Culture Générale: Méthodologie de La Dissertation
Culture Générale: Méthodologie de La Dissertation
Culture Générale: Méthodologie de La Dissertation
com
Culture générale
traditionnelles et questionnement averti
sur les enjeux et les débats propres au
Méthodologie de la dissertation
monde contemporain.
C’est à quoi ce livre s’attache. On ne trou-
vera pas ici de dissertations « idéales »,
livrées clés en main. On a préféré expliquer,
après d’indispensables conseils généraux,
comment l’étudiant peut parvenir à une
dissertation réussie. Méthodologie de la dissertation
Onze sujets, classés selon les types
d’énoncés les plus courants — sujets
généraux, sujets sous forme de question,
sujets en deux volets, sujets sous forme de 2e édition revue et augmentée
citation — sont donc préparés « en temps
réel », en intégrant les inquiétudes et les
obstacles que l’étudiant peut rencontrer,
L’auteur
Culture générale
de la découverte de l’énoncé à la formula-
tion d’une problématique, de l’élaboration
Ancien élève de l’École normale supé-
d’un plan à la rédaction du devoir.
rieure, agrégé de lettres modernes,
Rigueur de l’analyse, souplesse de la docteur en littérature et sciences • Classes préparatoires
pensée et disponibilité d’esprit se révèlent humaines, diplômé de Sciences Po
les maîtres mots de l’exercice : en somme, Paris, Alexis Chabot est enseignant à • Instituts d’études politiques
rien que vous ne puissiez faire… la Prép’ENA Paris I/ENS. ellipses • Concours administratifs
Alexis Chabot
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PTIMUM
Collection dirigée par Fabien Fichaux
Culture générale
Méthodologie
de la dissertation
2e édition revue et augmentée
Alexis Chabot
Ancien élève de l’École normale supérieure
Agrégé de Lettres modernes
Docteur en littérature et sciences humaines
Diplômé de Sciences Po Paris
Enseignant à la Prép’ENA Paris I/ENS
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ISBN 9782340-054028
©Ellipses Édition Marketing S.A., 2020
32, rue Bargue 75740 Paris cedex 15
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Introduction
Une dissertation
pas comme les autres
sérieux, que vous les maniez avec facilité et que vous en maîtrisez les principales
problématiques. Tel serait l’objet d’une dissertation de droit ou d’économie, par
exemple. Mais telle n’est pas la fonction de la dissertation de Culture générale :
par opposition aux dissertations « techniques », elle vise avant tout à mettre à
l’épreuve votre capacité à raisonner, à réfléchir par vous-même, à investir des
questions essentielles au monde contemporain. Contrairement aux idées reçues,
vous n’êtes pas attendus sur votre citation précise de tel passage de PLATON ou
sur votre lecture de tous les livres contemporains « dont on parle ». Il s’agit d’une
logique différente que l’on peut résumer ainsi : prendre le risque de la pensée.
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Disons qu’à peine un quart des copies semblent témoigner d’un effort de « prise en
charge » personnelle du sujet. C’est vraiment décevant. D’autant plus que la repro-
duction tend à affaiblir l’original, qui n’est pas forcément excellent […]. »
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Enfin, on ne peut qu’être sensible à l’accent mis sur la véritable spécificité de cette
épreuve, la nécessité de prendre le risque de la pensée :
« On aimerait dire et redire aux candidats : ce jour-là est important pour vous, faites
l’effort d’être vous-mêmes, ayez l’ambition légitime de vous approprier le sujet. Ne
vous repliez pas sous une multitude de citations et de références bibliographiques
souvent érudites, encore plus souvent mal rédigées, […] le jury ne vous verra plus
sous cette averse et supposera que vous n’existez pas vraiment. N’appelez pas à la
rescousse un universitaire américain pour certifier une banalité. Ne rappelez que
l’État se réserve le monopole de la violence légitime que si cela importe à votre
argumentation. […] Bref, montrez que vous pensez, on vous en saura gré. »
Concrètement, à quel type de sujets ces conseils s’appliquent-ils ? Ils sont d’une
grande diversité, qu’il s’agisse de leur formulation (de la citation au simple concept,
de l’affirmation à la question) ou des champs d’investigation qu’ils requièrent. On
peut à titre d’exemple citer les sujets de quelques concours administratifs durant
les dernières années :
–– 2019 : La démocratie
–– 2018 : Comment s’expriment, selon vous, les besoins et les réalités de la soli-
darité dans la société française contemporaine ?
–– 2017 : La vérité est-elle un impératif dans la société française contemporaine ?
–– 2016 : La société française face aux défis du terrorisme
–– 2015 : La fin de la violence ?
–– 2014 : Identité collective et identité individuelle
–– 2013 : L’eau
–– 2012 : Quel avenir pour les frontières ?
–– 2011 : Défiance méfiance ou confiance dans la société contemporaine
–– 2010 : Qu’attendre de l’État aujourd’hui ?
–– 2009 : Les chances de réussite dans la société contemporaine
–– 2008 : La beauté sauvera-t-elle le monde ?
–– 2007 : Le corps
–– 2006 : « Le doute est le sel de l’esprit. Sans la pointe du doute, toutes les
Introduction • Une dissertation pas comme les autres
connaissances sont bientôt pourries […]. Croire est agréable. C’est une ivresse
dont il faut se priver. Ou alors dites adieu à liberté, à justice, à paix ». Alain
–– 2005 : L’âge
–– 2004 : Le jeu
–– 2003 : « Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts. » Isaac
Newton
–– 2002 : Le droit a-t-il réponse à tout ?
–– 2001 : Le mensonge
–– 2000 : Le poison
–– 1999 : Y a-t-il place pour l’aventure dans les sociétés contemporaines ?
–– 1998 : Peut-on parler du dépérissement de l’État ?
–– 1997 : Descartes a écrit : « C’est proprement ne valoir rien que de n’être utile
à personne ». Commentez.
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de Culture générale. Là encore, c’est votre usage des références même les plus
« modestes » qui fera la différence. S’il est mal venu de tomber dans la paraphrase
de l’actualité, si la problématisation de vos connaissances, la recherche des enjeux,
sont des exigences vitales pour éviter aussi bien l’anecdote que la banalité, on vous
reprochera également de mépriser la réalité du monde au nom d’une conception
élitiste, close, et en fait bien mal comprise, de la « culture ».
En somme, l’épreuve de Culture générale fait appel en vous à cet idéal de « l’honnête
homme » tel que la Renaissance, et plus tard les encyclopédistes des Lumières,
l’ont rêvé et mis en œuvre : non pas l’accumulation du savoir, projet infini et stérile,
non pas l’étroitesse de vue d’un citoyen nourri du seul discours médiatique sur le
monde d’aujourd’hui, mais une interrogation bien actuelle nourrie de l’expérience
de pensée de l’humanité depuis ses origines. La distance exige la connaissance :
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mais celle-ci n’est pas une fin en soi. Aucune entreprise d’érudition ne pourra donc
remplacer cet effort qui, le jour de l’épreuve, fera la différence entre les devoirs
médiocres et les devoirs valorisés par les jurys. C’est à la recherche d’une méthode
pour canaliser et orienter cet effort que cet ouvrage veut s’employer.
Pour autant, vous adressez de manière récurrente un grief majeur à cette épreuve :
l’exercice vous apparaît souvent comme mal défini, dénué de contours précis.
La préparer vous semble donc une « mission impossible » et la réussite vous
paraît aléatoire, faute de savoir ce que l’on attend de vous et quels champs vous
devez investir : s’agit-il d’une dissertation de philosophie politique ? de sociologie ?
d’histoire ? d’histoire des idées ? de relations internationales ? En fait, rien de tout
cela, même s’il importe de ne négliger aucun de ces domaines. Alors, un exercice
de journalisme « amélioré », nourri, pour la forme, de références savantes ou
réputées telles ? Certainement pas, même si beaucoup de dissertations de Culture
générale, faute de méthode, correspondent malheureusement assez bien à cette
définition. Il faut donc dépasser le stade du flou ou du simple formalisme d’une
pseudo pensée alimentée au dernier éditorial de votre hebdomadaire préféré.
Fort bien, direz-vous, mais comment faire ? C’est l’objet de cet ouvrage : dépasser
les apories de la Culture générale par une méthode rigoureuse de réflexion sur
les différents types de sujets qui peuvent vous être proposés. Les objectifs sont
simples mais diffèrent quelque peu d’autres ouvrages consacrés et à la dissertation
et à la Culture générale. Le premier objectif est de montrer que la dissertation
de Culture générale est une épreuve faisable, qui n’est ni du « n’importe quoi »,
comme vous le pensez parfois, ni le prétexte à tester des connaissances immenses
que vous n’avez sans doute pas et dont la préparation à un concours ne vous laisse
pas le loisir de faire l’acquisition. Faisable, certes, mais à condition de jouer le jeu.
C’est le second objectif : démontrer par l’exemple qu’un sujet de Culture géné-
rale peut s’appréhender avec méthode, en observant certaines règles et en
acquérant certains réflexes. « Par l’exemple » signifie que les sujets présentés ne
donnent pas lieu à la lecture de la dissertation « idéale » : celle-ci me paraît, de par
mon expérience d’étudiant préparant des concours et aujourd’hui d’enseignant y
préparant mes étudiants, non seulement fastidieuse, mais encore d’une utilité très
réduite. L’important n’est pas de constater qu’une dissertation est réussie mais
de savoir comment on peut soi-même en arriver là, lorsqu’un sujet, forcément
différent, vous sera soumis le jour de l’épreuve. Le défi nouveau consiste donc
à préparer le devoir devant vous, comme si vous étiez à côté du candidat et
regardiez par-dessus son épaule, et à mener à bien cette préparation sans éluder
(au contraire) les difficultés, les blocages, les erreurs qui pourraient survenir au
cours d’un travail effectué dans des conditions normales.
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La prise en compte des erreurs possibles, les plus fréquemment observées dans les
copies, répond à un troisième objectif : chasser les idées fausses qui encombrent
souvent votre esprit dès qu’il s’agit de cette épreuve :
–– la première consiste à croire que la réussite dépend de l’excellence de vos
connaissances. Il est donc fait appel à un minimum de savoir lors du traite-
ment des sujets, minimum qu’on peut estimer à la portée de n’importe quel
candidat. L’insistance est donc mise sur la réflexion, pas sur la mobilisation
des connaissances ;
–– la seconde erreur est de croire que tous les sujets de Culture générale se traitent
de la même manière et que des « plans-types » peuvent vous sauver la mise :
au contraire, ce fonctionnement « à l’économie » est spécialement sanctionné
dans le cadre de cette épreuve et la réussite est précisément liée à un véritable
effort pour penser le sujet en profondeur et dans toutes ses dimensions ;
–– troisième erreur, plus subtile, et dont on reparlera souvent dans les pages qui
suivent : croire que le but est d’apporter une réponse claire et nette, simple voire
tranchée, aux questions implicitement ou explicitement posées par votre sujet.
C’est le moment de ne pas confondre penser et affirmer, mener une réflexion
avec fermeté et camper sur des positions péremptoires. N’oubliez jamais que
les thèmes abordés sont d’une grande complexité et que vous n’inventerez
pas la poudre : ce n’est pas le but ! Ici comme ailleurs, la modestie n’est donc
aucunement incompatible avec l’ambition de penser : en fait, elle en est la
composante indispensable.
L’objectif ultime de votre devoir doit donc être clair à vos yeux : d’une part,
montrer que vous avez pris la juste mesure des enjeux présents dans le sujet, et
de leur complexité ; d’autre part montrer que vous êtes capable de mener une
réflexion intelligible, claire, logique qui rende compte de ces enjeux. Vous le
voyez : il ne s’agit ni de tout savoir (d’ailleurs, ça ne veut rien dire…), ni même de
trancher les questions soumises à votre réflexion, ni enfin de dire « ce qu’il faut
dire », car la problématique idéale n’existe pas davantage que le « plan unique »…
C’est pourquoi le propos s’organise en deux temps inégaux :
–– d’une part, une méthodologie générale, qui se fonde sur mon expérience
Introduction • Une dissertation pas comme les autres
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dans les sujets traités, au moment même où, dans le déroulement de votre
travail, se présentent une difficulté, un piège, un défi.
–– d’autre part, onze sujets traités, classés selon les types de formulations
les plus courants : sujets généraux, sujets sous forme de questions, sujets en
deux volets, sujets sous forme de citations. Cette classification correspond à
la conviction qu’à chaque type d’énoncé correspondent des attentes particu-
lières du jury, ainsi que des difficultés, des pièges – mais aussi des chances
– spécifiques, qu’il vous appartient de prendre en compte lucidement. On ne
doit pas analyser une question comme on analyse une citation, on ne peut pas
penser son devoir de la même manière selon que le sujet est dénué de tout
aspect problématique ou selon qu’il semble, au contraire, orienter explicite-
ment votre réflexion dans une direction. Chaque type d’énoncé engage donc
un traitement différent. Pour autant, comme on l’a dit, ce qui est proposé ici
diffère de la matière présente dans d’autres ouvrages. On ne trouvera pas ici
le produit final, c’est-à-dire une dissertation livrée « clés en mains », mais la
description du travail de préparation qui doit mener à ce devoir. Le but en effet
n’est pas que vous appreniez par cœur des dissertations toutes faites, mais que
vous ayez en main une méthode, une sorte de gymnastique intellectuelle, un
ensemble de réflexes, d’alarmes, qui vous servent à aborder tout type de sujet
avec la même rigueur et les mêmes chances de réussite. Chaque sujet est donc
traité « en temps réel », étape par étape, de la découverte du sujet à la mise
au point d’une structure, en intégrant dans toute la mesure du possible les
inquiétudes et autres obstacles que vous pouvez rencontrer en cours de route.
Chaque traitement aboutit à la formulation d’une problématique et d’un plan
détaillé sur le sujet et se termine par des conseils sur la rédaction, conseils qui
prennent en compte les difficultés propres au sujet concerné. On trouvera à la
fois une réflexion sur le sujet proprement dit et des rappels méthodologiques
sur telle ou telle étape de la préparation, sur telle ou telle erreur considérée
comme possible, voire probable, avec le sujet traité.
Il faut donc entrer dans le vif de notre problème, et poser les bases de cette méthode
que l’on prétendra ensuite mettre en œuvre pas à pas. Vous devrez en effet analyser
le sujet proposé, définir une problématique à partir de cette analyse, laquelle
vous mènera à construire un plan. La rédaction du devoir devra rendre compte
au mieux, par sa clarté, par les références développées et le style adopté, de ce
travail de préparation. Comme vous le voyez, chaque étape est rigoureusement
liée aux autres. Dès lors, la défaillance d’une seule d’entre elles peut nuire grave-
ment à l’ensemble. À l’inverse, l’habitude de mettre en pratique ces éléments de
méthode ne peut que mener à de meilleurs résultats et à une réussite au jour « J ».
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Première partie
Méthodologie générale
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Analyser un sujet
Si chaque étape a son importance propre, celle-ci doit être considérée comme
l’étape essentielle, celle qui détermine la réussite ou l’échec de votre devoir.
Paradoxalement, c’est aussi la plus négligée. Trop d’étudiants, même aguerris à
l’exercice de la dissertation, considèrent qu’un sujet va de soi et que la première
lecture en détermine clairement et définitivement le sens. Grave erreur : aucun
sujet n’est simple, surtout en Culture générale puisque c’est le « prêt à penser »
qu’il s’agit d’éviter. Mais aucun n’est « infaisable » non plus, dès lors que vous
ferez l’effort indispensable de l’interroger avec rigueur et en plus de cinq minutes.
De fait, la préparation – analyse du sujet, problématique, plan – mérite qu’au
minimum un tiers de votre temps d’épreuve y soit consacré. Si celui-ci s’élève à
5 heures, c’est donc au moins 1 heure et 30 minutes qui y sera dévolue.
L’analyse doit d’abord permettre de déterminer un certain nombre d’informations
préalables, indispensables pour ne pas partir sur de fausses pistes. On peut dire que
le sujet doit être observé sous tous les angles, tourné et retourné en tous sens
avant de vous lancer dans la préparation. Prenez garde au fait que les erreurs
d’interprétation les plus grossières (contre sens complets, faux sens, oublis d’un
pan entier du sujet) ont généralement lieu dans les toutes premières minutes,
alors que vous venez de découvrir l’énoncé et que vous formulez pour vous-même
vos premières hypothèses sur sa signification, les thèmes à aborder et surtout le
sens général de ce que vous devez faire face à ce sujet. Ces premiers éléments
de réponse ont un impact très fort sur toute la suite ; or vous les produisez à un
moment critique et dans l’urgence. Comme la nature, un candidat a horreur du
vide, et vous pouvez être tenté de « foncer » dans les premières directions aperçues
afin de vous rassurer et de vous montrer que vous ne restez pas « sec ». Attention
à cette tentation et dès le début, ayez le réflexe de penser contre vous-même,
ne serait-ce qu’à titre de prudence.
Pour ce faire, vous pouvez vous poser quelques questions simples mais qui vous
aideront à chasser les interprétations trop rapides ou abusives, les fausses « révéla-
tions » sur le sens du sujet et « le devoir idéal » dont vous prêtez l’attente au jury :
–– Quels sont les concepts en jeu ?
–– À quelle(s) problématique(s) étudiée(s) pendant l’année dois-je faire appel
Analyser un sujet
pour nourrir mon devoir ? Mais aussi : quelles sont les différences, même
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subtiles, entre mon sujet d’aujourd’hui et les sujets les plus proches étudiés
pendant l’année ?
–– Quels sont les enjeux de fond que je peux d’ores et déjà soupçonner avec
certitude ?
–– Quels sont les enjeux possibles mais dont je devrai m’assurer qu’ils ne me
conduisent pas à un hors sujet ?
–– Quelles sont les reformulations possibles du sujet ?
–– Quelles seraient les reformulations abusives, c’est-à-dire : qu’est-ce que le sujet
ne dit pas ? ne demande pas ?
L’exigence est finalement assez simple : d’abord, il importe que vous considé-
riez le sujet sous tous les angles possibles, sans vous arrêter à votre première
interprétation. Pour ce faire, vous avez recours aux questions que l’on vient de
formuler. Mais un second type de questionnement est nécessaire : en effet, ayez
toujours à l’esprit qu’un énoncé a toujours deux aspects et que votre préparation
doit absolument les prendre en compte tous les deux avec une égale attention. Pour
vous faire une idée, souvenez-vous de la définition du « signe », proposée par la
linguistique. Un signe est constitué d’un signifié (qui est le sens même du mot, ce
à quoi il renvoie dans la réalité) et un signifiant (le mot lui-même dans sa matéria-
lité : aspect, sons, etc.). Ainsi, le signe « table » renvoie à un signifié (l’objet table,
qui n’est pas une chaise, qui se définit donc par son usage) et à un signifiant, les
lettres, les sons qui le composent, et qui ont, souvent à notre insu, un fort pouvoir
d’évocation. Ces deux faces du même signe, nous les percevons simultanément.
Or votre sujet peut être considéré à deux niveaux. Le premier niveau, c’est celui
de l’énoncé dans sa globalité. Votre premier mouvement est de lire dans cet
énoncé le ou les thèmes auxquels il renvoie, ce qu’on peut appeler le signifié
de l’énoncé. Ainsi le sujet « La démocratie est-elle possible ? », étudié ci-après,
renvoie au thème général de la démocratie, et aux thèmes connexes de l’égalité, de
la liberté, du vote, etc. Mais cet énoncé doit être également lu dans sa formulation
même. Car ces mêmes thèmes pourraient être également mobilisés si l’énoncé
était « La démocratie est-elle le meilleur régime politique ? », « Pourquoi la démo-
cratie ? » ou bien encore « L’inachèvement de la démocratie ». Mais aucun de ces
Première partie • Méthodologie générale
énoncés n’est réductible à aucun autre. Ce qui les distingue, c’est ce qu’on peut
appeler le signifiant du sujet, qui fait partie intégrante des données de base que
vous devez prendre en compte au cours de la préparation puis garder à l’esprit en
rédigeant votre devoir.
Second niveau, ensuite, celui du ou des mots-clés employés dans l’énoncé. Ici,
plus précisément, vous pouvez en premier lieu interroger les significations objec-
tives de ces mots, et ce à quoi ils renvoient. Ainsi, « démocratie » renvoie bien
aux idées générales de classification des régimes politiques, liberté, égalité, vote,
multipartisme, droits de l’homme, etc. Vous pouvez même souvent, sans recourir
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Ainsi, à ce stade de l’analyse, pas de quoi vous distinguer de la masse des copies
et « faire la différence » vers le haut. Un seul moyen pour ce faire, prendre en
compte le sujet dans sa formulation même selon les voies que l’on a définies plus
haut, ce qui revient en somme à vous demander pourquoi votre sujet est énoncé
de cette manière et pas d’une autre.
Une dissertation sur le pouvoir pourrait prendre de nombreuses autres formes,
des plus proches de l’exemple choisi (Le pouvoir est-il inégal ?) aux plus éloignées
(Faut-il craindre le pouvoir ? Peut-on gouverner équitablement ? Gouvernants et
gouvernés, etc.). Ces énoncés entrent tous dans le même champ de réflexion et de
références. Mais aucun n’est votre sujet. Rien de pire que de donner l’impression
à votre correcteur que la formulation spécifique du sujet est vite lue, vite oubliée,
et assimilée à un thème large, vague, auquel vous le ramenez sans vergogne. C’est
tout simplement prendre le jury au sérieux, et au mot !, que de considérer chaque
terme du sujet et la formulation d’ensemble comme des exigences et des attentes
spécifiques de ce jury. Il faut donc répéter qu’aucun élément d’un énoncé n’étant
choisi au hasard, aucun élément ne doit être tenu pour anodin ou insignifiant.
En somme, ne croyez pas qu’un sujet ressemble à un autre du moment que leur
thème est commun. Vous avez eu un cours sur le pouvoir durant vos mois de
préparation ? Votre professeur a, par exemple, traité longuement du sujet Peut-on se
passer du pouvoir ? Tant mieux, vous aurez là une source importante, des références
et des exemples, des pistes de réflexion sur le pouvoir, qui sont effectivement un
« plus » par rapport aux étudiants qui n’ont pas suivi ce cours. Mais à toute médaille
son revers : votre tentation sera grande de ramener le sujet qui vous est proposé,
le jour de l’examen ou du concours, au sujet traité en cours. Ainsi, vous passerez
Première partie • Méthodologie générale
18
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Dès lors, comme vous le verrez concrètement mis en œuvre dans la seconde partie
de l’ouvrage : à chaque type de formulation, son traitement particulier. Un sujet
posé sous forme interrogative comporte de ce simple fait des attentes précises du
jury ; un sujet posé sous forme neutre – ou apparemment telle – ne peut être traité
comme un sujet ouvertement polémique ; de même, si votre sujet est une citation,
vous ne pourrez passer à côté d’un questionnement précis de sa formulation, de la
personnalité de son auteur, de son époque, des intentions du jury en choisissant cet
auteur plutôt qu’un autre ; de même, un sujet comportant un seul mot, par exemple
un concept (La liberté, la justice…), ne mérite ni de vous trouver pris de panique
ni d’être trop sûr de vous, du fait de sa vastitude – comme c’est souvent le cas –,
mais simplement d’être abordé selon un mode de pensée particulier.
Les sujets traités dans la seconde partie vous permettront de mieux cerner les
pièges et les défis propres à chaque type de formulation. Il est pourtant d’ores et
déjà possible de formuler les questions que vous vous posez le plus souvent selon
les sujets, et d’y répondre brièvement :
–– Pour les sujets généraux (comme « La mort » ou « La liberté ») : comment
mettre à jour une problématique à partir de rien ? Faut-il forcément ramener
le sujet aux domaines traditionnels, tels que la philosophie ou la politique, ou
bien leur caractère de généralité autorise-t-il à aller voir ailleurs ?
C’est justement parce que le sujet est général que vous devez inventer par
vous-même une problématique, non à partir de rien mais à partir d’un travail
d’approfondissement de la notion ou du thème proposé. Vous devez donc
travailler horizontalement (rendre compte de ce thème dans toute sa généra-
lité) et verticalement (identifier les enjeux, les problématiques sous-jacents
à ce thème posé avec neutralité). C’est avec ce type de sujet que la notion de
« Culture générale » prend tout son sens : vous ne devez donc vous interdire
aucun domaine de références et c’est justement l’occasion d’aller explorer des
champs moins traditionnels et plus personnels.
–– Pour les sujets énoncés sous forme de questions (comme « La démocratie
est-elle possible ? » ou « La France est-elle différente ? ») : faut-il impérativement
répondre à la question ? si oui, une réponse tranchée est-elle exigée, même si
le sujet ne s’y prête guère ? peut-on échapper à un plan du type « oui/non/oui
et non » ou est-ce obligatoire ?
Oui, il faut répondre à la question : non pas seulement dans la conclusion mais
par tous les enjeux, thèmes et notions que vous mettez en lumière. Ceux-ci
doivent apparaître explicitement comme des éléments de réponse. Non, une
Analyser un sujet
réponse nette ou tranchée n’est pas un but en soi : à l’inverse, devant des ques-
tions aux multiples enjeux, on peut considérer ce type de réponse comme une
preuve de naïveté ou de prétention (ou des deux à la fois) de votre part… Enfin,
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aucun type de plan ne s’impose jamais, quel que soit le type d’énoncé. C’est
votre problématique qui doit engendrer le plan et non l’inverse !
–– Pour les sujets en deux volets (comme « Médias et politique ») : faut-il étudier
chacun des termes pour eux-mêmes ? doit-on consacrer une partie à chaque
terme avant d’aborder leur rapport dans une dernière partie ?
L’étude de chaque terme pour lui-même est un passage obligé de votre prépa-
ration. Vous ne pouvez comprendre leurs relations sans déterminer ce que
chacun d’eux contient et implique. Mais c’est bien leur relation qu’il s’agit de
déterminer. Le « et », le « ou » qui sont en général présents (mais pas forcé-
ment) doivent donc être le cœur de toute votre réflexion, et son fil conducteur.
C’est pourquoi consacrer deux parties à chaque terme puis analyser enfin leurs
relations est une solution à prohiber absolument. C’est dès l’introduction que
la dépendance réciproque des deux termes doit être posée comme la question
centrale et le devoir entier doit y être consacré.
–– Pour les sujets sous forme de citations, par exemple : « Si l’État est fort, il nous
écrase. S’il est faible, nous périssons » (P. VALÉRY), ou bien encore « On ne naît
pas femme, on le devient » (S. de BEAUVOIR) : la citation est-elle un prétexte ?
doit-on lui accorder une attention minutieuse ou en retenir la thématique
d’ensemble ? faut-il obligatoirement présenter l’auteur, ainsi que l’ouvrage d’où
la citation est extraite ?
La citation est et n’est pas un prétexte. Elle l’est dans la mesure où une disser-
tation ne saurait être confondue avec une explication de texte : l’affirmation
que contient généralement la citation est donc la problématique sur laquelle
vous allez devoir réfléchir. Mais elle ne l’est pas car cette citation a été choisie
pour plusieurs raisons : sa formulation même, à laquelle il appartient donc d’être
attentif, son auteur, l’ouvrage d’où elle est extraite, le contexte historique, poli-
tique, intellectuel que vous devez en déduire afin d’en éclairer la signification et
les enjeux. Pour autant, c’est bien dans le but de mieux comprendre la citation
et de nourrir votre réflexion (accessoirement, vous montrerez par là que vous
n’êtes pas totalement inculte, que votre lecture n’est pas « naïve ») : mais un
exposé scolaire sur l’auteur ou l’ouvrage concernés n’aurait pas sa place et ne
vous apporterait aucun bonus.
Première partie • Méthodologie générale
Enfin, l’analyse du sujet doit faire sa part aux présupposés liés à tel thème, tel
mot, ainsi qu’aux sous-entendus qu’ils peuvent contenir. Ce que dit implici-
tement le sujet n’est pas moins important que ce qu’il met explicitement en
avant. Ne soyez pas « naïf », sachez décoder les affirmations contenues dans
l’énoncé, les débats sous-jacents dont il vous faudra rendre compte. Le jury choisit
tel sujet, tel énoncé, pour ce qu’ils mettent en avant mais aussi pour ce qu’ils ne
disent pas : vous êtes également attendu et évalué sur votre capacité à lire entre les
20
Si la culture générale déroute, la disserta-
tion de culture générale inquiète. Et qu’on
l’ait récemment rebaptisée « Question
contemporaine » n’y change pas grand-
chose : trop souvent la tâche paraît
impossible. 2e éd.
Si cette dissertation est une épreuve parti-
culière, c’est parce qu’elle exige que soit
pris le risque de penser par soi-même,
en conciliant les connaissances les plus
Culture générale
traditionnelles et questionnement averti
sur les enjeux et les débats propres au
Méthodologie de la dissertation
monde contemporain.
C’est à quoi ce livre s’attache. On ne trou-
vera pas ici de dissertations « idéales »,
livrées clés en main. On a préféré expliquer,
après d’indispensables conseils généraux,
comment l’étudiant peut parvenir à une
dissertation réussie. Méthodologie de la dissertation
Onze sujets, classés selon les types
d’énoncés les plus courants — sujets
généraux, sujets sous forme de question,
sujets en deux volets, sujets sous forme de 2e édition revue et augmentée
citation — sont donc préparés « en temps
réel », en intégrant les inquiétudes et les
obstacles que l’étudiant peut rencontrer,
L’auteur
Culture générale
de la découverte de l’énoncé à la formula-
tion d’une problématique, de l’élaboration
Ancien élève de l’École normale supé-
d’un plan à la rédaction du devoir.
rieure, agrégé de lettres modernes,
Rigueur de l’analyse, souplesse de la docteur en littérature et sciences • Classes préparatoires
pensée et disponibilité d’esprit se révèlent humaines, diplômé de Sciences Po
les maîtres mots de l’exercice : en somme, Paris, Alexis Chabot est enseignant à • Instituts d’études politiques
rien que vous ne puissiez faire… la Prép’ENA Paris I/ENS. ellipses • Concours administratifs
Alexis Chabot
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