa une information (en langue française) puis il lui demande d’y réfléchir en
utilisant leur langue maternelle àtous les deux (arabe dialectal).
Il est fréquent aussi de noter que dans un acte de parole, un message dit d’abord
dans une langue est répété dans une autre, dans le but d’éclaircir ce qui a déjà été dit tout
en mettant l’accent sur une certaine information, l’énoncé est donc une sorte
d’enchainement de deux segments synonymes dans deux langues différentes.
Exemple : «Aissa : ca fait combien d’années que tu n’es pas venu nous voire ?
Thamn snine ! Huit ans ! » [θɛmn snin]
«Thamn snine » et «huit ans » sont des expressions synonymes, l’une en arabe
dialectal et l’autre en Français. Ici, Aissa a utilisé le code switching en réitérant son
message pour mettre l’accent sur la durée d’absence de son frère et insister sur ce fait et
lui donner de l’importance.
«Mohammed : Lala Fatma, ton arrière grande tante, tu sais ce qu’elle m’a dit ? Elle
m’a dit «arwah zorni, arwah tchoufni »on ira tous les deux sur sa tombe, tu verras c’est
en haut d’une colline ».
L’expression «arwah zorni, arwah tchoufni » [arwaħ zɔrni arwah tʃufni] en arabe
dialectal et qui signifie «viens me rendre visite, viens me voir»en langue française est une
citation. Mohammed rapporte donc ce que Lala Fatma lui a dit tel qu’elle l’a dit et avec la
langue qu’elle a utilisétout en se distanciant du contenu de cette citation.
Comme nous l’avons déjà cité dans le premier chapitre, l’emprunt est considéré
comme le phénomène le plus important qui découle du contact des langues. La situation
d’emprunt commence à partir du moment où les choses sont introduites dans la langue
étrangère et oùla communautélinguistique accueil àla fois les référence et le terme qui les
désigne. Par exemple :
«Djelloul : vous moquez pas, elle lui allait bien cette djellaba » [Ʒɛlaba]
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Chapitre 03 : Analyse des séquences.
Le terme «Djellaba »en arabe dialectal, qui désigne une robe àmanches longues et à
capuchon, portée par les hommes et même les femmes en Afrique du Nord, est utilisétel
qu’il l’est dans cet énoncéproduit en Français par Dédé(Français de souche) parce qu’il
n’a pas d’équivalent dans cette langue. Ce terme de l’arabe dialectal est entré donc, sans
aucune modification, dans le système linguistique de la langue Française (la langue
d’accueil).
Vu que les deux systèmes phonologiques des deux langues diffèrent, une certaine
difficulté en intégrant le terme dans la deuxième langue s’installe. Il faudrait alors passer
par une adaptation phonologique du terme avant de l’intégrer dans le système de la langue
d’accueil.
Dans notre corpus Ibliss, algérien de souche qui travaille avec les Français, ayant
l’arabe dialectal comme langue maternelle, utilise la langue Française pour ses échanges
avec ceux avec lesquelles il travaille. Il utilise toujours des traits phonétiques, lexicales ou
morphosyntaxique propres àsa langue maternelle dans ses productions en langue Française.
Mais ce phénomène reste très peu figurédans notre corpus.
Par exemple : Ibliss : «je les ai vues comme je vous voie madame »
Dans cet exemple, Ibliss voulait affirmer à Madeleine qu’il les a vues (la mère et la
sœur de Younes), il a donc traduit directement de sa langue maternelle vers la langue qu’il
utilise dans ses échanges avec Madeleine (langue Française), preuve de ses compétences
limitées en la langue Française. Cette expression en Français que Ibliss à utiliser est la
traduction du mot à mot de l’expression de l’arabe dialectal « chefthoum kima rani nchouf
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Chapitre 03 : Analyse des séquences.
fik » [ʃɛfthum kima rani nʃuf fik]. Nous considérons ceci comme une «interférence
lexicale ».
L’arabe dialectal (appelé Darja) est la langue utilisé par la majorité de la population
Algérienne, comme elle est la principale langue véhiculaire dans notre pays. Elle a pour
origine l’arabe, le berbère, le Français et même l’espagnol et le turc.
L’accent de l’arabe dialectal diffère d’une région à une autre. A titre d’exemple,
l’accent d’un Annabi diffère de celui d’un Tlemcennien, et celui d’un Algérois diffère de
celui d’un Oranais, de ce fait, une certaine difficulté de compréhension entre les différentes
régions s’installe, toutefois, cela ne constitue absolument pas un obstacle pour la
communication mais cet accent représente beaucoup plus le moyen qui nous permet de
déchiffrer la région du locuteur Algérien.
Il faut noter aussi qu’il est très facile de reconnaitre un kabyle qui utilise l’arabe
dialectal, ce dernier ayant certainement un accent marquéqui nous poussera tout de suite à
deviner ses origines Kabyles.
Comme cité plus haut, les accents permettent de reconnaitre l’origine du locuteur
grâce aux différents synonymes que peuvent avoir certains mots.
Pour ce qui est de notre corpus, nous avons relevé deux accents qui dominent les
interactions entre les personnages :
1) L’accent oranais
2) L’accent algérois
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Chapitre 03 : Analyse des séquences.
Nous essayons à présent de dire que cet accent est la variante régionale de l’Ouest.
Cet accent est marqué par l’arabe algérien, avec des substrats Berbères et Espagnols. Nous
illustrons nos propos à l’aide du tableau ci-dessous :
Khammam Réfléchis
Belkhouf Rapidement
Arwah Viens
Khchine Dur
Nselkou Je le sauve
Rouh Va-t’en
Gwar Français
Mekhyounine ? Volés
Rayah Il part
Drahem Argent
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Chapitre 03 : Analyse des séquences.
Nous pouvons dire que l’accent oranais est produit par un contour plat ou légèrement
montant ou descendant. La dernière syllabe est toujours montante précédépar une descente.
Il est aussi reconnu par l’allongement.
Pour ce qui est de la phrase déclarative, l’intonation est plate, notamment lorsqu’il
s’agit de la forme verbale tels que « goulte », «chaft gware », «naatik draham ».
Khlass Ça y est
Stenna Attends
Hakda Comme ça
Kifech ? Comment ?
Lazem Il le faut
Qouli ? Dis-moi ?
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Chapitre 03 : Analyse des séquences.
Ya khi Oh lala
Ezreb Dépêche-toi
Yarja3 Il revient
Neqotlo Je le tue
Khod Marie-toi
Yelzem Il le faut
Baba Papa
Yemma Maman
Yallah Allez-y
Emchi dégage
Concernant la déclarative dans l’accent algérois, l’intonation est caractérisée par une
descente de la dernière syllabe avec une variation mélodique surtout lorsque le locuteur
parle avec emphase et implication, comme par exemple «madabiya naawnek », «je fais ça
ala jalek », tandis que l’intonation concernant l’exclamative est un peu descendante vers la
fin du segment, et se caractérise par l’augmentation de la durée et l’intensité. Il faut
reconnaitre que l’accent algérois est doux par rapport à l’accent oranais qui semble plus
dur.
L’accent campagnard
C’est celui des locuteurs vivant à la compagne. Dans notre film, Nous constatons la
présence de cet accent dans le parler de Aissa ou de celui de sa femme, comme dans
l’exemple suivant :
La femme de Aissa : «nshallah tssib khdima Aissa »[nʃalah tsib xdima ʕisa]
L’expression signifie « j’espère que tu trouveras un travail Aissa » en langue
Française. Le mot «khdima »signifie «travail »en langue française. «Khdima »en accent
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Chapitre 03 : Analyse des séquences.
campagnard est le même mot que «khadma » [xadma] en accent Oranais ou Algérois, c’est
juste la prononciation qui change selon la région dans laquelle se trouve le locuteur.
Toutefois, ce changement de prononciation n’a aucun impact sur la compréhension et le
sens reste toujours saisissable.
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Conclusion
Conclusion
C’est ainsi que nous avons tenté, comme nous l’avons mentionné plus haut, de
comprendre le phénomène d’alternance codique dans notre société, tout en présentant notre
travail en trois parties.
De ce fait, dans la deuxième partie, nous avons énuméré les typologies des
alternances codiques comme nous avons relevé tous les types en présence dans notre
corpus ainsi que leurs fonctions.
Ceci en nous basant sur le film Français d’Alexandre Arcady, «ce que le jour doit
à la nuit », basé sur l’ouvrage de Yasmina Khadra. La raison de notre choix étant la
richesse de ce phénomène tout au long de ce film.
Celles-ci seraient un acquis historique dont les causes en seraient d’une grande part,
le passé colonial de l’Algérie et son impact sur la situation linguistique dans ce pays. A
savoir que l’utilisation de la langue est avant tout propre àun milieu, un individu ou une
communautébien précise, la langue reste donc liée étroitement à l’identité.
Toutefois, l’analyse des types d’alternances relevés, nous a fait constater que
l’alternance de type inter-phrastique est la plus répandue dans les productions langagières
des personnages de ce film. Nous en avons déduit donc, que ces personnages recouraient à
ce phénomène et plus précisément àce type d’alternance, essentiellement pour une grande
facilité d’énonciation.
Ceci nous l’avons confirmé après une analyse des fonctions de ces alternances
présentes dans le film : ces personnages, ne recouraient pas à l’alternance entre l’arabe
dialectal et le Français parce qu’ils sont dans l’incapacité de s’exprimer dans cette
52
Conclusion
deuxième langue, mais bien au contraire, le but de ces derniers est de se faire mieux
comprendre et faire en sorte que leurs idées soient transmises tel qu’ils le voulaient.
Nous pouvons dire, qu’après cette analyse du film «ce que le jour doit àla nuit »,
nous avons pu confirmer toutes les hypothèses émises en amont de notre étude.
Sachant que ce film étant situé dans le temps, c’est à dire à l’époque où les
Algériens commençaient à peine à mélanger l’arabe et le Français dans leurs conversations,
quelles en seraient l’amplitude de la progression de ce phénomène sur notre langage
quotidien à notre heure actuelle ? Et quelles seraient les étapes de changement par
lesquelles le langage ou la façon de parler des locuteurs seraient passéau fil du temps ?
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Références
Bibliographiques
Références bibliographiques
Ouvrages
HAGEGE, C. L’enfant aux deux langues. Paris, Odile Jacob. 1996, 298.
SCOTTON, C, M. & URY, W, bilingual strategies : the social fonctions of code switching.
In : la linguistique, 1977.
Articles
MEOUAK, M. Langues, société et histoire d’Alger au XVIII siècle d’après les donnés de
Venture de Paradis (1739-1799). IRMC, 303-329.
MORSLY, D. (1996). Génération M6, le Français dans le parler des jeunes Algérois.
Plurilinguismes, n°12.
Passage 01 :
El-Gaïd : j’avais été en ville w goult, tiens je vais faire un demi-tour hakda nchouf nssibi
aissa wirahou w kifesh rahou ayesh. Ton champ il est beau à voire, ta récolte va être
magnifique, c’est pour quand ?
Aissa : baraka lahou fik sid El-Gaïd, nchallah dans un mois je vous rembourse.
El-Gaïd : réfléchis.
El-Gaïd : Rassek khchine, khchine kima les mahi-eddine. Ana tani rassi khchine, un jour
j’arriverai à te convaincre, bqa ala khir.
Passage 02 :
Aissa : à Oran c’est pas toi qui cherches le travail, c’est le travail qui te trouve.
Passage 03 :
Mohammed : ana li nsaalek, ana khouk lekbir, tu arrives sans prévenir et je te trouve dans
un taudis, chassralek ?
Aissa : manashaqaksh.
Mohammed : pas possible, c’est toi Younes haha, c’est pas vrai, Zahra, ana khalkoum
Mohammed, tu me reconnais pas ?
Aissa : kifesh habit yaaklouk, sa fait combien d’années que tu n’es pas venu nous voire,
thamn sanine, huit ans que tu n’es pas venu te reccueillir sur la tombe de nos parents.
Mohammed : écoute Aissa, koul ma nahder maak nkhaf najarhek , wana madabiya ghir
nawnek, tu as une, deux enfants.
Aissa : ayalti !
Mohammed : qu’est ce que tu veux faire de lui ? Un cireur de chaussures, c’est ça que tu
veux ?
Mohammed : tu sais ce qu’il ya de terrible chez nous ? C’est l’orgueil, et toi tu n’est qu’une
montagne d’orgueil. Une montagne d’orgueil, voilà ce que tu es.
Passage 04 :
Aissa : pourquoi tu me regardes comme ça ? lazem tthik fiya, ana babek, rak tasmaa,
babek. matkhamouch, rabi maana , on va y arriver inshallah.
Sa femme : inshallah.
Annexes
Passage 05 :
Aissa : un homme qui ne peut plus ramener d’argent pour nourrir sa famille, tu sais ce que
c’est chez nous, rajel mayett, mayett, il est mort, son cœur bat, il respire, mais il est mort, et
il le sait.
Aissa : tu crois que je suis fini, c’est ça que tu crois, w jahdek hna, c’est cette douleur que je
ressens au fond de moi.
Passage 06 :
Aissa : andek lhaq, je ne suis plus capable de le garder. Donne-lui sa chance. Younes,
menenkorch, tabqa daymen wlidi, maktoub rabbi.
Passage 07 :
Passage 08 :
Mohammed : ce que tu vois là Younes, c’est la trace de nos ancêtres, hatta lyoum w rak f
hed l costume chbeb, amrek ma tanssa mnine jite, jamais.
Passage 09 :
Passage 10 :
Mohammed : Bonjour mon garçon, rak takhdem mlih ? qouli wesh sra fel madrassa
lyoum. Ta tante me dis que tu es rentré fâcher, tu peux me parler Younes, je suis comme ton
père tu le sais.
Younes : il y en a un en classe, il a dit que les arabes étaient des paresseux, c’est vrai ?
Mohammed : Bien sûre que c’est vrai, enfin, c’est ce que les Français disent parce que nous
les arabes on prend le temps de vivre et ça ils veulent pas le comprendre. Pour eux le temps
c’est de l’argent, et pour nous, c’est la liberté qui n’a pas de prix. Viens, je vais te montrer
quelque chose, arwah, regarde c’est Lala Fatma, ton arrière grande tante, à l’arrivé des
Français, elle a réuni toute une armé et elle s’est battu comme une lionne. Tu sais ton père à le
même caractère que Lala Fatma, tu peux être fière de lui.
Mohammed : lui, c’est un très grand monsieur, il s’appelle Missali Lhadj, Tfakar mlih hed l
assm. Il va rendre sa dignité au peuple Algérien.
Passage 11 :
La mère : il faut que tu rentres chez ton oncle maintenant, ton père il rentre tard, darwek
hyatek tem.
Passage 12 :
Ibliss : elles étaient allées chercher de l’eau, la bombe les a tuées net, je les ai vues comme je
vous voie, toutes les deux, la mère et la fille, allah yanaal lklab.
Ibliss : elles n’ont plus eu de nouvelles de lui depuis longtemps, on raconte qu’il est parti dans
le sud, dans le désert même, allah yaster.
Passage 13 :
Mohammed : ils me font libérer pour faire croire que je trahis les miens, je suis déshonoré
Madeleine, ils me font passer pour un mouchard, j’ai rien dit, w rass yemma ya Madeleine
nahleflek j’ai rien dit.
On va tout vendre, la maison, la pharmacie, c’est terminé pour moi ici, khlass, on s’en va.
De toute façon même pour le petit on peut pas rester ici. Younes arwah weldi, andi hadra
maak, il va te falloir beaucoup de courage.
Passage 14 :
Mohammed : qu’est ce qui t’a pris de dire que c’est notre fils ?
Madeleine : et qu’est ce qui tu voulais que je dise ? Que sa mère est morte dans la ville et
qu’on sait pas où est son père ? Ici personne ne nous connait, il porte ton nom de toute façon.
Passage 15 :
Le domestique : bghit tdarag wajhek, bessah ana belkhaf faqt bik, wesh rak dir m3a
lagwar ? Elle est au courant mademoiselle ? yakhi kedab yakhi !
Passage 16 :
Mohammed : wine rak rayeh ? Ne va pas trop loin et soit prudent s’il te plait !
Passage 17 :
Dédé : vous moquez pas, elle lui allait bien cette djellaba.
Passage 18 :
Dédé : Ah j’ai oublié ! Aya rouh jibou nta, ezreb, imchi, à pied ça t’apprendra.
Passage 19 :
Mohammed : la prochaine fois c’est moi qui la ferais, dib yabqa dib.
Passage 20 :
Dédé : tu me parles plus comme ça devant mes amis, tu as compris ? Baisse les yeux, lehmar,
baisse les yeux !
Passage 21 :
Djelloul : il était saoul, il m’a tabassé, oueld lkalb louken yarjaa wallah noqotlou. Je veux
rentrez chez moi.
Djelloul : regarde, c’est là que j’habite, c’est ça notre place dans ce pays, chouf mlih, même
dieu nous a abandonné.
Djelloul : je te les rendrais un jour, saha khouya, maintenant va rejoindre tes amis, bessah
omrek ma tanssa beli nta arbi kifna w samawek Younes.
Passage 22 :
Mohammed : je t’ai mis vingt mille franc dans la valise sous les chaussettes, dib yabqa dib.
Passage 23 :
Younes : cava ?
Mohammed : bien sûre que çava. Tu as vu cette lune ? Ya que chez nous qu’on a des lunes
pareilles.
Younes : qui ?
Mohammed : Lala Fatma, ton arrière grande tante.et tu sais ce qu’elle m’a dit ? elle m’a dit
« arwah zorni, arwah tchoufni »on ira tous les deux sur sa tombe, tu verra c’est en haut
d’une colline.
Annexes
Mohammed : khod mra Younes, w habha ktar melli yalzem, keli mataarafsh dir haja
okhra fi had denya. Souviens-toi, si une femme te donne son amour, tu pourras toucher
toutes les étoiles. Maintenant laisse moi je vais m’assoir.
Passage 23 :
Simon : mais alors ? Tu m’as pris pour un gangster ou quoi ? Remballe moi ça ya le petit c’est
dangereux là, Mahboul !
Passage 24 :
Djelloul : Allez descend, rah yatfaragh men demou, ya rabi glaalah had rssas.
Djelloul : Madeleine je garde ton fils avec moi. Aya lkhawa barra.
Passage 25 :
Djelloul : pour la semaine prochaine prépare des médicaments et dépose-les au pied de cet
arbre. Et Younes ? Ma tenssash wesh ndirou lel bayaa, allez, va-t’en, yallah.
Annexes
Passage 26 :
Krimo : tes amis ont égorgé Simon avant de mettre le feu et tirer, ila tawed tdawihoum ya
wallahi noqotlek.
Passage 26 :
-Tabaana.
Passage 27 :
Passage 28 :
Djelloul : nta mahboul, c’est la folie là-bas. Les rues sont dangereuses, on contrôle pas
encore tous les quartiers.
Younes : Merci.
Passage 29 :
Introduction
-Préambule…………………………………………………………………………….....01
-Présentation du corpus…………………………………………………………………..01
-Problématique…………………………………………………………………………...03
-Hypothèses de recherche……………………………………………………………..…03
-Objectif de la recherche……………………………………………………………….…04
2.1. Le bilinguisme…………………………………………………………………….….09
2.2. La diglossie……………………………………………………………………….…12
2.5. L’emprunt………………………………………………………………………..……18
2.1. L’emprunt…………………………………………………………………………….45
Conclusion…………………………………………………………………………….…52
Bibliographie………………………………………………………………………….....55
Annexes