2382 Firme Bancaire Quel Nouveau Paradigme Apr Egrave S La Crise
2382 Firme Bancaire Quel Nouveau Paradigme Apr Egrave S La Crise
2382 Firme Bancaire Quel Nouveau Paradigme Apr Egrave S La Crise
FIRME BANCAIRE :
QUEL NOUVEAU PARADIGME
APRÈS LA CRISE ?
GEORGES PAUGET *
DHAFER SAÏDANE **
L
a vraie question sur la firme bancaire et les fausses pistes sur
la fonction sociale de la banque est : comment lutter contre
les stéréotypes et les préjugés ?
La fréquence des crises financières serait deux fois plus élevée
depuis 1973 qu’elle ne l’était après la guerre. Le coût de ces crises est très
élevé. Au début des années 1990, les secteurs bancaires de la Norvège, 223
de la Suède et de la Finlande ont traversé une crise dont le coût
s’est établi entre 4 % et 11 % de leur PIB. Les difficultés du système
bancaire japonais ont coûté aux contribuables plus de 10 % du PIB
et la crise du Mexique de 1994-1995 a imposé aux contribuables
mexicains une charge de 20 % du PIB. Ces pertes sont peu importantes
comparées à celles que les pays touchés par la crise asiatique de 1997
ont dû supporter. Selon les estimations de la Banque mondiale,
l’assainissement du secteur financier de l’Indonésie aurait coûté plus
de 50 % de son PIB. Quant à la crise des prêts immobiliers à risque
américains (subprimes) en 2007-2008, le Fonds monétaire international
(FMI) a chiffré en avril 2010 à 945 Md$ (plus de 600 Md€) le coût
de la crise financière actuelle pour le système financier mondial. Sur
ce total, 565 Md$ sont générés par l’exposition des banques au secteur
des subprimes.
Les États-Unis ont voulu trouver des parades à cette crise.
En juin 2010, la loi Dodd-Frank vise la possibilité pour le régulateur
Tableau 1
Répartition du PNB par ligne d’activité à l’horizon de 2012
(en %)
Ligne d’activité Barclays Crédit Deutsche Goldman Morgan UBS
suisse Bank Sachs Stanley
Financement et investissement 72 51 71 88 61 37
Banque privée 0 36 4 0 0 26
Gestion de fortune aux États-Unis 0 0 0 0 36 8
Gestion d’actifs 0 7 8 12 3 9 227
Banque de détail 28 7 17 0 0 20
Total 100 100 100 100 100 100
Source : Nomura Financial Services (2010).
Tableau 2
Tendances de la banque de financement et d’investissement
dans les banques françaises
Banque 2006 2011 Taux de croissance
(en Md€) (estimation, en Md€) estimé entre 2006
et 2011
Rang européen Montant Rang européen Montant (en %)
BNP Paribas 6 8,1* 4 14,1 74,1
Société générale 9 7,0* 11 7,6 8,6
Crédit agricole SA 10 5,5* 13 4,9 –10,9
Natixis 16 1,8* 15 3,1 72,2
Total 22,4* 29,7 32,6
*Année de la création de Natixis.
Source : traitement d’après AlphaValue.
Tableau 3
Le processus de production de la firme bancaire se complexifie
Processus de transformation
Étapes de Actifs initiaux Fonction T Nouvel actif
228 la transformation de transformation
des caractéristiques initiales
= innovation financière
Niveau de complexité Clair Faiblement complexe Très complexe
du produit financier
Processus Actif A1 F(T) = C1, C2, C3... B : actif différencié
de transformation Actif A2 avec en fonction de la tranche
des caractéristiques Actif A3 C1 = risque de risque élevé, moyen,
C2 = durée faible, usage de l’effet
C3 = performance... de levier qui peut
autoriser l’apparition
de processus
d’accélération
Niveau et champ Faible Risque élevé de contagion Risque systémique élevé
du risque
Source : d’après les auteurs.
Tableau 4
Cadres juridiques favorables à la banque universelle
dans les principaux pays
Pays Cadres juridiques
ème
Allemagne, Autriche Depuis le XIX siècle, chaque établissement est habilité à couvrir l’intégralité
et Suisse des opérations de banque.
Espagne L’autorisation de la diversification a débuté en 1974 et a été complétée en 1994
conformément aux exigences européennes.
France Le principe de la banque universelle est introduit par la loi bancaire
du 24 janvier 1984.
Italie La loi Amato-Carli de 1990 libéralise le secteur bancaire. La loi bancaire
du 27 août 1993 a ensuite favorisé l’émergence de la banque universelle.
Royaume-Uni La déspécialisation a été introduite par la loi bancaire de 1987.
États-Unis La loi Gramm-Leach-Bliley, ou Financial Services Modernization Act,
promulguée le 12 novembre 1999 (entrée en vigueur le 13 novembre 2000)
autorise les banques à intervenir dans les secteurs de l’investissement et 233
de l’assurance.
Source : synthèse des auteurs.
LA BANQUE DU XXI
SIÈCLE : ÈME
Tableau 5
Problématiques de recherche sur la firme bancaire :
richesse, absence de consensus et perspectives
Paradigme Axe thématique Exemple de problématiques et de références
Concurrence La concurrence bancaire est-elle destructrice ?
Paradigme SCP monopolistique Le marché bancaire est-il pertinent ?
bancaire Jusqu’où peut aller la banque en ligne ?
Structure du marché Ali et Greenbaum (1977) ; Chiappori, Perez-Castrillo et
bancaire Verdier (1995) ; Dietsch (1993).
Pouvoir de Comment déterminer la structure du marché bancaire ?
marché bancaire Comment calculer le pouvoir de marché par l’indice de Lerner ?
Gelfand et Spiller (1987) ; Spiller et Favaro (1984).
Comportement de Comment mesurer les économies d’échelle, les économies de
Paradigme SCP la firme bancaire gamme et la surcapacité bancaire ?
Comment définir les indicateurs d’input, d’output et de coût ?
Comportement de Baltensperger (1980) ; Bell et Murphy (1968) ; Klein (1971) ;
la firme bancaire Sealey et Lindley (1977).
Intermédiation La banque est-elle en train de disparaître ?
financière Quelles sont les nouvelles formes d’intermédiation ?
Bank-based versus market-based ?
236 Y a-t-il convergence des systèmes ?
Allen et Gale (1995) ; Allen et Santomero (1997) ; La Porta
et al. (1996).
Paradigme SCP Efficience Comment mesurer les efficiences allocatives, techniques et
Performance de et productivité productives dans la banque ?
la firme bancaire bancaires Berger et Humphrey (1997) ; Ragan et al. (1988).
La banque dans Quel est l’impact de la libéralisation des taux créditeurs sur
Paradigme CRG la libéralisation l’épargne et l’investissement ?
financière Comment identifier le rôle microéconomique des banques dans
Croissance, risque le processus macroéconomique de la libéralisation financière ?
et gouvernance Comment maîtriser la volatilité des marchés ?
Impact de l’accélérateur financier ?
Bencivenga et Smith (1991) ; Fry (1995) ; King et Levine
(1993) ; Sarr (2000).
L’asymétrie Risque Comment réduire les asymétries d’information et les
d’information, et gouvernance incertitudes dans la banque ?
fondement de la bancaire Comment intégrer la volatilité des marchés dans le compor-
dynamique des tement des banques ?
marchés, est source Comment éviter les paniques bancaires ?
de leurs dérèglements. Comment favoriser la bonne gouvernance bancaire ?
Allen et Carletti (2010) ; Bloxham (2010) ; Diamond et
Dybvig (1983) ; Freixas (2010) ; Leland et Pyle (1977) ;
Walker (2009) .
Source : synthèse des auteurs.
Tableau 6
L’art du banquier
Rôle du banquier Action qui en résulte
Le banquier produit Le banquier est un producteur d’informations car l’intermédiation qu’il
de la bonne information déploie constitue une réponse naturelle à l’asymétrie d’information que
pour le public. subit la partie la moins bien informée. Le banquier va intervenir pour
résoudre les conflits d’intérêts qui existent entre les prêteurs (outsiders)
et les emprunteurs (insiders). Sur les marchés financiers, l’asymétrie
d’information est particulièrement importante (Hayne et al., 1977).
Le banquier réduit les coûts La firme bancaire produit des services financiers que les agents écono-
que la société aurait miques trouveraient coûteux à produire eux-mêmes. Les « coûts de
à supporter. transaction » sont impliqués par le face-à-face direct sur le marché (coûts
liés à la négociation et à la surveillance).
La firme bancaire exploite des économies d’échelle dans l’écriture des
contrats, ce qui lui permet de profiter d’une réduction des coûts de
transaction (Benston et Smith, 1976). Ces auteurs précisent explicitement
que « la raison d’être de cette industrie est l’existence des coûts de
transaction ».
Le banquier entretient Les prêts directs transitent par une structure que l’on appelle « marché
la mémoire des événements. financier » qui ne stocke pas de la même manière que la banque
l’information portant sur le profil des emprunteurs. 243
La banque, avec le « capital connaissance » accumulé à travers le temps par
des contacts répétés et des pratiques relationnelles, exploite un stock
d’informations privées issues de contacts avec la clientèle.
Le banquier gère prudemment L’intermédiation consiste à structurer le portefeuille de la banque en
la liquidité de la collectivité. respectant principalement deux contraintes.
D’abord, le rendement des éléments de l’actif du bilan (revenus des prêts)
doit au moins égaliser les coûts des éléments du passif (coût des emprunts).
Ensuite, les fonds confiés par les déposants à court terme et prêtés sous
forme de crédits à terme plus long doivent être récupérables*. La banque
doit en effet, à tout moment, pouvoir faire face aux besoins des déposants.
La célèbre contribution de Diamond et Dybvig (1983) sur la panique
bancaire considère que les banques constituent la meilleure « réponse
endogène » à des choix individuels de consommation.
* On parle de transformation d’échéances.
Source : synthèse des auteurs.
ANNEXE
L’activité de titres
L’activité de titres est destinée à quatre grands segments de clients :
les intermédiaires financiers, les investisseurs institutionnels, les
entreprises et les banques d’investissement. Pour les intermédiaires
financiers, l’activité de titres permet la compensation de titres et de
produits dérivés, la conservation des titres et des espèces, la sous-
traitance middle et back office. Pour les investisseurs institutionnels,
l’activité de titres vise l’administration de fonds, la sous-traitance
middle et back office, la mesure et l’attribution de performances et
l’administration de comptes de particuliers. Pour les entreprises,
247
l’activité de titres offre des services aux actionnaires, assure la gestion
des assemblées générales, la gestion des plans de stock options, le corporate
trust, la titrisation et l’ingénierie de titres. Enfin, pour les banques,
l’activité de titres vise l’activité de prêt et d’emprunt de titres,
le financement, le change, la gestion de trésorerie et la gestion du
collatéral.
NOTES
1. Discours de Christian Noyer, vice-président de la Banque centrale européenne, prononcé à
Sophia Antipolis, le 15 décembre 2000.
2. Hicks (1974) a été le premier à opposer auto-economy ou économie de marché de capitaux à
overdraft economy ou économie d’endettement ou de découvert. De ce concept est né le clivage entre
finance directe et finance indirecte.
3. Les principales opérations de hors-bilan comprennent les engagements de signature (garanties et
cautions), les engagements de financement (engagements conditionnels pour avancer des fonds ou
acquérir un actif) et les engagements sur instruments financiers à terme (activités sur les produits
dérivés : swaps, options et futures).
4. Allen et Santomero (1997) concluent d’ailleurs (p. 1483) : « However, these changes have not coincided
with a reduction in intermediation. In fact, quite the reverse has happened. Intermediaries have become
more important in traditional markets and account for a very large majority of the trading in new markets,
such as those for various types of derivatives. »
5. Sur ce point, voir : l’étude très complète de Degryse et Ongena (2007).
6. Président de la Financial Services Authority (FSA), conférence donnée en mars 2010 à CASS
Business School.
7. En France, les banques (banques affiliées à l’Association française des banques, banques coopératives,
Caisse des dépôts et Caisse nationale d’épargne) fournissent en général plus de 70 % du crédit à
l’économie, le reste des crédits étant fourni par les institutions financières non bancaires (institutions
et sociétés financières et autres institutions). La première catégorie de crédit correspond à la notion de
« crédit anormal » de Schumpeter.
8. Jean-Paul Betbèze est membre du Conseil d’analyse économique (CAE), chef économiste et directeur
des études économiques au Crédit agricole SA.
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