Anaerobies Strictes

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Anaérobies strictes

1. QU'EST CE QUE LES ANAÉROBIES STRICTES


Découverte
L'existence de bactéries incapables de cultiver en présence de dioxygène est connue depuis fort longtemps,
tant dans l'environnement que dans certains produits pathologiques. Leur culture en milieu anaérobie simples
comme la gélose VF, le montre aisément.
Ces bactéries sont inhibées et tuées par l'Oxygène atmosphérique.
Causes de la toxicité du dioxygène de l'air
En présence de dioxygène, il y a formation de molécules particulières, les peroxydes.
Ces peroxydes sont entre autres : l'ion superoxyde, le peroxyde d'hydrogène ou eau oxygénée...
Une réaction est particulièrement importante pour la production d'H2O2 : c'est la réaction de l'oxygène avec les
coenzymes flaviniques comme FADH2 :
FADH2 + O2 —> FAD + H2O2
Il semble aussi que la dernière réaction de la respiration, la réduction de l'Oxygène, donne dans un premier
temps des ions superoxydes :
.-
e- + O2 --> O2
+ .-
puis 2H + 2 O2 --> H2O2 + O2
Pourquoi les peroxydes sont-ils toxiques et comment les éliminer ?
Ces peroxydes sont des oxydants puissants qui détruisent les molécules organiques (DNA, protéines) et qu'il
faut éliminer par des enzymes comme :
• la superoxyde dismutase
• la catalase
• les peroxydases.
D'ailleurs ces peroxydes sont utilisés par le macrophage notamment pour tuer les cellules étrangères.
Les êtres vivants qui ne possèdent pas ces enzymes meurent en présence d'oxygène et sont donc anaérobies
strictes. Ceux qui en possèdent peu ou seulement des peroxydases cultivent préférentiellement en anaérobiose
(Streptococcus, Lactobacillus).
Cette interprétation est une approche classique qui sera un jour éclairée par d'autres données : il existe en effet
des anaérobies strictes catalase positive !
Certaines bactéries sont mêmes EOS (Extremement Oxygen sensible) : elles ne peuvent survivre, même
brièvement, en présence d'une faible concentration de dioxygène. Ces EOS sont très nombreuses dans la flore
fécale et appartiennent souvent aux archées.

2. MÉTHODES D'ÉTUDE DES BACTÉRIES


ANAÉROBIES STRICTES
2.1. Méthodes pour obtenir et conserver l'anaérobiose
a. Maintien de l'anaérobiose
Le but fondamental est d'éliminer l'oxygène.
Mais il faut de plus éviter qu'il ne revienne : le conditionnement est donc essentiel
avec :
• des tubes à section étroite
• des milieux gélosés où l'oxygène diffuse mal
• des milieux sous paraffine ou vaseline
• des enceintes hermétiques ou jarres ou des hottes anaérobies.

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b. Par régénération des milieux
C'est le procédé de dégazage le plus simple : l'ébullition assure par diminution de la solubilité des gaz avec
l'augmentation de la température, le départ du dioxygène (et des autres gaz de l'air).

c. Anaérobiose par réduction chimique du dioxygène


Par molécules réductrices dans le milieu
Des molécules peuvent être ajoutées dans le milieu en assurant une certaine anaérobiose. On les utilise donc
en combinaison avec d'autres méthodes comme la régénération. Ces molécules ne doivent pas être toxiques pour
les microorganismes.
On utilise la CYSTÉINE ou des morceaux d'organes contenant de la CYSTÉINE (Cervelle, rein, foie...). En effet
la cystéine est réductrice : deux molécules de cystéines s'unissent par un pont disulfure en libérant deux
électrons.
On utilise aussi le THIOGLYCOLATE de sodium (retrouvé dans les milieux pour hémocultures) appelé en
nomenclature systématique ACIDE MERCAPTOÉTHANOÏQUE de formule HS-CH2-COOH.

Par l'hydrogène en jarre


+
La génération de l'hydrogène (2) est obtenue par réaction d'ions H de l'eau sur l'hydrure (sous forme de
borohydrure) :
- -
BH4 −−> BH3 + H (ion hydrure : un proton entouré de deux
électrons donc chargé -) ou
- +
H + H −−> H2
L'hydrogène réagit avec l'oxygène (1) en présence d'un
catalyseur afin d'éviter l'explosion pour donner de l'eau.
2 H2 + O2 --> 2 H2 O
En règle générale, un dégagement de dioxyde de carbone (3)
est réalisé en même temps car il favorise la culture de ces
bactéries.
Les systèmes commercialisés comme GasPack®, sont formés
d'un sachet contenant deux comprimés contenant l'un le
borohydrure de sodium et de l'acide citrique, le deuxième de
l'hydrogénocarbonate de sodium et de l'acide citrique comme
dans les comprimés effervescents. L'addition d'eau permet la réaction et impose le placement rapide du sachet
dans la jarre et sa fermeture. Il convient d'éviter une flamme proche à cause du dihydrogène.
Ces systèmes semblent aujourd'hui abandonnés ou d'usage limité.

Système Generbag Biomérieux


Le système Generbag Mérieux permet d'obtenir l'anaérobiose par simple ouverture d'un sachet dont la
composition n'est pas connue (peut être du fer métallique pulvérisé) mais qui comprend un réducteur de
l'atmosphère et un générateur de dioxyde de carbone.

d. Par une atmosphère gazeuse artificielle


L'air est éliminé par des gaz purs : azote par ex.
Des milieux sont conditionnés sous azote comme le milieu pour la galerie API20A.
Les enceintes anaérobies sont de même sous une atmosphère artificielle.

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Il existe aussi des enceintes de travail anaérobies :

Remarque
Il existe des molécules permettant de "mesurer" le niveau de l'anaérobiose, le rH2. Ce sont des colorants
existants sous deux formes selon l'État rédox du milieu, des indicateurs rédox. Un des plus connus c'est le bleu de
méthylène qui est bleu en présence de dioxygène et blanc en milieu réduit.

2.2. Techniques d'isolement


a. Isolement en profondeur (technique ancienne)
On utilise une série de géloses VF sans recharger entre elles et sans stériliser la pipette. Il faut 6 géloses pour
une souche pure et 12 pour un mélange. On préfère aujourd'hui d'autres techniques mais la conservation des
souches est ainsi très efficace sans précautions particulières. La récupération des bactéries impose de casser
stérilement le tube.

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b. Isolement en surface (technique à utiliser aujourd'hui)
Non sélectif
L'isolement se fera sur milieux riches comme la gélose au SANG frais ou la GC + PV.
Il devra être incubé en anaérobiose en jarre.

Sélectif
Des antibiotiques permettent d'assurer une sélectivité à l'isolement :
ex : Kanamycine + Vancomycine pour l'isolement des bacilles gram négatif du genre Bacteroides.
Pour les bactéries sporulées, on peut facilement éliminer les formes végétatives et les autres bactéries par
chauffage 10 minutes à 80°C.

2.3. Technique pour l'État frais


Une effilure de pipette Pasteur recueille un peu de bouillon étuvé. On coupe cette pipette et on la place sur une
lame. On obture les extrémités avec de la paraffine fondue. Cette technique ancienne n'est pas facile à mettre
en oeuvre dans des conditions de sécurité optimales.
Certains auteurs préconisent l'état frais luté tel qu'il était réalisé antan pour toutes les bactéries. Or le lutage
risque de provoquer la formation d'aérosols, chauffe la lame, prend du temps : la mobilité sera beaucoup plus
facile à détecter sur un état frais classique (bouillon anaérobie) pourvu qu'il soit observé très rapidement.

2.4. Milieux de culture


Considérations générales
Ce sont des bactéries exigeantes : l'apport de facteurs de croissance est nécessaire en particulier l'hémine
ou la vitamine K1 pour certains germes. Le sang (ou le sang laqué) est donc un bon candidat pour
l'enrichissement, d'autant qu'il apporte la catalase.
L'apport de substances réductrices est utile (cystéine, thioglycolate...) au maintien de l'anaérobiose.

Milieux de base
Milieu de Schaedler :
• peptones et extrait de levure
• glucose
• tampon TRIS
• hémine
• Chlorhydrate de L-Cystéine
• Vitamine K3
Milieu TGY (trypticase-Glucose-Yeast)
• peptones et extrait de levure
• glucose
• thioglycolate de sodium (réducteur)
Milieu VF (viande foie)
Milieu VL (viande levure)

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Milieux liquides (enrichissement-culture)
Bouillon de Schaedler
Bouillon VF ou VL
Milieu de Rosenow :
• peptones
• chlorhydrate de cystéine
• glucose
• chlorure de sodium
• indicateur d'Andrade (fuchsine acide)
+
• marbre blanc (carbonate de calcium neutralisant les ions H )
• morceau de cervelle
La lecture de ce milieu est très empirique : gaz visible par décollement du bouchon de paraffine, fermentation du
glucose (virage au rouge), réduction du milieu (virage au vert et à l'incolore).

Milieux solides d'isolement


Gélose au sang frais
(base : Columbia, Schaedler...)
Gélose VF
qui reste le milieu de choix pour la conservation des anaérobies strictes.
Milieu TSC (Tryptone-Sulfite-Cyclo-sérine)
Ce milieu est utilisé pour l'isolement de Clostridium perfringens des eaux.
• tryptone
• citrate de fer ammoniacal
• disulfite de sodium (générateur de sulfite)
• cyclosérine (antibiotique)
• agar-eau
Milieu de Willis
• base Columbia
• lactose
• rouge neutre
• émulsion de jaune d'oeuf
• (éventuellement : néomycine pour inhiber les Entérobactéries)
On peut étaler sur une demi-boîte du sérum anti Cl. perfringens pour inhiber l'action enzymatique.

2.5. Identification
Les milieux anciens utilisés sont aujourd'hui détrônés par des techniques miniaturisées, et plus particulièrement
par des méthodes mettant en évidence des enzymes en aérobiose. La chromatographie en phase gazeuse peut
être utilisée parfois.

Milieux classiques pour l'identification


• bouillon TY avec addition de glucide ou CTA... avec problème de réduction de l'indicateur. Il faut
ajouter alors ajouter de l'indicateur le lendemain pour apprécier l'acidification. (vieille technique !)

Galerie API20A
La galerie API20A est calquée sur la galerie API20E mais l'inoculation est faite avec un bouillon de Schaedler
(additionné de tryptophane) fortement ensemencé et conditionné sous azote. L'incubation
est anaérobie.
On recherche la fermentation
• de nombreux glucides (indicateur de pH : BCP)
• l'Uréase,
• la production d'indole
• l'hydrolyse de l'Esculine avec un problème de distinction entre H2S et Esculine
que la fluorescence de l'Esculine sous UV permet de résoudre.
• la gélatinase.

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Galerie API32 A
Cette galerie est basée sur un inoculum important et une incubation courte et AÉROBIE.
Les recherches sont donc essentiellement enzymatiques :
Uréase, ADH, diholosidases, Aminopeptidases, etc…

Chromatographie en phase gazeuse (historique)


La chromatographie en phase gazeuse est utilisée de deux façons en microbiologie et trouve une application
particulièrement importante pour les anaérobies :
• identification et dosage des produits de fermentations
• identification et dosage des produits volatils (AG en général) de la cellule entière.
Les profils obtenus, dans des conditions qui doivent être parfaitement standardisées, conduisent à l'identification
par comparaison avec des profils standards établis par ailleurs.
Des difficultés techniques et la nécessité d'une base de données importante, ralentissent considérablement
l'utilisation de cette technique ancienne en routine.
Ex : CPG de Clostridium difficile :

Utilisation d'inhibiteurs (Anaérodiscs Biomérieux) pour les


Gram négatifs (à titre historique)
Une technique ancienne permettait d'identifier les Gram négatifs avec l'utilisation d'antibactériens :
• des antibiotiques : Kanamycine 1000 µg, Pénicilline 2 U, Colimycine 10 µg, Érythromycine 60 µg,
Rifampicine 15 µg, Vancomycine 5 µg.
• des molécules : bile 5 mg, Vert brillant 100 µg.
La technique utilisée mettait en jeu des disques sur une gélose au sang incubée en anaérobiose.
N'oublions pas qu'il faut ABSOLUMENT VÉRIFIER QUE LA SOUCHE EST ANAÉROBIE STRICTE AVANT
d'identifier. La technique la plus fiable est l'absence de culture sur gélose au sang frais anaérobie.

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3. LES BACTÉRIES ANAÉROBIES STRICTES
La taxonomie des anaérobies strictes n'est pas aussi évidente qu'il n'y paraît. En effet, une bactérie cultivant
habituellement en aérobiose peut devenir anaérobie stricte par perte de gènes essentiels à la vie aérobie. Il n'est
donc pas surprenant de trouver des Streptococcus ou des Lactobacillus anaérobies strictes ! Nous avons pu ainsi
trouver un Lactobacillus identifié comme acidophilus (en API20A) dans une selle normale... trouvant là une source
possible pour la flore vaginale !
Ajoutons que de très nombreux anaérobies strictes ne sont pas cultivables aujourd'hui ou ne sont cultivables
que dans des conditions physicochimiques particulières, en particulier pour les archées.
L'habitude est de distinguer les sporulés sous la dénomination de "flore tellurique" des autres anaérobies
strictes.
On verra que le qualificatif de tellurique est très certainement faux.

3.1. Place des anaérobies strictes dans la classification


Dans la classification de Bergeys, les anaérobies strictes (médicales) sont trouvées dans de nombreux groupes
(en vert : quelques souches sont concernées) :
En orange : la plupart sont anaérobies strictes
En violet : quelques anaérobies strictes.

famille des Clostridiaceae


famille des Peptostreptococcaceae
Class I : Clostridia Ordre I : Clostridiales famille des Eubacteriaceae
famille des Peptococcaceae
famille des Acidominococcaceae
Ordre I : Mycoplasmatales famille des Mycoplasmataceae
Class II : Mollicutes
Ordre V : Incerta sedi famille des Erysipelotrichaceae (genre Erysipelothrix)
famille I des Bacillacae (genres Bacillus, Amphibacillus,
Virgibacillus...)
famille II des Planococcaceae
phylum XIII : Firmicutes Ordre I : Bacillales famille IV des Listeriaceae (genre Listeria et Brochothrix)
famille V des Staphylococcaceae (genres Staphylococcus,
Gemella...)
famille VII des Paenibacillaceae
Class III : Bacilli
famille I des Lactobacillaceae (genres Lactobacillus,
Pediococcus...)
famille II des Aerococcaceae
Ordre II : Lactobacillales famille IV des Enterococcaceae (genres Enterococcus...)
famille V des Leuconostocaceae
famille VI des Streptococcaceae (genres Streptococcus,
Lactococcus)

Class III :
Actinobacteria

Ordre I : Actinomycétales
famille I des Micrococcaceae (genre Micrococcus, Arthrobacter,
Rothia, Stomatococcus...)
sous-ordre VI famille V des Brevibacteriaceae (genre Brevibacterium...)
Micrococcineae famille IX des Dermatococcaceae (genre Dermacoccus,
phylum XIV : Kytococcus...)
Actinobacteria sous-classe V
famille XI des Jonesiaceae (genre Jonesia...)
Actinobacteridae famille I des Corynebacteriaceae (genre Corynebacterium)
sous-ordre VI
famille IV des Mycobacteriaceae (genre Mycobacterium)
Corynebacterineae
famille V des Nocardiaceae (genres Nocardia, Rhodococcus)
sous-ordre XI
famille puis genre Streptomyces etc
Streptomycineae
famille I des Bifidobacteriaceae (genres Bifidobacterium,
Ordre II : Bifidobacteriales
Gardnerella)

phylum XVI :
Chlamydiae

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famille I des Spirochaetaceae (genre Spirochaeta, Borrelia,
phylum XVII : Class I :
Ordre I : Spirochaetales
Treponema)

Spirochaetes Spirochaetes
famille II des Serpulinaceae
famille III des Leptospiraceae (genre Leptonema et Leptospira)

famille I des Bacteroidaceae (genre Bacteroides...)


Class I :
Ordre I : Bacteroidales
Bacteroidetes
famille III des Porphyromonadaceae (genre Porphyromonas)
phylum XX :
famille IV des Prevotellaceae (genre Prevotella)
Bacteroidetes Class II : famille I des Flavobacteriaceae (genres Flavobacterium,
Ordre I : Flavobacteriales
Flavobacteria Weeksella...)
Class III :
Ordre I : Sphingobacteriales famille I des Sphingobacteriaceae (genre Sphingobacterium...)
Sphingobacteria
phylum XXI : Class I :
Ordre I : Fusobacteriales famille I des Fusobacteriaceae (genre Fusobacterium...)
Fusobacteria Fusobacteria

3.2. Les bacilles gram positif anaérobies strictes :


Clostridium de la flore "tellurique"
Les Clostridium sont des bacilles anaérobies strictes et sporulés.
On parle de flore tellurique c'est à dire du sol. Cette dénomination ne signifie
pas que les Clostridium soient des hôtes normaux du sol... En effet les
Clostridium sont des hôtes des matières fécales et les retrouver dans le sol
peut être dû à la contamination fécale bien plus qu'au saprophytisme !
La taxonomie des Clostridium va évoluer rapidement avec l'invention de
nouveaux genres ou familles…
Les souches pathogènes sont relativement rares. Les grandes maladies
sont :
• le botulisme
• le tétanos
• les myonécroses ou gangrènes gazeuses
• les infections post antibiotiques à C. difficile

a. Clostridium botulinum et le Botulisme


Historique
Empoisonnement par des haricots verts - Extraits de Anatomie, physiologie, hygiène par M.
Oria et J. Raffin classe de 3e (programme d’octobre 1958). Ed. HATIER
En 1943, une famille est gravement intoxiquée par une salade de haricots verts provenant de conserves
familiales. Douze heures après le repas, des vomissements et une diarrhée font penser à une indigestion banale.
Deux jours après, apparition alarmante de troubles visuels, avec surdité, crampes musculaires, impossibilité de
mastiquer. Le plus jeune enfant meurt asphyxié par paralysie respiratoire.
Les autres membres, transportés à l’hôpital, sont sauvés grâce au masque à oxygène, à l’injection de sérum et
d’anatoxine botulique (séroanatoxinothérapie).
Le contenu d’un bocal de ces mêmes conserves donné à des souris les a rapidement tuées. Il s’agissait d’une
intoxication par la toxine botulique. Cette famille avait déjà consommé sans accident d’autres bocaux de la même
conserve, mais après cuisson de dix à vingt minutes.
Deux à trois semaines de soins auront été nécessaires pour obtenir la guérison.

Botulisme : le cas du Hainaut belge en 1895 - Extrait de Bactériologie médicale R. Fasquelle –


éditions médicales FLAMMARION – 1969
Découverte du germe
Nous sommes le 14 décembre 1895, à Ellezelles dans le Hainaut belge ; toute
la population est en émoi.
La veille s’était déroulé l’enterrement d’un important notable, président de la
société de musique. à l’issue de la cérémonie, comme il est de bonne tradition,
la veuve avait invité, à l’estaminet du village, les musiciens à participer à un
copieux repas de funérailles. Les boissons étaient abondantes, la chère de
qualité : un magnifique jambon, en particulier, avait été très goûté ; et minuit

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avait déjà sonné au clocher qu’on entendait encore les derniers éclats des chants qui, selon la coutume, avaient
accompagné la célébration des mérites du disparu.
Mais, ce matin, l’atmosphère était bien différente.
Déjà, en pleine nuit, le silence habituel des rues avait été rompu par le bruit de nombreux pas sur les pavés de
pierre ; d’urgence, le médecin avait été appelé en plusieurs maisons, auprès de musiciens atteints de violentes
douleurs abdominales, de diarrhée, de vomissements.
Maintenant que toute la petite ville était éveillée, la nouvelle courait de bouche en bouche : la plupart des
membres de la société de musique étaient au plus mal, et présentaient de curieux symptômes ; d’abord ils se
plaignaient de troubles de la vue ; ils avaient le regard fixe ; ils ne pouvaient relever leurs paupières supérieures.
Les médecins appelés concluaient à des paralysies oculaires bilatérales et symétriques.
Ensuite les malades accusaient une soif ardente, un étranglement de la gorge ; quand ils essayaient de boire, le
liquide était rejeté par le nez ; leur voix était sourde ; ils avaient une peine intense à avaler. Les praticiens
parlaient d’inhibition des sécrétions muqueuses, de paralysies du voile du palais, des muscles du pharynx et du
larynx, de l’œsophage.
D’autres musiciens avaient un intense météorisme, faisant penser à une occlusion intestinale, ou encore des
troubles urinaires. La paralysie semblait ainsi gagner les muscles de l’intestin et de la vessie.
Quelques malades éprouvaient même une sorte de parésie (paralysie légère) de la racine des membres. Tous
étaient en proie à une fatigue extrême ; mais ils n’avaient pas de fièvre.
La rumeur d’un empoisonnement criminel, par les bavardages du concierge de l’hôtel de ville, gagnait les
bureaux de la municipalité.
Au surplus, les jours suivants, la survenue de trois morts obligeait à en référer en haut lieu.
Tel le détective, van Ermengen débarque dans le pays (une petite valise jaune à la main, probablement) ; il
interroge ; il enquête.
Rapidement, il écarte l’hypothèse du crime : qui pourrait en vouloir à toute une société de musique ?
Il apprend que tous les musiciens malades, vers la fin du banquet, avaient mangé une portion du jambon
cru : « Aucun de ceux qui avaient laissé d’en prendre n’avait été indisposé ».
Mais, première énigme : quelques habitants de la cité, qui n’avaient pas participé au banquet, ont été malades.
Van Ermengen se renseigne ; il découvre que ces personnes « dans l’intervalle entre l’heure du repas et le
moment où les graves accidents appelèrent l’attention sur le rôle néfaste que le jambon avait joué, avaient pris de
cette viande ; et ils avaient été frappés des mêmes troubles morbides ». Tout paraît donc accuser le jambon.
Deuxième énigme : un bon tiers des musiciens a échappé à tout accident. Van Ermengen les interroge, chacun
en particulier ; certains n’ont pris que du lard, ou une quantité très minime de maigre ; on comprend qu’ils aient
échappé à l’empoisonnement. Mais les autres racontent avoir pris trois, quatre portions ! Van Ermengen a enfin
l’explication : au sortir de table, ils avaient évacué leur dîner.
Comme pour les excuser, il ajoute, de façon charmante : « Les convives avaient usé largement de vins et de
spiritueux divers ; et tous les musiciens, à la fin de ce repas de funérailles, se trouvaient en état d’ébriété
manifeste ».
L’autopsie des trois morts ne révèle la trace d’aucun toxique connu. Au contraire, l’examen microbiologique du
jambon montre la présence de bacilles. Van Ermengen arrive à cette conclusion : « Il est hautement vraisemblable
qu’un poison a pris naissance sous l’influence de ces microorganismes spécifiques, qui ont végété dans le
jambon, pendant qu’il plongeait dans la saumure, laquelle offrait des conditions favorables pour le développement
des espèces anaérobies ».
Historique du botulisme
Avant la découverte du germe de van Ermengen, les médecins allemands, au XVIIIe siècle, avaient rapporté
des intoxications collectives par du boudin avarié, d’où le nom de botulisme (botulus : boudin).
Depuis 1895, le botulisme a été observé en tous pays ; aux États-Unis, il a été rencontré le plus souvent à partir
de conserves de légumes et de fruits ; en Allemagne, la majorité des cas est attribuée aux conserves de
viandes ; en Russie, les poissons séchés jouent un pareil rôle.
En France, le botulisme, habituellement rare, a marqué une recrudescence pendant l’occupation allemande de
1940-44, en raison de la préparation des conserves ménagères dans la clandestinité.
En dehors des formes typiques, analogues à celles d’Ellezelles, sont signalées des formes frustes (formes
ambulatoires de Legroux), marquées par quelques troubles oculaires, de la constipation, une sécheresse des
muqueuses, et des formes foudroyantes ; l’exemple le plus typique est le suivant : une maîtresse de maison ouvre
un bocal contenant une conserve d’asperges qu’elle avait préparée au printemps précédent ; elle la goûte ; ne la
trouvant pas savoureuse, elle charge le jardinier de la jeter ; celui-ci, moins délicat, mange les asperges ; il meurt
dans la nuit ; le surlendemain, sa patronne le suit dans la tombe.

La maladie
Le botulisme est une intoxination alimentaire, c'est à dire une maladie due à l'ingestion d'une toxine dans les
aliments, toxine produite par la multiplication de la bactérie dans l'aliment. La bactérie en cause est Clostridium
botulinum et quelques genres proches.
Cette maladie est redoutable car mortelle car la toxine bloque la transmission des potentiels d'action du neurone
au muscle déclenchant une paralysie.
La toxine est thermolabile. Elle n'est que partiellement digérée lors de l'ingestion et est absorbée par l'intestin ce
qui est exceptionnel pour des protéines.

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Les conditions de la production de toxine par C. botulinum sont : anaérobiose, concurrence limitée par d'autres
bactéries, absence de nitrites, pH neutre à alcalin. Deux produits sont concernés : les conserves mal stérilisées
et les jambons de porc crus (le bacille passe de l'intestin du porc à la viande lors de l'abattage de l'animal)
Il existe 6 à 7 types immunologiquement différents de toxines.

Méthodes d'étude
Il s'agit essentiellement d'une expertise soit à partir de l'aliment, soit à partir d'un prélèvement du malade ou du
cadavre. On peut rechercher la bactérie, mais on recherche plutôt la toxine par toxinotypie.
La toxinotypie est l'identification d'une toxine par des techniques immunologiques.
Le principe de base est de tester une dilution du produit sur un animal en ajoutant des solutions d'Ac
neutralisatrices de types différents de toxine (A à F)
La technique peut être la suivante :
1°/ broyat du produit suspect et filtration
2°/ répartition du filtrat et adjonction des sérums connus. On conserve deux témoins, l'un est laissé tel quel
(positif), l'autre est chauffé (négatif)
3°/ Injection d'un aliquote de chaque tube à un lot d'animaux (souris, cobaye)
4°/ Bilan des survivants.

Identification d'une toxine botulinique dans un aliment (Travaux de Mr Sebald)


Ex de résultats :
• Témoin mort Témoin chauffé vivant
produit + anti-toxine A,C,D,E,F : morts
produit + anti-toxine A : vivant
Conclusion : toxine botulinique de type B
• Témoin mort Témoin chauffé mort
produit + anti-toxine A,B,C,D,E,F : morts
Conclusion : toxine ou toxique thermorésistant différent de la toxine botulinique
• Témoin mort Témoin chauffé vivant
produit + anti-toxine A,B,C,D,E,F : morts
Conclusion :
o toxine ou toxique thermolabile différent de la toxine botulinique OU
o toxine trop concentrée (diluer le filtrat)
o deux toxines botuliniques ensemble.

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Traitement
Sérothérapie et anatoxinothérapie
L'injection d'anticorps antibotuliniques (sérothérapie) est dans un premier temps polyvalente puis ciblée en
fonction des résultats de la toxinotypie.
En général, une injection d'anatoxines est réalisée dans le même temps, en un lieu différent pour éviter la
réaction avec les anticorps, pour provoquer la réaction immunitaire du patient. Les anticorps produits prendront le
relais des anticorps externes injectés.

Prophylaxie
La prophylaxie repose sur
• traitement des jambons au sel nitrité, abattage de l'animal à jeun depuis 48 heures (pour limiter le
passage dans le sang des spores de C. botulinum)
• stérilisation industrielle contrôlée des conserves (contrôle plus strict des conditions de stérilisation)

b. Clostridium tetani et le Tétanos


(bacille de Nicolaïer)

Historique
En raison de ses symptômes si spéciaux, le tétanos a été individualisé de tout temps.
Il est curieux de noter qu'Ambroise PARÉ attribuait les contractures à une irritation des nerfs périphériques.
Les très nombreux cas de tétanos observés au cours des guerres de l'Empire (à la suite notamment des
batailles d'Iéna, de Bautzen, de Dresde) mirent en valeur l'épidémicité de l'affection et discuter sa contagiosité.
En 1884, les Italiens CARLE et RATTONE montrèrent que l'inoculation du pus d'une plaie d'un tétanique dans le
nerf sciatique ou le muscle d'un lapin détermine le tétanos
En 1885, NICOLAÏER prouva que l'inoculation sous-cutanée de terre de jardin à l'animal provoque le tétanos, et
qu'à partir du point d'inoculation on peut assurer le passage en série de la maladie; en même temps, il isola dans
les lésions locales un germe spécial, « un bacille en épingle », qu'il ne put cultiver.
En 1887, KITASATO révéla la raison de ·cet échec: le germe en épingle ne pousse que sur les milieux
anaérobies.
En 1890, KNUD FABER révéla que le filtrat de culture du germe, au même titre que la culture entière, reproduit
les signes du tétanos; le bacille tétanique possède donc une exotoxine. La même année, Behring et Kitasato
constatèrent chez les animaux qui avaient reçu de petites doses de la toxine atténuée, l'apparition d'une
antitoxine.
En 1892, ROUX et VAILLARD mirent au point la préparation du sérum antitétanique chez le cheval.
On sait que c'est en 1923 que Gaston RAMON réussit à transformer la toxine en anatoxine, et rendit donc
possible la vaccination antitétanique.

La maladie
Le tétanos est une intoxination suivant une infection limitée par Clostridium tetani à la suite de son introduction
accidentelle dans l'individu. (ancien nom : Plectridium tetani)

Cette pénétration est particulièrement redoutée devant des plaies contaminées par de la terre, du crottin de
cheval... mais peut survenir après des soins dentaires, des brûlures, des opérations abdominales... montrant que
des bacilles commensaux peuvent être à l'origine d'un tétanos.
Cette maladie est redoutable car souvent mortelle : la toxine bloque la transmission des potentiels d'action
inhibiteurs des motoneurones de la moelle épinière dans le système nerveux central conduisant à des
contractions ininterrompues des muscles.

Systématique microbienne (J-Noël Joffin) page 11/20


Signe clinique classique du Tétanos (contractions en arc de cercle du malade)
chez l'adulte ou l'enfant (CDC)
Il existe un seul type immunologique de la toxine.

Méthodes d'étude
La recherche de la bactérie est rarement pratiquée car les signes sont clairs (connus depuis Hippocrate).
Elle est possible par immunochromatographie.

Traitement
Le traitement met en jeu avant tout des soins intensifs et l'injection d'anticorps antitétaniques

Prophylaxie
Depuis 1923, la vaccination est possible grâce à l'invention par RAMON, de l'anatoxine tétanique (vaccination).
La vaccination systématique a quasiment fait disparaître la maladie. Elle survient toutefois chez des personnes
âgées (piqure de rosier à la retraite…) ayant perdu leur immunité.

c. Infections à Clostridium type perfringens


La maladie
Les Clostridium perfringens peuvent provoquer des infections sous-cutanées mais sont surtout redoutés dans
l'attaque du muscle : la myonécrose. Le caractère très gazogène de cette bactérie et l'altération profonde des
tissus provoquée ont nommé cette affection gangrène gazeuse. L'action destructrice du Clostridium est
redoutable et peut conduire à une mort d'autant plus rapide qu'il libère des toxines. L'origine de la bactérie est -
soit la flore commensale - soit la flore tellurique (accident, guerres) mais souvent à partir d'une contamination
fécale du sol.
Un traumatisme est nécessaire :
• - fractures
• - interventions chirurgicales orthopédiques (hanche)
• - interventions chirurgicales abdominales (digestives et gynécologiques)
• - injections médicamenteuses en particulier chez les toxicomanes
• - maneuvres abortives.
L'action de la bactérie est si puissante (enzymes, toxines...) qu'il est parfois impossible de faire quoi que ce soit
... La mort survient alors en moins de 24 heures.
L'amputation est parfois la seule solution, quand un membre est atteint, pour éviter la progression mortelle de la
bactérie.

La bactérie
Clostridium perfringens est une bactérie immobile et capsulée (particulièrement dans les produits
pathologiques).
Tous les C. perfringens élaborent une toxine α qui est une phospholipase de type C (lécithine donne
diglycéride + phosphoryl choline). (M = 50 kg/mol) mais à des degrés divers. Le Clostridium perfringens de type A,
principal agent pathogène chez l'homme, est le plus grand producteur. Cette phospholipase provoque hémolyse et
lécithinase sur gélose au jaune d'oeuf.
Elle est neutralisée par un sérum correspondant. L'hémolyse peut présenter deux zones :
• - une zone d'hémolyse nette étroite
• - une zone d'hémolyse floue importante autour de la précédente.

Systématique microbienne (J-Noël Joffin) page 12/20


Clostridium perfringens produit de l'hydrogène sulfuré d'odeur caractéristique à partir des acides aminés soufrés
ou à partir de substrats minéraux comme les sulfites.
Il fermente le lactose. (voir milieu de Willis)

Traitement
Il a mis en jeu un sérum mais la fixation rapide de la toxine dans les tissus le rend très discutable. Des
antibiotiques sont actifs sur Clostridium perfringens : bétalactamines, métronidazole.
Remarque : d'autres Clostridium donnent des maladies très similaires sinon identiques. (C. septicum)

d. Colites à Clostridium difficile


(quelques images issues d'un article de Kamel ABBADI, Opéron n°53)

Bactérie et maladie
Clostridium difficile est retrouvé dans les matières fécales de plus de 70% des nouveaux nés, et 3% des
individus adultes réalisent un portage sain au niveau des intestins, colon et rectum essentiellement.

L'administration d'antibiotiques peut rompre l'équilibre de la flore intestinale et conduire au développement de


Clostridium difficile qui n'est plus en compétition avec d'autres germes. Il provoque, chez des individus affaiblis,
une inflammation du colon, une diarrhée aqueuse et muqueuse très abondante et éventuellement une colite
pseudomembraneuse pouvant être mortelle (20 % des diarrhées post-antibiothérapie). Ce sont de fausses
membranes, constituées de débris cellulaires et de fibrine qui justifient le nom.

Systématique microbienne (J-Noël Joffin) page 13/20


Des toxines sont en cause :
• entérotoxine : nécrose des cellules épithéliales de l'intestin et hémorragies intestinales (Pr de M = 500
-1
kg mol )
• cytotoxine : effet cytotoxique : arrêt de multiplication cellulaire, arrondissement par destruction du
réseau d'actine par l'intermédiaire de l'inactivation de la protéine rho, détachement du support. (Pr de M
-1
= 250 kg mol )

L'isolement est possible même s'il est délicat et la mise en évidence des toxines est indispensable pour mettre
en cause la souche isolée.

La détection de C.difficile peut se faire sur la souche ou sur les selles suspectes. Elle se fait par la mise en
évidence de l'action des toxines A et B :
• avec culture cellulaire : On ajoute à des cultures cellulaires un filtrat stérilisé par filtration de selles
suspectes de contenir C.difficile (et donc les toxines excrétées) : l'effet cytopathogène (lyse des
cellules en culture) est observé. Parallèlement on réalise sur une autre culture une inactivation des
toxines par des immunsérums dirigés contre ces toxines.
• En immunochromatographie

Traitement
Il va mettre en jeu des antibiotiques adaptés.
Notons la possibilité de transplantation de microbiote intestinal de personnes saines après élimination du
microbiote du malade.

Prophylaxie
Il s'agit essentiellement de repérer les porteurs asymptomatiques pour limiter la transmission de souches de C.
difficile pathogènes. Il existe en effet des épidémies liées à des souches particulièrement pathogènes.

Systématique microbienne (J-Noël Joffin) page 14/20


e. Intoxication alimentaire à Clostridium perfringens
Elle est liée à l'absorption d'un aliment fortement contaminé par des spores qui n'ont pas été détruites par le
procédé de réchauffage utilisé et aliment qui a été conservé dans de mauvaises conditions d'hygiène ou surtout
6
mal cuit. Il faut plus de 10 bactéries vivantes par g pour déclencher l'intoxication.
Les bactéries sous forme végétative et les toxines sont détruites dans l'estomac. Les spores ingérées passent
dans l'intestin où elles germent. Les formes végétatives de ces souches particulières entreraient très rapidement
en sporulation et produisant une entérotoxine (cristal protéique parasporal ?, enveloppe sporale excrétée en
quantité excessive ?) qui provoque les troubles.
La maladie est courte et sans gravité.

3.3. La flore dite de Veillon (bactéries anaérobies strictes


non sporulées)
Les autres anaérobies strictes cultivables sont essentiellement des commensales pouvant devenir pathogènes à
l'occasion d'une déficience du terrain. Elles provoquent souvent des infections en association avec des bactéries
aérobies.

a. Classification (très simplifiée)


Bacilles gram + non sporulés: bacilles réguliers ± allongés : Eubacterium, Lactobacillus
bacilles corynémorphes : Bifidobacterium, Propionobacterium, Actinomyces
Coques gram + Peptostreptococcus bactéries le plus souvent très proches de
Streptococcus
Bacilles gram négatif Bacteroidaceae : Bacteroides, Fusobacterium etc
Groupe glucose acide culture en culture en Pigmen-
butanoïque présence présence tation
en CPG de bile de vert
(5 mg) brillant
(100 µg)
I Bacteroides du fermenté - + - -
groupe fragilis
II genre fermenté - - - V
Prevotella
III genre non (-) - - +
Porphyromonas fermenté
IV Bacteroides non - V - -
autres que fermenté
fragilis
V genre non + - + -
Fusobacterium fermenté
Coques gram négatifs Veillonaceae
Spirochètes Treponema anaérobies strictes comme T. vincentii (ou Borrelia vincentii)

b. Deux exemples d'infections classiques


L'angine de Vincent.
Cette angine ulcéronécrotique associe Fusobacterium et Treponema (ou Borrelia) vincentii. Elle se traduit en
particulier par une odeur particulièrement forte et pestilentielle. On traite par la pénicilline G.

Systématique microbienne (J-Noël Joffin) page 15/20


Infections abdominales
On trouve souvent Bacteroides fragilis, en association avec Escherichia coli dans des infections d'origine
digestive.

COMPLÉMENTS
Botulisme en Italie
LU sur la liste Hygiène, grâce à BRUNO PEIFFER, infatigable animateur. ([email protected])
Le 15 septembre 1998
Avant de prendre part à la diffusion de l'information concernant le cas de botulisme en Italie, avais pris la
précaution de contacter nos amis de VEGEPRO qui sont nos grands spécialistes de produits végétaux et dont le
siège se trouve justement en Italie.
Je remercie le Dr. Giorgio Perotti pour les informations qu'il m'a communiqué à ce sujet et notamment le
communiqué de EUROSURVEILLANCE http://www.eurosurv.org/main.htm#3 (en anglais) que je me suis
empressé de traduire en français et dont voici le résultat :
-Un cas de botulisme est survenu dans le nord de l'Italie suite à la consommation d'une soupe végétale, qui était
contaminé avec Clostridium botulinum. La patiente, une femme de 58 ans qui vit dans la province de Verona
(région de Veneto), avait consommé la soupe ('ribollita', plat cuisiné traditionnel en Toscane) pour le déjeuner du
25 Août 1998. Les premiers symptômes apparurent Six heures plus tard avec vomissement, vertige, paralysie
faciale, et détresse respiratoire. Le matin suivant elle fut admise à l'hôpital local pour suspicion de botulisme. Les
selles analysées au Laboratoire National De référence "Istituto Superiore di Sanit (ISS) confirmèrent la présence
de spores de C. botulinum A.—
Une enquête fut faite par le service local de santé. Les échantillons de nourriture trouvés dans le logement de la
patiente ont été analysés, notamment un bocal ouvert de ribollita. Aucune autre personne n'avait consommé le
même aliment. La fille de la patiente rapportait qu'elle avait acheté le bocal de ribollita et l'avait gardé à domicile à
température ambiante. Le bocal avait été ouvert une semaine avant d'être employé. Il était noté que le produit
avait une mauvaise odeur, mais le patiente l'avait gardé réfrigéré après l'avoir ouvert jusqu'à 25 Août, lorsqu'elle
l'avait bu. La toxine et les spores de C. botulinum ont été identifiées par l'ISS dans le reste de la soupe. La soupe
avait été produite par une petite usine locale dans la province de Livorno en Toscane en utilisant des ingrédients
organiques (sans l'emploi de produits chimiques) des légumes (pommes de terre, légumes feuillus verts,
courgettes, haricots, tomates, oignons, céleri, persil), eau, huile d'olive, et sel. La soupe était contenue dans des
bocaux de verre avec un poids net de 340 g, 640 g, ou 920 g et stérilisés dans un petit autoclave à 121°C pour 35
minutes. Aucune mesure de contrôle de qualité n'a été prise : le fonctionnement de l'autoclave n'était ni vérifié ni
documenté. Les échantillons supplémentaires de la même soupe et autres produits de la même usine sont
actuellement testés pour le botulisme. Toutes les nourritures produites ont été retirées du marché Italien et un
avertissement international a été donné pour des produits susceptibles d'avoir été exportés.
L'incident illustre un risque associé d'une fabrication d'échelle locale. Ce type d'incident arrive souvent avec des
ingrédients organiques, qui sont estimés être plus sains et dont on présume faussement une moins rigoureuse
nécessité de traitement par la chaleur ou par le contrôle de qualité.
J'ai également pu trouver un communiqué officiel à ce sujet sur le site de Santé Canada.
http://hwcweb.hwc.ca/hpb/lcdc/bid/dsd/news/nb3898_f.html. Cet épisode démontre une fois de plus que les
végétaux sont autant à prendre au sérieux en tant que facteur à risque que d'autres produits. Si des personnes
étaient susceptibles de recueillir d'avantage d'informations au sujet de cet incident ou si les soupes incriminées
étaient trouvées et analysées suite aux différents communiqués, il serait très intéressant de le relater au sein de
notre forum afin de favoriser cette enquête et également de démontrer une fois de plus l'utilité de notre réseau
d'échange.

Systématique microbienne (J-Noël Joffin) page 16/20


Voici une information qui vient de m'être transmise par l'intermédiaire de mon abonnement au bulletin de l'agence
canadienne d'inspection des aliments.
***********************************************************************************
AVERTISSEMENT DE RISQUE POUR LA SANTÉ - PRÉSENCE POSSIBLE DE TOXINES DU BOTULISME
DANS LES OLIVES GÉANTES À LA TOSCANE DE MARQUE ULIVETO DEL SAPORE
***********************************************************************************
OTTAWA, le 25 septembre 1998 -- L'Agence canadienne d'inspection des aliments avise les consommateurs de
s'abstenir de manger des olives géantes à la toscane de marque Uliveto del Sapore fabriquées par Montalbano
Industria Agroalimentare d*Italie et vendues en pots de 560 grammes (Code universel des produits (CUP)
8005100002376).
Ces olives n'ont pas reçu un traitement suffisant pour prévenir la croissance et la formation de toxines de
Clostridium botulinum. L'ingestion de toxines produites par C. botulinum peut occasionner de graves troubles de
santé. Jusqu'à présent, aucun cas de botulisme n'a été signalé.
Il se peut que les olives aient été distribuées à l'échelle du Canada.
Tout produit non utilisé devrait être retourné au point d'achat ou détruit.
Isabelle LabergeAgence canadienne d'inspection des aliments Ottawa

Deux cas familiaux de botulisme sévères en Ille et Vilaine


liés à la consommation d’Enchiladas industrielles
Point de l'Institut de veille sanitaire, au 14 août 2008
Deux cas de botulisme familiaux sévères ont été déclarés à la Direction départementale des affaires sanitaires
et sociales (Ddass) d’Ile et Vilaine le 11 août 2008.
Les 2 cas (mère et fille) ont débuté leurs symptômes le samedi 9 août et ont été hospitalisés le jour même. Les
deux patientes présentent une forme sévère de botulisme nécessitant des soins en réanimation.
Les tests biologiques sur souris réalisés au Centre National de Référence (CNR) des Bactéries Anaérobies et du
Botulisme ont confirmé la présence de toxine botulique de type A dans les sérums des patientes.
Les deux patientes avaient consommé le 8 août au soir un plat mexicain d’origine industrielle : « Enchiladas au
poulet » de marque Companeros. Ce plat composé de trois ingrédients : 2 galettes, un sachet avec du fromage et
un sachet contenant la préparation avec du poulet a été reconstitué puis réchauffé au micro-onde. Ce produit frais
qui doit être conservé au froid, aurait été conservé à température ambiante pendant 15 jours avant sa
consommation. La conservation à température ambiante est une condition favorisant la production de toxine par la
bactérie Clostridium botulinum.
La recherche de toxine botulique réalisée par le CNR dans les restes de la garniture des enchiladas
(comprenant des légumes et du poulet) consommés par les patientes est très fortement positive pour la toxine de
type A.
Le lot d’« Enchiladas au poulet » contaminé porte le numéro 08/190 avec une date limite de consommation au 7
août 2008. Ce produit est distribué dans les rayons frais de la grande distribution. Le lot impliqué n’a pas été
distribué hors de France.
Un communiqué de presse commun de la Direction générale de la santé (DGS), la Direction générale de
l’alimentation (DGAl) et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des
fraudes (DGCCRF) sur ces deux cas et l’aliment suspecté d’être à l’origine des intoxinations botuliniques a été
diffusé le 12 août. Des messages d’alerte ont été diffusés par les réseaux d’alerte de la DGS et de l’InVS aux
professionnels de santé concernés en leur demandant de notifier toute suspicion clinique de botulisme survenant
depuis le premier juillet 2008.
Un rappel du lot 08/190 a été effectué par l’industriel le 13 août. Un retrait et un rappel complémentaires des
autres lots d’« Enchiladas au poulet » et « Fajitas au poulet » de même marque a été réalisé.
Le botulisme est une maladie rare en France qui fait l’objet d’une Déclaration obligatoire. Soixante-quatre cas
ont été déclarés de 2004 à 2007 (21 en 2004, 23 en 2005, 9 en 2006 et 11 en 2007). Aucun des ces cas n’est
décédé.
Cinq cas ont été déclarés en 2008 (dont les 2 cas d’Ille et Vilaine). Un de ces cas avait consommé un produit
industriel frais de même type que les Enchiladas consommées par les deux personnes d’Ille et Vilaine ; ce produit
avait également été conservé à température ambiante.
La survenue des ces cas souligne l’importance pour les consommateurs que les produits achetés au
rayon frais soient conservés au froid (entre 0°C et 4°C) de l’achat jusqu’à la consommation.

La mort de Heydrich: un cas très spécial de botulisme


par H. H. MOLLARET Médecine et Maladies infectieuses—1986—8/9—493 à 495

L'article de Gourreau et coll. dans ce même numéro (3) sur le botulisme au Bois de Boulogne, avec la
découverte fortuite dans le lac Saint-James d'une roquette datant de la dernière guerre, nous remet en mémoire
un aspect médical peu connu de la mort de Reynard Heydrich, abattu à Prague le 27 mai 1942.
Nazi fanatique, Heydrich fut le responsable caché de l'incendie du Reichstag et du coup d'état des 27 et 28
février 1933, puis l'organisateur, avec Goering et Himmler, de la Nuit des Longs Couteaux. Antisémite forcené, il

Systématique microbienne (J-Noël Joffin) page 17/20


fut l'initiateur des pogromes - dont la sinistre Nuit de Cristal - et le créateur des premiers camps de concentration;
c'est lui qui entraîna la décision de la solution finale du problème juif lors de la conférence de Wannzee en 1942.
Chef suprême de !a police de sûreté du Reich - la Geheime Staatspolizei ou Gestapo - à partir de 1936, il fut
nommé Protecteur du Reich pour la Bohême et la Moravie en septembre 1941. Neuf mois plus tard, le 4 juin 1942,
il succombait des suites de l'attentat dont il avait été victime à Prague une semaine plus tôt.
Les circonstances de l'attentat « opération Anthropoïd » minutieusement préparée à Londres où la décision en
avait été prise dès le 3 octobre 1941, par le Gouvernement tchèque en exil - sont bien connues (1, 2, 5): alors qu'il
se rendait, sans escorte, à Prague, Heydrich, assis à l'arrière de sa voiture, fut atteint dans le dos par les éclats
d'une grenade antichar qui explosa sous la roue arrière droite et déchiqueta le flanc du véhicule. Le chauffeur
s'étant élancé à la poursuite des agresseurs, Heydrich put conduire jusqu'à l'hôpital Bulovska où le médecin
tchèque de garde, le docteur Vladimir Snadjar, fut rapidement écarté par son confrère allemand, le docteur Dick.
Celui-ci tenta vainement d'extirper un éclat métallique décelé à la radio. Une intervention plus large fut faite par le
professeur Hollbaum, de la Clinique allemande de Chirurgie de Prague.
Selon le récit du docteur Snadjar: « la blessure avait une longueur d'environ 8 cm et contenait quantité de
saletés et de petits éclats ... la cage thoracique était ouverte, un éclat de bombe se trouvait dans la rate, le
diaphragme était perforé ... J'ai dû rester dans la salle de stérilisation. Le docteur Dick, seul, assista le professeur
Hollbaum au cours de l'opération ... Je ne sais rien de précis sur l'état de santé de Heydrich après l'opération.
Peut-être dut-on lui enlever la rate. Je ne l'ai pas revu. Mais 10 docteur Dick affirmait qu'il allait très bien. Sa mort
nous a tous surpris. Une septicémie, disait-on. Le professeur Hamperl, chef de l’institut allemand de Pathologie et
le professeur Weyrich, chef de l’institut allemand de Médecine légale, rédigèrent en commun un rapport sur leurs
conclusions médicales. On y lit: « La mort survint par suite de lésions des organes parenchymateux vitaux par les
bactéries, éventuellement par les poisons qui y ont pénétré avec les éclats d'engins explosifs et qui se sont
déposés surtout dans la plèvre, dans le diaphragme et les tissus voisins de la rate, s'y sont agglomérés et
multipliés. « C'est tout ce que je peux vous dire ... » (8).
Officiellement donc, Heydrich succomba aux suites infectieuses de ses blessures, à une septicémie comme A.
Decaux vient de l'écrire dans un article récent (2).
Une version bien différente de la mort d'Heydrich est apportée par O. Riche dans son livre: « La guerre chimique
et biologique (7): « Légèrement blessé par une grenade, Heydrich fut immédiatement conduit à l'hôpital Bulovska.
Le lendemain, après une opération qui s'était bien déroulée, il se sentit gagné par la paralysie. Les médecins ne
comprirent pas ce qui se passait. Ils essayèrent différents traitements qui, tous, échouèrent et le Protecteur de
Bohème-Moravie finit par succomber au terme d'une longue agonie. Les Allemands l'ignoraient: mais la grenade
qui l'avait blessé contenait de la toxine botulique ».
O. Riche nous communiqua ses sources: un volume de R. Harris et J. Paxman: « A higher form of killing. The
secret story of gas and germ warfare » (4), paru à Londres en 1982 et remarquablement documenté sur les
recherches menées en Grande-Bretagne en matière de guerre bactériologique durant la Seconde Guerre
Mondiale. C'est en grande partie à ces auteurs que nous devons les informations suivantes:
Le British Biological Warfaro project remonte à février 1934 et la direction générale en fut confiée à Sir Maurice
Hankey. Celui-ci s'adressa d'abord à Edward Mellanby, secrétaire du Medical Research Council, qui refusa
formellement tout usage des progrès médicaux dans un but de destruction, puis à Paul Fildes *, chef du M.R.C.
bacteriological metabolic unit, qui accepta.
En septembre 1936, Hankey proposa au Committee of Imperial Defence, la création d'un corps officiel d'experts
pour étudier la portée de la guerre bactériologique et prendre les contre-mesures nécessaires.
En 1940, fut créé le très secret Laboratoire de Porton-Down, dont la direction fut confiée à Fildes, qui travailla
dès lors en liaison étroite avec le Strategic Air Command et Camp David aux États-Unis.
Les recherches entreprises à Porton-Down comportèrent deux thèses dominants: Bacillus anthracis et
Clostridium botulinum: un premier programme avait envisagé la fabrication de deux, puis de cinq millions de
cakes, la production massive de spores de Bacillus anthracis pour les contaminer, et les modalités de leur
dispersion par avion au-dessus de l'Allemagne I
La dispersion par engins explosifs fut étudiée ultérieurement et l'on connaît maintenant les détails de
l'expérimentation de la « bombe à anthrax », faite dans l'île de Gruinard, durant l'été 1942 par le Captain Dalby, de
la Royal Artillery, Paul Fildes, Graham Sutton, responsable du secteur expérimental de Porton-Down et plusieurs
bactériologistes de qualité: le docteur W.R. Lane, David Henderson, du Lister Institute, et Donald Woods de l'Unit
for Bacterial Chemistry au London's Middlesex Hospital.
Fildes s'était spécialisé dans l'utilisation de l'arme «BTX», nom de code de la toxine botulique : c'est lui qui, de
son propre aveu, « prépara » les deux grenades destinées à Heydrich, des grenades à main antichar n°73 sur
lesquelles étaient fixées par du sparadrap des capsules contenant la toxine. Lorsque les sept parachutistes
tchèques décollèrent de Tempsford le 28 décembre 1941, pour être largués près de Liditch, en Tchécoslovaquie,
deux d'entre eux tenaient à la main avec une attention particulière, ces deux grenades.
Le récit de la mort de Heydrich, tel que l'a relatée le docteur Snadjar, ne mentionne aucun symptôme de
botulisme; mais, selon Harris et Paxman: « après une période de calme de 1 jour au plus, Heydrich fut atteint de
paralysies progressives, ne répondant à aucun traitement et il mourut le 4 juin 1942 avec les signes du botulisme
». Les auteurs énumèrent ensuite les symptômes classiques du botulisme, mais ne donnent pas la source selon
laquelle ces symptômes auraient été observés chez Heydrich. Le seul témoignage reste donc celui de Fildes, qui
disait volontiers, en privé, avoir contribué à la mort de Heydrich. À Alvin Pappenheimer, professeur de
Microbiologie à Harvard, il aurait dit: « Heydrich's murder was the first notch on my pistol » (6)
✩✩✩
Adjoindre de la toxine botulique à une grenade antichar peut paraître aussi saugrenu que superflu, au point que
la réalité même de toute cette histoire puisse être sérieusement mise en doute. Mais il faut la situer dans le

Systématique microbienne (J-Noël Joffin) page 18/20


contexte de l'Angleterre en 1940-1942, époque à laquelle les Anglais redoutaient particulièrement une agression
chimique ou biologique : la pasteurisation du lait et la chloration de l'eau étaient impérativement recommandées.
Craignant la dispersion de toxines botuliques sur Londres, les Anglais importèrent du Canada 235.000 doses de
sérum antibotulique. Lorsque les premiers V1 tombèrent sur Londres, c'est avec un immense soulagement que le
Haut Commandement constata que les projectiles étaient purement explosifs et ne contenaient aucune arme
biologique.
Il faut remarquer, d'autre part, que les préparatifs de l'attentat contre Heydrich, l'entraînement des parachutistes
tchèques, la décision d'attaquer Heydrich à la grenade, le choix de celle-ci, se déroulèrent d'octobre jusqu'à la fin
décembre 1941 en Grande-Bretagne, cependant qu'à Porton-Down, dans le même temps, Fildes mettait au point
ses bombes bactériennes. Pourquoi ne pas expérimenter sur Heydrich un des engins de Fildes ?
Et, puisque Heydricht ne succomba pas à l'explosion elle-même mais au botulisme, l'adjonction de toxine à la
grenade antichar ne fut finalement pas superflue.
• Paul Fildes, éminent bactériologiste, né en 1882 et mort en 1971, membre de la Royal Society, éditeur du
volumineux System of Bacteriology IMRC 1931), fut l'un des fondateurs du British Journal of Experimental
Pathologie, en 1920.

CONTROLE DE L'ÉTAT D'IMMUNITÉ ANTITÉTANIQUE


DANS LA POPULATION DU PUY-DE-DOME *
par D. BEYTOUT ü, T. NGUYEN TRUNG ü, H. LAVERAN Ü et A. MAMOURET-BEYTOUT Ü
•• Service d'Hygiène hospitalière (Prof. D. Beytout), Centre Hospitalier Universitaire, 28 place Henri Dunant, BP
38, F· 63001 Clermont Ferrand cedex.
" MÉDECINE ET MALADIES INFECTIEUSES Reçu le 19.06.1988. Acceptation définitive le 16.07.1988.

Nous avons, à deux reprises, fait un contrôle de l'immunité contre la toxine tétanique de la population de notre
département: par une méthode ELISA (3) sur un échantillon stratifié tiré au sort parmi des sérums prélevés pour
des examens de santé par les services de la mutualité agricole (population rurale) et, à la fois par ELISA et par
hémagglutination passive (1, 5) (vacci test Pasteur) sur des sérums de consultants pour blessure au service
d'accueil du CHU de Clermont-Ferrand (population urbaine ou suburbaine). Les résultats sont présentés dans les
tableaux 1 et 2.
Il apparaît donc que la population âgée de plus de 50 ans est dans 50 % des cas dépourvue de toute
immunité, soit qu'elle n'ait jamais été vaccinée, soit qu'elle n'ait pas reçu de rappels en temps utile. Ces
résultats sont conformes à ceux trouvés par d'autres auteurs (2, 4). Cette carence vaccinale 1 motive une
consommation considérable de gammaglobulines à l'occasion de consultations pour blessure (35 640 mL
de gamma globulines ont été consommés en Auvergne en 1986 pour une population de 1 500 000
habitants environ, soit une dépense prophylactique de 1 400 000 Francs en 1 an [209 K€]).
Une campagne de vaccination, prenant pour cible la population âgée de 50 ans et plus, serait une
mesure utile, onéreuse, mais sans doute rentable à moyen terme. Mais, ne pourrait-on pas être efficace à
moindre frais? Peut-être suffirait-il que l'ensemble du corps médical français adopte la politique suivante:
• que les praticiens profitent de l'occasion de la consultation de toute personne âgée de 50 ans et
plus, pour l'interroger sur l'état de sa vaccination antitétanique, éventuellement le contrôler par
vacci-test, faire un rappel ou commencer une vaccination et lui délivrer une carte de vaccination;
• que les médecins du travail, à l'occasion du départ à la retraite ou de visites systématiques
fassent de même.
Ainsi, par une mesure systématique "à l'occasion" appliquée à une population cible, une partie très
importante de cette population à risque acquerrait-elle une protection vaccinale en évitant les frais
qu'occasionnerait un acte isolé de 'vaccination ?
Ne serait-ce pas aussi une bonne façon de montrer que le corps médical ne se cantonne pas dans la
médecine de soins, mais est aussi en première ligne dans le domaine de la prophylaxie?

Age Non immunisés Faiblement immunisés Immuns Total


< 0,01 UAI < 0,5 UAI ≥ 0,5 UAI
20·29 ans 1 (3 %) 2 28 31
30·39 ans 4 (12 %) 5 23 32
40·49 ans 3 (9 %) 10 22 35
≥ 50 ans 37 (49 %) 13 24 74
Total 45 30 97 172
TABLEAU 1 - Immunisation de la population rurale du Puy-de-Dôme

Age Non immunisés Faiblement immunisés Immuns Total


< 0,01 UAI < 0,5 UAI ≥ 0,5 UAI
20·29 ans 1 2 13 16

Systématique microbienne (J-Noël Joffin) page 19/20


30·39 ans 1 3 13 17
40·49 ans 2 6 6 14
≥ 50 ans 20 (53 %) 8 10 38
Total 24 19 42 85

TABLEAU 2 - Immunisation des blessés consultant au service d'accueil (population urbaine)

Systématique microbienne (J-Noël Joffin) page 20/20

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