Etude Sur Le Thuya Du Maroc, Les Genévriers Et Le Cyprès

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Protectorat de la République Française

au Maroc

GOUVERNEMENT CHÉRIFIEN

DIRECTION DES EAUX ET FORÊTS

ÉTUDE
SUR

LE THUYA DU MAROC,

LES GENÉVRIERS
ET

LE CYPRÈS

EXPOSITION
COLONIALE
INTERNATIONALE

R ARI S
- -

19 3 1 - -

Université Nice Sophia Antipolis. Service Commun de la Documentation


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Protectorat de la République Française
au Maroc

GOUVERNEMENT CHÉRIFIEN

DIRECTION DES EAUX ET FORÊTS

ETUDE
SUR

LE THUYA DU MAROC,
LES GENÉVRIERS
ET

LE CYPRÈS

EXPOSITION
C OLONIALE
INTERNATIONALE
- -

PARIS -

- -

19 3 1 - -

Université Nice Sophia Antipolis. Service Commun de la Documentation


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ÉTUDE
SUR

LE THUYA DU MAROC,

LES GENÉVRIERS
ET

LE CYPRÈS

INTRODUCTION

Allure générale de la forêt de Cupressinéesdu Maroc

Le Maroc résulte, à l'extrémité Occidentale de l'Ile du


Moghreb allongée de l'Est à l'Ouest entre la Méditerranée
et le Sahara, de la rencontre de l'Océan Atlantique et de la

chaîne de l'Atlas.

La « Meseta Marocaine », bloc résistant aux diverses


poussées orogéniques, a forcé l'Atlas, courant de l'Est, à
s'incliner vers le Sud, où il se redresse rudement en formant
le Grand Atlas, avant de s'enfoncer sous l'Atlantique, mais
aussi à détacher vers le Nord un puissant rameau, le Moyen
Atlas ; celui-ci touche, par le vestibule de Taza, l'extrémité
orientale du Riff par où le Maroc se raccorde à l'Espagne,
à l'Europe. Quant au Grand Atlas, il annexe, encore, par le
seuil du Siroua, l'Anti Atlas qui étend le Maroc jusqu'au
bouclier saharien, au socle même de l'Afrique.

Tandis queles courants climatiques venus de l'Atlanti¬


que se heurtent vite, au fond du golfe du Sous, au seuil
uu volcan du Siroua, ils s'enfoncent bien plus profondé-

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ment dans le Détroit Sud-Riffain, dans l'entonnoir <m bassin
du Sebou qui conduit vers Taza.

Mais c'est en glissant du Sud-Ouest au flanc Nord du


Grand Atlas et en butant du Nord-Ouest contre les avancées
occidentales du Moyen Atlas, que ces courants, se mêlant
au-dessus du haut-fond climatique constitué par la Meseta
Marocaine et ne laissant filtrer qu'une faible partie d'eux-
mêmes au-delà du sillon de la Moulouya, créent la vérita¬
ble province naturelle du « Maroc », à front atlantique,
reliée par le Riff à la Bétique, et par l'Anti-Atlas à la Mau¬
ritanie.

Cette province naturelle, logée dans l'angle obtus du


Grand Atlas et du Moyen Atlas, avec le nœud orographique
et climatique des Imdras comme charnière, et la Meseta
comme plateau ou comme base, largement ouverte aux cou¬
rants atlantiques, leur offre, par son relief, des expositions
diverses, les conduit, les déverse, les absorbe à des profon¬
deurs variables à partir du littoral, et c'est cette tournure

originale du pays, que reflète l'allure générale de la forêt de


Cupressinées du Maroc : le ploiement et le déploiement de
son immense
écharpe de bois, jetée sur l'Atlas et solide¬
ment attachée à la
montagne, mais retombant largement
sur ses bords et tendue
depuis le littoral atlantique jusqu'à
la côte méditerranéenne.

Tandis que le Chêne-liège représente dans le Détroit Sud


Riffain une colonie appartenant au climat et à la flore fores¬
tière qui règne autour du bassin de la Méditerranée occi¬
dentale, et que l'Arganier apparaît, dans le golfe du Sous,
comme le
rejeton forestier d'un continent englouti sous
l'Océan, la famille des Cupressinées du Maroc est la souche
où recrutent, d'un bout à l'autre du pays, les forces
se

forestières autochtones les plus anciennes de la Berbérie,


celles qui constituent encore la base résistante de l'armature
boisée du Maroc en reliant entre elles les autres masses fo¬
restières, et qui apportent aussi, aux populations indigènes
qui les exploitent, le tribut dominant de la richesse forestiè¬
re de ce pays.

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Ces représentants de la famille des Cupressinées au Ma¬
roc sont :

Le Thuya du Maroc (Ccillitris quadrivalvis).


oxycèdre et thurifère (Juniperas
Les Genévriers rouge,

Phoenicea, Juniperus Oxijcédrus, Juniperus Thuriféra) et le


Cyprès (Cijpressas sempervirens).
C'est à ce groupe d'essences forestières — très réduit en
nombre, mais considérable par sa force — que s'appliquent
les observations rassemblées dans la présente étude, sous les
titres suivants :

I. — Zone d'extension des Cupressinées du Maroc :


Le climat. Le milieu physique.
II. —Mode de croissance des Cupressinées du Maroc :
Le sujet. Le milieu biotique.
III. — Assiette et usage de la forêt de Cupressinées du
Maroc :

L'homme. Le produit forestier.

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I, — ZONE D'EXTENSION DES CUPRESSINËES AU MAROC
Le climat - Le milieu physique

À) GENERALITES SUR LE TERRITOIRE


CLIMATIQUE
DES CUPRESSINEES

Il ne suffit pas, pour reconnaître le territoire climatique


des Cupressinées, de discerner, comme pour le Chêne-liège,
les bornes des massifs, morceaux de la forêt initiale
ou, com¬
me
l'Arganier, les bornes de l'arganeraie et celles des
pour
plages qui la composent ; il faut ici, non pas survoler de
haut, procéder par surface, mais marcher, suivre un chemin,
ligne brisée, interrompue et plus Ou moins « pénétrante »,
car la forêt de
Cupressinées s'étage sur une série d'échelons
qui relie les plages extrêmes du Nord et du Sud marocain,
du Chêne-liège et de
l'Arganier, en s'adossant à la chaîne du
Grand Atlas et en effleurant les
gradins du Moyen Allas.
C'est le
Thuya, d'abord, qu'on a remarqué et prospecté :
ça aété dès 1914-1917, la traversée (vers le Moyen Atlas, vers
Khénifra) des plateaux d'Oulmès, après celle de l'arrière pays
crevassé de Rabat-Casablanca ;
puis, des 1917-1920, à partir
de Mogador, on a longé le rebord Ouest ondulé du plateau
Mtougui, le pied du plateau crevassé des Ida ou Tana, jus¬
qu'aux portes d'Agadir. On a ainsi, dès le début, eu la révé¬
lation de deux zones
d'accrochage du Thuya, Nord et Sud,
avant d'arriver à la
montagne proprement dite : Contact
avec le Chêne-liège d'une part, l'Arganier de l'autre,
avec
mélange intime avec ces essences, question topographique
d' « exposition » semble-t-il
(Chêne-liège), ou de sol et de re¬
lief (Arganier), mais
pas de «climat». Comment cette «infor¬
mation» s'est-elle
complétée, enrichie et ordonnée? D'abord,
on a retrouvé le
Thuya par des « pointes » isolées dans de
nombreuses autres régions plus ou moins
éloignées de la
mer ; on l'a retrouvé au bord de l'Océan ou sur le versant
méditerranéen, puis on a discerné, à côté du Thuya, des es¬
sences voisines, d'autres
Cupressinées, plus ou moins mélan¬
gées à lui, surtout dans ces nouvelles stations.

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Autrefois, on n'avait rencontré, en venant de la mer,

que le Genévrier de Phénicie (Genévrier rouge), dans des


stations très particulières : îlots littoraux, sablonneux, sur
la côte
atlantique et méditerranéenne (Saïdia, près Oujda,
Mehedya, près de Kénitra, Mogador dans les dunes).

Or, en avançant, en entrant dans la montagne, on ren¬


contrait souvent le mélange 011 des successions variables de
ces essences Tbuya, Genévrier rouge, Genévrier oxycèdre
:

(ce dernier, aussi bien au raccord des plateaux d'Oulmès et


du Moyen Atlas quedans les vallées chi versant Nord du
Grand Atlas et en mélange plus ou moins intime avec le
Chêne vert).

Enfin, en montant encore dans la montagne, mélangé ou


non au Genévrier oxycèdre
Genévrier rouge, on a, dès
ou au
1918, dans le Moyen Atlas et dans le Grand Atlas, découvert
des peuplements assez importants de Genévrier thurifère,
dans des stations tout à t'ait différentes,
climatiquement,
de celles du voisinage du Cèdre que le Thuya
Thuya, soit au
ne touche jamais, soit pour constituer seul la limite de la

végétation arborescente, ou tout au plus avec le Genévrier


oxycèdre et le Chêne vert dans le Grand Atlas.

Ajoutons enfin que, dès 1921, l'Inspecteur Watier a re¬


connu, dans une vallée du Grand Atlas, la principale, celle
de l'Oued N'Fiss, qui coupe le massif cristallin et fait com¬
muniquer la partie occidentale du versant Nord avec le
Golfe du Sous, une série de stations de Cyprès, échelonnées
enaltitude, à travers le Thuya et le Genévrier rouge, sans
Thurifère, et, de l'autre côté de la chaîne, une série de sta¬
tions, approximativement sur le pourtour de l'aire de l'Ar-
ganier, surtout à sa limite Est, oii le Thuya se rencontre
(avec lë Genévrier rouge) depuis le bastion extrême Ouest
de Tazeroualt jusqu'au fond du Golfe du Sous, avant de re¬

joindre Agadir et le plateau Mtougui par les contreforts du


versant Sud du Grand Atlas.

On a signalé, d'autre part, qu'il semble y avoir 1111 hiatus,


une brèche dans la distribution territoriale des Cupressi-
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nées : Sur le promontoire du Moyen Atlas, ces essences se
raréfient, entre sa base Sud et sapointe Nord ou plutôt vers
le Bou Iblane (Massif des Béni Ouaraïn), au profit du Cèdre
car le
Thuya, le G. rouge et le G. oxycèdre ne font qu'effleu¬
rer ces
gradins, comme par exemple le Thuya à la Zaouïa
d'Ifrane d'Ain Leuh, l'Oxycèdre à Taka Ichiane.

Mais il
s'agit de rechercher maintenant les lois auxquel¬
les obéit cette distribution, les lignes, les courants climati¬
ques (et orographiques) qui l'ont déterminée, l'amplitude-
totale de l'oscillation que réflète la
répartition de ces diver¬
ses essences, et le caractère commun, le lien, qui réunit les
différents éléments de ce dépôt climatique.

B) COURANT\S CLIMATIQUES

C'est en effet la notion de courant


«
climatique » qui
explique ce dépôt, en serévélant de plus en plus nettement
au fur et à mesure qu'on multiplie les « abordages », qu'on
varie les voies d'accès et qu'on pénètre davantage dans la
forêt de Cupressinées en partant du littoral.
Déjà dans les plateaux du Sud (Haha, Ida ou Tanan), on
avait vu le
Thuya, quittant l'Arganier littoral, remonter les
crevasses des oueds littoraux
envelopper les récifs mon¬
ou

tagneux (Amsitten) ou les arêtes dirigées d'Est-Ouest, en con¬


vergeant vers le col de Mâchou, avant de redescendre le long
des flancs de la chaîne Est-Ouest, retrouvant
l'Arganier au
Sud, le gommier au Nord, et atteignant aussi le Chêne-vert,

qu'il avait rencontré pour la première fois Qu sommet de


ces plateaux (1.700 m.) en tâche
épaisse, encerclée ou entou¬
rée par des îlots de Genévrier rouge.

Mais sur le versant Nord du Grand Atlas, assez abrupt,


où le cours sensiblement S-N des oueds à leur sortie du dir
tombe dans la plaine normalement à ce flanc de glissement
offert aux courants climatiques atlantiques, le Thuya a été
comme balayé, ou du moins on ne le retrouve, dans ces dé¬
buts de vallées, quenettement supplanté par le Chêne vert,
sauf deux grandes exceptions dans la vallé du N'Fiss et dans

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celle de l'Ourika : la première, qui fend la masse cristalline
en se recourbant franchement vers le Sud-Ouest au fur et à
mesure qu'elle remonte, a offert là un vaste refuge au Gené¬
vrier rouge, mélangé en bas au Thuya, laissant place en haut
au Cyprès (vallée de l'Aghbar), avant que, passé le col du
Test à travers une bande de Chêne vert, on ne retrouve dans
la vallée «
opposée » le Thuya dominant PArganier. La deu¬
xième vallée, celle de l'Ourika, elle aussi brutalement in¬
curvée vers le Sud-Ouest en remontant, laisse pénétrer, dans
son sillage, le Genévrier rouge, le Chêne vert, et quand celui-
ci a
disparu, seul, le Thurifère.
Cette disposition » orographique, avec sa répercussion
«

sur la forêt des


Cupressinées, se prolonge à l'Est, jusqu'aux
derniers affluents de l'Oued Tensift qui draine tout ce ver¬
sant du Grand Atlas occidental, de l'Oued Ait Moussi jus¬

qu'au passage de Telouet : dans ces dernières vallées S-N


(Oued Zatt, Rdat), Thuya et G. rouge sont postés dans le
cours inférieur et sur les premiers promontoires de leurs

berges, puis, le bandeau de Chêne vert, plus ou moins lacéré,


subsiste seul, à moins qu'au-delà encore, dans les très hautes
vallées sèches, le thurifère égrène encore quelques taches.

Mais c'est en abordant, venant de l'Ouest de Marrakech,


non plus la région de haute chaîne comprise entre Tensift
et Sous, mais celle des hautes crêtes, ou des falaises éche¬
lonnées en profondeur, de la de l'Oued el Abid au
cassure
sillon du Dadès-Todra, c'est-à-dire la région des Imdras,
que se révèle la vraie forêt de Cupressinées.
C'est en effet en remontant, vers leurs sources, les hauts
cours des Oueds Tessaout, Lakhdar et de leurs affluents
orientés de l'Ouest vers le Sud-Est, qu'on pénètre, par der¬
rière le haut cours de l'Oued el Abid encore inaccessible
aux investigations forestières, dans le véritable réduit des
Cupressinées, abrité de la pénétration par le glacis de la
meseta et les avant corps du pays calcaire compris entre le

cours de l'Oued el Abid et le donjon des Imdras.

Voici comment se présentent, dans cette masse boisée,


les substitutions d'essences : il vaudra mieux, pour en juger,

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au lieu de prendre un chemin Nord-Sud faisant pénétrer


dans les replis avancés du massif vraiment central (la cara-
pace calcaire des Imdras opposée à la chaîne cristalline du
Grand Atlas Central), c'est-à-dire au lieu de remonter par
les estuaires et les fleuves
climatiques dirigés vers l'Est, re¬
descendre plutôt du faîte de la plus haute falaise, celle du
Djebel Mgoun (deuxième sommet en altitude du Grand
Atals, 4.070 m. contre 4.1(55 au Djebel Toubkal) qui se dé¬
veloppe au-desus des plateaux désertiques du Dadès, en cou¬
pant les sillons creusés par l'Oued Lakhdar et ses affluents
jusqu'aux derniers mamelons formant dir, qui s'étendent
au Nord de la
ligue Demnat, Tanant, Azilal, Ouaouzert, Bin
el Ouidane et qui ne sont plus séparés que par la crevasse
de l'Oued el Abid, et le ressaut du Rnim, du glacis qui les
raccorde à la plaine du Tadla.
Dans ce mouvement à
partir du point culminant de
l'Ighil Mgoun, on distingue d'abord, vers le Sud, à partir
du sommet complètement dépouillé de bois, sur les flancs
des ravins constituant la tête des plus hauts affluents Nord
du Dadès, des taches boisées qui
paraissent être du
Genévrier thurifère (à une altitude voisine de 2.500 à
3.000 m.). On ignore jusqu'où descend Genévrier thuri¬
ce
fère, associé sans doute à
l'Oxycèdre, peut-être aussi au
Genévrier rouge (on n'a pas encore pu découvrir, en montant
au Mgoun
par le versant Sud, en venant de Skoura ou de Bou
Maalem, de Thuya ou de Chêne vert, ni pu préciser la nature
des Genévriers qui doivent simplement être
présumés des
Genévriers thurifère, très probablement).
Sur le versant Nord, au contraire, en descendant du
Mgoun vers Demnat, on traverse, à partir de 2.500 mètres
un lacis de récifs secondaires et de fossés intercalaires re¬

vêtus entièrement d'abord de Genévrier thurifère, plus ou


moins mêlé d'oxycèdre, puis de Genévrier rouge à peu près
pur, à toutes les expositions, et à tous les degrés d'altitude
de ce plissement ou plutôt de cette sculpture en creux du
soubassement de la haute chaîne, qui apparaît largement
tapissée de bois de ces essences.

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Il semble bien,
cependant, qu'à partir d'une certaine
limite, sans doute voisine de l'Oued Ahanzal, ces Cupres-
sinées ne figurent plus forme d'îlots plus ou moins
que sous
séparés de leur attache Ouest, et qu'alors, arrivant au A'éri-
table bastion central, aux Ixndras, entourés de fossés
pro¬
fonds dont la vallée de l'Oued el Abid ou l'Assif Melloul don¬
ne une idée, ce soit au Chêne vert seul (assisté
peut-être
d'Abiétinées, Pin d'Alep ou même Cèdre) que revienne le
sort de prolonger le revêtement boisé sur ce seuil
élevé,
jusqu'à l'endroit où divergent, vers l'Est, les ramifications
rayonnantes du Grand Atlas oriental, et vers le Nord-Est,
franchement, les plis parallèles du Moyen Atlas.

C) EMBRANCHEMENTS CLIMATIQUES

Ce sont ces deux


grands systèmes de plis, redressés tous
les deux vers le Noid à
partir du haut cours de l'Oued el
Abid (à l'aplomb de Kasba-Tadla)
qui vont maintenant nous
guider pour reconnaître les courants climatiques auxquels
obéissent la distribution et la
répartition des Cupressinées,
et, avant tout, du Thuya, quasi seul cette fois, puisqu'il est
presque complètement abandonné par le Genévrier rouge, lâ¬
ché par le thurifère qui se cantonne en quelques hautes sta¬
tions et lâché aussi
par l'Oxycèdre qui est resté mêlé au
Chêne vert. Mais nous verrons à ce
propos, que ce « glisse¬
ment » du Genévrier rouge, cet effacement et recouvrement

par le Thuya, commandé naturellement avant tout par le


« climat le
», par courant climatique général que
nous venons de suivre, venant de l'Atlantique et
longeant, frôlant le Grand Atlas où il se heurte, malgré
cet écran, au courant du Sud, du Sahara, en des
chocs brutaux, plus ou moins tempérés par des cols et des
seuils selon le jeu de l'altitude, nous verrons
que ce phéno¬
mène relève aussi de contre-courants
proprement septen¬
trionaux, venus du Nord-Ouest et du Nord-Est, de la
façade
concave
Nord-Atlantique et Nord-Méditerranéenne,et péné¬
trant vers le du
Maroc, d'une part par la région des
cœur

plateaux d'Oulmès, c'est-à-dire la partie bossuée et crevassée

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de la meseta septentrionale, et par la vallée ou sillon de la
Moulouya d'autre part, ces deux régions étant d'ailleurs
mal séparées entre elles par le seuil de Taza et communi¬

quant assez facilement par le haut bassin du Sebou et de ses


affluents, notamment par la vallée de l'Oued Innaouen.

Ces contre-courants, on le verra, malgré leur force qui


donne localement à la îorêt de Thuya une importance
«
quantitative » notable, dans l'arrière pays de
Rabat (vers Khénifra, Tadla), et dans l'arrière pays de Me-
lilla (vers Taza), ne rompent pas l'unité de la couverture
forestière attachée au relief, mais marquent seulement, en

exagérant son amplitude en plan, sinon en altitude, la con¬


tinuité du front Nord du Maroc forestier depuis les massifs

atlantiques de Chêne-liège jusqu'aux nappes d'Alfa des pla¬


teaux algéro-marocains.
Apartir du Massif des Imdras qui, comme nous l'avons
dit, est probablement une formation géologique spéciale
(carapace calcaire élevée) et surtout un nœud orographique
(centre de dispersion des eaux atlantiques, méditerranéennes,
sahariennes du Maroc) et qui, au point de vue forestier, est
sans doute aussi revêtu d'une carapace de Chêne vert avec

peut-être des inclusions de Cèdre, ou de pin n'Alep, com¬


mence la fourche du Moyen Atlas et du Grand Atlas orien¬
tal : s'il est difficile, au point de vue géologique, de distin-

quer le sommet exact de cette fourche, on peut dire, fores-


tièrement parlant, que le Grand Atlas oriental comprend
tout ce qui est situé au Sud du Haut Oued el Abid et de la

Moulouya, qu'il est limité au Nord, en somme par le fossé


de l'Oued el Abid, puis, au delà du seuil d'Arbala, par la lar¬

ge et longue cuvette de la Haute Moulouya. Sur le pourtour


élevé de cette cuvette comme sur les bords à pic de ce fossé,
le Chêne vert met son bourrelet, qui assure la continuité
forestière du Maroc Méridional et du Maroc Septentrional,
tandis que la nappe d'Alfa venue de l'Est, qui vient mourir
au fond de la cuvette sans rejoindre le Chêne vert, marque
l'avancée extrême vers l'Ouest du climat steppique du Ma¬
roc Oriental.

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A l'Est des
Imdras, la ligne de partage des eaux — entre
Sahara et Méditerranée du Grand Atlas, qui recèle dans

la région de Tounfit
d'importants massifs de Cèdre et aussi
de Pin
d'Alep non encore pénétrés, se prolonge vers l'Est
par une suite de crêtes allongées dans cette direction, ne
laissant entre elles que de rares
passages, empruntés par les
routes carrossables : d'abord le Tizi
N'Talghemt, qui fail
communiquer la vallée de Ja Moulouva avec celle du Ziz,
puis le passage de Talsint qui fait communiquer la Mou¬
louva avec le bassin du Guir.

Cette chaîne montagneuse


possède un reste de végétation
forestière : le Chêne vert
disparaît assez vite à l'Est de Tizi
N'Talghemt, et on ne trouve, plus à l'Est, que quelques
bouquets, puis pieds isolés de Genévrier rouge et de Ge¬
névrier oxycèdre dans les hauts ravins qui descendent, vers
le Sud, au Guir et à ses affluents (dont le
principal est l'Oued
Zousfana, dans la région du Figuig). Au Nord,
plus de Gené¬
vriers, rien que la steppe d'Alfa, et il faut arriver à la lati¬
tude de Berguent, à Debdou, pour retrouver les peuple¬
ments forestiers
ligneux, sur le rebord Nord des Hauts-Pla¬
teaux, au-dessus de la dépression Oujda-Guercif

qui prolon-
ci
ge le sillon de l'Oued Sebou (et Innouen) jusqu'à Taza.
Au Sud de cette
dépression, représentée par la route Ouj¬
da-Guercif, complètement dépourvue de peuplements boisés
et souvent même d'Alfa, on retrouve en effet deux zones boi¬
sées :
Sud-Ouest, la Gada de Debdou, rebord du plateau
au

couronné de Chêne-vert, et bordé,


en-dessous, d'un frange de
Thuya ; au Nord-Nord-Est, dans le bassin de l'Oued Tafna
(Oued Isly) des îlots de Chêne vert dominant les
plages de
Thuya ; entre ces deux zones, et tout enveloppée d'une gaine
de nappe alfatière largement développé autour d'elle, même
au Nord, s'étale la ramure boisée de 1 Oued Za, avec ses ra¬
meaux latéraux également boisés en Thuya.
Passant maintenant au Nord de la dépression Oujcla-
Guercif-Taza, nous retrouvons le même trio, Chêne vert,
Thuya et Alfa et on peut dire que c'est lui qui constitue,

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seul, le sédiment boisé de la basse vallée de la Moil-
louya.
A l'Ouest de l'Oued Msoun (zone française), versant
atlantique, on ne trouve plus de Thuya dans tout le bassin
du Sebou même sur les collines de Fez, de Meknès, d'Ouez-

zan, mais rien que Chêne vert et Chêne-liège ; à l'Ouest de


l'Oued Kert (zone espagnole, versant méditerranéen), le
Thuya disparaît peu à peu, il s'égrène dans les ravins ou
les oueds littoraux jusqu'à Chechaouen, tandis que le Chêne
vert, le Chêne-liège, le Cèdre constituent l'essentiel du man¬
teau forestier du Ri If, auquel s'ajoutent, sur le versant at¬

lantique, aux environs de Chechaouen, des ilôts de Sapin,


(Abiès pinsapo).
Mais pour comprendre la présence et la distribution du
Thuya, comme peuplement forestier, dans la basse Mou-
louya, et comment s'est effectuée la sédimentation qui a
abouti à cet état, il faut faire intervenir, au moins sur la
rive gauche, dominée par le Moyen-Atlas, le contre-courant
climatique, venu de la Méditerranée et remontant, en lon¬
geant ce bord montagneux, le large sillon de la Moulouya
qui relie directement le Grand-Atlas, le cœur du massif, à la
Méterranée en coupant la lisière Ouest de la grande plage
d'Alfa venue de l'Est.
Le Genévrier rouge dont on ne signalait qu'une Lâche au
voisinage de l'embouchure de la Moulouya — forêt de Taza-
graret, près Saïdia — et qu'on retrouve brusquement en
effet sur le Djebel Mazgout, qui domine Sakka, représente,
si on veut, avec ses îlots qui se rattachent sans nul doute
au grand courant que nous avons suivi jusqu'ici, tout le long
de la chaîne du Grand Atlas, de l'Atlantique à la frontière
algérienne, l'élément subsistant de la végétation forestière
primitive, aux points de remous de ce courant principal
affaibli et du contre-courant vigoureux indiqué plus haut.
Il est significatif que ce Genévrier rouge soit rencontré,
en dehors de la tache maritime de Saïdia, sur le liane Est du
Riff, à la limite supérieure du Thuya et en mélange avec lui,
mais cédant ensuite sa place au Chêne vert qui règne sur le
plateau.
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15 —

Lorsqu'on passe de Sakka à Berkane, en traversant la


Moulouya, on retrouve, de l'autre côté, dans le massif des
Beni Snassen, le
peuplement de Thuya pur. Mais, au moins
jusqu'ici, aucun peuplement de Genévrier rouge
n'y a été
signalé. En tout cas, la forme type que revêt dans cette ré¬
gion, au voisinage de la Moulouya, la sédimentation fores¬
tière, est la suivante détachant, émergeant au-dessus
: se

du fond uni,
plat, parfois autour d'une cuvette (Guerrouaou)
complètement dépourvue de végétation forestière, on voit des
îlots ou récifs montagneux, sur
lesquels la végétation fores¬
tière, Thuya et Alfa, est comme
plaquée, déposée en creux,
la distribution du
Thuya, à l'intérieur de chacune de ces cu¬
vettes surélevées, paraissant être en étroite
relation avec le
réseau des oueds et des ravins. Dans le
petit massif que tra¬
verse l'Oued Yahia (et l'Oued el Ar-ar
affluent) l'ampli¬
son

tude du Thuya
paraît d'ailleurs a peu près exactement celle
de l'Alfa : le Thuya, sur la
plaine, s'arrête avec l'Alfa, et,
comme lui, il atteint le sommet de ces îles intérieures (vers
800 à 1.000 mètres). Ce
type paraît être également celui de la
forêt des Beni Snasen.

Revenons maintenant au seuil de Taza


qui fait commu¬
niquer, par un large palier, le haut fond
indiqué ci-dessus
la grève de la basse
Moulouya, sur la rive gauche de ce ileuve,
avec le bassin de l'Oued
Sebou, dont le bord passe près de
Taza, à la tête de l'Innaouen, avant de s'infléchir vers
le
Sud-Ouest, parallèlement au sillon de la
Moulouya.
C'est sur ce bord même
que le Thuya fait son passage
dans le bassin du Sebou
par la nappe de Bechine, sorte de
plage-îlot frangée, au Sud, de Pin d'Alep, qui semble l'enva¬
hir ou y
reprendre pied comme au Nord de Taza (col de Taï-
da) dans la région de Kifïane. Pas une trace de G.
rouge là,
dans ce vestibule qui remonte vers la
ligne de partage des
eaux entre Innaouen et
Guigou (haut Sebou). Mais dès qu'on
arrive à la tête des ravins
qui descendent au Guigou, on re¬
trouve à sa
place, suspendu au-dessus de la plaine, ou plutôt
au-dessus du vaste lit du
Guigou, le G. rouge plus ou moins
mêlé à l'Oxycèdre, plus ou moins cerné et envahi par
le

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Chêne vert, mais accompagnéau-dessous de lui, dans
encore,
la vallée même du Guigou ou aux abords immédiats, par le
Thuya : c'est là, au pied du Sud-Ouest du Tichoukt, que
passe la trouée d'Almis, ou plutôt celle de Taghzout à Enjil,
qui met en communication le Guigou et la Moulouya.
L'Oued Guigou se recourbe encore, en une anse
concave, et inclinée vers l'Est cette fois, et c'est dans
cette anse, orientée à l'inverse de la précédente et plus éle¬
vée, suspendue plus haut, le Cèdre ayant réapparu et se
substituant au Chêne-vert, que se loge le
principal noyau
de Genévrier thurifère du Moyen Atlas, à la tête même des

ravins qui donneront naissance au Guigou, ou de ceux qui


descendent rapidement à l'Est, vers la Moulouya, ou encore
autour des Aguelmanes.

C'est maintenant vers l'Oum er Rebia, vers l'Ouest, qu'il


faut regarder, au Nord et au Sud de son cours supérieur,
nettement orienté de l'Est vers l'Ouest, jusqu'à sa sortie du
plateau où il a fait son entaille.
Or, ce suivant le rebord du plateau par Ifrane,
front,, en

Azrou, Aïn-Leuh, Ouiouane, Aguelmane Azigza, ne présente


à peu près que le contact Cèdre-Chêne vert, Cèdre sur le
plateau, Chêne vert en bandeau plus ou moins épais, ban¬
deau suspendu au bord du plateau, au-dessus de la plaine,
c'est-à-dire au-dessus de l'Azarar où coule l'Oum er Rebia.
Pas de Genévrier rouge ni de Thuya sur tout front, ni
ce
dans les collines du dir, du poitrail ou de la ceinture qui les
relie, de Sefrou à Ksiba.
C'est seulement en pénétrant dans les entailles de ce
rebord, dans les échancrures de cette falaise, par l'Oum er
Rebia et ses gauche notamment, qu'on décou¬
affluents de
vre Cupressinées, de Genévrier thurifère, isolés
des îlots de
à la tête des ravins, comme au Djebel Saa (à la tète du Ser-

rou). Dans ce cas particulier, c'est sur un versant Est de la


montagne qui domine la tête du ravin, avant qu'il s'inflé¬
chisse vers l'Ouest pour sortir du plateau à Kerrouchen, que

se rencontre ce Genévrier. Tandis que, sur le front lui-même

du plateau, ou au débouché des entailles ou à la pointe des

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échancrures qui viennent le creuser ou le mordre, on ne
trouve que le Thuya.
Le Genévrier oxycèdre, par contre, est abondant dans
le dir où il se mêle au Chêne vert, de part et d'autre de
l'échancrure du plateau à la Zaouïa Ifrane d'Ain Leuh, et au
débouché de l'Oum er Rebia où on le trouve mêlé au
Thuya
(Taka Ichian).
Au total, le front du
Moyen Atlas Sud, au-dessous du
cèdre, est dépourvu de G. rouge ; à peine en quelques points
s'y incruste-t-il un peu de Thuya ; le Chêne vert forme à lui
seul le revêtement, le bandeau de raccord du
plateau élevé
et de l'Azarar, en étouffant le Genévrier
oxycèdre ; quant au
Genévrier thurifère, il est reculé dans les
profondeurs de la
masse de Cèdre, à la tête des
plus hauts ravins, comme le
Serrou (Djebel Saa), ou bien l'Afenourine (Sidi
M'Guild).
C'est donc bienun écran
(qui remonte au Nord jusqu'à Il'ra-
ne et mêmeSefrou, tout près du Guigou, et qui descend au
Sud jusqu'à Ksiba) qui est ainsi
interposé enre le Thuya du
bassin de la Moulouya, passé dans le bassin du Sebou par le
vestibide de Taza, et le Thuya des sillons des oueds littoraux
qui entaillent d'abord les plateaux d'Oulmès, au-dessus du
niveau du plateau littoral,
puis ce plateau littoral lui-même
dans l'arrière-pays de Rabat à Casablanca, fossés creusés au

pied ou au travers des mamelons qui portent les massifs de


Chêne liège d'Aguelmous, d'Harcha et enfin des
Seliouls, de
Sibara, de Boulhaut.
A
partir de l'Azarar, où coule l'Oum er Rebia, sur tout
leglacis bossué par les plateaux rayonnants à partir d'Aguel¬
mous et
allongés vers le littoral, on ne trouve plus de peuple¬
ments de Genévrier
rouge : les mamelons ou leurs flancs peu
inclinés, sensiblement au niveau
général du plateau, sont
occupés parle Chêne-liège (ou le Chêne vert), mais le Thuya
comble les vallées profondes qui séparent ces blocs, surtout
celle du Betli et celle de l'Oued Grou. Entre eux deux, le haut
Bou Regreg, plus encaissé encore, ne loge qu'un mince filet
de Thuya entre ses rives abruptes.
Ainsi en est-il encore, au devant des
plateaux d'Oulmès

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18 —

entaillés par les Oueds Grou, Bou Regreg, Beht, pour le


«
plateau sublittoral » de Rabat à Casablanca, creusé par les
oueds Korifla (affluent du Grou) Cherrat, Nefifikh et Mellah,
où le Thuya, en général, garnit les ravins, au moins les ra¬
vins principaux, quelquefois sur la plus grande longueur
comme dans l'Oued Korifla, parfois jusqu'assez près du

littoral, donc à très faible altitude, comme par exemple vers


le confluent du Grou et du Korifla ou dans la forêt des Bou
Rzim qui joint les oueds Grou et Bou Regreg.
Globalement, en considérant ensemble, en bloc, cette
masse de plateaux, celle des plateaux d'Oulmès proprement
dits et celle des plateaux sublittoraux, le contour apparent de
ce apparaît tout entier garni de Thuya, et,
bastion forestier
dans les fissuresqui trouent cette enveloppe, c'est encore le
Thuya qu'on retrouve incrusté autour des noyaux de Chêne-
liege (et de Chêne vert) presque jusqu'au littoral.
Et si on remonte ces oueds, depuis leur embouchure, on
trouve le Thuya à partir d'une certaine distance du littoral,
dans la vallée principale ou à l'entrée des ravins secondaires
mais rarement loin en remontant ces ravins, comme si le
Thuya s'infiltrait vers l'Ouest en dessous du niveau général
de la pénéplaine, inclinée vers la mer et mamelonnée, dans
ses dépressions où sont logés les oueds littoraux, du Beth au

Grou, et du Korifla à l'Oued Mellah.


Il fautsignaler enfin que, alors que le Genévrier rouge
n'existe qu'à l'état de traces dans tout ce bas¬
tion d'Oulmès (ainsi le petit îlot situé dans la forêt de Ta-
kebalt à l'entrée du couloir entre Oued Grou et Oum er Re-

bia, couloir semé par ailleurs de buttes, de tables, de chi¬


canes, table des Zaïans, foum Aguennour, sur lesquelles
•le G.oxycèdre s'accroche à la fois au Thuya et au Chêne
vert) trouve brusquement une forêt de cette essence dans
on

les dunes de Mehedya, juste à l'embouchure de l'Oued Sebou.

Mais on n'observe pas de vrais peuplements de G. rouge


dans cette région, qui n'offre à leur établissement ni les hau¬

tes vallées intérieures suspendues du Grand Atlas, ni, non


plus, les récifs montagneux du Grand Atlas Oriental et de

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la vallée de la
Moulouya, ni, enfin, les fissures profondes
creusées par les oueds (l'Oued
Sebou) dans les plateaux
étagés du Moyen Atlas.
Le
Thuya, lui, se rencontre de la mer à la montagne,
d'Agadir à Oujda, à toutes les orientations, en contact avec
l'Arganier comme avec le Chêne-liège, le Chêne vert et l'Alfa,

D) FACIES CLIMATIQUES
La couverture forestière des
Cupressinées forme donc,
dans son ensemble, comme une immense
traînée de bois
épanchés sur la montagne berbère et descendant
jusque
dans les fissures du
plateau littoral, comme un dépôt con¬
tinu de sédiments incrustés sur ses
berges et dans ses replis.
Ce revêtement
végétal est soumis, en toutes parties,
ses
aux lois de distribution
géographique que lui impose le mi¬
lieu extérieur, le milieu
physique.
Voyons donc de plus près, sur le canevas géographique
décrit ci-dessus, comment la trame du réseau
climatique se
dispose sur la chaîne du relief et du sol, et comment la forêt
des Cupressinées s'y noue, pour exister là où nous obser¬
vons sa trace actuelle, son empreinte contemporaine.
Avant de considérer en eux-mêmes ses éléments, les su¬

jets vivants des différentes espèces de Cupressinées du Ma¬


roc, chacun en leur milieu actuel, et de déterminer leurs
qua¬
lités, les potentiels de vie ou la puissance qu'ils utilisent
pour constituer les masses vivantes du Maroc forestier d'au¬
jourd'hui, nous devons en effet rechercher d'abord les limi¬
tes extrêmes entre lesquelles varient les facteurs climatiques
et édaphiques qui, combinés, constituent le milieu physique
où baignent ces différents sujets, et dont certaines combinai¬
sons réalisent des conditions de milieu
optima pour tel ou
tel d'entre eux.

Il faut donc mesurer,


séparer et graduer ces variables,
au moins celles qui sont purement
climatiques. On se borne
alors, en général, à la température, ou « degré thermomé¬
trique » pris à différents moments, à la tranche piuvio-

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26 —

métrique ou quantité d'eau tombée pendant les différents


intervalles de temps.
A défaut de mesure concernant l'intensité de la lumière
et l'évaporation de l'eau, ou l'état hygrométrique de l'air, on
juge donc, pour le moment, du climat général, d'après le
régime des températures et des pluies.
Avec ces conventions, on peut dire, d'après M. L. Ember-
ger-Flahaut, professeur à l'Institut Scientifique Chérifien,
qui a établi une classification par étages climatiques de la
végétation méditerranéenne, au Maroc en particulier, que
« dans la partie occidentale de la région méditerranéenne
la forêt de Thuya (Callitris quadrivalvis) est certainement
le groupement végétal le plus caractéristique de l'étage mé¬
diterranéen semi-aride. Cet étage est aussi le territoire de

prédilection du Pin d'Alep (Pinus halepensis), du Cyprès


(Cupressus sempervirens) et du Genévrier rouge (Juniperus
Phoenicea) ». Le Genévrier thurifère, lui, n'existe qu'à la li¬
mite inférieure de l'étage méditerranéen de haute montagne.

Quant au Genévrier oxycèdre, on le trouve mêlé à la fois au


Genévrier rouge Genévrier thurifère.
et au
On peut donc considérer la gradation suivante des Cu-
pressinées au Maroc, suivant cette conception de l'étage-
ment climatique : Thuya, Genévrier rouge (et Cyprès), Gené¬

vrier oxycèdre, Genévrier thurifère.

Cet étagement climatique est figuré assez exactement par

l'étagement altitudinal dans certaines vallées du Grand


Atlas comprenant la gamme entière et régulière des étages

climatiques, par exemple dans la vallée de l'Oued Lakhdar


(où seul le Cyprès manque), où l'on trouve, de 800 à 1.500
mètres environ le Thuya, puis de 1.500 à 2.000 mètres le Ge¬
névrier rouge, plus ou moins mêlé de Genévrier oxycèdre,

enfin, de 2.200 à 2.700 mètres ou 2.800 mètres, le Genévrier


thurifère.

Mais le Thuya, on l'a déjà vu, peut descendre très bas,


presque jusqu'au niveau de la mer (Régiond'Agadir), en tout
cas bien en dessous de 800 mètres puisqu'on le rencontre à

quelques centaines de mètres seulement, plus ou moins près

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GENÉVRIER OXYGÈDRE : Vieux sujet marabout dans un cimetière dans la forêt des Goundafa
(vers 1400
m. — Grand Allas).

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de la mer, dans les ravins littoraux qui descendent du pla¬
y
teau sublittoral du Sud (Mogador, Agadir) et du plateau sub-
Lttoral du Nord (Casablanca, Rabat), ou encore sur les but¬
tes littorales relativement basses qui émergent dans la basse
vallée de la Moulouya (Taza, Sakka).
Atih de repérer d'une façon pratique et imagée la siua-
tion relative des différentes Cupressinées du Maroc au point
de vue des « climats » locaux qu'elles caractérisent globale¬
ment, il a paru commode, sans avoir la prétention d'établir
une classification d'ensemble des climats méditerranéens,
d'introduirequelques expressions nouvelles, à côté de celles
déjà mentionnées ci-dessus, pour désigner d'un seul mot les
principales variétés de ces climats, et pour faire ressortir
également le caractère qui leur est commun.
Dans cet esprit, on dira tout d'abord que, si les Cupres¬
sinées n'absorbent pas la gamme entière des climats fores¬
tiers du Maroc, elles embrassent une portion assez vaste de
cette gamme et elles en remplissent exactement, grâce à leurs
substitutions mutuelles, les principaux intervalles clima¬
tiques, composant un faciès d'ensemble, original, que, pour
la facilité de l'exposé, on appellera faciès dur, prédominant
sur le faciès doux, qui ne correspond, lui, qu'à une atténua¬

tion des traits caractéristiques du climat de ce pays.

Si l'on veut des mots cette tournure du


préciser par
climat méditerranéen dans faciès dur que reflète si bien
son

la distribution des Cupressinées du Maroc dans la zone


«
moyenne », forestière, du pays, on peut dire que les deux
expressions principales de ce faciès sont le climat méditer¬
ranéen semi-aride, caractérisé par le Thuya, et le climat
méditerranéen semi-âpre caractérise par le Genévrier rouge.
Tous les deux sont des climats secs- le quotient pluviométri-

que C de M .L. Emberger y est faible, au moins quand le


coefficient de froideur, m, n'est pas très fort : le premier
est relativement chaud, le deuxième relativement froid (m,
élevé ou bas).
Le climat méditerranéen âpre correspondrait, en partie
au moins, à l'étage méditerranéen de haute montagne, et se-
4

NOTA. — On peut considérer


résumé que le Thuya se rencontre
en
dans la zone
pluviomélrique allant de
250 à 600 m/m. Il en est de même
pour le lienevrier ronpe, avec celle différence
que celui-ci est moins
thermophile que le Thuya.

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22 —

rait caractérisé par le Genévrier thurifère


(le Genévrier oxy-
cèdre figure aussi bien sous ce climat
que sous le précédent).
Ce serait toujours un climat sec, mais nettement
froid, et
avec qui s'arrête, dans la haute
montagne du Maroc, la vé¬
gétation forestière. Quant au climat méditerranéen
aride,
sec encore, mais chaud, il conduit lui aussi les
peuplements
forestiers jusqu'à une ligne de végétation climatique sur le
reversSud du Grand Atlas notamment, non
plus avec un élé¬
ment de la famille des
Cupressinées, mais avec l'Arganier,
qui règne seul les plateaux de l'Anti-Atlas et se rac¬
sur
corde au
Thuya du Grand Atlas, depuis le littoral jusqu'au
fond du Golf de Sous.

Ces quatre expressions (semi-aride, semi-âpre, âpre, aride)


du faciès dur du climat méditerranéen dans sa zone
moyen¬
ne forestière permettent de reconnaître, à elles
seules, d'a¬
près leurs peuplements caractéristiques, les traits principaux
de la structure orographique et
climatique du pays. On peut
en effet, en suivant de
proche en proche sur le terrain les
traces de ces
peuplements et en rétablissant entre elles les
continuités détruites par le jeu de l'érosion naturelle et hu¬
maine, retrouver et replacer sur le relief, sur
l'orographie
du pays, sinon la forêt
primitive du Maroc, en tout cas son
canevas
climatique fondamental, au moins dans toute la ré¬
gion forestière restée boisée, avec ses points d'attache
noués à la fois sur le littoral et sur la
montagne, et ses nap¬
pes de couverture jetées du versant saharien au versant
atlantique de l'Atlas et, de ce dernier, au versant méditerra¬
néen des rameaux orientaux de la chaîne.

Si au lieu de se borner
aux
Cupressinées, on essaie de
placer les autres grandes essences forestières dq Maroc sui-
ce canevas
climatique fondamental, on rencontre de gran¬
des difficultés, comme si ce cadre avait besoin d'être, non

élargi, mais retourné, pour contenir, sur ses deux faces, la


totalité des expressions
principales du climat forestier du
Maroc : Le faciès dur doit être
complété par ce qu'on a
ajipelé le faciès doux, ou atténué, du climat méditerranéen,
dont les différentes
expressions dépendent essentiellement

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23 —

comme celles
qui composent le faciès dur ou original, du ré¬
gime des pluies et des températures, mais correspondent à
d'autres combinaisons de la « chaleur » et de « l'humidité ».

Pour les opposer aux précédents on peut dire que ces climats
du faciès doux sont moins secs, ou plus humides, que , eux
de la première catégorie, et 011 peut préciser cette nuance
en donnant à leursprincipales expressions, les noms sui¬
vants : chaud, tempéré, humide, froid, en y
joignant tou¬
jours l'hépithète de « méditerranéen » :
Le climat méditerranéen tempéré, tel qu'il est défini par
M. L. Emberger, est caractérisé, au point de vue forestier,
par l'olivier, le Chêne-liège et le palmier nain.
Le climat méditerranéen humide correspond de même
au Chêne-zéen et au Cèdre.
Le Cèdre franchit la limite de cet
étage et règne,
au Maroc, dans l'étage méditerranéen froid où il
trouve sa limite de végétation (Hauts Plateaux du Moyen
Atlas).
Quant à l'étage méditerranéen chaud, qui est moins
chaud que l'étage aride (de même que l'étage froid est moins
froid que l'étage âpre), on peut dire qu'il est mal caractérisé
au point de vue forestier,
par le Tizra (Rlnis pentaphylla)
qui n'existe pas en peuplements purs de grande étendue,
mais qui forme souvent une lisière à des peuplements
de Thuya pur ou de Thuya plus ou moins mêlé d'autres
essences forestières.

Ainsi, le Tizra se rencontre surtout contact de


l'Arga-
au

nier et du Thuya dans la région de Mogador Agadir, au con¬


tact du Chêne-liège et du Thuya dans la région de Rabat-
Casablanca et des plateaux d'Oulmès ; on le trouve mêlé au

Thuya, qu'il remplace souvent, dans la plaine du Tadla, de


l'Oued Grou, de l'Oum er Rehia, et dans la plaine de la Mou-

louya, de l'Oued Msoun à la plaine des Triffas sur le bord


de la Méditerranée.
Les Pins, Pin d'Alep et Pin maritime, sont chez eux, le
deuxième dans l'étage méditerranéen humide (sans atteindre
l'étage froid), le premier dans l'étage méditerranéen serai-

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24 —

aride, ou plutôt sur la limite des étages semi-aride et semi-


âpre.
Mais le Chêne vert, lui, déborde
largement de tous côtés
les étages centraux des deux gammes partielles, ou plutôt
balaye une large zone sur le double cadran climatique dont
on vient de définir les deux faces, le faciès dur et le faciès
doux. S'il trouve optimum de vigueur dans l'étage humi¬
son

de (faciès doux) dont il descend jusqu'aux parties froides


de l'étage tempéré, il est surtout remarquablement
développé
dans tout l'étage semi-âpre (faciès dur), d'où il
passe aux
parties les moins sèches de l'étage âpre: il est remplacé,dans
cet étage, par le Genévrier oxycèdre, comme par le Pin d'A-
lep dans l'étage tempéré.
On voit qu'on est conduit, par la considération des fac¬

teurs climatiques les plus apparents,


température et pluvio¬
métrie, à reconnaître, dans la succession sur le terrain des
différents éléments de la famille des Cupressinées au Maroc,
une indiscutable continuité,
malgré les ruptures dues au re¬
lief et à la nature du sol, et à prévoir, à travers
l'amplitude
très large de leurs substitutions mutuelles,
qui leur permet
de couvrir, avec l'appoint de l'Arganier, la gamme entière
des expressions arides et âpres du climat méditerranéen,
une homogénéité de
composition, une certaine ressemblance
dans leur comportement biotique, une certaine façon
propre
de développer leur croissance, qui les
oppose, dans leur
ensemble, à un autre faciès, complémentaire, de la végéta¬
tion forestière du pays.

Facteurs climatiques et Agents physiques


Pour préciser à la fois cette « ressemblance » essentielle
à l'intérieur de la famille des Cupressinées, et en même
temps mettre évidence, à travers le masque qui les re¬
en
couvre, les traits complémentaires qui réunissent entre
eux les groupements climatiques auxquels appartiennent,
notamment, les
peuplements de Chêne-liège, de Chêne-
zéen et de Cèdre, il
ne faut plus se borner aux facteurs cli¬

matiques précédents, mais considérer plutôt les agents phy¬


siques eux-mêmes qui agissent sur les sujets vivants, les

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arbres, par l'intermédiaire du milieu matériel qui les baigne,
le sol et l'atmosphère, la roche, l'air et l'eau, et qui déter¬
minent leur croissance, là où ils existent, et conditionnent
en partie, leur permanence ou leur reproduction, au-delà
de leur existence individuelle.

A la chaleur, dont la température marque le degré, et qui


est véhiculée au contact de la plante par l'air dans le milieu

aérien et souterrain, il faut ajouter la radiation solaire extra-

calorifique, celle qui est enregistrée par l'actinomètre, trans¬


mise directement à la plante, à la substance vivante, et ab¬
sorbée notamment par la chloro-synthèse.

Leur combinaison, la radiation solaire totale transmise


A le rythme de sa contact de la plante, repré¬
pulsation au
sente la part plus proprement solaire » (c'est-à-dire tenant
«
aux coordonnées géographiques du lieu) de l'énergie exté¬

rieure dont le végétal dispose, grâce à son chimisme spécial,

vivant, qui transmue cette forme d'énergie directement en


une autre qui s'incorpore à la plante.

De même, à l'eau pluviale, dont la hauteur pluviométrique


enregistre la quantité et dont une partie arrive au contact
des parties aériennes ou souterraines du végétal, il faut ajou¬
ter l'eau à l'état de vapeur, suspendue dans l'air, au contact
de la plante, éparse dans l'atmosphère, dont l'état hygro¬
métrique indique le degré de saturation, ou bien renfermée
dans les cavités interstitielles du sol. L'eau totale ou plu¬
tôt le rythme de sa pression au contact de la plante repré¬
sente la part plus proprement « terrestre » de l'énergie ex¬
térieure où puise la plante, par une osmose propagée et en¬
tretenue à travers les cloisons du milieu liquide, intérieur

et extérieur à la plante. C'est à cette action qu'il faut at¬


tribuer, même temps, l'incorporation à la plante, sous
en

forme de sels dissous dans l'eau, des particules du milieu

solide, de la lithosphère, qui entrent dans sa constitution.


Au surplus, ces deux agents, radiation et eau, interfèrent,
compensent ou opposent, dans une certaine mesure, leurs
actions : la radiation vaporise l'eau au contact de la plante

et elle s'oppose en même temps à la condensation des nuages

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26 —

qui forme la pluie. Dautre part, l'eau suspendue dans l'at¬


mosphère sous forme de nuages fait écran à la radiation
et, en même temps, elle s'échauffe, ce qui fait obstacle à sa
condensation en pluie.

Ajoutons tout de suite


qu'il faut tenir compte également
en dehors des formes
d'énergie déjà signalées, de l'énergie
mécanique qui se transmet, sous une forme statique ou
dy¬
namique, du milieu extérieur à la plante, à
l'arbre,au peu¬
plement forestier, et qui joue dans leur croissance un rôle
important : l'arbre, de par sa cime volumineuse,
plongée
dans l'air en
mouvement, le vent, et reliée à son faisceau
ou à son
paquet de racines ancrées dans le sol, souvent ro¬
cheux, par l'intermédiaire de son fût, sorte de
colonne-ré¬
servoir qui est
composée d'une série d'enveloppes concen¬
triques résistantes et conductrices, offre une
large prise, en
ses différentes parties, aux actions
mécaniques du milieu
extérieur (air, roc ou eau),
pressions continues comme celles
du roc sur
l'ensouchement, ou contractions et détentes alter¬
natives de la gaine d'eau solide, contenue sous forme de glace
dans le sol, ou encore traction ou torsion exercée sur le corps
entier de l'arbre
par la neige ou par le vent, d'une façon pro¬
gressive ou par cnocs.

Ces actions
mécaniques peuvent, elles aussi, être atté¬
nuées dans leurs effets
par l'action physico-chimique de la
radiation et de l'eau sur la
plante, ou au contraire s'en trou¬
ver renforcées : ainsi un vent violent chaud ou des alter¬
natives de gel et de dégel, qui feront « travailler » les fibres
résistantes du corpsligneux de l'arbre, favoriseront en mê¬
me temps la radiation en dégageant l'atmosphère de sa va¬
peur d'eau et entraveront l'absorption de l'eau
par les ra¬
cines et les parties aérienes. Par contre la radiation « in¬
verse », le rayonnement de la terre pendant les nuits claires
et froides, favorisera la gelée qui, en resserrant les tissus
conducteurs par l'irritation même des tissus de
soutien des
fibres résistantes du collet de l'arbre et de toutes
ses parties
souterraines et aériennes, réduira dans un certaine mesure
la perte d'eau que la radiation seule aurait provoquée.

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21 —

seulement repé¬
Il est donc nécessaire, si on veut ne pas
rer la situation, la
position géographique et topographique
des peuplements forestiers que nous examinons ici, les Cu-

pressinées du Maroc, mais aussi discerner ce qu'ils y font,


comment ils s'y prennent pour exister et subsister dans le

milieu extérieur, physique et biotique, où nous les trouvons,


de reconnaître leur mode de croissance, la façon dont se

développent leurs germes au contact de ce milieu, soumis à


des agents extérieurs qui les baignent, leur résistent ou s'in¬

corporent à eux.
Ce sera l'objet du chapitre suivant.

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11. — MODE DE CROISSANCE DES CUPRESS1NÉES
Le sujet, le milieu biotique
A. — GENERALITES SUR LE COMPORTEMENT
BIOTIQUE DES CUPRESSINEES DU MAROC

Le
développement des végétaux ligneux de grande taille,
des arbres,
se fait suivant le plan ligneux de
l'espèce corres-,
pondante. C'est de conifères, d'arbres résineux qu'il s'agit
ici ; il faut donc s'attendre, dans la structure des
parties
fixes, durables, du corps ligneux, comme aussi dans la struc¬
ture des parties labiles, éphémères, du feuillage par exem¬
ple, à retrouver les caractéristiques générales de la famille
des Cupressinées. Tous sont à feuilles persistantes, petites,
écailleuses et courtesou soudées
partiellement au rameau,
sauf celles du Genévrier
oxycèdre qui sont aciculaires et
celles du Thuya qui sont confondues avec les éléments du

rameau, et sont des segments de rameaux aplatis, soudés


les à la suite des autres. Tous sont des arbres,
uns
présen¬
tant un fût unique et une ramification à
symétrie axiale
élevée correspondant à l'accroissement successif du bour¬
geon terminal et des bourgeons foliaires de l'arbre et à l'é-
paississement de la tige par couches concentriques de bois
à trachéides (vaisseaux fermés) sous l'écorce vivante, avec

généralement des inclusions de résine dans le bois et l'é¬


corce et aussi dans les feuilles et les
bourgeons.
Mais, si le développement de cette structure est conforme
à la règle générale des Conifères, c'est dans le rythme de ce
développement, c'est-à-dire essentiellement dans la régéné¬
ration du sujet par bourgeons différenciés el par « bour¬
geonnement » indifférencié, qu'on va trouver les caractères
originaux de ces représentants de Conifères dans le peuple¬
ment forestier du Maroc.

A côté de la nutrition de
«
l'apport du milieu extérieur
»,

à la croissance de l'arbre et du
peuplement forestier, on
aura en effet à examiner la
question de la « digestion » de
cette nourriture, lors de la transmutation d'une
partie au
moins de ce milieu en milieu intérieur, la défense
organique

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29 —

que le sujet lui oppose, c'est-à-clire le diaphragme, l'ouver¬


ture et la tension de la membrane communiquante ou des
parois vivantes que ne sujet offre à l'incorporation de cette
nourriture et, en même temps, aux actions connexes qui la
débordent largement en menaçant de l'étouffer mécanique¬
ment, physiquement, chimiquement.
Il s'agira donc plus tant d'évaluer les capacités « plas¬
ne

tiques »> du sujet, arbre ou peuplement que d'estimer ses


possibilités « c'est-à-dire son aptitude à répondre
toniques »
aux imposées, de l'extérieur, à sou enveloppe
déformations
vivante, à réagir par telles ou telles reformations internes qui
lui permettent de refermer cette enveloppe quand elle a été
ouverte par suite de tel ou tel accident ou traumatisme.

Or, tonicité et plasticité sont des qualités que toutes


les essences possèdent, à des degrés divers, et qu'elles

expriment par la forme que réalisent leurs sujets,


isolés ou vivant en peuplement. Mais, tandis que
la plasticité organique du sujet se distingue mal,
en général, de l'accomodation climatique de l'espèce, ainsi

qu'on s'en est rendu compte en étudiant l'Arganier au Maroc,


le haut degré de tonicité que présentent les différentes Cu-

pressinées du Maroc, apparaîtra, dans ce qui va suivre, com¬


me un caractère de famille, indépendant du climat, invo¬

quant principalement une réactivité physiologique remar¬


quable des sujets, tout à fait singulière chez ce groupe d'ar¬
bres résineux.

B. — COMPOSITION DES PEUPLEMENTS


DE CUPRESSINEES

Il convient donc, tout d'abord, de reconnaître les diverses


formes sous lesquelles le peuplement de Cupressinées effec¬
tue sa principale, son accroissement apparent
croissance
en réalisant un type de boisement variable selon qu'il s'agit

de l'élément Thuya, du Genévrier rouge, du Cyprès, boise-


sement plus ou moins mêlé d'aileurs, et, en même temps,

puisque ce boisement est soumis à une foule de forces des¬


tructrices, de perturbations qui affectent sa croissance en
5

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raison de son
ancrage au sol, de noter la réponse, le mode
de défense que leur
opposent ces différents éléments, seuls
ou associés, le
rythme de la régénération partielle des sujets
ou des
peuplements, le degré de fermeture réalisé par pro¬
grès et regrès successifs dans la couverture boisée, au cours
du développement de la souille ligneuse des peuplements
de ces
Cupressinées.
Traversons d'abord un peuplement mélangé de Thuya et
de Genévrier
rouge, par exemple, en remontant un ravin
derrière Demnat, à une altitude de 1.000 à 1.200 mètres dans
les contreforts du massif du
Mgoun et de son éperon le Dje¬
bel Ghat sur le flanc du bassin drainé
par l'Oued Tessaout
(affluent principal : Oued Lakhdar) dans l'axe du Grand
Atlas, avant sa bifurcation en Grand Atlas oriental et en

Moyen Atlas.
On vient de
quitter la plaine, ou le glacis qui s'éten 1 au
pied du redans montagneux où l'on pénètre, on a quitté cette
bordure aride, cette étendue de terrain semée de
quelques
arbustes gommiers (Acacia
gummifera) et quelques tizra
(Rhus pentaphylla) ou de coussinets
épineux d'euphorbes
(Euphorbia résinera) logés dans des poches du sol, on a lais¬
sé derrière soi une
frange étroite où le Thuya, seul, forme
des brosses de jeunes
sujets serrés, et voici un « bois » ap¬
paraître : un bois qui confond presque ses deux éléments
principaux, le Thuya et le Genévrier rouge, les mêlant pied
par pied ou par bouquets accrochés aux
aspérités du sol
raviné et les dressant côte à
côte, haussant ou abaissant
leurs têtes dont la silhouette dessine
se
aigùe et brisée sur
le ciel cru.

Puis, abordant la tête du ravin, sur le flanc de terre rouge


dont le roc
gréseux est partiellement «déchaussé» la propor¬
tion du corps ligneux dans les arbres augmente, le
feuillage se réduit, les arbres ont des fûts plus im¬
portants, plus contournés aussi et plus enlacés au roc, le
Thuya disparaît pour laisser la place au Genévrier
rouge
seul ; on est sorti du bois
«
», on entre alors dans un claircis
de sujets âgés, bas, formé de pieds de cette essence parmi
lesquels viennent seulement s'intercaler des pieds isolés

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-31-

de Genévrier oxycèdre, souvent encastrés dans les rochers,


ou accrochés aux cols.

Si, dans une vallée intérieure plus élevée, dans le même


terrain, prolonge la montée interrompue par le col, on
on

passe cette fois du claircis de Genévrier rouge avec inclu¬


sion de Genévrier oxycèdre, à un claircis encore plus lâche
de ce dernier, qui se transformera peu à peu en piquetage
de Genévrier thurifère, de plus en plus étroitement aggrippé
au roc. Au-delà, la végétation forestière a
disparu, la végé¬
tation ligneuse n'est plus représentée que par des coussi¬
nets épineux : Alyssum spinosum, Arenaria pungens, Cy-
tisus Balansae, Vella Mairei, Vella pseudocytisus, Erinacea

pungens.
Tel est, dans ce site typique d'un ravin, sillon incliné
dans le bourrelet montagneux du pays, tracé dans le front
regardant la mer, mais creusé à l'intérieur de la chaîne, tel
est, actuellement, l'aspect d'ensemble d'un « bois » de Cu-
pressinées complet, suspendu ou accroché par tous ses élé¬
ments, pieds de Thuya, de Genévrier rouge, cl'Oxycèdre, de
Thurifère, entre la crête non boisée de la montagne et la grève
de la plaine basse, au flanc de la berge qui tourne dans le
roc en s'enfonçant sous le plafond aérien. Dans d'autres
sites, sur d'autres terrains, on n'observera qu'un aspect
incomplet, ou altéré, par rapport à cet aspect-type.
Ainsi, en remontant la vallée de l'Oued N'Fis, qui tra¬
verse en son milieu le massif cristallin central du Grand

Atlas, et qui entaille d'un large sillon, creusé dans les ar¬
giles rouges du Permo-Trias, le double bloc des terrains
primaires contenant les plus hauts sommets de la chaîne,
on reconnaît les brosses de jeunes Thuyas, les gaulis hé¬
rissés de Thuya et de Genévrier rouge mêlés et comme con¬
fondus, tantôt très denses et tantôt devenant lâches, auxquels
se mêlent déjà des pieds de Cyprès; puis, au delà de la cuvet¬
te de Talaat N'Yacoub, plus à l'intérieur de la chaîne, mais
encore avant d'arriver col du Tizi N'Test (2.200
au
m.), des
gaulis et des perclus de Cyprès pur qui susbsiste seul, sans
atteindre toutefois le col, occupé actuellement non par des

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32 —

Genévriers ou le Cyprès, mais par le Chêne vert qui


par
redescend également sur le versant Sud de la chaîne.
De même encore, dans la vallée de l'Oued Guigou (Haut

Sebou), on ne reconnaît plus qu'un aspect incomplet du


bois de Cupressinées : les brosses de Thuya, au pied des

berges, sont très réduites, de même que les gaulis de Thuya


et de Genévrier rouge mélangés, et c'est le Genévrier rouge

presque seul qui garnit le flanc rocheux de la paroi abrupte


sur l'Oued, au moins celle exposée à l'Est.

Quittant maintenant la montagne, le bourrelet monta¬


gneux qui émerge au-dessus de la plaine et qui recèle les
vraies Cupressinées, les Genévriers rouge et thurifère avec

l'Ocycèdre, et le Cyprès, descendons au niveau de son socle,


ou plutôt dans les rainures ou les fissures de la plateforme

ou du glacis qu'il constitue, tantôt uni et tantôt accidenté.

Au pied Ouest du Grand Atlas, sur les plateaux Mtouga

qui descendent, en tournant, par des terrasses et des redans,


jusqu'à la mer, par les plateaux Ida ou Tanan vers Agadir,
par ceux des Haha vers Mogador et Agadir, c'est le Thuya
à peu près seul qui constitue, au-dessous du niveau du

Cbcne vert, cette fourrure boisée qui se déploie à travers


les plis du pays calcaire, jurassique ou crétacé, tantôt dans
les « creux » du plateau où il est seul à s'inscruster (quitte

à être remplacé, au fond même des oueds, par le Genévrier

oxycèdre, ou bien par des feuillus, Oliviers, Pistachier len-


tisque, Phyllaria), tantôt sur les « bosses » du glacis, corn-
me sur le Djebel Amsitten, d'où sa nappe déborde largement,

au-delà des argiles des lits d'Oueds, sur les coteaux litto¬
raux, recouverts, comme le plateau, par des calcaires tuf-

feux. Mais cette nappe est comme refoulée et réduite à des


coulées plus ou moins claires, en descendant à travers ces
buttes calcaires, par la marée de l'Arganier, plus dense dans
les cuvettes où le dépôt de terre végétale est plus épais.

Aupied Est du Riff, dans la vallée de la Basse-Moulouya,


plate, faiblement inclinée, du seuil de Taza vers la mer Mé¬
diterranée, les bastions montagneux qui se dressent au-
dessus de la plaine sont occupés, eux aussi, par le Thuya

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sà —

seul représentant des Cupressinées. Mais le « bois », ici, loin


de disparaître sous la fourrure, ressort sur le ) clief, en lignes
ou en
plages boisées, formées de bandes de sujets qui s'éti¬
rent ou se plaquent au roc. Mais, entre leurs
intervalles,
sur toute la surface
émergeante du bastion recreusée par
les oueds, s'étale, noyant le
pied des arbres, une nappe, dis¬
continue, d'alfa, en touffes qui débordent le terrain boisé et
se
répandent dans la plaine.
Enfin, entre le Moyen Atlas et la
mer, dans les profonds
sillons
qui entaillent les terrains anciens, schistes bruns et
grès argileux, le Thuya apparaît, tantôt en « bois » épais,
dense tapis revêtant les
aspérités des hautes berges de
l'Oued Beth, par exemple sur les schistes
argileux de l'ar¬
rière pays de Rabat, et tantôt, surtout dans les
replis des
terrains calcaires affouillés par les oueds du réseau
littoral,
dans l'arrière pays de Casablanca, dans les Mdakra
par
exemple, il n'apparaît plus qu'en un boisement lâche avec
des sujets qui ne se touchent
pas et forment des îlots divers,
étant comme ancrés à demeure et chacun
pour son compte,
au milieu de la souille feuillue
qui parfois se ramifie dans
leuis interstices, bien au-dessous de leur tête, et
parfois les
envahit et les domine : à
l'approche des crêtes, des rebords
supérieurs des berges des oueds, lorsque la coulée du ter¬
rain prolonge assez bas, aux orientations convenables
(Ouest et Nord), le régime climatique du
plateau supérieur
oii vit le Chêne-liège
(remplacé sur les calcaires trop secs
ou dans les ravins
par le Chêne vert), le boisement de
Thuya, de plus en plus clair et abandonné par sa souille
feuillue, cède le terrain, en général, aux boqueteaux ou boca¬
ges de Chêne-liège, épandus en nappes plus ou moins éten¬
dues et claires, mais homogènes et renaissantes, sur les ma¬
melons ou les blancs de grès et de sables à la surface du

plateau.
Mais le Thuya se rencontre aussi à l'état de voisinage
ou de mélange avec d'autres essences feuillues, dans d'au¬
tres terrains, dans d'autres sites Par
:
exemple dans la
région de Tanant, sur la première ride du plat pays, argi-

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34 —

leux à pied Sud, vers 800 mètres, on trouve des restes


son

de boisement de Thuya, brousse serrée plus ou moins mêlée


de Genévrier rouge, presque côte à côte avec des débris
d'une brousse à Tizra très claire, parsemée de quelques

pieds de Gommiers.
Plus haut et à l'intérieur, mais avant que le Genévrier
rouge ne se substitue complètement à lui, le Thuya, dans
ses
peuplements accrochés aux terres rouges, sort souvent
d'un tapis de Buis (Buxus baléarica), dans cette région com¬
me aussi dans la vallée du
Guigou (Moyen Atlas) et dans
la vallée de la Moulouya (Contreforts du Riff à Sakka).

Mais c'est le Tizra


qui est le plus fréquemment voisin du
Thuya, sinon mêlé à lui, dans les sites les plus chauds et
dans les sols les plus riches où des peuplements de ce der¬
nier ont tenu bon ; ainsi, la brousse à Tizra localisée sur
des lentilles de sols argileux, dans un climat très sec, ou
égrénée sur des bosses rocheuses, mieux réchauffées parmi
des terrains plus froids, fait une frange, extrêmement
fragmentée et largement interrompue, au boisement de
Thuya, à son contact avec l'Arganier dans la région d'A-
gadir-Mogador, avec l'Alfa dans la région d'Oujda, Berkane,
Taza, avec le Chêne-liège dans l'arrière pays de Rabat-
Casablanca. Enfin, le Tizra, qui, dans cette dernière région,

plus tiède, plus moite que les deux autres précédentes, s'en¬
fonce as^ez profondément dans l'intérieur, se retrouve enco¬
re, en émergeant du fond de la vallée de l'Oued Grou, sur les

coteaux qui l'encadrent et sur ies terres rouges du pays


boisé qui s'étend de là jusqu'à l'Oum er Rebia: Le boise¬
ment de Thuya, peu à peu refoulé au fond du ravin, sur les

Schistes, est remplacé, sur les bords et à la tête de la vallée,


dans les « mares » qui avoisinent son sillon, par la brousse
à Tizra jusqu'aux bords de la plaine de Tadla.

D'après cette attitude des peuplements de Cupressinées


dans les différents sites et terrains où on les rencontre,
purs ou mélangés, voisins ou mêlés d'autres essences feuil¬
lues, attitude caractérisée globalement par une certaine sil¬
houette, celle d'un « bois » aigu mais bas, nettement dressé

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35 —

sur le sol et pas


du tout comparable à une broussaille, on
prévoit que le « port » semblable des différents sujets, ou,
plus exactement, le comportement des différents éléments
constituants de ce bois d'aspect tantôt régulier et tan¬
tôt varié, dense ou lâche, malgré la diversité des actions

physiques extérieures, doit avoir sa raison d'être dans une


manière propre à ces essences d'accomplir leur croissance
initiale et progressive, leur germination et leur régénéra¬

tion, c'est-à-dire de réaliser, durant toute leur vie, leur atta¬


che au sol.

C. — REGENERATION DES PEUPLEMENTS


DE CUPRESSINEES

C'est en effet un « Pouvoir de rejeter », c'est-à-dire une


«réactivité»remarquable de la souche, qui distingue les Cu-
pressinées du Maroc, tout particulièrement le Thuya, mais
aussi le Genévrier rouge, et, à un degré bien moindre, le
Genévrier oxycèdre, le Genévrier thurifère et le Cyprès, des
autres résineux Conifères du Maroc (du Cèdre et du Pin

d'Alep), et qui leur confère, sinon la puissance de régénéra¬


tion des feuillus, de l'Arganier et des Chênes, en tout cas
une « Résistance à la racine »
spécialement favorable à leur
emprise, à leur maintien sur les sols très déclives, sur les
sols mouvants ou tout au moins sur les sols instables que
créent la désagrégation de la roche et l'érosion des terrains
par la radiation,
par l'eau et par le vent, et le piétinement
continuel de ces terrains par le parcours des hommes et des

troupeaux.
I. THUYA

Commençons par le Thuya, dont on connaît


bien, depuis longtemps, ce pouvoir et cette résistance : Rap¬
pelons d'abord que cette essence est, presque aussi aboslli¬
ment que l'Arganier, exclusivement marocaine ; en tout cas,

qu'elle ne forme qu'au Maroc des peuplements capables de


résister victorieusement, malgré les causes de destruction
naturelles et humaines, à la dégradation définitive des sols
boisés par elle ou à la substitution complète des essences
feuillues à sa propre place.

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Le quadrivalvis) est la seule
Thuya du Maroc (Callitris
espèce, dans l'hémisphère boréal, du genre Actinostrobus
répandu surtout dans l'hémisphère austral ; il n'existe
d'ailleurs, en dehors de l'Afrique du Nord, que quelques
îlots de Callitris en Cyrénaïque, à Malte et aussi aux envi¬
rons d'Alméria en Espagne.
C'est un arbre de moyennegrandeur, dépassant rarement
15 mètres de haut, mais pouvant atteindre 2 mètres de tour
à hauteur d'homme : d'un port svelte, aigu et pyramidal
dans sa jeunesse, encore élancé mais souvent échevelé dans
un âge plus avancé. Etant donné son branchage grêle et
son feuillage léger, sa frondaison ou ramure est rarement

pleine et fermée, mais au contraire essentiellement trouée ;


son ombre, son couvert, est donc faible, en général ; les
feuilles sont petites, aplaties, segments de rameaux aplatis
unis bout à bout, d'où le nom de Thuya articulé.
La jusqu'à la cime, est
tige, qui peut se dresser, unique,
plus souvent fourchue et donne naissance à des branches
implantées sur la tige avec des inclinaisons très variables ;
le fût, au-dessous des premières branches persistantes, peut
atteindre 3, 4, même 5 mètres de long, mais il est généra¬
lement écorce cre¬
beaucoup plus court, et recouvert d'une
vassée enlong, légèrement en lanière, plus souvent recoupée
par des crevasses transversales. Quant à l'enracinement, il
est, le plus souvent, traçant, et forme un chevelu serré de
racines assez épaisses, qui peuvent assurer son ancrage
dans les sols les plus déclives et les plus rocheux.
Mais, voyons comment semanifeste sa résistance aux
altérations de forme qui le menacent, à la souche particu¬
lièrement, par les blessures de toutes sortes. D'abord, le
Thuya, blessé au bois, sait fermer sa blessure, la réparer
habilement : le corps ligneux, au voisinage de la blessure,
secrète du bois modifié, en fait des bourrelets sur les la¬
nières d'écorce intacte, et dans ces faisceaux vivants anasto¬
mosés en relief sur la surface mutilée du cambium de
l'arbre, le Thuya contracte en somme assez aisément sa vie.
Il suffit de regarder, pour s'en convaincre, chaque pied de
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Thuya mutilé (et, on le verra, dans ce pays, il n'est
pour
ainsi dire pas de Thuya, à
partir d'un certain âge, q-;i ne
soit mutilé), de la souche à la fourche ou aux
premières
branches, sur une portion plus ou moins étendue de la tige,
dont certaines plages longitudinales ou transversales sont
mortifiées : on le voit sanglé dans des sortes de courroies
vivantes au tracé spiralé autour du lût, aggripées au roc ou
encastrées dans ses fissures et remontant, en torsades, jus¬
qu'aux fourches des branches où elles s'accrochent.

Cicatrisation. — Même sans l'appoint des rejets qui vien¬


nent, le plus souvent, dériver la végétation du sujet mutilé
en de nouvelles ébauches de
tiges, issues de la souche ou de
la tige primitive, celle-ci réussit presque toujours, de cette
façon, à conserver pendant un temps très long une cime
intacte, au moins apparamment, grâce à un resserrage local
de la circulation de la sève, opéré, dans la
majeure partie
des cas, par une sorte de pincement, contracture du cam-
bium déchiré, lacéré, mais sans cesse retendu, réajusté sur
la carcasse de l'arbre.
En général, c'est de cette façon que le Thuya réagit
régulièrement aux atteintes lentes du milieu naturel prove¬
nant d'efforts
mécaniques plus ou moins brusques que les
agents physiques, l'air et le roc surtout, exercent sur lui
de part et d'autre d'une
ligne de « striction » au voisinage
du collet.

Exj>osé à des vents souvent violents et chauds, sur des


terrains déclives et rocheux, c'est ainsi
qu'on lui trouve,
surtout lorsque ses peuplements s'éclaircissent et vieillis¬
sent, presque toujours ce port tourmenté, cette attitude
arquée et tordue qui est celle de son fût, du grappin de la
souche aux crochets des branches.

Les « accidents » survenus à l'arbre du fait des êtres


vivants, de l'homme avec ses outils, le fer, le feu, et avec
ses troupeaux, sont général réparés de la même façon,
en
quand ils sont très localisés et pas exagérément
répétés.
Ce sont ces traumatism.es brusques, avec choc, réali¬
sant des destructions
partielles, qui entament, durant toute

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sa vie, le Thuya : coupe ou bris de branches, de rameaux
arraches ou cisaillés par la dent des animaux ou la main de
l'homme, entailles du corps de l'arbre par le soc de la char¬
rue et plus souvent le fer de la hache ou de la griffe,
par
ou bien encore, pourrelier ces actions aux précédentes,
atteintes du feu qui grille l'écorce et détruit une plage de

cambium, ce sont ces blessures qui sont à l'origine des


bourrelets de cicatrisation vus ci-dessus, d'une venue si
constante, si régulière (sans que l'arbre manifeste autre¬
ment dépérissement) que l'indigène traite le Thuya
son

comme une bête de somme banale, de vil


prix, d'une résis¬
tance renforcée et d'une durée largement mesurée — pro¬

ductrice de services, également, sans mise de fonds, comme

on le verra plus loin.

Mais, sur certains sujets, dans certains peuplements


sans qu'on sache encore si c'est une propriété de «race»

ou avant tout affaire de « milieu » —1 la souche, qui encas¬


tre dans le sol la tige blessée avec ses rameaux broutés,
réjjond par une déformation particulière à ces meutrissu-
res d'allure et de nature certainement variées, mais mal
connues, provoquant sans doute une irritation légère, mais
répétée, du camb ium en état de « contrainte » particulière
au voisinage du collet. On voit alors, à ce niveau, la souche
se boursouffler, produire un « cal » à moitié enterré, par¬

fois volumineux puisqu'il peut atteindre jusqu'à 1 mètre


de hauteur et se développer sur la totalité du pourtour de
la souche — cette excroissance en « manchon » boursoufflé
au
pied de l'arbre constitue la « loupe de Thuya ». Son
écorce est crevassée, en quadrillage généralement serré ;
sous l'écorce (détachée avec le cambium), la surface exté¬
rieure du bois, ondulée à grands plis, est en outre parsemée
de minuscules pitons ligneux qui, perçant l'écorce, forment
l'amorce des rameaux ou de tigelles rejetantes. Le bois lui-

même est curieusement madré, produisant, si on détache


une lentille de ce bois, unénorme coquillage qui peut être
découpé en tranches minces, irrisées de mouchetures bru¬
nes sur le réseau très finement veiné du bois clair,

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39 —

Les loupes de Thuya les plus nombreuses jusqu'à pré¬


sent ont été rencontrées dans le Maroc Oriental
(Région de
Debdou) dans les peuplements incrustés sur des sols ro¬
cheux pied du rebord Nord des hauts plateaux sur la
au

plaine de Guercif. Mais on en trouve aussi dans beaucoup


d'autres peuplements, notamment au Maroc Septentrional

(plateaux d'Oulmès, arrière pays de Rabat-Casablanca) et au


Maroc Méridional (Région de Mogador).

Avant d'arriver à l'étude des


rejets, de la régénération
des tiges et rameaux, il convient encore de signaler, au
point de vue de la résistance multiforme du Thuya aux
traumatismes, et plus généralement de la résistance aux
provocations du milieu ambiant, la réactivité spéciale du
cambium dans l'épaisseur de l'écorce de la tige ou dans celle
des rameaux, qui aboutit à la production de la résine du

Thuya, la gomme sandaraque. Une écorchure de la tige, sim¬


ple piqûre, arrachis d'un lambeau de l'écorce, fait suinter
sur les bords de la
plaie ou entre les fissures de l'écorce des
gouttelettes minuscules d'une résine fluide et translucide,
qui se ternit à l'air et forme des concrétions opalines bien
connues des indigènes du Maroc Méridional, surtout dans la

région de Mogador, le pays des Haha (« liqueur » ou « miel


de Thuya »).

L'écoulement de résine, vite arrêté par la cicatrisation


de la blessure, reprend si on rafraîchit celle-ci : il a lieu,
comme le montre un examen attentif d'une carre à bords
nets, rectangulaire, « piquée » dans toute l'épaisseur de
l'écorce et sur une certaine profondeur du bois, unique¬
ment dans l'écorce, dans le liber et non dans le bois, et est
beaucoup plus abondant sur les bords supérieur et infé¬
rieur que sur les bords verticaux de la carre (ce qui corres¬

pond donc à l'existence de canaux résinifères longitudinaux


dans ce liber).
Cette
production de gomme sandaraque, dont la sécré¬
tion est exagérée par les plaies cambiales qui l'obligent à
s'écouler à l'air, se poursuit même sans blessures dans le
Ijber de la tige et dans le parenchyme des rameaux, des

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40 —

feuilles, avec un débit qui reste toujours très faible, quels


que l'ambiance du sujet, mais
soient l'âge, les dimensions,
qui cependant paraît être avant tout sous la dépendance de
cette « ambiance », de la radiation solaire principalement.
Il semble que la production de résine soit favorisée par une
radiation intense, dans une atmosphère relativement humide
(Région de Mogador).
Régénération. — Passant maintenant à la régénération
proprement dite du Thuya, il faut rappeler tout d'abord
que le port même des sujets et la silhouette des peuple¬
ments de cette essence dont on vient de reconnaître le mode
d'existence sur les divers terrains et dans les différents sites
où elle présente aujourd'hui, ne peuvent ère interprétés
se

complètement sans le secours de la puissance de ses rejets,


qui, dans tous les peuplements, sur presque chacun de ces
sujets, a conquis une part importante dans le maintien de
leur existence actuelle etqui représente encore, dérivée en
de nouvelles tiges, une force de renouvellement particuliè¬
rement précieuse, que traduit vigoureusement l'aspect typi¬

que d'un bois de Thuya sur souches, en faisceau de per-


chettes.

On le découvre, ce faisceau, dans tous les peuplements


de cette essence, pure ou mêlée au Genévrier rouge ou enro¬
bée dans une souille, dense ou lâche, de feuillus ; il pointe
peu au-dessus du niveau du sol, dans toutes ces touffes plus
ou moins fourrées venues surincendies ou sur abattis rez-
terre du boisement primitif ; il n'arrive à dresser en l'air

qu'une ou de rares flèches du centre de son bouquet quand


celui-ci est tondu, arrondi par le pâturage des troupeaux.
Mais il ne risque plus que la hache ou la serpe quand il est
installé à l'extrémité d'un moignon de tige mutilée, têtard

plus ou moins haut au-dessus du sol, et il produit alors des


flèchesplus ou moins divergentes, plus ou moins vigoureuses
mais souvent nombreuses et serrées.

A un s'éclaircissent, les per-


âge plus avancé, les fourrés
chettes apparaissent, ce sont ces gaulis (peut-être complétés
par des semis naturels ou même formés entièrement par ces

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THUYA :
Peuplemenl incendié — La souille feuillue est en train de
issus des refermer, associée aux rejets
perches de thuya (plateaux d'Oulmès — vers 700 m.)

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semis en des endroits favorables) qui constituent la « four¬
rure » boisée du Djebel Amsitten ; les perchettes dépassent
rarement 5 m. de haut, mais certains fourrés contiennent,
au mètre carré,plus de 10 perchettes étiques, filiformes, re¬
marquablement sveltes et rectilignes, tontes d'ailleurs, sans
exception, griffées pour le gemmage de la sandaraque.
fourrés-gaulis, bas mais vigoureux, qu'on trouve ain¬
Ces

si au l'arganeraie, au pied de cette montagne,


contact de
étouffant actuellement dans leur niasse les derniers pieds

d'Arganier, sujets isolés et âgés, on les rencontre encore,


quoique moins drus, dans une autre région de prédilection
du Thuya, celle de l'Oued Beth, au voisinage des Chênes-liè¬

ge cette fois. On voit, en effet, tapis dans les cuvettes chau¬


des des affluents de cet Oued, à son débouché dans la plaine
de Camp Bataille, des fourrés vigoureux, dont les perchettes
sont toutefois moins élancées et moins élaguées naturelle¬
ment que celles du Djebel Amsitten ; on leur a trouvé d'ail¬
leurs, malgré leurs diamètres réduits, des âges relativement
élevés, si on compare leur végétation à celle des gaulis de
Chêne-liège de la région (âge voisin de 30 ans en moyenne,
pour des perchettes de 5 à 8 cm. de diamètre, sur écorce).
Ces fourrés sont « aérés » dans to'de leur épaisseur,
mais aussi pâturés, et constituent des touffes d'étendue plus
ou moins vaste, séparées par un réseau de pistes d'animaux.
Leplafond continu des fourrés gemmés de PAmsitten,
dont l'ambiance étouffante a peut-être réussi, au cours des
siècles et des dizaines de siècles sinon des millénaires, à
exclure la germination des noyaux d'argan, fait contraste
avec plafond dentelé et troué de ces fourrés pâturés de la
le

région de Chêne-liège (par exemple dans la vallée de l'Oued


Koritla), de ces touffes de Thuya dont la végétation, quoique
moins vigoureuse sans doute que sur l'Amsitten, reconquiert
actuellement, expositions chaudes des versants, les sols
aux

où les Chcnes-liège n'arrivent plus à se reproduire par


glands.
Pour éclairer ces différences « d'ambiance au sol », où la
capacité de développement en germe dans les graines doit

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42 —

composer avec la puissance de régénération du peuplement


souche, considérons comment le Thuya occupe les deux lon¬
gues vallées aux revers des plateaux d'Oulmès et des pla¬
teaux Mtougua, celle de l'Oued Grou dans le secteur du Chê¬

ne-liège, au Nord, et celle de l'Oued Ait Moussi dans le sec¬


teur de l'Arganier, au Sud. Des deux côtés, le boisement de

Thuya qu'on y trouve actuellement est un perchis en « bou¬


quets » bouquets incrustés au sol rocheux, découvert, dont
les inërstices sont occupés,
par place, au Nord, par des touf¬
fes étalées de feuillusplus résistants à la sécheresse que le
Chêne-liège (Pistachier lenstique surtout, et Olivier sauvage
et Phyllaria), au Sud, par des pieds isolés d'un seul concur¬

rent : l'Arganier.

Dans cette région du Sud, dans la vallée des Ait Moussi,


recouverte à son estuaire, dans le Golfe du Sous, par l'arga-
neraie, comme sur certaines
plages des ravins qui refendent,
plus loin vers le fond de ce golfe, les bourrelets de terrains
rocheux piquetés d'Arganiers, les perchis actuels de
Thuya,
soit parsemés d'Arganiers, soit condensés en îlots au milieu

de l'arganeraie ou sur sa lisière altitudinale, sont formés de

sujets rabougris, comme mal alimentés ou mal fixés au sol,


qui souvent, en effet, leur échappe mécaniquement ou phy-
siologiquement (éboulis argileux, sécheresse brûlante). En
tout cas il est très probable que
depuis maintes générations
d'arbres, ces peuplements ne proviennent plus de semis
naturels dispersés au loin, en plein sol, ou tout au moins de
semis abrités au pied des arbres générateurs, mais
que, plus
certainement, le sol, privé de couvert, n'entretient plus qu'un
nombre de plus en plus réduit de souches qui continuent à

régénérer par rejets, tout en se désagrégeant lentement, sans


muliplication véritable des tiges qui perdent leur vitalité,
s'étriquent et se nouent.
Bridé dans son
expansion par un double étranglement,
puisque la surface d'ensouchement est progressivement ré¬
duite sur le sol, et que le couvert de la
partie aérienne lui-
même s'affaiblit, le «pouvoir de rejeter» du
Thuya ne s'exerce
qu'au ralenti, et en tout cas l'expérience montre qu'aujour-

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43 —

d'hui, dans l'état actuel de ces stations (climat, sol, peuple¬


ment) l'avantage, à cetégard, est nettement à l'Arganier. Des
expériences de recépage dans un peuplement mélangé d'Ar-
ganier et de Thuya au débouché d'un ravin aux environs
d'Agadir, commencées récemment, montrent que les rejets
d'Arganier surpassent nettement, en nombre, en vigueur,
célérité de croissance, ceux du Thuya. On conçoit, pour
cette partie du Maroc, que l'Arganier, apparu plus tard, plus
plastique, ait pu conquérir une partie des terrains primi¬
tivement boisés en Thuya, et que la masse de celui-ci ait été

réduite à se contracter en une réaction tonique de défense


individuelle opposée, par chaque sujet, aux ruptures d'équi¬
libre des peuplements primitifs progressivement démembrés
et par suite affaiblis.
Ceux-ci, les peuplementsprimitifs, il est difficile de les
imginer ; on bois sacrés » de Thuya (proté¬
trouve peu de «
gés de la destruction humaine, parce que consacrés à un
« marabout »). Il serait intéressant de connaître ceux qui

existent, peut-être, dans le bled Tazeroualt, dans le territoire


de Tindouf, vers la Zaouïa de Sidi Ahmed ou Moussa dans

l'Anti-Alas, au Sud de Tiznit (on a signalé des bois de Thuya


comme aussi quelques bois de Genévrier rouge, vers la crête

de l'Anti-Atlas, plus à l'Est, dans le pays des Aït-Baha). On

trouve cependant, aux environs de Tamanar, entre Mogador

et Agadir, au pied du Djebel Amsitten, un tel « bois sacré »

relativement bien conservé. C'est un perehis serré, élancé,

à couvert clair, mais à souille feuillue remarquablement dé¬

veloppée par contraste avec les sols écorchés qui portent


en général la callitriaie, et cette souille arbustive feuillue,

comprend notamment des Oliviers sauvages, des Pista¬


chiers lentisques, des Caroubiers (Ceratoni^ Siliqua), des

Genêts (Genista ferox), avec une seule espèce lianoïde (Bu-

pleurum dumosum).
Ici, il est probable qu'on est en face d'un perehis de « fu¬
taie » et non d'un perehis sur souches, perehis résineux de

Thuya qui se renouvellerait par semis émergeant d'une


souille feuillue de lentisque.
7

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Mais de tels peuplements sont extrêmement rares, mal*
gré l'absence des incendies et des destructions systématiques
dans cette partie du Maroc forestier, où le Thuya, on l'a vu
est toujours pâturé et gemmé.
Il est possible, par contre, de se rendre compte, sur une
beaucoup plus grande étendue que dans ce « boqueteau »,
de la façon dont le Thuya entretient son
perchis clairiéré
dominant une souille feuillue, dans l'autre
région du Ma¬
roc envisagée plus haut, exactement dans la vallée de l'Oued
Grou qui forme, dans le rebord Sud des
plateaux d'Oulmès
où règne le Chêne-liège, pli profond où le Thuya a com¬
un
me concurrents, à part l'Arganier, les mêmes feuillus que
dans le Sud : esentiellement Olivier, Pistachier
lentisque,
Phyllaria, Caroubier.
Or, dans cette région Nord, c'est l'incendie, accompagné
naturellement du pâturage et de toutes sortes
d'exploita¬
tions abusives comme dans le Sud,
qui contribue de façon
prépondérante à défigurer le boisement de Thuya et à sté¬
riliser le sol, à dégrader en définitive fa mince couche boisée

qui en forme le revêtement. Le fait que cette essence semble


encore aujourd'hui conserver victorieusement, contre le Chê¬
ne-liège, les coulées de terrains où celui-ci, descendant des
plateaux mamelonnés d'Harcha, pourrait s'installer, ne s'ex-
plique, étant donnée la végétation pourtant vigoureuse du
Chêne-liège de ces plateaux, que par l'éminente « tonicité »
de réaction à l'incendie du
Thuya, par le moyen de rejets
qui, l'appoint de la souille feuillue du peuplement in¬
avec

cendié, régénèrent le boisement et recomposent un


peuple¬
ment capable de se propager
par semis.
Ainsi, dans la vallée du Grou, ces corbeilles de feuillus
étalées en gros coussins
aérés «qui laissent jaillir, dans
«
leurs intervalles, les perchis de
Thuya, forment une souille
qui est un matelas élastique contre l'incendie qui dessèche
et durcit le sol : la surface de terrain où l'incendie a mordu
se
rapidement, le peuplement entier se referme
recouvre

(Thuya et feuillus) grâce à cette souille qui se reconstitue,


s'anastomose, ne laissant que des chenaux jalonnés par les

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45 —

perches calcinées de Thuya : celles-ci seront bientôt gainées


à leur base, d'une couronne de rejets qui s'accroît rapide¬
ment, si la souche de l'arbre n'a pas été excessivement en¬
dommagée.
Il est possible peuplements de Thuya « avant
que ces
l'incendie » aient été constitués par une
certaine proportion
de sujets de franc pied, de brins de semence, comme semble

l'indiquer la présence, en dehors des cépées, de perches


isolées, à souche simple et non divisée, qui dressent des fûts
parfois volumineux et relativement cylindriques (c'est le cas
plus encore que dans la vallée de l'Oued Grou, dans celle
de l'Oued Karouba, affluent de gauche du Haut Oued Beth

où on rencontre, mais épars entre des touffes feuillues, les

Thuyas colosses du Maroc, dont certains atteignent 20 à 25


mètres de hauteur total, un diamètre à hauteur d'homme
de 1 mètre et ont des âges dépassant parfois largement 200
ans, d'après quelques comptages effectués sur des sujets
abattus).

sujets, même très âgés, endommagés par l'incendie,


Ces

par des blessures, par le pâturage, ont des graines qui sont
reconnues fertiles : les graines (on sait qu'elles sont conte¬

nues, par deux, dans un cône ligneux à quatre valves, qui

s'ouvre sur l'arbre et répand ses graines, petites, ailées, lé¬

gères, pouvant donc être disséminées au loin, mais qui tom¬


be aussi souvent sur le sol en conservant les graines qui
s'en détachent plus tard) germent en grand nombre aux pre¬
mières pluies, pourvu qu'elles trouvent un peu d'humus,
une poche de terre végétale ; mais ces semis, en dehors de

l'abri des coi'beilles feuillues, sont en général brûlés par le


sirocco ou arrachés par la dent des animaux, en tous cas
desséchés et souvent tués bien avant d'avoir pu atteindre
l'état d'un véritable brin, capable de se tirer d'affaire au mi¬
lieu de la souille.

Le perchis de Thuya, âgé, venu d'incendie, ne se renou¬


velle donc pas par semis dans les conditions actuelles, en
général. Il lui est impossible de s'étendre, de se propager par
graines au-delà de son enceinte actuelle, à moins qu'il ne

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46 —

rencontre sur ses lisières des conditions plus favorables


qu'à l'intérieur, comme c'est le cas dans certains ravins du
Korifla, aflluent du Grou, oii on a vu le Thuya, à l'état

de fourrés, de gavdis, et aussi de perchis d'âges variables,


chasser le Chêne-liège, se substituer victorieusement à lui.
Cette substitution n'est peut-être d'ailleurs qu'une « recon¬
quête », sur leChêne-liège, des sols dégradés par le pâturage
ou l'incendie et conduits à un état
d'épuisement qui ne per¬
met plus la germination des glands lourds de ce Chêne et ! ur
émergence au-dessus de la souille feuillue, laquelle au con¬
traire favorise, dans les premières années, le
pointement des
semis à graines légères de Thuya
jusqu'à ce qu'ils trouent ce
plafond et atteignent l'état de brin défensables au pâturage et
à l'incendie. Ce ne serait, alors, que par l'expédient de cette
souille feuillue rafraîchie par les incendies répétés, que le
Thuya récupérerait, d'une façon active, à force de rejets en¬
tretenus sur des brins de semence sauvés et «
protégés » par
cette souille, certains terrains depuis
longtemps occupés par
le Chêne-liège, qui se trouve vis-à-vis de lui,
aujourd'hui,
en
position désavantageuse, eu égard surtout à l'incendie.
Voyons maintenant quelle différence, à ce point de vue de
l'adaptation aux contraintes du milieu ambiant, de la résis¬
tance à l'incendie
principalement, sépare le Thuya des autres
Cupressinées que nous allons examiner à sa suite, prin¬
cipalement : Genévrier rouge et Genévrier thurifère.

II. GENEVRIER ROUGE.



(Juniperas Phoeniceà)

Il est une station où


peut saisir sur le vif cette différence,
on

entre le Thuya et le Genévrier


rouge : c'est le liane rocheux
Nord du Djebel Mazgout, dressé à 1.800 mètres au-dessus
du poste forestier de Sakka, dans le Maroc
Oriental, et rac¬
cordé à la plaine par des éperons de terre rouge découpés
par l'érosion dans le socle de ce mont ; le Thuya pur est
incrusté en touffes discontinues, basses mais fourrées, sur
ces éperons, du niveau de la plaine, 800 m. environ, jusqu'à
environ 1.200 mètres ; puis les
pieds isolés de Genévrier oxy-
cèdre, boules ou cônes d'épines, se mêlent à lui, puis des cor¬
beilles étriquées et
plaquées au sol de Genévrier rouge, dont

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les peuplements deviennent de plus en plus fournis quand
on s'élève, jusqu'à ce qu'on rencontre le Chêne vert, descen¬
du des plateaux voisins, et qui reste bientôt seul à occuper le
haut de la première falaise de la montagne, à 1.600 mètres.
Des essences feuillues, les « essences secondaires » de la

callitriaietypique, surtout P. lentisque et Phyllaria, forment


encore, entre ces essences « nobles », une souille abondante
dont les interstices sont comblés, dans cette région orientale

du Maroc, dans le bassin de la Moulouya, par des touffes


d'alfa. Ce boisement a été soumis à toutes sortes d'abus, mu¬

tilé, pâturé, mais surtout incendié ; les ténioins, parficuliè-


rement par la différence de leur attitude, ce
significatifs ici
sont à la fois les restes du perchis incendié de Genévrier

rouge mêlé au Thuya, et les rejets pâturés, que l'une et l'au¬


tre essence essaient de redresser après le passage du feu.
Les perches incendiées de Thuya,régulièrement, sont ceintes
d'une couronne de rejets vigoureux, qui souvent déjà arri¬

vent à les envelopper d'une gaine de brins, de perchettes,

d'une cépée creuse, vivante, qui remplace l'ancien perchis ;

quand le pied brûlé est de petite taille, il disparaît vite com¬


plètement, on n'est plus en présence que d'une touffe pleine,
fourrée ; quand l'incendie se répète avant le vieillisement
des brins,le ravalage,à courte période,des jeunes cépées, ré¬
alise ces touffes, fourrées quelquefois, mais rarement conti-

giies, en « brosses », qu'on a signalées tout le long du pied


de l'Atlas, sur les éperons qui découpent les berges des val¬
lées à leur débouchés dans la plaine.
Mais les perches de Genévrier rouge, elles, ont été cal¬

cinées, complètement dépouillées de leur tunique vivante


par le feu ; la base de leur carcasse ligneuse, dont la mem¬
brure est trapue et tordue, est encore solidement arcboutée au

roc, mais aucun lambeau d'écorce ne vit plus, aucune bran¬

che et ancien rameau n'a pu se développer comme chez le

Thuya, peut-être par suite de l'âge des sujets, car il devait


être élevé, mais sans doute plutôt par l'effet du passage réi¬
téré du feu, qui a eu raison du pouvoir de régénération de ce
Genévrier: car il « rejette », de même qu'il se « contracte »

à l'instar du Thuya, quoique ce soit beaucoup moins appa-

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48 --

rent que chez


dernier. Ces rejets se sont produits ici mê¬
ce
me, sinon sur tous les
sujets, au moins sur les moins âgés ;
mais, rabougris, réduits à végéter près du sol et à être con¬
tinuellement retondus par le pâturage, entre les répits que
leur laissait le feu, ils forment maintenant des corbeilles

largement étalées et presque sans pied au-dessus du sol,


constituées par des branches d'abord horizontales, courant
au sol,
puis recourbées, redressées, dont l'ensemble est par¬
fois, pour une même corbeille, extrêmement fourni et com¬

pact (certaines corbeilles ont un diamètre de plus de 5 m.,


une hauteur de 2 m. au centre).
Ces branches rampantes, issues, par « contrainte acci¬
dentelle », de la base de la tige au cours de son accroisse¬
ment, et développées avec cette force et cette persistance
témoignant d'un réel pouvoir de rejeter, qu'on ne peut dé¬
nier au Genévrier rouge dans cette station
particulière.
Il se confirme plus nettement encore dans une foule
d'autres stations échelonnées dans la terre classique des Cu-
pressinées : les ravins remontant des affluents du Haut
Oued Lakhdar, derrière Demnat. Dans ces stations « mon¬

tagnardes où tout favorise l'érosion, la question du dé¬


»
chaussement des bois a un caractère
plus vital que dans les
plaines, quand il s'agit de comprendre le mécanisme de leur
régénération. Or, ce que l'examen attentif des souches de
Genévrier rouge révèle, dans les peuplements purs de cette
essence qu'on
rencontre, c'est leur réaction particulière
y
vis-à-vis de l'érosion, la « réactivation » des souches, obser¬
vée sous forme de
régénération des branches basses, rejets
de tige plutôt que rejets de souche, et provoquée sans doute
par les mouvements divers du sol au contact de ces souches,
par l'action de la radiation, de l'eau, solide ou liquide, avant
que l'érosion ne mette à jour, par déchaussement, ces nou¬
velles pousses ligneuses qui méritent bien le nom, et jouent
en tout cas le rôle, de véritables
rejets.
Ils ne suffisent certes pas,
à eux seuls, à rendre compte
de la permanence des peuplements purs de Genévrier rouge
pâturé^ toujours et parfois aussi incendiés, et il faut cex*-

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49 —

tainement invoquer pour cela une reproduction véritable,


par semis, qui est d'ailleurs difficile, car les graines, lentes
à germer et délicates, sont contenues dans de petites baies,

rouges à maturité — d'où le nom du Genévrier — sensible¬


ment rondes mais ne pouvant rouler très loin. Mais on doit

signaler, à propos du pouvoir de «rejeter», que le Genévrier


rouge réagit encore de la même façon, c'est-à-dire en régé¬
nérant des branches basses, à la coupe, à la taille de ses
branches principales, ou au recépage de sa tige, de sorte que,
bien que l'arbre ait un port beaucoup plus bas et plus arron¬
di, plus trapu que celui du Thuya plus svelte, il produit,
sinon des faisceaux de « perchettes » rectilignes, du moins
des bouquets de branches, basses et arquées, qui, coupées
et bottelées ou réunies en bourrées, sont utilisées pour la

confection des terrasses des maisons berbères dans tout le


Grand Atlas.

III. GENEVRIER THURIFERE. — (Juniperus Thurifera)


Le Genévrier thurifère, lui aussi, rejette, à ce degré réduit.
Il réagit à la à la taille de ses branches hautes tout
coupe,
au moins, en régénérant d'autres branches, en poussant de
nouveaux rameaux, qui contribuent à donner aux pieds de

ce Genévrier leur aspect classique : celui d'un champignon

ligneux, au pied dressé mais bas et noueux ( la tige, simple,


donne de grosses branches an-dessus du fût, qui souvent ne

dépasse par 5 m. de hauteur), à tête parfois conique for¬


mée de perchettes implantées sur les moignons des plus

grosses branches coupées, mais plus souvent à tête applatie


consituée par un hérisson de rameaux drus et courts où la
bourre du feuillage (très semblable à celle du Genévrier rou¬

ge -— rameaux légèrement aplatis, recouverts de petites


feuilles écailleuses) est comprimée dans les interstices de
l'armature très rigide. L'ensemble a un port raide et tour¬
menté qui, dans ce cas des sujets à tête- aplatie, évoque,
dans un cadre tout différent, la silhouette d'un Arganier à

pied unique, et non gobelet, quand son dôme de feuillage


en
est tondu par le pâturage.
Ainsi la régénération de ses branches hautes et la ré-

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sistance mécanique de son ancrage au sol défendent victo¬
rieusement sa tige contre la violence des efforts auxquels
elle est soumise (rafales de vent, de
neige, éboidis de pier¬
res, etc...) et lui permettent aussi de réparer les accidents
qui peuvent la mutiler; mais, si le Genévrier tliurifère réussit
à subsister, à végéter rudement dans la haute
montagne la
plus âpre du Maroc, grâce à son enracinement remarquable
ment ajusté aux «contraintes» du sol, traçant, enveloppant le
roc et pénétrant dans ses tissures, mais volumineux ou plu¬
tôt à section très variable suivant la
disposition des racines,
(ce qui lui assure sans doute une résistance
physiologique
en même temps mécanique très précieuse, où joue sur¬
que
tout la vertu tonique de contracture
qu'on a reconnue chez
les précédentes Cupressinées, et très
développée aussi chez
l'Arganier), il faut reconnaître que, par contre, son pouvoir
de rejeter, appréciable chez un Conifère, est tout à fait res¬
treint si on le compare à celui du Thuya ou de
l'Arganier.
Sa souche reste aussi dépouillée de
rejets, au voisinage du
sol, que celle de l'Arganier y est exubérante.

Au reste, comme pour le Genévrier rouge, les graines son!


lentes et difficiles à germer, contenues dans de
petites baies

bleues à maturité dont la dissémination et la



germina¬
tion sont également des plus aléatoires, dans les conditions
naturellement très dures de la hautemontagne, renforcées
encore les abus de pâturage. 11 est donc difficile de se
par
rendre compte du rythme selon lequel s'effectue,
par place,
le renouvellement des sujets qui remplacent, par semis, une
partie au moins de l'ancien peuplement, de même que, sur
chaque sujet, la régénération d'une partie au moins du corps
ligneux par voie de rejets vient d'apparaître possible mais
très limitée.

Si cette dernièrequestion est plus facile à étudier chez


l'Arganier et le Thuya, comme on l'a vu précédemment, la
première, qui concerne plus particulièrement la reproduc¬
tion véritable des sujets,par graines, doit,de toute nécessité,
être étudiée soigneusement pour le Genévrier rouge et le Ge¬
névrier thurifère si on ne veut pas se contenter de « jauger»

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y\-

PPÉt

THUYA : Vieux peuplement pâturé. Malgré l'exposition lavorable


(nord ouest), les jeunes semis ne se développent pas, faute d'abri (pla¬
teaux d'Ouimès — ver 700 m.)

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51 —

sans essayer de la prolonger, la durée des peuplements ac¬


tuels de ces deux Genévriers.

Il faut ajouter deux mots, à ce propos, au sujet du Ge¬


névrier oxycèdre et du Cyprès :
IV. — CYPRES (Cupressus sempervirens)
Ce grand Cyprès, 011 l'a vu, n'est pas ab¬
sent de la montagne berbère, mais il est étroi¬
tement localisé. Il occupe la haute vallée de l'Aghbar
(tète de l'Ouecl N'Fis ) dans le grand synclinal qui
divise en deux le massif central cristallin du Grand Atlas ;
on ne le rencontre, on le verra, en dehors de ce véritable
peuplement, dans de très rares stations dans la même vallée
du N'Fis, que sous forme de bouquets très réduits en éten¬
due, oumême de pieds isolés noyés au milieu du Thuya,
mais plutôt des Genévriers rouge et oxycèdre. On le distin¬
gue difficilement du Thuya et plus encore du Genévrier rou¬
ge, au moins à l'état de fourrés relativement jeunes. Toute¬
fois, en dehors du caractère du fruit (cône brun, grisâtre,
de mêmes forme et taille que celui du Cyprès pyramidal or¬
dinaire : ellipsoïde de 3 cm. x 2 cm. avec des écailles en for¬
me de clous à tête hexagonale 8 à 10, opposés 2 à 2, qui se

séparent à maturité en laissant tomber les graines), on


note aussi que la feuille est petite, plus finement imbriquée

sur des rameaux à section circulaire, souples et ténus com¬

me des ficelles vertes; chez les sujets âgés, la cime s'élargit,

seules quelques maîtresses branches subsistent, insérées à

angle droit sur le fût et se ramifiant elles-mêmes horizon¬


talement pour donner à l'arbre vieux une disposition éche¬

lonnée et tabulaire analogue à celle des vieux Cèdres.


C'est au point de vue de sa régénération que nous l'en¬

visageons ici. Il est probable que son pouvoir de rejeter n'est


guère différent de celui du Genévrier rouge, bien que, par
l'ampleur de sa croissance, il en diffère beaucoup. Le Gené¬
vrier rouge reste toujours un petit arbre, il n'atteint jamais
les dimensions du Thuya ; au contraire, le Cyprès, dans

l'Atlas, dans la vallée de l'Aghbar, atteint une taille bien


supérieure à celle du Thuya : on se trouve là en présence de
véritables bois de futaie, au fût dégagé sur une grande liau-

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52 —

et simple à partir du pied, ou, assez sou¬


teur, à la tige nette
vent, bifurquée. La hauteur peut atteindre 25 mètres, le dia¬
mètre près de 1 mètre.
Il n'est pas douteux que ces arbres proviennent de semis,

de même probablement que les sujets rencontrés plus bas


dans la vallée, mêlés au Thuya, et surtout au Genévrier rou¬

ge ou au Genévrier oxycèdre.

V. — GENEVRIER OXYCEDRE (Juniperus oxijcedrus)


Le Genévrier oxycèdre qui se distingue tout de suite des au¬
tres Cupressinées parce qu'il a des épines et non des écailles,
.joue peut-être aussi un rôle à part, de ce fait même, dans le
renouvellement de certains au moins de leurs peuplements

auxquels le trouve souvent mêlé, par pieds isolés : on


on
conçoit, en effet, qu'il puisse, grâce à l'abri épineux et sou¬
vent plaqué au sol qu'il fournit à leurs graines, les protéger

■efficacement contre la dent du bétail et la main de l'homme,

et, indirectement, contre le feu et contre le déchaussement.


Si, pour lui-même, le. Genévrier oxycèdre est de reproduc¬
tion aussi difficile que les autres Genévriers, il sait connue
eux se « contracter » et « rejeter» avec une tonicité compa¬

rable, pour la cicatrisation des blessures et pour la régéné¬


ration des branches basses, à celle du Genévrier rouge.

D. — EXPERIMENTATION FORESTIERE
SUR LES CUPRESSINEES

Après cette étude d'ensemble sur les caractères des Cu¬


pressinées et leur mode de régénération, il conviendra d'exa¬
miner comment et dans quel sens devront être orientées
des études d'expérimentation forestière les concernant. Il est
tout d'abord nécessaire d'obtenir, sur chacune de ces essen¬
ces en particulier, des renseignements certains sur la façon
dont elle répond aux diverses opérations culturales qu'on
peut appliquer aux peuplements de cette espèce : par exem¬
ple, recépage de vieux sujets, éclaircissage de jeunes per-
-chis, etc...
On a commencé à cet effet, à installer des places d'expé-

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53 —

riences dans différents peuplements de Thuya dans la val¬


lée de l'Oued Beth
(Circonscription de Khémisset).
Voici, à titre d'exemple, les premières études
entreprises
dans ces parcelles :

Un certain nombre de
sujets de grosses dimensions ont
été recépés afin de voir jusqu'à quel âge, et sous quelles
formes, ces arbres sont capables de rejeter.

1
Circonférence
Age du sujel Iïauleur du
;
fût
à la base
r

I. —
Recépage]j 232 ans 10 m. 1 m. 20
de vieux
suj I 147 » 7 m. 1 m. 25
'
dépérissants. 140 » - 6 m. 1 m. 20
150 » 7 m. 0 m. 90
V

I 25 arbres dont la circonférence à hauteur


II. —
Repéra¬ d'homme varie de 0 m. 60 à 2 m. 75, ont
ge d'arbres se- été numérotés (au commencement de
menciers. l'année 1931) pour qu'on puisse étudier
sur eux la périodicité de la-fructification.
Un comptage effectué dans un perchis
assez
grêle et serré a révélé une
propor¬
tion de :

1.340 tiges, réparties sur 796 souchesp


III. Eclair-
| pour un hectare de peuplement.
cissage d'un (en ne
Comptant que les perches ayant
jeune perchis. au moins 20 cm. de diamètre à hauteur

d'homme, ou du moins, parmi celles


ayant un diamètre inférieur, que les ti-
| ges appartenant au peuplement princi-
\ pal).

L'éclaircissage, (qui en fait a été réalisé par une coupe


d'indigènes à la recherche de perches ou chevrons cle Thuya)
a
supprimé environ 1/3 de coupant les per¬ce matériel, en
ches les plus vigoureuses et les
plus droites, ayant 30 à 4,0
centimètres de tour à hauteur d'homme (la
majeure partie

NOTA. — Il a été constaté


au 1" Juin 1932 que le sujet de 232 ans
visé ci-dessus, recépé le 1" Janvier 1931, avait émis des rejets de 0"'80
de hauteur, et que les trois autres vieux
Thuyas réeépés en même temps,
avaient également rejeté. — Ces résultais étonnants démontrent la ra¬
re
vigueur physiologique et l'adaptation remarquable au milieu du
Thuya du Maroc.

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_
54 —

des perches appartenant an peuplement principal avait en¬


tre 20 cm. et 50 cm. de tour) ; ce peuplement principal pa¬

raît être venu d'incendie, car toutes les tiges qui ont été

coupées et comptées ont révélé, quel que soit leur diamètre,


des âges voisins de 81 ans (oscillant entre 79 et 83 ans).

Il y aura lieu ensuite de chercher à préciser les écarts


de croissance dans le groupe des différentes Cupressinées,
et aussi de confronter ces rapports, au point de vue de la ré¬

génération, qui relient entre eux les autres élé¬


avec ceux
ments fondamentaux des peuplements forestiers du Maroc
(Groupe des Chênes, Chêne-liège, Chêne-zéen, Chêne vert, en
mettant à part le Cèdre et les Pins qui ne rejettent pas du

tout).
Or,ce qui touche, ce qui atteint le plus généralement

leurs sujets, leurs peuplements, parmi les agents extérieurs


qui sont à la « disposition » relative de l'homme, c'est avant
tout le feu, et la coupe : quand leur action est forte, unique,

elle tue brutalement (incendie, écorcement) ou bien si on

envisage la coupe totale de l'arbre, de tout un peuplement,


le recépage plus exactement, elle supprime le sujet, le peu¬

plement principal, et en tout cas le milieu extérieur est pro¬


fondément altéré: la radiation, et, en même temps, l'état hy¬

grométrique, est considérablement modifiée. C'est l'influence


de cette modification sur le développement du peuplement

nouveau, surtout de celui qui est latent dans les graines du

{ sol, qui est surtout digne d'attention et susceptible de mesu¬


res, par l'étude de l'accroissement de ce recrû véritable,
détaché et indépendant du peuplement originel.

Mais, si l'action d'arasement (coupe plus ou moins cisail¬


lée, allant de la taille par le fer à l'arrachis par la dent du
bétail) est faible, et répétée, de même que l'action de corro¬
sion du feu (incendie léchant), le milieu extérieur est peu
modifié chaque fois, mais la « réactivité »des sujets, des peu¬
plements, peut être considérablement affectée, dans sa for¬
me extérieure, apparente, en même temps que dans son

fonctionnement interne, et c'est cette altération qui doit re¬


tenir ici l'attention. L'étude de la forme de croissance, ou de

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55 —

recroissance du peuplement et des sujets ainsi touchés, doit


comporter avant tout la reconnaissance des diverses formes
qu'affecte le recrû des sujets subsistants, depuis les rejets
ligneux divers (de souche, de racine, de tige, branches basses
gourmands, etc...) jusqu'aux tumeurs diverses des arbres
mutilés(loupes, bourrelets, etc...), aux excroissances ligneu¬
ses, et enfin, même, aux excrétions cicatrielles (résines, etc...)
Par ailleurs, certaines formes aberrantes
(excroissances,
loupes par exemple)
ou même certains résidus ou déchets
sans forme
(résines) peuvent avoir, au point de vue de
la croissance et de la
régénération des sujets et des peuple¬
ments, une importance disproportionnée à leur apparence,
à cause d'une sorte de sélection queleur choix, conscient
ou non, provoque parmi les diverses « interventions » du
milieu vivant, c'est-à-dire des
biotiques. C'est ainsi,
agents
par exemple, que l'homme recherche certains produits
spéciaux des bois, et que les troupeaux ne broutent pas
n'importe quel feuillage (on remarque que, dans de jeunes
brousses pâturées de Thuya et de Genévrier
rouge mêlés,
dans la région de Tanant, le Genévrier
rouge paraît être
moins recherché que le Thuya, peut-être à cause de l'odeur
ou du suc acre de son
feuillage ; ce même suc d'ailleurs
est recherché par les
indigènes dans la région de Sakka,
au
voisinage de Taza, pour en faire, par distillation, des
remèdes en faveur chez les
populations riffaines).
Comme il faut bien compter, dans l'état actuel des cho¬
ses, avec les difficultés de la
reproduction par semis (qui
cependant doit être invoquée, même pour le Thuya, dans la
région de Sakka, où il ne dispose presque plus que d'une
souille d'Alfa), comme il ne faut
perdre aucune de ces for¬
ces, latentes ou disponibles,
plus ou moins sensibles chez
les diverses essences, qui peuvent être suscitées
pour contri¬
buer à la croissance et à la recroissance des
peuplements,
on cherchera à déceler les écarts constatés sous l'action
de tel ou tel instrument
engin manié par l'homme (par
ou

exemple coupe ménagée, action du feu par flambage des sou¬


ches) entre divers sujets de même espèce ou
d'espèces diffé-

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56 —

rentes, écarts qui devront expérimentalement être enregis¬


trés, en se référant à la propriété capitale analysée ci-dessus :
tonicité-plasticité des sujets (par exemple, on notera le
temps de cicatrisation des blessures, l'allure du bourgeon¬
nement, des tumeurs, les phases d'apparition et de dévelop¬
pement des rejets).
Si on n'aboutit pas rapidement par cette voie à classifier
les essences suivant les divisions ordinaires, sous des rubri¬

ques habituelles telles que : essences de lumière ou d'ombre,


rustiques ou délicates, nobles et supérieures ou inférieures
et secondaires, ni à tracer des directives précises pour le
mode de traitement à leur adapter en vue de telle ou telle
forme de peuplement (futaie, futaie claire, taillis sous

futaie, taillis simple ou « revenant », peuplement régulier


ou jadiné, etc...) on ne devra jias oublier cependant, dans

ce pays où la vie forestière humaine s'insère dans celle de la

forêt de façon diverse et différente aussi de celle reconnue


dans les pays européens, d'attacher une attention particu¬
lière à ces actions et réactions, insignifiantes quelquefois,
mais souvent réitérées, qui mettent en éveil et en évidence
le pouvoir total de croissance et de recroissance des essen¬
ces forestières fondamentales.

C'est ainsi, convient d'orienter la


semhle-t-il, qu'il
recherche du mode de reformation (mi naturel et spontané,
et mi humain, conscient ou non) du complexe vivant, à crois¬

sance longue et souvent reprise, qui constitue en définitive

la forêt et qui offre, rien qu'à travers les boisements de Cu-

pressinées, une puissance de recrû et une variété de « pos¬


sibilités » à travers laquelle l'homme forestier peut légiti¬
mement chercher à exercer le choix le plus juste, pour en

tirer le meilleur parti.

On verra d'ailleurs, à ce nouveau point de vue, s'affirmer


la suprématie du Thuya qui domine largement les Cupres-
sinées mineures : Genévrier rouge et Genévrier thurifère,
dont la valeur humaine est encore cependant des plus inté¬

ressantes.

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57 —

111— ASSIETTE et USAGE de la


FORÊTdeCUPRESSINÉES
au MAROC

A. — GENERALITES SUR LA REPARTITION


DES MASSES FORESTIERES DU MAROC

Les possibilités forestières » des Cupressinées, expres¬


«

sion du pouvoir de croissance des peuplements que l'homme


tend à exploiter, se manifestent, en
effet, dans toute la zone
climatique où nous avoirs reconnu l'existence des représen¬
tants de cette famille, par des caractères variés, qui s'ins¬
crivent le sol,
sur
qui altèrent le terrain boisé primitif, ou
qui affectent le « genre de vie » qui s'y attache.
C'est la diversité, la valeur humaine de ces «
possibi¬
lités » qu'on va essayer de faire
ressortir, aux différentes
places qu'occupe aujourd'hui la forêt de Cupressinées du
Maroc.

Voyons d'abord les « masses » :

Le « Maroc forestier » c'est-à-dire le Maroc _(zone fran¬


çaise) où il peut y avoir des forêts, a une surface territo¬
riale de 250.000 km2 ou 25 millions d'hectares. (En retran¬
chant, comme on l'a dit dans la Note
l'Arganier »,
« sur

du « Maroc politique » la zone de l'Extrème-Sud, plus


pré¬
cisément, en limitant le Maroc, au Sud, par la
ligne brisée
suivante : à l'Ouest, le
parallèle d'If ni jusqu'à sa rencontre
avec le méridien de Tiznit, à
l'Est, le parallèle de Figuig jus¬
qu'à sa rencontre avec l'Oued Ziz, et au centre, la ligne
droite qui réunit ces deux
points, suivant à peu près la ligne
de crêtes de l'Anti-Atlas,
puis la dépression du Dadès, le
fossé entre Imclras et Sarro).

Considérant, d'autre part, la grande courbe concave vers


le Nord que dessine le cours de l'Oum er Rehia, de son
embouchure à son confluent l'Oued el
avec Abid, puis, au
delà de ce confluent, le cours de l'Oued el Abid
jusqu'à sa
sourcequi rejoint presque celle de la Moulouya sur le flanc
Nord des Imdras, puis enfin, tout le cours de la
Moulouya,
cette courbe fluviale
permet, avec la frontière Sud précédente

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58 —

de délimiter simplement 3 grandes régions commodes à con¬


sidérer pour l'étude du Maroc forestier :
Maroc forestier septentrional : au Nord, ou dans la con¬
cavité de la courbe fluviale.

Maroc forestier méridional : entre les branches occiden¬


tales de cette courbe et de la frontière Sud.

Maroc forestier oriental : entre les branches orientales de


la courbe et de la frontière Sud.

Il est difficile de tracerligne de rappel raccrochant


une

la courbe et la frontière pardessus le nœud des Imdras,


qui préciserait la limite entre les deux dernières divi¬
sions.

Il vaut mieux, tant qu'on placer cette


ne pourra pas
limite, faire région provisoire, spéciale, de la portion
une

de terrain comprise entre la courbe et la frontière, dans leurs

parties centrales sensiblement parallèles, et limitée :à l'Est


par une ligne droite sensiblement Sud-Nord qui prolongerait
le cours du Ziz, Kérrando-Ksabi ; à l'Ouest par la ligne

droite Kelaa des


Mgouna-Ouaouizert, sensiblement Nord-
Sud ; cette région a ainsi vaguement la forme d'un paral¬

lélogramme, dont le noyau central est constitué par le massif


des Imdras qui présente la disposition d'une gigantesque

étoile, mais épaisse et trapue. (C'est aussi dans cette région


que se loge la poche de dissidence, qui se raccorde au Sud,
par un pédoncule fortement aminci aujourd'hui, à la zone
vague cle la dissidence d'Extrême-Sud). On appellera cette
région provisoire : région intermédiaire).
Dans ces conditions, les surfaces territoriales et les super¬
ficies boisées( toutes essences) et les taux de boisement des
trois grandes régions du Maroc forestier ont (en y compre¬
nant la zone forestière insoumise, toute entière comprise
dans la région intermédiaire) :

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59

Surface Taux
Superficie de boise¬
territoriale boisée
ment

Région septentrionale.... 9.000.000 ha 1.325.000 ha 14 %


méridionale 8.200.000 — 925.000 — 11 %


orientale 6.000.000 — 250.000 — 4 °/0


intermédiaire .... 1.800.000 — 250.000 — 11 %


Total 25.000.000 ha 2.750.000 ha H °/o

Pour préciser la proportion des Cupressinées dans ces


masses forestières, il y
a lieu d'exclure, actuellement, la ré¬

gion intermédiaire, qui n'est que très peu connue forestiè-


rement, surtout dans sa partie centrale et occidentale (Im-
dras et Oued Ahanzal), Vers l'Est (Ayachi et Assit' Melloul)
elle est mieux connue, mais on n'y a reconnu jusqu'ici que
des massifs de Cèdre et de Pin d'Alep, au milieu d'une mas¬
se beaucoup plus considérable de Chêne vert qui se prolonge
également à l'Ouest. Il convient donc, actuellement, de con¬
sidérer que la masse forestière principale de cette région
est en Chêne vert ; les Cupressinées, pour l'instant, n'y
seront pas mentionnées, quoiqu'elles y figurent certaine¬
ment, surtout à l'Ouest.
Ne tenant pas compte, alors, des 250.000 hectares de
bois «
probables » dans la région intermédiaire, on peut
dire, grosso modo, que la répartition des 2.500.000 hectares
de bois reconnus dans le Maroc soumis, d'environ 23 mil¬
lions d'hectares, s'effectue comme suit entre les différentes
essences forestières :

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60 —

Feuillus Résineux

Arganier : 550.000 ha Abiéli- Cèdre : 200.000 ha


Chêne nées Pin d'alep : 50.000 —
liège: 300.000 —
Chêne vert Cyprès : 10.000-
(et chêne- Cupres- Genévriers : 150.000
sinées
zéen) : 650.000 — Tuya : 600.000 -

Total .. 1.500.000 lia Total.. 1.000.000 ha

Total : 2.500.000 ha

11 est difficile, même avec l'ordre de précision adopté,


de déterminer exactement la
part de chaque essence dans
la superficie totale (750.00 hectares) attribuée aux Cupres-
sinées ; ce chiffre global offrira sans doute
plus d'exacti¬
tude que les chiffres partiels qui se
rapportent à chacune
des essences composantes, tant que les forêts n'auront
par
été délimitées, ce qui est le cas pour une grande
partie des
boisements de Thuya et surtout de Genévriers. On pourrait

ajouter aux 600.000 hectares attribués au Thuya, environ


50.000 hectares boisés en Tizra, dont la brousse fait nor¬

malement suite, en beaucoup d'endroits, à la callitriaie, ou


se substitue à elle au contact d'autres essences telles que
leChêne-liège et l'Arganier et aussi au contact de l'Alfa.
Signalons encore que le Cyprès ne compte pour ainsi dire
pas, au point de vue de la « masse » : il n'occupe, à l'état
pur, que quelques milliers d'hectares dans la haute vallée
de l'Oued N'Fis.

C'est le Genévrier rouge qui est,


au contraire, le plus
important représentant du après le Thuya. On lui
groupe,
attribue 100.000 hectares environ de peuplements purs ou
mêlés de Genévriers oxycèdre (par pieds isolés).

Le Genévrierthurifère, à l'état pur, n'occupe sans doute


pas beaucoup plus de 25.000 hectares, mais comme le Ge¬
névrier oxycèdre lui est aussi souvent mêlé, ou substitué,
et qu'en dehors de cela ce dernier n'existe le plus souvent

qu'à l'état de pieds isolés mêlés au Chêne vert, on convient

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01 —

d'attribuer au Genévrier thurifère une superficie de 50.000


hectares.
Les Cupressinées du Maroc peuvent donc être caractéri¬
sées, au point de vue des masses forestières, par les chiffres
suivants :

Thuya 600.000 ha. soit environ le 1/4 de la


superficie boisée totale
du Maroc, qui est de
2.500.000 ha.
Cyprès 10.000 ha
Genévrier rouge.. 100.000 ha.
Genévrier thurifère
(et G. oxycèdre).. 50.000 ha.

Masse totale des


Cupressinées, en¬
viron 750.000 ha. soit les 3/4 de la super¬
ficie boisée en résineux,
qui est de 1.000.000 ha.

Voyons maintenant l'emplacement de ces masses, dans


le cadre défini ci-dessus :

Tandis que, d'une part l'Arganier est entièrement con-


tenu dans larégion méridionale, et que le Chêne-liège et
le Cèdre sont, d'autre part, renfermés dans la région sep¬
tentrionale (à part les massifs de Cèdre, encore mal recon¬

nus, de la région intermédiaire : Tounfit), l'Alfa étant par


ailleurs presque entièrement confiné dans la région orien¬
tale d'où il ne qu'à la tête de la Mou-
déborde sérieusement
louya, les Cupressinées sont représentées honorablement
dans chacune de ces trois régions, car le Thuya y constitue, à
lui seul, une proportion de la masse forestière comprise en¬

tre 1/5 et 2/5.


Les Genévriers figurent aussi dans les 3 régions ; mais
dans la région orientale, ils ne se rencontrent que par pieds
isolés de Genévrier rouge et de Genévrier oxycèdre, égrenés

d'une façon extrêmement lâche, sur les rides montagneuses


de l'Atlas marocain oriental, tout à fait au Sud de cette

région ; on ne peut faire entrer ces restes de boisements en


ligne de compte quand il s'agit de calculer les masses fo¬
restières.

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62 --

Alors, on peut dire


que les Genévriers sont représentés
seulement dans les régions méridionale et septentrionale
et même, en précisant
davantage, qu'ils sont concentrés
dans la région méridionale
puisqu'elle renferme les 4/5 de
leur masse, le reste revenant Maroc septentrional, en ne
au

tenant pas compte des traces de peuplements de Genévrier


rouge existant dans la basse Moulouya (montagne de Sakka,
côte de Saïdia) ni de celles de l'embouchure de l'Oued Sebou

(Méhédya) pas plus que de celles qui subsistent dans les


dunes deMogador.
Il est bien entendu d'ailleurs
que les chiffres suivants,
comme les considérations
précédentes, ne s'appliquent
qu'à la zone française du Maroc : la zone espagnole, qui
comprend essentiellement l'arc du Riff, renferme encore,
comme Cupressinees, du Thuya, mais sans doute en masse
assez peuconsidérable, dans les vallées littorales, notam¬
ment celles de l'Oued Kert, de l'Oued N'Kour
(Ajdir), de
l'Oued Lao (Chechaouen).
Cette répartition des forestières de
masses Cupressinées
est résumée par le tableau suivant :

Région Région Région


méridionale septentrionale orientale

Superficie boisée
totale 925 000 ha 1.325.000 ha 250.000 ha

Thuya 200 000 ha 300.000 ha 100.000 ha

Cyprès (10 000) ha néant néant

f rouge.... 80 000 ha 20.000 ha T races


Genévriers 40.000 ha
1) thu
(et
ri l'ère 10.000 ha T races
oxycèdre)

120 000 ha 30.000 ha T races

Superficie boisée en
Cupressinées 320.000 ha 330.000 ha 100.000 ha

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63 —

B. — DISTRIBUTION TERRITORIALE
DES CUPRESSINEES

Mais les cadres régionaux ci-dessus ne constituant que


des divisions de territoire assez arbitraires, il convient de
rechercher comment ces masses se distribuent sur leur

support territorial lui-même, et d'abord, dans quelle mesure


elles contribuent à former les grands « dépôts forestiers »
du Maroc. On sait en effet que le Maroc est caractérisé, au

point de vue de la répartition des forêts, par la présence des


grandes masses forestières, nettement isolées ou découpées
et séparées par d'immenses lacunes de terrains déboisés ou

sans bois.
Ces «
dépôts »des « divisions
ne sont pas
naturelles », ils marquent
plutôt le stade actuel de la défor¬
mation subie par la forêt climatique, au moins dans sa plus
récente histoire, et pour cela, ils condensent, dans un même

groupement, les masses forestières voisines et semblables


qui ont eu, grosso modo, le même sort :
Ces « dépôts » ne correspondent donc pas seulement à
des « masses », des étendues forestières existantes, c'est-à-
dire apparentes sur le terrain, figurables par des chiffres,
mais aussi à des ensembles de caractères de constitution
qui s'expliqueront difficilement sans faire allusion au genre
de vie des populations qui les habitent et aux capacités di¬
verses des différentes
essences à s'y adapter, en chaque pla¬

ce, ou au rythme de leur élimination, en fait, lente ou rapide.

Remontant du Sud-Ouest vers le Nord-Est, en balayant


les forêts de la région méridionale, on peut ainsi recon¬
naître 4 grands dépôts forestiers :

I. —
Dépôt forestier de
l'Anti-Atlas 170.000 ha Arganier
II. —
Dépôt forestier du
Sous et du Littoral Sud. 215.000 -
Arganier - Thuya
III. —
Dépôt forestier des
plateaux Haha 240.000 -
Thuya - Arganier
IV. —
Dépôt forestier du
Haut-Atlas 300.000 — Genévriers - Thu¬
ya - et Chêne
vert

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Au-delà de ce dépôt forestier, on donnera provisoirement
à la niasse boisée répandue dans la région intermédiaire,
sur certaines ramifications du massif-étoile des Imdras,
le nom de :

Dépôt forestier des Imdras 250.000 ha. Chêne vert

On ne reconnaîtra, dans la région orientale, balayée du


Sud-Est versle Nord-Ouest (au Nord des grandes
nappes
alfatière des Hauts-Plateaux d'environ 2 millions d'hecta¬
res), qu'un unique grand dépôt, qu'il faudrait compléter,
il est vrai, par l'ensemble très lâche des mouchetures (de

Genévriers) des ramifications du Grand-Atlas oriental :

Dépôt forestier Nord des 250.000 hectares — Chêne


Hauts-Plateaux (et noyau vert -
Thuya - Ge-
des Beni-Snassen vriers.

(Il faut signaler ici que les deux grands dépôts


qui vont suivre, quoique classés dans la région septentrio¬
nale, comportent une frange renfermant environ 80.000 hec¬
tares de Thuya, qui devrait être rattachée au grand
dépôt
précédent).
Enfin, en balayant la région septentrionale du Nord-Est
au Sud-Ouest, on reconnaît les grands dépôts suivants :

I. —
Dépôt forestier Sud
Riffain (partie fran¬
çaise 170.000 ha Chêne vert - Chêne-
il. liège - Thuya.

Dépôt forestier du
Moyen-Atlas (et du
Grand-Atlas oriental).. 530 000 ha Cèdre - Chêne vert-
III. —
Dépôt forestier des Genévriers-Thuya.
Plateaux d'Oulmès 325.000 ha
..

Thuya - Chêne vert-


IV. Chêne-liège.

Dépôt forestier sub¬
littoral du Nord 290.000 ha Chêne-liège - Thuya.
Ces dépôts sont largement découpés, troués, ramifiés.
Mais ils manifestent entre eux, et aussi chacun pour son
compte, certaine continuité territoriale. Par contre,
une
d'immenses lacunes non boisées, ou déboisées, s'étendent
entre leurs branches ;

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^ —
65 —

a) La table de la Meseta marocaine, creusée jusqu'au


littoral par l'Oued Tensift et l'Oum er Rebia.
b) La cuvette alluvionnaire du bassin du Sebou.

c) La.plaine de la basse Moulouya.


La plaine littorale du Sous n'est pas une « lacune »,
mais fait partie intégrante, au contraire, d'un des dépôts
les plus intéressants au point de vue forestier, raccordant la
masse principale des Arganiers reculés dans l'Anti-Atlas
au bandeau d'arganeraie étalé sur les contreforts Sud du

Grand Atlas et sur le littoral d'Agadir à Mogador.

De même, le plateau sublittoral du Nord, de Casablanca


à Rabat et à Kénitra (et autrefois sans doute jusqu'à Lara-
che) est le lieu d'un des grands dépôts du Nord, et raccorde,
ou raccordait plutôt, autrefois, par le littoral, la masse prin¬

cipale des Chênes-liège des plateaux d'Oulmès à ceux des


contreforts Sud-Rilfains.

Enfin, an raccord entre les deux régions, méridionale


et septentrionale, il faut signaler que les boisements encore
mal reconnus situés au Nord du Haut Oued el Abid, de Beni
Méfiai, Ksiba, Kebbab, donc en dehors de la région inter¬
médiaire, doivent être rattachés provisoirement, dans le
compte des masses, au dépôt des Imdras. C'est d'ailleurs
cette frange Nord du dépôt, garnie surtout de Chêne vert et

faiblement de Thuya, qui laisse supposer, à défaut de con¬


naissance précise du dépôt entier qui est encore dans la
zone de dissidence, que
la masse principale est en Chêne
vert ; mais 011 a déjà signalé que la partie Est (région de

l'Ayachi) qui renferme aussi Cèdre et Pin d'Alep, a été rat¬


tachée, pour le calcul des masses, au dépôt du Moyen Atlas,
quoiqu'elle constitue un noyau bien distinct, à l'origine de
la branche orientale du Grand Atlas. Au contraire, la partie

Ouest, qui renferme certainement des Genévriers, et sans


doute aussi du Thuya dans sa partie Nord, constitue le véri¬

table dépôt des Imdras, à qui on a attribué une masse de


250.000 hectares, en y englobant celle de la frange Nord,
toute entière au-delà de l'Oued el Abid.

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66 -l

C. — CONTRIBUTION DES CUPRESSINEES


AUX GRANDS DEPOTS FORESTIERS. — LEUR ROLE
Précisons maintenant la contribution des
Cupressinées
à ces divers dépôts, en y examinant le sort des peuplements
de chacune des essences de cette famille.

I. CYPRES

D'abord, le Cyprès (en berbère : Azel ; égale¬


ment : Arella). Il n'existe, on l'a
dans la vallée de
vu, que
l'Oued N'Fiss et ne constitue
qu'un seul peuplement impor¬
tant, vers la tête de cette vallée, la forêt de l'Aghbar (c'est
le nom du N'Fiss supérieur, à partir de la cuvette de Talaat
N'Yaeoub) orientée Sud-Ouest Nord-Est. En venant de cette
direction, mais du Sud (à partir de Taroudant, dans la plaine
du Sous) et en remontant la vallée de l'Oued
Targa, on arrive
par le Tizi N'Test (2.200 m.), à la tète de la forêt de l'Aghbar,
dont le chemin d'accès naturel,
par le Nord, est la vallée de
l'Oued N'Fiss. Mais si on veut y atteindre, du Nord, d'Amis-
miz, sans remonter la vallée du N'Fiss, un triple
passage de
cols, à plus de 2.600m. (parmi eux le Tizi N'Arella ou col du
Cyprès) permet de franchir la haute chaîne et de tomber di¬
rectement à la tête de la forêt de
l'Aghbar, au pied du Djebel
Igdad (3.800 m.) qui surplombe de très près le Tizi N'Test.
Ainsi la forêt de l'Aghbar, qui garnit les deux
berges de
l'Oued, de 1.500 à 1.800 environ, tapisse une sorte de
m.

tranchée repliée Sud-Ouest Nord-Est, par oii on passe aisé¬


ment de l'Oued Targa, affluent du Sous, à l'Oued N'Fiss, où
elle termine dans l'évasenient de Talaat N'Yaeoub ; elle
se

constitue ainsi un véritable retranchement boisé situé au


cœur du massif central cristallin du Haut Atlas.
Le boisement de Cyprès qui a une superficie d'environ
10.000 hectares, se compose essentiellement de sujets à
fûts atteignant parfois 1 mètre de diamètre, mais rarement
3 mètres de hauteur, et
chargés de perches dressées qui ré¬
sultent de la poussée puissante des branches latérales
après
l'amputation de la cime principale et des branches basses.
Cetle mutilation a lieu en général dès
que la tige atteint la
grosseur du bras, elle se répète ensuite sur certaines des

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67 —

branches redressées, ce qui donne aux vieux sujets, et pres¬


que tous le sont, l'aspect d'énormes candélabres à multi¬
ples branches.
Ces branches sont parfois d'assez fortes dimensions pour
donner du bois de madrier du bois de
ou
charpente.
Les perchettes, elles, sans être bottelées ou mises en

« bourrées », sont utilisées pour l'entretien des terrasses des


maisons berbères.
Les ramilles, enfin, sont, au cours de l'été, données en

pâture aux nombreux troupeaux de chèvres de la montagne.


Sous le couvert très clair de ces arbres centenaires, la

régénération semis naturel, qui pourrait s'effectuer si la


par
forêt était un
temps abandonnée à elle-même, est impossi¬
ble : on constate que, aussitôt germés — leur germination à
même ljeu facilement les semis sont tondus par

les ani¬
maux et
disparaissent.
La forêt de l'Aghbar se prolongeait sans doute autrefois

beaucoup plus bas dans la vallée de l'Oued N'Fiss où on


rencontre encore des bouquets de Cyprès, mais isolés au
milieu des Genévriers, sur des étendues très restreintes, de
l'ordre de 1 hectare. Ces « stations » (5 ou 6 en tout) coïn¬
cident général avec des cimetières : les arbres y sont in¬
en

tacts, atteignent tout leur dévelopement, présentent la forme


spécifique de l'essence. Dans le jeune âge et à l'âge adulte,
les rameaux demeurent insérés à
angle aigu, ce qui donne
à l'arbre la silhouette d'un peuplier pyramidal, mais, plus
tard, les rameaux s'étalent de plus en plus de sorte que cer¬
tains vieux Cyprès finissent par prendre la forme tabulaire

classique chez les Cèdres âgés.


L'une de stations, la plus élevée, est voisine de Kas-
ces

bah Tagoundaft (1.500 mètres), les autres sont plus basses


entre 1.300 et 1.000 mètres, mais c'est le Genévrier rouge
alors qui constitue le boisement, seul ou mêlé de Genévrier

oxycèdre et de Thuya, tandis que le Cyprès, à l'état de peu¬


plement, a disparu complètement depuis la cuvette de Talaat
N'Yacoub, le palier de Tinmel, où la vallée s'évase, s'arrête
et tourne pour descendre franchement vers le Nord.

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II. GENEVRIERS

Répartition générale. — Parmi les Genévriers,


Je Genévrier rouge est le plus largement répandu
dans tout l'Atlas, mais surtout il domine absolument les
autres Cupressinées, même le Thuya, dans les deux dépôts
constituant le grand dépôt forestier du Haut-Atlas, celui
qu'on vient de rappeler ci-dessus, le dépôt du Haut-Atlas
central, et celui du Haut-Atlas des Mgouna, dont les assises
minérales s'enfoncent vers l'Est, sous la carapace calcaire

plus récente, moins érodée, où s'étale le dépôt des Imdras


qui contient encore sans doute une notable proportion de
Genévriers et particulièrement de Genévrier rouge.

G. Tûurt-
Superficie boisée G.
Proportion
Rouge tere.et
en Cupressinées des Genévriers
OxycÊflre,

Dépôt du Idaut-Allas Central 50.000 10 000

(Bassin de l'O. Tensift)


120 000/300.000
Dépôt du Haut-Atlas des
Mgouna 30.D00 30.000

(Bassin de l'Oued Tessaout)

Le reste de la masse de Genévriers esL contenu dans le dépôt


forestier du Moyen Atlas :

G. Tluirl-
Superficie boisée G.
Proportion
en Cupressinées
Rouge tere (et
des Genévries
OxycÊflrei

Dépôt du Moyen-Atlas 20 000 10.000 30.000/530.000

LES GENEVRIERS DANS LE MOYEN ATLAS


Si on veut préciser la situation de ces dernières masses,
on doit constater que :
Pour le Genévrier rouge, les 20.000 hectares forment un
seul boisement condensé au voisinage du débouché de l'Oued
Guigou dans la plaine :
Pour le Genévrier thurifère, les 10.000 hectares forment
de même un seul boisement important, ramifié, plus ou

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69 —

moins déversé sur le versant oriental du plateau central du


Moyen Atlas (en négligeant la faible masse des îlots de Be-
krit et d'Aïn Leuh), au voisinage de la tête de l'Oued Gui-

gou qui touche le rebord oriental du plateau.


Quant au Genévrier oxycèdre, il n'existe pas, à l'état pur,
dans ce dépôt, et même à l'état de pieds isolés, il est rare par¬
mi le Genévrier thurifère. Il devait toutefois être plus abon¬
dant au dans son voisinage,
milieu du Genévrier rouge, ou
dans toute plage boisée où le Chêne vert le remplace
une

aujourd'hui presque complètement, mais où subsistent des


sujets isolés de grosses dimensions, presque uniquement
des arbres marabouts.

Cette plage étirée entre les deux masses boisées précé¬


dentes, chevauchant largement la vallée du Guigou, déversée
à une extrémité sur le versant de la Moulouya, à l'autre sur
la plaine de Fez, et qui renferme la quasi totalité des Cu-
pressinées du Moyen Atlas puisqu'elle contient aussi dans sa
partie basse une petite masse de Thuya (environ 10.000 hec¬
tares), aux environs de Boulmane, Tazouta, Ahermoumou
et El Menzeh, sépare la corne Nord-orientale, du Plateau
central du Moyen Atlas ; plus qu'elle ne sépare des pays de
climats différents, elle a plutôt donné asile à des gens de
races différentes, mais de mœurs forestières foncièrement
transhumantes, qui ont laissé la trace de destructions rela¬
tivement récentes, de combats pour le sol, d'autantplus
acharnés que la position de cet Azarar, de cette plaine à
parcours, était plus convoitée au centre du Moyen Atlas.
LES GENEVRIERS DANS LE GRAND ATLAS CENTRAL

Mais il faut revenir au Grand Atlas pour saisir l'impor¬


tance capitale de la « » et non plus seulement de
position
la « masse » Cupressinées, et tout d'abord
des boisements de
des Genévriers, dans la constitution de chaque dépôt fores¬
tier.

Celui du Haut Atlas Central, on l'a vu, comprend environ


50.000 ha. de Genévrier rouge et 10.000 ha de Thurifère.
La vallée de l'Oued N'Fiss le partage en deux parties ;

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70 —

A
l'Ouest, le socle rocheux est dépouillé de bois sur la
majeure partie de son étendue ; fait remarquable, le Ge¬
névrier thurifère
n'y est représenté par aucun peuplement.
Le Genévrier
rouge ne forme qu'un chapelet, souvent
rompu,
accroché aux aspérités du flanc Nord
de ce socle, des envi¬
rons d'Amismiz à Imi N'Tanout ; c'est à cette extrémité occi¬
dentale du dépôt ou plutôt sur les hautes berges qui domi¬
nent le TiziMaachou, de
part et d'autre de la vallée de l'Oued
Ait Moussi, qu'est
logée la masse principale de Genévrier
rouge, mêlé de Genévrier oxycèdre et de Thuya, de cette
par¬
tie occidentale
qui en renferme environ 15.000 hectares. (Val¬
lées de l'Assif el Mal et de l'Oued
Chichaoua).
Al'Est, le Genévrier thurifère, qui forme un
petit îlot
parmi les dalles en cascades du Tizi N'Chiker, au-dessus de
la moyenne vallée de l'Oued
Ourika, étire encore ses peu¬
plements sous les crêtes des berges de cet Oued.
Il ne franchit la ligne de crête du Grand Atlas que plus
loin vers l'Est, à l'extrémité orientale du dépôt, vers le Tizi
N'Tichka, dans la cuvette, déversée
vers le Sud, de Telouet,
où son
peuplement très clair forme des mouchetures d'une
étendue totale réduite ; en définitive, la totalité de sa
masse
dans le dépôt considéré, soit 10.000
hectares, est entièrement
logé dans la partie orientale, tout contre le mur de l'Adrar
N'Deren et même dans
l'épaisseur et le revers de la brèche
qui lui fait suite à l'Est.
Quant au Genévrier rouge, il ne forme, dans cette
partie
encore, qu'un chapelet très incomplet, réduit à quelques
grains à l'Est, renforcé à l'Ouest, où ces grains s'épaississent
notablement en se logeant dans le entailles des
oueds, de
l'Ouest à l'Est (Oued Reraïa, Oued
Ourika, Oued Zat. Oued
Rdat) la masse totale de ces lentilles de Genévrier
rouge est
d'environ 15.000 hectares.

La vallée de l'Oued N'Fiss, qui renferme déjà, on l'a vu,


10.000 hectares environ de
Cyprès dans sa partie haute où
n'apparaît plus aujourd'hui aucun peuplement de Gcnôviier
thurifère, contient, dans sa partie moyenne, le reste de la
masse de Genévrier
rouge du dépôt, soit environ 20.000 bec-

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Vieux sujets en candélabres, conservés dans un cimetière dans la forêt des Goundafa
Grand Allas).

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71 —

tares, au cœur du pays Goundafi, dans la cuvette de 1 alaat


N'Yacoub, d'où remontent vers le Sud les branches
princi¬
pales de l'Oued N'Fiss, (l'Oued Aghbar vers l'Ouest et l'Oued
Agoundis vers l'Est) tandis que, au Nord, s'ouvre la descente
du couloir profond,
quoique échancré, qui conduit au para¬
pet de Tagadirt N'Bour (900 m.) d'où on peut enfin, en fran¬
chissant le Tizi N'Ouadou, passer dans le bassin de la
Reraïa.

C'est au centre de cet appareil, cuvette large où se rac¬


cordent ces branches ou conduites remontantes et descen¬
dantes, logé dans le creux d'une vallée recoupant
l'épaisseur
de la montagne, que se dispose, comme en son site favori,
le plus important noyau de Genévrier rouge du dépôt fores¬
tier du Haut Atlas Central. On a vu que le boisement y est
à l'état
typique de perchis en bouquets ou plutôt de bou¬
quets de perchettes vigoureuses, parfois fourrés (au moins
dans le haut de la branche
descendante, c'est-à-dire du cou¬
loir de l'Oued N'Fiss
moyen, depuis Tagadirt N'Bour jus¬
qu'à Talaat N'Yacoub), parfois mêlé étroitement au
Thuya
qui renforce alors nettement la compacité des fourrés.
Le Genévrier rouge
garnit aussi la base des « branches
remontantes »,puis, dans le fossé même de l'Oued Aghbar,
on a vu qu'il est remplacé, au-dessus de 1.500 m., par le Cy¬
près ; mais, dans les gorges de l'Oued Agoundis, il est en¬
core mêlé, jusqu'à 1.800 m. environ, au Thuya avec qui il
se retrouve de l'autre côté de l'Atlas, dans le bassin de l'Oued
Emdad et de l'Oued
Tachguelt qui prolongent vers le Sous
et Taroudant la
grande voie de passage ouverte à travers
l'Atlas par l'Oued N'Fiss. A la tête de ce bassin de
l'Oued
Emdacl, on ne trouve plus d'ailleurs, avant d'arriver en boi¬
sement de Thuya (forêt du Val
d'Ounéïn, logée dans la masse
de l'arganeraie), qu'un îlot de bois de Pin d'Alep (forêt de
Slimmimet, réfugiée sur trois versants secondaires exposés
au Nord (1500 m.) Cet îlot
semble le pendant des bouquets
de Pin d'Alep apparus, entre 1.000 et 1.800
m., parmi les
Genévriers et Thuya de l'Oued
Agoundis.
Pour terminer cette série de
trajets forestiers, l'itiné-

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72 —

raire de Tallai N'Yacoub et Amismiz,


par Tinmel, la montée
du Tizi M'Riri, suivie de la decente du cours de l'Oued

Anouggoual (qui passe à Amismiz avant de serejeter vers


l'Est dans l'Oued N'Fiss), offre enfin, la
sur position et sur
le rôle de passage et d'asile
propre au boisement de Gené¬
vrier rouge au cœur du dépôt forestier du Haut Atlas cen¬
tral, un aperçu nouveau, mis en relief par le contraste, à ce]
égard, de la situation des îlots de Pin d'Alep, seule abiétinée
du Grand Atlas central :

De Talaat N'Yacoub jusqu'au Tizi M'Riri (2.620 m.), on


ne rencontre aucun arbre, de même que, de l'autre côté du
col, l'horizon montagneux plonge dans la plaine de Marra¬
kech sans révéler de bois. Même à l'entrée de la zone boisée,
on ne les devine pas encore, et on n'en verrait pas non plus
l'essentiel en continuant à descendre dans le couloir de
l'Assit Anouggoual;mais une sorte de crevasse qui entaille, à
Imi N'Tala, le paroi abrupte de la rive gauche, forme l'en¬
trée d'un défilé, d'une sorte de tunnel (lit désseché d'une
rivière aujourd'hui souterraine) qui débouche en amont
sur un
perchis verdoyant de Pin d'Alep, puis se prolonge
par deux ravins enserrant l'éperon boisé qui conduit enfin
au
large seuil d'Anerni : celui-ci constitue une sorte de mé¬
plat, à environ 1.700 m. d'altitude, d'un système de contre¬
forts du Djebel Karit, inséré entre les Djebel Gourza et Dje¬
bel Esdouz.

Ces contreforts cannelés et boisés


jusqu'à leurs sommets
portent peuplement dense, sans clairières, de Pin d'Alep,
un
isolé, par ce détour, sur un refuge inaccessible. Cette masse
de Pin dAlep ne doit pas dépasser 5.000 hectares. C'est une
véritable relique incrustée au flanc de la montagne déboisée.

(Il faut signaler que, dans cette «station-), plus exactement


au pied du seuil d'Anerni,le fond de la haute vallée de l'Assit'
Tnirt (de même que celui de la haute vallée de l'Assif Anoug¬
goual qui aboutit aussi à ce seuil) est garni d'une véritable
avenue de noyers (cette dernière sur 15 kms. de long et 50

à 100 m. de large). Ces arbres sont d'ailleurs plantés par les

indigènes, en vue de la récolte des noix, et ces plantations

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73 —

sont en bon état : seuls les arbres tarés mûrs sont


ou
exploi¬
tés pour le bois et immédiatement remplacés.
D'autres fruitiers s'égrènent au fond de ces vallées, plus
ou moins haut, par bouquets : oliviers, cognassiers, abrico¬
tiers... puis pêchers et amandiers, tandis que le noyer y mon¬
te jusqu'à près de 2.000 mètres).
LES GENEVRIERS
DANS LE GRAND ATLAS DES MGOUNA
Mais c'est de l'autre côté de la grande voie de passage du
pays Glaoui (haute vallée du Rdat, col du Tichka, cuvette de
Telouet), ne comportant plus, comme boisements de Gené¬
vriers, que quelques mouchetures de Genévrier thurifère
disposées les lianes de cette cuvette logée dans le revers
sur
Sud de la chaîne, etquelques lentilles de Genévrier rouge et
de Thuya déposées sur les berges de la vallée et à son dé¬
bouché dans la plaine, qu'on reconnaît ensemble, côte à côte,
ces deux rôles de passage et d'abri que joue, comme la fo¬
rêt des Goundafa, le dépôt forestier du Haut Atlas des
Mgouna.
Ge dépôt, on l'a vu, est celui du bassin de la Tessaout
et de son affluentprincipal, le Lakhdar. Leur confluent est
dans la plaine, mais leurs cours moyens sont profondément
creusés dans le socle montagneux et recourbés l'un vers
l'autre, car les têtes de leurs plus hauts émissaires sont pres¬
que confondues, à 3.000 m. environ, dans le fond se la demi-
carène, aux bords dentelés et largement ébréchés, creusée
au sommet du Djebel Mgoun, entre la crête Sud, culminante
à l'Agdos (4.070 m.), et les falaises du Marhall.
Or, l'élément essentiel de ce dépôt est encore le boise¬
ment de Genévriers.

On a vu que sa masse est, grosso-modo, de :


( 30.000 de Genévrier rouge

60.000 ha. < 30.000 de Genévrier thurifère (eL oxycèdre,


( oxycèdre pur)
ou
Mais le Pin d'Alep a aussi, ici, une masse notable :
15.000 hectares. Quant à la répartition de ces masses, on
peut la schématiser tout d'abord comme suit :

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74 —

G. Rouge G. Thurifère P in
d'Alep

Bassin de la Tessaout. 10.000 10.000 10 000


Bassin du Lukhdar... .
20.000 20 000 5.000

On n'a toutefois, par cette


vue superficielle, qu'une idée
très incomplète de la composition de la forêt de la Tessaout,
même en joignant aux précédentes les masses de Chêne vert

logées entre certaines branches du boisement ramifié des


Genévriers.
Il faut mentionner ici l'existence (en dehors des
noyers,
qui, comme dans d'autres vallées de l'Atlas, sont plantés
et forment de véritables avenues,
ombrageant les cultures
du fond des oueds et produisant des noix en abondance,
ou des peupliers, qui fournissent des perches de grande
taille et de croissance rapide), d'une véritable
galerie de bois
feuillus, exhaussée au-dessus des alluvions, appliquée à la
base des beiges et des ravins, où elle se raccorde d'ailleurs
intimement aux boisements de Genévriers ou de Chêne vert,

ne se
développant d'ailleurs ou ne subsistant qu'à certains
carrefours, ou dans certaines gorges, ou
près de certains
seuils, et composée essentiellement de frênes (Fraxinus di-
morpha), de pistachiers-lentisque, térébinthe et atlantique
ou « bétoum » (Pistac ia lentiscus, térébintbus, et atlantica).
Cette galerie de feuillus « secs » s'observe encore sou¬
vent au
voisinage des hameaux égrénés le long des oueds,
et donne à la forêt résineuse de Genévriers un cachet de très
relative luxuriance.

Les bois de ces arbres, les perches de frêne en


particu¬
lier, sont recherchés pour la construction et la charpente
(poutres, de plafond ou de mur) ; en outre, les frênes sont
taillés en émonde, leur feuillage sert de
fourrage aux ani¬
maux.

ROLE DES BOIS DE GENEVRIERS

Quant aux bois de Genévriers,


sur pied ou mobilisés,
leur emploi » ne dépasse pas non plus l'enceinte de la
«

montagne, mais il est infiniment divers et diffus, adapté aux


contraintes du « lieu » et du «
genre de vie ».

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Le « lieu », très creusé l'a
distingue, forestiè-
on vu, se
rement parlant,
par un « tirant d'eau boisé » considérable :
bien plus que la surface en plan, c'est-à-dire vue de très

haut, ce qui est développé, dans le double bassin de la Tes-


saout et du Lakhdar, c'est en effet le volume d'atmosphère

inséré dans les voussures boisées de cet immense récipient,


le développement du réseau d'eau, en plan et en hauteur,

mais aussi l'épaisseur du dépôt boisé dans ses plis et ses

cassures, sur toute la profondeur des ravins qui le creusent,

depuis les derniers bois suspendus de Genévrier thurifère


vers 2.800 mètres jusqu'aux restes de bois de Genévrier

fouge, submergés par le Thuya, accrochés aux rides du


socle qui supporte le vaste ensemble, dressé en hémicycle,
de récifs et de corniches, où se répandent les Genévriers
et où se retranchent les Pins. A l'Ouest, dans le val de la

Tessaout, plus encaissé, le système « en corniches » do¬


mine, et c'est là que le Pin d'Alep a son principal refuge
surplombant de haut les eaux, les hameaux, les cultures. A
l'Est, dans le bassin de l'Oued Lakhdar, l'appareil de « ré¬
cifs » se multiplie, dans l'embrasure plus large des vallées,
el les Genévriers presque seuls y accrochent leur réseau de
bois, étroitement serré contre celui des ravines et des sé-
guias, qui se confond
la zone de parcours et d'habitat.
avec
Quant au « genre de vie », le mode d'exploitation de
cette zone boisée révèle justement ce qu'il faut attendre

du montagnard berbère en matière de « forêt » : ainsi que


le soulignait fortement Watier, le Berbère d'ici a appliqué
tout son soin à l'irrigation, à capter et à amener l'eau, dont
la distribution est la clef de ses « affaires ». Tout le reste
du tribut naturel du lieu, le bois avant tout, est affecté au

même régime d'usure, rythmé besoins strictement ac¬


aux
tuels et indivis d'une génération humaine, qui incorpore
le troupeau et la maison au sol cultivé et au sol boisé, en

prélevant pour la défense du sol cultivé le bois, matériau de


la maison, et en épuisant pour la subsistance du troupeau

le recrû du même sol boisé. Le « fermier » des bois du


Grand Atlas est hanté par le souci de défendre le sol qu'il
cultive, de faire subsister son troupeau ; l'existence de la

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forêt, même ruinée, lui représente la possibilité d'y pour¬
voir, sur place ; en tout cas, à côté du « travail pour l'eau »,
rémunéré par la culture, permanent, général, patiemment
réparé et repéré, la « corvée du bois », liée à la défense
du sol, de la maison et du troupeau, se traduit par un en¬
semble diffus de mouvements locaux correspondant à des
emplois divers, mais essentiellement caduques, du bois.
Le bois sur pied de Genévriers, G. Rouge ou G. Thuri-
fère, n'est que le lieu du parcours, abri ou aliment, du
bétail : non seulement le bétail, moutons, chèvres, bêtes
de somme, y erre et le tond, à la belle saison, mais l'hom¬
me le taille, l'émonde pour
l'alimentation sur place ou à
l'étable de ce bétail
pendant l'hiver, surtout le Genévrier
ihurifère, au sommet de la végétation forestière, et, en
même temps que le Genévrier rouge, dans les parties plus
basses, les feuillus, frêne, etc... dans les stations les plus
riches, au fond de certains vais, dans un faible rayon au¬
tour des hameaux ; ces bois « feuillus » donnent, par leur
.plus ou moins grande abondance actuelle, une indication
sur la richesse relative de la forêt, sur son degré d'usure.
Le hois
coupé des Genévriers est utilisé comme bois de
charpente, de construction, avant tout pour la toiture et
le mur de la
tighremt berbère ; il est exploité, naturelle¬
ment, plus près, mais, en même temps, recherché «au
au

plus serré» : c'est-à-dire que chaque bois est «éprouvé» dans


un certain
emploi, propre à toute une contrée ou distinctif
de compartiment voisins, ce qui donne aux mœurs fores¬
tières, aux coutumes locales de ce pays, l'apparence d'être
régies par un véritable instinct forestier. C'est que le Ber¬
bère, dans ce site âpre, sait, pour défendre son sol, accor¬
der son ingéniosité obstinée à la vertu-essentiellement te¬

nace des bois de Genévriers. Le Genévrier rouge est le plus

exploité ; les « bourrées » de ses rameaux, les perchettes


assemblées en couches tressées, sont le matériau de choix

qui forme, mêlé de terre, et dammé, les toitures, les ter¬


rasses résistantes et élastiques, sinon durables, des mai¬
sons.

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77 —

Le Genévrier
oxycèdre a presque l'exclusivité de la four¬
ni lure despoutres qui, interrompant les lits de terre ou de
pierre des murs de la maison, retardent sa ruine en limi¬
tant les fentes et les lézardes, ou bien qui forment les lin¬
teaux des baies, à l'extérieur, les piliers soutenant les
pla¬
fonds, à l'intérieur, et leurs chapiteaux
parfois sculptés,
ornés à la mode berbère, d'un
comme sceau local.
On recherche pour les poutres du plafond, plus longues,
des perches ou des branches de frêne
; dans les « dépen¬
dances de la maison, les divers bois de service
»
qui y sont
utilisés, sont encore principalement les Genévriers
(perches
crochues de Genévrier rouge sur les aires à
battre), mais
aussi des bois feuillus (madriers et
perches de noyers, de
frênes, de peupliers, de pistachiers, pour
fabriquer des
ustensiles de ferme, auges,
baquets, lavoirs, barrages ou bar¬
rières, ponceaux rudimentaires, etc.).
11 y a
ainsi un choix, très exercé à l'emploi des bois,
qui dirige leur recherche, dans un certain rayon d'éloigne-
ment, et ramène leur coupe, à certains intervalles de
temps,
au
voisinage d'un même point. Toutefois, cette « usure »
des bois de Genévriers ne révèle aucune
périodicité, aucun
rythme régulier sur une assiette fixe, qui permette de par¬
ler de « possibilité forestière
», de revenu annuel
par hec¬
tare de bois.

Le Génevier rouge, connu dans tout l'Atlas sous le nom


de « ahifs »
qui désigne ses bourrées de perchettes, est plu¬
tôt traité en émonde
« » rudimentaire, lentement épuisé,
tandis que le Genévrier oxycèdre (tiqqi ou taqa) est radi¬
calement supprimé par la
coupe lorsqu'il atteint des dimen¬
sions suffisantes, sauf lorsqu'il est réservé au-dessus
de
quelques cimetières, où il devient marabout. Enfin le Gené¬
vrier thurifère et le
Cyprès, traités surtout en têtards pour
le pâturage, ne succombent qu'après une très longue résis¬
tance.

En opposant l'allure de cette usure, qui ronge lente¬


ment, indistinctement, comme un feu bas, toute l'épaisseur
du dépôt forestier, à celle de la destruction du Pin d'Alep

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que l'écorçàge massif sur des peuplements entiers a con¬

damné à mort et dont il ne laisse subsister


que de rares
lambeaux de bois réfugiés sur des corniches ou
protégés
par un marabout —, on peut seulement souligner la pertur¬
bation brutale que crée, dans
l'équilibre de la forêt ber¬
bère, tout dérèglement de circulation de la richesse qu'elle
recèle. Les bois de Genévriers du bassin de l'Oued Lakhdar
(Tessaout fouqia) quoique parcourus et habités jusqu'à près
de 3.000 mètres d'altitude, sont relativement stables, affec¬
tés presque uniquement à la défense du sol ; les bois de Pins
du bassin de l'Oued Tessaout (Tessaout Tahtia) ont été
réduits à l'état de ruines par des écorceurs qui y ont
pillé
le tanin, vendu comme une cendre, contre
argent, aux tan¬
neurs
étrangers de la ville, à Marrakech, qui absorbait aussi,
autrefois, de grandes quantités de perches ou perchettes de
Pin d'Alep, flottées du haut en bas de la Tessaout, puis
acheminées à la
pour ville
la construction des
terrasses des maisons citadins. A l'usure diffuse et lente, fait

place, de
cette façon, la destruction partielle, mais
définitive, de l'état boisé, d'où résulte, en tout cas, une
perte indéniable, sensible en moins d'une génération humai¬
ne, réduisant non seulement l'étendue du dépôt forestier
de la contrée, mais aussi sa capacité totale d'abri, de défense
humaine.
III. THUYA

Mais le Thuya, en réunissant les différents


dépôts forestiers entre eux, en reliant de l'un à l'au¬
tre les hommes qui les cotoient, s'y ravitaillent et
trafi¬ y
quent, va maintenant faire ressortir qu'il faut entendre
ce

par la « fonction totale de la forêt de Cupressinées du Ma¬


roc », et l'importance, à cet égard, de la notion de « circu¬
lation », qui explique cette fonction.
GENERALITES SUR LES EXPLOITATIONS DE THUYA

Signalons d'abord que, dans ce dépôt forestier du Haut


Atlas des Mgouna, le boisement de Thuya n'occupe qu'une
place réduite, de l'ordre de 30.000 ha. ; qu'il y est cantonné
dans une frange basse, occupant les
premières rides et rai¬
nures du socle
qui soutient tout ce dépôt, qu'il est par ail¬
leurs ravagé par l'incendie, mais rejette en fourrés drus,

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79 —

particulièrement adhérents aux berges des vallées principa¬


les débouchant dans la région mamelonnée du dir, mais re¬
montant aussi jusqu'aux principaux carrefours du réseau
hydrographique ; qu'il offre rarement, à l'intérieur de son
peuplement, des lieux favorables à l'habitation des hommes,
mais qu'il est recherché, pour sa commodité et sa diversité
d'usage (fourniture de perchettes, gomme, goudron, char¬
bon, ou pâturage) ; au total qu'il représente, pour ses rive¬
rains à demeure ou
temporaires, une aubaine, sinon régu¬
lière, du moins fréquente et disputée, qui n'est
sauvegardée
et renouvelée que
par le pouvoir exceptionnel de recrû de
cette essence forestière
remarquable.
Vers la
montagne, le raccord entre le Thuya et le Ge¬
névrier s'effectue par une soudure très
large ou ondulée, ra¬
mifiée et débordante au profit du
Thuya, ainsi qu'on l'a vu,
mais bloquée en altitude
par le Genévrier Rouge. Vers la
plaine, au fur et à mesure qu'on descend au travers du poi¬
trail dir, la trame du boisement de Thuya se déchire de
ou

plus en plus, et n'est plus retenue qu'au flanc des rides, en


creux ou en
plein, du terrain.
Avec ces lacunes et ces récifs, la callitraie, qui atteint
vers 900 m. la hase du socle de la
montagne, offre l'aspect
d'une grève, mi habitée, mi vacante, traversée en tout cas
de mouvements divers: descente ou montée
rapide à travers
l'épaisseur du dir, c'est celui qui conduit le montagnard de
la Tessaout à Demnat, mais aussi louvoiement suivant les
ondulations de ce dir, et c'est celui qui relie Marrakech à
Tadla par Sidi Rahal, Demnat, Tanant, Azilal, Ouaouizert,
Reni Mellal, qui fait
communiquer, pour le trafic forestier,
le bassin du Tensift, (le Haouz et la ville de Marrakech), avec
celui de l'Oum er Rebia (le Tadla, et Ivhénifra tête de
pont
du Moyen Atlas) par le relai de Demnat dans le bassin de
la Tessaout et d.'Azilal bord du
au parapet de l'Oued el
Abid.

A vrai dire n'est pas


ce
le Thuya lui-même qui fait, ac¬
tuellement, les frais de ce trafic forestier, et celui-ci, même
envisagé suivant les deux branches principales de ses itiné-

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80 —

paires, c'est-à-dire, de Demnat à Marrakech, et d'Azilal à


Tadla, ire représente pas une circulation bien intense et bien
définie de richesse. Sa réduction à l'état de très minces fi¬
lets, de direction et de contenu incertains (trafic d'objets
en bois et de menus bois bruts, de
petites quantités de gom¬
me, de charbon provenant d'essences ligneuses secondaires,
surtout du gommier, du sumac, du jujubier, descendant de
main en main ou à dos d'ànes, vers Demnat, vers Tadla,
vers Marrakech) signifie au contraire que le temps est pas¬
sé où les bois de Thuya représentaient une « aubaine », of¬
ferte au tourbillon des tribus de races diverses en
migration
ou en transhumance dans la plaine, et aux artisans et aux
ouvriers de l'antique agglomération de « Medinet-Oudai »
échelonnée pied du dir de Demnat à Béni Mellal, qui y
au

puisaient des ressources, en s'aidant du feu et du fer, pour


alimenter le parcours des troupeaux, et entretenir en com¬
bustible les fours à chaux, à minerais, les ateliers divers de
cet antique fondouk ou caravansérail.
Il ne reste plus, bien souvent, à la lisière actuelle de la
véritable zone forestière, que les épaves d'une grève boisée,
signalée, en particulier, des environs de Demnat (Tanant,
etc...) à ceux de Bcni Mellal (Ghorm el Alem, etc...), par le
moutonnement verdâtbe et la moucheture très lâche des de¬

mi-boules, basses et tassées, des Euphorbes cactoïdes (Eu-


phorbia resinifera) sortes de coussinets ou de paquets de
tiges quadrangulaires, courtes, de couleur glauque ou jaune
soufre —à fleurs petites et recherchées par les abeilles —
incrustés aux rocs secs et ensoleillés qui hérissent par place

le bandeau des terrains du dir.

L'exploitation elle-même de cette g'reve à euphorbe (la


plante est connue des berbères sous le nom d'Azeggounm. ou
plutôt de tikiout, qui désigne la gomme, tirée du latex par
coagulation), témoigne chez les populations riveraines de
cette grève, par rapport à celles de la montagne, d'habitudes

forestières bien différentes : cette gomme ammoniaque, que


les Berbères emploient universellement comme médicament

(par frottement sur les gencives pour faire tomber les dents

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FORÊT DE CUPRESSINÉES EN MÉLANGE : Pin
crêtes de l'arrière d'Alep au 1"' plan chêne vert sur les
plan. An centre peuplement
oxycèdre, dans la forêt de l'Agoundis (vers 1750 m.mélangé
de thuya, genévrier rouge eet genévrier
— Grand
Atlas").

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81 —

gâtées) et comme infusion purgative, est ramassée par eux,


mélangée de terre, sous tes touffes d'euphorbe ; le produit
àl'aspect de larmes cornées, cassantes, brunes et transluci¬
des, provenant de la dessication du latex dont il ne
représente
qu'une faible portion (latex très aqueux à coagulation dif¬
ficile). Celui-ci s'écoule en abondance sous divers chocs su¬

bis par la plante (balafres au couteau, coups de bâton).


La gomme
ammoniaque, telle qu'elle arrive du bled,
sans tri dans les fondouks à' cause de la toux
provoquée par
les poussières de cette gomme, est acheminée à la ville, cen¬
tralisée à Marrakech par les
commerçants israélites, et la
plus grande partie (environ 2.000 quintaux) expédiée à Ham¬
bourg, grand marché de ce produit avant la guerre, rame¬
né actuellement en France (environ 1.000 quintaux en 1930,
estimés 200.000 francs par la douane, au port de Casablan¬
ca). C'était le phorbium », utilisé dans l'art vétérinaire
«

pour la confection d'emplâtres vésicants. (l'Euphorbe cae-


toïde d'Agadir, Euphorbia Beaumeriana, à forme de candé¬
labres, tiges à section hexagonale, donne également un la¬
tex qui suinte à l'extrémité des
tiges, laissant une gomme
recueillie par les indigènes (fassok).
Le gommier (acacia tortilis) livre aussi une gomme, la
gomme arabique, par suintement sous le souffle chaud du
sirocco, sans qu'il soit nécessaire de provoquer l'écoulement
par des incisions. On la détache facilement à la main; elle
est exportée par Mogador surtout (environ 500 quintaux en
1930, estimés 400.000 francs ; on l'utilise pour la
fabrication
de la colle), mais elle est
uniquement recueillie dans l'ex¬
trême Sud marocain. Dans la région de Tanant, où les
gom¬
miers arrivent cependant à former une moucheture claire
et régulière sur les premiers lianes
montagneux, mélangés
à quelques représentants de Rhus
oxyacantha (sumac), la
gomme arabique, sans doute peu abondante, n'est pas ré¬
coltée par les indigènes, qui se contentent de fabriquer les
manches de leurs poignards avec le bois du gommier (tlah
ou tadout) dur, foncé et finement veiné, dont ils tirent
également de petites quantités de charbon de bois.

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Au total, Watier, qui a recueilli ces renseignements en
1919, observait qu'il était extrêmement probable que, pour
la gomme ammoniaque de l'euphorbe comme pour la gom¬
me sandaraque du Thuya ou l'huile d'argan, les indigènes
n'ont recours à cette récolte, d'un rapport médiocre, qu'à
défaut d'autres moyens d'existence et qu'ils l'abandonnent
dès qu'ils ont quelque coin de terre à cultiver.
Cette remarque nous ramène au Thuya, dont il faut sui¬
vre la distributioin et le mode d'exploitation à travers les
grands dépôts forestiers du Maroc méridional, du Maroc
septentrional, et du Maroc oriental.
Le seul grand dépôt où le Thuyaligure pas est celui
ne
de l'Anti-Atlas. Encore faut-il noter que des peuplements
de cette essence existent, sans qu'on les ait encore explorés,

à l'extrémité Sud-Ouest de ce dépôt, dans le bastion monta¬

gneux du bled Tazeroualt, de Tindouf, dernier retranche¬


ment de la dissidence des populations forestières de l'Anti-

Atlas : les perchettes ne Thuya descendent, à dos d'ânes,


au Souk de Tiznit. Sur
place, on ne récolle pas de gomme
sandaraque, mais la grande spécialité d'emploi du Thuya y
est la fabrication du goudron obtenu par distillation, dans

des fours rudimentaires en argile, de rameaux, de frag¬


ments de troncs ou de branches mortes, goudron utilisé un

peu partout au Maroc, comme enduit intérieur des outres


en peaux de chèvres ou « guerbas » et
par les chameliers
pour panser les plaies de leurs animaux.

A l'autre extrémité Nord-Est du même dépôt, commen¬


ce, avec la forêt de Tidnes aperçue par Watier au fond
du golfe du Sous et dominant entre 1.400 et 1.800 mètres
les peuplements d'Arganier de la rive gauche de l'Oued Sous,
l'immence traînée de Thuya épandue comme une grève au
bord des grands dépôts forestiers de l'Atlas marocain, in¬
sinuée dans tous leurs replis les plus profonds, flottant sur
leurs lisières les plus basses, tantôt incrustée sous forme de
filets ou d'îlots dans la masse du dépôt, au milieu de l'Ar-

ganier (contreforts Sud du Grand Atlas et littoral des Haha)


ou au milieu du Chêne-liège (plateau sublittoral du Nord)

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83 —

ou de l'Alfa (îlots de la vallée de la basse Moulouya), et


tantôt enserrant, comme une véritable frette, les autres
essences forestières qu'elle
enveloppe dans les trois grands
dépôts où le Thuya est dominant (Plateaux Haha, plateaux
d'Oulmès, rebord Nord des Hauts Plateaux orientaux).

PRINCIPALES EXPLOITATIONS DE THUYA

Mais, au-delà de ce rôle de soutien,


qui fait la valeur ce

originale du boisement de Thuya, c'est son rôle de relation,


car il constitue une sorte de cable, de chaîne boisée ou s'ac¬
croche le trafic, forestier qui relie entre eux les divers com¬
partiments du haut et du bas pays, trafic qui longe les trois
môles boisés dont le Thuya forme la superstructure essen¬

tielle, et qui aboutit, plus ou moins loin de la forêt, aux vil¬


les posées aux estuaires ou aux carrefours des voies de

communication maritimes et terrestres.


La résine d'ar-ar, recueillie par toutes les populations
très pauvres riveraines des bois de Thuya dans le Sud ma¬
rocain,
Les madriers d'ar-ar, et les chevrons, fabriqués surtout
pour les villes du Nord marocain et les capitales régionales
et les ports du littoral,
Les bois de citre » des Ro¬
loupes d'ar-ar, l'antique «
mains, tirées surtout du Maroc Oriental et exportées en Eu¬
rope,
Tous ces produits « majeurs » — à quoi il faut ajouter
les produits « mineurs »tels que charbon de bois, goudron,
menus objets en bois — sont exploités depuis des temps

immémoriaux et mis en œuvre la technique des artisans


par
indigènes ou de l'industrie européenne.
Mais leur récolte, leur fabrication, leur colportage s'ef¬
fectuent suivant des procédés d'exploitation empiriques,
qui, en marge des grandes dévastations de bois causées par
l'incendie, le défrichement et le pâturage, ont à la fois ag¬
gravé lourdement la menace de ruine qui a pesé de tout
temps sur la forêt marocaine, et en même temps suscité chez
l'exploitant un freinage collectif, imposé par leur nature mê-

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84 —

me, qui enraye ou tout au moins retarde, dans une certaine


mesure, la destruction définitive de cette forêt.
En effet, dans les parages en général peu habités des
bois de Thuya, trop secs ou trop rocheux pour entretenir
d'une façon continue des cultures malgré le défrichement, et
où le parcours des troupeaux, moutons, chèvres surtout,
apparaît aux populations riveraines comme l'usage capital de
la forêt,quitte à la rajeunir périodiquement par l'incendie
qui réveille la souille languissante — mais, qui détruit fina¬
lement l'état boisé — on doit reconnaître comme un trait
original de la mentalité forestière de ces populations, cette
sorte de trêve du feu
«
qu'elles respectent spontanément,
»

ainsi qu'on va le voir, quand il


s'agit pour elles de tirer de la
forêt .un revenu dont l'intérêt
dépasse le cadre de leurs exi¬
gences essentielles d'habitation et de nourriture, et qui soit
persistant sinon régulier.

REGION MERIDIONALE : GOMME SANDARAQUE.


Le type de cette exploitation, c'est le « gemmage itiné¬
rant » des bois de Thuya, pratiqué
par beaucoup de popula¬
tions forestières du Sud marocain, sur les revers Sud et Nord
du Grand Atlas, mais qui caractérise surtout le
genre de vie
forestière des plateaux Haha (forêts des Ida ou Tanan, des
Idaou Bouzia, des Haha, forêts du
type de celles du Djebel
Amsitten). Toute la masse des peuplements de Thuya de ce
dépôt est gemmée pour la gomme, chaque perche, sans ex¬
ception, est « visitée » par le paysan Haha, griffée au moyen
d'un outil spécial
(Thamàigt) analogue au « gadoum » des
Arabes (fer d'environ 4 cm. de
large, perpendiculaire au
manche) qui sert à creuser des cannelures profondes, à
raison de 3 à 10 par arbre. Ces blessures, de 4, à 10 cm. de

large suivant la grosseur des arbres, et de 10 à 20 cm. de


hauteur, sont ouvertes sur tout le
pourtour de la tige (per-
chette perche) à toutes les expositions ; elles ont souvent
ou

plusieurs centimètres de profondeur, entament profondé¬


ment le bois ; sur leurs bords suinte la
résine, qui durcit
en larmes
minuscules, d'une matière translucide ou légère¬
ment ternie à l'air,
qui constitue la fameuse « gomme san-
daraque ».

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85

Le rendement del'opération est infime, de l'ordre de 10


grammes par perche et par an (soit 1 kg. pour 100 perches)
selon les estimations de Watier qui a recueilli la plupart
de ces renseignements sur le Thuya. Mais l'obstination et

l'âpreté du paysan berbère de ces contrées s'en contentent,


faute de mieux : l'été venu, femmes et enfants se rendent
dans le bois pour recueillir la gomme au creux des blessu¬
res attaquées à nouveau au tbamaigt, tandis
que le bourre¬
let cicatriciel se déforme et s'étend progressivement. Visites
de » saignée » et de « récolte » se succèdent ainsi d'avril à

août, chaque année, suivant le rythme,d'un gemmage épui¬


sant, extrêmement peu rémunérateur, malgré son universa¬
lité ; il s'agit d'un produit « précieux », cher sous un faible

poids (la gomme brute vaut environ 20 francs le kilog. au


port de Mogador), qui constitue, au pays Haha, une vérita¬
ble monnaie d'échange, dont la valeur compense, aqx yeux
de ces populations très pauvres, la peine longue et minu¬
tieuse qu'impose l'exploitation de la gomme.

Pour peu que les conditions économiques s'améliorent,


que la culture soit possible, le prestige de la forêt de Thuya
disparaît, comme l'avouent eux-mêmes les paysans Chiadma
ou Doukkala voisins, chez qui les boisements de cette essen¬
ce ne sont
plus gemmés, mais sont devenus, livrés à l'incen¬
die, des landes arbustives qui ont l'avantage pour eux d'être
d'un parcours plus facile aux troupeaux. Mais, à côté de ces
derniers bois en voie de régression, souvent même de dispa¬
rition sans remède, véritable ruine forestière, le pays Haha

offre le contraste saisissant de ses bois gemmés où le feu


n'est jamais mis volontairement, qui doivent, peut-être, sur¬
tout à cette raison humaine de subsister encore dans ces

régions très sèches et très pauvres ; le Thuya ainsi sauve¬


gardé y rivalise de ténacité avec l'Arganier, pour maintenir
l'armature boisée du sol, et fournit, en outre, par sa gom¬

me, comme l'Arganier par son huile, une monnaie précieuse,


âprement poursuivie.
Ainsi, sur l'ensemble de ce môle boisé des plateaux Ha¬
ha, inséré en coin vers le Sud-Ouest dans le massif de l'Ai-

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86 —

ganeraie, qui en bat le pied à l'Ouest, le long du bandeau


littoral de Mogador à Agadir, et
qui l'enveloppe à l'Est dans
le profond sillon de l'Oued Ait
Moussi, et de l'Oued Chi-
chaoua rejoignant les deux versants Nord et Sud du
pied
occidental du Grand Atlas, les 100.000 hectares environ de

peuplements de Thuya installés sur les récifs découpés par


l'érosion dans le socle rocheux de ce môle, supportent de
temps immémorial, en fournissant la gomme sandaraque,
une sorte de péage forestier perçu par les populations rive¬
raines très pauvres, véritables « passeurs » de ces contrés
qui dominent la grande voie de migrations vers le Nord des
populations de l'Anti-Atlas, foyer principal de la main-d'œu¬
vre
indigène du Maroc.
MESURES A PRENDRE DANS LA REGION SUD :

Toute mesure qui tend à accroître le rendement du


gemmage et à réduire l'épuisement des sujets contribue,
par cela même, à augmenter l'habitabilité de ces pays à gom¬
me. C'est dans cet esprit que le Service forestier se
préoccu¬
pe de. réaliser progressivement les améliorations suivantes :
1 ' Choisir des
sujets à gemmer (de préférence gemmer
à mort les arbres vieux
gemmer à vie que les
ou ne
jeunes
perches en surnombre dans les fourrées) ;
2" Eclaicir au besoin les fourrés de perchettes en vue
d'obtenir plus rapidement des perches bonnes à gemmer,
les perchettes enlevées pouvant d'ailleurs être utilisées com¬
me bois de service ;
•1" Perfectionner l'instrument :
thamaigt, en l'affilant,
en affinant le fer pour réduire les dimensions de la bles¬
sure ;

4° Choisir la forme de la carre (profondeur et contour).


La résine, contenue dans des canaux résinifères ver¬

ticaux situés dans l'écorce, et non dans le bois, étant donc


recueillie sur les bords horizontaux d'une carre
rectangulai¬
re, celle-ci doit être superficielle et non profonde, et sensi¬
blement plus large que haute.
On signalé déjà que les « pays forestiers à gomme »
a

sont répandus dans tout le Maroc forestier méridional ; le

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87 —

gemmage du Thuya remonte du Sous aux environs de Mar¬


rakech et même de Demnat, oii il devient très rare ; en mô¬
me temps, la « trêve du feu », s'évanouit.

REGION SEPTENTRIONALE :

MADRIERS ET CHEVRONS

Les bois deThuya du Maroc forestier septentional ont


en elfel, dans l'ensemble,
beaucoup plus souffert de l'incen¬
die que les précédents : le « produit » le
plus généralement
exploité n'y est plus la gomme sandaraque, mais le gros
bois d'œuvre (pour la charpente, menuiserie,
ébénisterie).
Les citadins des villes marocaines du Nord ont
recherché, et
d'habiles artisans ébénistes ont travaillé, de tout
temps, le
bois de Thuya ; celui-ci contient beaucoup de cœur et peu
d'aubier, présente une coloration rouge brun, et est fine¬
ment veiné et susceptible d'un beau poli.
Ces «
gros bois » de Thuya, essentiellement sous la for¬
me de madriers et accessoirement de chevrons mal
équar-
ris, sont tirés principalement du dépôt forestier des pla¬
teaux d'Oulmès dont les peuplements de cette essence cons¬
tituent encore, malgré leur ruine partielle, la réserve du
bois d'oeuvre destiné aux villes et hébergent,
parmi les po¬
pulations transhumantes du plateau, de rares équipes vo¬
lantes de « débusqueurs », douars détachés,
trop pauvres
pour vivre de leurs troupeaux, et refoulées des terres culti¬
vables, qui pratiquent spécialement la « course aux gru¬
mes « de Thuya, en
marge du rythme d'ensemble du par¬
cours (lié autrefois à l'incendie et à la taille des boisements)
qui intéresse toute une tribu, ou du moins toute une frac¬
tion de tribu.

A travers les
peuplements qu'on incendie pour faci¬
liter le parcours des troupeaux (en les réduisant à une souil¬
le renaissante) les plus belles perches de Thuya, ébranchés

pour la nourriture du bétail, tailladées pour l'extraction de


quelques lambeaux de tanin ou pour hâter leur dépérisse¬
ment, sont repérées par ces quêteurs de gros bois qui, des¬
cendant du plateau, s'enfoncent de plus en plus dans le

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88 —

cours des oueds dont ils sont riverains, pénètrent dans les
ravins, abattent à la cognée des sujets parfois de grandes
dimensions (jusqu'à 60 cm. de diamètre), morts sur pied
ou dépérissants, équarissent les grumes en madriers gros¬
siers, au fond de ravins d'où ils les remontent, à dos de cha¬
meaux le plus souvent, jusqu'au bord du plateau d'où on
les transporte vers les villes.
Sur les 125.000 hectares boisés Thuya dans ce dépôt,
en

une intime partie est exploitée chaque année pour la quête


de ces gros bois. Les ateliers de fabrication des madriers
sont volants et cantonnés
pendant un temps variable, de
l'ordre de quelques années, dans ces ravins, sortes de mi¬
nes à ciel ouvert
qui sont exploitées jusqu'à épuisement, ou
tout au moins jusqu'au moment où les difficultés de débar-

dage grèvent trop considérablement le prix de revient et


provoquent de nouvelles prospections. Ces bois (madriers
de 1 à 2 qx.) reviennent, à Rabat, par exemple, à environ
550 francs le mètre cube, soit environ 80 à 100 francs le

quintal.
On peut donc pas dire, comme on le disait du gem-
ne

mage sur les plateaux Haha, que la masse entière des peu¬
plements de Thuya des plateaux d'Oulmès soit, chaque an¬
née, mise à contribution pour cette fourniture de madriers,
mais il est patent, d'après l'état où
se présente le plus sou¬
vent le boisement de Thuya, taillis rabougri renaissant des
vieilles souches consumées, perchis calcinés dont les ham¬

pes blanchies ou encore noires dominent la souille des feuil¬


lus qui s'élève peu à peu parmi des ruines, que, si l'incendie
n'a pas éliminé la totalité des gros bois, ceux-ci sont refou¬
lés, actuellement, loin de la côte, au cœur des boisements
les moins fréquentés
les douars et leur troupeaux. La
par
« trêve du feu » n'a
pas joué, ici, en général, dans la brèche

que l'incendie a largement ouverte dans la forêts, pour le


parcours des troupeaux, et qui a laissé à bien peu de peu¬
plements leur intégrité ou du moins le temps de se « refer¬
mer » (comme dans la vallée moyenne du Beth) ; la course
aux gros bois, commandée par les villes commerçantes, ef-

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89 —

fectuée par les douars les plus pauvres des transhumants


de plateaux en descente vers le liltoral (Zemmours,
ces

Zaïans, Zaers) suivant les grandes axes de l'Oued Beht, de


l'Oued Aguennour et de l'Oued Grou, a contribué à créer,
d'une façon déréglée, de nouveaux foyers d'incendie, à sa¬
crifier l'élite des boisements et à
rompre sans cesse le col¬
matage de la souille feuillue, développée dans cette région,
qui aurait, peu à peu, pu réparer les plages mortifiées du
boisement de Thuya. Cette course a finalement transporté,
dans passé relativement récent, au cœur même de cette
un

réserve forestière de la meseta marocaine, les dévastations

qui localisaient autrefois davantage dans les forêts de


se

Chêne-liège du littoral et dans les boisements de Thuya de


ce dépôt sublittoral (Oued Korifla, Oued Mellah forêt
des
Mdakras, etc...) réduits aujourd'hui le plus souvent à des
taillis en ruine.
A l'exploitation des «gros bois » (madriers) s'ajoute
celle des chevrons broumis
ou «
perches grossièrement
»,

équarries, spécialement utilisées dans les villes, et dans tou¬


tes les maisons indigènes du bled, comme
poutrelles légè¬
res et comme lattes, dans la confection des
plafonds. Cet
emploi absorbe des quantités considérables de « jeunes
bois », précisément des perches d'âge moyen, les
plus élan¬
cées et les plus cylindriques, dont
l'exploitation, conduite
selon les mêmes procédés barbares
que celle des « vieux
bois » (mutilations répétées du sujet
pour hâter son dépé¬
rissement et sections de coupe au-dessus du sol, sou¬
vent à 50 cm. ou à 1 mètre), plus
dispersée encore que
cette dernière, puisque le «
produit » est plus facile à trou¬
ver, étend encore et approfondit les dégâts causés à la forêt

de Thuya, en l'attaquant sans répit dans ses œuvres vives


et en réduisant par là même sa valeur de
parcours en même
temps que sa « production ».

MESURES A PRENDRE DANS LA REGION NORD

Pour y remédier, le Service forestier s'est appliqué, dès


-1017 dans la région de Rabat et de Casablanca (Korifla,

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90 —

M'Dakra) à mettre un terme aux incendies, ce qui a été réa¬


lisé immédiatement, et il continue en ce moment, dans la
région de Khémisset, Marchand, Moulay bou Azza, (Oued
Grou, Oued Beth, Oued Aguenour) à s'installer sur place
pour développer le contrôle effectif de ces exploitations,
pour corriger les pratiques défectueuses d'abatage, amélio¬
rer le façonnage et le rendement, réduire enfin la divagation

des troupeaux et des ateliers volants, mesures rendues ur¬

gentes par la nécessité de protéger immédiatement la re¬


constitution naturelle des boisements, désormais mis à
l'abri du feu. Par ces mesures, il s'avère possible d'amélio¬
rer notablement, sinon de réparer entièrement, la valeur de
parcours et de production de cette forêt de Thuya qui, en¬
foncée dans les fossés du bastion des plateaux d'Oulmès,
(où s'était arrêtée, au moment de l'installation du Protec¬
torat, la poussée vers la mer des tribus zaïanes franchissant
l'Oum er Rebia et tendant vers la plaine du Gharb et le pays
du Chêne-liège) reste à la fois le « passage », le chenal ou
couloir d'infiltration vers la des
populations berbères
mer

guerrières et nomades du Moyen Atlas, et en même temps


la « mine » de bois d'œuvre des populations citadines séden¬
taires du littoral, notamment de Rabat et de Salé.

REGION ORIENTALE : LOUPES DE THUYA

Toutefois, il faut bien observer à der¬


ce propos que ce

nier caractère de la forêt de Thuya, d'être une mine de bois


d'œuvre, n'est pas particulier aux peuplements du Maroc
forestier septentrional et qu'il n'y est apparu largement qu'à

l'époque du développement des cités andalouses qui ont ab¬


sorbé de grosses quantités de madriers de Thuya, dont on
connaît des spécimens très bien conservés, à la mosquée
de Cordoue par exemple (ce bois a eu de tout temps une

réputation d'imputrescibilité, en même temps que de beau¬


té, qui l'a fait rechercher par les artisans hispano-maures¬
ques).
La troisième grande région du Maroc, le Maroc Orien¬

tal, est probablement, en effet, celle qui, au point de vue eu¬

ropéen, doit être considérée comme la plus ancienne et, à

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__
91 —

cette époque, la plus riche mine de ce bois d'ar-ar particu¬


lier, que les Romains ont connu sous le nom de « citre »,
bois précieux de placage, recherché dès l'antiquité, et qu'on
retrouve en parfait état de conservation, et encore doué de
son odeur, dans les ruines de cette époque.
L'antique bois de « citre », qui faisait alors l'objet d'une
véritable passion, jouit à nouveau d'une grande vogue en
Europe, sous le nom de « Loupe de Thuya », pour le mo¬
bilier moderne, l'ébénisterie fine et la
marquetterie.
Le
prestige de son prix (les loupes de Thuya brutes,
telles qu'elles viennent d'être extraites du sol, ou
plutôt des
empâtements de certaines souches à demi-enfouies dans le
sol, valent, à l'exportation, environ 1.000 francs le quintal),
est le seul lustre qui reste à la forêt de Thuya dans cette
contrée du Maroc Oriental
comprise entre le rebord Nord des
Hauts Plateaux et le littoralméditerranéen, contrée par où,
de tout temps, est passé le Ilot principal des harkas guer¬
rières et des migrations de nomades berbères et
arabes,
franchissant le seuil de Taza pour se déverser dans le Ma¬
roc
Atlantique et atteindre l'Europe par l'Espagne, ou re-
lluant de ce
compartiment vers les Hauts-Plateaux intérieurs
de la Berbérie Centrale.

C'est la nappe
d'Alfa, étalée vers le Sud sur les Hauts-
Plateaux, et débordant largement, au Nord, le dépôt fores¬
tier accroché à la falaise, de Debdou à
Oudjda. qui est le
vrai « camp » des
populations nomades de toute cette con¬
trée ; l'Alfa est leur grande ressource, qui permet la subsis¬
tance des troupeaux : chameaux surtout, chèvres et mou¬
lons.

Mais, pour la forêt, on peut dire que les boisements


de Chêne vert, en paquets, et ceux de Thuya, en cordons
disloqués, composent les restes, parfois étendus, comme la
grande forêt de Chêne vert de la Gada de Debdou, d'un im¬
mense quai boisé,
aujourd'hui crevé de toutes parts, qui se
développait le long du sillon d'accès de l'Algérie au Maroc
Atlantique et dont 011 retrouve des morceaux sur les blocs
forestiers détachés au Nord de ce sillon, c'est-à-dire sur les

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92 —

contreforts Sud du Rilï Oriental et sur les contreforts Nord


du dernier éperon du Moyen-Atlas septentrional, qui ne sont
pas encore complètement déboisés.
Ces boisements n'ont
jamais représenté à leurs riverains
d'autre intérêt (surtout le
Thuya dont les stations typiques
actuelles sont les récifs rocheux où les
troupeaux ne trou¬
vent, comme souille feuillue, que des touffes d'alfa) que ce¬
lui de constituer des stocks, bien
repérés et largement dis¬
tribués, de tous les petits bois d'industrie ou petits bois de
service pouvant être facilement extraits et enlevés au cours

des déplacements et des pillages qui amenaient ces popula¬


tions nomades au bord du
dépôt forestier.
Sans qu'on ait de certitude historique sur l'ampleur et
le rythme de la dévastation forestière de ces contrées, il
semble bien, en tout cas, que, de l'antiquité jusqu'à nos
jours, la réquisition des bois d'industrie de toutes sortes,
pour l'extraction de produits divers, depuis le produit de
luxe (comme la loupe de Thuya) destiné à l'exportation,

jusqu'au produit pauvre (charbon de bois, goudron de bois


de Thuya, etc...) absorbé par la consommation locale des

nomades, a entretenu, dans cette marche orientale du Ma¬


roc, une sorte de
pillage continu, de fouilles obstinées du
sol forestier et des boisements de
Thuya notamment, qui,
s'ajoutant aux ravages du feu et à la morsure répétée du
pâturage, a contribué indubitablementà accélérer le déraci¬
nement de cette forêt de Thuya. Elle ne subsiste actuelle¬

ment que sur des sortes d'îlots difficilement abordables ou

fréquentables, jalonnant et dominant des plages de terrains


aujourd'hui desséchés et autrefois, très probablement, beau¬
coup plus hospitaliers, plus riches en eau et en hommes.
Ce recul de la vie humaine, cet appauvrissement de la
transhumance pastorale,
par l'envahissement de la stérilité
du sol consécutif à la dégradation de la forêt, n'est nulle
part aussi saillant, aussi évident, que dans l'allure d'écueils
de ces récifs rocheux, boisés en Thuya dominant une mai¬

gre souille d'alfa, qui parsèment l'immense estuaire de la


plaine de la basse Moulouya, aux environs de Sakka, vers

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le raccord de la frontière
franco-espagnole et de la Moulou-
ya. Ces récifs sont séparés du littoral méditerranéen, où l'on
rencontre encore des vestiges de boisements de Genévrier
rouge (forêt de Tazagraret près de Saïdia), par des cuvettes
desséchées et fermées (cuvette du Guerrouaou) et sont
éga¬
lement isolés bien au Nord de la falaise boisée
qui, on l'a
vu
plus haut, recèle, de Debdou à Oudjda; les dernières co¬
lonies importantes de ce Thuya, qu'on ne retrouve plus, au-
delà de la frontière algérienne,
qu'en peuplements autrefois
peut-être étendus, mais aujourd'hui réduits à l'état de lam¬
beaux insignifiants dans les provinces d'Oran, d'Alger, de
Constantine et de Tunisie. Quelques pieds seulement de
Thuya existent encore, à l'extrémité orientale de l'aire de
l'essence, en Cyrénaïque et à Malte, et se retrouvent aussi,
d'autre part, sur la côte europénne, en Espagne, dans les
contreforts de la Sierra Nevada, aux environs d'Almeria,
sur l'autre bord de la «
carapace » qui, bien au-delà des
temps historiques, avant l'effondrement de la Méditerranée
occidentale, avant la surrexion du Riff et l'ouverture du dé¬
troit de Gibralar et du Détroit Sud Riffain
«
», rattachait
cette contrée de l'Afrique à la terre d'Europe.
TIZRA. —
Aujourd'hui, tout récemment, à côté de l'ex¬
traction de l'Alfa, qui a moisonné de vastes étendues de la
steppe des hauts plateaux algériens, qui a gagné déjà ceux
du Maroc et atteint
presque les collines de Taza, pour ali¬
menter en pâte à papier les industries
européennes de pa¬
pier de luxe, il faut mentionner encore, dans cette contrée,
parmi les exploitations forestières, au voisinage immédiat
des prospections et des fouilles de
loupes de Thuya », cel¬
«

le des « bois tannants » de Tizra. Elle a


pris naissance,
dès le début de la
grande guerre européenne 1914-1918, aux
environs d'Oudjda, surtout dans la
plaine des Triffas, éten¬
due enre la mer et le boisement de
Thuya des montagnes
des Reni Snassen. De là, elle s'est
propagée, d'abord lente¬
ment, dans toute la contrée desservie
par les ports d'Oran
et de Nemours, jusqu'aux environs de Taza, puis, essaimant
furieusement, grâce à dç nouveaux débouchés dans l'inclus-

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94 —

trieeuropéenne où elle tendait à lutter contre l'importation


des extraits tanniques de Québracho venus de l'Amérique
du Sud, elle s'est attaquée à la lisière des boisements de
Thuya du Maroc atlantique. La région de Mogador a tout
d'abord subi l'assaut de cette sorte de rush
qui a abouti en
1926-1928, malgré les efforts du Services forestier,
au pillage en
règle de toutes les plages à Tizra noyées dans la
masse de
l'arganeraie, aux lisières de la forêt de Thuya ;
puis le pillage du Tizra a rebondi dans l'arrière pays de
Rabat-Casablanca, où il n'a pu être arrêté que sur les fron¬
tières des forêts délimitées, au contact du
Chêne-liège et du
Thuya. Il s'est alors rabattu en 1929 sur la régiond'Agadir,
dont le port venait d'être ouvert au commerce, et il vient de
rejaillir, en 1930 et 1931, dans la contrée d'oii il était parti,
aux environs de Taza oii subsistent encore
quelques plages
où le Tizra (Rhus pentaphylla) est souvent remplacé par le
l'aux-tizra (Rhus oxyacantha) qui est un autre sumac, dont
le bois estréputé moins riche en tanin. (Le port le plus voi¬
sin pour l'exportation de ces hois, est, cette fois, Mélilla,
dans la zone espagnole, et c'est vers lui que tendent, actuel¬

lement, les expéditions).

Cette
exploitation du tizra offre, sous nos yeux, et avec
une intensité éloquente, l'exemple de la rapidité avec la¬
quelle le défrichement déréglé, déclanché par l'attrait de sa
laires relativement élevés et entraînant le pillage de la der¬

nière réserve de hois d'un pays déjà copieusement déboisé,

peut amener la ruine définitive de sa forêt, ce qui le livre,


après un court répit où le gain du salaire donne à la popu¬
lation très pauvre l'illusion d'une richesse éphémère, à un
véritable dénuement de ressources forestières, sans contre

partie de mise en valeur agricole ou pastorale du sol. On se


rendra compte de la perte définitive, non compensable par
le recrû de la végétation forestière naturelle, que cette opé¬
ration impose sol, en observant que ce genre d'exploita¬
an
tion, malgré lesefforts du personnel forestier, trop peu nom¬
breux pour contrôler sur place les extractions de bois de

Tizra, arrache au sol la presque totalité de l'appareil radi-

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95 —

culaire des arbustes,


qui leur interdit de rejeter, (d'ail¬
ce

leurs, la croissance de bois très compacts et chargés de


ces

tanin, est très lente naturellement) et qu'une grande partie


de la niasse ligneuse déracinée est
gaspillé, car seules la
souche et la partie inférieure des
tiges sont assez riches en
tanin pour être utilisables
industriellement, qu'elle est im¬
propre désormais, en tout cas, à servir d'abri et de pâtu¬
re au
parcours des troupeaux qui sont la véritable ressour¬
ce de ces
pays secs et déshérités.
A
signaler que l'exportation de bois de Tizra du Maroc
porte, depuis 1926, sur un tonnage annuel d'environ 500.000
quintaux, ce qui, à raison de 100 quintaux au maximum à
l'hectare, correspond au défrichement de 5.000 ha. par an.

MESURES A PRENDRE DANS LA REGION ORIENTALE

Pour atténuer, ne serait-ce


que dans une faible mesure,
et par des moyens positifs, tous ces dégâts causés non seu¬
lement aux boisements, mais aussi au sol, à son armature
ligneuse, et, en même temps, pour permettre aux popula¬
tions indigènes et à l'industrie
européenne de récupérer une
fraction plus importante de la valeur des bois
extraits, le
Service forestier s'attache, matière
eu d'exploitation de lou¬
pes de Thuya et de bois de Tizra, à contrôler de plus près
l'extraction même de ces bois, à grouper les défricheurs par
chantiers, à vérifier des dépôts d'achat des commerçants
européens, les pesées aux bascules, à identifier botanique-
ment les bois, à surveiller le colportage par bêtes de somme
et le
transport par camions jusqu'aux centres ou ports d'em¬
barquement ofi sont délivrés les certificats d'origine garan¬
tissant la provenance et la nature des
produits. Par ailleurs,
il recueille, peu à peu, des observations d'ordre
cultural, re¬
latives à la formation et à la croissance de cette
catégorie
de bois (loupes de Thuya en particulier), qui donneront
peut-être des indications sur la façon de les reproduire sui¬
des sujets ou dans des cantons de forêts
particuliers, pour
éviter l'épuisement définitif de ces « mines forestières » dé¬

jà fort compromises.

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96 —

PRODUITS SECONDAIRES DE LA FORET DE THUYA :

CHARBON DE BOIS, GOUDRON.

Avant de jeter un coup d'œil d'ensemble sur l'assiette


et l'usage de la forêt de Thuya, il faut mentionner
que le charbon de Thuya, trop léger, friable et rési¬
neux, à défaut de charbon de bois feuillu, lourd, qui donne
un meilleur combustible (Arganier, Chêne vert, Chêne-liè¬
ge) est fabriqué, par petites quantités, dans les diverses ré¬
gions forestières du Maroc, notamment dans
région la
d'Oudjda, dans l'arrière pays de Casablanca, et surtout aux
environs d'Agadir. Il faut noter ici que cette fabrication est

responsable, dans une grande mesure, de la ruine des boi¬


sements de Thuya qui avoisinaient autrefois, avec ceux du

Genévrier rouge, la ville de Mogador, et dont la


disparition
a
provoqué la mobilisation des sables qui ont risqué d'iso¬
ler la ville par leurs dunes mouvantes.
Le goudron de Thuya est également
fabriqué un peu
partout au Maroc, mais en faible quantité, et n'a que des
usages locaux. Enfin, dans le Riff Oriental (Région de Sak-
ka), le Genévrier rouge qui est appelé ar-ar el horr (ou Thu¬
ya noble) est spécialement apprécié des indigènes qui tirent,
par distillation ou décoction, de ses rameaux riches en ré¬
sine, des « eaux médicamenteuses » que la pharmacopée
locale utilise contre les affections des bronches et de la gor¬

ge. 11 y a là un reste de prestige auquel on doit peut-être de


retrouver encore quelques lambeaux de peuplements de cet¬
te essence dans cette contrée si anciennement dévastée.

U. — POSSIBILITES GENERALES
DE LA FORET DE THUYA

Revenons maintenant aux


grands dépôts forestiers du
Maroc, pour reconnaître la consistance de la chaîne boisée
en Thuya qui développe à travers eux et les noue l'un à
se
l'autre, et en déduire ses possibilités en matière et argent.
La masse de 600.000 ha. de bois de cette essence qui la

forme se distribue sensiblement comme suit entre ces diffé¬


rents dépôts :

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MASSE DES BOISEMENTS DE THUYA
I. —
Dépôt de l'AnLi-Allas : 5.000 = 5.000
Ti/.nil

II.— Dépôt du Sous et du Littoral Sud : 5.000 -f 30.000 = 35.000


[Taroudant Mogador
Région forestière '
III. -
-

Dépôt des Plateaux Haha : 50.000 + 50.00 == 100.000


méridionale
.Vlogador Agadir
IV. -
-

Dépôt du Grand-Atlas : 30.000 + 30.000 - 60.000


Marrakech De m a al

Dépôt intermédiaire des Imdras : Traces


I. —
Dépôt du Moyen-Atlas 25.000
cO
: + 10.000 35.000 •<1

[Khénil'ra] [Fès]
II. Dépôt des Plateaux d'Oulmès 45.000

; + 60.000 + 20.000 = 125.000
Région forestière [O. Zem Khémisset] [Marchand;
III.--Dépôt sub-littoral du Nord 25.000 300.000
: + 35.000 = 60.000
[Casablanca [Rabat]
IV. -
-

Dépôt Sud-Riffain : 25.000 + -55.000 + 10.000 80.000


Aknoul] Sakka Bé chine]
Taza

orientale
ix :
100.000
[Oujda]
= 100.000
|
\
|QQ QQQ

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98 —

Toute cette chaîne de bois est soumise au


parcours des
troupeaux. Une grande partie de sa niasse, au moins les
2/3 (correspondant aux 2 dernières régions) a été ancien¬
nement, et récemment encore, parcourue par le feu, mais on
peut dire qu'actuellement —• depuis 10 ans au moins —

aucun incendie sérieux, volontairenon, ne s'y produit


ou

plus. Quant aux exploitations proprement dites, en dehors


du glanage des petits bois de consommation
journalière, ef¬
fectué par les riverains des boisements de
Thuya, sédentai¬
res, semi nomades et nomades, au voisinage des hameaux

et des douars, elle ne


parcourent chaque année, qu'une frac¬
tion réduite de la même masse, en gros le 1/3 (200.000 ha.)

correspondant à la quasi totatilé de la première région (au


moins les 4/5") et à une faible partie de la 2me
région
(moins du 1/10°), et à une infime partie de la 3me région
(de l'ordre de 1/100°).

Le genrede l'exploitation principale propre à chacune


de régions est même tel qu'on peut préciser que les pro¬
ces

portions précédentes représentent non seulement l'assiette


annuelle, mobile, des exploitations dans chaque région, mais
encore leur assiette permanente, fixe sur le terrain, au moins
pour une période de temps qui comptera de nombreuses an¬
nées, elle durera jusqu'à ce que les peuplements, qui
car

sont actuellement déjà soustraits à l'incendie et que la ré¬

glementation du parcours des troupeaux acheminera pro¬


gressivement vers un état de meilleure sané physiologique,
puissent offrir à l'exploitation des « gros bois » et même des
« bois moyens » de nouvelles ressources, c'est-à-dire,
jus¬
qu'au moment où les « jeunes bois » et le recrû actuelle¬
ment en formation auront atteint l'âge el les dimensions

d'exploitabilité convenables. Pendant cette période, qui sera


de l'ordre de 50 à 100 ans environ, ou de 2 à 3 générations

humaines, la surface boisée réellement exploitée dans cha¬


que région en vue de la fourniture des produits principaux
étudiés ci-dessus (gomme sandaraque, gros bois d'œuvre
ou madriers,
loupes de Thuya), sera, chaque année — sauf
pour la première région, dont la récolte de la sandaraque

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99

parcourt chaque année la quasi totalité — environ 50 à 100


fois moindre que la surface résultant des proportions indi¬
quées ci-dessus. Celle-ci représente, en effet, plutôt l'enceinte,
valable pour au moins 50 ans, dans
laquelle s'effectuera la
« rotation » des coupes
annuelles des 2" et 3" régions, ou
tout au moins de la 2me
région (où l'exploitation des ma¬
driers peut être cantonnée sur de petites surfaces
chaque
année), sinon de la 3me région (où la recherche et l'extrac¬
tion des loupes de Thuya offre le
type d'une exploitation
extrêmement disséminée et aléatoire).
A titre d'indication l'ordre de
sur
grandeur de la four¬
niture annuelle et de la valeur marchande actuelle de ces

trois catégories de produits de la forêt de Thuya du Maroc,


voici quelques chiffres pour 1930 :

Quantité en (Ox.) Valeur (en francs) Observations

Gomme san¬

daraque.. . 2.500
Qx] 5,000.000j à Mogador
Madriers de
Thuya (ei
chevrons)... (800 5.500 —(8.000 Ox 500.000:6.000.000 f à Rabat
m 3; l
Loupe s
Thuya
de
500 —
) 500.000j à Oujda
Telle est, sinon la
possibilité » de production annuel¬
«

le totale de la forêt deThuya du Maroc et sa valeur intrin¬


sèque, au moins le contingent essentiel de cette production
effectivement livré au commerce (et qui n'est fourni, on vient
de le voir, que par le 1/3 au maximum de sa surface boisée

totale, au maximum 200.000 ha.). Ce commerce a lieu de la


forêt vers les
ports, et de là vers l'Europe, pour la gomme
sandaraque (utilisée dans la fabrication des vernis fins) et
les loupes de Thuya (utilisées comme bois de
plaquage après
tranchage ; le marqueterie indigène n'en consomme que
de petites quantités) ; il s'arrête au contraire aux villes
pour
les madriers et chevrons de
Thuya (consommés presqu'en-
tièrement sur place, au Maroc, comme bois
d'ébénisterie, de
menuiserie, de charpente légère).

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100 —

Le premier produit (gomme sandaraque) est un pro¬


duit très précieux, extrêmement peu encombrant, vendu en¬
viron 2.000 francs le quintal à Mogador.

Le 2me produit (madrier de Thuya) est au Maroc un


bois recherché, relativement précieux, vendu environ 100
francs le quintal à Rabat.
Le Unie produit (loupe de Thuya) est, parmi les bois

d'Afrique du Nord utilisés en Europe, de beaucoup le plus


précieux, vendu environ 1.000 francs le quintal à Oudjda.
La capacité effective de fourniture actuelle de la forêt
de Thuya en ces divers produits (produits ayant une valeur

d'échange étendue et déterminée dans les villes du Maroc


et sur les places de commerce d'Europe) jaugée d'après cet¬

te valeur marchande réelle, est donc évaluable, en argent,


par un chiffre qui est de l'ordre de 5 à 10 millions de francs,
c'est-à-dire comparable à celui de la production actuelle des

lièges marocains ; il faut observer, d'ailleurs, que cette four¬


niture de la forêt de Thuya est recrutée sur une surface com¬

parable également à celle des forêts de Chêne-liège exploi¬


tées au Maroc (200.000 hectares environ) et qu'elle est, d'au-

tre part, assurée, presque entièrement, par la population

indigène locale, sans recours d'instruments perfectionnés ou


de main-d'œuvre spécialisée.

Il faudrait pour donner une évaluation complè¬


encore

te de la production de la forêt de Thuya, faire entrer en li¬


gne de compte la valeur considérable, mais très difficile à
préciser, des produits secondaires qu'elle fournit et qui sont
consommés presque intégralement sur place par cette po¬

pulation : bois de Thuya de petites dimensions (plusieurs


centaines de milliers de perches, et de brins, valant quelques
centaines de milliers de francs), charbon de bois (quelques

dizaines de milliers de quintaux valant plusieurs centaines


de milliers de francs), goudron de Thuya (environ 2.000

quintaux, d'une valeur de 200.000 francs); la valeur totale de


ces produits secondaires dépasse certainement un million cle

francs et s'ajoute à la valeur des produits principaux exa¬


minés ci-dessus.

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-
101

CONCLUSION
Fonction de la forêt de Cupressinées du Maroc
Sens de l'action
forestière
Il est
temps maintenant de marquer comment
pré¬ se
sente, pour l'homme qui
y puise qui y lie sasans cesse, et
vie, ses besoins et ses goûts, le
jeu des puissances natu¬
relles que recèle la forêt de
Cupressinées du Maroc dans son
ensemble, c'est-à-dire les aptitudes
conjuguées de son « cli
mat » et de ses «
sujets » à servir la vie humaine et à lui
fournir son
tribut, somme toute, la « fonction »
qu'elle est
prête à remplir, pour peu qu'on lui en laisse la force, qu'on
lui en donne la place, et le temps.
On a vu d'abord le champ de distribution des
peuple¬
ments des
diverses essences de la famille sur le
canevas
d'ensemble du climat marocain. C'est une
immense « arche »
de bois,
enveloppant une foule de secteurs territoriaux di-
versements habitables et
fréquentables, distendue, rompue
ou cassée, mais joignant encore,
suspendue à la montagne,
l'Atlantique à la Méditerranée, d'Agadir à Taza et
Oudjda,
rejetée à l'intérieur des terres, derrière la meseta
qui s'élève
en
glacis depuis le littoral, mais
lançant, grâce au Thuya,
à travers cette
large surface déboisée, ses attaches extrêmes
jusqu'à l'Océan.
On a reconnu ensuite que non seulement le
Thuya, qui
a le rôle prédominant la
frange hasse des principaux
sur
des dépôts de
montagne, mais aussi les Genévriers, le Rouge
et le Thurifère qui sont localisés au
voisinage des grands axes
des dépôts de
montagne, assurent l'ancrage puissant et le
continuel renouvellement de sédiment vivant, le boise¬
ce

ment de
Cupressinées, qui constitue une matière fixatrice
et régénératrice du sol, extrêmement
tenace et vivace, jouant
bien souvent le rôle d'un «
atterrissement » solide au bord
des étendues déboisées ou en cours de dévastation forestière,
re.

On a discerné enfin, à travers leur


multiplicité et leur
confusion, les courants humains élémentaires
qui transpor¬
tent les produits de la forêt de
Cupressinées, tantôt gravi-

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tant autour des sites habités au cœur de la forêt chez les
montagnards des pays à Genévriers et à Cyprès, tantôt cir¬
culant de proche en proche dans les chenaux et à travers
les récifs des contrées à
Thuya, dirigés vers les villes con¬
sommatrices ou vers les
ports à destination de l'Europe, tous
ces courant
repérant, récoltant et répandant une foule de
matériaux, hois, rameaux, charbon, goudron,
gomme, dont
les plus précieux sont fournis par le Thuya, pour l'étranger,
mais dont les plus nombreux sont absorbés, sur place, par
les paysans du Grancl-Atlas. Ceux-ci tiennent en
dépôt les
peuplements de Genévriers où ils alimentent les besoins va¬
riés de leur vie montagnarde, tandis
qu'une sorte « d'affer¬
mage » très lâche, partout en vigueur au Maroc, comme
dans la Berbérie entière, réserve
troupeaux des rive¬
aux

rains de la forêt la pâture du tapis herbacé comme il livre


son matériel
ligneux, son recrû en particulier, au hasard
des périgrinations de leurs
propriétaires, qui cotoient la fo-
lêt et l'exploitent, en s'aidant, dans leurs
déplacements,
notamment à travers les peuplements de
Thuya, du feu et
du fer qui achèvent bien souvent la destruction
poursuivie
par la dent des animaux.
En somme, la fonction de la forêt de
Cupressinées du
Maroc, regard de l'homme qui cherche à en tirer parti,
au

c'est celle d'un « rivage » : le


rivage n'est pas celui de la
mer, il est rejeté, on vient de le voir, à l'intérieur des
terres,
s'enfonçant largement dans la montagne et s'avançant bien
avant dans la plaine, joignant, par la ligne des récifs et des
chenaux boisés en
Cupressinées, les contrées forestières les
plus diverses, offrant au trafic foiestier des champs de pro¬
duction et de consommation locale, ou, au contraire, des
voies de parcours, de dépôts, de récoltes successives, des ac¬

costages pour les courriers des marchandises en transit vers

les villes, les populations


vers étrangères à la Forêt. Celles-ci,
du reste, tirent de la Forêt un tribut prélevé sans ménage¬
ment, tout comme vivent sur elle, insoucieux de son état ou
de capacité de durer, les riverains des boisements de
sa

Thuya et les montagnards des hois de Genévriers, dans les


pays à gomme du Sud marocain, dans les pays à transhu-

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103 -l

matns du Maroc Central et dans les


pays nomades du Ma¬
roc Oriental ; car toutes
populations voient essentielle¬
ces

ment dans cette loiêt toujours verte, basse, étendue,


reje¬
tante, une côte bonne pour l'abri et le ravitaillement, el
commode à exploiter, dont les ressources sont bien souvent

épuisées, mais qui a encore, par le «prix» de certaines prises


faites sur les bois de
Thuya, un prestige pas encore oublié
quoique bien déchu et bien vague.
Ce prix, ce prestige, ne doit pas cacher, d'ailleurs, la

large et grande utilité de « fond » de ce rivage que constitue


la forêt de Cupressinées du Maroc. S'il a livré aux
capitales
impériales et au commerce européen des bois d'œuvre, des
loupes, des gommes renommées, il a surtout permis, de tout
temps, aux populations berbères répandues sur ses bords
et dans ses replis, d'attendre, de subsister et de circuler, de

se retrouver
après avoir été dispersées, de reformer leurs
groupements, familles, fractions, cantons, villages, tribus,
de reprendre inlassablement leurs mouvements de croissan¬

ce, d'agrégation et de désagrégation au cours des siècles, en

s'accrochant aux sols boisés,fondant, sinon toujours


en y

des ports d'attache, de véritables cités forestières, au moins


des refuges ou des guettes qui commandent les passages, et
qui leur assurent la sécurité et le ravitaillement en maté¬
riaux de première nécessité.
Si le rythme de ces mouvements a
changé aujourd'hui,
ou s'il a
pris un autre cours, depuis l'instauration du Pro¬
tectorat, les forces qui les animaient ne sont pas sans doute
éteintes, et puisque la forêt de Cupressinées du Maroc sub¬
siste, elle doit avoir encore cette attribution, qu'on vient de
lui reconnaître comme fonction essentielle : celle d'un riva¬
ge, d'une côte où l'on puisse circuler, accoster, trafiquer
d'une façon sûre, permanente.
Quelle sera, dans ces conditions, le sens et l'intensité
de l'action forestière à exercer sur
peuplements ?
ces

Celte action peut se décomposer de la façon suivante :


Balisage » du terrain ou des bois
«
sur
pied,
Drainage » des bois en croissance
«
ou de la souille ré¬
génératrice,

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104 —

«
Affermage » de la récolte des bois exploités.
Voyons comment on doit effectuer ces opérations, sur
la forêt de Cupressinées, comment elles
répondent à
l'utilité de fond de ce rivage boisé :

Les bois doivent être


repérés, délimités, balisés, non
seulement par des jalons, des bornes, mais ensuite par des
chemins, des tranchées, des sentiers guidant les itinéraires,
permettant la circulation, les courants des hommes et des
marchandises, la reconnaissance et l'accostement des boise¬
ments, dont on a vu la diversité
d'aspect, et la position, en
étudiant la zone d'extension des
Cupressinées ; le balisage
extérieur doit être complété, à l'intérieur des boisements,
dans chaque quartier balisé, par une soi'te
d'éelaircissage,
un traitement,
par drainage, des bois, réglé essentiellement
par le souci de restituer à la souille du boisement de Thuya
(ou exceptionnellement de Genévriers), une vigueur et une
cohésion sur laquelle la force du peuplement prin¬
repose
cipal, ainsi qu„'on Ta vu longuement en étudiant le mode de
croissance des sujets et des peuplements de Cupressinées.

Si, dans le détail, cette dernière opération reste, actuelle¬


ment, indéterminée,_c'est qu'elle ne peut offrir de chance
de réalisation pratique que lorsqu'un débouché sera trouvé
aux « petits bois », aux bois d'éclaircie et cela
suppose un
remaniement, lent à réaliser, des « usages » en vigueur. Par
contre, un réseau de chemins, de routes autocyclables et, en
montagne, de pistes muletières, est indispensable, tout
d'abord, à l'application d'une formule quelconque d'Aména¬
gement ; ce terme, qui désigne en Europe l'affectation d'un
bois à l'usage de l'homme, implique un « équipement « et
un « traitement »
préalables de ces bois, et c'est à celà qu'on
vient de rapporter les opérations de «balisage» et de «draina¬
ge» qui doivent d'abord parcourir la forêt de Cupressinées
pour la mettre en puissance d'assurer sa fonction; puis, il
commande, après ces opérations, l'indication d'un régime qui
règle la côte de fourniture, et le tour de marche des diffé¬
rentes parties de ce tout producteur, en se fondant sur
la périodicité des passages de l'exploitation, base essentielle
de la rotation des coupes.

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105 —

Ici, pour la forêt de Cupressinées, ce régime se traduira


d'abord, faute de pouvoir encore se préciser dans un règle¬
ment d'exploitation, l'inscription des diverses parties
par
de la forêt à une sorte de tableau de recensement,
précisant
et régularisant les usages forestiers affectés à ces divers

cantons, variables d'un point à l'autre, d'une population à


sa voisine,
répandus, comme le trafic forestier, dans toute
la masse boisée, et solidaires, comme lui, d'un certain ac¬

cord entre la forêt et l'homme, qu'on peut désigner par le


terme d' «
affermage » ; la formule juridique de cet accord,
est, comme pour tous les biens en nature de bois du Maroc,
celle de propriété d'Etat, grevée d'usages
au profit des indi¬
gènes riverains. Mais cette formule d'accord prend d'elle-
même un sens très net en s'appliquant au «
rivage » que
constitue la forêt de Cupressinées, puisque, par la force mê¬
me des mœurs forestières dont on a reconnu les traits en

étudiant l'assiette et l'usage de la forêt de Cupressinées à


ses différents
stages d'existence et en signalant la valeur vi-
vrière, d'échange ou de monnaie, de ses différentes produc¬
tions, cet accord implique un régime de « patrimoine na¬
tional », dont l'intégrité, la permanence, et la sécurité doi¬
vent être réalisées, pour satisfaire à la communauté sociale

du pays, par la collaboration des diverses


populations fo¬
restières aux opération nécessaires de mise en valeur des
ressources variées contenues dans les différents
dépôts fo¬
restiers du Maroc. )
C'est dans
ce sens que s'exerce, on l'a vu,
depuis l'ins¬
tauration du Protectorat, l'action du Service forestier
qui
poursuit, à travers la forêt de Cupressinées tout spéciale¬
ment, son œuvre d'équipement (en construisant maisons et
chemins) de traitement (en mettant les peuplements en re¬
cépages ou en défens) et d'aménagement (par voie de délimi¬
tations et de réglementation des usages forestiers), pour
recueillir sur place et composer entre elles, dans un regain
de vitalité, les forces anciennes de la forêt berbère et de la
r T
tradition indigènes et les vertus odonnatrices nouvelles que
leur apporte, à son tour, la foresterie française.
OCTOBRE 1931.

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Superficie
Superficie totale (approximative)
non reconnue^z^e d/ss/c/ente)

: Genévrier Rouoe ;
250.000

2.750.000Hft
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(et oxycèdre)
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