Comment Doit-On Shabiller (Loos, Adolf (Loos, Adolf) )
Comment Doit-On Shabiller (Loos, Adolf (Loos, Adolf) )
Comment Doit-On Shabiller (Loos, Adolf (Loos, Adolf) )
Être bien habillé : qui ne le souhaite pas ? Notre siècle a aboli les codes
vestimentaires qui distinguaient les classes de
la société, et chacun a
maintenant le droit de se vêtir comme le roi. Le degré de civilisation d’un
État peut se mesurer au
nombre de ses habitants qui font usage de cette
conquête de liberté. En Angleterre et en Amérique, c’est le cas de tous ;
dans les pays balkaniques, seulement de la haute société. Et en Autriche ?
Je ne m’aventurerai pas à y répondre.
Un philosophe américain a dit : un jeune homme est riche quand il a du
plomb dans la tête et un bon costume dans sa penderie.
Ce philosophe sait
de quoi il parle. Il connaît son monde. À quoi servirait-il d’avoir de l’esprit
si l’on ne pouvait le faire
valoir par la qualité de ses vêtements ? Les
Anglais et les Américains exigent en effet de chacun qu’il soit bien habillé.
Les Allemands2 n’en restent pas là. Ils veulent aussi que leurs vêtements
soient beaux. Les Anglais portent-ils des pantalons larges, ils établissent
aussitôt – j’ignore si c’est en s’appuyant sur le vieux Vischer3 ou sur le
nombre d’or – que c’est une atteinte à l’esthétique et que seul le pantalon
étroit peut prétendre à la beauté. Tout en pestant, jurant, maugréant, ils ne
laissent pas moins leurs pantalons s’élargir d’une année sur l’autre. « Que
voulez-vous ?
La mode est un tyran », se plaignent-ils. Mais que se passe-t-
il ? Y a-t-il eu une inversion des valeurs ? Les Anglais recommencent
à
porter des pantalons étroits, et voici que soudainement les mêmes biais
servent à démontrer la beauté des pantalons larges. Allez vous y retrouver !
Les Anglais rient de ces Allemands assoiffés de beauté. La Vénus de
Médicis, le Panthéon, un tableau de Botticelli, un chant
de Burns, ça, oui !
ce sont de belles choses. Mais enfin, un pantalon ? Ou bien se demander si
le veston doit avoir trois
ou quatre boutons ? Ou à quelle hauteur doit être
coupé le col du gilet ? Je n’y peux rien, je suis toujours pris d’une peur
bleue quand j’entends discuter de la beauté de telles choses. Je perds mon
calme quand, à la vue d’un vêtement, une mauvaise
langue me demande :
« Est-ce censé être beau ? »
Les Allemands du meilleur monde font comme les Anglais. Ils sont
satisfaits lorsqu’ils sont bien habillés. Ils se passent de la beauté. Le grand
poète, le grand peintre, le grand architecte s’habillent comme les Anglais.
Le poétaillon, le peintre du dimanche
et l’architecte qui pose à l’artiste font
de leur corps un autel sur lequel ils sacrifient à la beauté sous forme de cols
en velours, de pantalons à l’étoffe artistique et de cravates Art nouveau.
Être bien habillé, qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie : être habillé
correctement.
Être habillé correctement ! J’ai l’impression d’avoir, en écrivant ces
mots, levé le mystère qui entourait jusqu’alors notre
mode vestimentaire.
On a voulu dire le fin du fin de la mode avec des termes comme « beau »,
« chic », « élégant », « raffiné »,
« éblouissant ». Mais ce n’est pas du tout
de cela qu’il s’agit. Il s’agit d’être vêtu de façon à se faire le moins possible
remarquer. Un habit rouge, on le remarque dans une salle de bal. C’est donc
une faute de style de porter un habit rouge dans une salle
de bal. Un haut-
de-forme se remarque sur une patinoire. C’est donc une faute de style d’en
porter un sur une patinoire. Considérez
que, dans la bonne société, tout ce
qui vous fait remarquer va à l’encontre du bon ton.
Ce principe ne peut pas s’appliquer partout. Un veston qui passerait
inaperçu dans Hyde Park peut très facilement attirer
l’attention sur vous à
Pékin, à Zanzibar ou sur la place Saint-Étienne de Vienne. C’est qu’il s’agit
d’un principe européen.
On ne peut tout de même pas attendre de celui qui
se tient au faîte de la civilisation qu’il s’habille à la chinoise à Pékin,
à la
manière est-africaine à Zanzibar et à la mode viennoise sur la place Saint-
Étienne. Ainsi faut-il apporter une restriction à
notre proposition : pour être
habillé correctement, on ne doit pas se faire remarquer au centre de la
civilisation.
Aujourd’hui, le centre de la civilisation occidentale est Londres. Il
pourrait tout à fait arriver qu’en nous y promenant,
nos pas nous portent
dans des contrées où l’on trancherait considérablement avec les habitants.
On n’aurait alors d’autre
choix que de changer de veston d’une rue à
l’autre. Voilà qui est inenvisageable. Nous sommes donc en mesure de
donner à notre principe sa pleine
formulation : un vêtement est à la mode
quand, en le portant au centre de la civilisation lors d’une occasion
déterminée,
il nous fait le moins possible remarquer parmi la meilleure
société. Ce principe anglais, que tout homme de goût pourrait légitimement
faire sien, rencontre cependant une vive opposition dans
les classes
moyennes et inférieures de la société allemande. Pas un peuple ne compte
plus de gandins que les Allemands. Un
gandin est un individu qui s’habille
uniquement dans le but de briller parmi son milieu. Il en appelle tantôt à
l’éthique,
tantôt à l’hygiène, tantôt à l’esthétique, afin de justifier son
clownesque comportement. Un même lien spirituel relie le
maître
Diefenbach4 au professeur Jäger5, les poétaillons « modernes » au fils de
famille viennois. Néanmoins, ils ne peuvent pas se supporter. Aucun gandin
ne reconnaît
en être un. Les gandins se moquent les uns des autres et,
lorsqu’ils prétendent faire la guerre au gandinisme, ils ne font
que
s’adonner à d’autres gandineries. Le gandin à la mode, c’est-à-dire le
gandin par excellence, n’est qu’une espèce particulière
appartenant à une
famille aux multiples arborescences.
Les Allemands soupçonnent cette espèce de gandin de donner le ton en
mode masculine. C’est faire un honneur immérité à ces
inoffensives
créatures. De ce que nous avons dit, il résulte que le gandin ne s’habille
même pas à la mode. Cela ne le servirait
pas. Le gandin porte toujours ce
que son milieu tient pour être à la mode.
Certes, et n’est-ce donc pas la même chose que d’être à la mode ? En
aucun cas. Voilà pourquoi les gandins ne se ressemblent
pas d’une ville à
l’autre. Ce qui fait fureur ici a déjà perdu son lustre ailleurs. Celui qui est
encore vénéré à Berlin encourt
le risque d’être raillé à Vienne. Les milieux
distingués préféreront toujours les changements de tendance qui passent le
plus
inaperçus dans les classes moyennes. Ils ne sont plus protégés par les
codes vestimentaires et il leur est pénible d’être
copiés par tout un chacun
du jour au lendemain. Il faudrait constamment se mettre en quête de
substituts. Pour se soustraire
à cette chasse perpétuelle aux nouveaux tissus
et aux nouvelles coupes, ils n’ont recours qu’aux artifices les plus discrets.
Des années durant, les nouveaux modèles sont précieusement gardés par les
grands tailleurs comme des secrets de Polichinelle,
jusqu’à ce qu’ils soient
divulgués par quelque journal de mode. Il faut encore quelques années pour
que tout le pays en ait
connaissance. À ce moment seulement, c’est au tour
des gandins de s’emparer de la chose. Mais la forme originelle s’est
considérablement
transformée entre-temps, au gré même des spécificités
locales.
Les grands tailleurs qui, de par le monde, sont en mesure de vêtir
quelqu’un selon les principes les plus distingués peuvent
se compter sur les
doigts d’une main. Combien y a-t-il de grandes villes du vieux monde où
une maison de ce genre fait défaut ? À Berlin même on n’en trouvait
aucune jusqu’à ce qu’un maître viennois, E. Ebenstein, n’y ouvre
une
succursale6. La cour de Berlin était réduite à faire confectionner une bonne
part de sa garde-robe chez Poole7 à Londres. Si nous possédons un grand
nombre de ces rares maisons à Vienne, nous ne le devons qu’à cette
heureuse circonstance :
notre haute noblesse est un invité assidu du drawing
room de la reine, a passé quantité de commandes en Angleterre et a ainsi
introduit à Vienne ce bon ton dans les vêtements et porté
la couture
viennoise à un niveau enviable. On peut dire sans peine que les membres de
la haute société viennoise sont les
mieux habillés du continent, car les
autres tailleurs aussi ont gagné en qualité sous l’influence de ces grandes
maisons.
Les grandes maisons et celles qui se placent dans leur sillage ont toutes
un point commun : la peur de la publicité. Elles
se restreignent tant que
possible à une étroite clientèle. Bien sûr, elles ne sont pas aussi exclusives
que maintes maisons
londoniennes où l’on ne peut entrer que sur
recommandation du prince de Galles. Mais elles répugnent à toute forme
d’étalage.
Ce fut un travail de longue haleine pour les organisateurs de
l’Exposition de décider certains des meilleurs tailleurs de
Vienne à venir
présenter leurs articles. Il faut reconnaître que ceux-ci se sont très
habilement tirés d’affaire. Ils ne montrent
que des pièces pour lesquelles
toute imitation serait vaine. Le plus adroit a été Ebenstein. Il propose une
tenue de soirée (qu’il nomme à tort smoking8) pour climats tropicaux (!),
une hunting vest9, un uniforme de colonel prussien pour femme et un
coaching coat10 à boutons de nacre gravés, dont chacun constitue une
véritable œuvre d’art. A. Keller propose, à côté d’uniformes on ne peut
mieux réussis, une redingote assortie de son pantalon gris avec laquelle on
pourra en toute quiétude voyager en Angleterre.
Sa Norfolk jacket11 semble
elle aussi de bonne facture. Uzel & Fils présentent la spécialité de leur
atelier : des uniformes de cour et des uniformes
d’État. Leur qualité ne fait
aucun doute, sans quoi cette ancienne maison n’aurait pu maintenir si
longtemps sa domination
dans ce secteur. Franz Bubacek expose des tenues
de sport impériales. La coupe de la Norfolk jacket est innovatrice et
impeccable. En montrant ce vêtement, M. Bubacek fait preuve d’un grand
courage ; l’imitation ne lui fait
pas peur. On peut en dire autant de Goldman
& Salatsch12, qui exposent leur spécialité, des uniformes de yachtmen.
Mais j’arrête ici mes éloges inconditionnels. L’exposition collective de la
coopérative des confectionneurs viennois ne les
mérite pas. Pour les travaux
de commande, force est parfois de faire preuve d’indulgence : le client, du
fait de ses exigences
personnelles, est souvent responsable de plus d’une
faute de goût. À cette occasion, nos artisans auraient pu montrer qu’ils
se
situent au-dessus de leur clientèle, qu’ils peuvent faire le poids face aux
grandes maisons dès lors qu’on leur laisse
une entière liberté. La plupart ont
laissé échapper cette chance. Rien que le choix des tissus révèle leur
manque de savoir-faire.
Ils font des paletots avec de l’étoffe de cover-coat
et des cover-coats avec de l’étoffe de paletot13. Des complets-vestons en
tissu de Norfolk et des redingotes en laine fine de complet.
Les coupes ne sont guère plus glorieuses. Peu sont ceux qui ont pris le
parti du raffinement ; la majorité s’adressent aux
gandins. Ces derniers
auront de quoi se délecter au milieu des gilets croisés et des costumes à
carreaux et col en velours !
Une maison s’offre même de monter des
manchettes de velours bleu sur un veston ! Ah, la mode…
Je citerai ici quelques tailleurs qui se sont tenus quelque peu à distance de
ce festival d’aberrations. Anton Adam travaille bien, quoi qu’il coupe ses
gilets trop bas, Alexander Deutsch présente un bon paletot d’hiver, Joseph
Hummel
un bon ulster14, P. Kroupa a le malheur de gâter une redingote tout
à fait honnête en l’ornant d’un passepoil. J’aurais volontiers nommé
un
dernier tailleur venu exposer ses articles au public. Mais lorsque j’ai essayé
d’ouvrir le pli d’aisance d’une des manches
de sa veste Norfolk, je n’y suis
pas arrivé. C’était un faux pli.
1 (Sauf mention contraire, toutes les notes sont du traducteur.) « Die Herrenmode », Neue
Freie Presse, Vienne, 22 mai 1898.
2 Die Deutschen : au sens large, tous les Allemands ethniques, donc aussi les Autrichiens.
Adolf Loos emploie fréquemment ce mot dans ce
sens.
3 Friedrich Theodor Vischer (1807-1887) : penseur allemand qui s’est notamment intéressé à
la philosophie de l’esthétique.
4 Karl Wilhelm Diefenbach (1851-1913) : peintre et réformateur social allemand. Il se fit
remarquer pour son mode de vie excentrique,
mettant en pratique les idées de la Lebensreform
(« réforme de la vie »), idéologie qui prônait le retour à la nature face aux ravages de
l’industrialisation.
5 Gustav Jäger (1832-1917) : hygiéniste allemand qui combattit l’utilisation de fibres
végétales dans les vêtements. Il mit
au point un vêtement de « protection sanitaire » en laine
qui porte son nom.
6 C’est Loos lui-même qui a conçu le salon de couture Ebenstein à Vienne en 1897. Il
s’agissait de sa première réalisation en
tant qu’architecte d’intérieur.
7 La maison Henry Poole est un célèbre tailleur de Savile Row établi depuis 1806.
8 À l’époque où Loos écrit cet article, l’utilisation du mot « smoking » est récente en
allemand (comme, d’ailleurs, en français).
Loos remarque ici sa transposition fautive : alors
que ce que nous appelons smoking correspond à ce que les Anglais nomment
une dinner jacket
(une veste moins formelle, que l’on porte dans les soirées où le frac n’est pas de rigueur), une
smoking jacket désigne en anglais une veste d’intérieur à col châle, le plus souvent faite en
velours de soie, que les hommes passaient
après dîner pour aller discuter au fumoir (smoking
room).
9 Veste de chasse.
10 Long manteau sans manches monté d’une cape, qui recouvre les bras tout en les laissant
libres de leurs mouvements.
11 Veste de sport inventée en Angleterre au xixe siècle. Généralement faite d’un tweed très
épais, elle a trois ou quatre boutons, des poches plaquées à la poitrine et aux
flancs, un pli
creux derrière et une ceinture qui marque la taille.
12 Goldman & Salatsch fut l’une des plus prestigieuses maisons d’habillement pour homme
d’Autriche-Hongrie. Son siège sur la
Michaeler Platz à Vienne, face au palais impérial de la
Hofburg, est la réalisation architecturale la plus célèbre d’Adolf Loos (1911).
13 Le cover-coat est un manteau long et droit, réalisé dans un twill léger qui le rend toutes
saisons. Le paletot est un manteau
spécifiquement hivernal fait de tweed, donc d’une laine plus
épaisse.
14 « Par-dessus d’hiver très long et ressemblant à une robe de chambre » (Leloir, 1961).
MAROQUINERIE ET ORFÈVRERIE1
1 « Lederwaren und Gold- und Silberschmiedekunst », Neue Freie Presse, Vienne, 15 mai
1898.
2 Loos vise ici la « Sécession viennoise ». Fondée en 1897, la Sezession était le pendant
autrichien du courant Art nouveau. Regroupée autour d’artistes comme Gustav Klimt, Josef
Hoffmann ou Otto
Wagner, elle avait pour objectif de réformer les arts appliqués en créant des
objets d’art accessibles à tous et en remettant
en valeur des métiers d’art et d’artisanat face à la
production industrielle. Si Loos rejoignait leur rejet du conservatisme
autrichien et certaines de
leurs idées « fonctionnalistes », il a entretenu toute sa vie la polémique avec les
« sécessionnistes »,
dont il critiquait la tendance trop ornementale et moquait les prétentions
artistiques.
3 Voir note précédente.
LES CHAPEAUX D’HOMME1
Lorsque dans ces colonnes a paru une réponse à l’article sur l’action de
l’Association des chapeliers2, on ne pouvait se représenter la portée
qu’aurait une telle publication. Voici venues les retombées. Les personnes
dont il
est question sont emportées par une colère contestatrice. Tout
homme qui a un désaccord estime naturel que son point de vue
aussi soit
imprimé. Les démentis se sont succédé en bonne et due forme. Ainsi un
certain « Monsieur S. » – actif depuis vingt
ans dans le secteur de la
chaussure !, comme il l’assure, point d’exclamation inclus, derrière sa
signature – « se permet-il
d’attirer l’attention sur les rectifications
suivantes ». S’ensuit une série de paragraphes débutant par : « C’est une
erreur
de… »
Peut-être les lecteurs sont-ils curieux de savoir ce que M. S. peut bien
rectifier. Piochons quelques points au hasard. C’est une erreur, affirme M.
S., de comparer l’alpinisme avec la pratique du vélo. Ou bien : c’est une
erreur de
dire que chaque étudiant avait son cheval. Ou encore : c’est une
erreur d’annoncer que les chaussures à lacets règneront sur
tout le prochain
siècle. Un autre monsieur, du nom de Sch., nous prie également de prêter
attention à ses remarques, par lesquelles
il espère pouvoir contribuer en
quelque chose à la relève de notre industrie cordonnière autrichienne,
condamnée au marasme.
Mais le pauvre homme s’y est fourvoyé. Il a pris
pour argent comptant la description enthousiaste que j’ai faite de
l’Association
des chapeliers, et polémique donc contre mon affirmation
selon laquelle l’alpinisme, la marche militaire et la bicyclette
ont popularisé
les chaussures à lacets ; il poursuit ensuite en ces termes : « Recherchons
alors d’autres causes. Je pense
ici à l’apparition des chaussures légères en
général : c’est elles qui ont donné à la chaussure à lacets une telle diffusion.
Les cordonniers ont imposé de force la chaussure à lacets, et, à partir d’elle,
ont fabriqué des modèles élégants. Le cordonnier
fait la mode. Récemment,
M. Loos nous racontait si joliment l’histoire de l’Association des
chapeliers, comment elle fait
la mode. Ici c’est la même chose. »
Or le public ne réagit pas forcément comme on veut. Le comique
involontaire est toujours amusant… mais nous ne sommes pas
dans un
journal satirique. Une autre lettre de réponse, qui défendait l’action de
l’Association des chapeliers, a proposé
un complément intéressant à mes
attaques et a beaucoup apporté à l’éclaircissement de la situation. Plus
efficacement encore
que mes arguments, plus radicalement que mes
propositions, elle a précipité pour toujours la pratique du vote à sa fin. Plus
efficacement et plus radicalement, car elle venait de l’industrie concernée.
À bon droit, le public a demandé ce qu’il en est du bon goût de cette
industrie qui édicte la forme
de nos chapeaux. Qu’il y ait des gens qui
tiennent pour suffisamment élégants les modèles de l’Association des
chapeliers,
personne ne l’a jamais contesté. Mais de quoi ces hommes ont-
ils l’air, ont-ils du goût ? La lettre de M. Kessler3 y a répondu avec
précision. Il tient pour en accord avec son goût le fait d’orner la doublure
des chapeaux du portrait de
Sa Majesté. Il invoque à cette occasion la
Bucovine, où l’on procède de manière similaire avec les images des grands
hommes
locaux. Les lecteurs savent donc maintenant à quoi s’en tenir. D’un
côté l’Angleterre, de l’autre la Bucovine !
Les lettres des messieurs du secteur de la chaussure, elles, ne clarifient
rien du tout. En gros, toutes arrivent à cette
conclusion que le succès de la
chaussure à lacets nuit à la cordonnerie autrichienne car elle prendrait la
place du bottillon,
étrangement tenu pour la chaussure nationale
autrichienne. Une telle accusation est naturellement intenable. En effet, les
gens auront toujours besoin de chaussures et de bottes, qu’elles soient
fabriquées selon tel ou tel autre procédé. Pour le
chausseur, cela revient au
même. Non pour le fabricant de lacets en caoutchouc, qui doit d’ailleurs se
préparer dès maintenant
à voir arriver d’autres types de produits. Aucun
homme ne peut œuvrer contre la marche du temps, et des millions de
quintaux
d’encre d’imprimerie ne pourront ressusciter le bottillon.
L’Exposition elle-même nous en fait la démonstration parfaite. Dans la
vitrine de la corporation cordonnière, qui présente
192 chaussures, nous ne
comptons que trois bottillons d’homme, trois bottillons de femme et trois
bottillons pour uniforme. La statistique est une langue qui ne pardonne pas.
Dans dix ans ? Même ces neuf derniers bottillons
auront disparu des étals.
Après les chausseurs anglais, ce sont nos cordonniers qui fabriquent les
meilleures chaussures du monde. On pourra certes
dénombrer d’excellents
chausseurs dans les différentes capitales européennes, mais la régularité et
la résistance de leurs
produits placent les Autrichiens, pour ce qui est des
chaussures, au-dessus de tous les autres peuples. Cela est d’autant
plus
étonnant quand on sait que nos chausseurs sont piètrement rémunérés pour
leurs ouvrages. Le public pèse de plus en plus
sur les prix, et l’artisan n’a
d’autre choix, s’il ne veut pas faire faillite, que de répercuter les pertes sur
les chaussures
elles-mêmes. Oh ! n’allez pas croire que cela fait plaisir au
cordonnier de mal travailler ! Mais vous l’y contraignez. Il
rêve du meilleur
cuir, de la meilleure façon. Comme il aimerait travailler à sa paire de
chaussures un jour de plus ! Comme
il regrette de devoir forcer ses aides à
travailler plus vite, sachant pertinemment qu’il faudra alors leur passer
maints
gestes fautifs ! Mais la vie est impitoyable. Il est obligé, obligé, et
encore obligé de maintenir les chaussures à ce prix,
et doit se résoudre à
contrecœur à se séparer du brave mais lent apprenti et à économiser sur les
matériaux. Ne serait-ce
tout d’abord que sur le fil retors4. Quant à vous,
pour qui c’est un plaisir sans pareil d’avoir extorqué à votre cordonnier un
rabais d’un florin, vous qui
n’avez pourtant aucun mal à dépenser ce florin
pour un meilleur fauteuil au théâtre dès lors que d’autres ont fait main basse
sur vos sièges habituels, vous êtes les pires ennemis de notre artisanat !
Négocier, marchander, faire baisser les prix sont des attitudes qui
découragent la production et la consommation.
Et malgré cela, quelles chaussures de qualité ! Nos chausseurs ont un fier
talent. Il y a en eux bien du génie et de la personnalité.
Il ne doit rien au
hasard que le plus grand poète et le plus grand philosophe que nous ait
offert l’artisanat fussent cordonniers.
Et combien de Hans Sachs5 et de
Jakob Böhme6 se sont assis et continuent de s’asseoir sur le tabouret du
cordonnier, qui ont ressenti et pensé les mêmes choses, mais
ne les ont
jamais écrites. Peut-être est-ce pour cette raison que le peuple allemand a de
si bons cordonniers : parce que
tout enfant talentueux et à la personnalité
affirmée – donc tout mauvais garnement, de l’avis des parents – s’est
entendu
dire en guise de menace : « Si tu n’obéis pas, tu iras en
apprentissage chez le cordonnier ! » Et parfois, il y est vraiment
allé.
Moins dignes d’éloge sont nos porteurs de chaussures. Nous avons
mentionné dans notre dernier article que le cordonnier devait se conformer
à la forme de pied de
la classe dominante. Les chaussures sont donc
conçues pour les membres de cette classe. Cependant, les gens qui n’ont pas
les pieds ainsi faits réclament à leur cordonnier les mêmes modèles. De là
les nombreux pieds estropiés, que l’on ne trouve
que chez ceux qui
n’appartiennent pas à la classe dominante. Mais au lieu de leur coquetterie,
ils en tiennent le chausseur pour responsable. La faiblesse du prix
ne lui
permet pas de tailler une forme en bois unique pour chaque client ; même
en réajustant une ancienne forme, il ne pourra pas réaliser de chaussure qui
suive parfaitement
la plante du pied et qui se déforme donc de manière
régulière. Cette exactitude des mesures de la semelle – sans doute l’un
des
problèmes les plus difficiles de la cordonnerie – n’est pas seulement
déterminée à partir des contours du pied, mais surtout
à partir de la façon de
marcher et des habitudes du client.
Les chausseurs qui proposent des chaussures plus chères en tirent
malheureusement un bénéfice plus faible que ceux qui prennent
d’emblée le
parti de confectionner des biens de moindre valeur. Prenons en exemple le
chausseur à dix-huit florins et le chausseur
à six florins. Le premier fait
tailler une forme qui, en comptant son propre travail, coûte six florins ; il
confie la réalisation
de la tige à un aide qu’il rémunère à hauteur de trois
florins par jour en raison de son excellente prestation ; et il dépense
pour la
tige trois florins de matériau. Le chausseur à six florins, lui, prend une
ancienne forme et reçoit la tige déjà prête
de la fabrique pour environ deux
florins. De cette manière, le premier débourse pour les chaussures soixante-
six pour cent
du prix total, le second trente-trois. On fait aussi trop peu pour
la conservation de nos souliers. On cherche à s’épargner
le coût de bons
embauchoirs, et l’on achète du même coup plus de chaussures que les gens
qui mettent chaque nuit ces formes
à leurs chaussures.
Depuis que l’on a banni les chaussures « contraires à la décence »,
l’Exposition nous en montre uniquement d’excellentes.
Qu’il ait fallu
recourir au motif d’indécence pour reléguer des chaussures qui n’avaient
d’autre but que celui d’attirer le
regard des visiteurs est lamentable. Il eût
été bien plus digne de ce stand qu’elles fussent refusées dès le début, pour
la
raison qu’elles étaient importables. Ce que nous voulons voir, c’est de
quoi nos chausseurs sont capables, de la vraie belle cordonnerie,
non leurs
talents pour la réclame. Mais un instant ! L’indécence est bien le lot de trois
paires : elles sont confectionnées
comme des chaussures de ville, ont des
semelles en peluche vertes et, parmi elles, une paire est même ornée de
dorures comme
les reliures de livres anciens.
Soyons rassurés. Nous autres Autrichiens entrerons dans le siècle à venir
d’un pied bien chaussé. Et il sera indispensable
d’être bien chaussé dans le
prochain siècle, puisque l’on devra marcher. C’est d’un œil prophétique que
Walt Whitman, l’Américain,
le plus grand poète enfanté par la culture
germanique depuis Goethe, a vu ce siècle. Il chante :
Non, nous ne faisons pas halte, cher vieux Walt Whitman. En nous coule
toujours le vieux sang germain prêt à la marche. Ce
sang qui est le nôtre,
nous allons l’employer à changer ce monde inerte et assis en un monde du
travail et de la marche.
Si, pour l’artiste, tous les matériaux ont une valeur égale, ils ne sont pas
tous propres aux mêmes fins. Pour répondre à
l’exigence de solidité, pour
construire selon l’utilité, il faut souvent recourir à des matériaux qui ne
répondent pas à la
véritable finalité du bâtiment. Mettons que l’architecte
ait la tâche de construire une maison chaude et confortable. Chauds
et
confortables sont les tapis. Il décide donc d’étendre un tapis sur le sol et
d’en suspendre quatre, qui formeront les murs.
Mais on ne peut pas
construire une maison avec des tapis. Aussi bien le tapis de sol que le tapis
mural requièrent une ossature
qui les maintiendra en place. Imaginer cette
ossature est la deuxième tâche de l’architecte.
Voilà la méthode exacte et logique que l’on devrait imposer par effraction
en architecture. C’est bien comme cela, dans cet
ordre, que l’humanité a
appris à bâtir. Au commencement était le vêtement. L’homme cherchait à se
protéger des intempéries,
à se protéger et à se réchauffer pendant son
sommeil. Il cherchait à se couvrir. La couverture est le plus ancien élément
architectural. Originellement, elle consistait en fourrures ou en tissages. On
connaît encore cette signification du mot dans nos langues germaniques2. Il
fallait bien attacher la couverture quelque part, si on voulait qu’elle puisse
protéger une famille. De là les murs sont
nés, qui permettaient de se
protéger latéralement. Et c’est ainsi que s’est développée la pensée
architecturale, dans l’humanité
comme dans l’individu.
Certains architectes procèdent autrement. Leur imagination ne forme pas
des espaces, mais des structures murales. Ce qui reste
ensuite à l’intérieur
des structures murales, ce sont les espaces. Et c’est seulement dans un
second temps que l’architecte
choisira pour ces espaces le style de
revêtement qui lui semble convenir.
L’artiste, lui, l’architecte, se laisse d’abord pénétrer par l’effet qu’il
envisage de produire, puis voit dans son esprit les espaces qu’il va créer.
L’effet qu’il veut exercer sur le spectateur – que ce soit la peur ou l’effroi,
comme pour un cachot ; la crainte de Dieu,
comme pour une église ; le
respect devant le pouvoir de l’État, comme pour un palais gouvernemental ;
la piété, comme pour
un tombeau ; le sentiment d’être chez soi, comme
pour une maison d’habitation ; la gaieté, comme pour une taverne – cet effet
doit naître du matériau et de la forme.
Chaque matériau parle son propre langage formel, et aucun ne peut
s’attribuer les formes d’un autre. Les formes se sont donc
dessinées à partir
de la façon dont on utilise et fabrique chaque matériau, elles existent avec le
matériau et par le matériau.
Aucun matériau ne tolère que l’on empiète sur
son registre formel. Si vous osez pourtant une telle intrusion, le monde vous
stigmatisera comme falsificateur. Or, l’art n’a rien à voir avec la
falsification, avec le mensonge. Ses voies sont certes jonchées d’épines,
mais elles sont pures.
On peut tout à fait couler le clocher de l’église Saint-Étienne dans du
ciment et l’installer à un endroit quelconque : mais
alors ce n’est plus une
œuvre d’art. Et ce qui vaut pour le clocher Saint-Étienne vaut aussi pour le
palazzo Pitti, et ce qui vaut pour le palazzo Pitti vaut aussi pour le palazzo
Farnese. On obtiendrait ainsi des bâtiments parfaitement dignes de
l’architecture de notre Ring3. Sa construction fut une triste époque pour
l’art, une triste époque pour les quelques artistes, parmi les architectes
d’alors,
que l’on a forcés à prostituer leur art à la faveur de la populace. Peu
ont eu la possibilité de croiser la route de maîtres
d’ouvrage qui acceptaient
de laisser une liberté suffisamment grande aux artistes. Schmidt a
certainement été le plus chanceux.
Après lui vient Hansen, qui trouvait au
moins quelque réconfort dans les ornements en terracotta. Le malheureux
Ferstel4 a sans aucun doute enduré de terribles souffrances, lui qui s’est vu
obligé à la dernière minute de fixer sur son université
des pans entiers de
façade en béton. Les autres architectes de l’époque, sans trop d’exceptions,
ne se sentaient pas concernés
par de telles sensibleries.
Les choses ont-elles changé ? Qu’on me fasse grâce de répondre à cette
question. L’imitation et les pasticheries règnent toujours
en architecture.
Oui, voire davantage. Ces dernières années, il s’est même trouvé des gens
pour s’ériger en défenseurs de
cette école – un anonyme, il est vrai ;
sûrement la chose ne lui semblait-elle pas suffisamment nette –, si bien que
maintenant
l’architecte pasticheur n’a même plus besoin de faire profil bas.
Aujourd’hui on cloue avec aplomb la construction sur la
façade et on
accroche les pierres angulaires, avec la légitimité que confère l’art, sous la
corniche. Approchez, approchez,
vous les hérauts de l’imitation, les
défenseurs des marqueteries peintes au pochoir, des fenêtres à vous
défigurer un chez-soi
et des pots à bière en papier mâché ! C’est un
nouveau printemps qui bourgeonne pour vous à Vienne, le sol vient d’être
amendé !
Le salon entièrement recouvert de tapis n’est-il pas lui-même une
imitation ? Après tout, les murs ne sont pas construits
en tapis !
Certainement. Mais ces tapis se donnent seulement pour des tapis, et non
pour des pierres murales, ils ne veulent
à aucun moment être pris pour
telles ; quand bien même ils les imitent par la couleur ou par le motif, ils
font clairement
apparaître leur nature de revêtement, d’habillage de la
surface murale. Ils réalisent ainsi leur finalité selon le principe
de
l’habillage.
Comme il en a déjà été fait état liminairement, l’habillage est plus ancien
que la construction. Les raisons d’être de l’habillage
sont multiples. Tantôt
il sert de protection contre les intempéries, comme la peinture à l’huile sur
le bois, le fer ou la
pierre, tantôt il répond à une préoccupation d’hygiène,
comme les carreaux émaillés qui recouvrent les murs dans les toilettes,
tantôt il est un moyen de produire un effet déterminé, comme quand on
peint les statues en couleur, qu’on tapisse les murs,
qu’on plaque le bois. Le
principe de l’habillage, qui a d’abord été énoncé par Semper5, s’étend
même à la nature. L’homme est revêtu d’une peau, l’arbre d’une écorce.
À partir de ce principe de l’habillage, j’établis également une loi bien
définie, que je nomme la loi de l’habillage. Ne craignez
rien. Les lois, c’est
ainsi que l’on dit communément, sont ce à quoi aboutit tout raisonnement.
Je sais bien que les vieux
maîtres de l’architecture s’en sont fort bien tirés
sans lois, c’est une évidence. Là où l’on ne connaît pas la contrefaçon,
il
serait inutile de mettre en place des lois la concernant. Lorsque les
matériaux utilisés pour le revêtement n’étaient pas
encore imités, il n’était
besoin d’aucunes lois. Mais maintenant, il me semble qu’il y a urgence.
Cette loi se formule ainsi : nous devons faire en sorte qu’il soit
impossible de confondre le revêtement avec le matériau
qu’il recouvre.
C’est-à-dire qu’on peut peindre le bois de toutes les couleurs, à l’exception
d’une seule : la couleur bois.
Dans une ville où la commission de
l’Exposition a décidé de peindre toutes les boiseries de la rotonde « façon
acajou », dans
une ville où l’on ne sait pas décorer le bois autrement qu’en
peignant des nervures, ce principe est fort osé. Il semble que
nous ayons
chez nous des gens qui trouvent ces pratiques raffinées. Puisque nos
voitures de chemin de fer et de tramway, comme
d’ailleurs toutes nos
voitures, proviennent d’Angleterre, ce sont ici les seuls objets en bois qui
donnent à voir des couleurs
éclatantes. J’ose ici affirmer qu’un tel wagon –
en particulier s’il appartient à une ligne électrique – me plaît plus avec
ses
couleurs vives que s’il avait été, comme le préconise le principe esthétique
de la Commission d’exposition, peint « façon
acajou ».
Mais même au fond de notre peuple sommeille, enfoui et enterré il est
vrai, le vrai sens de l’élégance. Autrement, l’administration
ferroviaire ne
pourrait tabler sur le fait que la couleur brune, donc la couleur bois, de la
troisième classe inspire le sentiment
d’une moindre élégance que la couleur
verte des première et deuxième classes.
J’ai fourni naguère à un confrère la preuve irréfutable de l’existence de
cette sensibilité inconsciente. Dans une maison
se trouvaient au premier
étage deux appartements. Le locataire de l’un des appartements avait fait, à
ses frais, repeindre
en blanc les croisées, jusqu’alors tavelées de brun. Nous
avons fait un pari qui consistait à conduire un nombre déterminé
de
personnes devant la maison et à leur demander, sans leur faire remarquer la
différence entre les fenêtres, de quel côté
habitait selon eux le sieur
Tartempion, et de quel côté habitait selon eux le prince de Liechtenstein,
deux partis que nous
avions pris la fantaisie d’installer dans la maison. À
l’unanimité, les gens interrogés ont donné le côté imitation nervures
pour le
côté Tartempion. Depuis, c’est simple, mon confrère peint beaucoup plus de
choses en blanc.
Peindre le bois en trompe-l’œil est bien sûr une invention de notre siècle.
Le Moyen Âge le peignait surtout en rouge vif,
la Renaissance en bleu, le
baroque et le rococo en blanc à l’intérieur, en vert à l’extérieur. Nos paysans
ont encore suffisamment
de bon sens pour continuer d’utiliser des couleurs
vives. S’il n’est pas ravissant de voir une ville dans le paysage avec ses
portes vertes et ses murs verts, des jalousies vertes sur un mur blanc
fraichement
crépi ! Hélas, quelques localités se sont déjà ralliées au goût de
notre vénérée Commission.
On se souvient probablement de l’indignation morale qui a éclaté dans le
camp des décorateurs pasticheurs quand les premiers
meubles décorés à la
peinture à l’huile sont arrivés d’Angleterre à Vienne. Ce n’était pas contre
la peinture qu’était dirigée
la colère de ces braves gens. À Vienne aussi on
avait peint du bois avec de la peinture à l’huile, pour autant qu’il s’agît
de
bois tendre. Mais que les meubles anglais osassent afficher des couleurs si
insolentes, au lieu d’imiter le bois dur, hérissait
le poil à ces drôles de
paroissiens. On a levé les yeux au ciel et on a fait mine de n’avoir au grand
jamais utilisé de peinture
à l’huile. Probablement ces messieurs pensent-ils
que l’on a tenu jusqu’ici leurs meubles et leurs constructions nervurés
pour
des pièces faites en bois dur…
Vu ce que je pense de nos peintres décorateurs, je suis certain que cette
corporation me remerciera si je ne cite aucun nom
à la sortie de son stand
d’exposition.
Adressé aux stucateurs, le principe de l’habillage se formulerait ainsi : le
stuc peut être revêtu de tous les ornements,
sauf un : celui du gros œuvre en
briques. On pourrait croire qu’il est inutile d’énoncer une telle évidence,
mais pas plus
tard qu’hier on m’a fait remarquer un bâtiment dont le mur
stucaté était en train d’être peint en rouge et orné de bandes
blanches
censées imiter les joints de mortier. Le motif tant apprécié dans les cuisines
qui imite la pierre de taille relève
de la même catégorie. En aucun cas les
matériaux servant à l’habillage, donc les papiers peints, la toile cirée, les
tentures
et les tapis, ne doivent chercher à représenter la brique ou la pierre
de taille. Maintenant on comprend aussi pourquoi les jambes de nos
danseuses sont si peu esthétiques dans leurs collants. On peut teindre les
dessous en maille dans toutes
les couleurs, sauf en couleur chair.
Un matériau de revêtement peut conserver sa couleur naturelle si le
matériau à habiller est de la même couleur. Ainsi puis-je
enduire du fer noir
de goudron, ou recouvrir du bois avec un autre bois (placage, marqueterie,
etc.) sans avoir à repeindre
le bois de revêtement ; je peux recouvrir un
métal d’un autre métal, par soudure ou par galvanisation. En revanche, le
principe
de l’habillage interdit de peindre un revêtement en imitant le
matériau du dessous. Par conséquent, le fer peut tout à fait
être goudronné,
peint à l’huile ou galvanisé, mais jamais être recouvert de couleur bronze ou
toute autre couleur métallique.
Ici méritent aussi d’être mentionnées les dalles en céramique et en pierre
artificielle, qui imitent tantôt le terrazzo (mosaïque),
tantôt les tapis persans.
Sans doute y a-t-il des gens auprès de qui ces dalles font illusion : les
fabricants doivent bien
savoir à qui ils s’adressent.
Mais non ! vous autres imitateurs, architectes pasticheurs, vous vous
trompez ! L’âme humaine est chose trop haute et trop
sublime pour que
vous puissiez la duper avec vos astuces minables. Vous tenez
indéniablement notre misérable corps à votre
merci. Il ne dispose que de
cinq sens pour satisfaire à l’impératif de distinguer l’authentique de
l’inauthentique. Et là
où les organes sensoriels de l’homme deviennent
impuissants, là commence votre domaine, là s’étend votre royaume. Mais
même
là, je le répète, vous vous trompez ! Allez donc peindre vos plus
belles marqueteries sur le plafond en lambris là-haut, tout
là-haut : nos
piètres yeux se feront peut-être berner ; mais la divine psyché ne s’y
méprendra pas. Dans vos plus belles marqueteries
peintes en trompe-l’œil
« à s’y méprendre », elle ne voit que de la peinture à l’huile.
1 « Das Prinzip der Bekleidung », Neue Freie Presse, Vienne, 4 septembre 1898.
2 Le mot allemand Decke (« couverture ») sert aussi à désigner le plafond.
3 Grand boulevard annulaire encerclant le centre-ville de Vienne, inauguré en 1865 par
Joseph Ier. Il est bordé de monuments importants de l’ancienne capitale impériale, dont Loos
moque ici l’architecture d’inspiration
néogothique ou néoclassique. En juillet 1898, dans son
article « La ville façon Potemkine », Loos voyait dans ce « mince ruban »
aux allures
somptueuses, séparant la vieille cité médiévale des faubourgs où vivait le peuple, le symbole
de l’hypocrisie
et de la faiblesse de la bourgeoisie libérale viennoise.
4 Friedrich von Schmidt (1825-1891), Theophil von Hansen (1813-1891) et Heinrich von
Ferstel (1828-1883) sont trois architectes
du Ring viennois. Le dernier a réalisé le bâtiment
principal de l’université de Vienne dont il est question ici.
5 Le « principe du revêtement » ou « de l’habillage » avait d’abord été énoncé par
l’architecte allemand Gottfried Semper (1803-1879),
qui cherchait à montrer les origines
communes du textile et de l’architecture. Les formes géométriques dessinées par l’assemblage
des pierres ou des briques seraient par exemple les résurgences des motifs des tissus anciens.
L’interprétation par Semper
du vêtement comme matériau de construction symbolique a
marqué tout particulièrement les arts appliqués viennois à partir
de la deuxième moitié du
e
xix siècle.
LE LINGE DE CORPS1
1 « Die Frau und das Haus », Neue Freie Presse, 3 novembre 1898.
2 Die Gartenlaube : « La Tonnelle », célèbre hebdomadaire familial allemand qui parut de
1853 à 1944. Quand Loos écrit cet article, le journal
connaît l’apogée de son succès avec un
tirage à plusieurs millions d’exemplaires.
3 The Studio : magazine illustré britannique consacré aux arts décoratifs qui parut de 1893 à
1964. Loos fait ici référence à son édition
américaine lancée en 1897.
4 William Morris (1834-1896) : homme de lettres et créateur britannique, qui s’illustra aussi
bien par ses travaux littéraires
et politiques que dans le domaine de la mode et du design.
5 Localité située au nord de l’actuelle République tchèque.
6 « Que cela continue ! »
Extraits des deux numéros de
DAS ANDERE
Culture occidentale
Le sellier
Il était une fois un maître sellier. Un artisan qui travaillait ferme et bien.
Il fabriquait des selles qui n’avaient rien
de commun avec les selles des
siècles précédents. Ni non plus avec les selles turques ou japonaises. Des
selles modernes donc.
Seulement, lui ne le savait pas. Il savait simplement
qu’il faisait des selles. Aussi bien qu’il le pouvait.
Au même moment, on vit apparaître en ville un curieux mouvement. On
l’appelait la Sécession. Elle voulait qu’on ne fabrique
plus que des objets
fonctionnels qui soient modernes.
Lorsque le maître sellier en eut vent, il prit sa meilleure selle et l’amena
chez l’un des chefs de file de la Sécession.
Il lui dit alors : « Monsieur le professeur » – il l’était en effet, car les
meneurs de ce mouvement furent faits professeurs
sur le champ –
« Monsieur le professeur ! J’ai entendu parler de vos revendications. Moi
aussi, je suis un homme moderne.
Moi aussi, j’aimerais travailler de façon
moderne. Dites-moi : cette selle est-elle moderne ? »
Le professeur examina la selle et lui tint un long discours, dont il ne saisit
guère que les mots : « art en artisanat »,
« individualité », « modernes »,
« Hermann Bahr4 », « Ruskin », « arts appliqués », etc., etc. Mais la
conclusion tomba : non, ce n’était pas une selle moderne.
C’est humilié que le sellier sortit de là. Il réfléchit, travailla et réfléchit de
nouveau. Mais aussi dur s’ingéniait-il
à répondre aux hautes exigences du
professeur, il finissait toujours par confectionner la selle qu’il faisait déjà
avant.
Affligé, il s’en retourna chez le professeur. Il laissa éclater sa peine. Le
professeur regarda les tentatives de l’artisan
et déclara : « Mon cher, le
problème est que vous n’avez pas d’imagination. »
Et c’était vrai. Il n’en possédait visiblement pas. De l’imagination ! Il
ignorait totalement qu’il en fallait pour faire
des selles. S’il en avait eu, il
serait sûrement devenu peintre ou sculpteur. Ou poète, ou compositeur.
Mais le professeur dit : « Revenez demain. Si nous existons, c’est bien
pour encourager l’artisanat et l’inséminer d’idées
nouvelles. Je vais voir ce
qu’on peut faire pour vous. »
Et dans sa classe, il proposa le sujet de concours suivant : élaboration
d’un projet de selle.
Le lendemain, le sellier revint. Le professeur était en mesure de lui
présenter quarante-neuf projets de selle. Il n’avait,
c’est vrai, que quarante-
quatre élèves, mais il avait lui-même réalisé cinq dessins. Ils devaient
paraître dans le Studio5. Car il y avait en eux du caractère.
Le sellier considéra les dessins un long moment, pendant que ses yeux
s’éclaircissaient de plus en plus.
Puis il dit : « Monsieur le professeur ! Si je m’y entendais aussi mal que
vous en équitation, en chevaux, en cuir et en artisanat,
alors moi aussi
j’aurais votre imagination. »
Il vit maintenant heureux et l’esprit tranquille.
Et il fait des selles. Des selles modernes ? Il ne le sait pas. Des selles,
c’est tout.
Les vêtements
Vêtements
F. R. – La Neue Freie Presse a évidemment raison quand elle affirme que
les Viennois sortent à l’opéra en frac et cravate noire. On porte la cravate
noire uniquement avec une tenue de soirée moins formelle, que l’on nomme
fautivement
« smoking » à Vienne8. Là aussi des impairs sont commis. On a
en effet plus de chance de rencontrer à Vienne un homme en « smoking »
avec une cravate
blanche qu’un homme ayant noué une cravate blanche en
complément d’un frac. Récemment, j’ai vu au théâtre de la Josefstadt
la
chose suivante : un « smoking » avec une chemise de couleur. Vous
m’objecterez peut-être qu’il devait s’agir d’un cordonnier.
Eh bien, vous
seriez surpris d’apprendre son nom.
(…)
Dialogue
— Votre journal est d’une qualité indéniable, mais son titre est un acte
d’insolence !
— Pourquoi ? Je ne comprends pas…
— Eh bien, cette histoire de culture occidentale. Comme si elle nous
faisait défaut !
— Permettez-moi de vous poser une question incidente : tenez-vous
l’usage du papier hygiénique, ou même, pour m’exprimer plus
clairement,
du papier en général, pour un élément primordial de la culture occidentale ?
— Bien entendu.
— Et encore une question : un Zoulou pourrait-il prétendre, s’il se
coiffait d’un haut-de-forme, être habillé selon les principes
de la culture
occidentale ?
— Bien sûr que non, je dirais qu’il lui manque encore quatre-vingts pour
cent pour être vêtu de manière civilisée.
— Excellent. Voyez maintenant : quatre-vingts pour cent de la population
autrichienne ne connaît pas l’usage du papier que
nous avons évoqué.
— Est-ce possible ?
— C’est un fait. Tous les officiers qui sont en service avec leur troupe
peuvent vous le confirmer.
— Peut-être, mais vous ne convertirez pas ces quatre-vingts pour cent
avec votre journal. Vous ne pouvez pas les atteindre.
Vous n’allez tout de
même pas soutenir que les lecteurs de ce journal ont quelque chose à
apprendre en matière de culture
occidentale ?
— Bien sûr que non. Je veux cependant susciter chez eux l’envie de me
rejoindre dans mon entreprise. On m’a rapporté que les
convives se
plaignaient souvent dans les restaurants de ce qu’on ne leur fournît pas de
cuiller à sel. C’est un début9.
— Toujours est-il que, ce faisant, vous nuisez à la réputation de
l’Autriche et vous finirez par chasser les quelques rares
étrangers qui
daignent encore vivre chez nous.
— Ça ne fait rien. Quand quelqu’un souffre de mauvaise haleine, on doit
le lui faire savoir. Il peut y remédier. Cela vaut
mieux que de contourner le
sujet.
1 Das Andere, Vienne, 1903. Voir introduction, p. 10. Nous proposons ici des extraits choisis
sur le thème du vêtement, des accessoires
et de l’art de vivre.
2 Le baron Christoff von Drecoll ouvrit une maison de couture à Vienne en 1902. Il habillait
les dames de la cour impériale.
Il ouvrira une succursale à Paris en 1905, qui deviendra ensuite
la maison Agnès-Drecoll, sise place Vendôme. Elle fermera
en 1963.
3 « Charité bien ordonnée commence par soi-même. »
4 Hermann Bahr (1863-1934) : écrivain autrichien à la mode dans les années 1900. Karl
Kraus, ami proche de Loos, le critiquait
sévèrement et l’appelait, en guise de vexation, le
« monsieur de Linz » (sa ville d’origine).
5 Voir note 1, p. 77.
e
6 M. Würzl & Fils : prestigieux magasin viennois du début du xx siècle proposant divers
articles de maroquinerie et autres accessoires de luxe.
7 Quartier pauvre de Londres.
8 Voir note 1, p. 19.
9 Voir « L’art de resaler », p. 133.
ÉLOGE DU TEMPS PRÉSENT1
1 « Von der Sparsamkeit », Wohnungskultur, Brno, 1924. Cet article a été élaboré par
Bohuslav Markalous, le directeur de la revue Wohnungskultur, à partir de différents entretiens
avec Adolf Loos. Cela explique son caractère fragmentaire.
2 Toponymes tchèques.
3 Centres culturels allemand et tchèque.
4 Loos fait référence à la chaise no 14 de l’ébéniste Michael Thonet (1796-1871). Cette
célèbre chaise de type bistrot, avec assise circulaire en osier, rencontra
un succès éclatant dès
sa création en 1859 pour la simplicité de ses lignes et sa praticité.
LES CHEVEUX COURTS
1 « Kurze Haare : Beantwortung einer Rundfrage », Neue Freie Presse, Vienne, 1928.
L’ART DE RESALER1
C’est là un fait étrange : nous sommes parfois davantage comblés par des
petites choses sans valeur de la vie quotidienne
que par des objets précieux.
Inversement, nous pouvons être vivement affectés par la perte d’un bon
couteau de poche, ou d’un
stylo à plume qui fonctionnait vraiment et que
l’on avait bien en main.
J’ai moi aussi une petite babiole qui fait mon bonheur. Il s’agit d’une
salière en bois tout ce qu’il y a de plus banal, une
salière de la nouvelle
sorte à vrai dire, laquée blanc, dont je ne peux me passer à aucun repas.
Telle un petit champignon,
elle est plantée là sur la table, prête à remplir son
office. Au contraire de ce qui se passait jadis, j’espère toujours en
secret
que les plats seront trop peu salés, afin que je puisse avoir recours à ma
petite commise de cuisine. Ce n’est pas
le pot à sel d’autrefois, duquel il
fallait prélever le sel avec son couteau car d’ordinaire la cuiller manquait ;
ce n’est
pas non plus – Dieu merci – une de ces salières déjà devenues
d’usage courant qui ne donnent généralement pas assez de sel
au début et en
donnent trop ensuite ; elle est précisément ce à quoi une salière peut aspirer
de mieux. Comme je l’ai dit
plus haut, cette salière est en bois, matériau qui
prévient l’humidité naturelle du sel. Avec elle, fini les paquets de sel,
fini
les accidents de plats trop salés : sa tête, que l’on actionne selon son besoin,
ne se contente pas de répandre la quantité
de sel souhaitée, mais encore
moud et pulvérise les grumeaux séchés. Et cette petite chose pratique et
dispensatrice de plaisir
coûte 1, 60 schillings.
ET AUTRES QUESTIONS
D’HABILLEMENT1
En guise d’introduction :
1 « Antworten von Adolf Loos », Neues 8 Uhr-Blatt, Vienne, du 14 juin au 18 octobre 1919.
Ces « réponses d’Adolf Loos » ont d’abord été reprises partiellement, sans suivre
l’ordre
chronologique, dans Malgré tout (1931) sous le titre « Réponses à des questions du public »
(« Antworten auf Fragen aus dem Publikum »). L’introduction « l’allemand
de valet de
chambre » date de cette publication ; c’est en fait une réécriture par Adolf Loos du texte qu’il
avait écrit pour
clore sa collaboration au Neues 8 Uhr-Blatt, dans le numéro du 25 octobre
1919. Les autres réponses ont été publiées pour la première fois en volume dans Die
Potemkinsche Stadt (1983). Nous reproduisons ici pour la première fois l’intégralité de cette
« boîte aux questions » en rétablissant l’ordre
dans lequel elle a paru dans la presse viennoise.
Le 7 juin, pour annoncer le début de cette rubrique hebdomadaire, le journal
publiait cet avis :
ADOLF LOOS VOUS RÉPOND
En 1903 a paru à Vienne un journal écrit par Adolf Loos. Il s’appelait Das Andere et avait
un sous-titre provocateur : journal pour l’introduction de la culture occidentale en Autriche.
La première page annonçait une boîte aux questions sur le thème du vestiaire masculin.
C’est finalement aux questions que
lui enverront nos lecteurs qu’il répondra chaque samedi.
Nous reproduisons ici le texte qui présentait cette rubrique.
Suivait le texte intitulé « Les vêtements » que Loos avait écrit pour Das Andere (p. 92 dans
ce volume).
2 Col des Alpes autrichiennes. Voir note 1, p. 28.
3 « Dame Vindobona » : personnification de Vindobona, nom que portait l’ancien
établissement romain à l’emplacement actuel de
Vienne.
4 Les brogues, elles, sont à bout golf, le plus souvent fleuri.
5 La semaine précédente, au lieu des réponses d’Adolf Loos, le Neues 8 Uhr-Blatt
reproduisait son texte de 1908 intitulé « Culture » (p. 105 dans ce volume), qui annonce
l’avènement de l’« homme en salopette ».
6 Biedermeier : on désigne ainsi la période qui s’étend du congrès de Vienne (1815) à la
révolution de Mars 1848 dans les États de la Confédération
germanique.
7 Voir note 14 p. 14.
8 Voir note 1, p. 47.
9 Voir « L’uniforme anglais », p. 109.
10 En français dans le texte.
11 En 1898 déjà, Loos moquait le goût des Allemands pour la « beauté » dans les vêtements
(voir p. 14).
12 C’est-à-dire l’« homme en bleu de travail ».
13 Le « Journal des travailleurs », fondé en 1889, était le principal medium des idées
socialistes en Autriche.
14 Une « exposition de mode » (Modeausstellung) venait d’ouvrir le 17 août 1919 dans le
parc d’attractions du Prater à Vienne ; la plupart des maisons de couture de la
ville y
exposaient leurs articles.
15 L’« Atelier Viennois » était une coopérative de production fondée en 1903 et fermée en
1932. Il mettait en application les
idées de la Sécession (voir note 1, p. 24).
16 « Vom Gehen, Stehen, Sitzen, Liegen, Schlafen, Essen, Trinken », conférence tenue le
4 février 1911 et dont le texte fut publié
le 10 mars suivant dans le Neues Wiener Journal. Il
n’a jamais été traduit en français, mais il est en fait la réécriture de l’article « Céramique »
(« Keramika ») que Loos
avait écrit dans le journal berlinois Die Zukunft en 1904 et que l’on
trouvera dans Malgré tout, éd. Champ Libre, 1979, p. 180.
17 « Wohnen lernen ! » Nous n’avons pas retrouvé la date où Loos a tenu cette conférence ;
le texte a cependant été repris en
article dans le Neues Wiener Tagblatt du 15 mai 1921. On le
trouvera également dans Malgré tout, p. 279.
18 Le Chesterfield est une pièce classique du vestiaire masculin : c’est le manteau de ville
par excellence. Long et droit, il
est généralement réalisé dans un tissu foncé à chevrons.
19 Le Konzerthaus de Vienne est une prestigieuse salle de concert, qui fut ouverte en 1913.
Dans la collection Les Cahiers Rouges
Lou
Andreas- Friedrich Nietzsche à travers ses oeuvres
Salomé
Jacques
Les Enfants naturels ■ L’Opéra du monde
Audiberti
François L’Apprenti sorcier ■ Domme ou l’essai d’occupation ■ Un voyage au
Augiéras mont Athos ■ Le Voyage des morts
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Barbey Les Quarante médaillons de l’Académie
d’Aurevilly
Bayon Haut fonctionnaire
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La Décharge ■ Josée dite Nancy ■ L’enfant chat
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Berl autres grâces
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La Vallée des roses
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Charles
Contes de la folie ordinaire ■ Journal d’un vieux dégueulasse ■ Le
Bukowski
Postier ■ Souvenirs d’un pas grand-chose ■ Women
Truman
Prières exaucées
Capote
Blaise Hollywood, la mecque du cinéma ■ Moravagine ■ Rhum, l’aventure
Cendrars de Jean Galmot ■ La Vie dangereuse
Paul
Correspondance
Cézanne
André
L’Auberge de l’abîme ■ Le Crime des justes
Chamson
Jacques Ce que je voulais vous dire aujourd’hui ■ Claire ■ Lettres à Roger
Chardonne Nimier ■ Propos comme ça ■ Les Varais ■ Vivre à Madère
Edmonde
Charles- Stèle pour un bâtard
Roux
La Corrida du 1er mai ■ Les Enfants terribles ■ Essai de critique
Jean
indirecte ■ Journal d’un inconnu ■ Lettre aux Américains ■ La
Cocteau
Machine infernale ■ Portraits-souvenir ■ Reines de la France
Pierre
Les Filles du Calvaire
Combescot
Jean-Louis
La Chine m’inquiète
Curtis
Léon
Les Morticoles ■ Souvenirs littéraires
Daudet
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Lettres
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Delteil Les Poilus ■Sur le fleuve Amour
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Dhôtel
Alexandre
Catherine Blum ■ Jacquot sans Oreilles
Dumas
Oriana Un homme
Fallaci
Dominique
Porporino ou les mystères de Naples ■ L’Étoile rose
Fernandez
Ramon Messages ■ Molière ou l’essence du génie comique ■ Philippe
Fernandez Sauveur ■ Proust
A. Ferreira
Forêt vierge ■ La Mission ■ Terre froide
de Castro
Francis
Scott Gatsby le Magnifique■ Un légume
Fitzgerald
Georges
La Négresse blonde suivie de Le Géranium Ovipare
Fourest
Bernard
Le Dernier des Mohicans
Frank
Max Frisch Stiller
Matthieu
Les Vitamines du vinaigre
Galey
Claire
Une fille cousue de fil blanc
Gallois
L’Automne du patriarche ■ Chronique d’une mort annoncée ■ Des
Gabriel feuilles dans la bourrasque ■ Des yeux de chien bleu ■ Les
García Funérailles de la Grande Mémé ■ L’Incroyable et triste histoire de la
Márquez candide Erendira et de sa grand-mère diabolique ■ La Mala Hora ■
Pas de lettre pour le colonel ■ Récit d’un naufragé
Colline ■ Jean le Bleu ■ Mort d’un personnage ■ Naissance de
Jean Giono l’Odyssée ■ Que ma joie demeure ■ Regain ■ Le Serpent d’étoiles ■
Un de Baumugnes ■ Les Vraies richesses
Adorable Clio ■ Bella ■ Eglantine ■ Lectures pour une ombre ■ La
Jean
Menteuse ■ Siegfried et le Limousin ■ Supplément au voyage de Cook
Giraudoux
■ La guerre de Troie n’aura pas lieu
Nadine
Le Conservateur
Gordimer
Benoîte
Ainsi soit-elle, précédé de Ainsi soient-elles au XXIe siècle
Groult
Jean-Noël
Israéliennes
Gurgand
Kléber Adios ■ L’Été finit sous les tilleuls ■ Magnolia-Jules/L’école des
Haedens parents ■ Une histoire de la littérature française
Daniel
Pays parisiens
Halévy
Louis
Maria Chapdelaine
Hémon
Pierre Histoires confidentielles
Herbart
Ingres Ecrits sur l’art
Henry
Les Journaux
James
Pascal
Guerre après guerre suivi de La guerre à neuf ans
Jardin
Alfred Jarry Les Minutes de Sable mémorial
Marcel
Les Argonautes ■ Elise architecte
Jouhandeau
Philippe
Jullian,
Les Morot-Chandonneur
Bernard
Minoret
Ernst
Rivarol et autres essais ■ Le contemplateur solitaire
Jünger
Franz Kafka Journal ■ Tentation au village
Comte
Cahiers 1918-1937
Kessler
Jean de La
Le Centaure de Dieu
Varende
Jean de La
Ville de L’Horizon chimérique
Mirmont
Armand
Maupassant, le Bel-Ami
Lanoux
Jacques
Croire à Noël ■ Le Petit Canard
Laurent
Napoléon – Croquis de l’épopée ■ La Révolution française ■
G. Lenotre
Versailles au temps des rois
Malcolm
Sous le volcan
Lowry
Maurice
Le Trésor des humbles
Maeterlinck
Norman Les Armées de la nuit ■ Pourquoi sommes-nous au Vietnam ? ■ Un
Mailer rêve américain
Antonine
Les Cordes-de-Bois ■ Pélagie-la-Charrette
Maillet
Curzio
Technique du coup d’État
Malaparte
Luigi
Saut de la mort ■ Le Serpent cannibale
Malerba
Eduardo
La Barque de glace
Mallea
Clara ...Et pourtant j’étais libre ■ Nos vingt ans
Malraux
Heinrich
Professeur Unrat (l’Ange bleu) ■ Le Sujet!
Mann
Klaus Mann La Danse pieuse ■ Mephisto ■ Symphonie pathétique ■ Le Volcan
Thomas
Altesse royale ■ Les Maîtres ■ Mario et le magicien ■ Sang réservé
Mann
Claude
Aimer de Gaulle ■ André Breton
Mauriac
Les Anges noirs ■ Les Chemins de la mer ■ De Gaulle ■ Le Mystère
François
Frontenac ■ La Pharisienne ■ La Robe prétexte ■ Thérèse
Mauriac
Desqueyroux
Jean
Mort du général de Gaulle
Mauriac
Ariel ou la vie de Shelley ■ Le Cercle de famille ■ Choses nues ■ Don
André
Juan ou la vie de Byron ■ René ou la vie de Chateaubriand ■ Les
Maurois
Silences du colonel Bramble ■ Tourguéniev ■ Voltaire
Frédéric
Mireille/Mirèio
Mistral
Thyde
La Rue courte
Monnier
Anatole de
Les Veuves abusives
Monzie
George
Mémoires de ma vie morte
Moore
Paul Air indien ■ Bouddha vivant ■ Champions du monde ■ L’Europe
Morand galante ■ Lewis et Irène ■ Magie noire ■ Rien que la terre ■ Rococo
Abdul Bashur ■ La Dernière escale du tramp steamer ■ Le Dernier
Alvaro
Visage ■ Ilona vient avec la pluie ■ La Neige de l’Amiral ■ Un bel
Mutis
morir
V.S. Crépuscule sur l’islam ■ L’Énigme de l’arrivée ■ Le Masseur
Naipaul mystique
Irène L’Affaire Courilof ■ Le Bal ■ David Golder ■ Les Mouches d’automne
Némirovsky précédé de La Niania et Suivi de Naissance d’une révolution
Gérard de
Poèmes d’Outre-Rhin
Nerval
Harold
Journal 1936-1942
Nicolson
Luis Nucéra Mes ports d’attache
Sandro
Poésies ■ Un peu de fièvre
Penna
Annie
Cartes postales ■ Les Pieds dans la boue ■ Noeuds et dénouement
Proulx
Marcel Albertine disparue
Proust
Raymond
Le Diable au corps suivi de Le bal du comte d’Orgel
Radiguet
Charles-
Aline ■ Derborence ■ Le Garçon savoyard ■ La Grande peur dans la
Ferdinand
montagne ■ Jean-Luc persécuté ■ Joie dans le ciel
Ramuz
Paul
Reboux,
A la manière de...
Charles
Muller
Christine de
Boy ■ Le Petit matin
Rivoyre
Christiane
Archaos ■ Printemps au parking ■ Le Repos du guerrier
Rochefort
Auguste
L’Art
Rodin
Daniel
L’Enthousiasme
Rondeau
Henry Roth L’Or de la terre promise
Jean-Marie
Ils ont choisi la nuit
Rouart
Robert de
Passé pas mort
Saint Jean
Sainte-
Mes chers amis…
Beuve
Claire
Sainte- Le Dimanche des Rameaux
Soline
Victor
Les Derniers temps ■ S’il est minuit dans le siècle
Serge
Ignazio
Fontarama ■ Le Secret de Luc ■ Une poignée de mûres
Silone
Alexandre
L’Erreur de l’Occident
Soljenitsyne
Osvaldo Jamais plus de peine ni d’oubli ■ Je ne vous dis pas adieu... ■
Soriano Quartiers d’hiver
Roger
Chaque homme est lié au monde ■ Portrait de l’aventurier
Stéphane
Pierre
Ecrits du temps de la guerre (1916-1919) ■ Genèse d’une pensée ■
Teilhard de
Lettres de voyage
Chardin
Mark Twain Quand Satan raconte la terre au Bon Dieu
Roger Bon pied bon oeil ■ Les Mauvais coups ■ Le Regard froid ■ Un jeune
Vailland homme seul
Giorgio
Vies des artistes ■ Vies des artistes, 2
Vasari
Vercors Sylva
Frédéric
Bébert, le chat de Louis-Ferdinand Céline
Vitoux
Ambroise
En écoutant Cézanne, Degas, Renoir
Vollard
Kurt
Galápagos ■ Barbe-Bleue
Vonnegut
Kenneth
Lettres de Gourgounel ■ Terre de diamant
White
Oscar Wilde ■ L’Importance d’être Constant
Jean-Didier
Diane Lanster ■ La Leçon inaugurale
Wolfromm
Émile Zola Germinal
Brûlant secret ■ Le Chandelier enterré ■ Erasme ■ Fouché ■ Marie
Stefan
Stuart ■ Marie-Antoinette ■ La Peur ■ La Pitié dangereuse ■
Zweig
Souvenirs et rencontres ■ Un caprice de Bonaparte
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