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REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE

MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE

LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

UNIVERSITE ABDELHAMID IBN BADIS MOSTAGANEM

Facultédes langues étrangères

Département de français

Mémoire de fin d’étude en vue d’obtention du diplôme

De master

Option : Didactique des langues étrangères

Thème

L'alternance codique dans


l'adaptation cinématographique de
«ce que le jour doit àla nuit »

Présentépar :
ABDELOUHAB Amel

Membres de jury :

Président: Mme BENSEKAT Malika

Encadreur: Mme TAIBI -MAGHRAOUI Amina

Examinateur: Mme NAHARI-ROBAI Nadjia

Année universitaire : 2018/2019


REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE

MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE

LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

UNIVERSITE ABDELHAMID IBN BADIS MOSTAGANEM

Facultédes langues étrangères

Département de français

Mémoire de fin d’étude en vue d’obtention du diplôme

De master

Option : Didactique des langues étrangères

Thème

L'alternance codique dans


l'adaptation cinématographique de
«ce que le jour doit àla nuit »

Présentépar :
ABDELOUHAB Amel

Membres de jury :

Président: Mme BENSEKAT Malika

Encadreur: Mme TAIBI -MAGHRAOUI Amina

Examinateur: Mme NAHARI-ROBAI Nadjia

Année universitaire : 2018/2019


Remerciements

Tous mes remerciements àma directrice de recherche Madame


MAGHRAOUI Amina avec laquelle j’ai eu la chance de travailler, pour sa
patience, ses précieux conseils, son orientation, et qui a fait de son mieux
pour que notre mission soit menée àbien.

Je remercie également les membres du jury d’avoir accepté d’examiner


ce travail.
Dédicace

Au plus merveilleux des pères, papa.

A ma source d’enthousiasme et de positivité, Oumi !

Mon puit de tendresse qu’est mama Fatima.

Ma merveilleuse grand-mère

Mon très cher frère qui est toujours làpour moi, Aboubakre

Malika, la plus ambianceuse des sœurs

Et A toute ma petite bande d’amies spécialement Imene, Fadila & Kawthar

Je vous dédie ce travail, en reconnaissance de votre amour et de votre soutien


infaillible.
Introduction
Introduction

Comme il est de fait incontestable et irrémédiable de par le monde, nul peuple, nul
communauté, n’est à l’abri des croisements culturels et de la diversité linguistique.

L’Algérie par exemple, et par excellence dans notre travail, connait une situation
linguistique très complexe par la présence de plusieurs langues et dialectes manipulés à la
guise des locuteurs et selon les convenances de leurs situations linguistiques.

Il existe un contact entre ces langues. Ce dernier est visible partout : dans
l’administratif, les médias, l’éducation et surtout la vie de tous les jours qui est le vrai bol à
mixé de la population, où cette dernière alterne entre l’arabe (dans toutes ses formes), et le
Français surtout, sans même en être conscient, d’une façon innée, comme s’ils l’avaient hérité
de leurs ancêtres.

En regardant ce film de «ce que le jour doit à la nuit », nous avons remarqué la
présence du phénomène en question, d’où notre choix, pour notre étude que voici.

Nous avons choisi donc de nous y baser pour pouvoir étudier ce phénomène ou une
spécialité de ce phénomène qui est l’alternance codique de par sa richesse en la variété de ses
alternances et leurs multitudes.

Le sujet de notre recherche porte donc sur une observation puis une analyse de ce film
«ce que le jour doit à la nuit », qui est une adaptation cinématographique du roman de
Yasmina Khadra, film Français d’une durée de deux heures quarante minutes, réalisé par
Alexandre Arcady et diffuséen France puis en Belgique le premier septembre 2012.

Présentation du corpus
Avant de présenter notre corpus sur lequel nous avons réalisénotre travail, nous avons
préféréde parler brièvement du corpus en sociolinguistique. Cette dernière favorise le terrain
en étudiant la langue dans son usage quotidien.

Sa méthode consiste àenregistrer les locuteurs dans des interactions ordinaires. Pour
notre cas, cela est fait dans un cadre médiatique, c’est-à-dire des interactions dans le film en
question. Dans ce sens John Sinclair définit «le corpus comme étant «une collection de
ressources langagières sélectionnées et organisées à partir des critères linguistiques
explicites et destinées à servir d’échantillons représentatifs »

1
Introduction

Quant àMaingueneau (2009: 39), il le définit comme «un recueil plus au moins large,
parfois exhaustif, de données verbales ou non verbales [...] que l'on veut étudier. »

Passons maintenant à la présentation de notre corpus d’étude, il s’agit d’une adaptation


cinématographique de «Ce que le jour doit à la nuit » de l’auteur algérien d’expression
française appelé «Yasmina Khadra » de son vrai nom Mohammed Mouleshoul » l’homme
qui a emprunté les deux noms de son épouse afin d’être publié dans une période hostile, celle
de la décennie noire en Algérie. . Le roman a étéécrit en 2008, toutefois le film est projeté
pour la première fois en 2012 en France et en Belgique.

L’histoire raconte non seulement le malheur du peuple algérien à cette époque


coloniale (1936/1962), mais ses valeurs, son honneur, sa fierté et ses drames et espérance.
Suite àla ruine de Aissa , père de Younes qui sera confiéàMohamed, son oncle paternel
marié à une française appelée Madeleine. Un couple assez riche et sans enfant habitant
l’Oranie à l’Ouest Algérien afin de lui offrir une meilleure vie. En quittant la ville d’Oran
pour aller s’installer à Rio Salado, un village aux environs de la ville de Ain témouchent,
Younes rebaptisé Jonas rencontra Emilie et à partir de là, commença une histoire d’amour
entre un Algérien et une Française. Une histoire entre deux cultures, et deux identités.

Motivation

Notre motivation découle de notre lecture du roman «Ce que le jour doit àla nuit »de
Yasmina Khadra. C’est une histoire que nous avons énormément apprécié et aimé, tout
d’abord parce qu’elle raconte une histoire d’amour, et ensuite parce que cet amour, il est
interdit par la famille de la française Emilie. C’est une histoire qui date des années de
l’Algérie colonisée.

A la sortie du film, nous avions hâte de le regarder. Il faut dire que nous l’avons vu
plusieurs fois, ce qui a poussénotre curiositéscientifique àentamer une recherche là-dessus.

Au départ, c’est-à-dire avant le visionnage du film, nous pensions que cette adaptation
était réalisée uniquement en langue française, toutefois nous nous sommes rendu compte que
certaines pratiques langagières étaient en langue arabe , notamment l’arabe algérien, dit
également dialecte algérien. Il nous a paru pertinent et original d’appréhender ces échanges
lors de cette recherche.

2
Introduction

La particularité de cette recherche c’est qu’elle s’intéresse aux pratiques langagières en


usage dans ce film. Nous nous intéressons au procédé de l’alternance codique comme étant
une solution, ainsi qu’une source supplémentaire dans les différentes situations de
communication, particulièrement chez les personnages de souche algérienne. Deux types
d’alternance ont orienté notre réflexion, les travaux de Grumperz, et de Poplack.

Problématique

Le présent travail prend son origine des phénomènes d’alternance codique et mélange
de langues dans l’adaptation cinématographique « Ce que le jour doit à la nuit » écrit par
Yasmina Khadra.

Nous essayons à travers ce travail d’identifier les différentes situations de contacts de


langues, puis les comprendre et enfin les traduire et les transcrire. Notre problématique
s’articule autour des questions suivantes :

 Quel est l’objectif de la présence de l’alternance codique dans le film ?


 A quel moment du film les personnages font-ils recours à l’alternance codique ? et
pourquoi ?
 Cet usage met-il en avant la vraie identitéarabo-Algérienne ?

Hypothèses de travail

Pour mener àbien notre travail et aboutir àune meilleure compréhension de l’objet de
cette recherche, nous avons émis les hypothèses suivantes :

 L’alternance dans ce film témoignerait de la bilingualité et la compétence linguistique


du locuteur Algériens.
 Les personnages du film feraient recours à l’alternance codique dans un même acte de
parole ou entre deux actes de parole dans le but de combler leurs lacunes dans la
deuxième langue.
 Cet usage montrerait les influences des aléas de l’histoire et du temps et expliquerait
leurs conséquences linguistiques sur le parler quotidien des Algériens.

3
Introduction

Pour mieux conduire notre recherche et apporter des éléments de réponses à notre
problématique, nous l’avons divisée en trois chapitres :

Dans le premier chapitre, nous allons présenter un aperçu de la situation


sociolinguistique de notre pays. Nous allons aussi nous attarder sur les notions du bilinguisme,
diglossie, emprunt et bien évidemment l’alternance codique sur laquelle est centrée notre
recherche.

Le deuxième chapitre sera consacré aux théories relatives à la typologie des


alternances codiques, sur lesquelles nous allons nous basé.

Ainsi, le troisième et dernier chapitre, sera consacré à l’analyse des séquences du film :
une analyse d’abord qualitative dans laquelle nous relèverons tous les énoncés contenant le
phénomène étudié, nous essayerons d’analyser les différents types ainsi que fonctions figurant
dans les énoncés déjà relevés puis une analyse quantitative où nous essayerons d’éclaircir ce
qui a déjàétédit.

Méthodologie de travail

La méthodologie que nous allons suivre dans ce travail, se base sur la


sociolinguistique interactionnelle de Grumperz et Poplack. Nous avons visionnéplusieurs fois
le film afin de pouvoir relever les passages de contacts de langues et les analyser. Pour
simplifier l’accès et le traitement du corpus, nous avons jugé nécessaire de traduire d’abord
ces passages relevés de la langue arabe à la langue française, puis les transcrire. Cette
opération nous permet de laisser une trace écrite de traits oraux.

La transcription choisie est d’ordre phonétique puisqu’il s’agit de passages en langue


arabe. La traduction est faite également, soit de la langue arabe en français, ou parfois en
français lorsqu’il s’agit de segments en arabe.

Objectifs de la recherche

Notre objectif principal dans le présent travail est de comprendre et cerner les usages
alternatifs entre l’arabe et le français dans une adaptation cinématographique du roman « Ce
que le jour doit à la nuit » d’un écrivain algérien. En plus, nous avons voulu démontrer,
décrire et clarifier les situations discursives et conversationnelles dans cette production dans

4
Introduction

laquelle les personnages sont de nationalités algérienne et française et dont leur discours
contient deux ou plusieurs codes linguistiques.
Notre objectif personnel était de faire une sorte de comparaison entre l’histoire lue et
l’histoire regardée.

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Chapitre 01 :
La Situation sociolinguistique en
Algérie
Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.

Partout dans le monde, les langues entrent en contact et se mélangeant donnant


naissance à des phénomènes divers ainsi qu’à des situations sociolinguistiques complexes.

1. La situation sociolinguistique en Algérie

«Traversée par plusieurs peuples (Phéniciens, Romains, Vandales, Byzantins,


Arabes, Portugais, Espagnols, Turcs et enfin Français) qui se sont succédés pour
occuper un espace géographique déjà habité par les populations berbères,
l’Algérie à été un carrefour de civilisations et un lieu de brassage sociolinguistique
que l’on peut percevoir dans la réalité des pratiques langagières actuelles »
(IBRAHIMI, MORSLY, 1995, 1988)

L’Algérie à été donc, depuis toujours, un lieu de succession de peuples et de


civilisations, ce qui a permis à différentes langues d’entrer en contact pour faire de ce pays
un pays plurilingue par excellence.

Cette coprésence des langues a donnénaissance àune situation très complexe oùces
dernières en contact semblent créer des pratiques langagières qui perdurent et se répandent
de plus en plus tel que le bilinguisme, l’emprunt, l’interférence, l’alternance codique… etc.

Cette variétélinguistique est représentée par trois (03) sphère langagières :

1.1. La sphère arabophone

La langue arabe a été introduite au Maghreb au septième siècle et a été considéré


comme vecteur de l’islamisation et de l’arabisation de cette région. A la veille de
l’indépendance de l’Algérie, cette langue a connu une grande expansion : elle est devenue
la langue officielle et nationale du pays ainsi que la langue de scolarisation. En plus de
l’école, l’arabe classique est utilisépar les médias ou les administrations. Nous notons ici,
que l’Algérie a tenté de promouvoir la langue arabe en se dotant d’institutions et
d’académies de la langue arabe crées en 1986 et 1998 et le bilan de ces dernières fut
négatifs. On en déduit donc qu’elle est une langue écrite et ne représente en aucun cas le
parler ordinaire de tous les jours des algériens.

Par ailleurs, c’est les variétés de cette langue « qui possèdent la vitalitéla plus forte »
comme l’affirme DJAMILA SAADI (1995 : 129-133). Ces variantes locales et régionales

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Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.

constituent la véritable identité du citoyen Algérien, étant pour la plupart, leurs langues
maternelles.

De ceci, il est très facile de reconnaitre en Algérie l’arabe standard du langage rurale
ou campagnards d’une part, et d’autres parts, celui d’un citoyen kabyle et d’un autre
algérois et àchaque région sa particularité d’Est en Ouest et du Sahara àla cote.

Cet arabe dit ‘dialectal’, considérée comme étant le registre le moins normé de la
langue arabe reste «le véhicule d’une culture populaire, riche et variée » (IBRAHIMI,
2006 : 207-2018).

1.2. La sphère berbérophone

Cette sphère constituée par plusieurs dialectes berbères actuels, constitue le plus
vieux substrat linguistique du Maghreb. Ces parlers amazigh sont représentés
essentiellement par : le kabyle, le Chaoui, le Mozabite et le Touareg.

Face à la vague d’islamisation et d’arabisation de cette région, ces parlers ont reculé
et se sont refugiés dans les régions difficile d’accès comme : l’Aurès, Djurdjura,
Gouraya …etc.

Parlé par une partie infime de la population, le tamazigh est confiné à un usage
strictement oral à l’exception d’une survie partielle d’une écriture Tifinagh. Elle fut déclaré
langue nationale le 08 avril 2002, mais cela n’a pas été suffisant pour l’affirmation de
l’identité berbère en Algérie. Sous la demande des kabyles qu’ils avaient reformulé à
plusieurs tentatives, enfin, elle fût déclarée officielle et fût introduite au système
d’éducation nationale et ce depuis la primaire.

1.3. La sphère des langues étrangères

Pendant l’Antiquité, les langues utilisées en Algérie étaient le latin et le punique,


ensuite vint le turc au 16eme siècle avec l’empire ottoman, qui vint s’ajouter au paysage
berbère déjàconquis par les arabes (les Andalous).

Ensuite, ce fut l’Espagnol qui vient s’ajouter à cette palette dans l’Ouest du pays du
fait de la présence de l’occupant Espagnol àOran pendant trois siècles, et l’Italien à l’Est,
grâce aux échanges maritimes commerciaux et les rivalités entre commerçant marins

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Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.

italiens et pirates Algériens, puis c’est la côte qui est devenue le lieu d’accueil des colons
italiens du fait de la colonisation française.

Mais enfin, la seule langue qui a vraiment laisséson empreinte et a définitivement


marqué en Algérie, malgré l’indépendance ou même après plusieurs décennies depuis
l’indépendance, le parler et la vie quotidienne des Algériens que cela soit au niveau
administratif, scolaire ou familial… c’est surement le français, imposéaux algériens par la
force, le feu et le sang, avec toutes les tentatives du colonisateur pour soumettre ce peuple
à tous les modes de vie des français en partant par la langue en premier plan, et ceci
pendant plus d’un siècle.

Considéré comme une langue d’ouverture vers le monde, le français est aussi la
première langue étrangère du pays, variant entre un registre soutenu et un autre relâché
d’un usage quotidien. Le français a donc fait et fera toujours partie de la réalité
sociolinguistique de l’Algérie.

2. Le contact des langues

Aujourd’hui, les peuples se déplacent et les frontières sont ouvertes pour le libre
échange des biens, ce qui a fait que les langues entrent en contact et ce, dans presque
toutes les cultures et communautés linguistiques.

WEINREICH (1953), le 1er à utiliser ce terme de contact de langue, considère qu’


«il inclut toute situation dans laquelle une présence simultanée de deux langues affecte le
comportement langagier d’un individu ou d’une communauté linguistique »

2.1. Le bilinguisme

C’est la faculté de s’exprimer aisément dans deux langues différentes, au moins. Et il


est très rare que les sujets s’expriment aisément dans les deux langues ; il ya toujours une
langue dominante, mais un vrai bilingue parle les deux langues parfaitement, le peuple
algérien est donc bilingue comme 60% ou 75% du reste de la population mondiale et la
différence reste sur la variétéet le nombre des langues maitrisées àla fois. A savoir langue
internationales ou dialectes.

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Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.

Il peut arriver que des bilingues mélangent des langues s’ils parlent avec quelqu'un
qui comprend leurs deux langues, si un mot choisi ne peut être exprimédans cette langue
alors on le trouve dans l’autre.

2.1.1. Types de bilinguisme


2.1.2. Bilinguisme simultané

Cas du bilinguisme acquis àpartir de la naissance, ce qui donne un bilinguisme fort,


qui s’appelle un bilinguisme additif.

2.1.3. Bilinguisme précoce / successif

Cas d’un enfant qui a déjà acquis partiellement une première langue, et commence
l’apprentissage de la deuxième tôt dans l’enfance par exemple : déménagement d’un pays à
un autre ce qui produit un bilinguisme fort ou additif.

2.1.4. Bilinguisme tardif

C’est celui qui commence après l’âge de six ou sept ans, ou plus tard à l’adolescence
ou à l’âge adulte. Ceci étant un bilinguisme consécutif qui vient après l’acquisition de la
première langue ou après la période du développement langagier de l’enfance

2.1.5. Bilinguisme soustractif

C’est le cas d’une personne qui apprend une langue au détriment de l’autre ; la
maitrise de la première langue diminue par la principale utilisation quotidienne de la
deuxième. Mais, il suffit d’un léger coup de pouce pour que la première langue revienne à
la mémoire.

2.1.6. Bilinguisme passif

Désigne le fait de comprendre une langue sans la parler. (C’était le cas des algériens
pendant la colonisation, certains étaient incapable de s’exprimer en français mais
comprenaient très bien quand on leur parle en cette langue).

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Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.

2.1.7. Le bilinguisme en Algérie au XVIII siècle

Période marqué par la composition de chanson ou poème, notamment du coté


algérien reflétant cette diversité et par l’élaboration d’ouvrages scientifiques, la rédaction
de mémoires et notes de voyageurs qui attestaient une telle interpénétration, et même la
publication d’enquête linguistique effectuépar des observateurs occidentaux de la société
algérienne, comme : ‘al rihla al wartilaniya d’al wartilani’ étudié par M.HADJ SADOCK
(1951) .

MOHAMMED MEOUAK cite que «la mosaïque de population qui constitue Alger
est un trait caractéristique bien connu des historiens, et qui a fait récemment l’objet de
nouvelles études »(T.SHUVAL, 1998 : 13-23).

Phénomène de mixitédés le XVI siècle avec l’entrée de l’empire Ottoman et surtout


dans la seconde moitié du XVIII siècle. Mélange d’algérois à des familles arabes, berbères,
musulmanes, ou juives, les membres de l’administration Ottoman eux même d’origine très
diverses dans l’ensemble du bassin méditerranée, des captifs chrétiens…etc.

JEAN MICHEL VENTURE DE PARADIS, diplomate français et célèbre interprète


du turc ottoman, fait place à des données concernant l’usage de la lingua-franca à
Alger : «elle fut inventée pour servir une nécessitéd’intercompréhension entre locuteurs
de langues différentes facilitant les transactions entre dey d’Alger et d’autres souverain ou
la compréhension entre maitres et esclaves…etc.»d’après la recherche de MOHAMMED
MEOUAK dans le livre de JOCELYNE DAKHLIA : trames de langues : usages et
métissages linguistiques dans l’histoire du Maghreb.

Dans son ouvrage «chants algériens : vers en idiome Barbaresque », VENTURE


DE PARADIS utilise des niveaux et alternances linguistique, passage entre l’arabe
classique, arabe dialectale et quelques termes européens (l’espagnole, italiens…etc.),
comme il nous explique qu’il est difficile de distinguer le bilinguisme de l’emprunt,
l’interférence ou du phénomène du contact des langues et plurilinguisme.

A travers ses observations, ses notes et ses commentaires VENTURE DE PARADIS


a décrit une situation concrète dans laquelle on voit une alternance de langues entre arabe
classique/dialectal et lingua franca (ce qui signifie que les locuteurs étaient bilingues
pendant cette époque) ainsi qu’un bilinguisme entre turc, ottoman et arabe :
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Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.

-Langue de pouvoir, langue autochtone (berbère, arabe) et langue commune ou inter-


langue (lingua franca).

2.1.8. Le bilinguisme contemporain en Algérie

«Cet état de bilingualitéde fait a étéinstaurédepuis plusieurs siècles dans


notre pays. Il remonte à avant la colonisation française et a été à l’origine de
toutes les actions commerciales traitées dans le pourtour méditerranéen » (A.
MEDJDOUB, 2008).

Même du temps des grecques et des romains, il était nécessaire de parler plusieurs
langues pour les échanges entre états et empires. La valeur d’une langue est qu’elle soit
utilisée par plusieurs nations, dans le monde par exemple, l’Anglais et le Français sont les
plus parlés car ils sont la langue d’anciens grands empires colonisateurs, de même que
l’Espagnol en Amérique latine.

2.2. La diglossie

Diglossie, ‘terme grec de basse époque’ diglossia, traduit par dualité de langues.
C’est la présence de deux langues en même temps, dans un même territoire tel que le
français ou l’arabe en Algérie, ou de deux variantes développées de la langue écrite.

Pour PSICHARI (1928), écrivain et philologue français d’origine grecque, diglossie


est synonyme de bilinguisme c’est à dire coexistence dans la nation de deux langues rivales.

FERGUSON (1959), estime qu’elle est la distinction entre deux variétés


génétiquement parentes en usage dans une même communauté. Il souligne «qu’il s’agit de
fonctions complémentaires, dans une relation stable qui a pu durer des siècles comme
c’est le cas de l’arabe du Coran par contraste avec de nombreuses formes dialectales
parlées de l’arabe »(A.T. KELLER, 2006, 109-128).

Ceci étant l’un des cas parmi les quatre proposés par FERGUSON. Les trois autres
étant les relations entre l’Allemand et Suisse-Allemand en Suisse germanophone, Français
et Créole en Haïti et Khatarevusa et démotique en Grèce.

Mais FISHMAN en 1967, va étendre la signification même entre les langues n’étant
pas génétiquement reliées et même pour les coexistences sans réelles durées.

12
Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.

FERGUSON remarque que «diglossie employé par linguistes français aujourd’hui,


implique l’oppression de certaines classes inférieurs par des classes supérieurs »: le
français classique et soutenue qui est reconnu comme la langue de l’état par rapport aux
dialectes régionaux français. (Langue haute et langue basse ou High and Löw).

2.2.1. La diglossie en Algérie

«En Algérie elle apparue en 1962, à l’indépendance avec la politique d’arabisation


et l’adoption de l’arabe classique comme langue nationale et officielle »(BENMAYOUF,
2002 : n°18). Situation de coexistence de deux variétés de la même langue : arabe classique
pour les échanges diplomatique, administratifs, scolaires, médias…, et dialectal, pour les
besoins de la vie de tous les jours.

L’arabe classique hérite d’une tradition grammaticale et littéraire incontestable. Elle


est très riche de tous les points de vue que ce soit pour ses apports scientifiques,
intellectuels, et spirituels ; variante classique écrite, qui permet d’investir les espaces de
l’école, l’édition et la presse, par contre l’arabe dialectal se limite à l’orale. L’arabe
classique est donc reconnue par les institutions alors que le dialectal est mis de coté.

Les répercussions de cette situation diglossique sont nombreuses et de formes


diverses ; celles qui, par exemple, affectent le système éducatif pédagogique, «les élèves
vivent un drame » constate Mr AMGHAR : en effet, les élèves n’utilisent en classe que
l’arabe authentique, mais une fois rentrés àla maison ou dans la rue, ils ne peuvent plus
utiliser leurs notes pour illustrer leurs cas…ils sont obligés de dire ‘mistara’ à l’école et
‘rigla’ à la maison, ils ne sont évidemment pas conscient de leur situation linguistique mais
ils peuvent déjà à leur niveau constater que quelque chose ne va pas entre l’école et la
maison.

La diglossie aboutit donc, en Algérie, à l’émergence d’un code intermédiaire appelé


arabe médian. En 1962, la planification linguistique a eu lieu avec le remplacement de
l’algérien par l’arabe classique, la réalité répondit à cela par l’émergence d’une nouvelle
forme puisant son contenu de deux variantes déjàexistantes.

Aujourd’hui, diglossie est remplacée par triglossie ou monoglossie en devenir, elle


est remplacée par une situation de continuum linguistique où chaque locuteur arabe,
algérien maitrise une partie du continuum dépassement des frontières entre le classique et
13
Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.

le dialectal, par exemple : certains mots de l’arabe classique dans les foyers et des mots
dialectaux dans les écoles ou l’administration, donc, le code intermittent, est considéré
comme un fait éminent positif.

Peut être que l’arabe médian résoudrait les problèmes d’incompréhension dans les
relations entre le sommet culturel, politique et administratif d’un coté, et la base populaire
d’un autre coté.

Mais les deux langues vraiment dominantes et coexistantes en Algérie sont pour la
première, l’arabe dialectal, et l’autre le français, étrangère mais légitime, par son statut
d’héritage que l’empire des colonisateurs imposa à l’Algérie pendant des siècles, et
aujourd’hui pour son statut privilégié dans divers domaines de la vie quotidienne.

L’arabe cherchant à retrouver sa place dans la société, et le français essayant de


s’obliger comme une langue de la science et de la modernité. IBRAHIMI. K. T (2018 :
206-207) affirme que :

«Les arabes ont le sentiment que l’utilisation de cette langue dénote une
certaine élévation du niveau social, et que dans le même temps son rejet permettrait
à leurs enfants qui ont fait leurs études secondaires en langue arabe l’accès aux
filières noble de l’enseignement supérieur dés lors que tout le système de formation
serait arabisé».

Ce peuple qui ne se suffit pas du bilinguisme, mais qui bénéficie d’un riche
répertoire verbal plurilingue, se dotant d’une très grande habilitédans chacun des dialectes
sachant décrire leurs situations, en s’exprimant même en les aménageant à leurs guises,
mélangeant les dialectes aux grandes langues.

«Ce faisant, ils font montre d’une grande libertédans leurs utilisation de ces
ressources et une formidable capacité à créer du sens, des mots, ‘des langues’ en
jouant justement avec elle, en se jouant d’elle… » (IBRAHIMI.K.T., 2018 : 206-
207).

2.3. Alternance codique

La quasi-totalité des populations dans le monde, utilise plus d’un code dans leurs
parlers quotidiens, en effet, les locuteurs ont rarement conscience de cela, leur but principal
14
Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.

étant de transmettre des informations et de se faire comprendre. Cette alternance des codes
est l’une des caractéristiques du parler bilingue, qui sont tout les deux, àleurs tours, des
conséquences du contact des langues.

Beaucoup de chercheurs se sont intéressés àce phénomène d’alternance codique ou


code-switching et se sont impliquépour lui apporter une définition.

SCOTTON et URY (1977 : 5) définissent l’alternance codique « comme l’utilisation


de deux variétés linguistiques ou plus dans la même conversation ou la même interaction »
ces variétés linguistiques selon eux «peuvent désigner n’importe quelles langues
génétiquement différentes ou deux registres d’une même langue ».

Selon GARDNER-CHLOROS (1983 : 21), «il y a code switching parce que la


majorité des populations emploie plus d’une langue et que chacune de ces langues a des
structures propres ; de plus chacune peut comporter des dialectes régionaux ou sociaux,
des variétées ou des registres distincts dans un discours ou une conversation». Cette
définition pointe du doigt le fait que l’alternance codique se manifeste par un changement
de langues ou de variétés linguistiques, différentes l’une de l’autre, dans une situation
d’interaction.

Pour GUMPERZ (1989 : 57) le code-switching est «la juxtaposition à l’intérieur


d‘un même échange verbal de passage oùle discours appartient àdeux systèmes ou sous-
systèmes grammaticalement différent ». il ya donc superposition entre deux langues ou
deux variétés de langue pendant un même échange verbale, chaque langue ou variété
fonctionnant selon ses propres règles, les langues utilisées restent donc indépendantes et ne
s’interpénètrent pas.

CAUSA (1997 : 458) souligne que l’alternance codique est utilisée dans
l’enseignement «quand l’enseignant recourt simultanément aux deux langues présentes
dans la classe». Elle représente donc une stratégie de communication pour les enseignants
et les apprenants.

RILEY (2003 : 13) affirme que l’alternance codique peut se trouver « à l’intérieur
d’un énoncé-phrase ou d’un échange, ou entre deux situations de communications ».

15
Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.

D’une manière plus simple, on peut dire que l’alternance codique est « des
changements d’une langue à une autre au cours de la conversation » (EDWARDS et
DEWAELE, 2007 : 222).

Comme nous l’avons mentionné plus haut, La situation plurilingue que connait
l’Algérie, découle des invasions, des colonisations et des infiltrations qu’a connues notre
pays ; ce qui fait que les individus sont confrontéàun usage langagier particulier souvent
qualifié par ‘complexe et mixte’. De l’arabe classique, arabe dialectal, berbère et français,
les locuteurs choisissent deux langues ou deux variétés, en les mélangeant et les utilisant à
leurs guises. Souvent ces individus «éprouvent le besoin d’utiliser les deux langues, pour
des fins communicatives et d’incompréhension »(BENCHERIF, 2008 : 89). Dans sa thèse,
ALI BENCHERIF explique que ce choix des deux langues est «fortement lié au profil
langagier des individus et àleurs préférences ».

Il faut noter que l’alternance codique n’est pas toujours entendue comme une
manifestation d’ «un bilinguisme idéale » (WEIRNEICH, 1953), «comme un stade
intermédiaire dans l’évolution linguistique d’une langue entre l’emprunt et les
interférences »(MABROUR.A, 2007 : n°7), mais aussi en tant qu’un signe de « décadence
linguistique, d’inculture ou de mutilation linguistique »(HOFFMAN, 1991).

Il existe trois (03) types d’alternances codiques :

2.3.1. Alternance codique intra-phrastique cette dénomination désigne la


coexistence de mots appartenant àdeux systèmes linguistiques, différents et
indépendants l’un de l’autre, à l’intérieur d’une même phrase.

2.3.2. Alternance codique inter-phrastique représente la coexistence d’unités


plus longues ou de segments de phrases appartenant à deux systèmes
linguistiques, différents et indépendants l’un de l’autre, à l’intérieur d’un
même tour de parole.
2.3.3. Alternance codique extra-phrastique apparait quand on insert un segment
court, une expression figéou un proverbe, dans un segment monolingue.
2.4. Interférence linguistique

16
Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.

Il s’agit d’interférence «quand un sujet bilingue utilise dans une langue cible L2, un
trait phonétique, morphologique, lexical ou syntaxique caractéristique de la langue L1. »
(KANNAS, 1994 : 252). Elle est aussi considérée comme «un croisement involontaire
entre deux langues. A grande échelle, l’interférence dénote l’acquisition incomplète d’une
langue seconde. » (HAGEGE, 1996 : 239), ce que HAMERS vient confirmer en déclarant
que «l’interférence se manifeste surtout chez des locuteurs qui ont une connaissance
limitée de la langue qu’ils utilisent » (1994 : 178). Ce phénomène est liéàla compétence
incomplète du locuteur bilingue.

Comme nous l’avons cité plus haut, les algériens bénéficient d’un très vaste
répertoire composé de deux langues majeures et des dialectes régionaux qu’ils combinent
et utilisent àleurs guise, ce qui donne naissance àdes interférences diverses ; il ya donc
créativitéde la, ou dans la langue, du sujet parlant algérien en français.

Les pratiques langagières du français, par les algériens sont en perpétuelles


évolutions avec un net décalage par rapport au français standard, d’où ce qu’appellent les
algériens : le français cassé«phénomène résultant du contact entre français et les autres
variétés de langues »(H.MEDANE, 2005 : n°31) et qui semble-t-il, une réalisation fautive
de la langue française. HADJIRA MEDANE (2005 : n°31) explique qu’ « il s’agit d’un
usage de la langue française où les phénomènes d’interférence, code switching, néologie,
emprunt sont présent ».

Comme le dit K.T. IBRAHIMI «l’école algérienne ne produit pas de bilingues mais
plutôt des semi-lingues qui ne dominent vraiment aucune des deux langues ». Ceci dit,
c’est l’envie d’utiliser le français qui donne naissance à ce phénomène de français à
l’algérienne ; par exemple :

 ‘ne tombez pas les mots’ pour ‘n’insultez pas’.


 ‘couper la route’ pour ‘traverser la rue’.
 ‘tu casses mon tête’ pour ‘tu me casses la tête’.

Comme le fait remarquer MACKEY : «l’usage d’une langue étrangère subit de la


langue maternelle et de ses habitudes langagières »(1976 : 414).

Selon les linguistes, les interférences se manifestent sur trois (03) niveaux : sur le
niveau phonétique, lexical et morphosyntaxique.
17
Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.

2.4.1. Interférences phonétiques

Quand l’individu remplace un son de la langue étrangère par un autre qui lui
ressemble dans sa langue maternelle. Les interférences se produisent donc, lorsqu’un son
ou phonème de la langue cible est méconnu et que le locuteur choisi le son le plus proche
qui existe dans le système phonologique de la langue maternelle. Par exemple :

 «l’icoule »au lieu de «l’école ».


 «rigistri » au lieu d’ « enregistrer ».
 «tiliphoune »au lieu de «téléphone ».

2.4.2. Interférences lexicales

Ce genre d’interférences, réuni les phénomènes de faux amis, de claques ou de


substitution de mots simples comme elles sont très fréquentes.

2.4.3. Interférences morphosyntaxique

Ce genre désigne les interférences du genre et du nombre ainsi que les modalités de
dérivation et de composition.

2.5. L’emprunt

L’emprunt est le processus par lequel «un élément d’une langue est intégré au
système linguistique d’une autre »selon HAMERS et BLANC (1983 :452). Dans tous les
contacts de langues, l’emprunt en est le phénomène le plus important.

«La langue française en Algérie : c’est une langue emprunteuse mais en


même temps, c’est une langue emprunté » et «les échanges entre le français et
l’arabe obéissent à une dynamique sociale en dépit des interdits, de type historique
et institutionnel, qui affectent la langue étrangère. L’emprunt dans un sens comme
dans l’autre, semble être déterminé par les impératifs de l’interaction sociale. Il se
réalise dans le respect mutuel des formes du système d’accueil, et offre de nouvelles
possibilités d’expression aux locuteurs algériens »(DERRADJI, 1999).

2.5.1. Le français : langue ‘emprunteuse’

18
Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.

Pour s’exprimer dans tous ses besoins de la vie quotidienne, l’algérien utilise des
mots de sa langue maternelle dans le système linguistique français et leurs appliquent selon
les circonstances, les règles de dérivation morphologique, syntaxique, lexicologique et
sémantique (préfixation, suffixation, composition, adjonction d’actualisateurs et de
déterminants, de marque de genre et de nombre…).

«L’emprunt résulte d’une longue coexistence de deux (02) communautés


culturelles et linguistiques, bien distinctes l’une de l’autre »(DERRADJI, 1998).

Il est très difficile de trouver un équivalent du mot emprunté dans le système


linguistique français, car il ne reflète que d’une manière imparfaite le sens souhaité. Par
exemple : ‘fellaghas’ qui désigne les ‘partisans’ ou les ‘résistants’. On en déduit donc que
«s’il n’y avait pas nécessité de désigner cet élément en arabe il n’y aurait pas
emprunt… »(DERRADJI, 1998).

2.5.2. Le français : langue ‘empruntée’

Elle n’est pas spécifique au bilingue seulement, mais aussi au monolingue, qui parle
l’arabe dialectal seulement (le maitrisant parfaitement).

Le mot empruntéest souvent un mot que le locuteur ne trouve pas en arabe. Nous
remarquons aussi des indicateurs de temps, de lieu, de personne, de modalitédiverse et de
termes dits conjoncturels appartenant au discours scientifique et technique du français.
(Prononciation du français respectée).

«Les récents travaux de D.MORSLY et K.T.IBRAHIMI sur le parler des jeunes


qu’ils soient lettrés ou analphabètes, confirment cette prédisposition du locuteur
algérien avec le français dans l’usage qu’il fait de la variété de l’arabe »
(DERRADJI, 1998) et c’est le plurilinguisme en Algérie qui favorise ce phénomène.

L’interpénétration des deux (02) langues est totale selon D.MORSLY (1988, 1977),
Y.CHERRAD BENCHEFFRA (1990), M.BENRABAH (1993), K.T.IBRAHIMI (1995,
1997) et Y.DERRADJI (1999), et ceci du point de vue phonétique, morphologique et
syntaxique.

«La variété de l’arabe dialectal semble se structurer » comme le souligne


D.MORSLY (1996 : 50,51), «à l’aide de ces emprunts à la langue française et
19
Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie.

montre des prédispositions à la standardisation. Les mots français empruntés,


recouvrent un très large éventail, des aspects de la vie quotidienne, et ceci étant
l’impact d’une ouverture de la société algérienne aux valeurs étrangères
surimposés d’abord par la colonisation française puis par les médias et enfin les
apports et les échanges avec l’étranger sans oublier le désir des algériens
d’accéder à la modernité ».

20
Chapitre 02 :
La typologie des alternances
codiques
Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.

1. La typologie des alternances codiques


Beaucoup de travaux ont porté sur ce phénomène d’alternance codique, par
conséquent plusieurs modèles ont été proposés. De tous ces modèles, ceux de Shana
POPLACK, John GUMPERZ et Louise DABENE et Jacqueline BILLIEZ semblent être
les plus complémentaires et pratiques pour décrire notre corpus.
1.1. La typologie de POPLACK
POPLACK (1980), d’après son étude sur l’alternance codique (espagnol/anglais)
dans les pratiques linguistique de la communauté portoricaine résidant à New York, à
distinguer trois (03) types d’alternance codique : il s’agit de l’alternance intra-phrastique,
inter-phrastique et extra-phrastique.
 La première alternance dite intra-phrastique est caractérisée, selon POPLACK,
«par l’existence de deux structures syntaxiques des deux langues dans une même
phrase » (1988 : 23). Ce type est très fréquent dans les pratiques langagières
bilingues et plusieurs chercheurs lui ont accordé de l’importance dans la mesure où
ils cherchaient à savoir exactement où dans la phrase une alternance d’une langue à
l’autre peut s’effectuer.
Nous illustrons ses propos par les exemples tirés de notre corpus
exemples Traduction Transcription Fonctions
phonétique (APA)

J’avais été en ville w goult. Et je me [w gult] Interjection


suis dit.

Pas possible ! c’est toi Je suis votre [ɛna xalkum Désignation


Younes, ce n’est pas vrai ! oncle mɔħamɛd] d’un locuteur
Zahra ! ana khalkoum Mohammed
Mohammed, tu ne me .
reconnais pas ?

ça fait combien d’années huit ans ! [θamn snin] Réitération


que tu n’es pas venu nous
voir, thamn snine ! huit
ans !

22
Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.

Vous ne pouvez pas rester Réfléchis. [xamɛm] La modalisation


ici, Khammam. d’un message

Un homme qui ne peut plus un homme [raƷɛl mɛjɛt mɛjɛt] Réitération


ramener d’argent pour mort, mort.
nourrir sa famille, tu sais ce
que c’est chez nous ? radjel
mayette, mayette, il est
mort, son cœur bat il respire
mais il est mort.

Tu crois que chui fini hein, Avec toute [w Ʒahdɛk hna] Interjection
c’est ca ce que tu crois, w la force que
jahdek hna, c’est cette tu ressens
douleur que je ressens au ici.
fond de moi.

Viens je vais te montrer viens. [arwah] Réitération


quelque chose, arwah,
regarde c’est lala Fatma.

Imshi weldi, ya rien de bon Va-t’en [imʃi wɛldi] Réitération


pour toi ici, meken walou. mon fils. [mɛkɛn wɛlu]
Il n’ya rien.

Madeleine nahleflek j’ai Je te jure. [nahlɛflɛk] Interjection


rien dit.

C’est terminé pour moi ici, ca y est. [xlas] Réitération


khlass on s’en va.
Stenna, je te ramène. Attends. [stɛna] Modalisation
d’un message

23
Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.

C’est ça notre place dans ce Regarde [ʃuf mlih] Modalisation


pays, Chouf mlih, même bien. d’un message
Dieu nous a abandonné.

C’est notre chef fhamt ? il Tu as [fhamt] Modalisation


ne faut pas qu’il meure. compris ? d’un message
Personnalisation
Content de te voir mon versus
frère. San Francisco mette. est mort. [mɛt] objectivation

 La deuxième alternance est inter-phrastique dite : phrastique et correspond à


l’usage alternatif de deux langues au niveau d’unité plus longues de phrases ou de
segments de discours dans les productions d’un même locuteur ou dans les prises
de paroles entre interlocuteurs.

Alternance inter-phrastique dans les productions d’un même locuteur


Exemples Traduction Transcription Fonction
phonétique
(APA)

Tiens je vais faire un Comme ça je vais [hakda nʃuf hbibi Interjection


demi-tour hakda nchouf voir mon meilleur ʕisa kifɛʃ rahu w
ami Aissa ,
hbibi Aissa kifesh rahou comment il va et kifɛʃ rahu ʕajɛʃ]
w kifesh rahou ayesh. comment il vit.

rassek khchine, khchine Tu as la tête dure [rasɛk xʃin xʃin Interjection


kima les Mahieddine, comme les kima le mahjɛdin
ana tani rassi khchine. Mahieddine, moi
ana tɛni rasi xʃin]
Un jour j’arriverai à te aussi j’ai la tête
convaincre. dure.

Kifesh habbit yaaklouk ? comment veux tu [kifɛʃ hąbit Modalisation d’un


ça fait combien d’années qu’ils te message
jaʕaqluk]
que tu n’es pas venu nous reconnaissent ?
voir ?

24
Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.

Wana madabiya ghir mais moi je [wana madɛbija Interjection


naawnek, tu as une voudrais juste ɤir nʕawnɛk]
femme et deux enfants. t’aider.

Pourquoi tu me regardes Je suis ton père il [ana bɛbɛk lɛzɛm Interjection


comme ca ? ana bebek faut que tu me tθiq fija ana bɛbɛk
lazem tthik fia, ana fasses confiance, je rak tɛsmaʕ bɛbɛk]
bebek, rak tassma3, suis ton père, tu
bebek. m’entends ? ton
père.

Matkhafoush rabbi N’ayez pas peur, [matxafuʃ rabi Modalisation d’un


maana, on va y arriver Dieu est mʕana] message

inshallah. avec nous. [inʃalah]

Andek lhak, je ne suis Tu as raison. [ʕandɛk lhaq] Modalisation d’un


plus capable de le garder, message
donne lui sa chance.

Madeleine, je te présente c’est ta tante. [hɛdi xaltɛk] Désignation d’un


mon neveu Younes. Hedi locuteur
khaltek Madeleine.

Ce que tu vois là Younes Même si [hata ljum w rak f Modalisation d’un


c’est la trace de nos aujourd’hui, tu hɛd l kɔstym ʃbɛb message
ancêtres, hatta lyoum w portes ce beau ʕamrɛk ma tɛnsa
rak f hed l costume costume, n’oublie mnin Ʒit]
chbab, amrek ma tanssa jamais d’où tu
menine jite, jamais. viens.

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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.

Bonjour mon garçon, rak Tu travailles bien ? [rak taxdɛm mlih Modalisation d’un
takhdem mlih ? kouli, dis-moi, qu’est ce quli wɛʃ sra fɛl message
Wesh sra fel madrassa qui s’est passé madrasa ljum]
lyoum ? ta tante me dit aujourd’hui à
que tu es rentréfâcher. l’école ?

Lui c’est un très grand Souviens-toi très [tfakar mlih hɛd l Modalisation d’un
monsieur, il s’appelle bien de ce nom. asm] message
Missali Lhadj, tfakar
mlih had l’Assm.

De toute façon même pour Younes, viens mon [junɛs arwah Désignation d’un
le petit, on ne peut pas fils, j’ai quelque wɛldi andi hadra locuteur
rester ici. Younes, arwah chose àte dire. mʕɛk]
weldi, andi hadra maak.

Quand même, quand Tu sais que je [taʕɑrfini Personnalisation


même, taarfini n’aime pas mentir. mąnɛbɤiʃ nɛkdɛb] + Interjection
manabghich nakdeb.

Bghit tdarag wadjhek, Tu voulais passer [bɤit tdɑrɑg Modalisation d’un


bessah ana belkhaf fakt inaperçu, mais moi waƷhɛk bɛsah ana message
bik, wesh rak dir maa je t’ai tout de suite bɛlxaf faqt bik
lgwer ? elle est au courant reconnu, qu’est ce wɛʃ rak dir mʕa
mademoiselle ? yakhi que tu fais avec les lgwɛr]
kedab yakhi ! français ? Quel [jɛxi kɛdɛb jɛxi]
menteur !

Aya rouh djibou nta, Vas-y va le [ɛja rɔh Ʒibu nta Désignation d’un
ezreb, imshi, à pieds ca chercher toi même, ɛzrɛb imʃi] locuteur
t’apprendra. dépêche-toi vite,
cours !

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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.

Wine rak rayeh ? ne va Oùvas-tu ? [win rak rajɛh] Désignation d’un


pas trop loin et sois locuteur +
prudent s’il te plait ! modalisation d’un
message

Il était saoul, il m’a Le fils du chien ! [wɛld lkɛlb lukέ Interjection


tabassé, weld lkalb, s’il revient je te jarƷaʕ walah
louken yarja3 wallah jure que je le nɛqutlu]
ne9otlo. tuerai.

Maintenant va rejoindre Mais n’oublie [bɛsah ʕɔmrɛk Personnalisation


tes amis, bessah omrek jamais que tu matɛnsa bɛli + désignation
ma tenssa beli samawek t’appelles Younes, sɛmɛwɛk junɛs d’un locuteur
Jonnas wenta arbi kifna. et que tu es un wɛnta ʕrbi kifna]
Arabe comme
nous.

Lala Fatma, ton arrière «viens me rendre [arwah zɔrni La citation


grand mère, et tu sais ce visite, viens me arwah tʃufni]
qu’elle m’a dit « arwah voir »
zorni, arwah tchoufni ».

Khod mra Younes, w Prends- toi une [xod mra junɛs w Désignation d’un
habha ktar melli yalzem, femme Younes, et habha ktar mɛli locuteur +
keli mataarafsh dir haja aime-la plus qu’il yɛlzɛm kɛli interjection
okhra fi had denya. n’en faut, comme mataʕrafʃ dir haja
Souviens-toi si une femme si tu ne sais rien oxra fi had dɛnja]
te donne son amour, tu faire d’autre dans
pourras toucher toutes les ce monde.
étoiles.

27
Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.

Allez descends, rah il est entrain de se [rah jɛtfɛraɤ mɛn Désignation d’un
yatfaragh men demmou, vider de son sang, dɛmu ja rabi locuteur +
ya rabi glaalah had bon Dieu aide le à glaʕlɛh hɛd rsas] interjection
rssass. se débarrasser de
ces balles.

Madeleine, je garde ton Allez les frères, [ɛja lxawa bara] Interjection
fils avec moi. Aya lkhawa dehors.
barra.

Pour la semaine prochaine N’oublie pas ce [mɛtɛnsɛʃ wɛʃ Désignation d’un


prépare les médicaments qu’on doit faire ndiru lɛl bɛjaʕa] locuteur +
et dépose-les au pied de pour ces interjection
cet arbre. Et Younes ? mouchards.
matanssesh wesh ndirou
l’el bayaa.

Tes amis ont égorgé Si tu les soignes [ila tʕɛwɛd Désignation d’un
Simon avant de mettre le encore une fois, je tdɛwihum ja locuteur +
feu et tirer, ila taawed te le jure que je te walahi noqotlek] interjection
tedawihoum ya wallahi tue.
no9otlek.
il faut que tu rentres chez Maintenant ta vie [darwɛk ħjɛtɛk Modalisation d’un
ton oncle, ton père il est là-bas. tɛm] message
rentre tard, darwek
hyatek tem.

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Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.

Alternance inter-phrastique dans les prises de paroles entre interlocuteurs


Exemples Traduction Transcription fonction

Sa femme : Nshallah J’espère que tu [nʃalah tseb Personnalisation


tssib khdima Aissa. trouveras un xdima ʕisa]
Aissa : A Oran ce n’est travail Aissa.
pas toi qui cherches le
travail, c’est le travail
qui te trouve.

Mohammed : Personne Tu n’as pas [mafhamtʃ ana interjection


n’a le droit de voler nos compris ? moi et wɛl flɛħa xlas
terres. l’agriculture c’est baʕɛdni]
Aissa : mafhamtsh ? fini ! va-t’en.
ana wel felaha
khlass ! baadni.

Aissa : khamamt mlih, J’ai bien réfléchi,


[xamɛmt mlih Interjection
manasthaksh je n’ai pas besoin mɛnɛsħaqʃ
drahmek. de ton argent. drahmɛk]
Mohammed : tu sais ce
qu’il ya de terrible chez
nous ?c’est l’orgueil !
et toi tu n’es qu’une
montagne d’orgueil.

Younes : beba Papa je te jure [bɛba


naħlɛflɛk Interjection
nahleflek, meshi que je ne les ai mɛʃi maxjunin]
makhyounine. pas volés.
Aissa : un homme qui
ne peut plus ramener
d’argent pour nourrir sa
famille, tu sais ce que
c’est chez nous ?

29
Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.

Jonas : pourquoi tu dis parce que c’est ça [xatar hɛda huwa Interjection
ca ? la vérité. sah]
Djelloul : khatar hada
houwa sah.

Djelloul : smaa, ila Ecoute, si tu ne le [smaʕ ila Désignation


matssalkoush sauves pas, je la mɛtsɛlkuʃ d’un locuteur +
nektelha. tue. nɛqtɛlha] interjection
Jonas : tu laisses ma
mère t’entend ?

Djelloul : guellebt sma J’ai remué ciel et [gɛlɛbt sma w lard Désignation
w lard besh nsselkou terre pour le bɛʃ nsɛlku w d’un locuteur +
w dartha ala jalek. sauver et je l’ai dɛrtha ʕaƷɛlɛk] interjection
Jonas : merci Djelloul. fait pour toi.

Jonas : s’il te plait ! d’accord, mais [saha bɛsah rɔd Désignation


Djelloul : saha, bessah fais attention. bɛlɛk] d’un locuteur +
rod belek. interjection

Jonas : si tu changes Désignation


d’avis, tu seras toujours d’un locuteur +
le bienvenu. interjection
Jean Christophe :
tabka ala khir. au revoir. [tabqa ʕla xer]
Madeleine : tu vas Je m’appelle [ismi junes] Interjection
prendre un bain Jonas. Younes.
Younes : Issmi
Younes.
-Nta houa Younes C’est toi Younes [nta huwa junɛs Objectivation
Mahieddine ? Mahieddine ? mahjɛdin]
- Oui, pourquoi ?

30
Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.

 Et la dernière est une alternance extra-phrastique, elle apparait lorsque les segments
alternés sont des expressions idiomatiques, des proverbes et dictons. Ces derniers
insérés dans des segments monolingues et servent àponctuer le discours.
Exemples Traduction Transcription fonction

Barak alahou fik Que Dieu vous [barakalahufik Interjection


sid l’kaïd, nshallah bénisse Monsieur Le sid lqajɛd nʃalah]
dans un mois je Qaid. Si Dieu le
vous rembourse. veut dans un mois je
vous rembourse

Un jour j’arriverais Au revoir. [bqa ʕla xer] Interjection


àte convaincre, bka
ala khir.

ça va azizti. Désignation
ma chérie. [ʕzizti]
d’un locuteur +
interjection

Elles étaient allées


[alah janʕɛl lklab] Interjection
chercher de l’eau, la
bombe les a tuées ,
je les ai vues comme
je vous vois, toutes
Que Dieu maudisse
les deux, la mère et
les chiens.
la fille, Allah yanal
lklab.

Elles n’ont pas eu


Que Dieu nous [alah jɛstar] Interjection
des nouvelles de lui
protège !
depuis longtemps,
on raconte qu’il est
parti dans le sud,
même dans le
désert, Allah yaster.

31
Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.

J’ai rien dit w rass Je jure sur la tête de [w ras jɛma] Interjection
yemma ya ma mère.
Madeleine.

La prochaine fois [dib jɛbqa dib] Modalisation


c’est moi qui la le loup reste un d’un message
ferais, dib yabka loup.
dib.

Baisse les yeux, l’âne. [lɛħmar] Interjection


lehmar, baisse les
yeux.

Mais alors tu m’as Interjection


pris pour un
gangster ou quoi ?
remballe moi ça, ya
le petit, c’est un fou. [mahbul]
dangereux là.
Mahboul.

Allez, va-t’en, Dégage [jalah] Désignation


yallah. d’un locuteur
+interjection

Nta mahboul, c’est Tu es fou. [nta mahbul] Désignation


la folie là-bas. d’un locuteur +
interjection

32
Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.

1.2. Typologie de GUMPERZ


En s’intéressant à l’alternance codique en Inde et en Norvège, dans la petite ville de
Hemnes Berget, GUMPERZ et BLOOM remarquent que les alternances des codes sont
systématiques et prédictibles.
GUMPERZ distingue entre alternance situationnelle liée aux changements de
situations de communication, et alternance conversationnelle, dite aussi métaphorique ou
styliste, qui se produit sans changement d’aucun paramètre de la situation.
1.2.1. Alternance codique situationnelle
Elle dépend des activités et des réseaux distincts mais également de l’appartenance
sociale du locuteur. Les ressources langagières du répertoire sont mobilisées d’une manière
séparée selon le thème abordé et le changement d’interlocuteurs. Ce locuteur prend en
compte la situation de communication dans laquelle il se trouve pour adopter une langue de
base pour ses échanges.
1.2.2. Alternance codique conversationnelle
Dite également styliste ou métaphorique. Elle se produit de manière
automatique à l’intérieur d’une même conversation, sans changements
d’interlocuteurs ou de sujets de discussion. Dans ce sens, GARDNER (1985), écrit :
«l’alternance ou les glissement qui ont lieu à l’intérieur d’une même
conversation d’une manière moins consciente plus automatique, sans qu’il y
ait changement d’interlocuteur, de sujet ou d’autre facteurs majeurs dans
l’interaction, le code switching conversationnel est parfois métaphorique
lorsque l’emploi d’une variété B dans un discours qui a débutédans la variété
A éveilles certaines associations liées àB, changeant ainsi les connotations de
la conversation grâce à ces éléments étrangers à A » cité par LOMBARKIA
(2008 : 32).
Nous illustrons ses propos par des exemples tirés de notre corpus

33
Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.

Exemples Traduction Transcription

Alternance -Ibliss : elles étaient allées chercher Que Dieu [alah jɛnʕʕl
codique de l’eau, la bombe les a tuées net, je maudisse les lklɛb]
situationnelle les ai vues comme je vous vois, chiens !
toutes les deux la mère et la fille,
Allah yanal lkleb.
-Madeleine : et son père ?

Alternance -Aissa : cha rak dir hna ? -qu’est ce que tu [ʃa rak dir hna]
codique -Mohammed : ana li nassaalek, fais ici ? [ana li nɛsɛlɛk
conversationn ana khouk lekbir, tu arrives sans -C’est moi qui te ɛna xuk lɛkbir]
elle prévenir et je te trouve dans un pose la question,
taudis, chassralek ? je suis ton grand [ʃasralɛk].
-Aissa : echi rah. frère.
-Mohammed :alesh -qu’est ce qui t’es [ɛʃi raħ]
makhabartnish kount nawnek. arrivé? [ʕlɛʃ maxabartniʃ
-Aissa : kifesh tawenni, sra li sra, -Tout est parti. kunt nʕɛwnɛk]
maktoub rabbi. -Pourquoi tu ne [kifɛʃ tʕɛwɛni
-Mohammed : Personne n’a le droit me l’as pas dit ? sra li sra maktub
de voler nos terres ! je t’aurais aidé. rabi]

-Aissa : mafhamtsh ? ana wel -Comment ça [mɛfhɛmtʃ ɛna


flaha khlass ! baadni m’aider ? il s’est wɛl flɛħa xlas
passé ce qui s’est bɛʕɛdni]
-Mohammed : halle, Aissa. passé, c’est le [ħɛl ʕisa]
destin.
-tu n’as pas
compris ?
l’agriculture et
moi c’est fini !
va-t’en !
-ouvre, Aissa

34
Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.

Dans le premier exemple, Ibliss, Algérien de souche, ayant l’arabe dialectal comme
langue maternelle, adopte une langue de base qui est le français pour ses échanges avec
Madeleine (française de souche). Cette adoption d’une langue étrangère est due à la
situation de communication dans laquelle Ibliss se trouve. Nous remarquons clairement un
certain accent dans son parler en plus de la traduction du mot à mot, l’expression « je les ai
vues comme je vous vois »par exemple est la traduction directe de l’expression en arabe
«chefthoum kima rani nshouf fik »[ʃɛfthum kima rani nʃuf fik].
Dans le deuxième exemple de la conversation entre Mohammed et Aissa, nous
remarquons que Aissa n’utilise que l’arabe dialectal dans ses productions, alors que
Mohammed produit des énoncés tantôt en arabe dialectal, tantôt, en français, et parfois en
utilisant des segments de l’arabe dialectal et du français dans la même phrase et cela, sans
que la conversation ou le sujet de discussion ne change. Raison pour laquelle nous
considérons cette alternance comme étant une alternance codique conversationnelle.

1.3. Typologie de DABENE et BILLIEZ


A travers cette typologie, nous constatons un lien entre leurs recherches, celles de
John GUMPERZ et de Shana POPLACK ou même une complémentarité:
Typologie de DABENE et BILLIEZ

Inter-intervention intra-intervention

Inter-acte intra-acte

Segmentale unitaire

Insert incise
1.3.1. L’alternance codique inter-intervention
Elle surgit entre deux tours de parole d’un même locuteur, qui renonce par choix à
une langue en recourant à une autre, ou encore quand il s’agit de changements d’une
langue d’un locuteur à l’autre entre deux interventions.
1.3.2. L’alternance codique intra-intervention
Comprend l’alternance inter-acte qui se produit entre deux actes de paroles, et
l’alternance intra-acte qui se produit à l’intérieur d’un même acte de parole. Cette dernière
est divisée àson tour, en alternance segmentale et alternance unitaire.
35
Chapitre 02 : typologie des alternances codiques.

Dans l’alternance segmentale, il s’agit de segments de phrases marquant ainsi un


changement de langue ; dans l’alternance unitaire, il s’agit de l’alternance d’un seul item
où on distingue entre deux types : l’insert, concerne les unités sans aucune fonction
syntaxique comme les tournures exclamatives ou les insultes, ce que POPLACK appelle
les tags. Et l’incise, correspond aux unités insérées dans des segments syntaxiquement
intégré proche de l’emprunt «mais il s’en différencie dans la mesure où il relève
généralement de l’initiative individuelle »(DABENE, ibid.: 95).
Nous illustrons leurs propos par des exemples tirés de notre corpus
Alternance inter- Alternance intra-intervention
intervention
Inter-acte Intra-acte
- segmentale unitaire
insert incise
-Mohammed : alesh
-Djelloul : tu Djelloul :
makhabartnish ? Djelloul : -Mohammed : Ce que tu me parles vous
kount nawnek. smaa ila vois là Younes, c’est la plus comme moquez
(pourquoi tu ne me l’as matssalkoush trace de nos ancêtres,
ca devant pas, elle
pas dit ? je t’aurais naktelha. hatta lyoum w rak f had l mes amis, lui allait
aidé) [ʕlɛʃ maxabartniʃ (écoute, si t costume chbab, amrek baisse les bien
kunt nʕɛwnɛk] ne le sauve ma tanssa mnine jite. yeux, cette
-Aissa : kifesh pas, je la tue). (même si aujourd’hui tu
lehmar. djellaba.
tawenni ? sra li sra, -Jonas : tu es dans ce beau costume, (l’âne). [Ʒɛlaba]
maktoub rabbi. laisses ma n’oublie jamais d’où tu [lɛħmar]
(comment ça m’aider ? mère t’entend. viens).
il s’est passé ce qui [ħɛta ljum w rak f hɛd l
s’est passé, c’est le kɔstym ʃbɛb ʕamrɛk
destin) mɛtɛnsa mnin Ʒit]
[kifɛʃ tʕɛwɛni sra li sra
mɛktub rabi]
-Mohammed : Personne
n’a le droit de voler nos
terres.

36
Chapitre 03 :
Analyse des séquences
Chapitre 03 : Analyse des séquences.

L’alternance codique n’est pas due au hasard ; elle a ses causes, ses conséquences,
ses circonstances et ses répercussions sur notre vie de tous les jours.

1. Analyse des séquences


1.1. Description du corpus

Notre corpus est tiré du film français «ce que le jour doit à la nuit », adaptation
cinématographique du roman de YASMINA KHADRA. Ce film est réalisé par
ALEXANDRE ARCADY, il a étédiffuséen France et en Belgique le 12 septembre 2012
d’une durée de deux heures quarante minutes.

L’histoire du film se déroule à Oran une ville de l’Ouest algérien, puis àRio Salado
(appellation espagnole), un petit village à 58 km d’Oran appelé actuellement « El maleh »
à partir des années 1930, jusqu’à l’indépendance de l’Algérie. Elle commence avec le
déménagement de Younes, un jeune garçon de dix ans, avec sa famille, de la compagne à
la ville d’Oran après que leurs terres eurent été incendiées. Pour arracher Younes à la
misère qui lui était promise, son oncle pharmacien Mohammed et son épouse française
Madeleine le prirent sous leurs ailes et le traitèrent comme s’il était leur propre enfant. La
nouvelle famille du petit Younes, rebaptiséJonas, déménagea àRio Salado après quelques
événements inattendus: il grandit donc avec les jeunes de ce village, oùil se fit des amitiés,
dans sa bande d’amis, il y avait Simon Benjamin, Isabelle et son frère Dédé qui avait
Djelloul comme domestique puis, enfin, Fabrice et Jean Christophe. Dans ce même village,
Jonas revit Émilie, qu’il rencontra à Oran et qui venait prendre des cours de piano chez
Madeleine, et il découvrit qu’elle était l’unique fille de madame Cazenave.

Ce film contient par excellence ce phénomène d’alternance entre l’arabe dialectal et


le français. La présence de ce phénomène n’est pas dû au hasard mais elle est justifiée par
le fait que l’histoire se déroule pendant la colonisation française (1930-1962), le français
faisait déjàpartie du paysage linguistique algérien mais c’est pendant cette période du film
qu’il s y est vraiment ancré et que les répercussions de cette présence sur les pratiques
langagières des Algériens ont pris de l’ampleur et se sont répandues.

1.2. Les langues en présence dans le film

Les personnages dans ce film utilisent l’arabe dialectal et le français. L’arabe


dialectal étant la langue maternelle des Algériens, et le français celle des colonisateurs
ainsi que la langue de scolarisation en Algérie, vu que les écoles à cette époque, étaient

38
Chapitre 03 : Analyse des séquences.

françaises. On en déduit donc, que les Algériens qui avaient la chance d’être scolarisés,
l’étaient mais en français.

Même en dehors de l’école, les Algériens étaient en contact social continu avec les
Français : en nouant des relations d’amitié avec eux (Younes et sa bande), parfois en étant
leurs domestiques (Djelloul, Krimo…) sans pour autant oublier les mouchards (Ibliss) et
les Gaïed.

Ce qui explique le fait que la quasi-totalitédu peuple Algérien était bilingue, même
si parfois les locuteurs ne pouvaient s’exprimer en français, ils étaient tout àfait capables
de comprendre cette langue (bilinguisme passif).

1.3. Les types d’alternances codiques Présentes dans le film

Nous nous sommes basée sur la typologie de POPLACK pour définir les types des
alternances codique se trouvant dans notre corpus qui est constituéde 58 énoncés :

Alternance intra-phrastique Alternance inter-phrastique Alternance extra-phrastique


14 33 11
24% 56% 19%
Tableau 01 : Les types d’alternance codique

types d'alternance codique dans notre


corpus:

19%
alternance inter-
phrastique

24% 56% alternance intra-


phrastique
alternance extra-
phrastique

L’alternance de type inter-phrastique est la plus répandue dans notre corpus, c'est-à-
dire l’insertion de segments longs appartenant à une langue B dans une phrase appartenant
39
Chapitre 03 : Analyse des séquences.

àune langue A. on peut dire que ce type d’alternance prend la forme de deux phrases qui
se suivent, chacune des phrases relevant d’un code différent, par exemple :

«Ce que tu vois là Younes, c’est la trace de nos ancêtres. Hatta lyoum w rak f had l
costume chbab, amrek ma tanssa mnine jite. » [ħɛta ljum w rak f hɛd kɔstym ʃbɛb
ʕamrɛk ma tɛnsa mnin Ʒit], qui signifie en français que même si aujourd’hui tu es dans ce
beau costume, n’oublie jamais d’où tu viens.

Dans l’exemple cité, le locuteur qui est Mohammed, après avoir commencé un
énoncéen français, pratique une alternance codique inter-phrastique en passant àsa langue
maternelle qui est l’arabe dialectal en s’adressant directement à son neveu Younes.

Ce type d’alternance est utilisé Pour une grande facilité d’élocution et un


enchainement de phrases qui se fait de manière fluide et flexible.

En deuxième position, vint l’alternance intra-phrastique, c'est-à-dire, l’insertion de


segments courts d’une langue B dans une phrase en langue A. Contrairement à l’inter-
phrastique, linguistiquement l’intra-phrastique est le type le plus intéressant du fait que le
locuteur peut introduire librement dans son discours des segments de l’autre langue sans
pour autant violer les règles grammaticales de la première, par exemple :

«Mohammed : Vous ne pouvez pas rester ici, khamam. » [xamɛm] qui signifie
«réfléchis »en langue française.

Dans cet exemple, le locuteur qui est Mohammed en s’adressant à son frère Aissa
introduit un mot en arabe dialectal dans un énoncé en français, sans pour autant
transgresser les règles grammaticales de celui-ci. Mohammed a donc pratiqué une
alternance codique intra-phrastique.

En dernière position, l’alternance dite extra-phrastique ou tag switching, c'est-à-dire


la présence d’expressions idiomatiques, expressions figées ou proverbes appartenant àune
langue B dans une phrase en langue A. Par exemple :

«J’ai rien dit, w rass yemma ya Madeleine. »[w ras jɛma ja]

«Ca va azizti ? »[ʕzizti]

«Nchallah dans un mois je vous rembourse. »[nʃalah]

40
Chapitre 03 : Analyse des séquences.

W rass yemma (qui signifie sur la tête de ma mère en langue française), azizti (qui
signifie ma chérie en langue française) et nchallah (qui signifie si Dieu le veut en langue
française) ne sont que de petites unités qui viennent ponctuer le discours. Généralement,
quand le locuteur recourt à ce type d’alternance, c’est qu’il est un bilingue mais qui n’est
pas vraiment à l’aise dans les deux langues.

A travers cette analyse, nous pouvons dire que les personnages du film «ce que le
jour doit à la nuit »n’emploient que rarement l’alternance extra-phrastique vu qu’elle ne
requiert qu’une compétence minime dans la deuxième langue, cet emploi est beaucoup
plus remarqué chez les français qui ne sont pas à l’aise dans l’arabe dialectal. Ils
emploient des expressions courtes dans cette langue qui peuvent être des insultes tel que :
mahboul (qui signifie fou en langue française), lehmar (qui signifie l’âne en langue
Française) . Dans ce sens Kerbrat-Orecchioni cite que ces termes renvoyant à l’agression
verbale sont-ils vraiment classés par les dictionnaires comme termes péjoratifs. Elle
s’interroge également si tout énoncé agressif est-il réellement une insulte. D’un point de
vue de la pragmatique de l’interaction, l’insulte a une fonction d’adresse portant un
jugement de valeur négative. Cette fonction peut prendre différentes formes. Pour notre cas,
il s’agit d’une forme nominale.

Nous avons relevéégalement des expressions figées telle que : tabka ala khir (qui
signifie au revoir en langue française). Ces derniers, comme nous l’avons mentionné, ne
sont pas à l’aise avec l’arabe dialectal, mais ils veulent quand même faire état de leur
affiliation ethnique en maniant les deux langues dans une même conversation.

Par contre les personnages ayant de bonnes compétences bilingues, emploient


significativement plus d’alternance inter-phrastique et intra-phrastique. Les Algériens de
souche représentés par exemple dans le film par «Mohammed », «Aissa », «Djelloul »…
représentent de bons bilingues, ils mettent à l’œuvre leur bilingualité en pratiquant des
alternances inter-phrastique et intra-phrastique dans leurs conversations, chose absolument
absente dans les conversations des locuteurs français.

L’alternance intra-phrastique, quant à elle, ne peut être pratiquée que par ceux qui
maitrisent les deux langues. Elle nous permet de juger le degrédu bilinguisme du locuteur,
selon sa capacité pour ce type d’alternance où les deux langues sont hautement intégrées
l’une à l’autre. Les personnages de notre film font recours à ce type d’alternance mais cet
usage reste quand même assez limité. Si cela prouve une chose, ce serait alors celle que les

41
Chapitre 03 : Analyse des séquences.

Algériens visaient une facilité d’énonciation en recourant à l’alternance codique, et plus


précisément à l’alternance inter-phrastique à cette époque ; à savoir que les alternances
intra-phrastique posent un grand problème syntaxique à cause de la difficulté d’intégration
de deux systèmes linguistiques.

Première position alors, dans ce film, pour l’alternance inter-phrastique qui ne fait
que mettre l’accent sur le fait que dans la plupart des cas, les Algériens (les campagnards)
ne maitrisaient pas parfaitement le français et que leurs compétences dans la langue étaient
limitées. Ils ont donc créécette façon de communiquer pour combler les lacunes qu’ils ont
dans la deuxième langue en intégrant des expressions de leur première langue. Ils
alternaient entre deux segments longs appartenant àdeux systèmes linguistiques différents
(arabe dialectal et français) pour une plus grande facilité d’élocution par rapport à
l’alternance intra-phrastique. Alors que dans d’autres cas, où les locuteurs étaient beaucoup
plus à l’aise dans les deux langues, ils utilisaient l’alternance codique parce que c’était le
meilleur moyen qu’ils trouvaient pour bien transmettre leur message comme ils le
souhaitaient.

1.4. Les fonctions d’alternances codiques présentes dans le film

Chaque locuteur utilise et applique l’alternance codique à sa manière, et c’est cette


façon qui détermine la fonction de l’utilisation de ce phénomène.

Vu que l’analyse des fonctions constitue l’une des étapes importantes lors d’une
étude de ce phénomène d’alternance codique, nous nous sommes basée sur la grille
fonctionnelle de GUMPERZ (1989) pour pouvoir comprendre ce fonctionnement dans
notre corpus :

citation Désignation interjection Réitération Modélisation Personnalisation


d’un d’un vs objectivation
locuteur message
1 16 28 5 16 4

1% 23% 40% 7% 23% 6%

Tableau 02 : Les fonctions d’alternance codique.

42
Chapitre 03 : Analyse des séquences.

les fonctions d'alternance codique dans


notre corpus

la citation
1%
6%
23% la désignation d'un locuteur
23%
L'interjection

7%
la réitération
40%
La modélisation d'un message

personnalisation vs
objectivation

Nous remarquons que les fonctions les plus présentes sont : l’interjection, la
désignation d’un locuteur et la modélisation d’un message.

De ce fait nous pouvons dire que les personnages du film «ce que le jour doit à la
nuit » passent du français à l’arabe dialectal et de l’arabe dialectal au français dans leurs
productions langagières pour des intentions diverses.

En première position, cet usage de l’alternance entre l’arabe dialectal et le français


sert à marquer des interjections qui, servent, à leurs tours à montrer le sentiment du
locuteur. Ce locuteur donc, associe une émotion personnelle àune telle ou telle langue vu
que les énoncés produit dans cette langue peuvent évoquer une certaine signification que la
première langue utilisée n’assurera pas. Par exemple :

«Mohammed : Nehleflek ya Madeleine w rass yemma j’ai rien dit »

Nehleflek [nɛħlɛlɛk] (qui signifie je te jure en langue française) et w rass yemma [w


ras jɛma] (qui signifie sur la tête de ma mère en langue française), sont des expressions que
Mohammed utilise pour transmettre ce qu’il ressent quant au fait qu’il n’a rien dit au sujet
des moudjahidines (martyrs ) malgré les persécutions des Français. Ces expressions qui

43
Chapitre 03 : Analyse des séquences.

font partie de la langue maternelle de Mohammed (l’arabe dialectal) émises pour


convaincre Madeleine, évoquent un sentiment de désarroi que la langue étrangère (le
français) ne pourrait évoquer. Bourdieu (1982) explique et dénonce qu’il existe des
pressions de nature linguistique entre les classes sociales, notamment entre dominé et
dominant. Il souligne que la classe dominée, ne possédant pas de capital économique et
culturel sont toujours maintenus dans le même état de domination puisqu’ils ne protestent
pas contre le bien fondé des productions linguistiques dominantes.

. Mohammed dans ce passage adressé à Madeleine prouve un sentiment


d’attachement àsa langue maternelle, compris en termes identitaire pouvant lui offrir un
sentiment de sécurité. Nous pouvons dire dans ce cas là qu’il s’agit de la fonction
sécurisante du repli identitaire pour gérer un fait de langue dans une situation de
communication d’insécurité linguistique.

Ensuite, les personnages utilisent cette alternance entre les deux codes (arabe
dialectal et Français) quand ils s’adressent directement à une personne spécifique, c'est-à-
dire sélectionner un interlocuteur et distribuer le tour de parole. Ainsi, le locuteur choisi la
langue dominante de la personne àlaquelle il s’adresse et fais usage de cette langue qu’ils
partagent tous les deux.

Exemple : «Mohammed : de toute façon même pour le petit on peut pas rester ici.
Younes, arwah weldi andi hadra maak »[junɛs arwaħ wɛldi ʕɛndi hadra mʕɛk]

Mohammed utilise l’expression en arabe dialectal (qui signifie viens mon fils j’ai
quelque chose à te dire en langue française) en s’adressant à Younes après avoir parléà
Madeleine en utilisant la langue Française. Il a donc utilisé la langue qu’il partage avec
Younes pour s’adresser directement à lui et exclure Madeleine de la conversation.

Les personnages ont aussi tendance à traduire une prise de position ou des
informations qu’ils ont à transmettre en utilisant l’arabe dialectal et le Français. Ils forment
des énoncés en exprimant leurs points de vue par rapport au contenu, c’est ce que l’on
appelle : la modalisation d’un message.

Exemple : «Mohammed : vous ne pouvez pas rester ici, khamam »[xamɛm]

Le segment inséréen arabe dialectal (et qui signifie réfléchis en langue Française) ne
vient que mettre l’accent sur le segment en Français qui le précède. Mohammed transmet à

44
Chapitre 03 : Analyse des séquences.

son frère Aissa une information (en langue française) puis il lui demande d’y réfléchir en
utilisant leur langue maternelle àtous les deux (arabe dialectal).

Il est fréquent aussi de noter que dans un acte de parole, un message dit d’abord
dans une langue est répété dans une autre, dans le but d’éclaircir ce qui a déjà été dit tout
en mettant l’accent sur une certaine information, l’énoncé est donc une sorte
d’enchainement de deux segments synonymes dans deux langues différentes.

Exemple : «Aissa : ca fait combien d’années que tu n’es pas venu nous voire ?
Thamn snine ! Huit ans ! » [θɛmn snin]

«Thamn snine » et «huit ans » sont des expressions synonymes, l’une en arabe
dialectal et l’autre en Français. Ici, Aissa a utilisé le code switching en réitérant son
message pour mettre l’accent sur la durée d’absence de son frère et insister sur ce fait et
lui donner de l’importance.

L’alternance codique peut apparaitre aussi comme une citation ou un discours


rapporté, le locuteur l’utilise pour se distancer du contenu de cette citation. Comme dans
l’exemple suivant :

«Mohammed : Lala Fatma, ton arrière grande tante, tu sais ce qu’elle m’a dit ? Elle
m’a dit «arwah zorni, arwah tchoufni »on ira tous les deux sur sa tombe, tu verras c’est
en haut d’une colline ».

L’expression «arwah zorni, arwah tchoufni » [arwaħ zɔrni arwah tʃufni] en arabe
dialectal et qui signifie «viens me rendre visite, viens me voir»en langue française est une
citation. Mohammed rapporte donc ce que Lala Fatma lui a dit tel qu’elle l’a dit et avec la
langue qu’elle a utilisétout en se distanciant du contenu de cette citation.

2. Quelques particularités lexicales


2.1. L’emprunt

Comme nous l’avons déjà cité dans le premier chapitre, l’emprunt est considéré
comme le phénomène le plus important qui découle du contact des langues. La situation
d’emprunt commence à partir du moment où les choses sont introduites dans la langue
étrangère et oùla communautélinguistique accueil àla fois les référence et le terme qui les
désigne. Par exemple :

«Djelloul : vous moquez pas, elle lui allait bien cette djellaba » [Ʒɛlaba]

45
Chapitre 03 : Analyse des séquences.

Le terme «Djellaba »en arabe dialectal, qui désigne une robe àmanches longues et à
capuchon, portée par les hommes et même les femmes en Afrique du Nord, est utilisétel
qu’il l’est dans cet énoncéproduit en Français par Dédé(Français de souche) parce qu’il
n’a pas d’équivalent dans cette langue. Ce terme de l’arabe dialectal est entré donc, sans
aucune modification, dans le système linguistique de la langue Française (la langue
d’accueil).

Vu que les deux systèmes phonologiques des deux langues diffèrent, une certaine
difficulté en intégrant le terme dans la deuxième langue s’installe. Il faudrait alors passer
par une adaptation phonologique du terme avant de l’intégrer dans le système de la langue
d’accueil.

«Mohammed : Zohra amri l bessina »[zɔhra ʕamri l bɛsina]

Dans cet exemple, c’est exactement le cas du mot «bessina ». «Bassine » et


«bessina », sont deux prononciations d’un seul terme, la première est francisée et l’autre
est formée selon le système phonétique d’origine. Cette adaptation phonologique sert à
faciliter la prononciation pour ceux qui ne maitrisent pas la langue source du mot adapté.

2.2. L’interférence linguistique

Les interférences sont considérées comme étant la confrontation de deux systèmes


linguistiques différents l’un de l’autre. On dit qu’il ya interférence lorsque le locuteur
utilise un trait caractéristique de sa langue maternelle dans la langue étrangère qu’il utilise.

Dans notre corpus Ibliss, algérien de souche qui travaille avec les Français, ayant
l’arabe dialectal comme langue maternelle, utilise la langue Française pour ses échanges
avec ceux avec lesquelles il travaille. Il utilise toujours des traits phonétiques, lexicales ou
morphosyntaxique propres àsa langue maternelle dans ses productions en langue Française.
Mais ce phénomène reste très peu figurédans notre corpus.

Par exemple : Ibliss : «je les ai vues comme je vous voie madame »

Dans cet exemple, Ibliss voulait affirmer à Madeleine qu’il les a vues (la mère et la
sœur de Younes), il a donc traduit directement de sa langue maternelle vers la langue qu’il
utilise dans ses échanges avec Madeleine (langue Française), preuve de ses compétences
limitées en la langue Française. Cette expression en Français que Ibliss à utiliser est la
traduction du mot à mot de l’expression de l’arabe dialectal « chefthoum kima rani nchouf

46
Chapitre 03 : Analyse des séquences.

fik » [ʃɛfthum kima rani nʃuf fik]. Nous considérons ceci comme une «interférence
lexicale ».

2.3. Les accents de l’arabe dialectal

L’arabe dialectal (appelé Darja) est la langue utilisé par la majorité de la population
Algérienne, comme elle est la principale langue véhiculaire dans notre pays. Elle a pour
origine l’arabe, le berbère, le Français et même l’espagnol et le turc.

L’accent de l’arabe dialectal diffère d’une région à une autre. A titre d’exemple,
l’accent d’un Annabi diffère de celui d’un Tlemcennien, et celui d’un Algérois diffère de
celui d’un Oranais, de ce fait, une certaine difficulté de compréhension entre les différentes
régions s’installe, toutefois, cela ne constitue absolument pas un obstacle pour la
communication mais cet accent représente beaucoup plus le moyen qui nous permet de
déchiffrer la région du locuteur Algérien.

Il faut noter aussi qu’il est très facile de reconnaitre un kabyle qui utilise l’arabe
dialectal, ce dernier ayant certainement un accent marquéqui nous poussera tout de suite à
deviner ses origines Kabyles.

2.3.1. Les accents algériens dans le film

L’arabe algérien est caractérisépar quatre variétés régionales ; àsavoir :

1) L’algérois (région d’Alger)


2) L’oranais (région-Ouest)
3) La variétéKabyle et Chaoui (berbère/ région-Est)
4) La variétédu Sud

Comme cité plus haut, les accents permettent de reconnaitre l’origine du locuteur
grâce aux différents synonymes que peuvent avoir certains mots.

Pour ce qui est de notre corpus, nous avons relevé deux accents qui dominent les
interactions entre les personnages :

1) L’accent oranais
2) L’accent algérois

47
Chapitre 03 : Analyse des séquences.

Nous essayons à présent de dire que cet accent est la variante régionale de l’Ouest.
Cet accent est marqué par l’arabe algérien, avec des substrats Berbères et Espagnols. Nous
illustrons nos propos à l’aide du tableau ci-dessous :

Accents oranais Traduction en français

Goult J’ai dit

Khammam Réfléchis

Jahdek Ton possible

Bessah ? C’est vrai

Belkhouf Rapidement

Arwah Viens

Bqa ala kheir Au revoir

Weldi Mon fils

Khchine Dur

Maken walou Il n’y a rien

Guelebt J’ai cherché

Nselkou Je le sauve

Manashqch Je n’en ai pas besoin

Chouf mlih Regarde bien

Tchoufni Elle me voit

Rouh Va-t’en

Gwar Français

Mekhyounine ? Volés

Rayah Il part

Baadni Laisse-moi tranquille

Ma fhamtch ? Tu ne comprends pas

Drahem Argent

48
Chapitre 03 : Analyse des séquences.

Nous pouvons dire que l’accent oranais est produit par un contour plat ou légèrement
montant ou descendant. La dernière syllabe est toujours montante précédépar une descente.
Il est aussi reconnu par l’allongement.

Dans la déclarative de l’interrogative, l’intonation change. Par exemple dans


«khammam », «arouah », «chouf mlih », et «baadni » il s’agit de l’impératif,
l’intonnation est très dur et montante par contre lorsqu’il s’agit d’interrogation comme par
exemple «mafhamtch ? », «makhyounine ? », «bessah ? » l’intonnation dans ce cas de
figure réside dans le fait qu’il soit ascendant vers l’avant dernière syllabe et descendant
vers la dernière syllabe qui s’allonge légèrement.

Pour ce qui est de la phrase déclarative, l’intonation est plate, notamment lorsqu’il
s’agit de la forme verbale tels que « goulte », «chaft gware », «naatik draham ».

Nous présentons maintenant un tableau récapitulatif des différentes expressions


énoncées en accent algérois. Ce dernier est différent de celui d’Oran :

Accents algérois Traduction en français

Khlass Ça y est

Stenna Attends

Hakda Comme ça

Kifech ? Comment ?

Rahou Ils sont partis

Habbit J’aurais aimé

Madabiya ghir naawnek Je veux bien t’aider

Bebek Ton papa

Lazem Il le faut

Qouli ? Dis-moi ?

Wech sra ? Que s’est-il passé?

49
Chapitre 03 : Analyse des séquences.

Ya khi Oh lala

Ezreb Dépêche-toi

Yarja3 Il revient

Neqotlo Je le tue

Zorni Viens me voir

Khod Marie-toi

Habba J’aime bien

Yelzem Il le faut

Demmou Son sang

Baba Papa

Ala jalek Pour toi

Rod balek Fais attention

Yemma Maman

Yallah Allez-y

Emchi dégage

Concernant la déclarative dans l’accent algérois, l’intonation est caractérisée par une
descente de la dernière syllabe avec une variation mélodique surtout lorsque le locuteur
parle avec emphase et implication, comme par exemple «madabiya naawnek », «je fais ça
ala jalek », tandis que l’intonation concernant l’exclamative est un peu descendante vers la
fin du segment, et se caractérise par l’augmentation de la durée et l’intensité. Il faut
reconnaitre que l’accent algérois est doux par rapport à l’accent oranais qui semble plus
dur.
 L’accent campagnard
C’est celui des locuteurs vivant à la compagne. Dans notre film, Nous constatons la
présence de cet accent dans le parler de Aissa ou de celui de sa femme, comme dans
l’exemple suivant :
La femme de Aissa : «nshallah tssib khdima Aissa »[nʃalah tsib xdima ʕisa]
L’expression signifie « j’espère que tu trouveras un travail Aissa » en langue
Française. Le mot «khdima »signifie «travail »en langue française. «Khdima »en accent

50
Chapitre 03 : Analyse des séquences.

campagnard est le même mot que «khadma » [xadma] en accent Oranais ou Algérois, c’est
juste la prononciation qui change selon la région dans laquelle se trouve le locuteur.
Toutefois, ce changement de prononciation n’a aucun impact sur la compréhension et le
sens reste toujours saisissable.

51
Conclusion
Conclusion

C’est ainsi que nous avons tenté, comme nous l’avons mentionné plus haut, de
comprendre le phénomène d’alternance codique dans notre société, tout en présentant notre
travail en trois parties.

Dans la première partie, nous avons étudié la situation sociolinguistique de


l’Algérie, nous nous sommes attardés sur les phénomènes découlant du contact des langues,
y compris celui auquel nous avons consacrécette recherche.

De ce fait, dans la deuxième partie, nous avons énuméré les typologies des
alternances codiques comme nous avons relevé tous les types en présence dans notre
corpus ainsi que leurs fonctions.

Place au dernier chapitre, réservé à l’analyse des données relevées dans la


deuxième partie.

Ceci en nous basant sur le film Français d’Alexandre Arcady, «ce que le jour doit
à la nuit », basé sur l’ouvrage de Yasmina Khadra. La raison de notre choix étant la
richesse de ce phénomène tout au long de ce film.

Les schémas de l’alternance codique qui se manifestent dans les pratiques


langagières des personnages de notre film, nous mènent àconfirmer que cet usage de ce
phénomène dans le film n’est pas dû au hasard mais au contraire, il ne fait que pointer du
doigt les compétences linguistiques du locuteur Algérien et surtout sa bilingualité.

Celles-ci seraient un acquis historique dont les causes en seraient d’une grande part,
le passé colonial de l’Algérie et son impact sur la situation linguistique dans ce pays. A
savoir que l’utilisation de la langue est avant tout propre àun milieu, un individu ou une
communautébien précise, la langue reste donc liée étroitement à l’identité.

Toutefois, l’analyse des types d’alternances relevés, nous a fait constater que
l’alternance de type inter-phrastique est la plus répandue dans les productions langagières
des personnages de ce film. Nous en avons déduit donc, que ces personnages recouraient à
ce phénomène et plus précisément àce type d’alternance, essentiellement pour une grande
facilité d’énonciation.

Ceci nous l’avons confirmé après une analyse des fonctions de ces alternances
présentes dans le film : ces personnages, ne recouraient pas à l’alternance entre l’arabe
dialectal et le Français parce qu’ils sont dans l’incapacité de s’exprimer dans cette

52
Conclusion

deuxième langue, mais bien au contraire, le but de ces derniers est de se faire mieux
comprendre et faire en sorte que leurs idées soient transmises tel qu’ils le voulaient.

Nous pouvons dire, qu’après cette analyse du film «ce que le jour doit àla nuit »,
nous avons pu confirmer toutes les hypothèses émises en amont de notre étude.

Sachant que ce film étant situé dans le temps, c’est à dire à l’époque où les
Algériens commençaient à peine à mélanger l’arabe et le Français dans leurs conversations,
quelles en seraient l’amplitude de la progression de ce phénomène sur notre langage
quotidien à notre heure actuelle ? Et quelles seraient les étapes de changement par
lesquelles le langage ou la façon de parler des locuteurs seraient passéau fil du temps ?

53
Références
Bibliographiques
Références bibliographiques

Ouvrages

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Articles

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Références bibliographiques

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dans le quotidien d’Oran : Cas de la chronique ‘tranche de vie’ », mémoire de Master,
université Abou-Baker Belkaïd, Tlemcen.
Annexes
Annexes

Passage 01 :

El-Gaïd : j’avais été en ville w goult, tiens je vais faire un demi-tour hakda nchouf nssibi
aissa wirahou w kifesh rahou ayesh. Ton champ il est beau à voire, ta récolte va être
magnifique, c’est pour quand ?

Aissa : dans une semaine, grâce à dieu.

El-Gaïd : ya l’argent que je t’ai prêté pour acheter tes grains.

Aissa : baraka lahou fik sid El-Gaïd, nchallah dans un mois je vous rembourse.

El-Gaïd : réfléchis.

Aissa : c’est tout réfléchit, je ne vends pas.

El-Gaïd : Rassek khchine, khchine kima les mahi-eddine. Ana tani rassi khchine, un jour
j’arriverai à te convaincre, bqa ala khir.

Passage 02 :

Aissa : Nchallah tssib khdima Aissa.

Aissa : à Oran c’est pas toi qui cherches le travail, c’est le travail qui te trouve.

Passage 03 :

Aissa : cha rak dir hna ?

Mohammed : ana li nsaalek, ana khouk lekbir, tu arrives sans prévenir et je te trouve dans
un taudis, chassralek ?

Aissa : echi rah.

Mohammed : alesh makhabartnich ? kount nawnek.

Aissa : kifesh tawenni, sra li sra, maktoub rabi

Mohammed : personne n’a le droit de voler nos terres.


Annexes

Aissa : mafhamtsh, ana wel flaha khlass baadni.

Mohammed : halle, Aissa.

Aissa : manashaqaksh.

Ibliss : c’est son fils et sa fille.

Mohammed : pas possible, c’est toi Younes haha, c’est pas vrai, Zahra, ana khalkoum
Mohammed, tu me reconnais pas ?

Aissa : kifesh habit yaaklouk, sa fait combien d’années que tu n’es pas venu nous voire,
thamn sanine, huit ans que tu n’es pas venu te reccueillir sur la tombe de nos parents.

Mohammed : écoute Aissa, koul ma nahder maak nkhaf najarhek , wana madabiya ghir
nawnek, tu as une, deux enfants.

Aissa : ayalti !

Mohammed : moi aussi je suis de ta famille.

Aissa : machi kifkif.

Mohammed : kifkif, nta khouya w wlidek ki wlidi.

Mohammed : qu’est ce que tu veux faire de lui ? Un cireur de chaussures, c’est ça que tu
veux ?

Mohammed : vous ne pouvez pas rester ici, khamam.

Aissa : khamamt mlih, manashaksh drahmek.

Mohammed : tu sais ce qu’il ya de terrible chez nous ? C’est l’orgueil, et toi tu n’est qu’une
montagne d’orgueil. Une montagne d’orgueil, voilà ce que tu es.

Passage 04 :

Aissa : pourquoi tu me regardes comme ça ? lazem tthik fiya, ana babek, rak tasmaa,
babek. matkhamouch, rabi maana , on va y arriver inshallah.

Sa femme : inshallah.
Annexes

Passage 05 :

Younes : baba nahleflek, machi makhyounine.

Aissa : un homme qui ne peut plus ramener d’argent pour nourrir sa famille, tu sais ce que
c’est chez nous, rajel mayett, mayett, il est mort, son cœur bat, il respire, mais il est mort, et
il le sait.

Aissa : tu crois que je suis fini, c’est ça que tu crois, w jahdek hna, c’est cette douleur que je
ressens au fond de moi.

Passage 06 :

Aissa : lazem nahadro.

Mohammed : aya dkhol.

Aissa : andek lhaq, je ne suis plus capable de le garder. Donne-lui sa chance. Younes,
menenkorch, tabqa daymen wlidi, maktoub rabbi.

Passage 07 :

Mohammed : Madeleine, je te présente Younes, mon neveu. Hedi khaltek Madeleine. Il va


rester chez nous son père est d’accord.

Madeleine : c’est vrai !

Passage 08 :

Mohammed : ce que tu vois là Younes, c’est la trace de nos ancêtres, hatta lyoum w rak f
hed l costume chbeb, amrek ma tanssa mnine jite, jamais.

Madeleine : il est tellement beau !


Annexes

Passage 09 :

Madeleine : cava mon amour ?

Mohammed : cava azizti.

Passage 10 :

Mohammed : Bonjour mon garçon, rak takhdem mlih ? qouli wesh sra fel madrassa
lyoum. Ta tante me dis que tu es rentré fâcher, tu peux me parler Younes, je suis comme ton
père tu le sais.

Younes : il y en a un en classe, il a dit que les arabes étaient des paresseux, c’est vrai ?

Mohammed : Bien sûre que c’est vrai, enfin, c’est ce que les Français disent parce que nous
les arabes on prend le temps de vivre et ça ils veulent pas le comprendre. Pour eux le temps
c’est de l’argent, et pour nous, c’est la liberté qui n’a pas de prix. Viens, je vais te montrer
quelque chose, arwah, regarde c’est Lala Fatma, ton arrière grande tante, à l’arrivé des
Français, elle a réuni toute une armé et elle s’est battu comme une lionne. Tu sais ton père à le
même caractère que Lala Fatma, tu peux être fière de lui.

Younes : et lui c’est qui ?

Mohammed : lui, c’est un très grand monsieur, il s’appelle Missali Lhadj, Tfakar mlih hed l
assm. Il va rendre sa dignité au peuple Algérien.

Passage 11 :

La mère : il faut que tu rentres chez ton oncle maintenant, ton père il rentre tard, darwek
hyatek tem.

Imshi weldi, ya rien de bon pour toi ici, meken walou.


Annexes

Passage 12 :

Ibliss : elles étaient allées chercher de l’eau, la bombe les a tuées net, je les ai vues comme je
vous voie, toutes les deux, la mère et la fille, allah yanaal lklab.

Madeleine : et son père ?

Ibliss : elles n’ont plus eu de nouvelles de lui depuis longtemps, on raconte qu’il est parti dans
le sud, dans le désert même, allah yaster.

Passage 13 :

Mohammed : ils me font libérer pour faire croire que je trahis les miens, je suis déshonoré
Madeleine, ils me font passer pour un mouchard, j’ai rien dit, w rass yemma ya Madeleine
nahleflek j’ai rien dit.

On va tout vendre, la maison, la pharmacie, c’est terminé pour moi ici, khlass, on s’en va.

De toute façon même pour le petit on peut pas rester ici. Younes arwah weldi, andi hadra
maak, il va te falloir beaucoup de courage.

Passage 14 :

Mohammed : qu’est ce qui t’a pris de dire que c’est notre fils ?

Madeleine : et qu’est ce qui tu voulais que je dise ? Que sa mère est morte dans la ville et
qu’on sait pas où est son père ? Ici personne ne nous connait, il porte ton nom de toute façon.

Mohammed : quand même, quand même, taarfini manabghish nakdeb.

Passage 15 :

Le domestique d’Isabelle : bghit haja wahdokhra ?

Younes : lala saha.


Annexes

Le domestique : bghit tdarag wajhek, bessah ana belkhaf faqt bik, wesh rak dir m3a
lagwar ? Elle est au courant mademoiselle ? yakhi kedab yakhi !

Passage 16 :

Mohammed : wine rak rayeh ? Ne va pas trop loin et soit prudent s’il te plait !

Passage 17 :

Dédé : vous moquez pas, elle lui allait bien cette djellaba.

Passage 18 :

Jean Christophe : Dédé, il est ou le piquenique ?

Dédé : Ah j’ai oublié ! Aya rouh jibou nta, ezreb, imchi, à pied ça t’apprendra.

Passage 19 :

Mohammed : et cette livraison, ça s’est bien passé ?

Younes : oui, oui, très bien.

Mohammed : la prochaine fois c’est moi qui la ferais, dib yabqa dib.

Passage 20 :

Dédé : tu me parles plus comme ça devant mes amis, tu as compris ? Baisse les yeux, lehmar,
baisse les yeux !

Passage 21 :

Younes : c’est Dédé ?


Annexes

Djelloul : il était saoul, il m’a tabassé, oueld lkalb louken yarjaa wallah noqotlou. Je veux
rentrez chez moi.

Younes : Stenna, je te ramène.

Djelloul : regarde, c’est là que j’habite, c’est ça notre place dans ce pays, chouf mlih, même
dieu nous a abandonné.

Younes : pourquoi tu dis ça ?

Djelloul : khatar hada houa sah.

Younes : prend les, ça me fait plaisir.

Djelloul : je te les rendrais un jour, saha khouya, maintenant va rejoindre tes amis, bessah
omrek ma tanssa beli nta arbi kifna w samawek Younes.

Passage 22 :

Mohammed : je t’ai mis vingt mille franc dans la valise sous les chaussettes, dib yabqa dib.

Passage 23 :

Mohammed : c’est toi Younes ?

Younes : cava ?

Mohammed : bien sûre que çava. Tu as vu cette lune ? Ya que chez nous qu’on a des lunes
pareilles.

Younes : oui, tu veux bien sortir de l’eau ?

Mohammed : Arwah, arwah, tu sais qu’elle m’a parlé.

Younes : qui ?

Mohammed : Lala Fatma, ton arrière grande tante.et tu sais ce qu’elle m’a dit ? elle m’a dit
« arwah zorni, arwah tchoufni »on ira tous les deux sur sa tombe, tu verra c’est en haut
d’une colline.
Annexes

Younes : d’accord, maintenant on va rentrer.

Mohammed : khod mra Younes, w habha ktar melli yalzem, keli mataarafsh dir haja
okhra fi had denya. Souviens-toi, si une femme te donne son amour, tu pourras toucher
toutes les étoiles. Maintenant laisse moi je vais m’assoir.

Passage 23 :

Simon : mais alors ? Tu m’as pris pour un gangster ou quoi ? Remballe moi ça ya le petit c’est
dangereux là, Mahboul !

Passage 24 :

Djelloul : Allez descend, rah yatfaragh men demou, ya rabi glaalah had rssas.

Younes : c’est une pharmacie ici, je peux pas mettre ça.

Djelloul : c’est notre chef fhamt ? Il faut pas qu’il meurt !

Madeleine : qu’est ce qui se passe ici ?

Djelloul : smaa, ila matssalkouch noqtelha.

Younes : tu laisses ma mère t’entend !

Madeleine : ça suffit Djelloul ! Maintenant laissez moi faire, je me débrouillerai toujours


mieux que vous avec un fil et une aiguille.

Djelloul : Madeleine je garde ton fils avec moi. Aya lkhawa barra.

Passage 25 :

Djelloul : pour la semaine prochaine prépare des médicaments et dépose-les au pied de cet
arbre. Et Younes ? Ma tenssash wesh ndirou lel bayaa, allez, va-t’en, yallah.
Annexes

Passage 26 :

Krimo : tes amis ont égorgé Simon avant de mettre le feu et tirer, ila tawed tdawihoum ya
wallahi noqotlek.

Passage 26 :

-Nta houa Mahieddine Younes ?

Younes : Oui, pourquoi ?

-Tabaana.

Passage 27 :

Djelloul : content de te voire mon frère, San Francisco mette.

Guellebt sma w lard besh nssalkou w dartha alajalek.

Younes : Merci Djelloul.

Passage 28 :

Younes : Djelloul, il faut absolument que j’aille à Oran.

Djelloul : nta mahboul, c’est la folie là-bas. Les rues sont dangereuses, on contrôle pas
encore tous les quartiers.

Younes : s’il te plait !

Djelloul : saha, bessah rod belek. Lah yssehel.

Younes : Merci.

Passage 29 :

Younes : si jamais tu changes d’avis, tu seras toujours le bienvenu.

Jean Christophe : tabqa ala khir.


Tableau de convention de transcription :
Table des matières
Table des matières

Introduction

-Préambule…………………………………………………………………………….....01

-Présentation du corpus…………………………………………………………………..01

-Motivation et choix du sujet…………………………………………………………….02

-Problématique…………………………………………………………………………...03

-Hypothèses de recherche……………………………………………………………..…03

-Cadre méthodologique. …………………………………………………………………04

-Objectif de la recherche……………………………………………………………….…04

Chapitre 01 : La situation sociolinguistique en Algérie

1. La situation sociolinguistique en Algérie ………………………………………….07

1.1. La sphère arabophone…………………………………………………………….…..07

1.2. La sphère berbérophone……………………………………………………………..08

1.3. La sphère des langues étrangères………………………………………………….…08

2. Le contact des langues …………………………………………………………….….09

2.1. Le bilinguisme…………………………………………………………………….….09

2.1.1. Types du bilinguisme ……………………………………………………………....10

2.1.2. Bilinguisme simultané……………………………………………………………....10

2.1.3. Bilinguisme précoce / successif………………………………………………….…10

2.1.4. Bilinguisme tardif………………………………………………………………..…10

2.1.5. Bilinguisme soustractif……………………………………………………………..10

2.1.6. Bilinguisme passif………………………………………………………………….10

2.1.7. Le bilinguisme en Algérie au XVIII°siècle……………………………………....11

2.1.8. Le bilinguisme contemporain en Algérie……………………………………….…12


Table des matières

2.2. La diglossie……………………………………………………………………….…12

2.2.1. La diglossie en Algérie……………………………………………………..…….13

2.3. L’alternance codique…………………………………………………………………15

2.3.1. Alternance codique intra-phrastique……………………………………………….16

2.3.2. Alternance codique inter-phrastique……………………………………………….16

2.3.3. Alternance codique extra-phrastique……………………………………………….16

2.4. L’interférence linguistique……………………………………………………………17

2.4.1. Interférences phonétiques…………………………………………………………..18

2.4.2. Interférences lexicales………………………………………………………………18

2.4.3. Interférences morphosyntaxiques………………………………………………...…18

2.5. L’emprunt………………………………………………………………………..……18

2.5.1. Le Français : ‘langue emprunteuse’……………………………………..…………19

2.5.2. Le Français : ‘langue empruntée’……………………………………………...……19

Chapitre 02 : La typologie des alternances codiques

1 : La typologie des alternances codiques ………………………………………...……22

1.1 : Typologie de Poplack ………………………………………………………….……22

1.1.1. Alternance codique intra-phrastique……………………………………………..…22

1.1.2. Alternance codique inter-phrastique……………………………………………..…24

1.1.3. Alternance codique extra-phrastique…………………………………………….…31

1.2 : Typologie de Gumperz………………………………………………………………33

1.2.1. Alternance codique conversationnelle………………………………………………33

1.2.2. Alternance codique situationnelle………………………………………………..…33

1.3 : Typologie de Dabène et Billiez………………………………………………………35


Table des matières

1.3.1. Alternance codique inter-intervention………………………………………….…35

1.3.2. Alternance codique intra-intervention ……………………………………………35

Chapitre 03 : Analyse des séquences

1. Analyse des séquences ………………………………………………………...…….38

1.1. Description du corpus……………………………………………………………….38

1.2. Les langues en présence dans le film………………………………………………..38

1.3. Les types d’alternances présentes dans le film………………………………………39

1.4. Les fonctions d’alternances présentes dans le film…………………………………..42

2 : Quelques particularités lexicales……………………………………………………45

2.1. L’emprunt…………………………………………………………………………….45

2.2. L’interférence linguistique…………………………………………………………...46

2.3. Les accents de l’arabe dialectal………………………………………………………47

2.3.1. Les accents dans le film……………………………………………………………47

Conclusion…………………………………………………………………………….…52

Bibliographie………………………………………………………………………….....55

Annexes

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