Bagf 0004-5322 1991 Num 68 4 1588
Bagf 0004-5322 1991 Num 68 4 1588
Bagf 0004-5322 1991 Num 68 4 1588
géographes français
Résumé
Résumé. — Le déséquilibre alimentaire de l'Algérie est à l'origine des projets de mise en valeur des terres sahariennes,
promues au rang d'un nouvel El Dorado, l'idée - en partie inspirée du modèle de l'Arabie Saoudite - étant de produire du blé. Il
s'agit d'une médiocre affaire commerciale, le prix à payer en matière d'aménagement étant très coûteux, sans compter qu'à la
dépendance alimentaire se substitue une dépendance technologique. Seuls des projets agricoles intégrant le contexte
économique algérien, et les ressources humaines, sont susceptibles de favoriser un développement socialement équilibré.
Abstract
Abstract. - The food deficit from which Algeria is suffering is at the root of the projects for the development of Saharan land.
This area has become, in the minds of its promoters, a new wheat-producing El Dorado, and its development is inspired by the
Saudi Arabian example. It is however a rather poor commercial enterprise - the development costs being very high - together
with the fact that the country is replacing a dependence on food import with a dependence on imported technology. Only
agricultural projects integrating the Algerian economic and human ressources context can favour a socially balanced
development.
Dubost Daniel. Le blé du Sahara peut-il contribuer à l'auto-suffisance de l'Algérie ? (Can the wheat grown in the Sahara
contribute to algerian food self-sufficiency ?). In: Bulletin de l'Association de géographes français, 68e année, 1991-4 (
septembre). pp. 311-320;
doi : https://doi.org/10.3406/bagf.1991.1588
https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_1991_num_68_4_1588
Daniel DUBOST *
Vouloir cultiver les zones arides est un paradoxe, puisque l'eau y est
particulièrement rare et que les plantes en sont d'exceptionnelles
consommatrices: un arbre isolé, même sous nos climats, peut évaporer 500 1 d'eau
par jour, et un palmier adulte transpire en moyenne 800 l/j au mois de
juillet à Adrar. Au Sahara (moins de 1 50 mm de pluie en moyenne), il faut
nécessairement apporter toute cette eau par l'irrigation, car les pluies sont
trop irrégulières pour rentrer dans les calculs.de l'agriculteur. Avec les
méthodes traditionnelles d'arrosage, l'efficacité ne dépasse pas 50 %, ce
qui augmente d'autant les besoins en eau.
Faculté des Sciences, Université d'Angers, et URBAMA, U.R.A. 365 du C.N.R.S., Tours.
312 D. DUBOST
dans le nord de l'Oued Rhir et du Souf . Elles servent à irriguer la plus grande
partie des palmeraies de l'Oued Rhir et des Ziban (25 000 ha), en
particulier les plantations de palmiers deglet nour. On peut penser qu'aujourd'hui
on extrait 1 5 m3/s au total du Complexe Terminal.
Les deux réservoirs principaux fournissent donc autour de 34 m3/s d'eau
d'irrigation. Les hydrogéologues (BRGM), qui ont étudié le comportement
des systèmes par simulations informatisées, pensent qu'on peut
atteindre de 42 m3/s (hypothèse basse) à 58 m3/s (hypothèse haute)(5). On
considère qu'on ne peut exploiter ces gisements selon les mêmes critères que
des nappes plus circonscrites, à recharge annuelle, et qu'il est possible
d'entamer les réserves moyennant des limites d'ordre technique et
économique, en particulier en limitant à environ 60 m les profondeurs maxima
de pompage, et en conservant au maximum les régions d'artésianisme.
Le suivi des rabattements des nappes devrait s'effectuer en permanence,
maille par maille.
En supposant que la moitié de ces ressources soit affectée à la
production de céréales, par exemple du blé en hiver et du sorgho ou du mil en
été, qui exigent environ 0,6 l/s de débit fictif continu, on pourrait
envisager l'irrigation de 40 000 ha (pour 24 m3/s). Ces 40 000 ha représentent
un peu plus de 10 % des superficies aujourd'hui irriguées dans l'Algérie
entière. En tenant compte des deux cultures possibles dans l'année, à
40 qx/ha on obtiendrait 1 60 000 tonnes de blé supplémentaires (quasi
l'autonomie en farine pour les Sahariens), et à 30 qx/ha, 1 20 000 tonnes
de mil, lequel semble mieux adapté que le sorgho en culture d'été. Au total,
l'apport serait de 280 000 tonnes, soit entre 1 0 et 1 5 % du déficit annuel.
On comprend que de telles perspectives soient tentantes pour un pays aux
prises avec des problèmes alimentaires graves.
Plus encore que les autres régions, les oasis, transformées par les
équipements publics, l'industrialisation et l'urbanisation (7) ont connu une
longue période de désaffection agricole, jusqu'à ce que le gouvernement
algérien décide de remobiliser leurs potentialités. Il a d'abord édicté une
loi donnant l'accès à la propriété foncière des terres mises en valeur (loi
d'APFA d'août 1 983), et lancé un programme de mise en valeur à grande
échelle par des rampes-pivots d'irrigation, inconnues jusqu'alors. Il a
d'ailleurs lui-même importé plus de 1 50 rampes (5 000 ha de capacité), dont
40 pour établir 2 000 ha de fermes-pilotes dans le Gassi Touil. Les autres
ont été revendues à des entrepreneurs privés (Guerara) ou publics
(entreprises de wilaya).
DU BLÉ AU SAHARA? 317
CONCLUSION
Population (millions) 14 4 25
Pétrole (milliards $) (1980-1988) 100/20 15/11 12/8
Disponibilités en eau souterraine 234 m3/s 80 m3/s 50 m3/s
Superficies irrigables 400 000 ha 250 000 ha 80 000 ha
Besoins en céréales 2 Mt/an 0,8 Mt/an 4 Mt/an
NOTES ET RÉFÉRENCES
1 . PLANHOL X. (de),' ROGNON P., 1 970. - Les zones tropicales arides et subtropicales, Paris, Colin,
487 p.
2. ALLAYA M., LABONNE M., PAPAYANNAKIS M., 1988. - «Les échanges agro-alimentaires
méditerranéens: enjeu mondial». Options méditerranéennes, 271 p.
3. MUTIN G., 1980. - «Agriculture et dépendance alimentaire en Algérie». Maghreb-Machreck,
pp. 40-64
320 D. DUBOST
4. PERENNES J.J., 1 990. - L'eau, les paysans et l'Etat, la question hydraulique dans les pays du
Maghreb. Thèse, Grenoble, Univ. Sciences Sociales.
5. CASTANY G., 1982. - «Le bassin sédimentaire du Sahara septentrional (Algérie-Tunisie). Aquifè-
res du Continental Intercalaire et du Complexe Terminal». Bull. B.R.G.M. 2e sér., 2, pp. 127-149.
6. C'est pour éviter ces déboires que la Libye a entrepris de transporter l'eau vers la Cyrénaïque, les
terres cultivées restant stables pendant qu'on peut déplacer les forages d'exploitation (cf Margat
J., 1990, «Les gisements d'eau souterraine», La Recherche, 221, pp. 590-596).
7. BISSON J., 1983. - «L'industrie, la ville, la palmeraie au désert. Un quart de siècle d'évolution au
Sahara algérien». Maghreb-Machreck, 99, pp. 5-29, et «Les villes sahariennes, politique
volontariste et particularismes régionaux», ibid., pp. 30-41.
8. GUESMIA S., 1990. - Rapport DEA de Géographie et Aménagement du Monde Arabe (Tours).
9. DUBOST D., 1989. - «L'oasis: mythe agricole et réalités sociales», Cahier de la Recherche-
Développement, 22, pp. 28-42.
10. DUBOST D., 1986. - «Nouvelles perspectives agricoles au Sahara algérien», In « Désert et
montagne au Maghreb, R0MM, 41-42, pp. 339-356.
1 1 . LUCIANI G., 1 990. - «Arabie Saoudite, l'industrialisation d'un Etat allocataire». Maghreb-Machreck,
129, 76-93.
12. FORKASIEWICZ J., 1982. - «Bassin nubien (Egypte, Libye, Soudan), Bull BRGM 2» sér. 2.
1 3. SARI D., 1 990. - « L'indispensable maîtrise de la croissance démographique en Algérie », Maghreb-
Machreck, 1 29, 23-46.
14. DUBOST D., 1989. - «La ville, les paysans et le développement agricole au Sahara algérien». In
«Le nomade, l'oasis, la ville», Tours, URBAMA, pp. 133-150.