Ocl 2005124 P 299
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Patrick de LANTY Abstract: The Hansen solubility parameter method, whilst undoubtedly an important advance
academically was, in practice, little used. However this method can save considerable time in developing
RHODIA Recherches & Technologies
formulations in many different kinds of industrial activities.
Centre de Recherches et Technologies The way of formulating an active chemical is often difficult. Is it better to choose an aqueous or non
d’Aubervilliers (CRTA), Pôle Formulation aqueous solution, with one solvent or several? Is an emulsion preferable? What to do to formulate several
et Revêtement. Laboratoire Applicabilité solutes in the same system?
52, rue de la Haie coq The main principles are established before studying the applications: how to choose a single solvent or
F - 93308 Aubervilliers CEDEX. a solvent blend, how to “create” a new solvent with well defined properties, the choice of an oil to make
Télécopie : 33 (0) 1 49 37 63 02 an emulsion or how to formulate several solutes in a single formulation.
<[email protected]> Then the limits of the method are explored.
Key words: emulsion, formulation, Hansen, Hildebrand, solubility, volume
La méthode des paramètres de solubilité a été « de l’étagère » qui consistait à essayer patiem- On a donc l’énergie de cohésion molaire du
mise au point il y a maintenant près de qua- ment les solvants les uns après les autres, plus système E = DHv – RT.
rante ans par Charles M. Hansen (membre de la ou moins au hasard. L’expérience et l’intuition À partir de cette base thermodynamique, Joël
Danish Academy of Technical Sciences). Il tra- de l’expérimentateur permettant de compen- Hildebrand (1881-1983) a introduit le concept
vaillait à l’époque dans un laboratoire de ser l’absence de méthode scientifique. Que dire de paramètre de solubilité dans des travaux
recherche danois pour l’industrie des peintures quand il faut dissoudre dans le même solvant théoriques développés pendant la première
et vernis. Cette méthode est l’aboutissement plusieurs solides de propriétés physico- moitié du vingtième siècle.
d’un long travail théorique et pratique pour chimiques complètement différentes. Il faut Il définit le paramètre de solubilité global d’une
comprendre et expliquer un milieu difficile à une bonne dose d’optimisme en n’étant, au substance comme étant la racine carrée de
modéliser, l’état liquide, qui se situe entre deux final, pas sûr que le résultat trouvé soit le l’énergie de cohésion par unité de volume,
« limites » : l’état gazeux où les molécules sont meilleur et même qu’il y ait un résultat accep- avec V le volume molaire, soit :
très mobiles mais éloignées les unes des autres, table ! C’est dans tous les cas beaucoup de
et l’état solide où les molécules sont très pro- temps perdu. d = 公(DHv − RT) ⁄ V
ches mais pratiquement immobiles. « Des trois
états usuels de la matière, gaz, liquide et solide En l’état, ce paramètre d est de peu d’utilité
La méthode : pratique.
cristallin, l’état liquide a été le dernier à être
étudié quantitativement et il est encore le
principes de base Charles M. Hansen [3-5, 7, 8], profitant du
moins bien compris » [1, 2, 9]. développement de l’informatique dans les
Avec les paramètres de solubilité, le formula-
années 1960, a eu l’idée de scinder ce paramè-
teur dispose d’une méthode simple et rapide
tre « global » en trois de ses composantes prin-
Comment formuler ? pour arriver au meilleur résultat sans gaspillage
cipales : les forces dites de « dispersion » de
de temps !
London dD , les forces de polarité de Keesom dP
Tous ceux qui travaillent dans le domaine de la Il existe au sein des molécules quatre types de
(entre dipôles permanents), et les forces de
formulation savent combien il est parfois diffi- forces de cohésion : les trois forces de Van der
liaison hydrogène dH. Les forces de Debye tou-
cile de solubiliser ce que l’on appelle en jargon Waals (interactions de London, de Keesom et
jours faibles en valeurs absolues (dipôles
de métier « un caillou ». Lorsqu’un solide (le de Debye) et la force de liaison hydrogène. Ces
induits) sont négligées en première approxi-
soluté) n’est pas soluble dans l’eau, il reste deux forces permettent à un solvant de rester à l’état
mation.
possibilités : l’une consiste à le réduire en pou- liquide. Elles s’opposent efficacement à l’agita-
dre afin de le disperser dans ce milieu avec un tion thermique. Si l’on chauffe le liquide, il Hansen obtient ainsi un espace à trois dimen-
système tensioactif. On obtient une dispersion arrive un moment où l’énergie apportée au sions dans lequel toutes les substances liquides
à peu près stable si les tensioactifs sont bien système devient juste suffisante pour rompre ou solides peuvent être localisées en supposant
choisis et la poudre suffisamment fine. Mais, les forces de liaisons qui maintiennent les molé- que l’énergie totale de cohésion des dites subs-
pour différentes raisons, cette option n’est pas cules au contact et le solvant passe à l’état tances est la somme géométrique des énergies
toujours satisfaisante. L’autre consiste à trouver gazeux. Cette énergie DHv est appelée enthal- intermoléculaires définies plus haut, de telle
un solvant du « caillou » pour obtenir une solu- pie de vaporisation. Pour avoir une valeur cor- sorte que l’on peut écrire :
tion homogène. recte de l’énergie « E » des forces existant entre d = 公dD + dp + dH
2 2 2
Là les problèmes commencent ! Quel solvant les molécules, il faut soustraire la valeur du
choisir ? Il y en a des centaines sinon des mil- travail effectué pour éloigner les molécules les De manière pratique, on calcule pour chaque
liers ! De quelle famille chimique ? Avec quelles unes des autres lors du changement d’état. Elle liquide les valeurs des paramètres dD, dP et dH,
propriétés physiques ? Pendant longtemps la est donnée par la loi des gaz parfaits PV = RT puis on porte ces grandeurs selon les trois axes
seule technique connue a été la méthode dite pour 1 mole de gaz. de cet espace. Le point correspondant repré-
14 0 5 10 15 20 25 30
30
19
25
20
24
15
10
Intérieur du volume
PARAMÈTRES DE HANSEN (J/cm3) ½
Extérieur du volume
Insoluble
Soluble
sente la combinaison des interactions qui série standard de solvants bien répartis dans partir de solvants existant sur le marché, et
assure la cohésion du liquide [9]. l’espace de Hansen, de calculer le d global de sélectionnés en fonction de critères physico-
Pour qu’une substance solide quelconque soit Hildebrand, et de préciser les limites du volume chimiques, économiques et environnemen-
soluble dans un liquide, ou que deux liquides par quelques mélanges de solvants et de non taux, une formulation de deux ou plusieurs
soient miscibles entre eux, il faut que leur situa- solvants. Ces tests se prêtent bien à la robotisa- constituants ayant les mêmes paramètres que
tion dans l’espace soit voisine, c’est-à-dire que tion. le solvant idéal.
leurs paramètres de solubilité soient proches.
La puissance de la méthode vient de la possibi- Création d’un solvant vert !
lité de travailler sur les mélanges de solvants Les applications pratiques
sachant que les paramètres de solubilité d’un Chaque groupe d’atomes dans une molécule
Elles sont nombreuses et intéressent tous les contribue à la valeur finale des trois paramètres
mélange sont proportionnels aux fractions secteurs de l’industrie.
volumiques des constituants du mélange. dD, dP et dH. Il est possible par modélisation
Sans entrer dans les détails théoriques, le mot d’une nouvelle molécule chimique, de rempla-
« proche » signifie que le soluté et le solvant,
Choix d’un solvant cer un solvant efficace, mais ayant certains
ou mélange de solvants sont suffisamment voi- On peut calculer la position dans ou hors du inconvénients (prix, liquide trop volatil, inflam-
sins pour que l’enthalpie de mélange « DHM » volume de n’importe quel solvant non testé mable, nocif, etc.) par une autre substance
(terme positif qui s’oppose à la dissolution) ne dont on connaît les paramètres et ainsi en ayant les mêmes propriétés solvantes mais sans
soit pas supérieure au facteur associant l’entro- prévoir l’efficacité. Il est possible de trier les en avoir les inconvénients.
pie et la température : « TDS » (terme négatif solvants potentiels par ordre de distance au Ceci dit, le choix des éléments devant consti-
qui favorise la dissolution). centre du volume. Les plus proches du centre, tuer le meilleur solvant pour l’application
En effet, pour qu’il y ait dissolution, la variation donc du soluté, sont ceux qui thermodynami- comme pour l’environnement n’est pas évi-
d’enthalpie libre « DG » doit toujours être quement ont le plus de chance de donner une dent. L’idée même du solvant « vert » est sou-
négative. solution stable. vent très subjective. La plupart du temps, un
C’est la loi de Gibbs-Helmholtz : DG=DHM−TDS produit « vert » est assimilé à un produit extrait
Mélange de deux non-solvants des plantes ou dont la molécule est proche de
celle de substances naturelles. Or, c’est une
Le volume de solubilité Beaucoup plus spectaculaire : si l’on choisit de idée trop simple, sinon simpliste. Le pétrole
faire un mélange de deux non-solvants situés dérive de végétaux ! La caféine extraite de
En conséquence, un soluté occupe le centre
de part et d’autre du volume, afin que les plantes (café, thé, cacao) est classée nocive par
d’un volume de solubilité dans lequel la fonc-
paramètres du mélange soit dans le volume, la ingestion (R22). Certains produits toxiques
tion DG est négative. Tous les solvants et
composition sera solvante ! Il faut cependant sont mêmes nécessaires à la vie à très faibles
mélanges se trouvant dans ce volume sont
que ces deux liquides ne soient pas trop éloi- doses, ainsi la vitamine D3 (cholécalciférol). De
solvants vrais du soluté en question. Ceux qui
gnés pour éviter une démixtion. fait, la nocivité est souvent plus une question
se trouvent à l’extérieur sont des non-solvants
(voir exemple à la figure 1, pour un polymère de quantité que de qualité.
commercial). Choix d’un mélange Il y a quelques années, le d-limonène, solvant
Pour déterminer les paramètres de solubilité Plus simplement, s’il n’existe pas de solvant puissant extrait de l’écorce d’agrumes, a été
d’un soluté, il suffit de le mélanger avec une dans la zone recherchée, on peut calculer à industrialisé pour remplacer des solvants de
300 DOSSIER
synthèse jugés nocifs. Solvant naturel, il a pris composition solvante. Par exemple, avec deux par Rhône Poulenc au début des années 1990
des parts de marché non négligeables jusqu’au produits solides, il suffit que les volumes des avec un succès prometteur, mais demanderait
moment où il a été classé irritant et très toxique deux substances aient une zone commune un travail plus poussé de type universitaire pour
pour l’environnement (R 50/53) ! (intersection des deux ensembles) et de calcu- être publié.
Il n’y a donc pas de recette universelle. Prati- ler une composition de solvants dont les para- Les approximations introduites par Hansen
quement, on utilise les éléments constituants la mètres sont situés dans ce domaine. Ce type de peuvent en partie expliquer pourquoi sa
molécule comme des briques à assembler en problème est classique en santé humaine, en méthode à trois paramètres a suscité, au
sélectionnant celles qui sont connues comme santé animale, en agrochimie, etc. départ, peu d’enthousiasme parmi les théori-
ne présentant en général pas de risque. Certai- Un laboratoire doit par exemple formuler plu- ciens. Par contre, en milieu industriel, sa facilité
nes fonctions (ester, cétone, alcool...) sont pré- sieurs principes actifs insolubles dans l’eau dans d’utilisation et les résultats qu’elle permet
férables, d’autres sont à éviter, les azotés en une seule composition liquide. L’eau doit être d’obtenir dans un minimum de temps ont fait
particulier (amine, nitrile...). On peut partir le véhicule majoritaire. L’émulsion s’impose. son succès, en particulier dans le domaine des
d’une molécule naturelle sans danger et la Mais comment procéder ? peintures non aqueuses [6, 9]. Ce constat expli-
modifier pour lui donner les propriétés recher- Une étude des paramètres de solubilité de cha- que qu’elle soit maintenant reconnue et ensei-
chées. Les acides gras servent souvent de base cun des solutés permet de sélectionner l’huile gnée dans les établissements universitaires.
de départ mais ils donnent des solvants à haut ou une association d’huiles afin de dissoudre la
point d’ébullition. Les esters de diacides don- quantité optimale de chacun d’entre eux. Ce
nent également de bons solvants biodégrada- problème réglé, il reste à trouver l’association RÉFÉRENCES
bles et plus polyvalents. L’élaboration de sol- de tensioactifs pour stabiliser l’émulsion. 1. HILDEBRAND J. SCOTT. The solubility of
vants de faible masse moléculaire est moins Un autre avantage, et non des moindres : on nonelectrolytes. New York : Reinhold, 1949.
évidente. Leur pression de vapeur est élevée et peut très rapidement affirmer qu’un problème
2. BURRELL H. The challenge of the solubility
il est difficile de ne pas avoir d’effet sur le n’a pas de solution. Par exemple, si deux solu-
parameter concept. JPT 1968 ; 40(520).
système respiratoire et sur les muqueuses, sauf tés ont des volumes disjoints !
à choisir des éléments n’ayant aucune interac- 3. HANSEN CM. The three dimensional solubility
tion avec l’organisme (silicones, perfluorés, parameter. Key to paint component affinities. I.
etc.). Cependant, nous avons pu remplacer, en
Les limites de la méthode Solvents, plasticizers, polymers and resins. JPT ;
39(505).
suivant cette procédure, un solvant toxique • Elle ne s’applique pas aux non-électrolytes,
classé « CMR » par un éther-ester aux caracté- c’est-à-dire en particulier aux minéraux et aux 4. HANSEN CM. The three dimensional solubility
ristiques très voisines mais dépourvu de noci- sels, substances dans lesquelles les liaisons sont parameter : II Dyes, emulsifiers, mutual solubi-
vité et sans danger pour l’environnement. fortement ioniques. lity and compatibility and pigments. JPT 1967 ;
• L’impasse faite sur les liaisons de Van der 39(511).
Choix d’une « huile » pour émulsion Waals de type Debye conduit à une certaine 5. HANSEN CM, SKAARUP K. III. Independent cal-
Les huiles végétales ou animales sont générale- proportion d’anomalies (de l’ordre de 10 à culation of the parameter components. JPT
ment des triglycérides d’acides gras. Par exten- 20 %). Cela veut dire qu’un liquide situé dans 1967 ; 39(511).
sion, on appelle « huile » tout solvant plus ou le volume de solubilité n’est pas toujours sol- 6. BAGLEY EB, NELSON TP, SCIGLIANO JM.
moins visqueux et de point d’ébullition élevé. vant. Ce risque est d’autant plus élevé que l’on Three-dimensional Solubility Parameters and
L’huile sélectionnée en fonction de ses paramè- se rapproche de la zone limite du volume. their relationship to internal pressure measure-
tres de solubilité peut servir de solvant d’un • Avec un système simplifié à trois paramètres, ments in polar and hydrogen bonding solvents.
principe actif insoluble dans l’eau. Il suffit la visualisation du volume est facilitée mais la JPT 1971 ; 43(555).
ensuite de disperser l’huile dans l’eau (émul- méthode ne permet qu’une évaluation qualita-
7. HANSEN CM, BEERBOWER A. Solubility parame-
tive : le liquide solubilise ou non la substance à
sion directe) avec les tensioactifs appropriés. ters. Kirk Othmer. Sup vol. 2e édition, 1971, p.
dissoudre. Pour avoir un calcul quantitatif, 889-910.
donc connaître la concentration maximale pos-
Formulation de plusieurs solutés sible avec les substances organiques solides, il 8. Hansen CM. Hansen solubility parameters : A
La méthode permet également de résoudre faut intégrer les quatre types de forces intermo- User’s Handbook. CRC Press, 2000.
des problèmes plus complexes où l’on doit léculaires et tenir compte des effets acido- 9. CABANE B, HENON S. Liquides. Paris : Belin,
formuler plusieurs solutés dans une même basiques au sens de Lewis. Ce travail a été initié Collection Echelles, 2003.