Aldcafrica2021 FR
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LA CONTRIBUTION POTENTIELLE DE LA
Zone de libre-échange
continentale africaine
À UNE CROISSANCE INCLUSIVE
LE DÉVELOPPEMENT
ÉCONOMIQUE EN
Rapport 2021
« J’invite les décideurs africains à lire « Le Rapport 2021 sur le développement
le Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique de la CNUCED
économique en Afrique, qui éclaire apporte une contribution importante à la
de manière précieuse et unique les compréhension des avantages découlant
enjeux du développement durable sur de la Zone de libre-échange continentale
le continent africain. Il est essentiel que africaine. Il est unique car il examine les
tous ceux d’entre nous qui souhaitent éléments d’une croissance inclusive et
voir l’Afrique prospérer et atteindre les la manière dont la Zone de libre-échange
objectifs de développement durable pourrait favoriser la diversification de
dans les temps, de manière inclusive et l’économie et le renforcement de la
en étant unie y prennent connaissance résilience, même si les gains attendus
avant tout des recommandations sur ne seront pas immédiats. Des mesures
la Zone de libre-échange continentale complémentaires visant à aider les
africaine, notamment de celle visant femmes et les jeunes qui participent
à mettre au point un mécanisme de au commerce, les petites entreprises
règlement des différends qui soit et les pays les moins avancés d’Afrique
pratique et efficace. » doivent être prises pour rendre la Zone
de libre-échange plus inclusive. »
Rebeca Grynspan Wamkele Mene
Secrétaire générale de la Conférence Secrétaire général de la Zone de libre-échange
des Nations Unies sur le commerce continentale africaine
et le développement
« La transformation de l’économie africaine doit être inclusive et ne pas porter uniquement
sur la croissance. Le renforcement de la coopération régionale dans le cadre de la mise
en œuvre effective de la Zone de libre-échange continentale africaine devrait ouvrir de
nouvelles perspectives en matière de diversification et de commerce. Le Rapport 2021
sur le développement économique en Afrique de la CNUCED contribue grandement
à la réalisation de l’Agenda 2063 en soulignant à quel point il est important de doter
les femmes et les groupes marginalisés des ressources productives nécessaires à la
promotion de la prospérité sur le continent. »
K. Y. Amoako
Fondateur et Président de l’African Centre for Economic Transformation et ancien
Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique
C O N F É R E N C E D E S N AT I O N S U N I E S S U R L E C O M M E R C E E T L E D É V E L O P P E M E N T
Genève, 2021
© 2021, Nations Unies
Tous droits réservés dans le monde entier
Toutes les autres questions sur les droits et licences, y compris les droits
subsidiaires, doivent être adressées à :
Publication des Nations Unies publiée par la Conférence des Nations Unies
sur le commerce et le développement.
UNCTAD/ALDC/AFRICA/2021
ISBN : 978-92-1-113005-8
eISBN : 978-92-1-005603-8
ISSN : 1990-5092
eISSN : 1990-5106
Numéro de vente : F.21.II.D.3
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Remerciements
Le Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique, intitulé « La contribution
potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive »,
a été élaboré, sous la supervision générale de Paul Akiwumi, Directeur de la Division
de l’Afrique, des pays les moins avancés et des programmes spéciaux de la CNUCED,
par Junior Davis (chef d’équipe), Grace Gondwe, Carlotta Schuster, Anja Slany,
Sine Tepe, Komi Tsowou et Ali Yedan, avec le soutien de Cynthia Adzika, Chiara Maero,
Tinotenda Mataire, Esther Joseph Mpagalile et Anele Simon pour les travaux de
recherche. Les analyses sont inspirées du fruit de la collaboration institutionnelle avec le
Centre du commerce international.
Un groupe spécial d’experts sur les moyens de tirer parti de la contribution potentielle de
la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive s’est réuni le
22 avril 2021 afin de procéder à un examen collégial du projet de rapport. Il était composé
de spécialistes du commerce, de l’investissement, du droit commercial, de la fiscalité,
des questions de genre et du développement en Afrique. Les experts ci-après ont
participé à la réunion et/ou fait des observations sur le projet de rapport : Olayinka Lawal
Bandele (Commonwealth), Lance Hadley (Sauti East Africa), Romain Houssa (Université
de Namur (Belgique)), Kholofelo Kugler (Centre consultatif sur la législation de l’OMC),
Azwimpheleli Langalanga (Tutwa Consulting Group), Joy Waruguru Ndubai (Université
de Vienne, Global Tax Policy Centre), Ify Ogo (Programme des Nations Unies pour le
développement, Bureau régional pour l’Afrique), Julia Seiermann (Centre du commerce
international), Julia Spies (Centre du commerce international) et Frederik Stender (Institut
allemand de développement). Les fonctionnaires de la CNUCED ci-après ont participé
à la réunion et/ou fait des observations : Celine Bacrot, Vincent Beyer, Lisa Borgatti,
Stefanie Garry, Mahlet Girma, Taisuke Ito, Christian Knebel, Janvier Nkurunziza,
Patrick Osakwe, Ralf Peters, Matfobhi Riba, Antipas Touatam, Rolf Traeger, Yves Kenfack
Tsafack, Giovanni Valensisi, Anida Yupari et Simonetta Zarrilli.
iv
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Notes
Le terme « dollar » ($) s’entend du dollar des États-Unis d’Amérique.
Des données détaillées par pays peuvent être obtenues sur demande auprès de la
CNUCED.
Les périodes indiquées par deux années séparées par un tiret, par exemple 2000-2001,
sont les périodes allant du début de la première année mentionnée à la fin de la seconde.
v
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
INTRODUCTION
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine
à une croissance inclusive 1
1. Croissance inclusive 5
2. Intégration régionale 9
3. Objectifs et structure du Rapport 14
CHAPITRE 1
La croissance inclusive en Afrique 19
1.1 Tendances récentes : pauvreté et inégalité en Afrique 21
1.2 Évaluation 25
1.3 Études de cas de différents types de croissance inclusive 35
1.4 Le commerce intra-africain au service d’une croissance inclusive 42
1.5 La croissance inclusive dans l’après-pandémie 48
C HAPITRE 2
Population, secteur informel et inclusivité 51
2.1 Mesurer l’ampleur du commerce transfrontalier informel 57
2.2 La dimension démographique du commerce transfrontalier informel 64
2.3 La vulnérabilité des commerçants transfrontaliers informels 72
2.4 L’entrepreneuriat des femmes et des jeunes dans le secteur informel 73
2.5 La régularisation des commerçants et des entrepreneurs du secteur informel 84
2.6 Conclusions 92
vii
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
C HAPITRE 3
La Zone de libre-échange continentale africaine au service de la prospérité
partagée : potentiel d’exportation et obstacles à un commerce plus inclusif 95
3.1 Le commerce régional comme meilleure chance de diversifier les exportations 97
3.2 Les nouvelles possibilités d’exportation de marchandises dans le cadre
de la Zone de libre-échange continentale africaine 98
3.3 La prospérité par la libéralisation du commerce des services 114
3.4 Éliminer les tensions commerciales pour parvenir à une croissance inclusive 118
3.5 Comment éliminer les contraintes du côté de l’offre pour parvenir à une croissance
inclusive 127
3.6 La cohérence des politiques de commerce, d’investissement et de concurrence 132
3.7 Conclusions 143
C HAPITRE 4
Un cadre intégré et des mesures commerciales à moindre coût 145
4.1 Simplifier les mesures commerciales dans toute l’Afrique pour parvenir
à l’intégration continentale 147
4.2 Un cadre intégré pour la mise en place d’une zone de libre-échange inclusive 155
4.3 La coopération, la paix et la stabilité politique au service d’une zone
de libre-échange inclusive 168
4.4 Des mécanismes de règlement des différends qui fonctionnent bien au service
d’une zone de libre-échange inclusive 175
4.5 Conclusions 184
C HAPITRE 5
Principaux messages et recommandations 187
5.1 Principaux messages 189
5.2 Recommandations 191
5.3 Futures voies de recherche 202
RÉFÉRENCES 204
viii
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
FIGURES
1. Deux définitions de la croissance inclusive 7
2. Afrique : L’enchevêtrement des accords commerciaux sous-régionaux 10
3. Croissance inclusive : liens entre le Programme 2030, l’Agenda 2063
et le Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique 16
4. Taux de pauvreté en Afrique 22
5. Courbes d’incidence de la croissance 30
6. Courbes d’incidence de la croissance 31
7. Courbe d’incidence de la croissance au Soudan, 2009-2014 32
8. Courbe d’incidence de la croissance au Cameroun, 2001-2014 33
9. Courbes d’incidence de la croissance 34
10. Zambie : consommation, taux de pauvreté, indice de Gini et produit
intérieur brut par habitant 41
11. Exportations extracontinentales 43
12. Exportations intra-africaines 44
13. Exportations extracontinentales de services 46
14. Exportations intra-africaines de services 47
15. Afrique : taille de l’économie informelle 53
16. Nombre prévu d’années de scolarité dans certains pays d’Afrique, 2019 77
17. Indice de complémentarité des exportations et importations régionales,
moyenne annuelle, 2015-2019 98
18. Potentiel d’exportation statique et dynamique inexploité, par secteur 102
19. Potentiel d’exportation supplémentaire qui devrait résulter de la libéralisation
tarifaire partielle prévue dans le cadre de la Zone de libre-échange
continentale africaine, par secteur 105
20. Potentiel inexploité et supplémentaire d’exportation de produits alimentaires
manufacturés dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine 109
21. Proportion moyenne de produits auxquels s’appliquent des mesures
non tarifaires dans les pays africains, par section du SH, 2015 120
22. Coûts de transport en Afrique, par sous-région et mode de transport, 2016 124
23. Arrivées d’entreprises africaines d’exportation sur un autre marché africain,
1998-2013 126
ix
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
TABLEAUX
1. Schémas de croissance inclusive en Afrique 28
2. Schémas de croissance non inclusive en Afrique 32
3. Gambie : croissance, pauvreté et inégalités 35
4. Gambie : Indice de développement humain, indice de liberté économique
et indice de perception de la corruption 37
5. Afrique du Sud : croissance, pauvreté et inégalités 38
6. Afrique du Sud : Indice de développement humain, Indice de liberté
économique et Indice de perception de la corruption 40
7. Zambie : croissance, pauvreté et inégalités 41
8. Quelques exercices d’évaluation du commerce transfrontalier informel, par pays 59
9. Projets d’investissement étranger direct annoncés par secteur et branche,
2016-2020 134
10. Cadres régionaux régissant la concurrence 141
x
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
ENCADRÉS
1. Composantes non liées au revenu de la croissance inclusive 23
2. Mesurer la croissance inclusive 26
3. Des moyens innovants de comprendre et d’évaluer le commerce transfrontalier
informel, avec l’aide de la technologie 62
4. Collecter des données grâce aux téléphones portables : la plateforme
d’information sur le commerce et les marchés de Sauti East Africa 65
5. Au Rwanda, les inégalités entre les sexes se traduisent par des désavantages
pour les entreprises du secteur informel appartenant à des femmes 78
6. Renforcer les capacités des petites et moyennes entreprises du secteur
informel sur les marchés agroalimentaires : étude de cas portant
sur les chaînes de supermarchés sud-africaines 82
7. Méthode du Centre du commerce international servant au calcul du potentiel
d’exportation 100
8. L’application de droits de douane élevés aux produits sensibles restreint
l’accès aux biens intermédiaires et aux biens de consommation,
et portera probablement surtout préjudice aux plus pauvres 128
9. Mécanisme en ligne de signalement, de suivi et d’élimination des obstacles
non tarifaires 158
10. Évaluation de l’efficacité des mesures non tarifaires : le dispositif
en cinq étapes de la CNUCED 162
11. Le cadre institutionnel de la Zone de libre-échange continentale africaine
en Côte d’Ivoire 167
12. Les perturbations récentes du commerce au sein des communautés
économiques régionales 176
FIGURES D’ENCADRÉS
4.I. Fréquence des recherches de prix par marché étranger de destination 66
4.II. Profil des utilisateurs kényans et ougandais 67
4.III. Fréquence des recherches de prix 69
xi
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Avant-propos
La Zone de libre-échange continentale africaine devrait transformer radicalement les
ambitions de développement de l’Afrique. Elle entre en jeu à une période cruciale,
marquée par une aggravation de la pauvreté et par les revers socioéconomiques que
les pays d’Afrique ont essuyés en raison de la pandémie de maladie à coronavirus, ainsi
que des chocs financiers, climatiques et alimentaires qui s’en sont suivis.
Pour commencer, il importe d’analyser en détail la tâche à accomplir. L’un des principaux
objectifs de la Zone de libre-échange continentale africaine est de « promouvoir et
réaliser le développement socioéconomique inclusif et durable, l’égalité de genres et la
transformation structurelle des États parties ». Toutefois, il demeure urgent de chercher
à mieux comprendre par quels moyens la Zone de libre-échange peut contribuer à cet
objectif compte tenu des grandes difficultés auxquelles se heurte le continent et du
creusement des inégalités tant entre les pays qu’à l’intérieur de ceux-ci.
En Afrique, 34 % des ménages sont sous le seuil international de pauvreté et, avec
un coefficient de Gini moyen de 0,40 environ, les pays du continent sont parmi les
plus inégalitaires au monde. En outre, la Zone de libre-échange continentale africaine
regroupe de grands pays et de petits pays, des pays riches en ressources naturelles et
d’autres moins bien lotis à cet égard, ainsi que des pays parmi les moins avancés et des
pays à revenu intermédiaire. Ainsi, l’intégration commerciale et la suppression des droits
de douane auront des conséquences différentes d’un pays à l’autre et d’une région à
l’autre d’un même pays, et pourraient créer des effets distributifs si ces asymétries ne
sont pas prises en compte.
xii
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
La CNUCED s’intéresse aussi aux vulnérabilités des femmes et des jeunes, en particulier
dans le secteur informel et le commerce transfrontalier informel. Enfin, elle met en
évidence l’importance des partenariats, qui sont nécessaires pour rendre la Zone de
libre-échange opérationnelle dans le but de promouvoir efficacement une croissance
inclusive et une plus grande résilience de l’Afrique au lendemain de la pandémie.
Rebeca Grynspan
La Secrétaire générale de la CNUCED
xiii
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Abréviations
CNUCED Conférence des Nations Unies sur le commerce et le
développement
COVID-19 maladie à coronavirus
FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et
l’agriculture
OCDE Organisation de coopération et de développement
économiques
OMC Organisation mondiale du commerce
ONU-Femmes Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et
l’autonomisation des femmes
PIB produit intérieur brut
CER communauté économique régionale
xv
Introduction
La contribution potentielle
de la Zone de libre-échange
continentale africaine à une
croissance inclusive
Ces dernières décennies, les efforts d’intégration régionale de l’Afrique
ont été guidés non pas par une stratégie de libéralisation pure et simple
du commerce, mais plutôt par une volonté d’autonomie collective,
c’est‑à‑dire, pour employer des termes plus actuels, par le souhait de
bâtir un continent pacifique, prospère et intégré. La Zone de libre‑échange
continentale africaine devrait transformer radicalement les ambitions de
développement de l’Afrique. L’Accord portant création de la Zone est une
manifestation explicite de la détermination des signataires à établir un
cadre propice à l’approfondissement de l’intégration socioéconomique et
de la coopération pour stimuler le commerce, l’investissement et la mobilité
des personnes, le but étant de favoriser l’industrialisation du continent
et le développement d’un secteur des services dynamique. À terme, les
pays d’Afrique pourraient ainsi créer des emplois décents, accroître leurs
recettes et, partant, promouvoir une croissance inclusive. Il est crucial, pour
assurer la prospérité future du continent et garantir sa résilience face aux
chocs mondiaux, que ceux‑ci soient financiers, alimentaires, climatiques ou
pandémiques, de mettre davantage l’accent sur le commerce intrarégional,
sur l’investissement international dans les infrastructures, ainsi que sur
l’application de politiques commerciales et de politiques d’industrialisation
made in Africa. Pour que la Zone de libre‑échange continentale africaine
change véritablement la donne, les pays d’Afrique doivent adopter des
politiques propres à renforcer la convergence des mesures commerciales,
des objectifs de diversification et des impératifs d’inclusivité. Faute de telles
politiques, cette zone risque de n’être qu’un vecteur de libéralisation du
commerce, auquel cas elle ne répondra pas aux espoirs et aux aspirations
des peuples d’Afrique. À l’inverse, si elle est judicieusement mise en œuvre,
elle pourra contribuer à remédier aux difficultés liées à la trop grande
dépendance de l’Afrique à l’égard des produits de base, qui n’apportent
guère de valeur ajoutée sur les marchés mondiaux.
LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE EST INCLUSIVE SI
elle réduit simultanément
Développement Développement
économique social
PROSPÉRITÉ
PERSONNES
PARTENARIATS
Développement Développement
environnemental humain
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
L’Afrique doit améliorer ses institutions et procéder à des réformes structurelles pour
maximiser la contribution de l’intégration régionale à la réalisation des objectifs du
Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Agenda 2063 de l’Union
africaine. Toutefois, sa capacité à tirer pleinement parti des avantages de la Zone de
libre-échange continentale africaine dépendra de plusieurs facteurs, dont le degré
d’intégration régionale, ainsi que les politiques et les mesures complémentaires que
les pays mettront en place pour faciliter l’exploitation efficace des possibilités offertes
par une intégration plus poussée. Ces questions sont d’autant plus importantes et
pressantes que, en janvier 2021, les pays ont officiellement commencé à commercer
dans le cadre de la Zone de libre-échange. La relative complexité du commerce
intra‑africain donne à penser que l’intégration régionale pourrait libérer un potentiel de
diversification économique jusqu’ici largement sous-exploité, à condition que la mise
en place de la Zone de libre-échange soit vue comme une occasion de renforcer la
cohérence du cadre de la politique commerciale de l’Afrique et des objectifs de
transformation structurelle du continent.
Le recul rapide et soutenu de la pauvreté suppose une croissance inclusive, qui permette
à toutes les personnes, quel que soit par exemple leur genre, leur appartenance ethnique
3
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
4
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
1. Croissance inclusive
Pour la plupart des Africains, la période de croissance sans précédent que le continent
a connue dans les années 2000 ne s’est pas traduite par une amélioration sensible
du niveau de vie. L’écart de revenus entre riches et pauvres s’est d’ailleurs creusé.
Le développement économique, couplé à la croissance économique, est certes
essentiel à l’accomplissement de progrès durables, mais la répartition des retombées
de ce développement entre les divers groupes de population est également importante
(Sen, 1999 ; Sen, 2001). Dès lors se pose la question du rôle que la croissance
économique peut jouer en faveur de la réduction de la pauvreté et de la promotion
d’un développement inclusif. La croissance inclusive et le développement durable sont
les principaux objectifs de l’Agenda 2063, et ces deux questions sont traitées dans le
5
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
6
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Figure 1
Deux définitions de la croissance inclusive
Croissance inclusive
Croissance : croissance globale Composantes d’une
croissance multidimensionnelle Développement
par habitant humain : santé
Croissance économique et éducation
Source : CNUCED.
Note : Les éléments englobés dans l’ellipse en pointillé sont des facteurs de croissance inclusive non liée au
revenu (voir Klasen, 2010, et Ranieri and Ramos, 2013).
7
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
8
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
2. Intégration régionale
La Zone de libre-échange continentale africaine vise à renforcer l’intégration régionale
en Afrique. Jusqu’à présent, les progrès accomplis dans ce domaine ont été inégaux,
certains pays étant bien intégrés au niveau régional et/ou sous-régional et d’autres
moins. Il convient de noter que, sur le plan institutionnel, certaines CER ont déjà mis en
place une union douanière et sont tombées d’accord sur des tarifs extérieurs communs,
là où d’autres n’ont pas encore été en mesure d’établir des zones de libre-échange
comme le prévoyait initialement le Traité instituant la Communauté économique
africaine (Abuja, 1991). L’intégration régionale a été particulièrement faible au sein des
CER, de nombreux pays africains n’étant pas membres de la même communauté et
continuant à commercer suivant le régime de la nation la plus favorisée (fig. 2). La
Zone de libre-échange continentale africaine a pour objectif de remédier au fait que les
exportations intra-africaines sont souvent soumises à des droits de douane plus élevés
que les exportations de l’Afrique vers le reste du monde, notamment en raison de
régimes commerciaux préférentiels tels que ceux instaurés par la loi sur la croissance et
les perspectives économiques de l’Afrique (« African Growth and Opportunity Act ») des
États-Unis d’Amérique et l’initiative « Tout sauf les armes » de l’Union européenne. Elle
vise également, entre autres, à stimuler le commerce intra-africain et à homogénéiser
les diverses règles commerciales appliquées d’une CER à l’autre et dans le cadre
des accords commerciaux régionaux. Sa mise en place pourrait par ailleurs conduire
à réorienter les échanges vers le marché régional, ce qui entraînerait une production
globale importante, des gains socioéconomiques et un développement de l’emploi à
long terme (Economic Commission for Africa et al., 2019 ; UNCTAD, 2019a).
9
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 2
Afrique : L’enchevêtrement des accords commerciaux sous-régionaux
IGAD
COMESA
Somalia
CEN-SAD Eritrea
Kenya
EAC
Ethiopia
Djibouti South Sudan
AMU Mauritania Libya
Sudan Uganda
Algeria
Morocco Tunisia Egypt
Madagascar Botswana
Malawi Lesotho
Mauritius Eswatini Namibia
South Africa
Comoros
Seychelles
Zambia United Republic
SACU
Benin Zimbabwe of Tanzania Mozambique
Burkina Faso
Côte d’Ivoire
Democratic Republic
of the Congo Angola SADC
Guinea-Bissau
Gambia Burundi
Mali Rwanda
Ghana
Niger
Cabo Verde Nigeria
Senegal
Togo Sierra Central Cameroon CEMAC
Guinea African Rep. Congo
Leone
Chad Equatorial
Liberia WAEMU Guinea
Gabon
Sao Tome and
Principe ECCAS
ECOWAS
Source : CNUCED.
Abréviations : AMU, Arab Maghreb Union (UMA) ; CEN-SAD, Community of Sahelo-Saharan States ; CEMAC,
Economic and Monetary Community of Central Africa ; COMESA, Common Market for Eastern and Southern
Africa ; EAC, East African Community (CAE) ; ECCAS, Economic Community of Central African States (CEEAC) ;
ECOWAS, Economic Community of West African States (CEDEAO) ; IGAD, Intergovernmental Authority on
Development ; SACU, Southern African Customs Union ; SADC, Southern African Development Community ;
WAEMU, West African Economic and Monetary Union (UEMOA).
10
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
L’intégration régionale permet par exemple à ceux des pays en développement qui sont
situés à un stade comparable de développement d’échanger et de tirer des avantages
mutuels des gains du commerce (Palley, 2003). Le commerce régional peut améliorer
les perspectives de paix sur le continent en renforçant l’interdépendance régionale et en
contribuant à réduire la vulnérabilité de l’Afrique aux dynamiques externes et aux coûts
de la facilitation du commerce, c’est-à-dire à certaines mesures qui rationalisent et
simplifient les procédures techniques et juridiques relatives au commerce international
de produits entrant ou sortant d’un pays (African Union and UNCTAD, 2019 ;
UNCTAD, 2019a). Même si l’intégration régionale offre de nombreux avantages, les
accords commerciaux régionaux peuvent également, comme tous les types d’accords
de libéralisation du commerce, présenter des inconvénients, dont certains sont
particulièrement marqués dans les pays d’Afrique. Les accords commerciaux, qu’ils
soient multilatéraux, régionaux ou bilatéraux, empiètent sur la souveraineté nationale
et les recettes douanières en ce qu’ils contraignent parfois les pays à renoncer de plus
en plus à leur marge d’action sur les plans économique et politique (Saylor Academy,
2012). Toutefois, il est possible de tirer parti de ces contraintes ; pour autant que l’Afrique
puisse s’orienter vers l’industrie manufacturière, le commerce intra-industriel devrait
gagner du terrain sur le continent, renforçant ainsi l’appui mutuel entre l’intégration
régionale et l’industrialisation. Le commerce international peut aussi donner lieu à des
externalités de connaissance entre régions, ce qui peut entraîner un accroissement de
l’efficacité, la diffusion des technologies et la redistribution des richesses. L’intégration
régionale et la manière dont elle peut favoriser la croissance font l’objet d’une abondante
littérature et d’un vaste cadre théorique, mais la lenteur de l’entrée en application des
règles commerciales et les récentes tensions régionales liées au commerce peuvent
faire obstacle à la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine, ce
qui pourrait amener les citoyens à s’interroger sur l’efficacité de l’intégration régionale.
Certains doutent déjà que la Zone de libre-échange puisse favoriser une croissance
plus inclusive et une réduction de la pauvreté et des inégalités. L’incertitude quant à
la question de savoir si le commerce est suffisamment inclusif peut s’expliquer par les
préoccupations relatives aux effets de répartition susceptibles de se manifester dans
l’évolution des prix des biens et services ainsi que de la production, du revenu et de
l’emploi (Artuc, 2021). En raison du manque de données, il est difficile de mesurer
empiriquement les effets du commerce international et régional sur la répartition des
principaux éléments de la croissance inclusive, tels que l’emploi et le revenu. Pourtant,
des théories continuent d’être avancées concernant les coûts et les avantages ou les
gagnants et les perdants du commerce international et régional (Artuc, 2021).
11
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Artuc (Artuc, 2021) présente trois observations principales concernant les effets
positifs et négatifs du commerce sur la répartition. Premièrement, les effets positifs
du commerce sont souvent négligés car, contrairement aux effets négatifs, ils ne sont
pas concentrés mais sont souvent disséminés à l’échelle d’une population. Les effets
négatifs du commerce sont souvent concentrés dans certains endroits ou groupes
de compétences en raison des disparités régionales en matière de croissance (les
régions ayant une plus grande concentration d’industries exportatrices ont tendance à
bénéficier davantage et plus directement du commerce, qui leur permet d’augmenter
leurs revenus, par opposition aux régions traditionnellement industrielles ou exposées
à la concurrence des importations) ; en outre, les travailleurs ayant des compétences
polyvalentes et/ou de haut niveau employés dans des industries exportatrices sont plus
susceptibles d’avoir des revenus supérieurs (Hakobyan and McLaren, 2016). La mobilité
de la main-d’œuvre est essentielle pour expliquer les effets de répartition du commerce
international, car les industries exportatrices et les industries exposées à la concurrence
des importations sont regroupées dans des lieux différents et les travailleurs ne peuvent
pas changer facilement de région ni de secteur ; l’influence du commerce international
sur les travailleurs est donc étroitement liée à leur situation géographique initiale et,
dans la Zone de libre-échange continentale africaine, à la liberté de circulation de la
main‑d’œuvre (Artuc et al., 2021 ; Autor et al., 2013 ; UNCTAD, 2018 a). Deuxièmement,
il est difficile de mesurer empiriquement la mobilité de la main-d’œuvre et les effets du
commerce sur la répartition des revenus à partir des données relatives au marché du
travail, car la plupart des séries chronologiques nécessaires à cette fin n’existent pas.
En outre, certaines des méthodes empiriques permettant de déterminer les effets de
répartition du commerce, comme l’approche des marchés du travail locaux d’Autor
et al. (Autor et al., 2013), présentent des lacunes méthodologiques importantes qui
conduisent à sous-estimer les gains potentiels. Troisièmement, on pourrait faire valoir
qu’il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de règlement des différends
et de compensation plus efficaces. Les mécanismes de compensation pourraient ainsi
contribuer à atténuer les effets négatifs que le commerce international et régional a
sur les pays les moins avancés d’Afrique dans le cadre de la Zone de libre-échange
continentale africaine et, moyennant un engagement politique suffisant, leur mise en
œuvre pourrait être économiquement viable. En Afrique, il est particulièrement difficile
de mesurer et de déterminer avec précision les effets positifs et négatifs du commerce
régional.
12
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Au départ, les pays les moins avancés d’Afrique tireront probablement moins profit de
la Zone de libre-échange continentale africaine que leurs voisins plus développés sur
le plan économique, bien que cela puisse changer avec le temps. Il est donc peut-être
préférable de s’intéresser à la dynamique qui sous-tend les avantages pouvant découler
de l’intégration régionale. À cet égard, il peut être pertinent d’envisager le paradigme
du développement selon le modèle du vol d’oies sauvages, qui présente une image
globalement positive de l’évolution des relations économiques qui se nouent entre des
pays en développement plus avancés et des pays en développement moins avancés à
la faveur de l’industrialisation des premiers. Ce modèle explique le succès des nouveaux
pays industriels en établissant un lien entre le cycle de vie de certains secteurs, au
fur et à mesure de leur développement, et la relocalisation d’industries des pays plus
avancés vers les pays moins avancés au niveau régional en fonction de l’évolution de la
compétitivité (UNCTAD, 1996 ; UNCTAD, 2011). L’entrée de certains des pays les moins
avancés d’Afrique dans les réseaux de production régionaux et sous-régionaux peut créer
de nouvelles possibilités de transformation structurelle, d’acquisition de compétences
et de mise à niveau technologique. Ce processus est particulièrement visible en Asie,
où la politique contribue significativement à faciliter le développement dynamique de la
13
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
14
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
faire sortir environ 30 millions de personnes de l’extrême pauvreté, selon certaines
estimations (World Bank, 2020a). Il convient toutefois de préciser que l’obtention et la
durabilité de tels avantages dépendent largement des politiques (et des mesures de
facilitation du commerce) ainsi que des partenariats qui seront mis en place dans la
région pour guider la mise en œuvre de la Zone de libre-échange. Le présent Rapport
s’inscrit dans cette optique puisqu’il vise à donner aux décideurs des orientations sur la
manière dont les gains attendus de la Zone de libre-échange continentale africaine en
matière de commerce, de production, d’investissement et de croissance feront évoluer
les chances de parvenir à une croissance plus inclusive, compte tenu du creusement
des inégalités dans la région et des effets négatifs de la pandémie de COVID-19. Les
auteurs ont ainsi cherché à analyser les moyens de réunir les éléments clefs de la
croissance inclusive dans le cadre de la Zone de libre-échange et à faire comprendre
aux parties prenantes qu’il importe de recourir à des politiques stratégiques, à des
interventions complémentaires et à des partenariats pour que les avantages profitent à
tous. À cette fin, ils se sont concentrés sur des éléments précis du Programme 2030 et
de l’Agenda 2063 qui concernent la croissance inclusive (fig. 3).
Le présent Rapport est organisé de la façon suivante. Le chapitre 1 donne une vue
d’ensemble de la croissance inclusive en Afrique, en mettant l’accent sur les dimensions
qui sont liées aux revenus et celles qui ne le sont pas et en faisant ressortir les principaux
moyens par lesquels la Zone de libre-échange continentale africaine peut contribuer à
une croissance inclusive et à une plus grande résilience économique. Au chapitre 2,
les auteurs élargissent l’analyse de la croissance inclusive dans le contexte de
l’intégration commerciale régionale. Ils se concentrent sur le commerce transfrontalier
informel, évaluent les difficultés que rencontrent les commerçants transfrontaliers
du secteur informel et la pertinence de l’économie informelle dans le processus de
croissance inclusive, et montrent que la libéralisation du marché dans le cadre de la
Zone de libre‑échange est importante pour la croissance des entreprises, mais que les
politiques et stratégies commerciales inclusives qui accompagneront la mise en œuvre
de la Zone de libre-échange peuvent également contribuer à promouvoir le commerce
équitable, notamment pour aider les petites entreprises, souvent marginalisées. La
manière dont tous les acteurs de la région peuvent tirer parti du potentiel commercial
inexploité grâce à la Zone de libre-échange, la faible complémentarité du commerce et
la faible diversification de l’économie, qui sont les principaux obstacles au processus
de croissance inclusive de la région d’un point de vue commercial, le rôle de la Zone de
libre-échange continentale africaine dans la création de possibilités d’exportation égales
pour les petites et moyennes entreprises et les petits négociants, et la nécessité d’utiliser
la Zone de libre-échange pour éliminer les obstacles réglementaires et structurels autres
15
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 3
Croissance inclusive : liens entre le Programme 2030, l’Agenda 2063 et le Rapport 2021
sur le développement économique en Afrique
(les numéros entourés correspondent aux chapitres du Rapport)
Cible 5.5 Veiller à ce que les femmes participent pleinement et effectivement aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision,
1 2 dans la vie politique, économique et publique, et y accèdent sur un pied d’égalité
Aspiration 1 Une Afrique prospère fondée sur la croissance inclusive et le développement durable
Objectif 4 Economies transformées
1 2 3 Croissance économique durable et inclusive
Agenda 2063
Aspiration 6 Une Afrique dont le développement est axé sur les populations, qui s’appuie sur
le potentiel de ses populations, notamment celles des femmes et des jeunes,
qui se soucie du bien-être des enfants
Objectif 17 Égalité complète entre les hommes et les femmes dans toutes les sphères de la vie
1 2 4
Autonomisation des femmes et des filles
Aspiration 7 Une Afrique qui agit en tant qu’acteur et partenaire fort, uni et résilient sur la scène mondiale
Objectif 19 L’Afrique participe de manière importante aux affaires internationales et à la coexistence pacifique
1 4 Place de l'Afrique dans les affaires internationales
Partenariat
Source : CNUCED.
16
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
que tarifaires sont les thèmes abordés au chapitre 3. Au chapitre 4, les auteurs soulignent
qu’il importe de procéder à des réformes commerciales efficaces et de mettre en place
des partenariats pour veiller à l’inclusivité de la Zone de libre‑échange continentale
africaine. Ils avancent que cet objectif demeurera difficile à atteindre, compte tenu des
caractéristiques multidimensionnelles de la Zone de libre‑échange, si la mise en œuvre
de celle-ci ne repose pas sur un cadre intégré efficace (de la conception à l’application
et au suivi des mesures) comprenant une structure institutionnelle solide et un
mécanisme de règlement des différends commerciaux d’un bon rapport coût-efficacité.
Ils examinent également les perspectives et les enjeux que représente l’engagement
des pays dans les systèmes commerciaux mondiaux pour la Zone de libre-échange.
Enfin, le chapitre 5 contient les principales conclusions et recommandations.
17
Chapitre 1
La croissance inclusive
en Afrique
Le présent chapitre porte sur la croissance inclusive
dans le contexte de l’intégration régionale et de la Zone
de libre‑échange continentale africaine. On y trouve
des explications quant à la façon dont la Zone de
libre‑échange met à profit le programme d’intégration
régionale pour favoriser une croissance inclusive et
permettre de « reconstruire en mieux » au lendemain
de la pandémie. En particulier, les tendances récentes
en matière de croissance inclusive sont examinées et
évaluées dans les sections 1.1 et 1.2, en tenant compte
des dimensions liées au revenu et des dimensions qui
ne dépendent pas du revenu. Dans la section 1.3 sont
présentées des études de cas par pays qui couvrent
trois grandes catégories de croissance inclusive liée
au revenu. Enfin, on trouvera dans les sections 1.4 et
1.5 une analyse des tendances récentes du commerce
intra‑africain et des éléments de discussion quant à
la façon dont la Zone de libre‑échange continentale
africaine peut contribuer à surmonter les effets
négatifs de la pandémie sur la croissance inclusive.
LA CROISSANCE INCLUSIVE EN TANT
QUE CIBLE DE L’AGENDA 2063
* Pour chaque pays, la croissance inclusive est évaluée sur les années de la période comprise entre 2000 et 2020
pour lesquelles des données sont disponibles dans la base PovcalNet de la Banque mondiale.
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
C’est dans l’Union du Maghreb arabe que le taux de pauvreté est le plus bas et dans la
Communauté économique des États de l’Afrique centrale qu’il est le plus élevé, quel que
soit le seuil de pauvreté utilisé pour le calcul. En général, il existe une relation observable
entre la croissance inclusive et la baisse des taux de pauvreté ; c’est ce qui s’est produit
dans tous les pays à croissance inclusive, à l’exception des Seychelles, tandis que la
pauvreté a augmenté dans tous les pays qui n’ont pas connu de croissance inclusive,
sauf le Cameroun.
21
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 4
Taux de pauvreté en Afrique
(En pourcentage)
a) Différents seuils de pauvreté b) Différentes communautés économiques régionales
au seuil de pauvreté de 1,9 dollar par jour
100 80
90 70
80
60
70
60 50
50 40
40 30
30
20
20
10 10
0 0
02
04
06
08
10
12
14
16
02
04
06
08
10
12
14
16
00
18
00
18
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
Seuil de pauvreté de 1,9 dollar par jour
Afrique UMA CAE CEEAC
Seuil de pauvreté de 3,2 dollars par jour
CEDEAO IGAD SADC
Seuil de pauvreté de 5,5 dollars par jour
économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Algérie, Guinée, Mali, Mauritanie et Tunisie),
tandis que les pays aux indices les plus élevés sont principalement des membres de
la Communauté économique des États de l’Afrique centrale ou de la Communauté
de développement de l’Afrique australe (il s’agit notamment de l’Afrique du Sud, de
l’Eswatini, de la Namibie, de la République centrafricaine, de Sao Tomé-et-Principe et
de la Zambie).
Globalement, les taux de pauvreté ont diminué en Afrique, mais il reste encore
beaucoup à faire pour réduire l’inégalité. L’amélioration des résultats économiques, en
plus de réduire la pauvreté et l’inégalité, devrait aussi se traduire par des progrès en
matière de développement humain, une baisse du taux de chômage, une plus grande
égalité des sexes et une meilleure protection de l’environnement. Au-delà du revenu
et de la richesse, le bien-être des personnes dépend de différentes dimensions non
liées au revenu, notamment la santé, l’éducation et la situation professionnelle (Asian
Development Bank, 2017). On trouvera dans l’encadré 1 un résumé des données
récentes sur les principales composantes non liées au revenu de la croissance inclusive
en Afrique.
22
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Encadré 1
Composantes non liées au revenu de la croissance inclusive
Capital humain
L’éducation devrait favoriser le développement de compétences et de l’esprit d’entreprise et
l’adoption de comportements permettant de mener une vie enrichissante compatible avec une
croissance durable et inclusive. Les pays doivent veiller à ce que d’ici à 2030, tous les enfants
suivent un cycle complet d’enseignement primaire et secondaire gratuit et de qualité qui puisse les
doter d’acquis véritablement utiles, conformément à la cible 4.1 des objectifs de développement
durable. Cependant, les pays d’Afrique sont loin d’atteindre cette cible. Dans de nombreux pays, les
filles continuent d’être victimes de discrimination s’agissant de l’accès à une éducation de qualité,
mais cette inégalité semble diminuer. Ainsi, 25 % des parlementaires en Afrique sont des femmes,
soit davantage que la moyenne mondiale, qui est de 21 %. Cependant, il est urgent d’abolir dans
tous les domaines les disparités fondées sur le genre, car de nombreuses filles africaines ne peuvent
toujours pas accéder à l’éducation. La discrimination que subissent les femmes et les filles en matière
d’éducation commence dès leur plus jeune âge. En outre, le modèle actuel de formation ne répond
pas aux attentes du marché du travail ni aux besoins de développement ; des diplômés ne trouvent
pas de travail et il y a pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Selon University of the People (University of
the People, 2017), être diplômé d’une université africaine ne garantit pas de trouver un emploi, d’où
un paradoxe apparent : alors que l’Afrique se heurte à une pénurie de travailleurs qualifiés dans de
nombreux domaines tels que les sciences, les mathématiques, l’ingénierie technologique et la santé,
les diplômés des universités africaines sont toujours en situation de sous-emploi. Il se pourrait que
cette situation soit due à l’accès limité aux ressources productives requises pour assurer une bonne
adéquation entre les compétences et la création d’emplois et d’entreprises. L’Afrique doit élaborer
dans les établissements d’enseignement secondaire et supérieur des programmes de formation
technique et professionnelle axés sur l’emploi et améliorer les programmes existants, et elle doit
renforcer la collaboration et les partenariats entre les entreprises et les universités pour surmonter
les multiples difficultés auxquelles doit faire face l’enseignement supérieur.
La santé est une autre dimension essentielle de la croissance inclusive ; le rôle des investissements
dans le secteur de la santé et leur répartition occupent une place de plus en plus grande dans les
débats sur l’inclusivité. L’espérance de vie à la naissance est le principal indicateur de l’état de santé
de la population d’un pays. Elle augmente en Afrique depuis 2000, mais reste inférieure à la moyenne
mondiale. Tant pour les femmes que pour les hommes, l’Afrique accuse un retard de près de dix
ans par rapport à l’Asie, continent classé avant-dernier pour l’espérance de vie moyenne. Toutefois,
l’écart entre l’espérance de vie à la naissance en Afrique et celle du reste du monde se réduit. Les
23
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
données de l’Organisation mondiale de la Santé montrent que si les hommes nés en Afrique en
2000 peuvent espérer vivre en moyenne 51,1 ans, contre 64,4 ans dans le monde, ce chiffre atteint
63,4 ans pour ceux nés en 2019, contre 70,9 ans dans le monde. Selon la cible 3.1 des objectifs
de développement durable, il faut que le taux mondial de mortalité maternelle passe sous le seuil de
70 pour 100 000 naissances vivantes d’ici à 2030. Cependant, les pays d’Afrique, dont le taux de
mortalité maternelle était de 500 pour 100 000 naissances vivantes en 2017, sont loin d’atteindre
cet objectif. D’après la base de données UNCTADstat, si le taux de mortalité maternelle diminue
lentement depuis 2000, il demeure élevé dans toutes les CER à l’exception de l’Union du Maghreb
arabe, dans laquelle la cible 3.2 (ramener la mortalité des enfants de moins de 5 ans à 25 pour
1 000 naissances vivantes au plus d’ici à 2030) a également, en moyenne, déjà été atteinte. Depuis
2000, des efforts considérables ont été déployés dans les CER pour réduire la mortalité infantile,
mais il convient de redoubler d’efforts pour atteindre l’objectif fixé d’ici à 2030.
24
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Institute (McKinsey Global Institute, 2019), l’indice de parité entre les sexes en Afrique était de 0,58
(1 = parité parfaite). Si des mesures radicales ne sont pas prises, l’Afrique pourrait mettre 140 ans à
atteindre la pleine parité. Cependant, si des progrès étaient faits dans ce domaine, le PIB du continent
pourrait augmenter de 10 % d’ici à 2025, soit 316 milliards de dollars. Dans la plupart des pays
d’Afrique, l’emploi ne contribue pas au développement durable, étant donné la prépondérance du
secteur primaire. En 2019, presque la moitié de la population active travaillait dans l’agriculture, mais
l’emploi agricole est en déclin au profit des services. Le secteur secondaire (le secteur manufacturier)
ne représentait que 13 % des emplois en 2019, malgré son importance en matière de diversification
économique et de renforcement des capacités productives.
Sources : Asian Development Bank, 2017 ; Backhaus and Loichinger, 2021 ; ILOSTAT, base de données de
l’Organisation internationale du Travail, International Labour Organization, 2020 ; McKinsey Global Institute, 2019 ;
Mba, 2017 ; United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization, 2016 ; University of the People, 2017 ;
base des Indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale ; World Health Organization, 2021.
1.2 Évaluation
On trouvera dans la présente section une évaluation des tendances de la croissance
inclusive dans les pays d’Afrique, fondée sur les taux de croissance favorable aux
pauvres et les courbes d’incidence de la croissance (Ravallion and Chen, 2003). Les
données sur les parts du revenu et de la consommation par décile proviennent de la
base de données PovcalNet de la Banque mondiale. Ce sont dans la plupart des cas
les données relatives à la consommation qui ont été utilisées, ou, pour les pays pour
lesquels celles-ci n’étaient pas disponibles, les données relatives au revenu. Il existe un
débat entre les économistes quant à savoir si les mesures de la pauvreté basées sur
la consommation sont de meilleurs indicateurs du bien-être que les mesures fondées
sur le revenu. Par exemple, Meyer et Sullivan (Meyer and Sullivan, 2003) ont opté pour
la première solution, car ils considèrent qu’il faut utiliser le critère de la consommation
pour définir des normes de prestations et évaluer les programmes de transfert, et selon
Moratti et Natali (Moratti and Natali, 2012), les dépenses de consommation constituent
probablement l’indicateur du bien-être le plus couramment utilisé. Pour chaque pays,
la croissance inclusive est évaluée sur les années de la période comprise entre 2000 et
2020 pour lesquelles des données sont disponibles (encadré 2).
25
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Encadré 2
Mesurer la croissance inclusive
La croissance inclusive profite à toutes les couches sociales de la population, en particulier aux plus
pauvres. Le taux de croissance favorable aux pauvres est utilisé pour mesurer la croissance inclusive, et
il est possible de calculer ce taux et la courbe d’incidence de la croissance pour mesurer la croissance
inclusive en Afrique. Les données sur la part du revenu ou de la consommation par décile sont issues
de la base PovcalNet de la Banque mondiale ; les données utilisées sont estimées directement à partir
des enquêtes sur les ménages disponibles et sont identiques aux estimations de la base de données
des Indicateurs du développement dans le monde et du portail de données sur la pauvreté et l’équité.
Les données sur la répartition utilisées sont tirées d’enquêtes sur les ménages représentatives au niveau
national. La base de données PovcalNet utilise le revenu ou les dépenses de consommation par habitant,
c’est-à-dire que chaque membre d’un ménage se voit attribuer une part égale du revenu ou de la
consommation du ménage, indépendamment de son âge et sans tenir compte des économies d’échelle.
Il convient de noter que la croissance estimée correspond à la croissance annuelle moyenne calculée à
partir des enquêtes auprès des ménages et qu’elle diffère de la croissance du PIB fondée sur les données
de la comptabilité nationale. Il est pour l’instant difficile d’évaluer empiriquement la croissance inclusive
sur la base du PIB, car celui-ci n’est généralement pas ventilé par quantiles de population.
L’analyse est fondée sur une série de données commençant en 2000. L’année de comparaison (t-1)
est la première année depuis 2000 pour laquelle des données ventilées par déciles sont disponibles,
et l’année à comparer (t) est l’année la plus récente pour laquelle des données ventilées par déciles
sont disponibles. Le taux de croissance du revenu du décile (d) entre les années t-1 et t est calculé
à l’aide de l’équation suivante :
yt (di)
gt (di) = -1
yt-1 (di)
gt (di) =
(
yt (di) T1-T0
yt-1 (di)
-1
)
où T0 et T1 désignent respectivement les années (t-1) et (t)
26
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Les courbes d’incidence de croissance sont construites à partir des gt (di) des 10 déciles. Le taux de
croissance favorable aux pauvres est estimé à partir du taux de croissance moyen des pauvres et
comparé au taux de croissance moyen, c’est-à-dire le taux de croissance de la moyenne d’ensemble.
Le taux de croissance moyen des pauvres est calculé au moyen de l’équation suivante :
Ht
où Ht est le taux de pauvreté (calculé sur la base du seuil de pauvreté de 1,9 dollar par jour en parité
de pouvoir d’achat)
Le taux de croissance moyen est calculé à l’aide de l’équation suivante :
1
gt =
( )
yt
yt-1
1-T0
-1
27
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Les schémas de croissance inclusive dans les pays d’Afrique sont présentés dans le
tableau 1, qui compare le taux de croissance moyen des pauvres au taux de croissance
de la moyenne d’ensemble (en termes relatifs et absolus). On constate que la croissance a
été relativement inclusive dans 17 pays, à savoir l’Algérie, le Burkina Faso, Cabo Verde, la
Gambie, la Guinée, le Kenya, le Lesotho, le Libéria, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger,
le Nigéria, l’Ouganda, le Rwanda, la Sierra Leone et la Tunisie. Dans ces pays, le revenu
moyen ou la consommation moyenne des pauvres a augmenté et leur situation s’est
améliorée. En outre, comme le taux de croissance moyen des pauvres est plus élevé que
celui des non-pauvres, la croissance est susceptible de réduire la pauvreté et l’inégalité.
Tableau 1
Schémas de croissance inclusive en Afrique
Taux de
Taux de
Variation Variation croissance
croissance
Schéma de croissance du taux de de l’indice Pays Année 1 Année 2 favorable
moyen
pauvreté de Gini aux pauvres
(En pourcentage)
Lesotho 2003 2017 7,00 5,16
Niger 2005 2014 6,83 4,53
Gambie 2003 2015 6,75 3,68
Libéria 2007 2016 5,16 4,81
Guinée 2002 2012 5,13 2,96
Tunisie 2000 2015 4,62 2,83
Cabo Verde 2002 2015 4,48 1,95
Inclusive Algérie 1995 2011 3,85 1,64
relative
Baisse Baisse Sierra Leone 2003 2018 3,77 3,07
(meilleur
scénario) Maroc 2001 2014 3,61 3,40
Burkina Faso 2003 2014 3,54 1,42
Mauritanie 2000 2014 3,14 1,68
Rwanda 2000 2017 2,88 2,26
Croissance du Ouganda 2000 2017 2,69 2,68
revenu moyen Mali 2001 2010 2,61 0,70
par habitant Nigéria 2004 2019 2,54 1,58
Kenya 2005 2016 1,75 0,21
Rép. dém. du Congo 2005 2012 10,57 10,59
Namibie 2004 2015 4,04 4,49
Baisse Baisse
Gabon 2005 2017 2,77 2,89
Sénégal 2001 2011 1,05 1,30
Tchad 2003 2011 4,65 6,12
Inclusive Congo 2005 2011 4,50 5,77
absolue Rép.-Unie de Tanzanie 2000 2018 4,48 4,77
Mozambique 2003 2014 2,92 4,52
Baisse Hausse
Afrique du Sud 2001 2015 2,86 4,54
Ghana 2006 2017 2,68 3,73
Eswatini 2001 2016 2,23 3,17
Éthiopie 2000 2016 2,13 2,83
28
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Taux de
Taux de
Variation Variation croissance
croissance
Schéma de croissance du taux de de l’indice Pays Année 1 Année 2 favorable
moyen
pauvreté de Gini aux pauvres
(En pourcentage)
Maurice 2007 2017 1,67 2,28
Malawi 2004 2016 0,41 1,12
Burundi 2006 2014 0,40 1,65
Djibouti 2002 2017 0,13 0,95
Togo 2006 2015 0,05 0,80
Hausse Hausse Seychelles 2000 2013 0,54 1,39
Cependant, Botswana 2003 2016 3,54 -0,62
Baisse du
croissance
revenu moyen Baisse Baisse
favorable aux Soudan 2009 2014 2,66 -0,48
par habitant
pauvres
Dans 14 pays, à savoir l’Afrique du Sud, le Burundi, le Congo, Djibouti, l’Eswatini,
l’Éthiopie, le Ghana, le Malawi, Maurice, le Mozambique, la République-Unie de Tanzanie,
les Seychelles, le Tchad et le Togo, la croissance s’est accompagnée d’une aggravation
de l’inégalité. L’inégalité a diminué au Gabon, en Namibie, en République démocratique
du Congo et au Sénégal, mais le taux moyen de croissance favorable aux pauvres est
resté légèrement inférieur au taux de croissance de la moyenne d’ensemble. Au Burundi,
au cours de la période 2006-2014, le taux moyen de croissance favorable aux pauvres
était positif, mais bien inférieur au taux de croissance de la moyenne d’ensemble, et la
consommation des 20 % les plus pauvres a diminué (fig. 6 a)). La courbe d’incidence
de la croissance au Burundi a également augmenté progressivement au fil des déciles.
La croissance qu’a connue l’Afrique du Sud a fait reculer la pauvreté, mais l’inégalité a
augmenté, comme le montre l’augmentation de la courbe d’incidence de la croissance
selon les déciles sur la période 2001-2015 (fig. 6 b)).
29
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 5
Courbes d’incidence de la croissance
(En pourcentage)
a) Gambie, 2003-2015
10
9
8
Moyenne annuelle
7
6
5
4
3
2
1
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Déciles
Courbe d’incidence de la croissance Taux de croissance moyen Taux de pauvreté en 2003
Taux de pauvreté en 2015 Taux de croissance favorable aux pauvres
b) Lesotho, 2003-2017
10
9
8
Moyenne annuelle
7
6
5
4
3
2
1
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Déciles
Courbe d’incidence de la croissance Taux de croissance moyen Taux de pauvreté en 2003
Taux de pauvreté en 2017 Taux de croissance favorable aux pauvres
Les expériences du Botswana (de 2003 à 2016) et du Soudan (de 2009 à 2014)
sont particulières, car le revenu moyen ou la consommation moyenne des pauvres a
augmenté et la pauvreté et l’inégalité ont diminué, mais il n’y a pas eu de croissance
inclusive relative, car le revenu réel moyen ou la consommation réelle moyenne a
diminué ; seuls les pauvres ont bénéficié d’une croissance inclusive. Au Soudan, le
revenu réel ou la consommation réelle des cinquième au neuvième déciles a diminué sur
la période 2009-2014 (fig. 7). Le Botswana a connu une situation similaire.
Le taux de croissance favorable aux pauvres et le taux de croissance moyen des pays
d’Afrique qui n’ont pas connu de croissance inclusive sont présentés dans le tableau 2.
30
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Figure 6
Courbes d’incidence de la croissance
(En pourcentage)
a) Burundi, 2006-2014
3
2
Moyenne annuelle
1
0
-1
-2
-3
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Déciles
Courbe d’incidence de la croissance Taux de croissance moyen Taux de pauvreté en 2006
Taux de pauvreté en 2014 Taux de croissance favorable aux pauvres
4
3
2
1
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Déciles
Courbe d’incidence de la croissance Taux de croissance moyen Taux de pauvreté en 2001
Taux de pauvreté en 2015 Taux de croissance favorable aux pauvres
L’Angola, les Comores, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, Madagascar et le Zimbabwe n’ont pas
connu de croissance inclusive et la pauvreté a augmenté dans ces pays. Tant le taux
moyen de croissance favorable aux pauvres que le taux de croissance de la moyenne
d’ensemble ont été négatifs. En Angola, aux Comores, à Madagascar et au Zimbabwe,
la croissance négative a été moindre pour les pauvres que pour les non-pauvres, mais
cela n’a pas été le cas en Côte d’Ivoire et en Égypte.
31
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 7
Courbe d’incidence de la croissance au Soudan, 2009-2014
(En pourcentage)
4
3
Moyenne annuelle
2
1
0
-1
-2
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Déciles
Courbe d’incidence de la croissance Taux de croissance moyen Taux de pauvreté en 2009
Taux de pauvreté en 2014 Taux de croissance favorable aux pauvres
Source : Calculs de la CNUCED, d’après la base de données PovcalNet de la Banque mondiale.
Note : Les taux de pauvreté sont calculés sur la base du seuil de pauvreté de 1,9 dollar par jour.
Tableau 2
Schémas de croissance non inclusive en Afrique
Taux de
Taux de
Variation Variation croissance
croissance
Schéma de croissance du taux de de l’indice Pays Année 1 Année 2 favorable moyen
pauvreté de Gini aux pauvres
(En pourcentage)
Baisse Hausse Cameroun 2001 2014 -0,69 1,60
Sao Tomé-et-Principe 2001 2017 -1,64 2,44
Croissance Rép. centrafricaine 2003 2008 -2,41 4,18
non inclusive Hausse Hausse Bénin 2003 2015 -2,87 0,41
Zambie 2003 2015 -3,95 0,82
Guinée-Bissau 2002 2010 -4,58 0,01
Baisse Madagascar 2001 2012 -0,89 -2,06
relativement Hausse Baisse Angola 2000 2018 -1,29 -1,86
Baisse du faible de la
revenu moyen croissance Comores 2004 2014 -2,21 -2,97
par habitant pour les
Hausse Hausse Zimbabwe 2011 2017 -3,16 -3,50
des pauvres pauvres
Forte
baisse de la Hausse Baisse Égypte 2000 2018 -0,41 -0,31
croissance
chez les
pauvres,
davantage Hausse Hausse Côte d’Ivoire 2002 2015 -0,90 -0,44
que pour les
non-pauvres
32
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Figure 8
Courbe d’incidence de la croissance au Cameroun, 2001-2014
(En pourcentage)
2,5
2,0
1,5
Moyenne annuelle
1,0
0,5
0,0
-0,5
-1,0
-1,5
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Déciles
Courbe d’incidence de la croissance Taux de croissance moyen Taux de pauvreté en 2009
Taux de pauvreté en 2014 Taux de croissance favorable aux pauvres
33
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 9
Courbes d’incidence de la croissance
(En pourcentage)
a) Côte d’Ivoire, 2002-2015
0,0
-0,2
-0,4
-0,6
Moyenne annuelle
-0,8
-1,0
-1,2
-1,4
-1,6
-1,8
-2,0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Déciles
Courbe d’incidence de la croissance Taux de croissance moyen Taux de pauvreté en 2002
Taux de pauvreté en 2015 Taux de croissance favorable aux pauvres
b) Madagascar, 2001-2012
0,0
-0,5
Moyenne annuelle
-1,0
-1,5
-2,0
-2,5
-3,0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Déciles
Courbe d’incidence de la croissance Taux de croissance moyen Taux de pauvreté en 2001
Taux de pauvreté en 2012 Taux de croissance favorable aux pauvres
34
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
1.3.1 Gambie : une croissance inclusive marquée par une diminution de la pauvreté
et des inégalités
En 2003-2015, les ménages gambiens ont vu leur consommation moyenne et médiane
augmenter ; parallèlement, la pauvreté et les inégalités ont beaucoup diminué. Près
de la moitié d’entre eux avaient une consommation de moins de 1,9 dollar par jour en
2003 contre un sur 10 en 2015 (tableau 3). En outre, la pauvreté a fortement reculé
en 2003-2015. L’indice de Gini et l’indice de déviation logarithmique moyenne ont
également baissé pendant la période considérée.
Tableau 3
Gambie : croissance, pauvreté et inégalités
Consommation Indice de
Taux de Écart de Écart de Indice
Indice déviation Population
Moyenne Médiane pauvreté pauvreté pauvreté de
de Gini logarithmique
au carré Watts
(En dollars par mois) (En pourcentage) (En millions)
2015 148,74 115,27 10,30 2,26 0,77 2,83 35,92 21,37 2,09
2010 128,95 90,75 25,35 7,59 3,27 10,32 43,57 32,51 1,79
2003 96,40 61,96 46,14 17,94 9,26 26,79 47,33 38,99 1,45
Source : Calculs de la CNUCED, d’après des données provenant de la base de données ProvocalNet de la
Banque mondiale.
Note : Le taux de pauvreté est calculé sur la base du seuil de pauvreté de 1,9 dollar par jour (en parité de pouvoir
d’achat).
35
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Une croissance inclusive relative peut aussi être les résultat de plusieurs projets et
stratégies exécutés en Gambie. En 2003-2015, trois documents de stratégie de réduction
de la pauvreté ont été appliqués avec le soutien du Fonds monétaire international. Le
premier n’a pas abouti à des résultats satisfaisants ; selon le Fonds monétaire international
(International Monetary Fund, 2007), le programme a été suspendu en raison d’une
mauvaise communication et d’un manque de transparence, en particulier concernant
les emprunts du secteur public auprès de la banque centrale. Après que la Gambie a
répondu aux attentes du Fonds et qu’un programme dans lequel le personnel du Fonds
assurait un suivi a été mené à bien, le deuxième document de stratégie de réduction de
la pauvreté a été appliqué en 2007-2011 et a donné des résultats satisfaisants, surtout
au titre du pilier 1, essentiellement sous la forme d’une croissance économique rapide
et d’une réduction de la pauvreté (International Monetary Fund, 2011). Pendant cette
période, la Gambie a enregistré un taux de croissance économique de plus de 6 % par
an et a conservé sa stabilité macroéconomique, laquelle joue un rôle important dans
la croissance inclusive. Le développement du secteur agricole ainsi que les dépenses
consacrées aux programmes de réduction de la pauvreté ont également aidé à atténuer
la pauvreté rurale (International Monetary Fund, 2011). Le troisième document de
stratégie de réduction de la pauvreté, soutenu par des partenaires internationaux de
développement, avait comme principal objectif stratégique l’accélération de la croissance
et la création d’emplois (African Development Bank, 2012b).
36
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
La Gambie a accompli des progrès sur les plans du développement humain et de la qualité
des institutions en 2003-2015, ce qui a contribué à la croissance inclusive pendant cette
période (tableau 4). L’indice de développement humain, qui est un indicateur indirect
d’un niveau de vie correct, s’est amélioré en Gambie en 2003-2015, enregistrant une
progression annuelle moyenne de 0,94 %, contre un taux de 0,82 % au niveau mondial.
L’indice de la liberté économique et l’indice de perception de la corruption ont également
augmenté, traduisant une amélioration de la qualité des institutions.
Tableau 4
Gambie : Indice de développement humain, indice de liberté économique et indice de perception
de la corruption
Augmentation
annuelle,
2003 2015 2003-2015
(En pourcentage)
Indice de développement humain (1= le plus élevé, 0 = le moins élevé) 0,42 0,47 0,94
Indice de liberté économique (100 = liberté maximale, 0 = liberté minimale) 50,3 57,5 1,12
Indice de perception de la corruption (100 = pas du tout corrompu ; 0 = très corrompu) 25 28 0,95
Source : Calculs de la CNUCED, d’après des données du World Data Atlas.
37
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Tableau 5
Afrique du Sud : croissance, pauvreté et inégalités
Consommation Indice de
Taux de Écart de Écart de
Indice de Indice déviation Population
Moyenne Médiane pauvreté pauvreté pauvreté
Watts de Gini logarithmique
au carré
(En dollars par mois) (En pourcentage) (En millions)
2015 340,15 135,38 18,70 6,11 2,86 8,58 63,03 75,03 55,39
2010 361,11 141,55 16,17 4,81 2,05 6,55 63,38 75,29 51,22
2009 342,50 135,36 16,74 4,73 1,95 6,30 63,01 73,51 50,48
2005 271,59 100,90 25,68 8,23 3,69 11,37 64,76 77,83 47,88
2001 182,72 88,78 34,77 13,02 6,13 18,73 57,77 60,47 45,57
Source : Calculs de la CNUCED, d’après des données provenant de la base de données ProvocalNet de la
Banque mondiale.
Note : Le taux de pauvreté est calculé sur la base du seuil de pauvreté de 1,9 dollar par jour (en parité de pouvoir
d’achat).
38
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
ainsi à une croissance inclusive (Mosala et al., 2017). L’objectif principal était de diviser
par deux les taux de pauvreté et de chômage en 2004-2014 et de permettre à l’Afrique
du Sud d’atteindre et de conserver un taux moyen de croissance économique de 4,5 %
par an en 2004-2009 et de 6 % par an en 2010-2014 (African Development Bank,
2008).
D’après Mosala et al. (Mosala et al., 2017), il est difficile de mesurer le succès de cette
initiative, même si le taux de pauvreté par habitant calculé sur la base du seuil de
pauvreté de 1,9 dollar par jour est tombé de 25,7 à 16,2 % en 2005-2010, période
pendant laquelle l’initiative a été mise en œuvre. En 2010, la nouvelle stratégie de
croissance a remplacé l’initiative avec l’objectif de s’attaquer au chômage, à la pauvreté
et aux inégalités. En 2012, un plan de développement a été adopté pour compléter la
nouvelle stratégie de croissance (Mosala et al., 2017). Les inégalités ont diminué en
2010-2015, première période d’application de la stratégie et du plan.
Les stratégies nationales sont renforcées par les documents de stratégie nationaux de
la Banque africaine de développement, qui ont servi de cadre à la collaboration de la
Banque avec l’Afrique du Sud et ont donné la flexibilité nécessaire pour satisfaire aux
nouvelles exigences ; pourtant, le pays a eu peu recours à l’aide au développement et
aux ressources des donateurs (African Development Bank, 2008). En 2001-2015, la
Banque mondiale a aussi exécuté une série de projets et de stratégies visant à stimuler
la croissance et à réduire la pauvreté en Afrique du Sud, tels que le Maloti Drakensberg
Transfrontier Conservation and Development Project (Zunckel, 2007).
39
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Tableau 6
Afrique du Sud : Indice de développement humain, Indice de liberté économique et Indice
de perception de la corruption
Augmentation
annuelle,
2001 2010 2015 2003-2015
(En
pourcentage)
Indice de développement humain (1= le plus élevé, 0 = le moins élevé) 0,61 0,66 0,70 0,99
Indice de liberté économique (100 = liberté maximale, 0 = liberté minimale) 63,80 62,80 62,60 -0,14
Indice de perception de la corruption (100 = pas du tout corrompu ; 0 = très corrompu) 48,00 45,00 44,00 -0,62
40
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Figure 10
Zambie : consommation, taux de pauvreté, indice de Gini et produit intérieur brut par habitant
90 1 800
1 600
80 1 400
1 200
70
1 000
800
60
600
50 400
200
40 0
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
Consommation moyenne par habitant (en dollars par mois) PIB par habitant (en dollars constants de 2010, axe de droite)
Taux de pauvreté calculé sur la base du seuil de pauvreté de 1,9 dollar par jour (en parité de pouvoir d’achat)
Indice de Gini
Source : Calculs de la CNUCED, d’après des données provenant des bases de données ProvocalNet et
Indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale.
Tableau 7
Zambie : croissance, pauvreté et inégalités
Consommation Indice de
Taux de Écart de
Écart de déviation Population
pauvreté pauvreté Indice de Indice
Moyenne Médiane pauvreté logarithmique
Watts de Gini
au carré
(En dollars par mois) (En pourcentage) (En millions)
2015 87,16 45,46 58,75 30,68 19,61 53,14 57,14 60,47 15,88
2010 75,44 39,15 65,82 32,95 19,87 53,43 55,62 53,91 13,61
2007 77,54 42,40 62,14 31,36 19,30 52,03 54,62 52,89 12,17
2005 84,22 46,56 58,37 28,49 17,14 46,48 54,29 52,44 11,86
2003 79,07 55,87 52,05 18,81 9,06 26,75 42,06 29,87 11,26
Source : Calculs de la CNUCED, d’après des données provenant de la base de données ProvocalNet de la
Banque mondiale.
Notes : Les valeurs moyenne et médiane de la consommation sont des indicateurs de la croissance. Le taux de
pauvreté est calculé sur la base du seuil de pauvreté de 1,9 dollar par jour (en parité de pouvoir d’achat). Ces
indices mesurent l’inégalité.
41
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
42
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Figure 11
Exportations extracontinentales
600 120
500 100
400 80
Milliards de dollars
300 60
200 40
100 20
0 0
1
9
0
1
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
43
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 12
Exportations intra-africaines
100 120
90
100
80
70
80
Milliards de dollars
60
40
40
30
20
20
10
0 0
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
Articles manufacturés Matières premières extractives hors combustibles Denrées agricoles
Combustibles Cours au comptant du pétrole brut (axe de droite)
Source : Calculs de la CNUCED, d’après des données de la base de données UNCTADStat.
Les exportations extracontinentales sont dominées par les combustibles et les matières
premières, qui représentent ensemble 62 % des exportations. Par contre, 61 % du
commerce intra-africain comprend des produits semi-transformés et transformés
(International Trade Centre and UNCTAD, 2021), ce qui laisse penser que l’accroissement
du commerce régional peut davantage contribuer à une croissance transformatrice
et inclusive. La part des exportations intra-africaines des pays dont les exportations
sont plus diversifiées est plus grande que celle des pays dont les exportations sont
moins diversifiées (UNCTAD, 2019a). Il existe une relation à double sens : d’une part, la
demande régionale d’exportations offre des possibilités de diversification économique
et, d’autre part, les pays qui ont déjà réussi à diversifier leurs exportations sont davantage
capables de desservir le marché régional. L’un des principaux objectifs des CER est
d’accroître le commerce entre les États membres, mais la part des exportations au sein
de ces communautés est restée faible dans le total des exportations. Les exportations
et les importations entre membres d’une même communauté représentent moins de
20 % des exportations et des importations totales, à l’exception de la Communauté de
développement de l’Afrique australe (20,2 % des exportations totales).
44
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
61 %
ortation
Les exp fricaines
s 38 % L e s ex
ex traco portations
sont do ntinentales
intr a -a rées m
s élabo les com inées par
sont pluexportations b
et les m ustibles
qu e le s les ati
ntinenta premièreères
ex traco s
45
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
des exportations de services est restée relativement stable depuis 2010, les services
traditionnels constituant environ 70 % du total des échanges extracontinentaux de
services. La part des exportations de services à forte intensité de connaissances est
passé de 25 % en 2010 à 28 % en 2019.
Les exportations intra-africaines de services sont relativement faibles car elles sont
estimées à 10 milliards de dollars, ce qui correspond à 8 % environ du commerce
total des services, y compris les échanges intra-africains et extracontinentaux (fig. 14).
On constate que la ventilation des exportations de services est la même que pour
les échanges intra-africains et extracontinentaux : 70 % environ des exportations
correspondent à des services traditionnels, 20 % à des services à forte intensité de
Figure 13
Exportations extracontinentales de services
(En milliards de dollars)
120
100
80
60
40
20
0
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
Traditionnelles À forte intensité de connaissances Non marchandes
Source : Calculs de la CNUCED, d’après des données de la base de données OCDE-OMC sur les échanges
équilibrés de services.
Note : Les services traditionnels comprennent les services de transport, de voyage, d’entretien et de réparation
qui ne sont pas comptabilisés ailleurs ; les services à forte intensité de connaissances comprennent les services
manufacturiers, la construction, les assurances, les services financiers, les services de télécommunication et
d’information, les services personnels, culturels et récréatifs et les autres services commerciaux ; les services
non marchands comprennent les services des administrations publiques, les services communautaires et les
services de santé et d’éducation.
46
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Figure 14
Exportations intra-africaines de services
(En milliards de dollars)
10
0
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
Traditionnelles À forte intensité de connaissances Non marchandes
Source : Calculs de la CNUCED, d’après des données de la base de données OCDE-OMC sur les échanges
équilibrés de services.
Note : Les services traditionnels comprennent les services de transport, de voyage, d’entretien et de réparation
qui ne sont pas comptabilisés ailleurs ; les services à forte intensité de connaissances comprennent les services
manufacturiers, la construction, les assurances, les services financiers, les services de télécommunication et
d’information, les services personnels, culturels et récréatifs et les autres services commerciaux ; les services
non marchands comprennent les services des administrations publiques, les services communautaires et les
services de santé et d’éducation.
47
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
En Afrique, la part du commerce informel dans le commerce total est élevée et pour
bien fonctionner, la Zone de libre-échange doit pouvoir absorber le commerce informel.
Les commerçants informels, qu’ils traversent ou non les frontières, font partie des
acteurs économiques les plus vulnérables. Plus de données sont nécessaires sur les
caractéristiques du commerce informel et sur la manière dont des dispositions ciblées
peuvent favoriser l’intégration de groupes vulnérables et marginalisés dans le système
commercial.
48
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Les effets de ces chocs extérieurs ont été exacerbés par les perturbations liées à la
pandémie qui ont touché la région, puisque la plupart des pays africains ont imposé en
même temps des restrictions à la circulation des personnes et des biens. Ces mesures
ont été très préjudiciables aux chaînes de valeur régionales et aux efforts d’intégration
régionale et ont eu des effets directs considérables sur la vie des groupes les plus
vulnérables. Elles ont entraîné des pertes de revenus et de moyens de subsistance pour
de nombreux travailleurs journaliers étant donné que près de 86 % des Africains sont
employés dans le secteur informel (International Labour Organization, 2018). Conjuguée
à des pénuries de produits essentiels, notamment alimentaires et pharmaceutiques,
dues à la forte dépendance à l’égard des marchés internationaux, la pandémie a aggravé
la vulnérabilité de la région face à la pauvreté, aux inégalités et à l’insécurité alimentaire
(Akiwumi, 2020). La lutte contre la pandémie a fini par avoir raison des espoirs de
croissance inclusive dans la région dans l’optique du Programme de développement
durable à l’horizon 2030 et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. D’où l’importance de
parvenir à l’autosuffisance au niveau régional, en particulier en élargissant (participation
accrue) et en approfondissant (gamme plus large de produits) les chaînes de valeur
intra-africaines au profit d’une croissance et d’un développement inclusifs.
49
Chapitre 2
Population, secteur
informel et inclusivité
Dans le présent chapitre, il s’agira d’examiner
comment mettre en œuvre l’Accord portant
création d’une Zone de libre‑échange continentale
africaine pour que les résultats obtenus profitent
davantage aux acteurs informels, en particulier aux
femmes et aux jeunes, compte tenu notamment
du surcroît de difficultés que la pandémie leur fait
subir.
L’EMPLOI INFORMEL REND LES POPULATIONS AFRICAINES
VULNÉRABLES AUX CRISES ÉCONOMIQUES
ET AUX CHOCS EXTÉRIEURS
86 % 30 et 40 %
du commerce à l’intérieur de la Communauté
de l’emploi total de développement de l’Afrique australe et
est informel *
40 %
du commerce à l’intérieur du Marché
commun de l’Afrique orientale
et australe**
australe**
* Part de l’emploi informel dans l’emploi total (médiane, en pourcentage) pour les 36 pays africains, à partir des données les plus récentes
disponibles dans la base de données statistiques de l’Organisation internationale du Travail,
indicateur 8.3.1 des objectifs de développement durable, juillet 2021
** Afrika and Ajumbo, 2012 ; Moyo, 2018
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Figure 15
Afrique : taille de l’économie informelle
(En pourcentage du produit intérieur brut)
45
40
35
30
25
20
15
10
0
1990-1999 2000-2009 2010-2018
Moyenne africaine Moyenne mondiale
53
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Le présent chapitre passe en revue les définitions et les notions qui sont nécessaires
à la compréhension du commerce transfrontalier informel et à la mesure de son
ampleur, et montre comment la disponibilité de données sur le commerce informel, en
particulier de données ventilées par sexe, permettrait d’affiner les travaux de recherche
et de mieux cibler les mesures élaborées à l’intention des femmes et les politiques de
réduction de la pauvreté et de croissance inclusive. L’accent est mis sur le rôle que la
technologie peut jouer dans la création de données complémentaires sur le commerce
transfrontalier informel et sur l’intérêt de la collecte de données de téléphonie mobile,
à travers l’exemple de la plateforme d’information sur le commerce et les marchés de
Sauti East Africa.
Le présent chapitre fait aussi le point sur les difficultés rencontrées par les entrepreneuses
du secteur informel et sur les obstacles qui empêchent les femmes, à raison de leur sexe,
de mener des activités entrepreneuriales et de réussir en tant que chef d’entreprise.
L’étude du cas du Rwanda, pays pour lequel il existe des données ventilées par sexe
sur les entreprises informelles, met en évidence des différences dans l’accès au capital
et les résultats de ces entreprises selon le sexe de leurs dirigeants − différences qui sont
au détriment des femmes. Elle montre aussi que les entreprises dirigées par des jeunes
ont généralement un fonds de roulement moins important et un chiffre d’affaires annuel
moins élevé.
54
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
55
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Voir
1
https://globalinitiative.net/analysis/formalization-of-informal-trade-in-africa-trends-experiences-and-
socio-economic-impacts/.
56
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
font face à la concurrence de nombreuses entreprises de même nature sur les marchés
locaux peuvent chercher à se diversifier en étendant leur champ d’activité aux marchés
étrangers. Pour bon nombre d’entre eux, le commerce transfrontalier peut se révéler
plus avantageux que l’achat ou la vente de produits sur les marchés locaux (Lesser and
Moisé-Leeman, 2009 ; UNCTAD, 2019a ; UNCTAD, 2019b).
Pour que les acteurs du commerce transfrontalier informel tirent parti de la Zone de
libre-échange continentale africaine, il sera important d’aller au-delà d’une politique
strictement commerciale et de s’attacher à régulariser ces entrepreneurs, entreprises
et négociants en situation de vulnérabilité et à mettre à niveau leurs activités. En outre,
il serait bon que des efforts soient faits à l’échelle du continent en vue d’établir une
définition uniformisée du commerce transfrontalier informel et d’élaborer un dispositif
commun de collecte de données pour mieux comprendre les acteurs et les facteurs en
présence et renforcer les politiques de soutien aux groupes vulnérables.
57
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Des données peuvent aussi être obtenues à partir des exercices statistiques auxquels
les banques centrales et les autorités statistiques nationales procèdent pour compléter
les données commerciales officielles en vue de l’établissement des comptes nationaux
et des statistiques de la balance des paiements (tableau 8). L’Afrique de l’Est est une
sous-région en avance dans la collecte systématique de données sur le commerce
transfrontalier informel. Les autorités rwandaises et ougandaises surveillent le commerce
informel à leurs frontières, respectivement depuis 2009 et 20052.
2
Les deux pays n’ont pas les mêmes méthodes de collecte de données. Au Rwanda, les recenseurs
conduisent de brefs entretiens avec les commerçants et consignent leurs constatations sur des tablettes. En
Ouganda, les collecteurs de données ont recours à l’observation sans intrusion et consignent les informations
obtenues sur papier. Le Rwanda collecte des données sur le petit commerce transfrontalier de jour en jour ;
en Ouganda, les recenseurs sont affectés aux postes frontière tous les mois pendant deux semaines et leurs
résultats sont ensuite extrapolés.
3
Voir https://d3rp5jatom3eyn.cloudfront.net/cms/assets/documents/Informal_Cross_Border_Trade_Survey_
(ICBTS)_2019.pdf.
58
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Tableau 8
Quelques exercices d’évaluation du commerce transfrontalier informel, par pays
Valeur du commerce
Organisme chargé informel
Pays limitrophes
de l’exercice
(En millions de dollars)
Banque nationale du Rwanda, Burundi ; Ouganda ; République démocratique Exportations 2019 : 110
Rwanda
Institut national de statistique du Congo ; République-Unie de Tanzanie Importations 2019 : 12
Source : Calculs de la CNUCED, d’après les données des sources nationales officielles et de la base de données
ComStat.
Note : S’ils sont rapportés dans la monnaie nationale, les montants sont convertis en dollars selon le taux de
change moyen annuel.
4
Voir https://www.imf.org/en/Data/Statistics/informal-economy-data/Reports/nigeria-informal-trade-with-
neighboring-countries.
59
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
60
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
61
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Encadré 3
Des moyens innovants de comprendre et d’évaluer le commerce transfrontalier
informel, avec l’aide de la technologie
L’innovation technologique, conjuguée à une plus large utilisation d’outils électroniques, y compris
dans certaines des communautés les plus pauvres et vivant dans les zones les plus reculées, a
contribué à la production de grandes quantités de données, en temps réel et à faible coût, grâce aux
appareils équipés de systèmes de géolocalisation, aux téléphones mobiles, aux outils et plateformes
en ligne, aux services de paiement et aux compteurs et capteurs numériques, dont les images
satellitesa.
Intelligence artificielle
Les technologies de l’intelligence artificielle se déploient rapidement à l’échelle de la planète et
sont employées dans des applications aux finalités diverses, allant de la reconnaissance vocale au
contrôle du trafic routier. La Dotation Carnegie pour la paix internationale a montré que sur 176 pays
considérés, au moins 75 recourent activement aux technologies de l’intelligence artificielle à des fins
de surveillance, par la voie des systèmes de reconnaissance faciale, des outils intelligents de maintien
de l’ordre et la mise en place de plateformes pour des villes sûres. Les principaux fournisseurs
mondiaux de systèmes d’intelligence artificielle sont des entreprises situées en Chine. La plupart
des pays africains n’ont toujours pas adopté les technologies de l’intelligence artificielle. Moins d’un
quart des pays du continent ont investi dans ces technologies, mais la situation pourrait s’améliorer
grâce à l’initiative « Une Ceinture et une Route ». Les systèmes d’intelligence artificielle, notamment
les logiciels de systèmes de vidéosurveillance, peuvent être utilisés aux postes frontière pour repérer
62
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
63
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
images satellites ont été utilisées pour établir la taille du marché, y compris le volume du commerce
dans les marchés urbains, le nombre total d’étals couverts et non couverts, les déplacements le long
des couloirs commerciaux, par exemple le nombre total de voitures et de camions présents, et la
situation en matière de sécurité au regard de l’éclairage public et de la télédétection.
Sources : African Development Bank, 2012a ; Global System for Mobile Communications Association, 2020 ;
World Bank, 2020d.
a
Voir https://gmdac.iom.int/data-bulletin-5-big-data-and-migration.
b
Le programme de facilitation du commerce en Afrique de l’Ouest est géré par la Banque mondiale, l’Agence
allemande pour la coopération au développement et les partenaires d’exécution, sous la direction stratégique de la
Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine.
64
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
frontière à l’autre. Les résultats présentés ici ont été obtenus à partir de données issues
d’une nouvelle base de données, la plateforme d’information sur le commerce et les
marchés de Sauti East Africa (encadré 4). L’analyse des données de la plateforme
s’inscrit dans le prolongement des précédents travaux de définition des caractéristiques
démographiques des commerçants transfrontaliers. Elle consiste à déterminer les
besoins d’informations de ces personnes (en examinant les recherches des utilisateurs
de la plateforme sur les prix des produits de base agricoles et les procédures douanières,
par exemple), ainsi que leurs principales destinations, ces renseignements pouvant
éclairer l’élaboration des politiques.
Encadré 4
Collecter des données grâce aux téléphones portables : la plateforme d’information
sur le commerce et les marchés de Sauti East Africa
Lancée en 2017 en Afrique de l’Est, la plateforme d’information sur le commerce et les marchés
vise à donner aux commerçants transfrontaliers informels, en particulier aux femmes, les moyens
de faire du commerce de manière sûre, légale et rentable en réduisant l’asymétrie de l’information.
Fondée sur la technologie des données de service supplémentaires non structurées, elle permet aux
utilisateurs d’accéder en temps réel, depuis leur téléphone portable, à des informations précises
sur les marchés et le commerce, notamment sur les prix des produits de base, les procédures
douanières et les taux de change internationaux.
La CNUCED analyse ci-après deux jeux de données obtenus via la plateforme. Les données du premier
jeu concernent les profils des utilisateurs et ont été recueillies par Sauti dans le cadre d’enquêtes
démographiques. Celles du second jeu sont des données comportementales, que Sauti a collectées à
partir des recherches effectuées sur la plateforme. La figure 4.I montre les trois marchés étrangers dont
les prix ont fait l’objet du plus grand nombre de recherches par les utilisateurs de la plateforme. Si l’on part
du principe que les utilisateurs recherchent les prix en vigueur sur les marchés étrangers et dans les pays
de destination où ils font ou souhaitent faire du commerce, les données fournissent des indications sur
les couloirs commerciaux les plus utilisés par les commerçants transfrontaliersa. Pour les commerçants
kényans, elles indiquent que Busia (Ouganda), Kampala (Ouganda) et Arusha (République-Unie de
Tanzanie) sont, dans cet ordre, les trois marchés d’achat et de vente étrangers les plus importants, tandis
que, pour les commerçants ougandais, Busia (Kenya), Kisumu (Kenya) et Eldoret (Kenya) sont les trois
marchés étrangers les plus recherchés. Quant aux commerçants rwandais, la plupart ont recherché des
informations sur les prix des marchés de Kabale (Ouganda), de Kampala (Ouganda) et de Bujumbura
(Burundi). Ces résultats concordent avec ceux qu’a obtenus Ogalo (Ogalo, 2010)b.
65
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 4.I
Fréquence des recherches de prix par marché étranger de destination
Rwanda
Kabale (Ouganda-Rwanda)
Kampala (Ouganda)
Bujumbura (Burundi)
Source : Calculs de la CNUCED, d’après des informations issues de la base de données Sauti Trade Insights.
Note : Des données sont disponibles depuis le 1er juin 2017 pour le Kenya et l’Ouganda, et depuis le 1er septembre
2018 pour le Rwanda. Les données ont été analysées jusqu’au 22 mars 2020, date à laquelle le Burundi, le
Kenya, l’Ouganda, la République démocratique du Congo et le Rwanda ont fermé leurs frontières. Le Kenya a
fermé ses frontières avec la République-Unie de Tanzanie le 16 mai 2020. Limites et exceptions : Les utilisateurs
de la plateforme peuvent obtenir des informations en temps réel sur les prix par produit et par marché. Par
conséquent, les produits et marchés dont les informations sur les prix sont peu accessibles seront représentés
de façon imprécise dans les données. Taille de l’échantillon : 10 063 utilisateurs kényans, 4 993 utilisateurs
rwandais et 2 886 utilisateurs ougandais.
Plusieurs constats se dégagent. Les données révèlent qu’un nombre particulièrement élevé de
recherches portent sur les prix des marchés de villes frontalières, telles que Busia et Kabale, comme
l’avaient déjà mis en évidence de précédentes études (African Development Bank, 2012a, et Brenton
and Işık, 2012, par exemple). Il semblerait donc que les commerçants des régions frontalières
représentent une large part du commerce transfrontalier, les possibilités de transport sur de longues
distances étant limitées. Les centres urbains comme Arusha, Bujumbura et Kampala constituent
également une proportion importante des recherches, ce qui donne à penser que certains utilisateurs
de la plateforme sont des entrepreneurs et détaillants urbains auxquels les informations sur les prix
sont utiles.
Faute de données sur les commerçants rwandais, l’analyse comparative des caractéristiques
démographiques des commerçants porte uniquement sur le Kenya et l’Ouganda (fig. 4.II)c. Bien que
la plateforme soit principalement destinée aux femmes, l’objectif étant d’aider les commerçantes
transfrontalières à négocier de meilleurs prix et à trouver de nouveaux marchés et produits, l’analyse
révèle une répartition presque égale entre femmes et hommes parmi les commerçants transfrontaliers.
Ces résultats doivent toutefois être interprétés avec prudence, car il existe en Afrique une nette
fracture numérique entre femmes et hommes, qui est due notamment à de grandes disparités dans
les taux de possession d’un téléphone portable et dans l’acquisition des compétences nécessaires
pour exploiter les technologies numériques, et cette fracture est particulièrement marquée dans les
66
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
zones rurales, où le commerce transfrontalier informel est particulièrement répandud. Les données
relatives aux passages de frontières indiquent que la plupart des femmes kényanes et ougandaises
traversent la frontière à une fréquence soit hebdomadaire soit mensuelle pour faire du commerce,
tandis que, chez les hommes, les variations de fréquence sont moins importantes. Il ressort aussi
de l’analyse que le commerce transfrontalier est la principale source de revenus de la plupart des
commerçants kényans et ougandais, voire la seule, et que ceux-ci vendent le plus souvent des
produits cultivés ou fabriqués par eux-mêmes ou par des membres de leur famille.
En ce qui concerne la répartition des commerçants transfrontaliers selon l’âge, la figure 4.II a)
montre que la plupart des hommes sont jeunes (20 à 30 ans), le manque d’emplois formels les
contraignant à se tourner vers le secteur informel. Quant aux femmes, le groupe d’âge qui compte
le plus de commerçantes transfrontalières est celui des 30-40 ans. Dans l’ensemble, les femmes
sont proportionnellement plus nombreuses que les hommes parmi les commerçants plus âgés.
Plusieurs raisons peuvent expliquer ce constat. Premièrement, les femmes âgées de 30 à 40 ans
ont généralement des enfants dont elles doivent subvenir aux besoins (hébergement, alimentation
et frais scolaires), et la flexibilité qu’offre le commerce transfrontalier informel leur permet de
Figure 4.II
Profil des utilisateurs kényans et ougandais
(En pourcentage)
a) Répartition des commerçants transfrontaliers en fonction de l’âge b) Niveau d’instruction par sexe
50
43
40
34
Hommes 14 21 33 32
33
30 28
20 18
13
10 Femmes 13 36 32 19
10 7 8
6
0
Femmes Hommes 0 20 40 60 80 100
Moins de 20 ans 20 à 30 ans 30 à 40 ans Pas d’éducation scolaire Enseignement primaire
40 à 50 ans Plus de 50 ans Enseignement secondaire Enseignement supérieur
Source : Calculs de la CNUCED, d’après des informations issues de la base de données Sauti Trade Insights.
Note : Taille de l’échantillon pour la figure 4.II a) : 683 utilisateurs kényans et 83 utilisateurs ougandais. Taille de
l’échantillon pour la figure 4.II b) : 686 utilisateurs kényans et 78 utilisateurs ougandais. L’âge est celui qu’ont
communiqué les utilisateurs de la plateforme, qui avaient le choix entre les six options suivantes : 10 à 20 ans,
20 à 30 ans, 30 à 40 ans, 40 à 50 ans, 50 à 60 ans et 60 à 70 ans. Le niveau d’instruction est également celui
qu’ont communiqué les utilisateurs de la plateforme, qui avaient le choix entre les quatre options suivantes : pas
d’éducation scolaire, enseignement primaire, enseignement secondaire et enseignement supérieur.
67
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
68
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Figure 4.III
Fréquence des recherches de prix
(En pourcentage)
a) Catégories de produits de base (Kenya et Ouganda)
1,4
1,7
4,2
Kenya 4,4
6,4
33,9
47,5
1,2
3,9
3,3
Ouganda 4,3
4,3
26,3
56,1
5,1
2,0
1,0
Femmes 4,6
7,5
33,0
46,6
Source : Calculs de la CNUCED, d’après des informations issues de la base de données Sauti Trade Insights.
Note : Taille de l’échantillon pour la figure 4.III a) : 4 764 utilisateurs kenyans et 744 utilisateurs ougandais. Taille de
l’échantillon pour la figure 4.III b) : 3 531 utilisateurs kenyans. Limites et exceptions : Les utilisateurs de la plateforme
peuvent obtenir des informations en temps réel sur les prix par produit et par marché. Par conséquent, les produits
et marchés dont les informations sur les prix sont peu accessibles seront représentés de façon imprécise dans les
données. Dans la figure 4.III b), les résultats pour l’Ouganda ne sont pas présentés faute de données suffisantes.
Les recherches d’informations sur les procédures douanières peuvent servir d’indicateur des biens
que les commerçants jeunes et peu expérimentés échangent ou souhaitent échanger, cette fonction
de la plateforme étant le plus souvent utilisée par les jeunes commerçants transfrontaliers, qui ne
connaissent pas bien les procédures douanières. Ces recherches offrent un éclairage unique sur les
comportements des commerçants, car les catégories de produits sur lesquelles elles peuvent porter
sont plus nombreuses que dans le cas des recherches sur les prix, qui sont limitées aux produits
agricoles. Les résultats des recherches par catégorie de produits montrent que les céréales et les
biens de faible qualité, tels que les vêtements et les chaussures, représentent une part importante
69
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
des recherches d’informations sur les procédures douanières chez les commerçants tant kényans
qu’ougandais. Parmi les commerçants kényans, les hommes se renseignent plus fréquemment que
les femmes sur les procédures douanières applicables à des produits de grande valeur, comme le
bétail et les produits pastoraux, la volaille ou encore les abeilles et les produits apicoles. Quant aux
recherches d’informations sur les procédures applicables aux fruits, elles sont davantage effectuées
par des femmes que par des hommes, ce qui cadre avec les données présentées dans la figure 4 III b).
De tels constats soulignent à quel point il importe que les pays connaissent les produits de base
les plus échangés, en particulier les principaux produits agricoles, pour ensuite pouvoir s’employer
activement, dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine, à améliorer l’accès aux
marchés sur lesquels ces produits sont vendus. Le soutien des autorités publiques sera essentiel
pour accroître la compétitivité des petits producteurs et des commerçants transfrontaliers et les aider
à produire des biens à plus forte valeur ajoutée, qui leur permettront de participer aux chaînes de
valeur régionales et mondiales ou de vendre leurs produits en plus grandes quantités, par exemple
en approvisionnant des chaînes de supermarchés.
Sans données précises sur le commerce transfrontalier informel, il est impossible de dresser un tableau
complet du commerce intra-africain. La collecte systématique de telles données peut éclairer l’élaboration
de politiques ciblées, grâce auxquelles le potentiel du secteur pourra être pleinement exploité dans le
cadre de la Zone de libre-échange. Comme l’illustre la plateforme d’information sur le commerce et les
marchés de Sauti East Africa, les initiatives novatrices de collecte de données au moyen de technologies
de l’information et de la communication peuvent contribuer grandement à compléter et à enrichir les
travaux d’analyse, en plus d’être moins coûteuses que les méthodes de collecte traditionnelles. Les États
d’Afrique et leurs partenaires de développement devraient donc les appuyer.
Sources : African Development Bank, 2012a ; Brenton and Işık, 2012 ; Golub, 2015 ; Hadley and Rowlatt, 2019 ;
Ogalo, 2010 ; UNCTAD, 2019b.
a
Voir https://www.researchgate.net/publication/347473284_Innovating_Past_Data_Collection_Obstacles_for_
East_Africa%27s_Women_Cross-_Border_Traders_Evidence_from_Sauti_East_Africa.
b
Voir https://www.wcoesarocb.org/wp-content/uploads/2018/07/Informal-Cross-Border-Trade-in-EAC-
Implications-for-Regional-Intergration-Development.pdf.
c
Après avoir été déployée à titre expérimental à la frontière entre le Kenya et l’Ouganda en 2017, la plateforme
est devenue opérationnelle au Rwanda fin 2018, et Sauti East Africa n’a commencé à recueillir des données sur
les caractéristiques démographiques des utilisateurs qu’à la fin de l’année 2019.
d
Les trois critères qui servent à mesurer la fracture numérique entre hommes et femmes sont les suivants :
l’accès aux technologies numériques et à Internet et leur utilisation ; l’acquisition des compétences nécessaires
pour utiliser les technologies numériques et participer à leur conception et à leur production ; l’accès des femmes
à des postes de direction et de décision visibles dans le secteur numérique (voir https://www.gsma.com/
mobilefordevelopment/wp-content/uploads/2019/02/Digital-Equity-Policy-Brief-W20-Japan.pdf).
e
Voir https://fews.net/sites/default/files/documents/reports/East_Africa_2021_01_PB_FR.pdf.
f
Voir https://www.un.org/africarenewal/magazine/august-2014/raw-deal-african-women-traders.
70
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Selon la région et le poste frontière, les résultats des enquêtes de terrain et des études
peuvent être mitigés quant aux différences entre les sexes. Ainsi, une étude a dressé un
tableau plus complexe du commerce transfrontalier informel, la proportion de femmes
variant d’un pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe à l’autre
et d’un poste frontière à l’autre. Il s’est avéré que la plupart des commerçants étaient
des femmes et que celles-ci étaient majoritaires à près de la moitié des postes frontière
sur lesquels l’étude portait. Les hommes étaient toutefois plus nombreux à traverser
les frontières avec le Lesotho (52 %), le Malawi (68 %), la Namibie (65 %) et la Zambie
(78 %). Les résultats ont aussi mis en évidence le fait qu’une part considérable des
commerçants étaient des entrepreneurs de subsistance (Peberdy et al., 2015).
Il est ressorti d’une enquête de terrain récemment menée dans le cadre du Programme
pour la facilitation des échanges en Afrique de l’Ouest que les commerçants étaient
majoritairement des hommes (60 %) et que l’écart entre femmes et hommes était
particulièrement marqué dans le couloir Lagos-Kano-Niamey, où les femmes étaient
fortement sous-représentées pour des raisons culturelles et à cause des risques de
sécurité5.
Des études montrent que les commerçants transfrontaliers informels échangent presque
tous les types de biens, qu’il s’agisse d’aliments (produits alimentaires de base, aliments
5
Voir https://pubdocs.worldbank.org/en/426931590681026830/West-Africa.pdf.
71
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
transformés, bétail, poisson et produits dérivés, qui ont une incidence directe sur la
sécurité alimentaire dans la région) ou d’articles manufacturés de faible qualité (textiles,
vêtements et produits cosmétiques), et fournissent également des services (coiffure et
microfinancement, par exemple) (African Export-Import Bank, 2020 ; Trade Facilitation
West Africa, 2020 ; UNCTAD, 2019b).
Les difficultés liées au passage des frontières sont notamment l’absence de mesures
de facilitation du commerce, en raison de laquelle l’organisation logistique et l’obtention
des attestations et autres documents requis sont chronophages et coûteuses, mais
aussi le harcèlement par les douaniers, l’insécurité, l’application hétérogène des règles
en vigueur (recherche de rentes, saisie de biens, pratique des pots-de-vin, corruption,
etc.), la mauvaise qualité des infrastructures, ainsi que les problèmes d’accès aux
documents de voyage et aux licences de négoce (African Export-Import Bank, 2020 ;
UNCTAD, 2019b). Les femmes souffrent particulièrement de ces difficultés (FAO, 2017 ;
Jawando et al., 2012 ; UNCTAD, 2019b). Elles sont par exemple plus exposées que les
hommes au harcèlement physique et verbal, ainsi qu’à la violence, elle aussi physique
et verbale, et doivent attendre plus longtemps avant que leurs marchandises soient
dédouanées, les contrôles prolongés les contraignant à passer de longues heures, voire
plusieurs jours loin de chez elles (UNCTAD, 2019b).
Les difficultés liées à l’offre sont celles qui entravent la capacité des commerçants à
développer leurs activités et à échanger des biens à plus forte valeur ajoutée. L’absence
d’accès à des solutions de financement abordables (crédit, etc.) est l’un des principaux
obstacles auxquels se heurtent les commerçants, à commencer par les femmes (Afrika
and Ajumbo, 2012 ; UNCTAD, 2019b). Faute de capitaux suffisants pour mener leurs
activités, les commerçants transfrontaliers informels doivent souvent puiser dans leurs
maigres économies ou emprunter de l’argent à des taux élevés auprès de prêteurs
informels, comme les usuriers au Kenya ou les mashonisas en Afrique du Sud (African
72
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
73
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
les hommes du continent ont une probabilité similaire d’être à leur compte, les femmes
travaillent plus souvent en tant que travailleurs familiaux collaborant à l’entreprise
familiale, généralement dans le secteur agricole ou en tant qu’entrepreneuses du
secteur informel agissant selon une logique de survie (International Labour Organization,
2020 ; UNCTAD, 2018 c).
L’Afrique a le taux d’entrepreneuriat6 le plus élevé au monde, soit 22 %, et les Africaines
créent proportionnellement davantage d’entreprises que les femmes d’autres continents.
Les femmes sont beaucoup plus susceptibles de travailler dans les services non
échangeables que les hommes ; ainsi, 63 % des entrepreneuses travaillent dans le
commerce de détail, l’hôtellerie et la restauration, contre 46 % des entrepreneurs. En
Afrique, les créateurs d’entreprise sont également plus jeunes – l’âge médian est de
31 ans – que dans les autres régions en développement (African Development Bank et
al., 2017). L’esprit d’entreprise s’est avéré une source importante de création d’emplois.
Cependant, peu d’entreprises africaines sont réellement innovantes et compétitives, et les
entrepreneuses et les jeunes entrepreneurs se heurtent toujours à des difficultés, surtout
dans le secteur informel, étant donné que les unes et les autres ne sont pas en mesure de
développer leur entreprise au-delà des activités de subsistance et en dehors des secteurs
à faible productivité et peu lucratifs (African Development Bank et al., 2017). Des études
faisant appel à un éventail de techniques d’enquête et des études d’évaluation confirment
cette observation (Brixiová and Kangoye, 2019 ; World Bank, 2019).
6
Il n’existe pas de consensus sur les définitions des termes « entrepreneuriat » et « entrepreneur ». Un entrepreneur
peut avoir des employés rémunérés ou travailler seul à son compte en tant que travailleur indépendant (African
Development Bank et al., 2017). Le terme « entrepreneur informel » désigne les employeurs et les travailleurs
pour compte propre du secteur informel (International Labour Organization, 2018).
74
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Il existe des obstacles à l’égalité des sexes dans les entreprises, notamment en ce qui
concerne l’égalité des chances en tant que productrices et entrepreneuses, et cette
situation est aggravée par la concentration des entrepreneuses dans le secteur informel.
Par exemple, la baisse (en termes de revenu) du rendement de l’éducation associée au
secteur informel est plus élevée chez les femmes que chez les hommes (World Bank
and OECD, 2017).
Les différences entre les sexes en matière de résultats – les microentreprises et les
petites et moyennes entreprises dirigées par des femmes font moins de bénéfices
et sont moins compétitives – peuvent s’expliquer par les choix différents que font
les femmes et les hommes, qui découlent souvent de contraintes particulières liées
au sexe. Il peut s’agir de facteurs contextuels tels que la discrimination juridique,
les normes sociales et la violence fondée sur le genre, d’inégalités entre hommes et
femmes en matière de ressources, par exemple dans les domaines de l’éducation et
des compétences, du financement de démarrage et de l’accès aux ressources et aux
réseaux, ainsi que de l’éventail restreint de choix économiques que les femmes peuvent
faire en raison de leurs responsabilités familiales. Les obstacles que les femmes doivent
surmonter les désavantagent et entravent le développement de leurs entreprises et leur
participation aux activités d’aval des chaînes de valeur, telles que la commercialisation,
la transformation et la distribution. Par conséquent, les entreprises dirigées par des
femmes concentrent généralement leurs activités sur les marchés nationaux, et seules
quelques-unes travaillent à l’exportation (United Nations Entity for Gender Equality and
the Empowerment of Women (UN-Women), 2019).
Voir
7
https://govdata360.worldbank.org/indicators/hc58163b0?country=BRA&indicator=40961&viz=line_
chart&years=2010,2020.
75
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
10,4 11,0
Un faible niveau d’instruction constitue un
obstacle à la participation des FEMMES
à l’activité économique
NOMBRE PRÉVU D’ANNÉES
DE SCOLARITÉ
L’entrepreneuriat des femmes est également entravé par les dispositions du droit
législatif et du droit coutumier et les systèmes patriarcaux qui creusent les inégalités
entre les femmes et les hommes en matière d’accès aux ressources productives et
financières. L’égalité des chances économiques n’est pas possible lorsque la législation
d’un pays entrave la capacité des femmes à gérer une entreprise (encadré 5). De même,
il est important que les femmes disposent de solides droits de propriété immobilière
– y compris la terre – et mobilière, car ils jouent un rôle important dans les décisions
d’investissement, l’allocation des ressources et le développement économique (Acemoglu
and Zilibotti, 2001 ; O’Sullivan, 2017). De nombreux pays d’Afrique ont commencé à
lever les obstacles juridiques formels qui empêchaient les entrepreneuses de gérer une
entreprise. Par exemple, le Mali a supprimé en 2012 les restrictions qui empêchaient les
femmes mariées d’immatriculer une entreprise ; la République démocratique du Congo
a éliminé en 2016 les dispositions qui interdisaient aux femmes mariées notamment de
signer des contrats, d’immatriculer des sociétés ou d’ouvrir des comptes bancaires.
Cependant, malgré les progrès enregistrés, de nombreux pays peinent à adapter leur
législation. Même lorsque le droit législatif vise à promouvoir l’égalité des sexes, les
entrepreneuses peuvent se heurter à des obstacles découlant du droit coutumier, qui a
souvent la primauté dans les contextes de pluralisme juridique (Nwakanma, 2020).
76
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Figure 16
Nombre prévu d’années de scolarité dans certains pays d’Afrique, 2019
Algérie
Angola
Bénin
Botswana
Burkina Faso
Burundi
Cabo Verde
Cameroun
Répubique centrafricaine
Tchad
Comores
Congo
Côte d’Ivoire
République démocratique du Congo
Djibouti
Égypte
Érythrée
Eswatini
Éthiopie
Gabon
Gambie
Ghana
Guinée
Kenya
Lesotho
Libéria
Libye
Madagascar
Malawi
Mali
Mauritanie
Maurice
Maroc
Mozambique
Namibie
Niger
Nigéria
Rwanda
Sao Tomé-et-Principe
Sénégal
Seychelles
Sierra Leone
Afrique du Sud
Soudan du Sud
Soudan
République-Unie de Tanzanie
Togo
Tunisie
Ouganda
Zambie
Zimbabwe
3 5 7 9 11 13 15 17
Femmes Afrique (femmes) Moyenne de l'Organisation de coopération et de développement économiques
Hommes Afrique (hommes) Moyenne des pays les moins avancés Moyenne mondiale
Source : CNUCED, d’après les données du Centre des données sur le développement humain du Programme
des Nations Unies pour le développement.
77
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Encadré 5
Au Rwanda, les inégalités entre les sexes se traduisent par des désavantages
pour les entreprises du secteur informel appartenant à des femmes
Il est essentiel que les entrepreneuses du secteur informel puissent prendre leur avenir en main
afin de s’ouvrir à de nouvelles possibilités et de développer leurs sources de revenus. Cependant,
il existe encore des différences notables entre les sexes en termes d’accès aux ressources et aux
possibilités socioéconomiques sur le continent, qui découlent en grande partie de lois, de coutumes
et de pratiques discriminatoires. Ces contraintes peuvent avoir des effets négatifs aussi bien sur la
motivation des femmes à s’engager dans l’entrepreneuriat que sur leurs chances de réussite.
Le Rwanda est devenu un modèle en Afrique en raison de son engagement en faveur de l’égalité
des sexes et de l’autonomisation des femmes dans le cadre de la reconstruction après un conflit,
ainsi que des progrès qu’il a réalisés dans ce domaine. Cependant, malgré toute sa volonté politique,
il reste encore du travail à faire, en particulier en ce qui concerne l’accès des femmes aux actifs
économiques et aux ressources financièresa.
Les difficultés d’accès au financement sont généralement considérées comme le principal obstacle
à la croissance des entreprises appartenant à des femmes. L’étude de cas ci-après sur le Rwanda
présente les façons dont les disparités entre les sexes se traduisent par des désavantages pour les
entreprises appartenant à des femmes, en termes d’accès au financement (le capital investi servant
d’indicateurb) et de résultats commerciaux (le chiffre d’affaires annuel servant d’indicateur).
L’analyse s’appuie sur les données du recensement des entreprises au Rwanda réalisé en 2017, qui
a porté sur un échantillon représentatif au niveau national des entreprises formelles et informelles
de tous les secteurs, à l’exception de l’agriculture, et à l’occasion duquel ont été recueillies des
informations relatives notamment à la taille (micro, petite, moyenne ou grande) des entreprises, à leur
emplacement, à leur secteur d’activité et à leurs propriétairesc. Les données de ce genre, qui ne sont
généralement pas disponibles dans les pays d’Afrique, ont permis pour la première fois de mettre en
lumière les entreprises du secteur informel, ainsi que les entreprises exportatrices et importatrices.
L’échantillon se compose de 166 988 entreprises informelles – après élimination des sièges –, soit
plus de 90 % des entreprises couvertes par le recensement, dont 53 % opèrent dans le commerce
de gros et de détail, 30 % dans l’hébergement et la restauration, 8 % dans l’industrie manufacturière
et 9 % dans d’autres activités.
Une des limites des données de recensement est l’absence de données continues concernant le
chiffre d’affaires annuel et le capital investi, et les variables catégorielles correspondantes présentent
des variations significatives. Les intervalles de la variable « capital investi » sont les suivants :
moins de 500 000 francs rwandais (environ 500 dollars) ; de 500 000 à 15 millions de francs
78
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Résultat de l’estimation fondée sur le modèle de régression logarithmique pour les entreprises
informelles au Rwanda
Chiffre d’affaires
Capital investi
Variable dépendante annuel
Rapport des cotes
Modèles A B
Constante 0,211*** 0,628***
Sexe du chef d’entreprise Féminin (base = masculin) 0,578*** 0,621***
Groupe d’âge du chef d’entreprise Plus de 35 ans (base = 35 ans ou moins) 1,381*** 1,057***
Commerce de biens et/ou de services Oui (base = non) 4,709*** 2,029***
Tenue d’une comptabilité Oui (base = non) 1,933*** 1,106
Secteur d’activité Hôtellerie 0,561*** 1,003
Activité manufacturière 1,808*** 1,52***
Commerce de gros ou de détail 1,776*** 1,874***
Taille de l’entreprise Petite, moyenne ou grande (base = micro) 6,243*** 4,911**
Emplacement Rural (base = urbain) 0,559*** 1,644***
Nombre d’années d’activité 1,043*** 1,025***
Nombre 163 747 95 676
Wald chi2 (df) 11 308,19(10) 4 661(10)
Prob > chi2 0 0
Pseudo R2 0,087 0,041
Source : Calculs de la CNUCED.
Note : La constante estime les cotes de référence. La comptabilité peut prendre la forme de grands livres, de
journaux, de bilan, de comptes de résultats ou de factures.
* Seuil de signification de 10 %.
** Seuil de signification de 5 %.
*** Seuil de signification de 1 %.
79
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Les résultats de la régression montrent que les modèles A et B sont dans l’ensemble nettement plus
adaptés qu’un modèle sans prédicteurs. L’effet global de l’activité économique selon le premier niveau
de la Classification internationale type, par industrie, de toutes les branches d’activité économique
est significatif, bien que le coefficient calculé pour l’hébergement et la restauration ne soit pas
significatif dans le modèle B. La probabilité que le capital investi soit supérieur à 500 000 francs
rwandais et que le chiffre d’affaires annuel dépasse 300 000 francs rwandais diminue d’environ
40 % (soit (0,6-1)x100) pour les entreprises détenues par des femmes. La probabilité que le capital
investi (et le chiffre d’affaires annuel) dépasse 500 000 francs rwandais (chiffre d’affaires annuel de
300 000 francs rwandais) est respectivement 1,4 (1,1) et 4 (2) fois plus élevée pour les entreprises
dont les propriétaires ont plus de 35 ans (c’est-à-dire qu’ils sont plus expérimentés) et qui exportent
ou importent des biens ou des services.
• Statistiquement, les entreprises informelles exportatrices ou importatrices ont besoin d’un fonds
de roulement plus important (il convient donc d’améliorer l’accès au financement) et réalisent un
chiffre d’affaires plus élevé que les entreprises informelles du secteur non marchand ;
• Il existe des différences liées au sexe en termes d’accès au capital et de résultats (en termes de
chiffre d’affaires annuel). La probabilité d’investir davantage de capital et de réaliser un chiffre
d’affaires annuel supérieur au seuil de respectivement 500 000 et 300 000 francs rwandais
diminue pour les entreprises appartenant à des femmes ;
• Statistiquement, les entreprises dirigées par des jeunes emploient moins de capital et réalisent
un chiffre d’affaires plus faible.
80
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Pour lutter contre le chômage des jeunes, il est essentiel de faciliter l’accès au capital
physique et humain pour permettre aux jeunes de se lancer dans les affaires et aux
entreprises de se développer et d’embaucher des jeunes. Cependant, en Afrique, les
jeunes, a fortiori les jeunes femmes, éprouvent des difficultés à accéder aux organismes
de financement et aux services financiers formels aux fins de la création d’une entreprise
(African Union, 2020).
Les réseaux jouent un rôle essentiel dans les décisions liées à la carrière et les
perspectives professionnelles. Cependant, dans la plupart des pays d’Afrique, les
jeunes ne disposent pas de réseaux adéquats, ce qui les exclut des possibilités
d’emploi. Les difficultés rencontrées par les jeunes femmes peuvent être encore plus
aiguës. En effet, elles ne bénéficient pas d’une bonne visibilité sur le marché du travail,
elles sont sujettes à davantage de discrimination, et, du fait de leur mobilité limitée,
elles ne peuvent pas s’inspirer de modèles ou s’appuyer sur des réseaux étoffés
(Chakravarty et al., 2017).
81
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Encadré 6
Renforcer les capacités des petites et moyennes entreprises du secteur informel
sur les marchés agroalimentaires : étude de cas portant sur les chaînes
de supermarchés sud-africaines
Au cours des vingt dernières années, les chaînes de supermarchés, en particulier celles d’Afrique
du Sud, ont étendu leurs activités dans la région de la Communauté de développement de l’Afrique
australe et, avec moins de succès, dans d’autres régions du continent. En 2015a, les principaux
détaillants – Shoprite, Pick n Pay, Spar et Woolworths – détenaient à eux quatre une part de marché
de 72 %. L’urbanisation accrue et l’apparition récente d’une classe moyenne peuvent expliquer le
poids croissant de la grande distribution dans le commerce de détail alimentaire au sein des pays de
la Communauté de développement de l’Afrique australe.
Perspectives
Les supermarchés peuvent contribuer à stimuler le secteur de la transformation alimentaire et
l’industrie manufacturière légère dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine.
Bien que les pays d’Afrique s’appuient, à des degrés divers, sur d’autres canaux de vente au détail tels
que les marchés traditionnels de produits frais et les petits détaillants du secteur informel, l’expansion
des chaînes de supermarchés et leurs méthodes et exigences en matière d’approvisionnement ont
des répercussions importantes sur la participation et la réussite des fournisseurs locaux, notamment
les commerçantes transfrontalières, les petites entrepreneuses et les productrices, ainsi que sur le
paysage concurrentiel en Afrique.
Du fait de la nature multinationale des chaînes de supermarchés, les petits fournisseurs locaux ont
accès à des marchés régionaux et internationaux, ce qui peut leur permettre d’atteindre la taille
requise pour pouvoir être compétitifs sur les marchés nationaux, régionaux et internationaux. Par
exemple, les entrepreneuses peuvent fournir aux chaînes de supermarchés des produits pour leurs
marques maison ou des marques de distributeurs, qui sont souvent moins chères que les produits
de marque ; elles peuvent ainsi s’ouvrir les portes des grands détaillants.
Difficultés à surmonter
Malgré ces perspectives, il y a également des difficultés à surmonter, qui résultent d’une dynamique
de pouvoirs inégale et entravent la participation et la croissance des nouveaux venus sur le marché
et des petits fournisseurs. Dans le cadre de leurs stratégies d’approvisionnement, les chaînes de
supermarchés réduisent le nombre de leurs fournisseurs et ne font appel qu’à des fournisseurs attitrés.
Elles ne s’approvisionnent généralement qu’indirectement auprès de petits exploitants agricoles, par
82
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
l’intermédiaire de grossistes et de transformateurs, mais ces petits exploitants doivent quand même
disposer d’un actif économique et d’équipements adéquats, d’un accès aux infrastructures et d’une
stratégie commerciale. En outre, les grands supermarchés imposent aux fournisseurs des normes de
qualité, par exemple pour l’emballage, et il est difficile pour les entreprises locales aux capacités limitées
de répondre à ces exigences et d’être compétitifs. Par conséquent, on trouve principalement dans la
base de fournisseurs les quelques grandes entreprises capables de satisfaire aux exigences. Pour y
parvenir, les fournisseurs doivent faire d’importantes dépenses d’investissement et renforcer leurs
capacités technologiques, managériales et financières. Pourtant, la mise à niveau et le renforcement
des capacités ne garantissent pas automatiquement l’accès aux lieux de vente. En raison des moyens
importants dont ils disposent en tant que dernier maillon de la chaîne de distribution, les supermarchés
ont davantage de pouvoir de négociation que les fournisseurs locaux et leur imposent des conditions
commerciales qui empêchent les petites entreprises d’avoir accès aux lieux de vente. Par exemple,
au Botswana et en Afrique du Sud, l’exercice d’un pouvoir de marché par les grandes chaînes de
supermarchés a été un sujet de préoccupation pour les autorités de la concurrence.
Rôle potentiel de la Zone de libre-échange continentale africaine
Dans l’agro-industrie, il existe un vaste secteur informel polyvalent et dynamique, qui est dominé
par les commerçantes transfrontalières, les petites entrepreneuses et les productrices. Malgré les
importants débouchés offerts par la Zone de libre-échange continentale africaine, la libéralisation du
commerce ne suffira pas à garantir aux fournisseurs existants et potentiels l’accès aux linéaires des
chaînes de supermarchés ; pour surmonter les difficultés décrites précédemment, une collaboration
active, une bonne coordination et des partenariats public-privé sur les marchés formels et informels
seront nécessaires.
Les fournisseurs locaux doivent s’adapter pour tirer parti des avantages de la Zone de libre-échange
continentale africaine. Ils doivent continuer d’investir dans le renforcement de leurs capacités afin de
pouvoir répondre aux exigences des détaillants, dans le but de devenir autosuffisants à un moment
donné. Dans l’idéal, le processus de renforcement des capacités des fournisseurs locaux devrait
associer à la fois des entités non gouvernementales, dans le cadre des programmes d’aide à la
modernisation des fournisseurs menés par les chaînes de supermarchés, et des entités publiques.
Il est également essentiel d’investir dans le développement des infrastructures, la construction de
centres de distribution et d’entrepôts et la chaîne du froid pour appuyer les initiatives de renforcement
des capacités des fournisseurs.
Les chaînes de supermarchés procèdent à des audits réguliers de leurs fournisseurs afin de
s’assurer qu’ils répondent à l’ensemble des exigences requises. L’investissement nécessaire pour
83
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
satisfaire à ces exigences et appliquer les recommandations résultant des audits représente un coût
qui est souvent hors de portée des entrepreneuses et productrices vulnérables, étant donné qu’il
leur est difficile d’accéder au financement. La solution consiste à créer des formules de financement
adaptées aux besoins uniques et évolutifs de ces fournisseurs, tout en s’attaquant aux obstacles à
l’entrée dans les chaînes de valeur.
Pour que les fournisseurs locaux puissent davantage bénéficier de la Zone de libre-échange
continentale africaine, il faut renforcer leur compétitivité grâce à des politiques industrielles et des
politiques de la concurrence appropriées et coordonnées au niveau régional dans le cadre de la
Zone de libre-échange – comme dans la phase II de sa mise en œuvre – et de l’initiative « Stimuler
le commerce intra-africain ». Par exemple, les effets des comportements anticoncurrentiels sur les
entreprises appartenant à des femmes pourraient être explicitement pris en compte dans le cadre
d’un protocole sur la politique de concurrence.
Il pourrait s’avérer utile, pour limiter le pouvoir des acheteurs et réduire l’asymétrie de l’information
entre fournisseurs et acheteurs, d’élaborer des codes de conduite ou une charte du commerce de
détail régissant les relations entre les fournisseurs et les multinationales acheteuses. On peut citer en
exemple la Charte du secteur de la vente au détail de la Namibie (2016), promulguée dans le cadre
des efforts visant à accroître l’achat de biens produits localement et à stimuler la fabrication locale et
la transformation à valeur ajoutée. Cette charte illustre bien l’importance de la volonté politique, car le
Gouvernement namibien a joué un rôle déterminant dans l’élaboration de cet instrument. Des chartes de
ce genre, par lesquelles les détaillants s’engageraient à traiter de façon équitable les fournisseurs locaux
et à contribuer à leur développement, pourraient être appliquées dans différentes régions d’Afrique.
Sources : Das Nair, 2018 ; Das Nair et Landani, 2021 ; Humphrey, 2017 ; Nkhonjera and Das Nair, 2018 ;
Reardon and Hopkins, 2006.
a
Voir https://www.compcom.co.za/wp-content/uploads/2019/12/Grocery-Retail-Market-Inquiry-Sumary-002.pdf.
84
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
éviter les contrôles douaniers, à ne pas produire la documentation sur les règles d’origine
et à se soustraire aux lourdes exigences et procédures nécessaires à l’immatriculation
officielle d’une entreprise. Les marges de profit sont habituellement serrées dans le
commerce transfrontalier informel, si bien que se conformer à des prescriptions
formelles qui accroissent les coûts commerciaux n’est pas une option viable pour la
plupart des acteurs informels.
Les mesures de facilitation du commerce peuvent être un moyen pour les petits
commerçants informels de développer leurs activités et de sortir du « piège du secteur
informel » pour être davantage inclus dans l’économie. Celles qui visent à mieux intégrer
les commerçants transfrontaliers informels dans le secteur formel, comme le régime
commercial simplifié − appliqué en particulier dans le Marché commun de l’Afrique
orientale et australe et dans la Communauté d’Afrique de l’Est − et le modèle d’entreprise
coopérative, sont examinées plus bas. Il est recommandé de mettre en place, au niveau
du continent, un régime commercial simplifié dont la Zone de libre-échange continentale
africaine peut tirer des enseignements concrets et sur lequel celle-ci peut s’appuyer
pendant sa mise en place.
8
La liste commune de marchandises pouvant bénéficier du régime commercial simplifié fait l’objet de
négociations bilatérales. Par exemple, il en existe une entre la Malawi et le Zimbabwe, entre la Zambie et le
Zimbabwe et une liste commune de produits sera harmonisée entre la République démocratique du Congo
et l’Ouganda.
9
Le certificat d’origine simplifié comprend une déclaration de l’exportateur, du producteur ou du fournisseur
attestant que les marchandises visées ont été produites en conformité avec les règles d’origine du Marché
commun.
85
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
En outre, la liste commune qui recense les biens pouvant bénéficier d’un traitement
simplifié est restreinte et n’est pas régulièrement mise à jour ; elle ne tient donc pas
compte de l’évolution des conditions de marché. Par exemple, le Malawi n’a pas
actualisé la liste des produits visés depuis 2010, contrairement à d’autres États
membres du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (UNCTAD, 2019b). En
outre, l’existence, le rôle et l’application des régimes commerciaux simplifiés ne sont
pas encore suffisamment connus. Souvent, les commerçants constatent qu’aucune
information n’est disponible sur les procédures de dédouanement et sur la liste des
produits visés et que les formulaires à remplir ne sont pas toujours faciles à comprendre,
parfois en raison de la barrière de la langue, et craignent de demander des explications
aux douaniers (UNCTAD, 2019b). Pour y remédier, des personnes chargées de
l’information commerciale ont été affectées à certains postes frontière pour donner des
renseignements et apporter une aide concernant les procédures de dédouanement et la
liste des marchandises pouvant bénéficier du régime commercial simplifié (World Bank,
2014). Faute de ressources, il n’a pas été possible de maintenir ce type de services, ce
qui a coïncidé avec la diminution du recours à ce régime (UNCTAD, 2019b).
86
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
10
Le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique est un programme de développement
économique de l’Union africaine qui a été adopté à la trente-septième session de l’Assemblée des chefs
d’État et de gouvernement de l’Organisation de l’unité africaine, en juillet 2001.
11
Voir https://www.rural21.com/english/opinion-corner/detail/article/boosting-trade-with-better-border-
infrastructure.html.
87
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Le fait que peu de commerçants informels sont représentés dans les plaintes enregistrées
par le mécanisme de notification des obstacles non tarifaires (0,06 % des plaintes
actives) illustre l’ampleur de l’exclusion numérique dont ces acteurs sont victimes13.
L’accès restreint aux téléphones mobiles, à Internet ou aux offres de données de service
12
Voir https://www.uneca.org/sites/default/files/keymessageanddocuments/22May_Final_WhitePaper_
Advancing_gender_equitable_outcomes.pdf.
13
Voir https://www.tradebarriers.org/active_complaints.
88
sur Internet rend plus difficile le recours aux mécanismes de notification en ligne. Outre
le fossé numérique, il y a probablement aussi une méconnaissance des modalités de
dépôt de plainte, ce qui rend d’autant plus importantes les activités de renforcement des
capacités et de sensibilisation. La Zone de libre-échange continentale africaine pourrait
appuyer les mécanismes de notification, comme celui de la Zone de libre‑échange
tripartite, qui gagneraient à inciter les commerçants informels à y participer, ce qui ferait
du régime commercial simplifié un moyen plus efficace de régulariser le commerce
transfrontalier informel.
Certains pays envisagent de lever les restrictions sur le marché du travail seulement
pour attirer certaines catégories de travailleurs comme les chauffeurs de poids lourd car
14
Voir https://publications.iom.int/books/making-case-integrate-human-mobility-cross-border-trade-and-
trade-facilitation.
89
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
ils sont soucieux de conserver leur souveraineté et leur capacité de réglementer l’entrée,
la sortie et le séjour des personnes15. C’est ce qui a entravé la ratification du protocole
de l’Union africaine relatif à la libre circulation des personnes depuis janvier 2018 ; il n’y
a eu que 38 signatures et quatre ratifications à ce jour, 15 ratifications étant nécessaires
pour que le protocole puisse entrer en vigueur.
a) Les travailleurs informels qui exercent les mêmes activités travaillent souvent
seuls ou en petits groupes et sont assez souvent des concurrents. En utilisant les
services d’une coopérative, par exemple, en achetant en gros les marchandises
qu’ils vendent (économies d’échelle), ils pourraient consolider leur entreprise ainsi
que la production et la commercialisation de leurs biens ou services ;
b) Les coopératives pourraient constituer un cadre efficace de promotion ou de
représentation ;
c) Les coopératives fournissent souvent une protection sociale, y compris une
assurance médicale, grâce à des systèmes d’assurance mutuelle autofinancés ;
d) Les coopératives sont des entreprises constituées entre partenaires sur le
long terme. Leurs membres jouissent souvent d’emplois ou de conditions de
production stables. L’adhésion à une coopérative de crédit et d’épargne pourrait
aussi permettre aux travailleurs informels d’avoir accès au crédit pour créer leur
15
Voir https://ecdpm.org/talking-points/connecting-people-markets-africa-2021/.
90
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
16
L’exclusion financière est une conséquence des systèmes régionaux de paiement en place qui sont rattachés
à des mécanismes bancaires formels. Les pourvoyeurs d’argent mobile peuvent créer une note de solvabilité
suffisante pour les personnes qui étaient exclues des marchés formels du crédit, en exploitant des données
relatives notamment au temps de communication, à l’utilisation de services monétaires mobiles et aux médias
sociaux (voir https://unctad.org/news/leveraging-digital-solutions-seize-potential-informal-cross-border-trade).
17
Les systèmes régionaux de paiement déjà adoptés dans la Communauté d’Afrique de l’Est, dans la
Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique australe et dans la Communauté
de développement de l’Afrique australe élargissent les options de paiement informel dans le commerce
transfrontalier (FAO, 2017).
91
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
2.6 Conclusions
Il est difficile de faire un inventaire précis des dimensions économiques et sociales du
commerce transfrontalier informel. Il est nécessaire de réaliser des enquêtes régulières
pour recueillir des informations sur ces échanges et compléter les statistiques sur le
commerce des marchandises émanant des autorités douanières.
Pour que les avantages que procure la Zone de libre-échange continentale africaine se
concrétisent pleinement et soient inclusifs, il faut que les formes informelles de commerce et
ceux qui y prennent part soient pris en compte dans la conception et la mise en œuvre des
réformes et des mesures de facilitation du commerce relatives à la Zone de libre-échange.
Il faut prendre conscience que les femmes et les jeunes, en particulier dans le secteur
informel, se heurtent à des obstacles relativement plus grands que les autres groupes. Les
orientations adoptées devraient viser à tirer parti des nouvelles perspectives qui s’offrent
92
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
aux femmes et aux jeunes et à remédier aux obstacles structurels que les unes et les
autres rencontrent. Il faudra pour cela adopter des mesures ciblées qui vont au-delà des
politiques commerciales, pour veiller à l’égalité d’accès aux ressources et à l’éducation,
en particulier à la formation technique et à l’’acquisition de compétences professionnelles
et spécialisées, notamment de compétences et de connaissances numériques. Pour
s’assurer que la Zone de libre‑échange contribue au respect des engagements pris dans
l’Accord d’autonomiser les femmes et les jeunes, il sera nécessaire de mettre au point
des mécanismes de suivi de la mise en œuvre dudit Accord dans une optique d’inclusion.
L’économie informelle n’est pas nécessairement organisée et n’est donc pas représentée
dans les discussions consacrées à la mise en place de la Zone de libre-échange. Il n’en
reste pas moins que le point de vue des acteurs économiques informels, en particulier
des femmes et des jeunes, devrait être pris en compte dans les débats sur la mise en
œuvre et sur la phase II, en particulier en ce qui concerne l’investissement (y compris
l’investissement ciblé dans des secteurs qui seraient bénéfiques à ces acteurs), les
droits de propriété intellectuelle et la politique de concurrence, pour que des dispositions
adaptées à leurs besoins soient mises au point.
L’application du protocole relatif à la libre circulation des personnes pourrait profiter
aux femmes et aux jeunes, en particulier aux filles, étant donné que de nombreux
pays africains manquent de main-d’œuvre ; les intéressées pourraient ainsi trouver un
emploi dans un pays voisin et le transfert de connaissances et de compétences entre
pays africains s’en trouverait facilité. Il faut redoubler d’efforts pour promouvoir et faire
connaître le protocole et le passeport continental.
Le régime commercial simplifié et le modèle d’entreprise coopérative sont des moyens
d’intégrer les commerçants informels dans le commerce formel dans le contexte de la
Zone de libre-échange. Il s’agit notamment de faire en sorte que les microentreprises
et les petites et moyennes entreprises puissent avoir accès aux marchés en obtenant
davantage de ressources financières qui les aideraient à numériser leurs processus et à
renforcer leurs capacités grâce à des programmes de formation.
Certes, le commerce électronique offre des perspectives tangibles aux femmes et aux
jeunes, mais les réformes et les cadres législatifs adoptés dans le contexte de la Zone de
libre-échange devraient créer des conditions favorables aux femmes et aux jeunes qui leur
permettraient d’accroître leur empreinte dans ce secteur. Le secteur informel ne saurait
être éliminé ; les gouvernements devraient plutôt s’employer à donner aux commerçants
informels la possibilité d’étendre et de développer leurs activités et à promouvoir l’innovation
et l’esprit d’entreprise. Il arrive que des entreprises prospères démarrent dans le secteur
informel avant d’intégrer le secteur formel ; les entreprises informelles contribuent au
développement économique en créant des emplois et des moyens de subsistance.
93
Chapitre 3
La Zone de libre-échange
continentale africaine au
service de la prospérité
partagée : potentiel
d’exportation et obstacles à
un commerce plus inclusif
En élargissant l’accès aux marchés, la Zone de libre‑échange
continentale africaine peut permettre de surmonter l’un des
principaux obstacles à l’essor des échanges à l’intérieur de
l’Afrique, à savoir la faible complémentarité du commerce régional.
Dans le présent chapitre, les auteurs s’intéressent aux avantages
qu’offre la Zone de libre‑échange pour le commerce des biens et
des services ainsi qu’aux formes que peut revêtir sa contribution à
la croissance inclusive en Afrique, donnent un aperçu de certains
des moyens de mettre le potentiel d’exportation au service d’une
croissance transformatrice et inclusive, y compris dans les chaînes
de valeur naissantes du secteur manufacturier, et proposent des
pistes en vue de l’élaboration d’une stratégie de diversification
des exportations fondée sur les produits de base et tournée vers
la croissance inclusive. Des distorsions de marché et des tensions
commerciales font qu’il est difficile de tirer parti des avantages de
la Zone de libre‑échange. Le présent chapitre montre comment les
obstacles réglementaires et structurels aux échanges bilatéraux
empêchent la participation de tous au commerce. Le principal
problème à résoudre pour que la Zone de libre‑échange puisse
contribuer à la croissance inclusive, à savoir l’accès insuffisant et
inégal aux capacités productives, y est également traité.
LA PROSPÉRITÉ PARTAGÉE AU SERVICE
DE LA CROISSANCE INCLUSIVE
Le potentiel
D’EXPORTATION À
L’INTÉRIEUR DE L’AFRIQUE
devrait augmenter de
9,2 milliards
de dollars
grâce à la libéralisation tarifaire partielle
prévue d’ici à 2025 dans le cadre
de la Zone de libre-échange
continentale africaine
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Lorsqu’on parle des objectifs commerciaux et industriels, on oublie souvent que les
intérêts nationaux se recoupent et qu’il existe une dynamique de concurrence entre
États membres dans tel ou tel secteur. La Zone de libre-échange continentale africaine
peut permettre d’harmoniser les objectifs nationaux et régionaux grâce à l’instauration
d’un cadre directif cohérent et intégré en matière d’investissement et de concurrence,
notamment à l’occasion de la phase II de mise en œuvre de l’Accord qui l’institue.
97
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 17
Indice de complémentarité des exportations et importations régionales, moyenne annuelle,
2015-2019
1,0
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0,0
Afrique Amériques Asie Europe Pacifique
98
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Potentiel d’exportation
total actuellement
inexploité du commerce PIB
intra-africain 13,3 milliards
CROISSANCE
DÉMOGRAPHIQUE
99
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Encadré 7
Méthode du Centre du commerce international servant au calcul du potentiel
d’exportation
La méthode servant au calcul du potentiel d’exportation, mise au point par le Centre du commerce
international, permet de quantifier le potentiel d’exportation d’un pays ou d’une région, pour
l’ensemble des produits et des marchés, au moyen d’une évaluation d’informations détaillées sur le
commerce et l’accès aux marchés. Elle vise à estimer la valeur des exportations potentielles à partir
des capacités d’offre d’un pays exportateur, des conditions de la demande sur le marché cible et des
liens bilatéraux entre les deux.
L’indicateur de potentiel d’exportation est calculé pour les produits qu’un pays exporte déjàa.
Il s’appuie sur une moyenne pondérée des cinq dernières années pour lesquelles des données
commerciales sont disponibles. Les données commerciales utilisées aux fins des calculs, issues
des statistiques commerciales du Centre du commerce international (Trade Map), ont fait l’objet
d’un traitement minutieux destiné à garantir que les résultats ne sont pas influencés par des flux
commerciaux mal déclarés, des erreurs de mesure ou des attributions incorrectes. Une évaluation de
la fiabilité permet de repérer et d’exclure les pays déclarants peu fiables, dont les flux commerciaux
déclarés présentent un écart important avec ceux de leurs partenaires commerciaux. Si les pays
exportateur et importateur sont des déclarants fiables, la moyenne géométrique des données directes
et des données miroir est utilisée pour la transaction. Lorsqu’il manque des données ou qu’un pays
18
Le potentiel d’exportation est calculé au regard de la relation entre l’exportateur, l’importateur et le produit.
En conséquence, le potentiel d’exportation inexploité statique rend compte des tensions qui entravent
l’exportation d’un produit donné vers un marché donné. Si l’on remédiait aux autres tensions non prises en
compte dans ce modèle, qui pèsent sur le commerce intra-africain de façon plus globale, il serait possible de
dégager un potentiel d’exportation supplémentaire.
100
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
déclarant n’est pas fiable, des données miroir fiables sont utilisées dans la mesure du possible.
L’indicateur de potentiel d’exportation permet de calculer la valeur probable des échanges pour
chaque combinaison exportateur-importateur-produit, qui repose sur le recoupement d’informations
relatives à la capacité d’offre prévue de l’exportateur pour un produit donné, à la demande prévue de
l’importateur et à la facilité avec laquelle les deux partenaires commercent.
L’offre, représentée par la part du marché mondial détenue par le pays exportateur pour le
produit concerné, et la demande, représentée par les importations dudit produit par le partenaire
commercial, sont revues à la hausse à la lumière des prévisions de croissance du PIB et de la
population pour les cinq années suivantes, ce qui permet de disposer d’une évaluation prospective
qui tient compte de l’évolution prévue de l’une comme de l’autre. L’élasticité de la demande par
rapport au revenu est calculée séparément pour les pays développés et les pays en développement
au niveau des codes à deux chiffres du Système harmonisé de désignation et de codification des
marchandises de l’Organisation mondiale des douanes. En outre, les conditions tarifaires actuelles et
les changements tarifaires futurs, le cas échéant, sont appliqués pour rendre compte des différences
dans les conditions d’accès aux marchés. La distance géographique est également prise en compte,
grâce à un facteur de correction de la distance spécifique au produit. Un indicateur censé révéler la
facilité avec laquelle les pays exportateur et importateur commercent permet de saisir leur relation
commerciale globale. Cet indicateur est obtenu par comparaison entre les échanges réels de ces
deux pays et les échanges qui auraient lieu si la part du pays exportateur sur le marché du pays
importateur était identique à sa part sur le marché mondial.
Tout écart entre le potentiel d’exportation d’un pays et ses exportations réelles est considéré
comme un potentiel d’exportation inexploité et donc comme une possibilité de croissance future des
exportations. Il peut s’agir : soit d’un potentiel d’exportation dynamique ou fondé sur la croissance,
c’est-à-dire sur la croissance économique future du pays lui-même ou sur la croissance de la
demande sur le marché cible ; soit d’un potentiel d’exportation statique ou fondé sur les tensions,
auxquelles les conseillers commerciaux ainsi que les entreprises locales peuvent remédier, telles que
le manque d’informations sur les dispositions réglementaires d’un marché cible ou les problèmes
rencontrés s’agissant de s’y conformer ou de satisfaire aux préférences des consommateurs de ce
marché, notamment du point de vue de la qualitéb.
Source : CNUCED.
a
Les produits visés par les conventions internationales sur les déchets, les polluants, les armes et les munitions,
le tabac, les produits des industries extractives, les produits qui ne peuvent pas être fabriqués, tels que les
antiquités, et les produits qui ne sont pas pertinents pour l’intelligence économique, comme les produits de base
non définis ailleurs, ne sont pas pris en compte. Un second indicateur, l’indicateur de diversification des produits,
sert à répertorier les possibilités d’exporter de nouveaux produits. Il n’a pas été utilisé aux fins de l’analyse
figurant dans le présent Rapport.
b
Pour plus d’informations sur la méthode servant au calcul du potentiel d’exportation, voir Decreux and Spies,
2016.
101
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 18
Potentiel d’exportation statique et dynamique inexploité, par secteur
(En millions de dollars)
Véhicules terrestres (87)
Sucre (17)
Poissons et crustacés (03)
Matières plastiques (39)
Huiles essentielles, produits de parfumerie ou de toilette préparés et préparations cosmétiques (33)
Cuivre (74)
Machines, appareils et matériels électriques (85)
Engrais (31)
Préparations alimentaires diverses (21)
Réacteurs nucléaires, chaudières, machines, appareils et engins mécaniques (84)
Graisses et huiles animales ou végétales (15)
Vêtements et accessoires du vêtement, autres qu’en bonneterie (62)
Préparations à base de céréales, de farines, d’amidons, de fécules ou de lait (19)
Combustibles minéraux, huiles minérales (27)
Savons, préparations pour lessives, préparations lubrifiantes, produits d’entretien (34)
Boissons, liquides alcooliques et vinaigres (22)
Fonte, fer et acier (72)
Céréales (10)
0 200 400 600 800 1 000 1 200 1 400
Potentiel d’exportation inexploité statique
Potentiel d’exportation inexploité dynamique
102
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
103
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
les cinq ans. Les prévisions relatives au potentiel d’exportation sont limitées à cinq ans,
ce qui est une approche plus réaliste en ce qui concerne la croissance du PIB et de
la demande. Les résultats obtenus à l’échelle du continent dépendront probablement
de la création de courants commerciaux entre les CER, plutôt qu’à l’intérieur des CER,
dans la mesure où les taux de droit appliqués au sein des CER sont déjà faibles.
La figure 19 montre les secteurs susceptibles de tirer le plus fort potentiel d’exportation
supplémentaire à l’intérieur de l’Afrique au titre du scénario de libéralisation tarifaire
partielle de la Zone de libre-échange continentale africaine au cours des cinq prochaines
années. L’industrie automobile est le secteur qui devrait réaliser le plus grand potentiel
d’exportation à la suite de la libéralisation tarifaire. Dans l’ensemble, le potentiel
d’exportation supplémentaire découlant de la libéralisation tarifaire devrait être de 18 %
d’ici à 2025. Les secteurs qui profitent le plus de la libéralisation tarifaire sont ceux
dont le potentiel d’exportation est également susceptible d’augmenter en fonction de
l’évolution de l’offre et de la demande au cours des cinq prochaines années. Les pays
exportateurs qui bénéficieraient le plus d’une libéralisation tarifaire partielle et totale, et
dont le potentiel d’exportation en Afrique devrait augmenter de plus de 100 %, sont
généralement soumis aux taux de droit les plus élevés ; il s’agit de Cabo Verde, de la
Gambie, de Sao Tomé-et-Principe, de la Somalie et du Soudan du Sud (International
Trade Centre and UNCTAD, 2021).
104
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Figure 19
Potentiel d’exportation supplémentaire qui devrait résulter de la libéralisation tarifaire partielle
prévue dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine, par secteur
(En millions de dollars)
Véhicules terrestres (87)
Sucre (17)
Savons, préparations pour lessives, préparations lubrifiantes, produits d’entretien (34)
Poissons et crustacés (03)
Matières plastiques (39)
Machines, appareils et matériels électriques (85)
Fruits comestibles (08)
Boissons, liquides alcooliques et vinaigres (22)
Café, thé, maté et épices (09)
Ouvrages en fonte, fer ou acier (73)
Fonte, fer et acier (72)
Huiles essentielles ; produits de parfumerie ou de toilette préparés et préparations cosmétiques (33)
Papiers et cartons ; ouvrages en papier ou en carton (48)
Préparations de viande, de poissons ou de crustacés (16)
Sel ; soufre ; terres et pierres ; plâtres, chaux et ciments (25)
Ouvrages divers (96)
Réacteurs nucléaires, chaudières, machines, appareils et engins mécaniques (84)
Préparations à base de céréales, de farines, d’amidons, de fécules ou de lait (19)
La section qui suit présente les conclusions de trois études de cas sur des thèmes qui
revêtent un intérêt particulier pour les plans de relance liés à la pandémie de COVID-19 et
le développement inclusif et transformateur. Ces thèmes sont les suivants : possibilité de
remédier aux pénuries d’approvisionnement en fournitures médicales grâce aux chaînes
de valeur régionales ; rôle du secteur agroalimentaire, sachant que la pandémie a fait
ressortir le manque d’autonomie de la région du point de vue des produits alimentaires
et que la quasi-totalité des pays d’Afrique ont un certain potentiel d’exportation dans
ce secteur ; évaluation des avantages inclusifs que l’industrie automobile peut tirer
de la Zone de libre-échange continentale africaine par l’intermédiaire des chaînes
d’approvisionnement régionales, étant donné que le secteur affiche le plus fort potentiel
d’exportation inexploité et qu’il est susceptible de connaître la plus forte augmentation
des exportations dans le cadre de la Zone de libre-échange.
105
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Bien que les investissements dans le secteur de la santé aient augmenté, ils restent
modestes. Selon la CNUCED (UNCTAD, 2020a), environ deux tiers des projets de
création de capacités annoncés visaient à produire des médicaments et des dispositifs
médicaux. Le Centre du commerce international (International Trade Centre, 2020) a
observé qu’il était possible de renforcer les capacités productives en Afrique à partir
des matières premières disponibles et des exportations de certains intrants utiles à la
production de masques, de gants et de désinfectants. Les fournitures médicales les
plus importées en Afrique sont les désinfectants et les stérilisateurs, les consommables
médicaux, les kits de dépistage et les dispositifs médicaux et chirurgicaux. Cependant,
le taux de droit moyen de 10,3 % appliqué par les pays d’Afrique à ces produits est
élevé, ce qui restreint l’accès des producteurs et des consommateurs à des produits
médicaux abordables (International Trade Centre, 2020)19. Outre cet obstacle tarifaire,
de nombreuses entreprises rencontrent des difficultés pour importer des biens
intermédiaires en raison de mesures non tarifaires. Deux des trois principaux intrants
dans la production de désinfectants, l’éthanol et les bouteilles en plastique, sont déjà
produits en quantités raisonnables sur le continent, les principaux fournisseurs étant
l’Égypte et l’Afrique du Sud. Le dernier intrant, le glycérol, n’est pas encore produit en
quantité suffisante, et les producteurs de désinfectants dépendent des importations
extracontinentales (International Trade Centre, 2020). La politique commerciale doit être
telle que les producteurs aient accès à des intrants adéquats et abordables, provenant
tant de l’Afrique que de l’extérieur.
Pour faire face à la pandémie, plusieurs pays ont commencé à renforcer leurs capacités
en ce qui concerne les fournitures médicales. Les entreprises multinationales du secteur
des soins de santé ont augmenté leurs capacités productives et ont bénéficié de l’appui
des gouvernements aux fins de la production d’équipements essentiels (UNCTAD,
19
À titre de comparaison, le taux de droit appliqué pour l’importation de produits médicaux est de 7,9 % dans
les pays en développement hors Afrique et de 2,9 % dans les pays développés.
106
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
2020b). Pour réussir à renforcer les capacités productives à l’avenir, les décideurs
doivent définir quels sont les intrants nécessaires à leurs industries et comment les
politiques commerciales peuvent faciliter l’accès aux sources d’approvisionnement
locales, régionales ou mondiales.
Parmi les principaux secteurs dont le potentiel d’exportation est encore inexploité,
celui des préparations à base de céréales, de farines, d’amidons, de fécules ou de
lait et celui des préparations alimentaires diverses sont les plus prometteurs dans la
perspective d’une croissance durable et inclusive. L’un comme l’autre sont caractérisés
par une large proportion de produits transformés de grande valeur et par un taux élevé
de participation des femmes. Ni l’un ni l’autre ne font partie des 10 secteurs dont les
retombées attendues dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine
20
Certains pays ont pris des mesures pour se prémunir contre le risque d’insécurité alimentaire et garantir la
disponibilité des produits vivriers. Le Kenya a par exemple ramené la taxe sur la valeur ajoutée à ces produits
de 16 à 14 %, tandis que le Soudan a interdit les exportations de sorgho en avril 2015 (Akiwumi, 2020).
107
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
sont les plus importantes, car les droits de douane intra-africains sont relativement
faibles à l’heure actuelle (4,8 % pour les préparations alimentaires diverses et 4,38 %
pour les préparations à base de céréales, de farines, d’amidons, de fécules ou de lait,
contre 8,9 % pour le sucre, par exemple), mais leur potentiel d’exportation à l’intérieur
de l’Afrique devrait tout de même augmenter dans le contexte d’une libéralisation
partielle, à hauteur de 170 millions de dollars pour les préparations à base de céréales,
de farines, d’amidons, de fécules ou de lait et de 152 millions de dollars pour les
préparations alimentaires diverses (International Trade Centre and UNCTAD, 2021).
Le secteur agroalimentaire contribue à promouvoir une croissance durable sur les plans
social, environnemental et économique parce qu’il réduit les pertes après récolte et
le gaspillage alimentaire, parce qu’il permet aux agriculteurs de tirer des revenus de
la vente de leurs produits aux entreprises de transformation et parce que les femmes
représentent une part importante des travailleurs du secteur agricole et du secteur de la
production de denrées alimentaires et de boissons (Owoo, 2018).
108
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Figure 20
Potentiel inexploité et supplémentaire d’exportation de produits alimentaires manufacturés
dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine
(En millions de dollars)
Source : Calculs de la CNUCED, d’après des données du Centre du commerce international et de la CNUCED
(International Trade Centre and UNCTAD, 2021).
Note : Les produits alimentaires manufacturés correspondent à l’ensemble des produits relevant des chapitres 16
à 22 du Système harmonisé.
109
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Les capacités productives de l’Afrique demeurent trop faibles pour lui permettre
de progresser vers l’autosuffisance. La récente croissance des exportations de
produits alimentaires transformés dans les pays de la Communauté d’Afrique de
l’Est, la plus forte progression relative étant celle des exportations de préparations
alimentaires diverses, est essentiellement attribuable à des produits à forte intensité de
main‑d’œuvre et ne s’est guère accompagnée d’une diversification de la production.
La comparaison de la balance commerciale de ces pays avec celle du reste du monde
révèle que leurs exportations sont concentrées sur un petit nombre de produits, et
que l’offre d’exportations et la demande d’importations sont peu complémentaires. La
diversification de la production par petites étapes, en tirant parti des similitudes entre
les technologies utilisées pour produire différents biens au sein d’un même secteur,
pourrait accroître l’autonomie et la sécurité alimentaire de la région. La croissance de la
production et des exportations dans le secteur agroalimentaire est restreinte par divers
obstacles au commerce. Comme la Banque mondiale l’a souligné dans certaines de
ses enquêtes sur les entreprises, ces obstacles sont avant tout le manque d’accès
fiable à l’électricité et les coûts élevés du transport, qui entravent particulièrement
le commerce des produits alimentaires. On trouvera ci-après davantage d’éléments
attestant le caractère restrictif des obstacles non tarifaires au commerce et les difficultés
auxquelles se heurtent les entreprises dans leurs efforts d’acquisition de capacités
productives suffisantes.
110
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Alors que les capacités productives de l’Afrique semblent actuellement insuffisantes pour
développer un secteur automobile à l’échelle régionale, l’adoption de règles d’origine
strictes freine l’accès aux intrants et le renforcement des capacités productives à long
21
Voir https://www.oica.net/category/production-statistics/2019-statistics/.
22
Voir https://www.fdiintelligence.com/article/78752.
23
La CNUCED a recensé les difficultés liées à la mise en lien des chaînes de valeur automobiles, à savoir l’accès
au marché régional, notamment aux infrastructures et aux services logistiques, la réalisation d’économies
d’échelle, l’émergence de fournisseurs compétitifs, le renforcement des compétences et la gestion des
chaînes de valeur (liens avec les marchés).
111
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Des cadres réglementaires sont en place, mais leur qualité et leur application sont
généralement insuffisantes pour leur permettre d’être efficaces (Madden, 2020).
L’adoption de politiques industrielles prévoyant la réduction des droits de douane
applicables aux importations de pièces détachées ou l’octroi de crédits de droits à
l’importation en fonction de la valeur ajoutée sur place par les investissements peut
également être une solution, pour laquelle l’Afrique du Sud a d’ailleurs opté (Black et al.,
2017). La domination du marché par l’Afrique du Sud peut compliquer le développement
d’industries naissantes dans d’autres pays africains, mais, compte tenu de la forte
hausse de la demande, il importe de renforcer les capacités productives du continent.
Le Marché commun de l’Afrique orientale et australe, la Communauté d’Afrique de l’Est
et la Communauté de développement de l’Afrique australe ont envisagé l’élaboration
d’une politique régionale dans le cadre de l’Accord de libre-échange tripartite. Certains
pays et certaines régions, notamment les pays de la Communauté d’Afrique de l’Est,
font obstacle à l’importation de véhicules en imposant une limite d’âge de huit ans pour
les véhicules d’occasion et des droits de douane de 25 % pour les véhicules neufs
entièrement assemblés. Ces mesures visaient à stimuler la production locale, mais en
raison d’incertitudes quant à l’orientation des politiques, de la petite taille des marchés
intérieurs et de l’insuffisance des mécanismes d’intégration régionale, la production
et les investissements sont restés faibles (Black et al., 2017). La constitution de
capacités manufacturières compétitives demeure indiscutablement problématique en
Afrique. Le coût unitaire de la main-d’œuvre est élevé du fait du manque de travailleurs
112
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
qualifiés, du caractère peu fiable des services publics de distribution, à commencer par
l’approvisionnement en électricité, et des difficultés d’accès aux intrants, aux services
et aux biens d’équipement. Les politiques destinées à attirer des investissements dans
le secteur automobile devraient promouvoir le renforcement des compétences des
travailleurs et le développement de l’entrepreneuriat en ciblant notamment les femmes,
qui sont largement sous-représentées.
24
Voir https://www.globenewswire.com/news-release/2020/03/03/1994714/0/en/The-automotive-industry-
in-Sub-Saharan-African-countries-is-relatively-small-with-only-422-611-new-vehicles-sold-in-2018-The-
market-is-highly-dominated-by-the-used-car-sales-which-.html.
25
L’accord signé entre le Nigéria et Volkswagen prévoyait par exemple la mise en place d’un programme de
renforcement des compétences et de formation technique à l’intention des universitaires.
26
Les droits de douane à l’importation de véhicules neufs et d’occasion, qui étaient auparavant de 5 à 20 %,
ont été portés à 35 % pour encourager l’achat de voitures assemblées dans le pays. En outre, une nouvelle
loi interdira l’importation de voitures vieilles de plus de dix ans au Ghana (voir https://www.fdiintelligence.com/
article/78752 ; https://www.industryweek.com/leadership/article/22028086/volkswagen-nissan-to-get-tax-
breaks-for-plants-in-ghana ; et https://www.bloomberg.com/news/articles/2019-08-15/volkswagen-nissan-
to-get-10-year-tax-breaks-for-ghana-plants).
27
Voir https://www.theafricareport.com/16546/ghana-needs-skills-upgrade-and-free-trade-to-make-
automotive-tax-breaks-work/.
113
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
des retombées des exportations du secteur automobile28. Compte tenu des risques
d’évasion fiscale, il est important de créer dans le cadre de la Zone de libre-échange un
mécanisme institutionnalisé de règlement des différends, qui serait assorti de politiques
d’investissement et de politiques industrielles, et assurerait l’équité fiscale.
28
Voir https://www.ft.com/content/847c5f77-f0af-4787-8c8e-070ac6a7c74f.
114
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
de détail (3 %) et les services bancaires (15 %), et les plus élevés pour les services
de téléphonie fixe (485 %), les services de transport ferroviaire (59 %) et les services
juridiques (47 %). Le niveau élevé de l’équivalent tarifaire pour les services de téléphonie
fixe est dû aux importants obstacles à l’entrée sur le marché et à la nature même de
ces services, qui sont difficiles à commercialiser. À titre de comparaison, l’équivalent
tarifaire des obstacles au commerce des services dans les pays de l’Association des
nations de l’Asie du Sud-Est va de 1 % pour les services de téléphonie mobile à 175 %
pour les services de téléphonie fixe, avec une moyenne de 52 % (African Development
Bank, 2019a). Parmi les quatre CER d’Afrique, à savoir le Marché commun de l’Afrique
orientale et australe, la Communauté d’Afrique de l’Est, la Communauté économique
des États de l’Afrique de l’Ouest et la Communauté de développement de l’Afrique
australe, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a l’indice de
restriction le plus faible pour les services financiers, les services de détail et les services
de transport, tandis que, pour les services de télécommunication, cet indice est le plus
faible dans la Communauté d’Afrique de l’Est. Le Marché commun de l’Afrique orientale
et australe est le plus restrictif quant au commerce des services.
Les obstacles au commerce des services entravent la croissance de la productivité des
entreprises. Les politiques qui restreignent l’accès des acteurs étrangers aux services
d’amont réduisent également la productivité des entreprises (Duggan et al., 2013 ;
Hoekman, 2020). La libéralisation des services devrait donc avoir pour effet de stimuler
cette productivité.
D’après un modèle d’équilibre général calculable de la Banque mondiale (World Bank,
2020a), le commerce des services dans son ensemble pourrait croître de 4 % à l’horizon
2035 grâce à la Zone de libre-échange continentale africaine, tandis que le commerce
intra-africain de services pourrait progresser de 14 %, ce qui est relativement faible par
rapport à l’expansion escomptée du commerce intra-africain de produits manufacturés
(110 %) et de produits agricoles (49 %). Parmi les services, les essors les plus marqués
seront ceux des services de santé et d’éducation, des services de transport et des
services aux entreprises, si l’on part du principe que 50 % des obstacles non tarifaires
peuvent être réduits (World Bank, 2020a)29. Selon les estimations, les services contribuent
à hauteur de 30 % à la valeur ajoutée aux biens destinés à l’exportation (Simo, 2020).
La réduction des obstacles non tarifaires est calculée en équivalents tarifaires ad valorem. Les services
29
marchands libéralisés sont les services commerciaux, les services de transport routier, ferroviaire, fluvial,
maritime et aérien, les services de communication, les services financiers, les services d’assurance et les
services immobiliers. Quant aux services d’éducation et de santé, services non marchands, leurs retombées
prennent la forme d’une augmentation des revenus et leur essor est stimulé par la demande, pas par des
réductions tarifaires (voir https://www.banquemondiale.org/fr/topic/trade/publication/the-african-continental-
free-trade-area).
115
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Les mesures prévues par l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges sont
axées sur la réduction des coûts du commerce international de biens physiques, la
transparence des règles commerciales et la simplification des procédures de mise en
conformité. Pour que la libéralisation des services favorise une croissance inclusive, il
est impératif de garantir un accès équitable aux services.
30
Le taux d’activité entrepreneuriale parmi les femmes subsahariennes est de 21,8 à 25,0 %, tandis que la
moyenne mondiale est de 10,2 % seulement (African Union and OECD, 2021).
116
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
31
La libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux devrait être une condition préalable
à la création d’une union monétaire, pas l’objectif d’une telle union (African Development Bank, 2019). À ce
jour, même les conditions les plus simples à remplir pour instituer une zone de libre-échange et une union
douanière ne sont pas satisfaites.
32
Voir https://www.afreximbank.com/the-governing-council-of-the-pan-african-payment-and-settlement-
system-holds-inaugural-meeting/.
33
Voir https://www.centralbank.go.ke/national-payments-system/mobile-payments/.
117
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Ces problèmes doivent être traités à mesure que la mise en place de la Zone de
libre-échange continentale africaine progresse. Ils méritent que les décideurs s’y
intéressent de près, l’objectif étant que les pays fournissent des infrastructures
numériques suffisantes, investissent dans l’acquisition de compétences numériques et
harmonisent leurs lois relatives aux technologies, notamment à la propriété intellectuelle
et à la confidentialité des données.
118
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
34
Il n’existe pas de définition admise des obstacles non tarifaires dans le cadre de l’OMC, mais il est entendu
que ceux-ci renvoient à toutes les mesures, autres que les droits de douane, qui restreignent l’accès aux
marchés ou lui donnent un caractère discriminatoire. De large portée, les obstacles non tarifaires englobent
toutes les mesures, autres que les droits de douane, qui sont imposées ou soutenues par les pouvoirs
publics et ont pour effet d’interdire ou de restreindre le commerce ainsi que toutes les autres mesures qui
faussent le commerce international sans nécessairement le restreindre.
119
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 21
Proportion moyenne de produits auxquels s’appliquent des mesures non tarifaires dans les pays
africains, par section du SH, 2015
(En pourcentage de lignes de produits)
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
re
x
is
ee c
nts
s
rs
es
ux
les
t
s
es
tal
au
or
mi chou
re
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es
Ma
ch
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ou
ti
Ma
Ma
s,
re
er
Pi
Mesures sanitaires et phytosanitaires Obstacles techniques au commerce Mesures liées aux exportations
Source : Calculs de la CNUCED, d’après les données de son système d’analyse et d’information sur le commerce.
Note : Les pays considérés sont les suivants : Algérie, Bénin, Botswana, Burkina Faso, Cabo Verde, Cameroun,
Côte d’Ivoire, Éthiopie, Gambie, Ghana, Guinée, Libéria, Mali, Maroc, Maurice, Mauritanie, Niger, Nigéria,
Sénégal, Togo, Tunisie et Zimbabwe. Les groupes de produits respectent la nomenclature du Système harmonisé
de désignation et de codification des marchandises, établi par l’Organisation mondiale des douanes (voir https://
wits.worldbank.org/tariff/non-tariff-measures/metadata/en/product/). La figure rend compte de l’application des
trois principaux types de mesures, à savoir :
Mesures techniques Mesures sanitaires et phytosanitaires
Obstacles techniques au commerce
Inspection avant expédition
Mesures non techniques Mesures contingentaires de protection du commerce
Mesures de contrôle quantitatif
Mesures de contrôle des prix
Autres mesures : mesures financières, mesures influant sur la concurrence,
mesures concernant les investissements et liées au commerce, restrictions
de distribution, restrictions concernant les services après-vente, subventions
et autres mesures de soutien, restrictions visant les marchés publics,
propriété intellectuelle, règles d’origine
Mesures liées aux exportations Mesures liées aux exportations
120
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Les mesures non tarifaires, dont l’adoption a sans doute été favorisée par la réduction
des droits de douane dans la région, sont souvent considérées comme la nouvelle
difficulté à surmonter pour les responsables des politiques commerciales (Crivelli and
Groeschl, 2016 ; Orefice, 2017 ; Stender and Vogel, 2021). La dynamique d’économie
politique qui sous-tend les politiques commerciales, dans lesquelles des objectifs
nationaux sont souvent en contradiction avec des engagements régionaux (Apiko et
al., 2020 ; Bünder, 2018 ; Byiers et al., 2018), est en fait de surmonter cette difficulté
majeure, qui est de réduire les coûts des mesures non tarifaires. Les coûts associés
aux mesures non tarifaires sont particulièrement dommageables pour les petits
commerçants et les entreprises aux ressources limitées, et créent donc des inégalités
dans la participation au commerce.
Coûteuses, les mesures non tarifaires pèsent sur les exportations des pays en
développement et des pays les moins avancés. La prévention de leurs effets négatifs
peut avoir une plus grande influence sur les flux commerciaux qu’une diminution
des droits de douane encore en vigueur, et contribuer à procurer des gains
socioéconomiques à tous les pays plus efficacement que la réduction des obstacles
non tarifaires (International Monetary Fund, 2020 ; Saygili et al., 2018 ; Vanzetti et al.,
2016 ; Vanzetti et al., 2018)36. En outre, l’élimination des droits de douane, par la perte
de recettes publiques qui en résulte souvent, peut nuire à la protection sociale, alors
que la réduction des coûts des mesures non tarifaires, en influant positivement sur la
consommation et la production, peut améliorer la situation socioéconomique de tous
35
Les données relatives aux équivalents ad valorem des mesures non tarifaires proviennent de la Banque
mondiale (voir https://datacatalog.worldbank.org/dataset/ad-valorem-equivalent-non-tariff-measures). L’estimation
a été obtenue selon la méthode élaborée par Kee et Nicita (Kee and Nicita, 2017). Des données sur les
équivalents ad valorem sont disponibles pour le Bénin, l’Éthiopie, le Ghana, le Mali, le Niger, le Nigéria et le Togo.
36
Selon des estimations, la réduction des mesures non tarifaires permettrait des gains socioéconomiques de
l’ordre de 20 milliards de dollars, contre 1,5 milliard de dollars pour la libéralisation tarifaire, hors produits
sensibles (Vanzetti et al., 2018). La réduction des coûts des mesures non tarifaires est modélisée sous la
forme d’un choc de productivité, à l’origine de gains socioéconomiques dans tous les pays africains.
121
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
les pays africains. Si les mesures non tarifaires étaient moins onéreuses, la participation
à la Zone de libre-échange continentale africaine serait donc plus inclusive. De plus, des
études empiriques montrent clairement comment des mesures non tarifaires restrictives
augmentent le coût relatif de la vie pour les ménages pauvres, dont la plus grande partie
des dépenses est consacrée à l’alimentation (Cadot and Gourdon, 2014 ; Treichel et
al., 2012 ; Vanzetti et al., 2016). Une hausse des coûts des mesures non tarifaires est
supportée non seulement par les ménages, sous la forme d’une hausse des prix, mais
aussi par les petites entreprises, sous la forme de frais administratifs et de coûts de
mise en conformité technique des procédés de production.
Il ressort des enquêtes que le Centre du commerce international a menées sur les
mesures non tarifaires que l’évaluation de la conformité est la plus pesante des contraintes
réglementaires auxquelles les entreprises exportatrices doivent faire face (dans 42 % des
cas au Kenya et 25 % des cas en Ouganda). Les résultats de ces enquêtes montrent
également que les petites entreprises ont plus de difficultés à respecter les mesures non
tarifaires, compte tenu des frais administratifs comparativement plus élevés que cela
représente pour elles et de leur manque de connaissances. Les ouvrages empiriques
confirment la relation négative entre les mesures non tarifaires et les exportations
(Nicita and Murina, 2017 ; UNCTAD, 2016) et soulignent que les petites entreprises se
ressentent davantage des contraintes réglementaires (Fugazza et al., 2017).
Si elles sont strictes, complexes et onéreuses, les mesures non tarifaires pourront
effectivement se changer en obstacles au commerce dans la Zone de libre‑échange
continentale africaine (Tsowou and Davis, 2021). Dans la Communauté de développement
de l’Afrique australe, les entreprises n’ont pas fait jouer les préférences régionales
122
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
pour les produits alimentaires transformés et les vêtements, et ont préféré s’acquitter
de la totalité des droits de douane au vu des coûts élevés induits par le respect des
règles d’origine (Gillson, 2010). La Zone de libre-échange continentale africaine a un
rôle déterminant à jouer dans l’harmonisation et la transparence des mesures non
tarifaires, et, partant, dans leur contribution à un développement durable. L’inscription
des mesures non tarifaires dans un cadre réglementaire plus solide pourrait renforcer la
confiance des consommateurs dans les exportations africaines, à l’intérieur de la région
et dans le reste du monde (Cadot et al., 2018a). Les mesures que la CNUCED a prises
pour aider les pays africains à réduire les coûts des mesures non tarifaires dans la Zone
de libre-échange continentale africaine sont présentées en détail au chapitre 4.
37
Voir https://unctad.org/news/why-and-how-measure-international-transport-costs.
123
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 22
Coûts de transport en Afrique, par sous-région et mode de transport, 2016
(En pourcentage)
160
140
120
100
80
60
40
20
0
ain
ain
DC
C
AD
A
CA
EA
EA
ES
UM
fric
fric
SA
IG
CE
D
M
-a
-a
CE
CO
ra
tra
Int
Ex
124
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
38
Voir https://www.fdiintelligence.com/article/76336.
39
Voir https://documents.worldbank.org/en/publication/documents-reports/documentdetail/
452631564064496467/cote-d-ivoire-agricultural-sector-update.
125
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 23
Arrivées d’entreprises africaines d’exportation sur un autre marché africain, 1998-2013
a) Droits de douane b) Coûts hors droits de douane
10 10
9 9
8 8
7 7
6 6
5 5
4 4
3 3
2 2
0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 0,25 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0 5,5 6,0
Coûts moyens, commerce bilatéral Coûts moyens du commerce bilatéral (hors droits de douane)
Nombre d’entreprises arrivantes pour l’année t Nombre d’entreprises arrivantes pour l’année t
Courbe de tendance linéaire (nombre d’entreprises Courbe de tendance linéaire (nombre d’entreprises
Source : Calculs de la CNUCED, d’après la base de données sur les coûts commerciaux de la Commission
économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique et de la Banque mondiale, et la base de données sur la
dynamique des exportateurs de la Banque mondiale.
Note : Pour a), le coefficient de détermination ajusté (ou R au carré ajusté) est de 0,28. Pour b), il est de 0,46.
Les coûts commerciaux sont mesurés selon une théorie microéconomique et calculés à partir de données
macroéconomiques.
126
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
De même qu’elles restreignent les exportations, les mesures non tarifaires freinent
les importations et peuvent compromettre la compétitivité des entreprises nationales
(Navaretti et al., 2018 ; UNCTAD, 2016). Les décideurs devraient tenir compte des
127
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
mesures non tarifaires dans les objectifs nationaux de compétitivité, car celles-ci
peuvent être une source d’inefficacité si elles ne sont pas suffisamment encadrées,
comme c’est le cas dans de nombreux pays africains aux capacités administratives
limitées, et peuvent entraîner une augmentation des prix, en particulier des produits
agroalimentaires, faire gonfler les coûts d’importation et pénaliser les petits producteurs
(Cadot et al., 2018a ; Cadot et al., 2018b). Il ressort d’enquêtes réalisées par le Centre
du commerce international qu’en Ouganda, par exemple, les importateurs sont encore
plus nombreux que les exportateurs à devoir faire face à des obstacles procéduraux,
lesquels découlent principalement des obligations afférentes à l’évaluation de la
conformité, des interdictions à l’importation et des conditions d’autorisation des
importations (International Trade Centre, 2018).
Encadré 8
L’application de droits de douane élevés aux produits sensibles restreint l’accès
aux biens intermédiaires et aux biens de consommation, et portera probablement
surtout préjudice aux plus pauvres
À la date de rédaction du présent Rapport, bon nombre de pays membres et de communautés
économiques régionales n’ont pas encore soumis leurs listes de produits à considérer comme
sensibles dans la Zone de libre-échange continentale africaine, mais il est probable que des produits
tels que le riz et le sucre continueront d’être protégés. Le tarif extérieur commun est défavorable
aux ménages à faible revenu et peut être le résultat de l’intérêt des producteurs pour des marchés
économiquement forts et de l’action de groupes de pression. Par exemple, la Communauté d’Afrique
de l’Est a établi sa liste de produits sensibles soumis au tarif extérieur commun en tendant à protéger
des marchés compétitifs mais naissants, de façon à accroître les capacités productives régionales. En
août 2021, les taux du tarif extérieur commun sont les suivants : 0 % sur les matières premières, les
128
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
biens d’équipement, les intrants agricoles, certains médicaments et équipements médicaux ; 10 %
sur les biens intermédiaires ; 25 % sur les biens finals ; de 35 % à 100 % sur des articles sensibles
couvrant 1,2 % des lignes tarifaires. À partir des données commerciales figurant dans le système
World Integrated Trade Solution de la Banque mondiale et sur la base d’une analyse d’équilibre
partiel, une étude montre que le commerce des produits sensibles (dont le ciment, les cigarettes et
les produits du tabac, le riz, le sucre et le lait) a progressé entre les pays membres de la Communauté
d’Afrique de l’Est, mais moins que les importations en provenance de pays non membres et le solde
négatif de la balance commerciale, ce qui témoigne de la supériorité de la demande sur l’offre
régionale (Shinyekwa et al., 2016). Le taux élevé des droits d’importation fait gonfler les prix des
produits sensibles et, partant, a des répercussions négatives sur le bien-être des populations les plus
pauvres. Selon certaines études, dans le cas des blés de force, il faudrait appliquer un taux de zéro,
compte tenu du manque de capacités régionales pour répondre à la demande. Dans le cas du sucre
brut, le taux devrait aussi être réduit, car le sucre brut joue un rôle important dans la transformation
des aliments. Dans le cas du ciment, le taux du tarif extérieur commun devrait également être nul
afin de réduire les coûts de développement des infrastructures.
La Banque africaine de développement a relevé que, dans la Communauté d’Afrique de l’Est et
la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, les taux du tarif extérieur commun
entraînent une augmentation du coût de la vie pour les ménages pauvres et que les petits pays à faible
revenu auraient à gagner d’une coopération plus étroite. Par exemple, il ressort des données d’une
enquête réalisée auprès des ménages kenyans, en tant que producteurs et que consommateurs,
qu’une baisse de 20 % du prix du sucre grâce à la levée des obstacles au commerce et à une
intensification de la concurrence se traduit par une amélioration des conditions de vie dans tous les
déciles de revenu. Cela s’explique par le fait que les pauvres sont principalement des consommateurs
nets, et non des producteurs. Il en résulte qu’en termes d’effet net sur le bien-être, une augmentation
des prix par le jeu des droits d’importation peut entraîner une diminution du revenu réel. Du côté
des producteurs, des droits de douane élevés peuvent aussi miner la compétitivité des entreprises
du secteur manufacturier qui utilisent des produits finis dans leur production. Par exemple, la
Communauté d’Afrique de l’Est applique un tarif extérieur commun de 10 % au clinker, qui sert à
la fabrication du ciment. Le fait que certains produits sensibles et facteurs de production ne sont
pas disponibles en quantités suffisantes et se voient appliquer des droits de douane élevés limite
la compétitivité. Dans le cadre des négociations tarifaires actuellement menées sur les produits
sensibles, le choix des marchandises qui figureront dans les listes des concessions tarifaires ou en
seront exclues devrait être effectué selon une démarche rationnelle et empirique.
Sources : African Development Bank, 2019a ; Argent and Begazo, 2015 ; Bünder, 2018 ; Karingi et al., 2016 ;
Shinyekwa et al., 2016.
129
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 24
Obstacles rencontrés par les entreprises exportatrices africaines
(En pourcentage)
Accès au financement
Accès à la terre
Permis d'exploitation
Corruption
Tribunaux
Crimes, vols et troubles de l'ordre public
Procédures douanières et réglementation commerciale
Pénurie d'électricité
Manque de compétences
Réglementation du travail
Instabilité politique
Pratiques de la concurrence dans le secteur informel
Administration fiscale
Taux d'imposition
Transport
0 5 10 15 20 25
Croissance inclusive Croissance non inclusive
Source : Calculs de la CNUCED, d’après les données issues des enquêtes de la Banque mondiale auprès des
entreprises (plusieurs années).
Note : La période considérée s’étend de 2006 à 2020, dernière année pour laquelle des données sont disponibles. La
classification des pays à croissance inclusive et des pays à croissance non inclusive reprend les listes établies dans
les tableaux 1 et 2 (voir le chapitre 1). Les pays à croissance inclusive absolue n’ont pas été pris en considération.
130
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
L’importance des obstacles rencontrés diffère selon la taille des entreprises. Cette
différence est particulièrement notable dans le cas des taux d’imposition et du manque de
main-d’œuvre qualifiée, qui sont bien plus problématiques pour les grandes entreprises.
Ces inégalités entre les entreprises ont encore été aggravées par la pandémie de
COVID-19. En avril-août 2020, la Banque mondiale a réalisé une série d’enquêtes sur
les conséquences de la pandémie auprès d’entreprises de 18 pays africains, qui fait
état de la fermeture d’un quart des entreprises interrogées et d’une sérieuse chute des
ventes pour d’autres. Les baisses des ventes ont été plus marquées pour les entreprises
des secteurs de l’hébergement et de la restauration (74 %), de la fabrication de produits
alimentaires (63 %), des services de transport et de stockage (56 %) et des services à
la personne (54 %). Elles ont en outre été plus importantes pour les petites entreprises
(- 50 %) que pour les grandes (- 39 %) (Arezki et al., 2021).
De même, une étude conjointe réalisée en Afrique en avril 2020 par la Commission
économique pour l’Afrique et le cabinet International Economics Consulting, auprès de
76 microentreprises, 59 petites entreprises, 42 moyennes entreprises et 33 grandes
entreprises, montre que les petites entreprises ont été les plus durement touchées par
la pandémie. Alors que le taux d’utilisation des capacités productives était de 50 %
à 60 % dans les grandes entreprises, il avait dû être limité à 30 %-40 % en moyenne
dans les petites entreprises. Pour les microentreprises et les petites et moyennes
entreprises interrogées, les principales difficultés étaient de faire face au manque
de recettes et de bénéfices et de survivre à la pandémie. De leur côté, les grandes
entreprises mentionnaient la restriction des possibilités de rencontrer de nouveaux
clients et l’évolution des stratégies commerciales. Ces observations sont en accord
avec les difficultés qui avaient déjà été signalées avant la pandémie, le manque d’accès
au financement étant un bien plus grand problème pour les petites entreprises que
pour les grandes (Economic Commission for Africa and International Economics
Consulting, 2020). Pendant la pandémie, les entreprises ont eu de plus en plus recours
aux technologies numériques pour la fourniture de services et l’accès à l’information
commerciale. Cependant, la proportion des entreprises qui se sont mises à utiliser les
technologies numériques n’a été que de 22 % en Afrique, contre 32 % dans les autres
pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire (Arezki et al., 2021).
Diverses études (par exemple, Beall and Piron, 2005 ; De Haan, 1999) montrent que
certains groupes sont systématiquement défavorisés, notamment du fait de leur sexe,
de leur classe sociale et de leur origine ethnique, et que leur exclusion va de pair avec
différentes dimensions de la pauvreté telles que la détérioration du capital social, la
vulnérabilité et la privation des capacités (Adera et al., 2014). En ce qui concerne
131
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
l’inégalité des sexes, l’indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique rend compte d’une
représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans l’éducation et l’emploi,
mais témoigne surtout d’une tendance croissante à affaiblir la législation visant à
lutter contre la violence faite aux femmes, ce qui est très préoccupant. Les pays qui
obtiennent une note plus élevée que les autres pour leurs politiques sur le genre ont
généralement une croissance inclusive, ce qui met en évidence le rôle important joué
par les institutions dans l’inclusivité de la croissance. Il convient de recueillir des données
comparables sur les cadres juridiques de lutte contre la discrimination et d’analyser les
éléments qui montrent que les lois qui protègent les minorités contre la discrimination
contribuent à la croissance et à l’activité économique parmi les groupes vulnérables
(Panter et al., 2017).
40
Par politique industrielle on entend les mesures actives de soutien adoptées par l’État pour stimuler les
capacités productives et le développement dans des secteurs importants, en particulier ceux où les liaisons
en amont et en avant sont fortes.
132
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
133
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Tableau 9
Projets d’investissement étranger direct annoncés par secteur et branche, 2016-2020
(En pourcentage)
Projets en Afrique Investisseurs africains
Branche
2016 2017 2018 2019 2020 2016 2017 2018 2019 2020
Secteur manufacturier 19,57 24,32 42,87 42,88 29,20 53,33 52,33 33,42 57,84 13,50
Alimentation, boissons et tabac 0,88 2,18 6,04 3,18 4,76 1,54 2,32 0,28 2,33 1,59
Chimie et produits chimiques 5,04 7,71 14,47 8,03 3,53 41,97 20,36 13,80 30,78 0,32
Coke et produits pétroliers raffinés 5,18 1,70 8,41 10,03 7,98 0,00 0,16 0,00 11,72 0,00
Produits pharmaceutiques et médicaux 0,42 0,35 0,30 0,72 0,33 1,55 2,01 0,73 0,60 1,30
Secteur primaire 4,23 12,36 22,09 3,67 4,76 0,00 0,00 0,48 0,94 0,00
Agriculture, sylviculture et pêche 0,13 0,13 0,32 0,25 0,98 0,00 0,00 0,45 0,00 0,00
Extraction et carrières 4,11 12,24 21,77 3,43 3,78 0,00 0,00 0,03 0,94 0,00
Services 76,20 63,32 35,04 53,45 66,04 46,67 47,67 66,11 41,22 86,50
Construction 16,77 6,34 6,20 12,43 1,42 19,54 3,44 15,68 0,71 1,86
Éducation 0,11 0,04 0,07 0,34 0,49 0,70 0,06 0,07 0,25 1,12
Électricité, gaz et vapeur 15,97 43,00 7,41 13,27 18,32 0,23 0,45 7,47 8,43 12,50
Activités financières et assurance 0,77 0,88 0,98 2,73 2,37 5,39 13,52 10,04 8,26 6,33
Santé humaine et activités sociales 0,02 0,00 0,01 0,05 0,58 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00
Technologies de l’information et
2,19 2,56 5,09 6,02 30,90 8,15 12,49 14,82 15,07 57,42
de la communication
Transport et stockage 15,09 7,13 6,75 7,01 4,41 7,28 9,76 5,52 1,76 1,71
Total (en millions de dollars) 93 841 86 516 77 104 77 061 28 997 10 935 5 507 8 885 12 056 6 131
Source : Calculs de la CNUCED, d’après des données provenant du Financial Times (voir https://www.fdimarkets.com/).
des investissements qui contribueraient à une croissance inclusive, avec l’aide de leurs
partenaires de développement. Les accords d’investissement jouent un rôle crucial, au
niveau bilatéral et régional, dans les dispositions réglementant l’investissement et dans
l’obligation qu’ont les investisseurs de veiller au développement durable. Toutefois,
seuls 141 des 733 accords bilatéraux d’investissement (à l’exclusion des autres accords
d’investissement) signés jusqu’en 2020 par des pays d’Afrique étaient des accords
134
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Des accords régionaux d’investissement ont certes vu le jour dans certaines CER, mais
le fait que des États sont membres de plus d’une CER rend inefficace et complexe
toute harmonisation des règles. Des exemples d’accords et d’instruments régionaux
d’investissement sont l’Accord d’investissement de la Zone commune d’investissement
du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (non encore en vigueur), l’Acte
41
Voir le navigateur sur les accords internationaux d’investissement à l’adresse https://unctad.org/topic/
investment/international-investment-agreements.
135
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
42
Voir https://unctad.org/webflyer/international-investment-agreements-reform-accelerator.
136
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
43
Les travaux de recherche sur l’étude consacrée au lien existant entre les obstacles à l’entrée et la croissance
inclusive font partie intégrante d’un programme de recherche du Centre de la concurrence, de la réglementation
et du développement économique de l’Université de Johannesburg, qui vise à recommander des mesures qui
facilitent l’entrée et favorisent la concurrence dans différents secteurs de l’économie sud‑africaine, contribuant
ainsi à une croissance inclusive (Banda et al., 2015).
137
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
transport et de distribution sont souvent évoquées comme une raison expliquant que
le coût des transports infranationaux est souvent plus élevé que celui des transports
internationaux dans de nombreux pays (Kunaka, 2011 ; World Bank and OECD, 2017).
L’un des divers mécanismes par lesquels la concurrence influe sur la productivité et sur
la croissance des exportations est celui de l’innovation et du progrès technologique.
Lorsque l’on évalue l’impact d’une concurrence grandissante sur les exportations, on
peut mesurer la compétitivité entre les secteurs grâce à l’indice de Herfindahl‑Hirschman,
dont la valeur est d’autant plus élevée que la concurrence est faible (Bubuscu et al,
2019)44. Il existe une relation non linéaire entre le renforcement de la concurrence et la
44
Les données proviennent de la base de données sur la dynamique des exportations et portent sur 31 pays
en développement. La base de données calcule l’indice de Herfindahl-Hirschman à partir de la valeur des
exportations par entreprise.
138
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
croissance des exportations : dans les secteurs très concurrentiels, les exportations
augmentent en même temps que la concurrence s’accroît, alors que dans les
secteurs moins concurrentiels, il existe une corrélation positive entre les exportations
et une concentration accrue du marché (Babuscu et al., 2019). Sur des marchés déjà
concurrentiels, les entreprises sont obligées d’être efficaces afin de survivre. Lorsqu’il y
a plus d’entrants, les entreprises doivent rester très efficaces et bien gérer leurs activités.
Puisqu’elles sont plus productives, les entreprises peuvent pénétrer des marchés
étrangers et exporter. Par contre, dans les secteurs où le taux de concentration est
élevé, les exportations sont tirées par les économies d’échelle et les avantages que
ces dernières procurent à chaque entreprise risquent d’être rognés sous l’effet d’une
concurrence accrue, ce qui se traduirait par une baisse des exportations. Si l’on regarde
secteur par secteur, il ressort que dans le secteur de l’alimentation, l’accroissement
de la concurrence favorise l’exportation même à des degrés élevés de concentration
(Babuscu et al., 2019). Cette relation non linéaire implique qu’il faut adopter une politique
de concurrence différenciée. Pour les branches capitalistiques comme l’automobile et la
mécanique, l’objectif de la politique de concurrence pourrait ne pas être d’accroître la
concurrence dans le secteur ou de prévenir tous les types de fusion. Au contraire, étant
donné que le coût des investissements et le niveau technologique exigé sont plus élevés,
une plus grande concentration de l’activité économique peut favoriser l’exportation.
139
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
En 2021, 25 pays africains appliquaient des lois sur la concurrence et disposaient
d’autorités de la concurrence fonctionnelles ; huit pays avaient adopté une loi,
quatre avaient un droit sur la concurrence avancé et 18 n’avaient pas adopté de loi
ou en étaient aux prémices de l’élaboration d’une loi. Les politiques nationales de
concurrence ont une portée territoriale (Economic Commission for Africa et al., 2017).
L’approche continentale sur laquelle repose le protocole sur la concurrence de la Zone
de libre-échange continentale africaine donne la possibilité de s’attaquer aux pratiques
anticoncurrentielles des entreprises nationales et des entreprises étrangères qui
touchent les marchés africains (Gachuiri, 2020). Comme l’illustre le tableau 10, il existe
45
Voir https://unctad.org/news/defending-competition-markets-during-covid-19.
140
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Tableau 10
Cadres régionaux régissant la concurrence
Communauté économique Loi ou institution Mise en
Cadre juridique
régionale régissant la concurrence application
Les décisions de l’autorité régionale
sont juridiquement contraignantes
Entrées en vigueur pour les pays partenaires lorsque les
Élaboration de dispositions en 1999 pratiques anticoncurrentielles influent
Communauté économique et sur la concurrence et d’une sur le commerce entre ces pays
monétaire de l’Afrique centrale loi sur la concurrence et sur la Modifiées en 2019
protection des consommateurs pour créer une autorité Les hommes et les femmes sont
régionale représentés de manière équilibrée dans
le conseil d’administration de l’autorité
régionale
Opérationnelle en 2012
Le tribunal du Marché commun de
Marché commun de l’Afrique Jurisprudence sur les l’Afrique orientale et australe s’occupe
Commission de la concurrence
orientale et australe fusions-acquisitions du règlement des différends
internationales
Les décisions de l’autorité de la
concurrence sont juridiquement
Opérationnelle en 2018 contraignantes pour les pays
Discussions ad hoc partenaires
Communauté d’Afrique de l’Est Autorité de la concurrence depuis 2015 Absence de mise en application des
Aucune demande lois nationales sur la concurrence
officielle de fusion (seuls le Kenya et la République-Unie
de Tanzanie possèdent des autorités
nationales de la concurrence)
Communauté économique des Autorité régionale de la
Opérationnelle en 2018
États de l’Afrique de l’Ouest concurrence
Aucune autorité régionale de la
concurrence
Le Traité portant création de la
Communauté de développement Communauté de développement
de l’Afrique australe de l’Afrique australe prescrivait
de mettre en place un réseau de
coopération, à savoir le Comité
de coopération
Les dispositions relatives à
la concurrence prévoient des Les décisions de l’autorité régionale
Union économique et monétaire Entrées en vigueur
aides publiques qui influent sur sont juridiquement contraignantes pour
ouest-africaine en 2002
la concurrence dans le marché les pays partenaires
commun
Source : CNUCED, d’après Gachuiri, 2020.
141
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
142
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
des accords anticoncurrentiels tels que les ententes, les fusions et les abus de position
dominante, les politiques nationales poursuivies prennent en compte l’intérêt public de
manière différente dans l’analyse des fusions. À ce jour, bien que 50 % des accords
commerciaux prévoient l’obligation d’interdire les abus de pouvoir sur le marché, la
plupart de ces accords excluent les dispositions relatives à la concurrence du règlement
des différends, ce qui remet en cause l’efficacité de ces dispositions. Compte tenu de
l’interaction entre les politiques de commerce, d’investissement et de concurrence, il
est essentiel d’instaurer un mécanisme de règlement des différends afin de garantir la
cohérence entre les protocoles.
3.7 Conclusions
Compte tenu des possibilités de renforcer le commerce régional et de rendre le
commerce plus complémentaire qui sont recensées dans le présent chapitre, les pays
africains peuvent tirer parti des débouchés commerciaux encore inexplorés en atténuant
les tensions commerciales. Les exportations potentielles sont estimées à 8,6 milliards
de dollars et le gain dynamique potentiel dû à l’augmentation de l’offre et de la demande
à 13,3 milliards de dollars d’ici à 2025. Si l’on procédait à une libéralisation tarifaire
partielle dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine au cours
des cinq prochaines années, les exportations potentielles supplémentaires pourraient
s’élever à 9,2 milliards de dollars. Pour tirer parti de ce potentiel, il faut lever divers
obstacles non tarifaires, notamment ceux qui ont trait aux mesures tarifaires, aux déficits
d’infrastructure et au manque d’informations sur les marchés, ce qui exige des efforts
concertés dans le cadre de la Zone de libre-échange. Les obstacles réglementaires et
structurels à l’entrée sur les marchés entravent grandement une diversification accrue
des exportations des pays et des entreprises.
Les contraintes commerciales sont différentes selon les entreprises, qui n’ont pas
accès, dans des conditions d’égalité, aux intrants et aux ressources productives.
Ces distorsions de marché en matière d’égalité d’accès sont le principal obstacle à
une croissance inclusive. La libéralisation des services joue un rôle stratégique dans
la réduction des coûts relatifs au commerce, aux transactions et à la production. La
Zone de libre-échange continentale africaine peut apporter des solutions aux différentes
contraintes qui empêchent une répartition égale des gains, mais il faut pour cela instaurer
une coopération à long terme dans les politiques d’investissement et de concurrence et
faire preuve d’une volonté politique forte. Les questions de mise en œuvre qui se posent
sont examinées au chapitre 4.
143
Chapitre 4
Un cadre intégré et des
mesures commerciales
à moindre coût
Comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents, la
Zone de libre‑échange continentale africaine peut encourager
la relance postpandémie et la croissance inclusive sur
l’ensemble du continent grâce à la création d’emplois, à
l’ouverture de débouchés et à la promotion de chaînes
de valeur régionales pour le commerce des biens et des
services. Si sa mise en œuvre s’accompagne de politiques
appropriées, elle peut contribuer à créer un environnement
favorable permettant aux petits commerçants et aux
entreprises souvent marginalisées de bénéficier de conditions
équitables lorsqu’ils produisent des biens et des services et
les échangent sur les marchés intra‑africains. Il est possible
de mettre la Zone de libre‑échange continentale africaine au
service de l’inclusivité, mais les avantages examinés dans
les chapitres précédents ne peuvent se matérialiser que si
les réformes commerciales et les mesures complémentaires
nécessaires sont appliquées de manière efficace tout
en réduisant autant que possible les coûts de mise en
conformité. Le caractère multidimensionnel de l’Accord
donne à penser que, pour y parvenir, il faudra coopérer afin
d’exploiter au mieux les synergies entre les différentes parties
prenantes, ce qui supposera de mener les réformes d’une
façon intégrée qui garantira non seulement la cohérence des
cadres directifs et réglementaires régionaux et nationaux
mais aussi l’alignement sur les objectifs multilatéraux.
Pour être inclusive, la Des mesures
Zone de libre-échange complémentaires
continentale africaine et des dispositions
doit reposer sur des différenciées
doivent être appliquées
partenariats aux niveaux national
et régional
POUR CERTAINES
PARTIES PRENANTES
COMME
LES ENTREPRISES
DÉTENUES PAR
DES FEMMES
147
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
renforcer la confiance des consommateurs et, partant, à réduire les coûts de transaction.
Toutefois, il entraîne souvent des coûts et des contraintes, en particulier pour les
petites et moyennes entreprises aux ressources limitées. Pour mettre les mesures non
tarifaires au service d’une croissance durable, il est essentiel de réduire les coûts liés
au respect de ces mesures en veillant à la transparence et à l’harmonisation des règles
commerciales. D’autres mesures de facilitation du commerce, prévues par les accords
commerciaux régionaux, peuvent contribuer à augmenter les courants d’échanges
(Disdier et al., 2019 ; Duval et al., 2016). La coopération en matière de réglementation
peut ainsi permettre d’harmoniser les mesures non tarifaires et de réduire les coûts liés
au respect de ces mesures.
En Afrique, les difficultés liées aux mesures non tarifaires sont aggravées par le
chevauchement des régimes commerciaux et l’hétérogénéité des règles, plusieurs
pays étant membres de plus d’une CER. Cette situation fait qu’il est coûteux de se
plier aux règles commerciales et pèse sur les échanges intracommunautaires (Chacha,
2014 ; Keane et al., 2010). Les CER s’emploient actuellement à harmoniser leurs règles
148
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
La mise en œuvre des réformes commerciales varie beaucoup d’un pays africain à l’autre.
En 2019, des données ont été recueillies à ce sujet au moyen d’enquêtes régionales et
nationales et les taux de mise en œuvre ont été calculés sous la forme d’indices à l’aide
de plusieurs indicateurs rendant compte des engagements pris dans le cadre de l’Accord
de l’OMC sur la facilitation des échanges et de plusieurs autres mesures, notamment
celles en faveur du commerce sans papier transfrontalier ; les indicateurs relatifs aux
mesures de facilitation du commerce axées en particulier sur l’inclusivité et la durabilité
portaient sur les petites et moyennes entreprises, le commerce agricole et la participation
des femmes au commerce (United Nations, 2019). Les mesures globales de facilitation du
commerce, y compris les mesures générales et numériques, sont regroupées dans les cinq
catégories suivantes (fig. 25) : a) commerce sans papier transfrontalier (dans les enquêtes,
cette catégorie comprenait les lois et règlements relatifs aux transactions électroniques,
l’encaissement électronique de paiements par lettres de crédit, l’échange électronique
de certificats sanitaires et phytosanitaires, l’émission de certificats numériques par une
autorité de certification reconnue et l’échange électronique de déclarations en douane) ;
149
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
150
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Figure 25
Taux moyen d’application des mesures de facilitation du commerce, 2019
Monde 36 61 68 73 77
Zimbabwe 11 48 78 58 40
Zambie 39 56 89 63 73
Tunisie 50 74 100 79 67
Togo 44 56 56 67 73
République-Unie de Tanzanie 22 48 67 50 67
Soudan 44 67 100 79 67
Soudan du Sud 00 56 42 33
Somalie 0 11 67 33 53
Sierra Leone 22 48 44 67 73
Sénégal 56 52 56 75 67
Namibie 6 67 89 75 73
Mozambique 17 70 33 58 53
Maroc 78 89 67 96 93
Maurice 44 78 67 92 100
Mauritanie 11 41 44 38 20
Malawi 50 59 89 67 80
Madagascar 0 37 44 46 33
Guinée-Bissau 11 30 44 54 53
Guinée 22 33 67 67 40
Gabon 11 11 33 29 7
Éthiopie 0 19 56 75 73
Égypte 17 37 56 67 47
Congo 39 44 78 71 67
Côte d’Ivoire 6 74 44 75 53
Comores 0 30 22 54 53
Cameroun 50 48 78 71 47
Botswana 11 41 89 83 80
Commerce sans papier transfrontalier Commerce sans papier Dispositifs institutionnels et coopération
Formalités Transparence
Source : Calculs de la CNUCED, d’après United Nations, 2019.
151
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
152
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
L’allégement des processus commerciaux, qui passe notamment par le recours à des
mesures non tarifaires simplifiées, efficaces et peu coûteuses, ne peut que partiellement
contribuer à libérer la production et le potentiel du commerce intra-africain. Il est
également essentiel de bâtir des infrastructures physiques, y compris des couloirs
de développement (par exemple, dans les domaines des transports, du commerce,
de l’agriculture et de l’industrie), qui faciliteront les activités de développement
socioéconomique. Même si certains progrès ont été enregistrés ces dernières années,
153
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
154
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
entre 20 % et 50 %, avec une plus grande prévalence dans l’industrie manufacturière
légère, comme les secteurs de l’habillement et de l’assemblage électronique (UNCTAD,
2021b). Les règles applicables aux marchandises produites dans ces zones, telles que
les règles d’origine, font actuellement l’objet de négociations.
4.2.1 Un cadre directif intégré pour des résultats qui profitent à tous :
comment et pourquoi ?
La Zone de libre-échange continentale africaine est de nature multidimensionnelle et
transversale. L’Accord portant sa création couvre un large éventail de questions relatives
au développement en Afrique, depuis le commerce des marchandises et des services
et l’industrialisation jusqu’à l’investissement, la politique de la concurrence, les droits
de propriété intellectuelle ou encore le commerce électronique. Il tient aussi compte de
thèmes essentiels, comme ceux du genre et du commerce, de la santé publique, de la
sécurité, de l’environnement, de la moralité publique et de la promotion et protection
de la diversité culturelle. Pour que les objectifs communs puissent être atteints, il
convient de créer des synergies, par le renforcement mutuel des intérêts publics et
l’intervention des différentes entités compétentes. Cela suppose qu’un cadre intégré
garantisse la cohérence des politiques et la coordination entre les différentes entités,
de façon à traduire une forte volonté de développement. La cohérence des politiques
est primordiale pour pouvoir tirer parti de la zone de libre-échange. De fait, il arrive que
155
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
des pays choisissent de servir leurs intérêts propres, en protégeant leurs industries,
et compromettent ainsi les efforts d’intégration régionale. Dans la Communauté de
développement de l’Afrique australe, par exemple, la mise en œuvre du programme
d’intégration régionale a été entravée par les politiques commerciales et industrielles
divergentes appliquées par certains pays membres. Bien qu’ils se fussent engagés
à mener à bien le programme d’industrialisation régionale, ces pays ont eu recours à
des mesures non tarifaires pour protéger leurs industries et ont notamment interdit les
importations et les exportations de produits tels que le ciment, le maïs, les volailles, le
sel, le sucre et le bois d’œuvre à l’intérieur de la communauté de développement (Byiers
et al., 2018). Dans certains cas, les pays justifient l’adoption de telles mesures par la
nécessité de préserver des industries naissantes. Afin que les États parties à l’Accord
portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine puissent répondre à
cette nécessité, le protocole sur le commerce des marchandises les autorise à exclure
jusqu’à 3 % des lignes tarifaires du programme de libéralisation. Cependant, les États
parties devraient s’abstenir de mettre en place des politiques nationales ou toutes autres
mesures qui pourraient limiter le commerce intra-africain. Il convient d’ajouter que les
flux commerciaux intracontinentaux sont aussi freinés par les fréquentes fermetures des
frontières, décidées à la suite de différends commerciaux ou pour des raisons autres que
commerciales (voir la section 4.4). Or, la Zone de libre-échange continentale africaine ne
pourra pas porter ses fruits si des politiques nationales et des tensions commerciales
continuent de nuire à l’intégration régionale.
156
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
157
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Encadré 9
Mécanisme en ligne de signalement, de suivi et d’élimination des obstacles non tarifaires
Conformément à l’annexe 5 du protocole sur le commerce des marchandises de l’Accord portant
création de la Zone de libre-échange continentale africaine, un mécanisme de signalement, de suivi
et d’élimination des obstacles non tarifaires a été élaboré sous la forme d’un portail Web, par la
Commission de l’Union africaine et le secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine,
en collaboration avec la CNUCED, afin que les entreprises puissent rendre compte des obstacles
non tarifaires qu’elles rencontrent et que ceux-ci soient levés. La page d’accueil du portail Web est
reproduite ci-après.
158
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Source : Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine, 2021, Obstacles non
tarifaires, disponible à l’adresse https://tradebarriers.africa/ (date de consultation : 9 juillet 2021).
Le mécanisme en ligne propose un moyen innovant de traiter les mesures non tarifaires qui peuvent
être perçues, à tort ou à raison, comme des obstacles au commerce. Par sa nature numérique, il est
facilement accessible aux petites entreprises, y compris aux entreprises gérées par des femmes et
aux commerçants transfrontaliers informels, ce qui permet d’effectuer un recensement et un suivi des
obstacles non tarifaires de manière transparente et ouverte. Il est possible de déposer une plainte,
depuis le portail Web ou par SMS, directement ou par l’intermédiaire des points focaux nationaux
pour les mesures non tarifaires. Une notification est ensuite envoyée aux points focaux des pays
partenaires, qui se chargent de déterminer la nature de l’obstacle non tarifaire qui leur a été signalé.
Si la plainte est jugée recevable, il lui est donné suite jusqu’à l’élimination de l’obstacle non tarifaire.
Cela peut nécessiter l’intervention de mécanismes de règlement des différends (voir la section 4.4).
Source : CNUCED.
46
Voir https://www.tradebarriers.org.
159
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 26
Plateforme en ligne sur les obstacles non tarifaires dans la zone de libre-échange tripartite,
janvier 2009-janvier 2021
Subventions à l'exportation
Questions de transit
Corruption
Licences d'importation
Droits et prélèvements internationaux à l'importation
et autres mesures tarifaires
Manque de coordination entre les institutions publiques
Restrictions quantitatives
Restrictions à l'exportation
Autres
Il faut souvent beaucoup de temps pour lever des obstacles au commerce. Par
exemple, dans la zone de libre-échange tripartite, le délai nécessaire s’étend de 46
à 2 082 jours (fig. 27). La résolution des problèmes liés aux règles d’origine, qui sont
parmi les mesures perçues comme des obstacles non tarifaires les plus fréquemment
160
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Figure 27
Zone de libre-échange tripartite : Obstacles non tarifaires les plus fréquemment signalés
et délai nécessaire pour leur élimination, janvier 2009-janvier 2021
4 000 90
3 000 70
60
2 500
50
2 000
40
1 500
30
1 000 20
500 10
0 0
Problèmes Lenteur et Montant élevé Subventions Questions Autres impôts, Obstacles Politiques Inadéquation Inadéquation
liés aux coût élevé des des taxes et à l'exportation de transit taxes et droits techniques publiques et des ou caractère
règles procédures de redevances au commerce réglementation infrastructures déraisonnable
d'origine dédouanement routières et mesures commerciales des procédures
sanitaires et et charges
phytosanitaires douanières
Source : Calculs de la CNUCED, d’après les données de la plateforme en ligne sur les obstacles non tarifaires
dans la zone de libre-échange tripartite.
161
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
(Economic and Social Commission for Asia and the Pacific and UNCTAD, 2019). La
CNUCED propose un dispositif en cinq étapes pour examiner et évaluer l’efficacité des
mesures non tarifaires dans les États parties à l’Accord, en complément de mesures
inclusives (encadré 10).
Encadré 10
Évaluation de l’efficacité des mesures non tarifaires : le dispositif en cinq étapes
de la CNUCED
La CNUCED a proposé un dispositif d’évaluation de l’efficacité des mesures non tarifaires en cinq
étapes, qui consiste à comprendre les caractéristiques des mesures non tarifaires, la manière
dont ces mesures sont mises en œuvre et les difficultés que les producteurs et les commerçants
rencontrent lorsqu’ils cherchent à s’y conformer.
Sélection des
produits et Recensement Participation Analyse des Conséquences
inventaire des parties des parties contributions et options
des mesures prenantes prenantes des parties
non tarifaires (4 niveaux) prenantes
Source : CNUCED.
162
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
163
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
164
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
cadre intégré à l’intention des États membres qui, en appuyant les interventions et en
renforçant les capacités, aide les entreprises, en particulier les petites et moyennes
entreprises, à se placer sur les nœuds de la chaîne de valeur régionale, d’amont en aval
(UNCTAD, 2018b). Cette stratégie a permis d’ajouter de la valeur à la transformation
des produits en cuir dans la région (Byiers et al., 2018).
165
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 28
Proposition d’organisation du comité national
Démarche basée sur la consultation des différentes parties prenantes, depuis la négociation
de l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine
jusqu’aux phases de sa mise en œuvre et du suivi de son application
Source : CNUCED.
166
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
comités nationaux doivent donc accorder une plus grande attention à ces questions et
aussi faire en sorte que les réformes menées dans le cadre de l’Accord portant création
de la Zone de libre-échange continentale africaine soient inclusives, aux étapes de leur
conception, de leur mise en œuvre et de leur suivi. Un exemple de cadre institutionnel
inclusif est présenté dans l’encadré 11.
Encadré 11
Le cadre institutionnel de la Zone de libre-échange continentale africaine en Côte d’Ivoire
Par décret présidentiel daté de mai 2018, un comité national a été créé en vue d’assurer la coordination
et le suivi de la mise en œuvre de l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale
africaine. Financé sur le budget national et les contributions des partenaires de développement, ce
comité est placé sous la tutelle du Premier Ministre et se compose des trois organes suivants :
a) Le conseil d’orientation et de décision, composé du Premier Ministre, des ministres concernés
et des présidents des chambres de commerce et des confédérations professionnelles, est
l’organe suprême du comité national et décide des stratégies de négociations et des mesures
nécessaires à la mise en œuvre de l’Accord ;
b) Le comité technique, présidé par le Ministre du commerce et de l’industrie et composé
de hauts représentants des ministères et des institutions représentées dans le conseil
d’orientation et de décision ainsi que d’associations de producteurs, de commerçants et
de consommateurs et des directeurs généraux de différents organes publics. Il définit les
interventions stratégiques, propose des mesures au conseil d’orientation et de décision, mène
des activités de sensibilisation et de formation de consensus sur la Zone de libre-échange
continentale africaine au niveau national. Il dispose de plusieurs groupes techniques de travail,
chacun chargé d’une question relevant de l’Accord ;
c) Le secrétariat exécutif, dirigé par un secrétaire exécutif, est l’organe de gestion technique,
financière et administrative du comité national. Il est notamment chargé de diffuser les
décisions prises par le Gouvernement dans le cadre de l’Accord, de coordonner la mise en
œuvre des activités liées à l’Accord, y compris les activités des groupes techniques de travail,
et d’élaborer les plans de travail annuels du comité national.
Le comité national ivoirien présente une structure multidimensionnelle, qui témoigne d’un
engagement de haut niveau en faveur de l’Accord.
Source : CNUCED, d’après les données communiquées par le secrétariat exécutif du comité national ivoirien.
167
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
168
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
169
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
170
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
dans un protocole sur le commerce électronique, pourrait les aider à établir un cadre
réglementaire harmonisé, qui faciliterait le développement numérique du continent et
son entrée dans l’arène du commerce mondial. Il s’agit là d’une étape essentielle pour
bâtir une économie numérique florissante dans les pays d’Afrique, étant donné que le
commerce électronique peut créer de nombreux emplois et profiter grandement aux
petites et moyennes entreprises, en particulier aux entrepreneuses, que les normes
sociales et les obligations familiales peuvent avoir tenues à l’écart du marché du travail
(International Trade Centre and World Economic Forum, 2019).
Plusieurs membres d’unions douanières au sein desquelles les biens peuvent circuler
librement ont décidé unilatéralement de conclure des accords commerciaux avec
d’autres pays, qui ne font pas partie de cette union. Ainsi, le Cameroun, membre de
la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, et la Côte d’Ivoire et
le Ghana, membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest,
171
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
172
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Des mesures complémentaires et ciblées doivent être prises pour aider les acteurs des
secteurs vulnérables à se faire une place sur les marchés mondiaux et régionaux. Pour
soutenir les industries locales, les pays d’Afrique peuvent mettre à profit les politiques
173
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Figure 29
Afrique : versements effectués au titre de l’initiative Aide pour le commerce par secteur
(En millions de dollars constants de 2018)
10 000 20 000
9 500
9 000 18 000
8 500
8 000 16 000
7 500
7 000 14 000
6 500
6 000 12 000
5 500
5 000 10 000
4 500
4 000 8 000
3 500
3 000 6 000
2 500
2 000 4 000
1 500
1 000 2 000
500
0 0
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
174
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
175
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
au sein des CER ne veut pas dire qu’il n’y a pas de différend commercial puisque
des différends existent bien entre les États africains membres de CER. En 2019-2020
par exemple, plusieurs fermetures de frontières contrevenaient directement aux traités
instituant les CER concernées et les différends qui étaient survenus avaient eu des
incidences directes néfastes sur le commerce intrarégional, touchant en particulier les
petits producteurs et commerçants (encadré 12).
Encadré 12
Les perturbations récentes du commerce au sein des communautés économiques
régionales
En 2019, à la suite de tensions survenues entre le Kenya et la Somalie (membres du Marché commun
de l’Afrique orientale et australe), le premier a interdit tout commerce transfrontalier avec le second.
En décembre 2020, la Somalie a interrompu ses relations diplomatiques avec le Kenya. L’interdiction
a surtout touché les cultivateurs kényans de khat, dont les exportations à destination de la Somalie
dépassaient généralement 400 000 dollars par jour. En janvier 2021, la Somalie a levé l’interdiction
d’importer du Khat. Le mécanisme de règlement des différends du Marché commun permet à la Cour
de justice de se prononcer, mais aucun des deux États ne l’a saisie.
En 2019-2020, le service des douanes du Nigéria a annoncé la fermeture des frontières terrestres,
suspendant dans les faits la libre circulation des marchandises, afin de réduire la contrebande de riz
et d’armes. Cette fermeture a touché le commerce transfrontalier de plusieurs denrées alimentaires
de base, notamment le poulet, le riz, le sucre et les tomates, et a pesé sur les commerçants
transfrontaliers du Bénin et du Togo, dont les revenus dépendent de la vente dans le pays voisin
de produits alimentaires et qui bénéficient d’avantages commerciaux en vertu du traité de la
Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest.
En 2019, les tensions politiques entre le Rwanda et l’Ouganda (membres de la Communauté
d’Afrique de l’Est et du Marché commun de l’Afrique orientale et australe) ont débouché sur des
fermetures répétées de frontières. Le Rwanda est le cinquième marché d’exportation de l’Ouganda
et les interruptions des échanges se sont traduites par plus de 400 millions de dollars de pertes pour
les exportateurs ougandais ; les fermetures des frontières ont eu un impact direct sur les fabricants
de ciment, de matériaux de toiture et d’acier. En février 2020, les chefs d’État des deux pays ont
consenti à rouvrir les frontières et à stabiliser les relations.
Sources : Africa News, 2019 ; BBC News, 2016 ; Foreign Policy, 2016 ; Kenyan Tribune, 2019 ; Nantulya, 2019 ;
The East African, 2021 ; Voice of America News, 2019.
176
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
177
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
et des services. Des négociations sont en cours concernant les questions à aborder
dans la phase II (investissement, droits de propriété intellectuelle et concurrence) et
dans la phase III (commerce électronique) ; on ne sait donc pas exactement comment
le mécanisme sera utilisé pour traiter ces questions. En outre, l’Accord (art. 20 1))
et le protocole (art. 3 1)) s’appliquent, sur le plan juridique, exclusivement aux États
membres, ce qui veut dire que le secteur privé et les particuliers ne peuvent pas faire
examiner leur recours par un groupe spécial et que les acteurs non étatiques doivent
par conséquent s’en remettre entièrement à leur gouvernement pour que celui-ci initie
pour leur compte une procédure de règlement d’un différend commercial. Il y a trois
étapes dans le processus formel de règlement des différends dans le cadre de la
Zone de libre-échange, à savoir (fig. 30) : les consultations entre parties, qui offrent la
possibilité de négocier et de tenter de trouver une solution concertée sans saisir l’organe
de règlement ; l’examen par un groupe spécial, si les consultations n’aboutissent pas
− cette procédure prend la forme d’une audience, pendant laquelle les parties sont
représentées par des avocats et au terme de laquelle le groupe spécial statue, mais
si l’une des parties n’est pas satisfaite de la décision du groupe spécial, elle peut faire
appel auprès de l’organe d’appel, qui réexamine l’affaire et prend une décision finale ; la
mise en application de la décision, qui prévoit notamment la possibilité de prendre des
contre-mesures telles que la suspension des avantages commerciaux conférés par le
traité si la partie perdante n’applique pas la décision prise. À chaque étape, les parties
peuvent, sur la base d’un accord mutuel, recourir à d’autres méthodes de règlement
des différends, tels que les bons offices, la conciliation et la médiation. Le protocole
prévoit qu’une procédure de règlement des différends peut durer un an, à partir de la
demande de consultations et jusqu’à la publication de la décision de l’organe d’appel.
Les parties au différend peuvent convenir de recourir à un tiers désigné comme arbitre
et en notifier le secrétariat de la Zone de libre-échange, auquel cas la sentence arbitrale
doit être appliquée de la même manière que la décision d’un groupe spécial ou de
l’organe d’appel (African Union, 2018b).
Le mécanisme de règlement des différends relevant de l’Accord est calqué sur celui
du mémorandum de l’OMC, mais la structure de l’organe d’appel y a été améliorée.
La structure de l’organe d’appel de l’OMC, qui examine les appels portant sur les
décisions des groupes spéciaux, comporte des éléments qui entravent le règlement des
différends, les États ayant la possibilité de bloquer toute nouvelle nomination (Hoekman
and Mavroidis, 2019). Il en résulte que l’organe d’appel est doté de ressources humaines
insuffisantes pour connaître les appels, ce qui a eu pour effet de paralyser le règlement
des différends (Kugler and Nyaga, 2020). Le protocole à l’Accord permet d’éviter ce
scénario en autorisant le secrétariat et le président de l’organe d’appel à pourvoir les
178
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
Figure 30
Le mécanisme de règlement des différends de la Zone de libre-échange continentale africaine
Bonne
Résolution application Application et/ou compensation
(mise en application de la décision du groupe spécial
du différend
ou de l’organe d’appel par le défendeur)
Application incorrecte et/ou tardive
Mesures de rétorsion
(le plaignant peut être autorisé à suspendre des concessions et d’autres obligations à l’encontre du défendeur)
postes vacants si les États ne peuvent pas arriver à un consensus sur les nominations
(art. 20 6)). Cette disposition innovante permet d’améliorer le processus de l’OMC car
elle garantit qu’il y aura toujours des personnes nommées pour examiner les appels et
statuer en dernier ressort sur les différends. Toutefois, le fait que le protocole n’énonce
pas clairement le type de consensus (positif ou négatif) nécessaire à l’établissement d’un
groupe spécial est potentiellement problématique et pourrait compliquer le processus,
par exemple en incitant le défendeur à bloquer le protocole. En outre, les acteurs du
secteur privé ne sont pas autorisés à soulever un différend commercial les opposant à
un État, ce qui a des incidences à la fois sur les grandes entreprises et sur les petites
et moyennes entreprises. Généralement, les entreprises qui sont financièrement solides
peuvent pousser leur gouvernement à engager une action. Par exemple, le Brésil a
été capable de bien manœuvrer dans la procédure de règlement des différends de
l’OMC grâce aux partenariats solides qu’il a noués avec le secteur privé, lequel joue un
rôle fondamental dans la promotion et la défense des intérêts commerciaux nationaux
(Bahri, 2016). En Afrique, même si les partenariats noués ne sont peut-être pas aussi
179
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
poussés, les États peuvent exploiter les ressources du secteur privé pour renforcer
leur participation au processus. Les petits acteurs, en particulier, peuvent être associés
en étant représentés au sein de structures institutionnelles (par exemple, des comités
nationaux) ou de groupes d’intérêt qui ont la possibilité de nouer des relations avec les
gouvernements grâce à des plateformes publiques ou privées de consultation.
180
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
181
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Il faudrait favoriser des pratiques qui renforcent le règlement des différends fondé sur des
règles et la certitude juridique (Olayiwola, 2020). Les États sont probablement habitués
à prendre directement des mesures de rétorsion sans participer à des processus longs
et coûteux, même dans les CER. Ils devraient être encouragés à recourir aux bons
offices, à la conciliation et à la médiation ou à l’arbitrage jusqu’à ce que leurs problèmes
de capacités soient résolus. Les coûts politiques du règlement des différends peuvent
être évités en permettant aux États de recourir aux méthodes non contradictoires que
sont les bons offices, la conciliation et la médiation, indépendamment des mécanismes
contradictoires. Contrairement au processus des consultations, les approches
diplomatiques devraient résulter d’un accord mutuel entre les États. Elles permettent
aux parties d’accepter ou de rejeter les propositions faites, préservant ainsi leur pouvoir
de décision. Un processus de règlement des différends qui protège la souveraineté et
qui est fondé sur une compréhension mutuelle incite les États à trouver une solution.
Si les approches diplomatiques échouent, les États peuvent recourir à l’arbitrage
ou demander directement l’établissement d’un groupe spécial. Plus les possibilités
de résolution seront nombreuses, plus le processus sera inclusif. L’officialisation de
mécanismes de résolution à l’amiable rendrait le système plus sûr et plus transparent.
La résolution diplomatique d’un différend devrait être notifiée au secrétariat de la même
manière que les sentences arbitrales et les résultats convenus des règlements. Les
modalités sont les mêmes que celles définies pour l’arbitrage au titre du protocole ;
elles peuvent contribuer à ce que la résolution diplomatique des différends soit formelle
182
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
et plus rapide. Cette procédure, qui est bien connue, pèse moins sur les pays dont les
capacités sont restreintes. Enfin, la transition numérique rendrait ces processus plus
rapides, moins coûteux et plus accessibles aux États.
Donner aux petites entreprises les moyens de faire entendre leur voix dans le processus
de règlement des différends
Il est essentiel de donner aux petites et moyennes entreprises, aux entrepreneuses,
aux jeunes entrepreneurs et aux commerçants transfrontaliers informels les moyens,
grâce à des plateformes régionales et nationales, d’appeler collectivement l’attention
sur les pratiques commerciales qui contreviennent à l’Accord et qui portent préjudice
à leur activité. Les commerçants, quelle que soit l’ampleur de leur activité, devraient
avoir la possibilité de faire part de leur expérience, afin que la Zone de libre-échange
continentale africaine contribue à réduire et à éliminer la pauvreté sur le continent. Ils
pourraient participer, au niveau régional ou national, à des associations professionnelles
ou à des syndicats, dont les membres devraient également être formés afin de
comprendre comment fonctionne la Zone de libre-échange. Les experts commerciaux
peuvent montrer la voie en surveillant la mise en place de la Zone de libre-échange et en
contrôlant le respect des dispositions de l’Accord, et peuvent inciter les États à recourir
au processus de règlement des différends au lieu d’adopter des mesures de rétorsion
(East Africa International Arbitration Conference, 2021). Par exemple, l’Association des
183
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
4.5 Conclusions
La mise en œuvre effective de politiques et stratégies cohérentes et l’harmonisation des
règles commerciales jouent un rôle important, tout comme l’enchaînement des mesures
adoptées, et seront essentielles pour tirer parti de la contribution potentielle de l’Accord de
la Zone de libre-échange continentale africaine à la croissance inclusive et à la prospérité
en Afrique, conformément au Programme de développement durable à l’horizon 2030
et à l’Agenda 2063 de l’Union africaine. La Zone de libre-échange revêt un caractère
multidimensionnel qui rend les cadres intégrés et la coopération indispensables à sa
mise en place et peut contribuer à un processus efficace d’élaboration des politiques,
ainsi qu’à l’instauration non seulement d’un cadre réglementaire et institutionnel solide,
allant de la conception des mesures à leur mise en œuvre et leur suivi, mais aussi de
relations fortes de partenariat et de coopération à tous les niveaux, aussi bien mondial,
continental, régional que national. Un autre élément essentiel est le leadership politique
et la capacité de définir des orientations qui tiennent compte des intérêts et des besoins
de tous les acteurs. Au niveau mondial, la mise en place de la Zone de libre-échange
s’inscrit dans les systèmes commerciaux multilatéraux, étant donné que la plupart des
pays africains ont adhéré à de nombreux traités multilatéraux ou bilatéraux qui peuvent
leur donner la possibilité de renforcer leurs capacités commerciales et de stimuler la
facilitation du commerce, leur permettant ainsi de tirer parti des avantages que procure
la Zone de libre-échange. On ne saurait sous-estimer à quel point il est important
d’harmoniser les accords multilatéraux et bilatéraux avec le cadre de la Zone de
libre-échange, afin de créer des synergies dans la poursuite des objectifs continentaux
communs. À l’inverse, le manque d’harmonisation risque de contrarier l’ambition,
énoncée dans l’Accord, de voir l’Afrique produire davantage qu’elle ne consomme.
Enfin, le mécanisme de règlement des différends de la Zone de libre-échange vise à
renforcer la confiance mutuelle, la responsabilité, l’état de droit et la résolution pacifique
184
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
des différends commerciaux qui pourraient survenir. Les problèmes ayant trait aux coûts
politiques et financiers et aux capacités restreintes doivent être abordés, tout comme
la nécessité de donner aux petites entreprises les moyens de faire entendre leur voix et
de protéger leurs droits.
185
Chapitre 5
Principaux messages et
recommandations
Le présent Rapport analyse comment les orientations et pratiques récentes,
principalement celles qui sont censées prévaloir dans le cadre de la Zone de
libre‑échange continentale africaine, influeront sur les perspectives d’une croissance
plus inclusive, compte tenu de la montée des inégalités à l’intérieur des pays de la
région et entre ces pays ainsi que des effets néfastes de la pandémie de COVID‑19.
Dans le présent chapitre sont formulées, à l’intention des Gouvernements africains
et de la communauté internationale, des recommandations qui visent à aider les
décideurs du continent en examinant les moyens de rendre plus inclusifs les gains
qui devraient découler de la Zone de libre‑échange sur les plans du commerce, de la
production, de l’investissement et de la croissance. La section finale comprend une
série de propositions visant à simplifier les éléments d’une croissance inclusive dans
les négociations en cours dans le cadre de la Zone de libre‑échange.
« La mise en place effective de la Zone de libre-échange continentale est
indispensable à la prospérité des pays africains. En intensifiant l’intégration
régionale et en permettant une croissance inclusive, l’Accord favorisera
l’harmonisation du commerce entres les pays africains et entre l’Afrique
et le reste du monde. Il est essentiel que les pays accélèrent leurs efforts
visant à maximiser les gains à long terme tirés du commerce en éliminant
les obstacles structurels et institutionnels à l’intégration. Dans le contexte
du coronavirus, les pays devraient veiller à ce que les projecteurs soient
braqués sur la durabilité tout en donnant la priorité aux groupes vulnérables
et en atténuant les contraintes réelles. Les recommandations présentées
dans le Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
devraient guider les décisions à prendre pour tirer parti de la création d’un
bloc commercial africain. »
Trudi Hartzenberg,
Directrice exécutive du Trade Law Centre (Tralac)
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
189
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
17 pays africains seulement ; a réduit la pauvreté mais a accru les inégalités
dans 18 pays ; n’a pas été inclusive (c’est-à-dire n’a réduit ni la pauvreté ni les
inégalités) dans 14 autres ;
190
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
5.2 Recommandations
La mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine ouvre une nouvelle
ère de gouvernance commerciale en Afrique et devrait être considérée comme l’occasion
de mener des réformes structurelles largement indispensables sur l’ensemble du
continent, afin de favoriser une croissance et une reprise inclusives après la pandémie.
191
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
192
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
commerce régional, dégager des synergies entre les divers accords commerciaux et
parvenir à l’intégration. Les diverses dispositions de l’Accord portant création de la
Zone de libre-échange continentale africaine qui mettent l’accent sur la coopération et
l’assistance mutuelle en tiennent compte. Pour atteindre ces objectifs, les États parties
doivent favoriser l’harmonisation progressive (par exemple, en adoptant des définitions
communes des objectifs et des prescriptions, qui se rapprochent de préférence des
normes internationales et continentales), l’équivalence (par exemple, en considérant
que les réglementations techniques, les normes et les évaluations de la conformité
des autres États sont équivalentes en vue de la réalisation des objectifs de politique
publique) et la reconnaissance mutuelle (acceptation des procédures des autres États)
des mesures liées au commerce. Ils devront probablement abandonner certains aspects
de leur souveraineté au profit de systèmes harmonisés et d’une coopération accrue,
afin d’atteindre des objectifs communs. La convergence des systèmes infrastructurels
de qualité peut être pilotée par des institutions infrastructurelles continentales de qualité
comme l’Organisation africaine de normalisation, le Système de métrologie intra-africain,
la Commission électrotechnique de normalisation et la Coopération d’accréditation
africaine, en collaboration étroite avec les États membres, les CER et le secrétariat
de la Zone de libre-échange. Certaines dispositions, comme les critères des règles
d’origine, qui divergent entre les CER et la Zone de libre-échange, risquent de ne pas
être facilement conciliables (chap. 4). Ces divergences pourraient inciter le secteur privé
à privilégier une CER en particulier sur les plans de la production et du commerce, ce
qui pourrait compromettre la réalisation de l’objectif de la Zone de libre-échange de
promouvoir l’essor du commerce continental. Dans ce contexte, il est important que
les CER et les unions douanières convergent progressivement vers l’élaboration de
nouveaux ensembles de règles d’origine qui peuvent être alignés sur les dispositions
relatives aux règles d’origine relevant de la Zone de libre-échange. Cela permettra aussi
de résoudre les problèmes posés par le chevauchement et la prolifération des règles
d’origine sur le continent.
Promouvoir l’information sur les marchés afin de faire connaître les débouchés, les règles
commerciales et d’autres réglementations
Les associations professionnelles, y compris les associations et réseaux commerciaux de
femmes aux niveaux national et régional, les intermédiaires et les prestataires de services
aux entreprises, devraient être soutenus et bénéficier d’informations émanant des
marchés, afin de faciliter l’établissement de liens, de renforcer la participation des femmes
et de réduire les inadéquations potentielles entre l’offre et la demande, à l’intérieur des
pays et entre ceux-ci. Les entrepreneuses et les productrices doivent aussi se voir offrir
la possibilité de participer à des expositions et à des foires commerciales internationales,
193
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
afin de trouver des marchés de niche et de se mettre en rapport avec des acheteurs
internationaux. L’Observatoire africain du commerce devrait jouer le rôle de dépositaire
de données et d’informations pertinentes sur les mesures, sur les politiques et sur le
commerce intra-africain. Les données recueillies grâce à cette plateforme pourraient servir
à évaluer la mise en œuvre de différentes mesures commerciales. Les accords régionaux
relevant de chaque CER pourraient aussi contribuer au suivi des progrès accomplis.
194
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
aux petites et moyennes entreprises. Il importe que les politiques publiques visent à
intégrer dans l’économie formelle, entre autres acteurs, les entreprises détenues par
des femmes, les jeunes entrepreneurs, les producteurs et commerçants informels, et
les petites et moyennes entreprises. Les États parties peuvent mettre au point des
programmes de discrimination positive en faveur de ces groupes, notamment dans
les marchés publics. Par exemple, les règles nationales régissant les marchés publics
peuvent prévoir d’allouer une partie de tous les types de contrats à des entreprises
continentales et régionales sans mise en concurrence avec les entreprises bien en place.
Les mesures complémentaires prises en faveur d’une zone de libre-échange inclusive
consistent aussi à mettre en place des postes frontière à guichet unique et à adopter des
régimes commerciaux simplifiés (chap. 2 et 4). Il ressort de l’expérience acquise dans
les CER que les régimes commerciaux simplifiés peuvent accroître la marge bénéficiaire
des petits commerçants, y compris des entreprises détenues par des femmes. Ces
régimes permettent de dédouaner des marchandises à l’issue d’un nombre restreint de
procédures douanières à condition que la valeur des articles échangés reste inférieure
à un certain montant. Les meilleures pratiques suivies dans les CER pourraient jeter
les bases d’un régime commercial simplifié au niveau continental. Il est essentiel de
promouvoir des solutions de financement viables en faveur des petits commerçants ayant
peu de capital de démarrage et d’économies. Les décideurs pourraient envisager de
mettre au point des produits financiers structurés assortis de modalités de prêt souples
et de conditions préférentielles en faveur des commerçants transfrontaliers informels.
Des cadres directifs et juridiques harmonisés régissant l’argent mobile et des systèmes
électroniques de paiements internationaux pourraient être mis au point pour réduire les
risques et les inefficacités que comportent les transactions monétaires. Les systèmes
électroniques de paiement pourraient être un moyen de réaliser des transferts financiers
ou des envois de fonds d’un pays à l’autre de manière efficace et à un coût abordable,
et pourraient permettre de régulariser une partie du commerce transfrontalier informel,
dont les acteurs sont largement exclus des systèmes régionaux de paiement, qui sont
rattachés à des mécanismes bancaires formels. Les efforts de promotion doivent être
axés sur l’intégration de produits bancaires destinés aux commerçants transfrontaliers
dans ces systèmes de paiement, afin de réduire l’asymétrie de l’information entre les
commerçants et les institutions financières.
195
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
196
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
et le suivi des dispositions de l’Accord. D’autres pays ont confié cette tâche aux comités
commerciaux déjà en place (par exemple, les comités nationaux de la facilitation des
échanges créés dans le cadre de l’OMC). Il est proposé que la composition des comités
garantisse l’inclusivité, en y faisant siéger des membres représentant divers organismes
nationaux, les autorités douanières et les entreprises (chap. 4). Les comités nationaux
pourraient créer des comités techniques ou groupes de travail spéciaux ou permanents
qui examineraient des dispositions particulières de l’Accord. En outre, il faut que les
institutions régionales et nationales conçoivent et mettent en place des mécanismes
efficaces de suivi et d’évaluation des règles commerciales dans le cadre de la Zone
de libre-échange, afin de constater les progrès accomplis. Le dispositif proposé par
la CNUCED pour évaluer l’efficacité des mesures non tarifaires peut aider les États
parties à procéder à des audits réglementaires des mesures liées au commerce, afin de
comprendre les difficultés que rencontrent les fabricants et les commerçants (chap. 4).
Cet objectif peut aussi être atteint au moyen de l’indice des entreprises par pays proposé
par la Commission économique pour l’Afrique, lequel vise à évaluer la mesure dans
laquelle le commerce transfrontalier est jugé difficile par les entreprises africaines qui le
pratiquent, afin de recenser les principaux obstacles à la compétitivité commerciale. Ces
instruments peuvent aider les décideurs à prendre des mesures correctives proactives
et à atténuer les contraintes commerciales qui pèsent sur les entreprises. Il faudrait
aussi encourager la tenue de consultations régulières entre les gouvernements et les
entreprises, notamment au moyen de plateformes public-privé formelles et informelles,
partout sur le continent, afin d’aider à concevoir des mesures appropriées d’aide aux
entreprises. Compte tenu de la multiplicité des institutions et des acteurs participant
à la mise en œuvre de l’Accord, il faut mettre en place une coordination efficace entre
le secrétariat de la Zone de libre-échange, les divers ministères et les entités aux
mandats potentiellement divergents. Idéalement, les politiques conçues devraient être
alignées sur la Zone de libre-échange et sur les cadres régionaux, les États parties
s’abstenant d’adopter des pratiques qui restreignent le commerce. La protection des
industries naissantes devrait s’insérer dans les modalités prévues dans le cadre de la
Zone de libre-échange, qui disposent que jusqu’à 3 % des lignes tarifaires peuvent être
exclues du programme de libéralisation. Compte tenu de la structure de la production
et de l’exportation dans la plupart des pays, il faut que les Gouvernements africains
poursuivent des politiques industrielles actives dans des secteurs essentiels pour le
développement inclusif et la diversification économique. Il ne devrait pourtant pas
donner lieu à un protectionnisme abusif s’étendant au-delà des périodes transitoires
autorisées et les politiques devraient être progressivement coordonnées aux niveaux
197
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
Renforcer les capacités des acteurs concernés dans le domaine des règles
et pratiques inclusives
Les pays africains ont déjà conclu des accords commerciaux aux niveaux international
et régional. Toutefois, la capacité des pays de mettre en œuvre l’Accord portant
création de la Zone de libre-échange continentale africaine ne devrait pas être
sous‑estimée compte tenu des contraintes qui pèsent sur leur développement. La
mise en œuvre effective de la Zone de libre-échange et des procédures de facilitation
du commerce dépendent de la formation et du perfectionnement des compétences
des fonctionnaires participant au traitement des importations et des exportations ainsi
qu’à la collecte et au suivi des données. Il faut renforcer les capacités de mise en
œuvre de la Zone de libre-échange pour veiller à ce que le secteur privé connaisse
l’Accord et y souscrive aux niveaux régional et national. Pour les décideurs et les
responsables en charge du commerce, notamment les autorités douanières, il s’agit
là d’une condition préalable à la mise en œuvre des dispositions de l’Accord même
s’il faut tenir compte de l’hétérogénéité des régimes commerciaux à tous les niveaux,
aussi bien international, continental, régional que national. Pour tirer pleinement parti
des avantages que l’Accord procure, il est essentiel que les entreprises, qui jouent un
rôle central dans la production et le commerce des biens et des services, s’engagent
en faveur de l’Accord. En outre, il est souhaitable que les textes juridiques soient
traduits dans différentes langues aux niveaux régional et national, afin que le secteur
privé puisse comprendre les textes, les règles et les réglementations adoptés dans le
cadre de la Zone de libre-échange et les appliquer à moindre coût. Le renforcement
des capacités devrait aussi porter sur les moyens disponibles, allant des campagnes
de sensibilisation aux supports imprimés et aux ressources électroniques comme
les boîtes à outils, les supports pédagogiques et les informations en ligne. Dans le
Rapport 2019 sur le développement économique en Afrique : Made in Africa − Les
règles d’origine, un tremplin pour le commerce intra-africain, la CNUCED proposait
une boîte à outils numérique consacrée aux règles d’origine qui pourrait facilement
être étendue à d’autres thèmes dans le cadre de la Zone de libre-échange tels que les
mesures de facilitation du commerce et les obstacles techniques au commerce. Ce
type de boîte à outils pourrait prendre la forme notamment d’un partage en ligne de
supports pédagogiques et d’informations, d’une base de données Internet répertoriant
198
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
les dispositions de l’Accord et d’un service d’assistance. Des boîtes à outils pourraient
être mises au point par le secrétariat de la Zone de libre-échange à l’échelle du
continent, par les CER au niveau régional et par les comités nationaux dans les pays.
Cibler l’aide technique et financière sur les pays les moins avancés, afin de réduire
les contraintes commerciales
Dans les pays les moins avancés, les réformes commerciales s’accompagnent
d’une mise en œuvre relativement lente des accords et les capacités de tirer parti
des avantages commerciaux y sont relativement moindres que dans la plupart des
autres pays (chap. 2 et 4). Les pays les moins avancés ne bénéficient pas d’un régime
différencié, hormis une période de libéralisation tarifaire plus longue, dans la cadre de la
Zone de libre-échange. La plupart d’entre eux font face à des contraintes structurelles
telles que la faiblesse relative de leur industrie manufacturière et de leurs services.
Les pays les moins avancés sans littoral (soit 14 des 33 pays les moins avancés en
Afrique) supportent des coûts commerciaux plus élevés, ce qui risque d’amoindrir leur
compétitivité dans le cadre de la Zone de libre-échange (chap. 3). L’Accord ne prévoit
pas de règles d’origine différenciées en faveur des pays les moins avancés, lesquelles
auraient pu contribuer à combler l’écart avec d’autres pays en matière de capacités
productives. Par conséquent, les programmes d’assistance technique et financière
exécutés dans le cadre de la Zone de libre-échange devraient avant tout cibler les
pays les moins avancés. Par exemple, le Cadre intégré renforcé, fonds multidonateurs
piloté par l’OMC, et l’initiative Aide pour le commerce aident les pays développés, au
niveau international, à remédier aux contraintes liées au commerce. Des programmes
du même type pourraient être créés dans le cadre de la Zone de libre-échange, sous
l’égide du secrétariat. L’objectif ultime serait d’apporter une aide financière et technique
au moyen de programmes qui ciblent en priorité les pays les moins avancés en Afrique,
cette assistance ayant pour but de remédier aux contraintes liées au commerce et de
renforcer l’intégration dans les chaînes de valeur.
199
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
façon à peser dans les débats consacrés aux questions commerciales d’actualité à
l’OMC, à savoir : le commerce électronique ; les droits de propriété intellectuelle, en
particulier pour les petites et moyennes entreprises ; la facilitation de l’investissement ; la
réglementation intérieure des services. À cet égard, les États partenaires qui ne sont pas
parties à l’Accord peuvent aider les pays africains à concilier les intérêts régionaux et les
intérêts nationaux. Dans le même temps, il faut que les pays africains accélèrent la mise
en place de la Zone de libre-échange, examinent l’impact de tout accord commercial
conclu avec des pays tiers sur l’intégration régionale et évitent d’affaiblir cette dernière
dans l’espoir de gains à court terme. L’Afrique pourrait aussi accélérer la réalisation de
l’ambition de transformer la Zone de libre-échange en une union douanière.
200
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
201
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
cours prévoient souvent des dégrèvements fiscaux, mais pour promouvoir la croissance
inclusive, la mobilisation des ressources intérieures et la répartition égale des avantages
tirés du commerce et de l’investissement, les États devraient coopérer dans le but
d’assujettir les entreprises multinationales à un impôt minimum. Le mécanisme de
règlement des différends en place dans le cadre de la Zone de libre-échange pourrait
aider à prendre en compte ces questions dans les politiques d’investissement et de
concurrence, afin d’éviter une course au moins-disant fiscal.
202
La contribution potentielle de la Zone de libre-échange continentale africaine à une croissance inclusive
203
Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique
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224
Depuis l’année 2000, l’Afrique a enregistré une croissance remarquable qui ne s’est pourtant
pas traduite par une hausse notable des revenus de la plupart des Africains. Moins de la moitié
des pays africains ont connu une croissance inclusive au cours des dernières décennies. Les
auteurs du Rapport s’efforcent d’éclairer les Gouvernements africains et leurs partenaires de
développement sur les moyens de faire en sorte que la Zone de libre-échange continentale
africaine contribue à une croissance inclusive et sur les mesures complémentaires à prendre
pour que la Zone de libre-échange soit inclusive aux niveaux national et continental. Pour que
se concrétise le potentiel d’exportation de l’Afrique, il faut réduire les obstacles tarifaires et
les mesures non tarifaires entre les pays et les capacités productives doivent être renforcées
afin de faciliter le commerce régional. Les capacités productives régionales de l’industrie
automobile et le développement de la chaîne de valeur de l’agroalimentaire sont considérés
comme des facteurs potentiels d’une croissance transformatrice. Les moyens de rendre
inclusifs les gains attendus de la Zone de libre-échange sur les plans du commerce, de la
production, de l’investissement et de la croissance sont analysés. Le commerce informel
et ses acteurs devraient être pris en compte dans la conception et la mise en œuvre des
politiques pour que la Zone de libre-échange soit pleinement bénéfique et inclusive.
unctad.org/Africa/series
« J’invite les décideurs africains à lire « Le Rapport 2021 sur le développement
le Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique de la CNUCED
économique en Afrique, qui éclaire apporte une contribution importante à la
de manière précieuse et unique les compréhension des avantages découlant
enjeux du développement durable de la Zone de libre-échange continentale
sur le continent africain. Il est africaine. Il est unique car il examine les
essentiel que tous ceux d’entre éléments d’une croissance inclusive et
nous qui souhaitent voir l’Afrique la manière dont la Zone de libre-échange
prospérer et atteindre les objectifs pourrait favoriser la diversification de
de développement durable dans les l’économie et le renforcement de la
temps, de manière inclusive et en résilience, même si les gains attendus
étant unie y prennent connaissance ne seront pas immédiats. Des mesures
avant tout des recommandations sur complémentaires visant à aider les
la Zone de libre-échange continentale femmes et les jeunes qui participent
africaine, notamment de celle visant au commerce, les petites entreprises
à mettre au point un mécanisme de et les pays les moins avancés d’Afrique
règlement des différends qui soit doivent être prises pour rendre la Zone
pratique et efficace. » de libre-échange plus inclusive. »
ISBN 978-92-1-113005-8