La Gestion Des Carrieres
La Gestion Des Carrieres
La Gestion Des Carrieres
I. L’importance de la carrière et de la
gestion des carrières
II. Les modèles de carrière
III. Les défis de carrière
en fonction du cycle de
vie professionnelle de
l’employé
IV. Les pratiques de gestion des carrières
V. Les défis et les
tendances en matière de
gestion des carrières
L’importance de la carrière et
de la gestion des carrières
C
Comme la Ressource Humaine est de mieux en mieux formée, ses attentes augmentent,
particulièrement en ce qui concerne les possibilités que peut lui offrir une organisation de
progresser tant sur le plan individuel que sur le plan professionnel. Les entreprises font face à une
situation de plus en plus difficile : d’un côté, elles reconnaissent la nécessité de satisfaire les
besoins des employés qualifiés en créant les conditions pour qu’ils puissent réaliser leurs objectifs
professionnels et demeurer au sein de l’entreprise ; de l’autre, elles prennent conscience du fait que
les possibilités de promotion sont de plus en plus réduites en raison des nouvelles structures mises en
place par les organisations, de leur recherche constante d’une plus grande flexibilité, et parfois, des
chances limitées d’avancement qui peuvent se présenter à l’intérieur de l’organisation. Il n’en
demeure pas moins que la gestion des carrières est au cœur de la gestion des ressources
humaines. Commençons donc par proposer des définitions des diverses notions de carrière et de
gestion de carrière, pour ensuite établirl’importance de cette dernière et préciser ses liens
avec les autres activités de gestion des ressources humaines.
DÉFINITIONS
La carrière se définit comme une suite de fonctions et d’activités liées au travail qu’occupe une
personne au cours de sa vie et auxquelles on associe des attitudes et des réactions particulières. Pour
bien comprendre la notion de carrière, il est utile de dissocier ses composantes individuelle et
organisationnelle. En ce qui concerne la composante individuelle, le terme de carrière peut être défini
simplement sous l’angle des expériences de travail d’un individu. Il s’agit d’observer les étapes cru-
ciales qui marquent la progression professionnelle d’une personne en particulier. Ces étapes ne sont pas
nécessairement déterminées de manière précise ; elles varient grandement selon les catégories
professionnelles auxquelles appartiennent les travailleurs, la culture et la structure organisationnelle,
les préférences des individus et leurs aspirations, etc. Ainsi, l’obtention d’une promotion constitue un
exemple d’étape cruciale du déroulement d’une carrière. Les cheminements de carrière ont une
incidence sur les individus et les organisations. Ils influent sur la performance des individus au travail,
sur leur satisfaction, leur santé et leur bien-être.
Pour ce qui est de la composante organisationnelle, la gestion des carrières consiste à planifier les
mouvements de main-d’œuvre dans le but de retenir les employés compétents et de combler les
besoins organisationnels futurs. C’est donc un système qui concilie les aspirations professionnelles des
employés et les besoins de l’organisation (encadré 1). La mise en œuvre de ce système exige de
l’entreprise qu’elle procède à l’analyse de l’information accumulée à partir des évaluations formelles
ou informelles du rendement, de façon à pouvoir ensuite repérer les employés les plus performants et les
encourager à accéder à des postes comportant de plus grandes responsabilités en leur offrant des
conditions propices à leur développement1.
ENCADRÉ 1Un système de gestion des carrières :
conciliation des besoins organisationnels
et des besoins individuels
sations accordent la priorité aux employés qui sont déjà à leur service et n’ont recours à des personnes de
l’extérieur que lorsque les candidats internes ne satisfont pas aux exigences de ces emplois. À ce propos,
certaines politiques adoptées par les organisa- tions en matière de promotion et de déplacement du
personnel sont dites ouvertes, tandis que d’autres sont dites fermées. Dans le cas d’une politique de
promotion ouverte, l’organisation s’engage à fournir toute l’information dont elle dispose sur les postes
à combler et donne la possibilité aux employés de choisir ceux auxquels ils désirent poser leur
candidature. Dans le cas d’une politique fermée, les employés sont simplement informés du fait qu’ils ont
été sélectionnés.
La sélection. L’employeur doit aussi déterminer les critères de sélection qui permettront
d’identifier et de sélectionner les employés afin de les destiner à des emplois plus intéressants et
d’accroître leur mobilité.
La rémunération. La rémunération croît avec les promotions, qui sont considérées comme les
voies traditionnelles de développement de carrière. Or, les organisations, qui sont aux prises avec
des structures plus aplaties et une philosophie de gestion de type organique, devront
concevoir des programmes de rémunération pour inciter les personnes à opter pour une
orientation de carrière à l’horizontale.
Il arrive qu’une personne ne puisse être assimilée à un seul type de personnalité, mais soit
plutôt le résultat d’une combinaison de deux ou trois types différents. Dans ce cas, selon J. L.
Holland, les gens seront influencés surtout par les facteurs propres à une situation et à un
moment donnés, de sorte que, plutôt que de choisir eux-mêmes leur emploi, ce sera le genre
d’emploi exercé qui expliquera leur cheminement professionnel.
Une autre classification des types de carrières a été avancée par Schein9, 10, qui a distingué
entre les carrières de types vertical, horizontal et radial. Cette typologie reflète les mouvements
que les individus sont susceptibles de suivre à l’intérieur de l’organisation, à savoir le
déplacement vers des niveaux hiérarchiques plus élevés, entre des fonctions de même niveau et
vers le cœur de l’organisation, c’est-à-dire vers les centres de décision11. En 1990, Schein a mis au
point une typologie centrée sur les ancres de carrière, lesquels sont susceptibles d’expliquer les
préférences des indivi- dus quant au type de cheminement qu’ils préfèrent suivre dans
l’organisation12, 13 (encadré 10.3).
Technique • Travail qui teste les habiletés techniques • Promotions d’ordre professionnel ;
et professionnelles, en proposant des défis ; • Élargissement des tâches ;
• Accent mis sur le contenu du travail et non • Soutien technique très important ;
sur le contexte dans lequel il est effectué ;
• Préférence pour un comité visant
• Travail à caractère professionnel et accès à améliorer les processus plutôt que
à des budgets illimités ; pour l’obtention de promotions verticales.
• Travail comportant des difficultés avec
les gestionnaires.
Une autre typologie du développement de carrière a été conçue par Driver. Ce dernier a défini quatre
types de cheminements de carrière14. Tout d’abord, le cheminement homéostatique, qui se limite à un
champ d’activité, se rapporte aux individus motivés par la stabilité d’emploi, les relations
interpersonnelles, un climat de travail sain, et l’amélioration de leurs compétences. Le cheminement
linéaire est caractéristique des gens qui souhaitent occuper des postes de gestion et sont assoiffés de
pouvoir et
de domination, et qui s’intéressent aux relations interpersonnelles. Le cheminement transitoire
implique des changements fréquents ; les gens qui l’adoptent recherchent la variété des tâches, les
salaires élevés et les objectifs clairs. Finalement, le chemine- ment spiralique est propre aux
individus qui aspirent à des changements majeurs cycliques, à l’autonomie, à la croissance
personnelle et à la liberté d’action15.
Progression
de carrière
Maintien
Désengagement
Exploration
Âge
15 25 35 45 55 65 75
Adoptées déjà dans plusieurs organisations, ces solutions continueront d’être cruciales, car elles
tiennent compte d’un grand nombre de transformations qui se produisent dans le milieu du
travail, notamment des phénomènes de plafonnement de carrière et de la mise en place des nouvelles
formes d’organisation du travail. Une réévaluation de la notion de succès de carrière doit
accompagner les différentes mesures proposées afin de faciliter les périodes transitoires et de
faire accepter aux employés l’idée de la disparition des progressions verticales33.
LA DOUBLE CARRIÈRE DANS LE COUPLE
La famille et le travail sont les deux
principales constituantes qui procurent
de la satisfaction à l’individu. Cependant,
elles peuvent entrer en conflit quand les
conjoints mènent tous deux une carrière.
Le nombre de ménages pouvant compter
sur un double salaire est en hausse.
Cette situation est attribuable en partie au besoin des ménages d’augmenter leurs revenus afin de
s’assurer d’un niveau de vie décent, mais l’augmentation de la proportion de femmes parmi les
professionnels entrant sur le marché du travail et qui souhaitent faire carrière y contribue
également35, 36, 37.
L’expression « double carrière » fait référence à un type de structure familiale dans lequel le mari et la
femme mènent une carrière. Les couples avec enfants qui exercent tous deux une activité professionnelle
sont aux prises avec une multitude de problèmes dans leur vie quotidienne38 :
• Lorsqu’elle poursuit une carrière, la femme est surchargée de travail puisque, en
plus de son travail professionnel, elle doit effectuer le travail à la maison. Il lui faut
déployer des efforts continus, surtout quand elle assume presque seule l’entretien
de la maison et l’éducation des enfants.
• Des problèmes d’identité peuvent surgir, étant donné la confusion existant entre
les rôles assignés, dans notre culture, aux hommes et aux femmes, et les rôles
qu’ils jouent réellement.
• Lorsqu’il y a conflit entre la progression des carrières des deux membres
du couple, ou entre les exigences du travail et les responsabilités familiales, il
devient nécessaire de trouver des mesures d’adaptation.
Dans le cas où les deux conjoints veulent poursuivre une carrière, il arrive que le couple retarde la
venue des enfants ou décide de ne pas en avoir afin de réduire les risques de conflits. Les anglophones
utilisent l’expression « DINKS » (Double Income No Kids) pour désigner les couples « sans enfants, à
double salaire » (SEDS). Ce phénomène a considérablement influencé l’émergence d’une société sans
enfants.
Les pratiques visant à gérer la double carrière au quatre catégories, correspondant aux
sein du couple ou les conflits engendrés par la pratiques relatives à l’aménagement du
nécessité de concilier le travail et la famille sont temps de travail, à l’aide aux membres
résumées dans l’encadré 7. Elles sont regroupées en
de la famille (services de garde, équipes volantes, etc.), aux congés et aux avantages sociaux, et enfin, à la
gestion des carrières. Ces dernières assureront plus précisément aux couples qui mènent une double
carrière et qui ont de la difficulté à équilibrer leur vie professionnelle et leur vie familiale des chances
équitables de s’épanouir au sein de l’organisation. Ces pratiques ont également pour objectif de régler le
conflit que peuvent vivre les personnes qui ont à concilier des responsabilités familiales et des
responsabilités professionnelles. L’expression « responsabilités familiales » fait référence à la fois aux parents
qui ont la charge d’enfants et aux employés qui ont la charge d’un parent.
ENCADRÉ 7 Les différentes pratiques reliées à
l’équilibre travail-famille
Source : G. Guérin, S. St-Onge, R. Trottier, M. Simard et V. Haines, « Les pratiques organisationnelles de l’équilibre travail-famille: la situation
au Québec », Gestion – Revue internationale de gestion, vol. 19, no 2, mai 1994, p. 74-82.
6
5
4
3
2
1 2013
0
35 à 44 ans 1993
45 à 54 ans
55 à 64 ans 65 et plus
Or, si le déclin de la carrière est un phénomène inéluctable, l’évolution des aspirations et des capacités
des travailleurs vieillissants rend cependant inévitable la nécessité d’élargir les perspectives de carrière
de ces travailleurs pour sortir des modèles de carrière traditionnels qui associent la phase de la fin de
la carrière
à la retraite définitive. Les aspirations de la fin de la carrière sont reproduites dans l’encadré 9 et
regroupées en trois grandes catégories. La première catégorie a trait aux aménagements touchant les
conditions de travail, la deuxième, aux aménagements relatifs au contenu du travail, et la troisième
catégorie, aux aménagements portant sur les conditions de la retraite.
accroissement changement
de l’autonomie de vocation
AMÉNAGEMENTS
progression RELATIFS AU CONTENU possibilité
de carrière DU TRAVAIL développement
de carrière
retraite
accroissement du prématurée
réduction des
temps disponible
heures de travail choix du
pour la famille et les loisirs retraite
moment du départ
différée
retraite
AMÉNAGEMENTS RELATIFS progressive AMÉNAGEMENTS RELATIFS
AUX CONDITIONS DE AUX CONDITIONS DE LA
TRAVAIL RETRAITE
À partir d’une analyse des besoins des employés vieillissants, il serait souhaitable que l’on propose à
ceux-ci de nouvelles avenues de carrière afin de permettre à ceux qui le souhaitent de jouer un rôle actif
au sein de l’organisation et de contribuer à son succès. Pour faciliter ces réorientations de carrière, il est
toutefois nécessaire de repenser certaines pratiques de gestion (encadré 10). Planifier l’étape de la fin de
la carrière, continuer à offrir des possibilités d’avancement et de mobilité aux employés productifs, même
s’ils sont arrivés au terme de leur vie professionnelle, et évaluer les employés plus âgés constituent des
avenues qui favorisent la mobilisation d’une main- d’œuvre dont l’effectif croîtra au sein des
organisations et sur laquelle reposera l’atteinte des objectifs organisationnels. Prévoir des
aménagements particuliers tels que la définition de nouveaux rôles et l’établissement d’horaires
flexibles, et élaborer des programmes de rémunération permettant à cette main-d’œuvre d’échapper au
plafonnement salarial contribueront à la transformer en un avantage compétitif pour l’organisation.
ENCADRÉ 10 Les pratiques de gestion
des employés vieillissants
AMÉNAGEMENTS SPÉCIAUX
Source : T. Saba, G. Guérin et T. Wils, « Gérer l’étape de fin de carrière », Gestion 2000, 1997, p. 165-181.
IV Les pratiques
de gestion des carrières
L e processus de gestion des carrières dans les organisations est constitué de trois
étapes : la planification, la mise en œuvre, et l’évaluation (encadré 11).
La planification consiste à informer d’abord les employés des possibilités de carrière
existant dans l’organisation, puis à élaborer un plan de carrière. La mise en œuvre du
processus de carrière consiste, d’une part, à déceler les problèmes particuliers qui
font obstacle à la carrière et, d’autre part, à mettre en application des pratiques
organisationnelles qui visent à aider les employés à orienter leur carrière
(programmes de formation, mentorat, rotation d’emplois, etc.). L’évaluation
consiste à établir la pertinence et l’efficacité du processus de gestion des carrières.
La détermination de
critères de performance permet d’évaluer
si le système est en mesure à la fois de
satisfaire les besoins individuels et de
doter l’organisation d’une main-d’œuvre
compétente, disponible, mobilisée et prête
à prendre la relève. Cette étape sera
étudiée dans le chapitre 16 portant sur
l’évaluation de la gestion des ressources
humaines.
ENCADRÉ 10.11 Typologie des activités de gestion des carrières
Planification des carrières Mise en œuvre des carrières Évaluation des carrières
Source : G. Guérin et T. Wils, « La gestion des carrières : une typologie des pratiques », Gestion – Revue internationale de gestion, vol. 17, no 3, septembre 1992, p. 48-63.
Une fois cette étape terminée, une deuxième démarche doit être entreprise, toujours
dans le cadre de la planification de la carrière : il s’agit de formaliser le plan de carrière
entre l’employé et le représentant de l’organisation (encadré 10.13). L’entretien relié
à la carrière peut suivre une évaluation de rendement et servir à la formalisation du
plan de carrière. Cette étape est d’autant plus importante qu’elle permet de concilier
les aspirations des employés et les besoins organisationnels48, 49.
• Entretien de carrière (ambiance favorable, écoute attentive, point de vue des gestionnaires,
possibilités, élaboration conjointe d’un plan de carrière).
• Planification de la relève (identification des postes clés, élaboration des plans de carrière
individuels).
Source : Adapté de G. Guérin et T. Wils, « La gestion des carrières : une typologie des pratiques », Gestion – Revue internationale de gestion,
vol. 17, no 3, septembre 1992, p. 48-63.
C’est au cours d’un entretien de carrière que les supérieurs peuvent orienter la car-
rière de leurs subordonnés. Il faut cependant noter que cet entretien doit obéir à
certains critères. Créer une ambiance favorable aux échanges, assurer une écoute
attentive, présenter un éventail de possibilités et réussir à élaborer un plan conjoint
d’orientation de la carrière figurent parmi les principales conditions à respecter
pour parvenir à une entente claire et satisfaisante pour les deux parties50, 51.
La planification de la relève est, au sein
D a n s l e s f a i t s de l’organisation, un des éléments de la
La Banque Royale procure à tous ses employés un certain nombre de planification de carrière par lequel une
ressources en matière de planification qui peuvent les aider à définir organisation gère les ressources hu-
leur propre stratégie de carrière. Ces ressources incluent : un manuel maines qui seront affectées à des postes
de planification qui permet aux employés d’évaluer leurs forces, supérieurs. Par ce processus, l’organisa-
leurs faiblesses et leurs intérêts ; des guides détaillés contenant de tion repère les gestionnaires hautement
l’information sur les emplois de gestion et tous les autres postes compétents et les encourage à faire
existants ; et un livre dans lequel sont présentées un grand nombre partie de la prochaine génération
des ressources d’apprentissage mises à la disposition des employés de dirigeants ou, en d’autres mots,
qui veulent améliorer leurs compétences. La planification des carrières découvre les forces de remplacement
à la Banque Royale compte aussi parmi les aspects examinés au qui assumeront des postes clés au sein
moment de l’appréciation annuelle du personnel, au cours de laquelle de l’organisation. Il va sans dire qu’il
on définit les besoins des employés et on désigne les programmes qui s’agit là d’une opération délicate,
pourraient leur être profitables. L’engagement financier de la Banque puisqu’elle nécessite une passation des
en matière de formation et de perfectionnement est l’un des pouvoirs. Il arrive souvent qu’une mau-
plus importants au Canada. De 1987 à 1991, l’institution y a vaise coordination des mouvements des
consacré plus de 308 millions de dollars. Le budget de 1992 se travailleurs soit une source de conflit.
rapportant à cette activité dépasse les 80 millions de dollars. Par exemple, un employé ne pourra
exercer ses nouvelles fonctions parce
que personne n’est en mesure à ce
moment-là d’occuper le poste qui deviendra vacant. Ce genre de situation peut per-
turber le mouvement ordonné des travailleurs dans l’organisation, et il est impor-
tant que la personne responsable de la planification des ressources humaines en
tienne compte et soit disposée à modifier ses plans dans de brefs délais. Dans la plu-
part des organisations, la haute direction conçoit généralement son propre plan de
relève de façon qu’il s’ajuste aux traits caractéristiques de l’organisation52.
Le processus de planification de la relève a suscité un nouvel intérêt pour l’évalua-
tion et le développement des compétences des gestionnaires. Cet intérêt vient égale-
ment des structures des organisations actuelles (décentralisation des pouvoirs). Ces
structures font appel plus que jamais au leadership des cadres supérieurs mais,
paradoxalement, peu de postes sont disponibles dans les niveaux hiérarchiques
supérieurs. Par ailleurs, les employés sont actuellement mieux formés et un grand
nombre d’entre eux représentent, par conséquent, des candidats de choix. Le besoin
de trouver des méthodes judicieuses pour déceler les candidats dont le potentiel est
élevé est donc croissant. Les aspects les plus importants de la planification de la
relève demeurent l’examen des postes clés et des titulaires de ces postes, de même que
l’identification des candidats potentiels qui sont aptes à assurer leur remplacement.
Source : Adapté de G. Guérin et T. Wils, « La gestion des carrières : une typologie des pratiques », Gestion – Revue internationale de gestion,
vol. 17, no 3, septembre 1992, p. 48-63.
Rôle professionnel
• Précise les besoins de perfectionnement de son protégé et les moyens lui permettant d’y parvenir.
• Assure la formation de son protégé sur les plans technique et administratif.
• Communique à son protégé les stratégies générales de l’organisation et les lui explique.
• Affecte son protégé à des postes stratégiques.
• Lui donne une rétroaction sur sa performance et ses attitudes.
• S’assure qu’il reçoit toute la reconnaissance qu’il mérite.
Rôle politique
• Assure à son protégé l’accès à de l’information privilégiée.
• L’introduit dans des réseaux décisionnels.
• L’aide à se familiariser avec les aspects officiels de l’entreprise.
• Lui sert de représentant ou d’« avocat ».
• Lui assure une certaine visibilité.
Rôle socio-affectif
• Écoute son protégé, l’encourage et le conseille.
• Lui donne l’exemple de comportements appropriés.
• Peut devenir pour lui un ami, un confident.
Source : C. Benabou, « Mentors et protégés dans l’entreprise : vers une gestion de la relation », Revue internationale de gestion, vol. 20, no 4,
p. 18-24.
Les rétrogradations
• Rétrogradation avec augmentation de salaire.
• Rétrogadation temporaire permettant d’acquérir de nouvelles compétences et de récupérer par la
suite le poste occupé auparavant.
• Rétrogradation horizontale avec diminution de salaire.
• Rétrogradation sans diminution de salaire.
• Rétrogradation en fin de carrière afin de permettre à un jeune de progresser dans l’organisation.
• Rétrogradation en vue d’éviter la perte de l’emploi due à une restructuration.
• Rétrogradation en vue d’éviter la perte de l’emploi due à des problèmes de performance au travail.
Les transferts
• Mutation horizontale dans une autre région.
• Promotion dans une autre région.
• Mutation horizontale dans la même région.
• Mutation dans une maison d’enseignement (recherche, enseignement, projets spéciaux).
Source : L. Lemire et T. Saba, « Plafonnement de carrière subjectif : Impacts organisationnels dans le secteur québécois », dans GRH face
à la crise : GRH en crise, Actes du VIIIe Congrès de l’AGRH, M. Tremblay (éd.), Montréal, HEC, 1997, p. 371-382.
V Les défis et les tendances
en matière de gestion
des carrières
L es professionnels de la gestion des ressources humaines ne doivent pas seulement
concevoir des programmes de gestion des carrières qui permettent aux employés
de relever les problèmes et les défis qui accompagnent le cycle du déroulement de
leur carrière, mais ils doivent également faire preuve de beaucoup d’imagination.
En effet, à la difficulté de concevoir des cheminements susceptibles de remplacer les
progressions traditionnelles s’ajoute la nécessité de relever un certain nombre de
défis. Une nouvelle culture doit donner un nouveau sens au mot carrière et remplacer
le succès objectif évalué en termes de promotion et de statut par un succès d’ordre
psychologique. Tous les employés ne vont pas accepter nécessairement cette nouvelle
vision de la carrière, et le problème du plafonnement provoque de l’insatisfaction chez
les employés qui demeurent trop longtemps à un même poste et qui n’entrevoient pas
de possibilités d’avancement66. Les programmes de gestion des carrières ont intérêt
à s’harmoniser avec les besoins changeants de l’environnement de l’organisation et
avec les modifications dans la composition de la main-d’œuvre.
Finalement, mentionnons que la création d’emplois non traditionnels remet en
question la gestion des carrières et appelle à la formulation de solutions novatrices,
toujours dans le but de motiver et de retenir les employés compétents ainsi que de
planifier la relève. La carrière tend à devenir davantage une responsabilité individuelle
qu’une responsabilité organisationnelle67, 68. Nous présenterons quelques pistes de
réflexion mettant en lumière les changements aux systèmes de gestion des carrières
mis en place dans les organisations.
L’AMÉLIORATION DE L’EMPLOYABILITÉ
De nouvelles pratiques provoquées par les vagues de rationalisation se sont ajoutées
aux solutions proposées ci-dessus. Notons l’émergence de politiques d’entreprise qui
favorisent l’apprentissage continu, dans le but de faire en sorte que les employés
acquièrent non seulement les compétences nécessaires à leur travail dans l’exercice
de leurs fonctions, mais aussi des compétences qui augmenteront leur valeur sur le
marché du travail. Les employés souscrivent aux pratiques de développement de
carrière qui maximiseront leurs chances de se trouver un emploi comparable dans
le cas où des licenciements se produiraient plus tard.
Antécédents
Expérience de travail :
• Pertes d’emploi involontaires
• Changement organisationnel
• Changement d’emploi volontaire
• Violations des obligations Médiateurs Conséquences
• Satisfaction au travail
Composantes du contrat
psychologique : • Participation aux
pratiques
• Responsabilité du développement de développement
de carrière • Intention de rester
• Attentes rel. sécurité d’emploi dans l’organisation
• Engagement envers le
type de travail
Facteurs individuels
• Sexe
• Âge
• Poste occupé
Source : M. A. Cavanaugh et R. A. Nœ, « Antecedents and Consequences of Relational Components of the New Psychological Contrast »,
Journal of Organizational Behavior, vol. 20,1998, p. 323-340.
REVUE DE PRESSE
L’organisation spaghetti,
une forme inusitée mais très efficace
Chez Oticon, les employés doivent exercer plusieurs métiers
et définir leur travail en fonction de leurs qualités et compétences
Céline Chez Oticon, les employés doivent contenir une dizaine de dossiers et des
Poissant exercer plusieurs métiers et définir leur objets personnels.
travail en fonction de leurs qualités
Oauditive
ticon est ce fabricant danois d’aide
dont l’ex-président, Lars
et compétences. Ils ont également le
mandat de faire évoluer leur emploi. Le
Chaque employé doit pouvoir être
en mesure d’emporter ses pénates en
Kolind, a modifié de fond en comble la moins de cinq minutes.
président y a éliminé les descriptions
structure organisationnelle. Elle est On a ensuite éliminé tout papier pour
de tâche qu’il qualifie de limitatives
passée, à la fin des années 1980, favoriser la communication verbale.
quand vient le temps d’exploiter tout le
d’une entreprise qui avait du mal à Des bars à café installés un peu partout
potentiel des employés. « Kolind a aussi
survivre à la concurrence que lui dans l’immeuble et des sofas installés
éliminé tous les titres, les services et
livraient Philips, Siemens et Sony à une en rond favorisent le dialogue et l’inte-
fait tomber tous les murs intérieurs
entreprise devenue leader mondial raction entre les employés et la tenue
du siège social. Ainsi, tout le monde
dans son secteur. de réunions spontanées.
travaille dans une vaste pièce ouverte
« M. Kolind a implanté ce qu’il appelle où aucun pupitre n’est assigné à Une seule pièce à papier demeure et
l’organisation spaghetti, surtout parce quiconque. elle est symboliquement bien placée en
qu’elle lui faisait penser à un entrelace- vue dans l’entrée principale. On y reçoit
« Les postes de travail comportent tous
ment compact de pâtes qui représentent le courrier extérieur dont 95 % est
une table, une chaise, un ordinateur et
les nombreux rôles que doivent jouer balayé sur ordinateur puis déchiqueté.
un téléphone et les employés décident
les gens dans l’organisation et qui
où s’installer le matin selon le projet Philosophie et principe de gestion
sont également entrelacés », explique
auquel ils travaillent. »
Suzanne Rivard, professeure titulaire Chez Oticon, on est passé d’un mode
en technologies de l’information (TI) à Chaque employé ne possède qu’un petit de gestion basé sur la technologie à un
l’École des Hautes Études Commer- panier qu’il prend le matin en entrant mode de gestion basé sur les connais-
ciales (HEC) de Montréal. et qui n’est guère assez grand que pour sances. On a libéré le personnel de
CHAPI TR E 1 0 • LA G E S TI O N D E S CAR RIÈRES 375
titres encombrants et on a encouragé à partager l’information et la connais- Les projets ne connaissent pas de
les employés à donner leur maximum sance ne constitue jamais une source restrictions de budget ni de ressources.
et à faire de leur mieux en interagissant de pouvoir. Cependant, les employés sont animés
entre eux sans qu’il y ait de contrôle ni de la très forte croyance que toutes
Le choix permet au personnel de cons-
supervision. En fait, on a créé un envi- les occasions seront repérées, saisies
tamment présenter de nouveaux projets
ronnement de travail où l’intelligence, et exploitées et qu’ils atteindront leurs
et de monter une équipe autour de ceux-
la créativité et les avancements se ci. Les postes vacants sont affichés objectifs financiers qu’ils se sont eux-
produisent naturellement grâce à l’in- dans le système informatique, ce qui mêmes fixés.
teraction humaine. permet de recruter des gens de talent Pendant le règne de M. Kolind à la
Comme on peut l’imaginer, tout cela ne et intéressés. barre d’Oticon, qui a duré jusqu’à
s’est pas fait sans heurt, mais puisque Les métiers multiples, dans une ap- 1998, l’entreprise a doublé ses revenus
Lars Kolind avait l’intention arrêtée de proche de projet, ont fait se créer un et décuplé ses profits. « Oticon exporte
remplacer sa structure organisationnelle réseau d’experts ayant réussi à aujourd’hui 90 % de sa production
rigide par une structure plus souple, il développer des entreprises dans divers dans une centaine de pays grâce à un
a retenu quatre grandes valeurs fonda- secteurs. Oticon s’est ainsi créé un réseau de succursales et d’agents bien
mentales pour son entreprise. réseau intelligent très performant. établi. »
La transparence fait en sorte que Enfin, la gestion non interventionniste
chaque employé a accès à la plus permet aux projets d’émerger d’un
grande quantité d’informations pos- environnement qui semble parfois Source : Les Affaires, Guide du gestion-
sible. On encourage tout le personnel chaotique. naire, Édition 2001, p. 34.
L’« INTRANEURSHIP »
Selon Baruch et Peiperl, les entreprises seront, dans l’avenir, à la recherche de per-
sonnes capables de déterminer par elles-mêmes leur cheminement de carrière et de
faire le bilan de leurs compétences80. Cette approche contredit les courants prônant
le contrôle et l’efficacité organisationnelle et, à cet égard, il faudrait inventer de
nouvelles orientations. Étant donné que la nouvelle devise est « Small is beautiful »,
mot d’ordre auquel s’ajoute ces temps-ci celui de « Small is flexible » peut-être
faudra-t-il penser que l’« intraneurship » est un moyen efficace pour gérer les carrières
des employés dotés d’un haut potentiel et les garder dans les organisations.
376 S E C TI O N 3 • LE D ÉV E L OP P E M EN T D E S R E S S O U R C E S HU MAI NES
AV I S D ’ E X P E R T
La gestion des carrières : le concept
de l’employé « protéen »
par Douglas T. Hall
Dans son livre « The Career Is Dead, Long Live the Career », Hall proclame
la mort de l’ancien concept de gestion des carrières et la naissance d’un nouveau
modèle, celui de la « protean career ». D’après Hall, le développement de carrière
se réalise par l’intermédiaire des relations que les membres d’une organisation
entretiennent les uns avec les autres. Dans ce nouvel environnement de travail, les
défis que l’employé recherche se trouvent dans les interactions avec ses collègues,
ses supérieurs et les clients de l’organisation. La carrière progresse par l’expéri-
mentation d’une série de nouvelles affectations dont chacune constitue en elle-
même une source d’apprentissage. Les caractéristiques individuelles des collègues
de travail, notamment l’origine ethnique, l’âge, le sexe, le niveau de scolarité,
les attitudes et les habiletés représentent une mine intarissable de connaissances
qu’il est possible d’acquérir à travers les échanges entre les pairs. Les clients,
particulièrement dans les entreprises qui adoptent des approches clients, représen-
tent un excellent moyen d’information et une source de savoir. Finalement, les
expériences de mentorat, le réseautage, les équipes de travail et le rôle de guide
constituent des pratiques qui mettent l’accent sur les échanges et les interactions
et offrent des possibilités de développement de carrière. Le rôle de l’organisation
revient alors à instaurer une culture organisationnelle appuyant cette philosophie
de gestion et à mettre en place les mécanismes appropriés.
Les modèles qui partent de l’idée que l’organisation est une pyramide et que
les systèmes de gestion des carrières planifient les progressions de carrière et la
mobilité verticale entre les divers postes tendent à disparaître. Par contre, les sys-
tèmes de gestion des carrières qui tiennent compte de la nouvelle composition
de la main-d’œuvre et qui offrent des cheminements et des possibilités de dévelop-
pement de carrière adaptés à la situation particulière des individus ou des groupes
d’individus auront certainement plus de chances de survivre à l’évolution du
marché du travail et à la transformation des entreprises. Ces systèmes exigent une
nouvelle vision du système de gestion des carrières. Le changement dans les valeurs
des employés, les expériences passées, l’évolution vertigineuse de certains secteurs
d’activités et l’émergence de nouvelles formes d’organisation appellent à des solu-
tions encore plus exceptionnelles et plus fortuites qu’auparavant. Pour mieux
comprendre la gestion des carrières telle qu’elle se présente dans les organisations
des années 2000, il convient de séparer ses composantes, à savoir, le travail, les
personnes, les identités et les sous-identités, les différences, les communautés,
le sens, les processus d’apprentissage et le développement et l’organisation.
Douglas Tim Hall est professeur de comportement organisationnel et directeur de l’ Executive Development
Roundtable, à l’École de gestion de l’Université de Boston. Il est l’auteur de Careers in Organizations and
Career Development, et le co-auteur des ouvrages suivants : The Career Is Dead, Long Live the Career :
A Relational Approach to Careers ; Organizational Climates and Careers : The Work Lives of Priests ; The
Two-Career Couple ; Experiences in Management and Organizational Behavior ; Turbulence in the American
Workplace ; Human Resource Management, and Career Development in Organizations. Ses intérêts sur le
plan de la recherche portent sur les carrières organisationnelles, la formation au leadership, la planification
de la relève, la gestion de la diversité et l’équilibre travail-famille.
CHAPI TRE 10 • L A GES TION D ES CA RRIÈRES 377
RÉSUMÉ
L a gestion des carrières est une
activité de gestion des ressources
humaines qui vise à retenir les employés
les principales étapes se rapportant
à l’évaluation des choix de carrière, à
l’élaboration des objectifs et à l’établis-
dans l’entreprise, à les motiver en leur sement d’un plan qui permettra de gérer
offrant des perspectives d’avenir et à tous ces aspects. En ce qui concerne
planifier la relève au sein des organisa- l’aspect organisationnel, nous avons
tions. Nous l’avons examinée à partir présenté les programmes destinés à
de deux perspectives : l’approche centrée créer des possibilités d’avancement. Ces
sur l’individu et l’approche centrée sur programmes ont également été décrits
l’organisation. Pour un individu, mener en tenant compte des problèmes et des
une carrière suppose de faire un choix enjeux de carrière qui accompagnent le
professionnel judicieux, de décider de son cycle de vie de l’employé. En conclusion,
développement professionnel et de le ce chapitre a examiné les défis que
mener à terme en définissant ses objec- l’activité de gestion des carrières doit
tifs personnels, en obtenant de l’avance- relever, et il offre au lecteur des pistes
ment et en acquérant les compétences de réflexion sur l’avenir de cette
nécessaires à l’atteinte des objectifs de activité.
carrière. Nous avons également examiné
ÉTUDE DE CAS
Le retraité toujours en poste