Avis 2:15
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I - La demande d’avis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
II - L’accord envisagé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
Transparence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
FR
ECLI:EU:C:2017:376 1
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
«Avis rendu en vertu de l’article 218, paragraphe 11, TFUE — Accord de libre-échange entre l’Union
européenne et la République de Singapour — Accord “nouvelle génération” négocié après l’entrée en
vigueur des traités UE et FUE — Compétence pour conclure l’accord — Article 3, paragraphe 1,
sous e), TFUE — Politique commerciale commune — Article 207, paragraphe 1, TFUE — Échanges de
marchandises et de services — Investissements étrangers directs — Marchés publics —
Aspects commerciaux de la propriété intellectuelle — Concurrence — Commerce avec les États tiers et
développement durable — Protection sociale des travailleurs — Protection de l’environnement —
Article 207, paragraphe 5, TFUE — Services dans le domaine des transports — Article 3, paragraphe 2,
TFUE — Accord international susceptible d’affecter des règles communes ou d’en altérer la portée —
Règles de droit dérivé de l’Union en matière de libre prestation des services dans le domaine des
transports — Investissements étrangers autres que directs — Article 216 TFUE — Accord nécessaire
pour réaliser l’un des objectifs des traités — Libre circulation des capitaux et des paiements entre États
membres et États tiers — Succession de traités en matière d’investissements — Remplacement des
accords d’investissement entre des États membres et la République de Singapour —
Dispositions institutionnelles de l’accord — Règlement des différends entre investisseurs et États —
Règlement des différends entre les parties»
ayant pour objet une demande d’avis au titre de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, introduite le
10 juillet 2015 par la Commission européenne,
— pour la Commission européenne, par MM. U. Wölker, B. De Meester et R. Vidal-Puig ainsi que par
Mme M. Kocjan, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement belge, par Mmes J. Van Holm et C. Pochet, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et E. Ruffer ainsi que par Mme M. Hedvábná,
en qualité d’agents,
— pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et B. Beutler ainsi que par Mme K. Stranz, en
qualité d’agents,
2 ECLI:EU:C:2017:376
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— pour l’Irlande, par Mmes E. Creedon et J. Quaney, en qualité d’agents, assistées de Mme S. Kingston,
BL,
— pour le gouvernement hellénique, par MM. G. Karipsiadis et K. Boskovits ainsi que par
Mme S. Chala, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement espagnol, par Mme S. Centeno Huerta et M. M. Sampol Pucurull, en qualité
d’agents,
— pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues, D. Colas, F. Fize et D. Segoin, en qualité
d’agents,
— pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino
et de Mme C. Colelli, avvocati dello Stato,
— pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér, G. Koós et M. Bóra ainsi que par
Mme M. M. Tátrai, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman, M. Gijzen et C. Schillemans ainsi que
par M. J. Langer, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement roumain, par M. R.-H. Radu ainsi que par Mmes R.-M. Mangu, A. Voicu et
E. Gane, en qualité d’agents,
— pour le Parlement européen, par MM. R. Passos, A. Neergaard, A. Auersperger Matić et J. Etienne,
en qualité d’agents,
ECLI:EU:C:2017:376 3
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AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
— pour le Conseil de l’Union européenne, par Mmes S. Boelaert et R. Wiemann ainsi que par
M. B. Driessen, en qualité d’agents,
rend le présent
Avis
I - La demande d’avis
1. La demande d’avis soumise à la Cour par la Commission européenne est libellée comme suit :
« L’Union européenne a-t-elle la compétence requise pour signer et conclure seule l’accord de
libre-échange avec la République de Singapour ? Plus précisément :
— Y a-t-il des dispositions de l’accord qui relèvent de la compétence exclusive des États membres ? »
2. La Commission a joint à sa demande d’avis le texte de l’accord tel qu’envisagé le 10 juillet 2015, date
de l’introduction de cette demande.
II - L’accord envisagé
4. L’autorisation de négociation ainsi émise par le Conseil prévoyait que, dans l’hypothèse où il ne serait
pas possible de parvenir à un accord avec l’ensemble des pays membres de l’ANASE, le Conseil
pourrait autoriser la Commission à négocier dans un cadre bilatéral.
5. Le 22 décembre 2009, le Conseil a ainsi autorisé la Commission à négocier de manière bilatérale avec
la République de Singapour.
6. Les négociations avec cet État tiers ont débuté au mois de mars 2010 et ont été conduites en
consultation avec le Comité de la politique commerciale, faisant fonction de comité spécial désigné
par le Conseil au titre de l’article 207, paragraphe 3, et de l’article 218, paragraphe 4, TFUE.
7. Au mois de février 2011, la Commission a adressé une recommandation au Conseil pour qu’il modifie
les directives de négociation afin d’y inclure la protection des investissements. Au mois de septembre
2011, le Conseil a décidé de compléter en ce sens ces directives.
8. Les négociations ont été clôturées, au mois de décembre 2012, sur l’ensemble des chapitres, à
l’exception de celui portant sur la protection des investissements. Les négociations sur ce dernier
chapitre se sont achevées au mois d’octobre 2014.
4 ECLI:EU:C:2017:376
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9. Le 26 juin 2015, la Commission a fait savoir au Comité de la politique commerciale que l’accord
envisagé avait été paraphé.
— le chapitre 3 porte sur les mesures antidumping, les mesures compensatoires et les mesures de
sauvegarde ;
— les chapitres 4 et 5 concernent les obstacles non tarifaires aux échanges de marchandises résultant
de réglementations techniques et de mesures sanitaires et phytosanitaires ;
— le chapitre 7 concerne les obstacles non tarifaires au commerce et aux investissements dans le
domaine de la production d’énergie renouvelable ;
— le chapitre 14 fixe des règles de transparence applicables aux matières couvertes par d’autres
chapitres ;
11. En raison des divergences d’opinion apparues lors des consultations au sein du Comité de la politique
commerciale sur la nature de la compétence de l’Union pour conclure l’accord envisagé, la
Commission a introduit la présente demande d’avis.
12. La Commission estime que l’Union dispose de la compétence exclusive pour signer et conclure l’accord
envisagé.
ECLI:EU:C:2017:376 5
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AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
13. Elle soutient, d’abord, que toutes les dispositions de cet accord, à la seule exception de celles
concernant les services de transport transfrontière et les investissements étrangers autres que directs,
relèvent de la politique commerciale commune telle que définie à l’article 207, paragraphe 1, TFUE et,
partant, de la compétence exclusive de l’Union au titre de l’article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE.
14. Elle fait valoir, ensuite, que les services de transport transfrontière relèvent de la compétence exclusive
de l’Union visée à l’article 3, paragraphe 2, TFUE, eu égard aux règles de droit dérivé de l’Union qui
sont en vigueur dans ce domaine.
16. Elle estime, enfin, que, dans la mesure où l’accord envisagé porte sur des investissements étrangers
autres que directs, l’Union dispose également d’une compétence exclusive au titre de l’article 3,
paragraphe 2, TFUE, en raison du chevauchement entre, d’une part, les engagements contenus dans
cet accord au sujet de ces investissements et, d’autre part, l’interdiction de restrictions aux
mouvements des capitaux et aux paiements entre les États membres et les États tiers énoncée à
l’article 63 TFUE.
17. Le Parlement européen souligne que l’accord envisagé est l’un des premiers accords de libre-échange
bilatéraux dits de « nouvelle génération », à savoir un accord de commerce qui contient, outre les
dispositions traditionnelles relatives à la réduction des droits de douane et des obstacles non tarifaires
affectant les échanges de marchandises et de services, des dispositions dans diverses matières liées au
commerce, telles que la protection de la propriété intellectuelle, les investissements, les marchés
publics, la concurrence et le développement durable.
18. Eu égard au libellé des dispositions des traités UE et FUE sur l’action extérieure de l’Union en général
et sur la politique commerciale commune en particulier, le Parlement indique qu’il partage les
appréciations de la Commission et considère, à l’instar de cette dernière, que l’accord envisagé relève
de la compétence exclusive de l’Union.
6 ECLI:EU:C:2017:376
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19. En revanche, le Conseil ainsi que l’ensemble des États membres ayant présenté des observations à la
Cour soutiennent que certaines dispositions de l’accord envisagé ne relèvent pas de la compétence
exclusive de l’Union. L’accord aurait les caractéristiques d’un « accord mixte ».
20. Les dispositions relatives au domaine des transports contenues au chapitre 8 de l’accord envisagé
relèveraient de la politique commune des transports. Contrairement à ce qu’affirment la Commission
et le Parlement, ces dispositions ne seraient, pour la plupart, pas susceptibles « d’affecter des règles
communes ou d’en altérer la portée », au sens de l’article 3, paragraphe 2, TFUE. Elles relèveraient
donc non pas de la compétence exclusive de l’Union visée à cette disposition du traité FUE, mais
d’une compétence partagée entre l’Union et les États membres au titre de l’article 4, paragraphe 2,
sous g), TFUE.
21. S’agissant toujours du chapitre 8 de l’accord, l’Irlande se réfère au protocole (no 21) sur la position du
Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé aux traités
UE et FUE. Ledit chapitre affecterait ce protocole.
23. L’accord envisagé contiendrait, en outre, des dispositions qui relèvent de compétences appartenant aux
seuls États membres.
24. Tel serait, notamment, le cas des dispositions du chapitre 14 de cet accord, qui établissent des règles
en matière de transparence, ainsi que des dispositions du chapitre 9 de celui-ci, dans la mesure où
celles-ci portent sur des investissements étrangers autres que directs.
25. À cet égard, le Conseil et les États membres ayant présenté des observations à la Cour font observer
que le traité FUE ne confère aucune compétence à l’Union dans le domaine des investissements qui
ne relèvent pas des « investissements directs ». Ils ajoutent que, contrairement à ce que fait valoir la
Commission, les « règles communes », au sens de l’article 3, paragraphe 2, TFUE, ne sauraient être
constituées de règles de droit primaire de l’Union, telles que l’article 63 TFUE. L’argumentation de la
Commission ne serait pas conforme à la jurisprudence de la Cour en matière de compétences
externes implicites de l’Union.
26. Au soutien de son argumentation relative à l’absence de compétence exclusive de l’Union à l’égard du
chapitre 9 de l’accord envisagé, le Conseil cite certaines dispositions de ce chapitre qui relèvent, selon
lui, de la compétence des États membres, telles que celles qui portent sur l’ordre public, la sécurité
publique et d’autres intérêts publics, sur la fiscalité, sur l’indemnisation en cas de destruction
d’investissements par les forces armées, sur les exceptions à la liberté de transfert de fonds justifiées
sur le fondement des lois en matière de crimes et délits, de sécurité sociale et de retraite, sur
l’expropriation, ainsi que sur le remplacement, par l’accord envisagé, des traités bilatéraux
d’investissement conclus entre les États membres et la République de Singapour.
27. Le Conseil et certains des États membres ayant présenté des observations à la Cour font, par ailleurs,
observer que le chapitre 9 de l’accord envisagé ne porte que sur la protection des investissements et
non sur l’admission de ceux-ci. Il en résulterait que, même dans la mesure où ce chapitre porte sur
des investissements étrangers directs, il ne peut être approuvé par l’Union seule. La protection des
investissements n’étant pas spécifiquement liée aux échanges commerciaux internationaux, elle ne
relèverait pas de la politique commerciale commune.
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28. Aux termes de l’article 196, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour et conformément à la
jurisprudence constante [voir, notamment, avis 1/03 (Nouvelle convention de Lugano), du 7 février
2006, EU:C:2006:81, point 112 et jurisprudence citée], une demande d’avis au titre de l’article 218,
paragraphe 11, TFUE peut porter tant sur la compatibilité de l’accord envisagé avec les dispositions
des traités que sur la compétence de l’Union ou de l’une de ses institutions pour conclure cet accord.
29. En l’occurrence, la demande d’avis porte sur la question de savoir si l’accord envisagé pourra être signé
et conclu par l’Union seule ou s’il devra, au contraire, être signé et conclu tant par l’Union que par
chacun des États membres de celle-ci (accord dit « mixte »).
30. Par conséquent, le présent avis de la Cour ne porte que sur la nature de la compétence de l’Union pour
signer et conclure l’accord envisagé. Il ne préjuge aucunement de la question de savoir si le contenu
des dispositions de cet accord est compatible avec le droit de l’Union.
31. Cette précision liminaire étant apportée, il y a lieu d’examiner si les dispositions de l’accord envisagé
relèvent de la compétence exclusive de l’Union ou d’une compétence partagée entre l’Union et les États
membres, ou encore d’une compétence appartenant aux seuls États membres.
32. Eu égard à l’objet et aux finalités de l’accord envisagé, qui consistent, aux termes des articles 1.1 et 1.2
de celui-ci, à « établir une zone de libre-échange » et à « libéraliser et [...] [à] faciliter le commerce et
les investissements entre les parties », il convient d’examiner d’emblée dans quelle mesure les
dispositions de cet accord relèvent de la compétence exclusive de l’Union, visée à l’article 3,
paragraphe 1, sous e), TFUE, relative à la politique commerciale commune.
33. Conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE, l’Union dispose d’une compétence exclusive
dans le domaine de la politique commerciale commune.
34. Aux termes de l’article 207, paragraphe 1, TFUE, cette politique « est fondée sur des principes
uniformes, notamment en ce qui concerne les modifications tarifaires, la conclusion d’accords
tarifaires et commerciaux relatifs aux échanges de marchandises et de services, et les aspects
commerciaux de la propriété intellectuelle, les investissements étrangers directs, l’uniformisation des
mesures de libéralisation, la politique d’exportation, ainsi que les mesures de défense commerciale,
dont celles à prendre en cas de dumping et de subventions. La politique commerciale commune est
menée dans le cadre des principes et objectifs de l’action extérieure de l’Union ».
35. Il résulte de cette disposition, et en particulier de sa seconde phrase aux termes de laquelle la politique
commerciale commune s’inscrit dans « l’action extérieure de l’Union », que ladite politique est relative
aux échanges commerciaux avec les États tiers (arrêts du 18 juillet 2013, Daiichi Sankyo et
Sanofi-Aventis Deutschland, C-414/11, EU:C:2013:520, point 50, ainsi que du 22 octobre 2013,
Commission/Conseil, C-137/12, EU:C:2013:675, point 56).
36. À cet égard, il est de jurisprudence constante que la seule circonstance qu’un acte de l’Union, tel qu’un
accord conclu par celle-ci, est susceptible d’avoir certaines implications sur les échanges commerciaux
avec un ou plusieurs États tiers ne suffit pas pour conclure que cet acte doit être rangé dans la
catégorie de ceux qui relèvent de la politique commerciale commune. En revanche, un acte de l’Union
relève de cette politique s’il porte spécifiquement sur ces échanges en ce qu’il est essentiellement
destiné à les promouvoir, à les faciliter ou à les régir et a des effets directs et immédiats sur ceux-ci
[voir, notamment, arrêts du 18 juillet 2013, Daiichi Sankyo et Sanofi-Aventis Deutschland, C-414/11,
8 ECLI:EU:C:2017:376
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37. Il s’ensuit que seules les composantes de l’accord envisagé qui présentent un lien spécifique, au sens
susvisé, avec les échanges commerciaux entre l’Union et la République de Singapour relèvent du
domaine de la politique commerciale commune.
38. Partant, il importe de vérifier si les engagements contenus dans ledit accord sont destinés à
promouvoir, à faciliter ou à régir ces échanges et ont des effets directs et immédiats sur ceux-ci.
39. Les engagements contenus dans l’accord envisagé sont relatifs, en premier lieu, à l’accès au marché, en
deuxième lieu, à la protection des investissements, en troisième lieu, à la protection de la propriété
intellectuelle, en quatrième lieu, à la concurrence et, en cinquième lieu, au développement durable.
40. Le chapitre 2 de l’accord envisagé, intitulé « Traitement national et accès au marché en ce qui
concerne les marchandises », prévoit que chaque partie accorde un traitement non discriminatoire
aux marchandises provenant de l’autre partie et réduit ou élimine, selon les engagements spécifiques
annexés à ce chapitre, ses droits à l’importation et à l’exportation. Il prévoit également que chaque
partie s’abstient d’adopter ou de maintenir des restrictions non tarifaires à l’importation et à
l’exportation des marchandises.
41. Ce chapitre est ainsi constitué d’engagements « tarifaires et commerciaux relatifs aux échanges de
marchandises », au sens de l’article 207, paragraphe 1, TFUE. Il relève, dès lors, de la compétence
exclusive de l’Union au titre de l’article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE.
42. Le chapitre 3 de l’accord envisagé, intitulé « Mesures commerciales », précise les modalités selon
lesquelles chaque partie peut, lorsque les exigences découlant des règles de l’Organisation mondiale
du commerce (OMC) sont remplies, adopter des mesures antidumping et compensatoires ainsi que
des mesures de sauvegarde concernant des importations en provenance de l’autre partie.
43. Ce chapitre porte ainsi sur des « mesures de défense commerciale », au sens de l’article 207,
paragraphe 1, TFUE. Il relève donc également de la compétence exclusive de l’Union visée à
l’article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE.
45. Ces chapitres 4 et 5 ont, dès lors, spécifiquement pour objet de faciliter les échanges de marchandises
entre l’Union et la République de Singapour. Par ailleurs, leurs dispositions et les engagements
spécifiques qui y sont annexés allègent considérablement les conditions d’importation de ces
marchandises et sont ainsi de nature à avoir des effets directs et immédiats sur les échanges
commerciaux internationaux. Par conséquent, lesdits chapitres satisfont aux critères rappelés au
point 36 du présent avis et relèvent de la compétence exclusive de l’Union au titre de l’article 3,
paragraphe 1, sous e), TFUE.
ECLI:EU:C:2017:376 9
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
46. Le chapitre 6 de l’accord envisagé, intitulé « Douanes et facilitation des échanges », prévoit que la
législation de chaque partie en matière de douanes sera non discriminatoire et que les redevances et
les taxes instituées pour les services fournis à l’occasion de l’importation ou de l’exportation de ces
marchandises n’excéderont pas le coût approximatif de ces services. Il oblige, en outre, les parties à
simplifier, de préférence au moyen de systèmes de guichet unique, les exigences et les formalités de
mainlevée, de dédouanement, de transbordement et de transit. Il impose, par ailleurs, que soit offerte
la possibilité de faire des dépôts préalables et de recevoir des décisions anticipées.
47. Ce chapitre a donc pour objet essentiel de régir et de faciliter les échanges de marchandises entre les
parties.
48. Il a par ailleurs pour effet direct et immédiat de rendre les échanges de marchandises entre l’Union et
la République de Singapour plus fluides et moins onéreux. Il satisfait, dès lors, aux critères rappelés au
point 36 du présent avis et relève donc de la compétence exclusive de l’Union au titre de l’article 3,
paragraphe 1, sous e), TFUE.
49. Si les chapitres 2 à 6 de l’accord envisagé concernent les échanges de marchandises entre l’Union et la
République de Singapour, les échanges de services entre les parties sont, quant à eux, régis par le
chapitre 8 de cet accord.
50. Ce chapitre 8, intitulé « Services, établissement et commerce électronique », comporte les engagements
de chaque partie de réduire, au profit des opérateurs économiques de l’autre partie, les obstacles à la
fourniture transfrontière de services, à l’établissement et à la présence temporaire de personnes
physiques.
51. Tout en excluant de son champ d’application la citoyenneté, la résidence, l’emploi à titre permanent et,
de manière générale, l’accès au marché du travail, ledit chapitre oblige chacune des parties à accorder
aux services, aux établissements et aux entrepreneurs de l’autre partie un traitement non moins
favorable que celui qu’elle accorde à ses propres services, établissements et entrepreneurs similaires,
compte tenu des modalités et des limitations précisées dans la liste des engagements spécifiques de
l’accord et sous réserve des exceptions générales prévues par ce dernier.
52. Il s’ensuit que le chapitre 8 de l’accord envisagé est essentiellement destiné à ouvrir, dans une certaine
mesure, le marché singapourien aux prestataires de services de l’Union, et inversement. Il a, dès lors,
pour objet de promouvoir, de faciliter et de régir les échanges.
53. Les engagements relatifs à l’accès au marché contenus dans ce chapitre sont, par ailleurs, de nature à
avoir des effets directs et immédiats sur les échanges de services entre l’Union et la République de
Singapour. Ainsi que l’a exposé Mme l’avocat général aux points 204 et 205 de ses conclusions, cette
constatation vaut, contrairement à ce qu’ont soutenu certains des États membres ayant présenté des
observations à la Cour, pour l’ensemble des articles dudit chapitre, y compris ceux portant sur les
services financiers et sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles.
54. Au demeurant, ainsi que la Cour l’a déjà relevé, les quatre modes de fourniture de services répondant à
la classification employée par l’OMC, à savoir la fourniture d’un service en provenance du territoire
d’un Membre de l’OMC et à destination du territoire d’un autre Membre (mode 1), la fourniture d’un
service sur le territoire d’un Membre à l’intention d’un consommateur d’un autre Membre (mode 2), la
fourniture d’un service par un prestataire d’un Membre grâce à une présence commerciale sur le
territoire d’un autre Membre (mode 3) et la fourniture d’un service par un prestataire d’un Membre
grâce à la présence de personnes physiques d’un Membre sur le territoire d’un autre Membre (mode
4), relèvent tous de la politique commerciale commune [avis 1/08 (Accords modifiant les listes
d’engagements spécifiques au titre de l’AGCS), du 30 novembre 2009, EU:C:2009:739, points 4, 118
et 119]. Cette interprétation, qui a été donnée dans le cadre de l’examen par la Cour de la
compétence de la Communauté pour participer à la conclusion d’accords visés à l’article 133 CE, et
10 ECLI:EU:C:2017:376
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qui, partant, portait sur la notion de « commerce des services » figurant dans cette disposition du
traité CE, est transposable à la notion d’« échanges de services » visée à l’article 207, paragraphe 1,
TFUE, dont le contenu est en substance identique.
55. Par conséquent, il n’y a pas lieu de distinguer entre les dispositions du chapitre 8 de l’accord envisagé
qui portent sur la fourniture transfrontière de services (services des « mode 1 » et « mode 2 » au sens
de la classification des types de fourniture de services employée par l’OMC) et celles de ce chapitre qui
sont relatives à la fourniture de services par l’établissement (services du « mode 3 ») ou par la présence
de personnes physiques (services du « mode 4 »).
56. Nonobstant ce qui précède, la compétence de l’Union pour approuver le chapitre 8 de l’accord envisagé
ne saurait relever du seul article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE.
57. En effet, ce chapitre porte, entre autres, sur la fourniture de services dans le domaine des transports.
Ce domaine est exclu de la politique commerciale commune par l’article 207, paragraphe 5, TFUE,
aux termes duquel la négociation et la conclusion d’« accords internationaux dans le domaine des
transports » relèvent du « titre VI de la troisième partie [du traité FUE] […] ». Ce titre concerne la
politique commune des transports.
58. Appelée à interpréter l’article 133, paragraphe 6, troisième alinéa, CE, la Cour a relevé que cette
disposition visait à maintenir, s’agissant du commerce international des services de transport, un
parallélisme de principe entre la compétence interne de l’Union, qui s’exerce par l’adoption unilatérale
de règles de l’Union, et la compétence externe de celle-ci, qui opère par voie de conclusion d’accords
internationaux, l’une et l’autre compétences demeurant, comme auparavant, ancrées dans le titre du
traité spécialement afférent à la politique commune des transports [avis 1/08 (Accords modifiant les
listes d’engagements spécifiques au titre de l’AGCS), du 30 novembre 2009, EU:C:2009:739,
point 164].
59. L’article 207, paragraphe 5, TFUE correspond en substance à l’article 133, paragraphe 6, troisième
alinéa, CE. Par ailleurs, il ne ressort ni du traité FUE ni des éléments afférents à la genèse, à
l’économie ou à la finalité de ce traité que les auteurs de ce dernier ont eu l’intention de modifier la
répartition des compétences entre l’Union et les États membres s’agissant de la négociation et de la
conclusion d’accords internationaux relatifs aux échanges commerciaux dans le domaine des
transports.
60. La position de la Commission selon laquelle le domaine des transports est exclu, conformément à
l’article 207, paragraphe 5, TFUE, de la politique commerciale commune uniquement en ce qui
concerne la fourniture transfrontière de services, à savoir les services des modes 1 et 2, est dépourvue
de fondement. Une telle position méconnaît en effet le libellé de cette disposition, qui exclut de cette
politique les « accords internationaux dans le domaine des transports » dans leur ensemble.
61. Compte tenu de la portée de l’article 207, paragraphe 5, TFUE, il convient ensuite de déterminer quels
engagements contenus au chapitre 8 de l’accord envisagé sont, conformément à cette disposition,
exclus de la politique commerciale commune. À cette fin, il importe de tenir compte de la
jurisprudence selon laquelle la notion de services « dans le domaine des transports » englobe non
seulement les services de transport pris en tant que tels, mais également d’autres services à condition,
toutefois, que ces derniers soient intrinsèquement liés à un acte physique de déplacement de personnes
ou de marchandises d’un endroit à un autre grâce à un moyen de transport (voir, en ce sens, arrêt du
15 octobre 2015, Grupo Itevelesa e.a., C-168/14, EU:C:2015:685, points 45 ainsi que 46).
62. En l’occurrence, les services consistant à déplacer des personnes ou des marchandises d’un endroit à
un autre sont énumérés au point 11 des appendices 8-A-1 et 8-B-1 ainsi qu’au point 16 des
appendices 8-A-2 et 8-A-3 des annexes du chapitre 8 de l’accord envisagé. Ils portent sur le transport
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AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
maritime international, le transport ferroviaire, le transport par route et le transport par voie navigable
intérieure, les services de transport aérien intérieur et international n’étant, par contre, pas visés par cet
accord, ainsi qu’il est indiqué à ses articles 8.3, sous c), et 8.9, sous e).
63. Les services intrinsèquement liés aux services de transport maritime, ferroviaire, par route et par voie
navigable intérieure sont énumérés au point 12 de l’appendice 8-A-1, au point 17 des
appendices 8-A-2 et 8-A-3, ainsi qu’au point 11 de l’appendice 8-B-1 desdites annexes.
64. Les « services de réparation et de maintenance d’aéronefs pendant lesquels l’aéronef est retiré du
service », « la vente ou la commercialisation de services de transport aérien » ainsi que les « services
liés aux systèmes informatisés de réservation » sont mentionnés aux articles 8.3 et 8.9 de l’accord
envisagé comme étant, contrairement aux services de transport aérien tels quels, inclus dans le champ
d’application du chapitre 8 de cet accord.
65. Aux appendices des annexes de ce chapitre, ces services de réparation et de maintenance d’aéronefs
ainsi que de réservation et de vente de services de transport aérien ne figurent pas aux points qui
énumèrent les services auxiliaires dans le domaine des transports, mais sont classés comme étant des
« services commerciaux » situés en dehors de ce domaine.
66. À cet égard, il convient de relever que ni les services de « réparation et de maintenance d’aéronefs
pendant lesquels l’aéronef est retiré du service », ni les services de vente, de commercialisation ou de
réservation de services de transport aérien, qu’ils soient fournis par des agences de voyages ou d’autres
prestataires commerciaux, ne sont intrinsèquement liés aux services de transport, au sens précisé par la
jurisprudence rappelée au point 61 du présent avis.
67. En effet, premièrement, les « services de réparation et de maintenance d’aéronefs pendant lesquels
l’aéronef est retiré du service », présentent tout au plus un lien éloigné avec l’acte de déplacer des
personnes ou des marchandises d’un endroit à un autre. Deuxièmement, s’agissant des services de
vente, de commercialisation ou de réservation de services de transport aérien, il ressort du
considérant 33 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre
2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36), que les services couverts
par cette directive, laquelle a pour base juridique l’article 47, paragraphe 2, et l’article 55 CE, incluent
également les agences de voyages qui sont les principaux promoteurs de tels services.
68. Dès lors que les « services de réparation et de maintenance d’aéronefs pendant lesquels l’aéronef est
retiré du service », « la vente ou la commercialisation de services de transport aérien » ainsi que les
« services liés aux systèmes informatisés de réservation » ne relèvent, en conséquence, pas de
l’article 207, paragraphe 5, TFUE, ils font partie des services visés par le paragraphe 1 de cet article.
69. Il ressort des points 50 à 68 du présent avis que le chapitre 8 de l’accord envisagé relève de la politique
commerciale commune, sauf dans la mesure où les engagements qui y sont contenus portent sur les
services énumérés aux points 11 et 12 de l’appendice 8-A-1, aux points 16 et 17 des appendices 8-A-2
et 8-A-3, ainsi qu’au point 11 de l’appendice 8-B-1 des annexes de ce chapitre.
70. La question de savoir si, pour ces derniers engagements, l’Union dispose, en vertu d’autres dispositions
du traité FUE, d’une compétence exclusive, de sorte qu’elle pourrait approuver seule le chapitre 8 de
l’accord envisagé, est examinée aux points 168 à 217 du présent avis.
71. Enfin, l’accès respectif au marché de l’Union et au marché singapourien, pour des marchandises et des
services provenant de l’autre partie, est également régi par les dispositions des chapitres 7 et 10 de
l’accord envisagé.
12 ECLI:EU:C:2017:376
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72. Le chapitre 7 de cet accord, intitulé « Obstacles non tarifaires au commerce et aux investissements
dans la production d’énergie renouvelable », a pour objet de régir et de faciliter l’accès au marché
dans le secteur de la production d’énergie à partir de sources non fossiles et durables.
73. En effet, ce chapitre, qui n’instaure aucune norme environnementale en la matière, stipule que chaque
partie doit s’abstenir d’adopter des mesures exigeant la constitution de partenariats avec des entreprises
locales dans ce secteur, doit assurer que toute règle en matière d’autorisation, de certification et
d’octroi de licence est non discriminatoire envers les opérateurs de l’autre partie et doit accepter les
déclarations de conformité émises par l’autre partie.
74. Visant ainsi à ouvrir le marché de chacune des parties, ce chapitre est également de nature à avoir un
effet direct et immédiat sur les échanges de marchandises et de services entre l’Union et la République
de Singapour dans ledit secteur, au sens de la jurisprudence rappelée au point 36 du présent avis. Il
relève, par conséquent, de la compétence exclusive de l’Union au titre de l’article 3, paragraphe 1,
sous e), TFUE.
75. Le chapitre 10 de l’accord envisagé, intitulé « Marchés publics », contient les engagements par lesquels
chaque partie assure aux fournisseurs de marchandises et de services de l’autre partie un traitement
non moins favorable que celui qu’elle réserve à ses propres opérateurs lors de la passation de marchés
pour les besoins des pouvoirs publics. Il comporte également un vaste ensemble de règles visant à
encadrer la passation de marchés publics, à Singapour comme dans l’Union, en prévoyant que ces
marchés ne seront attribués qu’à l’issue d’une procédure de passation comportant un avis de marché
complet auquel les candidats auront pu avoir aisément accès ainsi que des conditions de participation
et de sélection appropriées.
76. Ce chapitre a, dès lors, pour objet spécifique de déterminer les modalités selon lesquelles les opérateurs
économiques de chaque partie peuvent participer à la procédure de passation des marchés organisée
par les pouvoirs publics de l’autre partie. En outre, ces modalités étant fondées sur des considérations
d’accès non discriminatoire, de transparence et d’efficacité, elles sont de nature à avoir des effets directs
et immédiats sur les échanges de marchandises et de services entre les parties.
77. Le chapitre 10 de l’accord envisagé relève, par conséquent, de la compétence exclusive de l’Union au
titre de l’article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE, sous la même réserve, toutefois, que celle exprimée au
point 69 du présent avis en ce qui concerne les services énumérés aux points 11 et 12 des
appendices 8-A-1 et 8-B-1 ainsi qu’aux points 16 et 17 des appendices 8-A-2 et 8-A-3 des annexes du
chapitre 8 de l’accord envisagé. La nature de la compétence de l’Union pour l’approbation des
engagements portant sur les marchés publics de services de transport maritime international, de
transport ferroviaire, de transport par route et de transport par voie navigable intérieure, ainsi que sur
les marchés publics de services intrinsèquement liés à ces services de transport, est examinée aux
points 219 à 224 du présent avis.
78. Ainsi que l’énonce l’article 9.1 de l’accord envisagé, le chapitre 9 de celui-ci concerne « tout type
d’avoir qui présente les caractéristiques d’un investissement, notamment l’engagement de capitaux ou
d’autres ressources, la perspective de gains ou de profits, la prise de risque ou encore une certaine
durée », pour autant que cet avoir est « détenu ou contrôlé directement ou indirectement par [une
personne physique ou morale] d’une partie sur le territoire de l’autre partie ».
79. Il ressort de cet article que ledit chapitre porte tant sur les investissements directs que sur tout autre
type d’investissement.
ECLI:EU:C:2017:376 13
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80. S’agissant des investissements directs, il est de jurisprudence constante que ceux-ci consistent en des
investissements de toute nature auxquels procèdent les personnes physiques ou morales et qui servent
à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l’entreprise à qui
ces fonds sont destinés en vue de l’exercice d’une activité économique. Une prise de participations dans
une entreprise constituée sous forme de société par actions est un investissement direct lorsque les
actions détenues par l’actionnaire lui donnent la possibilité de participer effectivement à la gestion de
cette société ou à son contrôle (voir, notamment, arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in the
FII Group Litigation, C-446/04, EU:C:2006:774, points 181 et 182 ; du 26 mars 2009,
Commission/Italie, C-326/07, EU:C:2009:193, point 35, ainsi que du 24 novembre 2016, SECIL,
C-464/14, EU:C:2016:896, points 75 et 76).
81. L’article 207, paragraphe 1, TFUE prévoit que les actes de l’Union en matière d’« investissements
étrangers directs » relèvent de la politique commerciale commune.
82. Il s’ensuit que l’Union dispose de la compétence exclusive, au titre de l’article 3, paragraphe 1, sous e),
TFUE, pour approuver tout engagement à l’égard d’un État tiers relatif aux investissements réalisés par
des personnes physiques ou morales de cet État tiers dans l’Union et inversement qui donnent la
possibilité de participer effectivement à la gestion ou au contrôle d’une société exerçant une activité
économique.
83. L’emploi, par les auteurs du traité FUE, des termes « investissements étrangers directs » à l’article 207,
paragraphe 1, TFUE exprime sans ambiguïté leur volonté de ne pas inclure d’autres investissements
étrangers dans la politique commerciale commune. Dès lors, il y a lieu de considérer que des
engagements à l’égard d’un État tiers portant sur ces autres investissements ne relèvent pas de la
compétence exclusive de l’Union au titre de l’article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE.
84. Cette délimitation du champ d’application de la politique commerciale commune pour ce qui concerne
les investissements étrangers traduit le fait que tout acte de l’Union promouvant, facilitant ou régissant
la participation, par une personne physique ou morale d’un État tiers dans l’Union et inversement, à la
gestion ou au contrôle d’une société exerçant une activité économique est de nature à avoir des effets
directs et immédiats sur les échanges commerciaux entre cet État tiers et l’Union, tandis qu’un tel lien
spécifique avec ces échanges fait défaut dans le cas d’investissements qui ne conduisent pas à une telle
participation.
85. Le Conseil et certains des États membres ayant présenté des observations à la Cour soutiennent que,
même dans la mesure où le chapitre 9 de l’accord envisagé est relatif aux investissements directs, il ne
saurait relever de la politique commerciale commune étant donné que ce chapitre ne porte que sur la
protection de ces investissements et non sur l’admission de ces derniers.
86. Il est vrai, ainsi que ces participants à la présente procédure l’ont mis en exergue, que les seules
dispositions de fond du chapitre 9 de cet accord sont contenues à la section A de ce chapitre et que
cette section, intitulée « Protection des investissements », ne porte que sur le traitement des
investissements après que ceux-ci ont été admis en vertu de la réglementation en vigueur, selon le
cas, dans la République de Singapour ou dans l’Union. La circonstance que l’admission
d’investissements échappe au champ d’application de l’accord envisagé est d’ailleurs corroborée par
l’article 9.2 de celui-ci, aux termes duquel « [l]e présent chapitre s’applique aux [...] investissements
[...] qui ont été effectués conformément au droit applicable [...] ».
87. Cependant, cette circonstance n’exclut nullement que les normes convenues entre l’Union et la
République de Singapour en matière de protection des investissements directs relèvent de la politique
commerciale commune lorsqu’elles présentent un lien spécifique avec les échanges commerciaux
entre l’Union et cet État tiers. En effet, l’article 207, paragraphe 1, TFUE se réfère de manière générale
aux actes de l’Union en matière d’« investissements étrangers directs », sans distinguer selon qu’il s’agit
d’actes ayant pour objet l’admission ou la protection desdits investissements.
14 ECLI:EU:C:2017:376
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88. En l’occurrence, la protection conférée par le chapitre 9 de l’accord envisagé consiste, en premier lieu,
dans l’obligation pour chaque partie, en vertu de l’article 9.3 de l’accord, d’octroyer aux investisseurs de
l’autre partie « un traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde, dans des situations
similaires, à ses propres investisseurs et à leurs investissements pour ce qui est de l’exploitation, la
gestion, la conduite, l’entretien, l’utilisation, la jouissance, la vente ou tout autre mode d’aliénation de
leurs investissements ».
89. Elle comporte, en deuxième lieu, l’obligation, énoncée à l’article 9.4 de l’accord envisagé, d’octroyer aux
investisseurs de l’autre partie et à leurs investissements un traitement juste et équitable ainsi qu’une
protection et une sécurité intégrales, ce traitement, cette protection et cette sécurité devant
notamment être caractérisés par l’absence d’actes arbitraires et de toute forme de harcèlement ou de
contrainte, ainsi que par le respect de la confiance légitime des investisseurs et de leur droit à une
protection juridictionnelle effective.
90. En troisième lieu, la protection des investissements est assurée par l’obligation pour chaque partie,
prévue à l’article 9.5 de l’accord envisagé, de traiter les investisseurs de l’autre partie de la même
manière que ses propres investisseurs pour ce qui concerne l’indemnisation des pertes subies en
raison de situations de guerre ou de conflit armé, de révolution, d’état d’urgence, de révolte, d’émeute
ou d’insurrection, y compris en cas de destruction d’un investissement par les autorités publiques ou
les forces armées.
91. En quatrième lieu, l’accord envisagé protège les investisseurs de l’Union et de la République de
Singapour contre toute expropriation arbitraire ou non indemnisée sur le territoire de l’autre partie, en
énonçant, à son article 9.6, qu’aucune partie ne peut nationaliser ou exproprier les investissements
visés des investisseurs de l’autre partie ou les assujettir à des mesures ayant des effets équivalents à
une nationalisation ou à une expropriation, sauf lorsque celle-ci est effectuée pour des motifs d’intérêt
public, conformément aux principes de l’application régulière de la loi, de façon non discriminatoire et
moyennant le versement rapide et effectif d’une indemnité suffisante.
92. En cinquième lieu, l’accord envisagé prévoit, à son article 9.7, que les transferts se rapportant à un
investissement, tels que les apports en capital pour accroître l’investissement et la prise de dividendes
ou d’autres revenus, peuvent être effectués sans restriction, dans une devise librement convertible.
93. En sixième et dernier lieu, l’article 9.8 de l’accord envisagé oblige chaque partie à reconnaître les
subrogations, les transferts de droits ou de titres et les cessions de créances relativement aux
investissements effectués sur son territoire par les personnes physiques ou morales de l’autre partie.
94. Cet ensemble d’engagements de « traitement non moins favorable » et d’interdictions de traitement
arbitraire, qui portent notamment sur l’exploitation, l’augmentation et la vente, par les personnes
physiques et morales de chaque partie, de leurs participations dans les sociétés exerçant des activités
économiques et situées sur le territoire de l’autre partie, contribue à la sécurité juridique des
investisseurs. L’instauration d’un tel cadre légal a pour objet de promouvoir, de faciliter et de régir les
échanges commerciaux entre l’Union et la République de Singapour, au sens de la jurisprudence
rappelée au point 36 du présent avis.
95. Par ailleurs, les dispositions de la section A du chapitre 9 de l’accord envisagé, dans la mesure où elles
portent sur les investissements directs, sont de nature à avoir des effets directs et immédiats sur ces
échanges, dès lors qu’elles concernent le traitement des participations des entrepreneurs d’une partie à
la gestion ou au contrôle de sociétés exerçant des activités économiques sur le territoire de l’autre
partie.
96. Il s’ensuit que ces dispositions présentent, conformément aux critères rappelés au point 36 du présent
avis, un lien spécifique avec lesdits échanges.
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AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
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97. La circonstance, relevée par le Conseil et certains des États membres ayant présenté des observations à
la Cour, que ladite section comporte des dispositions qui permettent aux États membres d’apprécier si
l’application de l’accord envisagé est conforme à leurs impératifs d’ordre public et de sécurité publique
ainsi qu’à d’autres objectifs d’intérêt public ou qui concernent le droit de propriété, le droit pénal, le
droit fiscal et la sécurité sociale, est sans incidence à cet égard.
98. S’agissant, d’une part, du pouvoir de chaque État membre de l’Union d’apprécier si ces impératifs et ces
autres objectifs sont, en ce qui le concerne, préservés, le Conseil et lesdits États membres se réfèrent à
l’article 9.3, paragraphe 3, de l’accord envisagé, qui énonce – à l’instar de dispositions similaires
figurant dans d’autres chapitres de cet accord – que, par dérogation à l’obligation de « traitement non
moins favorable » imposée aux paragraphes 1 et 2 de cet article, un traitement moins favorable peut
être appliqué s’il ne constitue pas une restriction déguisée et est nécessaire au maintien de l’ordre
public, à la protection de la sécurité publique ou à la protection de l’un des autres intérêts publics
énumérés audit paragraphe 3.
99. Le Conseil et ces mêmes États membres se réfèrent également à l’article 9.5 de l’accord envisagé, qui
garantit aux investisseurs un traitement non moins favorable pour ce qui concerne l’indemnisation
des pertes subies en raison de l’une des situations énumérées à cet article, parmi lesquelles figurent
l’état de guerre, l’état d’urgence nationale et la destruction d’un investissement par les autorités
publiques ou les forces armées.
100. Ils font valoir, à cet égard, que l’Union ne saurait contracter des engagements en lieu et place des États
membres dans des matières qui relèvent, par nature, d’une compétence appartenant exclusivement à
ceux-ci.
101. Or, il convient de constater que l’article 9.3, paragraphe 3, de l’accord envisagé prévoit non pas un
engagement mais la possibilité de mettre en œuvre une dérogation. En application de cette dernière,
un État membre pourra traiter, pour des raisons impérieuses d’ordre public, de sécurité publique ou
de l’un des autres intérêts publics visés audit paragraphe 3, les investisseurs singapouriens de manière
moins favorable que ses propres investisseurs. En autorisant une telle dérogation, cette disposition
n’instaure aucun engagement international en matière d’ordre public, de sécurité publique ou d’autres
intérêts publics.
102. Ledit article 9.3, paragraphe 3, exige que tout traitement moins favorable d’investisseurs singapouriens
soit « nécessaire » et ne constitue pas une « restriction déguisée ». Ces deux exigences permettent de
garantir que l’engagement de « traitement non moins favorable », énoncé à l’article 9.3, paragraphes 1
et 2, de l’accord envisagé, ne soit pas privé d’effet utile. Ainsi que l’a exposé Mme l’avocat général au
point 335 de ses conclusions, la limitation du pouvoir d’appréciation des États membres qui découle
dudit paragraphe 3 est inhérente à la conduite des échanges commerciaux internationaux, lesquels
relèvent de la compétence exclusive de l’Union. La disposition commune rappelant lesdites exigences
relève dès lors de cette compétence.
103. Il s’ensuit que l’article 9.3, paragraphe 3, de l’accord envisagé n’empiète pas sur les compétences des
États membres en matière d’ordre public, de sécurité publique et d’autres intérêts publics, mais oblige
les États membres à exercer ces compétences d’une manière qui ne prive pas de leur effet utile les
engagements commerciaux contractés par l’Union aux termes de l’article 9.3, paragraphes 1 et 2, dudit
accord.
104. Une conclusion similaire s’impose pour ce qui concerne l’article 9.5 de l’accord envisagé. Cet article
n’affecte pas le pouvoir d’appréciation des États membres quant à l’emploi de leurs forces armées ou
la déclaration de l’état d’urgence nationale, mais se limite à stipuler que, si des investissements ont
subi des pertes en raison de l’une des situations qui y sont énumérées, les investisseurs singapouriens
ainsi que ceux de l’Union doivent se voir appliquer la même réglementation en matière
d’indemnisation ou de compensation.
16 ECLI:EU:C:2017:376
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105. S’agissant, d’autre part, des dispositions relatives au droit de propriété, au droit pénal, au droit fiscal et
à la sécurité sociale, le Conseil et les États membres ayant présenté des observations à la Cour se
réfèrent aux articles 9.6 et 9.7 de l’accord envisagé. Le premier de ces articles vise à protéger les
investisseurs de chaque partie contre toute expropriation arbitraire ou non indemnisée sur le territoire
de l’autre partie, tandis que le second, qui porte sur la possibilité pour les investisseurs d’effectuer sans
restrictions des transferts relatifs à leurs investissements, stipule, à son paragraphe 2, qu’« [a]ucune
disposition du présent article ne peut être interprétée comme empêchant une partie d’appliquer, de
façon équitable et non discriminatoire, sa législation sur [...] les crimes et délits, [...] la sécurité sociale,
[...] [la] retraite [...] ou [l]’épargne obligatoire [et] la fiscalité ».
106. Le Conseil estime, en particulier, que l’article 9.6 de l’accord envisagé relève des compétences
appartenant aux seuls États membres dans le domaine du droit de propriété. Il cite, dans ce contexte,
l’article 345 TFUE, aux termes duquel les traités ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les
États membres.
107. À cet égard, ainsi que la Cour l’a déjà relevé, l’article 345 TFUE exprime la neutralité de l’Union à
l’égard des régimes de la propriété existant dans les États membres, mais n’a pas pour effet de
soustraire ces régimes aux règles fondamentales de l’Union (voir arrêt du 22 octobre 2013, Essent e.a.,
C-105/12 à C-107/12, EU:C:2013:677, points 29 ainsi que 36). En l’occurrence, l’article 9.6 de l’accord
envisagé, dont le contenu est exposé en substance au point 91 du présent avis, ne comporte aucun
engagement portant sur le régime de la propriété dans les États membres. Cet article entend
uniquement encadrer d’éventuelles décisions de nationalisation ou d’expropriation par des limites
visant à garantir aux investisseurs qu’une telle décision interviendra dans des conditions équitables et
dans le respect des principes généraux et des droits fondamentaux, et notamment du principe de
non-discrimination. Il traduit donc le simple fait que, si les États membres demeurent libres d’exercer
leurs compétences en matière de droit de propriété et de modifier en conséquence le régime de la
propriété en ce qui les concerne, ils ne sont pas pour autant soustraits au respect de ces principes et
droits fondamentaux.
108. Quant à l’article 9.7 de l’accord envisagé, il ne comporte aucun engagement pour les États membres
portant sur leur droit pénal, leur droit fiscal ou leur sécurité sociale, mais se limite, en substance, à
prévoir que toute application, dans l’Union ou à Singapour, d’une législation en la matière à un
investisseur de l’autre partie doit se faire « de façon équitable et non discriminatoire », ainsi qu’il est
précisé au paragraphe 2 de cet article 9.7.
109. Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que les dispositions de la section A du chapitre 9
de l’accord envisagé relèvent de la politique commerciale commune dans la mesure où elles portent
sur les investissements étrangers directs entre l’Union et la République de Singapour.
110. Toutefois, cette constatation ne suffit pas pour conclure que l’Union est compétente pour approuver
seule cette section du chapitre 9. En effet, celle-ci porte également sur les investissements étrangers
autres que directs. L’incidence de l’application de cette section à ces autres investissements sur la
nature de la compétence de l’Union pour approuver cette partie de l’accord envisagé est examinée aux
points 226 à 243 du présent avis.
111. Aux termes de l’article 207, paragraphe 1, TFUE, la politique commerciale commune inclut « les
aspects commerciaux de la propriété intellectuelle ».
112. Les engagements internationaux contractés par l’Union en matière de propriété intellectuelle relèvent
desdits « aspects commerciaux » lorsqu’ils présentent un lien spécifique avec les échanges
commerciaux internationaux en ce qu’ils sont essentiellement destinés à promouvoir, à faciliter ou à
ECLI:EU:C:2017:376 17
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régir ces échanges et ont des effets directs et immédiats sur ceux-ci [arrêt du 18 juillet 2013, Daiichi
Sankyo et Sanofi-Aventis Deutschland, C-414/11, EU:C:2013:520, points 49 à 52, ainsi que avis 3/15
(Traité de Marrakech sur l’accès aux œuvres publiées), du 14 février 2017, EU:C:2017:114, point 78].
113. Les engagements en matière de propriété intellectuelle contenus dans l’accord envisagé sont énoncés
au chapitre 11 de celui-ci et complètent, ainsi que le précise l’article 11.2 de cet accord, les droits et
les obligations des parties au titre de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui
touchent au commerce [annexe 1 C de l’accord instituant l’OMC, signé à Marrakech le 15 avril 1994
et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au
nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences,
des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1,
ci-après l’« accord instituant l’OMC »)] et des autres conventions multilatérales dans le domaine de la
propriété intellectuelle conclues par elles.
114. En matière de droit d’auteur et de droits voisins, l’accord envisagé rappelle, à son article 11.4, intitulé
« Protection octroyée », les obligations des parties au titre de diverses conventions internationales,
parmi lesquelles figurent la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et
artistiques, signée à Berne le 9 septembre 1886 (acte de Paris du 24 juillet 1971), dans sa version
résultant de la modification du 28 septembre 1979, ainsi que le traité de l’Organisation mondiale de la
propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit d’auteur, signé le 20 décembre 1996 à Genève, qui a été
approuvé au nom de l’Union par la décision 2000/278/CE du Conseil, du 16 mars 2000 (JO 2000,
L 89, p. 6). Par ailleurs, il édicte, essentiellement, des normes portant sur la durée minimale de la
protection de diverses catégories d’œuvres (article 11.5) et l’obligation de protéger les auteurs contre
le contournement des mesures techniques qu’ils mettent en œuvre pour éviter l’accomplissement
d’actes non autorisés (article 11.9).
115. En matière de marques, l’accord envisagé prévoit, à son article 11.13, que chaque partie créera une base
de données électronique publique des demandes d’enregistrement et des enregistrements de marques.
Par ailleurs, chaque partie doit garantir que tout refus d’enregistrement fera l’objet d’une décision
écrite motivée susceptible de recours. Les tiers devront disposer de la faculté de former opposition à
des demandes d’enregistrement.
116. En matière d’indications géographiques, l’article 11.17, paragraphe 1, de l’accord envisagé oblige chaque
partie à établir « des systèmes pour l’enregistrement et la protection des indications géographiques sur
son territoire, pour les catégories de vins, spiritueux, produits agricoles et denrées alimentaires qu’elle
juge pertinentes ». Ces systèmes doivent comporter certaines voies procédurales, décrites au
paragraphe 2 dudit article 11.17, permettant notamment de prendre en considération les intérêts
légitimes des tiers. Le paragraphe 3 du même article ajoute que les indications géographiques
protégées par chaque partie seront inscrites sur une liste maintenue par le comité « Commerce »
établi par l’accord envisagé. Les indications géographiques figurant sur cette liste devront, en vertu de
l’article 11.19 de cet accord, être protégées par chaque partie de manière à ce que les entrepreneurs
concernés puissent empêcher que des tiers induisent le public en erreur ou accomplissent d’autres
actes de concurrence déloyale.
117. En matière de dessins ou modèles, chaque partie doit, conformément aux articles 11.24 à 11.26 de
l’accord envisagé, protéger, pour une durée au moins égale à dix ans à compter de la date de la
demande de protection, les dessins ou modèles qui ont été créés de manière indépendante et qui sont
nouveaux ou originaux. Ledit article 11.24 précise que sont exclus d’une telle protection les dessins ou
modèles qui sont essentiellement dictés par des considérations techniques ou fonctionnelles, ainsi que
ceux qui sont contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
118. En matière de brevets, l’accord envisagé rappelle, à l’article 11.29, les obligations des parties au titre de
certains instruments internationaux et contient un engagement de coopération. Par ailleurs, son
article 11.31 énonce que « [l]es parties reconnaissent que les produits pharmaceutiques protégés par
18 ECLI:EU:C:2017:376
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AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
un brevet sur leurs territoires respectifs peuvent faire l’objet d’une procédure administrative
d’approbation de commercialisation avant d’être mis sur leurs marchés respectifs », qu’elles
« prévoient la possibilité d’une prolongation de la durée de validité des droits conférés par le brevet
afin de compenser le titulaire du brevet pour tout raccourcissement de la période d’effet dudit brevet
résultant de la procédure administrative d’approbation de commercialisation » et que « la
prolongation de la durée de validité des droits conférés par le brevet ne peut excéder cinq ans ».
119. L’article 11.33 de l’accord envisagé ajoute que, « [l]orsqu’une partie subordonne l’approbation de la
commercialisation d’un produit pharmaceutique à la présentation de données d’essai ou d’études
concernant sa sécurité et son efficacité, elle ne peut, pendant une période d’au moins cinq ans à
compter de la date d’approbation sur son territoire, autoriser des tiers à commercialiser un produit
identique ou similaire sur la base de l’approbation de commercialisation accordée à la partie qui a
fourni les données d’essai ou les études, sauf si cette partie a donné son accord ». L’article 11.34 de
cet accord énonce des règles similaires visant la protection des données d’essai communiquées pour
obtenir une approbation administrative de commercialisation en vue de la mise sur le marché d’un
produit chimique pour l’agriculture.
120. Enfin, en matière de variétés végétales, l’article 11.35 de l’accord envisagé rappelle les obligations des
parties au titre d’une convention internationale.
121. Cet ensemble de dispositions relatives aux droits d’auteur et aux droits voisins, aux marques, aux
indications géographiques, aux dessins ou modèles, aux brevets, aux données d’essai et aux variétés
végétales, constitué d’un rappel des obligations internationales multilatérales existantes, d’une part, et
d’engagements bilatéraux, d’autre part, a pour objet essentiel, conformément à ce qu’énonce
l’article 11.1, paragraphe 1, sous b), de cet accord, d’assurer aux entrepreneurs de l’Union et
singapouriens « un niveau approprié » de protection de leurs droits de propriété intellectuelle.
122. Les dispositions susvisées du chapitre 11 de l’accord envisagé permettent aux entrepreneurs de l’Union
et singapouriens de bénéficier, sur le territoire de l’autre partie, de standards de protection des droits
de propriété intellectuelle présentant une certaine homogénéité et contribuent ainsi à leur
participation sur un pied d’égalité au libre-échange de marchandises et de services entre l’Union et la
République de Singapour.
123. Il en va de même des articles 11.36 à 11.47 de l’accord envisagé, qui obligent chaque partie à prévoir
certaines catégories de procédures et de mesures judiciaires civiles permettant aux intéressés
d’invoquer et de faire respecter leurs droits de propriété intellectuelle. Ces dispositions assurent une
certaine homogénéité entre les niveaux de protection juridictionnelle dont disposent les titulaires de
droits de propriété intellectuelle, respectivement, dans l’Union et à Singapour.
124. Il en va également de même des articles 11.48 à 11.50 de l’accord, qui obligent chaque partie à
instaurer des méthodes d’identification des marchandises contrefaisantes ou pirates par les autorités
douanières et à prévoir la possibilité, pour les titulaires de droits de propriété intellectuelle, d’obtenir,
en cas de soupçon de contrefaçon ou de piraterie, la suspension de la mise en libre circulation de ces
marchandises. Ces dispositions créent une certaine homogénéité entre les outils disponibles pour
protéger les titulaires de droits de propriété intellectuelle contre l’entrée de marchandises
contrefaisantes ou pirates, respectivement, dans l’Union et à Singapour.
125. Il résulte de l’ensemble de ces éléments, tout d’abord, que les dispositions du chapitre 11 de l’accord
envisagé visent effectivement, ainsi que l’énonce l’article 11, paragraphe 1, de cet accord, à « faciliter
la production et la commercialisation de produits innovants et créatifs et la fourniture de services
entre les parties » et à « accroître les avantages découlant des échanges commerciaux et des
investissements ».
ECLI:EU:C:2017:376 19
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AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
126. Il ressort, ensuite, desdits éléments que ce chapitre ne s’inscrit nullement dans le cadre de
l’harmonisation des législations des États membres de l’Union, mais a pour objet de régir la
libéralisation des échanges entre l’Union et la République de Singapour.
127. Il apparaît, enfin, que, au regard de la place essentielle, rappelée par Mme l’avocat général au point 436
de ses conclusions, qu’occupe la protection des droits de propriété intellectuelle dans les échanges de
marchandises et de services en général et dans la lutte contre le commerce illicite en particulier, les
dispositions du chapitre 11 de l’accord envisagé sont de nature à avoir des effets directs et immédiats
sur les échanges commerciaux entre l’Union et la République de Singapour.
128. Il s’ensuit, en application des critères rappelés aux points 36 et 112 du présent avis, que le chapitre 11
de l’accord envisagé porte sur des « aspects commerciaux de la propriété intellectuelle », au sens de
l’article 207, paragraphe 1, TFUE.
129. Certains des États membres ayant présenté des observations à la Cour soutiennent que le chapitre 11
de l’accord envisagé couvre également des aspects non commerciaux de la propriété intellectuelle au
motif que son article 11.4 renvoie, au sujet du droit d’auteur et des droits voisins, à des conventions
multilatérales qui comportent une disposition relative aux droits moraux. Toutefois, le renvoi par
l’accord envisagé à ces conventions ne suffit pas, aux fins de déterminer la nature de la compétence
de l’Union pour conclure l’accord envisagé, pour considérer que cette matière constitue une
composante à part entière de ce dernier, qui ne mentionne pas les droits moraux.
130. Il découle de tout ce qui précède que le chapitre 11 de l’accord envisagé a pour objet essentiel de
faciliter et de régir les échanges commerciaux entre l’Union et la République de Singapour, et que ses
dispositions sont de nature à avoir des effets directs et immédiats sur ceux-ci, au sens de la
jurisprudence rappelée aux points 36 et 112 du présent avis. Ce chapitre relève, par conséquent, de la
compétence exclusive de l’Union au titre de l’article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE.
131. Aux termes de l’article 12.1, paragraphe 1, de l’accord envisagé, les parties reconnaissent à la fois
« l’importance d’une concurrence libre et non faussée dans leurs relations commerciales » et « que
des pratiques ou des transactions commerciales anticoncurrentielles sont susceptibles de perturber le
bon fonctionnement de leurs marchés et d’amoindrir les avantages de la libéralisation des échanges ».
132. L’article 12.1, paragraphe 2, de cet accord oblige à ces fins chaque partie à disposer d’une législation lui
permettant de lutter efficacement contre les accords entre entreprises, les décisions d’associations
d’entreprises et les pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou
de fausser le jeu de la concurrence, ainsi que contre les exploitations abusives de positions
dominantes et les concentrations entre entreprises entraînant une diminution significative de la
concurrence ou entravant considérablement celle-ci, pour autant que ces accords, ces décisions, ces
pratiques, ces exploitations et ces concentrations affectent le commerce entre l’Union et la République
de Singapour.
133. L’article 12.2 dudit accord ajoute que chaque partie s’engage à charger des autorités de la mise en
œuvre de sa législation respective, visée au paragraphe 2 de cet article 12.1, et à appliquer cette
dernière de manière transparente et non discriminatoire ainsi que dans le respect des principes
d’équité procédurale et des droits de la défense.
20 ECLI:EU:C:2017:376
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134. Ces dispositions de l’accord envisagé s’inscrivent sans équivoque dans le cadre de la libéralisation des
échanges entre l’Union et la République de Singapour. En effet, elles portent spécifiquement sur la
lutte contre les activités anticoncurrentielles et contre les concentrations qui ont pour objet ou pour
effet d’empêcher que les échanges commerciaux entre l’Union et cet État tiers aient lieu dans des
conditions de concurrence saines.
135. Lesdites dispositions relèvent, par conséquent, du domaine de la politique commerciale commune et
non du domaine du marché intérieur. Le fait que l’accord envisagé ne porte nullement sur
l’harmonisation des législations des États membres de l’Union ou sur le commerce entre les États
membres est, au demeurant, corroboré par la première phrase de l’article 12.2 de cet accord, aux
termes de laquelle « [c]haque partie conserve son autonomie pour l’élaboration et l’application de sa
législation », ainsi que par la précision fournie à l’article 12.1 de celui-ci, selon laquelle le chapitre 12
ne vise les accords, les décisions, les pratiques, les exploitations et les concentrations
anticoncurrentiels que dans la mesure où ceux-ci affectent le commerce entre l’Union et la
République de Singapour.
136. Les articles 12.3 et 12.4 dudit accord présentent, eux aussi, un lien spécifique avec les échanges
commerciaux entre l’Union et la République de Singapour. En effet, ces dispositions stipulent, pour
l’essentiel, que toute entreprise publique, toute entreprise bénéficiant de droits spéciaux ou exclusifs et
tout monopole d’État accordent un traitement non discriminatoire aux marchandises et aux
fournisseurs de services de l’autre partie.
137. Le chapitre 12 de l’accord envisagé comporte également des dispositions en matière de subventions.
Celles-ci rappellent les obligations des parties au titre de l’accord sur les subventions et les mesures
compensatoires, faisant partie de l’annexe 1 A de l’accord instituant l’OMC, déterminent quelles
subventions liées au commerce des marchandises et des services entre l’Union et la République de
Singapour sont prohibées et obligent chaque partie à mettre tout en œuvre pour neutraliser ou
éliminer les effets des subventions non prohibées sur les échanges avec l’autre partie.
138. Il résulte des éléments qui précèdent que le chapitre 12 de l’accord envisagé relève, en application des
critères rappelés au point 36 du présent avis, de la compétence exclusive de l’Union visée à l’article 3,
paragraphe 1, sous e), TFUE.
139. Ainsi qu’il ressort du point 5 du présent avis, l’autorisation d’ouvrir des négociations avec la
République de Singapour en vue de la conclusion d’un accord de libre-échange a été donnée le
22 décembre 2009.
140. Ces négociations ont, ainsi que l’a souligné le Parlement dans ses observations, eu pour objet de
parvenir à un accord de libre-échange « nouvelle génération », à savoir un accord de commerce
comprenant, outre les éléments classiques dans de tels accords, tels que la réduction des obstacles
tant tarifaires que non tarifaires aux échanges de marchandises et de services, d’autres aspects
pertinents, voire indispensables, pour ces échanges.
141. Les traités UE et FUE sont entrés en vigueur le 1er décembre 2009. S’agissant de la politique
commerciale commune, le traité FUE diffère sensiblement du traité CE antérieurement en vigueur, en
ce qu’il inclut de nouveaux aspects du commerce international contemporain dans ladite politique.
L’extension du domaine de la politique commerciale commune par le traité FUE constitue une
évolution significative du droit primaire de l’Union (voir arrêt du 18 juillet 2013, Daiichi Sankyo et
Sanofi-Aventis Deutschland, C-414/11, EU:C:2013:520, points 46 ainsi que 48).
ECLI:EU:C:2017:376 21
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
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142. Cette évolution est caractérisée, entre autres, par la règle énoncée à l’article 207, paragraphe 1, seconde
phrase, TFUE selon laquelle « [l]a politique commerciale commune est menée dans le cadre des
principes et objectifs de l’action extérieure de l’Union ». Ces principes et ces objectifs sont précisés à
l’article 21, paragraphes 1 et 2, TUE et portent notamment, ainsi qu’il est indiqué au paragraphe 2,
sous f), de cet article 21, sur le développement durable lié à la préservation et à l’amélioration de la
qualité de l’environnement et la gestion durable des ressources naturelles mondiales.
143. L’obligation pour l’Union d’intégrer lesdits objectifs et principes dans la conduite de sa politique
commerciale commune résulte d’une lecture conjointe de l’article 207, paragraphe 1, seconde phrase,
TFUE, de l’article 21, paragraphe 3, TUE et de l’article 205 TFUE.
144. En effet, aux termes de l’article 21, paragraphe 3, TUE, l’Union « poursuit les objectifs visés aux
paragraphes 1 et 2 dans l’élaboration et la mise en œuvre de son action extérieure dans les différents
domaines couverts par le présent titre et par la cinquième partie du traité [FUE] [...] ». La cinquième
partie du traité FUE inclut notamment la politique commerciale commune.
145. L’article 205 TFUE exprime la même obligation, en énonçant que « [l]’action de l’Union sur la scène
internationale, au titre de la [cinquième partie du traité FUE], repose sur les principes, poursuit les
objectifs et est menée conformément aux dispositions générales visés au chapitre 1 du titre V du
[traité UE] ». Le chapitre 1 du titre V du traité UE contient notamment l’article 21 TUE.
146. Il importe, par ailleurs, de tenir compte des articles 9 et 11 TFUE, aux termes desquels,
respectivement, « [d]ans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l’Union prend
en compte les exigences liées [...] à la garantie d’une protection sociale adéquate » et « [l]es exigences
de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des
politiques et actions de l’Union, en particulier afin de promouvoir le développement durable » (voir,
par analogie, arrêt du 21 décembre 2016, AGET Iraklis, C-201/15, EU:C:2016:972, point 78). En outre,
l’article 3, paragraphe 5, TUE oblige l’Union à contribuer, dans ses relations avec le reste du monde, au
commerce « libre et équitable ».
147. Il s’ensuit que l’objectif de développement durable fait désormais partie intégrante de la politique
commerciale commune.
148. En l’occurrence, les parties se déclarent, dans le préambule de l’accord envisagé, « déterminées à
renforcer leurs relations économiques, commerciales et en matière d’investissements conformément à
l’objectif de développement durable, dans ses dimensions économique, sociale et environnementale ».
Dans cette perspective, le chapitre 13 de cet accord énonce, à ses articles 13.1 et 13.2, que le
développement durable, dont la protection sociale des travailleurs et la protection de l’environnement
sont des composantes qui se renforcent mutuellement, fait partie des objectifs des relations
commerciales entre l’Union et la République de Singapour.
149. S’agissant de la protection sociale des travailleurs, les articles 13.3 à 13.5 de l’accord envisagé
comportent, outre divers engagements des parties de coopérer, d’échanger des informations et de
tenir compte des informations scientifiques, l’obligation pour chacune d’elles d’appliquer de manière
effective les principes concernant les droits fondamentaux au travail. Ces principes sont énumérés à
l’article 13.3, paragraphe 3, de cet accord et comportent, en vertu des instruments adoptés dans le
cadre de l’Organisation internationale du travail (OIT), « la liberté d’association et la reconnaissance
effective du droit de négociation collective », « l’élimination de toute forme de travail forcé ou
obligatoire », « l’abolition effective du travail des enfants » ainsi que « l’élimination de la
discrimination en matière d’emploi et de profession ». Lesdits principes correspondent à ceux de la
déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, adoptée le
18 juin 1998 à Genève (annexe révisée le 15 juin 2010), et sont, ainsi que le souligne le considérant 3
du préambule de cette déclaration, associés à l’objectif du développement durable.
22 ECLI:EU:C:2017:376
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
150. En ce qui concerne la protection de l’environnement, les articles 13.6 à 13.10 de l’accord envisagé
comportent, outre divers engagements des parties de coopérer, d’échanger des informations et de
tenir compte des informations scientifiques, l’obligation pour celles-ci de mettre effectivement en
œuvre les accords multilatéraux en matière d’environnement auxquels elles sont parties (article 13.6,
paragraphe 2), de lutter contre le commerce du bois et des produits dérivés issus d’une récolte illégale
[article 13.7, sous b)], de pratiquer une exploitation durable des stocks halieutiques telle que définie
dans les instruments internationaux ratifiés par les parties [article 13.8, sous a)], de lutter contre la
pêche illicite, non déclarée et non réglementée [article 13.8, sous b)] ainsi que d’adopter des mesures
de suivi et de contrôle efficaces afin de garantir le respect des mesures de conservation [article 13.8,
sous c)].
151. L’article 13.6, paragraphe 4, de cet accord précise qu’il est interdit aux parties d’appliquer les mesures
adoptées ou maintenues pour mettre en œuvre un accord multilatéral en matière d’environnement
d’une manière qui constituerait soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre ces
parties, soit une restriction déguisée au commerce.
152. Par les dispositions susvisées du chapitre 13 de l’accord envisagé, l’Union et la République de
Singapour s’engagent, pour l’essentiel, à assurer que les échanges commerciaux entre elles aient lieu
dans le respect des obligations qui découlent des conventions internationales en matière de protection
sociale des travailleurs et de protection de l’environnement auxquelles elles sont parties.
153. Cette constatation n’est pas remise en cause par le fait que les engagements internationaux rappelés au
chapitre 13 de l’accord envisagé, à savoir notamment ceux exposés aux points 149 et 150 du présent
avis, ne couvrent pas uniquement les échanges commerciaux entre l’Union et la République de
Singapour. En effet, eu égard à la difficulté de distinguer, aux fins du respect de ces engagements,
entre les produits et les services qui font l’objet des échanges commerciaux entre l’Union et ledit État
tiers et ceux qui n’en font pas l’objet, la nécessité d’assurer de manière efficace que lesdits engagements
sont respectés dans le cadre de ces échanges justifie que ces mêmes engagements couvrent l’ensemble
des activités dans les secteurs concernés.
154. Par ailleurs, la portée des obligations découlant des conventions internationales auxquelles l’accord
envisagé se réfère relève des mécanismes d’interprétation, de médiation et de règlement des différends
qui sont en vigueur pour ces conventions. L’accord envisagé sauvegarde l’application de ces
mécanismes extérieurs, en énonçant, à son article 13.16, que son propre règlement des différends et
son propre mécanisme de médiation, figurant à ses chapitres 15 et 16, ne sont pas applicables au
chapitre 13.
155. Il s’ensuit que ce chapitre 13 ne concerne ni la portée des conventions internationales auxquelles il se
réfère ni les compétences de l’Union ou des États membres relatives à ces conventions. En revanche, il
présente un lien spécifique avec les échanges commerciaux entre l’Union et la République de
Singapour.
156. En effet, ledit chapitre 13 régit ces échanges en assurant que ceux-ci s’opèrent dans le respect desdites
conventions et qu’aucune mesure adoptée en vertu de ces dernières n’est appliquée de manière à créer
une discrimination arbitraire ou injustifiable, ou une restriction déguisée dans lesdits échanges.
157. Ce même chapitre est également de nature à avoir des effets directs et immédiats sur ces mêmes
échanges.
158. De tels effets résultent, premièrement, de l’engagement des parties, découlant de l’article 13.1,
paragraphe 3, de l’accord envisagé, d’une part, de ne pas encourager le commerce en abaissant les
niveaux de protection sociale et environnementale sur leur territoire respectif en dessous des
standards prévus par les engagements internationaux, et, d’autre part, de ne pas mettre en œuvre ces
standards de manière protectionniste.
ECLI:EU:C:2017:376 23
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
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159. Deuxièmement, les dispositions prévues au chapitre 13 de l’accord envisagé sont de nature à avoir des
effets directs et immédiats sur les échanges commerciaux entre l’Union et la République de Singapour
dès lors qu’elles réduisent le risque d’écarts démesurés entre les coûts de production des marchandises
et de fourniture des services dans l’Union, d’une part, et à Singapour, d’autre part, et contribuent ainsi
à la participation des entrepreneurs de l’Union et de ceux de cet État tiers au libre-échange sur un pied
d’égalité.
160. Troisièmement, s’agissant en particulier des engagements ayant pour objet de lutter contre le
commerce du bois et des produits dérivés issus d’une récolte illégale et contre la pêche illicite, non
déclarée et non réglementée, visés au point 150 du présent avis, les parties s’obligent, dans l’accord
envisagé, à mettre en œuvre ou à favoriser des systèmes de documentation, de vérification et de
certification. De tels systèmes sont de nature à influer directement sur le commerce des produits
concernés (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2002, Commission/Conseil, C-281/01,
EU:C:2002:761, point 40).
161. Enfin, la spécificité du lien présenté par les dispositions du chapitre 13 de l’accord envisagé avec les
échanges commerciaux entre l’Union et la République de Singapour découle également du fait qu’une
violation des dispositions en matière de protection sociale des travailleurs et de protection de
l’environnement, figurant à ce chapitre, autorise, conformément à la règle coutumière de droit
international codifiée à l’article 60, paragraphe 1, de la convention sur le droit des traités, signée à
Vienne le 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331, ci-après la
« convention de Vienne »), qui s’applique dans les relations entre l’Union et les États tiers (voir,
s’agissant de l’applicabilité aux relations extérieures de l’Union des règles coutumières codifiées dans
la convention de Vienne, arrêts du 25 février 2010, Brita, C-386/08, EU:C:2010:91, points 41 et 42,
ainsi que du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C-104/16 P, EU:C:2016:973, points 100, 107,
110 et 113), l’autre partie à mettre fin à la libéralisation de ces échanges prévue aux autres
dispositions de cet accord ou à suspendre celle-ci.
162. En effet, il convient de constater que ce chapitre 13 occupe une place essentielle dans l’accord envisagé.
163. Il serait, au demeurant, incohérent de considérer que les dispositions libéralisant les échanges entre
l’Union et un État tiers relèvent de la politique commerciale commune et que celles qui visent à
assurer que cette libéralisation des échanges s’opère dans le respect du développement durable n’en
relèvent pas. En effet, la conduite des échanges commerciaux conformément à l’objectif de
développement durable fait, ainsi qu’il a été relevé au point 147 du présent avis, partie intégrante de
cette politique.
164. Certes, la compétence exclusive de l’Union visée à l’article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE ne saurait
être exercée pour réglementer les niveaux de protection sociale et environnementale sur le territoire
respectif des parties. L’adoption de telles règles relèverait de la répartition des compétences entre
l’Union et les États membres prévue, notamment, à l’article 3, paragraphe 1, sous d), et à l’article 3,
paragraphe 2, ainsi qu’à l’article 4, paragraphe 2, sous b) et e), TFUE. L’article 3, paragraphe 1,
sous e), TFUE ne prévaut, en effet, pas sur ces autres dispositions du traité FUE, l’article 207,
paragraphe 6, TFUE énonçant par ailleurs que « [l]’exercice des compétences attribuées [...] dans le
domaine de la politique commerciale commune n’affecte pas la délimitation des compétences entre
l’Union et les États membres [...] ».
165. En l’occurrence toutefois, il ressort de l’article 13.1, paragraphe 4, de l’accord envisagé que les parties
« n’ont pas l’intention d’harmoniser leurs normes en matière de travail ou d’environnement », et de
l’article 13.2, paragraphe 1, de cet accord que ces parties reconnaissent leur droit mutuel d’établir
leurs propres niveaux de protection environnementale et sociale, et d’adopter ou de modifier en
conséquence leurs législations et politiques de manière cohérente avec leurs engagements
internationaux en ces matières.
24 ECLI:EU:C:2017:376
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166. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les dispositions du chapitre 13 de l’accord envisagé ont
pour objet non pas de réglementer les niveaux de protection sociale et environnementale sur le
territoire respectif des parties, mais de régir les échanges commerciaux entre l’Union et la République
de Singapour en subordonnant la libéralisation de ceux-ci à la condition que les parties respectent
leurs obligations internationales en matière de protection sociale des travailleurs et de protection de
l’environnement.
167. Eu égard à tout ce qui précède, le chapitre 13 de l’accord envisagé relève, conformément aux critères
rappelés au point 36 du présent avis, de la politique commerciale commune et, partant, de la
compétence exclusive de l’Union visée à l’article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE.
168. Pour les raisons exposées aux points 56 à 68 du présent avis, dans la mesure où les engagements
contenus au chapitre 8 de l’accord envisagé portent sur les services de transport maritime
international, de transport ferroviaire, de transport par route et de transport par voie navigable
intérieure ainsi que sur les services intrinsèquement liés à ces services de transport, ils ne relèvent pas
de la politique commerciale commune, mais doivent être approuvés conformément à la répartition des
compétences entre l’Union et les États membres dans le domaine de la politique commune des
transports.
169. Cette politique commune est régie par le titre VI de la troisième partie du traité FUE, ce titre étant
composé des articles 90 à 100 TFUE. Ce dernier article énonce, à son paragraphe 1, que les
dispositions dudit titre s’appliquent aux transports ferroviaires ainsi qu’aux transports par route et par
voie navigable, et confère, à son paragraphe 2, le pouvoir au législateur de l’Union d’établir toute
disposition appropriée pour la navigation maritime et aérienne. L’article 91, paragraphe 1, TFUE
autorise ledit législateur à adopter, dans le cadre de la politique commune des transports, des « règles
communes ».
170. Au point 17 de son arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil (22/70, EU:C:1971:32), la Cour a
relevé que, lorsque l’Union a pris des dispositions instaurant, sous quelque forme que ce soit, des règles
communes, les États membres ne sont plus en droit, qu’ils agissent individuellement ou même
collectivement, de contracter avec les États tiers des obligations affectant ces règles (voir également,
notamment, arrêt du 5 novembre 2002, Commission/Danemark, C-467/98, EU:C:2002:625, points 77
à 80).
171. Dans la ligne de cette jurisprudence, l’article 216 TFUE attribue à l’Union la compétence pour
conclure, notamment, tout accord international qui « est susceptible d’affecter des règles communes
ou d’en altérer la portée ».
172. Conformément à l’article 3, paragraphe 2, TFUE, la nature de la compétence détenue par l’Union pour
conclure un tel accord est exclusive.
173. La Commission estime que les engagements contenus au chapitre 8 de l’accord envisagé et portant sur
le domaine des transports sont susceptibles d’affecter des règles communes ou d’en altérer la portée. Le
Parlement partage cette position, contrairement au Conseil et aux États membres ayant présenté des
observations à la Cour.
ECLI:EU:C:2017:376 25
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
174. Il convient d’examiner cette question pour l’ensemble des voies de transport mentionnées dans les
listes des engagements jointes au chapitre 8 de l’accord envisagé. Eu égard à l’attention particulière
portée par cet accord aux transports maritimes, il convient d’examiner ceux-ci en premier.
— Transports maritimes
175. Si le chapitre 8 de l’accord envisagé exclut, à ses articles 8.3 et 8.9, au point 11.A des appendices 8-A-1
et 8-B-1, ainsi qu’au point 16.A des appendices 8-A-2 et 8-A-3 des annexes de ce chapitre, le cabotage
maritime national de son champ d’application, il consacre en revanche une sous-section aux services
de transport maritime international. Cette sous-section est constituée de l’article 8.56 de cet accord,
qui est libellé comme suit :
« 1. La présente sous-section définit les principes régissant la libéralisation des services de transport
maritime international conformément aux sections B (Fourniture transfrontière de services), C
(Établissement) et D (Présence temporaire de personnes physiques à des fins professionnelles).
le “transport maritime international” inclut les opérations multimodales porte à porte, à savoir le
transport de marchandises au moyen de plusieurs modes de transport, avec une partie maritime et
sous un document de transport unique, y compris, à cet effet, le droit de conclure des contrats
directement avec des entreprises proposant d’autres modes de transport.
3. En ce qui concerne le transport maritime international, les parties conviennent de garantir une
application effective des principes de l’accès illimité aux cargaisons sur une base commerciale, de la
libre prestation des services de transport maritime international, ainsi que du traitement national dans
le cadre de la fourniture de ce type de services.
Compte tenu des niveaux existants de libéralisation entre les parties en ce qui concerne le transport
maritime international :
a) les parties appliquent effectivement le principe de l’accès illimité aux marchés et aux échanges dans
le secteur du transport maritime international sur une base commerciale et non discriminatoire ;
b) chaque partie accorde aux navires qui battent pavillon de l’autre partie ou qui sont exploités par
des fournisseurs de services de l’autre partie un traitement non moins favorable que celui qu’elle
accorde à ses propres navires ou à ceux de tout pays tiers, si ce dernier est plus favorable, en ce
qui concerne notamment l’accès aux ports, l’utilisation des infrastructures portuaires et des
services maritimes auxiliaires des ports, les droits et taxes y afférents, les installations douanières
ainsi que l’affectation des postes de mouillage et des équipements de chargement et de
déchargement.
a) s’abstiennent d’introduire des dispositions relatives au partage des cargaisons dans les accords
futurs avec des pays tiers concernant les services de transport maritime, y compris le vrac sec et
liquide et le trafic de lignes régulières, et abrogent, dans un délai raisonnable, ces dispositions
lorsqu’elles existent dans des accords précédents ;
b) suppriment et s’abstiennent d’adopter, dès l’entrée en vigueur du présent accord, toute mesure
unilatérale et toute entrave administrative, technique ou autre susceptible de constituer une
restriction déguisée ou d’avoir des effets discriminatoires sur la libre prestation de services dans le
transport maritime international.
26 ECLI:EU:C:2017:376
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
5. Chaque partie autorise les fournisseurs de services de transport maritime international de l’autre
partie à avoir un établissement sur son territoire, à des conditions d’établissement et d’exploitation
conformes aux conditions précisées dans sa liste des engagements spécifiques.
6. Les parties mettent à la disposition des fournisseurs de services de transport maritime international
de l’autre partie, selon des modalités raisonnables et non discriminatoires, les services portuaires
suivants :
a) pilotage ;
c) embarquement de provisions ;
f) services de la capitainerie ;
g) aides à la navigation ;
176. Cet article 8.56 doit être lu conjointement avec les engagements spécifiques qui sont annexés au
chapitre 8 de l’accord envisagé. En effet, les articles 8.7 et 8.12 de cet accord énoncent que « [l]es
secteurs libéralisés par une partie [...] ainsi que les limitations [...], établies au moyen de réserves, sont
précisés dans la liste des engagements spécifiques de la partie en question ».
177. Il ressort du point 11.A des appendices 8-A-1 et 8-B-1 des annexes de ce chapitre que l’Union et la
République de Singapour n’ont assorti les engagements visés audit article 8.56 d’aucune limitation
pour ce qui concerne la fourniture transfrontière des services de transport maritime international
(modes 1 et 2).
178. S’agissant, en revanche, de la fourniture de services de transport maritime international par la présence
de personnes physiques (mode 4), il convient de relever que l’accord envisagé maintient le statu quo
dans les relations entre l’Union et la République de Singapour. En effet, il ressort du point 16.A de
l’appendice 8-A-3 des annexes du chapitre 8 de cet accord, selon lequel des exigences de nationalité
peuvent être maintenues dans l’Union, et du point 11.A de l’appendice 8-B-1 de ces mêmes annexes,
selon lequel la République de Singapour n’est pas tenue de libéraliser la fourniture de tels services
selon le mode 4, que les parties ne s’engagent pas à libéraliser ce mode de fourniture de services.
179. Pour ce qui concerne la fourniture de services de transport maritime international grâce à une
présence commerciale sur le territoire de l’autre partie (mode 3), l’engagement énoncé à l’article 8.56,
paragraphe 5, de l’accord envisagé, selon lequel chaque partie autorise les fournisseurs de services de
transport maritime international de l’autre partie à disposer d’un établissement sur son territoire, est
limité par les points 16.A de l’appendice 8-A-2 et 11.A de l’appendice 8-B-1 des annexes du
chapitre 8 de l’accord envisagé, qui restreignent la possibilité pour les fournisseurs de l’autre partie de
s’établir aux fins d’exploiter des navires battant pavillon de l’État d’établissement.
ECLI:EU:C:2017:376 27
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
180. Aux fins d’apprécier si ces engagements pour les services fournis en modes 1 et 2 et ceux, limités, pour
les services fournis en mode 3 sont « susceptibles d’affecter des règles communes ou d’en altérer la
portée », au sens de l’article 3, paragraphe 2, TFUE, il convient de se fonder sur la jurisprudence
constante de la Cour selon laquelle ce risque existe lorsque ces engagements relèvent du domaine
d’application desdites règles [voir, notamment, arrêt du 4 septembre 2014, Commission/Conseil,
C-114/12, EU:C:2014:2151, point 68 ; avis 1/13 (Adhésion d’États tiers à la convention de La Haye), du
14 octobre 2014, EU:C:2014:2303, point 71 ; arrêt du 26 novembre 2014, Green Network, C-66/13,
EU:C:2014:2399, point 29, et avis 3/15 (Traité de Marrakech sur l’accès aux œuvres publiées), du
14 février 2017, EU:C:2017:114, point 105].
181. La constatation d’un tel risque ne présuppose pas une concordance complète entre le domaine couvert
par les engagements internationaux et celui couvert par la réglementation de l’Union. La portée des
règles communes de l’Union est susceptible d’être affectée ou altérée par ces engagements également
lorsque ces derniers relèvent d’un domaine déjà couvert en grande partie par lesdites règles [voir avis
1/03 (Nouvelle convention de Lugano), du 7 février 2006, EU:C:2006:81, point 126 ; arrêt du
4 septembre 2014, Commission/Conseil, C-114/12, EU:C:2014:2151, points 69 et 70 ; avis 1/13
(Adhésion d’États tiers à la convention de La Haye), du 14 octobre 2014, EU:C:2014:2303, points 72
et 73, ainsi qu’avis 3/15 (Traité de Marrakech sur l’accès aux œuvres publiées), du 14 février 2017,
EU:C:2017:114, points 106 et 107].
182. En l’occurrence, le domaine dont relèvent les engagements susvisés contenus dans l’accord envisagé est
en grande partie couvert par les règles communes énoncées par le règlement no 4055/86, qui régit
l’application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États
membres et entre États membres et États tiers.
183. Ce règlement fait bénéficier deux catégories de personnes, définies à son article 1er, de la libre
prestation des services de transport maritime international, à savoir, d’une part, les ressortissants d’un
État membre établis dans un État membre autre que celui du destinataire des services et, d’autre part,
les ressortissants d’un État membre établis dans un État tiers ainsi que les compagnies maritimes
établies dans un État tiers et contrôlées par des ressortissants d’un État membre.
184. Le législateur de l’Union a également formulé une exigence de rattachement en prévoyant, par l’emploi
des termes « si leurs navires sont immatriculés dans cet État membre conformément à sa législation »,
à l’article 1er, paragraphe 2, dudit règlement, que les ressortissants d’un État membre qui opèrent à
partir d’un établissement situé dans un État tiers sont exclus de la libre prestation des services si leurs
navires ne battent pas pavillon de cet État membre (voir arrêt du 8 juillet 2014, Fonnship et Svenska
Transportarbetareförbundet, C-83/13, EU:C:2014:2053, point 34).
185. De la façon ainsi circonscrite, le règlement no 4055/86 étend la libre prestation des services aux services
de transport maritime international.
186. Il précise, par ailleurs, à son article 1er, paragraphe 3, que « [l]es dispositions des articles [51 à 54
TFUE] sont applicables à la matière régie par le présent règlement ».
« 1. Lorsqu’un ressortissant ou une compagnie d’un État membre [...] connaît ou risque de connaître
une situation où il ne lui est pas effectivement possible de participer aux trafics vers un pays
déterminé et en provenance de celui-ci, l’État membre concerné en informe le plus rapidement
possible les autres États membres et la Commission.
2. Le Conseil, [...] sur proposition de la Commission, décide des mesures à prendre. Ces mesures
peuvent comprendre [...] la négociation et la conclusion d’arrangements en matière de partage des
cargaisons. »
28 ECLI:EU:C:2017:376
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
188. La fourniture de services de transport maritime entre l’Union et la République de Singapour relève des
règles communes fixées par le règlement no 4055/86. Celles-ci ont notamment pour effet de conférer
aux fournisseurs de ces services établis dans un État membre ainsi qu’aux ressortissants d’un État
membre contrôlant une compagnie maritime située à Singapour et fournissant de tels services au
moyen de navires battant pavillon d’un État membre un accès en principe libre au trafic vers et en
provenance de cet État tiers. En revanche, les prestataires de services de transport maritime entre
l’Union et ledit État tiers qui ne répondent pas à ces exigences de rattachement ne jouissent pas d’un
tel accès.
189. Les engagements contenus dans l’accord envisagé affectent, voire altèrent, considérablement, pour les
services de transport maritime entre l’Union et la République de Singapour, la portée de ces règles
communes établies par le règlement no 4055/86.
190. En effet, il découle de l’article 8.56, paragraphe 3, de cet accord que les fournisseurs de services de
transport maritime de l’Union ainsi que les ressortissants d’un État membre contrôlant une
compagnie maritime établie à Singapour auront un accès libre au trafic vers et en provenance de cet
État tiers, et ce sans qu’il soit exigé de ces derniers que leurs navires battent pavillon d’un État
membre. Ce régime diffère sensiblement de celui établi par le règlement no 4055/86.
191. Les règles prévues à l’article 6 de ce règlement sont également affectées par l’accord envisagé. En effet,
alors qu’il résulte de cet article 6 que le Conseil peut autoriser la négociation et la conclusion
d’arrangements en matière de partage des cargaisons lorsqu’un ressortissant ou une compagnie
maritime d’un État membre rencontre des difficultés d’accès au trafic vers un État tiers et en
provenance de celui-ci, l’article 8.56, paragraphe 4, de cet accord prévoit la suppression progressive de
tels arrangements.
192. Par conséquent, les engagements de l’accord envisagé portant sur les services de transport maritime
entre l’Union et la République de Singapour sont susceptibles d’affecter, voire d’altérer, les règles
communes énoncées par le règlement no 4055/86, qui s’appliquent à la prestation de ces services.
193. La compétence de l’Union pour approuver ces engagements est, dès lors, exclusive au titre de
l’article 3, paragraphe 2, TFUE.
194. Il en va nécessairement de même pour les engagements visant à assortir l’accès auxdits services de
transport d’un accès libre aux services auxiliaires qui y sont intrinsèquement liés, énumérés à
l’article 8.56, paragraphe 6, de l’accord envisagé, ainsi qu’au point 12 de l’appendice 8-A-1, au
point 17 des appendices 8-A-2 et 8-A-3, et au point 11 de l’appendice 8-B-1 des annexes du
chapitre 8 dudit accord.
– Transports ferroviaires
195. Il ressort des principes énoncés au chapitre 8 de l’accord envisagé, résumés au point 51 du présent avis,
lus conjointement avec le point 11.C de l’appendice 8-A-1, le point 16.C des appendices 8-A-2
et 8-A-3, ainsi que le point 11.B de l’appendice 8-B-1 des annexes de ce chapitre, que celui-ci
libéralise les services de transport ferroviaire entre l’Union et la République de Singapour fournis en
modes 2 et 3.
196. Par conséquent, dans ce secteur de services, l’Union s’engage à permettre aux prestataires
singapouriens d’accéder aux réseaux et aux activités ferroviaires dans l’Union et, le cas échéant, de s’y
établir, dans des conditions non moins favorables que celles qui s’appliquent aux prestataires de
l’Union. La République de Singapour s’engage de manière similaire à l’égard des prestataires de
l’Union pour ce qui concerne l’accès aux réseaux et aux activités ferroviaires situés sur son territoire.
ECLI:EU:C:2017:376 29
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
197. Lesdits engagements de l’Union relèvent d’un domaine largement couvert par des règles communes de
celle-ci.
198. En effet, les conditions non moins favorables dont les prestataires singapouriens bénéficieront,
conformément à ces engagements, pour accéder aux réseaux et aux activités de transport ferroviaire
dans l’Union, et pour s’y établir, correspondent aux éléments régis par les règles de l’espace ferroviaire
unique européen, prévus par la directive 2012/34.
199. Cette directive, qui a été adoptée sur le fondement de l’article 91 TFUE, énonce, à son considérant 7,
« que le principe de la libre prestation de services [est] appliqué au secteur ferroviaire, en tenant
compte des caractéristiques spécifiques de ce secteur ». Il ressort de l’article 1er de celle-ci qu’elle
« s’applique à l’utilisation d’infrastructures ferroviaires pour les services ferroviaires » et établit,
notamment, « les règles applicables à la gestion de l’infrastructure ferroviaire et aux activités de
transport par chemin de fer des entreprises ferroviaires qui sont établies ou s’établiront dans un État
membre » ainsi que « les critères applicables à la délivrance, à la prorogation ou à la modification, par
un État membre, des licences destinées aux entreprises ferroviaires qui sont établies ou s’établiront
dans l’Union ».
200. Dès l’entrée en vigueur de l’accord envisagé, les services de transport ferroviaire fournis dans l’Union
par des prestataires singapouriens relèveront, conformément aux engagements découlant de cet
accord, d’un régime d’accès et d’établissement qui couvrira les mêmes éléments que le régime instauré
par la directive 2012/34 et qui ne devra pas être moins favorable que celui-ci.
201. Ainsi que la Cour l’a déjà constaté, lorsqu’un accord entre l’Union et un État tiers prévoit l’application,
aux rapports internationaux visés par cet accord, de règles qui se chevaucheront dans une grande
mesure avec les règles communes de l’Union applicables aux situations intracommunautaires, cet
accord doit être considéré comme étant susceptible d’affecter ou d’altérer la portée de ces règles
communes. En effet, nonobstant l’absence de contradiction avec lesdites règles communes, le sens, la
portée et l’efficacité de celles-ci sont susceptibles d’être influencés [voir, notamment, avis 1/03
(Nouvelle convention de Lugano), du 7 février 2006, EU:C:2006:81, points 143 et 151 à 153 ; avis 1/13
(Adhésion d’États tiers à la convention de La Haye), du 14 octobre 2014, EU:C:2014:2303, points 84
à 90, ainsi qu’arrêt du 26 novembre 2014, Green Network, C-66/13, EU:C:2014:2399, points 48 et 49].
202. Dès lors que les engagements contenus dans l’accord envisagé au sujet des services de transport
ferroviaire relèvent d’un domaine déjà couvert en grande partie par des règles communes de l’Union
et que la portée de celles-ci est susceptible d’être affectée ou altérée par ces engagements, la
compétence de l’Union pour approuver ces engagements est exclusive, en application de l’article 3,
paragraphe 2, TFUE.
203. Il en va nécessairement de même pour les engagements visant à assortir l’accès auxdits services de
transport d’un accès libre aux services auxiliaires qui y sont intrinsèquement liés, énumérés au
point 12 de l’appendice 8-A-1, au point 17 de l’appendice 8-A-2 et au point 11 de l’appendice 8-B-1
des annexes du chapitre 8 de l’accord envisagé.
204. Il ressort des principes du chapitre 8 de l’accord envisagé, résumés au point 51 du présent avis, lus
conjointement avec le point 11.D de l’appendice 8-A-1, le point 16.D des appendices 8-A-2 et 8-A-3
ainsi que le point 11.C de l’appendice 8-B-1 des annexes de ce chapitre, que celui-ci libéralise sans
limitation les services de transport par route dans l’Union et à Singapour, fournis en mode 2, et qu’il
libéralise, dans une certaine mesure, ceux fournis en modes 3 et 4.
30 ECLI:EU:C:2017:376
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
205. L’Union s’engage ainsi à permettre aux prestataires singapouriens d’exercer, dans l’Union, des activités
de transport de passagers et de marchandises par route dans des conditions non moins favorables que
celles qui s’appliquent aux prestataires de l’Union. La République de Singapour s’engage de manière
similaire pour ce qui concerne les prestataires de l’Union.
206. Lesdits engagements de l’Union relèvent d’un domaine largement couvert par des règles communes de
celle-ci.
207. En effet, les conditions non moins favorables dont les prestataires singapouriens bénéficieront,
conformément à ces engagements, pour fournir des services de transport par route dans l’Union
correspondent dans une grande mesure aux éléments régis par les règles communes énoncées dans les
règlements nos 1071/2009, 1072/2009 et 1073/2009.
208. Ces règlements, qui relèvent de la politique commune des transports, établissent, respectivement, en
vertu de leur article 1er, des règles communes relatives à l’accès à « la profession de transporteur par
route et [à] l’exercice de cette profession », à l’accès aux « transports internationaux de marchandises
par route [dans l’Union] » et à l’accès aux « transports internationaux de voyageurs par autocars et
autobus [dans l’Union] ».
209. Dès l’entrée en vigueur de l’accord envisagé, les services de transport par route fournis dans l’Union
par des prestataires singapouriens devront, conformément aux engagements contenus dans cet accord,
relever d’un régime d’accès qui couvrira les mêmes éléments que les régimes instaurés, en particulier,
par les règlements nos 1072/2009 et 1073/2009 et qui ne devra pas être moins favorable que ceux-ci.
210. Pour les mêmes raisons que celles exposées au point 201 du présent avis, il y a lieu de considérer que
de tels engagements internationaux relèvent d’un domaine déjà couvert en grande partie par des règles
communes de l’Union et sont susceptibles d’affecter ou d’altérer la portée de celles-ci.
211. La compétence de l’Union pour approuver les engagements portant sur les services de transport par
route est, dès lors, exclusive, au titre de l’article 3, paragraphe 2, TFUE.
212. Il en va nécessairement de même des engagements visant les services auxiliaires qui sont
intrinsèquement liés à ces services de transport, énumérés au point 12 de l’appendice 8-A-1, au
point 17 de l’appendice 8-A-2 et au point 11 de l’appendice 8-B-1 des annexes du chapitre 8 de
l’accord envisagé.
213. Les transports par voie navigable intérieure qui demeurent cantonnés sur le territoire d’un État
membre de l’Union ou de la République de Singapour ne sont pas mentionnés dans l’accord envisagé
et ne relèvent donc pas, conformément aux articles 8.7 et 8.12 de l’accord envisagé, de la libéralisation
prévue au chapitre 8 de celui-ci.
214. Les transports par voie navigable intérieure entre les États membres de l’Union, tout en étant
mentionnés dans la liste des engagements spécifiques de l’Union pour les services fournis en modes 1
à 3, ne sont pas non plus libéralisés. En effet, en raison des limitations énumérées au point 11.B de
l’appendice 8-A-1 et au point 16.B de l’appendice 8-A-2 des annexes du chapitre 8 de l’accord
envisagé, les entrepreneurs singapouriens ne disposent pas, en substance, d’un droit d’accès à ces
activités de transport.
215. Ces appendices énoncent, notamment, le maintien d’exigences de nationalité. En outre, les territoires
de treize États membres sont exclus de la fourniture transfrontière de ces services de transport. En
raison de la situation géographique de ces États membres, les voies de navigation intérieure entre
ECLI:EU:C:2017:376 31
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
États membres qui ne sont pas affectées par cette exclusion, se limitent pour l’essentiel à celles reliant
l’Allemagne, l’Autriche, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas, ainsi que celles reliant la Belgique, la
France et les Pays-Bas. L’accès à ces voies navigables est toutefois réservé en vertu d’accords existants
dont le maintien, sans extension en faveur des entrepreneurs singapouriens, est expressément prévu
auxdits appendices.
216. Il s’ensuit que la mention, dans l’accord envisagé, des transports par voie navigable intérieure est
assortie, tout au plus, d’engagements d’une portée extrêmement limitée.
217. Il est de jurisprudence constante que, dans l’examen de la nature de la compétence pour conclure un
accord international, il n’y a pas lieu de tenir compte des dispositions de cet accord qui ont une
portée extrêmement limitée [voir, notamment, avis 1/08 (Accords modifiant les listes d’engagements
spécifiques au titre de l’AGCS), du 30 novembre 2009, EU:C:2009:739, point 166 et jurisprudence
citée]. Dès lors, en l’occurrence, il convient de déterminer la nature de la compétence de l’Union en
ce qui concerne les engagements contenus au chapitre 8 de l’accord envisagé dans le domaine des
transports en tenant compte des engagements relatifs aux transports maritimes, ferroviaires et par
route. L’Union étant, pour les raisons exposées aux points 175 à 212 du présent avis, exclusivement
compétente, en application de l’article 3, paragraphe 2, TFUE, pour approuver ces engagements, il
s’ensuit, par l’effet cumulé de cette conclusion et de celle énoncée au point 69 du présent avis, qu’elle
est exclusivement compétente à l’égard dudit chapitre 8 dans son intégralité.
218. Contrairement à ce que fait valoir l’Irlande, cette conclusion n’est pas infirmée par le protocole (no 21)
sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice,
annexé aux traités UE et TFUE. Il suffit de relever, à cet égard, que la politique commerciale commune
et la politique commune des transports ne sont pas visées par ce protocole et de rappeler que ce sont
la finalité ainsi que le contenu de l’acte en cause qui déterminent les protocoles éventuellement
applicables, et non l’inverse (voir, par analogie, arrêt du 22 octobre 2013, Commission/Conseil,
C-137/12, EU:C:2013:675, points 74 et 75). L’accord envisagé ne portant pas sur les aspects régis par
la troisième partie, titre V, du traité FUE, ledit protocole est dépourvu de pertinence dans le cadre de
la présente procédure. Il en va de même pour le protocole (no 22) sur la position du Danemark, annexé
aux traités UE et TFUE, ainsi que le Royaume du Danemark l’a au demeurant exposé lors de
l’audience.
219. Ainsi qu’il a été relevé au point 77 du présent avis, dans la mesure où les engagements contenus au
chapitre 10 de l’accord envisagé portent sur les marchés publics de services de transport maritime
international, de transport ferroviaire, de transport par route et de transport par voie navigable
intérieure ainsi que sur les marchés publics de services intrinsèquement liés à ces services de
transport, ils ne relèvent pas de la politique commerciale commune.
220. Il convient, dans ces conditions, d’examiner si l’Union dispose, pour les engagements portant sur ces
marchés publics de services, d’une compétence externe exclusive au titre de l’article 3, paragraphe 2,
TFUE.
221. Ainsi qu’il a été relevé aux points 75 et 76 du présent avis, le chapitre 10 de l’accord envisagé comporte
un ensemble de règles visant à encadrer la passation de marchés publics dans l’Union et à Singapour
de manière à assurer que les procédures de passation de tels marchés se déroulent dans le respect des
principes de non-discrimination et de transparence.
222. La directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des
marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), ainsi que la directive
2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, relative à la passation de
32 ECLI:EU:C:2017:376
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services
postaux, et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO 2014, L 94, p. 243), instituent un ensemble de
règles communes visant, en substance, à garantir que les passations de marchés publics, entre autres,
dans le secteur des transports soient conformes, au sein de l’Union, à ces mêmes principes, ainsi qu’il
est précisé au considérant 1 et à l’article 18 de la directive 2014/24, de même qu’au considérant 2 et à
l’article 36 de la directive 2014/25.
223. Dès l’entrée en vigueur de l’accord envisagé, l’accès des prestataires singapouriens aux marchés publics
de l’Union dans le domaine des transports relèvera donc d’engagements couvrant les mêmes éléments
que ceux régis par les directives 2014/24 et 2014/25.
224. Partant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 201 du présent avis, l’Union dispose d’une
compétence externe exclusive, au titre de l’article 3, paragraphe 2, TFUE, pour les engagements
internationaux contenus au chapitre 10 de cet accord en matière de marchés publics de services dans
le domaine des transports, ces engagements relevant d’un domaine déjà couvert en grande partie par
des règles communes de l’Union et étant susceptibles d’affecter ou d’altérer la portée de celles-ci.
225. Pour les raisons exposées aux points 80 à 109 du présent avis, les engagements contenus dans la
section A du chapitre 9 de l’accord envisagé au sujet de la protection des investissements relèvent de
la politique commerciale commune de l’Union et, partant, de la compétence exclusive de cette
dernière, au titre de l’article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE, dans la mesure où ils concernent les
« investissements étrangers directs », au sens de l’article 207, paragraphe 1, TFUE, entre l’Union et la
République de Singapour.
226. Il convient à présent de déterminer si l’Union est également exclusivement compétente au titre de
l’article 3, paragraphe 2, TFUE, dans la mesure où ladite section A porte sur d’autres investissements
étrangers entre l’Union et ledit État tiers.
227. À cet égard, il importe de rappeler que les investissements étrangers autres que directs peuvent, entre
autres, avoir lieu sous la forme d’acquisitions de titres de société dans l’intention de réaliser un
placement financier sans intention d’influer sur la gestion et le contrôle de l’entreprise
(investissements dits « de portefeuille »), et que de tels investissements constituent des mouvements
de capitaux au sens de l’article 63 TFUE (voir, notamment, arrêts du 28 septembre 2006,
Commission/Pays-Bas, C-282/04 et C-283/04, EU:C:2006:208, point 19 ; du 21 octobre 2010, Idryma
Typou, C-81/09, EU:C:2010:622, point 48, ainsi que du 10 novembre 2011, Commission/Portugal,
C-212/09, EU:C:2011:717, point 47).
228. Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 367 de ses conclusions, des types d’investissements
autres que l’acquisition de titres de société, tels que certaines catégories d’investissements immobiliers
ou le recours à l’emprunt, constituent également des investissements visés par le chapitre 9 de l’accord
envisagé et peuvent, à l’instar d’une acquisition de titres de société, impliquer des mouvements de
capitaux ou des paiements.
229. En se fondant essentiellement sur la jurisprudence rappelée au point 201 du présent avis, selon laquelle
un accord conclu par l’Union peut, même en l’absence de contradiction avec des règles communes de
l’Union, « affecter » celles-ci, au sens de l’article 3, paragraphe 2, TFUE, la Commission fait valoir que
la section A du chapitre 9 de l’accord envisagé est susceptible d’affecter l’article 63 TFUE et relève, dès
lors, de la compétence exclusive de l’Union visée audit article 3, paragraphe 2.
ECLI:EU:C:2017:376 33
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
230. Or, ainsi que l’ont fait valoir le Conseil et les États membres ayant présenté des observations à la Cour,
ladite jurisprudence ne saurait être transposée à une situation dans laquelle la règle de l’Union visée est
une disposition du traité FUE et non pas une règle adoptée sur le fondement de celui-ci.
231. En effet, d’une part, cette jurisprudence, dont la substance est exprimée dans le dernier membre de
phrase de l’article 3, paragraphe 2, TFUE, puise son origine dans l’arrêt du 31 mars 1971,
Commission/Conseil (22/70, EU:C:1971:32).
232. Aux points 17 à 19 de cet arrêt, la Cour a formulé les considérations suivantes :
« 17 [...] en particulier, chaque fois que, pour la mise en œuvre d’une politique commune prévue par le
traité, la Communauté a pris des dispositions instaurant, sous quelque forme que ce soit, des
règles communes, les États membres ne sont plus en droit, qu’ils agissent individuellement ou
même collectivement, de contracter avec les États tiers des obligations affectant ces règles ;
18 [...] en effet, au fur et à mesure de l’instauration de ces règles communes, la Communauté seule
est en mesure d’assumer et d’exécuter, avec effet pour l’ensemble du domaine d’application de
l’ordre juridique communautaire, les engagements contractés à l’égard d’États tiers ;
19 [...] on ne saurait, dès lors, dans la mise en œuvre des dispositions du traité, séparer le régime des
mesures internes à la Communauté de celui des relations extérieures. »
233. Il ressort de ces passages de l’arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil (22/70, EU:C:1971:32), que
constituent des « règles communes » les dispositions de droit dérivé que la Communauté, devenue
l’Union, a progressivement instaurées et que, lorsque l’Union a ainsi exercé sa compétence interne, elle
doit, parallèlement, jouir d’une compétence externe exclusive pour éviter que les États membres
prennent des engagements internationaux qui seraient susceptibles d’affecter ces règles communes ou
d’en altérer la portée.
234. Ce serait méconnaître la motivation inhérente à la règle de compétence externe exclusive contenue
dans l’arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil (22/70, EU:C:1971:32), tel que confirmé par la
jurisprudence ultérieure de la Cour (voir, notamment, arrêt du 5 novembre 2002,
Commission/Danemark, C-467/98, EU:C:2002:625, points 77 à 80), que d’étendre la portée de cette
règle, à présent inscrite à l’article 3, paragraphe 2, dernier membre de phrase, TFUE, à un cas de figure
qui, comme en l’occurrence, concerne non pas des règles de droit dérivé instaurées par l’Union dans le
cadre de l’exercice d’une compétence interne qui lui a été conférée par les traités, mais une règle de
droit primaire de l’Union adoptée par les auteurs de ces traités.
235. D’autre part, eu égard à la primauté des traités UE et FUE sur les actes adoptés sur leur fondement, ces
actes, y compris les accords conclus par l’Union avec des États tiers, puisent leur légitimité dans lesdits
traités et ne sauraient, en revanche, exercer une influence sur le sens ou la portée des dispositions de
ceux-ci. Lesdits accords ne sont, dès lors, pas susceptibles d’« affecter » des règles de droit primaire
de l’Union ou d’« altérer la portée » de celles-ci, au sens de l’article 3, paragraphe 2, TFUE.
236. La conclusion d’un accord international, en l’occurrence avec la République de Singapour, en matière
d’investissements étrangers autres que directs n’est pas non plus, en l’état actuel du droit de l’Union,
« prévue dans un acte législatif de l’Union », au sens de cet article 3, paragraphe 2.
237. Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a expressément indiqué dans ses observations présentées à la
Cour, la conclusion d’un tel accord n’apparaît pas « nécessaire pour permettre [à l’Union] d’exercer sa
compétence interne », au sens dudit article 3, paragraphe 2.
34 ECLI:EU:C:2017:376
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
238. Il s’ensuit que l’Union ne dispose pas de la compétence exclusive pour conclure avec la République de
Singapour un accord international dans la mesure où celui-ci porte sur la protection d’investissements
étrangers autres que directs.
239. En revanche, la conclusion par l’Union d’un accord international se rapportant à de tels
investissements peut se révéler « nécessaire pour réaliser, dans le cadre des politiques de l’Union, l’un
des objectifs visés par les traités », au sens de l’article 216, paragraphe 1, TFUE.
240. En particulier, eu égard au fait que la libre circulation des capitaux et des paiements entre les États
membres et les États tiers, prévue à l’article 63 TFUE, n’est pas formellement opposable aux États
tiers, la conclusion d’accords internationaux qui contribuent à l’instauration de cette libre circulation
sur une base réciproque peut être qualifiée de nécessaire pour réaliser pleinement cette libre
circulation, qui est l’un des objectifs du titre IV (« La libre circulation des personnes, des services et
des capitaux ») de la troisième partie (« Les politiques et actions internes de l’Union ») du traité FUE.
241. Ce titre IV relève de la compétence partagée entre l’Union et les États membres, au titre de l’article 4,
paragraphe 2, sous a), TFUE, relative au marché intérieur.
242. La compétence attribuée à l’Union par l’article 216, paragraphe 1, TFUE pour la conclusion d’un
accord qui est « nécessaire pour réaliser, dans le cadre des politiques de l’Union, l’un des objectifs
visés par les traités » est elle aussi de nature partagée, dès lors que l’article 4, paragraphe 1, TFUE
prévoit que l’Union « dispose d’une compétence partagée avec les États membres lorsque les traités
lui attribuent une compétence qui ne relève pas des domaines visés aux articles 3 et 6 », ce qui est le
cas en l’occurrence.
243. Il résulte des points 80 à 109 et 226 à 242 du présent avis que les engagements contenus dans la
section A du chapitre 9 de l’accord envisagé relèvent de la politique commerciale commune de l’Union
et, partant, de la compétence exclusive de cette dernière au titre de l’article 3, paragraphe 1, sous e),
TFUE, dans la mesure où ils concernent les investissements étrangers directs de ressortissants
singapouriens dans l’Union et inversement. En revanche, ces engagements relèvent d’une compétence
partagée entre l’Union et les États membres au titre de l’article 4, paragraphes 1 et 2, sous a), TFUE,
dans la mesure où ils concernent d’autres types d’investissements.
244. Il s’ensuit que la section A dudit chapitre de l’accord envisagé ne saurait être approuvée par l’Union
seule.
245. S’agissant de cette section A, il importe, enfin, d’examiner la position exprimée par plusieurs États
membres dans le cadre de leurs observations écrites et orales présentées à la Cour, selon laquelle
l’article 9.10 de l’accord envisagé ne peut relever ni d’une compétence exclusive de l’Union ni d’une
compétence partagée par cette dernière avec les États membres et relèverait, dès lors, de la seule
compétence des États membres.
246. Ledit article 9.10, intitulé « Rapports avec d’autres accords », est la disposition finale de ladite
section A et énonce, à son paragraphe 1, ce qui suit :
« Dès l’entrée en vigueur du présent accord, les accords [bilatéraux d’investissement] conclus entre des
États membres de l’Union et Singapour [...], ainsi que les droits et obligations qui en découlent, cessent
d’être appliqués ; ils sont annulés et remplacés par le présent accord. »
247. La circonstance que l’Union et la République de Singapour aient inséré, dans l’accord envisagé, une
disposition qui fait expressément ressortir que les accords bilatéraux d’investissement entre les États
membres de l’Union et cet État tiers sont éteints et ne produisent dès lors plus de droits et
ECLI:EU:C:2017:376 35
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
d’obligations dès l’entrée en vigueur de cet accord conclu avec ledit État tiers au niveau de l’Union ne
saurait être regardée comme empiétant sur une compétence des États membres, pour autant que cette
disposition porte sur un domaine à l’égard duquel l’Union détient une compétence exclusive.
248. En effet, lorsque l’Union négocie et conclut avec un État tiers un accord portant sur un domaine à
l’égard duquel elle a acquis une compétence exclusive, elle se substitue à ses États membres. À cet
égard, il convient de rappeler qu’il est constant, depuis l’arrêt du 12 décembre 1972, International
Fruit Company e.a. (21/72 à 24/72, EU:C:1972:115, points 10 à 18), que l’Union est susceptible de
succéder aux États membres dans leurs engagements internationaux lorsque les États membres ont
transféré à l’Union, par l’un de ses traités fondateurs, leurs compétences afférentes à ces engagements
et que cette dernière exerce ces compétences.
249. Il s’ensuit que, à partir du 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du traité FUE, qui attribue une
compétence exclusive à l’Union en matière d’investissements étrangers directs, l’Union est compétente
pour approuver, seule, une disposition d’un accord conclu par elle avec un État tiers qui stipule que les
engagements en matière d’investissements directs contenus dans des accords bilatéraux antérieurement
conclus entre des États membres de l’Union et cet État tiers doivent, dès l’entrée en vigueur de cet
accord conclu par l’Union, être considérés comme étant remplacés par celui-ci.
250. Il importe, à cet égard, de rappeler que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, TFUE, il est, sauf
habilitation par l’Union, interdit aux États membres d’adopter des actes produisant des effets
juridiques dans les domaines qui relèvent d’une compétence exclusive de l’Union. Or, le règlement
(UE) no 1219/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, établissant des
dispositions transitoires pour les accords bilatéraux d’investissement conclus entre des États membres
et des pays tiers (JO 2012, L 351, p. 40), habilite, certes, les États membres, sous des conditions
strictes, à maintenir en vigueur, voire à conclure, des accords bilatéraux en matière d’investissements
directs avec un État tiers aussi longtemps qu’il n’existe pas d’accord en matière d’investissements
directs entre l’Union et cet État tiers. En revanche, dès qu’un tel accord entre l’Union et ledit État
tiers entre en vigueur, cette habilitation cesse d’exister.
251. Par conséquent, l’argumentation selon laquelle les États membres devraient avoir la possibilité
d’adopter, après l’entrée en vigueur d’engagements en matière d’investissements étrangers directs
contenus dans un accord conclu par l’Union, des actes qui déterminent le sort des engagements en la
matière contenus dans les accords bilatéraux qu’ils ont antérieurement conclus avec le même État tiers,
ne saurait prospérer.
252. Il ressort de ce qui précède que l’article 9.10 de l’accord envisagé relève, à l’instar des autres
dispositions de la section A du chapitre 9 de cet accord, de la compétence exclusive de l’Union dans
la mesure où il porte sur les engagements en matière d’investissements étrangers directs contenus
dans les accords bilatéraux d’investissement conclus entre des États membres et la République de
Singapour.
253. Dans la mesure où il résulte de l’annexe 9-D de l’accord envisagé que plusieurs États membres ont
conclu un accord bilatéral d’investissement avec la République de Singapour avant leur adhésion à
l’Union, il importe de préciser que la conclusion énoncée ci-avant n’est pas infirmée par l’article 351
TFUE, aux termes duquel « [l]es droits et obligations résultant de conventions conclues
antérieurement au 1er janvier 1958 ou, pour les États adhérents, antérieurement à la date de leur
adhésion, entre un ou plusieurs États membres, d’une part, et un ou plusieurs États tiers, d’autre part,
ne sont pas affectés par les dispositions des traités ».
254. Il y a lieu, à cet égard, de rappeler que l’article 351 TFUE vise à permettre aux États membres de
respecter les droits que les États tiers tirent, conformément au droit international, de ces conventions
antérieures (voir, s’agissant des articles 234 CEE et 307 CE, dont le libellé est en substance repris à
l’article 351 TFUE, arrêts du 14 octobre 1980, Burgoa, 812/79, EU:C:1980:231, point 8 ; du 4 juillet
36 ECLI:EU:C:2017:376
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
255. S’il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que l’Union se substitue aux États membres pour
ce qui concerne les engagements internationaux pris dans des domaines qui, comme celui des
investissements étrangers directs, relèvent de sa compétence exclusive, il n’en demeure pas moins que,
dans la version de la section A du chapitre 9 de l’accord envisagé soumise à la Cour dans le cadre de la
présente procédure d’avis, l’article 9.10 de cet accord porte également sur les engagements qui
pourraient, dans les accords bilatéraux d’investissements conclus entre des États membres et la
République de Singapour, concerner des types d’investissements autres que directs.
256. Pour l’ensemble des raisons exposées aux points 245 à 255 du présent avis, l’argumentation selon
laquelle une disposition telle que l’article 9.10 de l’accord envisagé ne saurait figurer dans un accord
conclu par l’Union, dès lors qu’elle relève d’une compétence appartenant aux seuls États membres, ne
saurait prospérer. La nature de la compétence de l’Union pour approuver cet article 9.10 correspond à
celle constatée au point 243 de cet avis en ce qui concerne l’approbation des autres dispositions de la
section A du chapitre 9 de cet accord.
257. L’accord envisagé instaure diverses obligations et procédures d’échange d’informations, de notification,
de vérification, de coopération et de médiation, ainsi que des pouvoirs décisionnels. Il établit, à cet
effet, un cadre institutionnel spécifique, constitué d’un comité « Commerce » et de quatre comités
spécialisés qui y seront attachés, à savoir un comité « Commerce des marchandises », un comité
« Mesures sanitaires et phytosanitaires », un comité « Douanes » et un comité « Commerce des
services, investissements et marchés publics ». L’établissement de ce comité « Commerce » et desdits
comités spécialisés est prévu, respectivement, aux articles 17.1 et 17.2 de cet accord.
258. Le chapitre 2 dudit accord, relatif aux échanges de marchandises, oblige, à l’article 2.11 de celui-ci,
chaque partie à notifier ses procédures de licences d’exportation au comité « Commerce des
marchandises » et fixe les modalités selon lesquelles il doit être répondu aux demandes de
renseignements de l’autre partie concernant toute procédure de licences d’importation ou
d’exportation.
259. Par ailleurs, en vertu des articles 2.13 et 2.15 de cet accord, ce comité spécialisé se réunira à la
demande d’une partie ou du comité « Commerce », suivra la mise en œuvre de ce chapitre et pourra,
par voie de décision, modifier les annexes de celui-ci.
260. Le chapitre 3 de l’accord envisagé, portant sur les mesures commerciales, établit, aux articles 3.2, 3.7
et 3.11 de celui-ci, les modalités procédurales d’institution de mesures antidumping, de mesures
compensatoires ou de mesures de sauvegarde. Les articles 3.12 et 3.13 de cet accord imposent des
consultations au sujet de l’application de telles mesures.
ECLI:EU:C:2017:376 37
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
261. Le chapitre 4 de l’accord envisagé, relatif aux obstacles techniques au commerce, prévoit, aux
articles 4.4 à 4.11 de celui-ci, l’échange d’informations et une coopération dans le domaine de la
normalisation et de l’évaluation de la conformité, afin de faciliter l’accès au marché. Par ailleurs,
l’article 4.12 de cet accord prévoit que les parties peuvent, par décision du comité « Commerce des
marchandises », adopter toute disposition d’application de ce chapitre 4.
262. Le chapitre 5 de l’accord envisagé, qui traite des mesures sanitaires et phytosanitaires, énonce, aux
articles 5.8 et 5.9 de celui-ci, les modalités suivant lesquelles une partie peut, en sa qualité de partie
importatrice de marchandises en provenance de l’autre partie, effectuer des visites de vérification
auprès de cette dernière ou exiger des informations de la part de celle-ci.
263. Par ailleurs, l’article 5.10 de cet accord instaure des règles de coopération et d’acceptation pour ce qui
concerne la détermination de zones reflétant l’état de santé des animaux et l’état des végétaux qui y
sont présents. Cette disposition décrit les tâches que le comité « Mesures sanitaires et
phytosanitaires » doit remplir à cet égard. D’autres tâches de ce comité sont énumérées aux
articles 5.15 et 5.16 dudit accord.
264. Les articles 5.11 et 5.12 de l’accord envisagé édictent des obligations d’échange d’informations et de
notification.
265. Le chapitre 6 de l’accord envisagé, portant sur les douanes et la facilitation des échanges, oblige, aux
articles 6.3, 6.4 et 6.11 de celui-ci, les parties à veiller à ce que leurs autorités coopèrent et échangent
des informations, notamment quant à la détermination de la valeur en douane. Il énonce au
demeurant, à l’article 6.17 de cet accord, les tâches du comité « Douanes » et autorise les parties à
prendre, au sein de ce comité, certaines décisions.
266. L’article 7.7 de l’accord envisagé prévoit une coopération dans le cadre du chapitre 7 relatif à la
production d’énergie renouvelable et la possibilité d’adopter des décisions de mise en œuvre au sein
du comité « Commerce ».
267. Le chapitre 8 de cet accord, qui traite des services, de l’établissement et du commerce électronique,
prévoit, à l’article 8.16 de celui-ci, que les autorités compétentes dans l’Union et à Singapour
élaboreront une recommandation commune au sujet de la reconnaissance mutuelle des qualifications
professionnelles et transmettront celle-ci au comité « Commerce des services, investissements et
marchés publics ». Ce chapitre prévoit également une coopération en matière de télécommunications
(article 8.48) et de commerce électronique (article 8.61).
268. L’article 9.4, paragraphe 3, de l’accord envisagé prévoit que les parties peuvent, sur décision du comité
« Commerce », convenir que certains types de mesures doivent, à l’instar de ceux énumérés au
paragraphe 2 du même article, être considérés comme des violations de l’obligation d’accorder un
traitement juste et équitable aux investissements relevant du chapitre 9 de cet accord.
269. Les articles 10.18 à 10.20 de l’accord envisagé énoncent les consultations qui peuvent avoir lieu et les
décisions qui peuvent être prises, au sein du comité « Commerce des services, investissements et
marchés publics », pour la matière régie par le chapitre 10 sur les marchés publics.
270. Le chapitre 11 de cet accord, portant sur la propriété intellectuelle, prévoit, à l’article 11.8 de celui-ci,
une coopération entre les sociétés de gestion collective des droits d’auteur. Il confère au demeurant, à
l’article 11.23 dudit accord, des pouvoirs décisionnels au comité « Commerce » et oblige, aux
articles 11.51 et 11.52 de celui-ci, les parties à échanger des informations.
271. S’agissant du chapitre 12 de l’accord envisagé, relatif à la concurrence et aux questions connexes,
celui-ci prévoit une coopération en matière d’application des législations des parties (article 12.11) et
un devoir de consultation lorsque l’une de ces parties le souhaite (article 12.13).
38 ECLI:EU:C:2017:376
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
272. L’article 13.15 de l’accord envisagé instaure l’obligation, pour les parties, de désigner un service en tant
que point de contact avec l’autre partie aux fins de la mise en œuvre du chapitre 13 sur le commerce et
le développement durable. Il prévoit également l’institution d’un conseil « Commerce et
développement durable » afin de superviser ladite mise en œuvre. L’article 13.16 de ce chapitre
précise les tâches que ces points de contact et ce conseil doivent remplir en cas de désaccord entre les
parties sur une question relative audit chapitre. L’article 13.17 de ce dernier ajoute que, si un tel
désaccord n’est pas résolu de façon satisfaisante par ledit conseil, un groupe d’experts devra
l’examiner. Ce même article énonce les modalités procédurales de cet examen.
273. D’autres dispositions du chapitre 13 de l’accord envisagé prévoient de nombreuses voies de coopération
et d’échange d’informations en matière de protection sociale des travailleurs (article 13.4) et de
protection de l’environnement (articles 13.7 et 13.10).
274. Le chapitre 16 de l’accord envisagé établit un mécanisme de médiation entre les parties. En vertu de
l’article 13.16 de cet accord, ce mécanisme ne s’applique pas au chapitre 13 de celui-ci. Ledit
chapitre 16 permet aux parties de rechercher des solutions convenues mutuellement en cas de
divergence d’opinions sur les chapitres 2 à 12 de l’accord envisagé.
275. Les dispositions et les mécanismes mentionnés aux points 257 à 274 du présent avis visent à garantir
l’efficacité des dispositions de fond de l’accord envisagé, en mettant en place, pour l’essentiel, une
structure organique, des voies de coopération, des obligations d’échange d’informations ainsi que
certains pouvoirs décisionnels.
276. La Cour a déjà eu l’occasion de relever que la compétence de l’Union pour contracter des engagements
internationaux inclut celle d’assortir ces engagements de dispositions institutionnelles. Leur présence
dans l’accord n’a pas d’incidence sur la nature de la compétence pour conclure celui-ci. En effet, ces
dispositions ont un caractère auxiliaire et relèvent donc de la même compétence que celle dont
relèvent les dispositions de fond qu’elles accompagnent [voir en ce sens, notamment, avis 1/76
(Accord relatif à l’institution d’un Fonds européen d’immobilisation de la navigation intérieure), du
26 avril 1977, EU:C:1977:63, point 5 ; avis 1/78 (Accord international sur le caoutchouc naturel), du
4 octobre 1979, EU:C:1979:224, point 56, ainsi que arrêt du 22 octobre 2013, Commission/Conseil,
C-137/12, EU:C:2013:675, points 70 et 71].
277. Dès lors qu’il ressort du présent avis que l’ensemble des dispositions de fond des chapitres 2 à 8 et 10
à 13 de l’accord envisagé relèvent de la compétence exclusive de l’Union, les dispositions visées aux
points 258 à 267 et 269 à 273 de cet avis en relèvent également, pour la raison exposée au point
précédent du présent avis. Il en va de même pour le chapitre 17 de l’accord envisagé, dans la mesure
où celui-ci porte sur les comités « Commerce des marchandises », « Mesures sanitaires et
phytosanitaires » et « Douanes ».
278. L’article 9.4, paragraphe 3, de l’accord envisagé, visé au point 268 du présent avis, fait partie de la
section A du chapitre 9 de cet accord et relève donc des constatations faites aux points 243 et 244 de
cet avis.
279. Le chapitre 16 de l’accord envisagé, relatif au mécanisme de médiation, de même que les dispositions
institutionnelles et finales, autres que celles portant sur les comités « Commerce des marchandises »,
« Mesures sanitaires et phytosanitaires » et « Douanes », qui figurent au chapitre 17 de cet accord,
sont relatifs, entre autres, aux dispositions de la section A du chapitre 9 de cet accord et ne peuvent
donc pas, pour les raisons indiquées aux points 243 et 244 du présent avis, être conclus par l’Union
seule. Il en va, par ailleurs, de même pour le chapitre 1er de l’accord envisagé, dès lors que ce chapitre
énonce l’objet et les finalités de cet accord dans son ensemble et concerne donc, entre autres, la
section A du chapitre 9 de celui-ci.
ECLI:EU:C:2017:376 39
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
Transparence
280. Le chapitre 14 de l’accord envisagé, intitulé « Transparence », établit des règles qui s’appliquent aux
domaines visés par les autres chapitres de cet accord, sous réserve des dispositions plus spécifiques
figurant dans ces derniers au sujet de la transparence.
281. Par les engagements contenus dans ce chapitre, les parties assurent, d’abord, que toute mesure
d’application générale liée à un aspect relevant de l’accord envisagé sera claire et facilement accessible
et qu’un délai suffisant sera prévu entre la publication et l’entrée en vigueur d’une telle mesure
(article 14.3). Elles s’engagent, ensuite, à faciliter la communication sur toute question visée par cet
accord en établissant des points de contact et en répondant à certains types de demandes d’information
(article 14.4). Elles assurent, enfin, que toute procédure conduite dans le cadre dudit accord et affectant
les intérêts des personnes, des marchandises ou des services de l’autre partie sera conforme aux
principes de bonne administration et pourra faire l’objet d’un recours devant un tribunal impartial et
indépendant (articles 14.5 à 14.7).
282. Ces engagements s’appliquent aux mesures que les parties prendront dans les domaines visés aux
chapitres 2 à 13 de l’accord envisagé. Les règles de transparence dont ils sont assortis visent à garantir
l’efficacité des dispositions de fond de ces chapitres. Ces règles ont donc un caractère auxiliaire et
relèvent de la même compétence que celle dont relèvent lesdites dispositions de fond. Dès lors que
ces dispositions de fond relèvent, dans la mesure indiquée au point 243 du présent avis, d’une
compétence que l’Union partage avec les États membres, le chapitre 14 de l’accord envisagé ne saurait
être approuvé par l’Union seule.
283. En revanche, les règles spécifiques en matière de transparence qui sont énoncées pour un seul des
chapitres 2 à 8 et 10 à 13 de l’accord envisagé, telles que celles contenues aux articles 4.8, 6.15, 8.17,
8.45, 12.9 et 13.3 de cet accord, relèvent de la compétence exclusive de l’Union.
284. Dans la mesure où certains États membres ont fait valoir que lesdites règles de transparence, en ce
qu’elles obligent les autorités dans l’Union, y compris celles des États membres, à respecter les
principes de bonne administration et de protection juridictionnelle effective, relèvent des compétences
appartenant aux seuls États membres en matière de procédure administrative et judiciaire, il suffit de
relever que les règles contenues au chapitre 14 de l’accord envisagé et aux dispositions mentionnées
au point précédent du présent avis ne comportent aucun engagement portant sur l’organisation
administrative ou judiciaire des États membres, mais reflètent le fait que tant l’Union que les États
membres devront, lors de l’application de cet accord, respecter les principes généraux et les droits
fondamentaux de l’Union, tels que ceux de bonne administration et de protection juridictionnelle
effective. Ce chapitre 14 ne saurait, dès lors, être considéré comme empiétant sur des compétences
appartenant aux seuls États membres.
285. Ainsi que l’énonce l’article 9.11, paragraphe 1, de l’accord envisagé, la section B du chapitre 9 de
celui-ci instaure un régime de règlement des « différends opposant un ressortissant d’une partie à
l’accord à l’autre partie de l’accord en raison d’un traitement que le requérant estimerait contraire aux
dispositions de la section A (Protection des investissements) et qui aurait prétendument occasionné
une perte ou un préjudice à ce requérant ou à son entreprise établie localement ».
40 ECLI:EU:C:2017:376
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
286. Il ressort de l’article 9.11, paragraphe 2, sous a) et e), de cet accord que non seulement l’Union, mais
également les États membres de l’Union sont susceptibles d’être parties à ces différends, en qualité de
partie adverse, qu’ils aient été désignés comme telle par l’Union, en vertu de l’article 9.15, paragraphe 2,
dudit accord, ou qu’ils doivent l’être en application de l’article 9.15, paragraphe 3, du même accord.
287. Si un différend ne peut être réglé à l’amiable ou au moyen de consultations en vertu de l’article 9.12 ou
de l’article 9.13 de l’accord envisagé, l’investisseur concerné peut, conformément à l’article 9.15 de cet
accord, notifier son intention de recourir à l’arbitrage. L’article 9.16, paragraphe 1, du même accord
énonce que, après l’expiration d’une période de trois mois à partir de la date de cette notification, cet
investisseur peut « engager une procédure en vertu de l’un des mécanismes de règlement des
différends » qu’il énumère.
288. L’article 9.16, paragraphe 2, de l’accord envisagé précise que le paragraphe 1 du même article
« constitue le consentement de la partie adverse au recours à l’arbitrage ».
289. L’article 9.17 de cet accord énumère l’ensemble des conditions qui doivent être remplies afin qu’un
différend puisse être soumis à l’arbitrage. Aux termes du paragraphe 1, sous f), de cet article, l’une de
ces conditions est que le requérant « se désiste de tout recours en instance dont il avait saisi une
juridiction interne concernant le même traitement que celui qu’il prétend contraire aux dispositions
de la section A (Protection des investissements) ».
290. Sans préjudice de ce qui est indiqué au point 30 du présent avis, il appartient à la Cour de se
prononcer sur la nature de la compétence pour instaurer un tel régime de règlement des différends. À
cet égard, s’il est vrai que, ainsi qu’il ressort de son article 9.17, l’accord envisagé n’exclut pas la
possibilité qu’un différend opposant un investisseur singapourien à un État membre puisse être porté
devant les juridictions dudit État membre, il demeure que ce n’est là qu’une simple possibilité à la
discrétion de l’investisseur requérant.
291. Ce dernier peut, en effet, décider, en application de l’article 9.16 de cet accord, de soumettre ledit
différend à la procédure d’arbitrage, sans que ledit État membre puisse s’y opposer, son consentement
à cet égard étant réputé acquis conformément à l’article 9.16, paragraphe 2, dudit accord.
292. Or, un tel régime, qui soustrait des différends à la compétence juridictionnelle des États membres, ne
saurait revêtir un caractère purement auxiliaire au sens de la jurisprudence rappelée au point 276 du
présent avis et ne saurait, dès lors, être instauré sans le consentement de ceux-ci.
293. Il en résulte que l’approbation de la section B du chapitre 9 de l’accord envisagé relève non pas de la
compétence exclusive de l’Union, mais d’une compétence partagée entre l’Union et les États membres.
294. Le chapitre 15 de l’accord envisagé a pour finalité de prévenir et de régler les différends qui pourraient
survenir entre les parties. Aux termes de l’article 15.2 de l’accord envisagé, ce chapitre s’applique à
« toute divergence concernant l’interprétation et l’application des dispositions [de cet accord], sauf
disposition contraire expresse ».
295. Ainsi qu’il a été exposé au point 154 du présent avis, le régime de règlement des différends prévu au
chapitre 15 de l’accord envisagé ne s’applique pas au chapitre 13 de celui-ci. En revanche, ce régime
peut s’appliquer entre les parties pour résoudre des divergences relatives, notamment, à
l’interprétation et à l’application des dispositions de fond des chapitres 2 à 12 de l’accord envisagé.
ECLI:EU:C:2017:376 41
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
296. L’article 15.4 de l’accord envisagé prévoit que, si les parties ne parviennent pas à régler leur différend
au moyen de consultations, la partie plaignante peut demander la mise en place d’un groupe spécial
d’arbitrage. Aux termes de l’article 15.19 de cet accord, toute décision d’un tel groupe est
contraignante pour les parties.
297. L’article 15.21 de l’accord envisagé précise qu’il est loisible à la partie plaignante de laisser inappliqué
ce régime de règlement des différends en intentant en lieu et place une action dans le cadre de
l’OMC, étant entendu que, dès qu’une procédure a été engagée sous l’un des deux régimes de
règlement des différends ainsi disponibles, aucune procédure ayant le même objet ne peut être
engagée sous l’autre régime.
298. S’agissant de la compétence de l’Union pour approuver ce chapitre 15, il convient de rappeler,
d’emblée, que la compétence de l’Union en matière de relations internationales et sa capacité à
conclure des accords internationaux comportent nécessairement la faculté de se soumettre aux
décisions d’une juridiction créée ou désignée en vertu de tels accords, pour ce qui concerne
l’interprétation et l’application de leurs dispositions [avis 1/91 (Accord EEE – I), du 14 décembre
1991, EU:C:1991:490, points 40 et 70 ; avis 1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de
règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011, EU:C:2011:123, point 74, et avis
2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014, EU:C:2014:2454, point 182].
299. De la même manière, la compétence de l’Union pour conclure des accords internationaux comporte
nécessairement la faculté de se soumettre aux décisions d’un organe qui, tout en n’étant pas
formellement une juridiction, remplit en substance des fonctions juridictionnelles, tel que l’organe de
règlement des différends créé dans le cadre de l’accord instituant l’OMC.
300. Ainsi qu’il a été exposé au point 30 du présent avis et rappelé au point 290 de celui-ci, la présente
procédure ne porte pas sur la question de savoir si les dispositions de l’accord envisagé sont
compatibles avec le droit de l’Union.
301. Dès lors, contrairement à ce qui était le cas dans les procédures d’avis citées au point 298 du présent
avis, il n’y a pas lieu d’examiner si le régime de règlement des différends prévu au chapitre 15 de
l’accord envisagé remplit les critères énoncés par ces autres avis, notamment, celui relatif au respect
de l’autonomie du droit de l’Union.
302. Le chapitre 15 de cet accord portant sur des différends entre l’Union et la République de Singapour
relatifs à l’interprétation et à l’application dudit accord, le présent avis ne porte pas non plus sur la
question de la compétence de la Cour en ce qui concerne le règlement des différends au sein de
l’Union relatifs à l’interprétation du droit de celle-ci [voir notamment, au sujet de cette compétence,
arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (usine MOX), C-459/03, EU:C:2006:345, point 132, et avis
1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du
8 mars 2011, EU:C:2011:123, point 78].
303. Dans le cadre de la présente procédure, il suffit de constater que le régime de règlement des différends
prévu par ce chapitre fait partie de l’encadrement institutionnel des dispositions de fond de l’accord
envisagé. Dès lors que ce régime a trait à des différends entre l’Union et la République de Singapour,
il n’est, à la différence du régime de règlement des différends entre investisseurs et États prévu à la
section B du chapitre 9 de l’accord envisagé, pas susceptible de soustraire des différends à la
compétence des juridictions des États membres ou de l’Union. Dans ces conditions, la règle
jurisprudentielle rappelée au point 276 du présent avis est applicable.
304. Les différends régis par ce chapitre 15 sont susceptibles de porter, entre autres, sur les dispositions de
la section A du chapitre 9 de l’accord envisagé. Par conséquent, pour les mêmes raisons que celles
indiquées aux points 243 et 244 du présent avis, ledit chapitre 15 ne saurait être approuvé par l’Union
seule.
42 ECLI:EU:C:2017:376
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
305. Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’accord envisagé relève de la compétence
exclusive de l’Union, à l’exception des dispositions suivantes, qui relèvent d’une compétence partagée
entre l’Union et les États membres :
Lenaerts
Tizzano
Silva de Lapuerta
Ilešič
Bay Larsen
von Danwitz
Da Cruz Vilaça
Juhász
ECLI:EU:C:2017:376 43
AVIS 2/15 (ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-SINGAPOUR) DU 16. 5. 2017
AVIS RENDU EN APPLICATION DE L’ARTICLE 218, PARAGRAPHE 11, TFUE
Berger
Prechal
Vilaras
Regan
Rosas
Borg Barthet
Malenovský
Bonichot
Arabadjiev
Toader
Šváby
Jarašiūnas
Fernlund
Vajda
Biltgen
Jürimäe
Lycourgos
Le greffier
Le président
A. Calot Escobar
K. Lenaerts
44 ECLI:EU:C:2017:376