Chap. 10
Chap. 10
Chap. 10
Chapitre 10
ESTUAIRES ET DELTAS
1. GENERALITES
L'embouchure d'un cours d'eau dans la mer représente un domaine
intermédiaire où s'affrontent les influences marines et fluviatiles. Le
fleuve apporte des matériaux qui s'accumulent et gagnent sur la mer; la
mer déblaie et remanie les matériaux apportés. Le résultat dépend du
rapport de force existant entre le fleuve et la mer. Lorsque le fleuve a une
influence dominante, il construit un delta; lorsque la mer est dominante,
l'embouchure est un estuaire. Il existe en fait des intermédiaires entre ces
deux types.
2. LES ESTUAIRES
L'embouchure est un estuaire quand le fleuve apporte peu de matériaux
grossiers, surtout des suspensions fines et des matières en solution, et
quand l'hydrodynamisme marin est fort: fortes marées, forte houle,
courants littoraux. Ces conditions sont réalisées sur les côtes françaises
de la Manche et de l'Atlantique: estuaire de la Seine, de la Loire.
La circulation de l'eau salée et de l'eau douce suit un trajet complexe qui
dépend du cycle des marées. La marée montante refoule l'eau douce en
amont sur une distance qui peut être importante (100 Km dans l'Hudson
sur la côte est des Etats Unis): c'est le mascaret. La vitesse du courant
fluviatile diminue et les matériaux en suspension se sédimentent; les
argiles s'agglomèrent en flocons (floculation) sous l'action des ions de
l'eau de mer et forment un "bouchon vaseux". Le sédiment
caractéristique est la vase. La vase est formée de particules fines de la
classe des lutites (limons, argiles), de sulfures et d'hydroxydes de fer et
de colloïdes organiques. Comme dans les vasières littorales, qui sont
souvent des dépendances d'estuaires, la marée délimite la schorre, zone
supratidale couverte de végétation, et la slikke, vase non fixée de la zone
intertidale. Dans les régions équatoriales, les estuaires sont colonisés par
la mangrove.
Dans le chenal fluviatile peuvent se déposer des barres sableuses; quand
celles-ci deviennent importantes au point de prograder vers la mer,
l'estuaire se transforme en delta. C'est le cas actuel de la Gironde.
3. LES DELTAS
3.1 Morphologie
La partie distale du bassin versant d'un fleuve est généralement une
large plaine alluviale où s'accumule une grande partie des matériaux
transportés. Arrivé en mer, le courant décélère et le reste de la charge se
dépose et forme le delta. L'apport continu des sédiments dans le delta fait
avancer ce dernier dans le domaine marin: c'est la progradation
deltaïque. Un delta se décompose en 3 parties.
Figure 10-5: Effet des failles listriques sur la disposition des faciès
deltaïques.
3.4 Les deltas anciens
a) Vie et mort d'un delta
La construction d'un delta dépend de la variation du niveau marin, du
taux de sédimentation et du taux de subsidence. La progradation du delta
se produit en période de stabilité ou de descente du niveau marin avec un
apport détritique suffisant. Une montée rapide du niveau marin ennoie le
système deltaïque qui est recouvert de sédiments marins transgressifs: ce
phénomène a lieu pour une remontée eustatique rapide ou pour un fort
taux de subsidence. D'autre part, au cours de la progradation, les chenaux
se multiplient et changent de place; la surface du delta augmente et son
taux de croissance se ralentit. De plus, le prodelta atteint des zones plus
profondes; la croissance est encore plus ralentie quand le delta arrive au
talus.
La période de progradation d'un delta ne dure que quelques milliers
d'années. Les chenaux se déplacent et le delta est abandonné; un autre
lobe deltaïque est édifié plus loin. Le delta du Mississipi n'a que 7000
ans environ: pendant cette période 7 lobes deltaïques se sont succédés.
La période d'abandon est plus longue; elle se traduit par une
sédimentation fine réduite riche en matière organique et la transgression
des argiles et carbonates marins. Les grands bassins sédimentaires
deltaïques sont fait d'un empilement cycles progradation/abandon dont
l'épaisseur totale atteint plusieurs milliers de mètres en zone subsidente.
b) Caractères de reconnaissance des deltas anciens
Les sédiments deltaïques sont très proches des sédiments fluviatiles; leur
reconnaissance est délicate. Le seul critère définitif est fourni par la
présence de fossiles marins dans un dépôt de type fluviatile.
La superposition des faciès détritiques dans un delta est caractéristique;
la suite est régressive: les argiles marines de la plate-forme sont
surmontées par les argiles du prodelta, par les sables du front puis par
les sables et galets des chenaux: la séquence est granocroissante et
stratocroissante.
Figure 10-6: séquence deltaïque régressive (épaisseur de 10 à 100 m
environ)
La présence de structures de courant bidirectionnelles dans un dépôt
fluviatile indique l'action de la marée, donc un milieu deltaïque.
c) Quelques exemples anciens
Les sites de deltas anciens ont été intensément explorés ces dernières
années parce qu'ils offrent d'excellentes possibilités de gisements
d'hydrocarbures. En effet, ils contiennent à la fois des argiles riches en
matière organique, donc pouvant jouer le rôle de roche-mère si la
maturation de la matière organique est convenable, et des corps sableux
poreux pouvant faire office de réservoirs. Le delta tertiaire du Niger
contient les champs pétroliers du sud du Nigéria. On trouve les mêmes
potentialités dans le delta tertiaire de la Mahakam, en Indonésie. De
grands espoirs avaient été placés dans le delta ancien du Rhône.
Les deltas sont également associés aux accumulations de matière
végétale donnant la tourbe, le lignite ou la houille selon le type de
végétation et le degré de transformation. Les gisements de charbon de
l'Angleterre sont intercalés dans des formations de plaine deltaïque d'âge
carbonifère.
Planches photographiques