Marc Gosse Medina Modele Alternatif
Marc Gosse Medina Modele Alternatif
Marc Gosse Medina Modele Alternatif
Une nouvelle fois, les modèles -les théories, les outils et les pratiques-
du Nord (en particulier le Nord américain), s’imposent au Sud,
n’épargnant pas non plus l’Europe.
Au Sud, les modèles locaux sont également en crise (après les modèles
coloniaux et un bref engouement post-indépendance pour les traditions
1
locales) et ce sont les nouveaux modèles du Nord, parmi ceux cités plus
haut, qui sont prônés, voir même interprétés à partir de situations locales
totalement dérégulées et transformées par la puissance-même d’un
développement néo-libéral forcené (cfr. Lagos proposé comme modèle
1
urbain à l’ensemble du monde par R. Koolhaas ).
Les cultures se livrent une lutte d’identités permanente qui s’exprime non
seulement par des références au passé, mais surtout par des processus
récurrents d’auto-détermination et de projection dans l’avenir, à partir
1
Voir notre article « Koolhaas l’africain » dans la revue Urbanisme, juin 2001
2
d’un présent où coexistent traces du passé et projets potentiels de
modernité.
Il s’agit de savoir, comme le posait déjà Senghor, si nous allons vers une
civilisation universelle –c’est à dire la domination planétaire d’une
civilisation particulière (sans doute nord-américaine)- ou vers une
civilisation de l’universel, qui reconnaisse à la fois la valeur universelle
de toutes les cultures, dans leur diversité, et le partage d’universaux
comme l’équité, la liberté ou le respect de la nature, pour ne citer que
ceux qui correspondent à la sensibilité contemporaine…
Bien sûr, l’architecte n’est pas habilité à établir seul les besoins ou les
aspirations de la société et de ses membres; son rôle et sa
responsabilité consistent à proposer les transformations spatiales
nécessaires -ce que Andreas Ruby a appelé de la « protoarchitecture »,
avec la participation des acteurs sociaux, les plus cohérentes et
appropriées, en les confrontant à la rationalité intrinsèque et la
« durabilité » du projet, au sens du concept de développement durable.
2
voir notre article « L’hypothèse anthropologique » in Arch & Life, Liège 1990
3
Mais la même démarche pourrait s’appliquer à la question des
modèles urbains.
4
Selon E. Todd, il y a quatre grands types de familles : les familles
nucléaire-égalitaire (A), nucléaire-abosolue (D), communautaire (B) et
autoritaire ou "souche"(C). Elles se caractérisent par rapport aux axes
liberté/autorité et égalité/inégalité. Ainsi la famille nucléaire-égalitaire
se caractérise par des rapports familiaux de liberté et d'égalité, la
famille communautaire par des rapports d'autorité et d'égalité, etc …
3
Voir "L'anthropologie de l'espace", F. Levy et M. Ségaud, Editions Centre
Pompidou, Paris, 1983.
4
"La dimension cachée", Ed. Hall. Seuil 1977
5
Celle de la répartition spatiale ou structurelle, en séries répétitives
(réseaux) ou par systèmes hiérarchisés (arbres) est tout aussi
importante quant à la signification sociale de l'espace et sa distribution.
5
Jean Rémy, systèmes urbains alvélolaires postindustriels.
6
Voir notamment les morphologies urbaines et les architectures "protégées" par
des clôtures et des murailles ou les villes privatisées contemporaines.
6
Ces catégories impliquent des dispositions géométriques,
topologiques, psycho-affectives et structuro-fonctionnelles
particulières.
7
Le projet agraire et égalitariste de Jefferson se révèle dans la pratique un véritable
leure, e n contradiction avec la « valeur » anthropologique d’inégalité de la structure
familiale anglo -saxonne.
7
stratégique. Les modèles urbains utilisés par les professionnels et les
décideurs sont le plus souvent exogènes; leur pertinence et leur
efficacité ne sont que rarement évaluées à l’aune de leurs fondements
culturels et de leurs bases théoriques, conceptuelles. La réalité des
phénomènes et des structures spatiales locales constitue rarement un
matériau de modellisation endogène.
Assurément, nous avons sans doute tous l’intuition que les défis urbains
qui se jouent au Sud comme au Nord, relèvent de cette question de
« style », non pas au sens esthétique, décoratif ou étroitement
patrimonial du terme, ce qui mène au pastiche ou au kitch le plus
vulgaire, mais de manière structurelle, au sens anthropologique, en ce
qu’il met en jeu l’art de vivre et la configuration d’un territoire riche en
expériences –notamment urbaines- spécifiques.
8
haussmannien qui –par exemple- inspire les projets d’urbanisation
8
actuels de Casablanca (« avenue royale » ).
Une ville n’est pas seulement une machine économique, elle appartient
aussi à la sphère symbolique. Pour toute opération urbaine, à forciori
d’une certaine taille, se pose donc la question culturelle des modèles
urbains auxquels elle se réfère ou qu’elle construit, c’est à dire, d’une
certaine manière, la question de son « style », de son identité, fut-elle
multiple, comme l’explique Amin Maalouf.
9
Nous constatons, par exemple, que le Maghreb possède une riche
tradition urbaine, héritée des conquètes romaine mais surtout arabe,
dont Guidoni a montré l’influence sur la culture européenne et qui a
séduit des architectes talentueux (Laprade, Marchisio, Pouillon…), y
compris dans les rangs modernistes (Candilis, Zerhfus, Zevaco…). Cet
important réservoir d’expériences, qui fait l’admiration des spécialistes
autant que des voyageurs du monde entier, ne sert cependant que trop
rarement de référence explicite aux urbanisations contemporaines.
Sans exclure d’autres chemins, notre réflexion nous amène –pour ce qui
concerne le Maghreb- à poser ici l’hypothèse d’une actualisation
réinterprétative, d’une modernisation du modèle médinal et d’autres
formes dérivées de celui-ci (comme dans les quartiers dits
« spontanés » ou les mellahs), plutôt que celle, dominante, d’une factice
« marocanisation » de modèles exogènes, fussent-ils modernes.
8
Voir revue Architecture du Maroc n°
9
voir notre article "Enjeux de la crise urbaine : modèles urbains au Maghreb",
Espaces et Société n° 68 - 1992
9
critique et dialectique, entre mémoire et utopie, global et local, sur la
réalité d’un lieu et d’une société. Que Casablanca soit une métrolople de
la modernité occidentale, personne n’en doute. Mais qu’en est-il de sa
modernité endogène ? C’est là le vrai défi culturel de son projet urbain et
de son universalité.
10
Société n° 68 – Paris, 1992
- Actes du Colloque Europe/Amérique Latine, Editions La Cambre,
Bruxelles 1995
- « Vers un monde-terrasse », in "La façade du ciel" , Editions Skyline,
Bruxelles 1998
- « Villes en développement » numéro dossier A+ n°161, Bruxelles,
décembre 1999
- « Villes intermédiaires et périphéries urbaines, développement et
métissages, défis du XXIème siècle » in Revue du Crédit Communal de
Belgique n°210 – 1999/4
- « La crise mondiale de l’urbanisme :quels modèles urbains ? » in Les
annales de la recherche urbaine n°86, juin 2000
- « Informalité, illégalité,…modèles de gouvernance urbaine ? »
colloque Naerus, Leuven-Bruxelles, mai 2001
- « Koolhaas l’Africain, ou l’équivoque apologie de la débrouille urbaine »
revue Urbanisme, Paris , juin 2001
- « Essaouira, ou le métissage au Cinéma » et « Bruxelles au cinéma », in
revue Urbanisme n°328, Paris, février 2003
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