Bataille, Foucault 2 Regards Sur La "Modernité" de Manet
Bataille, Foucault 2 Regards Sur La "Modernité" de Manet
Bataille, Foucault 2 Regards Sur La "Modernité" de Manet
50 (2015) 1
Hervé COUCHOT
RÉSUMÉ / 要旨
マネの絵画に適用された「モデルニテ」という言葉は、次第にステレ
オタイプと化したが、その言葉に込められた暗示的な意味や美学上の争
点、またその限界について問い直す必要があると思われる。そこで本論
文では、ジョルジュ・バタイユそしてミシェル・フーコーがそれぞれマ
ネについて行なった考察を取りあげ、絵画におけるモデルニテに対する
2 つのアプローチを比較検討する。マネの作品を「読む」2 つのあり方は、
時代も問題系も異なっているが、それらを比較対照させることで、モデ
ルニテという観念の哲学的内容を明確化するとともに、それぞれの「盲点」
を明らかにすることができる。芸術におけるモデルニテの基準とは何か、
マネの絵画は他の絵画と比べてその基準をどれくらい満たしているのか、
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2 Hervé COUCHOT
といった問いを解明することができるのである。
1 Cours du 21 janvier 1976, Il faut défendre la société, Seuil / Gallimard “hautes études”,
1997, p.69-70.
2 On peut penser également aux critiques adressées par Pascal à l’opposition convenue des
« anciens » et des « modernes » dans sa Préface au Traité du vide (1651) : « Ceux que nous
appelons anciens étaient véritablement nouveaux en toutes choses ».
3 Pour une approche philosophique de cette notion, lire l’étude de Giorgio Agamben, Qu’est-
ce que le contemporain?, 2008, Payot & Rivages.
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 3
4 Philippe Sollers, “La Révolution Manet”, L’infini, n°114, Printemps 2011, Gallimard, p.18.
et “Renaissance de Manet”, L’infini, n°115, Été 2011, Gallimard, (p.9.). Lire également
le roman du même auteur dont Manet est le personnage principal : « Manet « précurseur
de l’art moderne ? » Mais non, tous les « modernes » sont vieux à côté de lui. » (L’éclaircie,
2012, folio, p.28 et 102.).
5 Cette phrase célèbre de Roland Barthes se trouve dans un fragment de journal intime
intitulé « Soirées de Paris » daté du 13 août 1977 : « Tout d’un coup, il m’est devenu
indifférent de ne pas être moderne.» Roland Barthes, « Délibération », Oeuvres complètes,
T.V, Seuil, 2002, p. 676.
6 Propos rapportés par Antonin Proust dans « Edouard Manet, Souvenirs », La revue
blanche, mai 1897, rééd. Paris, L’échoppe, 1996, p.10.
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4 Hervé COUCHOT
7 Dans une lettre adressée au peintre datée du 11 mai 1865. Charles Baudelaire,
Correspondance, Claude Pichois et Jean Ziegler, éd. 2 vol. Paris, Gallimard, Bibliothèque
de la Pléiade, 1973, T.2, p.496-497.
8 Dans l’un de ces tous premiers textes critiques sur la peinture (“Peintres et aquafortistes”,
Le Boulevard, 14 septembre 1862), Baudelaire évoque ainsi à propos de Manet et de
Legros “leur goût décidé pour la réalité, la réalité moderne” sans donner plus de précisions
(Oeuvres complètes, Paris, Bibliothèque de La Pléiade-Gallimard, 1961, p.822-825.).
9 Il n’est pas simple de trancher entre ces différents sens possibles, d’ailleurs non exclusifs
l’un de l’autre si l’on relit l’essai de Baudelaire (publié en trois temps entre novembre
et décembre 1863). La modernité y est notamment définie comme « le transitoire, le
fugitif, le contingent, la moitié de l’art dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable » mais
Baudelaire ajoute tout aussitôt, ce qui n’est pas contradictoire, qu’« il y a eu une modernité
pour chaque peintre ancien » (“Le peintre de la vie moderne” in Oeuvres complètes (1968),
Seuil “L’intégrale”, p.553.).
10 Lire parmi bien d’autres titres possibles les études de Michaël Fried, Le modernisme de
Manet, (Gallimard, 1996) et de Stéphane Guégan, Manet, l’héroïsme de la vie moderne
(Découvertes Gallimard / Musée d’Orsay, “hors série”, 2011).
11 Manet (1955), éditions Skira / Flammarion, 1983.
12 Michel Foucault, La peinture de Manet (1971), Seuil “Traces écrites” (2004). La première
version de cette conférence, présentant quelques variantes avec celle de Tunis, a été
prononcée en 1967 à Milan.
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 5
En 1955, Bataille fait paraître coup sur coup deux monographies, l’une
consacrée à la peinture préhistorique — Lascaux ou la naissance de l’Art
— et une étude sobrement intitulée Manet, qui composent une sorte de
diptyque.
Malgré leur éloignement dans le temps et les interrogations
singulières qu’elles soulèvent, les peintures pariétales de Lascaux et
les toiles de Manet y sont présentées comme les fresques ornant deux
grandes « cathédrales » silencieuses de la peinture occidentale. Dans les
deux cas en effet, mais pour des raisons différentes — absence d’archives
écrites pour Lascaux, manque d’explications théoriques sur son œuvre
du côté de Manet — les intentions qui ont animé les artistes demeurent
énigmatiques, et leurs interprétations réduites à un jeu d’hypothèses.
L’autre trait commun à ces deux incarnations majeures d’une « peinture
du non savoir » réside pour Bataille dans l’autonomie de leur expression
affranchie de tout discours. D’où son insistance sur le profond silence
qui règne dans ces deux « nefs » polychromes abritant de nouveaux
dieux et qui semblent communiquer entre elles malgré les années,
comme si la durée prodigieuse qui les sépare était, l’espace d’un instant,
annulée ou suspendue13 ; comme si en chacune la peinture renaissait à
13 “Cet art si près de nous semble abolir le temps”. Lascaux ou la naissance de l’art (1955)
éditions Skira / Flammarion, p.47.
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6 Hervé COUCHOT
14 Ibid., p.130.
15 Ibid., p.126.
16 Ibid., p.12.
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 7
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8 Hervé COUCHOT
19 Il faudrait distinguer, malgré tout, ces deux sens possibles de l’”insignifiance” : ce qui
semble privé de toute signification, à l’image des fatrasies médiévales qui ont fasciné
Bataille, n’est pas l’équivalent strict de ce qui présente une valeur moindre ou triviale
sur le plan esthétique. De la même façon, l’indifférence au sujet et à la signification
n’impliquent pas la disparition pure et simple de tout mobile. On trouve aussi des
intentions précises à l’oeuvre dans les tableaux de Manet, y compris celle de provoquer.
Le chat noir à la queue dressée, rajouté au dernier moment à l’Olympia, suffirait à en
témoigner…
20 Manet, op.cit., p.95-97. : « Les admirables natures mortes de Manet sont différentes, elles
ne sont plus comme étaient celles du passé des hors d’oeuvre décoratifs. » Sur la spécificité
des natures mortes chez Manet, lire l’étude de Isabelle Cachin, Manet, natures mortes,
Découvertes Gallimard, 2000.
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 9
21 Nous savons que, depuis le premier séjour de Manet en Espagne, en 1865, Vélasquez
est devenu pour lui la référence en peinture et le contemporain capital : « Ce qui m’a le
plus ravi en Espagne, ce qui à lui seul vaut le voyage, c’est Vélasquez. C’est le peintre des
peintres (…) j’ai trouvé chez lui la réalisation de mon idéal en peinture. » (Lettre à Astruc,
septembre 1865).
22 Là encore la destruction du langage et de la signature ne vont pas sans reste chez Manet
; même quand son nom devient une quasi-image comme dans le Portrait de Zola (1868) où
il apparaît sur la couverture d’un livre. De la même manière, les jeux de mots picturaux
sur les connotations obscènes de certains animaux (le chat d’Olympia, la grue de Nana,
la grenouille du Déjeuner sur l’herbe) constituent autant de traces discrètes d’un reste
de verbalité en peinture. Sur le problème général des mots dans la peinture, lire l’étude
éponyme de Michel Butor (Les mots dans la peinture, 1969, Skira / Champs Flammarion)
qui nuance l’opposition, supposée irréductible, entre les mots et les images.
23 Bataille, Manet, op.cit., p.46.
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10 Hervé COUCHOT
24 « L’exécution de Maximilien de Manet, c’est le Trois Mai de Goya, moins ce que le tableau
signifie. Olympia est la Maja nue, comme le Balcon est les Majas au Balcon, moins ce que
signifient les deux Goyas (…). L’orientation que Manet tente de donner à la peinture rejette
ces significations. Et à leur exclusion se lie, chez lui, la création d’une harmonie dissonante
que nous retrouverons dans toute la peinture moderne. » André Malraux, Le musée
imaginaire (1947), folio essais, p.51.
25 Photographie datant du 10 avril 1905 reproduite dans Documents (1929) et à la fin du
dernier livre de Bataille, Les larmes d’Eros (1961). On peut aussi penser à la figure du
torrero mort (L’homme mort, 1867) gisant dans une flaque de sang.
26 Bataille, Manet, op.cit., p.46.
27 « Son choix l’engageait au surplus, dans la voie d’une vision crue, d’une vision brutale,
que l’habitude reçue n’avait pas déformée. Les nus de Manet ont une brusquerie que ne
voile pas le vêtement de l’habitude — qui déprime —, de la convention— qui supprime. »
Les larmes d’éros (1961), éditions Jean Jacques Pauvert, p.181-182. Pour Bataille, dans
ce dernier opus, c’est davantage Delacroix, en dépit d’un reste d’idéalisme, qui lia sa
peinture à l’érotisme et à la représentation de la mort (ibid., pp.171-172 et 176-177.).
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 11
Quoi qu’il en soit, où sont et quels sont les sujets de ces tableaux à la
fois surexposés et étrangement absents comme le regard indifférent,
vide et fixe, des personnages peints par Manet, ou comme ses titres de
plus en plus plats et faussement descriptifs accolés aux toiles comme
de simples étiquettes ? Et à quels genres de peinture appartiennent-
ils ? Natures mortes ? Portraits ? Scènes de genre ? Peinture d’Histoire ?
Allégorie ?
On pourrait mettre également en regard de cette indifférence affichée
pour le sujet de la peinture, le projet flaubertien d’écrire « un livre sur
rien » ou à partir de « riens », c’est à dire en prenant pour thème les
réalités les plus prosaïques, celles qui n’ont pas retenu l’attention des
romanciers parce que ces derniers n’y percevaient aucune beauté ni
valeur susceptibles d’intéresser l’œuvre d’art :
− 105 −
12 Hervé COUCHOT
C’est très certainement sur ce point précis que les toiles de Manet
communiquent, pour Bataille, avec la « peinture de la vie moderne »
telle que l’a décrite Baudelaire dès lors qu’il choisit d’y faire figurer
des personnages portant les vêtements de leur temps ou des situations
inspirées de la vie urbaine la plus ordinaire, y compris dans les scènes
mythologiques reprises aux grands maîtres du passé :
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 13
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 17
38 Le sonnet de Rimbaud se trouve dans les Cahiers de Douai (1870). On peut aussi penser à
un vers du poème « Jadis » dans Une saison en enfer (1870) : « Un soir, j’ai assis la Beauté
sur mes genoux. − Et je l’ai trouvée amère. − Et je l’ai injuriée. ».
ème,
39 Lautréamont, Les chants de Maldoror (1869), chant 6 , Poésie Gallimard, p.233-234.
− 111 −
18 Hervé COUCHOT
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 19
Le livre et le tableau
Les Régentes (1664) Les Ménines (1656) Portrait d’Émile Zola (1868)
(Détails)
43 On retrouverait par exemple chez Zola, en plus édulcorés, des propos du même type sur la
“sécheresse de l’élégance” les “raideurs franches” ou “la violence des transitions” dans les
tableaux de Manet (même si Zola n’emploie jamais le terme de “laideur” à leur propos).
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20 Hervé COUCHOT
44 Foucault s’est expliqué dans un entretien de 1972 sur le lien entre le tableau de Frans
Hals — Les Régentes (1664) reproduit au tout début de Histoire de la folie (1964) — et
la pratique de l’enfermement apparue, selon lui, avec l’âge classique : « ce que j’ai étudié
dans l’Histoire de la folie avait quelque chose à voir avec ce phénomène singulier de la
ème
société occidentale qu’au XVII siècle on a appelé le «renfermement». Je crois que l’un
des tableaux les plus bouleversants qui aient jamais été peints en Occident, c’est Les
Régentes, de Frans Hals, une peinture extraordinaire sur laquelle Claudel a dit de fort
belles choses. Elle se rapporte à une pratique très originale, qui fut, en un certain sens, une
invention géniale de l’époque classique. » (« Le grand enfermement », 25 mars 1972, Dits
et écrits, 1994, T.II, gallimard (texte n°105)). Le texte de Paul Claudel, auquel Foucault
fait allusion et qui évoque une « ronde des mains judiciaires », se trouve dans L’œil écoute
(1946), folio essais, p.29-33.
45 Au sujet de ce projet de livre avorté et des rumeurs portant sur la destruction par le
philosophe d’un volumineux manuscrit, lire l’introduction de Maryvonne Saison à la
conférence de Foucault (La peinture de Manet, éditions du Seuil « Traces écrites »,
2004, p.11-17.).On trouvera par ailleurs, sous la forme de notes, quelques extraits de ce
manuscrit reproduits dans les Cahiers de I’Herne consacrés à Michel Foucault (éditions de
I’Herne, 2011, p. 378-395.).
46 On peut penser également à la célèbre vanité du tableau retourné peinte, sensiblement
à la même époque, par Cornelis Norbertus Gysbrechts (L’envers d’un tableau, huile sur
toile, 1670-1672); même si la problématique du trompe l’oeil n’est pas celle qui semble
animer Vélasquez.
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 21
jamais été peint, comme de ce livre non écrit, il reste néanmoins des
traces disséminées dans d’autres tableaux ou dans d’autres textes
environnants. Ce sont ces traces qui permettent de faire des hypothèses
sur le motif figuré, comme sur les problèmes qu’aurait pu aborder ce
livre non écrit. « L’invisibilité se voit », suivant un constat de Magritte,
et le livre absent est encore en partie lisible, en pointillés, à partir des
quelques propos fragmentaires qui nous restent, à commencer par la
conférence donnée par Foucault à Tunis en 1971.
Hormis le goût partagé par le philosophe et le peintre pour ces deux
ème
grands maîtres du 17 siècle — auquel Manet rend explicitement
hommage avec son Chanteur espagnol (1860) 47 — on peut relier
l’intérêt de Foucault pour la peinture à deux problèmes principaux qui
traversent toute son œuvre, même si le nombre des textes qu’il lui a
consacrés est assez modeste48.
Le premier problème, peut-être le plus ancien, est celui des
matérialités expressives. « Il y a la matérialité qui me fascine dans la
peinture » confie-t-il à propos de Manet, dans un entretien avec Pierre
Klossowski en 1975. Dès les premiers textes consacrés à Binswanger, le
souci ontologique de reconnaître une épaisseur au langage en général
occupe déjà une place importante. Foucault va même jusqu’à rattacher
la naissance de cet intérêt philosophique à plusieurs expériences de son
enfance au cours desquelles il a fait à la fois l’épreuve de l’épaisseur
du langage, de sa résistance toute matérielle et le constat de son
occultation par différents types de discours et de regards. Il explique
ainsi en 1969 à Claude Bonnefoy que le milieu des médecins de
province, dans lequel il a passé toute sa jeunesse, faisait peu de cas du
langage en général, le considérant pour ainsi dire comme « du vent »,
47 Manet considérait Hals comme “de race espagnole”. Sur l’importance de la découverte de
ces deux peintres, lire les pages consacrées par Françoise Cachin au premier séjour de
Manet en Espagne : Manet, Découvertes Gallimard, 1994, p.29-32.
48 On trouvera un recensement détaillé de ces différents textes au début de l’article de
Stefano Catucci consacré à la pensée de la peinture chez Foucault (“La pensée picturale”
in Michel Foucault, la littérature et les arts, Éditions Kimé, Paris, 2004, p.127-142.).
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22 Hervé COUCHOT
49 Cet entretien a été republié dans sa quasi-intégralité sous le titre Le beau danger (éditions
EHESS, 2011). Sur sa place ambivalente dans le corpus foucaldien et son rapport avec la
pensée picturale de Foucault, lire mon étude accessible en ligne à l’adresse suivante :
http://dept.sophia.ac.jp/fs/pdf/kiyo47/couchot.pdf
50 Le beau danger, op.cit., p.36. Cet envers, précise Foucault dans une consideràtion très
picturale, n’est pas plus “vrai” que l’endroit.
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 23
La Vénus en son miroir (1649-1651) Les Ménines (1656) Un bar aux Folies Bergères (1881-1882)
51 Lire, au sujet de cette figure et des interactions entre le visible et le dicible, l’étude de
Foucault sur Magritte — Ceci n’est pas une pipe (1968) — republiée dans une version
augmentée aux éditions Fata Morgana (1973).
52 Ce mot-valise composé de “calligraphie” et d’”idéogramme” a été forgé par le poète
Guillaume Apollinaire en 1918. “Et moi aussi je suis peintre” déclarait-il.
53 Sur la structure-type et le discours implicite des planches de l’encyclopédie, lire l’étude
classique de Roland Barthes « Les planches de l’”Encyclopédie” » (Nouveaux essais
critiques, Seuil, 1972, p. 69-190.).
54 Sur les rapports complexes et les isomorphismes entre figures et discours, lire également
le compte redu de lecture consacré en 1967 par Foucault à deux livres de Panofsky (“Les
mots et les images”, Dits et écrits, op. cit., T I, pp. 620-623.)
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24 Hervé COUCHOT
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 25
Dans les deux cas : Ceci n’est donc qu’un livre ou un tableau
Le discours en peinture
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26 Hervé COUCHOT
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 27
57 En dehors des calembours picturaux sur les noms d’animaux, on peut penser par exemple
à la dédicace mallarméenne du Bouquet de violettes (1872) à Berthe Morisot (dont le
nom apparaît, comme la signature du peintre, sur la tranche d’un livre). Sur les effets de
chiasme entre signes picturaux et signes linguistiques, lire les précieuses remarques de
Michel Butor (Les mots dans la peinture, 1969, op.cit., p.76. sq.).
58 Gilles Deleuze, Foucault, Paris, éd. de Minuit, 1986, p.57-69.
59 « Nietzsche, Freud, Marx », colloque de Royaumont, juillet 1964, Dits et écrits, T I, op. cit.,
p.564-579.
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 29
62 Michel Foucault, La peinture de Manet (1971), Seuil “Traces écrites”, 2004, p.23.
63 L’archéologie du savoir, 1969, Gallimard, p.253.
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30 Hervé COUCHOT
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 31
Dans les deux versions du texte rédigées par Foucault (pour l’édition
française et américaine), ce qui singularise en effet la modernité
comme attitude, non comme période de l’histoire, c’est la manière
dont un retour réflexif sur ce qui fait notre présent produit à la fois
une pratique de subjection inédite, un êthos, en même temps qu’une
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32 Hervé COUCHOT
69 Ce sonnet, écrit en 1885, a été publié dans la première édition des poésies de Mallarmé en
1887.
70 Sur la différence entre ces deux versions et l’apport décisif de la réference baudelairienne
à la pensée d’un présent créateur chez Foucault, lire l’excellente contribution de Fabienne
Brugère : « Foucault et Baudelaire. L’enjeu de la modernité » in Lectures de Michel
Foucault, Vol.3, ENS éditions, 2003.
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 33
Picasso, Les Ménines d’après Vélasquez (1957) Magritte La condition humaine (1933)
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 35
73 Lire au sujet de ce type singulier de beauté, chez Baudelaire et Manet, le très beau
portrait de Jeanne Duval par le romancier Michaël Ferrier dans Sympathie pour le
fantôme (éditions Gallimard “L’infini”, 2004, p.171-192.).
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36 Hervé COUCHOT
Manet Portrait de Jeanne Duval (1868) Jeanne Duval par Baudelaire (1858-1860)
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 37
limitées et des effets de coupe. Le choix du sujet figuré n’est donc pas
simplement indifférent mais directement lié, du moins dans certains
tableaux, au souci de faire apparaître à travers lui la réalité la plus
matérielle du tableau.
Ainsi, par exemple, dans le choix de représenter des foules de plus
en plus rapprochées du spectateur des tableaux, c’est moins la réalité
nouvelle liée à la vie urbaine de son temps qui intéresserait Manet que
la possiblité de souligner l’exiguïté du cadre du tableau. Pour qu’il y ait
foule en effet il ne suffit pas de réunir un grand nombre de personnes
dans un lieu. Il faut que ce lieu soit suffisamment étroit pour que les
personnes donnent l’impression d’y être compressées comme les grains
de raisin que l’on foule dans une cuve.
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38 Hervé COUCHOT
76 Dans la version américaine de sa lecture de « Qu’est-ce que les Lumières ? » Foucault évoque
également, à propos de Baudelaire cet ascétisme du dandy qui « cherche à s’inventer lui-
même ». On sait que Manet cultivait lui aussi cette exigeante discipline de l’élégance, « plus
despotique que les plus terribles des religions » selon Foucault. Lire sur ce sujet le chapitre
consacré par Bataille à « l’élégance de Manet » (Manet, op.cit., p.15-23.).
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 39
objet lui-même qui se tend son propre miroir. C’est le même geste de
modernité en peinture, déjà présent chez Vélasquez, qui, pour Foucault,
sera repris autrement par la peinture de Paul Klee faisant apparaître
cette fois, en relation avec son propre présent, tous les gestes inhérents
à l’acte de peindre :
77 « L’homme est-il mort? », entretien avec Claude Bonnefoy, juin 1966. Dits et écrits, op.cit.,
T I (texte n°39).
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40 Hervé COUCHOT
78 « (…) je n’ai pas du tout l’intention de vous parler en général de Manet » prévient-il son
auditoire au début de sa conférence de 1971. La peinture de Manet, op.cit., p.21.
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 41
79 Zola lui même ne différencie pas radicalement Manet des autres peintres lorsqu’il parle
de “sujet-prétexte” : « Les peintres, surtout Édouard Manet qui est un peintre analyste, n’ont
pas cette préoccupation du sujet qui tourmente la foule avant tout ; le sujet pour eux est un
prétexte à peindre. ».
80 C’est la critique qu’adresse également Philippe Sollers à Foucault : « Il faut voir les
femmes chez Manet sans quoi on ne voit rien. Je me demande pourquoi un philosophe de la
dimension de Michel Foucault (…) ne peut pas voir des femmes en peinture ou évite le sujet
». “La révolution Manet”, L’infini, op.cit., p.20. CF. également L’éclaircie, op.cit., p.27.
81 Sur ce cette critique de la théorie formaliste et de la conférence de Foucault, qu’il juge
par ailleurs “passionnante”, lire Pierre Bourdieu, Manet, une révolution symbolique, Seuil
“Raisons d’agir”, 2013, p.146.
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42 Hervé COUCHOT
Bibliographie 参考文献 :
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Bataille, Foucault : deux regards philosophiques sur la « modernité » de Manet 43
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