La Fraternité Et L'égoïsme
La Fraternité Et L'égoïsme
La Fraternité Et L'égoïsme
Si l’on réfléchit à la fraternité comme socle d’une sorte de socialisme, il faut avouer qu’on risque
d’insister sur un sentiment qui ne correspond en rien à une réalité possible. Même dans le plus
beau des systèmes, il faut s’attendre à ce qu’il y a des gens qui tentent de l’utiliser à leur
avantage. Aussi, la fraternité est sans doute un beau sentiment qui pourrait inciter les citoyens à
s’entraider, certes. Mais ce sentiment pourrait aussi les leurrer dans ce qu’ils ont aussi
d’important et de très délicat à faire : démasquer les tricheurs, les comploteurs et l’ensemble de
leur manigance, à l’interne comme à l’externe. Car l’unité qu’on se donne est rarement celle des
plus faibles, mais celle qui fait l’affaire des puissants. L’appel à l’unité est un moyen de faire
oublier les différences de force et leur poids concret dans la politique vécue concrètement.
Est-ce égoïste de ne pas embarquer? On a rarement idée de l’ampleur que peut prendre les
différentes formes d’aliénation. Une de ces aliénations redoutables est l’idée qu’il faille
nécessairement mettre la morale du côté du groupe et non pas du côté de l’individu. L’individu
est un égoïste qui ne pense qu’à lui, aussi, il faut le rattacher au groupe. Or, en un autre sens, le
groupe (et les individus qui s’en réclament) est égoïste, s’il arroge le droit par sa plus grande
force d’imposer à l’individu son autorité. Si le groupe est nécessaire, il n’est pas infaillible et il
peut très bien exploiter/dominer les individus. Et l’individu qui cède fait alors exactement ce que
lui dit les plus puissants de faire. Les postures s’inversent facilement : c’est l’homme du groupe
qui est égoïste de ne pas remettre en question la puissance du groupe et c’est l’individu isolé,
rebelle qui entreprend une tâche importante de critique quand elle est nécessaire. Mais c’est
évidemment socialement ingrat et problématique d’être dans cette position.
Il ne faut donc pas chercher à me rendre « fraternel », je le suis déjà en un sens par l’utilité
sociale de la position critique. Il faut cependant se demander pourquoi PKP, l’IEDM, radio X, etc.
ne sont pas fraternel avec moi, ainsi que tous ceux qui n’en ont qu’à mon portefeuille. C’est
simple : c’est parce que je les critique et les pointe du doigt comme les tricheurs du pacte social,
eux et leurs manigances. La position de la critique est complètement contraire à la fraternité
comme sentiment général par son esprit combattif. En un autre sens, j’accepte avec les risques
que cela comporte, de jouer un rôle d’utilité sociale ingrat. N’est-ce pas « fraternel » de ma
part? En fait, ce sont plutôt ceux qui refusent la critique qui ne sont pas fraternels : par vanité et
attachement à leurs idées (souvent les idées des autres d’ailleurs), ils se privent de la
contribution des dissidents pour transformer et améliorer leur vision du monde. Je veux bien
tenter de faire ma part du chemin et apprendre à parfaire mon art de la critique, mais il y aura
des douleurs, des chocs, des désillusions de toute façon. Il n’y a pas de critique indolore,
quoiqu’elle puisse aussi être belle.