Guide de Survie À L'usage Des Journalistes

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 140

GUIDE DE SURVIE

À L’USAGE DES
JOURNALISTES

LIVE
NEWS
Photo de couverture:

Un photographe de presse noyé dans un nuage de gaz lacrymogène lors d’une émeute à Lima (Pérou)
en mai 2000.
Photo: AP / Martin Mejia

Photo de la page de garde (droite)


Un vendeur de journaux attend les clients à Abidjan. La Côte d’Ivoire est un des nombreux pays
où les médias sont menacés. En novembre 2002, un programme d’aide d’urgence fut lancé par la
FIJ, la Communication Assistance Foundation, International Media Support et Media Assistance
International, associés avec l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI) et
l’Association des journalistes d’Afrique de l’Ouest. Ce programme prévoit une formation à la sécurité
et à la couverture des conflits.
Photo: AP / Clement Ntaye.

Ce document a été produit avec l’assistance financière de l’Union Européenne. Les propos présentés
dans cet ouvrage n’engagent que la Fédération Internationale des Journalistes et ne
peuvent en aucun cas refléter la position officielle de la Commission Européenne
LIVE
NEWS

GUIDE DE SURVIE
À L’USAGE DES
JOURNALISTES
Écrit et produit pour la FIJ par Peter McIntyre
Publié par la Fédération internationale des journalistes, Bruxelles
Mars 2003 Avec le soutien de l’Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l’homme.

(i)
Live News - Guide de survie à l’usage des journalistes
Publié par la Fédération internationale des journalistes
Mars 2003.

© Fédération internationale des journalistes


Centre de presse international
Residence Palace
Rue de la Loi 155
B-1040 Bruxelles
Belgique
Tél: +32 2 235 2200
http://www.ifj.org

Rédacteur en chef
Aidan White, Secrétaire général, FIJ
Éditrice responsable
Sarah de Jong, responsable de la campagne pour les droits de l’homme, FIJ
[email protected]
Directeur des projets
Oliver Money-Kyrle
Rédigé et conçu par
Peter McIntyre, Oxford (Royaume-Uni)
[email protected]

Remerciements
La FIJ remercie:
Associated Press Photos et Reuters, pour l’autorisation d’utilisation des photos;
AKE Ltd, Hereford (Royaume-Uni), pour les conseils, les informations,
l’infrastructure et le soutien;
Mark Brayne (Dart Centre Europe) pour les conseils sur le stress post-
traumatique;
Rodney Pinder, pour les commentaires sur les premières versions;
Tous les journalistes qui ont contribué au ou ont été interviewés dans l’optique
du présent ouvrage.

La FIJ remercie également pour leurs informations et leur soutien matériel:


Centurion Risk Assessment Services, CNN, Committee to Protect Journalists,
Crimes of War Project, Michael Foley, IFEX, The Independent et Robert
Fisk, International Press Institute, Rob Judges, William McIntyre, The Media
Diversity Institute, Photoline / Kevin Cooper, Reporters Sans Frontières, Time,
Anna Wagstaff, Dr Ken Williamson.
Tous les affiliés à la FIJ qui œuvrent à rendre la vie des journalistes plus sûre;
Imprimé par Druk.Hoeilaart, Belgique. Certains contributeurs conservent leurs droits d’auteur au-delà de l’utilisation
Polices Arial et Bell, 9,5 pts / 12,5 pts. par la FIJ.

(ii)
Table des matières
Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . iv)
Introduction L’importance de la sécurité, Le rôle des gouvernements, Vers un institut international
pour la sécurité de l’information, Aider les journalistes à prendre des décisions . . . . . . . . . . . . . .1
Partie 1 Soyez préparé
Chapitre 1 La préparation au travail dans des environnements hostiles . . . . . . . . . . . . . . . .9
Veillez à être physiquement prêt, La connaissance de la situation locale, Connaissez vos droits, La
protection sociale, Les risques de maladie, Clarifiez les voies de communication, Le bon équipement,
Préparez votre véhicule, La tenue appropriée

Partie 2 La zone dangereuse


Chapitre 2 Les zones de guerre et de conflit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22
L’attitude des combattants, Voyager avec ou sans escorte, Devenir une cible, La connaissance
des armes, La sécurité des déplacements, La recherche d’un abri, Le bon sens dans les zones de
combats, Visé en tant que journaliste, Étude de cas: le conflit israélo-palestinien
Chapitre 3 Les émeutes et troubles civils . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .44
La planification, Le placement, Pendant l’événement, Après l’événement, Les attentats terroristes
Chapitre 4 Les enlèvements, les prises d’otages et les actes visant les journalistes. . . . . .51
Les motivations des prises d’otages, L’évaluation des risques, Le processus d’enlèvement, Survivre à
l’expérience, Les actes visant les journalistes

Partie 3 La zone de récupération


Chapitre 5 L’aide médicale d’urgence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .71
La maladie, Boire et manger, Les traumatismes, Les blessures pénétrantes, Arrêter l’hémorragie,
Les blessures aux poumons, L’examen approfondi, La position de récupération, Les antidouleurs,
Les balles et les projectiles, Les fractures, L’évacuation du patient, Les brûlures, L’hypothermie et les
coups de chaleur, Le mal de l’altitude, Les morsures de serpent
Chapitre 6 Le stress post-traumatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .88
Les conflits dans votre pays, Que peuvent faire les organisations de journalistes et les employeurs?,
La qualité du soutien, Les avancées internationales vers l’amélioration des connaissances

Partie 4 La zone de campagne


Chapitre 7 La réaction: que peuvent faire la FIJ et les organisations de journalistes? . . . .98
Partager le savoir-faire et l’expérience, La formation à la sécurité pour les journalistes autochtones:
Balkans, Afghanistan, Territoires palestiniens, Népal et Côte d’Ivoire, Le programme mondial de
protection, Le rôle des organisations nationales: Macédoine, Slovénie, Ukraine, Transcaucasie,
Colombie, Irlande du Nord, Afrique, Indonésie

Annexes
Annexes 1 Les principaux contacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .118
Annexes 2 Les statistiques des décès de journalistes et de travailleurs des médias
pour la période 1990-2002 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .121
Annexe 3 Le code international de pratique pour l’exercice d’un journalisme
en toute sécurité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .138
(iii)
Préface
Des étapes essentielles
sur la voie de la sécurité
par Aidan White, Secrétaire général,
Fédération internationale des journalistes

L
a guerre et la violence sont rarement la réponse à un problème, mais
quand elles frappent, les journalistes et les autres travailleurs des
médias jouent un rôle crucial dans la levée du voile de déception, de
mensonge et de manipulation de l’information qui tombe inévitablement.
Leur tâche consiste à montrer l’impact sur la vie des citoyens ordinaires.
En assumant ce rôle, les journalistes et professionnels apparentés mettent
leur vie et leur sécurité en danger.
La FIJ mène depuis de nombreuses années une campagne pour le ren-
forcement de la sécurité et pour la défense des journalistes autochtones et
des freelances, car ce sont eux qui sont exposés aux risques les plus impor-
tants et qui bénéficient du moins de protection. Les choses commencent
à bouger avec la création de l’International News Safety Institute (voir
pages 103-105). Le présent ouvrage s’inscrit dans ce processus. Il collecte
les expériences de ceux qui ont couvert et filmé les événements dans des
environnements hostiles et tente d’en tirer les leçons afin de sauver des
vies. Mais la sécurité, ce n’est pas seulement éviter les balles. C’est aussi
créer une culture de conscientisation des risques sous tous les aspects du
journalisme, qu’il soit de guerre, d’investigation ou de rue.
Nous avons voulu mettre en exergue les besoins des journalistes locaux,
mais une grande partie des informations disponibles provient de corre-
spondants internationaux et des cours de formation conçus pour les géants
des médias électroniques. La FIJ utilisera le présent ouvrage pour diffuser
le message de la sécurité, mais aidera également ses bureaux régionaux à la
production de versions locales. La richesse du savoir et de l’expérience des
journalistes qui vivent et travaillent sur la ligne de front et qui ont appris
à survivre tout en faisant leur travail est incommensurable. Ce savoir et
cette expérience doivent être rassemblés et le courage et la ténacité de ces
journalistes doivent être loués. C’est une petite étape dans cette direction,
et nous dédions ce livre à ces véritables héros de la profession.
(iv)
Chapitre 1
La préparation au travail dans des
environnements hostiles

Partie 1

Soyez préparé

Des journalistes participent au cours de formation à la survie dans des environnements hostiles organisé par AKE dans le comté de
Herefordshire (Royaume-Uni). Photo: Rob Judges

8
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Chapitre 1
La préparation au
travail dans des
environnements
hostiles

L
es risques les plus marquants courus par les journalistes pendant
une guerre viennent des fusils, bombes, mines, missiles et autre
artillerie. Mais les environnements hostiles ne se trouvent pas
que sur les champs de bataille. Les risques physiques pour les journalistes
sont probablement plus importants lors d’émeutes et de troubles civils
que pendant une guerre traditionnelle menée entre des armées régulières.
Un journaliste travaillant loin de chez lui, sans bénéficier du soutien
habituel, est également exposé aux risques suivants:

 maladie
 accidents de la circulation et autres
 violence, y compris attaques ciblées contre les médias
 exposition
 épuisement
 détresse affective et faible moral

On compte aujourd’hui plus de journalistes victimes de maladies ou


d’accidents de la circulation que de journalistes tués ou blessés, et un
journaliste atteint de fièvre ou d’intoxication alimentaire ne peut travaill-
er. Intéressez-vous aux principaux risques, même s’ils ne sont pas aussi
flagrants que ceux courus sur les champs de bataille. La violence frappe
souvent là où on ne s’y attend pas, par exemple quand une manifestation
dérape ou quand des civils mécontents laissent éclater leur frustration
contre les médias.
Il est judicieux pour les journalistes couvrant plusieurs événements et
vivant dans différentes situations de se préparer à un environnement hos-
tile et aux pressions extérieures à la routine quotidienne. Un journaliste
doit être préparé mentalement et physiquement et équipé correctement.

9
Chapitre 1
La préparation au travail dans des
environnements hostiles

L’objectif est de lui faire prendre conscience des risques, de prendre les
précautions qu’il peut et de conserver le plus possible le contrôle de la
situation, plutôt que de s’en remettre à la bonne fortune. Un journaliste
ne contrôle presque jamais complètement la situation, et le risque zéro
n’existe pas, mais tout journaliste peut évaluer les risques et prendre
conscience des dangers.
Même les situations qui ne semblent pas particulièrement dangereuses
peuvent l’être pour un reporter ou un preneur de vue non préparés, tandis
que les situations les plus dangereuses peuvent être rendues plus sûres
par une évaluation des risques, une bonne préparation et une application
des connaissances. Une bonne planification peut non seulement assurer
un voyage sans problèmes, mais aussi aider à identifier les éléments clés
de votre reportage, vous donner des informations de fond sur votre situ-
ation et sur votre environnement et renforcer l’efficacité de la collecte
d’informations ou d’images.

COMMENT ÊTES-VOUS Avant de partir


PERÇU PAR LES GENS DONT
a) Veillez à être physiquement prêt
VOUS PARLEZ?
Comment les principaux La plupart des journalistes rechignent à refuser ce qui leur semble être
protagonistes vous verront-ils? une mission susceptible de doper leur carrière, même quand cette mission
Quelle est leur attitude vis-à-vis est dangereuse.
des journalistes? Règne-t-il une Quoi qu’il en soit, un journaliste se doit d’être honnête avec lui-même.
certaine hostilité à l’encontre de Êtes-vous physiquement prêt? Seriez-vous capable de marcher toute une
votre société de médias? Pourriez- nuit si vous en étiez obligé ou de courir pour préserver votre sécurité?
vous être considéré comme un Savez-vous travailler loin du confort des hôtels? La forme physique peut
« représentant » d’une partie ou être importante et vous devez être capable de vous surpasser si néces-
l’autre d’un conflit? saire.

REPÉREZ-VOUS SUR LA
CARTE b) La connaissance de la situation locale
Si vous ne connaissez pas bien Que savez-vous de la situation politique et sociale dans laquelle vous
la région, veillez à avoir une carte pénétrez? Qui sont les principaux acteurs? Êtes-vous suffisamment au
mise à jour et de bonne qualité. courant des derniers développements? Quelles langues parle-t-on? Quelle
DES DOUTES? DEMANDEZ À
est l’attitude des gens à l’encontre des médias en général et de votre com-
UN JOURNALISTE
pagnie ou journal en particulier? Votre origine ethnique vous fait-elle
Contactez des journalistes locaux
courir des risques supplémentaires? Des groupes ont-ils une tradition de
quand vous vous déplacez dans
violence vis-à-vis des journalistes ou un passé émaillé d’atrocités contre
une région inconnue. Écoutez
les civils? Quelles sont les limites à ne pas franchir? Y a-t-il des « zones
ce qu’ils ont à vous dire sur les
interdites »? De quelles autorisations avez-vous besoin, et de qui? Ces
sources de dangers.
autorisations auront-elles un certain poids sur le terrain?

10
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Pranvera Shema est journaliste et travaille actuellement pour FrontLine


Television. Elle a collaboré avec les journalistes internationaux arrivés
dans son Kosovo natal en juin 1999.
« Les correspondants internationaux ont un véritable problème avec leur
attitude. Ils imaginent qu’ils vont débarquer dans un endroit perdu dont
les habitants ne sont pas éduqués. C’était particulièrement vrai pour les
correspondants des grandes chaînes internationales, qui ont tendance à
dire « comment, vous ne savez pas qui je suis? ». Cette attitude est
dangereuse pour tout le monde, surtout pour le contact
local. Je n’ai pas apprécié la façon dont ils traitaient les gens qu’ils
interviewaient, en particulier les victimes. J’ai appris qu’il ne fallait jamais
aborder un pays ou une région sans faire la moindre recherche. Les
journalistes internationaux sont souvent arrogants
et ne reconnaissent même pas la langue. » 

NE VOUS PERDEZ PAS POUR


Les informations relatives à la situation, aux gens et aux communautés
QUELQUES MOTS
que vous couvrez sont essentielles. Les journalistes peuvent se retrouver
Même si vous voyagez dans
dans des situations où ils sont très peu au courant de la culture ou de la
votre propre pays, apprenez les
langue et mécontentent ou offensent des gens sans s’en rendre compte.
coutumes, langues et façons de
Cela peut même constituer un problème pour les journalistes autochtones
penser locales. Si vous saluez les
qui abordent une région qu’ils ne connaissent pas, où la population parle
gens dans leur propre langue, cela
un autre dialecte ou une autre langue. Certains adoptent un ton pris
aidera à briser la glace. Apprenez
pour de l’arrogance, peut-être pour masquer leur sentiment d’insécurité
également comment appeler à
ou parce qu’ils sont impatients d’en venir au vif du sujet. En général, le
l’aide.
journaliste et le caméraman qui traitent les habitants avec respect profit-
ent d’une plus grande coopération de la communauté locale.
VOYAGEZ AVEC UN
La connaissance des langues est un atout appréciable. Si vous vous
COLLÈGUE, JAMAIS SEUL
apprêter à travailler pendant un certain temps dans un endroit, apprenez
Les journalistes qui voyagent dans
au moins les rudiments de la langue. Les journalistes sont souvent
des zones dangereuses doivent
envoyés sans préavis pour couvrir des événements dans des pays où
éviter de se déplacer seuls. Il vaut
leur langue n’est pas comprise, ou peut être considérée avec hostilité.
mieux voyager avec un « rival » et
On n’apprend pas une langue du jour au lendemain. Cependant, les gens
se protéger mutuellement que se
sont généralement réceptifs si vous les saluez dans leur propre langue.
retrouver seul et courir des risques.
Apprenez des phrases clés telles que « je suis journaliste », « pouvez-vous
m’aider ? » ou « j’ai besoin d’un docteur ».
Si c’est votre premier séjour dans un pays ou une région, il y a bien des
choses que vous ne saurez pas. Les bons journalistes ne savent pas tout
mais posent les bonnes questions et apprennent vite. Les reporters qui

11
Chapitre 1
La préparation au travail dans des
environnements hostiles

« ont été sur place et fait ça ou ça » peuvent vous donner des informa-
tions cruciales et partager des expériences qui vous aideront à apprendre
rapidement. Certains journalistes expérimentés versent toutefois parfois
dans le cynisme et adoptent une attitude corrosive qui limite la capacité
de jugement. Cherchez des professionnels des médias qui ont gardé un
respect de base pour les gens parmi lesquels ils travaillent. Les journal-
istes qui décrivent les endroits et les gens dont ils traitent en termes
insultants et dénigrants ne vous aideront pas à mieux appréhender la
situation locale.

c) Connaissez vos droits


RÉSUMÉ DES CONVENTIONS
DE GENÈVE Les pompiers n’entrent jamais dans des immeubles en feu sans bien con-
Pour un résumé des conventions naître ce qui les attend et comment affronter la situation, mais les jour-
de Genève telles qu’elles nalistes voyagent toujours (et sont envoyés) sans comprendre les règles
s’appliquent aux journalistes, voir de base du conflit dont ils doivent rapporter. Bien des journalistes se
en pages 16 et 17. déplacent sans connaître la région ou l’application de la législation locale
ou internationale, et sans connaître leurs droits en tant qu’observateurs
indépendants et neutres. Très peu peuvent citer les protocoles pertinents
DES CRAYONS, PAS DES des conventions de Genève ou les actes relevant de la législation humani-
ARMES taire qui régissent les droits des non-combattants.
Ne portez jamais d’arme à feu. Les journalistes doivent être informés des conditions politiques et
Vous vous excluriez vous-même juridiques de la région. Ils doivent être au courant du rôle du Comité
de la protection des conventions international de la Croix-Rouge, des agences des Nations unies et des
de Genève et mettriez votre organisations politiques régionales avant de partir.
sécurité et celle de vos collègues
en danger. Les conventions de Genève
Les conventions de Genève définissent le meurtre ou les mauvais traite-
ments infligés à des journalistes en temps de guerre ou de trouble civil
majeur comme un crime de guerre. Elles confèrent aux journalistes les
PRÉPARATION MÉDICALE mêmes droits qu’aux civils dans les conflits armés, que ceux-ci mettent aux
Les sources d’informations prises des pays différents ou qu’ils soient de nature intérieure. Un morceau
médicales sont citées à l’annexe 1. de papier n’arrêtera pas celui qui possède un fusil et qui est déterminé à
vous tuer ou à vous maltraiter, mais de plus en plus de gens voient que les
criminels de guerre sont traduits en justice et les soldats et militaires du
monde entier comprennent le concept de crime de guerre. Les journalistes
doivent en profiter. Si vous couvrez un conflit, emportez une copie de
la Convention de Genève, et en particulier des clauses stipulant que les
journalistes doivent être traités comme des non-combattants. Faites-les
traduire dans toutes les langues pertinentes. Rappelez-vous toutefois que
les journalistes perdent ce statut s’ils prennent par au conflit, s’ils portent

12
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

une arme à feu ou s’ils se comportent comme des espions. S’ils se retrouvent LA CONFIANCE ENTRE
dans un de ces cas, ils n’agissent plus comme des journalistes. LA RÉDACTION ET LE
PERSONNEL SUR LE TERRAIN
Rédactions, faites confiance à vos
d) La protection sociale reporters et caméramans; ils sont
Que faire si quelque chose tourne mal? Quelle assurance avez-vous et vos yeux et vos oreilles.
qu’adviendra-t-il de votre famille? Votre besoin le plus immédiat est sans Reporters et caméramans,
doute celui de soins médicaux et de rééducation. Vous pouvez également prenez avec votre rédaction des
avoir besoin d’une réhabilitation à plus long terme à la suite de blessures engagements au sujet de l’arrivée
physiques ou de traumatismes psychologiques. à l’hôtel et de l’autorisation
Les journalistes doivent savoir que leur revenu ne diminuera pas s’ils préalable, et respectez-les.
sont dans l’incapacité de travailler et que leur famille sera indemnisée Équipes d’information, mettez
s’ils sont tués. Les groupes de médias pourront arguer qu’ils n’ont pas les au point un ensemble de lignes
moyens de contracter une telle assurance, mais quelqu’un doit assumer directrices basées sur l’expérience,
le coût, et ce ne peut être le travailleur. Les organisations de journal- maintenez-les à jour et permettez à
istes doivent veiller à ce que cette demande essentielle soit satisfaite. tout le monde de contribuer à leur
L’assurance et la couverture médicale doivent protéger indifféremment enrichissement.
les journalistes indépendants et les travailleurs salariés et englober toute
l’équipe.
Dans de nombreuses régions, les organisations de médias reçoivent
leurs informations à un bon prix en recourant à des employés locaux
ou à des indépendants sans étendre l’assurance et les droits sociaux aux
journalistes et preneurs de vue qui risquent leur vie. Cette pratique doit
être éradiquée sous l’action de la pression exercée par les syndicats de
journalistes et de médias.

e) Les risques de maladie


Quels sont les risques de maladie là où vous allez travailler? Avez-vous
besoin d’un vaccin particulier ou d’emporter des médicaments? Le site
dédié aux voyages de l’Organisation mondiale de la santé (http://www.
who.int/ith/countrylist01.html) est un bon endroit pour commencer.

f) Clarifiez les voies de communication


Quand vous êtes loin de chez vous, la communication avec la rédaction
ou le producteur peut s’avérer problématique. Ceux qui envoient des
journalistes sur place sont souvent frustrés s’ils ne peuvent atteindre
leur personnel nuit et jour. Rappelez-vous que vous courez des risques si
personne ne sait où vous êtes et ce que vous faites. Dans toutes les situ-
ations dangereuses, les journalistes doivent veiller à tenir une personne

13
Chapitre 1
La préparation au travail dans des
environnements hostiles

responsable au courant de leurs mouvements.


« Dans cette Convenez d’une tranche horaire dans laquelle vous appellerez et
guerre, les discuter avec la rédaction des problèmes qui peuvent surgir. Ceux qui
attendent votre reportage ou votre article ont leurs propres soucis et peu-
journalistes vent oublier combien de temps peut être nécessaire pour que des choses
autochtones simples soient faites sur le terrain. On enregistre une tendance dépri-
n’étaient pas mante de ceux restés au bureau à ignorer ce que leurs journalistes ou
preneurs de vue leur apportent et à favoriser ce qui a été proposé par les
protégés » agences, ce qui explique pourquoi les informations se ressemblent. Trop
Miodrop Miljkovic, un journaliste
indépendant de Vranje, une
souvent, les rédactions oublient que la diversité de l’information implique
ville serbe située près de la une variété d’informations. Dès lors, un conseil que l’on peut donner
frontière avec le Kosovo et aux rédactions est de se fier à ce qu’elles reçoivent de leurs reporters et
la Macédoine, a tenu ces caméramans présents sur place. Il est absurde pour un journaliste de se
propos à une délégation de mettre en danger ou de mettre ses collaborateurs en danger pour montrer
la FIJ: « Pendant la guerre, des images qu’une chaîne concurrente a déjà diffusées et qui peuvent être
être journaliste ici était très moins parlantes que le reportage ou les images qu’il a déjà envoyés.
dangereux. Je n’ai pas de contrat C’est à vous qu’il revient de prendre les décisions opérationnelles
de travail ni de sécurité sociale. quotidiennes concernant votre sécurité et celle des autres. Ne vous lais-
La plupart des journalistes locaux
sez jamais embarquer par des rédactions enthousiastes dans la prise de
n’étaient pas protégés. Les
risques insensés. De même, les rédactions et producteurs voudront à juste
radios et télévisions étrangères
titre conclure un accord stipulant que certaines choses (par exemple, le
recourent à leurs services mais
ne leur offrent pas de contrat et
franchissement d’une frontière ou l’interview de rebelles) nécessitent une
déclinent toute responsabilité autorisation préalable. Les reporters, photographes et caméramans doiv-
en cas de malheur. Il nous faut ent accepter de tels arrangements et s’y tenir.
quelque chose qui protège les Tous les travailleurs de terrain doivent participer à une discussion
journalistes. » débouchant sur des accords relatifs aux risques et à la prise de décisions.
Radoman Iric travaillait pour Ces accords doivent être consignés et, si un conflit ou une situation
Radio Free Europe et Radio dangereuse doit se prolonger quelque temps, mis à jour au vu des expéri-
Liberty pendant le conflit au ences. Ils deviendront petit à petit un ensemble de renseignements utiles.
Kosovo. Il reconnaît qu’il faut en Les informations sur les contacts, les endroits à risques particuliers et les
faire plus pour les journalistes
sources d’aide doivent être enregistrés au fil des mises à jour des proto-
indépendants. Il a reçu une
coles. Les journalistes doivent être disposés à partager les informations
récompense pour son courage
journalistique après avoir
susceptibles de sauver des vies. Ceux qui reviennent de mission doivent
interviewé les dirigeants de la donner leurs impressions de sorte que les informations détenues soient
KLA dans leur quartier-général. les plus actuelles possibles.
Depuis qu’il a quitté son poste Une partie importante de ces protocoles consiste en un accord sur ce qui
de salarié pour travailler en tant arrivera si le journaliste ou l’équipe n’a pas donné signe de vie pendant un
qu’indépendant, Radoman Iric certain temps. Si un journaliste est au courant des initiatives que son emplo-
n’a pas de droits à la retraite ou yeur va mener, cela l’aidera à prendre des décisions s’il est capturé ou rencon-
à la couverture sociale.  tre des problèmes. Chaque protocole doit prévoir des plans d’évacuation en
cas de blessure, de maladie ou de détérioration des conditions.

14
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

g) Le bon équipement
Il n’y a virtuellement aucune limite à l’équipement qui pourrait s’avérer
utile, du véhicule blindé aux barres chocolatées servant au troc, en pas-
sant par le téléphone par satellite et les allumettes résistant à l’eau. Les
journalistes, photographes et caméramans doivent déjà emporter pas mal
de matériel. La quantité d’équipement que vous pouvez prendre dépend
de l’endroit où vous vous trouvez et de vos moyens. Voici un aperçu des
choses les plus importantes:

Carte de presse
Une carte de presse vous identifie clairement et porte votre photo. Elle
peut vous être remise par votre organisation professionnelle ou syndicat
ou par votre employeur. Le poids d’une carte standard émise par une
organisation professionnelle réside dans le fait qu’il renforce l’idée que
les journalistes appartiennent à une profession collective. La carte de
votre employeur peut être une aide ou un obstacle selon sa réputation
auprès des acteurs d’un conflit. Vous pouvez aussi emporter des lettres
ou des laissez-passer signés par des officiers militaires ou de police vous
reconnaissant en tant que journaliste et demandant à leurs troupes de
vous assurer d’une coopération raisonnable. C’est à vous de comparer la
valeur de ces documents par rapport aux dangers éventuels. Un laissez-
passer émis par un commandant rebelle pourrait vous envoyer dans les
prisons gouvernementales. Réfléchissez aux informations que vous trans-
portez et qui pourraient vous être préjudiciables. Même des coupures de
journaux critiques vis-à-vis de l’une ou l’autre partie d’un conflit peuvent
créer des problèmes lors du passage à un point de contrôle.

Numéros d’urgence
Emportez une liste de numéros d’urgence et un document indiquant qui
appeler si vous êtes blessé. Si vous procédez à des interviews délicates
qui pourraient causer des ennuis aux personnes interrogées, arrangez-
vous pour assurer la confidentialité. Séparez les noms et les propos ou
changez les noms. Veillez à ce que votre système de cryptage des noms
ne ressemble pas à un code.

Un portefeuille factice
Gardez toujours votre argent et vos documents essentiels dans un endroit
sûr et non visible. Cependant, vous devez toujours avoir accès à de petites
sommes d’argent et à quelque chose à remettre en cas d’agression. Portez
un autre portefeuille contenant un peu d’argent et de vieilles cartes de
crédit. Si vous êtes victimes d’une agression, remettez ce portefeuille-ci.

15
Chapitre 1
La préparation au travail dans des
environnements hostiles

Les conventions de Genève


Les conventions de Genève exigent le respect des êtres humains en temps de conflit armé, ce qui inclut le respect
des droits fondamentaux des journalistes, qui sont considérés comme des civils ayant droit à une protection contre la
violence, les menaces, le meurtre, l’emprisonnement et la torture. Ces traités légalement contraignant datent de 1949
et ont été ratifiés par la plupart des pays. Ils font partie intégrante du droit humanitaire international. Toute violation de
ces conventions rend un soldat ou milicien coupable de crime de guerre. Les journalistes doivent connaître et faire
valoir ces droits

Résumé
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) impose aux États:
 de prendre le même soin des alliés et des ennemis;
 de respecter les êtres humains, leur dignité, leurs droits familiaux, leurs convictions religieuses et les droits
particuliers des enfants;
 d’interdire les traitement inhumains ou dégradants, les prises d’otages, les exterminations de masse, la torture,
les exécutions sommaires, les déportations, les pillages et les destructions gratuites de biens.

Protection des combattants blessés, des prisonniers de guerre et des civils


Les deux premières conventions couvrent le traitement des soldats blessés et malades et du personnel médical sur les
champs de bataille et en mer. La troisième convention concerne les prisonniers de guerre. Toutes trois ne font référence
aux journalistes que dans le cas de correspondants de guerre accrédités. La quatrième convention de Genève parle des
droits des civils dans les territoires ennemis ou occupés.

L’article le plus important est l’article 3, qui s’applique à toutes les conventions et stipule:
1) Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées
qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention,
ou pour toute autre cause, seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité, sans aucune distinction
de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la
fortune, ou tout autre critère analogue.
À cet effet, sont et demeurent prohibés, en tout temps et en tout lieu, à l’égard des personnes mentionnées ci-
dessus:
a) les atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les
mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices;
b) les prises d’otages;
c) les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants;
les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal
régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples
civilisés.

2) Les blessés et malades seront recueillis et soignés.

Les journalistes doivent être protégés comme les civils: article 79


Le protocole I aux conventions de Genève (entré en vigueur en 1978) stipule à l’article 79:

16
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

1. Les journalistes qui accomplissent des missions professionnelles périlleuses dans des zones de conflit armé
seront considérés comme des personnes civiles au sens de l’article 50, paragraphe 1.
2. Ils seront protégés en tant que tels conformément aux Conventions et au présent Protocole, à la condition
de n’entreprendre aucune action qui porte atteinte à leur statut de personnes civiles et sans préjudice du droit
des correspondants de guerre accrédités auprès des forces armées de bénéficier du statut prévu par l’article 4
A. 4), de la IIIe Convention.
3. Ils pourront obtenir une carte d’identité conforme au modèle joint à l’Annexe II au présent Protocole. Cette
carte, qui sera délivrée par le gouvernement de l’État dont ils sont les ressortissants, ou sur le territoire duquel
ils résident ou dans lequel se trouve l’agence ou l’organe de presse qui les emploie, attestera de la qualité de
journaliste de son détenteur.

Les conventions couvrent les guerres civiles mais pas les émeutes
Le protocole II étend la portée des conventions de Genève aux conflits internes entre les forces armées d’un État et des
forces armées dissidentes ou d’autres groupes armés organisés sur son territoire.
Il étend effectivement les conventions aux conflits civils à grande échelle. Cependant, il exclut spécifiquement des
conventions les « situations de tensions internes, de troubles intérieurs, comme les émeutes, les actes isolés et
sporadiques de violence et autres actes analogues, qui ne sont pas considérés comme des conflits armés. »

Comment les civils doivent et ne peuvent pas être traités


L’article 4 du protocole II décrit comment les parties doivent étendre les traitements humains aux civils:
1. Toutes les personnes qui ne participent pas directement ou ne participent plus aux hostilités, qu’elles soient
ou non privées de liberté, ont droit au respect de leur personne, de leur honneur, de leurs convictions et de leurs
pratiques religieuses. Elles seront en toutes circonstances traitées avec humanité, sans aucune distinction de
caractère défavorable. Il est interdit d’ordonner qu’il n’y ait pas de survivants.
2. Sans préjudice du caractère général des dispositions qui précèdent, sont et demeurent prohibés en tout
temps et en tout lieu à l’égard des personnes visées au paragraphe 1:
a) Violence to the life, health and physical or mental well-being of persons, in particular murder as a) les atteintes
portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même
que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles;
b) les punitions collectives;
c) la prise d’otages;
d) les actes de terrorisme;
e) les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la
contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur;
f) l’esclavage et la traite des esclaves sous toutes leurs formes;
g) le pillage;
h) la menace de commettre les actes précités. 

17
Chapitre 1
La préparation au travail dans des
environnements hostiles

Eau
Dans les situations de conflit, les sources d’approvisionnement fiables en
eau potable peuvent cesser de fonctionner ou être contaminées. Vous pou-
vez survivre plusieurs jours sans manger, mais pas sans eau. Emportez
si possible des bouteilles d’eau ou des filtres et agents chimiques de
purification.

Kit de secours
Un kit de secours est vital pour tout journaliste susceptible de se retrou-
ver éloigné des infrastructures de soins médicaux traditionnelles. Si pos-
sible, emportez deux kits, un sur vous et un plus complet dans le véhicule.
Le chapitre 5 aborde ce sujet dans les détails.

Téléobjectifs
Une manière pour les caméramans et photographes d’améliorer leur
sécurité est d’utiliser des téléobjectifs qui les rapprochent de l’action.
Des objectifs moins puissants exigent des utilisateurs qu’ils prennent
plus de risques pour les mêmes images. De nouveau, le journaliste local
qui dispose de moins de moyens est désavantagé. Assurez-vous que votre
société de médias est consciente des avantages pour la sécurité d’investir
dans des téléobjectifs et des caméras légères.

Alerte d’urgence
Portez un sifflet au cas où vous devriez attirer l’attention ou donner
l’alerte. Portez un bracelet Medic-alert indiquant votre groupe sanguin
et votre état médical ou vos allergies.

Confort personnel
Si vous travaillez loin de votre base, veillez à emporter des effets person-
nels pour rester propre et garder le moral. Emportez du savon, un gant de
VOTRE VÉHICULE EST-IL toilette et des serviettes. Emportez du papier toilette et une petite pelle à
CAPABLE DE SUPPORTER LA usage sanitaire. Faites attention à vos dents et à vos pieds.
PRESSION?
Veillez à ce que votre véhicule soit
en bon état. h) Préparez votre véhicule
Vérifiez la pression des pneus, en Si vous vous absentez de votre base pour une longue période, vous
particulier en cas de températures devez si possible posséder votre propre véhicule, non seulement pour
extrêmes. Les éclatements sont vous déplacer plus rapidement et pour vous mettre en sécurité, mais
plus probables dans des conditions aussi parce qu’il vous faut un lieu pour conserver le matériel difficile à
de forte chaleur. Assurez-vous emporter. Le chauffeur sera de préférence un membre de votre équipe
d’avoir une bonne roue de secours. désigné à ce poste.

18
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Plus vous vous rapprochez, plus le


danger est grand
Miomir Serafinovic relatait tous les jours le conflit en Macédoine en 2001 pour
la chaîne TV A1. « C’est quand nous étions tout près des échanges de tirs
que je me sentais le plus en danger. Quand nous étions avec les journalistes
étrangers, nous voyions qu’ils utilisaient des gilets pare-balles, et pas nous. Ils
garaient leur véhicule blindé là où il pouvait nous protéger. Ils possédaient des
gilets pare-balles, des petites caméras et des véhicules blindés. Nous, nous
avions du matériel lourd et aucune protection. Si vous devez y aller, apprenez Miomir Serafinovic couvrant le con-
d’abord à trouver la bonne distance et n’allez pas là où des coups de feu sont flit en Macédoine
échangés. Il y a toujours des idiots qui essaient de se rapprocher. Il vous
faut un bon équipement et des téléobjectifs. Sans ce matériel, nous devions
nous rapprocher et courir de plus grands risques. Certains journalistes étrangers ont loué les services d’une équipe de
télévision locale pour tourner leurs séquences tandis qu’ils restaient à leur hôtel. »in their hotels.” 

L’état et la qualité de la voiture et du chauffeur sont essentiels. Les cor-


respondants internationaux peuvent avoir accès à des véhicules blindés.
Le coût d’un tel véhicule excédera probablement le budget entier d’une
petite chaîne de télévision pour six mois. Cependant, vous serez au moins
certain que votre véhicule est en bon état mécanique, qu’il possède une
roue de secours de qualité, ainsi que des réserves de carburant et d’eau.
Envisagez l’opportunité d’indiquer PRESS ou MEDIA en grands
caractères sur votre véhicule. Dans certaines circonstances, cela vous
protègera; dans d’autres, cela fera de vous une cible pour les tireurs
embusqués. Si vous utilisez ces marquages, placez-les sur le toit et sur les
côtés du véhicule, de sorte qu’ils soient visibles d’en haut. Quoi qu’il en
soit, veillez à ce que les signes puissent être enlevés rapidement. Dans des
zones isolées et où vous pouvez devoir quitter les routes, votre véhicule
doit également pouvoir être remorqué ou treuillé. Chaque véhicule doit
contenir un kit de secours de bonne qualité et un extincteur.
Le chauffeur doit être quelqu’un d’expérimenté, de calme et qui conduit
prudemment. Même si vous n’avez pas d’accident, passer des jours à être
conduit par quelqu’un en qui vous n’avez pas confiance sape le moral et
interfère avec le reste. Si vous louez une voiture avec chauffeur, faites
de ce dernier un membre à part entière de votre équipe, ayant droit à la
même protection. Si le chauffeur n’est pas de la même origine ethnique ou
nationalité que les personnes transportées, n’oubliez pas qu’il peut courir
des risques différents aux points de contrôle.

19
Chapitre 1
La préparation au travail dans des
environnements hostiles

i) La tenue appropriée
Les vêtements dont vous avez besoin dépendent du climat, de la saison et
de la durée de votre séjour loin de votre base.

Chaussures
Il est important de conserver votre mobilité et de pouvoir marcher
longtemps si nécessaire. Une paire de bottines légères et étanches est
l’idéal. Elles doivent être confortables. Ne les achetez donc pas juste avant
de partir! Elles doivent être suffisamment grandes pour vous permettre
de porter deux paires de chaussettes en coton, qui garderont vos pieds au
chaud et réduiront les frictions. Les chaussures peuvent être le vêtement
le plus important.

Des vêtements amples et plusieurs couches


Dans la plupart des cas, portez plusieurs couches, afin de pouvoir en
retirer si vous avez trop chaud. Les couches extérieures doivent être
larges; les couches intérieures doivent être en coton ou en d’autres fibres
naturelles. Veillez à ne pas être pris pour un soldant, surtout si vous
portez un gilet pare-balles. Essayez de porter des couleurs différentes
en haut et en bas afin de montrer que vous n’avez pas endossé un uni-
forme. Ne portez pas de couleurs vives qui font de vous une cible facile.
Emportez néanmoins dans un sac quelque chose de clair qui peut être
agité pour attirer l’attention ou des vêtements blancs qui peuvent servir
de drapeau blanc. Prenez un bon chapeau pour vous protéger du soleil et
tenir votre tête au chaud dans le froid.

Des vêtements de protection


Si vous êtes la cible de tirs, il vous faut une protection solide. La meilleure
protection est offerte par les gilets pare-balles qui couvrent le cou et l’aine
et qui ont des ouvertures dans lesquelles des plaques de blindage peuvent
être insérées. Les plaques blindées en céramique sont plus légères et plus
fiables que celles en métal mais elles doivent être entretenues. Un gilet
pare-balles protégera dans une certaine mesure contre les projectiles
à faible vitesse tirés par des armes légères et les éclats de mines. Les
plaques de blindage protégeront contre les projectiles à haute vitesse
et les tirs des snipers. Cependant, un gilet à deux plaques (à l’avant et
à l’arrière) pèse environ 12 kilos. Il est impossible de courir longtemps

20
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

avec un tel équipement et un casque. Il existe des dispositifs de protection


conçus pour les femmes, mais ceux-ci ont tendance à être plus chers. Les
caméramans doivent porter des vestes possédant une protection supplé-
mentaire pour les bras parce qu’ils tiennent leur caméra en l’air. Tous les
gilets doivent être étanches. Le prix est élevé et votre société dira peut-
être qu’elle ne peut se le permettre. Invitez-la à chercher des moyens de
partager les frais ou des subventions auprès d’organisations de défense
des médias. Il n’y a pas de raison pour que les journalistes locaux courent
des risques plus importants.
Le moment où vous choisissez de porter ces équipements est une
question tactique dépendant de votre besoin de mobilité et de protec-
tion. Rappelez-vous qu’une balle à haute vitesse de 12 mm peut percer
du métal à 1 500 mètres. L’utilisation de vêtements de protection et de
plaques de blindage est controversée. Elle ralentit les journalistes, ce qui
a pour conséquence que certains violent les règles convenues avec leur
rédaction en portant une protection quand ils passent à l’écran mais les
retirent directement après. Les journalistes locaux ont rarement le choix
de porter une protection ou non, alors que cette protection devrait leur
être fournie. Les plaques blindées qui ne sont pas portées peuvent être
placées dans une voiture pour augmenter la protection des passagers. 

21
Partie 2

La zone dangereuse

Un caméraman saute lors de l’explosion d’un grenade paralysante dans la ville assiégée de Ramallah
(Cisjordanie) le 5 avril 2002. Les journalistes tentant de couvrir une réunion entre Yasser Arafat et l’émissaire
américain Anthony Zinni furent repoussés par l’armée israélienne. Photo: AP / Nasser Nasser

21
CHAPTER 2
Les zones de guerre et de conflit

Chapitre 2
Les zones de guerre et de
conflit

Q
uand les balles commencent à siffler, il n’y a pas de méthode universelle
pour ne pas être blessé, et les journalistes peuvent devenir, par erreur
ou par choix délibéré, des cibles. Des travailleurs des médias opérant
en première ligne ont été blessés ou tués par des balles, des éclats ou des obus de
mortier tirés à distance. Les balles perdues et les ricochets causent de nombreuses
victimes. Des journalistes ont été visés par des tireurs embusqués et tués dans
des embuscades.
Dans les situations où plusieurs forces différentes sont impliquées dans un
conflit et où les lignes de front se déplacent rapidement, il est difficile de savoir où
une zone de conflit commence et où elle finit. Cependant, un journaliste conscient
des dangers et prévoyant a de grandes chances de rester en vie et d’échapper aux
blessures.
La meilleure défense qu’un journaliste puisse déployer réside dans la réflex-
ion. En essayant de comprendre l’état d’esprit des combattants d’une zone de
guerre et le potentiel des armes utilisées, un journaliste peut limiter les risques
d’être blessé ou tué. Les journalistes doivent être capables d’évaluer les risques,
y compris ceux induits par les actions qui les mettent dans la ligne de mire, ainsi
que la manière la plus rapide de sortir d’une zone dangereuse. Ils doivent garder
à l’esprit la carte de la région et la situation militaire. Comme les autres person-
nes présentes dans les zones de combat, un journaliste doit opter pour la moins
mauvaise solution, parce qu’aucune n’est totalement sûre.

L’attitude des combattants vis-à-vis des journalistes


Les journalistes et les forces militaires poursuivent des buts et objectifs différents.
Les premiers veulent avoir accès au terrain de sorte à pouvoir relater ce qui se
passe, les seconds souhaitent conserver le contrôle de la situation militaire et
gagner la bataille. Ils croient que les journalistes devraient couvrir les aspects
d’une opération que les commandants veulent leur montrer.
Les soldats et autres belligérants se méfient souvent des journalistes. Les
troupes en première ligne sont parfois contentes de parler ou de se faire photog-
raphier parce que cela atteste et valide leur rôle. Cependant, les médias constitu-
ent un facteur additionnel et généralement malvenu pour les commandements

22
LIVE NEWS - G
Live
UIDE DE S—
News URVIE À L’USAGE
A Survival Guide JOURNALISTES
DES for Journalists

militaires. Les officiers supérieurs considèrent souvent les journalistes comme


une nuisance et un risque pour la sécurité. Selon la situation, ils peuvent aussi
associer certains médias, voire tous, à la propagande de l’autre partie, et donc
les considérer comme un ennemi potentiel, un ennemi qu’ils ne sont pas censés
abattre.
Dans la mesure du possible, les forces militaires essaieront d’influencer la
couverture d’un conflit en leur faveur. Les commandants amicaux cherchent à
se servir des journalistes, utilisant leurs officiers de liaison pour les alimenter en
propagande et désinformation et pour les détourner de ce qu’ils ne sont pas sup-
posés savoir. Les commandants hostiles refuseront de coopérer et entraveront le
travail des journalistes, voire feront tirer sur eux. Les milices peuvent considérer
les médias comme une source de revenu et leur offrent leurs services et leur
protection contre de l’argent.
Les officiers supérieurs sont bien conscients de l’importance d’une publicité
favorable et de la nécessité de ne pas se voir imputer des décès de civils et des
atrocités. Les postes de contrôle sont toutefois souvent occupés par des jeunes
combattants sous-équipés, mal entraînés, fatigués et apeurés qui peuvent adopter
une vision plus subjective et à court terme des événements. De leur point de
vue, il peut sembler rationnel et justifié de menacer, de voler ou même de tirer
sur les représentants des médias. Avant de pénétrer dans une zone dangereuse,
le journaliste doit comprendre le conflit du point de vue des différentes parties
en présence. Les journalistes doivent avoir une bonne connaissance du moral,
de la discipline et de l’attitude des belligérants. Ils doivent également posséder
de bonnes compétences en matière de relations entre les personnes pour faire
retomber la pression dans les situations tendues.

Voyager avec ou sans escorte


Les militaires peuvent offrir un accès à la ligne de front et se déplacer avec eux
peut constituer la seule manière de pénétrer dans les zones où vous souhaitez
travailler. Ne perdez toutefois pas de vue les inconvénients que cela induit. Dans
certains pays, si vous accompagnez des militaires, vous serez associés à ceux-ci et
deviendrez une cible. Si vous vous déplacez avec des militaires, vous devez obéir
à leurs injonctions. Si leur unité est prise sous le feu de combattants ennemis, VOUS POUVEZ ÊTRE
c’est leur sécurité, celle de leurs camarades et la vôtre qui sera leur préoccupation CONSIDÉRÉ COMME « L’UN
première, pas votre article ou vos photos. Les soldats de base et les officiers de D’ENTRE EUX »
rang inférieur possèdent un pouvoir décisionnel limité. Si un soldat est assigné à Si vous vous déplacez avec des
votre sécurité, veillez à ce qu’il s’agisse d’un haut gradé. Les pilotes d’hélicoptère militaires de l’une ou l’autre partie
peuvent vous donner un aperçu des zones de troubles et vous permettre de pren- d’un conflit, vous risquez d’être
dre des clichés aériens. pris pour cible, soit parce que vous
Si vous vous déplacez sans « supervision » dans une zone de conflit, vous devez passerez pour un soldat, soit parce
savoir où vous vous trouvez et où les différentes forces stationnent. Voyagez avec que vous serez associé à l’ennemi.

23
CHAPTER 2
Les zones de guerre et de conflit

NE SOYEZ PAS PRIS POUR quelqu’un qui a l’expérience de la zone et uniquement si vous savez que vous ne
CIBLE PAR ERREUR serez pas pris pour cible. Identifiez-vous en tant que représentants de la presse.
 Veillez à ce que vos vêtements Certains journalistes peignent MEDIA ou PRESS en grands caractères sur le
ne soient pas de style militaire. côté et sur le toit de leur véhicule. Avant de le faire, assurez-vous que cela con-
Ne portez pas de camouflage. stituera un dissuasif efficace. Dans certains cas, cela fera de vous une cible facile.
 Rappelez-vous que les caméras En cas de problème, identifiez-vous en tant que journaliste.
peuvent être confondues avec Essayez de veiller à pouvoir faire la différence entre les camps opposés, selon
des fusils. l’uniforme porté ou le type de véhicule ou de matériel utilisé. Ce n’est pas néces-
 Les flashes peuvent être pris sairement facile. Les forces mal équipées ne portent pas toujours de marques dis-
pour des éclairs dus aux armes. tinctives claires. Dans certains conflits, les soldats récupèrent même les uniformes
 Les objectifs des caméras, des morts ou des prisonniers s’ils sont meilleurs que le leur.
les boucles de ceinture, les Si vous filmez ou photographiez des troupes ou sites militaires sans autorisa-
vêtements brillants en cuir, les tion, vous risquez d’être arrêté et de vous faire confisquer votre matériel et vos
cadrans des montres (tournez- pellicules. Vous pourriez même être emprisonné, voire pire.
les sur votre poignet) peuvent
causer des reflets. Devenir une cible
 Les lumières des caméras Vous pouvez être visé pour une de ces trois raisons:
attirent l’attention de loin, en  vous vous trouvez au mauvais endroit au mauvais moment (malchance),
particulier la nuit.  vous être pris à tort pour une menace militaire,

Les Croates « ont pris une équipe de la BBC pour des


soldats serbes »
Des journalistes de la BBC couvrant l’expulsion de familles serbes de leur maison en Croatie en août 1995 essuyèrent
des tirs de soldats croates qui les avaient pris pour des forces paramilitaires serbes.
John Schofield, 29 ans, correspondant de Radio 4 World Tonight, fut mortellement touché. Le reporter du service en
langue arabe, Oma Ansawi, reçut une balle dans la jambe. Le caméraman Adam Kelliher fut atteint au poignet.
Un rapport de l’armée croate publié en 2001 déclara que les troupes avaient pris les journalistes stationnant près de
leur véhicule blindé pour des paramilitaires serbes. L’équipe de la BBC, qui englobait également le correspondant de
télévision Jonathan Birchall, s’était arrêtée pour prendre des photos de maisons en feu.
Le colonel Dusan Viro, porte-parole du ministère croate de la Défense, allégua qu’une opération de grande envergure
visant à déloger des troupes paramilitaires serbes était alors en cours. « La zone était consignée à tous les journalistes.
En fait, je suis très étonné que des journalistes s’y soient trouvés, parce que l’accès y était interdit.»
Un soldat non identifié, présent sur les lieux au moment des faits, ajouta: « Nous n’avions pas le temps de poser des
questions et ne pouvions prendre le moindre risque. Nous avions un objectif militaire et devions traiter toute personne
non autorisée assimilée à un combattant ennemi comme telle. »
Le caméraman Adam Kelliher accepta que les troupes croates avaient pu commettre une erreur et ne les avaient
pas visés délibérément en tant que journalistes, mais il réfuta les allégations du rapport officiel selon lesquelles des
sommations avaient été lancées avant le début de la fusillade.
Source: rapport de Jane Kokan pour le Freedom Forum
http://www.balkanpeace.org/hed/archive/sept01/hed4114.shtml

24
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

 vous êtes journaliste.

Vous pouvez réduire les risques d’être pris pour une cible militaire en évitant
d’y ressembler. Portez des vêtements civils de couleur vive et contrastant entre le
haut et le bas. Soyez prudent lors que vous filmez parce qu’une caméra peut être
confondue avec une arme et que votre position peut sembler menaçante. Dans
certains circonstances, une caméra vidéo et un lance-missiles SAM 7 peuvent
paraître similaires. La réverbération du soleil sur un objectif de caméra peut être
prise pour les flammes sortant d’une arme antichar ou du canon d’une arme à feu.
Vous pouvez aussi être visé parce que vous être proche d’une cible stratégique.
Cela pourrait vous exposer aux tirs d’artillerie ou aux attaques aériennes. Depuis le haut: un fusil mitrailleur
Sterling 9 mm, une mitraillette légère
La connaissance des armes Sterling 5.56 et une mitraillette AK47.
Les correspondants de guerre doivent développer une connaissance de base des Photo: Rob Judges

différents types d’armes, de leur portée et de leur capacité. Cela peut vous aider
à prendre des décisions cruciales pour votre survie. La précision des pistolets
et des fusils est généralement déterminée par le type d’arme et la qualité de la
fabrication, par les conditions météorologiques et par l’habilité (et l’état d’esprit,
de fatigue, etc.) du tireur. À 1 000 mètres, un vent d’à peine 16 km/h déviera une
balle de quatre mètres de sa cible.
Les armes à basse vitesse sont les pistolets et les fusils de petite taille qui tirent
des balles en dessous de la vitesse du son. Un gilet pare-balles protège efficace-
ment contre ces armes.
 Les armes semiautomatiques capturent une partie de l’énergie de la mise à
feu pour réarmer la détente. Les pistolets et fusils automatiques et semiau-
tomatiques ont tendance à tirer en l’air et vers la droite. Avec un pistolet, un
soldat bien entraîné atteindra efficacement une cible humaine à tout au plus
20 mètres. Un soldat mal entraîné n’a aucune chance à cette distance. Cette
information peut vous aider à décider s’il faut vous retirer d’une situation qui
vous semble hostile.
 Les armes à haute vitesse (fusils ou mitraillettes) tirent des balles au-delà de Depuis le haut, de gauche à droite: un
la vitesse du son. Si vous entendez la balle, c’est qu’elle vous a déjà raté. Si lance-missiles antichar 66 mm à usage
vous entendez comme un craquement bien distinct, c’est que les armes sont unique, un pistolet Colt 45, un pistolet
tout près. Sig 9 mm, un fusil mitrailleur Mach
 Dans les mains d’un soldat entraîné, une mitraillette est précise à 70-100 10 Ingram 9 mm, un pistolet Tokarev
mètres, tandis qu’un fusil d’assaut à haute vitesse le sera à 200-300 mètres. 9 mm de fabrication russe, un masque à
Dans des mains peu expertes, tous les fusils sont hautement imprécis. gaz SR6 et une mine antichar de 5 kg
Néanmoins, un soldat mal entraîné pourra toujours vous atteindre par de fabrication yougoslave.
erreur. Photo: Rob Judges

 Low-velocity weapons are pistols or small rifles which fire a bullet below the
speed of sound. Body armour will protect against these.

25
CHAPTER 2
Les zones de guerre et de conflit

In the hands of a trained soldier, a sub-machine gun is accurate at 70-100


metres, while a high-velocity assault rifle is accurate at 200-300 metres. In
untrained hands all guns are highly inaccurate. However, a poorly trained soldier
may hit you by mistake.
Les principales armes rencontrées sur les champs de bataille sont le M-16
américain et l’AK47 (ex-soviétique), fabriqué partout dans le monde et réputé
pour son fonctionnement même dans en mauvais état. Les balles tirées par ces
deux armes perceront un casque en acier à plus de 1 000 mètres. Elles peuvent
vous atteindre dans un rayon de 1 500 mètres.
Les snipers utilisent des fusils possédant un canon plus long et plus gros et
équipés d’un viseur télescopique. Selon l’habilité du tireur, ces armes sont pré-
cises jusqu’à 600 mètres. Les snipers travaillent souvent en duo pour harceler les
troupes et les civils et saper le moral (comme à Sarajevo). Ils peuvent tirer sur une
victime et ensuite viser ceux qui lui viennent en aide. Certains snipers déclarent
avoir tué plus de 100 personnes.
Les soldats utilisant des armes automatiques sont formés à ne pas tirer plus
de deux ou trois coups à la fois. Ceux qui tirent de longues rafales sont proba-
blement sous-entraînés. Les balles partiront en l’air, et vous avez donc intérêt à
rester couché.
La plupart des balles sont faites en métal, soit en plomb avec une couche de
cuivre, soit - pour percer les blindages - en plomb avec une couche en acier dur.
Les balles « en caoutchouc » sont généralement recouvertes de plastique. Elles
peuvent tuer si elles atteignent une zone vulnérable. Les balles dum-dum sont
des balles normales qui ont été modifiées par les soldats de sorte à exploser lors
Les balles sont de toute forme et de toute de l’impact et de causer un maximum de dégâts aux organes internes. Elles sont
taille. La plupart sont en plomb avec interdites. Les balles incendiaires mettent le feu à leur cible. Les balles traçantes
une couche de métal durci. En haut, sont utilisées pour éclairer et diriger le feu vers une cible. Si des balles traçantes
une balle d’exercice. Les balles pointues sont tirées en votre direction, inquiétez-vous.
sont des munitions standard de 7.62  Les obus tirés par les chars ont une portée de 2-4 kilomètres. Si vous vous
recouvertes de cuivre, les balles rondes trouvez près de chars, portez des protections acoustiques.
sont des munitions de 9 mm utilisées  L’artillerie légère a une portée de 17 kilomètres, l’artillerie moyenne de 24
dans les armes de poing et les fusils kilomètres et l’artillerie lourde de 30 kilomètres.
mitrailleurs. La petite balle argentée est  Les missiles à têtes multiples ont une portée de presque 30 kilomètres et
une balle à blanc. peuvent larguer 8 000 obus sur une zone de la taille d’un terrain de football.
Photo: Rob Judges Certaines pièces d’artillerie ou avions tirent des missiles équipés de « missiles
secondaires » qui éparpillent des éclats sur une superficie de 500 mètres de
rayon autour de l’explosion principale.
Les servants d’artillerie atteignent leur cible en l’encadrant, c’est-à-dire qu’ils
tirent d’abord deux coups pour le réglage, en envoyant un obus devant et un obus
derrière la cible, et jouent ensuite sur la portée et la direction. Faites attention
aux tirs isolés, même s’ils atteignent un endroit dégagé où il n’y a pas de cible

26
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

manifeste. Si des obus tombent des deux côtés, il se peut que vous soyez encadré.
Vous devez alors vous enfuir au plus vite.

La sécurité des déplacements


Il est crucial de considérer comment et avec qui se déplacer dans une zone de
conflit. Aucun journaliste ne devrait jamais se déplacer seul. Il doit toujours y
avoir quelqu’un qui veille sur vous et qui sera chargé d’aller chercher du secours
si vous êtes touché. Évitez de voyager avec des compagnons versant dans la bra-
vade. Leur excès de confiance pourrait vous coûter la vie.
Évaluez bien tous les risques. Les déplacements d’une base à l’autre vous
entraîneront sur des risques dangereuses, et les informations d’hier sont peut-
être déjà dépassées. Vous devez conserver le sens de l’orientation au cas où vous
vous retrouveriez isolé. Coopérez avec les autres mais conservez votre respon-
sabilité personnelle.
Assurez-vous qu’une personne extérieure sait où vous allez et quand vous êtes
censé arriver. Cette personne doit savoir quand donner l’alerte si vous ne donnez
pas signe de vie.
Circulez dans le véhicule plutôt que sur le véhicule. Utilisez un véhicule à
quatre portes afin de ne pas être coincé à l’arrière. Trois journalistes tués dans
une embuscade en Afghanistan en 2001 faisaient partie d’un groupe de reporters
circulant sur le toit d’un véhicule de transport de personnel blindé. Certains jour-
nalistes n’accrochent pas leur ceinture de sécurité parce qu’ils estiment que cela
les empêchera de fuir si leur véhicule est attaqué. Les ceintures sont conçues pour
se détacher facilement, et elles protègent le conducteur et les passagers contre les UN CONVOI MORTEL
blessures graves. Le risque numéro un dans une voiture - même dans une zone de En 2001 en Afghanistan, une
combats - reste l’accident de la route. Attachez votre ceinture. voiture dans laquelle avaient
pris place quatre journalistes (un
Les convois Afghan, un Australien, un Espagnol
Les convois peuvent donner un faux sentiment de sécurité. Les convois militaires et un Italien) fut arrêté et les quatre
répondent à des règles et à une discipline strictes. Les véhicules sont en communi- occupants furent assassinés. Le
cation l’un avec l’autre, immédiatement prévenus de la moindre attaque, et armés. convoi qu’ils avaient formé était trop
Les convois de journalistes sont souvent des suites de voitures se déplaçant dans dispersé pour être efficace.
la même direction, avec un vague sentiment de sécurité par le nombre. Si vous
vous déplacez avec une escorte militaire ou des Nations unies, observez leurs
règles. Si vous prenez place dans un convoi de véhicules non militaires, sachez
que vous pouvez attirer l’attention des forces hostiles. Veillez à avoir votre propre
carte et à savoir où vous allez et d’où vous venez. Gardez le contact visuel et ayez
un lien par radio ou par téléphone entre les véhicules. Les militaires n’aiment pas
voyager en tête ou en queue de convoi. Le véhicule de tête est parfois attaqué pour
bloquer la route et obliger le reste du convoi à s’immobiliser.

27
CHAPTER 2
Les zones de guerre et de conflit

Kurt Schork était un des


Aller au-delà de la ligne
correspondants de guerre de front était un appel au
les plus réputés. Il relata le
soulèvement kurde dans le jugement qui coûta la vie à
nord de l’Irak au début de la
première Guerre du Golfe et se
deux correspondants de guerre
fit connaître dans les années expérimentés
1990 pour sa couverture du
conflit dans les Balkans. Il Les pressions exercées sur les journalistes de terrain sont dev-
travailla également au Timor enues un sujet de discussion après la mort de deux correspon-
oriental. En 2000, à l’âge dants de guerre expérimentés en Sierra Leone en mai 2000.
de 53 ans, quand Reuters Kurt Schork (Reuters) et Miguel Gil Moreno (Associated
l’envoya en Sierra Leone, il Press) furent tués dans une embuscade tendue par le Front
était considéré comme un des révolutionnaire uni près de Rogberi Junction, à 90 kilomètres
correspondants de guerre les de la capitale Freetown..
plus compétents et les plus
prudents.
Miguel Gil Moreno, 32 ans, qui travaillait pour les informations télévisées d’Associated Press, était à peine
moins expérimenté. En 1999, il resta au Kosovo après que la plupart des journalistes occidentaux eurent quitté
la région, et fut par après un des quelques correspondants occidentaux en poste à Grozny quand les forces
russes attaquèrent la capitale tchétchène. Malgré son courage et son expérience, il avait, selon des collègues,
exprimé son inquiétude quant à la situation en Sierra Leone. Quelques jours avant l’embuscade qui l’emporta
avec Kurt Schork, il déclarait au caméraman de Reuters, Mark Chisholm: « Une de ces deux choses se
produira dans cette affaire: soit l’un d’entre nous décrochera le scoop de sa vie, soit l’un d’entre nous se fera
tuer. »
L’armée régulière sierraléonaise, mal équipée, combattait la guérilla du RUF. Dans une interview pour
TVnewsweb, Mark Chisholm rappelle: « Il y avait 200-300 soldats qui descendaient une grande roue, tirant
dans les buissons à gauche et à droite. Ils sont arrivés sur une route où ils ont rencontré une certaine
résistance, et une fusillade a éclaté.
Nous savions que si nous avions avancé avec les soldats, les rebelles auraient pu sortir des fourrés derrière
nous et nous attaquer. C’est pourquoi nous n’avons jamais avancé avec les soldats. »
Toute l’équipe d’AP en Sierra Leone était mise sous pression parce que celle de Reuters venait d’enregistrer
deux victoires: des images de combats soudains à Rogberi Junction le dimanche 21 mai et, une semaine
auparavant, des images de l’arrestation du chef rebelle Sankoh à Freetown. AP assure qu’elle n’a jamais
critiqué une équipe travaillant dans des conditions dangereuses ou exercé de pression sur elle pour qu’elle
prenne des risques, mais il est probable que Moreno ait eu envie d’obtenir quelque chose de fort à envoyer à
sa rédaction.
Pour une raison inconnue, deux jours avant de mourir, Moreno se défit de sa propre règle de prudence et se
rendit sur la ligne de front.

28
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

C’est alors qu’arriva la rumeur que les corps de sept casques bleus de
l’ONU avaient été retrouvés dans des tranchées. Le mercredi 24 mai,
l’équipe de Reuters tomba par hasard sur Miguel à Rogberi Junction.
L’armée avait opéré une percée sur la route menant à Lunsar, près des
mines de diamant, et un officier leur dit qu’ils pouvaient filmer l’avancée.
Les chauffeurs refusèrent d’y aller, et les journalistes prirent le volant,
Kurt conduisant l’équipe de Reuters dans une voiture, Miguel prenant
place dans l’autre. Un lieutenant et d’autres soldats les accompagnèrent
pour les protéger et les aider à franchir les postes de contrôle.
Mark Chisholm, qui était assis à côté de Kurt, dit que les équipes «
rivales » avaient beaucoup de respect l’une pour l’autre et n’aurait pris
aucun risque pour faire la nique à l’autre. Il raconta à Tvnewsweb: «
Tous les quatre, nous avons trouvé que c’était intéressant. Il n’y a pas eu
de discussion. C’était la première fois que nous décidions d’aller au-delà
Kurt Schork dans une tranchée
de la ligne de front, mais nous étions tous satisfaits de cette décision. »
à Vitez (centre de la Bosnie) en
Ils furent pris dans une embuscade après trois kilomètres, sous un
septembre 1993. Il fut tué dans
déluge de balles. Kurt Schork fut atteint par une des premières balles
une embuscade en Sierra Leone
et tué sur le coup. Miguel fut abattu et tué. Quatre soldats moururent
le 24 mai 2000.
dans l’attaque. Mark Chisholm fut blessé à la main en s’échappant de
la voiture. Le photographe de Reuters Yannis Behrakis et lui fuirent
séparément dans la forêt et se cachèrent, aucun des deux ne sachant si
l’autre était encore en vie. Ils furent récupérés par une patrouille de l’armée.
La mort de Kurt Schork et de Miguel Gil Moreno suscitèrent l’angoisse parmi les autres reporters et collègues,
et pas seulement parce que tous deux étaient appréciés et respectés. Les quatre journalistes qui avaient
répondu à cette mission comptaient parmi les plus expérimentés des zones de guerre et si deux d’entre eux
pouvaient mourir, il en allait de même pour tout le monde. Bien sûr, ces décès pouvaient être imputés à la
malchance et aux risques inhérents au métier. Il subsiste toutefois l’impression dérangeante qu’ils avaient
violé leurs propres règles tacites en faisant ce déplacement, même après mûre réflexion. L’équipe de Reuters
y serait peut-être allée de toute façon vu qu’ils étaient trois et qu’on leur avait dit que la route était sûre, mais
Miguel ne se serait sans doute jamais déplacé seul. Parfois, même les meilleurs journalistes ont du mal à
trouver l’équilibre entre l’instinct de survie et l’envie de faire leur boulot.
Mark Chisholm expliqua à TVnewsweb: « À aucun moment, les dirigeants de Reuters ne m’ont demandé
pourquoi nous nous étions engagés sur cette route. Ils savaient que nous étions tous des journalistes
expérimentés et avaient confiance en notre jugement. Ils ont juste demandé ce qu’ils auraient pu faire de plus.
(Sources: site web de Reuters, BBC online, interview de Mark Chisholm pour TVnewsweb - http://www.
ksmemorial.com/chisTVNW.htm - et Peter Maass, « Deadly Competition », in: Brill’s Content, septembre 2000.
L’article de Peter Maass est disponible en ligne à l’adresse www.petermaass.com, dans la section « magazine
articles ».)

29
CHAPTER 2
Les zones de guerre et de conflit

VOYEZ-VOUS PAR LES Les postes de contrôle


YEUX DU SOLDAT Le passage aux postes de contrôle peut constituer un moment de tension et de
« Mettez-vous dans les chaussures danger potentiel. Ils peuvent être gardés par des milices, des guérilleros ou des
des autres. Le soldat peut être soldats de l’armée régulière qui ont perdu le moral et le sens de la discipline. Votre
un gamin de 17 ou 18 ans objectif est de passer en sécurité. Soyez toujours poli et évitez la confrontation.
sous-entraîné et apeuré. Les Abordez un poste de contrôle avec rien d’autre dans les mains que les docu-
agissements d’un individu peuvent ments nécessaires. Identifiez-vous en tant que journaliste. S’il s’agit d’un contrôle
être rationnels dans le contexte de routine et si les soldats de faction n’émettent aucune objection, soyez poli mais
d’un environnement hostile. » ne donnez pas d’autres informations que celles qu’ils vous demandent et ne soyez
Andy Kain, formateur, AKE pas trop curieux. N’essayez jamais de filmer sans autorisation.
En cas de problème et si les soldats se montrent hostiles ou vous mettent des
bâtons dans les roues, essayez de calmer la situation. Offrez une cigarette ou un
bonbon. Si les soldats et vous parlez une même langue, entamez une conversation
sur autre chose que le conflit, comme le sport ou la famille. Dites-leur votre nom.
Faites-leur comprendre que vous savez où vous êtes et que d’autres le savent
également.
Vous courez plus de risques avec les miliciens mal entraînés et peu disciplinés.
Restez sur vos gardes si des soldats vous semblent mous, s’ils ne vous regardent
pas en face et n’affichent aucun sentiment. Il se pourrait qu’ils ne mesurent plus la
valeur de la vie humain. Inquiétez-vous si les pupilles d’un soldat sont anormale-
ment rétractées. Il est peut-être sous l’influence de stupéfiants, et les stupéfiants
réduisent les inhibitions.
Quand vous présentez vos papiers, vous pouvez aussi montrer une photo
de votre conjoint ou de vos enfants, quelque chose qui vous humanise. Faites
clairement comprendre que des gens vous attendent, savent où vous êtes et vous
chercheront si vous n’arrivez pas. Il faut que les soldats comprennent que vous ne
représentez aucune menace pour eux, mais que vous avez des droits et qu’il pour-
rait y avoir des conséquences si vous êtes blessé ou harcelé. Restez courtois.

Sur cette image prise de la télévision, La recherche d’un abri


un journaliste allemand est couché sur Faites la distinction entre la recherche d’un abri contre les regards et d’un abri
le sol, après avoir été abattu le 13 juin contre les balles.
1999 près de Dulje, à 40 kilomètres au
sud de Pristina, la capitale du Kosovo. L’abri contre les regards
Des inconnus ont ouvert le feu sur une Vous pouvez être vu à cause de votre forme, de votre éclat, de votre silhouette
voiture transportant deux journalistes ou de vos mouvements. Si vous ne voulez pas être vu, ne portez pas de vête-
allemands, tuant l’un d’entre eux et ments clairs. Salissez les équipements brillants. Pensez à l’effet du soleil sur les
blessant l’autre. objectifs.
Photo: AP/télévision tchèque
L’abri contre les balles
Ne vous réfugiez pas dans un endroit d’où quelqu’un a tiré récemment. Cette

30
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

zone sera une cible active. Pour être efficace, un abri doit arrêter les balles et pas
seulement vous protéger des regards. Un petit arbre, une barrière en bois ou une
La formation a
carcasse de voiture ne vous protégeront pas. Il n’y a que dans les séries policières aidé Snezana
qu’une porte de voiture arrête les balles. La terre excelle dans l’absorption des à rester
balles; c’est pour cette raison qu’on l’utilise pour remplir les « sacs de sable ». Un
trou ou une déclivité dans le terrain vous protégeront contre les regards et contre
calme sous la
les balles. Si des journalistes disposent d’un véhicule blindé, utilisez celui-ci pour pression
vous mettre à l’abri. Si vous devez vous cacher derrière une voiture normale, La correspondante de télévision
essayez de mettre le bloc moteur entre vous et le tireur. Évitez le réservoir. Les Snezana Lupevska participa
murs de briques semblent apporter une certaine protection, mais ils sont de peu au premier cours de formation
d’utilité face aux armes modernes. À l’intérieur d’un bâtiment, cherchez une pièce à la sécurité en Macédoine,
sans murs extérieurs; une salle de bain d’hôtel peut faire l’affaire. organisé par la FIJ et le Centre
Ne sortez pas la tête. Si vous devez regarder, faites-le sur le côté et le plus de la presse macédonienne en
près possible du sol plutôt que par le haut. Même si vous êtes derrière un mur, octobre 2000.
couchez-vous sur le sol et offrez la plus petite zone de visée possible. Quand Quatre mois plus tard, elle se
vous cherchez un abri, évaluez immédiatement votre position et envisagez votre rendit avec une équipe de la
retraite vers un endroit plus sûr. Quand vous en sortez, courez et restez plié. Si chaîne de télévision A1 dans
vous êtes plusieurs, traversez la zone dangereuse à intervalles irréguliers. Ne le village de Tanusevci, à la
bougez pas tous en même temps. Essayez de mettre le terrain, la végétation et frontière avec le Kosovo.
les bâtiments entre vous et le tireur. Gardez vos réserves d’énergie. Si vous êtes Snezana et son équipe furent
épuisé, laissez tomber votre matériel et sauvez votre vie. arrêtés et interrogés par
Si vous vous trouvez dans un bâtiment pris sous le feu, cassez les vitres et des miliciens albanais, dont
évacuez tout ce qui est inutile. Tout ce qui n’est pas fixé au sol volera avec la force certains portaient les insignes
d’une explosion. Si possible, mouillez les matelas et mettez-les contre les murs et de l’Armée de libération du
les portes pour vous protéger contre les balles et les éclats. Gardez l’eau dans des Kosovo.
seaux couverts de sorte à avoir de l’eau propre pour boire et vous laver. Snezana raconte: « Ils étaient
armés, ont tiré en l’air et nous
Le bon sens dans les zones de combats ont encerclés. La chose positive
Savez-vous où sont les combattants? D’où les tirs risquent-ils de venir? est que mon équipe et moi
Relevez votre position et essayez de savoir comment vous sortir d’une situation sommes restés très calmes
d’urgence. et avons essayé de paraître
 Ne versez pas dans l’excès de confiance. Connaissez vos propres limites. aussi amicaux que possible et
 Assumez la responsabilité de vos propres décisions. Ne vous laissez pas de parler avec les membres de
attirer contre votre instinct dans des situations mortelles par d’autres jour- l’UCK. Heureusement, ils ne
nalistes. s’en sont pas pris à nous.
 Se rapprocher ne constitue pas toujours une bonne chose. Pensez à une posi- Le séminaire sur la sécurité
tion plus élevée, plus distante. Les images explicites sont rarement diffusées. nous a été d’une grande aide.
 N’emportez jamais de souvenirs. Les mines peuvent être déguisées en toutes C’est malheureusement dans
sortes d’objets attirants. mon pays que j’ai eu l’occasion
 Ne portez jamais d’arme, vous perdriez votre statut de civil. de mettre en pratique ce que
 Restez propre et gardez un moral élevé. Veillez à votre condition physique. j’avais appris. » 

31
CHAPTER 2
Les zones de guerre et de conflit

When Alex Perry and his translator


Quand Alex Perry et son traducteur
pénétrèrent dans le fort de Qala-i-Jangi,
L’inquiétude du traducteur
ils restèrent derrière un mur avec des
membres de la Croix-Rouge pendant
sauve un reporter de «
la bataille faisait rage. Par après, ils
purent se rapprocher des commandants
tirs amis » mortels
de l’Alliance du Nord, des SAS, des
Alex Perry, reporter
forces spéciales américaines et des
au magazine Time, fut
agents de la CIA.
le premier journaliste
« Les talibans tenaient le quart sud-
occidental à atteindre
ouest du fort, tandis que le poste de
le fort de Qala-i-Jangi,
commandement de l’Alliance du Nord
en Afghanistan, en
se situait à l’extrémité sud-est. Les
décembre 2001, quand
échanges de tirs durèrent toute la
les prisonniers talibans
journée. Nous étions derrière des murs
prirent le contrôle d’une
de 20 mètres mais nous voyions des
partie du fort. Il fut le
gens revenir touchés. La lutte était âpre.
seul journaliste présent
Je devais voir cela.
pendant les trois jours de
Un traducteur des forces spéciales
mutinerie. Il apprit qu’il
s’enfuit et le mien fut appelé. J’étais
était parfois nécessaire d’être proche de l’action, mais aussi
aux côtés des soldats des forces
qu’écouter un collègue et se retirer peut parfois vous sauver la
spéciales quand ils demandèrent le
vie. Photo: Time Magazine
bombardement. J’ai mis mon sort entre
leurs mains. Je me sentais relativement
en sécurité et me disais que les membres de l’Alliance du Nord et des forces spéciales ne voulaient pas mourir.
La première journée, cela a bien fonctionné, mais le lendemain, ils passèrent dans la tour nord-est.
Mon traducteur voulait que nous partions, mais je sentais que ce n’était pas possible. Il a demandé à un
commandant afghan de nous ordonner de partir. Avec trois collègues, nous sommes sortis sous la contrainte.
Une demi-heure plus tard, une bombe de 2 000 livres guidée par laser frappa l’endroit où nous nous trouvions
auparavant, tuant plus de dix personnes. »
Alex resta une semaine, rédigeant pour Time un article criant de vérité sur la mutinerie. Il est toutefois bien
conscient qu’il a failli perdre la vie. « Pendant trois jours, les combats se sont sans cesse rapprochés, et les
talibans avaient pris possession de mortiers. Une nuit, je suis sorti du fort trop tard, à 100 mètres de soldats de
l’Alliance du Nord qui nous ont pris pour des talibans qui tentaient de s’échapper et nous ont tiré dessus. Nous
avons couru jusqu’à ce qu’ils abandonnent la poursuite. »
Le journaliste d’ITN Andrea Catherwood fut blessé au même endroit quand un prisonnier taliban lança une
grenade qu’il avait dissimulée.
Depuis lors, Alex a suivi un cours sur la sécurité, et en est très content. « Ce cours a été fantastique. J’ai
maintenant la confiance nécessaire pour prendre de meilleures décisions. 

32
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Des photographes passent devant des voitures et des maisons détruites à Orahovac
DANS LA ZONE DE COMBATS
(Kosovo) après le retrait des rebelles albanais en juillet 1998. Photo: AP / Srdjan
 Ne soyez pas trop confiant.
Ilic  Respectez vos propres limites.
 Assumez la responsabilité de vos
Souvenez-vous que vous pourriez devoir courir pour sauver votre peau. décisions propres.
 Soyez conscient du potentiel d’erreur quand vous observez des tirs d’artillerie  Plus près n’est pas toujours mieux.
ou des bombardements sur des positions proches. Vous risquez d’être touché  Ne portez jamais d’arme.
par les « tirs amis ».  Restez propre et gardez le moral.
 Si d’autres journalistes commencent à quitter l’endroit, c’est qu’ils sont au  Ne vous approchez pas trop des
courant de quelque chose que vous ne savez pas. Faites attention aux civils. bombardements, même s’il s’agit
Si des rues animées se vident soudainement, envisagez une retraite rapide. de « tirs amis ».
 Prêtez de l’attention à ce les autres
Après la bataille font.
 Si vous vous rendez sur les lieux d’une bataille, sachez qu’il peut y avoir des  N’emportez pas de souvenirs de la
mines ou des obus qui n’ont pas explosé et que des bâtiments peuvent être bataille, ils peuvent exploser.
dangereux.  Ce qui monte doit nécessairement
 Ce qui monte doit nécessairement redescendre. Les miliciens célèbrent redescendre. Faites attention aux
souvent la fin d’une bataille en tirant en l’air. Ces balles redescendent à tirs de joie
une vitesse d’environ 190 km/h. De nombreuses victimes ont été tuées ou  Même des détails comme la portée
des fusils sont des informations
blessées après ces célébrations.
utiles et des connaissances de
base essentielles. »

33
CHAPTER 2
Les zones de guerre et de conflit

INFORMATIONS SUR LES Les champs de mines


MINES Les Nations unies ont estimé qu’en 1995, au début de la campagne visant à
Vous trouverez des informations les interdire, il y avait quelque 120 millions de mines antipersonnel dans le
sur les mines sur le site web du monde. Depuis lors, le traité d’Ottawa de 1997 a débouché sur la Convention
Comité international de la Croix- sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des
Rouge (http://www.icrc.org).website mines antipersonnel et sur leur destruction, entrée en vigueur le 1er mars 1999
— http://www.icrc.org et, au 1er janvier 2003, signée par 133 pays et ratifiée par 131. L’Afghanistan et
l’Angola, deux des pays les plus minés au monde, ont ratifié la convention mais,
au moment de la rédaction de ce guide, ni l’Irak ni les États-Unis ne l’avaient
fait.
Les mines antichar (qui ne sont pas couvertes par la convention) détruiront
votre véhicule et tueront ses occupants si vous roulez dessus. Une mine anti-
personnel est un engin explosif conçu pour mutiler ou tuer celui qui marche
dessus. Elles continuent à faire des victimes, soldats comme civils, adultes comme
enfants, des dizaines d’années après la fin des combats.
Une mine papillon, très attirante pour Dans les cinq années qui suivirent la signature des Accords de Dayton, plus
les enfants mais mortelle. de
1 250 Bosniaques - essentiellement des civils - furent tués ou blessés par
des mines antipersonnel. En Afghanistan, entre avril 1998 et décembre 2000,
le Comité international de la Croix-Rouge dénombra 2 686 victimes de mines
antipersonnel et d’obus non explosés, c’est-à-dire trois par jour. La moitié des
victimes étaient des enfants de moins de 18 ans.
Les mines antipersonnel peuvent prendre une forme aussi simple que celle
d’une boîte d’explosifs mis à feu par un fil qui fait contact. Les mines à fragmen-
tation contiennent des roulements à billes ou de la mitraille conçus pour tuer et
Une mine de type Claymore, remplie de mutiler dans un grand rayon. Quand elle est activée, une mine à fragmentation
billes et posée contre un arbre. Si elle à ressort saute à une hauteur d’un mètre et envoie des éclats mortels jusqu’à 200
est actionnée, elle enverra les projectiles mètres de distance. Les mines peuvent être petites et légères et larguées depuis
à très grande vitesse en direction de des hélicoptères. Les mines papillons sont célèbres pour l’attirance qu’elles sus-
l’observateur. citent chez les enfants.
Jetez un coup d’œil aux types de mines utilisés dans la zone où vous vous
rendrez et à leur aspect quand elles sont cachées. Un journaliste introduit par
un collègue dans une zone de guerre a été frappé par le nombre d’enjoliveurs
présents sur le bord de la route. Ne pénétrez pas dans des zones dont on sait
qu’elles ont été minées.

Visé en tant que journaliste


La présence de journalistes, et en particulier d’une caméra, influence les événe-
ments et les combattants. Soyez à l’affût des signes d’hostilité. Si vous avez été
témoin de meurtres ou de violences de la part de forces armées ou relevé les
preuves d’atrocités, restez calme et naturel, cachez votre pellicule et gardez vos

34
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

caméras couvertes. Les soldats sont de plus en plus conscients des risques d’être
poursuivis pour crimes de guerre et, s’ils se sentent compromis, voudront détru-
ire les preuves et, dans les cas extrêmes, éliminer les témoins, surtout ceux pos-
sédant une caméra ou un magnétophone. Donnez l’impression que vous n’avez
rien vu et éloignez-vous le plus vite possible.

Le conflit israélo-palestinien: quand les médias sont


dans la ligne de mire
Les journalistes courent des risques supplémentaires dans les conflits de longue
haleine et profondément ancrés, dans lesquels les images diffusées dans le monde
sont considérées comme faisant partie de la lutte pour le pouvoir. Cette quête du
contrôle des images n’a été nulle part aussi évidente et, partant, aussi dangereuse
pour les journalistes que dans le conflit israélo-palestinien. On estime que 2 645
personnes ont été tuées au cours des 25 premiers mois de l’insurrection pales- Un caméraman de télévision aide un
tinienne contre l’occupation par Israël de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza, confrère palestinien blessé par balle à
entre fin septembre 2000 et début novembre 2002. Sur ces victimes, 1 957 (74%) Ramallah, en octobre 2000. Photo: AP
étaient palestiniennes et 639 (24%) israéliennes. /Nasser Nasser
Ce n’est pas une guerre au sens conventionnel. Les violences ont lieu essentiel-
Les sources du rapport de l’IIP
lement en zone palestinienne, lors d’affrontements entre des jeunes qui lancent Le rapport de l’IIP, intitulé Press
des pierres et l’armée israélienne lourdement équipée. En Israël, les victimes Freedom Violations in Israel and
ont été causées par des kamikazes, et les journalistes ne sont présents qu’après Occupied Palestinian Areas September
l’événement. Les affrontements en zone palestinienne commencent souvent 28 2000 - April 20 2002, se base sur
comme des émeutes. Cependant, les journalistes sont si souvent visés et les dan- des informations collectées par le
gers courus par les photographes, caméramans et correspondants si élevés que Comité de protection des journalistes
(CPJ), Reporters Sans Frontières
ceux-ci travaillent effectivement dans une zone de guerre. De nombreuses bles-
(RSF), la Fédération internationale des
sures sont dues aux tirs des forces de défense israéliennes (FDI)), mais des jour- journalistes (FIJ), Associated Press
nalistes ont également été menacés par l’Autorité nationale palestinienne (ANP), (AP), Reuters, le Centre palestinien des
qui essaie de supprimer les images « défavorables » à la cause palestinienne. droits de l’homme (PCHR), la Société
Les autorités israéliennes ont tenté de contrôler les journalistes, et en par- palestinienne pour la protection des
ticulier les journalistes palestiniens travaillant pour des médias internationaux, droits de l’homme et de l’environnement
en retirant les cartes de presse et les laissez-passer. Elles sont également inter- (LAW), la télévision d’Abu Dhabi, la
télévision Al Wattan, Miftah (initiative
venues physiquement contre les médias palestiniens en faisant sauter des émet-
palestinienne pour la promotion du
teurs et des bâtiments. Bien que les FDI répètent qui veut l’entendre qu’elles ne
dialogue et de la démocratie dans le
visent pas les journalistes, les nombreux tirs, passages à tabac et manœuvres de monde), Addameer (association de
harcèlement ressemblent à une politique, délibérée ou par défaut. Les militaires soutien aux prisonniers et de défense
qui considèrent les journalistes comme étant « du côté » des lanceurs de pierres des droits de l’homme), B’tselem (centre
palestiniens savent qu’ils ne risquent pas grand chose s’ils tirent sur les photog- israélien d’information sur les droits de
raphes, caméramans ou correspondants. l’homme dans les territoires occupés)
et d’autres organisations de médias.
L’Institut international de la presse, qui représente les éditeurs, dirigeants des
Le rapport complet est disponible sur le
médias et journalistes de haut rang, a publié un rapport détaillé sur les attaques
site web de l’IIP à l’adresse http://www.
menées contre les journalistes couvrant le conflit israélo-palestinien sur les 20 freemedia.at/index1.html.

35
CHAPTER 2
Les zones de guerre et de conflit

mois séparant septembre 2000 d’avril 2002. Ce rapport conclut que 81% des
violations de la liberté de la presse avaient été perpétrées par des Israéliens,
généralement par les FDI. La majorité des journalistes qui en ont été victimes
étaient des Palestiniens. Les autorités palestiniennes se sont elles aussi rendues
coupables de telles violations.
L’IIP a conclu que, depuis le début de la crise en Israël et dans les territoires
occupés le 28 septembre 2000, les journalistes ont été à plusieurs reprises visés,
frappés, arrêtés, menacés et intimidés par les soldats, la police, les politiciens, les
colons et les civils israéliens, ainsi que par la police, les politiciens et les civils
palestiniens. Sur un total de 220 incidents, il y a eu six morts. Des journalistes
et travailleurs des médias ont été blessés par des tirs, des éclats ou des balles en
caoutchouc, et harcelés et physiquement agressés d’autres manières.
Au moins 165 violations de la liberté de la presse ont été perpétrées par les
autorités israéliennes. Douze violations ont été commises par des colons israéliens
et une conjointement par des soldats et des colons. Quinze violations ont été le
fait des autorités palestiniennes, quatre de paramilitaires palestiniens et cinq de
civils palestiniens Cinquante-deux travailleurs des médias palestiniens ont été
agressés, 17 frappés, 29 blessés par balle et 8 autres visés. Sur les six journalistes
tués, six étaient palestiniens et un italien. Quatre d’entre eux ont été abattus par
des Israéliens un par des paramilitaires palestiniens; les responsables du sixième
décès n’ont pas été identifiés.
Le 17 décembre 2001, les FDI ont publié un rapport sur les tirs des soldats
israéliens visant des journalistes. Un seul soldat a été jugé coupable d’avoir tiré
sur un journaliste. Son officier supérieur a fait l’objet d’un blâme. Le rapport ne
s’est intéressé qu’à sept cas, dont aucun ne concernait des journalistes pales-
tiniens.
Le 29 septembre 2000, jour où tombèrent les premières victimes de l’Intifada,
le journaliste indépendant Khaled al-Zeghary fut tabassé par des soldats
israéliens et atteint d’une balle en caoutchouc dans la jambe alors qu’il couvrait les
affrontements sur l’Esplanade des mosquées à Jérusalem. Zeghari raconte: « Je
filmais, couché sur le sol. Soudain, les soldats se sont approchés et ont commencé
à me frapper la tête et les épaules avec des matraques et des bâtons. » Zeghari ne
réalisa pas qu’il avait également été atteint par une balle en caoutchouc jusqu’à ce
que des médecins l’auscultent. Il déclara que c’était la vingtième fois qu’il se faisait
agresser par des soldats israéliens.
Le 21 octobre, Ibrahim Al Husary, travaillant pour la télévision Al Wattan;
Jamal Ismail Al-Arouri, photographe pour l’Agence France Presse (AFP); et
Jacques-Marie Bourget, reporter à Paris Match, furent touchés par un sniper
israélien alors qu’ils couvraient des affrontements à Al Bireh, dans les faubourgs
de Ramallah. Al Husary déclara qu’ils étaient facilement identifiables en tant que
représentants de la presse grâce à leurs caméras. Bourget fut rapatrié en France

36
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

pour y être opéré. Son éditeur adjoint était formel: « Un homme de 57 ans peut
difficilement être pris pour un lanceur de pierres de 15 ans. »
Le 11 novembre, Yola Monakhov, une photographe américaine travail-
lant pour AP, fut atteinte par des tirs directs de soldats israéliens à Bethléem
(Cisjordanie), qui lui causèrent de graves blessures à la vessie, aux organes
internes et au bassin. Monakhov était avec un petit groupe de jeunes Palestiniens
qui cassaient des pierres pour les lancer avec leur fronde. Quand un soldat israél-
ien apparut et les visa, Monakhov s’enfuit avec les jeunes, qui s’abritèrent dans
un petit recoin. Son sac à dos l’empêcha de se mettre complètement à l’abri. Au
début, l’armée nia avoir tiré sur une journaliste mais elle présenta par après ses
excuses à Monakhov. Le rapport officiel établit que le soldat avait violé les règles
d’engagement des FDI mais n’avait pas visé intentionnellement la journaliste.
Le 12 novembre 2000, des soldats israéliens arrêtèrent le caméraman de
Reuters Mazen Dana près de la colonie juive de Kiryat Arba, et l’empêchèrent
de pénétrer dans Hébron. Dana voyageait avec Mary Robinson, la Haute com-
missaire des Nations unies aux droits de l’homme. À la suite des protestations
de Mme Robinson, Dana fut autorisé à poursuivre sa route. Des colons juifs
attaquèrent la voiture de Dana à l’aide de pierres et de barres de métal. Le jour-
naliste fut emmené au poste de police local et interrogé.
Les autorités palestiniennes se sont elles aussi rendues coupables de harcèle-
ment et de menaces à l’encontre de journalistes. Le 12 octobre 2000 à Ramallah
(Cisjordanie), une équipe de la télévision italienne RAI filma l’assassinat de deux
Israéliens par des civils palestiniens qui avaient pris d’assaut un commissariat de
police. L’Autorité nationale palestinienne (ANP) tenta de confisquer la bande,
frappant le caméraman et agressant les membres de l’équipe. La RAI retira son
personnel du Moyen-Orient après avoir reçu des menaces.
Le 15 novembre, les forces de sécurité palestiniennes débarquèrent dans les
locaux de la chaîne de télévision Al-Roa, basée à Bethléem, tabassèrent le direct-
eur Hamdi Farraj et menacèrent de tuer les membres du personnel. Les militaires
fermèrent les portes de la station et confisquèrent les clés. La chaîne fut frappée
d’une interdiction d’émettre mais put reprendre ses émissions plus tard. En jan-
vier 2001, l’ANP arrêta Majdi al-Arbid, un caméraman possédant une société de
production dans la Bande de Gaza, en relation avec la diffusion d’images d’une
exécution menée par l’ANP sur Channel 2, une télévision israélienne.
Le 17 janvier 2001, des tueurs masqués abattirent dans la Bande de Gaza
Hisham Mekki, le directeur de la radiotélévision publique palestinienne et mem-
bre du Fatah. Les Brigades palestiniennes Al Aqsa revendiquèrent l’assassinat.
Tout au long de 2001 et de 2002, la majorité des attaques contre des médias
continuèrent à être l’œuvre des FDI. Le 28 janvier 2001, le caméraman Ashraf
Kutkut et les journalistes Mas’adah Uthman et Duha Al Shami, travaillant pour
Al Wattan, furent attaqués par les troupes israéliennes à Ein Kenia, un village

37
CHAPTER 2
Les zones de guerre et de conflit

situé près de Ramallah, et ce, bien qu’ils étaient tous en possession de cartes de
Un indépendant
presse valables. Al Shami fut frappé et les caméras et cassettes rendues unique-
ne peut pas se ment après avoir été contrôlées par les autorités israéliennes.
payer un gilet Khalid Jahshan, un photographe de la télévision palestinienne; Husam Abu-
Allan, un photographe de l’AFP, et Lu’ay Abu-Haykal, un photogrape de Reuters
pare-balles ou furent passés à tabac par des soldats israéliens alors qu’ils couvraient les affron-
une assurance tements entre des jeunes Palestiniens et les FDI à Hébron le 11 février. Quand
Roddy Scott, un journaliste les journalistes essayèrent de se défendre, un soldat israélien asséna un coup de
indépendant travaillant pour crosse à l’un d’entre eux, tandis qu’un autre pointa son canon sur la tête d’un
Frontline Television News, fut tué journaliste. Leurs cartes d’identité furent temporairement confisquées.
alors qu’il tournait un film sur la Al-Jazira, la chaîne de télévision qatariote, est fort regardée par les Palestiniens
guerre pour l’indépendance de la en Cisjordanie, à Gaza et en Israël. Ses envoyés ont été harcelés tant par les
Tchétchénie. autorités israéliennes que par les autorités palestiniennes. En décembre 2001, son
Il était en train de filmer des correspondant Saif Shahin fut passé à tabac par les forces de sécurité palestini-
combats entre les forces ennes à la sortie de son bureau à Gaza. En mars 2002, les bureaux d’Al-Jazira à
tchétchènes et russes en Ramallah furent la cible des tirs de mitrailleuse d’un char israélien peu après que
Ingouchie en septembre 2000 des correspondants eurent terminé l’interview d’un ministre palestinien.
quand il mourut. Le 20 avril, des troupes israéliennes touchèrent Laila Odeh, responsable du
Scott, 31 ans, travaillant en tant bureau local de la télévision d’Abu Dhabi, à la jambe, pendant que son équipe
que freelance sur un projet à tournait dans le camp de réfugiés de Rafah à Gaza. Odeh s’identifia en tant que
long terme sur la campagne en journaliste auprès des soldats israéliens tout proches et quitta immédiatement
Tchétchénie. la zone quand elle en reçut l’ordre. Elle fut blessée alors qu’elle s’en allait. Après
Dans un article pour Guardian avoir essuyé des critiques, l’armée israélienne déclara que « la présence de jour-
Media, Vaughan Smith, le nalistes parmi les émeutiers et à des points de friction constitue un danger pour
directeur de Frontline, écrivit que leur bien-être ».
les indépendants comme Roddy Le journaliste de la télévision française TF1 Bertrand Aguirre fut touché
passaient des mois à tourner alors qu’il couvrait des affrontements près de Ramallah (Cisjordanie) le 15 mai,
des films à leurs propres frais. « en compagnie d’un groupe de caméramans. Des images tournées par la télévi-
Roddy a dû attendre un paiement sion AP montrèrent un garde-frontière israélien, la cigarette pendante, sauter
de 500 livres avant de pouvoir d’une jeep vert foncé, pointer calmement son M-16 en direction des équipes de
faire ce voyage, et ne possédait télévision et tirer un seul coup. « Si je n’avais pas porté cette veste, je serais mort
ni assurance ni gilet pare-balles. », déclara Aguirre par la suite. La police israélienne décida de ne pas entamer de
Roddy a évalué lui-même mes poursuites, « par manque de preuves ».
risques et décidé que cela valait En juillet 2001, les autorités militaires israéliennes ordonnèrent aux offi-
la peine de les courir. Il pensait ciers supérieurs de protéger les journalistes couvrant les combats de rue en
que les médias internationaux Cisjordanie et dans la Bande de Gaza. Quelques jours plus tard, des soldats
manquaient à leurs obligations israéliens attaquèrent sept journalistes observant des affrontements après qu’un
en ne prenant pas les risques groupe religieux juif eut voulu gravir le Mont du Temple, appelé « Esplanade
nécessaires pour couvrir les des mosquées » par les musulmans. Le photographe de Reuters Ammar Awad
événements de Tchétchénie. »  déclara qu’un soldat lui avait donné un coup de pied dans les dents et avait con-
tinué à l’attaquer après qu’il se fut enfui.

38
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Mohammad Al Bishawi, 27 ans, photographe pour Al Hayat Al Jadida, et


Othman Ibrahim Qatanani, 24 ans, journaliste au quotidien Al Quds, furent
tués en même temps que six autres personnes alors qu’ils interviewaient des
dirigeants politiques du Hamas dans le centre de Naplouse le 13 juillet. Un hél-
icoptère israélien tira deux missiles dans les fenêtres de l’appartement.
Le 13 août, des soldats israéliens attaquèrent Abdel-Nasser Abdoun, un
caméraman, et Tarek Abdel-Gaber, un journaliste, travaillant tous deux pour
l’agence de presse égyptienne MENA, relatant une manifestation palestinienne
au poste de contrôle de Qalandia. L’armée israélienne déclara que les journalistes
avaient « provoqué » les soldats. Après une protestation officielle, un militaire
israélien fut arrêté.
Mohamad Al Razem, photographe pour la télévision Al-Amal à Hébron, fut
arrêté le 29 août. Des soldats israéliens immobilisèrent sa voiture qui portait
l’indication « Presse », brisèrent son appareil et confisquèrent ses pellicules.
Même si le contrôle de sécurité s’était avéré négatif, des soldats le suivirent jusque
chez lui et firent sortir tous les occupants mâles de sept appartements. Ils fouil-
lèrent le flat d’Al Razem et enfermèrent sa famille dans une pièce. Al Razem fut
interrogé jusqu’au lendemain 14 heures. Il a été arrêté à plusieurs reprises depuis
lors, mais aucune charge n’a jamais été retenue contre lui.
Après les attentats de New York et de Washington le 11 septembre 2001, les
autorités palestiniennes essayèrent d’empêcher les médias de filmer les scènes de
joie parmi la population. Le secrétaire du cabinet de l’Autorité nationale palestini-
enne Ahmed Abdel Rahman déclara que l’ANP ne pouvait pas « garantir la sécu-
rité » d’un caméraman d’AP si sa séquence était diffusée. La police palestinienne
emprisonna également cinq journalistes couvrant une manifestation organisée
dans le camp de réfugiés de Nusseirat en hommage à un kamikaze. La police
ordonna aux médias de ne pas diffuser les appels à la grève générale, les activités
nationalistes, les manifestations ni les informations relatives à la sécurité sans
l’autorisation explicite des services de sécurité. Elle intima ainsi pour la dixième
fois l’ordre à la télévision Al-Roa de cesser ses émissions.
Israël a visé à plusieurs reprises le siège de la radiotélévision « La Voix de la
Palestine ». En décembre 2001, des missiles frappèrent le principal émetteur à
Ramallah et des bulldozers rasèrent le bâtiment. En 2002, le Secrétaire général
des Nations unies Kofi Annan condamna une deuxième attaque similaire.
En décembre 2001, la FIJ et la LAW condamnèrent la décision d’Israël de
remplacer les cartes de presse des Palestiniens travaillant pour des chaînes
étrangères par des cartes oranges les désignant comme des accompagnateurs de
journalistes étrangers. Par conséquent, 450 travailleurs des médias palestiniens
furent empêchés de couvrir les événements en Cisjordanie et dans la Bande de
Gaza, parce que la carte de presse est la seule carte que les forces de sécurité
reconnaissent.

39
CHAPTER 2
Les zones de guerre et de conflit

« Une étoile de David bleue volait


au-dessus d’un mur de terre de
trois mètres de hauteur. En face
Sauvé par un blindage de
du mur, quelque 100 enfants
palestiniens lançaient des
protection après avoir été
pierres et des cocktails Molotov
vers les forces israéliennes.
visé dans le dos par un tireur
Derrière le mur stationnaient
des chars israéliens et des
embusqué
voitures. Nous n’étions là que Le producteur de CNN Bruce Conover et son
depuis cinq minutes quand de collègue Ben Wedeman se trouvaient au carrefour
longues rafales de mitrailleuse
de Karni (Bande de Gaza) en octobre 2000, quand
venant d’un char nous obligea
à nous mettre à l’abri.
une émeute éclata dans une zone dangereuse. Bruce
Les enfants palestiniens jouaient Conover fut secoué quand son collègue fut touché.
à une variante mortelle de D’après IPI Global Journalist, premier trimestre
Cowboys et Indiens, se défiant 2001
mutuellement d’approcher le
plus possible des soldats israéliens pour leur lancer des pierres et des cocktails Molotov. Nous avons filmé un des
enfants courant vers le périmètre de sécurité israélien avec un drapeau palestinien, qu’il accrocha aux barbelés,
quand plusieurs soldats pointèrent leur arme vers lui.
Quand les jets de pierre se firent trop durs, les soldats israéliens répondirent en tirant des balles en caoutchouc
et, moins souvent, à balles réelles.
Le carrefour de Karni avait la réputation d’être un endroit particulièrement dangereux, où les tirs étaient fréquents
et où plusieurs Palestiniens étaient blessés et tués chaque jour. L’armée israélienne était en alerte constante en
raison des incidents antérieurs ayant impliqué des attentats à la bombe et des snipers.
J’étais à Gaza depuis deux semaines, et Ben Wedeman, le chef du bureau de CNN au Caire, qui parle
couramment arabe, venait de renforcer notre équipe. Les deux journées précédentes avaient été relativement
calmes, et nous étions partis en reconnaissance pour familiariser Ben avec la région.
Nous portions nos blindages de protection et les enfants palestiniens, totalement découverts, qui s’abritaient
avec nous derrière les fourrés et les murs nous taquinaient gentiment. L’équipement est chaud et encombrant,
mais même une balle en caoutchouc peut être mortelle si elle vous atteint à un endroit vulnérable. Soudain, les
deux côtés commencèrent à utiliser de plus en plus de vraies balles. Les enfants palestiniens cessèrent de se
moquer et s’abritèrent derrière les journalistes portant des gilets pare-balles. Il était évident que nous étions en
plein milieu de ce qui était devenu une véritable zone de guerre, avec une débauche de tirs de mitrailleuses et de
lance-grenades. De notre position privilégiée, nous pouvions voir une grande route qui grimpait sur une colline
vers les lignes israéliennes. Nous voyions les enfants palestiniens se replier derrière la colline, loin du poste
avancé. À cet endroit, les tirs étaient presque continus, et je vis un des enfants s’effondrer en pleine course, tenir
sa jambe et appeler à l’aide.
Profitant d’une accalmie, je sortis la tête pour voir d’où venaient les tirs. À ma grande horreur, je vis des explosions

40
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

de petits nuages de fumée, un soldat israéliens utilisant un lance-


grenades pour arroser une petite oliveraie située à 15 mètres de
l’endroit où mon caméraman Dave Albritton et moi nous trouvions,
en direction de l’endroit où Ben et le caméraman Mohammed Ali se
cachaient derrière des branches. Mohammed, qui avait servi dans
l’armée jordanienne dans sa jeunesse, comprit immédiatement
qu’ils avaient été vus et qu’ils étaient visés. Il se releva et se mit
à courir, criant à Ben de le suivre. Ben décida de rester et prit la
saisit la caméra que Mohammed avait laissée derrière lui, voulant
filmer l’action.
Le pire cauchemar qu’un journaliste opérant dans une zone de
guerre puisse faire devint réalité quand j’entendis un seul coup de
feu, bien distinct, puis des appels à l’aide provenant de l’oliveraie.
Ben avait été touché au dos alors qu’il empoignait son sac et
tentait de fuir. Il retomba et appela à l’aide. Dave courut vers lui et,
Des Palestiniens transportent Hussam
une fois que les échanges de tirs semblaient avoir cessé, l’aida à
Abu Alan, un photographe palestin-
atteindre une ambulance palestinienne. Je restai choqué pendant
ien travaillant pour l’Agence France
15 minutes avant de me frayer un chemin parmi les oliviers. Je
Presse atteint à la tête par une balle en
retrouvai Mohammed et nous partîmes pour l’hôpital. De manière
caoutchouc tirée par un soldat israélien
assez étonnante, si la balle avait atteint Ben en plein milieu du dos,
alors qu’il couvrait les affrontements à
elle avait glissé vers l’extérieur. Les experts en balistique pensent
Hébron le 8 octobre 1998.
que le gilet pare-balles que portait Ben a changé la direction de la
Photo: AP/ Nasser Shiuoukhi
balle, atténuant en plaie moyennement grave ce qui aurait sinon été
une blessure mortelle
L’armée déclara n’avoir fait que répondre aux tirs palestiniens. Les
militaires nièrent l’utilisation de lance-grenades. Mais je les avais
vus, et la cassette vidéo en apporta la preuve. Les grenades contribuèrent à la décision de Ben de courir et donc
au fait qu’il ait été directement touché par ce que CNN conclut être plus que probablement un sniper israélien.
Nous avons tiré de nombreuses leçons. Quand des gens portent et utilisent des fusils, il n’y a aucune excuse pour
ne pas porter de blindage de protection. Les gilets pare-balles ne peuvent que sauver des vies et ne doivent rester
sur le siège arrière de la voiture. Les avis divergent quant à l’utilisation de véhicules blindés. Certains journalistes
de CNN pensent que cette sécurité artificielle peut inciter des collègues à se rendre dans des endroits où ils
ne devraient pas aller. Des miliciens harassés peuvent très bien avoir envie de faire un carton sur une voiture
blindée, juste pour voir comment elle résiste. D’autres estiment que les véhicules blindés constituent une garantie.
Certains véhicules ne protègent que contre les armes automatiques, tandis que d’autres protègent également
contre les tirs de mitrailleuses. Les véhicules blindés accessibles aux civils sont inopérants contre les mines. Je
suis personnellement convaincu que dans un pays comme Israël, où l’armée est bien entraînée et peu susceptible
d’ouvrir le feu sur des journalistes, un véhicule blindé peut constituer une échappatoire protégée. » 

41
CHAPTER 2
Les zones de guerre et de conflit

En février 2002, Sagui Bashan, un journaliste de la station israélienne Channel


2, désobéit à une décision des militaires israéliens déclarant le carrefour de Karni
« zone militaire interdite ». Comme les soldats étaient dans l’incapacité de lui
présenter un ordre écrit, il leur répondit qu’il poursuivrait son chemin dans son
véhicule marqué « Presse ». Il avait à peine fait quelques mètres que les militaires
ouvrirent le feu, le blessant à l’épaule et à la jambe.
Raffaele Ciriello, un photographe indépendant italien, fut tué par des tirs
israéliens le 13 mars à Ramallah. Ciriello, en mission pour le quotidien italien
Corriere della Sera, fut apparemment pris pour un tireur. Au moment où un char
surgit au bout de la rue, Ciriello sortit d’un bâtiment et pointa son appareil vers
le char. Il fut atteint de six balles et mourut peu de temps après.
Dana Lewis, journaliste pour NBC, et les membres de son équipe furent pris
sous le feu israélien à Ramallah alors qu’ils circulaient dans une voiture claire-
ment identifiée comme étant de la presse. Une première salve atteignit la voiture.
Un soldat envoya une deuxième rafale d’une distance évaluée entre 15 et 30
mètres. Les journalistes s’arrêtèrent, allumèrent le plafonnier pour se montrer et
placèrent les mains sur le pare-brise. Le soldat tira une troisième salve, explosant
le pare-brise. L’équipe prit la fuite en marche arrière.
Le 4 avril, les forces israéliennes tirèrent des grenades lacrymogènes en
direction de 30 journalistes couvrant l’impasse entre les soldats israéliens et
les Palestiniens occupant l’église de la Nativité à Bethléem. Le lendemain, ils
utilisèrent des grenades paralysantes pour repousser des journalistes étrangers
se rendant à la réunion entre l’émissaire américain Anthony Zinni et Yasser
Arafat en Cisjordanie (photo en page 21). Au moment où le convoi fit demi-tour,
plusieurs journalistes prirent la fuite à pied. Les gardes-frontière israéliens les
poursuivirent et confisquèrent leurs cartes d’identité. Des impacts de balles
furent relevés dans la voiture de CNN.
Les blessures et les morts ne s’arrêtèrent pas à la fin de la période faisant l’objet
du rapport de l’IIP. En juillet 2002, le photographe indépendant palestinien
Imad Abu Zahra prenait des clichés d’un véhicule blindé israélien de transport
de troupes qui avait heurté un poteau électrique à Ramallah quand deux chars
ouvrirent le feu depuis une distance de 40 mètres. Ils continuèrent à tirer après
que Zahra, atteint à la cuisse, et un autre collège blessé se furent réfugiés dans
un bâtiment tout proche. Zahra mourut le lendemain à l’hôpital. L’armée déclara
avoir répondu à un assaut, mais des témoins et des photos ont prouvé qu’il n’y
avait pas eu de heurts jusqu’à ce que les chars ouvrent le feu.
Une mission internationale menée en juin 2002 par la FIJ conclut que les
conditions de travail des journalistes dans la région s’étaient détériorées au point
que la sécurité et la survie de nombreux journalistes palestiniens étaient mises
en danger. La délégation estima que la FIJ, le Syndicat des journalistes pales-
tiniens et d’autres organisations devaient en faire plus pour assurer le respect et

42
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

l’indépendance professionnels des journalistes. Le rapport de la FIJ atteste que


« les journalistes palestiniens croient fermement que la responsabilité première
de leurs ennuis incombe aux autorités et aux militaires israéliens. Cependant,
certains collègues palestiniens remettent également en question les actions et
décisions des autorités palestiniennes concernant les médias, qui ajoutent à leurs
difficultés. »
Le retrait de la carte du service de presse du gouvernement israélien de tous
les journalistes palestiniens a des implications majeures pour la couverture
internationale dans la région. Le rapport de la FIJ ajoute: « Jusqu’ici, les corre-
spondants internationaux ont pu recourir aux services d’assistants palestiniens,
caméramans ou photographes indépendants, qui vivent généralement dans des
zones palestiniennes autour de Jérusalem. Ces collègues possèdent souvent une
connaissance et une expertise précieuses, essentielles à la sécurité et à l’efficacité
du travail des médias dans les territoires occupés. Ils ne peuvent désormais plus
le faire. »
À Ramallah « il y a eu une discussion extensive sur les terribles conditions
auxquelles les journalistes sont soumis: salaires dérisoires, conditions de travail
désolantes, danger permanent d’être pris pour cible ou blessé pendant la couver-
ture du conflit, manque de moyens matériels. (...) Les photographes et caméra-
mans soulignent le danger de filmer de loin, parce qu’une personne tenant un
appareil ou une caméra sur son épaule peut facilement être prise pour un sniper.»
À Gaza, les journalistes déclarèrent se sentir très isolés.
Daniel Seaman, directeur du service de presse du gouvernement israélien,
expliqua à la mission que, même s’il connaissait « peut-être une trentaine de
vrais professionnels », les médias palestiniens se rendaient coupables d’incitation
au meurtre d’Israéliens et que les véhicules de presse étaient utilisés pour passer
des armes. La délégation de la FIJ ne put obtenir de preuves indépendantes de
ce fait.
La FIJ envisage d’ouvrir un centre pour la sécurité des médias dans la région
et de renforcer la formation et la fourniture d’équipements de sécurité. Elle ne
voit toutefois pas de grandes perspectives d’une couverture sûre et globale aussi
longtemps que les journalistes palestiniens seront victimes de discrimination.
Elle conclut par ces termes: « Les conditions de travail de nombreux journalistes
opérant en Cisjordanie et à Gaza sont déjà intolérables en raison des grandes
entraves à la liberté de mouvement dues à l’occupation israélienne. Les con-
séquences pour la couverture journalistique du conflit israélo-palestinien sont
également désastreuses. Inévitablement, quand des journalistes sont obligés de
se fier aux télécommunications ou à d’autres formes de relation des événements
par des témoins oculaires, la qualité de la couverture s’en ressent et la fiabilité du
propos est sévèrement compromise.

43
Chapitre 3
Les émeutes et troubles civils

QUELQUES TRUCS DE

Chapitre 3
SURVIE
 Portez votre carte de presse...
mais ne la montrez que si cela
n’implique pas de risques.
 Réglez votre téléphone portable
pour pouvoir appeler rapidement
Les émeutes et troubles
un numéro d’urgence.
 Ne vous mettez pas dans le vent
si des gaz lacrymogènes sont
civils
utilisés.
 Emportez une serviette humide,
de l’eau et quelques agrumes.

L
 Portez des lunettes de sécurité.
 Portez des vêtements de
es émeutes, les troubles civils violents et même les manifestations dans
protection si l’usage d’armes à feu le centre de votre ville peuvent être aussi dangereux qu’une zone de
n’est pas exclu. combats. Certains événements sont imprévisibles, les risques ne sau-
 Emportez des kits de secours... et tent pas aux yeux et la situation peut dégénérer à une vitesse effrayante. Même
apprenez comment les utiliser.
 Portez des vêtements amples en
une foule tranquille peut devenir dangereuse quand les individus qui la com-
fibres naturelles. posent prennent peur ou sont frustrés. Les manifestations pacifiques peuvent
 Couvrez vos bras, vos jambes et rapidement se transformer en émeutes. En présence d’un conflit ethnique ou
votre cou. d’une communauté divisée, les journalistes doivent être au courant des zones
 Emportez de la nourriture et de
l’eau pour un jour.
sûres et peu sûres et connaître les comportements adaptés et à éviter. Les cam-
pagnes de terreur impliquent souvent des cibles civiles, et visent dans certains
pays les médias et les journalistes. Les caméramans, reporters et photographes
couvrant des attentats terroristes doivent être conscients des risques immédi-
ats de représailles ou d’attaques secondaires sur les lieux du premier attentat.
Le but du journaliste est le même dans ces situations que dans les zones de
guerre: assurer une bonne couverture des faits en prenant des risques minimes.
Les mêmes principes de planification et de maintien du contrôle s’appliquent.
Ce sont les équipes plongées dans des situations où elles ne sont pas au courant
Paul Banoti, de l’agence de presse des endroits à fréquenter ou non, des dangers préalables et de la mesure dans
Public Media Center (San Francisco), laquelle elles peuvent devenir une cible qui courent les plus grands risques.
explique à des collègues journalistes à Les journalistes peuvent également courir des risques supplémentaires si leur
Lima (Pérou) comment il a été blessé. organisation est aux yeux des personnes impliquées dans les troubles civils,
Banoti couvrait une manifestation con- assimilée à l’une ou l’autre partie du conflit. Il est parfois judicieux de remplacer
tre le gouvernement en juillet 2000 les autocollants ou logos qui les identifient comme étant d’une société ou d’une
quand il fut atteint à l’œil par une autre.
grenade de gaz lacrymogène. Des mil- Les forces de sécurité et la police affirment souvent que la présence de
liers de manifestants affrontèrent la caméras crée ou aggrave les émeutes, et essaient donc d’empêcher de filmer
police lors d’émeutes qui firent au moins leurs activités. Les journalistes peuvent devenir la cible des émeutiers ou de la
six victimes. Banoti pense que la police police si ces derniers pensent que la couverture des événements peut les identi-
anti-émeutes l’a visé délibérément parce fier en tant que responsables de la violence. Les photographes et caméramans
qu’il n’y avait pas de manifestants près courent des risques accrus si les participants à une émeute croient que leurs
de lui lors du tir. Photo: Reuters / Pilar images seront transmises à la police.

44
Live News - Guide de Survie à l’usage des Journalistes

Un photographe de presse pris dans


un nuage de gaz lacrymogène assiste
Les membres d’une foule qui s’attendent à être filmés et craignent d’être à l’évacuation d’un manifestant blessé
identifiés se couvrent parfois le visage avec une cagoule ou un casque de moto. lors d’une émeute anti-Fujimori à
Les forces spéciales de police ou militaires préparées aux émeutes portent elles Lima (Pérou), le 25 mai 2000. Les
aussi des casques et des masques à gaz et ont parfois tendance à vouloir détruire manifestants et la police anti-émeutes
les preuves qui pourraient mener à leur identification. Il est avéré que dès qu’ils se sont affrontés pendant des heures
croient ne pas pouvoir être identifiés, certains individus sont plus instables et après une marche de protestation contre
plus susceptibles de recourir à la violence. l’élection du président.
La violence peut commencer à cause de la rancœur ressentie par la foule. Photo: AP / Martin Mejia

Ailleurs, elle éclatera quand la police décidera de disperser les manifestants par
la force. Aucun des deux côtés ne lancera beaucoup d’avertissements. Les forces
de sécurité peuvent passer très rapidement des matraques et boucliers aux gaz
lacrymogènes et balles en caoutchouc, voire aux balles réelles. Si vous être pris
dans une masse, il peut être difficile de retrouver rapidement vos collègues et
de vous mettre à l’abri.

45
Chapitre 3
Les émeutes et troubles civils

UN PHOTOGRAPHE
TUÉ DANS DES L’émeute a échappé à tout
AFFRONTEMENTS AU
VENEZUELA contrôle... On commençait à
Jorge Tortoza, 48 ans, fut touché
par des tirs et tué alors qu’il prenait
des photos des affrontements
avoir du mal à respirer
qui agitèrent Caracas lors de la
crise politique d’avril 2002. Bien
Ram Ramgopal était le producteur d’une équipe
que portant une veste de presse, de télévision couvrant les émeutes à Ahmedabad
Tortoza fut abattu par des tireurs
postés sur les toits des bâtiments « À 22 h 30, nous avons reçu un appel disant qu’une émeute venait
des alentours, qui faisaient sans d’éclater à Gomtipur. Quatre d’entre nous, le caméraman, le producteur, le
doute partie des forces de sécurité. correspondant et le preneur de son, sont montés dans la voiture, portant
leurs protections personnelles et des casques de style militaire. La police et
UN ÉTUDIANT EN la police d’État étaient déjà là, de même que la force d’action rapide.
JOURNALISTE TUÉ LORS Nous nous sommes installés au milieu d’une petite zone proche du
D’UNE MANIFESTATION commissariat de police et de la caserne des pompiers, émaillée de ruelles.
Jimmy Higenyi, un étudiant en Aussi longtemps que nous sommes restés ensemble, nous nous sentions
journalisme, fut tué lorsque la police relativement en sécurité. L’émeute se déroulait face à nous, et derrière
ougandaise ouvrit le feu sur une nous se trouvait la place principale de la ville. Les vrais problèmes ont
manifestation qu’il couvrait dans le commencé quand l’émeute a échappé à tout contrôle et que la police s’est
cadre de ses cours.
mise à utiliser des gaz lacrymogènes. Nous avons commencé à avoir du
Ses maîtres de stage de United
mal à respirer.
Media Consultants et ses
professeurs l’avaient envoyé relater Nous avions laissé les serviettes et l’eau dans la voiture, et j’ai dit que
une manifestation organisée par je ferais le kilomètre qui nous en séparait et les ramènerais. Il n’y avait
le Congrès du peuple ougandais à pas d’éclairage. Tous les 50 mètres, on trouvait un poste de police. Une
Kampala le 12 janvier 2002. patrouille en voiture s’est approchée mais a dû rebrousser chemin sous les
Le gouvernement avait interdit la jets de pierres. J’ai réalisé que j’avançais trop lentement et je me suis mis
manifestation et la police fit feu
à courir. J’ai réalisé que j’avançais trop lentement et je me suis mis à courir.
sur la foule qui s’était rassemblée.
J’ai été atteint par une pierre. J’étais blessé superficiellement.
Jimmy fut touché et tué sur le coup.
Source: Committee to Protect Journalists J’étais coupé et gonflé. J’ai dit au chauffeur d’avancer mais il hésitait. Des
(CPJ) manifestants jetaient des bouteilles d’acide. Nous nous sommes frayé un
chemin et avons rejoint les autres.
Par après, je me suis dit que nous devions tous toujours avoir notre kit de
IMPROVISEZ
 Un magazine ou un journal secours sur nous, que nous devions emporter de l’eau pour supporter les
peut être inséré sous un pull gaz lacrymogènes et ainsi ne pas devoir nous séparer. Mon journaliste avait
pour faire un gilet de fortune vraiment des haut-le-cœur.
protégeant contre les coups de En tant que jeune père, je me suis demandé si tout cela en valait la peine.
poignard. » 
 Une casquette de baseball dure
peut protéger votre tête.

46
Live News - Guide de Survie à l’usage des Journalistes

La planification
Quand vous couvrez un événement planifié, comme une manifestation, récoltez J’aurais dû me
des renseignements à l’avance sur les mouvements de foule probables, les retirer plus tôt...
points chauds et les routes sûres. Reconnaissez les lieux afin de sélectionner les
points intéressants et une voie d’issue alternative. Savoir où des gens apparte-
nant à des communautés ethniques ou religieuses différentes habitent peut
aider à déterminer votre route.
Gary
 Si votre équipe se sépare, convenez de points et d’heures de rassemblement Thomas
et essayez d’avoir un moyen de communication direct. couvrit des
 Portez un moyen vous identifiant comme étant de la presse. Cependant, si émeutes à
vous pensez qu’elle peut attirer une attention indésirable, cachez-le.
Peshawar
 Portez un téléphone cellulaire dont le numéro d’appel rapide sert à con-
tacter les services de secours en cas d’urgence. « J’étais le seul journaliste
 Si des gaz lacrymogènes risquent d’être utilisés, placez-vous hors du vent et
sur place et les rues étaient
ayez une serviette humide et de l’eau à votre disposition pour vous couvrir
noires de monde. La foule
le visage. Si vous ne pouvez pas porter un masque à gaz, un agrume (par
s’est approché de moi à toute
exemple, un citron ou un citron vert) pressé sur la zone touchée aidera à
allure. Ils ont commencé
neutraliser l’effet des agents irritants.
à hurler dans le micro et à
 Ayez également un moyen d’extinction des flammes si vous êtes touché par
me pousser et à me donner
de l’essence provenant d’un cocktail Molotov.
des coups de poing et de
 Si l’usage de gaz lacrymogènes n’est pas exclu, emportez une protection
oculaire. Des lunettes de plongée ou de soudeur devraient faire l’affaire. pied. Je portais une veste

 Si des armes à feu sont susceptibles d’être utilisées, portez les mêmes vête- de photographe; elle était en
ments de protection que dans les zones de guerre. lambeaux.
 Emportez un kit de secours et sachez comment l’utiliser. Deux personnes m’ont extirpé
 Portez des vêtements amples en fibres naturelles, qui ne brûlent pas aussi de la foule et m’ont dit de courir.
vite que des matériaux synthétiques. Ces deux-là m’ont sauvé la vie.
 Portez des manches longues, un long pantalon et un col relevé. Cela J’aurais dû me retirer plus tôt.
diminuera les zones d’exposition aux effets des agents irritants des gaz Quand les manifestants se
lacrymogènes. sont approchés de moi, j’ai
 Portez un petit sac à dos contenant assez de nourriture, d’eau et de matériel commencé à enregistrer et
pour tenir au moins une journée au cas où les troubles s’étendraient et où je n’avais pas de plan pour
vous rencontreriez des difficultés à retourner à votre bureau. m’échapper. Nous ne devons
pas prendre les mêmes
Le placement risques que les caméramans.
Réfléchissez à la manière de placer les caméras et les reporters afin d’avoir une On peut très bien être hors
vue globale de la scène. Une position plus élevée est préférable. Essayez égale- de vue et obtenir un son plus
ment d’avoir plusieurs voies d’issue. Si vous filmez, cela peut constituer un désa- qu’acceptable. » 
vantage positif de vous mêler à la foule et d’être trop proche de l’action. Si vous
ne filmez pas et ne prenez pas de photos, vous n’avez nul besoin d’être dans la
foule pour autant que vous voyiez clairement ce qui se passe et captiez le son.

47
Chapitre 3
Les émeutes et troubles civils

Vous pouvez interviewer des participants avant et après l’événement, mais vous
Même les devez avoir une vision d’ensemble de ce qui se passe pendant l’événement.
rassemblements
pacifiques peuvent Pendant l’événement
être dangereux Si vous faites partie d’une équipe, travaillez ensemble. Restez groupés ou
Le correspondant
retirez-vous en groupe. Il vaut mieux reculer trop tôt que trop tard. Si
de Newsweek
vous travaillez seul, assurez-vous que vous avez de bons moyens de com-
Babak
munication avec quelqu’un qui peut vous aider si nécessaire. Réglez votre
ehghanpisheh
téléphone de sorte que la touche de rappel serve à contacter une source
couvrait l’arrivée de
d’aide immédiate.
réfugiés à Maslakh
Essayez de garder à l’esprit la carte des voies d’issue, des endroits principaux,
(Afghanistan) en
de l’emplacement des postes de police et de l’hôpital le plus proche; à l’occasion,
novembre 2001.
arrêtez-vous et vérifiez que ces informations sont toujours fraîches.
Si vous craignez que votre bande ou votre pellicule ne soient saisies, ayez
dans votre poche un film ou une cassette exposés et cachez le matériel utilisé le
« Il faisait froid et les gens plus vite possible quand vous le sortez de l’appareil. Si vous utilisez un équipe-
cherchaient désespérément de ment numérique, ayez à votre disposition un disque ou une carte mémoire
l’eau. De nouveaux réfugiés factices au cas où vous devriez en remettre un. Dans les situations à haut risque,
arrivaient chaque jour. La plupart regroupez-vous avec un autre photographe de sorte à pouvoir veiller l’un sur
des organisations d’aide n’étaient l’autre. Vous êtes peut-être des concurrents, mais vous restez avant tout des
pas encore revenues. J’avais été confrères.
séparé des autres journalistes. Si vous travaillez seul, que ce soit comme reporter ou comme photographe,
Je parlais aux gens dans la foule. essayez de rester attentif au moment où vous devenez le centre d’intérêt d’une
Comme je parle farsi, ils pouvaient foule et plus seulement un de ses composants. Vous pouvez courir des risques
me raconter leur histoire. La foule même si la foule n’est pas hostile. Ne soyez pas tenté de prendre des risques
est alors devenue agressive et a déraisonnables juste pour obtenir les mêmes images que quelqu’un d’autre.
commencé à tirer mes vêtements.
J’ai pris peur. Les gardes ont Après l’événement
repoussé la foule à coups de Organisez un débriefing à la rédaction afin de tirer les leçons en vue de la
crosse. Après une demi-heure, prochaine occasion.
j’ai enfin pu rejoindre ma voiture. Protégez l’intégrité de votre matériel. Quelle est la législation en vigueur
J’étais vraiment effrayé et dans votre pays sur le droit des forces de sécurité de vous demander vos pelli-
physiquement vidé. cules et vos cassettes? Vous devez comprendre les implications légales de votre
J’aurais dû rester plus près de la travail de journaliste dans la zone, la région ou le pays où vous vous trouvez.
voiture et essayer de demander Quelle est la politique de votre organisation? S’il n’est pas possible de protéger
aux gens de venir me parler le matériel dans le pays même, est-il possible d’instaurer un système permet-
là. J’aurais dû me mettre en tant de conserver les images de troubles civils dans un autre pays?
contact avec les ONG et leur Rappelez-vous que votre capacité à faire votre travail en toute sécurité sera
demander d’amener quelqu’un affectée si la police a accès à votre matériel après une manifestation ou des trou-
à la voiture. »  bles civils. Vous courrez de grands risques si les parties impliquées dans une
émeute voient en vous un acteur du processus de collecte de preuves.

48
Live News - Guide de Survie à l’usage des Journalistes

La connaissance
est la meilleure
protection possible!
En 2001, Peter
Williams couvrit les
émeutes qui secouèrent
Bradford (Royaume-Uni)
pour CNN.
« Nous sommes arrivés à Bradford
après que l’émeute eut quitté le
centre-ville. Nous devions décider
tard le soir, dans le noir, si nous
allions quitter les sentiers battus.
En tant que caméraman, vous
voulez toujours obtenir des images
intéressantes et ne pas rentrer
les mains vides. Nous sommes
arrivés dans un quartier où les
Le photographe indépendant Juan Castillo fut roué de coups et se vit confisquer son émeutiers étaient en train de piller
matériel par la police anti-émeutes alors qu’il couvrait une manifestation à Mexico le un magasin. Nous avons décidé
11 décembre 1999. Des étudiants demandaient la libération de contestataires arrêtés ensemble qu’il serait risqué de
lors du sommet de l’Organisation mondiale du commerce de Seattle. La foule lança nous approcher. Je pense que
des pierres et des fusées, ce qui déboucha sur des affrontements avec la police anti- c’était la bonne décision.
émeutes dans le district de Zona Rosa. Au moins trois photographes furent blessés par Je regarde toujours derrière moi
des pierres ou par la police et 40 personnes furent arrêtées. Photo: AP /David de la pour voir d’où je suis venu et
Paz savoir par où m’enfuir en cas de
Les attentats terroristes nécessité. Si vous vous retrouvez
Les journalistes sont autant exposés que les civils aux attentats terroristes, en pleine émeute, vous n’avez
mais ils courent plus de risques si les bureaux des médias et les membres du pas envie de vous perdre!
personnel deviennent eux-mêmes la cible des bombes ou des tirs. La présence Le cours sur la sécurité
sur les lieux d’un assassinat ou d’un attentat à la bombe entraîne également des m’a fait réfléchir à bien des
risques. Les foules vindicatives peuvent se retourner contre les photographes choses. J’ai ainsi appris que la
et caméramans parce qu’elles les croient insensibles ou veulent empêcher les connaissance est la meilleure
auteurs de bénéficier de publicité. Parfois, un incident initial est créé pour que protection possible. Plus on
des policiers ou des militaires se rassemblent et tombent dans une embuscade. organise de briefings et plus
Une bombe peut être actionnée, faisant arriver les services d’urgence, et être on entre en contact avec des
suivie d’une explosion plus importante. Tous ceux qui opèrent derrière les cor- gens, plus on garde le contrôle
dons de police, qu’il s’agisse d’officiers de police, de médecins ou de journalistes, de la situation. » 
courent le risque d’être blessés ou tués dans un attentat secondaire. 

49
Chapitre 3
Les émeutes et troubles civils

« Ma voiture était arrêtée à un


Tout s’est arrêté autour de
feu rouge quand j’ai entendu une
énorme détonation. J’ai demandé
moi... Soudain, la voiture a
au chauffeur d’aller vers l’endroit
d’où venait le bruit. Nous sommes
explosé à dix mètres de nous.
arrivés dans une allée étroite près
d’une grande rue commerçante.
Suhasini
Quelqu’un avait jeté une grande
dans une voiture couchée dans le Haidar, une
fossé. À part moi, il y avait quatre journaliste
autres correspondants. Nous indépendante
avons examiné les restes de la de New Delhi
grenade. La police locale et les
travaillant pour
démineurs de l’armée sont arrivés
tranquillement. La porte de la CNN, se rendit
voiture n’était pas fermée, et c’était à Srinagar, dans
suspect, mais nous pensions que l’État du Cachemire, en août 2000. Elle arriva
le danger était passé. La police le lendemain de l’écroulement d’un cessez-le-feu
nous a fait reculer d’environ 20
fragile.
mètres de la voiture.
Avec d’autres journalistes, j’ai
essayé d’obtenir une déclaration
de la police. Tout s’est arrêté autour de moi. J’ai voulu attirer l’attention des policiers et la voiture a explosé à dix
mètres de nous. Le policier m’a plaquée contre le sol et m’a dit de rester couchée. Tout était silencieux, mais une volée
de débris de verre et une chaleur incroyable ont suivi. Des bonbonnes de gaz avaient explosé dans le coffre de la
voiture. J’ai vu le gars à ma droite tomber. Dix-neuf personnes ont été tuées, et la rue était couverte de sang. Tout est
encore confus dans mon esprit. Nous avons ensuite entendu des coups de feu et les policiers se sont mis à tirer dans
tous les sens. Mon correspondant local et moi nous sommes relevés, et c’est alors que j’ai réalisé que j’étais touchée.
Je ne pouvais pas utiliser mon bras pour me relever. J’avais des coupures à la tête. J’ai appelé mon caméraman et
lui ai dit que j’allais me faire soigner. Je me suis rendue à la caserne de l’armée. Mon bras était gravement atteint et
sortait de son articulation. J’ai été admise aux soins intensifs. J’avais très peur. Il a fallu du temps pour que les autres
victimes arrivent. Leurs blessures étaient impressionnantes.
Vous devez faire votre boulot. Les doubles bombes sont assez communes. La première attire la police et la foule et la
seconde explose alors. J’aurais dû m’écarter de la voiture. Si on ne m’y avait pas forcée, je serais morte. Je suis plus
nerveuse aujourd’hui, et j’ai un peu peur des voitures garées. Je me rends dans les endroits dangereux quand on me
le demande, mais pas parce que j’aime ça. Les bombes sont des choses impossibles à prévoir. » 

50
Live News - Guide de Survie à l’usage des Journalistes

Chapitre 4
Les enlèvements, les
prises d’otages et
les actes visant les
journalistes

L
es enlèvements sont des événements relativement rares mais
dramatiques et traumatisants. La plupart sont à court terme
et ne durent que quelques heures, et la majorité des personnes
kidnappées survivent à l’expérience. Être pris en otage est un événe-
ment effrayant et très dangereux dans lequel vous perdrez le contrôle Nebojsa Radosevic, reporter pour
de votre personne et de votre avenir. Une fois qu’il vous a pris en otage, l’agence de presse nationale yougo-
votre ravisseur peut physiquement vous faire ce qu’il veut. Environ 80% slave Tanjug, entouré par les miliciens
des otages sont libérés sains et saufs mais en tant qu’otage, vous risquez cagoulés de l’Armée de libération du
d’être mis en marge du processus de négociation et de voir dépendre votre Kosovo (UCK) avant sa libération dans
sécurité dépendre des autres. Le niveau de violence suivant les enlève- le village de Dragobilj le 27 novembre
ments est probablement en hausse. 1998. Radosevic était un des deux
Ce chapitre se penche sur ce que les journalistes peuvent faire pour journalistes serbes enlevés et ensuite
réduire le risque d’être enlevés et pour augmenter leurs chances de sur- relâchés en guise de « geste de bonne
vie en cas d’enlèvement. Certains conseils relatifs à la conservation de volonté ».
l’espoir et de la dignité lors d’un enlèvement s’appliquent également lors Photo: Reuters / Oleg Popov

de la détention par l’armée ou la police, fait relativement courant dans les LES MOTIVATIONS DES
pays où la liberté de presse est marginalisée voire inexistante. PRISES D’OTAGES
Des personnes sont prises en
Les motivations des prises d’otages otage:
Des gens sont pris en otages pour les raisons suivantes:  parce qu’elles peuvent induire un
profit politique,
Profit politique
 parce qu’elles peuvent induire un
L’enlèvement d’un journaliste renommé ou d’une personne travaillant profit économique,
pour une société de médias de premier plan procure une excellente public-  par vengeance,
ité. Les kidnappeurs peuvent alors demander la libération de prisonniers  pour servir de police d’assurance,
liés à leur cause. ou
 à cause d’une confusion
d’identité.

51
Chapitre 4
Les enlèvements, les prises d’otages et les actes visant les journalistes

Profit économique
Les kidnappeurs peuvent enlever un journaliste employé par une organi-
sation ou appartenant à une famille qu’ils croient susceptible de payer de
fortes sommes d’argent pour assurer sa libération.

Vengeance
Vous êtes associé à un pays ou un groupe considéré par les ravis-
seurs comme un ennemi. Négocier votre libération n’est peut-être pas
l’intention de vos ravisseurs.

Assurance
Les ravisseurs vous enlèvent pour garantir la sécurité de leur retraite ou
pendant une période de tension ou de négociation.

Confusion d’identité
Les ravisseurs vous enlèvent par erreur ou parce qu’ils pensent à tort que
vous entrez dans une des catégories précitées.

L’évaluation des risques


Les prises d’otages suivent souvent un schéma. La zone où vous tra-
vaillez est-elle touchée par les prises d’otages? Y a-t-il une tradition
d’enlèvements de journalistes?
Vous devez vous demander, et vérifier auprès des autres, si vous courez
un risque élevé ou moyen d’être la cible d’une prise d’otage. Vous cour-
rez de plus grands risques si vous travaillez pour une société de médias
RÉDUISEZ LES RISQUES bien connue ou associée à un gouvernement que les ravisseurs potentiels
 Avoid routine and predictable abhorrent.
behaviour. Quand vous évaluez les risques, envisagez la situation du point de vue
 Évitez la routine et les des preneurs d’otages. Votre organisation n’a peut-être aucune influence
comportements prévisibles. sur la politique gouvernementale ni aucun accès à de grosses sommes
 Évaluez les risques avant les d’argent, mais les ravisseurs potentiels le savent-ils? De nombreuses per-
missions inhabituelles. sonnes ont l’instinct de « tirer sur le messager » et de rendre les médias
 Fermez les portes des véhicules. des faits qui les dérangent. Un journaliste peut également devenir une
Soyez cible à cause de son travail, mais c’est plutôt rare. Dans la plupart des cas,
 conscient des risques courus sur le journaliste est pris comme symbole de ce que les ravisseurs pensent
la route. qu’il représente.
 Pensez aux dispositions pour les
rencontres.
La réduction des risques
 Informez vos collègues de vos Si vous entrez dans une des catégories de cibles, voyez s’il serait facile
mouvements et de vos plans. pour un ravisseur de vous enlever. Généralement, les ravisseurs choisis-
sent la cible la plus facile. Ils ont besoin d’une période de reconnaissance

52
Live News - Guide de Survie à l’usage des Journalistes

pendant laquelle ils cherchent un modèle d’événements et de situations


où vous êtes le plus vulnérable. Ils surveilleront votre maison, votre
hôtel ou votre lieu de travail. Plus vous vous comporterez de manière
prévisible, plus vous courrez de risques. Quittez votre base à une heure
différente chaque jour, ou en empruntant une route différente. Essayez de
ne pas développer de trajets prévisibles, ou sachez au moins que c’est le
moment où vous êtes le plus exposé. Si vous vivez dans une maison ou
appartement de location, vérifiez que les arrangements de sécurité sont
adéquats. Les déplacements avec d’autres représentants de la presse sont
moins dangereux.
Par la nature de leur travail, les journalistes ne peuvent se limiter à des
endroits sûrs et protégés, et doivent souvent interviewer des individus
qui peuvent être hostiles à leur organisation. Procédez à une nouvelle
évaluation des risques avant chaque mission de ce genre, et prenez des
mesures de sécurité relevant du bon sens. Quand vous prenez vos disposi-
tions pour une rencontre, n’appelez pas de votre chambre d’hôtel. Utilisez
votre téléphone cellulaire personnel ou une cabine publique sélectionnée
au hasard. Rappelez-vous que toutes les communications électroniques
peuvent être interceptées.
Si vous vous déplacez dans votre propre véhicule, veillez à toujours
fermer les portes. En ville, vous êtes vulnérable aux feux rouges; dans
les zones rurales, vous courez des risques quand vous êtes obligé de vous
arrêter à cause d’un barrage routier ou d’un accident. Un accident qui
bloque la route peut cacher un piège. Si vous ne pouvez pas poursuivre
votre route, arrêtez-vous à une certaine distance pour évaluer la situation
et essayez de conserver une voie de retraite.
Si vous prenez des dispositions pour rencontrer quelqu’un et vous
Attaque surprise
inquiétez pour votre sécurité, arrangez-vous pour rencontrer cette per-
« Je ne savais pas quand
sonne selon vos propres conditions. Choisissez un endroit public, comme ça allait me tomber dessus.
un café, sélectionné au hasard, et asseyez-vous à une table dans un coin Quand c’est arrivé, cela n’a
déjà occupé. Méfiez-vous particulièrement des changements de dernière duré qu’un instant. Une voiture
minute, surtout de ceux qui ne vous laissent que peu de temps ou de s’est précipitée devant nous,
marge pour refuser. bloquant le passage. Un tireur
a tué mon chauffeur. Quatre
Le processus d’enlèvement hommes masqués m’ont tiré
Un enlèvement est généralement un événement soudain. Vous devez hors de la voiture, m’ont plaqué
au sol, m’ont bandé les yeux et
procéder à une évaluation rapide de ce qui se passe et réagir vite. Si le
m’ont fait monter à l’arrière d’une
ravisseur est armé, vous risquez de ne pas avoir d’autre choix que de faire
camionnette qui attendait sur les
ce qu’il vous dit. S’il n’est pas armé, vous pouvez éventuellement faire
lieux. »
beaucoup de bruit, crier et attirer l’attention vers vous. Certains recom- Une victime d’enlèvement
mandent de faire semblant de vous évanouir afin de compliquer la tâche

53
Chapitre 4
Les enlèvements, les prises d’otages et les actes visant les journalistes

LES INTERVIEWS RISQUÉES de votre ravisseur. En cas d’attaque surprise, le succès de l’entreprise du
Évaluez les risques avec un ravisseur dépend de la surprise et de la non-préparation de sa cible. Crier
collègue, en tenant compte: augmentera votre niveau d’adrénaline, ce qui permet de mieux résister.
 du passé de la personne à Résister implique évidemment des risques, mais les risques courus ne
interviewer, diminuent pas une fois que vous avez été enlevé.
 de l’étroitesse de vos liens avec
votre contact, L’enlèvement par étapes
 de la raison qui vous a fait Cependant, un enlèvement n’est pas toujours un événement soudain et
choisir pour l’interview. violent dans lequel il est manifeste que vous êtes emmené quelque part
Ne soyez pas tenté de prendre des contre votre volonté. Bien des enlèvements sont d’un type différent, où la
risques inconsidérés. psychologie du journaliste est utilisée pour le piéger. C’est peut-être ce
qui est arrivé à Daniel Pearl, le reporter du Wall Street Journal enlevé et
assassiné au Pakistan début 2002.
Le journaliste s’est peut-être vu proposer une interview très intéres-
sante et offrir un accès sûr à un dirigeant de la guérilla ou à une personne
recherchée par la police. Les arrangements peuvent être complexes et
faire l’objet de nombreux changements, « pour des raisons de sécurité ».
Un journaliste se sentira relativement en sécurité aussi longtemps qu’il
sera avec un intermédiaire en qui il a confiance et entendra des promesses
de bonne conduite. Ensuite, l’intermédiaire remet le journaliste à un «
ami », avec une explication plausible, éventuellement quand ils changent
de voiture. Le journaliste est maintenant dans une voiture avec des gens
qu’il ne connaît pas, dans un endroit inconnu et à destination d’un lieu
qu’il ne peut que supposer. Il a perdu tout contrôle de la situation et son
sort - enlèvement ou retour à bon port - n’est plus qu’une question de
chance.
Personne ne peut juger pour vous. C’est vous qui devez mettre en
balance l’envie d’obtenir l’interview et les risques. Un journaliste qui ne
prend aucun risque n’accomplira qu’un travail de routine et ne décro-
chera jamais l’interview qu’il recherche. Il est toutefois ridicule d’insister
en partant du principe que vous ne risquez pas d’être enlevé. Parmi les
choses dont vous devez tenir compte, citons:

Le passé de la personne que vous souhaitez interviewer


A-t-elle déjà accordé des interviews auparavant? A-t-elle tenu parole?
À qui donne-t-elle généralement des interviews? Si la personne ou le
groupe accorde rarement des interviews, pourquoi maintenant, et pour-
quoi vous? Méfiez-vous si vous êtes choisi pour une interview sans raison
apparente. Soyez conscient que votre désir naturel d’obtenir l’interview
peut déformer votre jugement. Ce n’est pas une décision à prendre tout
seul.

54
Live News - Guide de Survie à l’usage des Journalistes

Daniel Pearl, correspondant en Pearl fut assassiné alors


Asie méridionale du Wall Street
Journal, fut enlevé le 23 janvier qu’il enquêtait sur le passé
de « l’homme à la chaussure
2002 alors qu’il se rendait pour
une interview au restaurant « The
Village » de Karachi (Pakistan).
Le Wall Street Journal déclara
piégée »
que Pearl enquêtait sur le passé Le correspondant du Wall Street Journal Daniel Pearl fut enlevé et
de Richard Reid, l’homme « à assassiné à Karachi (Pakistan) en 2002. Il semble qu’il se soit vu offrir
la chaussure piégée » qui avait une interview qui aurait établi le lien entre « l’homme à la chaussure
essayé de faire exploser un vol piégée » Richard Reid et Al Qaïda, mais aurait ensuite été enlevé et
transatlantique. En février, ses accusé d’espionnage.
ravisseurs envoyèrent une cassette
vidéo montrant son exécution. Son
cadavre fut retrouvé en mai 2002
dans un bâtiment appartenant au groupe Al-Rashid Trust, dans la banlieue de la ville portuaire de Karachi.
Quatre jours après sa disparition, un groupe déclarant être le « Mouvement national pour la restauration de la
souveraineté pakistanaise » envoya à des organisations de médias un message électronique dans lequel il revendiquait
l’enlèvement et accusait Pearl d’être un espion américain. Ce message contenait également toute une série d’exigences,
dont le rapatriement de prisonniers pakistanais détenus par l’armée américain sur la base de Guantanamo (Cuba). Un
autre courriel, daté du 30 janvier, accusa Pearl d’être un agent du Mossad et avertit qu’il serait exécuté dans les 24
heures si les demandes du groupe n’étaient pas satisfaites.
En avril 2002, Ahmed Omar Saeed Sheikh, Salman Saqib, Fahad Naseem et Shaikh Adil furent accusés de l’enlèvement
et du meurtre de Pearl par le tribunal spécial antiterrorisme du Pakistan. Après un procès à huis clos, les quatre hommes
furent jugés coupables d’enlèvement et de meurtre le 15 juillet. Saeed, considéré comme la tête pensant du crime, fut
condamné à la mort par pendaison; Saqib, Naseem et Adil écopèrent chacun de 25 ans de prison. Leur appel était
toujours en cours au moment où cet ouvrage était mis sous presse (janvier 2003).
En août, des enquêteurs racontèrent à Associated Press que, d’après trois individus en prison, Pearl avait été blessé le
sixième jour de sa détention lors d’une tentative d’évasion, et assassiné le neuvième. Un ancien officier des services de
renseignement américains, Robert Baer, expliqua à l’agence United Press International qu’il avait transmis à Pearl des
informations sur Khalid Sheik Mohammed, considéré par les services secrets américains comme le chef des opérations
militaires d’Al Qaïda, et que l’enquête du journaliste sur Mohammed lui avait peut-être coûté la vie. 

Source: Committee to Protect Journalists http://www.cpj.org

55
Chapitre 4
Les enlèvements, les prises d’otages et les actes visant les journalistes

Le poids réel de votre contact et son influence


Votre intermédiaire est-il quelqu’un que vous connaissez depuis des
années, ou que vous avez rencontré la semaine dernière? Une amitié
subite n’est pas une garantie de sécurité. Votre nouvel ami rapporte peut-
être vos faits et gestes à des ravisseurs potentiels, à la police ou aux forces
de sécurité. S’il est de bonne foi, a-t-il une véritable influence sur la cible
de l’interview?

Les autres pourront-ils vous retrouver facilement?


Qui sait où vous allez et avec qui? Quelles sont les procédures en place
si ne rentrez pas ou n’appelez pas après un certain temps? Les autres
pourront-ils retrouver votre trace? Les ravisseurs opèrent dans des zones
qu’ils connaissent bien et où ils se sentent à l’abri. La preuve en est qu’ils
peuvent transférer facilement et fréquemment les otages sans risquer de
se faire repérer.
Si vous décidez d’aller plus loin sur la base d’un arrangement potentiel-
lement dangereux, laissez des instructions claires sur l’endroit où vous
vous rendez. Convenez de mots de code que vous pouvez utiliser dans une
conversation téléphonique pour faire comprendre à l’autre si vous êtes en
sécurité, ainsi que d’un délai pour donner l’alerte. Les mots de code doiv-
ent être des mots à insérer dans une conversation pour dire que vous êtes
sain et sauf. Si vous vous faites enlever, vous devrez sans doute lire un
discours imposé et ne pourrez pas insérer de mots de code.
Si vous êtes emmené quelque part par un intermédiaire, déterminez à
SURVIVRE À UN ENLÈVEMENT
l’avance avec les collègues le point au-delà duquel vous n’irez pas; à quel
 Conservez une certaine vivacité
moment vous tenterez d’interrompre le processus et de revenir à bon port,
d’esprit et une attitude positive.
par exemple, si votre contact essaie de quitter la voiture. Évidemment, il
 Essayez de nouer une relation
n’est pas toujours possible de mettre en œuvre un tel changement de
avec votre ravisseur.
plan; donc, si vous fixez un point « interdit », vous devez être préparé à
 Faites ce que l’on vous dit et
tenter de vous enfuir par surprise et à toute vitesse.
ne vous opposez pas à vos
ravisseurs. Survivre à l’expérience
 Adoptez une routine positive.
Si vous avez été enlevé, vous aurez peur et vous demanderez si vous allez
 Cherchez à améliorer votre
survivre à la minute, à l’heure ou au jour qui vient. Rappelez-vous que
condition.
la plupart des personnes enlevées survivent à l’expérience et s’en sortent
 Parlez à quelqu’un dans votre
sans problèmes. L’expérience de ceux qui ont survécu à une prise d’otage
esprit. Dressez des plans avec
laisse à penser que certaines choses peuvent augmenter vos chances de
cette personne.
survie et vous aider à endurer ces mauvais moments.
 Ne croyez pas en les promesses
 Vous avez perdu le contrôle physique mais pas mental. Vous devez
de libération jusqu’à ce qu’elles
vous préparer à vivre une période de stress psychologique et physi-
se concrétisent.
ologique; pour y survivre, vous devrez afficher une attitude mentale

56
Live News - Guide de Survie à l’usage des Journalistes

La faculté de contrôle
psychologique de Shampsa
lui sauve la vie
Ses ravisseurs avaient sans doute
remarqué la caméra et le carnet de
Shampsa Paybuck
notes de Shampsa Paybuck alors
travaillait pour BBC World
qu’elle marchait le long de la route Service en Somalie. Trois
avec son oncle et la famille de mois après avoir participé à
celui-ci. Ils l’appelèrent par son nom un cours de formation à la
et commencèrent à la tirer par les sécurité, elle fut enlevée...
cheveux. Quand des membres de sa
famille tentèrent d’intervenir, ils furent
repoussés, frappés et reçurent des
coups de crosse.
Shampsa fut amenée près de l’eau
et forcée à s’agenouiller, la tête dans un sac plastique. Elle avait du mal
à respirer et le sac était sale et sentait mauvais. Son oncle et sa sœur
essayèrent de la libérer, mais furent repoussés. Les autres personnes
présentes avaient peur d’être impliquées. Shampsa entendait ses
ravisseurs - mécontents d’un de ses articles - crier: « Violons-la! »
La formation qu’elle avait suivie avait couvert ce genre de situation.
Les instructeurs lui avaient conseillé de rester calme et de ne rien faire
pour s’opposer à ses ravisseurs. Elle essaya de contrôler sa respiration
tandis que ses ravisseurs discutaient pour savoir s’ils allaient la tuer ou
la violer. Le « procès » dura une heure et quart, au cours desquelles elle
se demanda si elle reverrait sa famille.
Puis, quelqu’un dit: « Nous devons la laisser partir. ». Quand ils
retirèrent le sac de sa tête, elle remplaça dans son esprit les visages
hostiles par ceux, amicaux, des instructeurs, de sorte à tenir le coup si
elle voyait un fusil pointé sur elle et de réagir calmement.
Ses ravisseurs lui prirent tout son matériel mais la libérèrent.
Plus tard, Shampsa retourna au cours Centurion sur la sécurité et relata
son expérience. Elle dit aux autres journalistes que sa formation lui avait
permis de penser à la manière de réagir à la situation et que cela avait
contribué à lui sauver sa lie. 
Source: Centurion Risk Assessment Services (où Shampsa Paybuck suivit sa formation).

57
Chapitre 4
Les enlèvements, les prises d’otages et les actes visant les journalistes

positive. Dans la mesure du possible, essayez de ne pas montrer vos


émotions. Utilisez vos sentiments de manière positive pour planifier
votre action. Il y a des choses à faire à court et à long termes. Rendez
les traitements inhumains difficiles pour vos ravisseurs. Si vous par-
venez à développer des relations, vous pouvez réduire le risque d’être
physiquement meurtri. Parlez de votre famille. S’ils ne vous retirent
pas vos objets personnels, montrez-leur des photos de votre famille
quand vous pouvez leur parler.
 Faites ce que l’on vous dit de faire. Soyez poli et ne vous opposez pas
à vos ravisseurs.
 Ne tentez pas non plus d’apaiser vos ravisseurs. Même si leur cause
vous est sympathique, vous n’êtes pas « de leur côté »; vous êtes leur
prisonnier. Si vous pouvez parler à vos ravisseurs, le message clé doit
être qu’en tant que journaliste, vous n’êtes pas partie prenante dans
leur conflit, mais que les journalistes jouent un rôle essentiel pour
garantir que toutes les parties soient entendues.
 Vous ne savez pas si vous serez détenu longtemps; donc, faites comme
si cela devait être le cas. Dès que possible, adoptez une routine posi-
tive. Ne vous recroquevillez pas dans un coin.
 Utilisez toutes les méthodes à votre disposition pour vous relaxer.
Planifiez ce que vous ferez à votre retour chez vous. Planifiez des
vacances avec des amis ou de la famille. Écrivez une lettre dans votre
tête. Essayez de réciter des poèmes.
 i vous êtes détenu plus d’un jour ou deux, essayez d’obtenir ce qui
peut apparaître comme des petites concessions. Demandez de meil-
leures conditions, par exemple de ne pas rester enchaîné, de recevoir
du savon pour vous laver, de pouvoir écrire une lettre à votre fille,
ou encore que tous les otages soient rassemblés. Gardez à l’esprit la
nécessité de ne pas vous opposer à vis ravisseurs mais, dans les limites
de ce que les circonstances permettent, persistez dans vos demandes.
Faites-en une requête quotidienne. S’il s’agit d’une demande que vos
ravisseurs peuvent satisfaire sans risques, ils accepteront peut-être. Si
vous obtenez une concession, vous remportez une petite victoire psy-
chologique. Soyez reconnaissant et remerciez-les. Attendez ensuite
un peu avant de formuler une autre requête.
 Si vous êtes seul, en particulier si vous êtes traité avec brutalité,
essayez d’oublier votre isolement. Si vous êtes croyant, parlez à votre
dieu ou priez. Sinon, tenez des conversations avec un être cher ou un
ami fidèle. Demandez-leur conseil. Dites-leur comment vous comptez
survivre.
 Ne croyez pas les promesses de libération. Si des négociations sont

58
Live News - Guide de Survie à l’usage des Journalistes

en cours, elles peuvent durer. Vos ravisseurs peuvent faire preuve de Un journaliste
faux optimisme ou jouer avec vous. Comportez-vous comme si vous récompensé
alliez rester captif pendant longtemps. Cela vous aidera à mainte-
nir l’autodiscipline et à atténuer les déceptions. Étouffer les faux
assassiné au
espoirs est une des manières les plus rapides de briser la volonté de Brésil
quelqu’un. Le célèbre journaliste brésilien
Tim Lopes fut enlevé et
Une évasion? assassiné alors qu’il enquêtait
sur la criminalité liée au trafic
Devez-vous essayer de vous évader? Si vos ravisseurs sont compétents,
de stupéfiants à Rio de Janeiro.
ils prendront leurs dispositions pour vous en dissuader. Toute tentative
Son corps fut retrouvé dans
de votre part échouera sauf si des facteurs extérieurs interviennent ou si une grotte près de Vila do
vous pouvez profiter de l’effet de surprise. La question de savoir si vous Cruzeiro, un faubourg de
devez tenter une évasion dépend de votre condition physique, de votre Rio. Lopes avait été blessé
force mentale et des circonstances. Si vous êtes en bonne forme physique, par balle, torturé et tué à la
vous devez toujours chercher les failles dans le dispositif d’incarcération. machette.
Sachez toutefois qu’une tentative manquée peut aggraver vos conditions Lopes, reporter pour TV
de détention. D’un autre côté, si vous vous sentez en grand danger, vous Globo, enquêtait sur la vente
n’avez rien à perdre. Les signes indiquant que vous êtes en péril peuvent de drogues aux mineurs. Il
être les suivants: disparut le 2 juin 2002.
Des articles de presse dirent
 d’autres otages, peut-être employés par des organisations différentes,
que Lopes avait été kidnappé et
sont libérés, mais aucun signe ne laisse penser que votre libération est
amené chez un trafiquant local.
imminente; Ses ravisseurs le frappèrent
 vos gardiens adoptent une attitude différente vis-à-vis de vous, vous et lui tirèrent une balle dans
traitant de plus en plus durement et vous « déshumanisant »; le pied pour l’empêcher de
 vos ravisseurs cessent de vous nourrir et votre état physique se détéri- s’enfuir.
ore. Il fut condamné à mort après
Des gens se sont échappés quand l’attention de leurs ravisseurs s’est un semblant de « procès ». Le
détournée, notamment lors d’une attaque. Si vous êtes plusieurs à être trafiquant aurait tué Lopes avec
détenus, il est évidemment important de vous accorder sur une stratégie une machette avant de brûler
d’évasion. Si vous estimez que votre vie est en péril et décidez de tenter et de larguer son corps. Au
moment où le présent ouvrage
de vous évader, tenez-vous à cette stratégie jusqu’au bout de vos forces.
était mis sous presse, le
Gardez à l’esprit que si vous avez été détenu dans un endroit confiné, vous
trafiquant attendait son procès.
aurez du mal à courir et votre endurance sera moindre. Si vous parvenez
En décembre 2001, Lopes
à vous échapper de votre prison immédiate, les options qui s’offrent à avait reçu une prestigieuse
vous consistent soit à vous diriger vers le lieu fréquenté le plus proche et récompense pour un reportage
faire le plus de bruit possible, soit à vous cacher et à assurer petit à petit passé sur TV Globo, filmé avec
votre sécurité. Le choix dépendra de l’environnement dans lequel vous une caméra cachée, sur le
êtes détenu. trafic de stupéfiants. 
Source: IFJ
Les actes visant les journalistes
Les journalistes peuvent être visés dans le feu de l’action ou, comme

59
Chapitre 4
Les enlèvements, les prises d’otages et les actes visant les journalistes

Le meurtre de Daniel Pearl du Wall Street


Journal fut aussi révoltant que choquant. Quand les journalistes
Mais pourquoi a-t-il été tué? Parce qu’il
était occidental, un kaffir? Parce qu’il était
sont devenus des cibles
américain? Ou parce qu’il était journaliste? Robert Fisk est correspondant étranger pour le journal
Et s’il a été tué parce qu’il était reporter, britannique The Independent. En décembre 2001, il fut roué de
qu’est-il advenu de la protection dont notre
coups par des réfugiés afghans dont des membres de la famille
profession bénéficiait?
avaient été tués lors d’une attaque aérienne. Dans un article
pour l’Independent, il se demande pourquoi les journalistes sont
Au Pakistan et en Afghanistan, nous
devenus des cibles.
pouvons être vus comme des kaffirs, des
infidèles. Notre visage, nos cheveux, même
nos lunettes, nous étiquettent en tant qu’occidentaux. Le membre du clergé musulman qui souhaitait me parler dans un
village de réfugiés afghans près de Peshawar en octobre dernier fut arrêté par un homme qui me montra du doigt et lui
demanda: « Pourquoi amènes-tu ce kaffir dans notre mosquée? » Quelques semaines plus tard, des réfugiés afghans,
bouleversés par la mort de membres de leur famille dans un bombardement mené par des B-52, voulurent me tuer
parce qu’ils pensaient que j’étais américain.

Au fil des vingt-cinq dernières années, j’ai toutefois assisté à la lente et douloureuse érosion du respect pour notre
travail. Généralement, nous risquions notre vie pendant les guerres - c’est toujours le cas - mais les journalistes
étaient rarement des cibles délibérées. Nous étions les témoins impartiaux des conflits, souvent les seuls témoins, les
premiers à écrire l’histoire. Même les milices les plus violentes le comprenaient. « Protégez-le, prenez soin de lui, c’est
un journaliste », ordonna un combattant palestinien quand je pénétrai en 1983 dans la ville libanaise de Bhamdoun en
flammes.

Mais au Liban, en Algérie et ensuite en Bosnie, cette protection commença à se désintégrer. Des journalistes furent
enlevés à Beyrouth - Terry Anderson, d’Associated Press, fut détenu pendant près de sept ans -, tandis que des
collègues algériens furent chassés et décapités par des groupuscules islamistes tout au long des années 1990. Olivier
Quemener, un caméraman français, fut cruellement abattu dans la Casbah d’Alger alors que son collègue blessé
pleurait à ses côtés. À Sarajevo, apposer des autocollants « TV » sur votre voiture était plus une invitation lancée aux
snipers serbes de tirer sur des journalistes qu’une (forme de) protection.

Où avons-nous commis l’erreur? Je pense que tout débuta au Vietnam. Pendant des décennies, les reporters
s’identifièrent à des armées. Lors des deux guerres mondiales, les journalistes travaillèrent en uniforme. Être largué
derrière les lignes ennemies avec des commandos américains ne protégeait pas le journaliste d’Associated Press des
balles nazies, mais il s’agissait de pays en conflit ouvert, de reporters dont les pays s’étaient officiellement déclaré la
guerre. Le port d’un uniforme autorisait les journalistes à revendiquer l’application de la Convention de Genève; avec
des vêtements civils, ils pouvaient être fusillés comme des espions. C’est au Vietnam que les reporters commencèrent
à porter des uniformes et des armes - et à utiliser ces armes contre les ennemis de l’Amérique - et ce, même si leur
pays n’était pas officiellement en guerre et même s’ils auraient pu accomplir leur devoir sans cela. Au Vietnam, des
journalistes furent assassinés parce qu’ils étaient journalistes.

60
Live News - Guide de Survie à l’usage des Journalistes

Cette étrange habitude des journalistes de faire partie de l’histoire, de jouer un rôle presque théâtral dans les guerres se
répandit lentement. Quand les Palestiniens évacuèrent Beyrouth en 1982, je remarquai que plusieurs collègues français
portaient le keffieh. Les reporters israéliens revinrent au Sud-Liban occupé armés de pistolets. Lors de la Guerre du
Golfe en 1991, les journalistes de télévision américains et britanniques commencèrent à s’habiller comme des militaires,
apparurent à l’écran en casque et en tenue camouflée, comme s’ils faisaient partie de la 82e division aéroportée ou
des Hussards. Un journaliste américain débarqua même avec les bottines peintes en couleur feuillage, même si un tel
« camouflage » ne lui aurait été d’aucune utilité dans le désert.

Lors du retrait des Kurdes dans les montagnes du nord de l’Irak, on vit de nombreux reporters porter des vêtements
kurdes. Au Pakistan et en Afghanistan l’année dernière, le même phénomène se produisit. On vit des journalistes porter
des coiffes pashtouns dans les rues de Peshawar. Pourquoi? Personne n’a jamais pu me donner une explication.
Que faisait donc Walter Rodgers de CNN en uniforme des Marines dans le camp américain près de Kandahar?
Généreusement, quelqu’un lui conseilla de le retirer après son premier passage sur antenne. Puis, Geraldo Rivera de
Fox News arriva à Jalalabad avec un fusil. Il avait, déclara-t-il, la ferme intention de tuer Oussama Ben Laden. C’était
le comble. Le reporter était désormais devenu un combattant.

Peut-être ne nous soucions-nous plus de notre métier? Peut-être allons-nous trop vite pour dénaturer notre travail, pour
nous moquer les uns des autres, pour utiliser le terme ridicule de « journaleux » alors que nous devrions considérer
le métier de correspondant étranger comme une profession décente et honorable? En décembre dernier, je m’étonnai
de voir un quotidien américain titrer que j’avais mérité les coups que m’avaient assénés les Afghans. J’avais presque
perdu la vu, mais l’article portait le titre « Multiculturalist(me) Gets His Due » (« Le multiculturalist(m)e n’a que ce qu’il
mérite »). Mon pêché avait été d’expliquer que des gens avaient perdu des êtres chers dans les raids des B-52 et que
j’aurais fait la même chose à leur place. Ce titre honteux, contraire à l’éthique, apparut dans le journal qui avait employé
Daniel Pearl, le Wall Street Journal.

Pouvons-nous faire mieux? Je pense que oui. Ce ne sont pas les journalistes en uniforme - Rodgers et son ridicule
casque de Marine, Rivera paradant avec un fusil, ou même moi dans ma combinaison protectrice contre les gaz il y a dix
ans - qui ont contribué à tuer Daniel Pearl; il fut assassiné par des hommes vicieux. Mais tous - en nous habillant comme
des combattants ou en adoptant le costume national d’un peuple -, nous concourons à éroder le bouclier de neutralité et
de décence qui nous a sauvé la vie par le passé. Si nous n’arrêtons pas tout de suite, comment pourrons-nous protester
quand des collègues seront capturés par des individus sans merci clamant qu’il s’agit d’espions?

Cet article parut pour la première fois dans le quotidien The Independent le 23 février 2002.
© Independent

61
Chapitre 4
Les enlèvements, les prises d’otages et les actes visant les journalistes

Les journalistes sont souvent visés parce qu’ils sont considérés être du « mauvais »
côté. Ici, un contestataire casse le pare-brise d’un véhicule de presse lors des émeutes
qui émaillèrent le Sommet des Amériques de Québec, le 20 avril 2001.
Photo: AP/CP, Paul Chiasson

Daniel Pearl au Pakistan, Martin O’Hagan à Belfast ou Tim Lopes au


Brésil, être victimes d’un meurtre de sang froid. L’objectif peut consister
à saisir le matériel ou de réduire au silence, de faire peur, voire même de
tuer des journalistes. Les auteurs peuvent être des guérilleros ou des
terroristes. Trop souvent toutefois, les forces paramilitaires de l’État
sont impliquées dans les attaques menées contre les journalistes et dans
les meurtres. Souvent, l’existence même d’une menace terroriste sert
d’excuse pour réprimer les journalistes et de couverture pour les attaquer.
La guerre contre le terrorisme tourne souvent en guerre contre la liberté
des médias. Les dangers dans les différents pays changent selon le climat
politique et social. À certains moments, la distinction entre un champ de
bataille et des troubles civils est ténue, comme en Cisjordanie et à Gaza
(voir chapitre 2).

62
Live News - Guide de Survie à l’usage des Journalistes

Algérie
L’Algérie fut un pays particulièrement à risques entre 1993 et 1996,
périodes qui vit l’assassinat de 108 journalistes ou éditeurs. Des « listes
noires » circulaient, portant le nom de journalistes dont la mort avait été
ordonnée par le Groupe islamique armé (GIA). Ce groupe considérait les
médias comme des alliées du gouvernement, qui avait refusé d’accepter
une victoire des islamistes aux élections. Le GIA publia une déclaration
disant: « Ceux qui luttent par le stylo périront par l’épée. »
L’État est toutefois soupçonné de complicité dans certains assassinats.
Les arrestations furent peu nombreuses et le gouvernement refusa toute
enquête indépendante. Certains journalistes déclarèrent s’être vu propos-
er de faux témoins à interviewer après des assassinats, tandis que d’autres
furent harcelés alors qu’ils tentaient de relater de massacres. À l’époque
des tueries, des centaines de journalistes et leurs familles habitèrent pen-
dant plusieurs années à l’hôtel, sous la protection de gardes armés, vivant
et travaillant dans la peur permanente.

Colombie
En Colombie, le journalisme est une activité risquée en raison du conflit
armé intérieur, et 84 reporters furent assassinés au cours de la dernière
décennie. Álvaro Uribe Vélez fut élu en août 2002 sur son programme
de fermeté vis-à-vis des Forces armées révolutionnaires colombiennes
(FARC) et des autres groupes de guérilla. Les journalistes sont la cible
des différentes factions armées, des « groupes d’autodéfense » et des
politiciens corrompus. Des forces de droite ont revendiqué l’assassinat de
plusieurs journalistes et accusé la presse d’avoir un « esprit empoisonné
». D’autre part, les groupes de guérilla ont déclaré que « les médias sont
notre cible ». Les journalistes sont tués en toute impunité, les auteurs ou
commanditaires des meurtres n’étant condamnés que dans 5% des cas.
Le Président estime quant à lui qu’il est « fâcheux que des journalistes
peuvent arriver dans des endroits où des terroristes se tapissent, alors
que le gouvernement n’y a pas accès. Il est fâcheux qu’un journaliste soit
au courant de l’organisation d’un attentat qui prend le gouvernement par
surprise. » Cependant, en janvier 2003, il promit que son gouvernement
n’imposerait plus de restrictions à la liberté de la presse.
Sierra, rédacteur en chef adjoint et éditorialiste au journal La Patria de
Manizales, une ville située dans la région productrice de café de Colombie,
fut abattu alors qu’il se rendait au travail le 30 janvier 2002 et mourut
le surlendemain. Dans ses éditoriaux, Sierra stigmatisait fréquemment
la corruption et les violations des droits de l’homme perpétrées par la
guérilla de gauche, par les paramilitaires de droite et par les agents de

63
Chapitre 4
Les enlèvements, les prises d’otages et les actes visant les journalistes

sécurité de l’État. La police expliqua au Committee to Protect Journalists


en décembre 2002 qu’elle travaillait sur la théorie selon laquelle un des
politiciens locaux que Sierra avait épinglés dans ses articles avait chargé
un tueur à gage d’éliminer le journaliste. Sierra avait accusé les polit-
iciens libéraux et conservateurs de la région de népotisme, de corruption
d’électeurs, de pillage des coffres publics et de « gestion du département
comme une colonie féodale ». Le chef de la bande de tueurs a été accusé
du meurtre.
Héctor Sandoval, un caméraman de RCN Televisión, et Wálter López,
le chauffeur de l’équipe, moururent après qu’un hélicoptère de l’armée eut
attaqué leur véhicule - pourtant identifié - le 12 avril 2002 près de Cali.
L’équipe couvrait la poursuite par l’armée de combattants des FARC qui
avaient kidnappés des politiciens de province. Les lettres « RCN » étai-
ent apposées en grands caractères de couleur vive sur le toit et les deux
côtés du véhicule. Ils venaient de décider de rebrousser chemin quand
l’hélicoptère ouvrit le feu. López fut mortellement blessé. Ses collègues
tentèrent de lui appliquer un garrot quand l’hélicoptère tira une deux-
ième fois. Ils se mirent à l’abri dans un ravin tout proche et agitèrent des
T-shirts blancs. L’hélicoptère fit de nouveau feu et toucha Sandoval à la
jambe. Deux heures s’écoulèrent avant que d’autres journalistes ne puis-
sent les transporter à l’hôpital, où Sandoval mourut à cause des pertes de
sang. L’armée a ouvert une enquête.
En juin 2002, Efraín Varela Noriega, le propriétaire de Radio
Meridiano-70, fut tué dans le nord-est du pays. Il hébergeait deux émis-
sions controversées qui critiquaient toutes les parties du conflit, mais avait
les derniers temps souligné la présence de combattants de l’Autodéfense
unie de Colombie (AUC) qui patrouillaient dans les rues d’Arauca, à la
frontière avec le Venezuela. Noriega rentrait chez lui quand des tireurs le
sortirent de sa voiture et le visèrent à la tête et à la poitrine.
En juillet 2002, deux techniciens et deux chauffeurs employés par
Radio RCN et Radio Caracol furent enlevés par des hommes portant des
uniformes de l’armée. Quatre jours plus tard, après plusieurs marches de
nuit, ils furent libérés, sans leurs véhicules et sans leur matériel. Le mois
suivant, une équipe du journal El Tiempo fut enlevée par les FARC et
détenue toute une nuit avant d’être libérée le lendemain matin.

Philippines
Dans certains pays, les enlèvements sont devenus une source de revenus.
En 2000, la FIJ invita le gouvernement philippin à se montrer plus actif
dans la protection des journalistes après une vague d’enlèvements sur l’île
de Jolo, dans le sud du pays. « Ces kidnappings visent le cœur des droits

64
Live News - Guide de Survie à l’usage des Journalistes

démocratiques et font des Philippines une zone interdite pour les médias
», déclara Aidan White, Secrétaire général de la FIJ.
Les rebelles combattant pour un État musulman indépendant ont
adopté une tactique d’enlèvement et de détention de touristes pendant
de longues périodes, demandant des rançons énormes pour leur libéra-
tion. Les actes visant les journalistes débutèrent en mai 2000, quand
huit Français et un Norvégien furent pris en otages pendant plus de 24
heures par des membres du groupe Abu Sayyaf sur l’île de Jolo. Ils furent
dépouillés et obligés de verser une rançon. Plus tard dans le moins, dix
journalistes - allemands, français, australiens et danois - furent enlevés
alors qu’ils suivaient un convoi médical gouvernemental vers un camp
où des touristes occidentaux étaient détenus. Quatre journalistes furent
forcés de retourner à Jolo et d’obtenir 25 000 euros, sinon leurs six col-
lègues auraient été décapités. Ces derniers furent finalement libérés le
lendemain, après avoir été délestés de leur argent, de leurs téléphones
portables, de leurs montres et de leurs chaussures par les hommes du
commandant Robot, un des cinq leaders du groupe Abu Sayyaf. Les
autorités philippines demandèrent par la suite aux journalistes occiden-
taux de s’abstenir d’essayer de rencontrer des otages et d’éviter de com-
promettre leurs chances de garantir leur libération.
Le 2 juillet de cette même année, Andreas Lorenz, reporter à
l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, fut kidnappé pour la deuxième
fois par le même groupe alors qu’il tentait d’établir le contact avec les
otages. Il fut détenu 25 jours. Le groupe Abu Sayyaf déclara que les jour-
nalistes n’étaient plus autorisés à rencontrer les otages. Le 9 juillet, des
rebelles demandèrent une rançon pour la libération de trois journalistes TLe groupe Abu Sayyaf enleva en
de France 2. mai 2001 des touristes sur l’île de
Plus tard dans le mois, l’Agence France Presse cita des sources locales Palawan et prit d’autres otages lors
disant que, vu qu’il ne restait plus de journalistes étrangers sur l’île, les d’une opération militaire visant à
rebelles envisageaient de kidnapper des journalistes locaux. Quelques les libérer. Plusieurs otages, dont
jours plus tard, deux journalistes d’ABS-CBN, la plus importante chaîne l’Américain Guillermo Sobero,
de télévision des Philippines, furent enlevés près de Patikul. Le caméra- furent tués, mais la plupart furent
man Val Cuenca et le chercheur et écrivain Maan Macapagal étaient à libérés. Après novembre 2001,
Jolo pour couvrir la crise des otages. seuls le couple de missionnaires
Martin et Gracia Burnham et
Les journalistes philippins continuèrent à être visés. En janvier 2002,
l’infirmière philippine Ediborah Yap
Arlyn de la Cruz, reportrice pour la chaîne câblée de Manille Net 25 et
restèrent en captivité. Le 7 juin
rédacteur pour le journal philippin Daily Inquirer, fut enlevée et détenue
2002, l’armée tenta de les délivrer.
pendant plus de deux mois avant d’être libéré, un généreux donateur étant Martin Burnham et Ediborah Yap
apparemment intervenu pour payer la rançon. De la Cruz fut enlevée le furent tués. Gracia Burnham fut
19 janvier par l’ancien Front national de libération Moro (MNLF), qui blessée mais libérée.
avait alors été « intégré » dans les forces armées philippines. Elle se

65
Chapitre 4
Les enlèvements, les prises d’otages et les actes visant les journalistes

trouvait à Basilan pour interviewer des membres du groupe Abu Sayyaf


détenant deux Américains et un Philippin (voir cadre) depuis mai 2001.
De la Cruz dit que le groupe qui l’avait prise en otage pensait qu’elle
avait apporté la rançon pour la libération des trois derniers otages. Ne
trouvant pas d’argent, ils la transférèrent d’un endroit à l’autre jusqu’à sa
libération. L’armée nie que certains de ses membres aient été impliqués
dans l’enlèvement de de la Cruz, en dépit de ses allégations que ses ravis-
seurs étaient en service actif. De la Cruz fut libérée après l’intervention
d’un professeur d’université et de la sénatrice Loren Legarda, elle-même
ancienne présentatrice de télévision. Tous deux nièrent le paiement d’une
rançon de deux millions de pesos (environ 39 500 dollars).
En septembre 2002, deux autres journalistes furent enlevés après
avoir voulu rencontrer des représentants du MNLF sur l’île de Jolo. La
journaliste Carol Lorenzo et le caméraman Gilbert Ordiales, de la télévi-
sion privée GMA, furent kidnappés le 28 septembre et détenus pendant
six jours. Après leur libération, la police accusa une femme qui travaillait
dans l’armée et qui était avec eux au moment des faits. Cette dernière
accusa à son tour des membres du MNLF, qui font aujourd’hui partie de
l’armée régulière. La FIJ a écrit à la Présidente Gloria Macapagal-Arroyo
pour l’inviter à ordonner une enquête sur les enlèvements. Christopher
Warren, le Président de FIJ, écrivit dans sa lettre: « Les journalistes doiv-
ent pouvoir travailler aux Philippines sans crainte d’être intimidés. »
Depuis la restauration de la démocratie aux Philippines en 1986, 38
journalistes ont été tués et aucun des assassins n’a été condamné. En mai
2002, Edgar Damalerio, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Zamboanga
Scribe et reporter pour la radio DXKP, fut tué alors qu’il rentrait chez lui
après une conférence de presse à Pagadian City. Le Centre pour la liberté
et la responsabilité des médias, basée à Manille, dit que Damalerio avait
souvent critiqué les officiers supérieurs de police. Un officier de police fut
arrêté après le meurtre.

Sri Lanka
Au Sri Lanka, les journalistes se virent longtemps interdire de parler
des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), qui luttaient pour
un État indépendant pour la minorité ethnique tamoule. La guerre civile
dure depuis près de vingt ans. Bien que l’interdiction ait été levée en 2001
et qu’en 2002 des signes indiquant qu’une fin du conflit était proche aient
été enregistrés, le gouvernement applique toujours une politique de non-
contact entre les médias et les LTTE.
En avril 2001, Marie Colvin, une journaliste américaine travaillant
pour le Sunday Times britannique, fut touchée par les éclats d’une gre-

66
Live News - Guide de Survie à l’usage des Journalistes

nade de l’armée sri lankaise alors qu’elle revenait en compagnie de civils


non armés d’une réunion avec les LTTE. Elle fut blessée à la tête, à la poi-
trine et aux bras et perdit un œil. Colvin cria qu’elle était journaliste mais
les soldats continuèrent à tirer. Selon ses dires, des soldats la jetèrent
au sol et lui donnèrent des coups de pied. Le ministère sri lankais de
l’Information déclara que Colvin n’avait pas l’autorisation de se déplacer
dans la région de Wanni, aux mains des rebelles, dans laquelle elle avait
passé deux semaines avec les LTTE. La déclaration prétendit que Colvin
« avait mis au point un agenda secret avec les LTTE ».
En octobre 2000, le journaliste Mylvaganam Nimalarajan, qui tra-
vaillait entre autres pour les services de la BBC en langues tamoule et
cinghalaise, le quotidien tamoul Virakesari et l’hebdomadaire cinghalais
Ravaya, fut tué chez lui à Jaffna. Des tireurs non identifiés s’approchèrent,
firent feu par la fenêtre de son bureau et jetèrent une grenade dans la
maison. Des journalistes suspectent que les articles de Nimalarajan sur
les irrégularités et les intimidations commises lors des élections législa-
tives à Jaffna sont la cause de son assassinat. Ses parents et son neveu
de 11 ans furent grièvement atteints lors de l’attaque. Aucune enquête
satisfaisante n’a été menée.
En août 2002, cinq hommes s’introduisirent dans les locaux du journal
tamoul Thinakkathir, ligotèrent le personnel et emporta le matériel. La
FIJ invita le gouvernement à protéger Thinakkathir et tous les journal-
istes travaillant au Sri Lanka. Christopher Warren, Président de la FIJ,
écrivit au Président du Sri Lanka, Chandrika Bandaranaike Kumaratunga,
une lettre disant: « Les attaques menées contre les journalistes et les
médias sont une des pires formes de violation de la liberté de la presse
et d’atteinte à la société civile. Il n’y a pas de pire forme de censure que
la violence. »

Autres pays
De nombreux journalistes sont attaqués ou tués parce qu’ils relatent des
crimes ou des faits de corruption.
Au Bangladesh, Harunur Rashid, reporter pour le journal en bengali
Dainik Purbanchal, fut pris dans une embuscade et abattu alors qu’il se
rendait en moto à son travail à Khulna. Trois hommes l’emmenèrent à
l’hôpital, expliquèrent au personnel médical qu’il avait été victime d’un
accident de la circulation et disparurent. Rashid était chroniqueur judi-
ciaire et avait parlé de la corruption et des liens entre les syndicats du
crime et les groupes de guérilla. Il avait reçu des menaces de mort et
bénéficiait d’une protection policière.
Nava Raj Sharma, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Kadam, fut

67
Chapitre 4
Les enlèvements, les prises d’otages et les actes visant les journalistes

kidnappé par des rebelles maoïstes le 1er juin 2002 à Kalikot (Népal) et
tué brutalement. Sharma, connu pour son indépendance, avait résisté aux
tentatives visant à rendre son journal plus conciliant envers les troupes
maoïstes qui contrôlent certaines parties de Kalikot. La police retrouva
son corps atrocement mutilé à la mi-août. Les rebelles lui avaient arraché
les yeux, ligoté les mains et les pieds et tiré dans la poitrine, déclara la
police à la commission nationale des droits de l’homme.
En Russie et dans d’autres républiques ex-soviétiques, les journalistes
enquêtant sur la corruption courent de grands risques. Natalya Skryl,
journaliste commerciale pour le titre Nashe Vremya de Rostov-sur-le-
Don, fut attaquée et frappée à plusieurs reprises à la tête avec un objet
contondant en rentrant chez elle tard le 8 mars. Elle mourut le lendemain.
Avant son décès, Skryl, 29 ans, avait dit à des collègues qu’elle détenait de
nouvelles informations sur la lutte pour le contrôle de Tagmet, une usine
métallurgique de la région. Le ministère public tenta de ne pas enquêter
sur cette piste et ce, bien que Skryl n’ait pas été délestée de ses bijoux et
de son argent par ses agresseurs.
En Ukraine, un des plus célèbres assassinats de journalistes reste «
irrésolu » plus de deux ans après les faits. Georgy Gongadze, 31 ans, édi-
teur du journal sur l’Internet Ukrainska Pravda, disparut le 16 septembre
2000. Son corps décapité fut retrouvé dans un fossé dans un faubourg
de Kiev. Gongadze enquêtait sur la corruption au sein du gouvernement
ukrainien. Des cassettes audio remises par un ancien garde du corps du
Président ukrainien Leonid Koutchma impliquent apparemment celui-
ci et d’autres ministres dans un complot contre Gongadze. Mykhailo
Kolomiets, fondateur et directeur d’Ukrainsky Novyny, une agence
spécialisée dans les informations économiques objectives, disparut le 21
octobre 2002. « Les journalistes s’inquiètent à raison de l’écho donné par
la disparition de Kolomiets à l’affaire Gongadze », déclara Aidan White,
Secrétaire général de la FIJ.
En Tchétchénie, de nombreux journalistes ont été détenus pendant
des mois avant d’être libérés contre une rançon ou échangés contre des
prisonniers tchétchènes. Les rebelles tchétchènes ont également tué plu-
sieurs journalistes. Vladimir Yatsina, photographe pur l’agence de presse
russe Itar-Tass, fut enlevé en juillet 1999 et finalement tué parce que ses
blessures ralentissaient le groupe tchétchène qui le détenait. Le photog-
raphe indépendant Brice Fleutiaux fut détenu en otage en Tchétchénie
d’octobre 1999 au 12 juin 2000, après avoir été enlevé dès son arrivé dans
la capitale Grozny. Il fut traité tantôt avec dureté, tantôt avec gentillesse,
étant parfois enchaîné et parfois autorisé à travailler et à téléphoner à sa
famille. Quand il fut libéré, l’affaire sembla connaître une fin heureuse.

68
Live News - Guide de Survie à l’usage des Journalistes

Mais Fleutiaux, qui avait écrit un livre en captivité, était perturbé par L’ex-otage Brice Fleutiaux enlace sa
son expérience, conscient du contraste énorme entre la vie quotidienne fille Sarah, 4 ans, et sa mère Monique
en Europe et en Tchétchénie. Comme cela arrive souvent après de telles à son arrivée sur l’aérodrome de
périodes de séparation forcée, son mariage avec Dana, qui s’était déplacée Villacoublay (sud-ouest de Paris) le
en Tchétchénie pour mener la campagne en faveur de sa libération, se 13 juin 2000, un jour après sa libéra-
solda par un échec. tion. À droite, le ministre français de la
En avril 2001, dix mois à peine après son retour à la maison, Brice Coopération Charles Josselin.
Fleutiaux se suicida.  Photo: AP / Michel Lipchitz
Photo: AP / Michel Lipchitz

69
Partie 3

La zone de récupération

La photographe Susana Gonzalez est aidée par des collègues après avoir été touchée par une pierre lancée lors d’affrontements
opposant des hooligans à la police à Mexico en 1998. Ce qui avait commencé comme une célébration de la qualification du Mexique
pour les 1/8 de finale de la Coupe du monde dégénéra rapidement en véritable émeute. Photo: AP/Jose Luis Magana

70
Chapitre 5
L’aide médicale
d’urgence

L
es journalistes travaillant loin de leur base ou dans des zones
dangereuses doivent savoir quand et comment apporter une aide
médicale d’urgence à un collègue malade ou blessé. Ils doivent
savoir comment prodiguer une aide d’urgence plutôt que les premiers
soins.
Les premiers soins servent à maintenir un patient jusqu’à ce qu’il
arrive à l’hôpital ou à la clinique, en supposant qu’une telle infrastruc-
ture puisse être atteinte rapidement. Dans des environnements hostiles,
on peut mettre des heures avant de trouver un lieu sûr. Les journalistes
doivent viser à fournir des soins d’urgence pouvant aider une victime à
survivre plusieurs heures, voire plus longtemps. Le but consiste à stabi-
liser l’état de la victime jusqu’à ce qu’elle reçoive une aide médicale de la En haut: une partie du kit médical
part de personnel qualifié. emporté par les journalistes dans les
De telles connaissances ne s’acquièrent pas seulement en lisant les zones hostiles. Celui-ci englobe des
manuels. Un cours de secourisme ou d’aide médicale urgente permettra bandages stériles de grande taille, des
à un journaliste de s’exercer à placer une attelle, à faire un pansement ou attelles et un brancard.
à poser un garrot et d’apprendre les procédures de dégagement des voies En bas: le kit médical de plus petite
respiratoires, les techniques de réanimation et les positions de sécurité. taille fourni lors des cours organisés par
Pour votre propre sécurité, vous devez non seulement insister pour la FIJ. Celui-ci englobe des bandages
apprendre ces méthodes, mais aussi demander que tous les journalistes stériles, un appareil de réanimation,
opérant sur le terrain participent à de tels cours. Plus il y a de journalistes des gants et un tablier, des lingettes net-
sachant quoi faire en cas d’urgence, mieux c’est. toyantes et un bandage à utiliser comme
Votre capacité à aider dépendra également de la qualité de l’équipement écharpe.
médical d’urgence à votre disposition. Les journalistes travaillant dans Photos: Rob Judges
des situations potentiellement dangereuses devront emporter un bon kit
médical et savoir comment l’utiliser. Les journalistes doivent aussi savoir
improviser en l’absence d’attelles ou de civières.
Le présent chapitre se penche sur les blessures dues à des événements
traumatiques tels que les coups de feu et les explosions, mais il commence
par quelques conseils sur les besoins d’assistance médicale les plus proba-
bles, à savoir comment aider quelqu’un qui est tombé malade ou stabiliser
une victime d’accident de la route.

71
Chapitre 5
L’aide médicale d’urgence

La maladie
Les risques les plus probables (et les moins prestigieux) qu’un journaliste
court dans une région hostile sont la maladie, l’intoxication alimentaire
et les effets des conditions climatiques, comme l’hypothermie, le coup de
chaleur ou le mal de l’altitude. Une partie de la préparation à une mission
doit porter sur la familiarisation avec les maladies infectieuses les plus
courantes dans la région et celles qui peuvent être transmises par les
piqûres d’insectes ou par l’eau ou les aliments contaminés. Emportez les
médicaments appropriés pour les conditions les plus usuelles. Dans les
régions tropicales par exemple, le risque de malaria est plus important
que celui d’essuyer des coups de feu ou des tirs d’artillerie.
Un journaliste en mission doit devenir hypochondriaque. Faites en
sorte de détecter chaque petit ennui avant qu’il ne devienne un prob-
lème majeur susceptible de vous ralentir et de vous exposer. Lavez-vous
régulièrement, quelles que soient les conditions (utilisez un gant de
toilette et de l’eau si vous n’avez rien d’autre) et inspectez régulièrement
votre corps. Traitez immédiatement les « petits » bobos tels que les pieds
d’athlète.
LA LOI DE MASLOW
Souvenez-vous de la règle de 3! Boire et manger
Vous survivrez: De l’eau propre et des aliments sont vitaux pour votre bien-être et votre
3 minutes sans oxygène, après capacité à travailler. Il vous faut au minimum deux litres d’eau potable
quoi les séquelles cérébrales et propre par jour, voire de quatre à six litres dans des conditions extrêmes.
la mort guettent Vous devez également absorber environ 2 000 calories par jour selon
3 jours sans eau, après quoi votre taille, le chemin parcouru en marchant ou en courant et les condi-
vous souffrirez de déshydratation tions climatiques. En cas de froid ou de chaleur extrême, vous dépenserez
sévère plus de calories.
3 semaines sans manger, après Chargez-vous de votre eau et de votre nourriture. Là où l’eau est
quoi votre survie sera aléatoire suspecte, méfiez-vous de l’eau servie à table dans les restaurants, sauf si
le sceau est intact. Mieux vaut éviter les glaçons dans les boissons, sauf
si vous êtes certain qu’ils sont faits avec de l’eau stérilisée. Veillez à ce
UN TRUC DE SURVIE que l’eau utilisée pour les boissons chaudes soit correctement bouillie au
En cas d’urgence, utilisez le préalable.
rayonnement ultraviolet du soleil Dans les endroits où l’eau vous paraît douteuse, achetez de l’eau
pour purifier l’eau. Filtrez l’eau et gazeuse et vérifiez que les sceaux sont intacts (l’eau plate est plus facile
laissez-la quatre heures au soleil à « imiter »). Vous pouvez réduire le pétillant de l’eau en y ajoutant une
dans une bouteille en plastique ou cuillère à café de sucre. Vous pouvez aussi stériliser l’eau au moyen de
en verre. produits chimiques (iode ou chlore), mais vous devez les laisser agir entre
10 et 20 minutes avant de boire l’eau. Une autre méthode consiste à faire
bouillir l’eau pendant 8 à 10 minutes. On trouve sur le marché des filtres
à eau de bonne qualité qui retiennent les particules d’une taille de 0,2

72
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

micron - les plus petites bactéries font 0,5 micron -, mais ils coûtent cher.
Le prix de ces filtres diminue, ce qui les rend plus abordables.
Les infections alimentaires les plus communes sont dues aux bactéries
coliformes, qui vivent dans les intestins et peuvent causer la « diarrhée du
voyageur », appelée aussi « turista » et les salmonelles, que l’on retrouve
souvent dans la volaille et d’autres viandes, mais qui sont tuées par une
cuisson prolongée. Évitez les viandes saignantes et ayez plutôt tendance
à trop cuire la viande qu’à la manger encore crue. Si vous préparez votre
nourriture vous-même, lavez et désinfectez les couteaux et planches de
découpe utilisés pour traiter la viande.
Dans les régions où le typhus ou d’autres infections dues à l’eau sont
répandus, évitez les légumes à croissance rapide sauf s’ils sont cuits. Une
salade peut être suspecte; en revanche, les légumes cuits ne constitueront
pas un risque s’ils ont été bouillis. Épluchez les fruits ou lavez-les à l’eau
propre.
Si vous n’avez pas confiance en la qualité des aliments, la règle générale
est la suivante: Cuire, éplucher ou chlorer.

Les traumatismes
L’approche générale de l’administration de l’aide médicale dans un envi-
ronnement hostile consiste à rester calme et à évaluer la situation avant
d’agir. Prendre quelques secondes vous aidera à vous concentrer sur les
conditions les plus dangereuses et à vous rappeler quoi faire. Essayez de
ne pas vous focaliser sur ce que vous ne savez pas faire. Une approche
calme sauvera des vies, tandis que la panique se répand rapidement dans
un groupe de personnes apeurées.
1. Évaluez le danger qui vous guette. Si quelqu’un a été atteint par balle
et est couché sur le sol, risquez-vous de vous faire tirer dessus si vous
lui portez secours? Si vous êtes blessé, vous ne serez d’aucune aide et Mettez la victime hors de danger ou
deviendrez un fardeau de plus. supprimer le danger.
2. Évaluez le danger qui guette la victime. Quel est le risque le plus Photo: Rob Judges

immédiat? La voiture dans laquelle elle se trouve va-t-elle essuyer


des coups de feu? La personne est-elle toujours à découvert et visée? « Si vous évacuez quelqu’un,
Appréciez s’il vaut mieux la déplacer ou la laisser où elle est. vous risquez de le tuer; si vous
3. Agissez pour mettre la victime hors de danger ou pour supprimer le le laissez sur place, il mourra
danger. Si vous pouvez supprimer le danger - par exemple en boutant presque à coup sûr. Tel sera
le feu ou en convainquant le tireur de cesser le feu -, c’est d’autant parfois le choix que vous devrez
mieux. Il vaut mieux ne pas déplacer un blessé avant de l’avoir stabi- faire. »
lisé, mais vous pouvez être amené à opter pour la solution la moins Paul Brown, directeur médical, AKE
pire. training

73
Chapitre 5
L’aide médicale d’urgence

4. Utilisez vos compétences et vos connaissances pour stabiliser toutes


les conditions dangereuses; amenez ensuite la victime dans un centre
médical le plus vite possible. Ce que vous ferez pour elle dépendra du
temps qu’il faudra pour atteindre une aide professionnelle.

Examiner la victime
Si possible, portez des gants quand vous touchez un blessé. Il doit toujo-
urs y en avoir une paire dans votre kit de secours.
Ramenez la tête vers l’arrière de sorte
que la mâchoire forme un angle droit Voici un moyen mnémotechnique simple:
avec le sol afin d’ouvrir les voies respi- Dr ABC
ratoires. Photos: Rob Judges
« Si le blessé vous répond, c’est D = Danger – Voir les points 1-4 ci-dessus.
que ses voies respiratoires sont r = Réponse: Parlez à la victime. Vos deux objectifs consistent
dégagées. S’il crie, ses voies à découvrir ce qu’elle peut vous dire sur son état et à la récon-
respiratoires sont en excellent forter. Si le patient est conscient, demandez-lui où il a mal. Si
état. Celui dont il faut s’inquiéter, ses dires ne correspondent pas à ce que vous voyez, il y a peut-
c’est celui qui reste calme dans être des blessures non visibles. Si la victime a froid alors que la
un coin, qui n’appelle pas au température ambiante ne l’explique pas, elle peut présenter une
secours. » hémorragie. Rassurez sans cesse le patient. Convainquez-le que
Paul Brown, Medical Director, vous savez ce que vous faites, que tout ira bien et qu’ils vous aid-
AKE training eront en restant éveillé et en coopérant. Dans les cas extrêmes,
le réconfort sera la seule chose que vous pourrez offrir. Faites-
le quand même. Même si une victime semble ne pas répondre,
continuez à la réconforter en procédant aux vérifications. Une
victime peut être semi-consciente (réponse limitée à la voix ou à
la douleur) ou inconsciente (pas de réponse). L’ouïe est le dernier
sens qui s’évanouit, et la victime peut donc comprendre ce que
vous dites.
A = Breathing (respiration): Si le patient ne respire pas alors que
les voies respiratoires sont dégagées, le cœur bat peut-être de
Un respirateur Guedeal aidera une vic- manière irrégulière ou s’est peut-être arrêté. Tentez un massage
time inconsciente à respirer. cardiaque. Le nombre normal de respirations est de 16-18 par
minute, mais il est susceptible d’atteindre les 20 en raison de l’état
d’énervement du patient. Une respiration superficielle et rapide
peut être le signe d’une perforation d’un poumon ou d’un « choc
hypovolémique », résultant d’une diminution de la masse sanguine.
Le massage cardiaque, également appelé « bouche-à-bouche »,
consiste à insuffler de l’air dans les poumons et à faire des mou-
vements de compression de la poitrine (voir les photos en page
précédente). Soufflez deux fois dans la bouche en tenant le nez

74
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

 Le massage cardiaque
est également connu sous
l’appellation de « bouche-à-
bouche ».

 Placez la victime sur une


surface solide.

 Soufflez deux fois dans sa


bouche en lui maintenant le
nez fermé.

 Trouvez le point de
compression, situé deux
doigts plus haut que le bas
du sternum.

Le massage cardiaque:
 Croisez les paumes des
En haut: agenouillez-vous à côté de la victime, les
mains au-dessus du cœur
mains croisées sur sa poitrine.
et faites 15 mouvements de
En haut à droite: trouvez le bon endroit sur la
pompage bien appuyés.
poitrine.
À droite: la bonne position des mains lors des 15
 Répétez la séquence de
mouvements de pompage.
deux respirations suivies
En bas: maintenez le nez fermé pendant que vous
de 15 pompages aussi
soufflez dans la bouche de la victime.
Photos: Rob Judges longtemps qu’il y reste de
l’espoir.

75
Chapitre 5
L’aide médicale d’urgence

POURQUOI UNE VICTIME fermé et procédez à 15 mouvements de pompage bien appuyés,


CESSE DE RESPIRER les paumes croisées au-dessus du cœur. Répétez cette séquence
Les cinq principales raisons pour de deux respirations suivies de 15 pompages aussi longtemps
lesquelles un blessé peut cesser qu’il reste de l’espoir. Le massage cardiaque permet de réanimer
de respirer sont: environ 10% des personnes dont le cœur s’est arrêté; un profes-
 une obstruction des voies sionnel paramédical qualifié disposant d’une machine de défibril-
respiratoires, lation peut atteindre un taux de réussite de 50%.
 une attaque cardiaque, C = Circulation: Si le patient respire, le cœur doit envoyer du sang
 un choc électrique, dans tout le corps. Si le pouls est faible ou irrégulier, cela indique
 l’inhalation de gaz ou de fumées, un problème de rythme cardiaque ou de circulation. Le pouls
 la noyade. peut être pris là où une artère est proche de la surface. Les meil-
leurs endroits sont le cou (sur le côté, en dessous de la mâchoire),
le poignet et l’intérieur du coude ou du genou. Évaluez la force
du pouls et son rythme. Le pouls normal est de 60 à 90 pulsa-
tions par minute. Il ralentira au repos et s’accélérera en état
d’agitation ou d’énervement. Un pouls rapide et faible peut
être le signe d’une hémorragie importante, alors qu’un pouls
irrégulier indique quelque chose de mauvais. Prenez le pouls près
du membre touché afin de vérifier l’alimentation en sang de ce
membre.

Lors de ces vérifications et du traitement d’urgence subséquent, veil-


lez à noter tout ce que vous faites, y compris l’heure, l’état de la victime
(pouls, respiration, etc.), les actions menées et les médicaments adminis-
trés.

PRENDRE LE POULS
Le meilleur endroit pour prendre le
pouls est sur le cou.
Mettez quatre doigts à plat sur le
lieu de relevé.
N’utilisez pas votre pouce, vous
pourriez confondre avec votre
propre pouls.
Photo: Rob Judges

76
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Notez l’état de la victime


Utilisez un simple croquis d’un corps pour indiquer les blessures ou
brûlures. Notez l’heure à laquelle un garrot a été posé. Si vous faites par-
tie d’un groupe, affectez une personne à ce rôle. Ces notes doivent rester  Consignez
la victime et l’accompagner lors de son transfert. ce que
Contrôlez l’état de la victime toutes les 15 minutes et relevez si elle est vous faites,
alerte, somnolente, semi-consciente ou inconsciente. et à quelle
Quand la victime est transférée à l’hôpital, etc., envoyez avec elle heure.
quelqu’un qui peut raconter à l’équipe médicale ce qui s’est passé et ce
qui a été fait. Veillez à ce que les notes suivent le patient. Elles aideront  Contrôlez
l’équipe médicale à décider de la suite des opérations. l’état de
Utilisez un croquis la victime
simple pour indiquer les toutes les
Les blessures pénétrantes blessures ou brûlures.
15 minutes.
Les fractures majeures et les blessures pénétrantes sont des événements
dangereux qui découlent souvent d’accidents de la circulation ou de bles-  Assurez-
sures par balle ou par éclat. La cause de décès la plus répandue est la perte vous que
de sang. Le traitement d’urgence le plus important consiste à arrêter les notes
l’hémorragie et à immobiliser les membres fracturés.
Lors de l’examen initial de la victime, contrôlez les blessures
pénétrantes. Vérifiez bien qu’une plaie apparente ne masque pas une bles-
sure moins évident mais potentiellement plus dangereuse. Cherchez les
taches humides foncées sur les vêtements et veillez à vérifiez la couche Dessins: AKE Ltd
la plus intérieure. Les hémorragies internes sont dangereuses. Un bassin
ou un fémur (os de la cuisse) fracturé peut perdre jusqu’à deux litres de
sang.
Si une victime ne risque rien à être laissée comme elle est, ne la
déplacez pas avant de vous être assuré qu’elle ne souffre pas de fracture
de la colonne vertébrale. Demandez à une victime conscient de bouger
les orteils et vérifiez qu’elle sent quand vous lui chatouillez les pieds. Une
victime semi-consciente réagira à la douleur ou à la voix. Grattez-la au
sternum ou pincez-la pour voir si elle répond.
Si un patient est inconscient, agissez comme s’il souffrait d’une fracture
de la colonne et déplacez-le uniquement quand vous avez immobilisé son
cou et l’avez placé sur une civière (voir ci-dessous).
Lors de l’examen initial, utilisez vos mains (gantées) autant que vos
yeux. Passez en revue la tête, le corps et les jambes, en vérifiant la réac-
tion à la douleur qui pourrait indiquer les fractures ou blessures internes.
Coupez les vêtements entravant votre vision mais faites attention à ne
pas retirer un tissu recouvrant une blessure qui ne saigne pas, ce qui
relancerait l’hémorragie.

77
Chapitre 5
L’aide médicale d’urgence

Arrêter l’hémorragie
Une des tâches les plus urgentes consiste à arrêter l’hémorragie.
Le principe est d’appliquer une pression sur la blessure suffisamment
longtemps pour que le sang coagule. Cela devrait prendre environ dix
minutes. Votre kit médical doit contenir de grands bandages stériles. Il
n’y a d’ailleurs aucune raison d’emporter de petits bandages. Ouvrez le
pansement et appliquez-le sur la plaie avec les deux mains, en appuyant
de tout votre poids pendant un minimum de dix minutes. Votre but est
d’arrêter l’hémorragie, pas de couvrir la blessure. Ne retirez pas le band-
age parce que cela briserait la croûte. Laissez-le en place. Si le sang passe
à travers le pansement, le processus n’a pas fonctionné et vous devez
recommencer. Si possible, élevez le membre pour réduire la pression san-
guine à l’endroit de la blessure.
Après avoir arrêté l’hémorragie, élevez  Dans le cas d’une blessure ouverte de grande taille, par exemple
le membre de sorte à réduire la pression causée par un fusil de chasse ou une explosion, emballez la blessure
sanguine à l’endroit de la blessure. avec des bandages et appliquez une pression sur la surface.
 Laissez le pansement en place afin d’arrêter l’hémorragie et de
réduire les risques d’infection. Les balles et éclats ne sont pas stériles
et peuvent infecter une blessure. Assurez-vous que les pansements
que vous emportez résistent à l’eau.

Il y a d’autres méthodes pour arrêter une hémorragie. Une d’entre elles


consiste à appliquer une pression là où les grandes artères croisent le
squelette, comme à la clavicule. Ici aussi, la pression doit être maintenue
pendant dix minutes. Une autre consiste à poser un garrot, ce qui est la
Si vous ne parvenez pas à arrêter solution la plus adaptée quand la blessure touche un membre. Le garrot
l’hémorragie avant de déplacer la vic- (généralement une ceinture, une sangle ou un tissu serré afin d’arrêter le
time et n’avez pas accès à un gar- flux de sang) est appliqué en amont de l’articulation au-dessus de la bles-
rot adapté, improvisez-en un avec une sure. Si la plaie est située à l’avant-bras, le garrot sera posé au-dessus du
ceinture ou - comme illustré ici - un coude; si la victime souffre d’une blessure au pied, le garrot sera placé au-
tissu et un stylo. dessus du genou. Posez le garrot en passant la sangle autour du membre
La sangle du garrot doit faire entre 2,5 et en utilisant un bâton pour le serrer jusqu’à ce que l’hémorragie cesse.
et 5 cm de largeur. Vous pouvez improviser un garrot avec une ceinture. Si vous n’avez
pas de bâton, utilisez un stylo pour le serrer. La sangle doit faire entre
Photos: Rob Judges 2,5 et 5 cm de largeur afin de ne pas causer de dommages à l’endroit où
elle est serrée.
Une fois que vous êtes parvenu à arrêter l’hémorragie, vous privez
le membre d’oxygène. Cela entraînera des dommages si le garrot est
laissé en place trop longtemps. Notez l’heure à laquelle il est appliqué et
desserrez progressivement le garrot après 15-20 minutes pendant deux
à trois minutes. Si la blessure recommence à saigner, remettez le garrot

78
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

et notez de nouveau l’heure. En règle générale, n’utilisez un garrot que POSER UN GARROT
si vous n’avez pas d’autre solution ou si vous êtes submergé de victimes  Utilisez un garrot pour arrêter
et devez en mettre quelques-unes en attente. Quoi qu’il en soit, si vous l’hémorragie quand une victime
devez retirer quelqu’un d’une situation dangereuse et savez que vous doit être déplacée rapidement
pourrez mieux l’aider dans quelques minutes, un garrot peut constituer ou quand d’autres méthodes ont
le premier choix. échoué.
Une baisse de tension est un signe d’hémorragie. La tension artérielle  Serrez une ceinture, une sangle
est relevée en deux fois: lors de la prise du pouls et au repos. Le chiffre le ou un tissu large en amont de
plus élevé (pouls) doit tourner autour de 100 plus l’âge de la victime, et l’articulation située au-dessus de
le plus bas entre 60 et 80. Si la valeur au repos dépasse 100, il y a peut- la blessure.
être une hémorragie interne. Vous ne disposerez probablement pas de  Vous pouvez improviser un
l’équipement pour prendre la tension, mais il existe un bon test basique. garrot et utiliser un stylo pour le
Poussez sur l’ongle du pouce de la victime jusqu’à ce qu’il devienne blanc serrer.
et relâchez la pression. S’il redevient rapidement rose, la tension est  Assurez-vous que la sangle fait
bonne. S’il reste blanc pendant quelques secondes, il y a un problème. entre 2,5 et 5 cm de largeur.
Chez les individus à la peau blanche, un léger bleuissement des lèvres ou  Desserrez lentement le garrot
des lobes des oreilles (cyanose) est un signe de baisse de la tension. Chez après 15-20 minutes.
les individus à la peau foncée, les lèvres et les lobes tireront sur le gris.  Même si l’hémorragie ne cesse
pas, n’appliquez pas un garrot
pendant plus 20 minutes sans
Les blessures aux poumons interruption.
Une blessure par balle ou une autre perforation du poumon entraînera  Notez ce que vous avez fait, et à
une fuite d’air, comprimera le poumon et augmentera finalement la pres- quelle heure.
sion sur le cœur. Si vous pouvez voir la plaie, coupez un carré de 6 cm de
côté de matériau imperméable à l’air et collez-le sur trois côtés de la bles-
sure, en laissant le bas ouvert. Cette « valve flottante » aura tendance à se
fermer quand la victime inspire et à s’ouvrir quand elle expire. Une bande
Beta Cam peut être utilisée pour fixer le matériau. Mettez la victime en
position semi-assise.

L’examen approfondi Une valve flottante sert à couvrir une


Une fois que vous avez endigué le flux de sang, vous aurez du temps pour plaie causant une perforation du pou-
un examen approfondi de la victime. Cette fois, examinez de plus près la mon. La valve plastique improvisée est
tête et le corps (tout en veillant à ne pas perturber un traitement déjà maintenue en position par un ruban
administré). Parcourez le cuir chevelu pour détecter les bosses et renfon- autocollant posé sur trois côtés. Le bas
cements inhabituels indiquant une fracture. Contrôlez les oreilles: une est laissé ouvert.
perte de liquide dans les oreilles peut être le signe d’une blessure au crâne. Photo: Rob Judges

Vérifiez que les mâchoires se ferment et que les membres bougent libre-
ment et normalement. Pliez le pied et poussez les orteils vers le corps et
demandez au blessé de résister à la pression. Faites attention aux mou-

79
Chapitre 5
L’aide médicale d’urgence

vements instinctifs de protection de certaines parties du corps pouvant


indiquer une fracture ou une autre blessure non visible. Si la victime sent
que vous lui pincez le pied, sa moelle épinière est intacte.

La position de récupération
Si une victime est inconsciente, semi-consciente ou somnolente, laissez-
la en position de récupération, sur le côté, un bras tendu vers le haut et
La position de récupération: roulez la une jambe pliée de sorte qu’elle ne roule pas. Cette position maintiendra
victime sur le côté. Placez une de ses les voies respiratoires ouvertes et empêchera la victime d’étouffer si elle
mains sous la tête et tirez l’autre sur le vomit.
côté. La tête de la victime doit reposer
sur la paume de sa main.
Les antidouleurs
Prenez les antidouleurs que vous avez sous la main. Veillez à emporter les
antidouleurs les plus forts que vous puissiez obtenir, mais assurez-vous
qu’ils sont légaux dans le pays où vous travaillez. Réduisez les comprimés
en poudre, mélangez cette poudre dans de l’eau, remuez autour de la
langue et avalez.
Ayez dans votre kit de secours une lettre du médecin nommant les
médicaments que vous emportez et confirmant que ceux-ci sont adaptés
aux urgences. Plus la lettre semblera officielle, mieux ce sera.
L’alcool n’est pas recommandé aux victimes parce qu’il dilate la circu-
lation périphérique et encourage l’hémorragie. En revanche, il fait un bon
antiseptique d’urgence.

Les balles et les projectiles


Vous ne pourrez probablement pas retirer une balle ou un éclat de la bles-
sure. Si un projectile en bois (par exemple, un grand éclat) transperce la
victime, il vaut généralement mieux le laisser en place.
Pliez la jambe du dessus et passez le
pied au-dessus de l’autre jambe.
Photos: Rob Judges Les fractures
Une fracture est un fragment, un craquement ou une cassure d’un os.
Une fracture fermée (simple) est interne. Une fracture ouverte (multiple)
consiste en un os sortant de la peau ou en une blessure atteignant le lieu
de la fracture. Les fractures complexes peuvent interférer avec un organe
interne, causer une hémorragie interne ou endommager les structures
nerveuses. La douleur, la morbidité, la perte de mobilité, les mouvements
anormaux, une déformation, un gonflement et/ou un renfoncement

80
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

peuvent être un signe de fracture


cachée.
Si possible, il faut immobiliser
et stabiliser les fractures d’os de
grande taille avant de déplacer la
victime. Les articulations au-dessus
en en dessous de la fracture doivent
être immobilisées. Si vous suspectez
une fracture du cou ou de la col- Une minerve (en haut) protégera le cou
onne vertébrale (ou si le patient est contre les mouvements. De nombreux
inconscient, posez la minerve qui kits médicaux contiennent une minerve
se trouve dans votre kit de secours. toute faite (à gauche). Si ce n’est pas le
Cela empêchera le cou de bouger. Si cas, faites-en une en utilisant un jour-
vous n’avez pas de minerve, pliez un nal de grand format (en bas).
journal (de grand format) en quatre
et enroulez-le autour du cou.
En cas de fractures ouvertes aux
membres majeurs, décidez s’il est
préférable de les immobiliser tels
qu’ils sont ou de les remettre en
place d’abord. Un membre fracturé
doit être élevé afin de prévenir une
pression sanguine excessive. Utilisez
des bandages pour serrer les mem-
bres supérieurs (bras et épaules)
dans une attelle. Si vous n’avez pas
de bandage triangulaire pour tenir
le bras en écharpe autour de la poi-
trine, déchirez-en un d’une chemise.
Une attelle maintient la
jambe immobile afin de prévenir
l’aggravation de la blessure. Elle
doit s’étendre au-delà des articula-
tions en amont et en aval. Si la
fracture est située dans le bas de
la jambe, l’attelle doit aller du pied
au mollet. Si elle touche le haut de Les « fracstraps » peuvent être modelées
la jambe, posez l’attelle depuis en pour former une attelle. Si vous n’en
dessous du genou jusqu’au-dessus avez pas, improvisez une attelle avec un
de la hanche. Un kit de secours com- manche à balai ou un pied de caméra.
plet contient des « fracstraps » ou Photos: Rob Judges

81
Chapitre 5
L’aide médicale d’urgence

des « Sam-splints », des attelles


flexibles qui peuvent être mod-
elées à la forme du membre
et serrées de sorte à créer un
support immobile. Cependant,
on peut improviser une attelle
avec un manche à balai, un pied
de caméra ou n’importe quoi
qui tiendra le membre rigide.
Adaptez-la pour la rendre la Lorsque vous immobilisez une jambe,
Une jambe peut être attachée à l’autre plus confortable et utilisez des passez un support flexible autour du
pour servir de support. Dans ce cas, la ceintures ou des vêtements pour pied pour ancrer l’attelle.
victime ne pourra plus marcher, mais la serrer dans la bonne position.
avec de l’aide. Une jambe peut constituer
une attelle de fortune pour
l’autre. Accrochez la jambe frac-
turée à la bonne et liez-les à au moins trois endroits. Gardez à l’esprit que
si vous attachez les jambes ensemble, la victime ne pourra pas marcher,
même avec votre aide, et devrez la porter sur une civière.
Si la victime ne peut pas marcher, placez une civière sur le sol et roulez
la victime sur le côté (deux ou plusieurs personnes agissant ensemble).
Tirez la civière sous le corps et ramenez la victime en position. La civière

Passez le bandage autour de la plan-


te du pied afin de serrer l’attelle et
d’empêcher le pied de plier.

Avec une jambe immobilisée de la sorte,


Une civière flexible peut être tendue et fournira un support ferme si plusieurs person- la victime peut marcher avec de l’aide.
nes le portent. Une civière peut être improvisée aux moyens de manches à balai ou de
barres passées par les manches de deux manteaux. Photos: Rob Judges

82
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

peut maintenant être tendue pour servir de plateforme sûre. Pour impro- IMPROVISER UNE ATTELLE
viser une civière, placez deux manteaux sur le sol, têtes placées dans les Improvisez une attelle avec
directions opposées. Passez une barre dans deux manches et une seconde n’importe quoi qui tiendra le
dans les deux autres. membre rigide. Sur la photo du
haut, l’attelle est une baguette
métallique. La photo du bas montre
L’évacuation du patient une attelle improvisée avec un pied
Une fois que la victime est stabilisée, évacuez-la vers un endroit plus sûr de caméra. Les deux attelles sont
et ensuite vers un hôpital ou une clinique. Accompagnez-la et rendez maintenues en place avec des
compte de tout ce que vous avez fait. La victime appréciera la présence ceintures.
d’un visage familier. Administrez-lui des antidouleurs et du plasma (pour Photos: Rob Judges
remplacer le sang perdu).

Les brûlures
Les brûlures peuvent être causées par une chaleur sèche (flammes
et explosions), une chaleur humide (ébouillantement), des produits
chimiques acides ou alcalins, un choc électrique, une friction (traction sur
le sol) ou les irradiations (ce qui sort de la portée du présent guide).
Les brûlures superficielles ne traversent pas tout le derme et sont
très douloureuses. Les brûlures profondes causent une carbonisation sur
toute la hauteur de la peau. Elles semblent très graves. Les terminai-
sons nerveuses sont détruites, mais la victime souffrira probablement
également de brûlures superficielles et aura mal. Les brûlures profondes
causent un gonflement interne qui peut bloquer les artères. Si 20% ou
plus du corps sont couverts de brûlures superficielles ou 10% de brûlures
profondes, la victime est en danger. Les personnes brûlées perdent du
plasma et peuvent subir un choc hypovolémique.

Réaction en cas de brûlures


La première priorité est d’empêcher les dégâts ultérieurs. Si quelqu’un
est en train de brûler, jetez-le sur le sol et enroulez-le pour éteindre
les flammes. Utilisez une couverture ou privez les flammes d’oxygène
d’une autre manière. Refroidissez ensuite la brûlure. Utilisez des draps
humides ou trempez la victime dans l’eau pendant dix minutes. Coupez
ses vêtements mais laissez les tissus qui adhèrent à la brûlure pour éviter
de causer plus de dégâts. La victime se plaindra peut-être d’avoir froid.
Faites-la boire de grandes quantités afin de remplacer le liquide perdu.
Préparez une solution de réhydratation en diluant une demi-cuillère à
café de sel et une demi-cuillère à café de levure dans un litre d’eau.
Immergez une brûlure par ébouillantement dans l’eau froide. Il faut au

83
Chapitre 5
L’aide médicale d’urgence

Bengt Stenvall et Stefan Borg pénétrèrent La formation médicale


à pied dans Goma le 2 novembre 1996.
Avec d’autres journalistes, ils s’arrêtèrent sauve des journalistes
pour interviewer des habitants, qui leur
dirent que la région était contrôlés par
suédois pris sous le feu
les rebelles tutsis.
Soudain, une grenade explosa. Ils se
Le caméraman Bengt Stenvall et le reporter Stefan Borg
retournèrent et coururent. Stefan atteignit
avaient participé à un cours sur la survie dans les régions
un côté de la route. Bengt et les autres
hostiles. Cinq mois plus tard, ils se rendirent au Zaïre pour
s’enfuirent de l’autre. Quand Bengt arriva
au coin, une sensation de brûlure le
couvrir le conflit.
parcourut. Il avait été atteint en dessous
du genou gauche, probablement par une
balle à haute vitesse tirée par un AK47.
Bengt continua à filmer alors que Stefan accourait vers lui. Les tirs ne cessant pas, les autres journalistes étaient
pétrifiés de peur, mais la formation suivie par Stefan et Bengt prit le relais. La transcription de la bande révèle le choc
subi par Stefan quand il vit que la balle était ressortie, laissant un trou de la moitié de la taille d’une balle de tennis et
arrachant des tissus. Il dit toutefois à Bengt: « Ce n’est pas grave. Je vais te soigner ça. » Malgré la douleur, Bengt put
parler pendant les soins. Stefan posa un garrot au-dessus du genou de Bengt et recouvrit la blessure de sortie. Bengt
et lui confirmèrent qu’ils devaient garder le garrot pendant 20 minutes.
Très exactement 3 minutes et 57 secondes après que Bengt eut été atteint, Stefan put lui dire: « Tu ne saignes plus.
» Ils se trouvaient toujours sous le feu et décidèrent de courir, laissant derrière eux le matériel non essentiel. Bengt
courut 50 mètres et s’écroula. Stefan et un autre journaliste l’aidèrent pour faire le reste du chemin. Les rebelles les
laissèrent passer.
À mi-chemin de la frontière, ils s’arrêtèrent pour poser un nouveau garrot. À la frontière, une ambulance les emmena
vers un hôpital local, où ils arrivèrent 35 minutes après l’incident. Stefan rapporta ce qu’il avait fait. Un chirurgien nettoya
la blessure. Le lendemain, Bengt fut emmené vers l’ambassade d’Allemagne à Kigali, où un médecin belge l’opéra. Un
avion sanitaire de Swissair le ramena en Suède, où il subit deux autres opérations. Il quitta l’hôpital le 13 décembre et
travaille désormais de nouveau.
Stefan Borg déclara: « Je pense que Bengt n’aurait pas survécu si je n’avais pas possédé les compétences acquises
lors du cours. Nous étions tous les deux mentalement préparés à une situation grave. Nous portions tous les deux à
la ceinture un sac contenant des bandages, des pansements, des seringues, des aiguilles et des gants. Nous avions
préparé les sacs le matin même. »
Bengt Stenvall ajouta: « L’incident de Goma prouve que la situation peut dégénérer radicalement en une seconde. Mon
évacuation fut un marathon pour tout le monde. J’étais totalement vidé à la moitié de la distance, sans doute à cause
de la perte de sang et du stress.
Ce n’est pas amusant de se faire tirer dessus. Mon conseil est le suivant: emportez des antidouleurs vraiment forts.
Stefan m’a sauvé la vie. Il l’aurait peut-être fait sans le cours, mais je suis personnellement convaincu que ce cours a
beaucoup contribué au résultat. » 

Source: AKE Ltd (témoignages de Borg et Stenvall).

84
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

moins dix minutes pour neutraliser l’effet de brûlure.


Pour les brûlures chimiques causées par les bases, les acides de batter-
ies, etc., retirez tous les vêtements contaminés et mouillez généreusement
la zone touchée pendant au moins dix minutes. Si vous disposez d’une
solution anti-brûlures CAP, utilisez-la pour neutraliser les acides ou les
bases.

L’hypothermie et les coups de chaleur.


Loin de leur base, dans un environnement ou climat peut-être étranger,
les journalistes en mission courent des risques liés aux conditions
météorologiques, en particulier s’ils ne sont pas préparés. L’hypothermie
est la condition où la température du corps descend sous le niveau nor-
mal. Elle affecte non seulement les capacités physiques, mais aussi intel-
lectuelles.
Les signes laissant à penser qu’une personne souffre d’hypothermie sont
des tremblements prolongés, la pâleur et les changements de personnal-
ité, y compris l’absence de réponse et l’attitude de retrait. Il peut y avoir
de brusques accès d’énergie. Si ces symptômes persistent et les tremble-
ments cessent, la personne est proche de l’évanouissement, du coma, voire
de la mort.
Votre objectif doit être d’assurer que la victime reste au sec et au chaud Le coup de chaleur
et a de quoi boire et manger. Retirez-lui les vêtements humides et rem- se produit rapidement
placez-les par des secs. Mettez la Pouls lent
victime dans un sac de couchage ou L’épuisement Température > 40 °C
un dispositif similaire et ajoutez une se produit petit à petit Couleur (type
bouillotte (attention aux ébouillante- Pouls rapide et faible caucasien) légèrement
ments!). Si cela s’avère impossible, Température légèrement rouge
utilisez le système du copain, c’est-à- augmentation Peau chaude et sèche
dire, entrez dans le sac de couchage Couleur (type État semi-conscient
avec elle et réchauffez-la contre vous. caucasien) pâle ou inconscient
Si vous parvenez à en rire, la situa- Peau humide Traitement:
tion n’est pas encore totalement dés- État semi-conscient ou Cherchez l’ombre.
espérée. conscient Retirez les vêtements.
Contrôlez les signes vitaux et, si la Traitement: Éventez la victime.
victime est consciente, donnez-lui des Remplacez les liquides. Réduisez la température au
aliments à haute teneur en hydrates Donnez une solution orale de moyen de tissus humides.
de carbone et des boissons chaudes. réhydratation (diluez une pincée Si le corps atteint 40 °C,
Recevoir suffisamment à manger et à de sel et une cuillère de sucre le système de régulation
boire est primordial en cas de froid, dans un litre d’eau). commence à flancher. À 43 °C,
et peu importe en général que les Buvez peu et souvent. le patient risque de mourir.

85
Chapitre 5
L’aide médicale d’urgence

aliments soient chauds ou froids, même si la nourriture et les boissons


chaudes apportent plus de réconfort.
Dans des conditions de chaleur ou d’aridité extrêmes, vous risquez
l’épuisement en raison de la perte de liquide et de se, ou encore le coup
de chaleur, quand le cerveau ne parvient plus à réguler la température du
corps. Une personne atteinte d’épuisement transpirera beaucoup. La peau
d’une victime d’un coup de chaleur sera généralement chaude et sèche.
Dans des conditions extrêmes, soyez attentifs aux signes de perte
d’intérêt de vos collègues pour leur état physique.
Par temps froid, le manque de ressort, la perte de moral et l’absence
d’intérêt pour les événements des alentours peuvent être des signes de
début d’hypothermie.
Le mal de l’altitude
Certains journalistes débarquant pour couvrir le conflit au Cachemire
présentèrent les symptômes du mal de l’altitude. Le mal de l’altitude ou
mal aigu des montagnes (MAM) est la conséquence d’un voyage au-delà
de 2 500 mètres sans acclimatation. Le corps finit par s’habituer à la dimi-
nution de la densité de l’air et de la quantité d’oxygène. La plupart des
gens remarquent une respiration rapide (hyperventilation), le manque de
souffle pendant l’exercice, une mixtion fréquente, en particulier la nuit,
une modification du schéma de respiration la nuit et des rêves éveillés.
Le mal de l’altitude consiste en un mal de tête accompagné d’un ou plus-
ieurs autres symptômes, parmi lesquels le manque d’appétit, des nausées
et des vomissements, la fatigue ou la faiblesse, le vertige, les troubles du
sommeil et une démarche chancelante. Si vous ne montez pas plus haut,
Pour en savoir plus sur le mal de cela devrait passer en quelques jours. Si vous montez plus haut alors que
l’altitude: http://www.high-altitude- vous présentez ces symptômes, vous risquez une des deux formes dan-
medicine.com gereuses de MAM.
L’œdème cérébral de haute altitude (COHA) peut être mortel en quelques
heures. Il est accompagné de confusion mentale et d’incapacité à marcher
en ligne droite, comme en cas d’ébriété.
L’œdème pulmonaire de haute altitude (OPHA) est dû à la présence de
liquide dans les poumons. Parmi les symptômes, citons: l’épuisement, le
manque de souffle, la toux (parfois avec des glaires mousseux ou roses),
une respiration gazouillante ou râlante, une sensation d’oppression dans
la poitrine et des lèvres et ongles bleus ou gris (cyanose).
L’OCHA et l’OPHA doivent être traités par une descente immédiate.
Les deux sont très dangereux. Accompagnez la victime vers une altitude
moins élevée. Ne la laissez pas seule.
Quand vous voyagez en altitude, évitez l’alcool, les somnifères et les
narcotiques. L’acétazolamide peut aider les personnes atteintes de mal de

86
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

l’altitude à s’acclimater plus rapidement.

Les morsures de serpent


Dans le cadre de votre préparation, vérifiez si l’on trouve des serpents
venimeux dans la région. La plupart des serpents ne sont pas venimeux
et préfèrent fuir le danger et se cacher. Ils ne mordent que quand ils ont
peur, se sentent acculés ou se font marcher dessus. Le seul traitement effi-
cace contre les morsures de serpent consiste à administrer à la victime un
sérum le plus vite possible. Si vous travaillez dans des régions reculées,
emportez le sérum approprié et sachez comment l’administrer. Si vous
n’en avez pas, ne sucez pas le venin et n’incisez pas la morsure. Le but
doit être d’empêcher le venin de se répandre pendant que la victime est
évacuée vers un endroit où du sérum est disponible. Gardez la victime
calme. Placez-la à plat et limitez ses mouvements le plus possible. Essayez
de garder le membre juste au-dessus du niveau du cœur. Posez un grand
bandage en crêpe autour du membre, en commençant à la morsure et en
remontant. Le bandage doit être serré comme dans le cas d’une entorse,
MAIS PAS comme un garrot. L’objectif consiste à limiter le flux de sang,
pas à l’arrêter. Placez une attelle sur le membre bandé pour le maintenir
le plus rigide possible. Essayez de garder la victime calme quand vous la
déplacez. Moins elle fera d’efforts, mieux ce sera. Ne retirez pas l’attelle
ni le bandage avant que du sérum n’ait été administré. 

87
Et quand tout est fini, les
problèmes commencent...
Chapitre 6
 Les individus qui survivent à
des événements horribles sont Le stress post-
traumatique
tous affectés d’une manière ou
l’autre, même les journalistes.
 Certains présentent des

L
réactions à court terme, qui
es personnes qui survivent à des événements horribles n’en res-
s’estompent quand ils évoquent
sortent inévitablement pas intactes. Les journalistes sont sus-
les faits avec des collègues ou
ceptibles de photographier, de filmer ou de relater des faits dans
la famille.
lesquels des individus sont blessés ou tués et où ils sont incapables de les
 D’autres ont besoin de plus
sauver. Personne ne reste sans réaction à la vision d’êtres humains terror-
d’aide, en particulier quand
isés, blessés ou tués. En outre, les journalistes peuvent courir des risques
les sentiments d’inutilité et de
personnels et avoir peur. La plupart des gens « font avec » les événements
crainte ont disparu.
qu’ils traversent et se remettent finalement. Certains affichent des réac-
 Environ 25% des journalistes
tions à court terme, comme une perception accrue du danger ou une hyper-
possédant une grande
sensibilité au bruit soudain. D’autres pe uvent devenir insensibles à la mort
expérience des conflits et des
et à la souffrance. D’autres encore rencontrent des problèmes à long terme
guerres souffrent de trouble de
qui perturbent leur vie.
stress post-traumatique (TSPT).
Les journalistes qui couvrent les guerres et conflits peuvent certes
 Il faut modifier la culture
prendre une certaine distance en se disant qu’ils ont un travail à accom-
machiste qui pousse les
plir et en reposant sur leurs aptitudes personnelles à affronter certains
journalistes à essayer de s’en
faits. Cependant, on attend d’eux qu’ils relatent les horreurs également.
sortir tout seuls.
Les photographes et caméramans passent parfois du temps à analyser les
 Les journalistes doivent être
meilleurs angles de vue pour bien saisir les individus apeurés, morts ou
« débriefés » après les missions
agonisants. Aucun reporter de guerre ne peut se dire totalement insensible.
dangereuses.
C’est probablement vrai aussi pour ceux qui relatent les accidents de train
 L’accès volontaire aux conseils
ou d’avion, les crimes horribles ou les longs procès pour meurtre. En temps
indépendants et qualifiés doit
de guerre, les journalistes qui ne peuvent pas quitter une zone de conflit
être promu.
parce qu’ils font partie de la communauté concernée sont particulièrement
 Les journalistes affichant des
susceptibles d’être affectés.
symptômes doivent bénéficier
Si des réseaux de soutien sont en place depuis longtemps pour les
d’un accès facilité au traitement.
policiers ou les pompiers, plusieurs facteurs empêchent les journalistes
 Les journalistes doivent savoir
de reconnaître et de traiter les traumatismes. Trop souvent, la bravade
qu’ils ne perdront pas leur
pousse les journalistes à croire qu’ils peuvent affronter n’importe quelle
place, leurs chances et leur
catastrophe et que les sentiments personnels ne doivent pas s’immiscer
prestige.
dans le travail.
 Les journalistes locaux et
Les journalistes rechignent également à faire glisser l’attention des
indépendants courent le risque
individus dont la vie est anéantie ou perturbée par un conflit vers ceux qui
d’être laissés sans aide.
en parlent. Les journalistes et preneurs de vues entendent rapporter une

88
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

histoire et ne veulent pas se voir comme faisant partie de cette histoire,


comme des victimes.
Le BBC World Service et la branche européenne du Dart Center for
Journalism and Trauma, basé aux États-Unis, ont organisé en janvier 2002
à Londres une conférence intitulée « Émotions, traumatisme et bon jour-
nalisme ». Parmi les orateurs figurait Wilma Goudappel, une journaliste
blessée en Albanie à la fin des années 1990, qui s’occupe maintenant de
formation à la gestion du stress post-traumatique pour l’association bri-
tannique Centurion Risk Assessment Services. Elle pense qu’il est difficile
pour les journalistes de reconnaître la mauvaise humeur ou la dépression
post-traumatiques: « Les journalistes craignent que le seul fait d’envisager
une action, qu’il s’agisse de suivre une thérapie ou de refuser une mission,
les mette sur la touche, entrave leur carrière. »
Ces vingt dernières années, on assiste à une augmentation des cas de
DES SYMPTÔMES QUI
trouble de stress post-traumatique (TSPT) chez les personnes qui ont sur-
AFFECTENT LA VIE
vécu à des événements horribles et le personnel d’intervention d’urgence.
QUOTIDIENNE
Récemment, il a été reconnu que les reporters, photographes et caméra-
 Retours involontaires sur les
mans pouvaient eux aussi souffrir de troubles similaires, accompagnés de
événements.
symptômes qui empêchent de mener une vie normale (voir ci-contre). Un
 Surabondance de sentiments
journaliste peut très bien ne commencer à présenter ces réactions qu’après
de fureur, d’impuissance, de
que la fin du conflit ou après avoir quitté la région, quand le besoin de faire
chagrin ou de culpabilité.
son travail a disparu et quand il est submergé par ses sentiments cachés.
 Cauchemars à répétition.
Les symptômes sont souvent à court-terme, et on ne parle de trouble
 Refus de penser aux incidents
de stress post-traumatique que si des symptômes inquiétants persistent
les plus dérangeants.
pendant plus d’un mois. Un « trouble » suggère que la réaction humaine
 Impatience vis-à-vis de la
naturelle a disparu et que les blessures psychologiques ne guérissent pas.
vie sociale ou familiale «
Les symptômes durant moins longtemps sont parfois appelés « trouble de
normale ».
stress aigu ».
 Hébétude émotionnelle.
Gabrielle Rifkind, psychothérapeute à l’Institute of Group Analysis, a
 Perte de désir sexuel.
déclaré lors de la même conférence de Londres que les journalistes doivent
 Difficultés de concentration.
souvent réprimer leurs sentiments quand ils travaillent. « Nous voyons
des choses horribles qui nous affectent, mais décidons que ce n’est pas le
moment d’y penser. Bien sûr, la nature du travail de journaliste alimente
cette attitude parce qu’il y a des délais à respecter... Le seul problème, c’est
qu’en fin de compte, ces pensées peuvent vous rattraper. Et quand vous
commencez soudain à être pris d’accès de panique, à souffrir de terribles
maux de tête ou même à présenter des symptômes physiques qui ne sem-
blent pas liés, cela vous entraîne dans un monde où vous ne comprenez pas
ce qui vous arrive. »
L’expérience seule ne semble pas protéger contre ces réactions. En effet,
on sait maintenant que les reporters et travailleurs des médias plus expéri-

89
Chapitre 6
Le stress post-traumatique

mentés courent de plus grands risques. Jeremy Bowen, correspondant pour


« J’aurais voulu la BBC pendant 15 ans, a couvert une douzaine de guerres et de conflits.
échanger nos Lors de la conférence, il a expliqué comment il a finalement craqué.
places et être « Le changement qualitatif s’est déroulé au Liban, lors du retrait israél-
ien. Un collègue et ami a été tué sous mes yeux par l’armée israélienne. Il
mort »
« J’ai reçu comme un coup
se trouvait dans sa voiture quand celle-ci a été touchée par un obus de char.
de masse quand la personne J’étais tout près. Je suis resté sur place pendant quelques heures, incapable
avec qui je travaillais a été tuée de m’en aller. C’était horrible. Ce fut le pire jour de mon existence.
et pas moi. Je ne savais pas Par la suite, ma réaction a changé par rapport aux conflits précédents.
comment réagir. Je présentais certains des symptômes classiques du stress. Je faisais des
J’ai pensé que c’était ma faute cauchemars. J’étais hyper-vigilant. J’ai découvert plus tard de quoi il
et j’étais convaincu que tout le s’agissait. Je pensais sans cesse que quelque chose allait me tomber dessus
monde pensait la même chose. et je sursautais au moindre bruit. J’étais au courant de l’existence du service
J’aurais voulu échanger les de conseil de la BBC. Je m’y suis rendu et cela me fut vraiment utile. Je n’ai
places et être mort.
suivi qu’une seule longue séance et j’ai parlé au conseiller au téléphone. Il
J’avais entendu parler du
m’a affirmé que ma réaction était normale et que je ne devais m’inquiéter
trouble de stress post-
que si cela continuait. Cela m’a été utile. Ce n’était pas la panacée, mais cela
traumatique, mais je croyais
que c’était une excuse. Cela
m’a été utile. »
a été une expérience horrible Une enquête commandée par le Freedom Forum à l’Université de
et j’ai commencé à devenir Toronto indique que les correspondants internationaux qui couvrent les
lunatique et paranoïaque, à guerres et conflits courent presque autant de risques de développer un
présenter des troubles du TSPT que les vétérans de l’armée. Le Dr Anthony Feinstein et son équipe
comportement social et à être ont comparé 140 journalistes de guerre travaillant pour des médias nord-
incapable de travailler. La raison américains ou internationaux et un groupe de contrôle de 69 journalistes
était que j’avais survécu. La actifs dans d’autres domaines. Ils leur ont posé des questions sur leurs
seule manière de m’en sortir sentiments de tristesse, leur manque de goût, leur perte d’estime de soi et
consistait à demander de l’aide.
leurs pensées suicidaires. Ils les ont également interrogés sur la mesure
C’est un de mes chefs - une
dans laquelle les journalistes:
femme - qui¬ m’a dit que j’étais
 revivent les événements traumatisants à travers les rêves, flashbacks ou
dans un drôle d’état et qu’elle
avait pris rendez-vous pour autres souvenirs intrusifs et souvent malvenus,
moi. »  évitent ce qui les fait penser au traumatisme subi,
  souffrent d’affections physiologiques telles qu’augmentation du rythme
cardiaque, sueurs ou angoisses.
Allan Little, journaliste à
la BBC, enquête 2001 du L’équipe a relevé:
Freedom Forum  que les journalistes de guerre étaient trois fois plus susceptibles de
souffrir de symptômes de stress post-traumatique que le groupe de
contrôle,
 qu’un taux étonnant de 53% d’entre eux étaient célibataires ou divorcés,
ce qui constitue une différence énorme avec le groupe de contrôle,
 qu’ils buvaient plus que le groupe de contrôle (deux fois plus pour les
hommes et cinq fois plus pour les femmes),

90
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

 une utilisation accrue de drogues récréatives chez les correspondants de


guerre,
 que les journalistes de guerre souffraient beaucoup plus de dépression
que ceux du groupe de contrôle et qu’ils reconnaissaient eux-mêmes
présenter de plus grands dysfonctionnements sur le plan social.

Le Dr Feinstein et son équipe ont conclu que les journalistes quo opèrent
régulièrement dans des zones de conflit ont plus d’une chance sur quatre de
souffrir de TSPT à un moment ou l’autre. C’est plus de deux fois l’incidence
de la maladie chez les policiers et à peine moins que chez les vétérans de
l’armée.
Le Dr Feinstein reconnaît que la plupart ne souffrent pas de problèmes
à long terme: « Notre étude n’était pas une tentative de pathologiser une
industrie. Trois quarts des journalistes que j’ai interrogés n’avaient pas
de difficultés psychologiques. La majorité d’entre eux avaient couvert la
guerre pendant 15 ans et s’en sont bien sortis. »
Il signale toutefois que les personnes rencontrant des problèmes ne
bénéficient souvent pas d’un traitement. « Chez certains des journal-
istes, le trouble de stress post-traumatique est chronique. Il n’y a pas eu
d’amélioration, et les patients en sont malheureux. Leur dépression peut
être dure à traiter, et la dépression entraîne une morbidité certaine, ce qui
affecte la qualité de la vie. Elle cause aussi une mortalité significative en ce
qu’elle est la raison de traitement psychiatrique qui affiche le taux de sui-
cide le plus élevé, à savoir 15%. Chez nombre des journalistes, le trouble de
stress post-traumatique est passé inaperçu et n’a pas été traité. La dépres-
sion et le trouble de stress post-traumatique peuvent toucher les familles
en termes de qualité de vie et de bine-être physique. »

Les conflits dans votre pays


L’étude menée par le Dr Feinstein portait sur les correspondants inter-
nationaux. Il n’y a pas eu de recherche équivalente sur les journalistes
travaillant au sein de leur communauté ou près de chez eux. On a toutes
les raisons de croire que le stress serait bien plus important pour ces jour-
nalistes, comme le prouve un exemple anecdotique.
Une des conférences les plus réussies organisées après la fin du conflit
dans les Balkans le fut par le Media Diversity Institute et le quotidien
Vijesti à Igalo (Monténégro) en septembre 2001. Après les bombardements
de l’OTAN et le conflit au Kosovo, les journalistes de toute la région s’y
retrouvèrent pour parler du journalisme d’investigation et de la couverture
de la corruption. La session la plus fructueuse traita du stress post-conflit.

91
Chapitre 6
Le stress post-traumatique

Dans une ambiance où les professionnels n’avaient pas peur de parler, les
correspondants endurcis qui avaient couvert les conflits de la décennie
précédente purent détecter en eux et parler des symptômes indiquant un «
sentiment d’inachevé ».
Le Media Diversity Institute évoqua la conférence en ces mots: « À la
surprise de tous, les participants de Bosnie-Herzégovine, de Macédoine, de
Serbie, de Croatie, du Monténégro et du Kosovo s’ouvrirent avec une telle
franchise et un tel besoin de contribuer à la discussion que nous avons dû
prolonger la session. Plusieurs témoins oculaires rapportèrent des crimes
de guerre, certains avec une grande difficulté. Certains avaient travaillé sur
les champs de bataille les plus célèbres. Comment ne pas en être affecté?
Lors de cette session, les sentiments machistes prévalant dans le jour-
nalisme dans les Balkans ont été ramenés au niveau de confessions. Les
participants ont découvert en eux les symptômes du TSPT et commencé
à envisager de plus près leurs relations avec leur famille et leurs amis. Ils
ont souligné le fossé infranchissable séparant les journalistes autochtones
et les reporters de guerre « professionnels ». Ils ont parlé de la guerre dans
leur pays et ailleurs, parfois avec résignation, souvent avec désappointe-
ment. Ceux qui ont pris la parole ont exprimé leur besoin d’une formation
appropriée à la conscientisation émotionnelle (conseils, travaux de groupe,
ateliers et thérapies). Ils ont posé des questions sur la manière de com-
poser avec ses émotions et demandé pourquoi elles étaient importantes. En
général, les participants sont convenus que l’objectif principal de la protec-
tion des journalistes devait être d’œuvrer à l’amélioration du journalisme,
de créer avant toute chose un journalisme plus équilibré. »
Vedat Spahovic, un journaliste indépendant qui travailla à Sarajevo avant
d’aller étudier le TSPT, confirma que les journalistes locaux étaient plus
touchés parce qu’ils voyaient des concitoyens se faire tuer, n’avaient pas
choisi d’être correspondants de guerre et ne pouvaient quitter la région.
« Je ne vois pas ce qu’il y a de chouette à être reporter de guerre. Je n’ai
jamais aimé me faire tirer dessus. C’est bien différent d’être un journaliste
de guerre dans son pays ou à l’étranger. »
Quand le Dr Feinstein présenta les résultats de son étude au Freedom
Forum en 2001, Priyath Liyanage du BBC World Service appela à une
intensification du travail sur l’impact sur les journalistes locaux. Il déclara
qu’un correspondant de la BBC, payé 12,50 GBP par reportage, venait
d’être tué en Afrique. « Aujourd’hui, mes enfants ont un père; les siens, non.
Quelqu’un a-t-il mené une étude sur le traumatisme subi par ces person-
nes? »
Le Centre international de formation des journalistes d’Opatija (Croatie)
organisa en janvier 2002 une conférence intitulée « Après la couverture

92
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

d’un conflit: comment affronter l’impact émotionnel? », co-parrainée par


le Dart Center for Journalism and Trauma et l’école de journalise de
l’Université d’Indiana. Ici aussi, il apparut clairement que ce sont les jour-
nalistes locaux qui vivent le plus grand stress. Elza Radulic raconta que son
fils s’était accroché tout tremblant à elle lorsque Zadar, la ville où ils hab-
itaient, sur la côte de l’Adriatique, fut la cible de tirs de mortiers en 1991.
En tant que journaliste, elle avait toutefois dû le lâcher et sortir faire son
travail. Non seulement elle avait dû s’inquiéter de sa propre sécurité, mais
s’était aussi demandée si sa famille serait toujours vivante à son retour. «
Cela a été un moment horrible. Tous ceux qui ont fait ce travail souffrent
encore des conséquences aujourd’hui. » « Parler doit
être aussi
Que peuvent faire les organisations de naturel que faire
journalistes et les employeurs? sa lessive après
La plupart des journalistes couvrant les conflits ne souffrent pas de TSPT,
un voyage »
mais tous les journalistes sont affectés dans une certaine mesure. Le pre- « La question des conseils
mier pas doit être d’encourager les journalistes à parler systématiquement en matière de stress post-
de leurs expériences à leur retour d’une mission traumatisante. Ils doivent traumatique dans les métiers de
admettre qu’avouer des sentiments de déprime ou de tristesse n’est pas une l’information n’est à mes yeux
marque de faiblesse. Ces sentiments font partie du mécanisme de réaction pas différente de celle de la
du corps. formation à la sécurité.
Chris Cramer refusa l’aide d’un conseiller quand, alors qu’il travaillait Quand vous revenez de mission,
pour la BBC, il fut fut pris en otage lors du siège de l’ambassade d’Iran vous défaites votre valise et faites
à Londres en avril 1980. Aujourd’hui président de CNN International, votre lessive. Pour moi, parler
doit être aussi naturel que laver
Cramer a changé d’avis (voir ci-contre).
son linge, à la seule différence
La meilleure manière de surmonter une expérience traumatisante vari-
qu’il s’agit ici de laver son esprit.
era d’un journaliste à l’autre. Certains parviendront à parler à la famille
Certains choisiront de le faire;
ou à un être cher; d’autres ne se sentiront à l’aise que face à des gens qui d’autres pas. Si j’avais su, je
ont vécu la même expérience. Aller boire un verre avec des collègues pour l’aurais fait il y a vingt ans. »
évoquer des événements traumatisants peut suffire pour évacuer la tension.
Cependant, il y a un risque évident de compter sur l’alcool plutôt que sur Chris Cramer, président de CNN
les collègues. L’alcool peut s’avérer être un problème plus qu’une aide. Un International, lors du séminaire
soutien peut être apporté par le biais de programmes tels que les conseils « Conflits et crimes de guerre:
externes gratuits prodigués à tous le personnel de la BBC. Certains jour- les défis pour la couverture
nalistes rechignent toutefois à recourir à ce service parce qu’ils craignent journalistique », mai 2000.
pour leur carrière.
Le journaliste qui recourt au service de conseils doit savoir qu’il ne per-
dra pas son emploi, qu’il ne sera pas écarté des missions essentielles et que
son prestige ne sera pas écorné parce qu’il avoue être victime de dépres-
sion ou faire des cauchemars. C’est pourquoi le programme de conseils

93
Chapitre 6
Le stress post-traumatique

doit assurer la confidentialité et permettre aux journalistes d’y recourir


directement sans devoir passer par une structure de gestion. Cependant, il
peut être judicieux d’instaurer un service plus orienté quand des journal-
istes souffrent visiblement. Il est également important que les journalistes
apprennent à reconnaître les symptômes l’un chez l’autre, de sorte à pou-
voir offrir un soutien et suggérer une intervention.
Les organisations de journalistes doivent encourager les directions à
faire en sorte que tous les journalistes aient accès à des conseils confiden-
tiels après des missions traumatisantes. Les organisations de journalistes
elles-mêmes doivent envisager la création de groupes d’aide mutuelle au
sein desquels les reporters qui ont couvert un conflit puissent parler de
leur expérience. Ces groupes doivent susciter un sentiment de sécurité, et
ce qui se dit lors d’une réunion ne doit pas devenir un sujet de commérage
à l’extérieur.
Il est un fait que l’effondrement personnel ou la dépression nerveuse
guettent après un conflit prolongé. Les employeurs doivent fournir un
traitement « non stigmatisant » aux journalistes présentant des symp-
tômes à long terme. Panser les blessures psychologiques laissées par le
travail dans ces conditions ne doit pas être différent du traitement médical
reçu par un reporter blessé au bras avant de reprendre le travail.
Ce sont les journalistes indépendants qui risquent le plus de manquer
de ce soutien. Les organisations de journalistes ont un rôle spécifique à
jouer dans la garantie que les employeurs étendent les mêmes facilités aux
freelances et correspondants. Le service offert par une grande société de
médias à ses employés doit également être accessible gratuitement aux
journalistes indépendants, les frais étant pris en charge par la société ou
par les organisations de journalistes.

La qualité du soutien
La qualité du soutien offert aux journalistes a été identifiée comme un enjeu
essentiel. Les journalistes ne veulent pas que leurs réactions humaines soi-
ent « médicalisées » et, même quand ils demandent de l’aide, ils craignent
d’entrer dans un monde de « bavardages psychologiques ». Les conseillers
doivent connaître la pression inhérente à la profession de journaliste et être
au fait des horreurs de la guerre.
David Loyn, un journaliste de la BBC qui recourut au service de conseil
après avoir assisté à une exécution sommaire, déclara lors de la conférence
de Londres: « Je sais que d’autres personnes proposent ce type d’aide et j’en
appelle à la communauté psychothérapeutique pour qu’elle veille à ce que
ces conseils soient ceux qui doivent être donnés et soient ciblés. Sinon, ils

94
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

auront mauvaise presse dans le monde du journalisme. »


La psychothérapeute Gabrielle Rifkind mit elle aussi en garde contre les
« En fin de
solutions « rapides », appelant plutôt à des efforts de création d’une culture compte, il s’agit
émotionnelle de base. « Le problème, ce n’est pas le niveau de traumatisme. d’améliorer
déclara-t-elle. C’est la manière dont le traumatisme est traité. C’est pour-
le travail
quoi l’autoconscientisation est essentielle. »
journalistique »
« En fin de compte, il
Les avancées internationales vers l’amélioration s’agit d’améliorer le travail
journalistique, de permettre
des connaissances
aux journalistes de donner une
Plusieurs initiatives sont en cours afin d’améliorer la connaissance du stress meilleure image du monde à
post-conflit. La conférence « Émotions, traumatisme et bon journalisme » ceux qu’ils servent, de changer
suggéra l’institution d’un Centre européen du journalisme et des trauma- la culture qui prévaut au sein des
tismes afin de proposer des formations et des thérapies, de mener une cam- organisations afin d’encourager
pagne et d’organiser des recherches. Un tel centre est justement en cours les journalistes à admettre qu’ils
de fondation en partenariat entre la BBC et le Dart Center for Journalism ont une réaction émotionnelle à
and Trauma, basé dans les locaux de l’Université de Washington à Seattle ce qu’ils font et qu’il est normal
(États-Unis). Dart Europe est dirigé par Mark Brayne, qui fut pendant d’en parler.
vingt ans correspondant pour l’agence et la BBC à Moscou, Berlin, Vienne Et, peut-être, de faire en sorte
que les journalistes soient si
et Pékin. Il couvrit notamment les événements de la Place Tienanmen en
sains dans leur approche qu’ils
1989, la révolution en Roumanie et le début de la guerre en Yougoslavie.
ne devront plus aller consulter
Dans les années 1990, Mark Brayne suivit des études de psychothérapeute, des spécialistes parce qu’ils
décrochant son diplôme en 2000 et soutenant une thèse sur l’expérience pourront traiter leurs problèmes
personnelle du correspondant étranger. En tant que rédacteur en chef des eux-mêmes, avec leurs collègues.
sections en langues européennes du BBC World Service, Mark Brayne a Mon avis est que, si mon
été un des moteurs de l’organisation de la formation obligatoire à la survie blindage émotionnel est plus
pour les journalistes et producteurs travaillant dans des environnements solide et si je suis conscient de
hostiles et zones touchées par des catastrophes naturelles. Il a aidé à ce blindage, je pourrai utiliser
l’établissement du premier service d’aide confidentielle de la BBC au début ces outils internes pour raconter
des années 1990. une histoire meilleure et plus
authentique. » 
Le Media Diversity Institute prévoit des manifestations en Europe cen-
trale et orientale afin de promouvoir la compréhension des effets des trau-
Mark Brayne, lors de la conférence
matismes sur les journalistes. L’objectif consiste à intégrer le TSPT dans « Émotions, traumatisme et bon
les programmes de formation des journalistes à l’approche des victimes de journalisme »
violences et de traumatismes. 

Informations complémentaires
Les transcriptions des interventions de la conférence « Émotions,
traumatismes et bon journalisme » sont disponibles sur le site web du Dart
Centre www.darteurope.org, rubrique Articles and Info (http://www.coldasfire.
com/dartcentre/conftrans1.htm).

95
Chapitre 6
Le stress post-traumatique

Les résultats de l’étude du professeur Anthony Feinstein et de son équipe ont


été publiés sous le titre « A Hazardous Profession: War, Journalists and
Psychopathology » dans l’American Journal of Psychiatry n° 159, pp. 1570-
1575, septembre 2002.

Le projet Crimes of War est le fruit d’une collaboration entre journalistes,


avocats et universitaires visant à promouvoir la connaissance du droit
humanitaire international, à prévenir les violations du droit et à encourager la
punition de ceux qui les commettent (http://www.crimesofwar.org).

Le rapport de la conférence « Conflits et crimes de guerre: les défis pour la


couverture journalistique » (Washington, mai 2000) est disponible à l’adresse
http://www.crimesofwar.org/seminars/seminars.html. La deuxième journée était
consacrée aux conséquences psychologiques.

Le Dart Center for Journalism and Trauma, actuellement basé dans les
locaux de l’école de communication de l’Université de Washington à Seattle
(États-Unis) est un réseau mondial de journalistes, de professeurs en
journalisme et de professionnels de la santé visant à promouvoir la couverture
médiatique des traumatismes, des conflits et des drames. Il s’intéresse à
l’impact du processus de relation sur ceux qui voient les images et lisent les
articles et sur les professionnels de l’information (http://www.dartcenter.org).

Le Dart Centre Europe possède son propre site web (http://www.darteurope.


org). Sherry Ricchiardi parle du séminaire « Après la couverture d’un conflit:
comment affronter l’impact émotionnel? » organisé à Opatija (Croatie) en
janvier 2002 à l’adresse http://www.dartcenter.org/newscenters/seeurope.

Le Freedom Forum a fermé ses bureaux internationaux et abandonné ses


programmes internationaux (http://www.freedomforum.org).

Le Media Diversity Institute (MDI) a été créé pour promouvoir la prévention


et la résolution des conflits par le biais de la diversité du journalisme. Basé à
Londres, il coordonne le réseau de centres de médias en Europe centrale et du
sud-est et en Afrique. Il œuvre pour un travail journalistique juste, fiable, correct
et approfondi par le biais de la l’éducation, de la formation et de la coopération
avec des journalistes professionnels, des universitaires, des propriétaires
de médias et des décideurs, ainsi qu’avec des organisations de médias, de
défense des droits de l’homme et de défense des minorités (http://www.media-
diversity.org).

96
Partie 4

La zone de campagne

Des journalistes macédoniens protestent auprès de la police contre les attaques dont leurs collègues ont été victimes. En septembre
2002, ils marchèrent sur le ministère de l’Intérieur sous le slogan « Nous voilà, frappez-nous! » (voir page 106).
Photo: Association des journalistes de Macédoine

97
Chapitre 7
La réaction: que
peuvent faire la FIJ et
les organisations de
journalistes?

Q
uand des ennemis déterminés et sans pitié de la liberté de
la presse s’en prennent aux journalistes, il est difficile de les
arrêter. Chaque année, des dizaines de journalistes sont visés,
attaqués et même assassinés. Cela ne signifie toutefois pas que les jour-
nalistes, leurs syndicats et les organisations de médias sont incapables
de se défendre, loin de là. Ces quinze dernières années, un mouvement
de résistance sophistiqué et de plus en plus efficace s’est développé afin
de réduire les risques auxquels les travailleurs des médias sont exposés,
d’isoler les assassins et les personnes directement responsables des
attaques contre les journalistes et d’obliger les gouvernements à rendre
des comptes quand ils négligent leurs devoirs de protection des médias ou
créent des conditions politiques mettant en danger le travail des journal-
istes. Ce chapitre se penche sur ce qui est fait, sur ce que les journalistes
peuvent faire de plus et sur les actions menées pour placer la sécurité des
journalistes en haut de l’agenda des médias.
De simples actes de solidarité sont souvent l’antidote le plus efficace
contre les persécutions dont sont victimes les reporters. Prenons le cas de
Viokan Ristic, un journaliste indépendant serbe. En 1999, Ristic couvrait
le conflit au Kosovo pour plusieurs clients, dont l’agence BETA News,
Danas et la radio Deutsche Welle. En tant que journaliste indépendant
serbe, il fut visé par le régime Milosevic et quand les bombardements de
l’OTAN débutèrent, il fut arrêté et jeté en prison.
Ses geôliers le relâchèrent après 30 jours. Ils lui remirent également
un message d’Aidan White, secrétaire général de la FIJ. C’était une copie
d’un télégramme envoyé au président Milosevic appelant à la libération
de Ristic. Pour Ristic, il ne fait aucun doute que la pression internationale
joua un rôle dans sa libération. Elle fit réaliser à ceux qui l’avaient arrêté
et emprisonné sans procès qu’il y avait en dehors du pays des gens qui

98
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Le président péruvien Alejandro Toledo allume à Uchuraccay (province d’Ayacucho,


Pérou) une flamme à la mémoire de huit journalistes et de leur guide assassinés
en 1983. Pendant vingt ans, on célébra la mémoire de Jorge Sedano Falcón
du journal La República, Eduardo de la Piniella Palao, Pedro Sánchez Gavidia
et Félix Gavilán Huamán du journal El Diario de Marka, Willy Retto Torres et
Jorge Luis Mendivil Trelles du journal El Observador, Amador García Yanque du
magazine Oiga, et Octavio Infante García de la revue Panorama. Les journalistes
et leur guide, Juan Argumedo García, furent tués alors qu’ils investiguaient sur
des meurtres commis dans le cadre du conflit intérieur. Une commission d’enquête
accusa 17 habitants locaux, dont trois furent reconnus coupables. Le nom des
commanditaires des meurtres ne fut jamais révélé. D’aucuns les imputèrent à
la guérilla maoïste du Sentier lumineux (Sendero Luminoso); d’autres à l’armée.
Plusieurs témoins et accusés moururent mystérieusement pendant l’enquête.
Ces assassinats devinrent le symbole de la douleur et de la division de la société
péruvienne. En avril 2002, la commission de vérité et de réconciliation organisa
des auditions publiques à Ayacucho. Le président Toledo alluma le mémorial
le 3 octobre 2002 et décréta le 26 janvier « journée nationale des martyrs du
journalisme péruvien ».
Photo: AP / Oscar Paredes / Prensa Palacio

99
Chapitre 7
La réaction: que peuvent faire la FIJ
et les organisations de journalistes?

savaient qu’il était en détention et qui se préoccupaient de son bien-être.


Mettez un terme Le télégramme s’inscrivait dans le cadre d’une campagne de routine
au harcèlement orchestrée par la FIJ, par des syndicats de journalistes et par un réseau
de ce rédacteur d’organisations de défense de la liberté de la presse, dont le Committee
to Protect Journalists, l’Institut international de la presse, Reporters
en chef
Sans Frontières, Article 19 et bien d’autres. Chaque semaine, des télécop-
À: M. Nisar A. Memon
ies, courriels et lettres sont envoyés aux dirigeants des quatre coins du
Ministre fédéral de l’Information
et des médias monde pour demander des garanties quant à la sécurité d’un journaliste
République islamique du Pakistan
détenu, exiger la libération des journalistes emprisonnés ou plaider pour
une enquête de haut niveau sur une des innombrables attaques menées
30 juillet 2002
contre les journalistes. Ces actes de solidarité rappellent aux journalistes
La Fédération internationale des
emprisonnés ou à ceux qui ont été agressés qu’ils ne sont pas oubliés.
journalistes est profondément
Les organisations de journalistes du monde entier cherchent active-
préoccupée par le récent
ment une façon de protéger leurs membres des intimidations et des vio-
interrogatoire du rédacteur en
chef de Jasarat, Muzaffar Ejaz, et
lences. Quand un syndicat ou une association locaux ne parviennent pas à
les menaces dont il fait l’objet. se faire entendre, les organisations internationales comme la FIJ doivent
prendre le relais.
D’après nos sources, Ejaz
La FIJ est la plus vaste organisation de journalistes du monde,
fut enlevé par des membres
des renseignements inter-
représentant plus de 500 000 reporters, rédacteurs en chef, photog-
services alors qu’il quittait raphes et diffuseurs de plus de 100 pays. Elle fait campagne depuis 20
son bureau le 25 juillet 2002 ans pour l’amélioration des standards de sécurité. La FIJ est membre
à 23 heures. Il fut interrogé du réseau IFEX (Échange international de la liberté d’expression) et
et relâché le lendemain matin peut également agir au niveau des Nations unies pour rappeler aux
à 4 heures. Son enlèvement gouvernements leurs devoirs de promotion de la liberté des médias et
et son interrogatoire furent le de protection des journalistes. En reconnaissance de son expertise de
point culminant de plusieurs la représentation des journalistes, l’UNESCO a récemment octroyé à la
semaines de harcèlement qui FIJ le statut d’organisation associée, le plus haut niveau d’accréditation
suivirent la publication d’un article
pour une organisation non gouvernementale (ONG).La FIJ a appelé les
controversé. (...)
Nations unies non seulement à condamner les meurtres des travailleurs
La FIJ vous invite à mettre des médias, mais aussi à insister pour que les gouvernements mettent un
un terme au harcèlement de terme à l’impunité en donnant les détails des événements et en mettant
Muzaffar Ejaz et à garantir que
tout en œuvre pour arrêter les assassins.
tous les journalistes en poste
au Pakistan pourront continuer
leur travail sans être victimes de
Partager le savoir-faire et l’expérience
persécutions et d’intimidations.
La FIJ conseille à ses affiliés d’adopter une approche standard afin d’aider
Christopher Warren
tout journaliste rencontrant des problèmes ou se heurtant à des réactions
Président de la FIJ hostiles. Elle recommande que chaque syndicat affilié désigne un respon-
Extrait d’une protestation de la sable de la coordination du travail et de la préparation sur trois axes:
FIJ.  conscientisation des membres aux problèmes et dangers,
 conclusion d’accords avec les ministères compétents sur les procé-

100
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Des photographes pakistanais défilent dans les rues de Lahore le 1er mai 2000 pour protester contre la mort d’un de leurs collègues,
Mehraj-ud-Din Hafiz, au Cachemire. Des journalistes indiens ont également protesté contre les attaques visant leurs collègues, dont
certains ont été tués ou blessés dans des attentats terroristes. Photo: Reuters / Mohsin Raza

dures à suivre en cas d’urgence, et


 conclusion d’accords avec les employeurs indiquant qui est responsa- LE PLAN D’ACTION DE LA FIJ
ble de quoi en cas de crise. Le plan d’action de la FIJ se
Pour aider les journalistes en situation difficile, il est essentiel d’obtenir décompose en six phases:
des informations fiables sans minimiser ni gonfler les problèmes, les plaintes  contacts non officiels et
exagérées pouvant causer des craintes inutiles et affaiblir les protestations pressions dans le pays
futures. Les premières heures d’une crise sont agitées et il est primordial concerné
d’établir les faits afin de réduire les risques de malentendu.  contacts non officiels et
La FIJ a mis au point un système standard de collecte d’informations et pressions à l’échelon
de rapport sur chaque affaire. La première étape consiste à établir les faits. international
Une fois qu’ils sont connus, la direction du syndicat ou son représentant  protestation non officielle
peuvent prendre une décision sur le lancement d’une aide pratique au  protestation officielle
membre qui a des ennuis.  mission d’enquête
L’expérience montre que les gouvernements sont sensibles aux inci-  action diplomatique
dents impliquant des journalistes et cherchent à éviter les commentaires

101
Chapitre 7
La réaction: que peuvent faire la FIJ
et les organisations de journalistes?

négatifs des médias. Ces derniers peuvent donc exercer une pression
Les journalistes sur ceux qui violent la liberté de la presse et oppriment les journalistes.
népalais Cependant, des risques apparaissent si les protestations des médias
comptent sur sont considérées comme un plaidoyer spécial ou exagérées. Quand des
l’unité organisations internationales entrent en jeu, les gouvernements essaient
Training was delivered in Une de présenter l’affaire comme une attaque extérieure contre le pays. Il est
formation a été organisée au donc essentiel de présenter les faits de manière correcte.
Népal afin d’aider les journalistes Le plan d’action de la FIJ est divisé en une série de réponses graduelles
qui doivent composer avec l’état commençant par un contact officieux à l’intérieur du pays concerné. Ce con-
d’urgence depuis novembre 2001. tact est pris par un syndicat ou une association nationaux. Il peut être suivi
Plus de 150 journalistes ont été
par un contact et des pressions informels au niveau international, par exem-
arrêtés et nombre d’entre eux ont
été torturés ou victimes d’abus
ple par l’implication officielle de la FIJ. On peut ensuite arriver à une prot-
physiques. Des journalistes ont estation officielle, toujours sans publicité. Si cela ne fonctionne pas ou n’est
également été la cible des rebelles pas adapté eu égard à la gravité de l’affaire, la FIJ et d’autres associations de
maoïstes. Trois ont même été tués défense de la liberté de la presse émettent une protestation officielle.
en 2002. En cas de dédain persistant pour la liberté de la presse ou de menaces
La lutte contre la censure légale et contre les journalistes, la FIJ envoie souvent des missions d’enquête
brutale est menée par la Fédération
composées de représentants étrangers afin de rassembler des preuves et
des journalistes népalais (FNL), par
de publier un rapport.
le biais d’un front commun à toutes
les organisations de journalistes. Dans les cas les plus graves, la FIJ essaie de coordonner une action
Cette unité a permis d’organiser diplomatique, par exemple de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe
des grèves et des manifestations ou d’autres organes ad hoc.
et de nouer le dialogue avec le La FIJ fournit aux syndicats affiliés les adresses d’autres membres et
gouvernement au sujet de la liberté organisations qui peuvent les aider et donne des exemples de lettres à
de la presse et des droits des envoyer. Le fonds de sécurité de la FIJ sert à venir en aide aux journal-
journalistes.
istes empêchés, techniquement ou physiquement, d’exercer leur métier ou
menacés de ou en butte avec une action officielle découlant de leur activité
LE PREMIER COURS EN 24 professionnelle.
ANS DE CARRIÈRE
« Je suis journaliste depuis 24
ans. Ces deux dernières années, La formation à la sécurité pour les journalistes
j’ai travaillé pour une ONG. autochtones
Au cours de ces deux ans, j’ai La FIJ joue un rôle majeur, en partenariat avec une variété d’organisations,
participé à 12 séminaires. C’était dans la fourniture d’une formation interactive aux journalistes autoch-
le premier cours spécifiquement tones qui n’ont pas accès à la formation à la sécurité généralement offerte
destinés aux journalistes auquel aux correspondants de guerre internationaux. Cette formation englobe
j’assistais en 24 ans de carrière. de petits cours qui peuvent être répétés pendant plusieurs jours afin
Par le passé, nous étions d’atteindre le plus grand nombre de journalistes possible. ils peuvent
ignorés. » également être adaptés afin d’affronter des problèmes spécifiques de la
Samiullah Taza, journaliste pour un couverture de chaque conflit.
hebdomadaire afghan Le premier cours de la FIJ se tint à Ohrid (Macédoine) en septembre

102
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

2000, pour 23 journalistes de la région. Il était organisé par le Centre Une formation
macédonien de la presse, avec le financement du Conseil de l’Europe.
Un deuxième atelier, parrainé par le Conseil de l’Europe et le Freedom
axée sur
Forum, fut organisé par le Centre pour le journalisme indépendant à l’extension du
Bucarest (Roumanie) en mars 2001, à l’attention de journalistes venant cessez-le-feu
de Bulgarie, de Hongrie, de Moldavie, de la République fédérale de La formation organisée en Côte
Yougoslavie et de Roumanie. Les trois jours de formation traitèrent un d’Ivoire fut conçue de sorte à tirer
large éventail de sujets, dont les armes et leurs effets, l’aide médicale avantage d’un cessez-le-feu dans
d’urgence, les relations avec la presse militaire, les troubles publics, les une guerre civile qui avait causé la
mines et objets piégés et les protections personnelles. mort de centaines d’individus.
En dépit d’une tradition de journalisme
En 2002, la FIJ et ses partenaires étoffèrent le programme de forma-
objectif en Côte d’Ivoire, il y avait
tion à la sécurité d’une série de cours dans des endroits chauds, dont
de grandes inquiétudes quant
la première formation à la sécurité pour les journalistes autochtones
à la sécurité des journalistes et à
couvrant le conflit en Afghanistan. AKE organisa des séminaires, en col- la détérioration de la liberté de la
laboration avec International Media Support (IMS), le Centre afghan de presse.
ressources médiatiques (AMRC) et le Centre afghan pour la promotion de Des journalistes couvrant les
la communication, de l’autre côté de la frontière, à Peshawar (Pakistan). manifestations furent attaqués et
Un cours spécial d’une journée sur les bases de la conscientisation à la certains quotidiens durent suspendre
sécurité fut reproduit à quatre reprises, et des kits médicaux distribués leur publication.
aux 103 journalistes afghans participants, dont 19 femmes. Chaque sémi- En novembre 2002, un programme
naire suivait un programme en cinq points: d’aide d’urgence fut lancé, avec un
séminaire sur la relation des conflits
 sécurité personnelle,  aide médicale,
et deux jours de formation à la
 mines et objets piégés,  troubles publics et émeutes,
sécurité. Le message-clé était d’être
 prises d’otages.
extrêmement attentif à l’exactitude et
Des questions similaires furent abordées dans les territoires pales- à l’équilibre, et de mettre en exergue
tiniens en février 2002, où la FIJ travailla avec le Syndicat des journalistes les véritables effets de la violence.
palestiniens (PJS), avec le soutien d’IMS et de la Commission européenne. Les journalistes affichèrent un vif
Un cours modifié d’une journée fut proposé à plus de 100 journalistes intérêt pour la formation à la sécurité.
palestiniens à Ramallah, Hébron, Naplouse, Gaza et Jérusalem. Il fut Le cessez-le-feu fut par la suite
adapté aux journalistes travaillant dans les conditions particulières des rompu, ramenant le conflit à la une
territoires palestiniens, où nombre de journalistes autochtones ne sont des journaux.
pas reconnus par l’armée israélienne. Les journalistes ne bénéficient pas  Le programme fut aménagé par
la FIJ, la Fondation pour l’aide à la
d’une protection physique et se sentent très isolés à cause de ce qu’ils
communication (CAF, Pays-Bas),
ressentent comme un manque de solidarité de la part de leurs collègues
International Media Support (IMS,
étrangers. Les risques ne sont pas les mêmes en Cisjordanie que dans la Danemark) et Media Assistance
Bande de Gaza, et le cours fut donc adapté à chaque territoire. International (MAI, Genève),avec
En septembre 2002, une formation similaire fut proposée à 25 journal- le soutien de l’Union nationale des
istes népalais et, peu après, à 40 journalistes pendant un fragile cessez- journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI)
le-feu en Côte d’Ivoire. Au Népal, les journalistes se dirent inquiets du et de l’Association des journalistes
d’Afrique occidentale.
danger posé par les mines et les embuscades, et le cours fut aménagé de
sorte à couvrir ces sujets.

103
Chapitre 7
La réaction: que peuvent faire la FIJ
et les organisations de journalistes?

L’Institut international Le programme mondial de protection: l’Institut


pour la sécurité de international pour la sécurité de l’information
l’information Cette expansion rapide de la formation à la sécurité incita la FIJ à pousser
Parmi les organisations dans le sens de la création d’un organe international chargé de fournir des
soutenant l’INSI, on trouve: informations, une formation et de l’assistance aux journalistes et organi-
Sociétés de médias
ABC News, USA sations de médias. La FIJ s’inquiétait de la situation des journalistes
AFP n’ayant pas accès aux cours organisés par des sociétés de médias interna-
ARD, Allemagne tionales et de l’incapacité des médias écrits à suivre le rythme des radios
BBC, Royaume-Uni et télévisions. En mai 2000 ; la FIJ approcha l’Institut international de la
CBC, Canada
CNN presse (IIP) et identifia quatre problèmes:
Frontline TV  la formation à la sécurité et l’équipement coûtent très cher;
Global Radio News  nombre des journalistes les plus dans le besoin sont des
NOS, Pays-Bas indépendants;
NRK, Norvège
Radio France Internationale  la plupart des victimes de violences sont locales et n’ont aucune possi-
Reuters TV bilité de recevoir une formation de base à la sécurité dans leur langue
RTV, Slovénie maternelle;
SKY News, Royaume-Uni  il y a peu d’informations sur la manière de créer un programme de santé
SVT, Suède
The Statesman, Inde et de sécurité pour le personnel des médias, couvrant la conscientisation
TV 2, Norvège aux risques, le stress et les conseils en cas de traumatisme, etc.
TV4, Suède La FIJ proposa que les organisations professionnelles, les employeurs
VRT, Belgique et les syndicats créent ensemble une institution indépendante afin:
VTM, Belgique
Wall Street Journal Europe  de publier des informations dans les différentes langues sur la santé et
Reporting (UK) la sécurité des journalistes et travailleurs des médias;
 de promouvoir des programmes de formation pour les journalistes et
Organisations de travailleurs des médias;
journalistes et institutions
de soutien aux médias et de  de créer une unité de réponse rapide qui soit capable de mettre sur
défense de la liberté de la pied une unité de la sécurité pour les journalistes et travailleurs des
presse médias opérant dans une région où un conflit éclate, qui travaille
Association internationale de la avec les institutions nationales et intergouvernementales et les forces
presse, Belgique
Association des journalistes armées concernées;
d’Afrique de l’Ouest  de fournir un accès au matériel, comme par exemple les kits médi-
Association mondiale des caux, les gilets pare-balles et les casques, en vue d’une distribution au
journaux niveau local;
Centre européen du
journalisme  de mener une campagne au sein de la communauté internationale
Centre pour le journalisme (Organisation internationale du travail, UNESCO, Croix-Rouge,
dans les situations extrêmes, OTAN, etc.) dans le sens d’une action en faveur de la sécurité de
Russie l’information.
Committee to Protect
Journalists En novembre 2002, une coalition d’organisations professionnelles,
Dart Centre Europe groupes de défense de la liberté de la presse, médias internationaux et
Open Society Institute associations de journalistes décida de fonder l’Institut international pour
Pascal Decroos Foundation la sécurité de l’information. L’institut, basé à Bruxelles, était en cours de

104
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

création au moment où ce guide était mis sous presse et semblait devoir Organisations soutenant l’INSI
révolutionner la coopération et la collaboration entre les différentes (suite)
organisations concernées par la sécurité. L’idée bénéficie du soutien de
plus de 80 organisations, dont ABC News, BBC, CNN, Reuters, l’Union
européenne de radiodiffusion - le plus grand réseau de radios et de télévi- Reporters Sans Frontières
sions régionales - et des groupements de défense de liberté de la presse, Rory Peck Trust
Southern Africa Journalists'
ainsi que par les 148 syndicats et associations de journalistes affiliés à la Association
FIJ, représentant 106 pays du monde entier. West African Journalists
Aidan White, secrétaire général de la FIJ, a tenu ces mots: « Il s’agit Association
d’un réseau de solidarité unique qui apportera une assistance pratique World Association of Newspapers
aux journalistes et travailleurs des médias les plus dans le besoin et ce, Fondation pour les médias en
n’importe où dans le monde. » Afrique de l’Ouest
Richard Tait, vice-président de l’IIP et ancien rédacteur en chef Fondation Pascal Decroos
d’ITN, a déclaré que l’institut forgerait une approche unifiée des médias Freedom of Expression Institute,
audiovisuels et écrits. « Nous devons nous défaire de l’attitude voulant Afrique du Sud
Institute for War and Peace
que la sécurité soit facultative. Elle doit être prise au sérieux par tous,
Reporting, Royaume-Uni
y compris les employeurs, estime-t-il. Nous devons modifier la culture
International Media Support
d’indifférence. »
Institut international de la presse
Chris Cramer, président de CNN International, est le premier prési- Internews Europe
dent honoraire de l’institut. Les objectifs seront: Journalistes canadiens pour la
 d’apporter un soutien et mettre au point des programmes d’assistance liberté d’expression
en matière de sécurité destinés aux journalistes et travailleurs des Media Action International
médias, y compris les freelances, en particulier ceux qui travaillent Media Diversity Institute
dans des régions de conflit ou qui sont régulièrement envoyés dans Media Watch, Bangladesh
des missions potentiellement dangereuses; Media Institute of Southern Africa
 d’encourager les accords couvrant la santé et la sécurité, la forma- NewsXchange
News World Asia
tion à la conscientisation aux risques et les cours de premiers secours
Open Society Institute
entre les organisations de médias et les travailleurs, ainsi qu’avec les
Reporters Sans Frontières
syndicats et associations;
Rory Peck Trust
 de diffuser l’information (en utilisant l’Internet et les moyens tradi-
Southern Africa Journalists’
tionnels) par le biais de manuels de formation, de conseils mis à jour et Association
de guides à l’usage des journalistes et travailleurs des médias opérant Union européenne de
dans les zones dangereuses; radiodiffusion
 de promouvoir les bonnes pratiques du secteur en utilisant des exem-
ples de formation et d’assistance développés au sein du monde des Syndicats et associations de
médias et du journalisme; journalistes
 de rechercher, de développer et de promouvoir des services de sécu- L’INSI est également soutenu par
rité, y compris des contrats d’assurances abordables, pour tous les les 148 syndicats et associations
affiliés à la FIJ, représentant 106
journalistes et travailleurs des médias;
pays.
 de favoriser les initiatives sectorielles, y compris les codes et lignes
directrices;

105
Chapitre 7
La réaction: que peuvent faire la FIJ
et les organisations de journalistes?

L’Association des journalistes de Macédoine proteste contre la violence en septembre 2002. Les journalistes portaient des T-shirts dis-
ant « Je suis journaliste » à l’avant et « Nous sommes là, frappez-nous! » à l’arrière. La grande banderole indique « Journalistes de
Tetovo, Kicevo, Ohrid » et la petite « Allez vous faire voir! », expression que le ministre de l’Intérieur de l’époque Ljube Boshkovski
aurait utilisée la veille de la manifestation. Photo: Association des journalistes de Macédoine

 d’établir un réseau mondial d’organisations, actif partout dans le


monde, engagé dans la réduction des risques courus par les travail-
leurs des médias;
 de parrainer les initiatives de conscientisation lors d’événements
médiatiques et journalistiques majeurs, notamment des conférences
regroupant des professionnels des médias aux niveaux national,
régional et international.
La FIJ et l’IIP ont institué un conseil consultatif composé de représen-
tants des groupes professionnels et des leaders du domaine de la sécurité,
avec l’aide des groupes de défense de la liberté de la presse, d’éducateurs
des médias et d’organisations oeuvrant pour le développement des médias
dans des sociétés ouvertes, démocratiques et pacifiques.

Le rôle des organisations nationales


La majeure partie du travail de campagne est effectuée par les syndi-
cats et associations nationaux de journalistes dans le cadre de leur action

106
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

quotidienne. Ces syndicats et associations jouent un rôle essentiel dans la


défense des journalistes. Cette section donne des exemples de l’impact de
ces campagnes pour la vie et le bien-être des journalistes.

Macédoine
Le 30 septembre 2002, les journalistes macédoniens manifestèrent leur
indignation face aux plus de 40 attaques menées contre des journalistes
au cours des dernières années. Sous le slogan ironique « Nous sommes là,
frappez-nous! », l’Association des journalistes de Macédoine (AJM) mena
une marche pour la liberté d’expression en direction du ministère de
l’Intérieur. L’élément déclencheur de la protestation fut l’attaque contre le
journaliste Zoran Bozinovski, agressé en plein travail. Un des assaillants,
apparemment un membre d’une unité spéciale de la police, fut arrêté, mais
l’association déclara que 40 collègues avaient été victimes de violences les
années précédentes et que la plupart des agresseurs n’avaient jamais été
inquiétés. Les journalistes demandèrent que le ministre de l’Intérieur de
l’époque, Ljube Boshkovski, les reçoive publiquement pour leur exposer
l’état d’avancement de l’enquête. Le ministre attendit toutefois que la
manifestation soit terminée avant de faire une déclaration.
L’AJM annonça: « L’objectif de ceux qui frappent les journalistes est
de les réduire au silence. L’Association des journalistes de Macédoine
s’élève contre tous les types de pressions et défend la dignité du journal-
isme en tant que métier. C’est pourquoi, chers collègues, au lieu de vous
taire, nous vous invitons aujourd’hui à exprimer clairement votre révolte.
Parce que le journalisme macédonien ne doit pas demeurer silencieux! Si
vous voulez frapper quelqu’un, venez, nous sommes là! » Miro Petek est transféré à l’hôpital
après l’agression qui le laissa griève-
Slovénie ment blessé devant chez lui en février
Le 28 février 2001, Miro Petek gara sa voiture devant chez lui, près de 2001.
Slovenj Gradec dans le nord de la Slovénie. Alors qu’il parcourait les
quelques mètres qui le séparaient de la porte d’entrée,
il fut agressé et sauvagement roué de coups. Il eu
le nez et les deux pommettes explosés, la mâchoire
brisée et le crâne fêlé à plusieurs endroits. Il perdit le
goût et une partie de son acuité visuelle à l’œil droit.
Il écrivit par la suite: « C’était comme dans un film
de gangsters. J’ai essayé de protéger ma tête avec
mes bras; je ne voyais que les jambes qui me frap-
paient. L’attaque a été brutale, professionnelle. Mes
agresseurs n’ont pas dit un mot. »
Miro Petek est journaliste d’investigation pour

107
Chapitre 7
La réaction: que peuvent faire la FIJ
et les organisations de journalistes?

Vecer, le principal quotidien slovène. Il avait dénoncé des malversations


dans des sociétés de la région de Korosko et parlé d’une enquête sur une
évasion fiscale à grande échelle. Au vu de la nature de l’attaque, il était
évident qu’il avait été visé en tant que journaliste. Immédiatement après
l’agression, le directeur général de la police slovène, Marko Pogorevc,
déclara que la police était « sur le point d’arrêter les auteurs ». deux ans
plus tard, personne n’a toutefois encore été appréhendé.
L’enquête fut critiquée. Le lieu du crime n’avait pas été sécurisé et des
indices essentiels auraient pu être écrasés. On s’aperçut que certaines
Alexander Sami (à droite) et Miro des personnes dont la maison fut perquisitionnée semblaient préparées à
Petek en Slovénie, pendant l’enquête l’événement, et les spéculations sur les entrées qu’elles auraient auprès du
menée par le premier pour le compte ministère public ou du tribunal allèrent bon train. Malgré le retentisse-
de la FIJ. ment de l’affaire, l’enquête fut laissée au parquet et à la police locaux,
même si le directeur général de la police était tenu au courant et informait
régulièrement le ministre de l’Intérieur.
L’Association slovène des journalistes pressa la police à agir de
manière plus décidée, en particulier à remettre l’affaire aux enquêteurs
nationaux spécialisés. Elle demanda des explications pour le manque de
progrès accomplis.
La FIJ commissionna une enquête, menée par Alexander Sami, avocat
et secrétaire général de la Fédération suisse des journalistes. Ce dernier
se rendit en Slovénie et questionna des officiels de haut rang, dont le pro-
cureur général, le directeur général de la police et le directeur de la police
criminelle. Il rencontra également les enquêteurs locaux et le procureur
chargé de l’affaire Petek, ainsi que le ministre de l’Intérieur et son chef
de cabinet.
Alexander Sami qualifia l’incapacité à trouver les coupables de « très
alarmante ». Son rapport à la FIJ dit: « Toute attaque contre un journal-
iste constitue une forme de censure, et c’est exactement ce qu’est la con-
séquence dramatique de l’agression contre Petek. Ironiquement, la liberté
de la presse dans la région de Korosko et dans le reste de la Slovénie est
dans les mains de la police. Si la police ne fait pas correctement son tra-
vail dans l’affaire Petek, casser la tête des journalistes pourrait très bien
devenir une mission de routine pour les criminels slovènes. Cela ne doit
toutefois pas être permis dans un pays mentionné comme un candidat
probable à l’adhésion à l’Union européenne dans un avenir rapproché. »
L’enquête et la conférence de presse subséquente organisée par la FIJ
à Bruxelles soulevèrent la question de savoir si la police slovène devait
demander une aide extérieure. Après la publication du rapport Sami, le
secrétaire général de la FIJ Aidan White écrivit à Milan Kucan, le président
de la République de Slovénie, l’invitant à désigner une équipe d’enquêteurs

108
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

indépendants: « Si de telles mesures ne sont pas prises, la confiance en la


capacité des institutions politiques slovènes à répondre aux atteintes à la
Le syndicat
liberté de la presse et à la démocratie sera gravement écornée. » presse la police
Même si les agresseurs de Petek n’ont pas encore été arrêtés au d’agir
moment de l’impression du présent ouvrage, la campagne pour les ret- Des représentants du Syndicat
rouver est devenue une initiative en faveur de la liberté de la presse et national indien des journalistes
une marque de soutien au journalisme d’investigation indépendant en et le président de l’association
Slovénie et à l’étranger. » régionale des journalistes ont
rencontré le directeur général de
Ukraine la police de l’État de Haryana
(nord du pays) pour demander
Une réponse nationale forte liée à l’aide internationale figure au cœur de la
une enquête approfondie sur
campagne demandant que les assassins de Georgy Gongadze soient traduits
l’assassinat de Chaterpatti,
en justice. Gongadze disparut en septembre 2000, et son corps décapité fut rédacteur en chef du quotidien en
retrouvé deux mois plus tard dans un bois près de Kiev. Un ancien garde du langue hindi Poora Sach.
corps remit une cassette impliquant le président ukrainien Leonid Koutchma, Chaterpatti mourut à New Delhi
qui qualifia la cassette de faux. En dépit du refus ukrainien de travailler avec en novembre 2002, un mois
une commission d’enquête internationale indépendante, la pression interna- après avoir été abattu à Sirsa,
tionale ne s’est pas relâchée. Une commission parlementaire ad hoc ukraini- dans l’État de Haryana. Les
enne suggéra même en 2002 que le président et d’autres hauts responsables tirs étaient sans doute liés aux
de l’État pourraient être arrêtés et inculpés. investigations de Chaterpatti
En 2002, un nouveau procureur général fut nommé, et en septem- sur les abus sexuels commis au
siège d’une secte religieuse à
bre 2002, les manifestants défilèrent à Kiev et dans de nombreux pays
Sirsa.
du monde pour marquer le deuxième anniversaire de la disparition de
Gongadze. Le chargé d’affaires ukrainien à Londres fut un des nombreux
officiels à recevoir des délégations de journalistes demandant une intensi-
fication de l’action. Il déclara aux représentants du Syndicat national des
journalistes de Grande-Bretagne et d’Irlande: « La question figure en haut
de notre agenda également. Le peuple se souvient de Georgy Gongadze. »
Jeremy Dear, secrétaire général du NUJ, ajouta par la suite: « Les institu-
tions bougent parce que les citoyens protestent. Intensifions la pression. »

Transcaucasie
Un rapport de la FIJ intitulé « Promoting Independent and Ethical
Journalism in the Southern Caucasus », rédigé avec le soutien du Conseil
de l’Europe, détaille les violences et les intimidations à l’encontre des jour-
nalistes en Azerbaïdjan, en Géorgie et en Arménie. Il donne également des
exemples de journalistes se rassemblant pour défendre leurs droits.
En 2001 en Azerbaïdjan, trois journaux furent interdits par les tribunaux
et leurs rédacteurs en chef emprisonnés en vertu de l’article 19 de la loi sur
la presse. Ils furent libérés après une campagne conjointe des associations de
journalistes et du Syndicat des journalistes, soutenus par la pression interna-

109
Chapitre 7
La réaction: que peuvent faire la FIJ
et les organisations de journalistes?

tionale. La loi utilisée pour interdire les titres fut abrogée par la suite.
En mars 2002, la police intervint violemment contre des manifestants
et des journalistes lors d’une marche d’opposition, un événement relative-
ment courant. Après les protestations et une discussion avec un minis-
tre, le gouvernement accepta une enquête. Le ministre suggéra que les
journalistes envoient un avocat pour les représenter au sein d’un groupe
de contrôle. D’autres manifestations doivent être filmées, et le club de la
presse de Bakou et le syndicat de journalistes Yeni Nesil distribueront des
vestes fluorescentes aux journalistes.
Le journaliste indépendant Ronan Brady, auteur du rapport de la FIJ,
relata: « Les conditions dans lesquelles les journalistes azéris travaillent
sont profondément choquantes. Le gouvernement a fait tout ce qu’il a pu
pour les diviser et les isoler. (...) J’ai toutefois l’impression que le sens de
la solidarité parmi les journalistes azéris l’a emporté contre toute attente
à chaque fois qu’il a été mis à l’épreuve. »
Il ajoute: « Les pressions extérieures, en particulier de la part du
Conseil de l’Europe, ont été essentielles pour assurer le changement.
Selon moi, la manière dont les différents associations et syndicats de
journalistes ont collaboré à des buts communs tels que la création d’un
conseil de la presse ou la protection des journalistes contre les attaques de
la police, a été tout aussi vitale. (...) J’ai perçu un degré élevé de collabora-
tion et de coordination entre les deux groupes (le Syndicat des journal-
istes - JuHI - et le Syndicat Yeni Nesil des journalistes d’Azerbaïdjan) au
sujet du conseil de la presse et sur d’autres questions. »
La Géorgie possède les lois en matière de presse les plus libérales de la
région, mais présente aussi les conditions les plus dangereuses pour les
journalistes. En juillet 2000, Giorgi Sanaia, l’animateur d’une émission
politique, fut abattu par un agresseur inconnu. En septembre, Antonio
Russo de la chaîne italienne Radio Radicale fut assassiné. Certains jour-
nalistes estiment que son meurtre fut une mesure de représailles pour sa
couverture de la guerre en Tchétchénie.
Les menaces et les attaques contre les journalistes sont courantes, et
l’autocensure en est une des conséquences. Il est toutefois possible de
s’élever contre les bandits. Quand Akaki Gogichaitchvili, le présentateur
de l’émission d’information « 60 Minutes », dénonça la corruption au
sein du Syndicat des rédacteurs de Géorgie, il fut emmené au bureau
du procureur adjoint, où il s’entendit conseiller de parler à ses parents
des dangers de telles émissions. Le lendemain, il reçut des menaces de
mort. Au lieu de se rétracter, il tint une conférence de presse et organisa
une protestation publique. Après trois jours, le président ordonna que
Gogichaitchvili soit protégé.

110
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Colombie
Les risques courus par les journalistes en Colombie ont été exposés au chapi-
tre 4. Après une mission en Colombie en 2002, le Comité exécutif de la FIJ
soutint la création d’un Centre de solidarité avec les journalistes colombiens.
Ce projet vise à organiser l’aide humanitaire et l’assistance aux journalistes
et travailleurs des médias et leurs familles, à enquêter sur les attaques, à
améliorer la connaissance des risques et à conscientiser à l’importance d’un
journalisme sûr et à la nécessité de défendre la liberté d’expression.
Le centre offrira une aide d’urgence avec le soutien du fonds de sécurité
de la FIJ, à travers un accord avec la Fondation pour la liberté de la presse
(FLIP), une ONG colombienne membre de l’IFEX (Échange interna-
tional de la liberté d’expression) et possède un réseau d’alerte national
doté d’un système d’investigation, de vérification et de suivi des menaces
ou violences contre les journalistes. L’initiative de la FIJ n’est pas tant un
lieu physique qu’un projet qui étendra ses objectifs par le biais de cam-
pagnes. Il diffusera des informations aux journalistes et à leurs organisa-
tions et travaillera avec les ONG colombiennes, les bureaux et affiliés de
la FIJ en Amérique latine et le siège de la FIJ à Bruxelles.
La première initiative du Centre de solidarité, lancée à l’occasion de la
journée nationale des journalistes de Colombie le 9 février 2003, fut une
campagne pour la sécurité. Cette campagne, soutenue par FLIP et des
associations locales de journalistes, se penchait sur la liberté de la presse
et les violations de la liberté d’expression. Elle invitait les belligérants du NE TRAVAILLEZ PAS SEUL OU
conflit colombien et les personnes impliquées dans la corruption à cesser SANS PROTECTION…
d’assassiner les journalistes. Son message était le suivant: « Plus de jour- Dans un article rédigé à la suite de
nalistes victimes du conflit armé et de la corruption: nous ne sommes pas l’assassinat de Martin O’Hagan, le
une cible; nous sommes le fondement de la démocratie. » membre du comité exécutif du NUJ
Kevin Cooper émit les conseils
Irlande du Nord suivants.
Cette capacité à poursuivre un intérêt commun à travers un conflit est un Si vous vous voyez proposer
élément caractéristique du journalisme en Irlande du Nord, où les violences de travailler en Irlande du Nord,
ont causé des milliers de victimes, mais où les journalistes ont rarement été refusez la mission sauf si:
visés. Malgré des décennies de conflit armé, c’est seulement le 28 septem-  vous avez déjà de l’expérience
bre 2001, alors que toutes les organisations paramilitaires étaient censées de la couverture d’un conflit;
respecter un cessez-le-feu, qu’un journaliste fut visé et tué.  votre organisation assure votre
Martin O’Hagan, 51 ans, un reporter du Sunday World qui avait protection; et
écrit des articles sur les paramilitaires loyalistes, fut tué dans sa ville de  vous n’êtes pas invité à travailler
Lurgan, dans le comté d’Armagh, alors qu’il revenait d’un pub en com- seul, une des choses les plus
pagnie de son épouse. dangereuses que vous puissiez
Le meurtre de O’Hagan fut revendiqué par les Défenseurs de la Main faire dans un conflit.
rouge, une appellation utilisée par les Forces volontaires loyalistes.

111
Chapitre 7
La réaction: que peuvent faire la FIJ
et les organisations de journalistes?

Il y a bien des années, je me


Les journalistes travaillent
déplaçais avec un journaliste de
Belfast dans la ville quand nous
en Irlande du Nord « comme
fûmes arrêtés par des hommes si la carte de presse était un
armés et encagoulés et invités à
sortir de la voiture. Mon chauffeur bouclier »
était indigné: « Comment osez-
Michael Foley, membre du Conseil exécutif irlandais du NUJ et
vous? Je suis journaliste!, déclara-
professeur en journalisme au Dublin Institute of Technology, explique
t-il en exhibant une carte du NUJ.
Si vous ne nous laissez pas
pourquoi les journalistes ont pu couvrir le conflit nord-irlandais pendant
passer, je parlerai de vous à Danny
des décennies sans devenir des cibles, du moins jusqu’à l’assassinat de
Morrison » (l’attaché de presse de Martin O’Hagan en septembre 2001.
l’époque du Sinn Fein). L’homme
bafouilla des excuses et fit signe à ses camarades de nous laisser passer.
Cette histoire illustre la « règle non écrite » voulant que les journalistes ne se fassent pas tirer dessus et explique
pourquoi tant de personnes furent choquées voire anéanties lors de l’assassinat de Martin O’Hagan. Mais ce qui n’est
pas examiné de plus près, c’est la règle elle-même. Pourquoi Martin O’Hagan fut-il le premier journaliste à être tué?
Pourquoi des journalistes, certains travaillant pour des médias sectaires, purent-ils se déplacer comme si leur carte de
presse était un bouclier?
Martin O’Hagan ne fut pas le premier journaliste victime de tirs. Cet honneur revient à son ancien collègue Jim
Campbell, qui fut grièvement blessé par les UVF en 1984. couvrir les événements d’Irlande du Nord est dangereux et
des journalistes ont déjà été roués de coups ou touchés par d’autres projectiles. Si O’Hagan fut le premier journaliste
tué, d’autres travailleurs des médias sont morts des suites directes des violences politiques.
Dans un conflit, de la Yougoslavie au Sierra Leone, travailler en tant que journaliste signifiait souvent essuyer des tirs.
Pas en Irlande du Nord. Pourquoi? La société civile nord-irlandaise ne s’est jamais écroulée. Les institutions, de l’école
aux services sanitaires en passant par les bibliothèques ou la sécurité sociale, ont continué à fonctionner. Pendant
toute la période du « direct rule », les campagnes électorales furent animées. Locales, législatives ou européennes,
les élections suscitaient l’enthousiasme et la passion et les journalistes politiques les couvraient avec le même
engagement.
L’Irlande du Nord n’a jamais été totalement laissée sans culture démocratique, même imparfaite, et les médias avaient
une place. Jamais au cours des trente années de conflit, il n’y a eu de période où personne ne travaillait à une initiative
de paix ou l’autre, ou les politiciens cherchaient à influencer l’opinion publique; en ce sens, les médias sont nécessaires.
Les journalistes, en particulier de la presse écrite, occupaient une position spéciale en raison de la nature divisée du
pays. Les journaux ne doivent pas être impartiaux et équilibrés. Dans une société divisée, les nationalistes ont besoin
de l’Irish News et les loyalistes du Newsletter, du Derry Journal ou du Londonderry Sentinel. Cela a fait de l’Irlande du
Nord une des plus grandes cultures de lecture de journaux.

Un autre facteur fut que le Syndicat national des journalistes couvrait le Royaume-Uni et l’Irlande. Les journalistes
d’Irlande du Nord étaient impliqués dans un syndicat apportant de la solidarité et servant de pont au-dessus du fossé
sectaire. Ils étaient membres du NUJ, quelle que soit la ligne éditoriale de leur titre. Ils s’élevaient ensemble, loyalistes
et nationalistes, contre la censure. Ils portaient une carte de presse unique, qui ne donnait aucune indication de leur
employeur; elle disait juste qu’ils étaient journalistes.

112
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Les collègues britanniques exigeant le retrait de l’armée voyaient leurs


propositions rejetées par les membres nord-irlandais, soucieux de l a
délicate solidarité.
Les journalistes étaient nécessaires dans une société où il n’y
avait guère de forum de discussion mais où l’opinion publique a
toujours été un acteur important. Taoiseach (République d’Irlande) ou
Premier ministre (Royaume-Uni et Irlande du Nord), loyalistes ou
nationalistes, SDLP ou DUP, tous avaient besoin des journalistes
pour influencer l’opinion publique, parler à leurs partisans ou à leurs
opposants. Les journalistes, même ceux qui travaillaient pour des
médias sectaires, faisaient preuve du détachement professionnel
qui leur permettait d’être considérés comme étant à mi-chemin entre Martin O’Hagan portant le drapeau l e
mal nécessaire et l’intermédiaire fiable.
du NUJ lors d’une parade du 1er mai,
Cela n’a jamais rendu le travail en Irlande du Nord facile. Les
quatre mois avant son assassinat.
journalistes ont appris une forme de métier commercial. Couvrir Photo: Photoline / Kevin Cooper
les
activités loyalistes signifiait entrer en contact avec l’homme fort d’un
quartier. Les journalistes, en particulier les photographes, ont appris à
traiter les enterrements, marches et manifestations d’une manière leur permettant d’obtenir des images sans se faire
rouer de coups. Quand les émotions remontaient à la surface, les journalistes avaient souvent très peur, mais ils avaient
toujours cette carte de presse qui leur servaient de bouclier.
Alors, pourquoi Martin O’Hagan a-t-il été tué? Une des raisons avancées fut le manque de leadership et l’incapacité
des organisations paramilitaires à imposer une discipline militaire. Nombre d’entre elles ne sont impliquées que dans
des activités criminelles et n’ont que du mépris pour l’opinion publique (lié aux développements internes, en particulier
au sein des classes moyennes loyalistes).
Quelque unique qu’ait été la mort de Martin O’Hagan en Irlande du Nord, elle est conforme à une tendance mondiale.
Veronica Guerin, une journaliste d’investigation pour l’Irish Sunday Independent, fut tuée le 26 juin 1996 alors qu’elle
attendait dans sa voiture à un feu rouge à la sortie de Dublin. Elle avait dénoncé les liens entre la criminalité organisée
et les trafiquants de drogue en République d’Irlande.
Les plus vulnérables sont les journalistes locaux, pas les correspondants étrangers renommés portant un treillis
dessiné par un grand couturier et portant des protections personnelles. Les journalistes qui risquent le plus d’être tués
à cause de ce qu’ils écrivent ou diffusent sont ceux dont le travail est lu et vu par les personnes les plus concernées
par l’événement relaté, pas par un public international. Ce sont eux les héros de notre profession. Ils écrivent pour des
gens ordinaires, ils racontent aux gens ce qui arrive dans leur propre société et mettent au défi les criminels et auteurs
de violences, courant ainsi de grands risques. 

113
Chapitre 7
La réaction: que peuvent faire la FIJ
et les organisations de journalistes?

D’autres journalistes avaient certes été menacés et un autre journaliste


du Sunday World, Jim Campbell, grièvement blessé par les Forces volon-
taires de l’Ulster (UVF) en 1984. Il est toutefois remarquable que les
journalistes aient pu travailler dans une sécurité relative tout au long du
conflit, courant plus ou moins les mêmes risques que le reste de la popu-
lation, si l’on excepte les risques inhérents au métier de reporter ou de
photographe travaillant sur les lieux d’affrontements et d’explosions.

Afrique
Dans bien des pays africains, des journalistes ont été attaqués, empris-
onnés ou tués, et de nombreux continuent à courir des risques. Là où la
liberté de la presse est fragile et où les journaux, télévisions et radios sont
souvent associés soit au pouvoir en place soit à l’opposition, les journal-
istes peuvent trop facilement devenir des ennemis à éliminer plutôt que
LA FIJ AFRIQUE EN LIGNE les acteurs d’un débat politique ou social.
La FIJ possède un site web Les campagnes menées par de nombreux syndicats et associations
spécial sur les questions africains contre la violence à l’adresse des journalistes sont liées à une
africaines en langues anglaise, campagne plus large pour la liberté de la presse et des médias et pour des
française et portugaise. standards professionnels.
http://www.ifjafrique.org/english/ Tant l’Association des journalistes d’Afrique de l’Ouest que la Southern
index.htm Africa Journalists’ Association regroupent des associations et syndicats
http://www.ifjafrique.org/francais/ locaux et confèrent à ces campagnes un plus grand retentissement.
index.htm La FIJ compte quelque 30 affiliés sur le continent africain et a ouvert
http://www.ifjafrique.org/ un bureau régional à Dakar (Sénégal) en décembre 2001. Depuis 1994, la
portugues/index.htm FIJ gère le programme « Médias pour la démocratie en Afrique », auquel
participent des centaines de journalistes et d’éditeurs. Le programme est
basé sur le principe que le contrôle public de l’exercice du pouvoir est
essentiel dans une démocratie, et que les campagnes en faveur de lois rela-
tives aux médias doivent être conformes aux normes internationales et
élaborées uniquement après une consultation extensive des journalistes.
Il estime que les organisations indépendantes de journalistes sont les
mieux à même de défendre la liberté de la presse et que les profession-
nels des médias ont le devoir de travailler aux standards les plus élevés et
créer des structures d’autorégulation efficaces.
Les organisations de journalistes voient en le soulagement de la pres-
sion exercée sur les journalistes une de leurs principales fonctions.
Quand le journaliste libérien Throble Suah du quotidien Inquirer fut
agressé par des hommes soupçonnés d’être des officiers de la garde prési-
dentielle, l’unité anti-terroriste, le Syndicat de la presse du Liberia appela
à une action urgente « afin de traîner en justice les auteurs de cet acte non
civilisé, bestial et barbare. »

114
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Les banquiers qui ont commandité le meurtre


d’un journaliste d’investigation condamnés à
23 ans de prison
Six hommes furent condamnés en février 2003 à des peines allant de 23 à 28 ans d’emprisonnement pour le
meurtre du célèbre journaliste d’investigation mozambicain Carlos Cardoso en novembre 2000 et la tentative de
meurtre contre son chauffeur Carlos Manjate, qui fut grièvement blessé dans l’embuscade. Parmi les six hom-
mes figuraient les trois tireurs et les trois commanditaires: l’usurier Momade Assife Abdul Satar (« Nini »), son
frère Ayob Abdul Satar, propriétaire du bureau de change Unicambios, et l’ancien directeur de banque Vicente
Ramaya.
Le tribunal estima que les frères Abdul Satar et Ramaya avaient voulu éliminer Cardoso parce qu’il avait
enquêté sur la fraude massive dans laquelle la plus grande banque du pays, la BCM, perdit 14 millions de dol-
lars lors de sa privatisation. L’argent fut détourné à l’agence de Ramaya, par le biais de comptes ouverts par
des membres de la famille Abdul Satar.
Le procès fut le point culminant des pressions exercées par tous ceux qui veulent éradiquer la corruption au
Mozambique. Les journalistes et leurs organisations étaient parmi ceux qui voulaient que la vérité éclate.
Cardoso, ancien rédacteur en chef de l’agence de presse officielle du Mozambique, AIM, avait créé et publiait
un quotidien indépendant diffusé par fax, Metical, enquêtant sur les scandales financiers. Il fut suivi un jour à la
sortie du bureau et abattu dans sa voiture.
Bien que le tribunal ait statué que les trois hommes d’affaires avaient commandité le meurtre, il ne ferma pas la
porte à la possibilité que d’autres personnes soient inculpées, dont le fils du président, Nyimpine Chissano.
Les juges déclarèrent que les réunions de discussion du meurtre avaient impliqué « d’autres individus que les
défendeurs ». Certaines avaient eu lieu au siège d’Expresso Tours, la société dirigée par le fils aîné du prési-
dent Joaquim Chissano.
Ces réunions, auxquelles Nyimpine Chissano avait sans doute participé, furent rapportées à Antonio Frangoulis,
à l’époque chef de la police judiciaire de Maputo.
Frangoulis en parla à ses supérieurs et fut licencié.
Anibal dos Santos Junior (« Anibalzinho »), qui recruta les tueurs et conduisait la voiture au moment des faits,
écopa de la peine la plus lourde. Il ne comparut toutefois pas lors du procès et ne put être interrogé sur ses
liens avec Chissano parce qu’il fut mystérieusement libéré de la prison de haute sécurité de Maputo avant
le début du procès. La police sud-africaine l’arrêta à Pretoria à la fin du procès et il fut renvoyé en prison au
Mozambique le jour où sa peine fut annoncée.
Le tribunal ordonna aux six inculpés de verser un dédommagement de 588 000 dollars aux enfants de
Cardoso, âgés de 7 et 13 ans, et au chauffeur. 

115
Chapitre 7
La réaction: que peuvent faire la FIJ
et les organisations de journalistes?

Comme dans d’autres régions du monde, les groupes de défense de


la liberté des médias suivent également les menaces de violences et
d’attaques, et une réponse coordonnée est souvent possible. Par exemple,
en septembre 2002, l’association basée à Kinshasa Journalistes en danger
protesta contre la détention du journaliste de Radio Okapi Franklin
Moliba-Sese par le Mouvement pour la libération du Congo. Le MLC
s’était inscrit en faux contre les rapports sur les conditions des anciens
enfants soldats démobilisés. À la suite des protestations, le ministère pub-
lic reprit le contrôle et Moliba-Sese fut libéré après neuf jours.

Indonésie
À l’époque où l’autoritaire « Ordre nouveau » était au pouvoir en
Indonésie, les violences à l’encontre des journalistes venaient essentielle-
ment des forces de sécurité, la police et l’armée étant soupçonnées d’actes
de torture et d’enlèvements. Aujourd’hui, dans une ère de « réforme »,
les attaques contre les journalistes sont surtout le fait de factions non
gouvernementales de diverses tendances. L’Alliance des journalistes
indépendants d’Indonésie (AJI) estime que la plupart des assaillants iden-
tifiés sont affiliés au parti politique au pouvoir. Des membres militants
d’organisations religieuses menaceraient eux aussi des journalistes. La
Lasykar Jihad (Forces de la Guerre sainte) et le Front des défenseurs de
l’Islam (FPI) sont deux exemples de groupes religieux qui ont visé les
journalistes ou les médias qu’ils considèrent violer leurs croyances. En
outre, des groupes suspectés d’être payés par des hommes d’affaires sans
scrupules menacent la sécurité des journalistes.
L’AJI enregistra 104 attaques contre des journalistes entre mai 2000
et mai 2001, allant des pressions psychologiques à la force physique.
Environ la moitié de ces actes eurent lieu au milieu de la foule. L’année
suivante, on compta 118 cas de violences contre des journalistes. L’AJI
a la forte impression que l’élite au pouvoir considère la violence de
masse comme une vengeance raisonnable contre les médias désinvoltes
qui offensent la sensibilité du public, en particulier quand cette violence
provient de ses partisans fanatiques.
L’alliance propose une aide juridique aux membres victimes d’attaques
et a lancé une campagne de conscientisation du public visant à mettre
un terme aux agressions. L’AJI rappelle que toute action empêchant un
journaliste d’obtenir et de diffuser des informations constitue une atteinte
à la liberté humaine en général. Elle rappelle également à ses membres la
nécessité d’adopter les standards professionnels les plus élevés.
L’organisation organisa en août 2002 une formation à la sécurité des-
tinée à ses membres. Les deux jours de cours couvrirent l’aide juridique,

116
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

la législation du travail, le soutien syndical et la sécurité dans les zones


dangereuses, sur la base de l’expérience de journalistes indépendants.
Dans les zones où l’électricité peut faire défaut et les contacts avec la AU JOURNALISTE
base s’avérer difficiles, les journalistes s’accordèrent sur la nécessité de Ce poème a été trouvé dans
disposer de plans d’urgence et sur des manières innovatrices de trans- la poche d’Egon Scotland, un
mettre leurs articles. L’un d’entre eux suggéra même de recourir aux journaliste pour le quotidien
pigeons voyageurs! L’importance de l’indépendance et de la préparation munichois Süddeutsche Zeitung,
minutieuse fut soulignée, au même titre que la nécessité de connaître la tué dans une embuscade tendue
géographie, la culture et les peuples. par la guérilla serbe lors des
premiers jours du conflit en Croatie
Résumé en 1991.
Une campagne peut être aussi spectaculaire que la grande manifestation
organisée en Macédoine ou les grèves au Népal, ou aussi peu retentis- Prends autant de notes et de photos
sante que l’écriture d’une lettre de protestation ou la demande d’un Que tu le pourras,
rendez-vous avec un parlementaire. L’expérience a montré que quand les Mon ami.
journalistes se rassemblent et agissent de concert, ils parviennent à faire Mais ne dis jamais au monde
la différence. Les actes de solidarité augmentent la confiance des journal- Que seuls des chiffres ont été tués
istes, ce qui les aide dans l’exercice de leur profession. Même des actes Dans les champs dorés
simples de solidarité collective comme une collecte de fonds en faveur des De Slavonie.
familles de journalistes blessés ou détenus rapprochent les gens et les Parce qu’aucun chiffre ne porte de nom
aident à percevoir leurs forces plutôt que leurs faiblesses. Ni n’a d’avenir.
Dans de nombreux pays, des organisations œuvrent à l’unité qui rend
cette action possible. Cette entente n’a toutefois pas été atteinte partout. Dis au monde que
La capacité des journalistes à faire campagne est une tâche plus ardue si Ce sont Johann et William
leurs organisations sont divisées et ne collaborent pas. Les journalistes Et Victor et Francesco
agissant ensemble en dépit des différences politiques ou ethniques peu- Qui ont été tués
vent construire un bouclier de solidarité qui les protégera tous. 
Au cœur de la Slavonie.
Et que Gabriel et Gyorgy
Et ton nom aussi
Seront tués demain.

Prends autant de notes et de photos


Que tu le pourras,
Mon ami.
Mais ne dis jamais au monde
Que seul des chiffres ont été tués
Dans les champs ensanglantés
De Slavonie.

Anonyme

117
Annexe 1
Principaux contacts

Groupes de pression des zones de conflit, facilite le dialogue et fournit des


informations fiables.
Fédération internationale des journalistes http://www.iwpr.net/home_index_new.html
Représente 500 000 journalistes dans plus de 100 pays.
Mène des campagnes sur des questions professionnelles International Media Support
et sectorielles en communication étroite avec les syndicats Promeut la liberté de la presse, le journalisme et
et associations de journalistes. Fait depuis longtemps l’amélioration des conditions de travail des journalistes
pression pour la sécurité des journalistes. locaux dans les zones menacées par un conflit.
http://www.ifj.org/ http://www.i-m-s.dk
Lien direct vers les pages dédiées aux droits de l’homme Institut international de la presse (IIP)
du site de la FIJ Réseau mondial d’éditeurs, dirigeants des médias et
http://www.ifj.org/default.asp?Issue=HUMA&Language=FR journalistes de renom, dédié à la liberté de la presse et à
Adresse de contact pour les questions de droits de l’amélioration des standards et pratiques du journalisme.
l’homme et de sécurité http://www.freemedia.at
[email protected]
Reporters sans Frontières
Article 19 Fait pression pour la liberté des médias et pour la protection
Nommé d’après l’article 19 de la Déclaration universelle des journalistes menacés ou emprisonnés.
des droits de l’homme. Actif dans le monde entier dans http://www.rsf.fr/
la lutte contre la censure et la promotion de la liberté
d’expression et de l’accès à l’information
http://www.article19.org/ Sites d’information
Committee to Protect Journalists Crimes of War Project
Fondé en 1981 pour suivre les abus perpétrés contre Informations et discussions sur les crimes de guerre et sur
la presse et promouvoir la liberté de la presse dans le le rôle des journalistes dans les conflits.
monde. http://www.crimesofwar.org/
http://www.cpj.org/
Comité international de la Croix-Rouge
EPN World Reporter Informations sur les conventions de Genève et sur des
Magazine en ligne destinés aux journalistes, éditeurs et sujets connexes.
photographes. .+41 22 734 60001
Collecte des informations sur la liberté de la presse et la http://www.icrc.org/
sécurité. Courriel: [email protected]
http://www.epnworld-reporter.com
Cour pénale internationale
IFEX - Échange international de la liberté d’expression Informations sur la Cour et liens vers la Cour internationale
Réseau mondial de groupes de défense de la liberté de justice et les tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-
d’expression. Stigmatise les violations de la liberté de la Yougoslavie et le Rwanda.
presse et des droits des journalistes. http://www.un.org/law/icc/
http://www.ifex.org/
Bibliothèque Perry-Castañeda
Institute for War and Peace Reporting Repérez-vous avant de partir. Cherchez et imprimez les
Organise des formations pour les journalistes locaux cartes de la collection de l’Université du Texas, dont de

118
Live News - Guide de Survie à l’Usage des Journalistes

nombreuses dressées par la CIA. [email protected]


http://www.lib.utexas.edu/maps/index.html http://www.oneworld.org/rorypeck/

Stanfords
Ces cartes ne peuvent être visualisées, mais peuvent être Informations médicales
achetées en ligne.
Voyages internationaux et santé
http://www.stanfords.co.uk
Informations émanant de l’Organisation mondiale de la
Global Security santé.
Dernières nouvelles et renseignements sur les points http://www.who.int/ith/fr/index.html
chauds. Vise à donner une évaluation réaliste de la
International SOS
situation et des risques.
Offre secours et conseils. Vous rapatrie depuis l’aéroport
http://www.globalsecurity.org/
sûr le plus proche.
Convertisseur de devises http://www.internationalsos.com/contact/
Que vaut une devise par rapport à une autre?
MEDEX
http://www.xe.com/ucc/
Aide médicale internationale
Autres convertisseurs http://www.medexassist.com/index.html
Distance, température, vitesse, poids, etc.
VitalLink
http://www.onlineconversion.com/
Aide les journalistes qui tombent malade via une
Calendrier mondial communication téléphonique par satellite. Vous devez
Renseignez-vous sur les fêtes civiles et religieuses avant emporter un kit de support.
votre départ. http://tvz.tv/vitallink/vitallink.shtml
http://www.world-calendar.com/
The High Altitude Medicine Guide
The Media Safety Net Si vous devez couvrir un conflit dans un pays montagneux,
Offre aux journalistes des informations sur la sécurité consultez ce site avant de partir.
provenant du bulletin édité par l’organisateur de formations http://www.high-altitude-medicine.com/
Centurion Risk. Vous pouvez lire le bulletin même si vous
n’avez pas suivi la formation.
Stress post-traumatique
http://www.centurion-riskservices.com/mediasafetynet/
Dart Center for Journalism & Trauma (USA)
Kurt Schork
Pionnier dans le domaine du trouble de stress post-
Site dédié à la mémoire de Kurt Schork (tué au Sierra
traumatique chez les journalistes.
Leone en 2000). Souvenirs de Kurt et liens intéressants
http://www.dartcenter.org/
vers des articles sur le journalisme de guerre.
Newscoverage Unlimited
Rory Peck Trust
Forum de discussion, ramification du Dart Center.
Mène campagne pour la sécurité des journalistes
http://www.newscoverage.org/
indépendants. A créé un fonds, soutenu par plusieurs
grands groupes de presse britanniques, servant à Dart Centre Europe for Journalism & Trauma Europe
financer jusqu’à 75% des cours de formation à l’approche Branche européenne du Dart Center. Développe aujourd’hui
des situations dangereuses destinés aux journalistes son propre travail et ses propres sources d’informations.
indépendants du monde entier. Les moyens limités sont http://www.darteurope.org/
distribués sur la base du « premier arrivé, premier servi »
aux journalistes indépendants de bonne foi.
Tél.: +44 20 7262 5272

119
APPENDIX 1
Key Contacts

Organismes de formation à la http://www.seyntex.com/


Black Armor (États-Unis)
sécurité
http://www.blackarmor.com/
AKE Ltd, Hereford, Royaume-Uni
TG Faust (États-Unis)
Tél.: +44 1432 267 111
http://www.tgfaust.com/
http://www.akegroup.com
Lifetek Armor (États-Unis)
Bruhn Newtech Ltd, Salisbury, Royaume-Uni
http://www.lifetekarmorinc.com/
Conscientisation aux risques chimiques et biologiques
SEMA (France)
Tél.: +44 1980 611 776
http://www.sema-france.com/
http://www.bruhn-newtech.co.uk/
WWDC Group (Israël)
Également au Danemark
http://wwdcgroup.com/
tél.: +45 3955 8000
Hagor Industries (Israël)
http://www.newtech.dk
http://www.hagor.co.il/hagor/english1.html
et aux États-Unis (Columbia, Maryland)
BodySafe (Pays-Bas)
tél.: +1 410 884 1700
http://www.bodysafe.com/old/nederlands/
http://www.bruhn-newtech.com
Protective Equipment NP-Aerospace (Royaume-Uni)
Centurion Risk Assessment Services, Hampshire,
Casques spéciaux pour caméramans
Royaume-Uni
http://www.np-aerospace.co.uk/
Tél.: +44 1264 355 255
Lorica Armour Vest (Royaume-Uni)
http://www.centurion-riskservices.co.uk/
http://www.armorvest.co.uk/
Chiron Resources, Plymouth, Royaume-Uni
VestGuard (Royaume-Uni)
Collecte d’informations, sécurité et aide logistique et
http://www.vestguard.com/
formation.
Swedish Body Armour (Suède)
http://www.chiron-resources.com/
http://www.body-armour.se/
Global Risk Awareness & Safety Programs
Sydney, Australie
Tél.: +61 2 92526575 Protections chimiques/
http://www.globalriskawareness.com/ biologiques
Objective Team Ltd, Daventry, Royaume-Uni Duram Products (Australie)
.+44 1788 899029 http://www.duramproducts.com.au/
http://www.objectiveteam.com/ Seyntex (Belgique)
Pilgrims Specialist Training Ltd, Royaume-Uni http://www.seyntex.com/
Tél.: +44 1932 339 187 Aramsco (États-Unis)
http://www.pilgrimsgroup.com/ http://www.aramsco.com/
Paul Boyé (France)
Équipements de sécurité http://www.paulboye.fr/index.html
Body Armour (Afrique du Sud) Bruhn Newtech
http://www.bodyarmour.co.za/ (Voir à la section formation pour les sites danois, britannique
BSST (Allemagne) et américain)
http://www.bsstgmbh.de/BSSTV20/html/default.htm
Craig International Ballistics (Australie) Assurances
http://www.ballistics.com.au/ Aviabel, Belgique
Seyntex (Belgique) http://www.aviabel.be/
http://www.seyntex.com/ Crisis Insurance, Royaume-Uni
Sikkerhedsraadgiverne (Danemark) http://www.crisis-insurance.com/index2.htmm

120
Annexe 2
Statistiques des décès de journalistes et de travailleurs
des médias pour la période 1990-2002

L
a FIJ essaie de collecter et d’enregistrer le nom de tous les jour-
nalistes et travailleurs des médias tués et les circonstances de leur
décès. Elle a établi une liste de 1 192 morts pour la période 1990-
2002. Aucune liste ne peut être exhaustive, et celle-ci est accompagnée
de toute une série de remarques. La collecte des données est difficile en
raison du manque d’informations disponibles et des différentes définitions,
du genre: qui est journaliste? ou le journaliste est-il mort en faisant son
travail?
En outre, on peut faire remarquer que ne tenir compte que de ceux
qui meurent en faisant leur travail ne donne pas une image correcte
des risques. Et les personnes blessées, ou dont la confiance ou la santé
psychologique sont dévastées, ce qui les rend incapables de travailler?
Autant de bonnes questions auxquelles les tableaux et chiffres ne peuvent
apporter de réponse. Les tableaux donnent toutefois un aperçu global qui
renforce les messages du présent guide. Ils montrent des schémas de ris-
ques permettant de tirer d’importants enseignements qui peuvent sauver
des vies. Une manière de veiller à ce que ces journalistes ne soient pas
morts pour rien consiste à étudier les circonstances de leur décès et à ainsi
réduire les pertes de talent et d’engagement.
La liste de la FIJ diffère de celle d’autres organisations sur un aspect
essentiel, à savoir qu’elle englobe tous les travailleurs des médias. C’est la
bonne approche. Il serait surprenant que, lorsqu’une voiture dans laquelle
ont pris place un chauffeur, un traducteur, un reporter, un caméraman et
un technicien saute sur une mine, seuls quelques-uns des occupants aillent
grossir la liste des victimes travaillant pour la presse. La liste de la FIJ
reprend les journalistes dès lors qu’il semble probable qu’ils aient été visés
en raison de leur travail. Elle englobe donc les journalistes morts à la suite
d’un accident lié à leur travail et ce, même si cette information est limitée,
parce que les journalistes décédés dans un accident de la route alors qu’ils
se rendent à un travail de routine ne seront sans doute pas repris.
Il y a des leçons instructives à tirer des statistiques des décès accidentels.
Ainsi, le nombre de journalistes tués dans un accident d’hélicoptère est élevé.
Les chiffres, déséquilibrés bien que découlant de deux incidents à grande
échelle, montrent également que photographier des volcans semble être une
activité particulièrement dangereuse. Un des événements les plus meurtriers
de ces dernières années fut la disparition de 16 journalistes japonais à côté de
40 scientifiques et spectateurs le 2 juin 1991. Ils filmaient l’éruption du mont

121
Annexe 2
Statistiques des décès de journalistes et de travailleurs des
médias pour la période 1990-2002

Unzen (Japon), quand une coulée de lave en fusion les emporta avant qu’ils
n’aient le temps de fuir. La même année, le Pinatubo (Philippines) tua environ
750 personnes, dont quelques journalistes stationnés à une distance supposée
sûre. Le manque d’informations, l’incertitude quant aux événements futurs
et la concurrence, qui incite les journalistes à vouloir vivre les choses de plus
près, sont autant de facteurs qui poussent à se rapprocher - littéralement et
métaphoriquement - du point de non-retour.
Les tableaux proposent une ventilation des décès selon l’endroit où ils
se sont produits dans le monde et le type de journaliste ou travailleur des
médias tué. Ici aussi, les définitions posent un problème. Le propriétaire
d’une station de radio qui passe occasionnellement à l’antenne, est-il un
dirigeant ou un journaliste? Les rédacteurs en chef des petits journaux sont
des journalistes actifs. Dans les grands journaux, ils sont parfois cadres.
Certaines personnes sont considérées comme des travailleurs indépendants;
d’autres accomplissant le même boulot seront décrites comme des photog-
raphes. Une fois de plus, il faut être prudent avec les chiffres. Cependant, ils
fournissent de bonnes indications sur la structure des décès.
Nous donnons ci-après une liste reprenant 274 des 1 192 cas, ceux des
journalistes morts dans ce que l’on peut appeler des « zones de guerre
». Elle met en exergue certains des messages du présent guide: com-
bien de travailleurs des médias meurent dans leur propre pays, combien
d’indépendants sont tués, combien de personnes sont la cible de tirs, de
bombardements, d’obus ou d’embuscades, etc. Plus de 70% des individus
tués travaillaient dans leur pays « d’origine ». Sur les 274 morts énumérés,
au moins 16 étaient des femmes (le sexe n’était pas toujours mentionné).
La liste ne reprend pas les personnes tuées ou visées à l’extérieur des
zones de conflit. Encore une définition discutable… Les journalistes bru-
talement assassinés en Algérie, au Sri Lanka, en Colombie ou en Ukraine
pourraient tous figurer dans la liste. Le critère utilisé fut l’existence d’une
zone guerre identifiable.
Pour diverses raisons, nous n’avons inclus qu’un seul nom pour chaque
journaliste de cette liste. Notre intention n’était nullement de leur man-
quer de respect. Des erreurs figureront inévitablement et, comme tout
journaliste le sait, l’endroit le moins adapté pour commettre une erreur,
c’est la rubrique nécrologique. La nationalité du journaliste est une des
informations délicates, et dans de nombreux cas les dossiers ne l’indiquent
pas. Quand nous n’étions pas certains de la nationalité, nous l’avons
indiquée en italique et entre parenthèses. Si vous souhaitez apporter
des corrections à la présente liste, la FIJ sera heureuse de les recevoir.
Envoyez pour ce faire un message à l’adresse [email protected].
Peter McIntyre

122
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Tableau 1: En raison du manque d’informations dans certains cas, les


Qui étaient les victimes? 1990-2002 1 192 journalistes tués entre 1990 et 2002 ne sont pas tous
repris dans ces tableaux. Le tableau 1 englobe 75% de tous
les décès et le tableau 2, plus de 85%.

Reporters Rédacteurs Travailleurs Inconnus Indépendants Caméra- Photographes Correspon-


en chef des médias mans dants locaux

Tableau 2: CAUSES DU DÉCÈS


Comment sont-elles mortes? 1990-2002 Faits de
guerre Les « autres raisons » englobent les
27% circonstances dans lesquelles on
Autres raisons/
raisons floues ne sait pas pourquoi un journaliste
20% ou travailleur des médias a été
visé (comme dans certains cas
206 morts 274 au Rwanda en 1994) et les décès
morts découlant d’un accident lié au
travail. Le tableau montre que la
moitié des décès sont dus à des
violences ou à un conflit internes à
un pays qui n’est pas en proie à une
534 morts
« guerre » ouverte.
Les journalistes assassinés ou tués
à cause de leur travail sont presque
deux fois plus nombreux que ceux
tués dans des zones de bataille.

123
Annexe 2
Statistiques des décès de journalistes et de travailleurs des
médias pour la période 1990-2002

Les tableaux suivants Tableau 3:


indiquent les risques
Où des journalistes et travailleurs des médias sont-ils morts?
1990-2002 1990-2002
historiques plutôt
qu’actuels. Les chiffres 327
pour l’Afrique sont dominés 225 228
par l’Algérie et le Rwanda;
225
ceux pour l’Amérique par
la Colombie; et ceux pour
l’Europe par les républiques
de l’ex-Union soviétique ou
de l’ex-Yugoslavie.

37

Afrique Amérique Asie Europe Moyen-Orient

107
Tableau 4: Décès en Afrique 1990-2002

54

20 17 15 13 10 7 7 7

Algérie Rwanda Angola Somalie Sierra Afrique Nigeria Liberia Kenya Ouganda
Leone du Sud

105
Tableau 5: Décès en Amérique 1990-2002

37 36
27 24 21
9
5 4
Colombie Péru Mexico USA Brésil Guatemala Haïti Venezuela El
Salvador

124
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Tableau 6: Décès en Asie 1990-2002

41
37
32

Bangladesh

Afghanistan
26

Sri Lanka

Thaïlande
24

Cambodge
Indonésie
Philippines
Tadjikistan

13 13
Pakistan

10 10
Japon

8 7
Indie

Figure 7: Décès en Europe 1990-2002

85
Tchétchénie

52
Fédération de Russie

Azerbaïdjan

Royaume-Uni
Ukraine

38 La Yougoslavie
Géorgie

37
Allemagne

englobe la Serbie
Espagne

et le Monténégro
Croatie

France

25
Yugoslavie

19 La Fédération de
Turquie

14
Bosnie

13 Russie englobe les


6 6 6 5 5 décès survenus
dans l’ancienne
Union soviétique

Tableau 8: Décès au Moyen-Orient 1990-2002

11

4 4

Irak Territoires Liban Iran Koweït


palestiniens

125
Annexe 2
Statistiques des décès de journalistes et de travailleurs des
médias pour la période 1990-2002

Journalistes et travailleurs des médias tués dans des zones de guerre


1990-2002

Nom Pays Nationalité Circonstances de décès


1990 7 journalistes et travailleurs des médias tués dans des zones de guerre (total pour 1990-2002:
274)
1 Dheini Liban Libanais Reporter pour Al Masa, tué par un tireur embusqué lors de combats
à Beyrouth.
2 Imodibie Liberia Nigérian Rédacateur en chef du Guardian, visé pendant la guerre civile.
3 Awotunsin Liberia Nigérian Reporter pour Champion, visé, sans doute tué en même temps
qu’Imodibie.
4 James Liberia Libérien Reporter pour un quotidien, visé pendant la guerre civile.
5 Woloh Liberia Libérien Reporter au Standard, visé pendant la guerre civile.
6 Goll Liberia Libérien Reporter au Standard, visé pendant la guerre civile.
7 Raynes Liberia Libérien Cadre de la radio libérienne, tué pendant la guerre civile.

1991 39 journalistes et travailleurs des médias tués dans des zones de guerre
8 Mustafayev Azerbaïdjan Azéri Travaillait pour la télévision nationale, une des 23 personnes
tuées dans un accident d’hélicoptère. L’Azerbaïdjan a déclaré que
l’appareil avait été abattu. L’Arménie a nié.
9 Mirzayev Azerbaïdjan Azéri (Voir ci-dessus).
10 Huseynzade Azerbaïdjan Azéri (Voir ci-dessus).
11 Shakhbasov Azerbaïdjan Azéri (Voir ci-dessus).
12 Askerova (f) Azerbaïdjan Azérie Reporter pour Azerbaycan Gencleri, tuée par la guérilla arménienne
au Haut-Karabakh.
13 Dementiev Azerbaïdjan Azéri Travaillait pour le journal Milistivye Gosudari, touché par un tir de
mortier.
14 Lazarevich Azerbaïdjan Azéri Reporter à Radio Mayak, tué par un partisan arménien au Haut-
Karabakh.
15 Simeon Haïti Haïtien Reporter à Radio Caraïbes, tué par des soldats pendant un coup
d’État.
16 Gross Irak Allemand Photographe de JB Photos (Allemagne) travaillant pour Newsweek,
tué par des Irakiens pendant une offensive contre les Kurdes.
17 Della Casa Irak Britannique Caméraman d’agence travaillant pour la BBC, présumé tué en Irak.
18 Della Casa (f) Irak Britannique Membre d’une équipe d’agence travaillant pour la BBC, presumée
tuée en Irak.
19 Maxwell Irak Britannique Preneur de son de la BBC, vu pour la dernière fois avec les Della
Casa dans le nord de l’Irak, présumé tué.
20 Shahine Israël Israélien (arabe) Reporter radio tué à Jérusalem-Est.

(f) la personne tuée était une femme

126
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Nom Pays Nationalité Circonstances de décès


21 Botnik Lettonie Letton Caméraman, tué alors qu’il filmait l’intervention des troupes
soviétiques.
22 Slapins Lettonie Letton Membre d’une équipe de tournage (voir ci-dessus).
23 Zvaigzne Lettonie Letton Caméraman et réalisateur (voir ci-dessus).
24 Werner Yougoslavie* Autrichien Reporter indépendant. Voiture touchée par une roquette.
25 Vogel Yougoslavie Autrichien Tué en même temps que Werner (voir ci-dessus).
26 Scotland Yougoslavie Allemand Reporter pour le Süddeutsche Zeitung, tué au volant d’une voiture
de presse.
27 Penic Yougoslavie Croate Réalisateur pour la radio Glas Slavonije, enlevé par la milice serbe
et tué sur un terrain de football. Son corps fut laissé sur place
pendant trois jours, puis brûlé par la milice.
28 Lederer Yougoslavie Croate Caméraman pour la télévision croate Hrvatska, tué par un tir de
mortier serbe. L’armée refusa de le laisser retourner à Zagreb pour
se faire soigner.
29 Kaic Yougoslavie Croate Travaillait pour la télévision croate Hrvatska.
30 Podboj Yougoslavie (Croate) Technicien de la télévision croate Hrvatska, tué pendant l’attaque
serbe sur Beli Manastir.
31 Stojanac Yougoslavie Croate Technicien de la télévision croate Hrvatska, tué alors qu’il filmait.
32 Blanchet Yougoslavie Français Reporter au Nouvel Observateur dont la voiture sauta sur une mine.
33 Ruedin Yougoslavie Suisse Reporter radio suisse tué en même temps que Blanchet.
34 Brysky Yougoslavie Canadien Photographe indépendant travaillant pour AP, tué lors d’une attaque
au mortier.
35 Zegarac Yougoslavie Reporter pour Vecernje Novosti, tué dans des tirs croisés.
36 Amidzic Yougoslavie (Serbe) Équipe de télévision dont la voiture fut touchée par un tir de mortier.
37 Petrovic Yougoslavie (Serbe) Membre de l’équipe de télévision (voir ci-dessus).
38 Milicevic Yougoslavie (Serbe) Membre de l’équipe de télévision (voir ci-dessus).
39 Ilic Yougoslavie (Serbe) Membre de l’équipe de télévision (voir ci-dessus).
40 Cehajic Yougoslavie Reporter pour Vecernje Novosti, tué par l’explosion d’un obus.
41 Marjanovic Yougoslavie Journaliste indépendant pris dans des tirs croisés.
42 Urban Yougoslavie Photographe indépendant pour Dubrovnik Vjesnik, tué dans un
bombardement.
43 Kristicevic Yougoslavie Croate Caméraman de la télévision dont la voiture fut touchée par un tir de
mortier.
44 Nogin Yougoslavie Russe Reporter pour la radiotélévision soviétique disparu le 3 septembre.
Mort confirmée par après.
45 Kurennoy Yougoslavie Russe Disparu en même temps que Nogin. Mort confirmée par après.
46 Glavasevic Yougoslavie Croate Reporter à Radio Vukovar, enlevé de l’hôpital de Vukovar, torturé et
exécuté par les forces serbes. Corps exhumé d’une fosse commune
en 1996.

* En 1991, la Yougoslavie n’était pas encore officiellement divisée. Certains de ces décès se produisirent en Croatie ou en Bosnie.127

127
Annexe 2
Statistiques des décès de journalistes et de travailleurs des
médias pour la période 1990-2002
Nom Pays Nationalité Circonstances de décès
1992 26 journalistes et travailleurs des médias tués dans des zones de guerre
47 Mustafayev Azerbaïdjan Azéri Caméraman pour la télévision azéri, tué au Haut-Karabakh.
48 Kerimov Azerbaïdjan Journaliste indépendant tué au Haut-Karabakh.
49 Lazarevic Bosnie- Bosniaque Reporter pour la radiotélévision bosniaque, tué par des éclats d’un
Herzégovine obus serbe.
50 Marinovic Bosnie- Croate Reporter radio croate enlevé par l’armée yougoslave ou des
Herzégovine miliciens serbes.
51 Tepsic Bosnie- Reporter de l’agence de presse SRNA, pris dans des tirs croisés.
Herzégovine
52 Tesanovic Bosnie- Bosniaque Reporter pour la radiotélévision bosniauqe, tué alors qu’il couvrait
Herzégovine les combats à Sarajevo.
53 Tunukovic Bosnie- Croate Caméraman de la BBC, tué par un tir de mortier.
Herzégovine
54 Pfuhl Bosnie- Allemand Journaliste pour FADMST, tué par un éclat d’obus à Mostar.
Herzégovine
55 Puyol Bosnie- Espagnol Photographe pour l’agence AFNE (Madrid), tué par une grenade.
Herzégovine
56 Standeker Bosnie- Slovène Reporter pour le magazine Mladina, blessé par balle, mort sur le
Herzégovine chemin de l’hôpital.
57 Kaplan Bosnie- Américain Reporter pour ABC, tué par un sniper.
Herzégovine
58 Hondo Bosnie- Bosniaque Tué par un obus alors qu’il photographiait Sarajevo pour
Herzégovine Oslobodjenje.
59 Smajlovic Bosnie- Bosniaque Reporter pour Oslobodjenje, peut-être visé.
Herzégovine
60 Jenks Croatie Britannique Correspondant local pour l’agence European Photo, tué par balle.
61 Hummelvoll Soudan Norvégian Photographe indépendant pris dans des tirs croisés.
62 Sheraliev Tadjikistan Tadjik Rédacteur en chef de Sadoi Mardum, tué par balle.
63 Shirind(j)zhon Tadjikistan Tadjik Reporter pour la radio tadjike, tué par balle alors qu’il couvrait la
guerre civile.
64 Zarobekov Tadjikistan Tadjik Cadre de la radio tadjike, tué en même temps que Shirind(j)zhon
(voir ci-dessus).
65 Suyari Tadjikistan Tadjik Reporter pour le magazine gouvernemental Tojikson.
66 Olim Tadjikistan Tadjik Reporter pour la radio tadjike.
67 Murodullo Tadjikistan Tadjik Rédacteur en chef de Sadoi Mardum.128
68 Muborakshoev Tadjikistan Tadjik Reporter pour la télévision nationale, tué par le Front populaire.
69 Tura Tadjikistan Tadjik Travaillait pour le journal Bairaki Dusti, tué pendant le travail.
70 Zarobek Tadjikistan Tadjik Éditeur de Sadoi Mardum.
71 Fernandez Venezuela Vénézuélien Reporter pour El Universal, tué alors qu’il couvrait un coup d’État
manqué.

128
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Nom Pays Nationalité Circonstances de décès


72 Vergara Venezuela Vénézuélien Assistant pour Coraven Press, tué par un avion qui tentait de
bombarder le palais présidentiel.

1993 44 journalistes et travailleurs des médias tués dans des zones de guerre
73 Inacio Angola Angolais Reporter pour la télévision nationale, pris dans des tirs croisés.
74 Vujovic Bosnie- Serbe Reporter pour Radio Ilidza, touché par un tir de mortier.
Herzégovine
75 Begic Bosnie- Bosniaque Travaillait pour la radiotélévision bosniaque. Tué par un tireur
Herzégovine embusqué à Sarajevo.
76 Filipovic Bosnie- Bosniaque Photographe pour Srpsko Slovo, tué par un tir de mortier.
Herzégovine
77 Ruzicic Bosnie- Bosniaque Reporter à Radio Sarajevo, tué par une bombe.
Herzégovine
78 Sipovac Bosnie- Bosniaque Caméraman de la radiotélévision bosniaque.
Herzégovine
79 Sojanovic (f) Bosnie- Bosniaque Reporter pour Oslobodjenje, tuée par un sniper.
Herzégovine
80 Puletti Bosnie- Italien Journaliste indépendant pour Mondo Economico et Brescia Oggi,
Herzégovine tué par balle dans une embuscade.
81 Lonneux Bosnie- Belge Caméraman pour la télévision mexicaine, tué par balle.
Herzégovine
82 Ramic Bosnie- (Serbe) Travaillait pour la radiotélévision bosniaque.
Herzégovine
83 Elez Bosnie- (Serbe) Reporter pour Radio Foca, tué sur la ligne de front.
Herzégovine
84 Tasar Bosnie- Turc Reporter pour Mili Gazette, tué par balle.
Herzégovine
85 Goskel Bosnie- Britannique Reporter indépendant, tué par balle.
Herzégovine
86 Novalic Bosnie- Travaillait pour Press So.
Herzégovine
87 Bodnaruk Bosnie- Bosniaque Travaillait pour le journal Oslobodjenje.
Herzégovine
88 Arifhodzic Bosnie- Travaillait pour le journal Privredne Novine.
Herzégovine
89 Karapetian Géorgie Arménien Journaliste de presse écrite.
90 Ezugbaya Géorgie Journaliste de télévision.
91 Popiashvili Géorgie Journaliste de presse écrite.
92 Gordelazde Géorgie Journaliste de télévision.
93 Adanaya Géorgie Géorgien Reporter pour The Press. Neuvième journaliste tué en Géorgie en
un an.

129
Annexe 2
Statistiques des décès de journalistes et de travailleurs des
médias pour la période 1990-2002
Nom Pays Nationalité Circonstances de décès
94 (Inconnu) Géorgie Espagnol Une des 22 victimes de l’attaque d’un avion par une roquette.
95 Tuttle (f) Géorgie Américaine Reporter du Wall Street Journal, tuée dans le même avion.
96 Soloviev Géorgie Russe Photographe indépendant récompensé, tué en prenant des photos
pour AP.
97 Haidar Liban Libanais Caméraman pour la télévision Al-Manar, touché par ub obus alors
qu’il couvrait l’invasion israélienne du Sud-Liban.
98 Belozerov Russie Russe Ingénieur vidéo pour la télévision Ostankin, pris dans des tirs
croisés devant les bureaux moscovites d’Ostankin pendant la
tentative de coup d’État d’octobre.
99 Peck Russie Britannique Indépendant, tué en filmant les combats devant les bureaux
d’Ostankin.
100 Krasilnikov Russie (Russe) Caméraman de la télévision, tué alors qu’il couvrait les combats
devant les bureaux de la télévision.
101 Drobyshev Russie (Russe) Reporter pour Priroda i Chelovek, tué pendant des combats à
Moscou.
102 Sidelnikov Russie Russe Caméraman pour Lennauchfilm Studio, tué pendant des combats à
Moscou.
103 Smirnov Russie (Russe) Reporter pour Molodeshny Kuriyer, tué pendant des combats à
Moscou.
104 Skopan Russie Français Caméraman de TF1, tué pendant des combats à Moscou.1
105 Evariste Rwanda Rwandais Photographe. Corps retrouvé dans une caserne militaire.
106 Jumel Somalie Français Preneur de son, tué par balle par un sniper.
107 Macharia Somalie Kényan Preneur de son de Reuters, roué de coups, lapidé et lynché par la
foule.
108 Mursal Somalie Somalien Correspondant local pour AP, tué par balle alors qu’il tentait de
défendre un collègue.
109 Eldon Somalie Américain Photographe de Reuters, roué de coups, lapidé et lynché par la
foule.
110 Krauss Somalie Allemand Photographe d’AP, roué de coups, lapidé et lynché par la foule.
111 Maina Somalie Kényan Photographe indépendant pour Reuters, roué de coups, lapidé et
lynché par la foule.
112-116 Somalie 5 Somaliens Somaliens travaillant en tant que journalistes pour CNN, tués lors
d’une attaque contre leur voiture.

1994 60 journalistes et travailleurs des médias tués dans des zones de guerre
117 Gilela Angola Angolais Ingénieur du son de la radio nationale, pris dans des tirs croisés.
118 Hasek Bosnie-Herzégovine Canadien Reporter au Washington Inquirer, mort à l’hôpital
après que son véhicule eut sauté.

NB: La FIJ ne possède pas les noms des cinq membres de la télévision somalienne tués quand leur voiture fut touchée lors d’âpres
combats.

130
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Nom Pays Nationalité Circonstances de décès


119 Ota Bosnie-Herzégovine Italien Caméraman de la RAI, tué par un tir de mortier.
120 D’Angelo Bosnie-Herzégovine Italien Technicien de la RAI, tué par un tir de mortier.
121 Luchetta Bosnie-Herzégovine Italien Reporter de la RAI, tué par un tir de mortier.
122 Brinton Bosnie-Herzégovine Américain Photographe indépendant pour Magnolia News, tué
lorsque sa voiture sauta sur une mine.
123 Tomasic Bosnie-Herzégovine Américain Traducteur tué quand sa voiture sauta sur une mine
(voir ci-dessus).
124 Bandyatuyaga Burundi Burundais Reporter de télévision, arrêté par l’armée et assassiné en public
dans un stade.
125 Elbaum (f) Tchétchénie Américaine Photographe indépendante, tuée lors de l’explosion d’une bombe.
126 Seruvumba Rwanda (Rwandais) Reporter pour le journal Imbaga, tué pendant la guerre civile.
127 Mukamusoni Rwanda (Rwandais) Directeur du journal d’opposition Le Soleil, tué pendant la guerre
civile.
128 Kameya Rwanda (Rwandais) Rédacteur en chef de Rwanda Rushya, tué pendant la guerre civile.
129 Ruhatana Rwanda (Rwandais) Rédacteur en chef de Kanyarwanda, tué pendant la guerre civile.
130 Rukondo Rwanda (Rwandais) Président de l’Association des propriétaires de journaux, dépouillé
et assassiné.
131 Mukamana (f) Rwanda (Rwandaise) Directrice de la société de production vidéo Reba Videwo, tuée
pendant la guerre civile.
132 Ntawucikayenda Rwanda (Rwandais) Caméraman de télévision, tué par une bombe dans les locaux de la
télévision nationale.
133 Rwabukwizi Rwanda (Rwandais) Ancien directeur du journal Kanguka, tué par balle pendant la guerre
civile.
134 Karinganire Rwanda (Rwandais) Reporter pour Le Flambeau, tué à la machette chez lui.
135 Rutsindura Rwanda (Rwandais) Rédacteur en chef d’Amakuruki i Butare, tué à la machette en
même temps que sa femme, ses enfants et ses parents.
136 Bazimaziki Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal Le Flambeau, tué pendant la guerre civile.
137 Bideri- Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal Le Messager-Intumwa, tué pendant
Munyangabe la guerre civile.
138 Burasa Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal Le Partisan, tué pendant la guerre civile.
139 Gatera Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal Kanyarwanda, tué pendant la guerre civile.
140 Habineza-Sibo Rwanda (Rwandais) Travaillait pour Le Partisan, tué pendant la guerre civile.
141 Habinshuti Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal Umurwandashyaka, tué pendant la guerre
civile.
142 Hategekimana Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal Le Tribun du peuple, tué pendant la guerre
civile.
143 Kalinda Rwanda (Rwandais) Travaillait pour Radio Rwanda, tué pendant la guerre civile.
144 Kamanayo Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal Kibernika, tué pendant la guerre civile.130
145 Karambizi Rwanda (Rwandais) Travaillait pour Imbaga, tué pendant la guerre civile.
146 Kayiranga Rwanda (Rwandais) Travaillait pour Kanguka, tué pendant la guerre civile.
147 Mbunda Rwanda (Rwandais) Travaillait pour la télévision rwandaise, tué pendant la guerre civile.
148 Mudatsikira Rwanda (Rwandais) Travaillait pour Rwanda Rushya, tué pendant la guerre civile.

131
Annexe 2
Statistiques des décès de journalistes et de travailleurs des
médias pour la période 1990-2002
Nom Pays Nationalité Circonstances de décès
149 Mukama Rwanda (Rwandais) Travaillait pour La Tribune du peuple, tué pendant la guerre civile.
150 Munyakazi Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal L’Observateur, tué pendant la guerre civile.
151 Mureramanzi Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal L’Émancipation, tué pendant la guerre
civile.
152 Mutesa Rwanda (Rwandais) Travaillait pour Kanyarwanda, tué pendant la guerre civile.
153 Nkundimana Rwanda (Rwandais) Travaillait pour Kanyarwanda, tué pendant la guerre civile.
154 Nkubiri Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal Kinyamateka, tué pendant la guerre civile.
155 Nsabimana Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal Orinfor, tué pendant la guerre civile.
156 Nshimiryo Rwanda (Rwandais) Travaillait pour la télévision rwandaise, tué pendant la guerre civile.
157 Nyimbuzi Rwanda (Rwandais) Travaillait pour L’Observateur, tué pendant la guerre civile.
158 Rubwiriza Rwanda (Rwandais) Travaillait pour Orinfor, tué pendant la guerre civile.
159 Rudahangarwa Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal La Relève, tué pendant la guerre civile.
160 Rugaju Rwanda (Rwandais) Travaillait pour La Tribune du peuple, tué pendant la guerre civile.
161 Shabakaka Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal Kibernika, tué pendant la guerre civile.
162 Twagiramungu Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal Iwacu, tué pendant la guerre civile.
163 Funga Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal Dialogue, tué par des miliciens.
164 Gakwaya Rwanda (Rwandais) Travaillait pour La Tribune du peuple, tué par des miliciens.
165 Kamurase Rwanda (Rwandais) Travaillait pour Rwanda Rushya, tué chez lui par des miliciens.
166 Kanamugire Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal La Griffe, tué par des miliciens.
167 Kanyabugoyi Rwanda (Rwandais) Travaillait pour Kanyarwanda, tué pendant la guerre civile par des
miliciens Interhahamwe.
168 Mbuguje Rwanda (Rwandais) Travaillait pour Imbaga, tué par des miliciens.
169 Munana Rwanda (Rwandais) Travaillait pour Le Flambeau, tué pendant la guerre civile par des
miliciens Interhahamwe.
170 Munyarigoga Rwanda (Rwandais) Travaillait pour Orinfor, tué chez lui par des miliciens Interhahamwe.
171 Ntaganzwa Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal Rafiki, tué pendant la guerre civile.
172 Semusambi Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal Unuranga, tué par le FPR.
173 Sibomana Rwanda (Rwandais) Travaillait pour le journal Isibo. Circonstances de sa mort inconnues.
174 Alpi (f) Somalie Italienne Journaliste pour la RAI couvrant le départ des militaires italiens,
assassinée par des miliciens.
175 Krovatin Somalie Slovène Reporter pour la RAI, délibérément tué par balle par des miliciens
en même temps qu’Alpi (voir ci-dessus).
176 Anceaux Somalie Suisse Reporter pour Caritas News, tué par balle par des soldats
somaliens.

1995 20 journalistes et travailleurs des médias tués dans des zones de guerre
177 Bunyadov Azerbaïdjan Azéri Caméraman pour Reuters/Turan News, tué par une balle dans la
gorge alors qu’il filmait.
178 Kolevski Bosnie- Bosniaque Caméraman de la télévision serbo-bosniaque, tué dans des tirs

* By 1999 Yugoslavia (Serbia and Montenegro) had become the Federal Republic of Yugoslavia.

132
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Nom Pays Nationalité Circonstances de décès


Herzégovine croisés.
179 Schofield Croatie Britannique Reporter radio de la BBC, tué par balle par un soldat croate qui
l’avait pris pour un soldat serbe.
180 Zaimovic Bosnie- Bosniaque Reporter pour le magazine de Sarajevo Dani, tué par une grenade.
Herzégovine
181 Alyakina (f) Tchétchénie Russe/ Reporter pour le magazine Focus et RUFA. Autorisée à
Allemande passer le point de contrôle de Budyonnovsk, mais tuée par balle par un soldat russe.
182 Kagirov Tchétchénie Russe Reporter pour le journal Rossiiskaya Gazeta & Vozrozhdeniye, tué
par balle.
183 Piest Tchétchénie Allemand Reporter du magazine Stern, tué par balle.
184 Molchanov Tchétchénie Russe Caméraman de la NTV, tué dans un accident de voiture.
185 Shumack Tchétchénie Américain Photographe pour le Bethlehem Star, disparu à Grozny le 24 juillet.
186 Titov Tchétchénie Russe Photographe pour Nevskoye Vremya. Selon la presse russe, obligés
de descendre du bus par des guerriers tchétchènes, Titov et son
collègue (voir ci-dessous) furent tués par balle .
187 Shabalin Tchétchénie Russe Reporter pour un quotidien de Saint-Pétersbourg, tué par balle en
même temps que Titov (voir ci-dessus).
188 Zhitarenko Tchétchénie Russe Colonel de l’armée et correspondant pour le journal Krasnaya
Zvezda (quotidien des forces armées russes), tué par balle près de
Grozny alors qu’il couvrait les combats.
189 Yanus Tchétchénie Russe Caméraman de Channel 5, tué par balle par un sniper alors qu’il
travaillait à Grozny.
190 Ivanov Tchétchénie Russe Reporter pour Nevskoye Vremya parti à la recherche de ses
collègues Felix Titov et Maxim Shabalin. Plus jamais revu.
191 Kerimov Tchétchénie Azéri Caméraman indépendant pour AP, tué par balle.
192 Suleymanova Tchétchénie (Tchétchène) Reporter pour le journal Ichkeriya.
193 Palmisano Somalie Italien Caméraman de la RAI, tué par balle alors qu’il filmait le retrait des
troupes de l’ONU.
194 Weerasinghe Sri Lanka (Sri Lankais) Reporter pour le journal Silumina Sinhala. Une des trois personnes
tuées lors de l’attaque d’un avion par un missile tiré par les
Tamouls.
195 Saputhanthri Sri Lanka (Sri Lankan) Journaliste de presse écrite, tué dans l’attaque d’un avion par un
missile (voir ci-dessus).
196 Piyasoma Sri Lanka (Sri Lankais) Journaliste de presse écrite, tué dans l’attaque d’un avion par un
missile (voir ci-dessus).

1996 5 journalistes et travailleurs des médias tués dans des zones de guerre
197 Chaikova (f) Tchétchénie Russe Reporter pour le journal Obshachaya Gazeta, rouée de coups et
tuée par balle, les yeux bandés.
198 Yagodin Tchétchénie Reporter pour Na Boevon Postu, pris dans une embuscade et tué
par des soldats tchétchènes.

133
Annexe 2
Statistiques des décès de journalistes et de travailleurs des
médias pour la période 1990-2002
Nom Pays Nationalité Circonstances de décès
199 Pimenov Tchétchénie Tchétchène Caméraman pour la télévision Vaynakh, tué par balle par un sniper
à Grozny.
200 Yefimova (f) Tchétchénie Tchétchène Reporter pour le journal Vozrozhdeniye, enlevée avec sa mère et
tuée par balle.
201 Khadzhiyev Tchétchénie Tchétchène Reporter pour l’ORT, tué par balle par des soldats russes alors qu’il
se déplaçait avec sa femme et son enfant de 4 ans.

1997 2 journalistes et travailleurs des médias tués dans des zones de guerre
202 Bekir Dogan Irak Turc Travaillait pour la télévision MED, disparu à Irbil en mai alors qu’il
couvrait des combats.
203 Jalloh Sierra Leone Sierra Indépendant pour Punch, Storm & Vision, mort de ses
léonais blessures après la couverture de combats.

1998 3 journalistes et travailleurs des médias tués dans des zones de guerre
204 Chanya Géorgie Géorgien Reporter pour le journal Rezonats. Corps mutilé par des rebelles
abkhazes.
205 Mashtakova (f) (Tchétchénie) Russe Mourut en Russie des suites de blessures encourues en couvrant le
conflit tchétchène en 1997.
206 Smith Sierra Leone Sierra léonais Reporter pour la BBC, tué dans une embuscade.

1999 40 journalistes et travailleurs des médias tués dans des zones de guerre
207 Ependiyev Tchétchénie Tchétchène Rédacteur en chef de Groznensky Rabochy, mortellement touché
par un tir de roquette.
208 Mezhidov Tchétchénie Caméraman de la télévision Tsentr, tué alors qu’il filmait une attaque
aérienne contre un convoi de réfugiés.
209 Gegayev Tchétchénie Tchétchène Caméraman pour la télévision Nokh Cho, tué alors qu’il filmat une
attaque aérienne contre un convoi de réfugiés.
210 Motta (f) Colombie Colombienne Tuée par balle alors qu’elle filmait l’attaque d’une ville par les FARC
pour le compte de la télévision Garzon.132
211 Thoenes Timor oriental Néerlandais Reporter pour le Financial Times, pris dans une embuscade, tué et
mutilé.
212 Muliawan Timor oriental Indonésien Reporter pour la télévision Asia International Press, pris dans une
embuscade et tué en même temps que 7 civils.
213 Mitrovic RFY* Serbe Directeur des programmes, tué par des missiles de l’OTAN lors de
l’attaque contre la radiotélévision serbe (RTS).
214 Stukalo RFY Serbe Programmeur étranger, tué par des missiles de l’OTAN lors de
l’attaque contre la RTS.
215 Stevanovic RFY Serbe Programmeur étranger, tué par des missiles de l’OTAN lors de
l’attaque contre la RTS.
216 Bancovic RFY Serbe Monteur vidéo, tué par des missiles de l’OTAN lors de l’attaque
contre la RTS.

134 134
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Nom Pays Nationalité Circonstances de décès


217 Munitlak RFY Serbe Maquilleur, tué par des missiles de l’OTAN lors de l’attaque contre la
RTS.
218 Jankovic RFY Serbe Technicien de télévision, tué par des missiles de l’OTAN lors de
l’attaque contre la RTS.
219 Tasic RFY Serbe Technicien de télévision, tué par des missiles de l’OTAN lors de
l’attaque contre la RTS.
220 Deletic RFY Serbe Caméraman, tué par des missiles de l’OTAN lors de l’attaque contre
la RTS.
221 Stoimenovski RFY Serbe Technicien de télévision, tué par des missiles de l’OTAN lors de
l’attaque contre la RTS.
222 Stojanovic RFY Serbe Technicien de télévision, tué par des missiles de l’OTAN lors de
l’attaque contre la RTS.
223 Jontic RFY Serbe Technicien, tué par des missiles de l’OTAN lors de l’attaque contre
la RTS.
224 Markovic RFY Serbe Membre de la sécurité de la télévision, tué par des missiles de
l’OTAN lors de l’attaque contre la RTS.
225 Joksimovic RFY Serbe Membre de la sécurité de la télévision, tué par des missiles de
l’OTAN lors de l’attaque contre la RTS.
226 Jovanovic RFY Serbe Opérateur, tué par des missiles de l’OTAN lors de l’attaque contre la
RTS.
227 Medic RFY Serbe Concepteur de programmes, tué par des missiles de l’OTAN lors de
l’attaque contre la RTS.
228 Dragojevic RFY Serbe Membre de la sécurité de la télévision, tué par des missiles de
l’OTAN lors de l’attaque contre la RTS.
229 Ying RFY Chinois Reporter, tué lors du bombardement de l’ambassade de Chine par
l’OTAN.
230 Yuhuan RFY Chinois Reporter, tué lors du bombardement de l’ambassade de Chine par
l’OTAN.
231 Xinghu RFY Chinois Reporter, tué lors du bombardement de l’ambassade de Chine par
l’OTAN.
232 Gruener RFY Allemand Reporter pour le magazine Stern, tué par balle par un sniper.
233 Kraemer RFY Allemand Photographe pour le Stern, tué par balle par un sniper.
234 Alit RFY Interprète, tué par balle par un sniper en même temps que les deux
ci-dessus.
235 Stojkovic RFY Travaillait avec l’équipe du Stern, tué par balle par un sniper.
236 Supriadi Indonésie Indonésien Reporter pour le journal Medan Pos, enlevé à Aceh et massacré à
coups de couteau.
237 Roeh Liban Israélien Reporter pour Radio Kol Israel, tué lors d’un attentat terroriste au
Liban.

* En 1999, la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) était devenue la République fédérale de Yougoslavie.

135
Annexe 2
Statistiques des décès de journalistes et de travailleurs des
médias pour la période 1990-2002
Nom Pays Nationalité Circonstances de décès
238 Cole Sierra Leone Sierra léonais Reporter pour la radio SKY-FM 106, tué par le Front révolutionnaire
uni (RUF).
239 Oguogo Sierra Leone Nigérian Rédacteur en chef adjoint du Concord Times, tué par balle par le
RUF.
240 Kamara Sierra Leone Sierra léonais Reporter pour Radio Kiss 104 FM, tué par balle par le RUF.
241 Mansaray Sierra Leone Sierra léonais Rédacteur en chef du Standard Times, tué avec toute sa famille
dans l’incendie criminel de sa maison.
242 Tierney Sierra Leone Américain Producteur d’AP TV, tué par balle par des rebelles alors qu’il se
déplaçait avec un convoi de l’ECOMOG (groupe de contrôle de la
CEDEAO).
243 Juma Jalloh Sierra Leone Sierra léonais Rédacteur en chef d’African Champion, pris par erreur pour un
rebelle et tué par un soldat de l’ECOMOG.
244 Bah Bah Sierra Leone Sierra léonais Journaliste indépendant, roué de coups et tué par balle par des
rebelles devant sa famille.
245 Kamara Sierra Leone Sierra léonais Journaliste indépendant pour Vision, enlevé et tué par des rebelles.
246 Turay Sierra Leone Reporter pour Punch, Daily Mail et le Sierra Leone Broadcasting
Service, tué par balle.

2000 9 journalistes et travailleurs des médias tués dans des zones de guerre
247 Yatsina Tchétchénie Russe Photographe d’agence, kidnappé et exécuté par des soldats
tchétchènes.
248 Yefremov Tchétchénie Russe Journaliste de presse écrite, tué quand sa jeep sauta.
249 Tepsurgayev Tchétchénie Tchétchène Caméraman indépendant, tué par des hommes armés qui firent
irruption chez lui.
250 Gallego (f) Colombie Colombienne Corps retrouvé près de rebelles de l’ELN tués lors d’affrontements
avec l’armée.
251 Kandolo RDC Congolais Caméraman d’UNESCO TV, tué dans une embuscade. Corps brûlé.
252 Takoush Liban Libanais Chauffeur d’une équipe de la BBC. Tué par un tir de char israélien.
253 Conteh Sierra Leone Sierra léonais Tué par balle alors qu’il couvrait une manifestation.
254 Gil Moreno Sierra Leone Espagnol Reporter d’AP, tué dans une embuscade tendue par des rebelles.
255 Schork Sierra Leone Américain Reporter de Reuters, tué dans une embuscade tendue par des
rebelles.

2001 11 journalistes et travailleurs des médias tués dans des zones de guerre
256 Lawton Macédoine Britannique Reporter d’AP, tué quand sa voiture fut touchée par un obus.
257 Al Bashawi Palestine Palestinien Photographe, tué dans une attaque d’un hélicoptère israélien alors
qu’il interviewait des dirigeants du Hamas à Naplouse.
258 Al Qatanani Palestine Palestinien Journaliste de presse écrite, tué dans la même attaque d’hélicoptère
(voir ci-dessus).
259 Sutton (f) Afghanistan Française Journaliste de radio, « exécutée » par les Talibans après être
tombée d’un véhicule blindé.

136
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

Nom Pays Nationalité Circonstances de décès


260 Billaud Afghanistan Français Journaliste de radio, « exécuté » lors du même incident.
261 Handloik Afghanistan Allemand Journaliste de presse écrité, « exécuté » lors du même incident.
262 Burton Afghanistan Australien Caméraman, tué dans une embuscade tendue par les Talibans
contre un convoi.
263 Haidari Afghanistan Afghan Photographe, tué dans la même embuscade.
264 Fuentes Afghanistan Espagnol Reporter, tué dans la même embuscade.
265 Cutuli (f) Afghanistan Italienne Reporter, tuée dans la même embuscade.
266 Stromberg Afghanistan Suédois Caméraman de télévision, tué lors du cambriolage de la maison
qu’il louait dans une zone de guerre.

2002 8 journalistes et travailleurs des médias tués dans des zones de guerre
267 Ciriello Palestine Italien Photographe indépendant, tué par balle par un soldat israélien qui
l’avait pris pour un tireur.
268 Al Alami Palestine Palestinien Caméraman de télévision, tué par des tirs israéliens.
269 Lopez Colombie Colombien Chauffeur pour une station de radio, tué lors de l’attaque de sa
voiture par un hélicoptère de l’armée.
270 Sandoval Colombie Colombien Caméraman de la RCN, mort des suites des blessures encourues
lors de la même attaque d’hélicoptère.
271 Abu Zahra Palestine Palestinien Caméraman indépendant, tué par balle par un char israélien.
272 McLeod Afghanistan Néo-Zélandais Journaliste indépendant, tué dans un accident de voiture.
273 Tellawi Palestine Palestinien Tué par balle alors qu’il couvrait une manifestation.
274 Scott Russie Britannique Réalisateur de films indépendant, tué dans des combats alors qu’il
filmait des guerriers tchétchènes.

137
Annexe 3
Code international de pratique pour l’exercice d’un
journalisme en toute sécurité

L
es annales regorgent des dangers courus par les journalistes et
le personnel de la presse appelés à travailler dans des conditions
dangereuses et des zones en guerre. Dans les régions en guerre,
nombre de journalistes sont tués, blessés ou harcelés; ils sont la cible de
l’un ou de l’autre belligérant ou pris sous les feux croisés des échanges
de violences. D’autres sont victimes d’agressions ou de manœuvres
d’intimidation préméditées de la part de criminels, de terroristes ou de
forces de sécurité, qui agissent secrètement et en toute illégalité.
Des accidents se produiront inévitablement, quels qu’aient été les soins
apportés à la fourniture d’une protection, et l’on ne peut presque rien
faire lorsque ceux qui s’en prennent aux médias recourent à des méthodes
impitoyables et brutales pour étouffer une enquête journalistique.
Toutefois, il existe des mesures que les journalistes et les groupes de
presse pourraient adopter afin de minimiser les risques subis par le per-
sonnel. En particulier, les points suivants constituent des éléments vitaux
dans toute protection à offrir:
Préparation et formation adaptées, protection sociale. Il est essentiel
que les journalistes et le personnel de la presse soient prêts à affronter les
difficultés lorsque celles-ci se présentent. Prévoir au bénéfice de chacun un
cadre de fourniture de soins de santé et d’une protection sociale.
Les professionnels de la presse doivent être informés et s’informer
du terrain politique, physique et social sur lequel ils travaillent. Ils ne
peuvent contribuer à accroître les incertitudes et l’insécurité encourant
leurs conditions par ignorance ou par inconscience.
in my opinion, this sen- À des fins purement mercantiles, les groupes de presse éviteront de
tence is BADLY trans- faire prendre des risques, tout en encourageant la coopération entre
lated!!!!! journalistes lorsqu’ils se trouvent dans des situations potentiellement
dangereuses.
Les pouvoirs publics doivent lever les obstacles au journalisme. Ils ne
peuvent restreindre sans nécessité la liberté de mouvement des journal-
istes, ou bafouer le droit des agences de presse de collecter, fabriquer et
diffuser l’information dans des conditions parfaitement sûres.
Ne pas toucher aux travailleurs des médias. Chacun doit respecter
l’intégrité physique des journalistes et du personnel de la presse dans

138
LIVE NEWS - GUIDE DE SURVIE À L’USAGE DES JOURNALISTES

l’exercice de leur profession. Il convient d’interdire toute intervention


physique dans le cadre d’un filmage ou de tout autre travail journalis-
tique.
En gardant ces considérations présentes à l’esprit, la FIJ appelle les
associations de journalistes, les groupes de presse et tous les pouvoirs
publics compétents à respecter le code international de pratique pour
l’exercice d’un journalisme en toute sécurité ci-après:
1. Les journalistes et autres travailleurs de la presse bénéficieront d’un
équipement approprié à toutes leurs missions, y compris une trousse
de secours, des outils de communication, des moyens de transport
adaptés et, au besoin, des vêtements de protection;
2. Les groupes de presse, et si nécessaire, les pouvoirs publics, fourniront
une formation de sensibilisation aux risques aux journalistes et tra-
vailleurs de la presse susceptibles d’être impliqués dans des missions
dans lesquelles prédominent des conditions dangereuses ou raison-
nablement supposées comme telles;
3. Les pouvoirs publics informeront leur personnel de la nécessité de
respecter les droits des journalistes et leur ordonneront de respecter
l’intégrité physique des journalistes et des travailleurs de la presse
dans l’exercice de leur métier;
4. Les groupes de presse offriront une protection sociale à tout leur
personnel exerçant des activités journalistiques en dehors de leur lieu
habituel de travail, y compris une assurance-vie;
5. Les groupes de presse offriront gratuitement des traitements médi-
caux et des soins de santé. Ils prendront à leur charge les coûts liés à
la rééducation et à la convalescence de journalistes et de travailleurs
de la presse blessés ou malades en raison de leurs activités menées en
dehors de leur lieu habituel de travail;
6. Les groupes de presse protégeront les journalistes indépendants ou
les salariés à temps partiel. Ceux-ci devront bénéficier d’une protec-
tion sociale, d’une formation et d’équipements qui soient égaux à ceux
offerts au personnel employé à plein temps.

139
PUBLIÉ SEPTEMBRE 2005
PAR LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES JOURNALISTES
Avec le soutien de
L’INITIATIVE EUROPÉENNE POUR LA DÉMOCRATIE ET LES
DROITS DE L’HOMME
COMMISSION EUROPÉENNE

Vous aimerez peut-être aussi