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progrès en

pédiatrie

41 2e édition

Pédiatrie
ambulatoire
Coordinatrices
Véronique Desvignes
Élisabeth Martin-Lebrun
41
progrès en
pédiatrie Directeur de collection
Manuel Schiff

Pédiatrie
ambulatoire
2e édition

Coordinatrices
Véronique Desvignes
Élisabeth Martin-Lebrun

Cinq ans après sa première édition, Pédiatrie ambulatoire revient, entièrement


réactualisé et enrichi d’une dizaine de nouveaux chapitres.
L’ouvrage s’attache à présenter toute la richesse, et parfois la complexité des
consultations avec les enfants, les adolescents et leurs parents, en regroupant
tous les sujets qui en constituent une part essentielle.
Parce que les interrogations sont quotidiennes dans les cabinets des pédiatres
et des médecins généralistes, parce que le monde bouge… Pédiatrie ambulatoire
répond à ces questionnements toujours plus nombreux :
• Quels conseils donner sur le sommeil, l’alimentation, la propreté, les vaccins,l’utilisation
des écrans, les jeux, la présence d’un animal à la maison ou les voyages ?
• Comment maîtriser les examens systématisés aux di˜ érents âges-clés ?
• Comment aborder la consultation de l’adolescent ?
• Comment repérer un enfant en diÿ culté dans sa famille ou à l’école ?
• De quelle manière annoncer un diagnostic diÿ cile ?
• Comment faciliter l’intégration scolaire d’un enfant avec un handicap ou présentant
des troubles de l’apprentissage ?
Chaque chapitre traite d’une situation précise en proposant des exemples très
pratiques de conduites à tenir. L’ouvrage fait la place aux interrogations familiales et
propose des réponses éclairées, riches de la perception de la « pleine présence » de
leurs auteurs dans l’accompagnement des enfants et de leurs familles.
Divisé en quatre parties, ce livre a été rédigé par des pédiatres, tous spécialisés dans
des domaines spécifiques. Prouvant que la pédiatrie libérale a sa juste place entre la
médecine générale et la pédiatrie hospitalière, il propose à tous les professionnels
de santé de retrouver l’état d’esprit des consultations en cabinet et de structurer leur
démarche. Enfin, il apporte des conseils pratiques et des informations concrètes et
originales concernant l’installation, l’équipement ou l’ergonomie du cabinet médical.

Les droits d’auteurs sont intégralement reversés


à l’ONG « Pédiatres du monde »
Pédiatrie ambulatoire
2e édition
Éditions Doin
Éditions John Libbey Eurotext
127, avenue de la République
92120 Montrouge
e-mail : [email protected]
http://www.jle.com

John Libbey Eurotext Limited


34 Anyard Road, Cobham
Surrey KT11 2LA
United Kingdom

© John Libbey Eurotext, Paris, 2019


ISBN 978-2-7040-1596-2
ISSN 0298-4482

Photo de couverture : Marie Bienaimé. © BSIP

Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages
publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une
contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé
du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les analyses et courtes citations
justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (loi
du 11 mars 1957 – art. 40 et 41 et Code pénal art. 425).
Toutefois, des photocopies peuvent être réalisées avec l’autorisation de l’éditeur. Celle-ci pourra être
obtenue auprès du Centre français du copyright, 20, rue des Grands-Augustins – 75006 Paris, auquel
l’éditeur a donné mandat pour le représenter auprès des utilisateurs.
progrès en
pédiatrie
Directeur de collection : Manuel Schiff

41

Pédiatrie ambulatoire
2e édition

Coordinatrices
Véronique Desvignes, Élisabeth Martin-Lebrun

doin
progrès en
pédiatrie
1 Génétique 22 Dermatologie pédiatrique
Coordinateurs : S. Lyonnet, A. Munnich Coordinateurs : G. Lorette, J.-P. Lacour
2 Prise en charge des soins à domicile 23 Vaccinologie
dans les maladies chroniques de l’enfant Coordinateur : J. Gaudelus
Coordinateurs : J.-P. Dommergues, G. Lenoir (épuisé)
3 Maladies neuromusculaires 24 Les jumeaux et leur pédiatre
Coordinateur : A. Barois Coordinateurs : M. Dehan, D. Lacombe

4 Infectiologie pédiatrique 25 Réanimation pédiatrique


Coordinateurs : D. Floret, M. Rodière (épuisé) 2e édition
Coordinateurs : S. Dauger, S. Leteurtre, F. Beaufils
5 Puberté et croissance
Coordinateur : P. Bougnères 26 Corticothérapie chez l’enfant
6 Neuropédiatrie Coordinateurs : J.-P. Dommergues,
Coordinateurs : P. Evrard, M. Tardieu M. Chalumeau

7 Le poumon du nouveau-né 27 Maladies du foie et des voies biliaires


Coordinateurs : M. Dehan, J.-L. Micheli chez l’enfant
Coordinateurs : F. Lacaille, A. Lachaux
8 Pédiatrie hospitalière
Coordinateur : F. Douchain 28 Pédiatrie sociale ou l’enfant dans son
environnement tome 2
9 Problèmes courants d’orthopédie infantile
Coordinateurs : O. Kremp, M. Roussey
Coordinateur : R. Seringe
10 Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent 29 Maladies métaboliques héréditaires
Coordinateur : D. Bailly Coordinateurs : B. Chabrol, P. de Lonlay
11 Les malformations de l’appareil urinaire 30 Néphrologie pédiatrique
Coordinateurs : P. Cochat, Y. Aigrain Coordinateurs : P. Cochat, E. Bérard
12 Pneumologie pédiatrique 31 Gynécologie de l’enfant et de l’adolescente
Coordinateur : J. de Blic Coordinateurs : C. Bouvattier, E. Thibaud
13 Alimentation de l’enfant en situations normale
et pathologique 32 Pédiatrie tropicale et des voyages
Coordinateurs : O. Goulet, M. Vidailhet Coordinateurs : P. Imbert, P. Minodier

14 Neurologie périnatale 33 Alimentation de l’enfant en situations normale


Coordinateurs : S. Marret, V. Zupan Simunek et pathologique
Coordinateurs : O. Goulet, M. Vidailhet, D. Turck
15 Réanimation pédiatrique
Coordinateurs : J. Laugier, F. Beaufils 34 Maladies inflammatoires en pédiatrie
16 Médecine fœtale et diagnostic prénatal Coordinateurs : B. Bader-Meunier, C. Bodemer
Coordinateurs : Y. Dumez, A. Benachi
35 Syndromes dysmorphiques
17 Pédiatrie sociale ou l’enfant Coordinateurs : D. Lacombe, N. Philip
dans son environnement
Coordinateurs : M. Roussey, O. Kremp 36 Addictions chez l’enfant et l’adolescent
Coordinateurs : G. Picherot, C. Stheneur
18 Endocrinologie périnatale
Coordinateur : J.-M. Limal 37 Pédiatrie ambulatoire
19 Pédopsychiatrie de liaison Coordinatrices : V. Desvignes, E. Martin-Lebrun
Vers une collaboration entre pédiatres
et psychiatres 38 Pathologie phosphocalcique et osseuse de
Coordinateur : D. Bailly l’enfant
Coordinatrices : J. Bacchetta, A. Linglart
20 Prise en charge des maladies génétiques
en pédiatrie 39 Gastroentérologie pédiatrique
Coordinateurs : D. Lacombe, S. Lyonnet, M.-L. Briard Coordonnateurs : F. Gottrand, D. Turck

21 Handicaps de l’enfant 40 L’enfant adopté


Coordinateurs : B. Chabrol, J. Haddad Coordonnateur : J.-V. de Monléon
Liste des auteurs

Nadine Amsallem Liliane Cret


Psychologue clinicienne, Boulogne Pédiatre, Bagnols-sur-Cèze
Formatrice petite enfance groupe Ludendo
La Grande Récré Gilbert Danjou
Pédiatre, Vénissieux
Rémy Assathiany Ancien président de la SEPA
Pédiatre, Issy-les-Moulineaux
Hélène De Leersnyder
Isabelle Baptissard Pédiatre, Paris
Présidente de l’Association La Ronzière (médiation Syndicat National des Pédiatres Français
animale)
Directrice de Centre Équestre, Chadeleuf Véronique Desvignes
Hélène Batellier Pédiatre, Chamalières
Pédiatre, Grenoble Attachée au CHU de Clermont-Ferrand
(néphrologie pédiatrique)
Gérard Beley Pédiatres du Monde
Pédiatre, Essey-lès-Nancy
Véronique Dufour
Pascal Besse Pédiatre, Paris
Pédiatre et Néonatologue Médecin chargé de la Protection Infantile, experte
Cabinet Maternité Privée - Natecia Lyon Infovac, chargée du conseil en vaccinologie et du
Praticien attaché aux Urgences Pédiatriques HFME marché des vaccins dans le Service de PMI de la
Président du Groupement des Pédiatres de Lyon Ville de Paris
Jean-Paul Blanc Marie-Ange Einaudi
Pédiatre, Saint-Étienne
Pédiatre, Marseille
Groupe Troubles scolaires
Médecin référent protection de l’enfance
Alain Bocquet Direction de la Protection Maternelle et Infantile
Pédiatre spécialiste en nutrition, Besançon et de la Santé Publique,
Direction Générale Adjointe de la Solidarité,
Gilles Buisson Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône
Pédiatre, Saint-Brieuc
Sonja Finck
François-Marie Caron Neuropédiatre, Strasbourg
Pédiatre, Amiens
Ancien président de l’AFPA Patricia Franco
Neuropédiatre, Responsable de l’unité de sommeil
Marie-Hélène Cavert
Pédiatre, Talence pédiatrique & Centre de Référence Maladies Rares
Narcolepsie-Hypersomnie idiopathique-maladie de
Anne Chevé Kleine-Levin,
Pédiatre, Brest Hôpital femme Mère enfant, Lyon

Robert Cohen Michel Gannat


Pédiatre, Saint-Maur-des-Fossés Pédiatre, Chatel-Guyon
Pédiatre infectiologue au CH intercommunal
de Créteil Frédérique Gastaud
Expert-coordinateur du réseau Infovac Pédiatre endocrinologue, Nice

V
Pédiatrie ambulatoire

Rémi Gatard Benoit Reynaud


Pédiatre, Poitiers Pédiatre, Saint-Denis
Groupe Troubles scolaires
Nathalie Gelbert
Pédiatre, Chambéry Régine Roche
Docteur en Sciences Humaines Cliniques, Paris
Patricia Giraud-Escoffier
Pédiatre, Marseille Association La Ronzière, Clermont-Ferrand

Nathalie Goujon Jacques Romieu


Psychopraticienne, Lyon Pédiatre, La Couarde-sur-mer
Pédiatres du Monde
Anne Gramond
Médecin psychiatre de l’enfant et de l’adolescent, Jean-François Salaün
CHU Carémeau, Nîmes Pédiatre, Saint-Brieuc

Jean-Louis Guillon Catherine Salinier-Rolland


Pédiatre, Grenoble Pédiatre, Gradignan
Julie Jacquel Marie-José Simon-Ghediri
Puéricultrice, Villeurbanne Pédiatre, Bresson
Robert Kahn Évelyne Soyez-Papiernik
Psychiatre libéral Physiothérapeute-Ostéopathe, Paris
Attaché en oncologie et génétique pédiatrique
au CHU de Clermont-Ferrand Jean Stagnara
Fabienne Kochert Pédiatre, Lyon
Pédiatre, Orléans Jean-Michel Thiron
Béatrice Kugener Pédiatre, Franqueville Saint-Pierre
Pédiatre, Lyon
Maternité du CH St-Joseph St-Luc Marie-Claire Tuel
Centre de Référence MIN du CHU de Lyon Pédiatre, Malemort-sur-Corrèze

Céline Lang Cartier François Undreiner


Psychologue enfants et adolescents et Pédiatre de crèche et ONG, Strasbourg
Neuropsychologue, Cournon d’Auvergne
Équipe Mobile Autisme Enfants Athéna, Claude Valentin
Association Les Liserons Pédiatre, Eaubonne
Directeur de recherches, Université Paris Cité
Jacques Langue Sorbonne – UPEC, Paris
Pédiatre en SESSAD et en IME, Caluire
François Vié le Sage
Christine Larzul-Chevet Pédiatre, Aix-Les-Bains
Pédiatre, Quimper Infovac, Groupe de Pathologie Infectieuse
Élisabeth Martin-Lebrun Pédiatrique
Pédiatre, Expert près la Cour d’Appel
Christiane Weisbecker
d’Aix en Provence, Marseille
Pédiatre, Bouxières-aux-Dames
Jean-Michel Muller
Pédiatre, Nice Andreas Werner
Pédiatre Allergologue, Villeneuve-lès-Avignon
Véronique Nègre
Pédiatre endocrinologue, Nice Thiébaut-Noël Willig
Coordinatrice du RéPPOP de Franche-Comté Pédiatre, Toulouse
Responsable du Centre Spécialisé Président de l’Association Occitadys
de l’Obésité (CSO) de Nice Groupe Troubles scolaires

VI
Table des matières

Préface ................................................................................................................................... XI
Introduction .......................................................................................................................... XIII

Chapitre 1 • Éthique en pédiatrie


Claude Valentin ........................................................................................................................ 1

Partie I. La consultation pédiatrique


Chapitre 2 • Sorties de maternité pour les couples mère/enfant
à bas risque médical
Fabienne Kochert, François-Marie Caron ................................................................................ 13

Chapitre 3 • Conduite de la consultation autour de l’allaitement maternel


Nathalie Gelbert ....................................................................................................................... 23

Chapitre 4 • Prévention des morts inattendues du nourrisson


Béatrice Kugener, Patricia Franco ........................................................................................... 37

Chapitre 5 • Examens systématiques des enfants de 9-24 et 36 mois


Présentation de la mallette et nouveaux outils de dépistage
Gilles Buisson ........................................................................................................................... 49

Chapitre 6 • Diversification alimentaire


Alain Bocquet .......................................................................................................................... 60

Chapitre 7 • Protocoles de passation des examens systématiques


à 4-5 et 6 ans
Jean-Paul Blanc ....................................................................................................................... 79

Chapitre 8 • Vaccins en pratique pédiatrique ambulatoire


François Vié le Sage, Robert Cohen, Véronique Dufour ......................................................... 93

Chapitre 9 • Réticences antivaccinales : comment convaincre ?


François Vié le Sage................................................................................................................. 120

Chapitre 10 • Consultation du préadolescent


Véronique Desvignes, Rémy Assathiany ................................................................................. 133

Chapitre 11 • Consultation de l’adolescent


Catherine Salinier-Rolland ....................................................................................................... 138

VII
Pédiatrie ambulatoire

Partie II. La pédiatrie au quotidien

Chapitre 12 • Le sommeil, du fœtus à l’adolescent


Hélène De Leersnyder, Véronique Desvignes .......................................................................... 151

Chapitre 13 • Consultation pour cris et pleurs du nourrisson


Hélène De Leersnyder, Véronique Desvignes .......................................................................... 174

Chapitre 14 • Tétine
Rémy Assathiany...................................................................................................................... 185

Chapitre 15 • Doudou
Nadine Amsallem ..................................................................................................................... 188

Chapitre 16 • L’acquisition du contrôle sphinctérien : quels conseils donner


aux parents‘?
Véronique Desvignes ............................................................................................................... 190

Chapitre 17 • L’enfant difficile. Fermeté bienveillante, parentalité positive


Quelle place pour le pédiatre ?
Jacques Romieu, Véronique Desvignes .................................................................................. 199

Chapitre 18 • Enfants et écrans


Marie-Hélène Cavert, Véronique Desvignes, François-Marie Caron ....................................... 212

Chapitre 19 • Jouer, grandir


Nadine Amsallem ..................................................................................................................... 228

Chapitre 20 • Activités culturelles


Claude Valentin ........................................................................................................................ 233

Chapitre 21 • Voyager avec un enfant


Véronique Desvignes, Christiane Weisbecker ......................................................................... 238

Chapitre 22 • Enfant et animal


Véronique Desvignes, Marie-Claire Tuel .................................................................................. 257

Chapitre 23 • Médiation animale


Isabelle Baptissard, Régine Roche .......................................................................................... 269

Chapitre 24 • Sexualité de l’adolescent


Véronique Desvignes ............................................................................................................... 274

Partie III. Situations particulières ou difficiles

Chapitre 25 • Troubles de l’attachement et des interactions précoces


Catherine Salinier-Rolland ....................................................................................................... 285

Chapitre 26 • Consultation de l’enfant maigre


Véronique Desvignes, Frédérique Gastaud ............................................................................. 291

Chapitre 27 • Consultation de l’enfant en surpoids ou obèse


Véronique Desvignes, Frédérique Gastaud, Véronique Nègre ............................................... 298

Chapitre 28 • Consultation d’un enfant en difficulté d’apprentissage scolaire


Benoît Reynaud, Thiébaut-Noël Willig .................................................................................... 314

VIII
Table des matières

Chapitre 29 • L’enfant maladroit


Thiébaut-Noël Willig, Véronique Desvignes ............................................................................ 336

Chapitre 30 • Trouble déficit de l’attention : le rôle du pédiatre de premier


recours
Thiébaut-Noël Willig, Anne Gramond, Jean-Paul Blanc.......................................................... 351

Chapitre 31 • Repérage de l’enfant à haut potentiel


Sonja Finck, Véronique Desvignes, Thiébaut-Noël Willig ....................................................... 373

Chapitre 32 • Échec scolaire : rechercher les troubles psychologiques


ou psychopathologiques
Anne Chevé .............................................................................................................................. 383

Chapitre 33 • Autisme, troubles du spectre autistique


Anne Chevé .............................................................................................................................. 399

Chapitre 34 • «‘Comportements-problèmes‘» dans les troubles du spectre autistique


Céline Lang Cartier .................................................................................................................. 408

Chapitre 35 • L’accompagnement de l’enfant dont les parents se séparent


et recomposent
Élisabeth Martin-Lebrun........................................................................................................... 420

Chapitre 36 • Enfant endeuillé


Véronique Desvignes, Robert Kahn......................................................................................... 430

Chapitre 37 • Accompagnement de l’enfant adopté et de sa famille


Jacques Romieu, Véronique Desvignes .................................................................................. 439

Chapitre 38 • Repérage et accompagnement de l’enfant harcelé


Rémi Gatard ............................................................................................................................. 452

Chapitre 39 • Thérapie brève et pédiatrie


Pascal Besse, Nathalie Goujon, Véronique Desvignes ............................................................ 460

Chapitre 40 • Jeux dangereux


Michel Gannat .......................................................................................................................... 466

Chapitre 41 • Consultation devant une suspicion de maltraitance


Élisabeth Martin-Lebrun........................................................................................................... 477

Chapitre 42 • Enfance en danger : nouveautés en protection de l’enfance et


rôle des médecins
Marie-Ange Einaudi.................................................................................................................. 494

Chapitre 43 • Consultation avec l’adolescent présentant des conduites à risque


Patricia Giraud-Escoffier, Véronique Desvignes ...................................................................... 503

Chapitre 44 • Annonce du handicap en pédiatrie ambulatoire


Élisabeth Martin-Lebrun........................................................................................................... 527

Chapitre 45 • Accompagnement de l’enfant en situation de handicap


Élisabeth Martin-Lebrun........................................................................................................... 534

Chapitre 46 • Maladie chronique et handicap à l’école


Jacques Langue, Hélène De Leersnyder ................................................................................. 538

IX
Pédiatrie ambulatoire

Chapitre 47 • Insertion scolaire de l’enfant handicapé


Élisabeth Martin-Lebrun........................................................................................................... 547

Partie IV. Exercice libéral : aspects pratiques

Chapitre 48 • Installation en libéral


Syndicat national des pédiatres français ................................................................................. 557

Chapitre 49 • Équipement du cabinet de pédiatre


Gérard Beley ............................................................................................................................ 561

Chapitre 50 • Ergonomie au cabinet de pédiatrie


Christine Larzul-Chevet ........................................................................................................... 570

Chapitre 51 • Hygiène au cabinet de pédiatrie


Andréas Werner ....................................................................................................................... 572

Chapitre 52 • Consultation téléphonique : gestion des appels d’urgence


L’expérience de Courlygones
Jean Stagnara, Julie Jacquel ................................................................................................... 580

Chapitre 53 • Pôle pédiatrique libéral, un concept toujours d’actualité


Jean-Michel Muller ................................................................................................................... 591

Chapitre 54 • Pédiatre en structure d’accueil de la petite enfance


François Undreiner................................................................................................................... 593

Chapitre 55 • Rôle du pédiatre libéral dans les réseaux de suivi ambulatoire


Marie-José Simon-Ghediri, Hélène Batellier, Jean-Louis Guillon, Patricia Giraud-Escoffier ... 602

Chapitre 56 • Formation continue Développement professionnel continu


Liliane Cret ............................................................................................................................... 610

Chapitre 57 • Recherche en pédiatrie ambulatoire


Jean-François Salaün, Andreas Werner, François Vié Le Sage ............................................... 618

Chapitre 58 • Professionnels paramédicaux : que faut-il attendre


les uns des autresœ?
Évelyne Soyez-Papiernik, Véronique Desvignes ..................................................................... 621

Chapitre 59 • Pédiatrie ambulatoire en Europe


Gilbert Danjou, Andreas Werner ............................................................................................. 631

Chapitre 60 • Pédiatrie humanitaire


Jean-Michel Thiron................................................................................................................... 639

Chapitre 61 • L’avenir de la pédiatrie ambulatoire


Nathalie Gelbert, Claude Valentin............................................................................................ 645

Index ....................................................................................................................................... 661

X
Préface

On ne peut que se réjouir de la parution de cette seconde édition de Pédiatrie Ambulatoire


coordonnée par les docteurs Véronique Desvignes et Élisabeth Martin-Lebrun. C’est une
remarquable réussite du projet des deux coordinatrices d’avoir abordé un très grand nombre
de thèmes relevant de l’expérience première des consultations de pédiatrie ambulatoire et dont
on peut regretter l’absence au sein des objectifs pédagogiques imposés pour les enseignements
universitaires.

Chaque chapitre de l’ouvrage se lit, plus encore se vit, comme le fruit d’un enseignement
de proximité issu d’un compagnonnage « éclairé » des différents auteurs, pédiatres libéraux
généralistes, ou sur-spécialistes. Tous témoignent, outre leurs expertises reconnues, de la
qualité des échanges et partages au sein de formations rigoureuses telles que celles qui les
réunissent au sein de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA).

Je citerai, entre autres, parmi les chapitres particulièrement riches d’enseignements pour
les lecteurs :
– l’approche première pédiatrique libérale pour des consultations d’adolescents ; les enfants
en difficultés scolaires ; les enfants handicapés (dépistage, annonce, insertion scolaire) ;
le repérage des troubles des déficits de l’attention, du spectre autistique.
– des sujets originaux traitant de conseils aux familles concernant l’enfant et le jeu, les
activités culturelles, l’enfant et l’animal.
– des thèmes nécessitant une approche experte enrichie d’un nécessaire engagement
humain tels que : l’accompagnement de l’enfant adopté et de sa famille, le repérage et
l’accompagnement des enfants harcelés, l’enfant endeuillé (ce dernier chapitre mériterait
à lui seul de son auteur l’édition d’un ouvrage)
– des précisions précieuses concernant l’installation pédiatrique, et traitant également de
l’équipement, l’ergonomie, l’hygiène du cabinet médical.

Chacun des chapitres de l’ouvrage aborde les situations traitées en proposant des exemples
de conduites à tenir très pratiques, transmet une écoute respectueuse des interrogations
familiales et propose des réponses éclairées riches de la perception de la « pleine présence »
de leurs auteurs dans l’accompagnement des enfants et de leurs familles.

J’insisterai enfin sur la qualité du découpage extrêmement rigoureux de l’ouvrage inauguré


par une remarquable introduction « Éthique » et conclu par des approches très documentées
et ouvertes aux dimensions de la pédiatrie libérale européenne, de la pédiatrie humanitaire, et
à l’avenir de la pédiatrie ambulatoire.

La lecture de cet ouvrage s’impose à tous les pédiatres libéraux et universitaires généralistes
et sur-spécialistes, à tous les médecins généralistes de l’enfant et aux étudiants qui trouveront

XI
Pédiatrie ambulatoire • Préface

à sa lecture tous les arguments susceptibles de nourrir l’enthousiasme de leur vocation pour
l’exercice de la médecine de l’enfant.

Il nous faut remercier avec reconnaissance coordinatrices et auteurs d’avoir pleinement


réussi leur objectif de transmettre dans chaque chapitre de ce volume les témoignages d’une
éthique médicale, qui sait écouter, comprendre et apaiser les inquiétudes.

Le maître mot dans les soins qui tout au long de cet ouvrage se décline avec humilité et
respect.

Professeur Antoine Bourrillon


Professeur émérite de Pédiatrie à l’UFR Lariboisière Saint Louis.
Faculté de Médecine Denis Diderot.
Ancien chef de service des Urgences Pédiatriques et du service
de Pédiatrie Générale de l’Hôpital Robert Debré

XII
Introduction

En 2014, paraissait le premier ouvrage de la collection « Progrès en pédiatrie » consacré à


la Pédiatrie ambulatoire. Nous avions voulu y faire figurer « tout ce que nous avons toujours
voulu savoir et qu’on ne nous a jamais vraiment appris ».
Pour ceux qui le possèdent, vous savez donc qu’il ne vous a été d’aucune aide pour traiter
une otite ou une pneumopathie. Ce n’était pas sa vocation. D’autres l’ont fait beaucoup mieux
que nous n’aurions pu le faire.
Très atypique, ce livre avait été conçu pour expliquer ce que nous faisions dans nos cabinets,
comment, au fil des années, nous avions amélioré les protocoles des examens de suivi des enfants,
du nourrisson à l’adolescent ; quels équipements nous semblaient désormais indispensables, etc.
Nous avions également essayé de répondre aux questions apparemment simples qui nous
sont posées quotidiennement «  Pourquoi ne dort-il pas  ? Pourquoi ne mange-t-il pas  ? J’ai
l’impression de tout faire mal avec mon enfant…  Je ne sais pas comment faire quand il est en
colère… Il est intelligent mais impossible de le faire tenir en place. Mon enfant est handicapé.
Comment faire à l’école ? Que pensez-vous des vaccins ? ».
La liste des interrogations est interminable. Ces questions qui semblent élémentaires sont
en fait celles qui nous interpellent le plus parce qu’elles sont au cœur de la vie des enfants,
de leurs parents et donc de la nôtre, et qu’il est parfois très difficile d’y apporter des réponses
pleinement satisfaisantes.
Cette deuxième édition s’est donc enrichie des connaissances des auteurs  : pédiatres,
psychologues, kinésithérapeutes, qui, chacun dans son domaine, a accepté de partager son
savoir et son expérience.
L’ouvrage est plus volumineux que le précédent parce que nous avons toujours plus de
sujets à partager, expliquer, détailler… Mais il reste, nous l’espérons, toujours aussi agréable
à lire ou parcourir.
Il s’adresse aux internes en pédiatrie ou en médecine générale, aux pédiatres et aux médecins
généralistes, qu’ils soient jeunes ou plus expérimentés. Il y a toujours matière à apprendre !
Nous tenions à remercier tous les auteurs d’avoir tenu le challenge de cette nouvelle édition :
réactualisation, révision, rédaction de nouveaux chapitres (sur l’éthique, l’autisme, la méthode
Palo Alto ou l’apport des neurosciences…).
Un grand merci également au Professeur Bourrillon qui a accepté de préfacer cet ouvrage
en y mettant toute l’humanité et la sensibilité que nous lui connaissons tous.
Chacun de nous, dans nos cabinets, sait combien la pédiatrie est riche de rencontres,
d’échanges et de partages autour de l’enfant. Les parents nous font confiance parce que nous
sommes censés « savoir ».
Ce livre apporte un petit peu de ce savoir-être, moins académique mais plus « humain »,
qui permet de partager nos connaissances et notre savoir-faire avec l’enfant et ses parents.

Véronique Desvignes et Élisabeth Martin Lebrun

XIII
CHAPITRE 1

Éthique en pédiatrie
Claude Valentin

Points essentiels philosophes, des religieux et des méde-


cins, qu’on va reconnaître sa spécificité
➜ Éthique et morale sont des mots de anthropologique, physique, intellec-
sens différent : l’éthique est une science tuelle, psychologique, affective, etc.
et donc un questionnement sur les us et Quant aux soins, ce n’est que graduel-
coutumes des hommes (de « l’être-au- lement qu’un impératif de douceur est
monde » écrit Heidegger [1]), alors que admis, sous l’influence d’Hippocrate qui
la morale est un ensemble de règles de fera que la médecine hellénistique aura
conduite considérées comme bonnes, le primat sur celles de ces voisins perses
de façon absolue, selon une certaine (le fameux primum non nocere1). La
conception de la vie. conjonction de ces tendances aboutira
➜ Si maintenant on se réfère à l’his- à reconnaître une spécificité des mala-
toire, on constate qu’est apparue tout dies de l’enfant exigeant un traitement
d’abord une éthique primaire, faculté singulier, d’où la naissance du terme de
qu’a l’homme de juger ce qui est bien « pédiatrie ».
et ce qui est mal, concept initial dont ➜ L’éthique appliquée à la pédiatrie
on ignore l’origine. Une longue médi- récapitule ces strates perçues à la lec-
tation de ce questionnement a abouti ture de l’histoire des idées : l’éthique pri-
à formaliser des lois et des règles afin maire et la morale sont présentes dans la
de permettre une vie en société, termes consultation, mais aussi la déontologie,
qui définissent la politique – l’art d’or- correspondant à l’éthique secondaire et,
ganiser une société (la poli) avec à enfin, l’éthique face au politique, tant les
sa tête une gouvernance – mais aussi liens sont interdépendants.
la morale. À partir de cette dernière,
d’autres questionnements sont appa- ➜ La mise en crise du sujet tient à
rus, c’est ce que l’on appelle l’éthique l’actualité : ce qui a nécessité plusieurs
secondaire [2]. Les réponses données millénaires de construction concernant
quand elles touchent les activités pro- l’enfant et le soin se trouve mis en péril
fessionnelles – particulièrement en droit par le pouvoir contemporain, absolutiste
et en santé – ont été, elles aussi, mises et dévorant, de la finance.
en forme, secondairement, pour consti-
tuer les déontologies. Écrire sur l’éthique en pédiatrie se justifie
➜ Naturellement, cette longue matu- pleinement quand chaque acte politique
ration des idées a été influente sur la engage le futur et donc nommément l’enfant.
manière de percevoir l’enfant et le soin. Si les sciences semblent s’intégrer dans un
Initialement, l’enfant est pensé comme mouvement d’avancées et de progrès, l’éthique
un adulte en devenir, un homme ou impliquée dans la dialectique du tout financier
une femme a  minima. Ce n’est que
progressivement, sous l’influence des
1. « D’abord, ne pas nuire. »

1
Pédiatrie ambulatoire

précipite l’enfant dans un destin aussi énigma-


tique qu’incertain. Cette menace portée sur
II• Fondements de
l’enfant implique le pédiatre réputé être le l’éthique pédiatrique
défenseur de la cause de l’enfant. Une posture
de soin qui révèle et implique autant celui qui Il faut rappeler dans un premier temps que
est soigné que celui qui soigne. Soigner l’enfant « l’éthique en pédiatrie » est un appel fait au
ou traiter le système ? Ainsi comprise, la pédia- médecin spécialiste pour analyser la relation
trie, lieu de la rencontre singulière entre le de l’enfant au monde.
médecin et l’enfant, renouvelle l’éthique de la Cette thématique est distincte de
discussion. Le pédiatre et le politique n’ont-ils «  l’éthique de la pédiatrie  », qui étudie les
pas la même vocation, celle de venir en aide us et coutumes concernant les soins prodi-
au plus vulnérable ? gués à l’enfant, ou encore de « l’éthique et
la pédiatrie », qui est un lieu, un croisement
entre l’éthique et la pédiatrie au même titre
que les sur (ou sous)-spécialités pédiatriques
I• La question éthique que sont la neuropédiatrie, la gastropédiatrie,
face à l’avènement la pédopsychiatrie, etc.
économique Si l’éthique gagne en ouverture, elle perd
en assise. «  L’éthique en pédiatrie  » est
conjoncturelle, contingente de l’histoire, des
L’éthique, terme d’étymologie grecque, et
idées et donc vulnérable comme déterminant
la morale, nom d’origine latine, sont souvent
téléologique d’universalité et de pérennité.
confondues, la seconde passant pour être
Aussi, l’éthique – tout comme la pédiatrie et
une simple traduction de la première, sans
l’enfant – est menacée par le monde contem-
variation notable de sens  ; une égalité de
porain qui ne reconnaît dans l’économie que
signifiants que confirmera dans un premier
sa valeur marchande, financière. Économique,
temps Paul Ricœur avant de démontrer que
si le terme avait initialement un sens anthro-
la réflexion éthique est le prélude à l’énoncé
pologique, religieux, psychologique désignant
d’une morale et d’une déontologie, souvent
une manière de diriger sa vie, sa signification
ressenties comme contraignantes.
s’est réduite au seul paradigme de consom-
Sous l’influence de l’esprit scientifique mateur, terme impliquant l’enfant avec tout
impliquant la critique, le monde contempo- ce qu’il représente de sacré et d’original, dans
rain marque sa préférence plus pour le ques- un seul sens – simple et clair – monétaire.
tionnement que pour la conviction et donc Sans doute faut-il penser, avec une bonne
plus pour l’éthique que pour la morale. Ce dose d’optimisme, avec Hölderlin que «  là
contexte propice à la nouveauté, au change- où croît le péril, croît aussi ce qui sauve » : la
ment, au questionnement est aussi tangible vulnérabilité de l’enfant énoncée et recon-
dans l’émergence du mot « pédiatre » prenant nue crée le lien qui génère un possible
le pas sur celui de « médecin des maladies vivre-ensemble.
des enfants ». Un concept nouveau doit, pour De fait, ce qui n’existait encore qu’en
émerger et perdurer, s’ancrer dans la tradition balbutiement durant la période classique
occidentale, tenir son étymologie du grec (ped, n’a fait que croître et embellir durant la
l’enfant ; iatros, la maladie) et être en phase période contemporaine. L’enfant, reconnu
avec une longue et profonde maturation recon- comme intercesseur auprès des dieux
naissant la spécificité de l’enfant et de ses quand la génération parentale est défunte,
maladies reconnues à travers les écrits des défenseur potentiel de la cité pour Athènes,
conteurs de l’aube. mémoire d’avenir pour Israël, autoréférence
Voici donc une invitation au voyage. Cap pour les religions du Livre, être insignifiant
sur les origines de l’Histoire, à celles des sous l’Ancien Régime  [3], est devenu un
premiers écrits impliquant autant la méde- gavroche consommateur à l’aube du troi-
cine que l’enfant et l’éthique. Même si leur sième millénaire.
croisement mérite quelques distinctions, un Au pays de l’Entre-deux-fleuves, entre Tigre
recours à l’histoire n’est jamais anodin  : et Euphrate, un tiers des articles du code
il a une finalité précise, celle de démon- d’Hammourabi (1752 av. J.-C.) était consacré
trer que le financier qui s’est accaparé le à la protection de l’enfance. Mais, loi du talion
monde contemporain menace et l’enfant et oblige, en cas d’erreur médicale, ce même
le pédiatre. code condamnait les enfants du médecin

2
Chapitre 1 • Éthique en pédiatrie

à un châtiment dont l’effet était équivalent montrer que l’histoire des idées touchant
au préjudice subi par l’enfant opéré. Le plus l’enfant et la médecine n’est pas une simple
ancien ouvrage de l’humanité est un Traité des suite d’antilogies mises au jour et choisies au
diagnostics et des pronostics concernant la gré des thèses défendues mais l’expression
femme enceinte, le nouveau-né, le nourrisson. d’une responsabilité attachée au médecin, et
Mais seul l’enfant de roi bénéficiait de soins au pédiatre en particulier, repérable dans le
spécifiques, première trace d’un balbutiement cadre de la « rencontre singulière » (expression
d’une médecine de l’enfance. de Paul Ricœur, 1996) de la consultation, du
Au pays d’Homère, Hippocrate passera à suivi des règles et des devoirs professionnels
la postérité en affirmant que la maladie tou- et des rapports corrélés aux gouvernances et
chant l’adulte ou l’enfant n’est pas un signe aux pouvoirs.
de malédiction des dieux. La maladie désa-
cralisée, la médecine séparée de la religion,
le médecin devient un chercheur d’étiologies
III• Originalité de l’éthique
et de médications, soignant sans différence en pédiatrie…
citoyens ou barbares, affranchis ou esclaves,
femmes ou hommes, vieillards ou enfants. Dans un article publié dans la revue Esprit
Mais l’enfant handicapé, Œdipe en témoigne, en 1996, puis dans Le  Juste  2 en 2011,
est abandonné à la nature. Ricœur, reprenant implicitement cette dis-
Au pays de Canaan, la main de l’Éternel tinction validée par l’histoire, reconnaît trois
arrête celle d’Abraham levée sur l’enfant. niveaux du jugement en éthique médicale :
Dès lors, il ne sera plus jamais question de • le niveau prudentiel, qui est celui du colloque
sacrifices d’enfants. Mais on tue, en premier, singulier entre un patient et un médecin,
femmes enceintes et enfants quand on veut voire une équipe médicale ;
anéantir un peuple et son futur. • le niveau déontologique, qui renvoie aux
« Laissez venir à moi les petits enfants » [4], codes et aux lois, mais aussi aux recom-
«  Les droits de l’enfant sont garantis par mandations de bonnes pratiques ;
Dieu » [5] marquent un nouveau regard porté • le troisième niveau, téléologique mais
sur l’enfant comme sujet digne de recherche aussi politique, qui est celui des choix de
et d’intérêt pour ce qu’il est lui-même. Mais société, des finalités qui se font jour dans
l’enfant pendant presque deux millénaires les décisions collectives, dans les lois et se
est oublié, comme en témoignent Philippe reflètent dans la manière dont on organise
Ariès durant l’Ancien Régime. L’enfant le système de santé.
reconnu durant l’Antiquité [6], oublié durant
la période classique, prend le devant de la La pédiatrie, qui est la médecine géné-
scène durant la période contemporaine. L’in- rale de l’enfant, s’inscrit de manière naturelle
conscient ignorant le temps, il y aura toujours dans ce schéma. Cependant, incarnant une
quelque psychanalyste pour évoquer un retour longue maturation sur le soin et sur l’enfant,
du refoulé, arguant que tout ce que l’on veut elle expose une originalité singulière qui
oublier revient affleurer la mémoire, à l’insu mérite d’être abordée autant pour les jeunes
du temps présent. pédiatres que pour les parents désireux d’en
L’étude événementielle de l’histoire, la comprendre le sens et l’intérêt.
validité de nos conduites, le découpage de
notre savoir, notre manière de penser le soin IV• … à trois niveaux
sont ainsi mis en questionnement. Mettant
en dialogue passé, présent et futur, une étude Niveau prudentiel :
épistémologique marquant l’originalité de la
pédiatrie peut être proposée.
une « rencontre singulière »
Les différentes facettes de l’enfant que Le niveau prudentiel est classiquement
nous percevons, issues des strates de la rai- celui du colloque singulier entre un patient
son et de la sensibilité déposées au cours et un médecin, voire une équipe médicale.
de l’histoire, exposent l’essence de l’homme En pédiatrie, il prend une forme triangulaire
non seulement parce que l’enfant est la – voire quadrangulaire, tant la fraternité est
part dominante de nous-mêmes mais aussi incluse – dont l’expressivité est variable selon
parce que cette attention portée à l’enfant l’âge de l’enfant.
révèle autant celui qui est soigné que celui Dans le cas de soins donnés en période
qui soigne. Sans doute est-il nécessaire de néonatale, les décisions seront prises en

3
Pédiatrie ambulatoire

urgence, souvent avant même d’avoir pu sol- fait lui-même, se formalise secondairement
liciter l’avis des parents. Si les résultats des en lois morales qui vont donner naissance à
examens complémentaires, notamment de leur tour à des codes professionnels dont les
l’imagerie médicale, sont de plus en plus facile- plus représentatifs sont ceux du droit et de
ment analysables, l’évolution des pathologies la médecine. La déontologie, qui constitue le
et leur pronostic restent souvent incertains. second niveau de l’éthique médicale, renvoie
La vulnérabilité ressentie est d’autant plus à des textes de lois, des codes, mais aussi à
marquée que l’enfant est jeune. Grâce à des des recommandations de bonnes pratiques.
connaissances dans le domaine de la nutrition Le mot «  déontologie  » formé à partir
et de nouvelles techniques visant à améliorer des racines grecques – logos, le discours, et
la capacité ventilatoire des nouveau-nés, les déontos, ce qui convient – s’inscrit dans le
médecins néonatalogistes ont été capables devoir de ce qu’il faut faire. Il n’est pas sans
de repousser plus loin les limites de viabilité intérêt de rappeler que le mot « déontologie »
de l’enfant et d’améliorer son devenir. Ces est apparu pour la première fois en langue
progrès techniques incontestables ont per- française en 1820, dans la traduction de
mis dans certains cas à des enfants hypotro- l’ouvrage intitulée L’Essai sur la nomenclature
phiques ou aux grands prématurés de voir leur et la classification des principales branches
degré de morbidité égaler celui des enfants d’art et science de Jeremy Bentham, philo-
nés à terme. Ailleurs, les espérances portées sophe anglais, père du courant utilitariste,
ont tardé à se concrétiser. Certaines prises confirmant que l’éthique est une discipline
de décision sont d’autant plus difficiles pour qui se veut pratique.
le pédiatre qu’il ignore les conséquences de La protection de l’enfant insérée dans
son geste, les déficits neurologiques notam- un Code de déontologie semble aller de soi
ment, pouvant apparaître des années après tant l’enfant est présenté aujourd’hui dans
la naissance. La maladie, la mort d’un enfant, l’imaginaire collectif comme un être vulné-
l’infirmité contredisent la logique et l’ordre du rable. Faut-il rappeler que cette appréciation
monde. Ailleurs, c’est la question des chances est la traduction d’une longue méditation sur
l’enfant que met au jour une lecture attentive
de survie dans des conditions admissibles
de l’histoire de la philosophie ? Que serait la
pour l’avenir de l’enfant, de l’acceptation d’un
protection de l’enfant sans les grands maîtres
handicap qui est discutée entre famille, équipe
qui nous ont précédés, tels Maïmonide, Aver-
médicale souvent aidée de psychologues ou
roès, Avicenne ou encore Montaigne, Rous-
de psychiatres et assistée d’autres praticiens
seau, Freud ?
de disciplines médicales différentes.
Ce serait toutefois une erreur de penser
Avançons plus en âge : dans les cas habi-
que le Code de déontologie ne se réfère qu’au
tuels, l’accord entre famille et enfant est tacite
passé. «  Grâce notamment aux techniques
concernant l’examen clinique, la prescription
de réanimation, à la maîtrise de la reproduc-
et l’observance d’un traitement. Quand une tion, à la transplantation, au génie génétique,
intervention chirurgicale est décidée, une réa- l’homme a déplacé les frontières de la vie,
nimation indiquée, les décisions collégiales celles de la naissance et de la mort  »  [7],
de traitement sont prises avec la famille, en impliquant des nouvelles heuristiques pour
attendant la justification de la décision au vu les médecins et plus singulièrement les
des résultats complémentaires. pédiatres. De fait, si le code de déontologie
Le choix du médecin qui semblait aller est l’affaire de tout médecin, certains articles
de soi avec celui voulu par la famille peut relatifs à la protection de l’enfant intéresse-
se poser de nouveau, parfois en termes de ront davantage le pédiatre. Il en est ainsi de
révolte, au moment de la préadolescence, l’article 42 qui rappelle la nécessité faite au
marque d’émancipation de l’autorité paren- médecin amené «  à donner des soins à un
tale. Le secret médical est essentiel à ce mineur ou à un majeur protégé de s’efforcer
moment de la vie et doit être rappelé à l’ado- de prévenir ses parents ou son représentant
lescent pour maintenir sa confiance. légal et d’obtenir leur consentement sauf en
cas d’urgence » [8].
Niveau déontologique : Si les parents exerçant en commun
l’autorité parentale sont divorcés ou sépa-
l’art de ce qu’il faut faire
rés, ils doivent tous deux être prévenus et
L’éthique, qui s’inscrit dans l’histoire consultés pour une décision grave concernant
comme une réflexion sur ce que l’homme l’enfant. L’article 372-2 du Code civil précise

4
Chapitre 1 • Éthique en pédiatrie

néanmoins qu’à « l’égard des tiers de bonne santé les exprime sous forme de recom-
foi, chacun des parents est réputé agir avec mandations. Les enfants et les adolescents
l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte constituent une population spécifique car les
usuel de l’autorité parentale relativement à la besoins et les risques qui accompagnent leurs
personne de l’enfant ». prises en charge sont particuliers et repré-
Le mineur, en particulier l’adolescent, a sentent un enjeu de santé publique. C’est le
le droit de recevoir une information selon son cas, par exemple, des enfants qui doivent être
degré de maturité et son consentement doit opérés ou qui nécessitent une prise en charge
être systématiquement recherché s’il est apte de la douleur en ambulatoire.
à exprimer sa volonté et à participer à la déci-
sion. Le Code de déontologie précise encore
en son article 43 que le « médecin doit être
Niveau politique : de l’art
le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que des cas à l’art des codes
l’intérêt de sa santé est mal compris ou mal
Le Code de déontologie des médecins
préservé par son entourage ».
précise ainsi des dispositions réglementaires
En cas d’opposition aux soins normalement
qui sont subordonnées à d’autres textes
prodigués à l’enfant de la part des parents,
plus importants, la constitution et les lois ;
le pédiatre doit tenter de les convaincre.
elles doivent être compatibles avec d’autres
S’ils refusent, il doit aviser l’Ordre et le pro-
décrets et commandent d’autres textes de
cureur de la République qui saisira le juge
moindre portée, en particulier les arrêtés.
des enfants aux fins de mise en œuvre d’une
Entre l’art des cas qu’incarne la médecine et
mesure d’assistance éducative temporaire.
l’art des codes que personnifie le politique, se
L’ensemble de ces dispositions relatives
dessine un troisième niveau qui marque des
aux droits des mineurs s’inscrit dans la
choix de société, des finalités qui se font jour
reconnaissance de l’autonomie juridique et
dans les décisions collectives, dans les lois
des droits spécifiques de l’enfant, énoncés
et qui se reflètent dans l’organisation d’un
par la Convention internationale des droits
système de santé.
de l’enfant.
Cette convention rappelle que « Les États De par sa longue formation et son exercice
parties garantissent à l’enfant qui est capable théorique et pratique, le pédiatre, familier des
de discernement le droit d’exprimer librement corps constitués gravitant autour de l’enfance,
son opinion sur toute question l’intéressant, se doit d’être le premier défenseur de l’enfant.
les opinions de l’enfant étant dûment prises La revendication de cette posture qui pourrait
en considération eu égard à son âge et à son passer pour une autogratification est en fait,
degré de maturité  » (art.  12). De nouvelles bien comprise, une posture de devoir et de res-
dispositions autorisent le partage « d’informa- ponsabilité proportionnelle à sa compétence
tions préoccupantes  » entre professionnels et son empathie, situées comme premières
concernés par la protection de l’enfance [9]. valeurs éthiques.
Dans chaque département, un médecin réfé- La question citoyenne rejoint celle du
rent attaché à la « protection de l’enfance », vivre ensemble qu’Aristote a développé dans
souvent un pédiatre, désigné au sein d’un l’Éthique à Nicomaque. Emmanuel Kant la
service du département, est chargé d’orga- reprend en affirmant la nécessité d’une obéis-
niser les coordinations nécessaires entre, sance à une loi bonne. Comment savoir si une
d’une part, les services départementaux et loi est bonne ? Quand elle peut être étendue
la cellule de recueil, de traitement et d’éva- en loi universelle : « Agis uniquement d’après
luation de ces informations préoccupantes et, la maxime qui fait que tu peux vouloir en même
d’autre part, les médecins libéraux et hospi- temps qu’elle devienne une loi universelle. »
taliers ainsi que les médecins de santé sco- On aurait tort d’opposer l’éthique d’Aris-
laire du département [10]. Lorsqu’un médecin tote, qui serait celle du subjectif, du sentiment,
(hospitalier, libéral, de PMI, etc.) constate des du désir, de la téléologie, et celle de Kant, sym-
sévices ou des privations sur un enfant, il doit bolisant l’objectif, la morale, la rigueur, la ratio-
directement procéder à un signalement judi- nalité, l’obligation. Dans les Fondements de la
ciaire au procureur de la République [11] et métaphysique des mœurs, l’auteur allemand
mettre en œuvre les moyens les plus adé- écrit : « Il n’est rien qui puisse sans restriction
quats pour le protéger [12]. être tenu pour bon, si ce n’est seulement une
Si le Code de déontologie libelle les normes bonne volonté  »  [13]. Le concept de bonne
en matière d’interdits, la Haute Autorité de volonté impliqué dans un vivre ensemble se

5
Pédiatrie ambulatoire

retrouve autant chez les Anciens que chez les anthropologues qu’une telle conception a vu
Modernes, et ne fait qu’un : il est le principe le jour durant le vingtième siècle. Preuve en
éthique fondamental au-delà duquel on ne est de leur influence, la définition de la culture
peut aller sans enfreindre la liberté, le libre que retient aujourd’hui l’ONU et l’UNESCO est
choix de chacun. celle des anthropologues [14]. Cette approche
La question du vivre ensemble, de la est unique dans l’histoire des langues et de
bonne volonté prend un sens singulier pour l’éthique et en cela elle constitue un hapax.
le médecin. Pour Hippocrate, elle est celle Le téléphone portable est emblématique
de l’amour des hommes qui rejoint l’amour de scission. Chaque adolescent utilise le
de l’art, particulièrement quand le soin est même portable, neuf ou d’occasion – certes
dispensé au plus vulnérable. La brèche (latin avec quelques variations suivant les budgets
vulnus qui donnera le mot «  vulnérabilité  ») – pour communiquer avec ses alter  ego de
qu’incarne l’enfant fragile est aussi celle de la même sphère culturelle, comme on se
notre sensibilité, celle-là même qui fait lien, réunit au bas de l’immeuble HLM ou entre
d’autant plus que la condition de vie de l’en- étudiants. Séparément. Dépassant les fron-
fant est précaire. L’enfant pauvre, vulnérable, tières politiques, le portable se heurte aux
de l’Hexagone est un richissime par rapport à frontières culturelles, quand il ne les crée
l’enfant pauvre asiate, africain, sud-américain. pas. Chaque adolescent communique, mais
Le pédiatre humanitaire doit intégrer au quoti- ne reconnaît l’autre que dans son espace
dien l’aide et l’accompagnement en lien avec culturel. Il faudrait une bonne dose d’incons-
les principes d’autonomie, de justice, de bien- cience et de naïveté pour penser que le site
faisance et de non-malfaisance connus de tout qui revendique des millions d’amis est une
médecin dans sa pratique, mais poussés à association philanthropique. Sous ce masque
leur incandescence dans l’action humanitaire. communicationnel, usant de tous les artifices
de l’annonce et de la sensibilité, se jouent
L’intrus économique des milliards de dollars qu’investiront les
publicitaires avec la certitude d’un retour sur
À ces trois niveaux que nous livre l’histoire investissements multiplié par dix, maintes fois
de l’enfant et du pédiatre, la période contem- vérifié. La connaissance de l’intime de l’enfant
poraine en a ajouté un quatrième, en dehors et de l’adolescent, exposé volontairement ou
de toute norme éthique, et qui pourtant la à son insu, est investiguée, analysée, dissé-
provoque au quotidien. Se pensant l’heureuse quée pour être traduite en force de vente.
héritière des savoirs cumulés, elle affirme Si l’on se réfère à l’extraordinaire potentiel
son originalité en instituant l’enfant comme
interculturel que permettrait Internet, via les
le prince de la consommation et en l’invitant à
réseaux sociaux, force est de constater que
régner comme enfant roi. En contre-point par-
cette avancée technique qui permet la ren-
fait, l’enfant indigent, courbant l’échine jusqu’à
contre de l’autre vivant aux antipodes de la
avaler la poussière, perdu dans l’abîme entre
planète en un clic n’est pas corrélée à une
dénuement et impéritie, une autre expres-
avancée éthique comparable.
sion de l’enfant –  à peine nommé et déjà
condamné – s’expose dans l’oubli et l’igno-
L’enfant roi
rance du reste du monde consumériste…
Ces deux dispositions incarnent l’ex- «  La vie s’autoréférencie elle-même  »
pression de deux cultures différentes, si écrivait Michel Henry  [15]. L’expression se
l’on entend par culture non seulement un vérifie non comme référence phénoméno-
ensemble de savoirs, de connaissances, de logique, comme le pensait le philosophe,
sciences, d’expressions artistiques mais mais dans sa forme la plus commerciale. À
aussi – sous l’influence majeure de l’anthro- parent consommateur, enfant consommateur
pologie contemporaine – une volonté de vivre afin de préparer un devenir dans la même
ensemble. Qu’est-ce qu’une culture ? Un lignée du «  Moi d’abord  ». La course labo-
ensemble de savoirs, de connaissances, de rieuse commencée hier doit se poursuivre
sciences, d’arts... peut-être mais du point de aujourd’hui afin qu’elle prospère encore
vue éthique, une culture se définit d’abord par davantage demain. Une course qui mène
sa capacité de reconnaissance d’une autre l’enfant à cumuler les avoirs et les activi-
culture. Définir une culture par sa propension tés  : cours de rattrapage, cours de tennis,
à créditer la culture de l’autre ou des autres cours de maths, cours de solfège… activités
est inhabituel. C’est sous l’influence des artistiques, sportives, culturelles se trouvent

6
Chapitre 1 • Éthique en pédiatrie

impliquées dans le même élan. L’enfant est Alors que l’Hexagone était situé au sixième
roi, non par quelques mérites restés obscurs rang en 2008, avec un faible taux de mortalité
mais parce qu’il focalise en son être tous néonatale, il régresse à la dix-septième place
les investissements présents et à venir. Il en 2017, avec 2,3 décès de bébés âgés de
est le sujet d’honneur des jeux virtuels, le moins de 27  jours pour 1 000  naissances.
spectateur honoré des émissions matinales, Comment expliquer cette chute ? Faute d’assu-
le modèle singulier des grandes marques rance matérielle, les femmes sont enceintes à
d’habillement et de chaussures, le client un âge de plus en plus avancé (19 % ont plus
assumé des parfums et des cosmétiques, de 35 ans en 2013, contre 16 % en 2008)3,
le consommateur recherché des enseignes le stress professionnel, y compris pour celles
de boissons sucrées, hypercaloriques don- qui ont des postes à responsabilité, est plus
nées dès le plus jeune âge. Si l’oubli venait intense avec sa cohorte habituelle (obésité,
à se manifester, messages publicitaires, tabagisme, suivi médical moindre)  [17]. À
explicites, implicites, subliminaux façonnent l’âge de 2  ans, il ressort que «  le dévelop-
un inconscient à peine modelé. Au féminin, pement du langage des enfants est marqué
les silhouettes exposées dans les journaux par un fort gradient socioéconomique selon le
en vogue flirtent avec les figures des jeunes revenu du ménage ou le diplôme de la mère.
anorexiques. Une symptomatologie clinique La différence brute entre les ménages les
s’individualise  ; obésité, anorexie, usage plus favorisés et les moins favorisés (tant
de stupéfiants, dépression en sont les pre- en termes d’éducation que de revenu) est de
mières caractéristiques. Autant de patholo- l’ordre d’un demi-écart-type » [18].
gies – que le pédiatre sera amené à traiter Si on se place à l’échelle mondiale, « le
– qui, si elles ne sont pas nouvelles, trouvent principal rapport annuel de l’UNICEF, pré-
une acmé jamais atteinte. sente un sombre tableau de ce qui attend
les enfants les plus pauvres du monde si
L’enfant indigent les gouvernements, les bailleurs de fonds,
Cette course de fond, avec des moments les entreprises et les organisations interna-
de sprints, menée au quotidien génère naturel- tionales n’accélèrent pas leurs efforts pour
lement des laissés pour compte sur le bord du répondre à leurs besoins. Selon les tendances
chemin. Irrémédiablement. Dans cet univers actuelles, 69 millions d’enfants de moins de
qui ne reconnaît comme facteur d’excellence 5 ans mourront principalement de causes évi-
que la réussite économique devenue finan- tables, 167 millions d’enfants vivront dans la
cière, tous les autres chemins de rattrapage pauvreté et 750 millions de femmes seront
font figure d’ersatz. Les superlatifs s’amoin- mariées pendant leur enfance d’ici 2030, date
drissent, les carences s’amplifient : il manque limite pour les Objectifs de développement
des professeurs des écoles, des ATSEM2, durable, et ce à moins que le monde entier ne
des orthophonistes, des psychologues sco- se préoccupe davantage du sort des enfants
laires, des éducateurs, des pédopsychiatres, les plus défavorisés […].
des médecins et plus particulièrement des Les enfants les plus pauvres ont deux fois
médecins de PMI, des médecins scolaires et, plus de risques que les enfants les plus aisés
naturellement, des pédiatres. de mourir avant l’âge de cinq ans et de souf-
Dans cet univers de pénurie et de défi- frir de sous-alimentation chronique. Dans une
cience, la précarité s’individualise : difficultés grande partie de l’Asie du Sud et de l’Afrique
de l’alimentation, du sommeil, de la sphère subsaharienne, les enfants dont la mère n’a
infectieuse, de la psyché, de la réussite sco- pas été scolarisée ont une probabilité trois
laire, de l’intégration sociale, etc. L’huma- fois plus élevée de mourir avant l’âge de cinq
nitaire commence dans l’Hexagone. Si «  on ans que ceux dont la mère a reçu une instruc-
peut affirmer que la santé d’une société ou tion de niveau secondaire. De plus, les filles
d’une nation se mesure à la santé de ses
secteurs non productifs de biens de consom- 3. Il faut aussi ajouter la durée d’étude : « En 2012, les
mation alors la société française est bien femmes les moins diplômées ont leur premier enfant
malade » [16]. quatre ans plus tôt que les plus diplômées. L’écart
selon le niveau de diplôme s’est resserré de deux
mois entre 2006 et 2012 du fait de l’augmentation
plus rapide de l’âge au premier accouchement des
2. Agents territoriaux spécialisés des écoles mater- mères les moins diplômées » (www.insee.fr/fr/statis-
nelles. tiques/2668280, consulté le 2 février 2019).

7
Pédiatrie ambulatoire

issues des foyers les plus pauvres ont une importante. Aux certitudes d’hier succèdent
probabilité deux fois plus élevée de se marier des interrogations touchant autant l’individu
pendant leur enfance, que celles issues des dans sa singularité que dans la forme et la
foyers les plus aisés » [19]. nature de l’aide apportée. Soucieuse du res-
pect des personnes accompagnées, l’ONG
PDM s’est dotée d’un comité d’éthique.
V• Pédiatre, responsabilité «  Le  CEPDM est un organisme consultatif
et engagement ayant pour mission d’émettre des avis sur
les questions éthiques relevant des actions
La menace touchant sans distinction de PDM. Les avis émis sont consultatifs. Les
l’enfant, la pédiatrie, la transculturalité, la membres sont bénévoles. Une charte en défi-
démocratie face à la puissance financière, nit le cadre et les modalités » [23].
milite pour un engagement citoyen, plus mar- Deux lieux d’engagement, dans la multi-
qué encore pour celui qui demande à être tude, pour une même vocation : l’émancipa-
reconnu comme le pivot d’un système de tion de l’homme par l’enfant.
soins tournant autour de l’enfance. «  Si la Car l’éveil de l’enfant est contagieux.
démarche peut paraître utopique, pensons
que ce sont les utopistes qui ont fait avancer
le monde », dit Claire Brisset, ex-défenseure Références
des enfants [20]. « La question est de savoir
[1] Heidegger M, Vezin F (trad.). Être et temps.
si une éthique de la discussion est applicable
Paris : Gallimard, 1986.
à tous au niveau politique ».
[2] Ricœur P. Sois même comme un autre. Paris :
La médecine est un formidable labora-
Le Seuil, 1990.
toire pour la pensée, car articulant les trois
[3] Ariès P. L’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien
niveaux du jugement qu’évoque Ricœur. Elle
Régime. Paris : Le Seuil, 1975.
est aussi le lieu de la philosophie pratique.
Les lieux d’engagement pour le pédiatre sont [4] La Bible, Matthieu 19, 1, TOB, Cerf, 1975.
innombrables. Plutôt qu’une liste qui donne- [5] Le Noble Coran. Bilingue arabe/français. Nou-
rait le vertige même à Umberto Ecco, nous en velle traduction de poche (de Mohammed Chiadmi).
retiendrons deux. Lyon : Éditions Tawhid, 2006. Ce que dit l’islam
Le premier implique le pédiatre comme au sujet des enfants : Dieu garantit les droits des
acteur citoyen. Sous l’égide de l’UNICEF, le enfants, partie 1 de 5.
pédiatre est invité à susciter « des bonnes [6] Valentin C. La fabrique de l’enfant. Paris  :
pratiques et des innovations locales dans le Le Cerf, 2010.
cadre des collectivités amies des enfants qui [7] Code de déontologie médicale. Conseil natio-
ont la volonté de porter un autre regard sur nal de l’Ordre des médecins, 2015.
l’enfant et l’adolescent en mettant en œuvre [8] Code de la santé publique, article R.4127-42.
une politique Petite enfance, Enfance, Jeu- [9] Code de l’action sociale et des familles, article
nesse respectueuse de la Convention inter- L.226-2-2, issu de la loi n°2007-293 du 5  mars
nationale des droits de l’enfant (CIDE) » [21]. 2007.
Moyennant un projet impliquant l’enfant dans [10] Code de l’action sociale et des familles,
des domaines aussi variés que la santé, article L.221-2, alinéa 4, issu de la loi n° 2016-
l’éducation, la vie associative… au sein 297 du 14 mars 2016 relative à la protection de
de la cité, la ville reçoit le label « Amie des l’enfant.
enfants ». [11] Code pénal, article 226-14, alinéa 3, cf. article
Le second lieu est l’ONG Pédiatres du R. 4127-44.
Monde (PDM) qui se propose d’agir dans [12] Code de déontologie, article  44 cf. article
l’Hexagone et hors de France. « L’ONG met R.4127-44 du Code de la santé publique.
les compétences des membres de Pédiatres [13] Mattei JF. L’humanitaire à l’épreuve de
du Monde au service de la formation, de l’éthique. Uzès : Les Liens qui libèrent, 2014.
la guidance et d’échanges répondant aux [14] Tylor E. La culture est un ensemble com-
demandes des acteurs locaux pour une plexe qui inclut savoirs, croyances, arts, positions
amélioration durable de la santé de l’enfant morales, droits, coutumes et toutes autres capaci-
et de sa famille dans le monde, en particu- tés et habitudes acquis par un être humain en tant
lier dans les situations de précarité » [22]. que membre d’une société. In : Seymour-Smith C,
L’engagement humanitaire vit une mutation ed. Dictionary of Anthropology. Macmillan, 1986.

8
Chapitre 1 • Éthique en pédiatrie

[15] Michel H. C’est moi la Vérité. Paris : Le Seuil, [20] Intervention de Claire Brisset. La santé de
1996. l’enfant dans le monde. DU Éthique, Social et Huma-
[16] Masquelet CA (échange personnel, 18 mars nitaire. Laboratoire d’éthique. Paris Descartes, 10
2016). décembre 2016.
[21] www.villeamiedesenfants.fr/content/deve-
[17] Rapport Euro-Peristat, Inserm, 2000-2015.
nir-ville-amie-des-enfants-0 (consulté le 2 février
[18] Grobon S, Panico L, Solaz A. Inégalités socio- 2019).
économiques dans le développement langagier et
[22] Renseignements : pediatresdumonde@pdmo.
moteur des enfants à 2 ans. Bull Epidemiol Hebd org (consulté le 2 février 2019 /www.pediatres-du-
2019 ; (1) : 2-9. monde.org/index.php?option=com_content&view
[19] UNICEF. «  La situation des enfants dans le =article&catid=126&id=1).
monde », 2016. www.unicef.fr/article/la-situation- [23] www.pediatres-du-monde.org/index.php?
des-enfants-dans-le-monde (consulté le 2 février option=com_content&view=article&id=181&Ite
2019). mid=676

9
Partie I

La consultation
pédiatrique
CHAPITRE 2

Sorties de maternité pour


les couples mère/enfant
à bas risque médical
Fabienne Kochert, François-Marie Caron

Depuis la publication en 2014 des recom-


Points essentiels mandations de la Haute Autorité de santé (HAS)
➜ Pour le couple maman/bébé à bas concernant l’organisation du retour à domicile
risque, la HAS recommande une sor- après accouchement des mères et des nou-
tie de maternité «standard» entre 72 veau-nés [1], la durée moyenne de séjour (DMS)
et 96  h de vie pour un accouchement en maternité continue à diminuer en France.
par voie basse (AVB) et entre 96 et Elle est passée de 4,4  jours (tous modes
120 h de vie pour un accouchement par d’accouchement confondus) en 2010 [2] à
césarienne. 4 jours en 2016 [3]. La fréquence des séjours
de courte durée augmente depuis 2010.
➜ Une sortie est précoce avant 72  h
Cette DMS de 4 jours reste cependant plus
pour un AVB et avant 96  h pour une
élevée que dans la majorité des pays de l’OCDE.
césarienne.
Elle figure parmi les plus élevées en Europe,
➜ Les problématiques des sorties derrière le Royaume-Uni (1,5  jour), les Pays-
précoces de maternité, hormis l’ic- Bas (1,6 jour), la Suède (2,3 jours), l’Espagne
tère, concernent tous les nouveau-nés (2,4 jours), l’Allemagne (3 jours) [4].
puisqu’elles reposent sur le concept Dans de nombreux pays la réduction de la
délicat du «nouveau-né à bas risque». durée de séjour en maternité est liée au désir
➜ Pour un meilleur accompagnement de démédicaliser la naissance.
des mères et de leurs nouveau-nés, le Le paysage obstétrical français s’est profon-
suivi post-partum devrait se faire de pré- dément modifié au cours des dernières décen-
férence au domicile, le relais doit être nies. De nombreuses maternités de petite taille
prévu en amont par la maternité. ont fermé au détriment des très grandes mater-
nités réalisant plus de 3 000 accouchements
➜ Le dispositif PRADO (Programme par an ; en 2016, 29 % des naissances ont eu
d’accompagnement pour le retour à lieu dans ces établissements (contre 18,7 % en
domicile), mis en place par l’Assurance 2010). Les accouchements ont lieu plus sou-
maladie, s’est largement déployé sur le vent en secteur public (dont la part est passée
territoire; il permet un accompagne- de 64,1 % en 2010 à 69,2 % en 2016) et dans
ment après sortie de maternité par une les maternités de niveau 3 [3].
sage-femme libérale. Parallèlement, une expérimentation sur les
➜ Le pédiatre reste un partenaire de « maisons de naissance » a été mise en place
choix dans le suivi du nouveau-né, à la en 2015 pour une durée de 5 ans. Les femmes
fois à la maternité et après retour à retournent à domicile quelques heures après
domicile. leur accouchement. Le nombre de naissances
dans ces structures reste pour l’heure encore
➜ Compte tenu de la diminution des
marginal.
durées de séjour en maternité, tous les
En 2018, 785 000 bébés sont nés vivants
nouveau-nés devraient pouvoir bénéfi-
en France (fig.  2.1). Il s’agit de la 4e  année
cier d’un examen pédiatrique entre J6
consécutive de baisse (INSEE). L’indicateur
et J10, de préférence par un pédiatre.
conjoncturel de fécondité (1,88  enfant par

13
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

femme) est également en recul pour la 3e année un médecin généraliste formé aux pathologies
mais reste cependant le plus élevé d’Europe. du nouveau-né [1].
Les femmes françaises sont globalement
satisfaites de la prise en charge dont elles ont
bénéficié pendant leur grossesse et au moment I• Principales
de la naissance, mais quelle que soit la durée
du séjour en maternité, le manque d’accompa- problématiques
gnement à la sortie et lors du retour à domi- des sorties précoces
cile est responsable d’un état de fragilité et
d’insécurité [5].
de maternité
L’organisation de la sortie après accou- Le retour à domicile après accouchement
chement a été marquée par une implication ne s’improvise pas. L’adaptation du nouveau-
importante de l’Assurance maladie à travers
né à la vie extra-utérine ne se limite pas à
la mise en place dès 2010 du PRADO, puis sa
la salle de naissance ; elle nécessite, selon
généralisation a pour objectif de permettre un
les fonctions physiologiques (respiratoires,
retour à domicile plus rapide en l’absence de
cardiaques, métaboliques), quelques heures
complication chez la maman et le bébé, avec
un suivi à domicile par une sage-femme libérale. (pour la résorption du liquide pulmonaire) voire
En 2016, plus de 90 % des établissements plusieurs jours pour la montée laiteuse, le
ont proposé un programme d’accompagne- métabolisme de la bilirubine, la maturation
ment à la sortie de la maternité (79 % dans le rénale. La marge de sécurité est faible et
cadre du PRADO) [3]. nécessite une surveillance attentive de tous
Compte tenu du raccourcissement de la les nouveau-nés particulièrement vulnérables
durée de séjour en maternité, la HAS insiste durant les premiers jours de vie [6].
pour que tous les nouveau-nés puissent béné- En cas de sortie précoce, toute la difficulté
ficier d’un examen pédiatrique entre J6 et J10, réside dans le dépistage d’une anomalie ou
réalisé de préférence par un pédiatre ou par d’une pathologie chez un nouveau-né qui, au
départ, va bien.

Naissances vivantes en 2008

840 000

820 000

800 000

780 000

760 000

740 000

720 000
1982 1987 1992 1997 2002 2007 2012 2018
Note : donnée 2018 provisoire.
Champ : France hors Mayotte jusqu’en 2013 et y compris Mayotte à partir de 2014.
Source : Insee, statistique de l’état civil.
Figure 2.1 Évolution du nombre de naissances en France.

14
Chapitre 2 • Sorties de maternité pour les couples mère/enfant à bas risque médical

Le concept de « nouveau-né à bas risque » amélioration du pronostic immédiat. Toutefois,


pouvant bénéficier d’une sortie précoce est la performance du DAN varie selon le type de
inapproprié et reste hypothétique [7]. cardiopathie et le pourcentage de faux néga-
À côté des risques pathologiques auxquels tifs reste encore significatif.
est exposé le nouveau-né lors d’une sortie pré- La performance de l’examen clinique post-
coce (infection, ictère, cardiopathie congénitale natal seul reste très insuffisante. Les signes
à révélation tardive), il convient aussi de surveil- cliniques sont très trompeurs  : les souffles
ler l’alimentation (surtout en cas d’allaitement sont souvent absents les premiers jours et
maternel), la courbe de poids du nouveau-né, l’hypoxie liée aux cardiopathies cyanogènes
mais aussi de déceler précocement une fragi- n’est cliniquement visible que pour une satu-
lité parentale ou un trouble de l’attachement. ration en oxygène (SpO2) inférieure à 85 %.
L’hypoxie peut également être méconnue,
Principaux risques même en cas de cardiopathie sévère, tant
pathologiques que le canal artériel (CA) est perméable et
supplée une partie du débit pulmonaire. Un
Infection CA peut masquer un obstacle gauche sévère
pendant les premiers jours de vie.
Selon les données de la littérature, 98 %
Or, la décompensation aiguë d’une cardio-
des nouveau-nés infectés sont symptoma-
pathie ductodépendante peut retentir sur le
tiques dans les 48 premières heures de vie
et 88 à 94 % des infections à streptocoques B pronostic postopératoire immédiat ainsi que
le sont avant 24 h [7]. sur le pronostic fonctionnel et neurologique.
Dans tous les cas, la présence d’un fac- Le diagnostic anténatal et l’examen cli-
teur de risque d’infection bactérienne néona- nique initial ne suffisent donc pas à éliminer
tale précoce représente une contre-indication toute malformation cardiaque, même sévère,
à la sortie de maternité. avant la sortie de maternité. Aussi, il est indis-
Tout nouveau-né présentant un facteur de pensable que ces pathologies et leurs signes
risque infectieux doit bénéficier d’une surveil- d’appel soient connus de toute personne
lance rapprochée telle que décrite dans les intervenant auprès des nouveau-nés pendant
recommandations de bonne pratique « Prise mais aussi après le séjour en maternité.
en charge du nouveau-né à risque d’infection
néonatale bactérienne précoce » publiées Ictère
en septembre 2017 par la Société française L’ictère nucléaire est rare mais ses consé-
de néonatalogie et la Société française de quences sont désastreuses, il représente la
pédiatrie [8]. première cause d’encéphalopathie néonatale
Une surveillance d’au minimum 48 h est évitable. Il est aussi la principale cause de
recommandée avec mise en route d’une anti- réhospitalisation pendant les quinze premiers
biothérapie probabiliste pour tout nouveau-né jours de vie.
symptomatique. Un dépistage organisé est nécessaire pour
identifier les nouveau-nés à risque d’hyperbili-
Cardiopathies congénitales (CC) rubinémie sévère, précoce et après sortie de
Le dépistage précoce des cardiopathies la maternité [9]. Le dépistage et le pronostic
congénitales, particulièrement des formes ducto- doivent être affinés en se servant des facteurs
dépendantes, reste un problème d’actualité. de risque définis par l’AAP en 2004 et 2007
Les CC représentent les malformations parmi lesquels  : les antécédents d’ictère
congénitales les plus fréquentes (1 sur 4). grave dans la fratrie, le groupe sanguin 0, des
Elles touchent 8  naissances pour 1  000, agglutinines irrégulières positives, une mala-
2/1  000 sont des cardiopathies sévères, die hémolytique familiale (déficit en G6PD), un
susceptibles de mettre en jeu le pronostic terme inférieur à 38 semaines d’aménorrhée,
vital du nouveau-né. 25 % des CC ne sont pas des hématomes et/ou un allaitement mater-
diagnostiquées avant la sortie de la maternité. nel en difficulté [10].
Elles sont responsables de 6 à 10 % des
cas de mort subite du nourrisson et de deux Alimentation et allaitement
décès pour 100 000 nouveau-nés.
Le dépistage anténatal (DAN) permet
maternel
d’anticiper la décompensation et optimise S’il est tout à fait probable qu’un soutien
la prise en charge de ces enfants avec une à domicile par des professionnels formés

15
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

qui tiennent un discours unique et cohé- Les objectifs de ces recommandations


rent s’avère être au moins aussi efficient sont les suivants :
qu’un séjour prolongé en maternité avec le • définir les conditions et les modalités de
risque d’avis discordants, il est par contre l’accompagnement des mères et de leurs
indispensable que la mère, en quittant la nouveau-nés sortis de maternité dans le
maternité, sache ce qu’est une montée de contexte du bas risque ;
lait, soit capable de reconnaître les signes • prévenir l’apparition de complications néo-
d’éveil du bébé et les critères d’une tétée natales et maternelles du post-partum ;
nutritive. Une anticipation pendant la gros-
• diminuer le risque de situations évitables
sesse serait certainement encore plus
graves.
performante.
Il est important que les femmes aient à
disposition les coordonnées de personnes- Âges de sortie de maternité
ressources (conseillères en lactation) et pour les enfants à bas risque
d’associations de proximité de soutien à
l’allaitement maternel. La définition d’une durée optimale de
séjour en maternité n’est pas aisée. La HAS
a retenu que (grade C) :
Accompagnement • dans l’état actuel de la littérature, il apparaît
à la parentalité, qu’une fois « le bas risque médical » cor-
prévention des troubles rectement défini, la durée de séjour à la
maternité n’est pas discriminante pour la
psychoaffectifs
mère et le nouveau-né ;
Avec leur nouveau-né, les parent sont en • la durée optimale du séjour en unité d’obs-
situation de « vulnérabilité ». tétrique des mères et de leurs nouveau-nés
En cas de sortie précoce, il conviendra serait plutôt fonction de l’organisation de la
de recueillir, dans des délais très courts, des sortie de la maternité, du suivi médical et
informations objectives sur le comportement de l’accompagnement ultérieur.
du nouveau-né, les interactions maman/bébé, Ainsi, pour la naissance d’un nouveau-né
le fonctionnement du couple parental, l’état singleton, eutrophe, en l’absence de com-
physique et émotionnel de la mère, sa capa- plications pour la mère, la durée maximale
cité à demander de l’aide. d’hospitalisation est de :
Une attention toute particulière doit être • 96 h après un accouchement par voie basse
portée à la façon dont la mère a vécu la gros- (AVB) ;
sesse et la naissance de l’enfant, dans le
• 120 h après une césarienne.
cadre d’un accompagnement plus humain, loin
des préoccupations de « rentabilité ». Ces délais ont permis de définir des sor-
ties standard des sorties précoces en fonction
du mode d’accouchement (VB ou césarienne).
II• Sortie de maternité Sortie standard :
• entre 72 et 96 h après un AVB ;
pour l’enfant à bas risque
• entre 96 et 120 h après une césarienne.
médical Sortie précoce :
Les premières recommandations publiées • au cours des 72 premières heures après
en France sur les sorties de maternité ont un AVB ;
été celles de l’ANAES en 2004 : « La sortie • au cours des 96 premières heures après
précoce après accouchement. Les conditions une césarienne.
pour proposer un retour précoce à domicile »
[11]. Définition des critères de bas
Les recommandations actuelles sont
celles publiées par la HAS en 2014. Il s’agit de
risque médical
recommandations de bonne pratique : « Sortie Les critères de bas risque pour la mère
de maternité après accouchement : conditions et l’enfant retenus par la HAS en 2014 sont
et organisation du retour à domicile des mères les mêmes que ceux définis par l’ANAES en
et de leurs nouveau-nés » [1]. 2004 [11].

16
Chapitre 2 • Sorties de maternité pour les couples mère/enfant à bas risque médical

Tableau 2.1 Critères de bas risque pour une sortie standard.


P our la mèr e
Accouchement d’un singleton par VB ou par césarienne sans complication
Absence de situation de vulnérabilité psychique et sociale
Absence de conduites d’addiction et de dépendances
Soutien familial et/ou social adéquat
Absence de pathologie chronique mal équilibrée
Absence d’hémorragie de la délivrance
Absence de signes d’infection
Absence de signes thromboemboliques
Absence de complications ou pathologies nécessitant une observation ou un traitement médical continu
Douleur contrôlée
P our le nouveau- né
Nouveau-né à terme (≥ 37 SA), singleton et eutrophe
Examen clinique normal, réalisé par un pédiatre après 48 h de vie et avant la sortie
Alimentation établie (si allaitement maternel : observation d’au moins 2 tétées efficaces avec transfert de lait
reconnu par la mère, mictions et selles émises)
Perte de poids < 8 % du poids de naissance
Absence d’ictère nécessitant une photothérapie : bilirubine transcutanée (BTC) ou bilirubine sanguine (BS)
à la sortie rapportée à la courbe de référence dans une zone de bas risque ou risque intermédiaire bas
(Fig. 2.1) [9,10]
Absence de critères d’infection (si anamnèse infectieuse  : prélèvements bactériologiques récupérés et
négatifs)
Lien mère/enfant instauré

Tableau 2.2 Critères de bas risque médical pour une sortie précoce.


P our la mèr e
Mêmes critères que pour les sorties standard
+ Absence d’hémorragie de la délivrance sévère
+ Accord de la mère et/ou du couple
P our le nouveau- né
Nouveau-né de terme ≥ 38 SA, singleton et eutrophe
Apgar > 7 à 5 min de vie
Vitamine K1 donnée
Examen clinique normal réalisé par un pédiatre le jour de la sortie
Alimentation établie (mêmes critères que pour une sortie standard)
Absence d’ictère ayant nécessité une photothérapie
BTC ou BS à la sortie rapportée au nomogramme dans une zone de bas risque [9,10]

III• Suivi pédiatrique nouveau-né soit examiné par un pédiatre avant


sa sortie de la maternité. Cet examen pédia-
du nouveau-né par trique doit être impérativement réalisé après
le pédiatre de maternité 48 h de vie :
• avant la sortie en cas de durée de séjour
Les pédiatres de maternité assurent la standard ;
prise en charge du nouveau-né de la salle de • le jour de la sortie en cas de sortie précoce.
naissance à l’examen de sortie. Cet examen a pour but de s’assurer que
Un des objectifs principaux de cette sur- le nouveau-né présente une bonne adapta-
veillance pédiatrique est de diminuer le risque tion de ses fonctions vitales à la vie extra-uté-
de résurgence de situations pathologiques évi- rine et qu’il ne présente pas de pathologies
tables pour le nouveau-né. ou facteurs de risque particuliers qui l’ex-
Dans le cahier des charges concernant cluraient du groupe des nouveau-nés à bas
le nouveau-né, la HAS recommande que tout risque.

17
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

Des explications sont également don- persistant, stagnation pondérale, difficultés


nées par le pédiatre concernant l’allaitement alimentaires, gêne respiratoire) ainsi que les
(maternel ou artificiel), le sommeil, le cou- mesures de précautions à prendre, surtout en
chage, les pleurs, la sécurité à la maison, les période hivernale (désinfection rhinopharyn-
signes cliniques d’alerte. La lecture des pages gée) sont expliquées aux parents.
du carnet de santé dédiées à ces conseils
est recommandée aux jeunes parents. Seront Cardiopathies congénitales
abordées, notamment, la vaccination des
parents avec remise à jour de la vaccination Nous avons vu plus haut que les signes
anticoquelucheuse ainsi que les grandes cliniques sont souvent absents rendant la
lignes du schéma vaccinal de l’enfant. performance de l’examen clinique très insuf-
Il s’agit d’un examen très complet. Sans fisante. Un dépistage systématique des CC à
prétendre être exhaustif, il est possible d’en J3 par mesure de la Sp02 cutanée au membre
donner les grandes lignes. supérieur droit et à un pied est recommandé
par l’American Heart Association et l’American
Academy of Pediatrics (AAP) sans qu’il n’existe
Allaitement pour l’heure un véritable consensus. Utilisé
La mère doit connaître les signes d’éveil en routine dans certains pays, il permettrait
du bébé et les critères d’un transfert de lait de diagnostiquer 94 % des CC et serait béné-
efficace ainsi que les coordonnées des consul- fique sur la mortalité et la morbidité de ces
tantes en lactation et/ou des associations de pathologies [12,13].
mères allaitantes. Le chapitre 3 les détaille.
Ictère
Infections L’utilisation du bilirubinomètre transcu-
Le nouveau-né est particulièrement vulné- tané, maintenant largement répandue, de par
rable aux infections. Les signes qui doivent la possibilité de dosages faciles et répétés,
faire consulter rapidement (fièvre, ictère permet d’avoir une bonne idée de la cinétique

25

20
Bilirubine sérique totale (mg/dL)

Zone de risque élevé


95e percentile

é lev
é 75e percentile
15 aire
rm édi
inte faib
le
40 perc
e entile
sque aire
à ri édi
Zon
e term
e in
squ
10 e à ri
Zon

Zone de risque faible


5

0
0 12 24 36 48 60 72 84 96 108 120 132 144 156 168
Âge (h)

Figure  2.2  Courbe de référence de la bilirubinémie sanguine en fonction de l’âge (d’après


Bhutani ; 1999) [14].

18
Chapitre 2 • Sorties de maternité pour les couples mère/enfant à bas risque médical

de la bilirubinémie. La corrélation entre biliru- Organisation des sorties


bine transcutanée (BTC) et bilirubine sanguine
de maternité
est bonne.
Après la 18e heure de vie, les valeurs de Principes généraux
bilirubinémies ont une réelle valeur prédic-
Chaque établissement de santé auto-
tive du risque. Le taux de bilirubine et l’âge risé en gynécologie obstétrique doit définir
de l’enfant en heures doivent être reportés et mettre en place une organisation propre
sur des nomogrammes (fig. 2.2) qui sont des à assurer, dès la sortie de maternité, pour
outils prédictifs fiables. toutes les femmes et tous les enfants, la
Attention : la valeur de la BTC est ininterpré- continuité de leur suivi médical en post-partum
table dans les 6 h suivant une photothérapie. immédiat.
Dans la mesure du possible une organisa-
Stratégies de prise en charge tion permettant une prise en charge du couple
en cas d’ictère mère/enfant à domicile doit être privilégiée.
Le rapport de la Commission nationale de la
• Promouvoir un accompagnement efficient naissance et de la santé de l’enfant (CNNSE)
de l’allaitement maternel (l’accélération du considère en effet que l’intervention au domi-
transit diminue le cycle entérohépatique et cile de la famille constitue le meilleur cadre
donc le recyclage de la bilirubine. Un allai- pour évaluer l’environnement de la mère et de
tement en souffrance avec déshydratation son enfant et la qualité de la relation parents/
majore le risque d’ictère). enfant qui s’engage [15].
Une fiche d’information disponible pour les
• Dosage de la bilirubine (BS ou BTC) en cas
parents sur le site de la HAS : « Sortie de mater-
d’ictère survenant avant 24 h.
nité, préparez votre retour à la maison » reprend
• Interprétation des taux de BS ou BTC en l’ensemble des recommandations de la HAS,
fonction de l’âge postnatal en heures par propose des conseils et des fiches détachables
report des chiffres sur le nomogramme de pour programmer les rendez-vous à la sortie.
Buthani (ou sur bilitool.org).
• Évaluation rationnelle du risque de sortie : Professionnels impliqués
– sortie avant H72 si zone de bas risque. dans le suivi en post-partum
Surveillance par BTC impérative et consul- immédiat
tation par une sage-femme le lendemain Il peut s’agir :
de la sortie ;
• des sages-femmes hospitalières (interve-
– sortie >  H72 si zone de bas risque ou nant au domicile des parents ou assurant
intermédiaire bas ; des consultations dans un établissement
– pas de sortie dans les autres cas. de santé), et libérales (choisies par les
parents lors de la grossesse, sollicitées par
Dépistages néonataux la maternité ou intervenant dans le cadre du
Programme d’accompagnement du retour à
Ils doivent avoir été réalisés à la maternité domicile : PRADO) ;
avant le départ pour les sorties standard. Pour
• des puéricultrices et des sages-femmes des
les sorties précoces, la maternité doit vérifier services de protection maternelle et infantile
qu’ils seront faits et doit s’assurer de leur (PMI) ;
traçabilité.
• des médecins libéraux  : pédiatres, géné-
ralistes, gynécologues obstétriciens, psy-
Vaccinations chiatres et pédopsychiatres qui consultent
le plus souvent dans leur cabinet ;
Les vaccinations spécifiques (hépatite B,
BCG) sont traitées dans le chapitre 8. • d’autres professionnels  : psychologues,
assistantes sociales, techniciens de l’inter-
Si la sortie est décidée, le rôle du pédiatre vention sociale et familiale (TISF) ;
de maternité est de s’assurer d’un réseau • du secteur associatif : associations de sou-
d’aval bien identifié et de faire connaître aux tien à l’allaitement maternel, associations
parents toute l’importance de la consultation de soutien à la parentalité, services d’aide
pédiatrique précoce. à domicile.

19
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

Figure 2.3 HAS : annexe 1.

Annexe à la recommandation : Sortie de maternité après accouchement : conditions et orgnisation


du retour à domicile des mères et de leurs nouveau-nés
Schéma du parcours de soins du nouveau-né au cours du premier mois de vie après une durée de séjour
comprise entre 72 et 96 heures en cas de naissance par voie basse (entre 96 et 120 heures en cas de césarienne)
La 2e visite est recommandée et planifiée selon l’appréciation du professionnel référent en charge du suivi (de même
pour des visites supplémentaires en fonction des éléments médicaux à surveiller et/ou des besoins ressentis
par la mère et/ou le couple). En cas de césarienne, la durée de séjour maximale est de 120 heures.

Durée de séjour
maximale
1re visite planifiée dans les 48 heures après la sortie*
24H 48H 72H 96H 120H J6 J7 J8 J9 J10 J11 J28

Examen
Naissance du nouveau-né
par voie basse

: Examens pédiatriques réalisés en maternité (dans les 2 heures suivant la naissance,


puis avant la sortie mais impérativement après 48 heures de vie)
* : voire dans la semaine
HAS / Service des bonnes pratiques proféssionnelles / Mars 2014
© Haute Autorité de santé - 2014

Figure 2.4 HAS : annexe 2.
Annexe à la recommandation : Sortie de maternité après accouchement : conditions et orgnisation
du retour à domicile des mères et de leurs nouveau-nés
Schéma du parcours de soins du nouveau-né au cours du premier mois de vie après une sortie précoce
(au cours 72 premières heures en cas de naissance par voie basse, ou au cours des 96 premières heures
en cas de césarienne)
La 2e visite est systématique et planifiée selon l’appréciation du professionnel référent en charge du suivi (de même pour
la 3e visite qui est recommandée, voire pour des visites supplémentaires en fonction des éléments médicaux à surveiller
et/ou des besoins ressentis par la mère et/ou le couple).
En cas de césarienne, la sortie précoce a lieu au cours des 96 premières heures.

1re visite planifiée dans les 24 heures après la sortie


Sortie précoce

24H 48H 72H 96H 120H J6 J7 J8 J9 J10 J11 J28

Examen
Naissance du nouveau-né
par voie basse

: Examens pédiatriques réalisés en maternité


(dans les 2 heures suivant la naissance, puis jour de la sortie)

HAS / Service des bonnes pratiques proféssionnelles / Mars 2014


© Haute Autorité de santé - 2014

20
Chapitre 2 • Sorties de maternité pour les couples mère/enfant à bas risque médical

Modalités de prise en charge doit avoir lieu dans les 24 h suivant la sortie,
des mères et des nouveau-nés la deuxième 24 à 48 h plus tard, selon les
besoins de la mère et/ou de son bébé. Elles
après leur sortie de maternité sont prises en charge à 100 % par l’Assurance
Dans tous les cas, que la sortie soit « stan- maladie.
dard » ou précoce, un examen pédiatrique est Les critères d’éligibilité pour le suivi dans
recommandé entre le 6e et le 10e jour de vie le cadre du PRADO sont les suivants :
(fig. 2.3 et 2.4). • mère âgée de plus de 18 ans ;
Cet examen doit, dans la mesure du pos- • accouchement par voie basse sans
sible, être réalisé par un pédiatre ou par un complication ;
médecin généraliste ayant une connaissance
• enfant unique ;
des pathologies néonatales. Si le premier cer-
tificat de santé « à établir obligatoirement dans • nouveau-né à terme dont le poids est en
les 8 premiers jours de vie » n’a pas été rempli rapport avec l’âge gestationnel.
à la maternité, il sera rempli lors de cette visite.
Ce certificat de santé ne peut être rempli Hospitalisation à domicile (HAD)
que par un médecin. L’HAD est montée en puissance après
La consultation pédiatrique réalisée pour la publication des recommandations de
les nouveau-nés après sortie de maternité l’ANAES en 2004 pour l’accompagnement
(avant J28) a été valorisée par l’Assurance des sorties précoces de maternité. Elle n’a
maladie  : il s’agit d’une consultation com- plus aujourd’hui sa place dans le suivi des
plexe cotée CSM (Consultation de sortie de couples mère/enfant à bas risque.
maternité), témoignant de la reconnaissance
de l’expertise pédiatrique pour cet acte. Cet
acte ne peut être coté qu’une seule fois. Conclusion
Le médecin qui voit le nouveau-né pour
le remplissage du premier certificat de santé Qu’il s’agisse d’une sortie de maternité
pourra coter COE (Consultation obligatoire de précoce ou standard, les objectifs de tous
l’enfant). les professionnels médicaux et paramédicaux
sont d’accompagner les parents et leur enfant
PRADO en leur faisant courir le moins de risque pos-
sible et en aidant à la mise en place d’inte-
Depuis le 1er  mars  2019, avec le redé- ractions de qualité.
ploiement par l’assurance maladie des vingt Cependant, pour le nouveau-né, la défi-
examens dits «  obligatoires  » du nourrison, nition du « bas risque médical » reste hypo-
l’examen de la 2e semaine de vie est devenu thétique. Si le risque principal encouru est
le 2e examen médical obligatoire (après l’exa- représenté par l’ictère (notamment en cas de
men des huit jours suivant la naissance) et sortie précoce), d’autres pathologies peuvent
est pris en charge à 100 % être dépistées après la sortie.
Le PRADO [16] est le mode d’accompagne- Une organisation rigoureuse en maternité
ment pour le retour à domicile mis en place et un bon réseau d’aval sont indispensables
par la Caisse d’Assurance maladie [14]. Expé- pour l’organisation d’un bon retour à domicile
rimenté en 2008 par la CPAM du Var, le PRADO de la mère avec son nouveau-né.
a été déployé progressivement dans d’autres Les réseaux de périnatalité existants,
départements puis en 2012 sur une grande les différents modes d’accompagnements
majorité du territoire français. des parents à domicile, la reconnaissance
Cette offre d’accompagnement du retour de l’importance d’un suivi pédiatrique sont
à domicile des mères et de leur nouveau-né autant d’éléments encourageants pour des
consiste en la rencontre à la maternité, de la sorties précoces de maternité mieux maîtri-
mère et d’un(e) conseiller(ère) de l’Assurance sées et pour un mieux « être » des mamans et
maladie qui lui propose la visite d’une sage- un mieux « naître » des nouveau-nés.
femme libérale dès son retour à domicile. La Se rendre disponible pour la réalisation
sage-femme est choisie dans une liste donnée de ces consultations de sorties de mater-
par le conseiller (il ne s’agit pas toujours de nité constitue un nouveau challenge pour la
celle choisie pour le suivi prénatal). pédiatrie ambulatoire. Ces consultations très
Deux visites sont prévues entre la date importantes permettent au nouveau-né d’en-
de sortie de la maternité et J7. La première trer dans son parcours de soins pédiatriques,

21
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

l’enfant ayant droit à son médecin traitant dès [9] Cortey A, et al. Ictère à bilirubine non conju-
la naissance. guée du nouveau-né de 35 semaines et plus : du
dépistage au suivi après sortie de la maternité.
Recommandations pour la pratique clinique. Arch.
Références Pediatr 2017 ; 24 : 192-203.
[10] American Academy of Pediatrics Subcommitte
[1] Sortie de maternité après accouchement  :
on Hyperbilirubinemia. Management of hyperbiliru-
conditions et organisation du retour à domicile
binemia in the newborn infant 35 or more weeks of
des mères et de leurs nouveau-nés, HAS, Recom-
gestation. Pediatrics 2004, 114 : 1138
mandation de bonne pratique, mars 2014.
[11] ANAES : Recommandations pour la pratique
[2] Blondel B, Kermarrec  M. Enquête nationale
clinique. Sortie précoce après accouchement
périnatale 2010  : Les naissances en 2010 et
–  Conditions pour proposer un retour précoce à
leur évolution depuis 2003. Unité de recherche
domicile, mai 2004.
épidémiologique en santé périnatale et santé
des femmes et des enfants. INSERM –  U 953, [12] Andrew K Ewer, et al. Pulse oximetry scree-
mai 2011. ning for congenital heat defects in newborn infants
[3] Enquête nationale périnatale 2016, rapport (pulseOx) : a test accuracy study. Lancet 2011 ;
2016  : Les naissances et les établissements. 378 : 785-94.
Situation et évolution depuis 2010. [13] Kemper AR, et al. Strategies for implemen-
[4] OCDE (2019). Durée de séjour à l’hôpital (indi- ting screening for critical congenital heat disease.
cateur), doi : 10.1787/21a7ca2b-fr 4. Pediatrics 2011 ; 128 : 1259-1267.
[5] Enquête CIANE réalisée sur 5 417 naissances, [14] Bhutani  VK, Johnson  L, Sivieri  EM. Predic-
novembre 2012. tive ability of a predischarge hour-specific serum
[6] Hascoët JM, Vert P. Sortie de maternité et retour bilirubin for subsequent significant hyperbilirubi-
à domicile du nouveau-né. Paris  : Éd. Masson, nemia in healthy term and near-term newborns.
2010, 264 p. Pediatrics 1999, 103 : 6-14.
[7] Caron FM. Problématiques cliniques des sorties [15] Commission nationale de la naissance et de
précoces de maternité. 11e°Journées d’automne la santé de l’enfant. Organisation de la continuité
de périnatalogie. Marseille, décembre 2013. des soins après la sortie de maternité (post-partum
[8] Société française de néonatologie : Prise en physiologique hors sortie précoce). Document de
charge du nouveau-né à risque d’infection néona- travail, juin 2013.
tale bactérienne précoce (≥ 34 SA). Société fran- [16] Prado  : l’accompagnement des mamans.
çaise de Pédiatrie. 1-25 www.ameli.fr

22
CHAPITRE 3

Conduite de la consultation
autour de l’allaitement maternel
Nathalie Gelbert

deux tiers des nourrissons sont allaités à la


Points essentiels sortie de la maternité.
➜ La gestion d’un allaitement n’est pas Si, pour beaucoup de mères, allaiter est
forcément «innée» et les discours des épanouissant et « naturel », pour d’autres avoir
professionnels ou de l’entourage sont les « bons gestes » – comprendre les signaux
souvent discordants. envoyés par le bébé, supporter ses cris, surmon-
ter les périodes de découragement – demeure
➜ Le pédiatre doit connaître les prin- difficile et nécessite un accompagnement
cipaux repères permettant d’évaluer si rapproché.
la tétée est nutritive et le transfert de En première ligne à la maternité et au
lait suffisant afin d’aider efficacement cabinet, le médecin, malgré une formation ini-
les parents. tiale plus qu’insuffisante, doit être capable de
➜ L’allaitement «à l’éveil» des pre- répondre aux interrogations des parents pour
mières semaines justifie la proximité éviter les difficultés et les sevrages précoces.
constante de la mère et de l’enfant. Par Tout échec dans leur projet d’allaitement reste
la suite l’allaitement «à la convenance» perçu douloureusement par ces mamans sou-
tient compte de la juste adaptation des vent très impliquées.
besoins de l’enfant et des contraintes de Depuis plusieurs années, des travaux de
la mère tout en veillant bien entendu à recherche, majoritairement anglo-saxons, ont
ce que le bébé suive la courbe de poids facilité la compréhension des bases physio-
attendue pour son âge. logiques et anatomiques de l’allaitement et
➜ L’observation d’une tétée peut être
permis une meilleure harmonisation de l’en-
nécessaire en cas de difficultés.
seignement et du discours des professionnels.

➜ Peu de pathologies ou de traitements


justifient l’arrêt définitif de l’allaitement. I• Quelques chiffres
Il est possible de se référer au site fran-
cophone du CRAT1. En France, le taux d’allaitement en mater-
➜ Les courbes de croissance les nité a beaucoup progressé, passant de 37 %
mieux adaptées au suivi d’un enfant en 1972 à 53 % en 1998 et 60 % en 2010
allaité en France sont celles de l’OMS pour ce qui concerne l’allaitement exclusif.
et depuis 2018 les courbes françaises D’après l’étude Épifane en 2010, 54 %
AFPA-CRESS/INSERM-Compugroup. des nourrissons étaient toujours allaités au
bout d’un mois mais seulement 35 % de façon
exclusive [1]. Quant à la durée de l’allaitement
Les consultations orientées en allaitement prédominant, qu’il soit exclusif ou non, malgré
sont pour le pédiatre et le médecin des consul- les efforts du PNNS2, elle était de 7 semaines
tations de pratique courante puisque plus des dans l’étude ELFE de 2011 [2]. En 2013, la
part des nourrissons allaités à la naissance

1. Centre de référence sur les agents tératogènes. 2. Plan national nutrition santé.

23
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

s’élevait à 66 %. Elle n’était plus que de 40 % à lactogenèse est réduit et la production lactée
11 semaines, 30 % à 4 mois et 18 % à 6 mois3. peut être supérieure de 130 % chez les mères
Si la pratique de l’allaitement a beaucoup qui expriment leur colostrum dans l’heure qui
progressé depuis les années 90, les taux d’al- suit la naissance de leur bébé. L’OMS [5],
laitement sont de nouveau à la baisse avec l’AAP (AAP’s Model Hospital Breastfeeding
un taux de 52 % en 20164. Policy for Newborns) [6] et l’ABM (Academy
À l’étranger, le taux d’allaitement à la of Breastfeeding Medicine) ont reconnu cette
naissance atteint 98 % en Norvège et 46 % méthode comme étant efficace, confortable, et
des enfants sont encore allaités à 12 mois. non médicalisée [7].
L’allaitement à l’âge de 4 mois est maintenu Par la suite, une succion de qualité et des
dans 65 % des cas en Suède et en Suisse, tétées fréquentes préviennent l’engorgement
34 % au Canada et 27 % au Royaume-Uni. lors de la montée de lait et permettent la
La France a donc un retard conséquent mise en place de la régulation de la lactation.
à combler. Sans une véritable volonté poli- Cette période, souvent appelée la « java  du
tique de prise de conscience des bénéfices troisième jour », est à connaître pour ne pas
de l’allaitement en termes de santé et même l’interpréter comme une insuffisance de lait.
d’économie pour la société, sans une véritable Au 4e  jour, le bébé tète 8 à 12  fois par
promotion de l’allaitement comme au travers 24 h en moyenne et souvent de façon plus
de l’Initiative hôpital amis des bébés (IHAB), rapprochée en fin de journée.
sans propositions pour une adaptation res- C’est « l’allaitement à l’éveil » qui néces-
ponsable du travail de la mère, il est probable site l’accès libre au sein sans aucun intervalle
que ces statistiques dommageables pour la horaire obligatoire et une proximité mère/
santé de l’enfant n’évolueront pas. enfant 24 h sur 24.
Plus le bébé est calme, mieux il ouvre la
II• Allaitement pendant bouche et saisit largement le sein. La mère ne
doit donc pas attendre qu’il pleure beaucoup
la première semaine ou qu’il soit trop énervé.

Mise en route de la lactation Signes d’éveil


[3, 4]
• Petits mouvements, bruits de succion.
Le premier jour, après la « tétée de bienve- • Mouvements des mains vers la bouche.
nue », le bébé dort souvent longtemps, alter-
nant sommeil profond et léger, et réclame très • Ouverture des yeux, petits grognements.
peu à manger. La mère profite des phases de • Réflexe de fouissement : dans les bras de sa
sommeil léger pour l’allaiter dès les signes mère, le bébé recherche le sein et s’oriente
d’éveil et sans attendre les pleurs. Les 24 vers lui.
à 48 h suivantes, les tétées deviennent plus Durant les premières semaines d’allaite-
fréquentes et restent souvent courtes. Le nou- ment, pour bien favoriser la mise en route de
veau-né commence son apprentissage de la la lactation, il est nécessaire que les alvéoles
succion sur des seins encore assez souples. soient régulièrement vidées. Il est donc pré-
Si pour quelque raison que ce soit, le bébé férable d’attendre que le bébé lâche le sein
n’a pas été en mesure de téter dès sa nais- ou tète de façon inefficace pour lui proposer
sance, il est bon de suggérer à la mère d’ex- le second sein.
primer son colostrum à la main précocement.
À ce stade de la lactation, l’introduction
En effet, les risques sont fréquents en raison
d’un biberon doit rester une prescription médi-
d’une production insuffisante de lait et d’un
cale adaptée à chaque « couple mère/enfant »
transfert suboptimal. Ni le « peau à peau » ni
et en fonction des pathologies éventuelles.
l’allaitement sans restriction ne réduisent ces
En effet, pour certains bébés, l’introduction
deux problèmes. Le recueil précoce de colos-
trop précoce d’une tétine de biberon ou d’une
trum peut alors être proposé. Le délai de la
sucette peut désorganiser la succion (lèvres
pincées, langue repoussée en arrière des
3. Direction de la recherche, des études, de l’évalua-
arcades gingivales).
tion et des statistiques. Le sevrage précoce est statistiquement
4. Direction de la recherche, des études, de l’évalua- 2 fois plus fréquent chez les bébés soumis
tion et des statistiques. à la succion d’une tétine ou d’une sucette.

24
Chapitre 3 • Conduite de la consultation autour de l’allaitement maternel

Ces sevrages précoces sont également pas encore très bien sa tête, la « berceuse
imputables à une préférence de débit. Il est modifiée » ou « madone inversée » (la nuque
donc judicieux d’aider la mère à observer du bébé est soutenue par la main de la
si son enfant reçoit suffisamment de lait mère) est plus adaptée que la « berceuse
pour éventuellement l’aider à surstimuler sa classique » (la tête du bébé repose dans le
lactation. creux du coude de la maman). Cette position
devrait être systématiquement proposée en
Bonnes positions au sein [3, 4] maternité.

Position du bébé
Allongée
Le bébé ne doit pas avoir besoin de tourner
la tête pour téter. Sa bouche doit être dans Allongée sur le côté, la mère donne le sein
l’axe du mamelon. Bien positionné dans les au bébé allongé sur le côté, face à elle, la
bras de sa mère, son oreille, son épaule et bouche au niveau de son mamelon.
sa hanche sont bien alignées.
La tête est légèrement inclinée vers
l’arrière.
Assise avec le bébé en
Le mamelon doit être placé le plus rapide- « ballon de rugby »
ment possible dans la bouche du bébé. Il ne
doit ni le mordiller ni l’aspirer. Le visage face à sa mère et la nuque dans
Pour l’aider à mieux ouvrir la bouche, il est le creux de sa main, le bébé est positionné sur
possible d’effleurer sa lèvre supérieure avec le le flanc de la maman. Cette position est bien
mamelon une ou plusieurs fois de suite. Il est adaptée pour les jumeaux qui peuvent être
aussi possible d’exprimer quelques gouttes allaités en même temps, et pour les femmes
de lait. aux seins volumineux, en cas de crevasses
La bouche est alors grande ouverte, les ou de césarienne.
lèvres retroussées sur l’alvéole avec une prise
en bouche asymétrique (aréole plus visible Assise avec le bébé à califourchon
au-dessus de la bouche qu’en dessous). La
langue est en « gouttière » sous le mamelon. Le bébé est à la verticale, à califourchon
Le nez est dégagé, le menton est « dans sur une cuisse de sa mère, qui lui tient le dos
le sein ». et la tête. Cette position est pratique chez le
À la fin de la tétée, le mamelon peut être nourrisson régurgiteur. On attendra cependant
étiré par la succion mais ne doit pas être que l’enfant ait une quinzaine de jours pour
déformé. pratiquer cette position pour ne pas le fatiguer
inutilement.
Positions de la mère
Une position unique ne convient pas à Positions stimulant l’expression
toutes les mères. Chaque mère utilise la des réflexes facilitant l’allaitement
position qui lui semble la plus confortable et ou Biological Nurturing (BN) [8,9]
la position spontanément choisie ne sera pas
forcément la même pour toutes les tétées. Le Docteur Suzanne Colson insiste sur
La réaction d’éjection du lait s’en trouve une position semi-inclinée vers l’arrière de la
favorisée et l’allaitement est beaucoup plus mère, l’enfant étant couché sur elle, bien en
serein. Des vidéos montrant les différentes contact avec son corps. Cette position donne
positions pour allaiter sont disponibles sur plus de liberté au bébé pour bouger. La mère
le site « mpedia.fr ». peut avoir les mains libres pour caresser les
pieds du bébé et soutenir son sein. Le bébé
Assise en position classique dite
peut être positionné longitudinalement ou par-
de la « madone » ou du « berceau » fois transversalement (en cas de césarienne
Installée dans un siège confortable avec par exemple pour ne pas appuyer sur la cica-
accoudoirs, la mère tient le bébé contre elle, trice). Dans cette position, sous l’œil vigilant
fesses et tête soutenues mais non por- de la maman les bébés utilisent des réflexes
tées. Un coussin d’allaitement peut aider archaïques antigravité pour localiser le sein,
à rendre la position plus agréable. Les pre- et n’ont pas besoin d’être soutenus au niveau
mières semaines, lorsque le bébé ne tient du dos pour le prendre.

25
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

Principaux repères – absence de reprise du poids de naissance


à 14 jours ;
des premiers jours [10]
• les selles :
Pour que le transfert de lait soit suffisant, – persistance de selles méconiales au-delà
la tétée doit être nutritive avec une succion effi- du 4e jour,
cace [3, 4]. On évalue le transfert de lait grâce – moins de 3 selles/jour (critère valide le
à des repères chez l’enfant et chez la mère. 1er mois) ;
• les mictions : moins de 6 couches mouillées
Tétées nutritives par jour après le 4e jour ;
Principaux repères d’une succion • le comportement  : irritabilité, agitation,
nutritive chez l’enfant tétées trop nombreuses ou trop rares,
absence de tétée de nuit les premières
• Séquences « succion ample/déglutition » semaines ou, au contraire, somnolence.
entrecoupées de pauses courtes pendant Les signes d’alerte chez la maman sont
lesquelles le bébé ne lâche pas le sein. les suivants :
• Rythme rapide au début de la tétée puis • douleur au niveau du mamelon ;
plus lent et régulier avec déglutitions moins • engorgement du sein persistant après la
fréquentes et pauses plus longues. tétée.
• Déglutition souvent audible (mais pas Si l’un de ces signes est présent, l’allai-
toujours). tement peut être en difficulté et nécessiter
• Mouvements repérables du menton s’abais- un accompagnement spécifique pendant le
sant puis remontant avant la déglutition séjour en maternité et les premières semaines
(souvent diffusés jusqu’à l’oreille). de vie. Le nombre de tétées n’est donc pas le
• Joues rondes non creusées à l’aspiration. seul critère significatif. La succion et le trans-
• Bouche pleine de lait. fert du lait doivent être précisés.

Principaux repères d’une succion Autres conseils pratiques


nutritive chez la mère
Fréquence des tétées
• Aspiration du mamelon au fond de la bouche
Il n’y a pas de fréquence idéale lors de la
du bébé, puissante mais indolore (tout au
mise en route de l’allaitement. Certains bébés
plus « picotement » lors de la montée de lait).
vont boire 6 fois, d’autres 8, 10, 12 fois…
• Sensation de soif. Un enfant ne pleure pas toujours parce
• Écoulement possible du sein controlatéral. qu’il a faim. Il a aussi besoin de la proximité
• Somnolence après la tétée (sécrétion et de la sécurité que sa mère lui procure et
d’endorphines). le sein l’apaise souvent.
• En fin de tétée, sein souple et mamelon étiré C’est un point important à expliquer aux
(mais non déformé). parents.
Tous ces signes ne sont pas obligatoire-
ment tous présents. Très différemment res- Durée des tétées
sentis d’une mère à l’autre, ils ont tendance Il est souvent impossible de donner un
à s’estomper avec le temps, sans que pour temps précis.
autant la mère ait moins de lait. La durée de la tétée dépend du débit de
lait (dépendant de la physiologie de la mère).
Transfert de lait insuffisant Si l’éjection du lait est souvent immédiate,
[11, 12] parfois elle est retardée et le bébé peut téter
plusieurs minutes sans rien boire.
Il y a plusieurs signes d’alerte chez le La durée de la tétée dépend aussi surtout
bébé : de la qualité de succion de l’enfant et de la
• le poids : capacité de stockage des seins de sa mère.
– perte de poids supérieure à 7 % les pre- Certains enfants très goulus tètent en
miers jours de vie, 5 min, d’autres en 30 à 40 min. Il vaut mieux
– perte de poids persistante après le 3e jour, éviter de donner trop de normes aux parents
– absence de reprise pondérale à partir du et laisser téter l’enfant jusqu’à ce qu’il soit
5e jour, rassasié.

26
Chapitre 3 • Conduite de la consultation autour de l’allaitement maternel

Le temps passé au sein ne reflète pas En cas de sortie précoce de la maternité,


toujours le temps du « repas » effectif. Le cri- alors que la maman n’a pas encore eu la mon-
tère principal est de reconnaître les succions tée de lait, il est nécessaire de s’assurer que
nutritives de celles qui ne le sont pas, comme tout se passe bien (succion, transfert de lait
il a été vu plus haut. et prise de poids) 48 h après la sortie puis
Toutefois, Kent en 2013 a démontré que tous les 3 jours jusqu’à la reprise du poids
le nombre moyen des tétées se situait entre de naissance.
4 et 13/24 h et que la durée moyenne d’une Les puéricultrices de PMI, les sages-
tétée allait de 12 à 67 min [13, 14]. femmes à domicile sont une aide précieuse
Au fur et à mesure de la tétée, les déglu- à proposer à ces familles en attendant la
titions sont plus espacées et de moins en consultation pédiatrique.
moins régulières, le bébé mâchouille le sein
ou s’endort.
Lorsque l’enfant grandit, la durée de
III• Consultation(s)
la tétée diminue car l’enfant tète plus au cours du premier mois
efficacement.
La durée minimale entre deux tétées enfin Allaitement pendant
peut être plus courte chez le bébé allaité que le premier mois
chez le bébé nourri au biberon car la vidange
gastrique est plus rapide. Une fois la lactation bien démarrée, les
seins deviennent plus souples mais les tétées
restent tout aussi efficaces.
Un sein ou les deux ? La quantité de lait produite dépend de la
La réponse n’est pas univoque car elle quantité bue par le bébé. Plus il boit, plus il
dépend de la capacité de stockage de la mère entretient la lactation. En cas d’engorgement
(difficile à apprécier au premier allaitement) et chronique, la production de lait baisse (régu-
de l’appétit de l’enfant. Tant que l’enfant tète lation autocrine).
efficacement, il est préférable qu’il reste sur le À la fin du premier mois, la quantité de lait
même sein. Lorsqu’il le lâche, qu’il s’endort, produite reste stable (831 mL pour les gar-
que la succion n’est plus nutritive, le sein çons, 755 mL pour les filles avec des écarts
controlatéral est proposé systématiquement : individuels allant de 478 à 1 356 mL) [13, 14].
l’enfant le tète ou non, en fonction de son
appétit. Repères pour des tétées nutritives
Plus les seins sont tendus, plus il est • Mictions (6 à 8 fois par jour).
important de les drainer souvent. • Selles molles ou liquides.
Les deux seins doivent être ainsi proposés • Prise de poids moyenne d’environ 200 g
à chaque tétée dans les premières semaines par semaine (minimum 190 g pour les filles
de vie, et le bébé « dispose » de l’allaitement. et 230 g pour les garçons – OMS 2006).

Il n’est pas justifié d’imposer à un nour-


À la sortie de la maternité risson sans difficultés des pesées en sup-
L’équipe de la maternité organise avec plément de l’habituel parcours de sortie de
les parents et le réseau de ville une prise maternité (HAS) réalisé par un médecin, une
en charge plus ou moins rapprochée selon puéricultrice ou une sage-femme.
l’état clinique du bébé, la mise en route de La pratique des pesées avant et après
l’allaitement. En l’absence de difficulté par- la tétée doit également être abandonnée car
ticulière, l’enfant peut être pesé à domicile inutile et stressante.
tous les 3 ou 4 jours par la puéricultrice de
PMI ou la sage-femme jusqu’à la reprise de Déroulement de la consultation
son poids de naissance et l’obtention d’une
courbe ascendante. Date
La consultation de la seconde semaine de Le plus souvent, l’utilité de la consulta-
vie, réalisée par un médecin ayant l’expérience tion est reconnue 8 à 10 jours après la sortie
des nouveau-nés, est vivement recommandée. de maternité. Outre le dépistage de diverses
Elle comporte un volet nutritionnel essentiel pathologies (infectieuses, cardiaques,  etc.),
dans le soutien à l’allaitement. elle permet de « récupérer » des allaitements

27
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

en difficulté, en grand risque de sevrage pré- • la prise d’un ou des deux seins lors de la
maturé, notamment chez les primo allaitantes. tétée ;
Les pédiatres de ville ont la responsabi- • l’existence de douleurs pendant la tétée et
lité d’anticiper les difficultés d’allaitement ou en dehors ;
de les gérer au mieux, ce qui présuppose de
• les connaissances des parents (critères de
laisser des créneaux disponibles dans les
succion nutritive et non nutritive, transfert
agendas pour recevoir ces nouveau-nés et
de lait suffisant) ;
leurs parents.
• le comportement global du bébé (cris, éveil)
Consultation en cours de tétée mais aussi en dehors ;
• les critères utilisés pour la mise au sein ;
Anamnèse et lecture du carnet
• l’existence de régurgitations ou de
de santé
vomissements ;
• Grossesse : prématurité, RCIU, grossesse • l’aspect des selles (couleur jaune d’or,
gémellaire. vertes) et leur nombre dans la journée.
• Accouchement (voie basse, césarienne,
Examen clinique
extraction, péridurale, liquide clair, teinté,
méconial, etc.). Il précise :
• Enfant : • le tonus et l’éveil du bébé ;
– poids de naissance, taille, Apgar, réani- • l’aspect harmonieux, l’état d’hydratation
mation, infection maternofœtale, ictère, cutané ;
traitements ; • le poids, la taille et le périmètre crânien.
– poids le plus bas pendant le séjour en
maternité ;
– gain pondéral depuis le début de la reprise Principales situations cliniques
de poids. L’allaitement est efficace, le bébé
• Contexte maternel : maladie, chirurgie, trai- a repris du poids et les parents
tements, antécédents de chirurgie du sein,
tabagisme, contraception future, situation sont rassurés
familiale, sociale, psychologique (baby À ce stade, si tout va bien, il n’est pas
blues, dépression). Il faut savoir poser très indispensable d’observer une tétée.
simplement la question : « comment vous À l’issue de la consultation, les parents
sentez-vous ? ». doivent connaître [10] :
• les critères de succion efficace ;
Allaitement
• les critères d’un bon transfert de lait avec
L’interrogatoire est essentiel pour préciser tétées nutritives ;
la mise en route de l’allaitement, sa gestion
• les modifications physiologiques de l’allaite-
actuelle et les difficultés rencontrées.
ment : tétées moins longues mais tout aussi
Mise en route efficaces les mois suivants avec écarts indi-
• Comment s’est déroulée la première tétée ? viduels importants ;
Y a-t-il eu « peau à peau » en salle d’accouche- • les différentes possibilités d’extraction
ment ? Le bébé a-t-il eu des soins invasifs ? de lait en cas d’engorgement, notamment
• Quelle a été la date de survenue et l’inten- manuelle, plus facile et recommandée par
sité de la montée de lait ? l’Initiative hôpital ami des bébés (IHAB)5.
• Y a-t-il eu des difficultés particulières (cre- Il est également important que le médecin
vasses, douleurs ayant nécessité l’utilisa- explique que :
tion de bouts de seins, engorgement) ? • la production de lait s’ajuste à la consom-
• Des compléments de lait maternel ou indus- mation du bébé ;
triel ont-ils été donnés à la maternité ? • au cours des six premières semaines notam-
ment, l’utilisation de biberons, la restriction
Gestion actuelle de l’allaitement
du nombre ou de la durée des tétées risquent
Il est important de faire préciser : d’induire une lactation insuffisante ;
• les tétées : leur nombre (6-8 à 10 en géné-
ral), leur fréquence, leur durée ; 5. Vidéo disponible sur : mpedia.fr

28
Chapitre 3 • Conduite de la consultation autour de l’allaitement maternel

• le recours aux bouts de sein en silicone est que des allaitements pourront être « sauvés ».
susceptible d’induire une hypolactation et Les « consultations téléphoniques » sont aléa-
des épisodes d’engorgement ; toires et il est préférable de ne pas se fier à
• peu de maladies ou thérapeutiques justifient la profession des parents, fût-elle médicale,
un arrêt brutal de l’allaitement. pas plus qu’aux expériences précédentes d’al-
Il est essentiel enfin de connaître le projet laitement : les primipares manquent d’expé-
d’allaitement du couple, ainsi que l’implica- rience et appellent rapidement. A contrario,
tion, ou tout au moins le soutien, du père qui les mamans qui ont déjà allaité sont parfois
a parfois des difficultés à trouver sa place trop confiantes et peu conscientes de l’état
entre la mère et son bébé. général de leur bébé.
Si le projet des parents est de continuer En cas d’indisponibilité du pédiatre, les
l’allaitement, il est utile de leur rappeler que parents doivent être orientés vers un profes-
de nombreuses femmes continuent à allaiter sionnel référent (consultant en lactation certi-
en travaillant. fié IBCLC6, sage-femme, DIULHAM7, PMI, etc.)
Sans être culpabilisant et en respectant pour éviter qu’ils ne se découragent et optent
les choix des parents, il faut rappeler com- pour un sevrage prématuré.
bien le regard de notre société, en France, Quel que soit le problème, il est impor-
est décalé par rapport à l’allaitement et faire tant de soutenir, d’écouter, d’aider les parents,
part des recommandations internationales de de leur proposer des solutions mais toujours
l’OMS et de l’Unicef [15] sur l’intérêt d’allaiter dans le respect de leur choix car l’allaitement
de façon exclusive les 5-6 premiers mois, ainsi ne doit être vécu ni comme une contrainte
que sur les bénéfices de l’allaitement jusqu’à ni comme un devoir. Trop souvent encore un
2 ans voire au-delà (avec diversification paral- échec de projet d’allaitement est source de
lèle). Rappeler les bénéfices de l’allaitement perte de confiance en soi ou de dévalorisation
exclusif pendant 3 mois peut être utile : réduc- (« je suis une mauvaise mère parce que je ne
tion de la fréquence et la gravité des infections veux ou je ne peux pas allaiter »). Le médecin
(2 fois moins de bronchiolites, 3 fois moins doit essayer de trouver des solutions et désa-
d’otites et 10 fois moins de gastroentérites), morcer ces situations douloureuses [18, 19].
diminution des risques d’allergie, en particu-
lier à point de départ alimentaire, de l’obésité, Douleur mamelonnaire [4, 18, 19]
et prévention des problèmes orthodontiques
La question « avez-vous mal aux seins pen-
(développement plus harmonieux des struc-
dant ou en dehors des tétées ? » doit toujours
tures osseuses de la bouche, du palais et
être posée car certaines femmes considèrent
des fosses nasales) [16].
qu’il est normal d’avoir mal en allaitant et ne
Le pédiatre peut conclure en indiquant aux
l’évoqueront pas spontanément. Or, s’il est
parents les noms de personnes-ressources
acceptable que les mamelons soient sen-
susceptibles de les aider en son absence
(consultants en lactation locaux, associa- sibles les premiers jours de l’allaitement, au
tions : Lactécoute, Leche League, etc.) et/ou bout de 10 jours d’allaitement, en revanche,
en leur remettant le « guide de l’allaitement » il n’est pas normal d’avoir les mamelons tou-
de l’INPES [17]. jours aussi sensibles, voire douloureux.
Pour les consultations ultérieures, le suivi Examen des seins
des courbes de poids, de taille et de PC, devrait
Il peut mettre en évidence une rougeur, une
idéalement se faire sur les nouvelles courbes
crevasse, un engorgement, une mastite ou une
françaises AFPA-CRESS/Inserm-Compugroup
tuméfaction. La forme et la position d’une cre-
(en ligne sur le site AFPA. org).
vasse peuvent permettre de savoir dans quelle
position l’enfant tète et quel type de frottement
Difficultés repérées
anormal s’est produit (une érosion du bout du
Les difficultés peuvent être évoquées à mamelon indique qu’il frotte trop sur le palais
la visite du 1er mois mais être aussi le motif ou la langue du bébé, une crevasse en forme
d’une consultation réclamée en urgence. Il est de croissant à la jonction mamelon/aréole
important que le pédiatre réponde rapidement correspond à une pression trop importante de
à la demande des parents, même s’il s’agit
de consultations souvent longues ou en deux 6. International Board of Lactation Consultant Examiners.
temps (rapide le jour même, plus longue le 7. Diplôme interuniversitaire « Lactation humaine et
lendemain ou surlendemain). C’est à ce prix allaitement maternel ».

29
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

la gencive supérieure, probablement due à la • assouplir les seins avant la tétée avec une
position trop basse du bébé). douche, un bain chaud ou un massage
aréolaire ;
Observation d’une tétée
• en dehors des tétées, appliquer de la glace
Elle est absolument nécessaire avant d’al-
(dans un gant de toilette) ou des pochettes
ler plus loin dans les conseils pour connaître
ou compresses « chaud/froid » ;
le comportement de la mère, sa pratique
et évaluer l’efficacité du transfert de lait, la • faire des drainages lymphatiques ;
qualité de la succion, l’aspect du mamelon • éviter les soutiens-gorge trop serrés et lais-
en fin de tétée (étirement ou compression ser les seins à l’air libre.
asymétrique). Les coquilles d’allaitement favorisent la
Les érosions et les crevasses sont essen- macération en stimulant la lactation du fait de
tiellement provoquées par une mauvaise posi- la pression permanente sur le sein.
tion du bébé ou une prise du sein incorrecte. La mastite est une inflammation du sein.
Une mauvaise position de l’enfant qui tire Le sein est rouge, douloureux sur une zone
sur le mamelon, une bouche insuffisamment plus ou moins étendue. Il existe une fièvre par-
ouverte, un frein de langue court peuvent fois importante avec frissons et sensation de
empêcher le bébé de positionner correcte- malaise. Les tétées fréquentes doivent débu-
ment sa langue en gouttière sous le mame- ter par le côté atteint en faisant en sorte, si
lon qui est étiré ou pincé avec douleurs à la possible, que le menton du bébé soit placé sur
succion et apparition fréquente de crevasses. la zone douloureuse. Cela permet un meilleur
Une bonne position, une simple pression drainage dans le cadran situé en regard du
sur le menton pour ouvrir la bouche, la section menton du bébé. Des antipyrétiques et des
d’un frein court permettent souvent de rendre antalgiques sont nécessaires en l’absence
la tétée indolore. La persistance de douleurs d’amélioration dans les 24 h. Une antibiothé-
après correction de la position et de la succion rapie, compatible avec la poursuite de l’allaite-
doit faire envisager la possibilité d’une infec- ment, est généralement prescrite en raison du
tion (mycose ou infection à staphylocoque, le risque de surinfection, voire d’abcès.
plus souvent8). Le canal lactifère bouché : en cas de canal
Pendant l’observation de la tétée, le lactifère bouché (mamelon douloureux avec
pédiatre conseille oralement les parents petit bouchon blanc et dur à l’extrémité d’un
mais évite de corriger une position avec les des pores), si la multiplication des tétées est
mains. Les angles de vue sont différents  : insuffisante, un massage spécifique avec un
la mère est capable d’apprécier la prise du corps gras ou une aspiration à la seringue
mamelon, la position du ventre du bébé sur réalisés par un professionnel de l’allaitement
le sien, la flexion ou l’extension de la tête peuvent permettre l’extraction d’un bouchon
mais beaucoup moins la tenue du cou. Le parfois long de plusieurs centimètres. La pré-
père évalue mieux l’alignement du rachis et la vention de l’obstruction d’un canal lactifère
position des lèvres sur le mamelon. Tous deux passe par l’élimination des points de compres-
doivent s’approprier les conseils et écouter sion du sein (armature du soutien-gorge, doigt
leurs sensations. positionné toujours au même endroit pendant
Problèmes la tétée, décubitus ventral) [4, 18, 19, 20].
L’engorgement physiologique de la pre- Insuffisance de prise de poids
mière semaine peut évoluer vers un engorge-
ment pathologique. Le sein est chaud, gonflé, La prise de poids moyenne est d’environ
dur et douloureux. Le mamelon est aplati, et 200  g/semaine les premiers mois (courbes
la prise du sein devient plus difficile. OMS). Les courbes françaises AFPA-CRESS/
Quelques conseils : Inserm-Compugroup débutent à partir de 1 mois.
• allaiter plus souvent (10 à 12  fois/jour y La prise de poids est parfois insuffi-
compris la nuit) en commençant par le sein sante. Il est impératif de vérifier l’absence
le plus engorgé ; d’anomalie clinique (infection, cardiopathie,
anémie, etc.) avant de conclure à la respon-
8. La douleur, type de brûlure, est alors présente pen- sabilité de l’allaitement et de se concentrer
dant et entre les tétées. Un prurit est possible. Le sur la gestion de l’allaitement en réévaluant
mamelon est rouge avec dépôts blanchâtres ou lisse les signes d’efficacité de la tétée et de bon
et luisant avec ou sans crevasses, parfois il est normal. transfert du lait.

30
Chapitre 3 • Conduite de la consultation autour de l’allaitement maternel

Une non-reprise du poids de naissance à nécessité d’au moins 6 extractions au tire-lait


J10 impose d’éliminer un problème médical et par jour, pour favoriser la lactation et nourrir
de refaire le point sur la lactation avec un spé- l’enfant. Par la suite, les compléments pourront
cialiste pour stimuler la lactation [18, 19, 20]. être progressivement diminués puis supprimés
Une non-reprise du poids de naissance à avec l’augmentation de la lactation. Mettre en
J21 nécessite d’éliminer un problème médical place des compléments lactés après les tétées
puis : si l’enfant est trop épuisé pour téter efficace-
• si la courbe est ascendante et la prise de ment ou si le lait tiré ne suffit pas.
poids >  20  g/jour, stimuler la lactation et Les compléments sont généralement
surveiller le poids 2 fois par semaine ; donnés au biberon. Il est possible d’utiliser
• si la prise de poids <  20  g/jour, les com- (transitoirement) la tasse ou le gobelet, le
pléments peuvent être indiqués ainsi que biberon-tasse (biberon étroit, dont la tétine est
l’utilisation du tire-lait. remplacée par une cuillère souple perforée),
la seringue, le compte-gouttes ou la pipette
Il peut même arriver que le bébé soit
[18, 19]. Ces différentes possibilités ne sont
véritablement dénutri et déshydraté avec un
valables que pour de petites quantités de lait.
poids inférieur au poids de naissance. De
La décision de compléter avec du lait
façon étonnante, les parents sont rarement
industriel reste un acte médical à décider en
inquiets car leur enfant est peu demandeur :
partenariat avec la famille. Les compléments
« il est sage, il pleure peu, il tète bien, il dort
sont progressivement diminués puis suppri-
et fait même ses nuits ! ». Un enfant qui fait
més si la lactation repart.
ses nuits le premier mois doit être un appel
Le plus souvent il s’agit d’une mauvaise
à la vigilance pour le pédiatre. Il doit alors
gestion de l’allaitement, d’engorgement chro-
évaluer la qualité du transfert de lait.
nique, de tétées trop espacées. Des baisses
Une relance de la lactation et une surveil-
lance rapprochée tous les 2 ou 3 jours peuvent de la lactation peuvent aussi être contempo-
être commencées, sous réserve de la volonté raines de fatigue, de stress ou de maladie.
des parents de poursuivre l’allaitement. Les causes constitutionnelles d’insuf-
fisance de lactation sont exceptionnelles  :
Conseils pour la relance de la lactation anomalies anatomiques congénitales ou post-
• Revoir la position du bébé au sein et du chirurgies mammaires, déficit en prolactine,
sein en bouche. mauvaise expulsion placentaire, contraception
avant 6 semaines en post-partum [18].
• Proposer le deuxième sein systématiquement.
• Augmenter la fréquence des tétées. Réveiller Problèmes divers
le bébé toutes les 3 h la nuit et si possible Les gaz et les douleurs s’observent par-
toutes les 2 h le jour pendant plusieurs jours. fois lors de tétées trop courtes (lait riche en
• Faire une compression du sein tout le long sucres avec fermentation). Des selles vertes
de la tétée afin d’augmenter le transfert de peuvent mettre sur la voie du diagnostic.
lait et en fin de tétée si le sein ne semble Les ictères au lait de mère, souvent pro-
pas vide, bien le vider, si besoin au tire-lait. longés mais rarement intenses, ne justifient
• Pratiquer le « peau à peau », très stimulant jamais un sevrage. En revanche, ce dia-
pour le bébé par l’odeur du lait et la pos- gnostic doit impérativement reposer sur le
sibilité de prendre le sein à tout moment. dosage sanguin de la bilirubine libre avant la
4e semaine de vie.
• Extraire le lait plusieurs fois parfois avec un
D’autres difficultés sont largement décrites
tire-lait à double pompage pour compléter la
dans les recommandations ANAES [3], le
tétée et stimuler la lactation.
CD-Rom allaitement de l’AFPA [4] et le précis
• Se reposer. Savoir se faire aider, déléguer de pratique clinique allaitement maternel [20].
certaines tâches ménagères, prendre soin Différentes formations continues (DPC,
de soi… FAF, DIU, consultant en lactation IBCLC) per-
• Boire régulièrement, à sa soif, sans excès. mettent d’approfondir les connaissances et
Si des compléments s’avèrent indispen- d’améliorer les pratiques des professionnels.
sables en raison de l’hydratation et de l’épui- Le premier MOOC (Massive Online Open
sement du bébé, il est préférable de favoriser Course ou cours en ligne gratuit) [22] consa-
le lait maternel puis compléter en lait infan- cré à l’allaitement maternel, coordonné par
tile après les mises au sein. Insister sur la le lactarium de l’hôpital Necker, le GEN-IF et

31
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

le Réseau de santé périnatal parisien est dis- les plus proches de la réalité française et
ponible en ligne. peuvent servir de référence.
L’essentiel est que le praticien connaisse Elles figurent dans la version 2018 du car-
ses limites et n’hésite pas à confier les net de santé et sur le site AFPA.org.
familles en difficulté à des professionnels
référents en allaitement. Conseils pratiques
Il faut apprendre aux parents à respec-
IV• Allaitement après ter le plus possible le rythme de leur enfant.
Certains tètent 4 fois par jour, d’autres 6 à 8,
le premier mois sûrement pour des raisons de confort digestif
(ceux qui ont des régurgitations douloureuses
Les mois suivants, la durée des tétées fractionnent spontanément) ou des capacités
diminue souvent grâce à l’efficacité de la suc- de lactation maternelle.
cion du bébé et l’adaptation des régulations L’essentiel est de respecter l’ajustement
hormonales. mère/enfant en fonction des contraintes exté-
Le nombre de selles se ralentit fréquem- rieures (travail maternel, indisponibilité tempo-
ment, et ne constitue plus un critère de raire, repas familial). Le terme d’allaitement
surveillance du transfert de lait. Certains à la convenance ou à l’amiable est souvent
bébés allaités, après quelques semaines, employé pour faire comprendre aux parents
ont ainsi très peu de selles, une toutes les qu’une fois la lactation mise en route (après
semaines, voire plus rarement encore. Ces 6-8 semaines), les tétées peuvent s’adapter
bébés grossissent normalement, ont un bel aux besoins de l’enfant mais aussi de la mère.
appétit, aucun trouble de comportement et La reprise du travail n’est pas toujours
ne vomissent pas. Cet espacement rapide et incompatible avec la poursuite d’un allaitement
important des selles à la fin du premier mois exclusif si tel est le choix maternel. Des extrac-
s’explique par une absorption optimale du lait tions régulières pendant la journée de travail
maternel. Il ne s’agit pas de constipation. sont le plus souvent nécessaires. Entre deux
tétées éloignées, les seins sont stimulés par
expression manuelle ou à l’aide d’un tire-lait
Suivi staturo-pondéral
manuel ou semi-électrique. Le lait peut ainsi
Le suivi des courbes de poids, de taille et être recueilli pour nourrir l’enfant entre deux
de PC depuis 2005, se faisait sur les courbes tétées. Les jours de repos, le sein est proposé
élaborées par l’OMS [15]. plus fréquemment afin de relancer la lactation.
Sur les courbes OMS de nourrissons béné- Il est préférable de prévenir les parents que les
ficiant du seul lait maternel jusqu’à 2  ans bébés tètent souvent un peu plus la nuit à par-
associé à une diversification bien conduite tir du moment où la maman aura repris une
et un environnement sécure, l’accroissement activité (travail, études, etc.) qui implique une
pondéral est plus important les quatre pre- séparation.
miers mois de vie, puis ralentit nettement pour
se retrouver à 12 mois, inférieur à celui des Sevrage
enfants nourris au lait infantile. Les courbes Il survient au bout de quelques jours ou
de croissance staturale, en revanche, restent de plusieurs années, en fonction des cultures,
identiques pour les 2 groupes. du choix des parents, du soutien apporté aux
Cependant plusieurs pays, dont la France, mères, et de leur mode de vie.
ont constaté dans leur population un plus Le choix ou le projet de sevrage est souvent
faible gain pondéral les quatre premiers mois difficile pour les mères. Le pédiatre ou le méde-
de vie par rapport à celui des courbes OMS, cin doit les aider à anticiper et leur donner des
démontrant que ces dernières n’étaient pas informations concrètes. Le sevrage doit être
optimales pour le suivi de la croissance de progressif : une tétée est remplacée tous les 3
leur population. ou 4 jours par un biberon de lait tiré ou indus-
En conclusion, si les courbes de Sempé triel conseillé, en commençant par la tétée de
sont désormais trop anciennes (cohortes des milieu de journée. Les dernières tétées à sup-
années  70, nourris majoritairement au lait primer seront celles du soir et enfin du matin.
infantile), les courbes AFPA-CRESS/Inserm- Il n’existe pas de médicament pour le
Compugroup Medical 2018 sont actuellement sevrage.

32
Chapitre 3 • Conduite de la consultation autour de l’allaitement maternel

Indications médicales du sevrage l’accouchement), correspond au moment où


la lactation vient de s’établir correctement
Une interruption temporaire de l’allaite-
pour le grand plaisir de la mère. Elle impacte
ment est parfois nécessaire dans certaines
souvent le projet d’allaitement.
situations (anesthésie, examen irradiant…). Il
Plusieurs textes de loi existent en France
est alors indispensable d’extraire et de jeter
en faveur de l’allaitement maternel au travail.
le lait maternel pour éviter un engorgement,
Des articles très anciens du Code du travail
voire une mastite. La reprise de l’allaitement
ont été réaffirmés en 1973 par les articles
se fera en fonction de l’élimination du produit
L.  224-2, L.  224-3, L.  224-4 et complétés
ou de la durée d’exposition.
récemment par des décrets en Conseil d’État.
Peu de maladies ou de thérapeutiques
Il est permis « soit d’allaiter son enfant sur le
justifient un sevrage brutal définitif. Des
lieu de travail, soit de disposer d’une heure
informations fiables sont disponibles auprès
chaque jour travaillé pour allaiter un bébé de
du Centre de référence sur les agents térato-
moins d’un an ». En l’absence de convention
gènes (CRAT) pour éviter les sevrages injusti-
ou d’accord collectif, cette heure n’est pas
fiés [23, 24, 25].
rémunérée. Élaborées pour l’entreprise privée,
ces dispositions sont applicables aux institu-
Sevrages difficiles
tions publiques.
Parfois l’enfant refuse de prendre le bibe-
ron ou attend le retour de la mère malgré les Reprise du travail
nombreuses tentatives de tous les membres Cette reprise n’implique pas forcément
de la famille. un sevrage.
Le plus logique est de considérer que la De plus en plus de femmes continuent
prise du biberon est un apprentissage comme d’allaiter de retour au travail, leur enfant rece-
un autre et que l’enfant doit s’habituer pro- vant soit du lait maternel (allaitement exclusif)
gressivement à de nouvelles textures. soit du lait infantile (allaitement mixte). Un
Quelques conseils en cas seul mot d’ordre : « allaiter comme on peut les
jours de travail » et beaucoup de mères sont
de sevrage laborieux souvent heureuses et rassurées d’entendre
Mettre l’enfant au sein pour calmer sa parler de tétées de retrouvailles après la jour-
faim dans une ambiance calme sereine, née de travail et « allaiter comme on veut les
patiente et bienveillante, puis en milieu de jours de repos ».
tétée introduire doucement et de plus en plus Il est important d’éviter une baisse de lac-
longtemps le biberon. tation avant la reprise du travail en remplaçant
Si l’enfant reste vraiment réticent : des tétées par des biberons. Cela permet la
• faire donner le biberon par une autre per- mise en place correcte de la régulation hormo-
sonne que la maman, et/ou dans une pièce nale autocrine (au niveau du sein) à partir du
différente de celle où le bébé a l’habitude 3e mois. La mère choisira de donner soit du
de téter ; lait maternel stocké soit du lait infantile pour
• remplir le biberon avec du lait maternel puis nourrir son enfant la journée. Afin de réap-
avec du lait artificiel ; provisionner son stock, elle peut continuer à
l’extraire au travail et à domicile en respec-
• essayer le gobelet, la tasse, le compte-
tant une hygiène rigoureuse pour le nettoyage
gouttes, la seringue, etc. ;
des mains et du tire-lait. Elle peut acheter un
• commencer la diversification et la cuillère à tire-lait manuel ou se faire prescrire un tire-
partir de 5-6 mois (mais pas avant 4 mois). lait électrique avec double set afin d’extraire
simultanément les deux seins.
Reprise du travail Cependant, il est nécessaire de respecter
les horaires et les volumes de tétées spéci-
Législation fiques à chaque bébé (en moyenne 120 à
En France il n’existe pas de congé d’al- 150 mL de lait) pendant l’absence maternelle.
laitement sauf convention d’entreprise par- Les assistantes maternelles doivent être
ticulière et, malheureusement, sans volonté prévenues qu’un bébé allaité a une succion
politique, la durée des congés maternité en très puissante et risque de boire très rapide-
France ne sera pas allongée. La reprise du ment le biberon si elles ne lui font pas faire de
travail précoce (en moyenne 8 semaines après pauses. La tentation est grande de redonner

33
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

du lait, avec le risque de déstabiliser l’équi- conscients de la situation et capables, au fur


libre des prises alimentaires au détriment des et à mesure des consultations mensuelles,
tétées à domicile. d’élargir la place du père et de diminuer la
Les bébés allaités consomment 15 à 20 % proximité mère/enfant.
de lait en moins que ceux nourris au lait indus- Les troubles des interactions précoces,
triel. Dès lors les personnes qui prennent une dépression du post-partum peuvent néces-
soin de l’enfant peuvent être étonnées des siter l’intervention d’une équipe spécialisée.
quantités de lait laissées à leur disposition
et qui sont souvent moins importantes que la
normale (exemple : 360 mL de lait répartis en
Diversification alimentaire
3 flacons pour 10 h de séparation). L’allaitement associé à la diversification
Le choix du projet, l’organisation à mettre majore la tolérance de la muqueuse digestive
en place, les conseils pour extraire le lait aux protéines particulièrement allergisantes. Il
maternel, le conserver et le transporter, le est donc fortement recommandé de le main-
lait industriel, le rythme de remplacement des tenir pendant la période de diversification
tétées sont autant de sujets à aborder avec (4  mois et demi – 7  mois) et même de le
les parents lors de la consultation précédant poursuivre davantage, si tel est le projet des
le sevrage. parents [26].
Comment conserver et utiliser
le lait stocké [18] ? V• Le prématuré
L’Agence nationale de sécurité sanitaire
de l’alimentation, de l’environnement et du tra- Adapté aux besoins du nourrisson, grâce
vail (ANSES) recommande une conservation : à ses propriétés spécifiques nutritionnelles,
hormonales, immunitaires, le lait maternel est
• à température ambiante (entre 19  °C et
l’aliment de choix du prématuré. Il sera par-
22  °C)  : une heure maximum pour le lait
fois nécessaire de l’enrichir dans certaines
qui vient d’être tiré ;
situations pathologiques.
• au réfrigérateur (à une température infé-
Dès 28 SA, certains nouveau-nés peuvent
rieure ou égale à 4 °C) : 48 h ;
lécher du lait exprimé sur le mamelon. À par-
• au congélateur (à une température de moins tir de 28-30  SA, certains nouveau-nés com-
18 °C) : 4 mois. mencent à téter un peu au sein. Dès 32-34 SA,
Le lait décongelé se garde 24 h au réfri- certains arrivent à réaliser une tétée complète.
gérateur et 1 h à température ambiante. Il ne Enfin à partir de 35 SA, des tétées efficaces
doit jamais être recongelé.
exclusives deviennent possibles.
Des règles d’hygiène strictes doivent être
Les services de néonatalogie encouragent
respectées pour le recueil et la conservation :
l’allaitement maternel.
lavage des mains, nettoyage du matériel de
Lorsque la tétée au sein n’est pas pos-
recueil et de conservation, étiquetage.
La conservation se fait soit dans des sacs sible, il est recommandé de donner du lait
de congélation prévus à cet effet, soit dans tiré, contrôlé au lactarium, pasteurisé puis
des récipients en verre, en plastique trans- administré à l’aide d’une cuiller, d’une tasse
parent (polycarbonate) ou plastique opaque ou d’une seringue en évitant le biberon.
(polypropylène). Le « peau à peau », quand il est possible,
Le lait est décongelé au réfrigérateur ou est important pendant cette période pour apai-
à température ambiante. Il est réchauffé pro- ser le bébé, le familiariser au sein et provoquer
gressivement au bain-marie (chauffe-biberon) la libération d’ocytocine chez la mère. Petit à
ou au robinet sous un filet d’eau chaude. petit, à mesure que l’enfant grandit, il va cher-
L’utilisation du micro-ondes est à proscrire. cher le sein et essayer de téter, même si au
début ses tétées ne sont pas très nutritives.
Situations anormales En parallèle, il est essentiel pour mettre en
place puis entretenir la lactation que la mère
de l’attachement réalise au moins 6 extractions de lait par 24 h
Un état fusionnel pathologique peut être en vidant complètement ses seins jusqu’à ce
repéré. Le pédiatre ne doit pas craindre d’abor- que son bébé soit capable d’effectuer toutes
der le sujet avec les parents, très souvent ses tétées.

34
Chapitre 3 • Conduite de la consultation autour de l’allaitement maternel

VI• Supplémentation [3] Allaitement maternel, mise en œuvre et pour-


suite dans les 6 premiers mois de vie de l’enfant.
vitaminique Recommandations de bonne pratique, mai 2002.
ANAES (www.has-sante.fr).
Pendant l’allaitement, chez le nouveau-né [4] CD-Rom allaitement AFPA (www.afpa.org).
à terme et le prématuré, la supplémentation [5] OMS : la relactation. Connaissances acquises
en vitamine D est nécessaire pendant l’allai- et recommandations relatives à cette pratique.
tement. Les doses recommandées sont de [6] Sample Hospital Breastfeeding Policy for New-
1 000-1 200 UI/j. borns American Academy of Pediatrics Section on
La vitamine K dosée à 2 mg est donnée à Breastfeeding.
la naissance puis entre 72 et 96 heures de [7] Parker LA. Association du moment de l’initia-
vie et à 1 mois chez l’enfant allaité. Pour une tion de l’expression du lait maternel sur le volume
facilité de mémorisation, ce schéma peut être de lait et du moment de la lactogenèse stade II
simplifié avec une administration à : « 4 h, 4 j chez les mères de nourrissons de poids très faible
et 4 sem. ». Chez l’enfant à terme en allaite- à la naissance. Breastfeed Med 2015. 2015 ; 10
ment mixte, la troisième dose de vitamine K (2) : 84 – 91.
à 1 mois n’est pas obligatoire [27]. [8] Colson S. Biological suckling facilitates exclu-
sive breastfeeding from birth: a pilot study of twelve
vulnerable infants. 2000 ; London, UK  : London
Conclusion South Bank University MSc Dissertation.
[9] Colson S, DeRooy L, Hawdon J. Biological Nur-
La gestion d’un allaitement, surtout pour turing increases duration of breastfeeding for a
un premier-né, n’est pas forcément « innée », vulnerable cohort. MIDIRS Midwifery Digest 2003 ;
les parents sont souvent isolés, sans référent 13 (1) : 92-7.
ou perdus au milieu de discours discordants. [10] Référentiel d’autoévaluation des pratiques en
Tant que l’expérience de l’Initiative hôpi- pédiatrie. L’accompagnement à l’allaitement par le
tal amis des bébés (IHAB) ne prend pas plus pédiatre. HAS (www.has-santé.fr).
d’ampleur en France, il revient aux acteurs de [11] Guide de l’allaitement materne. Guides de
terrain, au pédiatre en particulier, d’anticiper, l’INPES (http://www.sante.gouv.fr).
dépister et gérer les nombreux allaitements [12] World Health Organization Multicentre Growth
en difficulté, tout en connaissant les limites Reference Study Group. Assessment of differences
de ses compétences et en sachant adresser, in linear growth among populations in the WHO
le cas échéant, les familles à des référents Multicentre Growth Reference Study. Acta Paediatr
en allaitement. Si la formation initiale est plus Suppl 2006 ; 450 : 56-65.
qu’insuffisante dans ce domaine, les possibi- [13] Kent  JC, et al. Volume and frequency of
lités en formation médicale continue existent breastfeeds and fat content of breastmilk throu-
et s’inscrivent désormais dans une démarche ghout the day. Pediatrics 117, e387-e395 (2006).
de rigueur scientifique. [14] Kent JC, et al. Longitudinal changes in
breastfeeding patterns from 1 to 6 months of lac-
tation. Breastfeed Med 8, 401-407 (2013).
Merci à Carole Hervé, conseillère en lacta-
tion certifiée IBCLC (http://www.questiondallai- [15] World Health Organization Multicentre Growth
Reference Study Group. Assessment of differences
tement.com) et Agathe Feoux, sophrologue et
in linear growth among populations in the WHO
instructrice MBSR (https://www.agathefeoux.
Multicentre Growth Reference Study. Acta Paediatr
com) pour leur relecture de ce chapitre. Suppl 2006 ; 450 : 56-65.
[16] American Academy of Pediatrics, Breastfee-
ding and the use of human milk, Pediatrics 2012 ;
Références 129 ; e827.
[1] De Launay C, Salanave B, Deschamps V, Castet- [17] Guide de l’allaitement maternel. Guides de
bon K. Épifane – Étude pilote 2010. Épidémiologie l’INPES (http://www.sante.gouv.fr).
en France de l’alimentation et de l’état nutritionnel [18] Rigourd V, et al. Conduite pratique de l’allaite-
des enfants pendant leur première année de vie. ment maternel. Perfectionnement en Pédiatrie 2018
Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire (InVS), https://doi.org/10.1016/j.perped.2018.10.009.
2012, 16 p. [19] http://www.santeallaitementmaternel.com/
[2] Charles MA. Le devenir de 20  000  enfants. [20] Mazurier E, Christol M. Allaitement maternel
Lancement de l’étude de cohorte Elfe, 2011. Popu- précis de pratique clinique. Sauramps médical
lation & société : no 475. 2010.

35
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

[21] Eidelman AI, et al. Breastfeeding and the use [26] Diversification alimentaire : nouvelles recom-
of human milk American Academy of pediatrics mandations, conséquences sur la composition des
section on breastfeeding : Pediatrics, 2012 ; 129 : laits infantiles (numéro spécial des Archives de
827-41. Pédiatrie. Novembre 2009, hors-série 4, p 1-14).
[22] World Health Organization Multicentre Growth [27] Hascoet JM, Picaud JC, et al. Vitamine K + Mise
Reference Study Group. Assessment of differences à jour des recommandations. Bulletin SFN n° 06,
in linear growth among populations in the WHO décembre 2015.
Multicentre Growth Reference Study. Acta Paediatr
Suppl 2006 ; 450 : 56-65 (http://www.who.int/
childgrowth/en).
Pour en savoir plus
[23] Site du Centre de référence sur les agents
tératogènes (www.lecrat.org). • www.mpedia.fr.
[24] www.centres-pharmacovigilance.net • www.santeallaitementmaternel.com
[25) Hale Tw. Medications and mothers’milk. Phar- • www.afpa.org
masoft Publishing. 13e édition 2008. • www. IPA

36
CHAPITRE 4

Prévention des morts


inattendues du nourrisson
Béatrice Kugener, Patricia Franco

Points essentiels placé dans un environnement inadapté.


L’association de tous ces facteurs
➜ Le terme de «mort inattendue du concourt à l’impossibilité pour le nourris-
nourrisson» (MIN) correspond au décès son de se réveiller pour mettre en action
brutal d’un nourrisson de moins de 2 ans les mécanismes «d’auto-réanimation»
alors que rien, dans ses antécédents qui assurent normalement sa sécurité
connus, ne pouvait le laisser prévoir. pendant le sommeil.
➜ Parmi les étiologies très diverses de ➜ À chaque facteur de risque connu
MIN, le syndrome de «mort subite du correspond un facteur de protection
nourrisson» (MSN) reste l’une des prin- que le pédiatre doit savoir expliquer
cipales causes de décès chez les nour- aux parents, sans créer d’inquiétude
rissons de moins de 1 an. Son incidence exagérée, afin qu’ils puissent adapter
en 2015 était de 0,2/1  000  naissances au mieux l’environnement de sommeil
vivantes en France. de leur bébé.
➜ Le nombre de MSN a augmenté en ➜ La prévention du syndrome de
France à partir de la fin des années 1970 «MSN» ne repose ni sur un traite-
avec une incidence de 1,9/1  000 nais- ment ni sur un matériel coûteux. Les
sances vivantes en 1991. Cette augmen- principaux messages de prévention
tation a été très clairement expliquée paraissent simples  : pour toutes les
a posteriori, comme dans la plupart périodes de sommeil, le nourrisson
des pays développés, par les modifica- doit être couché sur le dos dans une
tions des habitudes de couchage des literie de sécurité évitant trois risques
nourrissons. principaux (l’enfouissement du visage,
➜ Les campagnes de prévention débu- l’hyperthermie et la chute). Il ne doit pas
tées entre 1992 et 1994 ont permis une être isolé sensoriellement en journée,
réduction spectaculaire du nombre des et le partage de la chambre parentale
décès. est recommandé pour le sommeil de
nuit. Il ne doit pas être exposé au tabac
➜ Mais des décès persistent. Ils sont de en période anténatale et post-natale. Il
moins en moins «inexpliqués» et une doit être vacciné et il est recommandé
enquête médicale précise permet, dans qu’il soit allaité.
un grand nombre de cas, de comprendre
le scénario qui a abouti à l’accident. ➜ Toutefois, la multiplication des
articles de puériculture dont la vente
➜ Typiquement, le décès survient au est peu réglementée, le rythme de vie
moment d’une infection virale banale, des jeunes parents et les conseils par-
dans une période de développement à fois contradictoires des professionnels
risque (2 à 6 mois), chez un enfant vul- de santé rendent souvent ces messages
nérable (facteurs de risque personnels) beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît.
•••

37
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

I• De la mort subite un petit nourrisson à risque comme un


ancien prématuré).
du nourrisson à la mort L’absence de cause médicale expliquant
inattendue du nourrisson totalement le décès ne signifie cependant pas
que le scénario aboutissant à l’accident fatal ne
Définitions puisse être expliqué, au moins partiellement ; le
syndrome de MSN entre dans ce cadre.
Syndrome de « mort subite Enfin, dans un nombre de cas de plus en
du nourrisson » plus réduit depuis que les bilans post-mortem
sont de plus en plus complets, aucune cause
Il fait partie de la classification internatio- ni aucun facteur de risque ne sont mis en évi-
nale des causes de décès depuis 1970 (code dence. Ces décès représentent les véritables
CIM 798.0 jusqu’en 1999, R95 depuis l’année « morts subites inexpliquées du nourrisson »
2000). Ce terme définit « le décès inopiné d’un qui ne représentent que 5 à 10 % des MIN
nourrisson de moins de 1 an, survenant appa- (Fig. 4.1).
remment pendant le sommeil, qui demeure
inexpliqué par l’histoire de l’enfant, l’examen MSIN MSIN avec FDR
de la scène du décès ainsi que par les exa- n’expliquant
mens anatomopathologiques réalisés après le 5% pas le DC
Mort 4%
décès ». Il correspond au sudden infant death expliquée
syndrom (SIDS) des Anglo-Saxons et repré- 29 %
25 %
sente environ la moitié des décès dits « inat-
tendus » du nourrisson avant l’âge de 1 an.
C’est un diagnostic d’exclusion. 37 %
MSN avec MSN avec FDR
FDR ayant pouvant avoir
« Mort inattendue du nourrisson » contribué contribué au DC
Terme utilisé en France depuis 2007 [1], au DC
il regroupe tous les cas de « mort survenant MSIN : Mort subite inexpliquée du nourrisson
brutalement chez un nourrisson de moins de FDR : Facteurs de risque
2 ans alors que rien, dans ses antécédents DC : Décès
connus, ne pouvait le laisser prévoir ». Le MSN : Mort subite du nourrisson
terme équivalent dans la littérature anglo- Figure 4.1 Proposition de classification des
saxonne est sudden unexpected death in cas de MIN.
infancy (SUDI) ou sudden unexpected infant
death (SUID).
Les MIN se subdivisent en morts natu- Décès accidentels
relles (dont font partie les MSN), décès acci- Un petit nourrisson peut décéder brutale-
dentels et décès par maltraitance. ment par inhalation d’un corps étranger (perle
de collier, partie détachable d’un jouet), stran-
Morts naturelles
gulation (passage de la tête entre les barreaux
L’enquête médicale peut retrouver : d’un lit non conforme, cordon de rideau acces-
– des facteurs pathologiques expliquant sible à partir du lit, nourrisson coincé par le
totalement le décès par une cause natu- harnais d’une poussette ou d’un siège auto
relle (myocardite, méningite foudroyante, mal fixé) ou asphyxie mécanique dans un élé-
septicémie, infection virale respiratoire ment de literie (tête coincée entre le bord du
grave, anomalie des coronaires, « cana- lit et un matelas trop petit, visage enfoui dans
lopathie » comme le syndrome du QT long un coussin d’allaitement ou un coussin de
congénital, maladie métabolique tels les positionnement, nourrisson retrouvé sous le
déficits de l’oxydation mitochondriale des corps d’un adulte partageant la même surface
acides gras) ; de sommeil, nourrisson coincé entre la toile
– des facteurs pathologiques ayant contri- d’un lit parapluie et un matelas surajouté).
bué ou ayant pu contribuer au décès sans Le décès peut être causé par une intoxi-
l’expliquer totalement (par ex., infection cation (CO, médicament), une hyperthermie
virale des voies respiratoires supérieures, (nourrisson laissé dans une voiture au soleil
maladie bénigne chez un enfant plus ou très couvert dormant au contact d’un chauf-
grand mais pouvant être dangereuse chez fage), une chute ou un traumatisme.

38
CHAPITRE 4 • Prévention des morts inattendues du nourrisson

Dans tous les cas, il faut déterminer s’il y a le début des années 1980 dans de nombreux
eu méconnaissance du danger ou négligence pays occidentaux. En France, le premier mes-
de la part de l’adulte en charge du bébé ou sage d’alerte a été publié en 1983 sous la
défaut du matériel de puériculture. forme d’un bulletin adressé à l’Académie de
médecine par deux pédiatres [4].
Décès secondaires à une maltraitance Il faudra plus de dix années de travaux
La situation la plus connue est celle du internationaux pour comprendre et faire
syndrome du bébé secoué, mais il peut aussi admettre le rôle néfaste de la position de
s’agir d’un défaut de soins, de négligences sommeil sur le ventre chez le nourrisson et
graves concernant l’alimentation du nourris- pour déclencher les premières campagnes de
son, d’un traumatisme intentionnel ou d’un prévention dont l’effet a été spectaculaire, fai-
syndrome de Münchhausen par procuration. sant régresser de 75 % environ le nombre de
décès avec 227 cas recensés en 2010 et 150
La classification des causes de décès « seulement » en 2015.
n’est donc pas toujours facile. Les décès par
asphyxie dans la literie sont, par exemple, clas- Évolution des taux de décès de la MSN
sés selon les cas « accidents de couchage » entre 1975 et 2005 - France métropolitaine
ou « MSN », la frontière physiopathologique et 250
les facteurs de risque se recoupant souvent.
Un effort accru d’homogénéisation des T aux / 1 0 0 0 0 0 naissances vivantes Masculin
bilans après ces décès devrait permettre de 200
mieux préciser les critères diagnostiques de
MIN et de déterminer ce qui est considéré Deux sexes
150
comme une véritable MSN et ce qui ne l’est pas.
Le bilan post-mortem est imposé dans les Féminin
situations considérées comme médico-légales 100
par les autorités judiciaires après signature
par le médecin du certificat de décès initial
mentionnant un obstacle médico-légal ou si 50
les premiers résultats du bilan montrent des
signes suspects (hémorragie méningée ou
lésions osseuses d’allure traumatique, par 0
ex.). Pour les autres MIN, il est très important,
19 5
19 7
19 9
19 1
19 3
85
19 7
89
19 1
19 3
19 5
19 7
20 9
01
20 3
05
7
7
7
8
8

9
9
9
9
9

0
19

19

19

pour les familles mais aussi pour la commu- 20 A nnées


nauté médicale, que les parents soient encou-
Courbes lissées sur trois années
ragés à accepter le bilan post-mortem.
Figure 4.2 Évolution des taux de décès en
Des recommandations professionnelles
France entre 1975 et 2005 (source BEH).
ont été rédigées et publiées par la Haute
Autorité de santé en 2007 afin d’harmoniser MSN : mort subite du nourrisson.
la prise en charge sur l’ensemble du territoire
national [2]. Physiopathologie
Les travaux de recherche menés pendant
Prévalence ces 40 dernières années ont permis de mieux
Dans la plupart des pays occidentaux, l’in- comprendre ce qui pouvait aboutir au décès
cidence des MSN a augmenté de façon rapide brutal, pendant le sommeil, d’un bébé consi-
à partir de la fin des années 1970. Les don- déré comme en bonne santé. Les résultats
nées françaises [3] illustrent très bien cette de ces travaux ont permis de proposer le
évolution (Fig.  4.2)  : il y a eu officiellement « modèle du triple risque ».
1 447 cas de syndrome MSN enregistrés en
France en 1991 contre seulement 217 recen- Modèle du triple risque (Fig. 4.3)
sés en 1970. Même si l’on sait que le relevé Dans ce modèle décrit pour la première
des cas n’était certainement pas exhaustif fois en 1994 [5], « le décès par MSN sur-
dans les années 1970, cette augmentation viendrait chez un nourrisson présentant une
reste très significative. vulnérabilité sous-jacente particulière pendant
La relation entre position ventrale de som- une période critique de développement et
meil et syndrome MSN a été suspectée dès confronté à un stress exogène ».

39
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

E nf ant vulnérab le S tress ex ogè ne

- Prématurité Facteurs de risque


- Dysmaturité - Position ventrale
- Tabagisme maternel - Température ambiante élevée
- Sexe masculin - Literie molle
- Prédisposition génétique - Face couverte
- Privation de sommeil
MSN :
- Infections
anomalies des
- Médicaments sédatifs
contrôles
- Tabac
autonome,
respiratoire,
des éveils Facteurs protecteurs
- Partage de la chambre
- Allaitement maternel
MSN : mort subite du nourrisson. - Usage d’une tétine
- Vaccinations
Période critique
de développement
2-6 mois

Figure 4.3 Modèle du triple risque.

Vulnérabilité particulière Facteurs augmentant le risque de MSN


Elle peut être : • Position ventrale de sommeil mais aussi
– génétique (sexe masculin, présence de la position latérale, instable avec risque de
polymorphismes sur certains gènes de bascule sur le ventre et dans laquelle une
régulation de la température corporelle, partie du visage est très proche du matelas
du contrôle de l’énergie cellulaire, du sys- • Literie molle
tème immunitaire, du transport de la séro-
tonine ou de la sécrétion d’orexine [6]) ; • Présence d’un linge sur la tête ou sur
– liée aux conditions de la grossesse (pré- le visage
maturité : grande prématurité avec enfants • Positionnement de la tête en hyperflexion
nés avant 32 SA mais aussi prématurité (mauvaise installation dans les coques
simple et en particulier enfants nés à de transport, etc.)
35-36 SA considérés comme peu imma- • Environnement surchauffé
tures mais dont la régulation du sommeil • Exposition au tabac
et du système autonome est différente • Couchage partagé avec les parents ou
des enfants nés à terme ; retard de crois- la fratrie
sance intra-utérin ; exposition en anténatal
au tabac, à l’alcool ou à la drogue). • Processus infectieux souvent d’appa-
rence bénigne
Période critique de développement • Changement de rythme de vie, privation
80 % des décès par MSN surviennent de sommeil
avant l’âge de 6 mois. Entre 2 et 4 mois, les • Médicaments sédatifs (sirops antitussifs,
changements importants observés au niveau etc.)
de la structure du sommeil, des commandes
des mécanismes d’éveil [7], cardiorespi-
ratoires et immunologiques expliquent les Mécanismes pouvant aboutir
risques accrus de MSN. au décès
Plusieurs mécanismes pourraient aboutir
Stress exogène au décès [8, 9] :
L’étude très détaillée des circonstances – un déficit respiratoire (position asphyxi-
entourant les décès a permis de préciser les que, apnée obstructive ou mixte) ;
facteurs qui augmentent le risque d’accident – le dysfonctionnement du système auto-
fatal. nome et, en particulier, la modification

40
CHAPITRE 4 • Prévention des morts inattendues du nourrisson

de la variabilité cardiaque et de la population des nourrissons à domicile (aux


thermorégulation ; besoins, au tonus et à la motricité très diffé-
– et, surtout, l’inefficacité des mécanismes rents) a abouti à une augmentation des décès
d’éveil avec déficit du système sérotoniner- pendant le sommeil (Fig. 4. 2).
gique du tronc cérébral [10] : le réveil étant Différents mécanismes ont été évoqués
souvent la dernière chance de survie d’une pour expliquer la survenue des MSN en décu-
personne soumise à un stress vital, une bitus ventral [12] :
anomalie du système sérotoninergique – l’enfouissement sous les draps ou les
serait un des facteurs clés de la cascade couvertures (les petits nourrissons
d’événements aboutissant à la MSN [11]. rampent d’abord en arrière) ;
Récemment, des auteurs ont montré que – l’enfouissement du visage contre le mate-
le système orexinergique, un autre sys- las avec obstruction mécanique des voies
tème majeur des mécanismes d’éveil, aériennes supérieures et/ou phénomène
serait aussi impliqué dans la MSN [6, 7]. de “rebreathing” (confinement aérien) ;
En résumé, tout se passe comme si le – la modification de la régulation thermique,
nourrisson qui décède ne parvenait pas à de la régulation du sommeil [13] et de la
se réveiller pour mettre en action les méca- variabilité cardiaque [14].
nismes « d’auto-réanimation » qui assurent Il a fallu plus d’une décennie pour faire
normalement sa sécurité pendant le sommeil. le lien entre la position ventrale de sommeil
Typiquement, le décès survient dans une et l’augmentation des décès par MSN. Plu-
période de développement cérébral à risque (2 sieurs années d’études épidémiologiques et
à 6 mois), chez un enfant vulnérable (facteurs physiologiques à travers le monde ont été
de risque personnels) placé dans un environ- nécessaires pour accumuler suffisamment
nement inadapté, par exemple au moment d’arguments scientifiques pour convaincre
d’une infection virale banale. les pouvoirs publics d’organiser des cam-
Le modèle du triple risque a été critiqué pagnes de prévention. Débutées entre 1987
car il n’explique pas tous les décès. Il a tou- (Pays-Bas) et 1994 dans la plupart des pays
tefois le mérite d’insister sur l’aspect multi- occidentaux dont la France, elles ont abouti
factoriel des MSN. à une diminution spectaculaire des décès.
Une conférence de consensus a eu lieu aux
États-Unis en 1994, confirmant le bien-fondé
de ces campagnes.
II• Facteurs de risque Par ailleurs, il a été prouvé que la position
de mort subite ventrale de sommeil ne diminue pas le risque
du nourrisson accessibles de décès par inhalation, et des études récentes
ont montré que la position dorsale de sommeil
à la prévention n’entraînait pas d’augmentation significative
des épisodes d’inhalation sur régurgitations
Principaux facteurs chez les nouveau-nés à terme [15].
de risque identifiés
Matelas « mou » et mauvaise
Position ventrale de sommeil qualité du matériel de couchage
À la fin des années 1960, de nombreux De nombreuses études ont montré que la
professionnels de santé, notamment dans les position ventrale de sommeil était d’autant
pays anglo-saxons et les pays occidentaux, ont plus dangereuse que le nourrisson dormait
progressivement recommandé que les nourris- sur une literie « molle », augmentant le risque
sons soient couchés sur le ventre. d’enfouissement du visage, de confinement
Le décubitus ventral était utilisé de façon aérien et d’hyperthermie [12].
préférentielle dans les services de néona- Les systèmes de positionnement visant à
talogie, en particulier nord-américains, avec maintenir un nourrisson sur le côté peuvent
plusieurs avantages attendus : amélioration aussi générer des risques de suffocation [16].
des échanges gazeux, diminution des apnées Un bébé de quelques semaines placé sur le
obstructives, des épisodes de reflux gastro- côté peut basculer facilement sur le ventre. Le
œsophagien, des « coliques » et des risques cale-bébé n’empêche pas un nourrisson vigou-
de luxation de hanche. Justifié en néonatalo- reux et tonique de quelques mois de se retour-
gie, l’extrapolation du décubitus ventral à la ner du dos sur le ventre et peut, au contraire,

41
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

l’empêcher de se remettre sur le dos. Dans épidémiologiques ont confirmé ce risque [18]
un cale-bébé « à mémoire de forme », l’enfant ainsi que les études physiologiques menées
peut facilement enfouir son visage et se retrou- chez le nourrisson et l’animal [19]. Ce risque
ver bloqué. Plus dangereux encore, le coussin est dose-dépendant et l’exposition du nourris-
d’allaitement, encore plus mou, dans lequel le son à la fumée de tabac augmente le risque
bébé peut enfouir son visage ou coincer sa tête. de MSN proportionnellement au nombre de
De nouveaux articles de puériculture appa- fumeurs dans la maison.
raissent chaque année et certains de ces
matériaux mettent les petits nourrissons en Partage du lit
danger en raison du blocage des mouvements (cododo ou cosleeping)
de la tête qu’ils entrainent et/ou lorsqu’ils
essayent de se retourner (cocons, transat en Le partage du lit augmente le risque de
microbilles, hamac, etc.). MSN, surtout chez les nourrissons de moins
Les sièges auto, poussettes, balancelles de 3 ou 4  mois et si la mère est fumeuse
transats ne sont pas faits pour dormir, la [20]. C’est le facteur de risque de MSN le
position demi-assise imposée par ce type de plus controversé actuellement, et les débats
matériel pouvant entraîner une obstruction qu’il suscite lors des congrès sont aussi vifs
positionnelle des voies aériennes supérieures que ceux qui concernaient le décubitus ven-
par bascule de la tête en avant. tral dans les années 1980. Le partage du lit
Enfin, les porte-bébés et écharpes de est encouragé par certains professionnels de
portage mal utilisés peuvent entraîner une santé pour promouvoir l’allaitement maternel
suffocation du petit nourrisson si les voies et améliorer les liens parents-enfants. Mais
aériennes ne sont pas dégagées. les études épidémiologiques montrent une
augmentation du risque de MSN dans les
Hyperthermie, situations de partage du lit, y compris chez
enfant trop couvert les mères qui allaitent [21].
Plusieurs mécanismes sont probablement
et environnement surchauffé en jeu :
Les études épidémiologiques ont montré – les lits d’adulte comportent de nombreux
que les MSN étaient plus fréquentes lorsque éléments dans lesquels les nourrissons
les nourrissons dorment : peuvent se retrouver coincés ou enfouis
– dans un environnement surchauffé [12] ; (oreillers, couette, espace entre le mate-
– lorsqu’ils sont trop couverts, en particu- las et le cadre du lit, coussins pour éviter
lier l’hiver ; une chute) ;
– en cas d’infection virale. – l’adulte peut couvrir le visage ou le tho-
L’effet de ces facteurs peut être majoré rax du nourrisson en bougeant dans son
quand l’enfant dort sur le ventre et/ou s’il sommeil ;
séjourne en altitude [12]. – la tête du nourrisson endormi dans les
bras d’un adulte peut se retrouver dans
Tête recouverte par un drap une position d’hyperflexion qui gêne la
ou un objet en tissu de type ventilation [22] ;
« doudou » – la régulation thermique est différente avec
risque d’accentuation d’une hyperthermie.
Le simple fait d’avoir la tête couverte Le risque de MSN est encore plus impor-
modifie la régulation respiratoire à cet âge et tant si l’enfant et l’adulte dorment sur un
représente un facteur de risque facilement canapé ou dans un fauteuil. Il est important
modifiable [17]. L’immaturité motrice habi- d’en informer les mères qui allaitent dans un
tuelle à cet âge explique qu’un petit nourris- fauteuil et peuvent s’endormir pendant une
son peut facilement ramener un tissu vers son tétée, ainsi que les pères qui prennent leur
visage dès les premières semaines de vie, nourrisson sur le canapé pour les bercer et
mais n’est pas capable de l’enlever avant 6 les endormir. Ce type d’installation comporte
ou 9 mois, en particulier pendant le sommeil. en outre un risque de chute du nourrisson.
Le risque de MSN est majoré si l’adulte qui
Tabac partage le lit est très fatigué (ce qui est souvent
L’exposition au tabac in utero et après le cas dans les premières semaines après le
la naissance est un des facteurs majeurs retour de maternité), a consommé de l’alcool
de risque de MSN. De nombreuses études ou des médicaments modifiant le sommeil.

42
CHAPITRE 4 • Prévention des morts inattendues du nourrisson

Autres facteurs de risque médecin doit savoir expliquer aux parents,


Facteurs socio-économiques sans créer d’inquiétude exagérée, afin
qu’ils puissent adapter au mieux l’envi-
Comme dans de nombreuses pathologies ronnement de sommeil de leur bébé.
pédiatriques, les facteurs socio-économiques
influencent le risque de MSN. Les nourrissons • La prévention du syndrome MSN ne
nés de mère jeune, célibataire, avec un faible repose ni sur un traitement ni sur un
niveau d’études, fumeuse ou droguée, dont matériel coûteux.
les grossesses souvent rapprochées sont peu Les principaux messages de prévention
suivies ont un risque accru de MSN. paraissent simples.
• Pour toutes les périodes de sommeil, le
Infections
nourrisson doit être couché sur le dos dans
Une infection virale ou bactérienne sans une literie de sécurité évitant trois risques
gravité pour un enfant plus âgé peut déstabili- principaux  : l’enfouissement du visage,
ser les contrôles cardiaque ou respiratoire d’un l’hyperthermie et la chute.
nourrisson et se comporter comme un facteur • Il ne doit pas être isolé en journée et peut
déclenchant d’une MSN [23]. Dans 40 à 70 % dormir dans la pièce de vie ou dans la
des cas, le décès est précédé par une infec- chambre si celle-ci est proche de la pièce
tion mineure, en particulier gastro-intestinale de vie.
ou des voies respiratoires supérieures.
• Le partage de la chambre parentale est
Privation de sommeil recommandé pour le sommeil de nuit.
Les changements de rythme du sommeil ont • Il ne doit pas être exposé au tabac en
été incriminés comme facteur de risque de MSN. période anténatale et post-natale.
La privation de sommeil entraîne égale- • Il doit être vacciné.
ment une augmentation des épisodes d’apnée • Il est préférable qu’il soit allaité.
obstructive chez les petits nourrissons et une La multiplication des articles de puéri-
élévation de leur seuil d’éveil [13]. culture dont la vente est peu réglementée,
le rythme de vie des jeunes parents et les
Bien comprendre les facteurs conseils parfois contradictoires des profes-
de protection pour pouvoir sionnels de santé rendent souvent ces mes-
sages beaucoup plus complexes qu’il n’y
les expliquer aux parents paraît.
Il n’existe aucun test biologique ou para-
clinique qui permette à un professionnel de Position dorsale de sommeil
santé de dire à des parents : « votre enfant
n’a aucun risque d’accident au sommeil et La position dorsale de sommeil est la seule
vous pouvez le coucher comme vous voulez, qui assure un renouvellement parfait de
il ne se passera rien ». l’air autour du visage d’un bébé.
Elle doit être utilisée dès la maternité et
• Les conseils de prévention concernent pour toutes les périodes de sommeil : la nuit et
donc tous les nourrissons et doivent être le jour, même pour une courte sieste, dans le
connus de toutes les personnes en charge lit mais aussi en promenade (dans le landau
de nourrissons : parents, bien sûr, mais ou la nacelle de transport en voiture).
aussi grands-parents, assistante mater- Des professionnels de la petite enfance
nelle, aînés en âge de garder leur petit utilisent encore la position ventrale de som-
frère ou leur petite sœur, baby-sitters, meil ou ne la contre-indiquent pas lorsque
personnel de crèche et de halte-garderie, de jeunes parents leur expliquent qu’ils ont
personnel soignant en maternité et dans constaté que leur bébé s’endormait plus faci-
les services hospitaliers, professionnels lement sur le ventre. Même s’ils conseillent de
de la PMI, sages-femmes libérales, mas- « bien surveiller l’enfant dans son sommeil »,
seurs-kinésithérapeutes, ostéopathes, cette suggestion est dangereuse : les parents
etc. et bien évidemment pédiatres et vont surveiller leur enfant pour la sieste par
médecins généralistes. exemple pendant quelques jours puis, voyant
• À chaque facteur de risque connu cor- que tout se passe bien, laisseront leur bébé
respond un facteur de protection que le dormir ainsi pour des périodes de plus en

43
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

plus longues. Cette suggestion sous-entend d’échange, tout comme le portage. Le respect
par ailleurs que le syndrome de MSN est lié de la liberté de mouvements du nourrisson à
à un défaut de surveillance… ce qui est très l’éveil et au sommeil est par ailleurs la meil-
simpliste au vu de tous les facteurs cités plus leure prévention possible des plagiocéphalies
haut. positionnelles, liées à un appui préférentiel de
Ce discours peut devenir très anxiogène la tête sur un côté ou à l’arrière.
et être responsable de troubles du sommeil Lorsqu’un nourrisson commence à se
chez les parents. retourner, il est encore plus important de veil-
La majorité des parents à qui les risques ler à la qualité de la literie.
de la position ventrale sont expliqués par- Il n’est pas recommandé d’utiliser des sys-
viennent à aider leur bébé à s’endormir sur tèmes de positionnement ou maintien de type
le dos. cocon, ceinture ou cale-bébé, autant d’objets
L’emmaillotage peut être une alternative qui peuvent présenter un risque d’accident
à proposer quelques heures par jour pour
de suffocation.
certains bébés qui ont du mal à s’endormir
sur le dos, tout particulièrement pendant
Lit idéal
les périodes de comportement plus agité
fréquemment décrites jusqu’à l’âge de 2 ou Le lit idéal doit répondre à trois impératifs :
3 mois en fin de journée. pas de risque de chute, d’enfouissement
Mais il n’y a actuellement aucune donnée ou d’hyperthermie.
permettant de dire si l’emmaillotage pourrait
être un facteur de protection vis-à-vis de la Le système de couchage le plus adapté
MSN. C’est une technique de soins utilisée pour répondre à ces critères est le lit à bar-
dans les services de néonatalogie, en parti- reaux (bien mieux aéré que les lits en tissu
culier pour les syndromes de sevrage. La plus à parois pleines) avec un matelas ferme
grande prudence est donc recommandée parfaitement adapté aux dimensions du lit,
dans la diffusion au niveau du grand public recouvert uniquement d’une alèze et d’un
des techniques d’emmaillotage car il faut drap-housse bien tendu. On peut conseiller
éviter que l’enfant ait trop chaud (n’utiliser aux parents d’utiliser jusqu’à environ 6 mois
qu’un drap en coton par-dessus le body sans un petit berceau à barreaux, sur roulettes, peu
turbulette, pas de couverture, en particulier onéreux, qui peut être déplacé facilement de
pas de couverture polaire) tout en assurant la chambre des parents à la pièce de vie en
une bonne mobilité du thorax et des hanches. journée.
Il faut par ailleurs que les mouvements de La turbulette ou gigoteuse doit être adap-
la tête du bébé ne soient pas limités et que tée à la taille du nourrisson et à la saison.
le drap servant à emmailloter le nourrisson Elle doit permettre au petit nourrisson une
ne puisse pas venir recouvrir son visage ou rotation facile de la tête et un accès libre à
sa tête. ses mains, important facteur d’autorégulation
À partir du moment où le nourrisson com-
au sommeil.
mence à se retourner de lui-même sur le
Aucun objet ne doit être placé dans le lit :
ventre, la position dorsale de sommeil devient
pas d’oreiller, pas de drap, pas de couver-
plus difficile à maintenir.
ture, pas de couette, pas de coussin d’allai-
Il est important d’habituer progressive-
ment le nourrisson au décubitus ventral à tement, pas de cale-bébé, pas de cocon ou
l’éveil, pour qu’il ne soit pas surpris lors de de réducteur de lit, pas de tour de lit, pas
ses premiers essais de retournement : favo- de peau de mouton… Les 12 premiers mois,
riser la motricité libre du bébé lorsqu’il est pas de peluche ni de doudou sur la tête ou
réveillé l’aide à savoir rapidement se retourner le visage : si l’enfant utilise un « doudou »,
dans les deux sens (vêtements permettant il doit être petit et ferme et être enlevé du
de bouger et jeux au sol sur un tapis de type lit après l’endormissement (ou accroché
« gymnastique » ferme plutôt que longues aux barreaux) afin d’éviter que l’enfant le
périodes en transat, balancelle ou sur des ramène sur son visage, s’enfouisse le nez
surfaces où il est calé et moins mobile de dedans sans avoir la coordination de mou-
type pouf, coussin d’allaitement, tapis d’éveil vements suffisante pour se dégager, surtout
molletonné ou avec des boudins de maintien). en demi-sommeil. Le risque d’enfouisse-
La position ventrale peut être utilisée dès la ment du visage est important quand de
maternité pendant les soins et les périodes grands carrés de tissu ou un tee-shirt avec

44
CHAPITRE 4 • Prévention des morts inattendues du nourrisson

l’odeur de la maman sont utilisés comme pas proposée dès la maternité mais plutôt
« doudous ». au bout de 3 ou 4 semaines, surtout chez
les bébés allaités. La tétine ne doit pas être
Environnement de sommeil idéal attachée par une cordelette aux vêtements
du nourrisson pas plus qu’à une peluche
Il est recommandé de placer le lit du nour- ou un lange.
risson dans la chambre des parents les • Les vaccinations doivent être réalisées
6 premiers mois minimum. selon le calendrier recommandé par les
Le partage de la chambre favoriserait les autorités de santé. Non seulement les
réactions d’éveil du nourrisson. La plupart des vaccinations n’augmentent pas le risque
pays anglo-saxons et d’Europe du Nord ont de MSN, mais au contraire les enfants
inclus cette recommandation dans leurs docu- vaccinés ont un risque significativement
ments de prévention depuis plusieurs années plus bas de MSN que ceux qui ne sont
et c’est une « évidence culturelle » dans de pas immunisés [2].
nombreux autres pays. En France, ce conseil • La particularité des rythmes de sommeil du
est encore peu accepté sur le plan culturel et nourrisson doit être expliquée aux parents
encore peu donné. Il figure dans la nouvelle et aux professionnels de la petite enfance,
version du carnet de santé disponible depuis afin que ce soit les adultes qui s’adaptent
avril 2018. pendant quelques mois au rythme du bébé
En journée, la mise à l’écart des nourris- et non l’inverse. La privation de sommeil ou
sons les 6 premiers mois pour les périodes des modifications notables des rythmes de
de sommeil n’est pas conseillée. Le fond la journée (voyages sans respect du rythme
sonore de la vie quotidienne ne gêne pas le habituel de sommeil et des repas, visites
sommeil des tout petits. L’habitude de cou- nombreuses avec un nourrisson maintenu
cher les petits nourrissons dans une pièce éveillé ou réveillé maintes fois au cours
fermée, volets baissés, avec une surveillance de la journée) peuvent être délétères. Les
à distance par un « babyphone » ou un sys- phases d’adaptation en crèche ou chez
tème de vidéo n’est pas adaptée à cet âge. une assistante maternelle doivent être
Le nourrisson peut dormir dans le salon ou respectées.
autre pièce à vivre dans un endroit sécurisé • Les médicaments avec un effet sédatif
(berceau d’appoint, parc en bois vidé de ses (somnifères, sirops antitussifs) ne doivent
jouets, éventuellement lit parapluie sans pas être utilisés. Attention également en
matelas surajouté). cas d’allaitement aux médicaments sédatifs
Il est recommandé d’aérer régulièrement qui passent dans le lait maternel.
la chambre et de ne pas trop chauffer les loge- • La prévention et la prise en charge des infec-
ments pendant l’hiver, une température de 18 tions virales respiratoires du petit nourris-
à 20 °C étant suffisante pour des nourrissons son sont importantes. Les parents doivent
habillés normalement (body, pyjama et gigo- apprendre les techniques de désencombre-
teuse). S’il n’est pas possible de diminuer suf- ment rhino-pharyngé et connaître les signes
fisamment le chauffage, l’habillage de l’enfant d’alerte qui doivent les amener à consulter.
doit être adapté à la température ambiante. • Pour un court séjour en altitude, il est pré-
En été, une hydratation régulière et un habil- férable de prévoir de loger à une altitude
lage adapté à la température ambiante sont moyenne de 1  000-1  500  mètres plutôt
conseillés mais ce n’est pas spécifique aux qu’en station de haute altitude à 1 800 ou
MIN… 2 000 mètres, surtout si le petit nourrisson
Le tabac doit être banni du domicile, de la est encombré.
voiture et des lieux de garde de nourrissons. Les conseils de prévention autour du
sommeil sont résumés sur la page  16 du
Autres facteurs de protection nouveau carnet de santé (Fig. 4.4), remis à
chaque parent à la naissance de leur enfant.
• L’allaitement maternel doit être encouragé Ils figurent également sur la page 9 de la der-
et les parents informés de son rôle protec- nière version de la brochure de l’INPES « Proté-
teur, peu médiatisé en France. gez vos enfants des accidents domestiques »
• La décision des parents d’utiliser une (Fig. 4.5), sur les sites de la Société française
tétine ne doit pas être découragée. Il est de pédiatrie et de l’Association française de
en revanche préférable que la tétine ne soit pédiatrie ambulatoire, ainsi que sur le site

45
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

Figure 4.4 Carnet de santé 2018.

de l’Association « Naître et Vivre » créée en


1984 par des parents endeuillés. Ils doivent
permettre de réduire à la fois l’incidence des
MSN et l’incidence des cas de MIN attribués
à des accidents de couchage, deux entités qui
ne sont pas toujours très faciles à distinguer.

III• Matériel
de puériculture :
les pièges à éviter
De nombreux magasins de puériculture
vendent du matériel de qualité mais d’autres
enseignes conseillent encore du matériel qui
ne respecte ni les recommandations ni les
consignes indiquées sur les notices.

Matériel de couchage
• Les matelas mous, les parures de lit à bar- Figure 4.5 Brochure de l’INPES « Protégez
reaux avec oreiller et couette, les « tours de vos enfants des accidents domestiques ».
lit » faits de coussins accrochés aux bar-
reaux, les oreillers « anti-tête plate », les comme lit d’appoint, pour remplacer les
berceaux en toile avec matelas à mémoire anciens lits pliants, « mous » et dangereux.
de forme sont à proscrire. Le fond du lit, rigide et rembourré sur une
• Les lits pliants de type lit-parapluie ont été face, sert de matelas et suffit au confort
commercialisés à la fin des années 1980 de l’enfant. De plus en plus utilisé comme

46
CHAPITRE 4 • Prévention des morts inattendues du nourrisson

lit permanent, un voire plusieurs matelas


supplémentaires sont souvent placés sur le
Conclusion
fond du lit pour le rendre plus confortable Même s’il persiste beaucoup de questions
et moins profond. Depuis une quinzaine non résolues autour de la physiopathologie du
d’années, des accidents de suffocation ont syndrome de MSN, les progrès sont réels et
été rapportés avec des enfants qui se sont la prévention a fait ses preuves. Les décès
retrouvés étouffés entre le matelas supplé- sont devenus rares mais il persiste toutefois
mentaire et la toile du lit. environ 400 MIN par an, dont 150 à 200 MSN.
• Les lits à paroi rigide pleine, transparente Des facteurs de risque sont retrouvés dans
ou en bois, sont moins aérés que les lits à 70 % de ces décès, qui sont évitables grâce
barreaux. Leur utilisation est assez récente à des mesures simples et non coûteuses. Il
et doit être suivie sur le plan épidémiolo- faut par conséquent continuer à diffuser les
gique pour savoir s’ils augmentent le risque messages de prévention.
d’accident. Les campagnes de prévention du syn-
• Les poufs, coussins d’allaitement, tapis drome MSN ont insisté à juste titre sur la
d’éveil avec gros coussin, vendus pour être position dorsale de sommeil comme facteur
utilisés à l’éveil posent problème s’ils sont majeur de prévention.
utilisés pour faire dormir les nourrissons. Ils L’importance de l’environnement de cou-
augmentent par ailleurs le risque de plagio- chage doit être aussi mise en avant.
céphalie positionnelle par diminution de la Les messages de prévention concernant
la qualité de la literie, le partage du lit ou de
motricité spontanée du nourrisson.
la chambre sont plus complexes, controversés
et plus difficiles à diffuser. Ils représentent
Systèmes de transport
des changements culturels importants et
Ils sont prévus pour transporter l’enfant prendront du temps à être bien compris. Ils
mais pas pour le faire dormir de façon régu- doivent toucher toutes les personnes s’occu-
lière. Ils peuvent aussi être inadaptés si pant de petits nourrissons et particulièrement
l’enfant n’y est pas installé correctement. cibler les populations à risque.
Enfin, et comme l’avaient indiqué les
Dans une écharpe de portage, le petit nour- auteurs du rapport de l’enquête INVS paru
risson de quelques semaines porté en hamac en 2011 [1], il est du ressort de la Direction
et/ou enfoui en position « fœtale » a la tête générale de la consommation et de la répres-
fléchie et le risque que l’écharpe lui recouvre sion des fraudes (DGCCRF) de s’emparer du
le visage. Il est recommandé d’installer le sujet de la sécurité de certains objets de
bébé en position verticale, tête positionnée au puériculture en s’opposant à leur mise sur
niveau du sternum de l’adulte, visage tourné le marché ou en exigeant des consignes pré-
sur le côté et visible. Il est vivement décon- cises d’utilisation.
seillé de recouvrir l’écharpe ou le porte-bébé
avec le manteau de l’adulte qui le porte.
Le nourrisson de quelques semaines Références
assis et endormi dans un siège-coque peut
[1] INVS. Les morts inattendues du nourrisson.
se retrouver en hyperflexion cervicale avec
Enquête nationale 2007-2009. http://www.invs.
compression abdominale, ce qui peut gêner
sante.fr.
sa ventilation.
[2] Prise en charge en cas de mort inattendue du
nourrisson (moins de 2  ans). HAS, service des
Colliers et autres gadgets recommandations professionnelles, février 2007.
Les colliers d’ambre dont l’utilisation avait [3] BEH thématique 3-4/22 janvier 2008 : http://
bien diminué dans les années 1990 à la suite www.invs.sante.fr/BEH.
de plusieurs accidents mortels sont de nou- [4] Senecal J, Defawe G. Sdden infant death. Bull
veau à la mode. Si leur efficacité reste encore Acad Natl Med 1983 ; 167 : 401-8.
à démontrer, leur utilisation doit être découra- [5] Filiano JJ, Kinney HC. A perspective on neuro-
gée. En effet, si le collier est très solide, il y a pathologic findings in victims of the sudden infant
un risque de strangulation, et s’il casse faci- death syndrome: the triple-risk model. Biol Neonate
lement, l’enfant peut inhaler la (des) perle(s). 1994 ; 65 : 194-7.
Tous les colliers doivent impérativement être [6] Hunt NJ, Waters KA, Rodriguez ML, Machaalani
enlevés quand les enfants vont au lit. R. Decreased orexin (hypocretin) immunoreactivity

47
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

in the hypothalamus and pontine nuclei in sud- in hospital newborn nurseries. Arch Pediatr Adolesc
den infant death syndrome. Acta neuropathologica Med 2007 ; 161 : 507-10.
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Low cerebrospinal fluid hypocretin levels during use of infant sleep positioners –  United States,
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615-21. [23] Blood-Siegfried J.  The role of infection and
[15] Tablizo MA, Jacinto P, Parsley D, Chen ML, inflammation in sudden infant death syndrome.
Ramanathan R, Keens TG. Supine sleeping posi- Immunopharmacol Immunotoxicol 2009 ; 31  :
tion does not cause clinical aspiration in neonates 516-23.

48
CHAPITRE 5

Examens systématiques
des enfants de 9-24 et 36 mois
Présentation de la mallette
et nouveaux outils de dépistage
Gilles Buisson

• dépister tôt les anomalies du dévelop-


Points essentiels pement et permettre, du fait d’une plas-
➜ Les consultations des enfants à ticité cérébrale de l’enfant limitée dans
des âges clés  : 9, 24 et 36  mois sont le temps, une prise en charge thérapeu-
particulièrement importantes car elles
tique de ces anomalies d’autant plus
efficace qu’elle est précoce.
permettent le dépistage et la prise en
charge précoce de diverses pathologies.
L’examen de 3  ans n’est pas formalisé
par un certificat mais mériterait de l’être
➜ La structuration de ces examens car c’est également un âge clé pour dépister
permet d’en améliorer le contenu et la certains troubles du comportement et des
performance. apprentissages.
➜ Depuis 2005, une mallette renfer- Ces examens doivent permettre de :
mant divers outils de dépistage a été
• dépister et prendre en charge précoce-
ment diverses pathologies ;
validée et commercialisée. Elle est deve-
• formuler des messages de prévention
nue une aide quotidienne précieuse pour
(mort subite inexpliquée du nourris-
les consultations des 9, 24 et 36 mois.
son, maltraitance, accidents ménagers,
➜ De nouveaux équipements per- difficultés alimentaires, troubles du
mettent d’améliorer encore les dépis- sommeil, etc.) ;
tages visuel et auditif. • initier l’entourage à la fermeté bienveil-
lante, seule garantie pour faire évoluer
l’enfant vers l’autonomie, but de l’édu-
En 1970, une loi a mis en place 20 exa-
cation, dans les meilleures conditions.
mens de santé de 0 à 6  ans permettant au Ces différents points feront l’objet d’un
médecin de surveiller la croissance physique, développement spécifique dans différents
comportementale et émotionnelle de l’enfant. chapitres de cet ouvrage.
Trois consultations ont été valorisées à Une recherche opérationnelle a été menée
8  jours, 9  mois et 24  mois avec un certificat en 2004-2006 en Bretagne [1, 2]. Le contenu
médical à remplir. Ces certificats rédigés en de la consultation aux âges clés des 9, 24 et
majorité par les médecins libéraux, pédiatres ou 36 mois a été défini. Des outils de dépistage
généralistes puis transmis aux médecins dépar- ont été sélectionnés et intégrés dans la mal-
tementaux de la protection maternelle et infantile lette 9-24-36, commercialisée depuis 2005.
(PMI) permettent, en principe, un recueil de don- Des outils complémentaires optionnels tels
nées épidémiologiques avec un double objectif : que le tympanomètre-impédancemètre et auto-
• connaître la situation sanitaire et sociale réfractomètre sont venus, depuis, compléter
des enfants de 0 à 2 ans pour planifier l’équipement du cabinet.
les équipements et la formation du per- Des formations organisées par l’Associa-
sonnel en fonction des besoins réels de tion française de pédiatrie ambulatoire (AFPA)
ce groupe d’âge ; et un e-learning en ligne sur le site de l’AFPA

49
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

proposent une méthode pour conduire les exa-


mens des 9, 24 et 36 mois de façon complète
II• Déroulement
et exhaustive, seule garantie d’un dépistage de l’examen
efficace et homogène.
Idéalement, l’examen doit être fait au
plus près de l’âge anniversaire des 9 mois,
I• La mallette 24 mois et 36 mois. On peut tolérer un mois
de battement pour les 9e  et 24e  mois et
La boîte à outils comporte plusieurs « élé- 3 mois pour le 36e mois.
ments » (fig. 5.1, tab. 5.1). La durée de l’examen, après entraîne-
DAVL : dépistage d’acuité visuelle de loin. ment, est de 30 minutes en moyenne pour
un patient connu et habituellement suivi. Elle
passe à 40 minutes pour un patient vu pour
la première fois ou de façon inhabituelle.
L’utilisation de la nomenclature CCAM
(classification commune des actes médicaux)
permet une meilleure prise en compte du
temps passé.
Quelques principes sont à respecter :
• demander à ce que l’enfant soit accom-
pagné d’un ou des deux parents mais si
possible éviter que le reste de la fratrie ne
soit présent ;
• utiliser une chronologie spécifique commune
à chacun de ces trois examens :
– commencer par l’interrogatoire : antécé-
dents, conditions de vie, alimentation [3],
appétit et transit, sommeil, comportement
[4, 5], développement psychomoteur [1] ;
– faire les tests de préférence « au bureau »
avec l’enfant encore habillé, sécurisé sur
Figure 5.1 Contenu de la mallette. les genoux d’un des parents avec éven-
tuellement auto-réfractométrie (à 9, 24
et 36  mois) et tympanométrie (à 2 et
3 ans) ;
– examiner complètement l’enfant
Tableau 5.1 « Boîte à outils ». déshabillé ;
Dépistage visuel Œil de Bœuf – terminer par les tests en déplacement à 2
Lunettes à secteurs et 3 ans avec marche, relèvement (signe
Lunettes à écran
de Govers), montée du marchepied, jeu
avec la balle et tenue sur un pied (3 ans).
Test de Lang II
Test DAVL
Étude de l’audition
Dépistage auditif Sensory baby test
et langage Imagier plastifié Pourquoi dépister les troubles
(16 images) de l’audition ?
Étude de la motricité Bâton
Le dépistage précoce des troubles de
Crayon et papier
l’audition (tab. 5.2) se justifie [4] par :
Balle – leur incidence : 1 enfant sur 1 000 naît
Flacon + 2 pastilles sourd profond, 15 % auront une otite
Cubes (8) 4 couleurs séreuse ;
Guide méthodologique – leur prise en charge précoce qui condi-
tionne l’acquisition du langage et, à plus
long terme, l’adaptation sociale.

50
CHAPITRE 5 • Examens systématiques des enfants de 9-24 et 36 mois

Une surdité strictement unilatérale, même auditif documenté par un Sensory baby-
si elle est totale, n’entraîne pas d’anomalies test anormal ;
de langage ni de parole. – et à 3 ans : 16 % d’OSM confirmées par
• Une perte auditive inférieure à 20 décibels tympanométrie dont deux tiers avec reten-
(dB) est sans conséquence sur la compré- tissement auditif documenté par un test
hension et l’acquisition du langage. de voix chuchotée anormal.
• Entre 20 et 40  dB de perte, certains élé- Enfin, il faut accorder une vigilance par-
ments phonétiques échappent à l’enfant et ticulière à tout enfant adopté ou né hors du
la voix faible n’est pas correctement perçue. territoire et/ou qui n’a pas bénéficié du dia-
gnostic néonatal.
• Entre 40 et 70 dB, la parole n’est perçue
L’interrogatoire recherche les facteurs
que si elle est forte.
favorisants  : génétiques, infectieux (ménin-
• Une perte auditive supérieure à 70  dB gites, rubéole, CMV), anoxiques, toxiques
rend impossible l’acquisition spontanée du (cocaïne, alcool, etc.), médicamenteux (ami-
langage. nosides) ainsi que la grande prématurité
S’il existe des facteurs de risque (surdité (moins de 32 semaines), un poids de nais-
congénitale familiale, grande prématurité, sance inférieur à 1 500 grammes ou un ictère
infection néonatale grave, embryo-fœtopa- important.
thie, anoxie périnatale, anomalie chromoso- Si un parent exprime un doute sur l’audi-
mique, etc.), le suivi ORL doit être organisé tion de son enfant, cette information doit tou-
de principe. jours être considérée comme crédible jusqu’à
Tableau 5.2 Quelques rappels. preuve du contraire.
Surdité légère : perte moyenne comprise entre Recherche d’un réflexe acoutrope avec
20 et 40 décibels (dB).
le Sensory baby-test à 9-24 mois
Surdité moyenne : perte moyenne comprise entre
40 et 70 dB. Le Sensory baby-test est un test global
Surdité sévère : perte moyenne comprise entre en air ambiant composé de deux sources
70 et 90 dB. sonores calibrées à 35 dB. En poussant la
Surdité profonde : perte supérieure à 90 dB. molette du boîtier vers l’avant, on obtient
La conversation courante correspond à environ un son aigu et, vers l’arrière, un son grave.
60 dB. L’émission des sons est effectuée à 20-30 cm
des oreilles droite et gauche de l’enfant et
hors de sa vue.
Comment dépister les troubles On recherche le réflexe acoutrope ou
de l’audition ? réflexe d’orientation-investigation, présent dès
l’âge de 6 mois. Il est conseillé à l’examina-
Le dépistage de la surdité à la naissance teur de se placer devant l’enfant, pour éviter
par la recherche d’oto-émissions acous- qu’une recherche du regard conjoint ne soit
tiques ou par les potentiels évoqués audi- interprétée comme un réflexe acoutrope. La
tifs [7] est désormais obligatoire dans réaction peut être manifeste avec une rotation
chaque maternité du territoire français. complète de la tête et du tronc ou être plus
Ce dépistage est important mais n’exclut discrète, marquée par une simple déviation du
pas de rechercher des troubles de l’audition regard vers la source du bruit. Les réactions
tout au long du développement de l’enfant. d’attention (mimique de surprise, arrêt de la
motricité spontanée, modification du rythme
Certaines surdités de perception peuvent respiratoire) ont autant de valeur mais sont
en effet se révéler tardivement [infection néo- plus difficiles à interpréter.
natale à cytomégalovirus (CMV) en particulier]. L’absence de réponse n’est pas syno-
Les otites séreuses sont fréquentes entre nyme de surdité et le risque de faux négatif
2 et 3 ans. L’étude épidémiologique faite en est possible. Une otite aiguë ou séromu-
2006 dans le cadre de l’action recherche qui queuse peut modifier transitoirement la
a initié la boîte à outils a retrouvé : réponse au test.
– à 2  ans  : 9 % d’otites séromuqueuses Le Sensory baby-test est donc un moyen
(OSM) confirmées par tympanomé- de dépistage très sensible mais non un
trie dont un tiers avec retentissement moyen de diagnostic que seul l’ORL est habi-
lité à faire.

51
Pédiatrie ambulatoire • Partie I. La consultation pédiatrique

Voix chuchotée (24-36 mois) conduit auditif externe avec un embout adapté


pour obtenir une bonne étanchéité.
Ce test est possible à 2  ans mais plus
Un pic centré signifie que le système tym-
discriminant à 3  ans car l’enfant doit avoir
pano-ossiculaire fonctionne normalement, une
acquis la notion d’appariement. Il s’agit éga-
courbe plate (ou nettement aplatie) qu’il y a
lement d’un test auditif global en air ambiant,
du liquide derrière le tympan, quelle que soit
l’enfant étant placé face à l’examinateur sur
la nature de l’épanchement (otite moyenne
les genoux de l’accompagnant.
aiguë, otite séreuse, OSM).
L’émission vocale doit se faire à 40 centi-
La sensibilité et la spécificité de la tym-
mètres de l’enfant, soit derrière lui, soit face
panométrie sont estimées respectivement à
à lui en cachant les lèvres pour écarter la pos-
65 % et 80 % [7, 8].
sibilité de lecture labiale par l’enfant. La voix
Plusieurs remarques :
chuchotée (30  dB) est émise sans vibration
laryngée, uniquement avec les structures buc- • Le conduit auditif ne doit pas obligatoi-
cales. Un entraînement est nécessaire pour rement être dégagé de tout cérumen car,
calibrer sa voix à 30 dB à l’aide d’un sonomètre. si l’enfant pleure, des courbes parasites
peuvent gêner l’interprétation du test.
• À 24 mois : l’examinateur appelle l’enfant
par son prénom. La réaction est celle décrite • Un bouchon de cérumen obstructif peut don-
plus haut. En cas de non-réponse, un nouvel ner une courbe plate, indépendamment de
essai est pratiqué en élevant la voix. toute otite séreuse ou séromuqueuse.
• À 36 mois : l’examinateur demande de mon- • Le tympanomètre peut enfin être intéressant
trer quelques images de l’imagier plastifié. à utiliser quand on doute du bon position-
Avant de commencer le test, il faut s’être nement d’un aérateur transtympanique  :
assuré que l’enfant les connaît. si l’aérateur est bien positionné, on n’ob-
Les résultats montrent des sensibilités de tient aucune courbe car l’air envoyé dans
80 à 96 % et des spécificités de 90 à 98 % le conduit auditif externe fuit dans l’oreille
[7] mais la reproductibilité chez l’enfant en moyenne.
fonction des examinateurs n’a pas encore été • Le tympanogramme rend compte du bon
bien étudiée. état fonctionnel de l’oreille moyenne à
transmettre les sons. Ce n’est, en revanche,
En option : tympanomètre- pas un test de dépistage de la surdité et un
impédancemètre [8] enfant sourd profond peut avoir une courbe
de tympanométrie normale.
Indépendant de la mallette, coûteux, le
tympanomètre peut néanmoins être une aide
complémentaire à l’otoscopie (voir chapitre 49 Étude de la vision
« Équipement du cabinet de pédiatrie »).
En effet, même avec les otoscopes perfor-
Pourquoi dépister les troubles
mants type Macroview, le diagnostic clinique de la vision (tab. 5.3) ?
d’otite séreuse ou séromuqueuse n’est pas Le dépistage précoce des troubles de la
toujours facile. vision [9, 10] se justifie par :
Le tympanomètre-impédancemètre est un – leur fréquence : 18 % des enfants (essen-
outil complémentaire utile au diagnostic mais tiellement des troubles de la réfraction) ;
aussi à la surveillance de l’évolution des otites – leur répercussion  : toute anomalie non
séreuses et OSM, traitées ou non. corrigée à cette période de la vie risque
L’appareil permet de suivre les variations de perturber l’avenir scolaire et profes-
de compliance du système tympano-ossicu- sionnel de l’enfant ;
laire provoquées par des modifications de l’air – leur réversibilité : la plupart des troubles
à l’intérieur du conduit auditif (tympanomé- sont accessibles à un traitement reconnu
trie) ou par des sons émis à deux fréquences d’autant plus efficace que précoce.
déterminées (impédancemétrie) imposées par
l’appareil. L’examen doit essayer de dépister une
Il s’agit d’un test facile d’exécution et amblyopie, un strabisme ou un trouble de
indolore (sauf parfois en cas d’otite moyenne réfraction.
aiguë). La sonde est placée à l’entrée du

52
CHAPITRE 5 • Examens systématiques des enfants de 9-24 et 36 mois

Tableau 2.3 Repères et termes.


Quelques repères
• Naissance : fixation d’un visage à faible distance. Clignement à la lumière vive. Acuité visuelle (AV) 1/30e
• 1 mois : fixation plus stable d’objets fortement contrastés. Poursuite oculaire
• 3 mois : convergence normale. AV 1/10e. Début de vision des couleurs (le rouge en premier)
• 6 mois : vision stéréoscopique. Convergence et poursuite oculaires normales AV 2/10e
• 1 an : AV 4/10e
• 2 ans : AV 6/10e
• 3 ans : AV 7/10e
• 4 ans : AV : 9/10e
• 5-6 ans : AV 10/10e

Quelques termes à connaître


• Amétropie : défaut de réfraction empêchant la formation d’une image nette sur la rétine (myopie, hyper-
métropie, astigmatisme)
• Anisométropie : différence de réfraction entre les deux yeux
• Nystagmus : mouvements saccadés des yeux, le plus souvent horizontaux, parfois verticaux ou rotatoires ;
les yeux bougent lentement dans un sens, puis rapidement dans le sens contraire. Congénital ou acquis,
le nystagmus peut être la cause ou la conséquence d’une mauvaise vision

L’amblyopie En pratique, la différence d’acuité visuelle


entre les deux yeux a une importance plus
On distingue :
grande que la valeur absolue : une différence
• l’amblyopie fonctionnelle unilatérale, dite de 2/10 est considérée comme significative.
de « suppression », secondaire à un trouble
La majorité des amblyopies sont fonction-
asymétrique de la réfraction (myopie,
nelles, liées à des troubles de la réfraction ou
astigmatisme, hypermétropie, strabisme
à un strabisme.
ou nystagmus). C’est l’amblyopie la plus
fréquemment rencontrée en clinique (3 %).
L’enfant qui voit mal d’un œil va neutraliser La précocité du diagnostic est essentielle à
au niveau de son cerveau l’image défec- la réussite du traitement.
tueuse pour ne conserver que l’image Dès les premiers mois de la vie, tout signe
nette de l’œil sain. Si un traitement appro- d’appel justifie de demander l’avis d’un
prié n’est pas institué très rapidement, il ophtalmologiste.
risque la perte fonctionnelle définitive de
l’œil amblyope. Le taux de récupération Le strabisme
des cas traités est inversement propor-
tionnel à l’âge (90 % avant 2  ans, 10 % Le strabisme est une déviation objective
après 7 ans) ; des axes visuels avec perturbation de la vision
• l’amblyopie organique, uni- ou bilatérale, dite binoculaire. Il atteint 4 à 5 % des enfants et
de « privation » est due à une absence de peut être convergent (90 % des cas), divergent
stimuli appropriés atteignant la rétine du ou vertical (souvent associé au strabisme
fait d’un obstacle sur le trajet des rayons convergent ou divergent). Il peut être inter-
lumineux. Les amblyopies organiques sont mittent ou permanent. Parfois congénital, il
secondaires à une anomalie du globe ocu- apparaît avec une grande fréquence entre 2 et
laire (rétinopathie, rétinoblastome, cata- 6 mois, dans 50 % des cas avant 1 an, dans
racte, opacités cornéennes, glaucome 35 % des cas entre 1 et 2  ans, dans 10 %
congénital) ou à une anomalie des paupières des cas entre 2 et 3 ans et dans 5 % des cas
(ptosis, hémangiome). seulement après 3 ans.
La profondeur de l’amblyopie est définie Outre le préjudice esthétique, le stra-
par l’acuité visuelle corrigée. bisme, qu’il soit important ou faible, comporte
Elle est : les mêmes risques sur la vision : l’amblyopie
– profonde pour une acuité visuelle ≤ 1/10 ; fonctionnelle.
– moyenne entre 1 et 4/10 ; La précocité du dépistage et du diagnostic
– légère au-delà de 4/10. est un gage de réussite thérapeutique.

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