Culture Générale: Méthodologie de La Dissertation

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Si la culture générale déroute, la disserta-


tion de culture générale inquiète. Et qu’on
l’ait récemment rebaptisée « Question
contemporaine » n’y change pas grand-
chose : trop souvent la tâche paraît
impossible. 2e éd.
Si cette dissertation est une épreuve parti-
culière, c’est parce qu’elle exige que soit
pris le risque de penser par soi-même,
en conciliant les connaissances les plus

Culture générale
traditionnelles et questionnement averti
sur les enjeux et les débats propres au

Méthodologie de la dissertation
monde contemporain.
C’est à quoi ce livre s’attache. On ne trou-
vera pas ici de dissertations « idéales »,
livrées clés en main. On a préféré expliquer,
après d’indispensables conseils généraux,
comment l’étudiant peut parvenir à une
dissertation réussie. Méthodologie de la dissertation
Onze sujets, classés selon les types
d’énoncés les plus courants — sujets
généraux, sujets sous forme de question,
sujets en deux volets, sujets sous forme de 2e édition revue et augmentée
citation — sont donc préparés « en temps
réel », en intégrant les inquiétudes et les
obstacles que l’étudiant peut rencontrer,
L’auteur

Culture générale
de la découverte de l’énoncé à la formula-
tion d’une problématique, de l’élaboration
Ancien élève de l’École normale supé-
d’un plan à la rédaction du devoir.
rieure, agrégé de lettres modernes,
Rigueur de l’analyse, souplesse de la docteur en littérature et sciences • Classes préparatoires
pensée et disponibilité d’esprit se révèlent humaines, diplômé de Sciences Po
les maîtres mots de l’exercice : en somme, Paris, Alexis Chabot est enseignant à • Instituts d’études politiques
rien que vous ne puissiez faire… la Prép’ENA Paris I/ENS. ellipses • Concours administratifs

Alexis Chabot
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PTIMUM
Collection dirigée par Fabien Fichaux

Culture générale
Méthodologie
de la dissertation
2e édition revue et augmentée

Alexis Chabot
Ancien élève de l’École normale supérieure
Agrégé de Lettres modernes
Docteur en littérature et sciences humaines
Diplômé de Sciences Po Paris
Enseignant à la Prép’ENA Paris I/ENS
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ISBN 9782340-054028
©Ellipses Édition Marketing S.A., 2020
32, rue Bargue 75740 Paris cedex 15
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Introduction
Une dissertation
pas comme les autres

« Montrez que vous pensez, on vous en saura gré. »


Rapport du jury de l’ENA, 2002

Pourquoi une méthodologie particulière pour la dissertation de Culture générale,


souvent intitulée « épreuve de Question contemporaine » ? La question se pose, car
l’exercice de la dissertation est le plus répandu dans les études supérieures, qu’il
s’agisse de l’université – dans l’ensemble des matières –, d’écoles plus spécialisées
telles que les Instituts d’Études Politiques ou les écoles de commerce, ou bien encore
dans les différents concours administratifs, toutes catégories confondues. Or cette
dissertation est également l’une des épreuves les plus fréquemment proposées aux
étudiants ou aux aspirants à la fonction publique.

En quoi cette épreuve est-elle particulière ?


Comment s’y préparer ?

La nécessité de traiter à part la dissertation de Culture générale tient à son objet


même : non pas un domaine particulier du savoir dont vous devriez restituer votre
apprentissage méthodique, non pas une connaissance technique, avec ses codes et
son lexique spécifiques, dont vous devriez démontrer que vous les avez acquis avec
Introduction • Une dissertation pas comme les autres

sérieux, que vous les maniez avec facilité et que vous en maîtrisez les principales
problématiques. Tel serait l’objet d’une dissertation de droit ou d’économie, par
exemple. Mais telle n’est pas la fonction de la dissertation de Culture générale :
par opposition aux dissertations « techniques », elle vise avant tout à mettre à
l’épreuve votre capacité à raisonner, à réfléchir par vous-même, à investir des
questions essentielles au monde contemporain. Contrairement aux idées reçues,
vous n’êtes pas attendus sur votre citation précise de tel passage de PLATON ou
sur votre lecture de tous les livres contemporains « dont on parle ». Il s’agit d’une
logique différente que l’on peut résumer ainsi : prendre le risque de la pensée.

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On peut choisir comme référence le concours externe d’entrée à l’École nationale


d’administration (ENA), mais aussi quelques concours administratifs de haut
niveau, qui permettent de définir dans ses grandes lignes cette étrange épreuve
qu’est la dissertation de Culture générale, au-delà du strict cadre des concours de
la fonction publique.
Cette épreuve a récemment évolué, du moins en superficie, pas nécessairement
en profondeur. Ainsi, dans l’arrêté du 13 octobre 1999 fixant les programmes des
épreuves des concours d’entrée à l’ENA, l’épreuve communément désignée comme
celle de Culture générale se trouvait plus précisément dénommée de la manière
suivante : « L’évolution générale politique, économique et sociale du monde et
le mouvement des idées depuis le xviiie siècle ». Il était ensuite précisé : « Cette
composition suppose, outre des connaissances précises sur l’évolution du monde
et des idées depuis le xviiie siècle, la détention par les candidats d’une solide
culture historique. L’épreuve doit notamment permettre d’apprécier l’aptitude
des candidats à exprimer sur le sujet proposé tant une analyse des faits et des
événements qu’une interprétation personnelle et argumentée. »
La réforme des concours d’entrée à l’ENA, appliquée à partir de la session de 2015,
a altéré la plupart des épreuves et la dissertation de Culture générale n’y a pas tout
à fait échappé. Désormais elle est intitulée « Question contemporaine » : un inti-
tulé que l’on retrouve notamment à l’examen d’entrée aux sept Instituts d’Études
politiques de province mais aussi, grosso modo, au concours d’administrateur
de l’Assemblée nationale (« Composition portant sur les problèmes politiques,
internationaux, économiques et sociaux du monde contemporain ») ou encore
au concours d’administrateur du Sénat (« Composition portant sur l’évolution
politique, économique, sociale et culturelle du monde contemporain »). Quant à
l’École nationale de la magistrature, elle a opté pour l’intitulé : « Connaissance et
compréhension du monde contemporain ».
Ainsi, par-delà quelques différences minimes de formulation, on peut considérer
qu’il s’agit d’une même épreuve. Aux candidats à l’entrée à l’ENA, l’épreuve proposée
est décrite comme une « composition sur une question contemporaine d’ordre
général portant sur le rôle des pouvoirs publics et leurs rapports à la société ». Si
la volonté de recentrer la réflexion sur l’action publique est clairement affichée,
c’est néanmoins cette épreuve qui, de manière générale, tous concours confondus,
a connu le moins grand bouleversement. D’abord parce que, contrairement aux
épreuves de droit et d’économie, le concours externe (qui se distingue ainsi du
concours interne) ne propose pas de « dossier » regroupant des textes censés
orienter la réflexion des candidats (pas de dossier non plus pour l’entrée aux IEP
de province mais un programme précis en deux thèmes). L’exercice même de la
dissertation la plus traditionnelle est donc conservé pour cette épreuve et ce n’est
naturellement pas un hasard. Ensuite, parce que la présentation, par l’arrêté du
16 avril 2014, de la nouvelle épreuve de Question contemporaine à l’ENA, montre
que les fondamentaux ne changent pas, en particulier ce à quoi il sera attaché
une si grande importance dans les pages qui suivent, à savoir la finalité de cette
épreuve, les attentes particulières qui sont celles du jury, autrement dit l’esprit


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singulier de la dissertation traditionnellement désignée comme « dissertation


de Culture générale ». Dans cet arrêté, on lit en effet la description suivante,
particulièrement importante pour ne pas se tromper d’exercice :
« Une épreuve consistant en une composition sur une question contemporaine
d’ordre général portant sur le rôle des pouvoirs publics et leurs rapports à la
société. Cette épreuve de composition porte sur un sujet ayant trait à l’État, aux
pouvoirs publics et à leurs rapports avec la société. Elle a pour but de mesurer la
capacité des candidats à réfléchir sur le sens du service de l’État dans la société
contemporaine et vise à apprécier l’aptitude de futurs hauts fonctionnaires à
appréhender les enjeux et les finalités de l’action publique dans le gouvernement
des sociétés. Cette composition, qui n’est en aucun cas réductible à une épreuve
technique, suppose des connaissances dans les domaines littéraires, philosophique,
historique et des sciences humaines et sociales. Au-delà de la vérification des
qualités d’argumentation et de rédaction, le candidat doit témoigner de capacités
critiques et formuler un point de vue qui lui soit propre. »
Ainsi, l’insistance, naturelle pour un concours administratif, sur la centralité de
l’État et des politiques publiques dans la réflexion, ne doit pas dérober ces deux
constantes : il ne s’agit pas d’une épreuve technique et il s’agit de mesurer la capa-
cité à mener une véritable réflexion sur des sujets complexes qui appellent des
savoirs et des points de vue divers.
Depuis de nombreuses années, les rapports de jury de l’ENA vont dans le sens de
ces exigences fondamentales et toujours valables. Il importe de lire avec attention
les remarques du jury, tant se dessinent en creux, dans les critiques émises chaque
année sur les copies des candidats, les exigences de tout correcteur de dissertation
de Culture générale. Les observations du jury du concours 2002, par exemple,
ont une valeur qui dépasse évidemment les limites du concours d’entrée à l’ENA ;
quel que soit le cadre (concours, examen) dans lequel vous avez à présenter une
réflexion de Culture générale, ces observations vous concernent. Elles mettent
d’abord l’accent sur le fait que « la réflexion devait prendre en compte une mise en
perspective historique, à laquelle invitait tout naturellement la définition même
de l’épreuve. » Plus intéressantes encore, ces remarques qu’il faut citer in extenso.
Introduction • Une dissertation pas comme les autres

Les premières concernent la nécessaire « prise en charge personnelle du sujet » :


« On aimerait rappeler aux candidats que si les cours de préparation sont un très
précieux aliment de la réflexion, ils ne constituent pas une bible que l’on doive réciter
ad verbum. Un élémentaire discernement permet au candidat adulte d’envisager
que si un cours commun est communément récité, cela donne des copies d’une
somptueuse banalité. La méthode est de bonne guerre pour décrocher une unité de
valeur ou un module, mais on ne saurait la recommander pour un concours, dont
le principe même est de distinguer, de classer, d’évaluer des qualités individuelles.

Disons qu’à peine un quart des copies semblent témoigner d’un effort de « prise en
charge » personnelle du sujet. C’est vraiment décevant. D’autant plus que la repro-
duction tend à affaiblir l’original, qui n’est pas forcément excellent […]. »

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Le second type de remarques concerne la nécessité de proposer une véritable


argumentation, avec ce que cela suppose de rigueur et de qualités affirmatives :
« Mais le défaut le plus généralement constaté est l’absence de rigueur dans l’ar-
gumentation et l’analyse. En effet, la rigueur et la vigueur d’une argumentation
ne peuvent s’établir en usant et en abusant de « certains.. », de « quelques… », de
« parfois… » et tous autres termes qui installent l’indéfini là où on attendrait du
précis. À ce symptôme l’on peut même repérer sans grand risque d’erreur qu’une
analyse utile a été économisée – une typologie différenciée, un examen des contextes
historiques et idéologiques, un effort pour distinguer notions, concepts ou événe-
ments faussement ressemblants. […] Il faut avoir l’honnête audace d’exprimer des
jugements, d’assumer des affirmations réfléchies et argumentées. Trop de copies
se contentent d’énumérer des thèses plus ou moins triviales, en les opposant dans
l’illusion d’une dialectique, pour finalement « conclure » en n’apportant aucune
réponse aux questions qu’elles n’ont pas posées. Quel vide ! »

Enfin, on ne peut qu’être sensible à l’accent mis sur la véritable spécificité de cette
épreuve, la nécessité de prendre le risque de la pensée :
« On aimerait dire et redire aux candidats : ce jour-là est important pour vous, faites
l’effort d’être vous-mêmes, ayez l’ambition légitime de vous approprier le sujet. Ne
vous repliez pas sous une multitude de citations et de références bibliographiques
souvent érudites, encore plus souvent mal rédigées, […] le jury ne vous verra plus
sous cette averse et supposera que vous n’existez pas vraiment. N’appelez pas à la
rescousse un universitaire américain pour certifier une banalité. Ne rappelez que
l’État se réserve le monopole de la violence légitime que si cela importe à votre
argumentation. […] Bref, montrez que vous pensez, on vous en saura gré. »

Concrètement, à quel type de sujets ces conseils s’appliquent-ils ? Ils sont d’une
grande diversité, qu’il s’agisse de leur formulation (de la citation au simple concept,
de l’affirmation à la question) ou des champs d’investigation qu’ils requièrent. On
peut à titre d’exemple citer les sujets de quelques concours administratifs durant
les dernières années :

École nationale d’administration

–– 2019 : Agir selon l’opinion


–– 2018 : L’État doit-il commémorer le passé ?
–– 2017 : L’État doit-il s’occuper du bonheur des citoyens ?
–– 2016 : La France a-t-elle toujours vocation à porter des valeurs universelles ?
–– 2015 : L’État doit-il être moral ?
–– 2014 : La Résistance est-elle un idéal du xxie  siècle ?
–– 2013 : Pensez-vous que cette phrase de Paul VALÉRY, énoncée en 1919 :
« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes
mortelles » s’applique aujourd’hui à l’Europe ?
–– 2012 : L’individu est-il encore la mesure du siècle ?
–– 2011 : Les démocraties face aux guerres
–– 2010 : Au bénéfice de l’âge
–– 2009 : La révolution est-elle un phénomène périmé ?
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–– 2008 : Agir dans un univers incertain


–– 2007 : Commentez cette formule : « La décision est souvent l’art d’être cruel
à temps »
–– 2006 : Les valeurs européennes
–– 2005 : Y a-t-il encore des grands hommes ?
–– 2004 : La République peut-elle encore faire confiance au progrès
–– pour rester fidèle à elle-même ?
–– 2003 : Reste-t-il dans les sociétés occidentales des droits à conquérir ?
–– 2002 : Le pouvoir de la rue
–– 2001 : Pouvoir, secret et transparence
–– 2000 : Les intellectuels et la guerre
–– 1999 : Gouverner est-ce aussi monnayer du rêve ?
–– 1998 : La crise de la représentativité
–– 1997 : La France est-elle différente ?

École nationale de la magistrature (ENM)

–– 2019 : La démocratie
–– 2018 : Comment s’expriment, selon vous, les besoins et les réalités de la soli-
darité dans la société française contemporaine ?
–– 2017 : La vérité est-elle un impératif dans la société française contemporaine ?
–– 2016 : La société française face aux défis du terrorisme
–– 2015 : La fin de la violence ?
–– 2014 : Identité collective et identité individuelle
–– 2013 : L’eau
–– 2012 : Quel avenir pour les frontières ?
–– 2011 : Défiance méfiance ou confiance dans la société contemporaine
–– 2010 : Qu’attendre de l’État aujourd’hui ?
–– 2009 : Les chances de réussite dans la société contemporaine
–– 2008 : La beauté sauvera-t-elle le monde ?
–– 2007 : Le corps
–– 2006 : « Le doute est le sel de l’esprit. Sans la pointe du doute, toutes les
Introduction • Une dissertation pas comme les autres

connaissances sont bientôt pourries […]. Croire est agréable. C’est une ivresse
dont il faut se priver. Ou alors dites adieu à liberté, à justice, à paix ». Alain
–– 2005 : L’âge
–– 2004 : Le jeu
–– 2003 : « Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts. » Isaac
Newton
–– 2002 : Le droit a-t-il réponse à tout ?
–– 2001 : Le mensonge
–– 2000 : Le poison
–– 1999 : Y a-t-il place pour l’aventure dans les sociétés contemporaines ?
–– 1998 : Peut-on parler du dépérissement de l’État ?
–– 1997 : Descartes a écrit : « C’est proprement ne valoir rien que de n’être utile
à personne ». Commentez.

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Assemblée nationale et Sénat

–– 2017 : (AN) A quoi sert l’école ?


–– 2015 : (AN) : Les démocraties peuvent-elles accepter les inégalités ?
–– 2017 : (Sénat) : Que pensez-vous de cette affirmation de Gustave Flaubert
(Correspondance, avril 1871) :
« Le peuple est un éternel mineur » ?
–– 2013-2014 (Sénat) : Que pensez-vous de cette affirmation de Jean Jaurès (au
lycée d’Albi en 1903) :
« La République est un grand acte de confiance et un grand acte d’audace » ?

De ces observations et de ces exemples, il faut effectivement partir pour mieux


appréhender l’épreuve qui nous intéresse. En premier lieu, il convient de rappeler
que la Culture générale, comme son nom l’indique, n’est pas une affaire de
spécialistes.
Cela signifie que votre approche trouvera son origine dans deux sources. La
première de ces sources, c’est vous, tout simplement. Et cela à double titre :
d’abord, parce que vous êtes un citoyen ou une citoyenne du début du xxie siècle.
C’est ce citoyen que l’on interroge : vous êtes partie intégrante du monde actuel,
vous vivez ses contradictions, ses peurs, ses espoirs, vous suivez son actualité,
vous avez une identité sociale du fait de votre milieu d’origine, de votre éducation,
des études que vous menez. C’est à ce titre d’abord que vous devez appréhender
cette matière si étrange, aux contours si flous, qu’est la Culture générale. Ensuite,
parce que vous êtes vous-même habité d’une culture qui vous est propre. Que vos
références soient musicales, cinématographiques, philosophiques, politiques,
littéraires, artistiques ou scientifiques – ou qu’elles vous viennent de tous ces
domaines à la fois ! –, vous êtes dépositaire, souvent sans en avoir conscience, d’une
part importante de la culture contemporaine. Elle est en vous, elle doit donc être
mobilisable au moment d’aborder cette épreuve, car elle est votre premier atout.
N’oubliez jamais, d’ailleurs, que les études que vous avez menées jusqu’alors, qu’il
s’agisse du collège, du lycée ou déjà d’années d’études supérieures, vous ont apporté
des éléments de Culture générale qu’il serait absurde de négliger : à titre d’exemple,
telle pièce de Molière ou tel roman de Balzac étudiés pour le baccalauréat peuvent
vous conduire à des réflexions très pertinentes sur une question de Culture géné-
rale. C’est l’usage que vous ferez de ces références qui conditionne leur validité.
En second lieu, vous trouverez la source de vos réflexions dans une connais-
sance plus précise des grandes questions qui se posent à l’homme et au citoyen
d’aujourd’hui. Là encore, deux pistes s’ouvrent à vous.
D’une part, des interrogations anciennes et toujours actuelles, que peuvent avoir
posées déjà, par exemple, des philosophes de l’Antiquité ou des Lumières, mais qui
sont à ce point fondamentales que vous ne pouvez ignorer les tentatives de réponse
apportées au fil des siècles par ces penseurs ou ces artistes. Comment direz-vous
votre mot sur le fonctionnement actuel de notre démocratie si vous ne possédez
aucune notion sur la démocratie athénienne ou sur la théorie démocratique des


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philosophes français du xviiie siècle ? Y faire référence ne doit donc présenter


aucun signe de pédantisme : il s’agit simplement de reconnaître que nos diffi-
cultés, nos interrogations, l’état de notre société, ne peuvent être compris sans
référence au passé.
Ce qui est essentiel doit être mis en perspective : faute de quoi, votre disserta-
tion ne serait pas autre chose qu’une conversation de « café du commerce » mise
par écrit…
D’autre part, il importe d’être conscient des objets de pensée et de questionne-
ment propres à votre temps. Le monde d’ARISTOTE, le monde de HEGEL, celui
de ROUSSEAU, ni même celui de FREUD ou de SARTRE, ne sont votre monde. Or
c’est à vous que les interrogations de la Culture générale s’adressent. Votre monde
est marqué par des phénomènes qui lui sont propres : mondialisation, essor des
nouvelles technologies, interrogations sur la place et les fonctions de l’État, construc-
tion européenne, terrorisme, sida, entre autres traits majeurs. Vous êtes, comme
l’écrirait SARTRE, « en situation » : nulle idée, nulle réflexion, nulle interrogation
qui ne mettent en jeu votre temps et ses spécificités. Ce qui ne signifie nullement
que vous deviez vous faire le porte-parole zélé des idées en vogue ou des erreurs
en cours. Ce qui ne signifie pas davantage que, tel un réceptacle passif, vous soyez
impuissant à penser par vous-même. Nul déterminisme : votre devoir ne peut se
déduire mécaniquement de votre identité socio-historique. En revanche, la pensée
ne part jamais de rien, elle suppose d’abord une compréhension lucide de ce qui fait
son environnement intellectuel, politique, social, fût-ce pour le critiquer et tenter
de le dépasser. Enfin, sur le double plan de votre épanouissement personnel et de
vos ambitions professionnelles, ces aspects du monde contemporain doivent être
connus de vous. Vous devez donc vous employer à porter une attention quotidienne
à l’environnement dans lequel vous vivez.
En ce sens, par son ampleur même, par son caractère « totalisant », la Culture
générale exige de vous une préparation aussi bien spécifique qu’informelle.
Lire la presse, suivre les débats intellectuels du moment aussi bien que l’actualité
nationale et internationale, participent de cette curiosité intellectuelle, de cette
ouverture sur le monde qui sont également mis à l’épreuve par une dissertation
Introduction • Une dissertation pas comme les autres

de Culture générale. Là encore, c’est votre usage des références même les plus
« modestes » qui fera la différence. S’il est mal venu de tomber dans la paraphrase
de l’actualité, si la problématisation de vos connaissances, la recherche des enjeux,
sont des exigences vitales pour éviter aussi bien l’anecdote que la banalité, on vous
reprochera également de mépriser la réalité du monde au nom d’une conception
élitiste, close, et en fait bien mal comprise, de la « culture ».
En somme, l’épreuve de Culture générale fait appel en vous à cet idéal de « l’honnête
homme » tel que la Renaissance, et plus tard les encyclopédistes des Lumières,
l’ont rêvé et mis en œuvre : non pas l’accumulation du savoir, projet infini et stérile,
non pas l’étroitesse de vue d’un citoyen nourri du seul discours médiatique sur le
monde d’aujourd’hui, mais une interrogation bien actuelle nourrie de l’expérience
de pensée de l’humanité depuis ses origines. La distance exige la connaissance :

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mais celle-ci n’est pas une fin en soi. Aucune entreprise d’érudition ne pourra donc
remplacer cet effort qui, le jour de l’épreuve, fera la différence entre les devoirs
médiocres et les devoirs valorisés par les jurys. C’est à la recherche d’une méthode
pour canaliser et orienter cet effort que cet ouvrage veut s’employer.
Pour autant, vous adressez de manière récurrente un grief majeur à cette épreuve :
l’exercice vous apparaît souvent comme mal défini, dénué de contours précis.
La préparer vous semble donc une « mission impossible » et la réussite vous
paraît aléatoire, faute de savoir ce que l’on attend de vous et quels champs vous
devez investir : s’agit-il d’une dissertation de philosophie politique ? de sociologie ?
d’histoire ? d’histoire des idées ? de relations internationales ? En fait, rien de tout
cela, même s’il importe de ne négliger aucun de ces domaines. Alors, un exercice
de journalisme « amélioré », nourri, pour la forme, de références savantes ou
réputées telles ? Certainement pas, même si beaucoup de dissertations de Culture
générale, faute de méthode, correspondent malheureusement assez bien à cette
définition. Il faut donc dépasser le stade du flou ou du simple formalisme d’une
pseudo pensée alimentée au dernier éditorial de votre hebdomadaire préféré.

Quels sont les objectifs de ce livre ?


Comment est-il organisé ?

Fort bien, direz-vous, mais comment faire ? C’est l’objet de cet ouvrage : dépasser
les apories de la Culture générale par une méthode rigoureuse de réflexion sur
les différents types de sujets qui peuvent vous être proposés. Les objectifs sont
simples mais diffèrent quelque peu d’autres ouvrages consacrés et à la dissertation
et à la Culture générale. Le premier objectif est de montrer que la dissertation
de Culture générale est une épreuve faisable, qui n’est ni du « n’importe quoi »,
comme vous le pensez parfois, ni le prétexte à tester des connaissances immenses
que vous n’avez sans doute pas et dont la préparation à un concours ne vous laisse
pas le loisir de faire l’acquisition. Faisable, certes, mais à condition de jouer le jeu.
C’est le second objectif : démontrer par l’exemple qu’un sujet de Culture géné-
rale peut s’appréhender avec méthode, en observant certaines règles et en
acquérant certains réflexes. « Par l’exemple » signifie que les sujets présentés ne
donnent pas lieu à la lecture de la dissertation « idéale » : celle-ci me paraît, de par
mon expérience d’étudiant préparant des concours et aujourd’hui d’enseignant y
préparant mes étudiants, non seulement fastidieuse, mais encore d’une utilité très
réduite. L’important n’est pas de constater qu’une dissertation est réussie mais
de savoir comment on peut soi-même en arriver là, lorsqu’un sujet, forcément
différent, vous sera soumis le jour de l’épreuve. Le défi nouveau consiste donc
à préparer le devoir devant vous, comme si vous étiez à côté du candidat et
regardiez par-dessus son épaule, et à mener à bien cette préparation sans éluder
(au contraire) les difficultés, les blocages, les erreurs qui pourraient survenir au
cours d’un travail effectué dans des conditions normales.


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La prise en compte des erreurs possibles, les plus fréquemment observées dans les
copies, répond à un troisième objectif : chasser les idées fausses qui encombrent
souvent votre esprit dès qu’il s’agit de cette épreuve :
–– la première consiste à croire que la réussite dépend de l’excellence de vos
connaissances. Il est donc fait appel à un minimum de savoir lors du traite-
ment des sujets, minimum qu’on peut estimer à la portée de n’importe quel
candidat. L’insistance est donc mise sur la réflexion, pas sur la mobilisation
des connaissances ;
–– la seconde erreur est de croire que tous les sujets de Culture générale se traitent
de la même manière et que des « plans-types » peuvent vous sauver la mise :
au contraire, ce fonctionnement « à l’économie » est spécialement sanctionné
dans le cadre de cette épreuve et la réussite est précisément liée à un véritable
effort pour penser le sujet en profondeur et dans toutes ses dimensions ;
–– troisième erreur, plus subtile, et dont on reparlera souvent dans les pages qui
suivent : croire que le but est d’apporter une réponse claire et nette, simple voire
tranchée, aux questions implicitement ou explicitement posées par votre sujet.
C’est le moment de ne pas confondre penser et affirmer, mener une réflexion
avec fermeté et camper sur des positions péremptoires. N’oubliez jamais que
les thèmes abordés sont d’une grande complexité et que vous n’inventerez
pas la poudre : ce n’est pas le but ! Ici comme ailleurs, la modestie n’est donc
aucunement incompatible avec l’ambition de penser : en fait, elle en est la
composante indispensable.
L’objectif ultime de votre devoir doit donc être clair à vos yeux : d’une part,
montrer que vous avez pris la juste mesure des enjeux présents dans le sujet, et
de leur complexité ; d’autre part montrer que vous êtes capable de mener une
réflexion intelligible, claire, logique qui rende compte de ces enjeux. Vous le
voyez : il ne s’agit ni de tout savoir (d’ailleurs, ça ne veut rien dire…), ni même de
trancher les questions soumises à votre réflexion, ni enfin de dire « ce qu’il faut
dire », car la problématique idéale n’existe pas davantage que le « plan unique »…
C’est pourquoi le propos s’organise en deux temps inégaux :
–– d’une part, une méthodologie générale, qui se fonde sur mon expérience
Introduction • Une dissertation pas comme les autres

de la préparation des étudiants à l’épreuve de Culture générale des concours


administratifs. Le but est en effet de répondre aussi clairement que possible,
en une trentaine de pages, aux questions les plus courantes que vous pouvez,
à juste titre, vous poser au sujet de cette épreuve. Une part de ces questions
met en lumière ce que l’épreuve a de particulièrement surprenant, voire de
déstabilisant à vos yeux. D’autres questions relèvent de la méthode de la
dissertation en général. Mais toutes deux appellent des réponses adaptées
aux spécificités de la Culture générale : même les conseils les plus généraux
sont adaptés à cette épreuve, irréductible à nulle autre. Cette méthodologie
générale ne prétend pourtant pas répondre à tous les cas de figure. Trop de
conseils abstraits, donnés hors contexte, ne sont pas d’une grande efficacité :
c’est pourquoi on trouvera également de nombreux conseils méthodologiques

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dans les sujets traités, au moment même où, dans le déroulement de votre
travail, se présentent une difficulté, un piège, un défi.
–– d’autre part, onze sujets traités, classés selon les types de formulations
les plus courants : sujets généraux, sujets sous forme de questions, sujets en
deux volets, sujets sous forme de citations. Cette classification correspond à
la conviction qu’à chaque type d’énoncé correspondent des attentes particu-
lières du jury, ainsi que des difficultés, des pièges – mais aussi des chances
– spécifiques, qu’il vous appartient de prendre en compte lucidement. On ne
doit pas analyser une question comme on analyse une citation, on ne peut pas
penser son devoir de la même manière selon que le sujet est dénué de tout
aspect problématique ou selon qu’il semble, au contraire, orienter explicite-
ment votre réflexion dans une direction. Chaque type d’énoncé engage donc
un traitement différent. Pour autant, comme on l’a dit, ce qui est proposé ici
diffère de la matière présente dans d’autres ouvrages. On ne trouvera pas ici
le produit final, c’est-à-dire une dissertation livrée « clés en mains », mais la
description du travail de préparation qui doit mener à ce devoir. Le but en effet
n’est pas que vous appreniez par cœur des dissertations toutes faites, mais que
vous ayez en main une méthode, une sorte de gymnastique intellectuelle, un
ensemble de réflexes, d’alarmes, qui vous servent à aborder tout type de sujet
avec la même rigueur et les mêmes chances de réussite. Chaque sujet est donc
traité « en temps réel », étape par étape, de la découverte du sujet à la mise
au point d’une structure, en intégrant dans toute la mesure du possible les
inquiétudes et autres obstacles que vous pouvez rencontrer en cours de route.
Chaque traitement aboutit à la formulation d’une problématique et d’un plan
détaillé sur le sujet et se termine par des conseils sur la rédaction, conseils qui
prennent en compte les difficultés propres au sujet concerné. On trouvera à la
fois une réflexion sur le sujet proprement dit et des rappels méthodologiques
sur telle ou telle étape de la préparation, sur telle ou telle erreur considérée
comme possible, voire probable, avec le sujet traité.
Il faut donc entrer dans le vif de notre problème, et poser les bases de cette méthode
que l’on prétendra ensuite mettre en œuvre pas à pas. Vous devrez en effet analyser
le sujet proposé, définir une problématique à partir de cette analyse, laquelle
vous mènera à construire un plan. La rédaction du devoir devra rendre compte
au mieux, par sa clarté, par les références développées et le style adopté, de ce
travail de préparation. Comme vous le voyez, chaque étape est rigoureusement
liée aux autres. Dès lors, la défaillance d’une seule d’entre elles peut nuire grave-
ment à l’ensemble. À l’inverse, l’habitude de mettre en pratique ces éléments de
méthode ne peut que mener à de meilleurs résultats et à une réussite au jour « J ».


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Première partie
Méthodologie générale
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Analyser un sujet

1. Quels sont les enjeux de l’analyse ?

Si chaque étape a son importance propre, celle-ci doit être considérée comme
l’étape essentielle, celle qui détermine la réussite ou l’échec de votre devoir.
Paradoxalement, c’est aussi la plus négligée. Trop d’étudiants, même aguerris à
l’exercice de la dissertation, considèrent qu’un sujet va de soi et que la première
lecture en détermine clairement et définitivement le sens. Grave erreur : aucun
sujet n’est simple, surtout en Culture générale puisque c’est le « prêt à penser »
qu’il s’agit d’éviter. Mais aucun n’est « infaisable » non plus, dès lors que vous
ferez l’effort indispensable de l’interroger avec rigueur et en plus de cinq minutes.
De fait, la préparation – analyse du sujet, problématique, plan – mérite qu’au
minimum un tiers de votre temps d’épreuve y soit consacré. Si celui-ci s’élève à
5 heures, c’est donc au moins 1 heure et 30 minutes qui y sera dévolue.
L’analyse doit d’abord permettre de déterminer un certain nombre d’informations
préalables, indispensables pour ne pas partir sur de fausses pistes. On peut dire que
le sujet doit être observé sous tous les angles, tourné et retourné en tous sens
avant de vous lancer dans la préparation. Prenez garde au fait que les erreurs
d’interprétation les plus grossières (contre sens complets, faux sens, oublis d’un
pan entier du sujet) ont généralement lieu dans les toutes premières minutes,
alors que vous venez de découvrir l’énoncé et que vous formulez pour vous-même
vos premières hypothèses sur sa signification, les thèmes à aborder et surtout le
sens général de ce que vous devez faire face à ce sujet. Ces premiers éléments
de réponse ont un impact très fort sur toute la suite ; or vous les produisez à un
moment critique et dans l’urgence. Comme la nature, un candidat a horreur du
vide, et vous pouvez être tenté de « foncer » dans les premières directions aperçues
afin de vous rassurer et de vous montrer que vous ne restez pas « sec ». Attention
à cette tentation et dès le début, ayez le réflexe de penser contre vous-même,
ne serait-ce qu’à titre de prudence.
Pour ce faire, vous pouvez vous poser quelques questions simples mais qui vous
aideront à chasser les interprétations trop rapides ou abusives, les fausses « révéla-
tions » sur le sens du sujet et « le devoir idéal » dont vous prêtez l’attente au jury :
–– Quels sont les concepts en jeu ?
–– À quelle(s) problématique(s) étudiée(s) pendant l’année dois-je faire appel
Analyser un sujet

pour nourrir mon devoir ? Mais aussi : quelles sont les différences, même

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subtiles, entre mon sujet d’aujourd’hui et les sujets les plus proches étudiés
pendant l’année ?
–– Quels sont les enjeux de fond que je peux d’ores et déjà soupçonner avec
certitude ?
–– Quels sont les enjeux possibles mais dont je devrai m’assurer qu’ils ne me
conduisent pas à un hors sujet ?
–– Quelles sont les reformulations possibles du sujet ?
–– Quelles seraient les reformulations abusives, c’est-à-dire : qu’est-ce que le sujet
ne dit pas ? ne demande pas ?

2. Que doit-on étudier dans l’énoncé ?

L’exigence est finalement assez simple : d’abord, il importe que vous considé-
riez le sujet sous tous les angles possibles, sans vous arrêter à votre première
interprétation. Pour ce faire, vous avez recours aux questions que l’on vient de
formuler. Mais un second type de questionnement est nécessaire : en effet, ayez
toujours à l’esprit qu’un énoncé a toujours deux aspects et que votre préparation
doit absolument les prendre en compte tous les deux avec une égale attention. Pour
vous faire une idée, souvenez-vous de la définition du « signe », proposée par la
linguistique. Un signe est constitué d’un signifié (qui est le sens même du mot, ce
à quoi il renvoie dans la réalité) et un signifiant (le mot lui-même dans sa matéria-
lité : aspect, sons, etc.). Ainsi, le signe « table » renvoie à un signifié (l’objet table,
qui n’est pas une chaise, qui se définit donc par son usage) et à un signifiant, les
lettres, les sons qui le composent, et qui ont, souvent à notre insu, un fort pouvoir
d’évocation. Ces deux faces du même signe, nous les percevons simultanément.
Or votre sujet peut être considéré à deux niveaux. Le premier niveau, c’est celui
de l’énoncé dans sa globalité. Votre premier mouvement est de lire dans cet
énoncé le ou les thèmes auxquels il renvoie, ce qu’on peut appeler le signifié
de l’énoncé. Ainsi le sujet « La démocratie est-elle possible ? », étudié ci-après,
renvoie au thème général de la démocratie, et aux thèmes connexes de l’égalité, de
la liberté, du vote, etc. Mais cet énoncé doit être également lu dans sa formulation
même. Car ces mêmes thèmes pourraient être également mobilisés si l’énoncé
était « La démocratie est-elle le meilleur régime politique ? », « Pourquoi la démo-
cratie ? » ou bien encore « L’inachèvement de la démocratie ». Mais aucun de ces
Première partie • Méthodologie générale

énoncés n’est réductible à aucun autre. Ce qui les distingue, c’est ce qu’on peut
appeler le signifiant du sujet, qui fait partie intégrante des données de base que
vous devez prendre en compte au cours de la préparation puis garder à l’esprit en
rédigeant votre devoir.
Second niveau, ensuite, celui du ou des mots-clés employés dans l’énoncé. Ici,
plus précisément, vous pouvez en premier lieu interroger les significations objec-
tives de ces mots, et ce à quoi ils renvoient. Ainsi, « démocratie » renvoie bien
aux idées générales de classification des régimes politiques, liberté, égalité, vote,
multipartisme, droits de l’homme, etc. Vous pouvez même souvent, sans recourir

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à un savoir savant, vous servir de l’étymologie. Ainsi, « démocratie », hérité du


grec, signifie littéralement « pouvoir du peuple » et le mot « État » renvoie au latin
« stare » qui signifie « être debout, se maintenir, durer ». Informations qui sont
loin d’être négligeables, et dont votre correcteur appréciera le rappel… Pour autant,
n’omettez pas, en second lieu, de vous interroger sur les connotations, qu’elles
soient positives ou négatives, attachées à certaines notions : ces connotations
sont révélatrices de certaines valeurs dominantes, d’un air du temps, de rapports
moins simples qu’il n’y paraît à un lexique dont vous pouvez être assuré qu’il n’est
jamais neutre. On se situe ici au niveau de la réception du vocabulaire, réception
dont il peut être intéressant de constater l’évolution ou les permanences. Par
exemple, si le mot « démocratie » jouit d’une forte connotation positive, il n’est
pas indifférent de s’interroger sur la manipulation possible de ce terme dans le
discours de certains politiques ou de certains États, ainsi que sur l’emploi répété qui
en est fait, au détriment de l’analyse, voire de la vérité. À l’inverse, le mot « État »
ne saurait être compris sans la prise en compte de ses connotations ambivalentes,
dont le discours politique joue bien évidemment en toute connaissance de cause.
À cet égard, votre propre réaction au sujet, à sa formulation, à un lexique ou
à une tournure générale n’est pas à négliger, au contraire. Vous pouvez même
parfois, à condition d’en faire une accroche et non une fin en soi, partir de cette
réaction pour avancer dans l’analyse du sujet. Tel énoncé peut vous paraître
absurde, tel autre paradoxal, tel autre au contraire vous semblera relever de l’évi-
dence, tel autre peut vous heurter ou vous choquer, tel autre encore vous inspirer
des sentiments mélangés : or votre subjectivité a sa place dans une dissertation
de Culture générale, dès lors que vous cherchez à la comprendre et à lui donner
un sens plus global.

3. Quelle est la différence entre votre sujet


et son thème principal ?

Résumons. Premier axiome : vous devez différencier absolument votre sujet et


son thème principal. Non pas qu’ils s’opposent, bien sûr, mais ils ne se confondent
pas non plus. Vous devez considérer votre sujet comme une certaine manière
d’aborder ce thème, un angle d’attaque particulier et qui ne peut être réduit
à un pur prétexte… Cet angle spécifique fait partie intégrante de votre sujet,
même si à partir de cet angle vous allez devoir considérer le thème en lui-même
et élargir votre propos. Mais attention : une fois cet élargissement nécessaire
accompli, vous devrez considérer à nouveau l’optique particulière qui vous est
soumise afin de mettre en rapport vos découvertes (enjeux fondamentaux,
thèmes annexes…) et ce qui fait l’originalité de votre sujet. Le sens général définit
ainsi une thématique sur laquelle vous allez devoir disserter et c’est ce qui vous
Analyser un sujet

apparaît en premier. Pour illustrer cet axiome, prenons un nouvel exemple. Le


sujet Tout pouvoir est-il inégal ? a, de toute évidence, pour thème le pouvoir et ses
modes d’exercice. Vous allez donc chercher à mobiliser vos connaissances dans

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ce domaine, chercher des exemples dans la politique et l’histoire d’abord, car le


thème y prête directement, mais aussi ensuite dans la philosophie et, pourquoi
pas, la littérature ou encore le cinéma. Votre champ de réflexion est donc balisé
très rapidement. Le problème est alors le suivant : allez vous en rester là et rédiger
une dissertation sur le pouvoir ? C’est ce que la plupart des étudiants feront natu-
rellement. Le contre sens est certes évité, mais vous conviendrez que ce n’est pas
un exploit car l’énoncé est relativement explicite.

4. Comment tenir compte de la formulation ?

Ainsi, à ce stade de l’analyse, pas de quoi vous distinguer de la masse des copies
et « faire la différence » vers le haut. Un seul moyen pour ce faire, prendre en
compte le sujet dans sa formulation même selon les voies que l’on a définies plus
haut, ce qui revient en somme à vous demander pourquoi votre sujet est énoncé
de cette manière et pas d’une autre.
Une dissertation sur le pouvoir pourrait prendre de nombreuses autres formes,
des plus proches de l’exemple choisi (Le pouvoir est-il inégal ?) aux plus éloignées
(Faut-il craindre le pouvoir ? Peut-on gouverner équitablement ? Gouvernants et
gouvernés, etc.). Ces énoncés entrent tous dans le même champ de réflexion et de
références. Mais aucun n’est votre sujet. Rien de pire que de donner l’impression
à votre correcteur que la formulation spécifique du sujet est vite lue, vite oubliée,
et assimilée à un thème large, vague, auquel vous le ramenez sans vergogne. C’est
tout simplement prendre le jury au sérieux, et au mot !, que de considérer chaque
terme du sujet et la formulation d’ensemble comme des exigences et des attentes
spécifiques de ce jury. Il faut donc répéter qu’aucun élément d’un énoncé n’étant
choisi au hasard, aucun élément ne doit être tenu pour anodin ou insignifiant.
En somme, ne croyez pas qu’un sujet ressemble à un autre du moment que leur
thème est commun. Vous avez eu un cours sur le pouvoir durant vos mois de
préparation ? Votre professeur a, par exemple, traité longuement du sujet Peut-on se
passer du pouvoir ? Tant mieux, vous aurez là une source importante, des références
et des exemples, des pistes de réflexion sur le pouvoir, qui sont effectivement un
« plus » par rapport aux étudiants qui n’ont pas suivi ce cours. Mais à toute médaille
son revers : votre tentation sera grande de ramener le sujet qui vous est proposé,
le jour de l’examen ou du concours, au sujet traité en cours. Ainsi, vous passerez
Première partie • Méthodologie générale

à côté d’un critère majeur de notation, l’interrogation honnête et sans a priori


du sujet. Bref, le sujet sera dénaturé et ce que vous exprimerez de juste par la suite
n’y pourra plus grand-chose. Considérez donc l’« escamotage » du sujet comme
un péché originel et ne succombez pas à cette tentation.

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5. La méthode change-t-elle selon le type de sujet ?


(Règle d’or no 1)

Dès lors, comme vous le verrez concrètement mis en œuvre dans la seconde partie
de l’ouvrage : à chaque type de formulation, son traitement particulier. Un sujet
posé sous forme interrogative comporte de ce simple fait des attentes précises du
jury ; un sujet posé sous forme neutre – ou apparemment telle – ne peut être traité
comme un sujet ouvertement polémique ; de même, si votre sujet est une citation,
vous ne pourrez passer à côté d’un questionnement précis de sa formulation, de la
personnalité de son auteur, de son époque, des intentions du jury en choisissant cet
auteur plutôt qu’un autre ; de même, un sujet comportant un seul mot, par exemple
un concept (La liberté, la justice…), ne mérite ni de vous trouver pris de panique
ni d’être trop sûr de vous, du fait de sa vastitude – comme c’est souvent le cas –,
mais simplement d’être abordé selon un mode de pensée particulier.
Les sujets traités dans la seconde partie vous permettront de mieux cerner les
pièges et les défis propres à chaque type de formulation. Il est pourtant d’ores et
déjà possible de formuler les questions que vous vous posez le plus souvent selon
les sujets, et d’y répondre brièvement :
–– Pour les sujets généraux (comme « La mort » ou « La liberté ») : comment
mettre à jour une problématique à partir de rien ? Faut-il forcément ramener
le sujet aux domaines traditionnels, tels que la philosophie ou la politique, ou
bien leur caractère de généralité autorise-t-il à aller voir ailleurs ?
C’est justement parce que le sujet est général que vous devez inventer par
vous-même une problématique, non à partir de rien mais à partir d’un travail
d’approfondissement de la notion ou du thème proposé. Vous devez donc
travailler horizontalement (rendre compte de ce thème dans toute sa généra-
lité) et verticalement (identifier les enjeux, les problématiques sous-jacents
à ce thème posé avec neutralité). C’est avec ce type de sujet que la notion de
« Culture générale » prend tout son sens : vous ne devez donc vous interdire
aucun domaine de références et c’est justement l’occasion d’aller explorer des
champs moins traditionnels et plus personnels.
–– Pour les sujets énoncés sous forme de questions (comme « La démocratie
est-elle possible ? » ou « La France est-elle différente ? ») : faut-il impérativement
répondre à la question ? si oui, une réponse tranchée est-elle exigée, même si
le sujet ne s’y prête guère ? peut-on échapper à un plan du type « oui/non/oui
et non » ou est-ce obligatoire ?
Oui, il faut répondre à la question : non pas seulement dans la conclusion mais
par tous les enjeux, thèmes et notions que vous mettez en lumière. Ceux-ci
doivent apparaître explicitement comme des éléments de réponse. Non, une
Analyser un sujet

réponse nette ou tranchée n’est pas un but en soi : à l’inverse, devant des ques-
tions aux multiples enjeux, on peut considérer ce type de réponse comme une
preuve de naïveté ou de prétention (ou des deux à la fois) de votre part… Enfin,

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aucun type de plan ne s’impose jamais, quel que soit le type d’énoncé. C’est
votre problématique qui doit engendrer le plan et non l’inverse !
–– Pour les sujets en deux volets (comme « Médias et politique ») : faut-il étudier
chacun des termes pour eux-mêmes ? doit-on consacrer une partie à chaque
terme avant d’aborder leur rapport dans une dernière partie ?
L’étude de chaque terme pour lui-même est un passage obligé de votre prépa-
ration. Vous ne pouvez comprendre leurs relations sans déterminer ce que
chacun d’eux contient et implique. Mais c’est bien leur relation qu’il s’agit de
déterminer. Le « et », le « ou » qui sont en général présents (mais pas forcé-
ment) doivent donc être le cœur de toute votre réflexion, et son fil conducteur.
C’est pourquoi consacrer deux parties à chaque terme puis analyser enfin leurs
relations est une solution à prohiber absolument. C’est dès l’introduction que
la dépendance réciproque des deux termes doit être posée comme la question
centrale et le devoir entier doit y être consacré.
–– Pour les sujets sous forme de citations, par exemple : « Si l’État est fort, il nous
écrase. S’il est faible, nous périssons » (P. VALÉRY), ou bien encore « On ne naît
pas femme, on le devient » (S. de BEAUVOIR) : la citation est-elle un prétexte ?
doit-on lui accorder une attention minutieuse ou en retenir la thématique
d’ensemble ? faut-il obligatoirement présenter l’auteur, ainsi que l’ouvrage d’où
la citation est extraite ?
La citation est et n’est pas un prétexte. Elle l’est dans la mesure où une disser-
tation ne saurait être confondue avec une explication de texte : l’affirmation
que contient généralement la citation est donc la problématique sur laquelle
vous allez devoir réfléchir. Mais elle ne l’est pas car cette citation a été choisie
pour plusieurs raisons : sa formulation même, à laquelle il appartient donc d’être
attentif, son auteur, l’ouvrage d’où elle est extraite, le contexte historique, poli-
tique, intellectuel que vous devez en déduire afin d’en éclairer la signification et
les enjeux. Pour autant, c’est bien dans le but de mieux comprendre la citation
et de nourrir votre réflexion (accessoirement, vous montrerez par là que vous
n’êtes pas totalement inculte, que votre lecture n’est pas « naïve ») : mais un
exposé scolaire sur l’auteur ou l’ouvrage concernés n’aurait pas sa place et ne
vous apporterait aucun bonus.
Première partie • Méthodologie générale

6. Existe-t-il un « implicite » du sujet ?

Enfin, l’analyse du sujet doit faire sa part aux présupposés liés à tel thème, tel
mot, ainsi qu’aux sous-entendus qu’ils peuvent contenir. Ce que dit implici-
tement le sujet n’est pas moins important que ce qu’il met explicitement en
avant. Ne soyez pas « naïf », sachez décoder les affirmations contenues dans
l’énoncé, les débats sous-jacents dont il vous faudra rendre compte. Le jury choisit
tel sujet, tel énoncé, pour ce qu’ils mettent en avant mais aussi pour ce qu’ils ne
disent pas : vous êtes également attendu et évalué sur votre capacité à lire entre les

20
Si la culture générale déroute, la disserta-
tion de culture générale inquiète. Et qu’on
l’ait récemment rebaptisée « Question
contemporaine » n’y change pas grand-
chose : trop souvent la tâche paraît
impossible. 2e éd.
Si cette dissertation est une épreuve parti-
culière, c’est parce qu’elle exige que soit
pris le risque de penser par soi-même,
en conciliant les connaissances les plus

Culture générale
traditionnelles et questionnement averti
sur les enjeux et les débats propres au

Méthodologie de la dissertation
monde contemporain.
C’est à quoi ce livre s’attache. On ne trou-
vera pas ici de dissertations « idéales »,
livrées clés en main. On a préféré expliquer,
après d’indispensables conseils généraux,
comment l’étudiant peut parvenir à une
dissertation réussie. Méthodologie de la dissertation
Onze sujets, classés selon les types
d’énoncés les plus courants — sujets
généraux, sujets sous forme de question,
sujets en deux volets, sujets sous forme de 2e édition revue et augmentée
citation — sont donc préparés « en temps
réel », en intégrant les inquiétudes et les
obstacles que l’étudiant peut rencontrer,
L’auteur

Culture générale
de la découverte de l’énoncé à la formula-
tion d’une problématique, de l’élaboration
Ancien élève de l’École normale supé-
d’un plan à la rédaction du devoir.
rieure, agrégé de lettres modernes,
Rigueur de l’analyse, souplesse de la docteur en littérature et sciences • Classes préparatoires
pensée et disponibilité d’esprit se révèlent humaines, diplômé de Sciences Po
les maîtres mots de l’exercice : en somme, Paris, Alexis Chabot est enseignant à • Instituts d’études politiques
rien que vous ne puissiez faire… la Prép’ENA Paris I/ENS. ellipses • Concours administratifs

Alexis Chabot
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9782340-036499_couv.indd Toutes les pages 12/11/2019 09:43

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