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Les Phénomènes Psychiques Recherches (... ) Maxwell Joseph Bpt6k5686599c

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Les phénomènes psychiques :

recherches, observations,
méthodes / par J. Maxwell,...
; préface de Charles Richet,...

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Maxwell, Joseph (1858-1938). Auteur du texte. Les phénomènes
psychiques : recherches, observations, méthodes / par J.
Maxwell,... ; préface de Charles Richet,.... 1903.

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mUMOTIIÈQUË ;j
I)K PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE*

LUS

llftilÈNES PSYCHIQUES

! :- |l|E(mKH0IES, OBSERVATIONS, MÉTHODES

f"
.
l'A H

J. MAXWELL
UocLcur O" médecine
Avocat jrénér.il prés l.i Cour d'appel «le liordeativ

l'RËFACK »K CIIAHLKS RICUKT


Membre de l'Académie de médecine
i'iofesseur à lu Faculté do médecine do l'aris

PARIS
FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
ANCIENNE 'LIBRAIRIE PERMER BAiLLIÈRE ET C^
108, nOULEVARD SAINT-GEKMAIN, 108

'
'" IU03
LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
DU MÊME AUTEUR

Le mysticisme contemporain,, Limoges, Ducourticux, 1893.


Un magistrat Hermétiste: l.c Président Jean d'Espagttet. Bordeaux,
Gounouilhou, I8QG.
De quelques casde responsabilité médicale. Bordeaux, Gounouilhou,
1901.
Recherches Psychiques (exlrail de la Revue Philomatique). Bordeaux,
Gounouilhou, igot.
L'amnésie au point de vue de la médecine judiciaire. Bordeaux, Gou-
nouilliou, iqo2. _
Le monde en l'an 2000, d'après M. WELLS (cxlraitTïe la Ites'iie Philoma-
tique). Bordeaux, Gounouilhou, 1902. '
L'amnésie et les
ttfl^tfMjfla conscience dans l'épilepsie. Bor
deaux, Gounouilhou, tgo3.

CHAntHK». — IMPRIMERIE DURAND, RUE FULBERT.


LES

ffiftîïKNES PSYCHIQUES

' Ri^HE^àjfiS, OBSERVATIONS, MÉTHODES

PAR

J.MAXWELL i
Docteur en médecine
Avocat général près la Cour d'appel de Bordeaux

PRÉFACE DE CHARLES RICHET


Membre de l'Académie de médecine
Professeur à la Faculté do médecine de Paris

PARIS
FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAlLLlfiRE & C'«
to8, BOULEVARD S A tXT-GEf.M VI S , to8
1903
Tous droits réservés.
II y a des Hvre3 pour lcst[uels une préface est superflue, parfois
même nuisible. Ce sont ceux dans lesquels l'auteur dit si neltementce
qu'il veut dire, et en termes si précis, que tout commentaire en affai-
blit la portée.
Tel est cet ouvrage de M. Maxwell. L'auteur, qui depuis longtemps
s'est adonné à la psychologie, a vu quantité de faits intéressants ; il
les a minutieusement observés, et, après avoir mûrement réfléchi sur
la méthode d'observation, sur les conséquences et sur la natnrc même
des phénomènes, il expose les faits cten déduit quelques idées simples,
loyalement, sans complaisance et sans crainte, devant un public qu'il
espère impartial.
C'est à ce public que j'adresserai aussi la courte introduction que
l'amitié de M. Maxwell m'a demandé de mettre en tète de cet excel-
lent ouvrage.
Mon conseil au lecteur peut se résumer en un mot. Il faut aborder
ce livre sans préjugés, ne craindre ni ce qui est nouveau, ni ce qui
est imprévu. Autrement dit, et, tout en gardant le plus scrupuleux
respect pour la science d'aujourd'hui, il faut être solidement per-
suadé que la science d'aujourd'hui, pour vraie qu'elle soit, est terrible-
ment incomplète.
Les imprudents qui s'occupent des sciences occultes sont accusés
de bouleverser la science, et de détruire le laborieux édifice que des
milliers de travailleurs ont construit, au prix d'un immense labeur,
universel, depuis trois ou quatre siècles. Mais fcc reproche me paraît
bien injuste. Personne ne peut démolit un fait scientifique.
Un courant électrique décompose l'eau en un volume d'oxygène et
deux volumes d'hydrogène. C'est un fait qui restera vrai, dans tout
l'infini de l'avenir, comme il a été vrai dans tout l'infini dupasse. Les
idées changeront peut-ôtre sur ce qu'il convient d'appeler courant
VIII PREFACE
électrique, ou oxygène, ou hydrogène. On trouvera peut-être que
l'hydrogène est un composé de cinquante corps différents; que l'oxy-
gène se transforme en hydrogène : que le courant électrique est une
force pondérable, on une émission lumineuse. Peu importe ce qu'on
découvrira : en tout cas on ne fera jamais que ce que nous appelons
courant électrique, dans les conditions de pression et de température
moyennes, ne dédouble pas ce que nous appelons l'eau en deux gaz
ayant des propriétés différentes, gaz qui se dégagent dans les propor-
tions voluuu'lriques de a à i.
H n'y a donc jamais à craindre qu'une science nouvelle, faisant
irruption dans la science ancienne, ne vienne bouleverser les données
acquises, et contredire ce qui a été établi par les savants.
Par conséquent, les phénomènes psychiques, si complexes, si im-
prévus, si effrayants parfois qu'on les suppose, ne renverseront aucun
des faits qui font partie des sciences présentement classiques.
L'astronomie et la physiologie, la physique et les mathématiques,
la chimie et la zoologie peuvent dormir tranquilles. Elles sont intan-
gibles, et rien ne portera atteinte à l'imposant assemblage des faits
incontestables qui les constitue.
Mais des notions, jusque-là inconnues, peuvent être introduites
qui, sans faire douter des vérités anciennes, feront pénétrer des
vérités nouvelles cl changer, bouleverser même, les notions que nous
avons des choses, en ajoutant des faits imprévus.
Ces faits seront imprévus; ils ne seront jamais contradictoires.
L'histoire des sciences nous montre que jamais l'édifice des sciences
passées n'a été renversé par l'invasion d'une science nouvelle.
Il fut un temps où la notion de la contagion tuberculeuse n'exis-
tait pas. On sait maintenant que ce sont des microbes qui la trans-
mettent. C'est une notion nouvelle, très féconde en conclusionsimpor-
tantes, mais elle n'a pas infirme le tableau clinique que les médecins
d'autrefois avaient tracé de la phtisie pulmonaire. Quand ont été
découvertes les ondes hertziennes, les lois d'Ampère n'ont pas été
ébranlées. Parce qu'il y a des rayons Roentgen, cl des vibrations
lumineuses qui traversent les corps opaques, l'optique do Newton et
de Eresnel n'est pas devenue un tissu d'erreurs. Il parait que le
radium peut dégager continuellement, sans phénomènes chimiques
moléculaires appréciables, de grandes quantités d'énergie calorifique.
Nous pouvons être assurés que la loi de la conservation de l'énergie,
cl les principes de la thermo-dynamique resteront aussi vrais que par
le passé.
De même si, comme cela csl de plus en plus vraisemblable, des
PREFACE „IX°_

faits dils occultes viennent à être établis, on peut être rassuré sur la
science classique. Des faits inconnus et nomeaux, quelque étranges
qu'ils soient, ne vont pas détruire la vérité des faits anciens. :/
Pour prendre un cxçmplc emprunté à l'ouvrage de M; Maxw/cll,.
admettons que le phénomène des raps, c'est-à-dire des vibrations
.
sonores du bois ou des aulres substances, soit'un phénomène vrai, x
et que, dans certains cas, il y ait des coups qu'aucune force mécanique
extérieure à nous connue ne puisse expliquer; est-ce que la physique
en sera bouleversée? Ce sera une force nouvelle se dégageant sur le
bois, et exerçant sa puissance sur la malièrc; mais les forces anciennes
n'en conserveront pas moins toute leur puissance, cl même il est
vraisemblable que la transmission de cette vibration dans le bois par -
une force nouvelle, se fera suivant les mêmes lois que la transmis-
sion des autres vibrations: la température, la pression, la densité de
l'air ou du bois, exerceront les mêmes influences. 11 n'y aura de
nouveau que l'existence d'une force jusque-là inconnue.
Or, csl-il un seul savant digne de ce nom qui puisse a (lit-mer qu'il
n'y a pas de forces jusqu'ici inconnues qui circulent dans le monde?
Autant la science est inattaquable quand elle établit des faits,
autant elle est misérablement sujette à l'erreur quand elle prétend
établir des négations.
Voici un dilemme qui me parait à cet égard 1res démonstratif. De
deux choses l'une: ou nous connaissons toutes les forces de la nature,
ou nous ne les connaissons pas toutes. Or, la première alternative est
tellement ridicule qu'elle ne vaut vraiment pas la peine d'être réfutée.
Nos sens sont tellement bornés cl imparfaits que le monde leur
échappe presque complètement. La force colossale de l'aimant ne
nous est connue qu'accidentellement pour ainsi dire, et, si le hasard
n'avait pas placé le fer doux à coté de l'aimant, nous eussions pour
toujours ignoré que l'aimant exerce une attraction sur le fer. Il y a
dix ans on ne soupçonnait pas l'existence des rayons Roentgen. Avant
'
la photographie on ne savait pas que la lumière réduit les sels d'ar-
gent. Les ondes hertziennes ne sont connues que depuis trente ans à
peine. Il y a deux cents ans, on ne connaissait de cette force immense
électrique que la propriété de l'ambre frotté.
A interroger un sauvage
— voire même un pauvre fellah, ou un
moujik russe — sur les forces de la nature, il ne connaîtra pas la
dixième partie de elles que les traités élémentaires de physique de
1903 énumèrent. Il me parait que les savants d'aujourd'hui sont
vis-à-vis des savants des siècles à venir dans la même infériorité que
les moujiks vis-à-vis des professeurs du Collège de France,
X PREFACE
Qui donc serait assez téméraire pour prétendre que les traités de
physique de l'an aoo3 ne feront que répéter ce qui se trouve dans
les traités tic 1903. La vraisemblance, presque la certitude, c'est que
très rapidement de nouvelles données scientifiques vont surgir des
ténèbres, et que des forces inconnues seront révélées, très puissantes
cl très inconnues. Le grand étouuemenl de nos arrièrc-pelits-lils sera
que des savants aient été assez aveugles pour professer tacitement
l'immobilité de la science.
Si la science a fait de tels progrès, c'est que précisément nos devan-
ciers n'ont pas craint de faire des hypothèses hardies, de supposer des
forces nouvelles, dont ils oui, à force île patience et de persévérance,
démontré la réalité. Le devoir strict s'impose à nous de faire comme
eux. Le savant doit être révolutionnaire, et le temps heureusement
est passé, où la vérité se cherchait dans les livres du maître, que ce
lïil Arislole. ou Platon. En publique on peut être conservateur ou
progressiste; c'est affaire do tempérament. Mais, quand il s'agit de la
recherche de la vérité, il faut être résolument et sans réserve révolu-
tionnaire, et ne considérer les théories classiques, même celles qui
paraissent les plus solides, que comme des hypothèses provisoires,
qu'il faut contrôler sans cesse, el sans cesse essayer de renverser. Les
Chinois ont cru que la science avait été fixée par la sapience de leurs
ancêtres; el c'esl un exemple bon à méditer.
El puis — pourquoi ne pas le dire hautcmci.t!* — toute cette
science, dont nous sommes si fiers, li'esl que la co:n aissanco des
apparences. Le fond des choses nous échappe. La nature intime
des lois qui gouvernent la matière, vivante ou inerte, est inabor-
dable à notre intelligence. Une pierre lancée en l'air retombe à
terre. Pourquoi? Par l'attraction, dit Newton, proportionnelle à la
masse et à la dislance. Mais qu'est-ce tpie celte loi, sinon l'exposé
d'un fait, el comprend-on celle vibration attirante qui fait tomber la
pierre? Le phénomène de la chute d'une pierre est tellement banal
qu'il ne nous étonne pas; mais en réalité nulle intelligence humaine
ne l'a compris. Il est habituel, commun, accepté; mais il est incom-
pris, comme tous les phénomènes de la nature sans exception.
L'oeuf fécondé devient un embryon. Nous décrivons tant bien que
mal les phases de ce phénomène ; mais avons-nous compris, malgré
les descriptions les plus minutieuses, celte évolution du protoplasme
cellulaire qui se transforme en un être vivant, immense? Pourquoi ?
Par quel prodige se font ces segmentations? Pourquoi ces granulations
s'ainassent-elles là? Pourquoi se détruisent-elles là pour se reformer
ailleurs ?
PRÉFACE \t:
Nous vivons au milieu de phénomènes qui se succèdent autour
de nous, sans qu'un seul d'entre eux nous soit connu de manière
adéquate. Même ce qui est le plus simple est encore tout à fait mys-
térieux. Qu'esl-ce que la combinaison de l'hydrogène avec l'oxygène ?
Qui donc a une seule fois pu bien comprendre ce mot de combinai'
son, anéantissement des propriétés de deux corps par la création
d'un troisième corps différent des deux premiers? On ne s'entend
même pas sur l'atome, qui, par définition, est impondérable, cl qui
cependant devient pondérable quand il y a beaucoup d'atomes réunis.
Donc il convient au vrai savant d'être très modeste, cl très hardi
à la fois. Très modeste, car notre science est très peu de chose: très
hardi, car l'immense champ des inondes inconnus lui est ouvert.
Audace el prudence: telles sont bien les deux qualités, nullement
contradictoires, du livre de M. Maxwell.
Quel que soil le sort réservé aux idées qu'il soutient, avec faits à
l'appui, on peut être assuré que les faits, qu'il a bien observés, resle-
ronl. Il y a là, j'imagine, les premiers linéaments d'une science nou-
velle, ébauche très informe encore.
Qui sait si la physique et la physiologie ne trouveront pas là de
précieux éléments de connaissance? Malheur aux savants qui croient
(pie le livre de la nature est fermé, cl qu'il n'y a plus rien de nou-
veau à faire connaître aux faibles hommes !

CHARLES RICHET.
LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

INTRODUCTION

J'ai beaucoup hésite à publier les impressions que m'ont


laissées dix années de recherches psychiques. Ces impres-
sions sont sur beaucoup de points 1res incertaines et je me
demande vraiment si les rares conclusions que je puis for-
muler méritent que je me donne la peine de rédiger un
livre pour les exprimer. Je me suis cependant décide h faire
connaître mon opinion parce qu'il ma semblé qu'il était
nécessaire de le faire. Je ne me dissimule pas que l'impor-
tance de mon témoignage est faible : mais, quelque mo-
deste qu'il soit, il me semble que mon devoir est de l'ap-
porter a ceux qui ont entrepris de soumettre a la discipline
scientifique l'élude de phénomènes en apparence rebelles à
cetlc discipline. Il eut été plus commode et plus avantageux
pour moi de continuer mes recherches dans le silence et
dans le calme. Je ne cherche pas à faire de prosélytes et il
m'est au fond indifférent que mes contemporains partagent
ou non ma manière de voir; mais il ne m'est pas indifférent
de voir les braves gens qui vont à la bataille exposer tout
seuls leur poitrine aux coups. 11 yaquclquclAchetéà croire
ce qu'ils enseignent et à les laisser aller seuls au feu pour
soutenir une opinion qu'il faut quelquccourogo aujourd'hui
encore pour affirmer. C'est h eux que je dédie mon livre.
Le public m'est, je le répète, indifférent; non que je dé-
daigne le jugement qu'il porte, car j'en ai le plus grand
MAXWELL. I
3 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

respect ; mais ce n'est pas au public quo jo m'adresse La


question quo j'étudie n'est pas mùro pour lui, — h moins
cjuo ce no soit l'inverse.
Je m'adresse aux braves gens dontje parlais tout h l'heure
pour leur dire que mes obsorvolions confirment les lotira
sur beaucoup do points et que jo suis avec eux. Jo m'adresse
aussi a ceux qui cherchent a so rendre compto do la réalité
des phénomènes curieux dont parle ce petit livre. J'ai essayé
do combler une lacune en leur indiquant les méthodes les
plus sûres pour arriver a un résultat appréciable, car il est
moins dilïîcilo qu'on le pense d'obtenir quelques-uns de ces
résultats.
Un mot encore sur la méthode quo j'ai suivie. Jo n'ai pas
voulu donner à mon livre un aspect scientifique et l'accom-
pagner d'observations comparables a celles qu'on peut lire
dans un livre de médecine. La matière comportait pou celle
forme do rédaction, bien quo j'eusse pu l'adopter. J'ai pré-
féré dire ce quo j'ai vu et demander à ceux pour lesquels
j'écris de me croire si bon leur semble.
J'aurais, j'en suis sur, accumulé les témoignages et les
certificats que je n'aurais pas convaincu un lecteur de plus.
Ceux que mon affirmation laissera sceptiques n'auraient pas
été entraînés par des procès-verbaux signés par des témoins
dont la sincérité ou la compétence sont si aisément contes-
tables. Je n'ai pas davantage voulu adopter la méthode suivie
par les observateurs de l'Agnélas, de Milan, de Carqucy-
ranno et donner un procès-verbal détaillé des séances que
j'ai tenues ; cette méthode a ses avantages et ses inconvé-
nients. Il est difficile dans un compto rendu quoique com-
plet qu'il soit, d'indiquer toutes les conditions do l'expé-
périence: des omissions sont inévitables. Do plus, on aura
beau dire que toutes les précautions ont été prises'pour évi-
ter la fraude, il suffira que, dans l'énumération do ces pré-
cautions on ait omis d'en indiquer quelqu'une pour qu'im-
médiatement on soit exposé aux plus justes critiques. Cette
INTRODUCTION 3
précaution était pouMl.ro éléinonlairo cl a été prise, ou
elle a élé jugéo inutilo ot volontairement laissée do côté;
ces circonstances n'évitent pas les critiques, On veut con-
vaincre en indiquant los conditions précises do l'expérience:
les gens quo l'on veut convaincre ainsi sont justement ceux
qui sont lo plus mal préparés a juger dos conditions où les
expériences psychiques so réalisent. Co sont des physiciens
ou des chimistes, et la matière vivante no réagit pascommo
la matière inorganiquo ou comme les substances chimiques.
Je no cherche pas u convaincre ces savants : mon livre
n'a pas la prétention d'dlro fait pour eux. S'ils sont tentés
d'essayer a leur tour d'obtenir les effets quo j'ai conslatés, la
méthode que j'indique leur sera facilement accessible. C'est
décolle manière quo jo puis indirectement les convaincre,
mais je lo répète, jo n'ai pas une pareille prétention ; d'autres
expérimentateurs sont mieux eu situation que uiui do s'es-
sayer à celle oeuvre désirable mais actuellement difficile.
Difficile! Corles celle oeuvre l'est, et pour mille raisons.
Lu première c'est qu'il est do modo aujourd'hui do consi-
dérer ces faits comme indignes do la science. J'avoue quo
j'éprouve toujours un délicat plaisir à comparer la diversité
du jugement que beaucoup déjeunes Savants (jo prie lo
typographe do ne pas oublier PS très majuscule) portent
sur leurs contemporains. L'un, entouré d'auditeurs respec-
tueux, remettra solennellement à une hystérique endormie
un coupe-papier et l'invitera gravement à massacrer mon-
sieur un tel sous les espèces d'un fauteuil vide ou d'une
chaise ; .quand lo sujet so précipitera pour exécuter sa sug-
gestion et frappera la chaise avec le coupe-papier, les assis-
tants contempleront un fuit scientifique. Voici au contraire
un autre contemporain qui, non moins gravement, fera des
passes longitudinales sur un sujet et l'endormira; puis il
essayera d'extérioriser sa sensibilité: d'autres assistants
seront autour de cet autre expérimentateur, mais ils ne
verront pas un fait scientifique. Je n'ai jamais pu saisir la
4 LES PHENOMENES PSYCHIQUES
différonco entre les deux contemporains dont l'un expéri-
mente sur une hyslériquo plusquo sujette « caution et dont
l'autre oxamine un phénomène que l'on peut observer, s'il
est vrai, sans avoir h se fior uniquement à la bonne foi do
la personne endormie.
En réalité, il y a tout un clan très intolérant parmi les
savants. On dirait quo les faits signalés par ceux qui n'ont
pas été agréés par les chefs d'écolo no comptent pas. Je no
parle pas bien entendu de ces expériences physiques quo
tout lo monde peut répéter comme la télégraphie sans fil ou
les rayons X ; il est bien difficile de contester des faits quo
tout le monde peut vérifier. Nos expériences malheureuse-
ment ne sont pas aussi faciles à réussir ; aussi les jeunes
Savunts font-ils volontiers leurs premières armes dans
quelque expédition contre les gens qui s'occupent des phé-
nomènes psychiques. Ainsi les jeunes théologiens d'autre-
fois s'exerçaient u leurs débuts contre quelques hérésiarques
notoires, ariens, manichéens ou gnosliques.
Rien ne change en vérité.

*
* *

Je dois dire cependant que beaucoup de ceux qui s'occu-


pent des curieux phénomènes dont jo vais parler prêtent
facilement à (a critique. Ils ne se montrent pas très sévères
sur les conditions de leurs expériences : ils ont la confiance
aisée et la iv: Jiude rapide. Je ne saurais trop les mettre en
garde coi ire des affirmations prématurées : qu'ils évitent
de justifie r ; dire de Montaigne : L'imagination crée le cas.
«
Mon observation est surtout faite pour les groupes occul-
tistes, théosophiques et spirites. Les premiers ont une mé-
thode qui laisse bien à désirer. Leur façon de raisonner
n'est pas faite pour leur attirer beaucoup d'adeptes parmi
les gens qui réfléchissent. L'analogie et les correspondances
n'ont pas dans la logique ordinaire la môme importance
INTR0PUCTI0N t>

quo la déduction ou l'induction. D'autro part, il no mo pa- 1

ralljiAj^pxuj^joii^^coivsiildror'commo l'oxprossion do la,


vérité l'interprétation ésolériqno des livres hébraïquos, Jo
no vois pas pourquoi j'aurais abandonné la croyanco on
leurs affirmations oxotériquos pour cello do leurs gloses
talmudistcsou kabbalistes, J'ai peine àcroiroquolos Rabbis
du moyon ago, ou leurs prédécesseurs, contemporains..
d'Esdras, aient eu une notion plus exacte do la naluro hu-
maine que nous-mêmes. Leurs erj«urs en physique no
sauraient être cautions valables do leur oxactiludo on mêla-
physique La vérité ne saurait êtro utilement cherchée dans
l'analyso d'un livre très beau, mais très vieux : toutes les
spéculations occultistes sur l'exégèso secrèlo hébraïque itïe
paraissent un sport inJi^cUectuel,et j'en qualifierais les
résultats par l'expression mémo de l'Ëcclésiastc O^VaKnVgH

Jo ferai la mémo critique aux théosbphcs. Lo curieux


mouvement mystique (pie les enseignements de Mme Bla-
vatsky, du colonel Olcoll et de Mme Dosant ont fait naître
en Europeet on Amérique n'est pas encore arrêté. Beaucoup
d'esprits cultivés, d'îimcs délicates et d'intelligences affinées
se sont laissés séduire par l'évangile néo-bouddhiste ; elles
trouvent sans doute ce qu'elles cherchent dans la méditation
(Vlsis Unveileil ou do Secret Doctrine Trahi! sua quemque
vofuptas. Je ne puis m'cmpêclier do penser cependant que
les Oupanishads ne détiennent pas plus le monopolo de la
vérité que la Bible et que toute philosophie doit s'allacher
a l'élude do lanature pour vivre et progresser. Cest d'ailleurs ;
ce que dit un homme quo ihéosophes et occultistes respec-
tent également : je veux parler de Paracclse. « L'homme est
ici bas pour s'instruire dans la lumière de la nature ».
C'est coque prétendent faire les spirites. Leur philoso-
phie, pour mo servir du terme même qu'ils emploient pour
désigner leur doctrine, estfondée, disent-ils, sur l'observation;
des faits et sur l'expérience. Ce n'est pas une révélation
0 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
contemporaine do la splendeur do Thobos ou des magnifi-
cences do la cour d'Açoka qui sert do fondement a leurs
dogmes; c'est une révélation actuelle, constanlo, pcrma-
nonlo; les notions qu'ils ont de notre origine et do noire
destinée, la certitude qu'ils ont do l'immortalité do l'Ame et
do la persistance de l'individualité humaine sont dues à des
témoins bien renseignés. Ce sont les esprits dos morls qui
viennent les éclairer cl leur dire ce qu'on fait dans l'au-
delà.
J'cnvio leur facile foi : mais je no puis la parlager com-
plètement. iNoIre individualité évolue dans une période
infiniment plus longue que la durée d'uno vio humaine, j'en
ai la persuasion. Mais ce n'est pas dans les séances spiriles
(pie j'ai puisé ma croyance. Kilo est d'ordre philosophique :
mes réllexions sur ce que je sais do la vio, do la nature et
du lent développement de l'espèce humaine me l'ont donnée.
11 est vrai que ces connaissances sont peu de chose et que

ma croyance est hésitante : cependant les probabilités me


semblent être en faveur do la persistance de co mystérieux
contre d'énergie que nous parait être notre individualité.
Mais celle opinion n'est pas ducaux communicationsspi-
rites : celles-ci m'ont paru avoir une origine autre quo colles
que les disciples d'Aîlan Kardcc leur prêtent.
Jo no parle bien entendu que do mon expérience person-
nelle : je ne mo permettrai pas d'affirmer que des convic-
tions établies sur des faits non observés par moi sonterron-
nées. Je ne yeux donc pas dire que les spiriles soient toujours
la viclime de leurs désincarnés: je ne puis dire qu'une
chose, c'est que les messages reçus par moi d'outre-tombo
m'ont paru avoir une origine différente.
Je dois ajouter toutefois pour être exact et sincère quo si
.
ma conviction n'a pas été entraînée, j'ai observe dans
une ou deux circonstances des faits qui m'ont laissé per-
plexe.
Malheureusement pour le spiritisme, une objection qui
INTRODUCTION ;.*};
mo parait irréfutable pout ^êtro faito a l'onsoignemont dos
esprits, Dans tous les pays du continent ils affirmont la
réincarnation, Ils indiquont souvont lo momont où ils vont
s'enfermer do nouveau dans un corps humain : ils ra-
contant plus volontiers cncoro les avatars passés do leurs
fidèles. En Angleterre, au contrairo, les esprits assurent
ipi'on no so réincarne pas. C'est uno contradiction for-
melle, absolue, inconciliable. Coux qui douteraient do
mon affirmation n'ont qu'à parcourir ot à comparer les
livres spiriles anglais ot français ; par oxomplo, coux d'Al-
ton Kardec, do Dcnys, do Delanno ot ceux do Stainton-
Moses. Comment avoir uno opinion acceptable ? Qui dit la
vérité ? Los esprits continentaux ou les esprits anglo-saxons ?
Il est probablo quo les messages spirites n'émanent donc
pas de témoins bien informés. C'est à cette conclusion
qu'arrive indirectement l'un des spirites les plus instruits
et les plus éclairés, Aksakoff. Il reconnaît lui-mômo qu'on
n'est jamais certain do l'identité do l'être qui so commu-
nique dans une séance spirilo.
Bien quo je no partago pas la manière do voir des occul-
tistes, des théosophes et des spiriles, je dois à la vérité do
dire que leurs groupes, au moins ceux que j'ai fréquentés,
sont composés de gens convaincus, sincères et respectables.
Les premiers s'attachent peut-êtro davantage au développe-
ment des facultés mystérieuses qu'ils affirment exister dans
l'homme, les spirites sont plus enclins à provoquer les com-
munications de leurs esprits, mais tous se préoccupent du
développement moral do leurs groupes.
Celte sollicitude pour la culture éthique de l'hùitlariitti
est la caractéristique de ces groupes mystiques. Les occul-
tistes et les théosophes • ecrutent surtout dans les milieux
intellectuels: la clientèle du spiritisme est plus vaste. Son
avenir mo parait aussi plus assuré. La simplicité do ses
enseignements et de ses méthodes est faito pour séduire les
âmes et les intelligences qui reculent devant l'édification
8 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
pcrsonnollo d'uno croyanco ; cor c'est uno pénible entre-
prise et uno lourde lAcho quo do so façonner uno philoso-
phie 11 est plus cominodo d'occcptcr des indications toutes
prêtes ot do croiro h dos affirmations en opparenco sincères
et bien informées. De longs sièclos do discipline religieuse
ont occouliinié l'esprit humain h faire des actes de foi et ù
fuir toute discussion libre dès qu'il est question des desti-
nées fuîmes. Il est malaisé de so débarrasser de ccllo habi-
tude atavique
C'est ce qui fait le succès du spiritisme ; il vient à son
heure cl répond à un besoin général.

* *

Il suffit de considérer l'étal psychologique do notre so-


ciété pour constater combien il est troublé. On a beaucoup
parlé du conflit entre la science et la religion, mais on est
encore reslé au-dessous de la vérité. Ce n'est pas un conflit
qui s'élève outre la science et la révélation : c'est une lutte
à mort qui éclate entre elles. 11 est facile de prévoir quel
sera le vaincu.
Il semble même que l'agonie du dogme chrétien com-
mence. Quel est l'esprit sincère avec lui-même qui pourrait
aujourd'hui répéter le fameux credo quia absnrduih? N'est-co
pas faire à la Divinité, si elle existe, la plus grande injure
que de refuser de faire usage des dons les plus précieux
qu'elle nous a faits? de ne pas employer toutes les forces
de notre intelligence et de notre raison à l'examen de notro
destinée et de nos devoirs envers nous-mêmes el envers les
autres?
C'est cependant celle abdication quo le catholicisme, par.
exemple, nous demande II exige que nous fassions mie,
adhésion complète à ses dogmes, que nous croyons aveu-
glément tout ce que l'Eglise enseigne, tout ce qu'affirme
un pape infailliblo. 11 me paraît inadmissible que le Dieu
INTRODUCTION f)
dos catholiques lui-mômo approuvo uno pareille indiffé-
rence
Jo no veux évidemment pas faire un livro do polémiquo
religieuse J'ai trop lo respect des autres pour mo permellro
d'atlaquer des croyances oncore très répandues : jo no dois
étudier quo l'aspect général do la révélation et on tirer los
conclusions nécessaires a mon élude
Cetto étudo est aiséo a faire. Les intelligences les plus
cultivées s'éloignont dos cultes rçvélés, Jo no parle quo do
la plupart d'entre elles, car il on existe encore qui demeurent
attachées à dos croyances en voio do disparition ; mais olles
constituent uno minorité.
Les intelligences moins cultivées, elles-mêmes, com-
mencent à saisir l'insuffisanco do la révélation. Elles
s'étonnent quo la divinité ait pu s'incarner et mourir pour
racheter uno humanité bien peu digne d'un aussi grand
sacrifice Elles s'étonnent d'une sollicitude semblable
pour les habitants d'une des sphères les moins impor- j
tantes do l'univers. Elles s'étonnent aussi do l'inexorablo '
sévérité de ce Dieu qui, pour pardonner aux hommes, exige
la mort do son propre fils ; qui, pour les offenses mépri-
sables d'êtres sans commune mesure avec lui, exige une
éternité de souffrances comme châtiment d'éphémères
oulrages. Tout cela ne satisfait pas les Ames éprises do
vérité et de justice. Ces dogmes donnent aux hommes une
importance cosmique qu'ils n'ont pas et prêtent à Dieu une
susceptibilité et une cruauté indignes de l'Etre suprême
On pourrait aisément trouver d'autres exemples : il me
parait inutile de les donner pour appuyer encore ma con-
clusion : celle-ci d'ailleurs est admise par le clergé lui-
même qui ne cesse de se plaindre de l'indifférence crois-
sante de nos sociétés.
Sont-elles indifférentes en réalité ? Je ne le crois pas. On
trouve des indifférents dans les classes riches, dans les
milieux aisés et cultivés. Les un a poursuivent le plaisir, les
10 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

autres la science: au fond ils cherchent a (aire ce qui los


aimise ou los intéresse. Mais ceux qui n'ont pas do res-
sources, ceux quo la vio tourmente, coux que l'idée do la
mort et do l'anéantissement cflVayo, coux qui ont besoin
d'une consolation ou d'uno espérance, coux-là no sont pas
dos indifférents. S'ils abandonnent les églises et les tomplcs,
c'est parce qu'ils ne trouvent pas dans la révélation ce
qu'ils cherchent. La nourriture spirituelle qu'on leur offre
ne satisfait plus leur goût ; ils veulent des aliments plus
substantiels et moins contestés.
D'ailleurs, dans les milieux les plus cultivés eux-mêmes,
ce besoin commence à so montrer. Des intelligences aussi
élevées quo colles do Mycrs, de Sigdwick, do Gurney, pour
no parler que des morts, ont abordé l'étude des phénomènes
psychiques ce lo désir d'y trouver la preuve d'une vie
future Mycrs est mort après avoir trouvé ou cru trouver la
démonstration qu'il cherchait.
Lo Pr llacckcl do Iéna a formulé lui-même sa philoso-
phie ! Son monisme matérialiste est l'expression de ses
croyances : colles-ci no sont guère propres à satisfaire les
besoins dont j'indiquais plus haut la force et l'étendue

*
* *

Le spiritisme a justement la prétention de donner satis-


faction à ces besoins, et il les satisfait pour les coeurs
simples, pour les Ames peu compliquées, pour les intelli-
gences qui ne soupçonnent pas les complexités de la vie.
Les phénomènes des séances spirites — phénomènes réels —
sont le miracle qui vient confirmer l'enseignement des
esprits, Pourquoi douter?
Aussi la clientèle du spiritisme grossit-elle ayee une
extraordinaire rapidité. L'extension que prend cette doc-
trine est un des plus curieux phénomènes de l'époque ac-
tuelle Nous assistons à.ce qui me parait être la naissance
INTRODUCTION II
d'une véritable religion, sans cérémonial rituel ot sans
clergé organisé, mais ayant dos assombléos cl dos pratiquos
véritablement cultuelles. Je-trouve pour ma part un intérêt
extrême a ces réunions ot j'ai l'impression d'assister t\ la
naissance d'un mouvement roligieux appelé h do grandes
destinées.
Mes prévisions so vérifioronl-ollos ? C'est a l'avenir qu'il
appartient do nous fixer. J'ai exprimé une opinion fondée
sur uno observation impartiale ot désintéressée Malgré
la sympathie que j'ai pour les groupés qui ont bien voulu
madmettre ù leurs réunions, malgré l'amitié qui mo lio h
certains do leurs membres, jo n'ai jamais voulu m'associor
à leur propagande ni même leur laisser croire que jo par-
tageais leurs opinions. Je leur ai toujours dit avec sincérité
que jo n'étais pas convaincu do la constante intcrvonlion
dos esprits : je no leur ai pas caché que des explications
plus probables mo paraissaient pouvoir ôlve données aux
phénomènes constatés par eux : peut-être ont-ils apprécié
ma franchise. En tous cas, jo leur sais gré do la courtoisie
amicale avec laquelle ils m'ont permis d'observer los phé-
nomènes de leurs séances, d'écouter les enseignements do
leurs médiums et d'exposer mes idées si peu conformes aux
leurs.

Je ne suis ni spirite, ni théosophe, ni occultiste Je no


rois pas aux sciences occultes, jo no crois pas au surnaturel,
e ne crois pas aux miracles. Je crois quo nous ne savons
Picore que peu do chose du monde où nous vivons et que
ions avons presque tout à apprendre. Il y a chez les hommes
es plus éclairés, quelle que soit l'époquo où ils vivent, une
nconscienle tendance à s'imaginer que les faits incompa-
bles avec leurs notions sont surnaturels ou faux. Plus mb-
estes, mais plus cruels aussi, nos aïeux, théologiens et
18 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
jurisconsultes, ont brûlé los sorciers et les magiciens sans
los accuser do fraude; aujourd'hui, la plupart du nos sa-
vants, plus affirmalifs et moins rigoureux, accusent do
superchorio les médiums et les thaumaturges sans los con-
damner au bûcher. Au fond leur état d'esprit est celui des
anciens exorcistes : leur intolérance est la même et la diffé-
rence du traitement appliqué aux sujets ne lient qu'au pro-
gressif adoucissomcnl des moeurs.
Ceux mêmes d'entre les savants qui sont le plus intéressés
aux recherches psychiques n'osent pas avouer leur curio-
sité. Il faut l'élévation d'esprit d'un Duelaux, d'un Riche!,
d'un Rochas, d'un Crookcs, d'un Lombroso ou d'un
Lodgo pour oser prendre position et marquer un bien-
veillant intérêt à ces recherches suspectes. Elles soront
pourtant un jour le plus beau litre do gloire do ceux qui
les auront entreprises. Il est bien fAcheux que la science
officielle ait pris l'attitude qu'elle a do nos jours vis-à-vis
des expériences médianiques; ce cant scientifique a des con-
séquences regrettables. La récente histoire de l'institut psy-
chique international est bien instructive à cet égard. Quel
dommage en vérité que des hommes aussi érudits, aussi
remarquables, aussi compétents que Janet par exemple
aient reculé, « tiqué » même devant l'épithète de psy-
chique! Le besoin d'un institut psychique existait; non
celui d'un institut psychologique. Il y en a suffisamment.
C'est justement l'attitude des cercles scientifiques les
plus respectables qui me paraît une erreur dont la rectifi-
cation s'impose. Je comprends parfaitement et j'excuse celte
altitude: tant de choses inexactes ont été affirmées, tant de
pratiques ridicules ont été recommandées, par les coryphées
du mouvement occultiste, que les représentants officicls-de
la science ont dû s'en indigner. Il aurait mieux vahi qu'ils
daignassent chercher ce qu'il y a de vrai au milieu de ces
affirmations et de ces pratiques. Malheureusement personne,
sauf Riche!, n'a osé faire pour les phénomènes allégués par
INTRODUCTION l3
les occultistos et los spirites co quo Charcot a fait pour los
allégations des magnétiseurs. Cot autre Gharcot viendra
sans doulo quand l'heure sera propice
Lo travail préparaloiro aura été fait ot il n'aura qu'à
reprendre les expériences do Riehot, do Crookcs, do Lôdgo,
de Rochas, d'Ochorowicz et do bien d'autres,
Le nom do ces savants sera inscrit avant lo sion sur lo
livre d'or do la scionco nouvelle avec d'aulros noms encore,
ceux de Durand do Gros, do Gramont, do Wattovillo, et
de Daricx outre autres.
C'est avec ces expérimentateurs quo jo mo range Plu-
sieurs d'entre eux sont mes amis ot si jo no partage pas
entièrement leur manièro devoir, mes idées sur la méthode
à employer so rapprochent pourtant beaucoup dos leurs.
Je me trouve ainsi naturellement amené à diro quelles sont
mes idées personnelles. Los voici :
Je crois à la réalité do certains phénomènes que j'ai pu
constater h diverses reprises. Je ne pense pas qu'il faille les
attribuer à uno intervention surnaturelle quelconque : jo
suis disposé à penser qu'ils sont produits par uno force
existant en nous.
Je crois aussi quo ces faits peuvent être soumis à l'obser-
vation scientifique Je dis observation et non expérimen-
tation parce quo jo no pense pas qu'il soit encore possible
de procéder à une expérimentation véritable: pour expéri-
menter il faut connaître les conditions de fait dont l'exis-
tence et la réunion a pour conséquence un autre fait: or
nous ne connaissons que très imparfaitement ces conditions
do fait, antécédents nécessaires du phénomène cherché.
Nous sommes dans la situation do l'astronome qui petit
placer son oeil à l'oculaire do sa lunette et observer le ciel,
mais qui ne peut provoquer la production d'un phénomène
céleste déterminé.
Ma position est donc bien simple C'est celle d'un obser-
vateur sans parti pris. Je n'ai jamais eu la curiosité de
It'| LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
m'occupcr do sciences occullcs et de spiritisme el j'avais
depuis longtemps dépassé la trentaine quand mon attention
s'est dirigée vers les phénomènes psychiques. Je n'avais
jamais mémo essayé de faire tourner une table avant tronlc-
cinq ans. J'avais toujours considéré comme indignes do
tout examen les faits dont j'avais entendu parler, (le n'est
tpio vers i8o/< que je me suis intéressé à ces recherches.
Je m* puis me rappeler aujourd'hui comment j'ai élé
amené à m'en occuper. Je n'ai pas été brusquement conduit
à lo faire, et il est certain qu'aucun événement saillant n'a
déterminé chez, moi un changement rapide d'ntlitude Autant
(pie mes souvenirs me permettent de l'affirmer, c'est la lecture
do quelques ouvrages théosophiques parcourus par hasard
qui m'a donné la curiosilédo me rendre comple do retendue
d'un mouvement mystique dont jo no soupçonnais pas
l'existence. Les constatations que j'ai faites m'ont beaucoup
étonné, car je no pensais pas que lo mysticisme pût avoir
des clients à la lin du \ixe siècle. J'ai fait à ce sujet une
étude en iSo3: c'est le discours de rentrée (pic j'ai prononcé
devant la Cour d'appel de Limoges.
Ce discours m'a valu beaucoup de correspondants et j'ai
été amené à expérimenter moi-même. Mes premiers résultais
oui élé négatifs, et sauf quelques expériences intéressantes
laites à Limoges avec une dame de celle ville, médium re-
marquable, el son mari, je n'avais obtenu (pie des phéno-
mènes peu probants. En 18r>5 je me rendis à l'Agnélas et
pris part aux expériences faites par MM. de Rochas. Daricx,
Sabalhier, de Gramonl et de Walteville. Le compte rendu
do ces expériences a élé publié dans les Annales des Sciences
psychiques.
J'avais été surpris des phénomènes constatés par moi:
j'avais la curiosité de reprendre avec plus de loisir les expé-
riences de l'Agnélas; en i8j)0 Eusapia Paladino me fit
l'amitié de passer quinze jours chez moi aux environs de
Bordeaux, à Choisy. MM. de Rochas, de Watlcville de
INTRODUCTION IÔ

Gramonl, Brincard, généralThomassin assistèrent à toutes


ces expériences ou à quelques-unes d'entre ollos. M, lo
procureur général Lcfranc, mon chef ot mon ami, prit part
à une do nos séances. M. Béchadoel un médium bordelais,
Mme R. Agullana lurent aussi mes hâtes. Les résultais do ces
séances ont élé donnés par do Rochas dans une plaquello
(pii n'est pas dans lo commerce J'étais toujours très inté-
ressé et jo voulais me rendre encore mieux compte do co
ipio j'avais vu avec Eusapia ; aussi la priai-je de revenir.
Kilo y consentit et vint encore passer quinze jours chez moi
à Bordeaux on 1897. J'ai expérimenté avec quelques amis,
et les phénomènes que nous avons vus ont été aussi
démonstratifs.
Eusapia n'a pas été lo seul médium avec qui j'ai fait des
expériences. Mme Agullana, de Bordeaux, m'a donné avec
son désintéressement habituel do très nombreuses séances.
J'ai obtenu avec elle des résultats d'un autre ordre: j'ai
également, à doux reprises, fait venir à Bordeaux les jeunes
médiums d'Agen: j'avais eu l'occasion do les observer dans
cette villo, où les phénomènes dont leur maison élait lo
ihéAlro avait valu à celle-ci la réputation d'être hantée
Enfin, j'ai trouvé à Bordeaux, parmi les très nombreuses
personnes qui m'ont fait l'honneur do m'admottre à leurs
séances quelques médiums remarquables. J'ai trouvé aussi
de 1res nombreux médiums qui no manifestaient (pic dos
phénomènes d'automatisme, intéressants cependant dans
leur genre, car ils me permettaient de me rendre compte do
la différence entre les phénomènes supranormaux, pour
employer l'expression do la Société des recherches psy-
chiques, et ceux qui ne sont quo l'expression d'une activité
à laquelle la personnalité ordinaire reste en apparence
étrangère Enfin j'ai constaté bien souvent de la fraude;
celle constatation élait instructive et j'ai observé les frau-
deurs eux-mêmes avec patience et intérêt. Les « trucs » des
fraudeurs volontaires méritent d'être connus el étudiés ;
iC LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

on peut ainsi les découvrir plus commodément. Les fraudes


involontaires, plus nombreuses que les volontaires, no sont
pas moins instructives, car elles éclairent vivement les
curieux phénomènes de l'activité automatique
Il n'est pas toujours convenable d'entretenir ses lecteurs
de sa propre personne, mais jo crois devoir enfreindre un
peu les règles et les convenances usuelles, afin do mieux
préciser l'état d'esprit dans lequel j'ai poursuivi mes obser-
vations. Dès le début de mes expériences, j'ai été frappé
d'un fait qui m'a paru certain. Je me suis aperçu que l'on
no pouvait étudier certaines manifestations en apparence
supranormalcs qu'à l'aide de la pathologie nerveuse et
mentale Je me suis remis à l'école et pendant six années
j'ai suivi avec le plus grand soin les cliniques médicales de
l'Université de Bordeaux. Je n'ai pas à faire l'éloge des
maîtres dont j'ai écoulé les enseignements ; leurs noms
seraient mal à l'aise dans un livre comme celui-ci. Je dois
dire que l'intérêt que j'ai pris à l'étude de la médecine a.été
d'autant plus vif que j'en comprenais de mieux en mieux
l'importance Jo n'ai pu acquérir sans doute que des no-
lions bien élémentaires, mais pour simples qu'elles soient
elles m'ont pourtant élé d'un grand secours : elles m'ont
permis do comprendre le mécanisme de certaines mani-
festations et de porter un jugement plus précis sur leur
valeur psychologique.
Je suis donc, je le répèle, un observateur intéressé, mais
sans parti pris. Peu m'importe qu'une table ou qu'une
chaise se remue sans qu'on la louche ; je n'ai aucune envie
particulière de les voir accomplir des mouvements d'elles-
mêmes. Le seul intérêt que je trouve à ce fait est sa vérité.
Sa réalité seule a de la valeur pour moi et je ne me suis
préoccupé que d'arriver à la constater sans erreur possible
J'ai donc cherché uniquement à me rendre compte de la
réalité des phénomènes que je constatais : la recherche de
la'vérité a été mon seul souci.
INTRODUCTION r7
Je l'ai cherchée à ma manière, c'est vrai--; mais j'ai pré-
féré me faire une conviction qui fût établie sur des bases
satisfaisantes pour mon intelligence ot ma raison plutôt
que de poser a priori les conditions que l'expérience devait
satisfaire pour me convaincre. J'ignore la plupart de ces
conditions et je pense que tout le monde est comme moi,
Je considère qu'il est bien imprudent, par suite, d'établir
par avance les conditions dans lesquelles l'expérience devra
être faite pour mériter d'être retenue II se pourrait qu'une
des conditions ainsi posées rendît justement irréalisable le
résultat cherché. J'ai donc observé et je n'ai expérimenté
que rarement.
Ma manière do procéder m'a donné d'heureux résultats,
car les curieux phénomènes que j'ai pu observer sont capri-
cieux ; ils se dérobent à qui les veut forcer et s'offrent à qui
les allendavcc patience L'allure qu'ils manifestent ainsi n'est
pas une des choses les moins surprenantes quo l'on observe
Enfin j'ai toujours pensé quo les faits constatés n'avaient
rien do surnaturel. Mes conclusions n'ont pas changé ; il
faut s'entendre cependant sur cette expression. Jo no veux
pas dire que ces phénomènes soient toujours d'accord avec
les lois do la nature telles que nous les formulons aujour-
d'hui. Il est certain, pour moi, que nous sommes on pré-
sence d'une force inconnue ; ses manifestations ne semblent
pas obéir aux mêmes lois que celles des autres forces qui
nous sont plus familières ; mais jo ne doute pas qu'elles
n'obéissent à dos lois : leur étude, peut-être, nous amènera
ù la conception de lois plus générales encore que celles que
nous connaissons. Quelque Newton futur trouvera une
formule plus complète que la nôtre.
Ma position est donc bien définie, il me semble Je me
suis efforcé de me tenir à égale distance de ceux qui nient
de parti pris comme de ceux qui affirment témérairement,
.le suis resté en marge de la science : j'ai essayé d'apporter
dans mes expériences les méthodes d'observation scienti-
MAXWELL. .»
l8 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
fique Jo n'ai voulu faire ni de l'occultisme, ni du spiri-
tisme, ni quoi que ce soit de mystérieux ou de surnaturel.
Beaucoup de ceux qui me connaissent imparfaitement sup-
posent que j'ai laissé libre carrière à mon imagination :
quelques-uns supposent quo je suis un adepte de la théoso-
phie, du néo-marlinisme ou du spiritisme. Il n'en est rien.
Je cherche, et je n'ai trouvé que peu de chose ; d'autres ont
été plus heureux que moi. Peut-être aurai-je un jour la
mémo fortune ; mais jo ne m'occuperai qu'accessoirement
de ce qu'ont fait les autres : je dirai co quo j'ai vu et ce quo
je pense Mon livre est le récit d'un témoin ; il n'a pas
d'autre signification.
Un mot en terminant. Un grand nombre de mes expé-
riences ont été faites avec des personnes qui désirent n'être
pas connues. Je n'ai jamais manqué à la discrétion que
l'on me demandait et n'ai jamais révélé le nom de ceux
qui ont eu assez confiance en moi pour me laisser expéri-
menter avec eux tout en voulant n'être pas nommés. J'ai
trouvé quelquefois des médiums bien remarquables parmi
ces expérimentateurs anonymes. Certaines do mes séances
avec eux ont été admirables par la netteté des phénomènes
obtenus. Que ces amis confiants reçoivent mes remercie-
ments. Puisse mon livre avoir la bonne fortune de contri-
buer pour sa faible part à faire disparaître les préjugés qui
écartent tant d'expérimentateurs de ces éludes et de ces
recherches. Ces préjugés sont nombreux ; c'est la peur du
ridicule, le scrupule religieux, la crainte illusoire des ma-
ladies nerveuses ou mentales, la frayeur d'un monde
inconnu et peuplé d'êtres mystérieux. Le temps les dissi-
pera cl j'espère qu'un jour viendra où ces fails bien étudiés
et bien observés, apporteront à nos connaissances un
appoint insoupçonné. Le domaine des « sciences psy-
chiques » est immense Quelques pionniers sont seuls à
l'explorer : quand il sera défriché et cultivé il donnera, j'en
suis sûr, do merveilleuses récoltes.
INTRODUCTION 10
Mais que ceux que leur éducation scientifique prépare à
cette étude ne la considèrent pas comme indigne d'eux.
Ils commettent, en so désintéressant de ces faits, Une erreur
qu'ils regretteront amèrement un jour. En admettant même
(pie les premiers observateurs aient commis des fautes, il
restera toujours quelque chose des faits qu'ils ont constatés.
Les erreurs sont inévitables dans les commencements de
toute science ; les méthodes sont incertaines et la nouveauté
des phénomènes étudiés rend leur analyse difficile; le temps,
le travail commun, l'expérience acquise permettent de
porter remède à ces inévitables inconvénients.
Il serait trop facile de multiplier les exemples du retard
que le préjugé scientifique apporte aux progrès mêmes de
la science C'est une critique qui a déjà été très souvent et
très spirituellement faite Los hommes que leurs décou-
vertes ont mis à la tête du mouvement intellectuel de leur
génération n'échappent pas eux-mêmes à cette déplorable
tendance do transformer en dogmes les lois naturelles
observées. Ils commettent la faute qu'ils reprochent aux
théologiens de commettre. L'homme a une aptitude mer-
veilleuse à saisir les torts de son prochain et a ne pas voir
les siens propres ; il en sera probablement longtemps encore
do môme Je voudrais pourtant que cette habitude d'esprit
loulc théologiquc fût définitivement bannie do la science
Celle-ci ne doit se préoccuper que de la réalité des faits. Il
n'y a pas do distinction à faire entre les différents phéno-
mènes observés, il no convient pas de considérer comme
appartenant à la science certains d'entre eux seulement et
d'exclure les autres de toute recherche scientifique sous
prétexte qu'il appartient à la religion, par exemple, de les
analyser. Tout fait naturel doit être étudié el incorporé dans
le patrimoine de nos connaissances s'il est réel. Qu'importe
son apparente contradiction avec les lois de la nature telles
que nous les concevons aujourd'hui. Ces lois ne sont pas
des principes supérieurs à notre expérience ; ils ne sont que
1Î0 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
l'expression même de celle-ci ; nous savons encore peu de
chose, notre expérience est encore toute jeune : elle s'ac-
croîtra et son développement aura pour inévitable consé-
quence une modification correspondante dans noire con-
ception de la nature N'affirmons donc pas l'exactitude
absolue de nos idées actuelles en rejetant de partis pris tout
ce qui nous paraît les heurter. Ne dogmatisons pas et
n'ayons qu'un souci, la recherche impartiale du vrai. Rien
ne peut nous faire pénétrer davantage dans la connaissance
du milieu où nous évoluons, que les faits en apparence
inconciliables avec les idées courantes ; ces faits nous dé-
montrent que ces idées sont erronées ou incomplètes : leur
observation attentive nous révélera une formule plus géné-
rale qui expliquera à la fois les faits nouveaux et les faits
anciens. Ainsi, d'antithèses en synthèses de plus en plus
générales, nos idées scientifiques tendront vers l'absolue
vérité.
Mais, que nous en sommes encore éloignés !
CHAPITRE PREMIER

LA MÉTHODE

Un proverbe assure que pour faire uno omelette il faut


avoir des oeufs. Pour étudier les phénomènes psychiques,
il faut en avoir. Cette proposition parait élémentaire et
cependant c'est elle que l'on méconnaît le plus volontiers ;
j'ai déjà dit comment et pourquoi.
Aussi me paraît-il nécessaire d'indiquer, dès le début de
mes récits, les méthodes qui m'ont paru donner les résul-
tais les plus favorables. Ceux de mes lecteurs qui auront le
désir de contrôler l'exactitude de mes conclusions en auront,
j'en suis sûr, l'occasion s'ils veulent opérer comme jo l'ai
moi-même fait. Jo dois tout d'abord les mettre en garde
contre tout respect humain. Ils ne devront pas craindre de
s'exposer à quelque ridicule II n'est pas douteux qu'il n'y
ail en effet matière à plaisanteries dans les opérations que
je leur conseille Mois je les engage à so préoccuper du
résultat, non des moyens qu'il est bon d'employer pour les
obtenir.
Les phénomènes psychiques sont de deux ordres ; les
uns sont matériels, les autres intellectuels, La méthode
la mieux appropriée, à mon sens, pour obtenir les pre-
miers ne convient pas à l'élude des seconds. Il y a donc
une distinction à faire dès le début do ces observations
cnlro ces doux catégories do faits.
Los phénomènes physiques sont les moins facilement
observables : ils comprennent :
22 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

i° Les coups frappés sur des meubles, sur les murailles,


sur les planchers ou sur les expérimentateurs : ces coups
frappés auxquels jo conserverai leur désignation anglaise
plus précise et plus brève seront appelés par moi raps.
2° Les bruits divers autres que les raps. Ils peuvent être
très variés.
3° Les mouvements d'objets sans contacts suffisants pour
expliquer le mouvement produit. On a, dans celle classe
de faits, une divisionà faire cnlrca) les mouvements produits
sans aucun contact : tcléhinésie ; parcxcmple le soulèvement
ou le glissement d'une table, d'une chaise, l'abaissement
du plateau d'une balance sans que les objets soient
touchés et b) les mouvements produits par des contacts
insuffisants à les expliquer : paraldnésie ; par exemple la
lévitation d'une table sur laquelle les expérimentateurs ont
appuyé leurs mains.
,
[\° Les apports, c'est-à-dire l'apparition d'objets, fleurs,
dragées, pierres, etc., qui n'auraient été apportés par
aucun des assistants. Ce phénomène, s'il existe, suppose
en outre le suivant:
6° Passage de la matière dans la matière ; pénétrabililè.
G* Les phénomènes visuels, qui se subdivisent eux-
mêmes en : '
a. Vision do l'effluve odique.
b. Lumières amorphes.
c. Formes lumineuses ou obscures.
(/. Enfin le phénomène le plus complet, ou matériali-
sation d'une forme humaine ou non, lumineuse ou non.
7° Les phénomènes laissant des traces permanentes,
c'est-à-dire :
Empreintes.
Moulages.
Dessins plus ou moins achevés.
89 Lo changement de poids des objets matériels ou de
certaines personnes, par exemple la lévitation du sujet.
LA MÉTHODE 23 =

9e Les changements de température perceptibles : sen-


salion de froid ou de chaud, combustion spontanée.
io° Les souffles, généralement froids.
Tels sont les principaux phénomènes psychiques d'ordre
matériel qui ont été indiqués par les divers observateurs.
Je ne les ai pas constatés tous et n'ai obtenu d'une manière
qui me paraît certaine que les raps, la talékinésic, la para-
kinésic et quelques phénomènes lumineux.
Les phénomènes intellectuels sont ceux qui impliquent
l'expression d'une pensée : je les classerais de la manière
suivante:
i° Typtolorjie : coups frappés par le pied d'une table sur
laquelle les assistants appuient les mains ; la table se penche
d'un côté et reprend l'équilibre en frappant lo sol.
2° Grammaiologie ou phrases épelées. Divers procédés
sont employés ; les principaux sont :
a) L'énumération à haute voix des lettres de l'alphabet
jusqu'à ce qu'un rap indique la lettre à retenir ; b) lo poin-
tage dos lettres à l'aido d'un crayon ou d'un stylet promené
sur un alphabet écrit jusqu'à ce qu'un rap arr*to le stylet ;
c) la désignation enfin des lettres cherchées par un index
moulé sur pivot, au centro d'un alphabet inscrit dans un
cercle —l'inch^ ,e meut soit sans contact soit avccconlact.
3° Ecriture automatique : immédiate, quand le sujet écrit
sans l'intermédiaire d'un instrument, médiate quand il
emploie un instrument, planchette, boule à mouches, cor-
beille, chapeau, guéridon, etc. Dans ce cas plusieurs per-
sonnes peuvent combiner leur action en appuyant à la fois
leurs mains sur.l'objet auquel le crayon est fixé.
A0 L'écriture directe, produite sur des ardoises, du
papier, etc., soit à la vue des assistants, soit hors do leur
vue Si les lettres paraissent so former sans l'aido d'un
crayon on a l'écriture précipitée.
5° Les incarnations : lo sujet endormi parle au nom
d'une entité quelconque qui le «possède».
2^ LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
quand des paroles, paraissant émaner
6° Les voix directes,
d'organes vocaux autres que ceux des assistants, sont
entendues: certains expérimentateurs auraient ainsi con-
versé avec des formes matérialisées.
7° Certains automatismes autres que l'écriture sont
observables; par exemple la vision dans lo cristal, les
miroirs el l'audition dans les coquillages en forme deconque ;
les hallucinations diverses : télépathie si le sujet parait influ-
encé par un agent éloigné, télesthésie s'il semble activement
éprouver des impressions à distance A ces faits se rattachent
la clairvoyance, voyance, ou lucidité', ces expressions no
sont pas identiques d'ailleurs : la lucidité désigne plus spé-
cialement la faculté que certaines personnes ont, dans lo
sommeil magnétique ou dans le somnambulisme, de per-
cevoir d'une manière supranormalo des impressions exactes ;
les clairvoyants ou voyants sont spécialement les sujets qui
aperçoivent des formes invisibles aux autres personnes. La
clairaudience marque des phénomènes du même genre se
produisant dans la sphère auditive.
J'ai très peu étudié ces phénomènes intellectuels;,-sauf
l'écriture automaliqnc, la vision dans le cristal, la typto-
logie et les incarnations. J'ajouterai que si je mo suis inté-
ressé plutôt aux phénomènes physiques, c'est qu'il m'a
paru quo leur élude était plus simple et leur observation
plus-facile. Ce sentiment n'est pas celui do tous les expé-
rimentateurs et mes collègues de la Société des recherches
psychiques de Londres paraissent plus affirmatifs dans
leurs conclusions relatives à la survie et à la communication
avec les morts, que dans leurs opinions sur les phénomènes
matériels. Mes constatations' personnelles no m'ont pas
amené aux mêmes idées.
Il n'est pas douteux que des expériences démontrant la
persistance de la personnalité humaine après la mort
auraient un intérêt auprès duquel tous les autres s'effa-
ceraient ; mais l'analyse des phénomènes do ce genre sou-
LA MÉTHODE ' 26"
lève des difficultés autrement compliquées que la simple
observation d'unfaitphysique Les phénomènes intellectuels
supposent toujours un automatisme moteur quelconque ; je
ne parle pas bien entendu des manifestations où la volonté
du sujet intervient: cet automatisme se manifeste par le
langage, l'écriture ou par des phénomènes moteurs moins
élevés, la lyplologic par exemple : il peut être sensoriel et
svs traduire par des hallucinations
diverses. Il suffit d'in-
diquer les conditions dans lesquelles ccs} phénomènes s'ob-
servent pour en faire comprendre l'infinie complication.
Avant d'admettre que la cause de l'apparent automatisme
du sujet est extérieure à ce sujet il faut pouvoir éliminer
avec certitude l'action de sa conscience personnelle ou
impersonnelle Dans quelle mesure la mémoire subliminale
intervient-elle P C'est une première difficulté bien malaisée
à trancher.
En la supposantrésolue, le problème reste encore presque
intact. Si la connaissance d'un fait déterminé, certainement
ignoré du médium, apparaît dans ses communications auto-
matiques, il no faut pas en conclure quo cette connaissance
est due à l'intervention d'un esprit « désincarné ». La
télépathie peut l'expliquer ; ce phénomène est, on le sait,
la transmission d'une idée, d'une impression, d'un état
psychique quelconque d'une personne à uno autre personne
On en ignore absolument les lois et rien no nous permet
d'affirmer, si la lélépalhiccxislccommo cela paraît d'ailleurs
probable, qu'il soit nécessaire qu'un état émotif particulier
exislechez l'agent. On peut supposer avec autant de raison
(pic l'existence d'un souvenir dans un cerveau peut être
découverte et reconnue par un autre cerveau dans des con-
ditions dépendant uniquement do l'état du percipient. C'est
lo. lélcslhêsio proprement dite Or, il est encore très difficile
tic démontrer (pic lo lait dont l'automatisme marque la
connaissance est ignoré do tout le monde Cette preuve est
même impossible Enfin, en supposant qu'elle soit faite, il
a6 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

restera toujours la possibilité d'en attribuer la communi-


cation à quelque être non humain : de sorte qu'en admettant
l'existence d'êtres spirituels ou immatériels distincts de
nous, rien ne nous permet d'affirmer encore que ces êlres
soient bien nos parents ou nos amis morts et non quelques
facétieux Kobolds.
Les faits de prémonition, de précognition dont quelques-
uns ont élé constatés par moi soulèvent des questions aussi
complexes que les précédentes : je mo suis borné à les enre-
gistrer sans chercher à les expliquer.
Mes préférences se sont fixées sur l'élude des phénomènes
physiques. Là, je n'ai pas à me préoccuper de l'état mental
du sujet, jo n'ai pas à faire les délicates analyses dont jo
viens d'indiquer la complication. Je n'ai à me défendre que
contre deux ennemis, la fraude d'autrui ou mes propres
illusions. J'ai la persuasion de n'avoir été la victime ni de
l'une ni des autres. Quand j'ai observé par exemple le
déplacement d'un meuble en plein jour, dans un café, dans
un restaurant, dans un buffet de chemin do fer, j'ai bien lo
droit do penser que je ne suis pas en présence d'un mobilier
truqué pour obtenir de pareils effets. Quand l'imprévu de
l'expérience exclut l'hypothèse d'une préparation, quand
l'absence de contact entre les expérimentateurs et l'objet
qui se déplace est conslalablc par les yeux et le loucher,
j'ai des raisons suffisantes pour exclure la fraude Quand
je mesure la distance relative des objets on présence, avant
et après le déplacement, j'ai encore des raisons suffisantes
pour exclure à son tour l'illusion de mes sens. Si l'on me
refuse ce droit, je me demanderai vraiment comment on
peut observer un fait quelconque Personne n'est plus con-
vaincu que moi de la fragilité do nos impressions et de la
relativité de nos perceptions : encoro faut-il qu'on puisse
percevoir un phénomène pour le soumettre à l'observation
impartiale Le reproche que j'imagine ne saurait être
d'ailleurs fuit d'une manière générale : en admettre la
LA MÉTHODE 27
justesse serait enlever tout fondement à nos sciences. Il ne
peut m'êtrc adressé qu'a litre particulier: je reconnais bien
volontiers que je ne puis me disculper. J'aurais beau dire
«pic je suis persuadé de la régularité de mes perceptions,
j'aurais beau assurer que je ne constate en moi aucune
tendance à l'illusion, mon témoignage n'en resterait pas
moins suspect.
Aussi, nV.-jc qu'une défense à opposera ceux qui sus-
pecteraient mes qualités d'observateur, c'est de tes inviter
à se donner la peine d'expérimenter à leur tour et d'em-
ployer la méthode que j'ai adoptée S'ils veulent a priori
établir les conditions de leurs expériences ils risquent fort
de n'avoir aucun résultat appréciable Lorsqu'ils auront
obtenu des faits bien nets, ils pourront faire varier les con-
ditions de l'expérimentation et satisfaire les exigences
légimes de leur raison. C'est coque j'ai fait, et si je ne puis
affirmer solennellement la réalité des phénomènes observés
par moi, jo puis cependant affirmer ma conviction person-
nelle qu'ils existent. Pcut-êlro ai-jc une devance exagérée
de moi-mêmo en n'affirmant ainsi que ma conviction sub-
jective et en n'osant pas m'exprimer avec la même énergie
sur la réalité objective des choses que j'ai constatées.
J'espère toutefois quo l'on ne songera pas à blâmer ma pru-
dente réserve. Quel est celui d'entre los hommes qui puisse
affirmer no s'être pas trompé.
En tout cas, jo n'admettrai pas volontiers que l'on cri-
liqiio mes observations sans s'être placé dans les conditions
qui m'ont permis de les faire Rien n'est moins raison-
nable qu'une altitude semblable et je ne reconnais aucune
compétence aux juges qui statueraient sans information
préalable Au surplus, je n'ai le souci de convertir personne
à mes idées et demeure indifférent,
— respectueusement
indifférent si l'on veut au jugement que l'on pourrait

porter ainsi sur moi.
Les méthodes recommandées par les diverses écoles
28 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
occultistes varient beaucoup. Les théosophes norévèlcntpas
aux profanes les moyens qu'ils emploient pour obtenir des
faits supranormaux. Leur discrétion sur ce sujet m'étonne ;
la Société Ihéosophiquc fait, ou plutôt a fait une active pro-
pagande Elle a un centre principal à Adyar et des loges ou
branches un peu partout. Les revues théosophiques abor-
dent les problèmes les plus élevés de la philosophie et ne
paraissent pas ménager les révélations les plus extraordi-
naires de renseignement ésotérique ; mais elles sont remar-
quablement avares d'indications pratiques. Le phénomé-
nalisme Ihéosophiquc paraît s'inspirer des théories du
Yoguismc hindou. Je ne connais pas les règles de l'entraî-
nement auquel les Yogis se soumettent. L'abstinence la
plus sévère paraît leur être recommandée Les adeptes sont
ordinairement initiés par leurs gourous ou maîtres et je
n'ai pas eu la bonne fortune d'être le chela de quelque
initié.
Les occultistes de l'école française, qui se rattachent à
Eliphas Lévy par Papus(lc D'Encaussc), dcGuaïla, llavcn,
Barlcl, Sédir recommandent les pratiques de la magie On
trouvera la description du matériel magique nécessaire dans
les traités de Papus et d'Eliphas Lévy. Les résultats que les
mages racontent avoir obtenus sont tellement vagues quo je
n'ai pas eu la curiosité de mettre en pratique les étranges
procédés de la magie cérémonicllc. Ils ont un inconvénient
grave, c'est de frapper l'imagination des personnes cré-
dules et de rendre plus faciles l'autosuggestion, les illusions
scnsoricllos et les hallucinations. Pour l'accomplissement
des rites il est au surplus nécessaire de disposer d'un appar-
tement organisé d'une manière spéciale cl de so soumettre
pendant un certain temps à un régimo sév'ère ; ce sont là
des complications. Enfin, j'ai eu honte, j'en conviens,
d'essayer ces pratiques. Je n'ai jamais eu le courage do mo
revêtir du manteau cl de la robe de lin, do tracer le cercle
et d'attendre l'êpéeà la main les visions qui se montreraient
LA MÉTHODE 29
dans la fumée des parfums éclairée par ma lampe. Je recon-
nais volontiers que j'ai pcut-êlrc eu tort de ne pas essayer
les méthodes en apparence les moins raisonnables. Comme
je ne me préoccupe (pie du résifllal obtenu, je n'aurais cer-
tainement pas hésité à faire de la magie blanche et même
noire si j'avais eu quelque raison d'espérer un résultat posi-
tif. J'aurais sacrifié sans scrupule toute crainte du ridicule
à Pobtcntion d'un l'ail observable; mais, les récils des expé-
rimentateurs de l'école occultiste m'ont paru implicitement
indiquer la. pauvreté de leurs résultats pratiques. Si nos
mages actuels avaient réalisé quelque opération bien acces-
sible à l'observation ils n'auraient pas manqué de nous en
faire part dans l'une de leurs nombreuses revues. Leur
silence m'a paru significatif.
D'ailleurs l'essence même des doctrines hcrmétisles,
dont les occultistes actuels font ouvertement profession,
est justement opposée à toutes ces divulgations. La doctrine
ancienne exigeait l'initiation. Les Rose-croix, si je nome
trompe, n'avaient le droit que d'initier un adepte. Encore
ne devaient-ils en user que lorsqu'ils avaient atteint un cer-
tain Age cl qu'ils avaient la conviction d'avoir trouvé un
élève discret et sûr. Toute la publicité qui se fait aujour-
d'hui autour des sciences hermétiques est la négation môme
des premiers préceptes de ces sciences ; ces indiscrétions
me rappellent les paroles d'un de mes prédécesseurs à la
cour de Bordeaux, héritière du vieux parlement do Guyenne,
le président Jean d'Espagnet, l'un des trois ou quatre
adeptes qui passent pour avoir résolu le grand arcane.
l'\icilia inlellectu suspecta habeal, dit-il au chercheur, maxi-
me in myslicis nominibus cl arcanis operationibus ; in obscu-
vis enim verilus delitescil ; née unquam dolosius quam quum
operle, nec verius quum quum obscure, seribunt philosopha
Une raison décisive m'a d'ailleurs déterminé à choisir
les méthodes spirites. Celles-ci n'ont rien de mystérieux et
elles ne demandent aucune préparation subjective spéciale
30 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Elles sont simples, en apparence au moins, et peuvent être
commodément appliquées. Los spirites, et certains expéri-
mentateurs qui ont employé leurs méthodes sans partager
leurs théories, affirment avoir obtenu dos résultats surpre-
nants, Je n'avais donc rien do mieux à faire qu'à choisir
ces méthodes. Leur simplicité et la multiplicité des résul-
tats affirmés m'en ont paru faire le procédé de choix : je
vais donc indiquer comment j'expérimente lorsque jo suis
libre do diriger les séances, co qui n'est pas toujours lo cas
malheureusement.
Jo diviserai mes indications en trois grandes catégories •
i" les conditions matérielles; 2° le choix des personnes ;
3° les procédés opératoires. J'ajouterai que ces indications
no sont pas absolues.

§ Ier. — LES CONDITIONS MATÉRIELLES.

11 mo semble quo les résultats sont généralement meil-


leurs quand on opère dans une pièce de petite dimension,
de quinze à vingt mètres carrés. 11 est préférable quo la
hauteur de l'appartement n'excède pas trois à quatre mètres.
On peut opérer dans des pièces plus petites, mais la cha-
leur y est quelquefois fatigante
La température de la pièce est un facteur important. La
chaleur, qui peut incommoder les expérimentateurs et le
médium, me paraît cependant avoir uno influence favo-
rable sur l'émission de la force Le froid est au contraire
un élément d'insuccès. Je parle bien entendu de la tempé-
rature de l'appartement. Jo conseillerais d'opérer à une
température de 20 à 25". Il faut absolument éviter que les
expérimentateurs aient froid aux mains ou aux pieds.
Il vaut mieux que l'appartement, si on expérimente en
hiver, ait été chauffé avant, l'expérience, caria présence du
LA MÉTHODE 3l
feu dans la chominéo est quelquefois gônanlo lorsquo l'on
veut obsorver des phénomènes lumineux.
J'ui cru romarquor enfin qu'il y avait avantago à opérer
dons uno pièce dont lo plancher n'est pas recouvert d'un
lapis. C'est surtout observable pour les mouvements sans
contact. Lo tapis non sculemont parait ôlro un mauvais
élément en général, mais encore, dans ce cas spécial, il
gêne los mouvements do glissement de la tablo qui sont
souvent très faibles.
En ce qui concerne les conditions météorologiques exté-
rieures, j'ai remarqué qu'un froid sec favorisait la produc-
tion des phénomènes. C'est, jo crois, la température optima.
En tous cas, la sécheresse do l'air est uno condition très
favorable: j'ai remarqué quo les phénomènes s'obtenaient
mieux lorsque les conditions extérieures favorisaient la
production do nombreuses étincelles sous les roues des
tramways électriques. J'ai souvent observé cette coïnci-
dence entre de bonnes séances et l'abondance des étincelles
signalées ci-dessus. Je crois que l'état hygrométrique do
l'air est un facteur important dans la production do ces
étincelles.
La pluie et le grand vent sont au contraire des causes
d'insuccès.
L'éclairage de l'appartement est un des plus importants
éléments de l'expérimentation. Les lampes et les bougies
ont l'inconvénient d'être assez longues à allumer. Elles ne
permettent pas de changer rapidement l'illumination de la
pièce La lumière électrique est le meilleur modo d'éclai-
rage: il suffit d'appuyer sur une manette pour faire varier
la quantité et la qualité de la lumière quand on dispose de
plusieurs lampes.
Beaucoup de critiques ont élp formulées contre les expé-
riences de la nature de celles que j'ai entrepris de racon-
ter ; l'une des plus fréquemment faites est le reproche
d'opérer toujours dans les ténèbres. Rien n'est moins exact.
3a LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Je n'ai, pour ma part, jamais considéré comme probantes
les expériences lélékinétiques ou parakinétiques faites dans
l'obscurité. Les mouvements sans contact qui ont déter-
miné ma conviction ont été obtenus en pleine lumière et lo
plus souvent en plein jour. H est évident que l'obscurité
est nécessaire pour l'observation des phénomènes lumi-
neux. Vouloir constater en plein jour ou à la lumière d'une
lampe les délicates phosphorescences qu'il m'a été donné
d'observer est une contradiction évidente
D'un autre côlé, il n'est pas douteux que l'obscurité ne
favorise beaucoup la production des phénomènes d'ordre
physique. J'ai eu à maintes reprises l'occasion do constater
l'exactitude de ce fait dans des conditions qui rendaient
extrêmement improbable l'hypothèse d'une fraude, Il m'est
souvent arrivé par exemple d'obtenir dos raps à la lumière :
dès quo je faisais l'obscurité leur nombre et leur in (ensilé
augmentait. Il en est do même des mouvements sans con-
tact. Mais, je lo répète avec insistance, l'obscurité n'est pas
nécessaire J'ai lu, dans une revue de vulgarisation scien-
tifique, la critique d'expériences auxquelles j'ai pris part :
elle était faito par un médecin bruxellois, si mes souvenirs
sont exacts : ce médecin, homme do talent d'ailleurs,
s'imaginait que nos conclusions étaient fondées sur des
expériences uniquement faites dans l'obscurité complète. Il
commettait une erreur involontaire
Les phénomènes psychiques peuvent être obtenus eu
plein jour et l'on doit essayer de les obtenir ainsi. On a
souvent une tendance à faire éteindre toute lumière afin
d'obtenir des phénomènes plus marqués. C'est une mau-
vaise manière de procéder si l'on cherche les phénomènes
physiques, raps ou mouvements. Il faut éviter de travailler
sans lumière parce que l'habitude se prend aisément de ne
dégager la force nerveuse que dans l'obscurité. On ne sau-
rait s'imaginer à quel point les habitudes prises deviennent
difficiles à supprimer. Eusapia Paladino, par exemple, avait
LA MÉTHODE 33
pris l'habitude de réclamer une obscurité progressive h
mesure quo son sommeil somnumbuliquo devenait plus
profond. J'ai pu, en 1897, obtenir avec elle les mêmes
phénomènes avec une certaine lumière et sans qu'elle
dormit. Je me roppello encore son étonnomont d'assister
éveillée aux phénomènes qu'elle n'avait jusque-là obtenu
qu'il l'état second. L'obscurité, le sommeil lui-même étaient
des conditions auxquelles ce remarquable médium s'était
habitué, mais elles n'étaient pas nécessaires. Ma première
recommandation est donc d'opérer avec do la lumière,
avec autant do lumière que possible J'ai obtenu dos raps
cl dos mouvements sans contact en plein jour el dans des
buffets do chemins de fer ou dans des tavernes.
En tout cas, il peut y avoir des circonstances où la
diminution do la lumière est désirable — souvent le médium
la réclame—où son extinction même est nécessaire (phéno-
mènes lumineux). Il faut pouvoir graduer la lumière Pour
cela il est bon d'avoir uno série de lampes électriques plus
ou moins voilées quo l'on peut allumer successivement.
Uno méthode plus simple est d'avoir une lampe Pigeon.
Ces lampes à essence n'éclairent pas beaucoup, mais elles
permettent une graduation facile do la lumière. Quand la
lampe électrique est éteinte, elles donnent uno lumière
affaiblie, suffisante dans certains cas et, je le répète, pou-
vant être peu à peu réduite jusqu'à l'obscurité.
L'éclairage coloré est souvent utile Je n'ai pas essayé la
lumière bleue Les lumières jaune, violette et verte sont
bonnes : la lumière rouge faligue la vue Dans certaines
séries d'expérience j'ai organisé mon éclairage de façon à
obtenir à mon gré la lumière blanche, jaune, verte ou
rouge. Les trois premières donnent une illumination suffi-
sante : il n'en est pas de même de la lumière rouge.
Une recommandation me paraît nécessaire : il faut autant
tpie possible éviter la concentration de la source lumineuse.
Il esl facile, pour éviter cet inconvénient, d'employer des
MAXWELL. 3
3/| LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

verres dépolis ou de recouvrir d'un papier transparent les


lampes ou les parois des lanternes. La quantité de lumière
n'est pas sensiblement diminuée et l'oeil se fatigue infini-
ment moins.
La qualité de la lumière employée no m'a paru avoir
aucune influence notable ; j'ai toutefois cru remarquer que
les meilleurs résultais ont été obtenus par moi dans l'après-
midi, entre cinq et sept heures, à la lumière du jour atté-
nuée : par exemple, des volets do la fenêtre élanl rapprochés
de manière à n'éclairer la pièce (pie d'un clair demi-jour.
Cependant, comme j'ai plutôt expérimenté dons la soirée,
je no puis affirmer l'exactitude do celte inférenco. Jo me
borne à signaler aux observateurs l'impression que j'ai eue.
Après l'éclairage, la détermination des objets à utiliser
est la plus importante. Jo n'ai pas d'hésitation à dire que la
table est le meilleur instrument. Cependant, il lie faudrait
pas s'imaginer (pie ce meuble soit l'indispensable outil de
l'expérimentateur. On peut obtenir des mouvements sans
contact avec des chaises, des corbeilles, des chapeaux,
des planchettes de bois, du linge, etc. ; mais la table est
plus commode
J'ai obtenu des résultats également bons avec des tables
rectangulaires ou rondes. Peut-être les tables rectangulaires
m'ont-elles donné les plus belles expériences." Eusapia
emploie plutôt des tables rectangulaires : à l'Agnélas, la
table de nos expériences pesait i3 kilogrammes environ:
à Choisy, 6 ou 7; à Bordeaux, environ 7k5,5oo. Lorsque
l'on cherche à obtenir des mouvements sans contact, ou
des raps, jo crois qu'il vaut mieux employer des tables plus
légères. La force psychique est mesurable : certains médium
incapables de soulever une table de 10 kilogrammes pourront
obtenir la lévitation d'une table beaucoup moins lourde
Dans ces derniers temps, et à la suite de résultats
obtenus par moi dans quelques séances faites récemment,
j'ai été amené à penser qu'il y aurait avantage à employer
LA MÉTHODE 35
des tables oyont un double plateau ; le plateau supérieur
étant éloigné de 10 à 12 centimètres du plateau inférieur.
Jo signale celle construction aux expérimentolours qui
seraient tentés d'essayer d'obtenir commo moi quelques
faits télékinésiques. Jo n'ai pas suffisamment expérimenté
pour mo prononcer sur les avantages quo lo double plateau
m'a théoriquement paru devoir présenter. J'ai l'impression
que la table agit un pou commo un condensateur et l'on
comprendrait en ce cas l'ulililé de la construction signalée
Los pieds de la table doivent être séparés ; los guéridons
montés sur un seul pied sont à rejeter, surtout ceux dont
la base est formé par une colonnollo terminée par un trépied.
Celle forme rend malaisé lo contrôle Quand les pieds sont
minces et isolés, ils sont aisément accessibles à l'oeil.
La couleur de la table 110 m'a pas paru avoir quoique
influence sur les phénomènes. J'ai expérimenté avec un
égal succès sur des tables noires, blanches, rouges ou
brunes. Les tables peuvent être polies ou dépolies : lo bois
dont elles sont faites no paraît pas avoir beaucoup d'im-
portance : cependant, j'ai eu peut-être les raps les plus forts
avec uno table en acajou brut.
J'ai toutefois remarqué qu'il y avait avantage à recouvrir
la lablc d'un linge blanc léger. Il faut éviter quo ce linge
dépasse les bords de la table de plus de trois ou quatre
centimètres, car il pourrait gêner la surveillance réciproque
des expérimentaleurs. Je ne sais pas pourquoi la présence
du linge semble favoriser les raps et les mouvements ; eu
lout cas, elle rend beaucoup plus difficiles les mouvements
communiqués et les raps frauduleux.
Il est utile de former dans un coin de la chambre un
cabinet', il suffit de tendre dans un angle deux rideaux
d'étoffe; si l'on opère dans une chambre suffisamment
étroite, il est plus commode de tendre des rideaux à l'extré-?
mile de la pièce opposée à la fenêtre. C'est ce dispositif que
j'avais adopté a Clioisy.
30 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Lu dimension du cabinet no doit pas dépasser i"\»5 à
i"\5o en largeur: sa profondeur doit être d'environ o"\75,
sa hauteur environ a mètres, fl y a, je crois, avantagea le
fermer pareil haut, mais incomplètement.
L'étoile avec laquelle les rideaux doivent être faits peut
être de diverse qualité. Elle doit être souple et assez légère
C'est une erreur de croire qu'elle doit être de couleur foncée
J'ai obtenu d'aussi bons résultats avec de simples draps de
lit blancs qu'avec des rideaux noirs ou foncés.
Lorsque l'on étudie les mouvements d'objets sans contact
il est utile de placer dans lo cabinet des objets légers dont
l'agitalion cause du bruit. Le lambourde basque ordinaire
esl très bien approprié à cet usage, de même (pie les accor-
déons, les petits pianos (reniants, los harmonicas, les
clochettes.
Les chaises sur lesquelles les expérimentateurs prendront
place doivent être en bois, paillées, ou tendues do rotin.
Les lourdes chaises recouvertes d'étoffes ne sont pas à
recommander.
Il sera bon d'avoir un fauteuil confortable et bas pour
y placer le médium quand il voudra so mettre dans le
cabinet noir. Les sujets expriment souvent ce désir quand
ils entrent en somnambulisme ou plutôt en trançe. Je pré-
fère le mot trance (en anglais extase) à toute autre expres-
sion car l'état du médium « outrance » ne me paraît pas
tout à fait identique à celui du somnambule Pour les expé-
riences spéciales dont je traite, il y a intérêt à employer
des termes ne prêtant pas à la confusion. J'appellerai donc
trance le sommeil ou l'engourdissement spécial que l'on
observe ordinairement chez le sujet au moment où les
phénomènes tendent vers leur maximum d'intensité.
11 est utile de placer le médium dans une position confor-

table afin do lui éviter de la fatigue ou de la gêne G'estpour


cela que je recommande un fauteuil bas el commode ; il devra
êlre assez petit poui\pouvoir êlre introduit dans lo cabinet.
LA MÉTHODE 37
H est extrêmement utilo d'avoir dos appareils enregis-
treurs permettant do conserver lo graphique do certains
mouvements. SirW. Crookes les a utilisés avec succès. Jo
n'ai pas ou l'occasion do les employer : jo non avois pas
lors do mes expériences avec Eusapia Paladino, Plus tard,
dans une série d'expériences dont j'espérais beaucoup, la
santé du médium m'a obligé à interrompre mes expériences
avant d'avoir pu faire usago do mes enregistreurs.
Je dois d'ailleurs mettre en gardo les expérimentateurs
contre l'emploi prématuré d'appareils de toutes sortes. Un
des caractères les plus curieux des phénomènes psychiques
est leur indépendance apparente Les expériences nous
dirigent : elles no so laissent pas aisément conduire On
croirait souvent qu'elles obéissent à une volonté autre que
celle des assistants. Cette constatation est la base des
théories spirites; mais j'ai l'impression que cette sponta-
néité est apparente Je n'ai pas pu en saisir les lois.
La fréquente répugnance des sujets à se soumettre au
contrôle des appareils mécaniques est l'une des difficultés
qui rebutent les esprits les mieux disposés et les conduit
vile à conclure à la fraude. Celte conclusion n'est pas tou-
jours fondée. J'ai trouvé dos médiums qui ont eux-mêmes
cherché à mo donner les conditions de contrôle les plus
parfaites. Il est vrai que ces médiums sont justement ceux
qui redoutent le plus d'êlrc connus car ils appartiennent à
des milieux intelligents et instruits cl no veulent pas s'ex-
poser, aux critiques cl aux outrages que l'on prodigue
si facilement aux médiums. Cela est surtout vrai des
dames.
11 est certain que la manière indigne dont la
presse mal
informée "a traité celte pauvre Eusapia n'est pas faite pour
encourager les sujets les plus intéressants. Eusapia, c'est
une justice que j'ai'le devoir de lui rendre s'est toujours
prêtée à toutes les exigences du contrôle le plus sérieux.
Si elle a quelquefois donné des phénomènes suspects, elle
38 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

ne l'a fait que dans des conditions psychologiques spéciales


dont j'aurai à dire un mol plus loin.
Si je n'ai pas employé d'enregistreur, j'ai fait usage
cependant d'instruments de mesure : notamment d'un
pèse-lettres, objet commode et d'un emploi facile. Chaque
expérimentateur peut du reste, et doit, faire varier à son
gré les conditions de l'expérience, dans des limites «pie
l'habitude des séances lui donnera bien vile. Il faut que les
résultats obtenus soient réels. So contenter d'à peu près en
pareille matière serait perdre absolument son temps.
En terminant ces considérations sur lo matériel de la
salle d'expériences je ferai une recommandation qui va
peut êlre sembler extraordinaire mais quo j'ai lieu de croire
utile. Je crois avoir observé qu'il y avait avantage à no pas
employer do mêlai dans la table. 11 vaut mieux qu'elle soit
munie do chevilles de bois plutôt quo de clous métalliques.
Cela n'est pas absolu car j'ai eu de bons résultais avec des
tables clouées : j'ai cependant l'impression que l'absence
do tout mêlai élait un élément de succès. On trouve quel-
quefois des médiums qui sont d'une exlrême sensibilité
pour les métaux. C'est souvent le cas pour l'or. Certains
sujets culrancés se plaignent de leurs bagues: ils éprouvent
un malaise, quelquefois une sensation do chaleur exagérée.
Cela rappelle certains faits de nos cliniques nerveuses.

§ 2. LE CHOIX DES ASSISTANTS.

Le point le plus important dans l'organisation d'une


série d'expériences est le choix des personnes avec qui on
doit opérer. Il faut tout d'abord remarquer que sans un
médium on n'obtiendra rien. La présence d'une personne
douée de la faculté de produire ces phénomènes est la con-
dition peut-être unique ci nécessaire de leur réalisation.
LA MÉTHODE
39
Aussi no doit-on expérimenter sérieusement quo si l'on a
mis la main sur cet oiseau rare
Qu'est-ce donc qu'un médium? A quels caractères lo
reconnaît-on? H est bien difficile do répondre à ces ques-
tions.
J'appellerai médium toute personne susceptible do pro-
duire les phénomènes quo j'ai énumérés plus haut, ou une
partie d'entre eux. Jo m'arrête au mot médium parce qu'il
est consacré par l'usage et qu'il a reçu la signification pré-
cise (pie j'ai indiquée plus haut. Quelques philosophes
critiquent cotte définition. Leurs critiques sont amusantes,
En métaphysique il est facile do donner des définitions
élégantes mais qui no reposent sur aucun tait, En physique,
je prends ce mot dans son sens étymologique et pri-

mitif — on no peut définir un être quo par ses propriétés.
Les définitions do ce genre constatent un fait : il no faut
pas leur demander davantage Elles n'ont qu'une utilité si
l'on veut, c'est d'éviter une longue périphrase Toute autre
définition supposerait la connaissance véritable do la cause
des phénomènes observés ou des propriétés constatées; or,
il me paraît impossible d'affirmer la cause réelle des faits
ipic j'ai observés. Je mo suis borné à les constater sans
formuler d'hypothèses.
Un médium est donc une personne on présence do
laquelle on peut observer des phénomènes « psychiques »,
terme consacré que j'emploie à regret car il implique une
hypothèse.
Il faut, en général, expérimenter avec les médiums pour
les découvrir. Leurs propriétés demeurent souvent latentes
et ne se révéleront que si les conditions favorables à leur
manifestation sont réalisées. Il n'en est pas toujours ainsi
et l'on a généralement la chance de tomber sur un médium
lorsque l'on expérimente avec dos gens en présence desquels
certains bruits anormaux, certains mouvements d'objets
mobiliers se produisent spontanément. Ces faits sont loin
HO LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
d'être aussi rares qu'on le croit. Cette affirmation peut
sembler paradoxale, il n'en est rien. J'ai rencontré quel-
quefois de bons médiums qui ignoraient l'existence do leurs
facultés ; cependant, quand jo les interrogeais, jo décou-
vrais qu'il leur arrivait d'entendro de petits coups frappés
sur le bois de leur lit ou sur leur table do nuit sans y atta-
cher d'importance D'autres avaient souvent remarqué le
déplacement d'objets usuels, statuettes généralement : je
connais deux cas de ce genre concernant l'un el l'autre une
statuette de la Vierge J'en connais un troisième relatif à
un crucifix. Plus rarement les faits observés avaient atteint
une telle intensité que la maison avait paru haulée J'ai plu-
sieurs observations de ce genre On est souvent lente
d'attribuer à la fraude les phénomènes de hantise Jo crois
(pic les récits do cette nature no sont pas tous faux et
j'essayerai do le démontrer peut-être dans uno autrodtude.il
ne faut pas raisonner comme certain de mes amis, homme
d'une ftfttc érudition et d'une intelligence de premier ordre
qui me disait un jour : « On trouve toujours une petile
fille de treize à seize ans dans les maisons hantées ; dès
qu'on éloigne l'enfant les phénomènes cessent. » D'accord ;
les choses se passent généralement ainsi : seulement la
jeune fille peut n'être pas la cause volontaire des phéno-
mènes ; elle peut en être la cause involontaire, êlre un
médium en activité et produire autour d'elle des phéno-
mènes supranormaux de la nature de ceux qu'on observe
dans les séances.
Mais, il faut le reconnaître on n'aura que rarement l'oc-
casion d'expérimenter avec de pareils sujets. On sera con-
traint d'essayer avec patience'jusqu'à ce qu'on découvie le
phénix souhaité.
Je dois indiquer toutefois que les chances do rencontrer
un médium seront plus grandes si l'on cherche à le trouver
parmi les gens nerveux. Il me semble qu'une certaine
impressionnabjlilé ou instabilité nerveuse soit'une condi-
LA MÉTHODE
(\ I

lion favorable pour l'éclosion do la médiauité. Je mo


sers du terme d'instabilité nervouso fauto d'une meilleure
expression, mais jo no lo prends pas dans un mauvais sens,
hes hystériques ne donnent pas toujours des phénomènes
bien nets : mes meilleures expériences ont élé faites avec
des gens qui n'étaient en aucune façon dos hystériques.
Les neurasthéniques ne donnent en général aucun ré-
sultat.
L'instabilité nerveuse dont je parle n'est donc ni l'hys-
térie, ni la neurasthénie, ni uno névroso quelconque C'est
un élal du système nerveux tel qu'il paraisse être on hyper-
tension. Uno vivo impressionnabilitô, une susceptibilité
délicate quelque inégalité d'humeur rapprochent los mé-
diums de certains névrosés mais ils s'en distinguent par
l'intégrité de leurs sensibilités, de leurs réflexes, de leur
champ visuel. Ils ont en général l'intelligence vivo, sont
susceptibles d'attention, et ne manquent pas d'énergie ;
leurs sentiments artistiques sont relativement développés :
ils sont confiants et expansifs avec ceux qui leur témoi-
gnent de la sympathie, facilement défiants et irritables
quand on ne les ménage pas. Ils passent facilement de la
Irislcsseà la joie, éprouvent souvent un irrésistible besoin
d'agitation physique : ces deux caractères sont justement
ceux qui m'ont fait choisir l'expression d'instabilité ner-
veuse
Je dis instabilité, non manque d'équilibre Beaucoup des
médiums que j'ai connus étaient fort bien équilibrés au
point do vue mental et nerveux. J'ai même l'impression
que leur système nerveux est supérieur à celui de la
moyenne
Voilà qui surprendra sans doute beaucoup de gens
éclairés. Les médecins et les psychologues, en général peu
favorables à l'élude des phénomènes dits occultes, ont
l'habitude de considérer Ions les médiums comme des
hystériques. H suffit do lire les ouvrages de ces savants
4a LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

pour s'apercovoir qu'ils n'ont jamais été en présenco de


médiums véritables. M. P. Jancl, par exemple, émet dos
théories générales dans son livre L'automatisme psycho-
logique, qui no sauraient s'appliquer à tous los cas. H osl
fAcheux qu'un esprit aussi distingué n'ait pas eu le souci de
se rendre un compte exact des faits; peut-être a-t-il agi comme
le célèbre abbé de Verlot. D'après tes théories do M. Jancl,
tous les médiums sont en voie do désintégration psycholo-
gique Les parties constituantes de leur personnalité se dis-
socient sous l'influence de l'affaiblissement do leur activité
personnelle normale
Je suis persuadé que les sujets observés par M. Janct ont
été très exactement étudiés par lui ; je regrette que mon
savant confrère n'ait pas rencontré de médium authentique.
Je dois dire quo je partage son opinion sur la plupart des
médiums spirites ; je n'ai trouvé quo deux d'entre eux
d'intéressants. Les cent autres quo j'ai observés no m'ont
présenté quo des phénomènes d'automatisme plus ou moins
conscient : presque tous étaient le jouet de leur imagina-
lion. C'est en dehors des cercles spiriles que j'ai découvert
les meilleurs médiums.
Les critiques de M. Janet no sont erronées que par ce
qu'elles sont trop générales. Sa conception de la désintégra-
tion psychologique ne s'applique qu'au plus grand nom-
bre dos cas : elle ne s'applique pas à tous. Il est bien
différent d'étudier une vision dans le cristal ou un écrit
automatique ne révélant rien au-delà du contenu de la mé-
moire du sujet ou d'observer une vision prémonitoire
comme il m'a été donné de lo faire L'indication d'un évé-
nement futur ne s'explique pas par l'hypothèse de Jancl.
Elle révèle des facultés spéciales que j'ai peine à considérer
comme pathologiques à moins de ne les considérer,comme
lelles que dans la mesure même où le génie est une dégéné-
rescence.
Il est plus raisonnable de penser que noire sensibilité
LA MÉTHODE
/|3
nerveuse s'affinera de plus en plus. Il serait téméraire do
croire quo le type humain actuel est l'aboutissant définitif
de l'évolution. Noire espèce n'est qu'un anneau dans la
série des êtres : les causes qui ont amené lo perfectionne-'
ment de l'espèce humaine sont encore en activité et il est {

logique de penser qu'il y a des natures au-dessus do la


moyenne comme il y en a au-dessous. Celles-ci représen-
lenl des types ancestraux, des rappels de formes dépassées ;
relles-là sont des précurseurs peut-êtro et nous offrent des
facultés anormales aujourd'hui, mais qui seront normales
un jour.
Je m'arrête, car je m'aperçois que je quitte lo domaine
des faits pour celui des hypothèses; je me hAtc d'y revenir.
J'ai indiqué les conditions qui permettent do supposer
qu'une personne donnée est un médium ; je répète que
ces conditions ne sont pas certaines : elles mo paraissent
probables. En réalité il n'y a qu'un moyen sûr de constater
les propriétés d'un médium, c'est d'expérimenter avec lui.
On a remarqué que certaines personnes n'obtenaient pas
de phénomènes quand elles opéraient seules, et en obtenaient
au contraire quand elles étaient avec une autre personne.
Je n'ai pas eu l'occasion d'observer moi-même ce fait, mais
j'ai souvent remarqué que la présence de certaines per-
sonnes favorisait l'obtention des résultats, tandis que la pré-
sence de certaines autres la gênait ou l'empêchait. Je n'ai
aucune explication certaine à donner de ce fait. En tous
cas, la crédulité ou l'incrédulité des expérimentateurs n'a
aucune influence sur les résultats d'une expérience. J'ai vu
des personnes très peu disposées à se laisser convaincre êlre
d'excellents auxiliaires. J'ai vu, en même temps des spiriles
convaincus êlre de détestables coopéraleurs.
On dirait que la faculté d'émettre celte force inconnue
est inégalement répandue ; qu'elle constitue une propriété
physique de l'organisme ; quo vis-à-vis d'elle, celui-ci se mon-
tre positif ou négatif, émettant ou absorbant cet agent.
7|/| LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Delà l'importance du choix des coopérateurs, do la Com-
position du cercle. Le nombre des expérimentateurs n'a rien
do fixe; en principe, plus on est nombreux, plus la force
dégagée est considérable ; mais la présence d'un grand
nombre d'assistants est uno mauvaise condition d'observa-
tion ; clic rend difficile la réalisation de ce que les spirites
appellent l'harmonie du cercle. Je dois dire pour être exact
que les plus beaux phénomènes lumineux que j'ai vus ont
été obtenus dans des séances où il y avait de quinze' à vingt
personnes. D'aulic part, j'ai eu l'occasion d'expérimenter
à quelques reprises seul avec un médium non professionnel :
j'ai réussi à voir des figures reconnaissablcs. Je n'ai obtenu
ce phénomène qu'avec ce remarquable sujet qui malheu-
reusement ne veut pas être connu.
Je crois cependant que le nombre le plus favorable est
de quatre à huit expérimentateurs. J'engage ceux qui veu-
lent essayer d'expérimenter à composer autant que possible
leur cercle avec un nombre égal de personnes de chaque
sexe; il faut de préférence alterner les éléments masculins
et féminins. Mais ces considérations nous conduisent à
l'examen des méthodes expérimentales proprement dites.

§ 3. — LES PROCÉDÉS OPÉRATOIRES.

Avant d'entrer dans le délail des procédés qui m'ont paru


les plus sûrs, je crois utile de faire quelques recommanda-
tions générales. La première est relative à l'état d'esprit
dans lequel il est nécessaire d'expérimenter. Il ne faut pas,
si Ton veut arriver à un résultat intéressant, rire, plaisan-
ter cl se moquer des pratiques ridicules, je l'avoue, auxquelles
je conseille do s'astreindre. Il faut agir sérieusement, et ne
pas prendre à la légère des expériences dont nous ignorons
l'exacte portée. Il faut, je crois, éviter de tomber dans l'ex-
cès contraire cl faire ce que font les groupes spirites qui
LA MÉTHODE 45
donnent à leurs séances la solennité d'un service religieux.
On pourrait croire que cette recommandation est inutile :
cependant il n'en est rien. Les spirites, dont l'expérience
en pareille matière n'est pas à dédaigner, insistent sur la
nécessité de l'harmonie du cercle. Ils assurent que c'est là
une condition essentielle de la réussite Mon expérience
personnelle confirme sur ce point leur opinion. J'ai sou-
vent vu des séances s'annoncer comme devant êlre bonnes
cl devenir brusquement stériles à la suite d'une futile dis-
cussion entre les assistants. L'harmonie que recommandent
les spirites est une sorte d'équilibre entre l'état mental et
affectif des assistants ; ils doivent être animés du même
esprit, — je ne prends pas ce mot dans son acception spi-
rile — cl chercher la vérité, dans l'hypothèse où ils opére-
ront comme je l'ai fait. Celle unité de vues, celle unifor-
mité des désirs, cette harmonie entre les cerveaux et les
coeurs assure la synergie des forces (pic développe chaque
membre du cercle
Car il n'est pas douteux qu'une force quelconque est
dégagée cl que si le médium en dégage plus que les autres
expérimentateurs) il s'établit assez vile un équilibre entre
les assistants et lui. Le médium reprend à ceux-ci la
force qu'il a dépensée 11 en résulte que dans les séances
réussies, les assistants sont ordinairement fatigués. Je crois
avoir remarqué que certaines personnes dégagent cette
force plus facilement que d'autres ; aussi voit-on très sou-
vent les médiums demander à avoir pour voisins certains
expérimentateurs. 11 ne faut pas croire que ce choix soit
déterminé parla facilité plus grande que certaines personnes
offrent à l'exécution de phénomènes frauduleux. Il m'ar-
live généralement d'être ainsi choisi el je prie mes lec-
teurs de croire que j'ai horreur de la fraude el des trompe-
ries : d'un outre côté j'ai une assez grande habitude des
expériences, jo n'y éprouve aucune espèce d'êmolion, jo
conserve mon sang-froid et j'observe avec soin. Je suis
/|G LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

assez au courant des procédés frauduleux et je puis assurer


quo je prends bien garde à n'être pas trompé.
Ce serait une erreur de croire que ce choix souvent fait
par le médium soit intéressé. En réalité il me paraît que le
médium, organisation plus sensible que la moyenne, recon-
naît vile les personnes qui émettent le plus facilement la
force dont il a besoin pour réparer ses perles. Celle émission
plus rapide peut être l'effet de l'habitude ou dépendre de la
constitution même de l'individu. Eusapia reconnaissait très
vite les personnes à qui elle pouvait facilement extraire la
force dont elle avait besoin. Jo mo suis moi-même, au cours
de mes premières expériences avec ce célèbre médium,
aperçu à mes dépens de ce vampirisme Un soir, à la fin
d'une séance à l'Agnélas, elle fut soulevée du sol et portée
sur la table avec sa chaise. Je n'étais pas placé à côté d'elle,
mais sanslAcher la main doses voisins, clic saisit la mienne
pendant que le phénomène se produisait. J'eus une crampe
d'estomac, je ne puis mieux définir ma sensation, cl une
sorte de défaillance.
Ce fait, extraordinaire pour moi, m'avait beaucoup
étonné cl j'ai depuis toujours observé avec soin mes sensa-
tions. Cet examen a le défaut d'être purement subjectif,
mais certaines constatations objectives l'ont confirmé. On
a uno sensation particulière lorsque l'on émet celte force ner-
veuse cl Ton peut sentir avec l'habitude, duns uno séance,
le passage de l'énergie employée, de même qu'on peut per-
cevoir l'interruption de son flux. J'ai interrogé divers expé-
rimentateurs et leurs observations ont souvent corroboré
les miennes sur ce point,
Je crois donc pouvoir dire qu'une force quelconque esl
dégagée par les assistants, qu'elle parait êlre élaborée par
le médium ; que celui-ci refait ses perles aux dépens des
expérimentateurs ; que certaines personnes fournissent plus
aisément que les autres au médium la force dont il a besoin :
enfin qu'une certaine communication d'idées, do vues, de
LA MÉTHODE
l\J
sentiments entre les expérimentateurs favorise l'émission de
celte force
Je n'ai aucune opinion certaine sur la nature el l'origine
de celle-ci. Je pense qu'elle est 1res voisine de l'énergie qui
circule dans nos nerfs et qui provoque la contraction de nos
muscles. Je dirai plus tard les raisons qui me portent à
penser ainsi.
Une seconde recommandation non moins importante à
mon avis, est de prendre au sérieux les communications do
la table, de l'écriture automatique ou des raps, el d'en tenir
compte.
J'arrive ici à l'examen d'un des faits les plus curieux
que révèlent les expériences diles psychiques. La force qui
se manifeste
pàrutt intelligente dans une certaine mesure. Je
répèle quo rien ne me permet d'affirmer ni même de croire
qu'elle soit produite par une entité distincte de celle des
assistants. Je n'ai pas à discuter les hypothèses que l'on
peut faire : je me borne à raconter des faits et, dans la suite
de mon récit, j'indiquerai avec détail les circonstances qui
me permettent de signaler l'apparente individualité de la
force manifestée Comme j'ai toujours pensé qu'en une
pareille matière il valait mieux conserver uno altitude expec-
lante, je n'ai jamais considéré îes avis exprimés par les
phénomènes comme une quantité négligeable Je me suis
imposé la règle do traiter les manifestations de la manière
qu'elles voulaient l'être Chaque Ibis quo j'ai procédé autre-
ment les résultats n'ont pas été bons.
En généra), tes manifestations sont attribuées à un mort,
connu ou inconnu. Cela n'est pas absolu cl j'oi vu la table
se dire le diable, un génie ou prétendre êlre un homme
vivant encore L'écriture automatique s'est donnée comme
celle d'un Mahatma, mais le plus ordinairement je le répète
c'est l'Ame d'un mort qui prétend se manifester. Celle
attribution usuelle explique les croyances spiriles. J'ai de
boiinus raion de penser que les esprits d'hommes défunts
7|8 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
n'ont rien eu à faire dans mes expériences, mais comme
j'ignore en réalité la cause des phénomèmes que j'ai
observés, j'ai poliment accepté les explications que ceux-ci
ont eux-mêmes données. Ainsi appelons-nous les gens que
nous rencontrons à table d'hôte par le non» qu'ils se don-
nent sans nous préoccuper de leur véritable état-civil.
Quelle que soit la personnification variable des phéno-
mènes, je conseille donc de l'accepler et de tenir compte
des observations faites par elle II ne faut pas s'imaginer
que les idées exprimées soient ducs aux mouvements incon-
scients des opérateurs ; cela peut êlre vrai lorsque les com-
munications sont dues à une table, à l'écriture automatique
ou à des objets avec lesquels les expérimentateurs sont en
contact; cela ne l'est certainement pas lorsqu'elles se pro-
duisent sous la forme do raps frappés en dehors de tout
contact comme j'ai pu lo constater une quantité de fois.
Au surplus, comme je mo borne à indiquer les résultats de
mon expérience personnelle, il me suffira de dire quo la
méthode que je recommande m'a paru bonne J'ai toujours
constaté les mauvaises conséquences de mes refus de tenir
compte des conseils spontanés que donne la personnifica-
tion des phénomènes.
Un de ces conseils lo plus fréquemment donnés concerne
la place que les expérimentateurs doivent occuper.
Au début d'une série d'expériences, les expérimentateurs
se placeront comme il» l'entendront : j'ai déjà indiqué qu'il
fallait en général adosser la chaise du médium aux rideaux
du cabinet et alterner les sexes. Uno fois les expérimentateurs
placés, l'expérience commence II est bon do choisir un
directeur. Rien n'est plus mauvais que l'absence de direc-
tion dans les séances. Quand chacun veut diriger les expé-
riences, il se produit une confusion dans le cercle et le
résultat n'est pas bon. J'ai vu beaucoup de séances au cours
desquelles les expérimentateurs parlaient à la fois, chacun
demandant un phénomène particulier. On n'avait générale-
LA MÉTHODE 7|9
ment rien. Les assistants doivent donc désigner celui d'entre
eux qui aura la mission de diriger l'expérience, notamment;
de converser avec la personnification si celle-ci on manifeste
le désir.
Quand on veut conserver le compte rendu d'une expé-
rience il est indispensable de charger un des expérimenta-
teurs de prendre note des événements au fur et à mesure
qu'ils se produisent. Cet expérimentateur doit faire partie
du cercle
Il ne faut pas croire que la modification du cercle soit
inopérante Mon expérience personnelle m'a démontré qu'il
élait mauvais d'inlroduiro fréquemment des personnes
étrangères dans le cercle II faut convenir que 1 on fera une
série de six expériences au moins sans quo lo groupe soit
modifié: aucun nouvel expérimentateur ne sera admis,
aucun des expérimentateurs anciens no devra manquer à la
séance Si au bout do six séances on n'a rien obtenu, jo
conseille do modifier le cercle, d'éliminer certains éléments
et do les remplacer par d'autres. Il est préférable do changer
un à un les éléments cl de faire quelques expériences avec
le cercle ainsi modifié avant do l'altérer encore
Si des résultats intéressants sont obtenus et qu'on désire
les montrer, il faut introduire graduellement, un par un,
les nouveaux assistants el je lo répète, ne les introduire
que toutes les trois ou quatre séances. On risquerait de
compromettre le succès des expériences en procédant
autrement.
Il arrive quelquefois quo la personnification demande
l'adjonction d'une personne déterminée ; il est alors bon de
la convier aux expériences si les circonstances le permet-
tent.
Ces observations faites, jo reviens à la séance que j'ai
supposé commencée Les assistants placent leurs mains sur
la table ; il n'est pas nécessaire en général de faire la chaîne,
c'csl-à-diro d'établir le contact entre les petils doigts des
MAXWKLL. I
00 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
assistants. Une fois les mains placées, la chambre bien
éclairée, on attend. On peut causer, chanter si l'on veut.
L'émission de la voix, surtout l'émission rythmée est une
condition excellente ; il est bon de faire de la musique:
nolamment de jouer de l'orgue Pourquoi la production
des ondes sonores rythmées favorisc-l-elle le phénomène?
Je n'ai aucune explication à donner de ce fait que je n'ai
pas été le seul à constater.
Il n'est pas rare qu'au bout de quelques minutes la table
ne paraisse s'agiter et ne se soulève. Si l'on expérimente
avec des spiriles ou avec des personnes habituées aux pro-
cédés spiriles, on verra la table frapper du pied. Je con-
seille de lui demander si elle veut parler et de convenir que
deux coups frappé voudront dire non cl trois coups oui',
tous les autres nombres convenus peuvent être choisis. La
table ainsi consultée répond généralement oui. On petit
lui demander si l'on est bien placé : si elle indique un
autre emplacement des assistants il vaut mieux lui donner
satisfaction.
Ceci fait je conseille de faire connaître à la table quels
résultais l'on cherche et de lui indiquer notamment que
les mouvements avec contacts paraissant peu probants, on
ne désire pas en avoir. J'ai remarqué que la personnifica-
tion — jo désigne ainsi l'entité quelconque qui prétend se
manifester — était très suggesliblo d'ordinaire ; il suffira
donc d'indiquer dès le début de l'expériencel'objection que
l'on fait aux mouvements avec contact pour que l'on en
soit à peu près complètement débarrassé.
Jo n'ai pas besoin d'insister sur l'objet de l'indication
que je recommande do donner. Au point de vue spécial de
l'observation des faits matériels, le mouvement d'une table
sur laquelle on appuie la main ne signifie rien. Je Consi-
dère comme une période lemps la production de ces mou-
vements qu'expliquent suffisamment nos propres contrac-
tions musculaires inconscientes et involontaires. Le
LA MÉTHODE 5l
phénomène ne mérite l'examen d'un homme sérieux que,
s'il se produit sons contact ou avec contact insuffisant, paiM
exemple quand la table se soulève^complètomcnt, les assis-
lants ayant tous les mains dessus. Il vaut mieux ne pas
expérimenter que de perdre son temps à observer les
mouvements avec contact, à moins quo l'on ne cherche
bien entendu à analyser lo contenu des messages typlo-
logiques.
Je recommande beaucoup d'éviter avec leplus grand soin la
production des mouvements automatiques. J'ai bien des
motifs de croire que l'agent qui produit les phénomènes
télékinéliques no les réalise quo s'il s'accumule do maniera
a acquérir uno tension déterminée J'ai déjà indiqué la
connexion étroite, l'identité peut-être, entre cet agent et
celui qui fait contracter nos muscles ; je signalerai les expé-
riences sur lesquelles cette impression s'appuie, il mo suffit
de la mentionner dès à présent pour que l'on comprenne
les raisons pour lesquelles je recommande instamment
d'éviter, au début, de se laisser aller aux mouvements plus
ou moins subconscients. Si, commo je lo pense, l'énergie
qu'élabore notre système nerveux est en relation étroite
avec celle dont les expériences de têlékinésio nous mani-
festent les effets, il est probable qu'elle ne produira ces
effets curieux qu'à la condition d'acquérir une tension suffi-
sante pour qu'elle puisse se déguger. Mes connaissances en
physique sont trop rudimcnlaircs pour que je mo permette
de faire des comparaisons précises entre celle force et
Pélectricilé : j'indiquerai cependant qu'elle m'a paru pré-
senter quelques analogies avec l'éleclricilé bien qu'elle n'y
soit certainement pas identique; mais les analogies sont
peut-être suffisantes pour que la comparaison puisse rendre
ma pensée plus claire
Un conducteur électrique chargé d'une quantité d'élec-
tricité donnée, aura une densité électrique <?; si la quantité
augmente, cette densité sera ç et l'on aura c'. > * ; la ton-
Ô2 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
sion sera dans le premier cas T=2Ï:<J*, dans le second
T'= 2itça : T'sera plus grand que T.
Le conducteur restera chargé tant que la tension ne
dépassera pas la résislancc qu'oppose le milieu ambiant au
dégagement do l'êlcclricilé ; dès que celle résistance sera
inférieure à la tension il y aura dégagement d'électricité.
Dans le cas d'un médium, la charge d'énergie croit avec
le temps et l'immobilité relative Si par des mouvements
inconscients ou volontaires les expérimentateurs ne per-
mettent pas à celte énergie de s'accumuler, elle n'atteindra
jamais la tension nécessaire pour qu'elle s'extériorise II y a
des réserves à faire cependant, parce que j'ai constaté quo
lorsque celle tension était suffisante, des mouvements exé-
cutés ou esquissés déterminaient la production du phéno-
mène moteur, comme si l'exécution du mouvement parais-
sait libérer uno quantité d'énergie supérieure h colle
qu'utilisait le travail du muscle: l'excès do force élait alors
employé, en apparence, à la réalisation du mouvement
télékinélique
Je crois avoir observé, en effet, que toules les fois que
l'on s'abandonne aux mouvements volontaires ou non, les
mouvements Uîlékinéliqucs sont 1res difficiles à obtenir. On
dirait quo l'énergie qui les détermine no les accomplit que
lorsqu'elle ne peut se dégager par les issues normales ; clic
a une tendance à so dépenser normalement, en mouve-
ments musculaires ordinaires ; celle tendance est uno dos
causes los plus fréquentes do la fraude involontaire et l'oc-
casion habituelle do la fraude volontaire. 11 faut veiller à
réprimer cette tendance : cela peut demander quelque effort
d'attention au début, mois l'habitude s'en prend facilement.
Los choses ainsi réglées, on attend. On n'obtiendra
généralement rien dans uno première séance, à moins
d'avoir eu la chance de rencontrer du premier coup un
médium. Ce n'est pas lo cas ordinaire Ceux qui veulent
sérieusement se rendre compte des laits, qu'après tant
LA MÉTHODE ', ;5'3f
d'autres, je signale à mon tour, ont à faire provision d!unb.
patience à toute épreuve. Je puis leur assurer la réussite à;
un moment donné mais jo no puis tour diro combien ils
feront d'inutiles essais. Qu'ils no so lassent pas ; qu'ils;
modifient progressivement la composition du cercle jusqu'à
ce que l'élément nécessaire so rencontre Ils seront alors
récompensés de leur peine
Jo leur recommanderai toutefois d'éviter avec soin les
médiums professionnels. Quelques-uns, d'entre eux sont
cependant sincères. Eusapia Paladino est du nombre. Ce
n'est pas sans regrets que j'ai lu les attaques dont elle a été
l'objet. Il est vrai qu'cllo produit quelquefois des phéno-
mènes suspects, mais il est puéril de conclure do ce fait
qu'elle trompe constamment. J'aurai à dire plus loin co quo
je pense do la fraude: chez Eusapia les cas suspects que j'ai
observés et analysés sont intéressants si on les étudie sans
parti pris. Ils nous montrent lo rôle quo la conscience
subliminale, impersonnelle ou liée à une personnalité
sccondojoue dans ces phénomènes. Ils soulèvent d'attrayants
problèmes psychologiques.
Mais Eusapia est sincère Une séance réussie est avec elle
convaincante 11 faut n'êlro pas au courant dos règles les
plus élémentaires pour avoir une série complète d'insuccès
quand'oh expérimente en sa présence C'est aussi une
erreur do croire qu'elle est intéressée Tous ceux qui la
.
connaissent pensent, j'en suis persuadé, comme moi. J'ai
trois fois pris pari à des séries d'expériences avec Eusapia
et jo parle en homme aussi bien informé quo n'importe
qui. Il me semble quo j'ai lo devoir d'apporter à cette
pauvre femme si vivement critiquée par des personnes
incompétentes, mon témoignage d'expérimentateur impar-
tial.
Une uulro catégorie do médiums qu'il no faut observer
quo pour des recherches spéciales est l'innombrable pha-
lange des médiums spiriles. Certains de ces médiums sont
54 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
de bonne foi et l'un d'eux, Mm* Agullana m'a quelquefois
donné des séances intéressantes. Les faits que j'ai eu l'oc-
casion d'observer avec ce médium bordelais sont très dif-
férents de ceux que j'ai, constatés avec Eusapia; ils sont
d'ordre intellectuel et soulèvent un problème très compli-
qué. 11 ne faut pas juger la médianité de Mme Agullana
d'après les séances de son groupe. Ces séances ont le carac-
tère religieux que présentent presque toutes les réunions
spirites vraies. 11 est difficile à un expérimentateur d'y ob-
server à son oisc : la curiosité de ceux qui ne cherchent que
la démonstration objective d'un fait peut paraître indis-
crète cl déplacée dans ces séances. Les fidèles peuvent avec
raison y voir une intrusion. Convaincus de la vérité do leurs
doctrines, ils supportent mal qu'on la discute publique-
ment dans des-réunions où la discussion n'a que faire Ils
préfèrent les discours du médium outrance à l'inutile inter-
vention des profanes. Leurs séances consacrées presque
toujours à l'obtention de communications, ont le grave dé-
faut de développerchez leurs médiums l'automatisme incon-
scient. Celle raison est déterminante pour moi.,
Mm" Agullana elle-même, dans quelques séances où n'as-
sislaicnl qu'un très pelit nombre d'expérimentateurs a
manifesté certaines facultés supranormalcs dont les séances
ordinaires de son groupe no m'ont pas donné l'indication
ou même degré. Ce médium est d'une parfaite bonne foi
d'ailleurs et d'un désintéressement très grand. Elle no reçoit
jamais aucune rémunération.
Celle circonstance est importante, car les médiums qui
prélèvent des honoraires peuvent être plus facilement sus-
pectés.
Les résultais les plus convaincants ont été obtenus par
moi avec des personnes étrangères au spiritisme et igno-
rant ses pratiques. Il m'est arrivé un jour de découvrir un
médium bien inopinément. Invitée à expérimenter pour
la première fois, une personne prit place avec moi auprès
LA MÉTHODE 55
d'une table Elle était à peine assise que des coups violents
retentirent sur le plancher : cette personne, fort honorable,
instruite et intelligente, est un des plus remarquables sujets
qu'il m'ait été donné de rencontrer. Mais, comme elle craint
le ridicule comme elle ne veut pas être raillée dans les jour-
naux et redoute toute publicité, clic veut n'être pas connue
Voilà les résultats des critiques malveillantes dont ces expé-
riences sont l'objet.
Je suis persuadé que le nombre des médiums est beau-
coup plus considérable qu'on ne pense ; il est rare que dans
un cercle do huit à dix personnes choisies dans les condi-
tions indiquées par moi, on ne trouve aucun sujet.
A quelque milieu social qu'il appartienne, do quelque
sexe qu'il soit, lo médium est un sensitif. Il no faut jamais
l'oublier et no pas perdre do vue quo les phénomènes seront
d'autant plus nets et plus beaux que lo médium s'abandon-
nera avec plus do confiance et do sympathie
Cette constalion n'est pas faite pour surprendre ceux qui
sont familiers avec les expériences d'hypnotisme, car ils
savent combien le sommeil est facile à provoquer chez un
sujet qui se livre et combien il est difficile au contraire à
produire chez celui qui résiste ou qui so défie do l'opéra-
teur. J'ai la persuasion que les strates impersonnelles do la
conscience jouent dons les phénomènes psychiques un rôle
comparable à celui qu'elles ont dans les phénomènes hyp-
notiques.
Aussi mo paraît-il nécessaire d'insister sur les égards qu'il
convient d'avoir pour lo médium. J'en ai beaucoup prati-
qué cl j'ai rencontré chez lotis une délicate susceptibilité.
Kilo est plus ombrageuse encore chez ceux qui appartien-
nent aux classes sociales les plus affinées par l'éducation,
l'instruction ou le rang. Celte susceptibilité ne doit pas être
interprétée comme un signe de dégénérescence Je ne puis
m'empêcher de sourire quand je lis les dissertations de cer-
tains savants contemporains qui considèrent comme des
56 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

tares toute déviation do la normale Une pareille manière


do voir implique un véritable jugement a priori, une do ces
pétitions de principe si nuisibles au libre développement de
la pensée scientifique L'homme normal n'est qu'une
moyenne: il y a des individus qui sont inférieurs au niveau
moyen ; il yen a d'autres qui le dépassent. La nature ignore
l'égalité. Elle ne nous offre partout, dans tous les règnes,
qu'inégalités, différences, diversités. C'est l'unilé illusoire
de noire personnalité qui nous porte a unifier el à codifier
les phénomènes naturels et les êtres eux-mêmes. C'est une
des nécessités de l'organisation de nos sciences qui ne de-
viennent intelligibles qu'à la condition de s'adaplor aux
formes do notre entendement. Rien ne nous autorise à pen-
ser que ces formes aient une réalité métaphysique : elles
peuvent n'être qu'une condition subjective de notre oper-
ception.
C'est par un processus mental analogue que nous don-
nons do la réalité au type intellectuel ou physique de l'homme
moyen. La dégénérescence qui est souvent un rclour en
arrière, un rappel de types inférieurs en est une déviation
négative : le génie une variation positive De même, le
système nerveux de l'homme imaginairomoycnn'csl qu'une
abstraction ; cti réalité, la sensibilité des systèmes nerveux
des différentes individualités humaines varie dans do très
grandes limites. Une variation négative'donnera des êtres
moins sensibles, moins délicats que le type moyen: une
variation dans le sens positif donnera des individus plus sen-
sibles el plus délicats. Les considérer comme des anormaux
n'est quo grammalicotement vrai. Les uns sont des infra-
normaux, les autres des supra-normaux. Les premiers n'ont
pas atteint le niveau moyen, les seconds l'ont dépassée cer-
tains points do vue
Il n'est donc pas étonnant qu'à une sensibilité plus affi-
née du système nerveux ne corresponde une émotivilé plus
grande : la susceptibilité est elle-même en fonction de
LA MÉTHODE 67:
Témotivilé. Cela me parait expliquer un fait qui m'a
paru certain: c'est que les médiums sont tous très faciles
à froisser. Un médium, mécontent, irrité, est un outil
mauvais.
J'ai eu l'occasion de m'en rendre compte avec Eusapia
par exemple Personne n'est plus irritable et plus suscep-
lihlc qu'elle, personne n'est plus confiant aussi ; il suffit
de lui témoigner de la sympathie et d'avoir pour elle des
égards sincères. Mes collègues de la Society for Psychical
lU'scurch ont commis la faute (pie je signale et c'est une
des raisons pour lesquelles les expériences qu'ils ont faites
à Cambridge en 1895 n'ont pas donné de bons résultais.
11
y a d'autres causes à leur insuccès cl j'aurai l'occasion de
les indiquer; mais l'une des plus certaines est la défiance
qu'ils oui inspirée à Eusapia dès le.début de leurs expé-
riences. Je sais qu'Eusapia se trouvait mal à l'aise à Cam-
htidgect que l'une des conditions nécessaires à l'obtention
de phénomènes lélékiuéliqucs n'était pas remplie Je
ne veux à présent signaler que celle circonstance, car
j'analyserai les expériences de Cambridge en étudiant
les fraudes des médiums; ce n'est pas ici le lieu de le
l'aire
Eusapia d'ailleurs n'est pas le seul médium qui m'ait per-
mis d'arriver à la conclusion plus haut formulée. J'en ai
observé beaucoup. Je n'ai jamais caché l'intérêt que je
prends aux phénomènes supranormaux ; les situations que
j'ai occupées m'ont donné une notoriété relative cl je l'ai
longtemps regretté ; mais je dois dire en même temps que
celte notoriété, jointe à la confiance naturelle qu'ins-
pirent mes fonctions m'a valu beaucoup de confidences.
11e discrétion assurée, à laquelle jo n'ai jamais manqué,
I

a encouragé certaines personnes à m'introduirc dans des


cercles étroitement fermés où j'ai vu des faits très nets et
très convaincants. J'ai toujours remarqué quo lo mécon-
tentement, lo malaise moral comme la faligue et le ma-
58 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
laise physique du médium entraînaient l'échec des expé-
riences.
Lo conseil que jo donne est important à suivre. Gagnez,
par votre déférence, votre loyauté, votre propre sympathie, la
confiance et la sympathie du médium. Si vous constatez une
fraude qui vous paraît volontaire n'hésitez pas, après la
séance et à la première occasion favorable à lui exprimer
franchement vos doutes ou voire impression. Si vous per-
cevez une fraude involontaire, mêliez le médium en garde
contre lui-même : agissez avec lui avec sincérité toujours,
mais en même temps avec douceur et courtoisie
Gomme jo l'ai indiqué déjà, la fatigue cl le malaise phy-
sique ont les mêmes effets (pic le malaise moral. Aussi con-
vicnl-il de ne pas expérimenter avec un médium malade
Les résultais seraient mauvais au point de vue expérimental
et ne seraient pas meilleurs pour la sanlé du sujet. Evilcz
aussi avec soin de faire avec le médium de trop fréquentes
expériences. Trois séances par semaine sont déjà beaucoup.
Il est permis d'expérimenter trois fois par semaine lorsqu'on
opère avec un médium entraîné et que la durée des expé-
riences ne doit pas s'étendre au delà de deux ou trois se-
maines. Il serait mauvais de faire d'aussi fréquentes expé-
riences avec lin sujet jeune, ou pendant un temps plus long.
Deux séances me paraissent êlre le nombre de choix: une
seule doit être faite si le médium exerce une profession
fatigante
J'ai vu des médiums se rendre malades en voulant expé-
rimenter trop souvent. L'abus des expériences amène rapi-
dement chez eux un surmenage nerveux et peut provoquer
des troubles quelquefois graves : la neurasthénie est lo plus
fréquent et le moindre d'entre eux. Aussi ai-jc pris pour
règle absolue de n'expérimenter avec les médiums non pro-
fessionnels que s'ils s'engagent à ne pas faire d'expériences
avec d'autres cercles que le mien pendant toute la durée
de nos séances communes. Jo suis persuadé de l'innocuité
LA MÉTHODE
5fj
absolue des expériences prudemment conduites autant
que je suis certain des dangers des séances trop nombreuses,
trop prolongées ou faites sous la direction do gens incom-
pétents. Je n'ai aucune crainte d'assumer la responsabilité
des premières, mais je neveux à aucun prix endosser indi-
rectement celles des autres. Je ne saurais trop recommander
la même prudence
Une dernière recommandation est à faire : il faut éviter
d'expérimenter avec des personnes d'une moralité dou-
,

lensc. Je n'ai pas besoin d'insister sur les inconvénients de


(nus genres auxquels une aussi imprudente collaboration
peut exposer.
Pour résumer les indications que jo viens do donner
d'une façon peut-être trop complète, je rappellerai briève-
ment les conditions qui m'ont paru les meilleures : éclai-
rage suffisant d'abord ; il faut éviter que la personnification
prenne l'habitude d'opérer dans l'obscurité: plus la lumière
sera vive, plus les expériences seront convaincantes; appar-
tement petit, table a quatre pieds légère, chevillée plutôt
(pie clouée, cabinet d'étoffes souples ; les expérimentateurs
ne devront pas être en général plus de huit ; il convient
qu'ils expérimentent sérieusement, sans tourneren ridicule
les pratiques auxquelles ils se soumettent. 11 est bon qu'ils
chargent l'un d'entre eux de diriger la séance, de converser
avec la personnification el de prendre les mesures d'ordre
nécessaires. Ils veilleront à maintenir le bon accord entre
eux cl s'abstiendront de s'accuser réciproquement de pous-
ser la table, chose que les novices font avec régularité. Il
finit remettre toutes les discussions à la fin (la la séance cl
ne jamais en provoquer au cours de celle-ci. Enfin, ils de-
vront ménager avec soin la susceptibilité du médium quel
qu'il soit.
La plus grande patience sera nécessaire ; le cercle ne
devra être modifié qu'avec prudence cl après un certain
nombre de séances vides.
Go LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

§ (\. LA PERSONNIFICATION.

Je crois utile de faire connaître la manière de traiter la


personnification qui m'a semblé la meilleure C'est encore
là une considération capitale
J'appelle personnification l'être quelconque qui assure se
manifester. J'ai déjà indiqué qu'ordinairement cet être se
prétend l'Ame d'un mort. Ce n'est pas absolu, et les phéno-
mènes peuvent personnifier Dieu, les anges, le diable, tous
tes êtres spirituels de la légende ou des coules de fées. Je
n'ai pas besoin de dire combien je suis éloigné de croire à
lu réalité de l'être ainsi manifesté: j'ai les meilleures raisons
d'en douter. J'ai remarqué quo lo rôle joué par la person-
( riificalion variait avec la composition du cercle Ce sera tou-
jours l'esprit d'un mort ou d'un vivant avec des spirites. il
y a plus de variété dans les rôles joués par les phénomènes
intellectuels si le cercle esl composé do personnes qui ne
sont pas spirites. 11 arrive quelquefois, dans ce cas, que les
communications prétendent émaner des assistants eux-
mêmes. Je suis lente de croire qu'il en est généralement
ainsi cl qu'il se forme une sorte de conscience collective Je
ne donne celle impression qu'avec toutes sortes de réserves,
cor je le répète, je n'ai aucune opinion certaine à ce sujet:
mais les expériences que j'ai laites me laissent d'une manière
générale celle impression. C'est un chapitre inconnu de la
psychologie des foules. J'avoue n'avoir aucune explication à
donner de l'action qu'une pareille conscience collective parait
avoir sur la matière; mais celle difficulté me paraît moins
insurmontable que celles dont s'entoure l'hypothèse spirile.
En admettant en effet que les phénomènes soient produits
par un êlre distinct do nous, ayant uno volonté d'autant
plus marquée qu'elle émane d'un êlre spirituel plus éclaire
que nous, j'ai peine à comprendre la suggeslibilité d'un
LA MÉTHODE 6ï
pareil être Or, je crois que la personnification est ordinal-'
renient très suggestible Je dis ordinairement car il y a des
cas où elle fait preuve
d'un remarquable entêtement ;"c'est
l'exception cl je dois dire, pour êlre exact, que lorsque la
personnification marque une volonté bien arrêtée, il n'y a
pas à lutter contre elle 11 faut suivre la direction qu'elle

donne; on a dans ce cas de grandes chances d'obtenir des


résultats. On n'aurait rien en la rebutant.
Il y a très peu de personnes en dehors des gens habitués
aux séances, (pliaient le courage de traiter la personnifica-
tion comme elle veut l'être: c'est une faute II faut se placer
nu point de vue pratique cl ne pas hésiter à dépouiller tout
amour-propre pour arriver à un résultat. J'ai conscience
autant que personne de l'allure comique d'une conversation
entre un grave expérimentateur cl un être inexistant ; j'ai
en toutes les peines du.inonde à vaincre la répugnance que
m'inspirait ce procédé: j'y voyais une espèce de jonglerie
indigne d'un esprit cultivé. L'expérience m'a clairement
montré que je me trompais, sans cependant me démontrer
lu réalité de l'être personnifié. Toutes les fois que j'ai con-
sidéré comme une quantité négligeable la personnification,
j'ai eu des résultats mauvais ou médiocres.
Cela no veut pas dire que les résultats oient toujours été
proportionnels aux égards que je lui témoignais ; la person-
nification est en général prodigue do promesses ; ce sont là
de biens bons billets. Il serait de la dernière naïveté d'ajou-
ter une foi absolue aux dires de la personnification: il faut
ne se fier qu'a soi-même Je ne sais si lo démon de Socratc
ne l'a jamais trompé :• ceux do ses confrères (pic j'ai inter-
viewés m'ont paru d'une douteuse sincérité. On ne pourrait
pas commettre une plus grande imprudence que d'ajouter
loi aux conseils de la personnification quelque bons qu'ils
nient toujours élé, J'espère pouvoir donner un récit bien
iitslructifà ce sujet si je puisohlcniiTuutorisalion de publier
nue observation de première main qui m'a élé communiquée.
G2 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Mes observations personnelles m'ont généralement mis
en relation avec dos personnifications ayant plus d'imagi-
nation et de bonne volonté que de respect pour la vérité.
Elles m'ont promis de merveilleuses démonstrations que
j'attends encore, notamment des matérialisations complètes.
Peut-être suis-je trop exigeant et devrais-jc m'estimer suffi-
samment heureux d'avoir vu ce que j'ai pu observer. Mais
l'on n'est jamais content de son sort. Les vers vingt fois sécu-
laires d'Horace sont, sur ce point, encore vrais aujour-
d'hui.
Si jo recommande énergiquement de ne pas abandonner
la conduite de sa vie ou de ses affaires à la personnification,
je recommande avec la même énergie de la traiter avec les
plus grands égards. On ne peut faire que des hypothèses
sur son essence :
le scepticisme que l'ensemble do mes obser-
vations m'a inspiré vis-à-vis d'elle peut n'être pas fondé :
aussi, vaut-il mieux lui témoigner la courtoisie que l'on
marque à un co-cxpérimenlateur. Cette prudente attitude
estlaplus profitable Dans la pratique j'ai pour la person-
nification les mômes égards quo pour le médium. Je no l'ap-
pelle pas cher esprit comme le font les spirites, mais je l'in-
terpelle par le nom qu'elle s'est donnée et je me trouve
bien de lui indiquer avec précision ce que je cherche Son
concours, quelque réalité qu'il ait au fond, m'a paru in-
dispensable Je n'ai pas besoin d'insister sur les différents
caractères que je viens de signaler pour que l'on s'aperçoive
combien les réactions delà personnification se rapprochent
de celles de la conscience subliminale
Dans la pratique, la première manifestation do cet être
probablement fictif, se fera par des coups frappés sur le
plancher par un pied de la table. Il est prudent de convenir
d'un code de signaux. Le plus simple est deux coups pour
non, trois coups pour oui :
cinq coups pour demander l'al-
phabet. Un coup est un signal douteux et il vaut mieux
n'employer que des signes plus compliqués»
LA MÉTHODE 03}
11 sera difficile au début d'éviter ces coups frappés : j'ai
déjà dit qu'il fallait les proscrire et amener la personnifica-
tion à se manifester autrement.-On fera bien d'accepter le
code typtologiquc ci-dessus décrit pour les premières conver-
sations, mais de l'abandonner dès que l'on aura clairement
expliqué à la personnification que les mouvements avec
eonlact sont inacceptables. Je parle bien entendu dans llliy-
pothèse où l'on cherchera des mouvements télékinéliques
ou parakinétiques. Si la personnification au bout de cinq:
ou six séances d'une heure au plus chacune, no commence
pas à produire les phénomènes désirés, il faut modifier le
cercle de la manière que j'ai indiquée : ces modifications
devront être patiemment faites jusqu'à ce qu'on rencontre
un médium véritable. Il est bon de demander à la person*
nilication d'indiquer le nom du membre du cercle à rem-
placer et, si possible, de lui faire désigner son remplaçant.
Une pareille désignation est souvent utile II m'est arrivé
une fois ou deux de voir la table donner le nom de person-
nes auxquelles nul d'enlrcnous ne songeait, consciemment
au moins, au moment de l'expérience Diverses raisons
n'ont pas permis de suivre les indications données poar la
table et les expériences n'ont pas élé continuées.
Les mouvements avec contact peuvent être éliminés par
le procédé que j'ai donné: leur élimination, faite d'accord
avec tu personnification n'a aucun inconvénient : elle en
présenterait si on agissait brusquement.
J'ai déjà dit que la personnification est d'ordinaire très
Miggcsliblc. 11 faut remarquer que c'est une suggestibililé
spéciale : chez un sujet hypnotisante, le Ion du commande-
ment donne plus de force à la suggestion : il n'en est pas de
même pour la personnification qui se montre rebelle à tout
ordre impératif. Elle accède facilement au contraire aux
suggestions proposées avec douceur el insistance D'habi-
lude, j'explique le but que je me propose et les raisons
pour lesquelles j'écarte tous les phénomènes explicables par
C/| LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
l'action musculaire inconsciente Je traite la personnifica-
tion, je le répète, comme un co-cxpérimcnlatcur. Il est rare,
qu'ainsi exhortée, clic ne consente pas volontiers à s'abste-
nir des phénomènes dénués d'intérêt cl n'en promette de
plus démonstratifs. J'ai déjà dit qu'il ne fallait pas faire
grands fonds sur de pareilles promesses. Neuf fois au moins
sur dix les expériences n'aboutiront pas cl devront être
reprises sur de nouveaux frais.
Mais, la patience de l'expérimentateur ne sera pas con-
stamment inutile cl il finira par rencontrer, plus ou moins
rapidement, le médium nécessaire. Il constatera alors ce que
j'ai observé.
Les premiers phénomènes snpranormaux sont les raps
ou les oscillations sans conlact. Quelquefois le phénomène
se manifeste d'emblée avec intensité, c'est l'exception : d'or-
dinaire les bruits ou les mouvements, faibles au début,
prennent peu à peu de l'intensité. Dès qu'on les obtient,
il faut convenir avec eux de certains signes. Lo moyen le
plus simple est de procéder, pour les raps cl.les oscillations,
comme pour les coups frappés par le pied de ta table. Le
phénomène csl alors intéressant, car los raps sont frappés
saut conlact cl l'hypothèse des mouvements involontaires
est insuffisante pour les expliquer.
Il csl rare que les communications ainsi données soient
très intelligibles. 11 ne faut pas se lasser de faire répéter les
mois. Il arrive souvent que des lettres soient omises, ou
qu'une lettre soit indiquée pour une outrer cela arrive sur-
tout pour les lettres qui sont voisines l'une de l'autre dans
l'alphabet. En écrivant avec soin les lettres marquées, on
trouve un sens 1res net. Par exemple, les raps frapperont
MARTJN pour Martin, llcorictle pour Henriette, etc. H ne
faut pas abandonner la partie dès que le mol paraît inintel-
ligible Attendez que la'phrase soit complète : elle s'éclai-
rera tonte seule quelquefois. Il n'est pas rare que les lettres
soient dictées à rebours, mois je n'ai pas observé person-
LA MÉTHODE 65'
ncllcment ce fait. Lorsque la phrase est incompréhensible,
il faut la faire recoihmenccr. Même dans les expérience ten-
dant à l'obtention de phénomènes matériels il ne faut pas
refuser d'écouler les appels à l'alphabet : le plus souvent
la personnification donnera un conseil sur le modo opéra-
toire
Très souvent elle so plaint de l'excès do lumière Dans
plusieurs séries d'expériences, la personnification insiste
pour avoir l'obscurité'. Il faut poliment lui résister et lui
faire comprendre que les phénomènes physiques perdent
beaucoup de leur valeur dès qu'ils cessent d'être visibles.
Je n'hésite pas à dire à la personnification quo les expé-
riences de ce genre ne sont pas probantes dans l'obscurité,
qu'elles permettent do suspecter la bonne foi des opérateurs
cl que d'ailleurs j'obtiens des phénomènes en plcinolumièro.
(les raisons déterminent souvent la personnification à no
plus réclamer l'obscurité.
Dans d'autres cas, c'est la personnification elle-même qui
demande qu'on n'opère pas dans les ténèbres. C'est avec
des personnifications do ce genre quo j'ai obtenu les plus
beaux résultais.
Quand la pseudo-entité demande à l'un des opérateurs
d'abandonner le cercle, il est prudent de lui donner salis-
faction à moins que l'élimination demandée ne soit inac-
ceptable pour diverses raisons. Dans ce cas, il csl bon
d'expliquer ces raisons : il est rare qu'elles ne soient pas
acceptées.
Telles sont les règles générales qu'une assez longue expé-
rience m'a déterminé à adopter. Je m'en suis toujours bien
trouvé. Je n'ai jamais observé, dans les expériences dirigées
par moi, les communications obscènes ou absurdes dont so
plaignent certaines personnes. Réfléchissant peut-être mon
propre état d'esprit, j'ai généralement rencontré des per-
sonnifications à tendances scientifiques et sérieuses.
Je viens d'exposer en dêlail et peut-être avec minutie,
MAXWELL. 5
66 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

les conclusions auxquelles je suis arrivé en co qui concerne


les procédés opératoires eux-mêmes. J'aborde.maintenant
l'indication des résultais que j'ai obtenus et les constata-
tions que j'ai faites. J'examinerai successivement les raps,
les mouvements sans contact, les phénomènes lumineux,
les phénomènes intellectuels.
CHAPITRE II

DES RAPS

Je ne m'occuperai pas des mouvements avec contact ; au


point de vue physique ils n'ont aucune signification sérieuse :
ils s'expliquent trop aisément par les mouvements incon-
scients additionnés des expérimentateurs pour qu'il y ait
lieu do s'y arrêter. Les messages obtenus par leur intermé-
diaire peuvent présenter un intérêt interne : ils so classent
alors dans les phénomènes intellectuels proprement dits.
Le premier phénomène qui mérite d'être observé est
celui des raps. C'est en général celui qu'on obtient lo plus
facilement. Il faut remarquer cependant que les facultés
des médiums ne sont pas identiques ; les uns produisent
surtout des phénomènes physiques, les autres des phéno-
mènes intellectuels. Les premiers eux-mêmes manifestent
des propriétés diverses : certains obtiennent plutôt des
raps, d'autres des mouvements, d'autres enfin des phéno-
mènes lumineux. Cependant, d'une manière générale, les
raps m'ont paru l'un des phénomènes les plus simples.
Si l'on opère avec un médium môme de force moyenne,
les raps se manifesteront dès la troisième ou la quatrième
séance Ils so feront entendre plus tôt si lo médium est
supérieur.
Les raps, généralement, paraissent résonner sur le pla-
teau de la table : mois ce n'est pas toujours lo cas. On les
entend fréquemment sur le plancher ou sur le sol, sur les
assistants ou sur les meubles, les murailles et le plafond.
68 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Je n'en ai entendu d'authentiques que sur la table, le sol,
les murailles et les meubles voisins du médium. J'en ai
souvent constaté en dehors des séances régulières.
La manière la plus simple pour les obtenir est de procé-
der comme je l'ai di(, au chapitre II ; des expérimentateurs
assis autour de la table appuient la face palmaire do leur
main, les doigts étendus, sur le plateau du încuble Celle
façon de procéder n'est pourtant pas à recommander, car
les raps sont très faciles à imiter. Il ne faut jamais perdre
de vue cette circonstance en appréciant une expérience :
j'énumérerai plus loin les procédés frauduleux les plus
usuels. Cependant, même on maintenant les mains sur le
plateau de la table, on peut obtenir des raps suffisamment
sonores pour exclure l'hypothèse de la fraude, sinon abso-
lument, tout au moins avec beaucoup de probabilité.
J'ai obtenu les raps en pleine lumière. J'en ai eu si fré-
quemment avec la plus vive clarté que je me demande si
l'obscurité les favorise au même point quo certains autres
phénomènes. Il est permis do croire cependant que l'éner-
gie qui les produit s'accumule do préférence dans les en-
droits abrités de la trop vivo lumière, par exempte sous le
plateau de la lable ou sous le plancher. Ce qui me le fuit
supposer c'est qu'il m'est arrivé do remarquer souvent que
les raps éclataient sous la main du médium, lorsqu'ils pa-
raissaient se produire sur le plateau de la table
Le conlact des mains n'est d'ailleurs pas nécessaire pour
l'obtention des raps. J'en ai obtenu très facilement sans
contact avec certains médiums.
Lorsqu'on réussit à avoir des raps avec contact, un des
moyens les plus sûrs pour les obtenir sans contact est de
conserver un certain temps les mains appuyées sur la table,
puis de les soulever avec une extrême lenteur en maintenant la
face palmaire tournée vers lo plateau de la lable, les doigts en
légère extension, sans raideur. Il est rare, dans ces condi-
tions, que les raps ne continuent pas à se faire entendre au
DES RAPS 69
moins pendant quelque temps. Jon'ai pas besoin d'ajouter
(pie les expérimentateurs doivent éviter non seulement le
contact de leurs mains avec la table, mais même celui de
toute autre partie de leur corps ou de leurs vêtements. Le
contact des vêtements avec la table peut suffire à produire
des raps qui n'ont rien do supranormal. Il faut donc veiller
à ce que les robes des dames elles-rmêmes soient écartées
avec soin des pieds de la lable. En prenant les précautions
nécessaires, les raps retentissent dans des conditions très
convaincantes.
Avec certains médiums, l'énergie libérée est assez grande
pour agir à distance; j'ai eu l'occasion d'entendre des raps
résonner sur une table qui élait à près de deux mètres
du médium. Nous avions fait une très courte séance et nous
avions quitté la table J'étais étendu dans un fauteuil, lo
médium, debout, causait avec moi quand une sériede coups
fut frappée sur la table quo nous venions d'abandonner.
Les assistants me sont personnellement connus et j'ai la
persuasion qu'ils sont au-dessus de toute espèce de soupçon,
mais celle circonstance est tout à fait insuffisante à elle seule
pour entraîner une conclusion favorable au phénomène, car
je no saurais trop mettre en garde les observateurs contre
toute confiance aveugle dans leurs voisins. Los expérimenta-
teurs sérieux doivent exclure toute susceptibilité entre eux et
convenir d'avance que les vérifications et les contrôles réci-
proques pourront être librement exercés sans que personne
s'en formalise Dans le cas que je rappelle, la table où ré-
sonnaient les coups était éloignée do deux mètres envi-
ron du médium et de moi : il faisait grand jour, on était en
plein élé, vers 5 heures du soir ; la table n'avait jamais été
touchée parle médium et les assistants avant l'expérience :
les coups étaient forts et durèrent plusieurs minutes.
J'ai eu un grand nombre do fois l'occasion d'observer
des faits du mémo genre II m'est advenu, en voyage de
rencontrer mémo une fois parmi mes compagnons de
70 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

roule un intéressant médium. Il ne m'a pas donné la liberté


de le nommer, mais je puis dire que c'est un sujet hono-
rable, instruit, occupant une situation officielle. J'ai obtenu
avec lui — il ne soupçonnait pas celle faculté latente avant
d'avoir expérimenté avec moi — des raps retentissants
dans des salles de restaurant et dans des buffets de che-
min de 1er. 11 suffirait d'avoir observé les raps produits
dans les conditions (pie j'indique par ce médium pour
êlre convaincu do leur authenticité. Le bruit insolite de
cvs raps attirait l'attention des personnes présentes cl nous
gênait beaucoup; le résultat dépassait notre allcute : il
est à remarquer quo plus nous étions confus du bruit l'ail
par nos raps plus ceux-ci so multipliaient. On eût dit
qu'un êlre taquin les produisait cl s'amusait de notre em-
barras.
J'ai également.obtenu de très beaux raps frappés sur le
plancher, dans des musées, devant des tableaux de maîtres
et principalement des tableaux religieux. Je me souviens
de l'intensité de certains raps qui se sonl produits devant
une mise au tombeau peinte par un artiste illustre. J'en
ai également entendu de très beaux dans une maison (pie
l'homme de génie qui l'a habitée a rendue célèbre. Dans
la chambre où est mort cet écrivain, les raps ont attiré
l'attention soupçonneuse du gardien. J'ai entendu des raps
très forts avec deux jeunes filles de 1/1 et i5 ans, dites les
médiums d'Agcn. J'ai observé co enfants à Agen, chez
elles, et je les ai fait venir à Bordeaux à deux reprises :
elles y sont demeurées chaque ibis près d'un mois. Les
raps produits par elles étaient intéressants, mais ne m'ont
pas semblé démonstratifs. L'une de ces fillettes obtenait
des raps sur le plancher, sous ses pieds. J'ai constaté
que le pied paraissait immobile pendant que les coups
étaient frappés.
Quand les deux jeunes filles étaient couchées, on en-
tendait des coups formidables sur le bois du lit du côté
DES RAPS 71
de leurs pieds. On pouvait observer l'appareille immobi-
lité des enfants. Dos coups étaient égalomont frappés
dans les couvertures du lit : on sentait les vibrations do
l'étoile quand on appuyait la main sur elles ; los coups
paraissaient se produire sous la main appuyée J'ai entendu
dans l'obscurité des bruits divers en présence do ces en-
fants, mais je n'en lire aucune conclusion. J'ai constaté
qu'elles n'étaient pas toujours sincères et qu'elles avaient
une tendance à abuser de la confiance cl de la bienveillance
du groupe spirite où elles se trouvaient. Elles ont fraudé
quelques phénomènes, notamment dos coups au plafond :
je n'ai jamais pu décider ces jeunes filles à expérimenter
à la table dans des conditions suffisantes d'éclairage Elles
avaient l'habitude de se coucher pour produire leurs raps,
j'en ai entendu en plein jour, mais j'estime que lo contrôle
élait insuffisant. J'ai beaucoup regretté que ces médiums
aient montré aussi peu de bonne volonté, car même en
laissant de côté la plus grande partie des phénomènes sus-
pects qu'elles ont produits, il en reste encore quelques-
uns qui m'ont paru mériter un plus ample examen.
J'ai raconté sommairement l'observation de ces enfants,
bien qu'elle soit négative à mon point de vue, parce qu'elle
est instructive Elle montre les inconvénients d'une mau-
vaise méthode de développement. J'ai remarqué que les
phénomènes psychiques avaient une grande tendance à se
répéter, à suivre une sorte de routine On dirait qu'ils
tournent volontiers dans le même cercle On avait laissé
les enfants dont je viens de parler prendre l'habitude de
se mettre au lit pour obtenir les phénomènes sonores
qu'elles paraissaient produire. Elles on étaient arrivées à
n'avoir des raps que dans ces conditions. Elles ne m'ont
jamais donné un rap à la table et cependant je suis porté
à penser qu'elles avaient, ou que l'une d'elles au moins
avait la constitution nécessaire à l'émission de la force
psychique
7a LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
L'insuccès de mes essais avec les jeunes médiums
agenais n'a pas élé sans avoir son intérêt; l'expérience ne
s'acquiert qu'avec le temps, la patience el la multiplicité
des observations. 11 est utile de pouvoir comparer entre
elles des séances bonnes, douteuses et mauvaises.
Parmi les expériences très douteuses dont le récit peut
être également instructif, je choisirai une récente série de
séances que j'ai faites ici. Certains des phénomènes
I
(pie j'y ai observés me paraissent malaisément explicables
1
par la fraude, notamment les lumières qui flottaient dans
l'apparlement ; mais la plupart des phénomènes moteurs y
ont été fraudes. La personnification avait l'habitude de
demander l'obscurité el comme j'étais surtout intéressé par
l'apparition des phosphorescences, je ne voyais aucun
inconvénient à l'extinction des lumières. La personnifi-
cation qui les demandait n'était probablement que la con-
science personnelle d'un des assistants.
Une fois la lumière éteinte, les raps prenaient une
intensité marquée. Beaucoup étaient certainement l'oeuvre
de deux d'entre nous ; je n'ai pu analyser l'état mental de
ces deux jeunes gens: l'un d'eux, qui est un sujet 1res
ncuruslhéuiquo, agissait peut-être inconsciemment. Cepen-
dant, bien que j'observasse avec intérêt les fantaisies de
mes deux jeunes gens, je remarquai que certains raps se
produisaient dans ['obscurité la plus complète lorsque je
faisais un mouvement imperceptible, par exemple lorsquejc
soufflais doucement, ou que je pressais la main d'un de
mes voisins dont la sincérité m'esl connue II y avait donc
toujours ce .synchronisme que j'ai signalé entre le mouve-
ment musculaire et le rap. Sans pouvoir l'affirmer d'une
manière absolue, je crois pouvoir dire que mes co-expéri-
mentatcurs n'ont pas toujours pu se rendre compte des
légers mouvements que faisaient ma main, mon pied ou
mon doigt, ou du faible souffle que j'émettais. 11 y avait
donc, dans ces séances d'ailleurs 1res suspectes, des faits
DES RAPS 7-3

résiduels qui méritaient uno analyse attentive Jo n'ai pu


:
|i faire, ayant cessé d'expérimenter avec lo groupo où so
liouvuiont ces jeunes gens: je le regrette à certains égards,
? ear t'observai ion de ces faits résiduels et celle des frau-
* tleiirs eux-mêmes étaient intéressantes à divers points de
I
| vue.
Je reviens maintenant aux premières expériences que jo
al racontais, les seules sur lesquelles j'ai établi mon opinion.
ï J'ai indiqué aussi complètement que possible les modes
v les plus fréquents sous lesquels j'ai pu observer les raps.
:-
Les plus communs sont ceux frappés, avec contact, sur
la table ou sur le plancher ; puis ceux qui sont frappés à
I distance sur des meubles ou sur le plancher.
1 Plus rarement je les ai entendus
sur des étoffes, soit sur
I les assistants ou le médium soit sur des meubles ; j'en ai
h entendu sur des feuilles de papier posées sur la table à
1 expériences, sur des livres, sur des murailles, sur des
1 tambourins, sur de menus objets en bois notamment sur
Ï une planchette qui servait à l'écriture automatique J'en ai
l'observé do forts curieux avec un médium écrivain ; quand
"
elle avait de l'écriture automatique les raps se produisaient
| avec uno extrême rapidité au bout du crayon. Celui-ci ne
frappait pas la lable; j'ai à diverses reprises et avec beau-
*

^coupdc soin mis la main sur le bout du crayon opposé à


la pointe et j'ai pu constater que le bruit se produisait au
:

^ niveau de la pointe
sans que celle-ci quittât un seul instant
; le papier appuyé sur la table ; les raps retentissaient sur le
bois, non sur le papier. Dans ces cas, bien entendu, le
'*

médium tenait le crayon.


;4

Les raps se produisent donc sur des objets très différents,


f avec ou sans contact, et même à une certaine distance du
médium. J'en ai observé qui éclataient à trois mètres de

lui. Je n'en ai pas eu à une plus grande distance et je n'en


ai pas souvent observé aussi 'oin. L'un des cas les plus
curieux que j'ai constatés est le suivant: j'expérimentais
.

:
f{\ LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
dons un appartement où se trouvait un paravent. La table
était à environ trois mètres de ce meuble. Des coups très
nets furent frappés sur le sol derrière le paravent. Il faisait
grand jour, mais les Coups retentissaient du côté obscur.
Il m'esl arrivé d'en entendre plus souvent dans le cabinet
des séances ; le médium élait assis au devant des rideaux
disposés comme je l'ai dit au chapitre IL Dans ce cas, on
obtient assez facilement les raps derrière le médium : il
peut arriver qu'ils soient frappés sur le plancher, sur la
muraille ou .sur les objets disposés dans le cabinet. Souvent
encore ils sont frappés en dehors des rideaux, sur la chaise
du médium ou sur le plancher au-dessous de lui. Quand
ou obtient des raps, il esl 1res facile de les étudier en faisant
varier les conditions do l'expérience de la manière la plus
satisfaisante (Test un des phénomènes dont la réalité m'a
été le mieux démontrée.
La variété de la forme des raps n'est pas moindre que la
diversité des objets sur lesquels ils sont frappes ou des
endroits dans lesquels on les entend. En général le type
ordinaire du rap est un coup sec d'intensité variable; il
rappelle la tonalité d'une étincelle électrique, au moins sur
les tables ; mais ce n'est (pie le type ordinaire ; les varia-
lions en sont nombreuses.
Il est à remarquer d'abord que la tonalité des raps varie
avec la matière de l'objet sur lequel ils résonnent. On
reconnaît très bien les raps frappés sur le bois, le papier,
l'étoffe. C'est une constatation intéressante parce qu'elle
indique que le bruit est produit par des vibrations de la
substance matérielle 11 y a donc une mise en mouvement
tics molécules matérielles. Cependant celles-ci ne sont pas
toujours ébranlées de la même manière car la tonalité des
raps, frappés sur le même objet, est susceptible d'une très
grande variété.
Les coups, au lieu d'être clairs et brefs, peuvent être
sourds cl imiter le bruit étouffé du choc d'un objet mou ;
DES RAPS 7&

ils peuvent ressembler au bruit léger quo fait uno souris,


une scie, à celui des ongles frappant sur le bois ou grin-
çant sur uno étoffe: ils peuvent affecter les modalités los
plus variées. Leur rythme a autant do diversité.
Une des remarques les plus curieuses quo permette do
faire l'obscrvotiou des rops, c'est leur relation avec ce quo
j'appelle la personnification. Chaque individualité person-
nifiée se manifeste par des raps spéciaux. Dans uno série
d'expériences qui ont duré plus do deux ans, j'ai eu l'oc-
casion fréquente d'éludicr les raps, qui ont personnifié
; diverses entités. L'une d'elles se disait John, le contrôle
d'Eusapia, dans la familiarité apparente duquel, je serais
depuis mes premières séances avec lo célèbre médium
napolitain. John so manifeste par des coups rapides, res-
semblant tellement à la manipulation d'un télégraphe
Morse que mes co-expérimentateurs cl moi nous sommes
demandés si nous n'étions réellement pas en présence des
signes usuels du Morse. Aucun de nous ne pouvait mal-
heureusement reconnaître les lettres au rythme des coups
comme le font les télégraphistes exercés. D'autres person-
nification frappent des coups clairs. Elles forment un
groupe do quatre individualités qui s'appellent les Fées.
Elles se sont montrées particulièrement intéressantes et
j'aurai l'occasion de raconter comment l'une d'entre elles
s'est fait voir. Elles se mêlent volontiers à la conversation,
approuvant ou désapprouvant les idées émises par les expé-
rimentateurs. Elles paraissent prendre un intérêt considé-
rable aux expériences et j'ai souvent remarqué qu'il suffi-
sait, quand les raps tardaient à venir, de mettre la
conversation sur les phénomènes psychiques, leur expli-
cation probable, leurs conditions de réalisation pour enten-
dre bientôt des raps approbateurs ou non. Quelquefois les
raps imitent un éclat de rire, cela coïncide soit avec une
histoire amusante dite par un des assistants, soit avec une
taquinerie Une autre entité personnifie un homme pour
76 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
lequel j'ai eu la plus profonde affection. Les coups sont
plus graves. Celle personnalité paraît avoir la clairvoyante
perspicacité et la bienveillance de l'homme que j'ai connu.
Son intervention s'est manifestée dans des conditions très
curieuses, mais d'un caractère trop privé pour être rondin
publiques. Jo citerai encore une autre personnification,
d'apparition plus récente Elle se donne comme l'astro-
nome Chappe d'Auleroelie et a raconté exactement les
détails de sa vie et de sa mort eu Californie Comme une
notice biographique concernant ce savant figure dans
divers dictionnaires, notamment dans Larousse, il csl
impossible d'affirmer que l'irruption de celte personnifi-
cation soit suprauormale Les raps qui l'annoncent sonl
sourds et frappés avec une certaine force. Enfin, de pelits
coups précipités, faibles, mais 1res abondants, nous ont
élé signalés par les personnifications comme des Irouble-
fêle : leur intervention gêne beaucoup les expériences.
Si je signale le rapport qui existe entre les personnifica-
tions cl les raps, cela ne veut pas dire, qu'on ne l'oublie pas.
tpie j'accepte la réalité de celles-là. Je fais un récit, et je le
fais complet afin de permettre aux expérimentateurs tentés
de reprendre mes observations, de connaître exactement ce
(pie j'ai observé. Les personnifications ne m'ont pas con-
vaincu jusqu'ici do leur identité : il est vrai que je mo prèle
mal à leurs conversations fatigantes et incertaines et que je
m'efforce de les ramener aux phénomènes matériels plus
importants pour moi parce qu'ils sont plus aisément véri-
fiantes. Mais, si je n'indiquais pas le rôle que tes raps jouent
par rapport à elles, j'omettrais un de leurs caractères les
plus significatifs cl ne donnerais pas leur exacte physiono-
mie.
ils se manifestent donc comme l'expression d'une activité
cl d'une volonté distinctes de celles des observateurs. Telle
csl Vapparcnce du phénomène. Il en résulte un fait curieux,
c'est que non seulement les raps se révèlent commo les pro-
DES RAPS 77
duils d'une action intelligente, mais encore qu'ils.consentent
généralement à frapper autant do fois qu'on lo demande ot à
reproduire des rythmes déterminés, par exemple certains
airs. Do même ils imitent les coups frappés par les expéri-
mentateurs, sur la demande de ceux-ci.
Souvent, les différents raps so répondent les uns aux
autres el c'est là une des plus jolies expériences auquclles
on puisse assister que d'entendre ces coups clairs, élouffés,
secs ou doux retentir simultanément sur la table, le
plancher, le bois et l'étoffe des meubles,
J'ai eu la bonne fortune de pouvoir étudier de près ces
raps curieux et jo crois être arrivé à quelques conclusions.
La première et la plus certaine est leur étroite connexité
urée les mouvements musculaires des assistants. Jo pourrais
résumer ainsi mes observations sur ce point :
i° Tout mouvement musculaire, môme faible, est généra-
lement suivi d'un rap :
2° L'intensité des raps ne m'a pas paru proportionnelle
au mouvement fait ;
3° L'intensité des raps ne m'a pas paru varier proportion-
nellement à leur éloignement du médium.
Voici les faits sur lesquels s'appuient mes conclu-
sions.
I. —J'ai très fréquemment observé que lorsque l'on avait
des raps faibles ou espacés, un excellent moyen pour les
produire était de faire la chaîne sur la table, les mains ap-
puyées sur celle-ci, les observateurs incitant leurs doigts
en conlact léger. L'un d'eux, sans rompre la chaîne, — ce
qu'il fait en tenant dans la même main, la main droite do
son voisin de gauche et la main gauche de son voisin de
droite,
— promène circuiairementia main devenue libre au-
dessus de la table, au niveau du cercle formé par les doigts
étendus des observateurs. Apres avoir fait ce mouvement,
toujours dans le même sens, quatre ou cinq fois, c'est-à-
dire après avoir tracé ainsi quatre ou cinq cercles au-dessus
78 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
de la table, l'expérimentateur ramène sa main vers lo contre,
à uno hauteur variable el fait un mouvement d'abaissement
de la main vers la table: puis il arrête brusquement ce mou-
vement à quinze ou vingt centimètres du plateau. A l'arrêt
brusque de la main, correspond un rap. Il est exceptionnel
que ce procédé ne donne pas un rap dès qu'il y a dans le
cercle un médium capable, même faiblement, d'en pro-
duire
On peut faire la même expérience sans toucher la table,
en faisant faire la chaîne aux expérimentateurs, c'est-à-dire
en les priant de se donner la main cl de former ainsi autour
de la lable une sorte de chaîne fermée L'un des assistants
opère alors comme dans le cas précédent.
Ce n'esl pas la seule constatation quo j'ai faite J'ai remar-
qué, qu'avec des médiums un peu plus forts, il n'était pas
nécessaire de procéder avec aillant de soin. Les raps se pro-
duisent dès qu'un mouvement est exécuté ou commencé.
C'est ainsi qu'il suffit de promener la main au-dessus de la
table, d'agiter les doigts, d'appuyer le pied sur lo sol pour
déterminer la production d'un rap.
Enfin, des sujets plus puissants obtiendront des raps
avec de moindres mouvements. Par exemple, il s'en produit
quand on parle ou quand on souille même légèrement, ou
quand on touche le médium ou l'un des assistants. Je n'ai
pas besoin de rappeler qu'avec certains médiums il s'en pro-
duit sans qu'aucun mouvement soil exécuté : presque tous
peuvent en obtenir ainsi avec l'immobilité et la patience ;
mais on dirait que l'exécution d'un mouvement agit comme
cause déterminante L'énergie accumulée recevrait une
sorte de stimulus, l'équilibre se romprait par l'addition à la
force en réserve de l'excès d'énergie non employée au
mouvement et la décharge ncurique se produirait. Ce
n'est d'ailleurs là que ce que les Anglais appellent a worhing
hypothesis, une hypothèse d'étude
Le synchronisme entre les raps et les mouvements faits
DES RAPS 79
est très intéressant, car il révèle la connexion qui existe entre
l'organisme des expérimentateurs ot les phénomènes obser-
vés. Celte connexion a déjà élé indiquée à propos d'Eusapia
par llichct cl ceux qui l'ont étudiée avec lui. Eusapia, sans
s'en rendre compte peut-être, emploie pour produire ses
raps un procédé analogue à celui que je décris plus haut.
Le synchronismequi existe enlrc te mouvement du médium
el le rap peut donner lieu à des équivoques regrettables et
l'aire croire à la fraude C'est oinsiqucM. Ilodgson attribue
certains raps produits par Eusapia à Cambridge à des coups
frappés par la tête du médium sur le plateau de la table Jo
ne puis évidemment pas affirmer la réalité des raps de Cam-
bridge puisque je n'ai pas assisté aux expériences du groupe
Sidgwick : je ne puis dire qu'une chose c'est qu'il ne ressort
pas clairement de la lcclurc des extraits des procès-verbaux
de ces séances, extraits incomplets et parcimonieusement
publiés, que le mouvement de la tête du médium italien
ail élé la cause physique du rap,
— en ce sens qu'Eusapia
ait frappé la table avec son menton ou son front
— ou que
ce mouvement n'ait été qu'un phénomène synchrone. Jo
ne puis m'empêcherde penser que les observateurs de Cam-
bridge n'aient été bien mal diriges ou bien peu favorisés, car
j'ai entendu les raps d'Eusapia en pleine lumière, j'en ai
obtenu avec divers autres médiums et c'est un phénomène
minimum qu'ils auraient pu et dû constater s'ils avaient
expérimenté comme il convient. Je reviendrai d'ailleurs
sur les séances de Cambridge et j'ai à coeur d'y revenir, car
le jugement des observateurs anglais a été funcsle. Je dois
à la vérité et à l'honneur do cette pauvre Eusapia de dire ce

que je pense d'elle comme médium. J'y suis intéressé à un


autre litre, car j'ai signé les procès-verbaux des expériences
de l'Agnélas qui contredisent celles de Cambridge
H y a donc à tenir compte du curieux synchronisme que
je signale, même dans l'appréciation delà fraude
Une autre observation qu'il me parait utile de faire coii-
80 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

naître, c'esl que les raps déterminés par les mouvements


synchrones peuvent êlre produits par les assistants eux-
mêmes. Dans beaucoup de circonstances j'ai vu les assis-
tants non médiums obtenir ainsi des raps plus forls que ceuv
du médium : la présence de celui-ci est cependant néces-
saire, car les personnes dont jo parle ne produisent seule-»
aucun rap. Il y a là un sujet d'études qui n'a pas encore
été effleuré.
H suffit quelquefois de loucher le médium pour avoir de*
raps en esquissant un mouvement sur la table ou même en
plaçant la main au-dessus, la lace palmaire tournée vers le
plateau ; j'en ai fréquemment obtenu ainsi, c'est une excel-
lente méthode pour avoir des phénomènes bien nets. On
éloigne la table du médium de manière à éviter toute espèce
de conlact entre le sujet et le meuble L'observateur se
place à côté du médium, lui prend les mains dans l'une des
siennes et promène l'autre ou même la laisse immobile au-
dessus de la lable. Rien n'est plus démonstratif que celle
expérience On n'oubliera pas que je parle d'expériences
faites en plein jour.
11. —J'ai en second lieu constaté que l'intensité des raps
n'est pas proportionnelle au mouvement fait. Je ne puis
affirmer l'exactitude de celte constatation avec la même assu-
rance que pour la précédente mais j'ai observé le fait dans
un très grand nombre de circonstances. Ainsi, le mouve-
ment très léger du doigt détermine un rap aussi fort que
rabaissement brusque de la main cl du bras.
De même, une simple contraction musculaire amène la
réalisation du phénomène sans qu'aucun mouvement appa-
rent soit exécuté.
Cette constatation, si je ne me suis pas trompé, a de l'in-
térêt car elle tend à faire croire que l'énergie qui sert à la
production des raps csl indépendante du mouvement exécuté
dans l'espace, mais est en relation avec la cause de ce mou-
vement, c'est-à-dire avec l'influx nerveux. Il serait utile que
DES RAPS 8l
des expérimentateurs plus compétents quo moi on physiolo-
gie reprissent ces observations avec soin ; jo souhaite sincè-
rement que col événement so réalise un jour. Richot pour-
rait entreprendre ces recherches : personne 110 serait mieux
à même que lui de faire l'analyse du fait que je signale
Il mo paraît y avoir une élroilo connexilé entre les phé-
nomènes psychiques el lo système nerveux. Cequejo viens
de dire de la production des raps par la simple contraction
d'un muscle sous l'iulftix nerveux volontaire est une des
raisons qui ont déterminé mon sentiment.
Il y en a d'autres. J'ai souvent interrogé les médiums sur
les sensations qu'ils éprouvent lorsque les raps so produisent.
Leurs impressions concordent sur un point : les raps déter-
minent une sensation do fatigue légère. Celle sensation
est perceptible pour les observateurs eux-mêmes. J'ai essayé
d'analyser mes impressions au moment où les raps so font
entendre : je ne suis arrivé à aucun résultat positif. Jo no
découvre aucune sensation nclle : ma constatation négative
n'a de l'intérêt (pic si on la compare avec la constatation dif-
férente (pie j'ai faite au sujet des mouvements sans contact,
comme je le dirai plus loin.
L'un des médiums avec lequel j'ai obtenu les raps les plus
nets et les plus certains, m'assure qu'il éprouve une sorte do
ciainpe dans la région épigaslriquc lorsque les coups sont
frappés avec quelque intensité. Ce médium, très intelligent
et très instruit, est tout à fait capable d'analyser avec soin
ses impressions. Il lui semble (pie quelque chose émane de
lui au niveau del'épigastre
III. — La troisième proposition que j'ai énoncée comme
exprimant le résultat de mes observations me parait très
probable J'ai observé des raps dans un cercle maximum de
trois incires environ autour du sujet. Les coups frappés à la
plus grande dislance étaient aussi nets que les autres. Celle
constatation semblerait, au premier abord, impliquer une
différence entre l'action de la force psychique et celle de la
MAXWELL. G
8a LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
gravitation, de la lumière, de la chaleur cl de l'élcclricilé
qui agissent avec une énergie inversement proportionnelle
au carré des dislances. I ne pareille conclusion serait pré-
maliuée, car il peut se faire des centres secondaires d'accu-
mulation de l'énergie à distance du médium. L'expression
que j'emploie csl peul-êlre impropre, car l'accumulation de
l'énergie csl un terme bien vague. Je n'ose en donner de
plus précis et je me borne à indiquer que les choses m'ont
paru quelquefois se passer comme si de pareils centres
d'accumulalion ou d'émission existaient.
Je n'ai jamais constaté d'effets physiques sérieux à une
dislance supérieure à celle «pie j'ai indiquée J'ajouterai que
les phénomènes sont plus fréquents dans le voisinage immé-
diat du sujet, s'ils ne sont pas plus intenses.
'folles sont les observations que j'ai faites. Il viendra
tout naturellement à l'esprit de mes lecteurs de croire que
j'ai été la victime d'une illusion ou d'une fraude. 11 n'en csl
rien.
Il n'y a pas d'illusion parce que rien ne me permet de
penser (pie j'en sois la victime. Cette affirmation ne suffi-
rail pas, je le reconnais; on se juge mal soi-même el je dois
dire que si jusqu'à présent j'ai toujours nettement distingué
les faits réels et les impressions subjectives, je n'en pré-
sente pas moins deux phénomènes qui peuvent me rendre
un peu suspect. Le premier csl l'illusion hypnagogique el
le second l'audition colorée Celle-ci est peu nellc ; le sou
éveille simplement l'idée d'une couleur, non la sensation
visuelle de la couleur. Ma gamine chromo-phonétique c>t
A, blanc, /. noir, E, gris, E, eu, bleu, on, verl, er, air.
jaune, eil, orangé, etc. Ce phénomène était assez marque
chez moi dans mon enfance, mais, je le repète, la lecture
des voyelles ou diphtongues ou l'audition des sons n'ont
jamais éveillé la sensation complète de la couleur : Vidée eu
était seule évoquée
L'illusion hypnagogique est au contraire très nellc chez.
DES» RAPS 83
moi. Je n'ai pas toujours ces sensations mais jo les ai
assez souvent. L'illusion csl exclusivement visuelle J'ai
observé avec soin sur moi-même celle intéressante faculté:
elle nie paraît être d'origine onirique. C'est un rêve quo
l'on commence avant quo lo sommeil ne s'installe tout à
fait. L'illusion disparaît dès que la somnolence cesse C'est
avec une extrême difficulté que jo puis conserver un ins-
tant l'image hypnagogique quand je reprends complètement
conscience : malgré mes efforts l'imago s'efface ou se
déforme dès que mon attention s'y fixe. Je n'ai d'ailleurs
(pie rarerement pu maintenir ainsi l'impression illusoire
Celle-ci se comporte chez moi exactement commo une
image onirique. Il ne faut pas conclure do l'existence chez
moi des phéuo nènes subjectifs que je viens de résumer à
mon incompétence pour distinguer un phénomène réel
d'un autre qui ne lo sérail pas. J'ai indiqué les résultats do
mon aulo-observation afin d'être complet et sincère, car
j'ai le plus grand souci d'être un témoin exact : je no crois
d'ailleurs pas (pie les observations que j'ai pu faire sur moi-
même soient de nature à faire suspecter mes facultés d'ob-
servateur: le contraire mo paraît vrai. Mon expérience
personnelle me permet de reconnaître les illusions hypna-
gogiques : j'aurai plus tard à faire connaître certains phé-
nomènes qui m'ont paru avoir une étroite parenté avec
elles ; mais les raps ont un caractère tout différent et leur
objectivité m'a paru personnellement certaine
J'ajouterai (pic toutes les personnes présentes les enten-
dent. Je rappellerai ce (pic j'ai dit des raps (pie j'ai entendus
dans des salles de restaurant ou dans des endroits publics.
Tous ceux qui se trouvaient dans la même salle indiquaient
par leur altitude qu'ils entendaient les raps. Celle circon-
stance suffît à exclure toute hypothèse d'illusion. Je me pro-
pose d'ailleurs de recueillir les raps dans un phonographe
Ce sera là Vexperimenlum crucis en ce qui concerne leur
objectivité.
8/| LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

Je n'ai aucune espèce de doute sur l'authenticité des raps


que j'ai entendus si souvent cl dans tant de circonstances
différentes; j'ai, au surplus, pris soin d'étudier les diffé-
rentes manières de les imiter cl il y en a beaucoup.
La plus simple et la plus parfaite est de faire glisser 1res
lentement, d'un mouvement imperceptible, le bout d'un
doigt appuyé sur la lable. Les résultats sont meilleurs quand
le doigt est très sec cl bien dégraissé par de la térébenthine
ou de la benzine La colophane est bonne mais peut laisser
des traces. Dans ces conditions on obtient des raps légers cl
clairs. Le mouvement du doigt est si lent qu'une personne
non prévenue ne le découvrirait pas ; mais avec quelque
attention on aperçoit la légère vibration du doigt quand
les raps éclatent. On peut également les imiter avec l'ongle
mais celle manière de procéder csl facile à démasquer.
Dans l'obscurité ces moyens frauduleux peuvent êlre
employés avec beaucoup plus de sécurité pour le fraudeur ;
celui-ci a d'autres ressources encore dans les ténèbres ; il
peut imiter les coups qui résonnent sur le plancher ; les
coups sourds, en frappant adroitement avec le pied le plan-
cher ou les pieds de la lable ; les coups secs en laissant,
avec une extrême lenteur, glisser sou soulier le long des
pieds de la table ou d'une chaise.
Le frottement très lent des vêlements ou du linge, no-
tamment des manchettes, peut faire croire à l'existence des
raps. 11 y a lieu de prendre garde a cela, car les raps peu-
vent êlre ainsi produits par les mouvements inconscients
dont la lenteur est souvent 1res grande, et la bonne foi des
expérimentateurs peut être involontairement surprise
11 existe encore un autre moyen d'avoir des raps fraudu-

leux : c'est d'appuyer avec une force variable sur le plateau


de la table : quand celui-ci est mince ou (pie la lable csl
mal assemblée el que les parties ont du jeu, les variations
de la pression de la main déterminent des craquements
simulant des raps.
DES RAPS 85
Enfin j'ai vu quelquefois des ran se produire d'une
manière qu'il faut connaître; cei personnes en
appuyant le pied d'une certaine façon et en contractant
leurs muscles jambiers ou péroniers peuvent imiter les
coups frappés sur le sol. On a signalé ce fait spécialement
en ce qui concerne le tendon du long péronicr latéral. J'ai
observé un étudiant en médecine, fraudeur incorrigible cl
névropathe, qui obtenait des coups assez semblables aux
raps en appuyant le coude sur la table et en toisant certains
mouvements de l'épaule II existe aussi des gens qui
peuvent faire craquer à volonté leurs articulations..
Mais, avec un peu d'habitude on arrive facilement à
dépister la fraude quand on opère en plein jour ou avec une
bonne lumière. D'ailleurs, la tonalité des raps authentiques
est caractéristique et seul, te procédé d'imitation que j'ai
indiqué au début de celle partie de mes remarques, permet
de reproduire certains d'entre eux avec assez d'exactitude
Il ne me paraît pas possible d'imilcr exactement les raps
.
qui se produisent sans contact sur le plateau de la table II
est facile de les localiser et même de percevoir les vibrations
du bois en auscultant la table Des précautions faciles à
prendre permettent de s'assurer qu'il n'y a aucun contact
et aucune communication enlrc les opérateurs et la table.
En résumé, j'ai la certitude, autant qu'il est raisonna-
blcmcnt possible de l'avoir en pareille matière, quo des .
coups de rythme cl de tonalité variables se font entendre
en présence de certaines personnes, sans que ces coups
frappés ou raps puissent s'expliquer par aucun procédé
connu. On les entend à des distances diverses ; ils paraissent
souvent obéir aux désirs exprimés par les assistants et
manifester une certaine intelligence indépendante. D'autre
part leur production paraît liée à l'énergie nerveuse du
médium et des assistants.
Toiles sont les conclusions que je crois pouvoir exprimer
avec confiance
CIIAPITnK III

PAUAKIMfctK ET TÉLÉK1NÉSIE

ï; rr. — PARAKINÉSIE.

J'ai appelé parakinésie la produclion de mouvements


tels (pie les contacts observés ne suffisent pas à les expliquer.
Je désigne spécialement ainsi la lévitation complète de la
lable, les assistants ayant la main appuyée sur elle, ou le
déplacement de gros meubles simplement touchés par le
médium seul ou avec les aulrcs expérimentateurs. La lévi-
tation est le soulèvement d'un objet matériel, sons qu'ou-
cunc partie de cet objet ne repose ou ne soit en conlact avec
un point d'appui apparent.
Je n'ai constaté dans de bonnes conditions que la lévita-
tolion de la table Eusapia m'a donné très nettement ce
phénomène à diverses reprises, en pleine lumière. On en
trouvera des exemples détaillés dans les procès-verbaux de
nos séances de l'Agnélas, publiés par les Annales des
Sciences psychiques, année 189G.
Ces procès-verbaux ne donnent d'ailleurs que la physio-
nomie des séances elles-mêmes. Il nous csl arrivé quelquefois
d'improviser une expérience dans l'après-midi el je me
souviens d'avoir observé dans ces conditions une lévitation
bien intéressante 11 était cinq heures du soir environ, en
loul cas il faisait grand jour dans le salon de l'Agnélas.
Nous nous plaçâmes debout autour de la table: Eusapia
prit la main de l'un de nous, t'appuya sur l'ongle de la table
à sa droite ; le meuble se souleva jusqu'à la hauteur de
PARAKINÉS1E ET TÉLÉK1NÉSIE 87
notre front, c'ost-r-dire que le plateau de la table s'éleva
jusqu'à im,5o au moins au-dessus du sol.
De semblables expériences sont très convaincantes, car
il est impossible qu'Eusapia ait pu dans les conditions où

nous nous trouvions, soulever la table par.un procédé nor-


mal. 11 suffit de songer qu'elle touchait seulement l'angle
de la table pour comprendre la lourdeur du poids qu'elle
aurait eu à soulever si elle avait fait un effort musculaire
Klle n'avait aucune prise suffisante d'ailleurs. Elle ne pou-
vait évidemment, étant données les conditions de l'expé-
rience, employer un des procédés de fraude signalés par ses
critiques, courroies ou crochets quelconques.
Dans les séances ordinaires la table se soulevait à une
hauteur moindre; nous étions assis et ne pouvions l'ac-
compagner aussi loin. En général des oscillations étendues
annonçaient la lévitation. La lable se soulevait d'un côté,
puis de l'autre cl quittait enfin le sol. Très souvent Eusapia,
tenant la main de ses voisins, abandonnait tout contact
avec la table et taisait quelques passes au-dessus. Le meuble
se soulevait.
J'ai, avec ce médium, observé à diverses reprises ce
phénomène dans des circonstances très satisfaisantes, et
avec une bonne lumière.
C'est avec Eusapia que j'ai obtenu les lévitations de la
lable dans les conditions les meilleures. J'ai observé des
mouvements sans contact plus nels encore avec d'autres
sujets, mais ils ne m'ont pas donné des lévitations propre-
ment dites. Celles que j'ai constatées avec divers médiums
ont élé beaucoup moins bien observées. J'ai obtenu une
fois ou deux des lévitations frustes avec un médium appar-
lenanl à la bonne société. La table s'approchait d'elle cl
s'élevait en s'appuyant sur sa robe Ce fait se produisait
avec de la lumière, mais les conditions dans lesquelles je
l'ai observé n'étaient pas probantes. J'en dirai autant
de celles que j'ai obtenues ici avec une dame, médium
88 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
professionnel assez intéressant; ces lévitations se réa-
lisaient dans une obscurité complète, qui rendait impos-
sible tout contrôle certain; personne ne tenait les mains
cl les pieds du médium comme nous l'avons fuil pour
Eusapia.
Dans une série d'expériences qui m'a donné des
résultais valant la peine d'être observés avec soin, j'ai
obtenu la lévitation de ht table dans des conditions un
peu meilleures. Mais certains des assistants fraudaient avec
une telle inconscience que je ne crois pas devoir tenir
compte des mouvements parakiuéliqucs obtenus, bien
que j'aie l'impression que ces fraudeurs n'aient pas tout
fraudé ; toutefois les conditions peu satisfaisantes dans
lesquelles j'ai fait celte série d'expériences m'ont amené à
la discontinuer.
Je considère que la 'lévitation de la table, même
avec le contact des mains, csl un phénomène assez diffi-
cile à obtenir dans de bonnes conditions d'observation.
Eusapia csl je le répète, le seul médium qui m'ait
permis de le constater jusqu'à présent d'une manière satis-
faisante
Sa méthode ne diffère guère de celle que j'ai indiquée.
Elle procédait comme j'ai recommandé de le faire 11 lui
arrivait souvent de provoquer le phénomène en élevant la
main au-dessus de la lable Ce procédé m'a paru réussir
dans certaines circonstances, douteuses cependant. Bien
que je ne me croie pas autorisé à affirmer la réalité des lévi-
tations obtenues par son emploi, je l'indiquerai parce que
les résultats certains que des pratiques semblables m'ont
donnés dans les expériences de lélékinésio mo font penser
qu'il est bon. Lo voici : quand les expérimentateurs ont les
mains sur la table cl que celle-ci oscille et se balance comme
si elle essayait de se soulever, l'un des assistant met la main
au-dessus do la table, la face palmaire en dessous et l'ap-
proche jusqu'à deux ou trois centimètres du plateau. Puis
PAUAKINÉSIE ET TÉLÉKINÉS1E 8j):
il.la soulève très doucement : quelquefois la lévitation se
produit comme si la moin attirait le meuble
Je recommande d'expérimenter avec autant de lumière
(pic possible 11 ne faut pas oublier que rien n'est plus facile
à frauder qu'une lévitation de la table. Avec un peu d'habit
Inde on peut arriver aisément à reconnaître les phénomènes
frauduleux de ce genre, mais il est important de connaître
les principaux moyens de tromperie
La position tpic les expérimentateurs sont obligés do
prendre autour de la table, lorsqu'il sont assis; a pour con-
séquence de rendre quelquefois peu visible la position de
leurs pieds. Dès que la lumière est baissée il est même
impossible de s'assurer du contrôle mutuel qu'il est indis-
pensable d'exercer. Or, quand les mains appuient avec un
peu de force sur le plateau de la lable, il est très facile, a\çc
lable légère, de glisser la pointe du soulier sous l'un des
une
pieds de cette table et de la soulever au-dessus du sol. Cette
manoeuvre est d'autant plus aisée, que les balancements de
la table, dont les pieds quittent alternativement le plancher,
permettent de la réaliser sans que personne s'en aperçoive
Je n'ai pas besoin d'ajouter que des crochets attachés au
poignet, des bracelets de forme spéciale permettent aussi de
soulever et de maintenir en l'air la table d'expériences.
Mais il est facile de prendre des précautions contre cette
fraude. Un moyen à employer est de se tenir tous debout
autour de la lable cl do réunir les mains les unes au-dessus
des autres au milieu du plateau ; le genre do fraude que je
signale est impossible dans ce cas. J'ai ainsi souvent obtenu
de belles lévitations, malheureusement dans l'obscurité.
Je signalerai cependant encore un genre de fraude que
l'on observe chez certains professionnels ; il consiste dans la
manoeuvre suivante Le médium se place du petit côté'do
la table, provoque des oscillations diverses et lorsqu'il a
réussi à soulever le côté de la lable <m face duquel il est
assis, il écarte ses jambes do manière r exercer une forte
90 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
pression sur les pieds de la table entre lesquels il est placé.
Une fois celte pression exercée, il n'y a plus qu'à appuyer
très fort les mains de haut en bas sur le plateau de la table,
du côté où se trouve le médium pour obtenir une lévita-
tion. On comprend aisément que la lable, maintenue par
les genoux du fraudeur, exécute un mouvement de rota-
lion uitour d'un axe passant par les points fixés par la
pression des genoux el quo son plateau devienne, parallèle
au sol. Elle paraît alors en lévitation. On peut réussir
cette fraude en plaçant sur la table une personne assise
sur une chaise Sous prétexte de contrôle, le médium prend
les mains de celte personne cl trouve sur elle le point
d'appui nécessaire à provoquer la rotation de la table autour
de l'axe. Il est bon d'avoir ce genre de fraude présent à
l'esprit lorsqu'on opère ; dans l'obscurité surtout, cette
tromperie est facile à réaliser.
Je ne saurais encore une Ibis mettre trop en garde les expé-
rimentateurs conlre les séances sans lumières; elles ne
valent rien pour l'observation des phénomènes (te mouve-
ments paranormaux. On doit les obtenir en pleine <)<>té :

dans ces conditions, que j'ai quelquefois réalisées avec ;'J» .1-
pia, la lévitation de la table était un phénomène net. Je me
demande comment les expérimentateurs de Cambridge qui
ont élé si durs vis-à-vis de ce médium expliquent les fraudes
qui lui sont attribuées pour les cas de lévitation. Le rapport
de M. llodgson est muet à cet égard cl ne discute qu'un
phénomène : celui des attouchements. 11 est plus facile de le
frauder que tout autre, comme j'aurai à l'indiquer. Les in-
terminables discussions que le contrôle des mains d'Eusapia
a provoquées n'ont rien à voir avec les lévitations en pleine
lumière que le médium peut donner et qu'il m'a effective-
ment données. Je demande d'ailleurs à mes lecteurs de me
permettre (le renvoyer la discussion des fraudes d'Eusapia :
je les examinerai avec tout le soin possible, mais je le
ferai dans un chapitre spécial.
PARAK1NÉS1E ET TÉLÉKINÉSIE 91
.

§ 2. TÉLÉKINÉSIE.

J'arrive maintenant au récit de mes observations de télé-


kinésie, c'est-à-dire de mouvements sans conlact. La télé-
kinésic correspond à l'extériorisation de la motricité du
(olonel de Rochas. C'est un des phénomènes que j'ai
observés avec le plus de soin et de certitude Les faits de
ee genre
dont j'ai été le témoin sont très nombreux.
Je les ai d'abord constatés avec Eusapia. Il nous est sou-
vent arrivé de voir, avec ce médium, la lable d'expériences
se soulever sans contact. Généralement, Eusapia faisait
former la chaîne autour de la table, sans la loucher. Au
beul de quelques instants elle faisait des passes au-dessus
de la table avec sa main droite tenant celle de son voisin
du même côté. La table quittait alors le sol et restait sus-
pendue dans l'air pendant quelques secondes. Elle retom-
bait en général assez lourdement. L'expérience que je
raconte a été faite plusieurs fois devant moi, avec une
lumière suffisante
Ce n'est pas seulement la table qui se mouvait avec
Kusapia : les rideaux du cabinet étaient souvent projetés
sur la table comme si un vent violent les eût poussés. Ce
phénomène a élé particulièrement intéressant à l'Agnélas
où nous expérimentions devant les rideaux d'une fenêtre
du salon. Ces rideaux étaient faits d'une lourde étoffe de
soie et rien n'était plus curieux que de les voir se gonfler et
s'étendre brusquement sur nous. La manière dont ils étaient
jetés sur nos lèlcs élait singulière : on eût dit, je le répète,
qu'ils étaient soufflés sur nous. Je no crois pas qu'il soit
possible au médium d'arriver à produire frauduleusement
ce phénomène avec l'aide do ses mains sans instrument
approprié. J'ai obtenu avec un autre médium ces soulllo-
niciils caractéristiques du rideau.
/
9a LES PHÉNOMÈNES PSYCIIIOUKS
Les chaises des observateurs.étaient fréquemment dépla-
cées, secouées, soulevées cl portées sur la table. Jo ne puis
concevoir comment Eusapia aurait pu obtenir normalement
de pareils résultais étant données nos conditions de con-
trôle à l'Agnélas. Nous avions été courtoisement mis au cou-
rant des résultats des séances de Cambridge et noire alten-
lion avait été spécialement attirée sur les frondes du médium.
L'un d'enlre nous tenait les pieds et la taille de notre ita-
lienne, et deux autres, assis à côté d'elle, avaient mission
d'observer attentivement ses mains. Il est relativement facile
de s'assurer si la main que l'on tient est une main droite
ou une main gauche : il suffit pour cela de déterminer avec
soin la position du pouce qui doit toujours être du côté de
l'observateur quand la main est tournée la paume en l'air.
et qui doit êlre du côté du sujet quand la face palmaire
appuie sur la table. Il n'est pas nécessaire de tenir fortement
la main du médium pour se rendre compte de cela. Il suf-
fit d'un conlact intelligemment surveillé; il faut bien
entendu que le contact simultané des doigts et du pouce
soit senti. Or, dans un certain nombre do cas, le contrôle
du médium était bon au moment où la chaise do l'un de
nous était portée sur la lable II est à noter d'ailleurs
qu'Eusapia aurait élé obligée de se pencher d'une manière
1res marquée pour saisir la chaise de son voisin et pour
la porter sur la table : l'inclinaison de son corps aurait été
bien facilement perçue alors surtout que la chaise était
d'abord retirée sous l'expérimentateur puis soulevée, ce qui
prenait un certain temps.
D'ailleurs d'autres phénomènes du même genre se sont
produits d'une façon plus concluante Je me souviens
d'avoir vu la porte d'un bahut placé derrière celui des
expérimentateurs qui était à gauche d'Eusapia, s'ouvrir cl
se fermer.
Enfin, j'ai obtenu avec ce médium un phénomène pro-
bant, que M. de Gramont avait déjà constaté avec les expé-
PARAKINÉSIE ET TÉLÉKINÉSIE 93?
limcntalcurs de l'Agnélas après mon départ. C'est le mou-
vement à distance du plateau d'un pèse-leltrcs. J'ai repris
l'expérience chez moi, à Bordeaux, en présence de quelques
personnes, instruites cl intelligentes. Nous avons opéré
avec une lumière assez forte pour nous permcllre de lire
les divisions faiblement marquées du pèse-lettres. Cet objet
venait d'être acheté par moi cl je l'ai tiré de sa boîte pour
le placer sur la table Sous nos yeux, Eusapia l'a fait à
plusieurs reprises baisser en abaissant cl relovant diverses
fois ses mains, face palmaire en dessous. Les mains
d'Eusapia étaient à douze ou quinze centimètres du plateau;
du pèsc-letiics ; les mouvements étaient faits sans qu'Eusapja
eût abandonné les mains de ses voisins de droite et de
gauche II est à remarquer que nous avons obtenu plusieurs
fois rabaissement du plateau de la balance en faisant varier
la position des moins du médium, en les plaçant en avant
du pose-lettres do manière à former un triangle dont le pla-
teau était le sommet et en rapprochant l'une do l'autre les
mains du médium de manière que l'angle du sommet fût
très aigu. Celle manière de procéder avait pour objet
d'éviter que le médium pût produire le phénomène en ten-
dant un cheveu, par exemple, entre ses mains. J'ajouterai,
pour être bien complet, qu'un cheveu eût élé visible
Eu retournant ses mains, c'csl-à-dirc en les mouvant
avec la face palmaire en dessus, M,no Paladino a relevé le
plateau du pèse-lettres préalablement chargé d'un porte-
feuille Nous avons pu constater, en mesurant les oscilla-
tions do l'index, que la force développée le poussait quelque-
fois jusqu'à la limite de sa course, et qu'elle était par suite
supérieure à 90 grammes.
Les faits que j'ai constatés avec Eusapia ont été reproduits
par d'autres médiums, non professionnels. J'ai eu l'occasion
d'observer des faits curieux. J'ai eu la bonne fortune de
me trouver avec un médium très intéressant dans des
salles de restaurant. J'ai constaté deux fois des phénomènes
[)f\ LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
lélékinéliqucs qui méritent d'être signalés. La première
fois, je me trouvais à déjeuner avec lui ; nous étions assis ù
une table assez grande, près de laquelle se trouvait une
pelile lable ronde La mqipeqiii couvrait la lable du déjeu-
ner louchait la pelile table Nous entendîmes quelques beaux
raps, puis la petite table se rapprocha graduellement de la
grande et vint la toucher. Elle se déplaça ainsi d'environ
3o centimètres. H faisait grand jour cl les conditions dans
.lesquellesj'ai observé ce fait excluaient, à mon avis au moins,
toulc hypothèse de fraude. Une au Ire fois, c'élail au moment
du lunch. J'étais celle fois assis à côté du médium, homme
cultivé mais peu au courant des expériences psychiques.
Nous étions seuls à notre table Deux chaises étaient en
face de nous; une troisième était à gauche du sujet, faisant
face au côlé de la lable perpendiculaire à celui où nous
avions pris place La chaise placée à droite de mon voisin
se rapprocha de la lable puis s'en éloigna sur noire de-
mande La chaise placée en face de moi reproduisit ensuite
les mêmes mouvements. Il faisait encore grand jour et je
pouvais observer à mon aise les pieds et les mains du
médium.
Ces faits, très ncls, très bien observés el très facilement
observables sont restés au nombre dos plus convaincants
que j'aie vus. La position du médium, l'abondante lumière,
l'entière liberté de contrôle qui m'était permise ont rendu
ces observations très probantes pour moi. J'ajouterai que
la mesure des distances entre la lable fixe et l'objet en mou-
vement excluent d'une manière absolue toute possibilité
d'erreur hallucinoloire
Jcdoisdirc, pourdonneraux faits leur signification exacte,
que j'avais établi le conlact entre la lable et la chaise placée
en face de moi au moyen de l'un de ces supports en bois
qui servent à fixer les journaux dans les cafés et les restau-
rants. La chaise en s'approchant poussait vers nous les
journaux dont le support la touchait et nous pouvions ainsi
PARAKINÉS1E ET TÉLÉKINÉSIE g5
suivre des yeux la progression horizontale de la chaise.
Le mouvement était très lent el se produisait par à-coups.
Il n'était pas uniforme el régulier. La dislance parcourue

par la chaise a élé de 20 à 20 cenlimèlres.


Dans un très grand nombre de circonstances et toujours
en plein jour, j'ai pu observer les mouvements lélékiné-
liqucs dune lable, glissant sur le sol. Le plus curieux que
j'aie vu est peut-être le suivant. Deux personnes me firent
l'honneur de vouloir bien me faire assister à certains phé-
nomènes qu'elles obtenaient ensemble D'après leur récit*
ces phénomènes consistaient en légers déplacements d'une
lable Elles reproduisirent ces mouvements sans conlact en
ma présence Je tes priai alors de faire avec moi la chaîne
autour de la lable Celle-ci, léger meuble moulé sur un
trépied central, à plateau rectangulaire mesurant Go centi-
mètres sur 3o environ, n'était en contact axrcc aucun dç
nous, sauf avec la robe d'une dame Après avoir exécuté
divers mouvements de glissement s'éloignanl ou se rappro-
chant au commandement, la table se mit à se soulever et à
frapper le plancher. NousépclAmcs l'alphabet cl nous eûmes
une communication par coups frappés, avec le seul conlact
de la robe de la dame qui expérimentait avec nous. La robe
ne recouvrait pas les pieds de la table, le contact élait sim-
plement latéral et le meuble se'détachait dans son intégra-
lité. H faisait grand jour, cl il eût élé facile de voir le
moindre mouvement de la robe Celle-ci ne bougeait pas.
D'ailleurs, la table levait un de ses pieds qui était sans
aucun conlact. Je n'ai pas voulu que la robe fût éloignée,
car j'ai souvent observé ce gonflement de la robe des
médiums du sexe féminin : le vêlement s'approche du meuble
el le mouvement se produit quand le contact s'établit. J'ai
souvent contrôlé les pieds du médium pendant le mouve-
ment et j'ai pu constater que le léger contact élait exclusi-
vement dft aux vêtements. Ce fait curieux a déjà été observe
par Richcl cl par d'autres avec Eusapia. J'ajouterai que
9G LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
j'ai souvent obtenu des mouvements sans aucune espèce de
conlact, même celui du vêtement.
Un autre médium m'a fait constater les mouvements du
rideau d'une feuêlrc dans des conditions inoins violentes
qu'avec Eusapia, mais plus nettes, car j'ai pu faire quelques
observations qui ne sont pas sans intérêt. J'expérimentais
avec le médium dans une demi-obscurité, contre mon ha-
bitude Il faisait jour, mais nous avions fermé les contre-
vents de la fenêtre cl tiré les rideaux, pour constituer une
sorte de cabinet. Nous cherchionsà obtenir des phénomènes
lumineux qui ne se produisirent d'ailleurs pas. Le médium
tournait le dos à la fenêtre Je remarquai que le rideau
s'agitait légèrement quelquefois : j'attirai l'attention d'un
expérimentateur cl nous attribuâmes d'abord le mouvement
du rideau à un léger courant d'air. Nous rapprochâmes
complètement les deux rideaux el constatâmes que seul le
rideau voisin du sujet remuait. Il faisait assez clair pour
voir les pieds et les mains de notre médium et nous nous
convainquîmes que les mouvements du rideau n'étaient
pas produits par lui. Nous remarquâmes ensuite que
l'agitation du rideau correspondait avec nos propres
mouvements : l'expérience fut vingt fois répétée avec
le même succès. Nous variâmes les mouvements cl pûmes
observer que le maximum d'agi talion des rideaux se
produisait quand le médium frottait la chevelure de l'un
d'entre nous.
Le rideau n'était pas soufflé sur la table, il avait une
sorte de trépidation ondulatoire dont l'amplitude ne dépas-
sait pas uno quinzaine de centimètres. Ce mouvement rap-
pelait les ondulations sinusoïdes d'une corde secouée par
l'une de ses extrémités.
Tels sont les principaux faits (pie j'ai pu observer. Je
n'aurai pas grand'chose à dire du procédé opératoire : j'ai
suffisamment indiqué déjà comment je procède d'habitude.
Je crois cependant utile de l'aire deux remarques.
PARAKINES1E ET TELEKINESIE 97
Lo première, c'est que la présentation de la face palmaire
de la main vers le meuble que l'on veut déplacer détermine
souvent le mouvement. Je procède de la manière que j'ai
indiquée pour la lévitation parakiuéliquc de la table, mais
au lieu de présenter la paume de la main au plateau de la
lable et de la soulever doucement, je ta dirige vers le côté
du meuble, cl je fais comme si je voulais l'attirer ou le re-
pousser. J'ai cru remarquer (pic cette pratique avait do bons
effets.
La seconde, c'est qu'il est, je crois, utile de faire la chaîne
autour de la lable quand on veut obtenir des mouvements
sans contact. Je ne crois pas cependant que cette précaution
soit nécessaire, car j'ai observé des mouvements télékiné-
tiques sans cela ; il me semble cependant que c'est un pro-
cédé à employer, surtout dans les séances de début. Pour
faire la chaîne, il suffit de se donner la main les uns aux
autres, en formant le cercle
98 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

permettre d'en rien conclure ; il m'a paru offrir un exemple


frappant do l'apparente spontanéité quo présentent quelque-
fois les phénomènes psychiques.
De l'oxposé quo jo viens do foire do quelques-unes de
mes expériences do parakinésio cl do télékinésio, on peut
déduire los propositions suivantes qui mo paraissent résu-
mer assez exactement les points do fait quo j'ai pu déter-
miner : 1* il y a uno certaine corrélation cnlro les mouve-
ments opérés par le médium ou les assistants et le mouvement
des objets avec lesquels on expérimente ; 20 certaines sen-
sations particulières accompagnent l'émission do la force
employée ; 3° celte forco a uno connexion probable avec
l'organismo des assistants.
I. — Rien n'est plus facile à constater que la corrélation
exislanl entre les mouvements du médium ou des assistants
et ceux do l'objet avec lequel on expérimente Jopuis dire
que, presque sans exception, les mouvements des opérateurs
sont en quelque sorte répercutés par la table J'ai déjà
indiqué, on examinant les procédés opératoires qui m'ont
paru les meilleurs, que les mouvements d'attraction ou de
répulsion attiraient ou repoussaient le meuble J'ai remar-
qué cotlo particularité à maintes reprises. Quand, dans une
séance, on constate la production d'une certaine énergie,
se manifestant par des raps ou par des oscillations sans
contact, il suffit souvent que l'un des assistants dirige sa
main vers la table pour déterminer son déplacement. J'ai
observé, en procédant comme je l'ai plus haut indiqué, que
l'on pouvait obtenir des lévitations complètes par cette
méthode, mais il faut que les assistants appliquent leurs
mains sur le plateau do la table pendant que l'un d'eux
place une des siennes au-dessus du milieu du mcublo, la
face palmaire tournée vers la table, et soulève doucement
cette main avec une extrême lenteur. On peut obtenir encore
,

1
des lévitations sans contact par le même procédé en formant
la chaîne autour de la lable, sans la loucher; mais les résul-
PARAKINÉS1E ET TÉLÉKINÉSIE Q9
tais sont moins difficiles lorsque- los mains s'appuient sur
lalablo.
La lévitation m'a paru plus malaisée à réussir que le
simplo glisscmont. J'ai très fréquemment obtonu des glis-
sements sans contact en présentant la paumo do la main à
la tablo et en essayant de l'attirer commo si un fil élastique
unissait ma main au meuble Dans ces conditions, la table
semble obéir à uno sorlo d'otlroction.
Jo crois avoir fait à co sujet quelques remarques, mais jo
ne puis les formuler avec beaucoup do certitude et je no les
signalo quo pour provoquer, si c'est possible, l'examen de
personnes plus compétentes quo moi. D'abord, co n'est pas
toujours lo médium qui obtient les meilleurs résultats dans
la manoeuvre quo j'ai indiquée J'ai vu certains assistants
réaliser des mouvements plus marqués quolo sujet lui-même.
Il n'en est pas ainsi en général, mais lo fait no m'a pas paru
rare. Il est assez déconcertant, car les personnes qui mani-
festent cette force relativement plus grande ne peuvent
obtenir seules aucun fait supranormal : la présence d'un
médium est nécessairo pour que l'énergie de leur action so
manifeste Jo mo demande si co n'ost pas dû à l'inexpé-
rience du médium. Jo n'ai pas observé cette particularité
avec Eusapia, bien que les assistants pussent, en sa pré-
sence, déterminer certains phénomènes eux-mêmes ; je l'ai
observée avec les médiums non professionnels qui .m'ont
marqué assez de confiance pour expérimenter avec moi.
Us n'avaient, presque tous, aucune notion des expériences
psychiques : la plupart ignoraient même les pratiques du
spiritisme, et beaucoup s'effrayaient aux premiers phéno-
mènes. Ces médiums n'ont pas lo sang-froid et le calme
que mes amis et moi, dégagés de tout préjugé, pouvons
avoir. Ils n'opéraient peut-être pas dans des conditions aussi
bonnes que nous. Quoi qu'il en soit, je note lo fait ob-
servé.
Une seconde remarque intéressante est l'inégalité des
100 LES PHÉN0MÈNE8 PSYCHIQUES

radiations ou émanations qui paraissent provenir du dos ou


do la paumo do la main. L'action do la faco palmaire est
décidément plus énergique quo celle do la faco dorsale ; jo
rappellerai, à litre d'exemple, l'oxpérionco du pèsc-letlros :
Eusapia pour lo faire baisser remuait légèrement les mains
do haut en bas, la paume on dessous ; elle tournait la main
dans lo sons inverso pour obtenir lo mouvement opposé. Il
y a dans cetto curieuse inégalité dos particularités assez
obscures à élucider : il serait désirable qu'ello fût étudiée,
car c'est uno des rares matières où l'expérimentation soit
vraiment possiblo dans les études du gonro de celles que
j'expose II est à remarquer, et c'est là, je crois, uno consi-
dération très importante, quo l'innervation de la faco palmaire
do la main est beaucoup plus abondante quo celle do la faco
dorsale
En ce qui concerne les mouvements sans contact, jo n'ai
pas remarqué d'inégalité d'action entre les doux mains ; la
gaucho m'a paru agir aussi bien quo la droite
En troisième lieu, jo signalerai une corrélation entre l'in-
tensité de l'effort musculaire et le mouvement anormal
obtenu. C'est une constatation intéressante car, en matière
de raps, je no l'ai pas observée Commo exemple do celle
corrélation je citerai l'expérience suivante que j'ai souvent
faite : quand l'énergie libérée est insuffisante pour provoquer
des mouvements ot quo cependant on constate l'existence
d'une certaine quantité de celle force, quand la manoeuvre
d'attraction no réussit pas, on parvient quelquefois à pro-
voquer le mouvement do la table en agitant rapidement la
main à une certaine distance au-dessus du plateau. Co mou-
vement rapide et violent de la main et du bras m'a paru
développer le maximum de télénergie •
"'

»
Du reste, le frottement des pieds sur lo sol, le frottement
des mains, le frottement du dos ou du bras, toute espèce de
mouvement rapide et un peu violent parait libérer cette
force Les manoeuvres que je viens d'indiquer amènent
PARAKINÉSIB ET TÉLÉKINÉSIE 101
souvent la réalisation du phénomène cherché. 11 est évidont
qu'il no faut pas les omployor sans discernement : cortaines
d'ontro elles peuvont gônor l'observation, par oxemplo le
frottement des pieds s.*r lo parquet si l'on cherche lo mou-
vement télékinétiquo ci'uno table, car il rond impossiblo le
contrôlo des pieds.
Le soufilo paraît avoir uno très grande action ; les choses
paraissent se passor commo si los assistants dégageaient en
soufflant uno somme d'énergio motrico comparoblo à cello
qu'ils dégagent en remuant rapidement les membres. Il y a
la uno particularité curieuso et difficilement explicable en
apparence.
Uno analyso plus complète dos faits permet do penser que
la mise en liberté de l'énergie cmployéo dépond do la con-
traction dos muscles et non du mouvement exécuté. Lo fait
qui révèle colto particularité est facile à observer, Quand on
forme la chaîne autour de la table, on peut déterminer un
mouvement sans conlact en so serrant mutuellement les
mains avec une certaine force ou en appuyant fortement les
pieds sur lo sol; le premier de ces doux moyens est de beau-
coup lo moillour. Les membres n'ont exécuté qu'un mou-
vement insignifiant et l'on pout dire quo la contraction
musculaire est à peu près lo seul phénomène physiologique
observable ; il suffit cependant.
Ces constatations tendent toutes à démontrer que l'agent
qui détermine les mouvements sans contact a quelque con-
nexion avec notre organisme et probablement avec notre
système nerveux.
D'autres raisons tendent encoro à le persuader. C'est
ainsi quo le nombre des expérimentateurs influe dans uno
certaine mesure sur les phénomènes. La lévitation do la
table est plus facilo à obtenir avec cinq ou six personnes
qu'avec une ou deux. Il est très difficile d'arriver à une con-
clusion précise sur ce point, car les observations que j'ai
lues sont contradictoires ; en ce qui concerne mes expériences
102 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
personnelles, j'ai l'impression quo, dans certaines limites,
la quantité do force libérée vario on proportion directo avec
le nombro dos expérimentateurs. Il no faut pas cependant
dépasser un certain chiffre lorsque l'on veut oxpérimontor
dans do bonnos conditions ; mais jo crois (pie la diminution
des résultats tient à d'autres causes quo la multiplication des
assistants. Si l'on pouvait réunir uno assemblée do personnes
bien homogène on obtiendrait des résultais très marqués.
Cette circonstanceexpliquerait los soi-disant miracles opérés
dans certaines congrégations primitives, aux croyances fortes
et aux convictions profondes. Cette unité do croyances et
d'idées, les règles do la vio on commun, lo régime matériel
et moral identique sous lequel vivent les membres do la
communauté déterminent cetto harmonie dont jo constatais
la nécessité pour obtenir dos phénomènes nets. C'est ainsi
quo pourraient s'expliquer d'apparents miracles historiques
ou même contemporains (Shakers, par exemple), Mais,
actuellement, dans notre société, il est difficile do réunir
plus de six à huit personnes ayant les mêmes idées et s'as-
treignant à la même discipline: or, l'harmonie du cercle
m'a toujours paru un facteur plus important encore que le
nombre de ses membres.
Il ne faut jamais perdre de vue l'importance relative des
conditions morales et Intellectuelles du groupe lorsqu'on
expérimente. C'est là un des faits les plus difficiles à saisir
et à comprendre. Jo viens d'indiquer avec détail certains
procédés purement physiques pour déterminer la production
des phénomènes paranormaux. Ils donnent de bons résul-
tats lorsque la force est faible; mais dès que celle-ci est
abondante, la simple manifestation de la volonté pout quel-
quefois déterminer le sens du/nouvoment. Par exemple, sur
le désir exprimé par les assistants, la lable se dirigera dans
le sens demandé. Les choses se passent comme si cette force
était maniée par une intelligence distincte do celles des
expérimentateurs. Jo me haie do dire que cela ne me parait
PARAKINÉS1E ET TÉLÉKINÉSIE I03
être qu'uno apparonco et qu'il mo somblo avoir observé
certaines rcssombloncos ontro ces personnifications et les
personnalités ocondes somnambuliquos, Mais jo no donne-
.
rais pas uno physionomio oxacto dos faits observés si je
n'insistais pas sur co curioux trait do leur caractère

Il y a, dans co lien apparent entre la volonté indirecte dos
assistants et les phénomônos, un problèmo dont la solution
m'échappe complètement encore Jo pressens quo co lion
n'a rion do surnaturel ; jo mo rends compte que l'hypothèse
spirito l'cxpliquo mal ot n'y est pas adéquate: mais jo no
puis formuler aucuno explication, C'est un do ces points do
mit quo jo mo borno à signaler.
L'observation attentivo des rapports existant entre lo
phénomène et la volonté dos assistants permet d'ailleurs
d'autres constatations. C'est d'abord l'effet mauvais que
produit lo désaccord entre les expérimentateurs. Il arrive
quelquefois quo l'un d'eux exprime lo désir d'obtenir un
phénomène déterminé : si lo fait tarde à so réalisor, lo môme
expérimentateur ou un autre demandera un phénomène dif-
férent : quelquefois plusieurs des assistants demandent plu-
sieurs choses contradictoires en même temps. La confusion
qui règne dans la collectivité so manifeste généralement
dans les phénomènes qui deviennent eux-mêmes confus et
vagues.
Cependant les chosos no so passent pas absolument commo
si les phénomènes étaiont dirigés par uno volonté qui no
serait que l'ombre ou lo reflet do collo dos assistants. Il
arrive souvent qu'ils manifestent uno grande indépendance
et refusent nettemont do déférer aux désirs exprimés, En
admettant môme l'hypothèse do Jeaiet sur los personnalités
secondes des médiums et en l'étendant des cas do somnam-
bulisme à ceux do télékinésio, on constaterait un fait bien
curieux au point de vuo psychologique pur. La personnalité
seconde se manifesterait en même temps que la personnalité
normale et l'on assisterait à un conflit entre elles; ce que
JO'I I.I:S i»m?NOMf:NKs VSYOIUQIWS
j'ai vu (railleurs avec Eusapia. Celle-ci voulait boire et In
table s'y opposait avec violence.
,lo résumerai donc mes observations sur la première des
conclusions que je viens do formulor en disant qu'il y a une
relation étroite et certaine onlro les mouvements effectués
parle médiumou les assistants etlesdéplacements du meuble
a expériences : qu'il y a également une relation cortaino onlre
ces déplacements et les contractions musculaires des expéri-
mentateurs; qu'il existe probablement une relation entre la
volonté des expérimentateurs et les mouvements paranor-
maux, mais je ne puis préciser la nature de ce dernier
rapport.
II. — Certaines sensations particulières accompagnent
l'émission do la force employée. J'ai bésité à formuler cette
conclusion parce que, malgré le grand nombre des observa-
lions que j'ai faites, je no puis la présenter qu'avec beaucoup
do réserves. Les sensations que jo vais décrire sont entière-
ment subjectives et peuvent par conséquent prêtera toutes
sortes d'erreurs ou d'illusions. Certaines d'entre elles peuvent
s'expliquer par la fatigue ou l'immobilité prolongée. Malgré
ces causes d'erreurs qui sont très nombreuses et très réelles,
il me semble cependant que l'analyse impartiale des faits
observés porto à reconnaître que l'illusion, l'erreur, la
fatigue et l'immobilité prolongée n'expliquent pas tous ces
faits.
Jo laisserai de côté les sensations visuelles, auditives,
olfactives, tactiles et gustatives : ces dernières sont d'ailleurs
très rarement observables. Je me bornerai à l'examen de
certaines sensations mal définies qui paraissent dépondre de
la sensibilité générale et non des organes sensoriels propre-
ment dits. Les remarques que j'ai faites me portent à distin-
guer cinq sensations principales: i° la sensation dosouflle
froid, généralement sur les mains; 2° celle d'un léger four-
millement dans la pauuio de la main et à l'extrémité des
doigts du côté de la pulpe; 3° colle d'une sorte do courant
P.UMKIN'tfSIR ET Tftl<£lCIK£8IR IO5
(jiii traverserait le corps ; /»• cello d'uno sorte do toile d'ami*
•,'iiéo qui serait en contact aveo les mains ou mémo avec
d'autres parties du corps, notamment lo dos et les roins;
5° la sensation do fatigue qui suit les pbénomènes marqués.
i° La promièreest très fréquemment accusée parles assis-
(unis. C'est une impression do fratebeur ou mémo (le soufllo
froid qu'ils ressentent ordinairement sur les mains. Jo n'ai
pu déterminer avec certitude si cette sensation est purement
subjective ou s'il s'y môlo un élément de réalité objective,
Kilo est quelquefois tellement nelto quo j'ai poino à croire
qu'elle soit tout h fait imaginaire, 1511e précède d'ailleurs
souvent la production do quoique phénomène moteur.
Cependant il arrivo plus souvent encore que les assistants
l'éprouvent sans qu'aucun fait paranormal se réalise.
Cette sensation particulière est à rapprocher de cello
qu'on éprouve, dans les séances d'Eusapia, en approchant
la main do la cicatrice qu'elle porto sur lo cuir chovelu ; on
sent très bien ce qu'elle appelle « sqffio freddo », lo soufllo
froid. Il semble qu'une sorte do courant d'air frais s'échappe
do sa lôte. La réalité do la sensation qu'on éprouve dans ces
conditions avec lo médium napolitain me fait croire quo lo
souille froid perçu dans d'autres séances a quelque objecti-
vité. Il est h remarquer quo ce phénomène a été observé par
moi avec divers médiums n'ayant aucune familiarité avec
les séances spirites.
Quelquefois la sensation de fraîcheur ou môme de froid
s'étend à tout le corps ; les médiums y sont plus particuliè-
rement exposés que les autres expérimentateurs. Cette sen-
sation peut déterminer do véritables frissons. Elle coïncide
souvent avec un phénomène.
2° La sensation de fourmillement peut paraître unique-
ment due ù l'immobilité ou à des causes aussi ordinaires,
comme le contact prolongé des doigts avec la table. Je
reconnais que celte explication est vraie neuf fois sur dix;
mais dans certains cas elle m'a paru insuffisante, soit qu'elle
loC MIS PIU'^OMÎIMS l'SYCIIIQUKS

se produisît trop rapidement pour être duo t\ la faliguo, à


l'immobilité ou au contact prolongé, soit quo sa coïnci-
dence itvt'o certains phénomènes bion observés fut trop fré-
quente pour être fortuite. Il mo paraît donc probable qu'elle
a une relation quelconque avec l'émission do la forco uti-
lisée. Jo no serais pas complètement exact si jo no lu
signalais pas.
Quelle est sa nature précise ? J'ai interrogé avec soin les
personnes qui l'éprouvent — presque tous les expérimen-
tateurs arrivent à l'éprouver plus ou moins rapidement —
et j'ai comparé leurs impressions aux miennes. Les des-
criptions données concordent entre elles ; c'est une sensation
do picotement léger, ayant son siège sur la surface palmaire
de la main et son intensité maxima au niveau de la pulpe
des doigts. Certaines personnes la comparent à la sen-
sation que l'on éprouve en louchant doucement des pointes
d'épingles, ou une brosse dure; d'autres disent qu'il leur
semble que leurs mains sont percées do petits trous par où
ils sentent quelque chose s'échapper. Cetto sensation parait
plus rare que la première. Elle ne ressemble pas au four-
millement que produit l'engourdissement d'un membre.
Les expérimentateurs éprouvent les impressions décrites
ci-dessus au début des séances. Ces sensations n'indiquent
pas toujours que la séance sera bonne, mais j'ai remarqué
quo, si des phénomènes doivent être obtenus, ces impres-
sions sont généralement perçues ; cependant elles peuvent
l'être sans qu'aucun phénomène se produise.
3° La sensation d'un courant traversant le corps est moins
facile à décrire. Elle est beaucoup moins précise que la
précédente. La plupart des personnes que j'ai interrogées
la comparent à l'impression quo leur produirait le paséage
d'un courant électrique. Cetlo assimilation m'a générale-
ment paru très approximative ; j'ai quelquefois éprouvé
cetto sensation et je no puis la comparer qu'à un très léger
frisson, à une sorte de .vibration très faible, parcourant
le dos et les bras, surtout pcrcoptiblo pour moi dans lo bras
droit. Cetto sensation n'est pas continue, mais so présenlo
sous la formo d'ondes so succédant rapidement. Ello ost
extrêmement faiblo chez moi et jo no la perçois qu'avec
beaucoup d'attention : il m'est arrivé, mais dans do rares
circonstances, d'en avoir la perception très nelto,
Jo crois quo dans un grand nombro do cas, cetlo sen-
sation est purement subjective, mais, comme la précédente
elle ne m'a pas toujours paru l'être Elle accompagne géné-
ralement la production de certains phénomènes relativement
faibles et continus, spécialement les raps et les glissements
légers. Copondant, jo no l'ai pas toujours éprouvéo dans
des cas où certains phénomènes très nets so sont produits,
mais alors je ne me trouvais pas en contact avec lo mé-
dium, oteo dernier accusait une sensation particulière quojo
décrirai dans un instant. D'autre part, il faut quo la chaîne
soit formée pour quo cette sensation soit perçue avec les
caractères quo jo viens d'indiquer, mais il n'est pas néces-
saire pour cola que le médium soit dans la chaîne : il résulte
des faits observés par moi, que cetto sensation se produit
encoro, sans quo la chaino soit formée par le contact dos
mains, lorsque les assistants appuient celles-ci sur la table.
Ce cas peut être facilement rattaché au précédent, si l'on
suppose quo la table, susceptible de servir de condenseur
à l'énergie émise, peut suffire pour rétablir une sorte de
contact indirect entre les expérimentateurs. Los choses
m'ont paru se passer comme s'il en était réellement ainsi.
On voit dès lors immédiatement lo rapport qui paraît
exister entre le contact médiat ou immédiat des mains des
observateurs et la sensation « de courant » que je signale.
H y a la un fait très obscur, très délicat à analyser mais
qui me parait, s'il est réel, d'une grande importance, caril
semble indiquer la circulation do quelque chose. Il me
paraît probable que celte chose qui circule est justement
l'énergie employée à la production des faits anormaux quo
108 hV.S IMIKKOMRNKti 1»SYCIIIQUKS

jo raconte. Ce n'est la qu'une hypothèse : jo m'oxcuse


encore do me laisser onlralnor à en formuler et jo rovions
aux faits.
Si la sensation do « passage du courant » est faiblo, il
n'en est pas de mémo do sa brusque interruption : lorsque
pour une cause quelconque, légère discussion entre les
opérateurs, émotion du médium, rupturo do la chaîne, la
sensation do passage du courant est interrompue, l'inter-
ruption .est facilement perceptible Elle peut même donner
une sensation do brusque malaise si l'interruption coïn-
cide avec un phénomène en cours. Il y a là un fait curieux
et d'une observation aisée pour peu qu'on y prête quoique
attention. La sensation do « rupture du courant » est très
nette cl c'est son existence qui mo détermine à penser que
la faible impression du passage du courant n'est pas entiè-
rement imaginaire.
Il faut remarquer quo la sensibilité des différents obser-
vateurs varie beaucoup. Les uns sont très susceptibles à ces
influences, les autres le sont pou. Je mo souviens d'avoir
récemment assisté à une séance a laquelle prenait part un
do mes amis, homme honorable et bien connu dans lo monde
do l'escrime. Mon ami a été frappé il y a quelques années
d'un ictus apoplectique, bien qu'il soit encore jeune. Il s'est
remis à peu près complètement et n'a conservé qu'un peu
d'bémiparésie droite. Médicalement il rentre dans la caté-
gorie des hémiplégiques. Il parait très sensible à l'impres-
sion que j'appelle « passage du courant ». Il la compare à
celle quo lui causo lo passage d'un courant électrique. 11
m'a assuré que son bras malade en élait affecté et comme
engourdi. Il mo disait qu'il éprouvait un effet semblable en
passant près do puissantes dynamos. Il mo racontait qu'il
ne pouvait pas, par exemple, demeurer longtemps dans la
galerie des machines à l'exposition, à cause du voisinage
"-des générateurs d'électricité qui s'y trouvaient. Il avait une
sensation désagréable dans le bras droit, qui paraissait s'en-
IUIUKINR8IK KT TÉUÊKINÊSIR ÎOQ
gourdir: la gêno remonlaitdu bras a la nuquo et il était
obligé de s'éloigner dos machines électriquos. H déclarait, au
cours do la séanco, d'ailleurs très pou intérossanto à laquelle
j'assistais avec lui, éprouver une sensation idontiquo et dut
quitter lo corclo. Jo raconte cetto observation, car colui qui
la faite est un hommo intelligent ot capable do so rendre
un compte exact do ses impressions. Il est inutile d'ajouter
qu'il était do sang-froid et observait sans parti pris.
Les sensations du médium sontordinairemont beaucoup
plus vives quo colles dos assistants. Los sujets assurent
qu'ils sentent très nettement lo passage et l'interruption du
courant ; leurs impressions no m'ont paru différer qu'en
degré do celles dos autres expérimentateurs. Il y a cepen-
dant une certaino catégorie do sensations quo le médium
éprouve presque exclusivement lorqu'un mouvement un
peu fort so produit: c'est l'impression d'une brusque émis-
sion de forco. L'un des médiums les plus intelligents quo
j'aie rencontrés, la décrivait comme une sensation de crampe
dans la région épigastriquo : il lui semblait quelquefois
qu'il allait défaillir. J'ai indiqué une sensation do ce genre
éprouvée par moi-même a l'occasion d'une lévitation d'Eu-
sapia. J'en ai ressenti une semblable dans d'autres occa-
sions, mais pas avec la même intensité. Je mo souviens
par exemple d'une expérimentation faite dans les condi-
tions suivantes : nous tenions une séanco dans la soirée,
ca hiver, avec une lumière faible mais suffisante. Nous
avions recouvert la table d'une couverture de laine qui
nous retombait sur les jambes et nous abritait du froid.
Sur la table, nous avions placé, les pieds en l'air, une table
plus petite : nous touchions les bords do cetto petite table
ainsi renversée : ayant remarqué que la petite table pa-
raissait se soulever d'un côté, j'essayai d'augmenter l'am-
plitude du mouvement en contractant violemment les
muscles dos bras et des jambes. Nous vîmes, pendant que
je faisais l'effort intense que je viens d'indiquer, la petite table
! 10 I.F.S WIRSOMRNRS WYCIUQUKS

so pencher lentement ot so renverser sans contact, Lors-


qu'elle fut ronverséo, jo sentis une brusque fatigue, U est
possible qu'ollo n'ait ou pour cause quo lo violent effort
quo j'ai fait pour contracter mes muscles ; jo signalo cepen-
dant cetto observation, quo d'railrcs du môme genre nie
paraissent confirmer, parce (pie la corrélation entre l'effort
et la brusque sensation do fatigue quo je décris est moins
régulière quo la connexion entre celte sensation et le pbé-
nomène. Quelle que soit l'intensité do l'effort, la fatigue se
produit avec moins do brusquerie et d'étendue lorsque le
phénomène ne so réalise pas. J'ajouterai quo cette sensation
ne m'a paru accompagner quo les phénomènes do téléki-
nésio ot certains phénomènes lumineux. Elle no so produit
pas avec les raps, l'écriture automatique et les manifes-
tations du même genre. La fatigue quo déterminent ces
derniers faits so montre progressivement et apparaît beau-
coup plus tardivement. J'y reviendrai d'ailleurs.
/l° Les expérimentateurs, le médium surtout, accusent
quelquefois une sensation qu'ils comparent à celle que
détermine lo contact d'uno toile d'araignée. Elle parait plus
rare quo les deux premières ot je n'ai pas remarqué qu'elle
se manifestât avec certains phénomènes plutôt qu'avec les
autres.
J'ai indiqué qu'elle était éprouvée aux mains et quelque-
fois dans lo dos et dans les reins.
Je no puis donner aucune autre indication sur cotte cu-
rieuse sensation que je me borne à signaler.
5° J'ai déjà dit quelques mois do la sensation do fatigue
brusque, qui se manifeste lorsque un phénomène important
survient. J'ai observé avec soin l'état des assistants avant et
après les séances, et j'ai constamment remarqué que la plu-
part des expérimentateurs étaient fatigués après une séance
réussie. Cctle fatigue parait assez exactement proportion-
nelle aux résultats obtenus. Je parle des résultats tolékiné-
tiques ou parakinétiques, car il faut remarquer que la fatigue
PAUAKINÉS1K KT T£|.ÉKIM$SU? Jj'i'
que déterminent cos mouvements anormaux n'est pas iden-
tique, au moins chez lo médium, à cello quo d'autres
phénomènes paraissent occasionner,
Los mouvomonls sans contact ontratnont uno lassitudo
comparable à celle quo pout causer uno longue course ou
un oxcrcico physiquo prolongé.
III. — Cotto constatation m'amène h roxamon do la
troisième des propositions que jo formulais, pago 98. C'est
que la forco employée h la production des phénomènes, para
ou télékinétiques, est probablement en connexitéavec l'or-
ganisme des assistants. L'analyse quo jo viens de fairo
permet déjà de pressentir les raisons très sérieusos qui
m'ont amené à précisor ma conclusion sur co point. C'est
d'abord la corrélation signalée entro les mouvements, les
contractions musculaires des assistants et les mouvomonts
paranormaux. J'ai indiqué que celte connexion paraissait
exister on réalité avec la contraction musculaire plutôt
qu'avec lo mouvement libre du membre : c'est là uno pre-
mière constatation. Une seconde constatation csl encore à
faire : c'est que lo mouvement paranormal provoqué est on
apparenco approximativement proporlionnolau mouvement
exécuté par l'cxpérimcnlatcur et h l'effort par lui fait.
Ces deux premiers points me paraissent acquis et la
corrélation observée cuire l'effort musculaire et lo mouve-
ment indiquent une dépendance réciproque entre ces deux
phénomènes : on peut aller plus loin et essayer do recher-
cher si la relation signalée existe entre lo mouvement et le
lait même de la contraction musculaire ou le fait physiolo-
gique qui la provoque, c'est-à-diro la décharge nerveuse.
I/observation semble montrer que c'est avec l'influx ner-
veux que le rapport signalé paraît so manifester. J'indi-
querai, à l'appui de cette opinion: i° les attractions ou
répulsions que détermine la présentation do la face pal-
maire de la main à l'exclusion presque absolue de la face
dorsale; 20 les sensations diverses quo j'ai analysées;
lia LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
3? l'influence dé l'état mental et des dispositions des assis-
tants ; A0 enfin la fatigue caractéristique qui suit les séances
réussies, fatigue qui rappelle celle que déterminent les
exercices violents ou prolongés, c'est-à-dire exigeant une
dépense nerveuse considérable. Je no puis, dans un livre
d'où jo cherche à exclure toute espèce de théorie et dans
,uho matière d'ailleurs où les hypothèses théoriques me
paraissent en général prématurées, je ne puis insister plus
longtemps sur ces considérations; je me borne à les signaler
à l'attention de ceux qui auraient lo désir d'expérimenter à
leur tour.
Les mouvements télékinétiquos sont plus difficiles a
frauder que les lévitations de la table avec contact. En
opérant en plein jour comme je l'ai fait et avec des mé-
diums non professionnels on a toute espèce de garantie.
D'ailleurs, il est bien difficile à un médium professionnel
do. a truquer» les phénomènes télékinétiquos en pleine
lumière ; il faudrait être un bien mauvais observateur pour
se laisser prendre. Lo moindre lien entre le médium cl
l'objet en mouvement est aisément perceptible et il est très
facile de s'assurer qu'il n'en existe aucun. Je recommande
aux expérimentateurs do s'efforcer de diriger les phéno-
mènes dans lo sens des mouvements sans contact. Ces faits
sont les plus convaincants que Ion puisse observer. Je ne
conseille pas do rechercher, mémo au début, les lévitations
avec contact; c'est une manifestation facile h frauder et
j'engage les personnes qui n'ont pas l'habitude des séances
et qui ne sont pas familières avec les procédés d'imitation
à ne chercher que les faits de lélékinésic. Ils sont plus
longs et plus difficiles à obtenir, mais leur constatation ne
fera pas regretter la peine prise pour les réaliser et le temps
passé à les attendre. Quand on y verra bien clair, quand
on pourra passer la main dans tous les sens autour du
meuble, quand on opérera avec des objets n'appartenant
pas au médium, n'ayant pu être truqués par lui, l'hypo-
PAIUKINÉSIE ET TÉLÉKINÈSIE Il3
thèse do la fraude ne sera pas admissible. Je ne parle pas
de l'honorabilité du sujet et de sa bonne foi : vce sont d'irrï-
porlonts éléments d'appréciation, mais j'ai pour principe
de n'en tenir aucun compte pour le jugement d'un fait
paranormal. Je vérifie et tout le monde doit pouvoir vérifier
les conditions dans lesquelles l'observation est faite pour
que celle-ci ait une valeur sérieuse.
En résumé, les observations quo j'ai très souvent faites
avec divers médiums m'ont convaincu' de la réalité des
mouvements d'objets 3ans contact. Je crois avoir constaté
une relation entre eux et l'organisme des expérimentateurs.
Il y a de la synergie entre leurs mouvements et leurs con-
tractions musculaires et les mouvements obtenus. J'ai déjà
noté cette coïncidence pour les raps.
Une différence est a signaler: j'ai fait remarquer que,
dans un certain rayon, l'intensité des raps était indépen-
dante do la proximité du médium. Les raps entendus à trois
mètres do lui m'ont paru aussi velcnlissants que ccuxqui
éclatent sous ses mains ou tout près de lui. Je n'ai pas
fait la môme constatation pour les mouvements sans con-
tact et je crois avoir observé quo l'éloignement avait une
certaine influence sur eux. Je n'en ai pas vu se produire à
plus d'un mètre, sauf peut-être les mouvements des rideaux
du cabinet. Je n'ai pas pu me rendre compte des conditions
dans lesquelles l'accroissement de la distance influait sur
l'intensité de la force. J'ai seulement observé (pie l'action
paraissait maxima à une certaine distance qui ne m'a pas
parue constante. Par exemple, il m'est souvent arrivé
d'obtenir le glissement de la table en éloignant lentement
la main : le glissement se produisait quand mes doigts
étaient à 3o ou 35 centimètres, non quand ils étaient plus
près delà table. Plusieurs circonstances peuvent intervenir
d'ailleurs pour modifier l'action de la distance, l'accumula-
tion possible de la force par exemple, au bout d'un certain
temps.
MAXWELL, 8
Il/| LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
J'ai observé assez souvent que la direction intentionnelle
du mouvement effectué par l'observateur influait sur celle
delà table. Je n'ai pas pu m'assurer que la détermination
du sens du mouvement paranormal était duc à celui des
mains do rcxpérimenlalcur ou à la manifestation de sa
volonté. Ce qui ne m'a pas permis de résoudre le problème
c'est qu'il arrive, lorsque la force est suffisante, que les
mouvements so produisent dans le sens demandé par les
assistants. Les mouvements semblent produits par un être
intelligent.
J'ai déjà signalé ce curieux aspect des choses en analysant
le phénomène des raps. Les mouvements lélékinéliqucs se
présentent de la même manière à l'observation. Ils tendent
à la manifestation d'une personnification comme les raps
eux-mêmes. J'ai raconté lune des observations que j'ai
faites dans des circonstances très intéressantes : hors séance,
en plein jour, au cours d'une conversation relative à une
personnification déterminée, la table à côté de laquelle
nous étions assis glissa d'elle-même sur lo sol quand je
prononçai le nom pris par la personnification. La conver-
sation continua avec celle-ci au moyen des glissements de
la table. J'ai raconté aussi la conversation typtologiquc,
sans contact, que j'ai eue avec la même personnification.
Ces personnages qui paraissent se dire les auteurs du
phénomène télékinélique ont lous les caractères de ceux
qui s'attribuent les raps. Je n'ai rien do particulier à en
dire ici.
L'observation des faits résumés dans le présent chapitre
révèle encore une circonstance qui mérite d'être signalée.
C'est l'apparente conductibilité de certains corps pour.la
force employée. J'en ai cité des exemples, le linge de table,
lo bois des porte-journaux, l'étoffe des robes. J'ai raconté
que j'avais très souvent vu la robe des médiums so gonfler
et s'approcher de la table au moment du phénomène : les
pieds du sujet restaient visibles et l'hypothèse d'une main
PARAKINIÎSIE ET TéL^klNÉSlE * Il5
ou d'un pied artificiels imaginée par Hodgson, pour expli-
quer ce fait chez Eusapia, était absurde dans les conditions
ou j'ai observé ce fait. J'ajouterai que j'ai obtenu fréquem-
ment des mouvements sans le contact des étoffes, mais j'ai
certainement remarqué que ce contact facilitait la réalisation
du mouvement.
L'obscurité la favorise aussi beaucoup. Cela n'est pas
douteux. Je laisse bien entendu de côté la facilité plus
grande qu'cllo offre à la fraude; bien que je n'aie dans le
présont livre fait élat que de phénomènes obtenus en pleine
lumière, j'ai souvent expérimenté dans l'obscurité et il mo
paraît certain que les ténèbres sont au, nombre des condi-
tions de développement maximum de l'énergie libérée.
L'action do la lumière est intéressante à retenir. J'ai déjà
indiqué à diverses reprises quo l'agent des phénomènes
psychiques mo paraissait analogue à l'inllux nerveux, et
quo la table me semblait faire l'office d'un condensateur.
Dans cctlc hypothèse la lumière agirait comme certains
rayons d'origine cathodique qui déchargent les condensa-
teurs électrisés placés dans leur champ. L'étude de l'in-
llucnce de la lumière sur les phénomènes télékinêtiqucs
nous fera certainement connaître leur cause; elle permet
déjà de soupçonner que la force télergiquo doit avoir quel-
ques rapports avec la lumière et l'électricité, au moins en
ce qui concerne l'amplitude des vibrations.
L'étude de ces rapports ne peut être abordée que par un
physicien expérimenté. Elle exigera une méthode délicate
et des instruments spéciaux et jo souhaite vivement qu'elle
soit sérieusement entreprise.
Quant à ceux qui se bornent à rechercher, comme moi,
simplement si les faits sont réels ou non, ils devront éviter
d'opérer dans l'obscurité. La lumière peut gêner la produc-
tion des mouvements télékinétiquos, mais elle ne l'empêche
pas. Les expérimentateurs devront s'habituer à tenir leurs
séances au grand jour ou avec une lumière assez vive pour
IlG " LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

permettre la lecture de caractères très fins l\ faut, avant


tout, se convaincre de la réalité des faits que jo signale à
mon tour; cette conviction n'est pas aussi facile quand
l'expérience se fait dans l'obscurité.
On ne saurait s'imaginer jusqu'où va l'audace de cer-
tains fraudeurs. J'ai assisté à une série d'expériences qui
m'ont intéressé beaucoup à ce point de vue. Le groupe avec
lequel j'opérais comprenait trois jeunes gens dont l'un est
le médium le plus remarquable que j'aiorencontré. Les deux
autres, garçons instruits et intelligents, m'ont paru avoir
quelques facultés médianiques, mais je suspends mon juge-
ment sur eux parce qu'ils ont tellement essayé de tromper
qu'il ne serait pas prudent de tenir compte des faits où la
fraude ne m'a pas paru exister ; elle était possible. Ces jeunes
gens n'avaient aucun intérêt à tromper; en tout cas, je n'ai
pas encore compris le but qu'ils voulaient atteindre ; ils
avaient uno audace vraiment amusante. Les lévitations de la
table étaient superbes, dans l'obscurité seulement, et lous les
meubles de la pièce où nous étions étaient plus ou moins
bousculés. Cela était fort bien fait et des expérimentateurs
novices y eussent été pris. Les « esprits » caressaient ou
frappaient les assistants et j'ai vu des personnes sincères,
mais inexpérimentées, être convaincues de la réalité des
faits quo l'adresse seule de ces jeunes gens produisait.
L'un d'eux, étudiant en médecine, présente des troubles
nerveux divers et deviendra hystérique s'il ne l'est déjà.
Malgré mes reproches et mes exhortations, il ne pouvait
s'empêcher de tricher et j'ai l'impression (pie la fraude est,
chez lui, presque impulsive. Je ne me suis pas cru autorisé
à prendre son observation au point de vue médical, mais
j'étais curieux de l'examiner avec soin. Il a confectionné
des photographies spirites 1res habilement faites et qu'un
oeil exercé pouvait seul reconnaître pour fausses. H procé-
dait par la double exposition.
Dès qu'on éclairait la pièce, les phénomènes qui étaient
PARAKtNESIE ET TELEK1NESIE
II7
d'une extrême violence dans l'obscurité, cessaient
complètement. Cetto circonstance suffisait seule presque
à faire
suspecter la fraude, car l'action do la lumière n'est telle
qu'elle fasse complètement obstacle à la production pas
des
mouvements télékinétiques. Toutes les fois
quo les phéno-
mènes sont très intenses dans l'obscurité,
on doit pouvoir
en obtenir de plus faibles avec la lumière. Cette règle est
presque sans exception connue do moi. Toutes les fois
qu'elle ne s'appliquera
pas, il faudra penser à la fraude.
Inutile d'ajouter que la table,
sous l'impulsion très nor-
male que lui donnaient
ces jeunes gens, réclamait avec
insistance l'obscurité. Dans les séances vraiment
bonnes
j'ai toujours vu la table demander
au contraire la lumière
pour les phénomènes purement moteurs. Il en est autre-
ment pour les phénomènes lumineux
que je vais maintenant
exposer.
CHAPITllK IV

PHÉNOMÈNES LUMINEUX

On ne peut, par définition, obtenir les curieuses lueurs


que je vais décrire, sans une obscurité complète. Elles sont
en général 1res faibles cl me paraissent ordinairement à la
limite de la visibilité.
Je commencerai cependant par signaler un phénomène
assez curieux, qui est très facilement observable. Jo ne
suis pas très persuadé de sa réalité objective, mais je le
signalerai cependant en indiquant les raisons pour lesquelles
je crois devoir le faire.
Un certain tour de main est nécessaire pour, le mettre en
évidence; il est utile do procéder de la manière suivante:
i° Se placer en face do la source de lumière autant que
possible ;
2rt Mettre entre soi et la source lumineuse, laïnpc ou
fenêtre, un objet foncé et mal. Il ne faul pas le placer comme
un écran, entre la lumière et les opérateurs. Il faut simple-
ment lo placer entre les expérimentaleurs et, par exemple, la
fenêtre. Lo moyen le plus commode est de rouler un fau-
teuil tendu de velours foncé do manière à faire présenter le
dos du fauteuil à la lumière.
3" Présenter ses mains, la face palmaire tournée vers la
poitrine, do manière à les projeter sur le fonds sombre pré-
paré. Il faul écarter légèrement les doigts étendus de la
main : on rapproche ensuite les mains de façon à ce que
les extrémités des doigts so louchent et on écurie 1res lcn-
PHÉNOMÈNES LUMINEUX II9
tcmcnt les mains en tenant toujours les doigts légèrement
en extension ;
!\° On fait placer derrière soi la personne avec laquelle

on veut expérimenter de telle sorte que sa tête soit à peu


près au niveau do la têlo do l'opérateur, cl dans une posi-
tion à peu près normale au milieu du plan qu'occupent les
mains.
Dans ces conditions, sept ou huit personnes sur dix
verront, quand les doigts s'écartent, une sorte de buée gri-
sâtre en réunir les extrémités d'une main à l'autre. 11 faut
avoir grand soin de ne pas prévenir la personne avec
laquelle on expérimente do ce qu'elle doit voir, car on vicie-
rail l'expérience en y introduisant un élément suggestif ou
imaginatif.
J'ai dit quo les trois quarts des personnes avec qui j'ai
expérimenté apercevaient une légère buée aller de l'extré-
mité d'un doigt à celle du doigt symétrique de l'auUe main
ou même à l'extrémité d'un autre doigt de celte main. Jo
perçois moi-même très bien cette impression et jo ne puis
(pie la comparer à la fumée de la cigarette exhalée do la
bouche. C'est la môme couleur grise, la même apparence,
mais avec beaucoup plus do ténuité. C'est ordinairement do
celle manière que la plupart des gens la voient, mais j'en
ai rencontré un certain nombre que lui trouvaient une colo-
ration différente. Les personnes qui voient l'cfiluvo coloré
sonl en général douées do facultés psychiques ; je n'ai pu
arriver à des conclusions certaines sur ce point, mais j'ai
quelques raisons do croire que la perception colorée de cq,
que, faute d'autres termes, j'appelle l' « eflluve digital »
indique un tempérament très psychique. Un jeune médecin,
médium très remarquable, le voit voiuje. C'est lo seul qui
l'ait perçu de celte couleur. J'ai trouvé deux personnes qui
le voient jaune: j'ai bien des raisons de penser que l'une
d'elles est un.médium; mais il refuse d'expérimenter et
déclare, a priovi, que les phénomènes psychiques dont je
19.0 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
m'occupe sont « de la blague » pour employer son expres-
sion familière. L'autre était un magistrat émincnl. J'ai
trouvé un certain nombre do personnes qui le voient bleu.
Etant donné le nombre des expériences que j'ai faites, je
compte que sur trois cents personnes de l'un et l'autre soxe,
2/10 à 200 perçoivent l'eflluvc: 2 à 3 pour 100 le voient
coloré en bleu; j'en ai trouvai 2 le voyant jaune; 1 le
voyant rouge.
Je n'ai pas remarqué quo la couleur de l'eflluvc de la
main droite leur parût différer de celle do la main gauche;
il est vrai que je redoute tellement la possibilité de la sug-
gestion (pic je î'.o pose que des questions incapables de pro-
voquer une réponse déterminée. Je n'ai donc pas provoqué
d'explication sur la différence possible des colorations:
mais jo crois qu'elle m'eût été indiquée si elle avait été
perçue.
Habituellement, l'eflluvc paraît réunir entre elles les
extrémités des doigts symétriques. Il n'en est pas toujours
ainsi cependant. Souvent deux ou trois effluves digitaux
convergent vers un des doigts de la main opposée an lieu de
réunir les doigts symétriques.
J'ai remarqué que les conditions météorologiques cl les
variations de la température avaient une certaine influence
sur la visibilité des cflluves. Lorsqu'il fait froid, ils sont
très peu nets. Je parle de la température ambiante do l'ap-
partement.- De même, lorsque le temps est mou cl pluvieux
l'eflluvc est faible. Il m'a paru avoir un maximum d'inten-
sité en été, quand la température est 1res chaude et spécia-
lement les jours d'orage. Quand le temps est très orageux,
l'eflluvc est épais cl 1res visible pour moi et pour les per-
sonnes à qui je lofais voir. Lorsque l'orage a éclaté, son
intensité décroît.*
Il varie aussi suivant les personnes. Certaines gens
ont un cllluve plus visible (pie certaines autres. Je n'ai pu
saisir aucune relation entre le sexe, l'âge, le tempérament
PHENOMENES LUMINEUX 12 T
des différentes personnes avec qui j'ai expérimenté et l'ap-
parence de.l'eflluvc; une relation paraît exister au contraire
entre l'état de santé ou do fatigue el l'émission do cette
huée; elle csl 1res peu visible quand le sujet qui l'émet est
l'aligné ou malade.
Telles sont les principales remarques quo l'observation
de ce curieux phénomène m'a permis de faire. Jo les ai
résumées avec soin, mais je dois dire que la réalité de cette
apparence ne me paraît pas démontrée. Elle peut être duo
à un effet de contraste. Les conditions dans lesquelles on
l'observe commodément sont telles quo les mains se déla-
ehent en clair sur le fond obscur. En les éloignant l'une
de l'autre, l'image du doigl relativement clair persiste sur
la rétine et peut donner lieu à une illusion : mais cette
explication n'est pas satisfaisante.
En effet, il y a uno certaine distance enlre les mains qui
semblent être la distance oplima pour la réalisation de l'cf-
lluvc. En général celui-ci paraît d'autant plus dense quo les
doigts sont plus rapprochés : lorsqu'ils s'éloignent la den-
sité do l'eflluvc diminue : il devient plus ténu et moins
épais ; mais, si le mouvement des mains s'arrête, l'effluve
ne persiste pas. Les choses paraissent se passer ainsi tant
que l'éloigncmcnt des doigts ne dépasse pas deux à trois
centimètres : quand on arrête le mouvement de sépara-
lion des doigts à la distance de dix à quinze centimètres,
l'eflluvc reste visible plus longtemps. Jo dois dire que les
choses se passent en général oinsi, mais que les fails n'ont
pas toujours la même régularité. H y a, dans les phéno-
mènes psychiques toulc la diversité et la variabilité que l'on
observe dans les autres phénomènes biologiques.
Ordinairement, comme je viens do lo dire, l'eflluvc per-
siste plus longtemps tpiand les doigts sont à une dizaine de
centimètres les uns des autres. Dans ces conditions, le
mouvement (l'éloigncmcnt des moins élanl arrêlé, la légère
Iméc que j'ai décrite persiste quelques secondes. 11 arrive
122 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
quelquefois que la visibilité do celle apparence reslc nette
quand les doigts sont à plus do vingt-cinq ou trente centi-
mètres les uns des autres.
Ce fait que j'ai souvent constaté me porte à penser que
l'eflluvc n'csl pas un phénomène complètement imaginaire:
il me paraît au moins exclure l'hypothèse de la persistance
de l'image rétinienne : cette fausse image ne dure pas aussi
longtemps que persiste l'apparent effluve dans les condi-
tions que je viens do préciser.
Il reste uno autre explication, c'est quo l'oeil prolonge
automatiquement l'impression claire des doigts sur le fond
sombre qui les sépare. Il y aurait là quelque chose d'ana-
logue à l'agrandissement des images claires sur fond sombre
par irradiation. ,
Mais d'autres raisons mo font écarter celle nouvelle
hypothèse. En premier lieu, pourquoi certaines personnes
voient-elles la fausse image colorée vivement et non blanche!'
En second lieu, si le phénomène est d'origine purement
rétinienne, pourquoi l'image ne reproduit-elle pas la forme
du doigt mais est-clic plus mince? Pourquoi est-elle gris-
blcuulro au lieu d'être noire comme devrait l'être l'image
complémentaire du doigt qui paraît blanc?
Pourquoi ce phénomène no se produit-il pas avec cer-
tains objets colorés en blanc ? on a beau les éloigner l'un de
l'autre comme on lo fait des mains, ils ne laissent entre cu\
aucun effluve. Il faut ici opérer d'ailleurs avec prudence :
si l'on se sert de linge ou de bois tenu dans les mains, on
aura souvent l'cQhive, On ne l'a pas, autant quo j'en ai pu
juger, avec des objets en métal. Il sembla résulter de ce
fait, que je n'aflîrme d'ailleurs pas, car je n'ai pas fait d'ex-
périences très concluantes sur ce point, quo le bois cl le
linge conduiraient l'effluve comme la chair elle-même.
Cela me paraît probable pour lo linge : en tenant dans la
main un mouchoir chiffonné et on lo présentantsur un fond
sombre comme j'ai recommandé de le faire pour les doigts,
PHÉNOMÈNES LUMINEUX 123

on constate autour du linge une'buéo très légère qui on


estompe les contours.
Enfin, uno raison plus sérieuse encore mo porto à consi-
dérer comme probablement objectives les apparences do
l'effluve décrit ci-dessus. C'est l'absence fréquente de paral-
lélisme entre les effluves des différents doigts. J'ai souvent
observé des convergences déterminées : il m'a môme semblé
quelquefois que la volonté pouvait, dans une certaine me-
sure, influer sur la direction des effluves, et en amener la
convergence. Lorsque l'on observe ces effluves convergents
il arrive ordinairement que les expérimentateurs les voient

sons le mémo aspect. Lo phénomène peut avoir une grande


variabilité d'apparence, le médius ou l'annulaire d'une
main, par exemple, se trouvant reliés avec deux, trois ou
quatre doigts de la main opposée.
Comme l'aspect des effluves paraît ordinairement le même
aux observateurs, il y a lieu de présumer quo leur existence
el leur direction ne sont pas des phénomènes illusoires. Il
faudrait dans lo cas contraire supposer une hallucination
collective ou une transmission d'impression bien impro-
bables et que mes observations personnelles ne me disposent
pas à admettre.
Le phénomène que j'ai appelé visibilité de l'effluve digital
pour lo bénéfice de mon récit est très facile à observer. Jo
lais, je le répèle, lotîtes réserves sur son objectivité, bien quo
jo croie que sa réalité soit plus probable que son inexis-
tence. Il serait très désirable que des expérimentateurs com-
pétents contrôlassent mes observations que je ne présente
que comme inccrlaincs.
Je n'aurais pas de doutes si les personnes avec qui j'ai
expérimenté avaient toujours vu les effluves so diriger do
la mémo manière au
cas où elles convergent on divergent ;
mais il n'en est pas ainsi. J'ai souvent observé des contra-
dictions entre les descriptions qui m'étaient faites. Cepen-
dant, elles sont beaucoup plus fréquemment concordantes.
I2/l LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Bien que l'eflluvc digital ne me paraisse pas encore dé-
montré, il me paraît intéressant do signaler les analogies
qu'il présente avec les phénomènes signalés par divers
ailleurs, notamment par Ueichcnbach et de Hochas. Ces
deux expérimentateurs ont opéré dans des conditions très
différentes de celles où je mo suis mis ; l'un plaçait ses
sujets dans une obscurité profonde et les y laissait un cer-
tain temps ; il leur faisait ensuite observer des êtres vivants,
des fleurs, des aimants, l'extrémité de cordes ou do fils
métalliques dont l'autre bout était au soleil. Ses sensitifs
voyaient une buée lumineuse ou une sorle de flamme
entourer les objets ou en sortir, notamment des mains
humaines, des cristaux, des pôles d'un aimant. Do Rochas
a surtout expérimenté avec des sujets plongés dans le
sommeil hypnotique : tout le monde connaît le récit doses
expériences, la coloration bleue et rouge que ses sujets
prêtent a la lueur qu'émettent les pôles de l'aimant ou les
côtés droit ou gauche du corps. J'ai expérimenté avec les
premières personnes venues, en plein jour, et par consé-
quent dans des conditions très différentes de celles où
s'étaient placés Ueichcnbach et mon ami M. de Rochas;
cependant mes observations tendent à confirmer les leurs
au moins en ce qui concerne la radiation de quelque chose
par l'extrémité des doigts de la main.
Une autre observation non moins intéressante est à faire
encore à ce sujet. J'ai indique que le linge très probable-
ment, et peut-être le bois s'imprégnaient facilement de h
chose qui constituerait l'effluve. Ce fait est à rapprocher do
ceux que j'ai déjà signalés à l'occasion des mouvement*
télékinétiqties, notamment lo rapprochement d'une petite
table que touchait la nappe de la table où je déjeunais avec
un médium ; le rapprochement de la chaise que touchait
un porte-journal en bois placé sur une table, et enfin le
curieux gonflement de la robe des médiums qui vient
frôler les pieds de la table dans certains cas de télékinésie.
PHÉNOMÈNES LUMINEUX 125
Sans faire d'hypothèses prématurées, il est permis de con-
sidérer l'effluve digital comme ayant quelque connexion
avec l'agent qui détermine les mouvoments sans contact.
L'effluve est visible dans d'autres conditions qui méritent
d'être signalées en passant. Il arrive quelquefois qu'il est
perceptible lorsque l'on fait des passes sur une personne
ou sur un objet. L'apparence est semblable à celle que je
viens de décrire : c'est un buée grisâtre qui paraît prolonger
les doigts de celui qui fait les passes.
L'effluve, dans les circonstances ci-dessus résumées,
n'est pas lumineux : je l'ai décrit pour être complet, et
pour ne pas omettre un fait intéressant à plus d'un titre. Il
peut cependant devenir visible dans l'obscurité pour beau-
coup de sujets. Voici une intéressante expérience que j'ai
quelquefois réalisée, mais qui présente quelques difficultés.
Un des médiums avec qui j'expérimentais paraissait avoir
une acuité visuelle très grande relativement à l'effluve. Il lo
voyait sur la table d'expériences sortir des doigts des assis*
lants et s'étendre sur le plateau. Désireux de me rendre
compte de ce quo verrait ce médium dans l'obscurité, je fis
éteindre toutes les lumières et invitai le médium à toucher
ma main si elle la voyait. L'expérience, sans réussir à tout
coup, donna une proportion do succès supérieure aux pro«
habilités ; mais comme le médium pouvait so guider par
d'autres sens que la vue, par l'oreille notamment, j'ima-
içinai de loucher la table. Le sujet reconnaissait facilement
l'extrémité du doigt prétendant apercevoir une sorte de
phosphorescence laiteuse à l'endroit où était la main. Pour
rendre l'expérience plus probante, je formai des lettres sur
la table avec l'extrémité de l'index, on prenant la précau-
tion de ne faire aucun bruit. Le médium hit les lettres ou
presque toutes les lettres que je dessinai. J'écrivis alors des
mots : il les lui encore. Je pus ainsi lui faire lire des mots
de cinq caractères : il ne put pas lire des mots plus longs ;
il reconnaissait les dernières lettres, mais déclarait
que les
I9G LES PHÉNOMÈNES FhYCIIUJURS
premières étaient effacées. Presque tous les mots do trois
à quatre lettres furent lus correctement et les erreurs com-
mises furent quelquefois significatives. Par exemple, l<>

mot foi fut lu loi. Dans l'écriture cursive anglaise il sullii


do supprimer la partie inférieure do 1'/ pour quo la lettre
ainsi amputée prenne l'aspect d'un /. Jo no puis dire si le
sujet voyait réellement co qu'il prétendait voir ou s'il se
guidait par lo bruit do mon doigt : jo suis obligé do mo fier
à sa sincérité sur ce point ; mais j'ai lieu de penser que ee
médium est sincère. Go n'est pas un professionnel, il est
intelligent, instruit, exerce uno profession libérale cl ne
veut pas être connu. J'ai pour lui beaucoup d'estime.
D'autre part, il aurait fallu quo ses sons aient uno sensi-
bilité extraordinaire pour lui permettre de reconnaître le
mouvement de mon doigt au bruit qu'il faisait. J'ai indiqué
qu'aucun bruit no mo paraissait perceptible. J'écrivais sur
un guéridon en bois noir verni sur lequel lo doigt glissait
facilement et silencieusement. Enfin, l'erreur du médium
lisant loi au lieu de foi semble indiquer qu'il voyait les
lettres et no se guidait pas sur un bruit perceptible pour
lui seul.
Il arrive quelquefois que co n'est plus l'effluve qui s'aper-
çoit, mais que la main devienne, en apparence, phospho-
rescente ; quelquefois ce sont des lueurs rapides qui se
montrent sur le dos de la main, ou sur les doigts: très
rarement sur la figure ou sur lo corps des assistants. Ces
phénomènes me paraissent du même ordre. Le plus fré-
quemment ce sont do courtes lueurs qui se montrent au
bout des doigts lorsque les mains sont appuyées sur la
table. J'ai souvent constaté celle apparence, cl ceux,qui
expérimentent avec moi l'ont aussi constatée, mais j'ai des
doutes sur sa réalité; dans l'obscurité, l'oeil se faiigue vile
et des phosphônes apparaissent: cependant, il m'est presque
toujours arrivé de constater que les lueurs étaient aperçues
par les autres personnes à l'endroit ou je les avais vues.
PHENOMENES LUMINEUX 19?
Les lueurs qui apparaissent sur les vêtements ou la figuro
des expérimentateurs m'ont été souvent signalées, mais
personnellement jo les ai rarement observées.
La phosphorescence dos mains, dans les séances ordi-
naires, n'a jamais été constatée par moi d'une manière
eerlaino, bien que des observateurs en qui j'ai confianco
m'assurent l'avoir remarquée : il faul tenir compte de la
fatigue des yeux : lorsque l'obscurité n'est pas complète,
on aperçoit vaguement les mains blanches qui reposent
sur la table plus foncée. L'oeil lassé accentue lo contraste
enlro les deux teintes et la plus claire a uno tendance à
paraîtra un pou lumineuse.
Quelquefois, mais bien rarement, il m'a élé donné d'ob-
server des sortes d'étincelles coïncidant avec les raps, Co
phénomène m'a paru avoir une réalité objective. Je n'étais
pas seul à voir ces rapides lueurs que les autres expéri-
mentateurs observaient aussi ; leur apparition au moment
des raps était constante. Ces circonstances nous ont permis
do penser qu'il devait y avoir un substralum quelconque
objectif à ce phénomène.
J'ai d'ailleurs observé des phénomènes lumineux certai-
nement objectifs. À Choisy nous en avons obtenu dans des
conditions particulières que do Rochas a indiquées et qui
sont assez significatives. Ces lueurs, très brillantes ont
présenté l'aspccl de grosses gouttes phosphorescentes
glissant sur le corsage d'Eusapia après avoir flotté dans l'air
quelques instants. Co phénomène m'avait paru peu pro-
bant, parce qu'une forte odeur de phosphore s'était répan-
due dans l'appartement. Après lo départ d'Kusapia, jo revins
dans la salle dos séances où je retrouvai MM. de Gramont
et do Wallevillo qui étaient aussi curieux que moi. Nous
ne trouvâmes rien sur le plancher.
Nos soupçons avaient été éveillés par rôdeur phosphorée
qui s'était répandue. Je l'ai remarquée depuis, dons des
séances qui m'ont paru diflicilcmenl fraudablcs; cette odeur
128 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

est moins colle du phosphore que cello do l'ozono ; ollo res-


semble à l'odeur ozonée qu'on rospiro près des machines
d'électricité statique en activité. Cette odeur est caracté-
ristique.
Les rapides lueurs qui so montrent ainsi peuvent être
aisément imitées : un expérimentateur prudent no doit
jamais perdre do vue qu'il csl possiblo d'employer diverses
substances pour obtenir dos effets do phosphorescence.
L'huile phosphoréc, par exemple, permet des imitations
frauduleuses do phénomènes lupiincux. Jo me rappelle
avoir assisté à uno séanco où se trouvait l'étudiant en mé-
decine dont j'ai parlé. Je remarqua; quo l'extrémité de
l'un do ses doigts brilla un instant. Jo sus que co jeune
homme avait un flacon d'huile phosphoréc dans les poches.
Dans uno autre occasion, des lueurs étroites et allongées
se montrèrent do temps en temps sur ce jeune homme.
Elles étaient produites, jo crois, par des allumettes ou des
brins de paille plongés dans lo liquide lumineux. Les pré-
parations phosphorées présentent l'avantage de ne devenir
bien lumineuses que lorsqu'on les agite à l'air, caries lueurs
que répand le phosphore qu'elles contiennent ne so pro-
duisent que lorsqu'il y a des phénomènes d'oxydation.
Les objets enduits de sulfure de calcium, de strontium
ou de baryum deviennent lumineux dans l'obscurité lors-
qu'ils ont été exposés un certain temps à la lumière. C'est
le principe des cadrans de montre, des boites d'allumettes,
des bougeoirs lumineux. Il y a d'autres substances encore
qui permettent la fraude.
J'ai assisté à des séances très curieuses au point de vue
des phénomènes lumineux que j'ai observés. Ces séances
faisaient partie de la série dont j'ai déjà parlé : les deux
jeunes fraudeurs dont j'ai raconté quelques méfaits'y assis-
taient et comme l'un d'eux est un excellent chimiste il est
possible que les superbes phénomènes que j'ai observés
soient douteux. En tout cas, je ne vois pas comment la
PHÉNOMÈNES LUMINEUX I9£)
tVaudo aurait été commiso ; mais, étant données les condi-
tions dans lesquelles j'ai experimonté, jo crois devoir
m'abstcnir de porter un jugement sur la réalité des faits
observés. Jo les décrirai sommairement en indiquant les
phénomènes que l'on peut imiter et ceux qui ne m'ont pas
paru tels.
Lo médium est un jouno homme do al\ ans, d'une bonne
famille, ayant fait ses classes jusqu'à la seconde : il est très
bien élevé et ses manières sont aisées, Il est employé do
commerco. Physiquement il est de haute taille, biçn pris,
fort et paraît jouir d'une bonne santé. 11 est intelligent,
mais ne paraît pas avoir uno volonté bien forto : il subit
facilement l'influence de ses camarades. Il en était particu-
lièrement ainsi du jeune étudiant en médecine dont j'ai
signalé l'irrépressible tendance à la tromperie. Cet étudiant
avait pris un grand ascendant sur le médium et malgré mes
conseils, lui faisait faire des expériences trop fréquontos,
presque quotidiennes. Le résultat en était facile à prévoir :
l'étudiant et le médium imprudents présentèrent au bout
de quelques semaines des troubles nerveux visibles. Les
séances se faisaient lo soir autour d'une table rondo à double
plateau. On les commençait avec do la lumière, mais sur la
demande de la table on arrivait vite à une obscurité presque
complète. J'ai toujours pensé quo l'obscurité était deman-
dée par les deux fraudeurs qui pouvaient s'en donner à
coeur joie dans le milieu trop confiant où ils opéraient. Je
no raconterai pas les mouvements désordonnés do la table
et des meubles une fois l'obscurité faite : ces mouvements
gagnaient jusqu'aux meubles d'une alcôve contiguë et jo
ne pouvais me défendre contre un sentiment d'amusement
à voir le zèle malfaisant do ces deux jeunes gens. Ils avaient
convié à ces séances quelques-uns de leurs amis, étudiants
ou médecins, et j'étais fort peu content de voir à quelles
séances suspectes on faisait assister ces nouveaux venus.
Je dois dire pour être exact que si j'ai eu la conviction
MAXWELL. Q.
l30 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
do la fraude, jo ne l'ai pas toujours directement constatée.
Je mo plaçais d'ordinaire à côté du plus turbulent des deux
et sa main que je tenais n'a pas bougé. Mais l'aulro main
ot l'aulro fraudeur oVaient plus do liberté. Certains do nos
coexpérimcnlaleurs ont constaté la fraude.
Je la soupçonnais d'ailleurs à cause de l'allure dos phé-
nomènes qui étaient d'uno grande brutalité. La table, sou-
levée do sol, était quelquefois lancée contre les observateurs
avec tant de force qu'elle leur a quelquefois fait mal ce qui
n'arrive presque jamais avec les phénomènes vrais, Le
minco plateau do la table a été brisé, co qui n'a pu être
amené que par une pression exagérée ou des coups de poing
violents destinés à imiter des raps retentissants. Jamais les
raps no brisent la table ; les pieds de celle-ci so démolissent
quelquefois lorsque la table soulevée retombe brusquement :
mais c'est l'unique dommage que les séances sérieusement
faites m'aient laissé constater.
Malgré les conditions plus que suspectes dans lesquelles
nous opérions, je ne suis pas sûr que tous les phénomènes
aient été imités. Il m'a paru y avoir dans'ces séances un
mélange do beaucoup de faux ot d'un pou do vrai. Une
observation plus longue m'aurait permis d'avoir une opi-
nion certaine, mais les séances durent être interrompues.
Parmi les phénomènes dont l'authenticité m'a paru pro-
bable, je signalerai les raps. Beaucoup d'entre eux, obte-
nus à la lumière et sans contact apparent avaient l'aspect
des raps authentiques que j'ai souvent observés. Mais le
contrôle insuffisant ne me permet pas d'affirmer leur
réalité.
Quant aux phénomènes lumineux j'en suis à me .de-
mander comment certains d'entre eux ont pu être imités.
Pour donner une physionomie précise des conditions dans
lesquelles on les observait, je vais raconter sommairement
uno des séances les plus curieuses do celte série..
Il y avait Une douzaine d'assistants environ ; cinq ou six
PHÉNOMÈNES LUMINEUX l3l
so mirent à la tablo ot l'on obtint dos raps, tantôt sur la
table, tantôt sur lo plancher. L'obscurité fut domandéo et
on l'amena progressivement.Les phénomènes augmentèrent
d'intensité à mesure quo l'obscurité dovint plus grando :
quand on n'y vit plus les lévitations habituelles, les coups
frappés violemment, les déplacements do meubles suivirent
leur cours ordinaire. On suspendit la séanco quolques mi-
nutes et on le reprit vers onze heures du soir. La tablo de-
manda que le médium fût placé dans lo cabinet qui était
formé dans un coin do la pièce avec des rideaux blancs,
Lo médium fut installé dans un fauteuil : la table demanda
aux assistants do s'éloigner du cabinet. Elle paraissait frap-
per toute seule le plancher : elle nous fit placer à deux
mètres au moins du réduit où se trouvait lo médium ot
nous demanda de chanter. On psalmodia l'air de « frère
Jacques, dormez-vous ». Au bout do dix à quinze minutes
des lueurs laiteuses et phosphorescentes so montrèrent sur
les rideaux du cabinet : puis des mains lumineuses appa-
rurent. Une main très lumineuse monta rapidement à l'ex-
térieur des rideaux et alla saisir uno sonnette qui avait été
accrochée à un clou à environ am,5o do hauteur. Cette
main fut visible pour tous les assistants.
Puis les lueurs laiteuses se montrèrent de nouveau, plus
grandes et plus brillantes. L'une d'elles, aux contours très
indistincts, so promena dans la chambre et s'éloigna du
cabinet d'environ 3 mètres, lo long du mur opposé à celui
près duquel les assistants étaient groupés. Cette lueur sem-
blait être à im,5o au-dessus du sol; elle pouvait avoir
i métro environ do hauteur sur 25 à 3o centimètres de
large, et paraissait flotter dons l'air. Elle resta visible plu-
sieurs secondes.
Ensuite, d'autres lueurs so montrèrent près du cabinet ;
enfin, l'une d'elles extrêmement brillante, apparut au des-
sus du cabinet, près du plafond. Cette lueur pouvait avoir
5o centimètres de hauteur sur t\o de largeur. Les contours
l3a LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

parurent plus nettement définis que ceux de la lueur qui


s'était promenée dons l'appartement.
Ces phénomènes étaient nettement visibles pour tout le
monde. Certains d'enlre nous crurent y voir des formes
fantomatiques. Jo n'y distinguai pour ma part aucune appa-
rence humaine. La première de celles quo j'ai décritos me
fil l'effet d'une colonne lumineuse : la seconde, plus pré-
cise dans ses contours, n'éveilla l'idée d'aucune forme
définie. Nous cessâmes nos expériences bientôt après ces
phénomènes.
Sont-ils réels? Jo n'en suis pas sûr, mais jo mo demande
comment ils auraient pu être imités. Il y a des distinctions
à faire entre cos apparences dont je n'ai décrit quo les prin-
cipales. La main lumineuse qui décrocha la sonnette avait
des contours très nets : elle était très brillante et très recon-
naissante, Je comprends que l'on puisse soupçonner le
médium, dont la taille est élevée, do s'être enduit la main
d'une substance phosphorescente et d'avoir lui-môme dé-
croché la sonnette. Il resteà trouver quelle est la substance
qu'il aurait pu employer. Il faut écarter je crois l'huile
phosphoréc. Elle aurait laissé des traces sur la main, les
vêtements ou le linge du médium, ou sur les rideaux du
cabinet, ou sur la sonnette, ou sur la tapisserie de la mu-
raille à l'endroit où la sonnette fut décrochée : or rien de
pareil n'existait. Les mains et les vêtements du médium
ne portaient aucune trace d'huile. D'ailleurs la lumière que
produisent les préparations à base do phosphore n'a ni la
durée ni l'uniformité do celles que j'ai observées.
Est-ce une préparation à base do sulfuresalcalino-terreux ?
Les sulfures pour êlro phosphorescents doivent être à l'état
sec. Habituellement on les réduit en poudre et on colle
cette poudre sur la substance qu'on veut rendre lumineuse.
L'apparence d'une main pourrait être produite par un gant
enduit de poudre de sulfure de strontium ou de calcium.
Mais je n'ai pas à indiquer combien il serait difficile de
PHÉNOMÈNES LUMINEUX j33
mottro ce gant. Il ost vrai que lo gant pout être bourré de
crin, trompé dans la colle et saupoudré do sulfuro dans la
position voulue; lo phénomènoquo j'ai observé pourrait
s'expliquer do la manière suivanto : lo médium aurait pro-
mené lo gant lumineux d'une moin ot aurait pris la sonnette
de l'aulro. C'est possible : cependant cola no mo paraît pas
probable.
En tous cas cette oxplication cesso d'ôtro satisfaisante
dès qu'on envisage lo cas des lumières flottant dans l'appar-
tement. Jo no connais aucun procédé permettant d'imiter
avec uno substance phosphorescente l'apparence légère,
diaphane, immatérielle de ces curieuseslueurs. Mos connais-
sances chimiques, il est vrai, sont 1res rudimonla'ircs et l'un
des deux jeunes gens dont j'ai parlé est un habile chimiste:
peut-être connatl-il des procédés plus parfaits quo ceux
décrits ci-dessus pour produire la phosphorescence ; il mo
semble cependant qu'une étoffe enduite d'une préparation
lumineuse n'aurait pas eu l'aspect de la lueur qui a flotté
dans la chambre. Il est très diflicile il me semble do repro-
duire ces clartés vagues et mal limitées qui ressemblent
plus à une nuée lumineuse qu'à un objot matériel phos-
phorescent.
La dernière apparence que j'ai décrite avait des contours
plus précis, rappelant les plis d'une étoffe dans sa partie
supérieure. Certains do mes compagnons d'expérience ont
cru y reconnaître une tôto masculine barbue, couverte d'une
sorte de turban ou do burnous. Si nous avions été en pré-
sence d'un phénomène truqué, l'aspect do l'objet lumineux
aurait été le même pour tous les observateurs. Il n'en a pas
été ainsi dans la réalité puisque certains d'entre nous n'ont
distingué aucune forme reconnaissante dans la lueur, Je
sais que l'imagination peut être la cause de beaucoup d'illu-
sions visuelles. Elle nous, fait compléter des images impar-
faites et voir des figures et des formes dans des jeux
d'ombre et de lumière qui ne rappellent que de loin ces
l3/| LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
formes et ces figures. Je n'ai pas observé, dans des condi-
tions assez précises poureiuillirmoiTohjectivilé, los curicuv
phénomènes quo je décris et no puis quo répéter co que je
disais tout-à-l'hcure c'est que leur réalité m'a paru probable
malgré les fraudes que jo connaissais et colles quo jo soup-
çonnais ; malgré la prévention de mon esprit, j'ai été
favorablement impressionné.
•l'ajouterai quo In luminosité quia flotté dans l'apparte-
ment s'est déplacée de long en large et a duré plusieurs
secondes. La partie do la pièce où elle tlottait était encom-
brée do chaises abandonnées, des meubles qui avaient été
traînés de l'alcôve voisine à la salle d'expériences el de la
table elle-même. Tous les assistants étaient groupés dans
uno partie do l'appartement ; seul le médium aurait pu
sortir du cabinet et faire flotter l'objet lumineux dans l'en-
droit où nous l'apercevions : mais il aurait dû se déplacer
pour cela et il aurait heurté les meubles épars. Nous fai-
sions silence au moment où ce phénomène lumineux se
produisait et nous eussions entendu les mouvements du
médium en marche ; or nous n'entendîmes aucun bruit, pas
plus celui des pas qu'aurait dû faire lo sujet que celui des
meubles qu'il aurait dû heurter à moins d'être remarqua-
blement nyctalope.
Telles sont les observations que j'avais à présenter sur
celte curieuse séance. Un de mes amis, savant éminent et
familier avec co genre de phénomènes, a eu comme moi
l'impression quo ceux que j'ai dépeints étaient réels.
Dans d'autre séances d'ailleurs ce médium nous a mon-
tré des luminosités semblables. J'indiquerai môme que l'un
des expérimentateurs suspects ayant été éliminé et les expé-
riences ayant lieu chez un médecin do mes amis, .nous
observâmes des lueurs rondes sur les rideaux du? cabinet
où se trouvait le médium. Ces lueurs étaient beaucoup plus
petites que celles que je viens do décrire, elles avaient la
grosseur d'une noix mais étaient bien observables.
PHÉNOMÈNES LUMINEUX l35
J'espère pouvoir reprondro mos oxpériences avec lo mé-
dium dont jo viens do parler, Car il mo paraît êtro l'un dos
plus puissants quo j'aio jamais vus. Il osl vraiment regret-
ta hlo qu'il soit tombé entre los mains do jeunes gens igno-
rants et imprudents qui ont abusé dos séances, l'ont fatigué
et rendu malade Dion dirigé il aurait été oxtraordinairo ; il
reste à savoir si los conditions mauvaises dans lesquelles il
s'est développé n'ont pas eu pour effet do détruire chez lui
la rare faculté qu'il possédait. J'aurai d'ailleurs à revenir
encore sur ces considérations.
Les lumières produites par ce jeune hommo étaient les
plus brillantes que j'aio observées. Leur couleur a été très
justement comparée par l'un do mos compagnons d'expé-
rience, astronome amateur distingué, à la lueur des nébu-
leuses. Cet expérimentateur avait un bon spectroscopo.
mais il n'a jamais pu réussir à analyser spectroscopique-
inent les lumières quo nous avons vues. Elles étaient trop
mobiles et trop fugitives.
J'arrive maintenant à des phénomènes visuels qui n'ont
plus lo caractère do luminosité do ceux que je viens de
rappeler mais qui en présentent un bien curieux : celui
d'être des représentations do formes humaines ou d'objets.
Je n'ai pas vu de formes humaines phosphorescentes
comme certains observateurs affirment en avoir vu. J'ai
dit que lo médium bordelais en présence duquel j'ai vu les
beaux phénomènes lumineux ci-dessus décrits, nous avait. •>

fait voir une fois uno main lumineuse. J'ai vu à Ghoisy


avec Eusapia la mémo apparence. Il y avait une lumière
assez grande dans la pièce pour que les mains d'Eusapia
fussent visibles. Dans ces conditions, les mains du médium
étant non seulement tenues par ses voisins mais visibles
sur la table, nous aperçûmes au-dessus de la têto d'Eusapia
et à environ Co à 75 centimètres, une main légèrement
phosphorescente qui s'agita dans l'ouverture des rideaux,
Cette apparence était très nette et fut aperçue par la plupart
l36 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
des observateurs qui étaient en mesure, par leur position,
de l'opcrcovoir h leur aise.
Co n'était pas la première fois quo je voyais la forme
d'une main. En 189,5, h l'Agnélas, j'avais vu uno main et
un bras nu jusqu'au niveau du coude, so profiler au-dessus
de M. Sabaticr qui était en face de moi et lui toucher le
sommet de la tête. M. Sabaticr accusa au mémo moment un
attouchement à la tête. Ma perception avait été très netloet
j'étais certain d'avoir vu ce que j'indiquais. Je nié souviens
que mes co-expérimenlatcur*, deux d'entre eux au moins
hésitaient h admettre mon observation parce que j'avais été
seul à la faire. Jo n'avais pas en 1895 l'habitude des expé-
riences que j'ai plus tard acquise à force d'en faire et j'étais
tout disposé à écouter avec déférence les remarques do mes
aînés, mais j'étais si certain do la réalité do mon observa-
lion qu'elle fut insérée au procès-verbal. Les expériences
ultérieures ont multiplié les observations du mémo genre.
Elles rappellent d'ailleurs la tête ronde vue à Carquoyrannc
chez Richct.
La main et le bras quo j'ai vus à l'Agnélas étaient opa-
ques et noirs. Ils so projetaient sur lo fond éclairé de la
pièce où nous expérimentions et j'étais placé de telle sorte
que seul jo pouvais les apercevoir.
A Choisy, en 189C, je n'ai rien vu do semblable, mais
nous avons vu autre chose. Je me souviens qu'un jour,
M. de Gramont étant dans le cabinet derrièro Eusapia, celle-
ci nous dit do souiller : à ce moment M. de Gramont vit
dans l'air la forme d'un soufllet,
À Bordeaux, en 1897, nous revîmes les formes opaques
et noires dans dos conditions excellentes. On trouvera, vers
la fin de ce livre, quelques extraits du compte rendu de nos
séances ; jo m'y rotero pour le détaildes conditions matérielles
dans lesquelles nous opérions : je me bornerai h indiquer
ici que la pièce où nous tenions nos séances est éclairée par
une très large fenêtre à trois corps. Les contrevents, à
PHÉNOMÈNES LUMINEUX ï37
claire-voio, on étaient formés, mais quand iogaz était allumé
au rez-de-chaussée dans uno dépendance do la cuisine on
retour d'équerro sur lo jardin, une lumière faible pénétrait
dans la piôco et éclairait los vitros do la fonêtro, Celle-ci
constituait do la sorte un fonds clair sur lequel, pour uno
moitié des oxpérimontaleurs, so profilaient cortainos formes
noires.
Nous avons tous vu ces formes, ou plutôt celte forme, car
c'est toujours la môme qui s'est montrée : un profil
allongé, barbu, avos un nez fortement busqué. Cetto appa-
rence disait être la tôto do John, qui est la personnification
habituelle avec Eusapia. C'est un phénomène très extra-
ordinaire, La premicro idée qui so présente à l'esprit est
cello d'une hallucination collective, Il resterait à dire pour-
quoi elle so manifestait dans les conditions très spéciales
que j'ai indiquées. D'ailleurs lo soin avec lequel nous obser-
vions co curieux phénomène—ctil me paraîtinutilo d'ajouter
le calme avec lequel nous expérimentions
— rend bien
invraisemblable l'hypothèse d'une hallucination.
Cello d'une fraude est encore moins admissible. La tête
(pie nous apercevions était do grandeur naturelle, ot attei-
gnait une quarantaine de centimètres du front à l'extrémité
de la barbe. On ne s'explique pas comment Eusapia aurait
pu cacher dans ses poches ou sous ses vêlements >uh
carton quelconque découpé. On no s'oxpliquo pas davan-
tage comment elle aurait pu extraire à notre insu
cette découpure, la monter sur un bâton ou sur un fil
de fer et la faire manoeuvrer. Eusapia n'était pas endor-
mie, elle voyait quelquefois elle-même le profil qui se
montrait ot manifestait sa satisfaction d'assister, éveillée
et consciente, pour la première fois jo crois, aux phé-
nomènes qu'elle produisait. La faible clarté que répan-
dait la fenêtre éclairée était suffisante pour que l'on
aperçût les mains d'Eusapia : je n'ai pas besoin d'ajouter
que ces mains étaient d'ailleurs tenues aven soiii parles coiv-
138 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
trôleurs de droite ot do gaucho. Il lui était impossible de
faire manoeuvrer ces profils s'ils oussenl été fabriqués par
elle. En ofiet, lo profil observé paraissait so former au som-
met du cabinet, à une hauteur do i"',95 environ au-dessus
de la têto d'Eusapia; il descendait assez lentement cl venait
so placer au-dessus cl en avant d'elle; au bout do quelques
secondes il disparaissait pour reparaître quelque temps
après dans los mêmes conditions. Nous nous sommes tou-
jours assuré avec soin do l'immobilité relative dés mains et
dos bras du médium et l'étrange phénomène quo je relate
est l'un des plus certains que j'aio jamais constatés, tant
l'hypothèse do la fraude était incompatible avec les condi-
tions dans lesquelles nous observions.
Deux ou trois fois seulement le phénomène a paru légère-
ment lumineux : il s'est formé lo long des rideaux, du côté
où se trouvaient un do mes amis, M. do Pontaudctmoi, une
tache blanchâtre, laiteuse, visible pour tout le monde, au
moins pour ceux qui étaient placés do manière à pouvoir
commodément l'apercevoir. Celle tacho a paru s'abaisser
assez rapidement et s'est évanouie au niveau do nos
têtes.
Je n'ai évidemment aucune explication à donner. L'ap-
parition de ces formes humaines soulève un problème beau-
coup plus compliqué que les raps et les mouvements sans
contact et j'estime qu'on ne peut pas en aborder avec fruit
l'étude actuellement. Rien no m'autorise à considérer ces
curieux phénomènes comme démontrant l'exactitude de
l'hypothèse spirite : jo leur soupçonne uno cause autre que
l'intervention do l'esprit d'un mort, mais je no suis pas
encore en étal do formuler une opinion raisonné© à cet
égard : jo signalerai toutefois les relations étroites qui "me
paraissent exister entre la production de ces formes cl
celles des mouvements sans contact et des raps. Ces rap-
ports tendent à me persuader que lous ces phénomènes
sont du même ordre et dépendent d'un agent unique et
PHÉNOMÈNES LUMINEUX 1%
d'nnocauso semblable : avant d'analyser sommairement los
observations sur losquellos jo fondo cette opinion, je dois
cependant décrire uno série d'expériences qui m'a donné
les plus curieux résultats. Ces expériences ont été faites
avec un médium instruit, intelligent, appartenant à un
milieu sociol cultivé,
J'ai obtenu avec lui : i° des raps faibles mais très nets ot
Mon contrôlés, avec et sans contact ; a0 desmouvements sans
contact do faible amplitude mais très bien observés ; 3° des
phénomènes lumineux très faibles ; /|° enfin la production
de formes diverses. Jo no décrirai quo ces deux dernières
catégories do faits, les seuls qui confirment dans une cor-*
tainc mesure les expériences racontées dans le présent
chapitre.
La première fois quo des phénomènes lumineux so sont
montrés, nous n'étions pas autour do la table. Les expé-
rimentateurs étaient assis : la pièce où ils so trouvaient avec
moi était do petite dimension. Le médium aperçut diverses
lueurs et même des visages sur la muraille en lace do lui.
Ces lueurs et ces formes n'étaient pas visibles pour moi.
Dans d'autres circonstances j'ai cru apercevoir des lueurs,
mais extrêmement faibles et à la limite do la visibilité. J'ai
tout lieu de penser que ces lueurs sont subjectives, et
cependant il m'est souvent, mais pas toujours, arrivé do
demanderau sujet l'endroit où la lueur était vue par lui ; la
forme qu'elle avait, la direction qu'elle suivait, au cas où
elle était en mouvement et j'ai constaté quo los indications
du médium concordaient avec mes propres observations ;
mais chose curieuse et qu'il est de mon devoir do témoin
de signaler, ces lueurs so montraient souvent à moi dans
les mômes conditions lorsque j'avais les yeux formés. Cotte
considération me paraît décisive et me détermine à penser
que ces lueurs sont subjectives. Jo no crois pas on effet quo
l'on puisse admettre quo la lumière émise par elles soient
dételle nature que los rayons en Ira versent les paupières
l/|0 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
fermées. Celte visibilité de la lueur devrait exister dans tous
les cas ; or il n'en est pas ainsi, et je n'ai observé cette visi-
bilité interne qu'avec le médium dont je parle. Je l'ai cepen-
dant une ou deux fois soupçonnée dans une série d'expé-
riences antérieures.
Je ne puis d'un outre côté tenir ces visions comme
hallucinatoires, à moins d'admettre encore que cette halluci-
nation cnlopliquc est collective. Mais alors, pourquoi ces
illusions no so rencontrent-elles pas dans toutes les séances?
Pourquoi la manifestation des lueurs ou des formes s'ae-
compagnc-t-clle d'abondants raps sans contact sur une
tablo? Ces raps précèdent immédiatement l'apparition de la
forme et se comportent connue des signaux destinés à
attirer l'attention des observateurs. Il y a là une coïncidence
qui n'est pas fortuite car elle est presque constante.
La première fois que j'ai vu des formes définies avec ce
médium, nous n'étions pas en séance. Lo médium vil sur
la muraille une apparition connue et vit le mot rideaux
se dessiner en lettres brillantes sur le mur. Le médium
ne comprenait pas la signification do ce mot, car il
n'avait jamais assisté à des séances de spiritisme. Je
lui dis de continuer à observer cor je croyais comprendre
le sens do ce message. J'organisai immédiatement alors
avec des rideaux noirs une sorte de cabinet dans un coin
de la pièce et nous fîmes une obscurité complète après nous
être assis autour d'une tablo, le médium tournant le dos
aux rideaux. Au bout de quelques temps, nous entendîmes
des raps sur lu table, sur la chaise du sujet, sur lo plancher
et sur la muraille dans le cobinel. Intéressé, lo médium
s'était à demi retourné vers les rideaux. Tout à coup, après
la production do quelques lueurs 1res faibles et très.mo-
biles» j'aperçus une ravissante figure de femme, pale, les
yeux levés au ciel dans l'attitude do la prière. Les yeux cl
les cheveux étaient noirs ; la coiffure était formée par deux
bandeaux égaux, dans lo genre de celle qui était à la mode
PHÉNOMÈNES LUMINEUX l4l
il y a cinquante ou soixante ans. La figure était enveloppée
d'un voile blanc qui recouvrait la tèto et l'encadrait com-
plètement. La physionomie était très douce et d'une rare
beauté. L'apparition paraissait légèrement lumineuse, d'un
ton blanc laiteux. Elle se produisit au-dessus et à gauche
du médium, à une assez grande hauteur près du plafond.
La durée de cette apparition a été extrêmement courte.
Interrogé prudemment par moi, le médium me donna le
signalement exact de la figure (pie je venais d'apercevoir.
Los détails concordèrent de la manière la plus complète.
Les raps indiquèrent quo c'était la ligure d'une fée.
Je n'ai pas souvent eu de vision aussi nclle : je n'ai que
très rarement obtenu ce curieux phénomène, mois cepen-
dant je l'ai observé nettement trois fois avec le médium dont
je parle. La seconde fois les figures se sont incomplètement
formées pour moi : je n'ai vu que des portions de faces
inconnues. Le médium a reconnu l'une de ces ligures. La
troisième fois, nous n'étions pas à lo table. Le médium
voyait des apparitions : je ne voyais que des lueurs quand
brusquement je vis un front, des yeux et un nez qui repré-
sentaient les traits d'un ami très cher que j'avais perdu
récemment. Le médium vit la ligure complète. Elle ne
connaissait pas l'homme do son vivant mois elle en avait eu
de curieuses et très étranges apparitions posthumes dans des
conditions qui seraient intéressantes à indiquer. Malheu-
reusement je ne suis pas autorisé à le faire complètement.
Ce n'est pas seulement'des figures humaines (pic j'ai
vues dans des conditions semblables, j'ai aperçu quel-
quefois des figures d'animaux plus ou moins extraordi-
naires et quo je ne puis m'empêcher de considérer connue
imaginaires. Le fait curieux est la concordance entre les
visions du médium et les apparences perçues par les assis-
tants.
Enfin j'ai vu, toujours dans les mêmes conditions, une
fois, une lanterne de cuivre, d'une forme déterminée, dans
l/l2 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

une position spéciale ; celle vision fut également perçue de


la même manière par le médium.
Jonc puis, ici encore, formuler aucune opinion qui nie
satisfasse. Jo suis disposé à croire quo j'ai été victime d'illu-
sions, bien que les circonstances se prêtent mal à celle
hypothèse. La vision d'une lanterne est à rapprocher de
cello du soutltct vu par M. do Gramont avec Eusapia. Je
me réfère à ce (pic j'ai dit plus haut de la concordance entre
les raps et l'apparition : cette simultanéité existait pour les
apparitions de formes animales ou d'objets matériels,
comme pour celles de figures humaines. C'est uno consta-
tation qui esl do nature à faire écarter l'hypothèse d'une
illusion pure. Mois alors ?
J'ai indiqué ces expériences étranges pour être sincère cl
complet. Je ne cacherai pas qu'il m'en coule beaucoup, car
jo n'y trouve pas les conditions de précision que mes expé-
riences de lélékinésio par exemple m'ont paru présenter.
J'ajouterai que je ne cherche pas à obtenir ces phénomènes
de matérialisations plus ou moins complètes. Je les subis
car les faits ne se dirigent pas au gré des expérimentateurs.
Je no puis dire que ces apparitions me laissent indifférents':
elles m'intéressent au contraire beaucoup, mais j'ai l'im-
pression d'être devant \u\ fait trop compliqué pour être
utilement observé. Il n'en est pas de même des raps et de
la lélékinésio : je fais tous mes efforts pour cantonner à
leur élude les recherches que je continue cl j'ai le senti-
ment que l'on peut espérer 'd'ni'j river h déterminer les con-
ditions de leur production. Je m'imagine, à tort peut-être,
tpic l'on peut dès à présent les soumettre à la discipline
scientifique ; je pense (pic leur étude est le préliminaire
nécessaire de l'élude des autres faits moins compréhensi-
bles, aussi csl-ce à leur observation que jo m'attache presque
exclusivement : mais je n'ai pas cru pouvoir mo dispenser
do dire tout ce que j'avais vu. J'ignore entièrement la signi-
fication de ces apparences diverses, j'ai pu me tromper,
PHÉNOMÈNES LUMINEUX lVj3ï
quoique je ne le pense pas, mais je n'ai pas.il me semble, 16
droit do faire un choix dans mes expériences, de toiro les
et de raconter les autres. 11 appartient à ceux qui
unes me
liront do se placer dans les conditions où je mo suis moi-
même placé et d'observer à leur tour. Je me borne à dire
coque j'ai vu : j'ajoute (pie certains faits m'ont paru plus
certains quo les autres : mon rôle do témoin no va pas
au-delà.
Les constatations quo j'ai laites en co qui concerne les
phénomènes lumineux me permettent toutefois de donner
quelques indications utiles. Les premières sonl relatives
aux procédés opératoires : les autres aux conclusions quo
j'ai tirées de mes expériences.
Lorsqu'on cherche les phénomènes lumineux simples,
on procède comme jo l'ai indiqué pour les mouvements
parakinétiques ou lélékinétiqucs. Les assistants se groupent
autour do la table, en appuyant les mains sur le plateau, ou
bien formant la chaîne autour de la lable, sans la toucher,
Il est inutile d'ajouter quo l'obscurité doil être aussi com-
plète quo possible. Dans ces conditions on peut obtenir
des lumières : c'est ainsi que j'ai observé la figure féminine
ipic j'ai décrite.
Les belles lueurs quo j'ai vues avec le jeune médium bor-
delais ont été obtenues d'une outre manière qui me parait
meilleure encore. C'est du reste le procédé adopté par les
médiums professionnels, peut-être porco qu'il favorise la
fraude encore plus peut-être quo le phénomène. Ce procédé
consiste à placer lo médium dans lo cabinet et à former la
clintno soit autour de la lable, soit en s'nsseyant en demi-
cercle ; dans ce cas la chaîne n'est pas fermée.
J'ai remarqué que le chant en commun et la musique
avaient une action favorable à la production du phénomène.
Cette circonstance csl cependant aussi une cause de suspi-
cion parce que lo bruit du chant ou do la musique peut
couvrir celui quelo médium fait en s'agitant.
l44 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Quoique je ne puisse considérer la réalité des phéno-
mènes lumineux observés par moi comme aussi bien
établie que celle de certains autres phénomènes, je n'en
donnerai pas moins le résultat dos constatations que j'ai
cru faire. Jo ne les indique ici que sous réserves, mais l'ana-
logie qu'elles présentent avec les constatations faites par
moi relativement aux raps et aux mouvements sans contact
me paraît utile à signaler. C'est une des raisons qui me font
croire à leur probabilité d'abord, cl ensuite c'est l'indica-
tion de l'existence présumablo do quelque loi générale
régissant tous ces phénomènes si différents en apparence.
Les constatations les plus importantes sont encore ici:
le synchronisme entre l'action musculaire ot le phénomène;
la tendance à la personnification ; la fatigue physique qu'une
séance réussie cause aux assistants.
Los raisons pour lesquelles je conclus à l'existence de
ce synchronisme sont établies sur un grand nombre d'ob-
servations faites avec Eusapia et avec d'autres médiums. 11
m'a semblé, dans mes expériences avec Mwe Paladino que
celle-ci préférait le souille aux autres mouvements pour la
production des lueurs. Cette conclusion est incertaine parce
que jo n'ai pas eu l'occasion d'observer beaucoup de phé-
nomènes lumineux avec le médium napolitain.
Mes observations ont été plus précises avec lo médium
bordelais. Le frottement des mains, celui des pieds sur le
sol, le souille, le fait de so serrer les moins fortement
quand la chaîne élait formée déterminaient l'apparition des
curieuses luminosités que j'ui signalées : celles-ci so pro-
duisaient aussi spontanément, mais les mouvements que
nous exécutions m'ont paru avoir uno action sur leur mani-
festation.
Ici encore, la relation avec la contraction musculaire
plutôt qu'avec le mouvement luirinême m'a semblé oxister,
mais je n'ai pu vérifier ce point avec la môme certitude que
pour les raps ou les mouvements sans contact.
PHÉNOMÈNES LUMINEUX lllt)
En tous cas, réserves faites d'une fraude que jo reconnais
possible quoique improbable, le chant en commun in'a
paru avoir uno influence favorable sur le phénomène. J'ai
eu l'occasion do constater cet effet do la parole chantée : je
ne puis songera en donner l'explication, bien qu'on puisse
soupçonner quelle elle peut être. Jo mo bornerai à faire
remarquer le rôlo quo le chant joue dans les cérémonies
religieuses et celui qu'on lui prêtait dans les opérations
magiques : les mot incantation, enchantement sont à cet
égard très significatifs. Les lettrés se rappelleront les chants
magiques de la IIe Eglogue de Théocrito et de la VIII* de
Virgile. Les magiciens indous chantent leurs mentrams.
llion n'est plus répandu que cette croyanco à la vertu sur-
naturelle du chant, do la parole cadencée et modulée.
Comme les faits supranormaux quo je raconte mo parais-
sent avoir été do tout temps connus, quoique mal inter-
prétés, je suis disposé à croire quo les superstitions
relatives à la puissance magique du chant no sont pas
complètement fausses : elles doivent comme beaucoup de
croyances, reposer sur un fonds de vérité. Cela paraît in-
vraisemblable et personne n'est plus étonné que moi-même
de me voir admettre celle possibilité. Je l'admets cepen-
dant : jo suis disposé à penser quo la plupart des croyances
populaires ont quelque fondement : cetto part de vérité
qu'elles contiennent est souvent très faible parce quo l'igno-
rance, la crainte, l'imagination la masquent sous des
croyances accessoires déraisonnables qui l'élouffcnt. Il y
aurait d'inlérossanls rapprochements à signaler sur co sujet
si jo ne m'étais pas systématiquement interdit toute espèco
de commentaire théorique. Jo ferai toutefois remorquer que
les spirites les plus dignes de foi recommandent de chanter
ou do faire do la musique pendant les séances. Je m'ar-
rête, car je no pourrais quo répéter ici les considérations
que j'ai présentées déjà ou sujet de la relation entre
l'énergie nerveuse quelle qu'elle soit et les phénomènes
MAXWELL. lo
l/j6 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
lumineux. Ceux-ci paraissent avoir uno étroite connexilé
avec elle.
L'allure de ces phénomènes est la même que celle des
phénomènes sonores ou moteurs : ils tendent à la person-
nification et il mo paraît probable que les apparences lumi-
neuses imparfaites ne sont que les ébauches d'une forme.
Celle forme n'est pas toujours humaine bien qu'elle
paraisse l'être généralement. J'ai donné des exemples on
l'apparence était celle d'un animal ou d'un objet. Je n'ai
jamais pu converser avec la forme elle-même lorsqu'elle
élait humaine: j'ai cependant expérimenté avec des mé-
diums qui croyaient converser avec les formes. Toutes ont
prétendu être dos esprits humains. Ce qui rend cette una-
nimité particulièrement intéressante, c'est quo l'un des
médiums avec qui j'ai obtenu les plus beaux phénomènes
d'apparences humaines n'est pas spirilo le moine du monde.
Est-il victime d'une hallucination? C'est possiblo, mais
alors comment expliquer le fonds do vérité qui existe dans
ses hallucinations? Je sais bien que la mémoire imperson-
nelle est une source inépuisable de renseignements inconnus
de la personnalité normale, mais il y a des cas où l'hypo-
thèse d'une hypermnésic est peu acceptable. En voici un
exemple. Le médium dont je parlais tout à l'heure a eu à
diverses reprises l'impression qu'une personne décédée,
inconnue d'elle mois bien connue de moi, pénétrait dans sa
chambre. L'apparition était précédée d'un bruit do pas se
rapprochant, la porte paraissait s'ouvrir et la forme entrait.
Elle s'asseyait au pied du lit, caressait le bras du médium
et lui prenait la moin. Le sujet a été 1res effrayé do ces
visions qu'il considère comme hallucinatoires et il a fait
son possiblo pour s'en débarrasser : au bout de deux ou
trois visites la forme a cessé do se montrer, à mon grand
regret, car j'avais là l'occasion d'une observation du plus
haut intérêt ; je n'ai malheureusement pas assez d'autorité
cl d'inllucncc sur c,c sujet remarquable pour obtenir de lui
PHÉNOMÈNES LUMINEUX 1^7
.
qu'il prête la rrïain au développement de ce phénomène. Je
l'ai beaucoup regretté jo le répète, parce que certains détails
de ses visions m'ont paru intéressants. La personne qui
était censée apparaître avait une démarche très caractéris-
tique ; il mo suffirait do la décrira pour qu'elle soit reconnue
par ceux qui ont approché cotlo personne. D'autre part elle
portait la barbe rasée d'une façon spéciale. La vision s'est
montrée avec uno courte barbe; vérification faite auprès du
médecin qui a soigné mon ami, sa barbe n'avait pas été
rasée dans les derniers temps de sa vie.
Le médium habitant la môme ville a pu connaître cette
personne ; mais s'il l'a connue, comment l'a-t-il vue avec
une coupe do barbe différente do celle qu'avait adoptée la
personne apparue ? Détail intéressant, puisque l'apparition
portait la barbe telle que lo défunt l'avait au moment do
son décès.
Enfin, l'apparition manifestait lo désir do dire quelque
chose. Elle essaya de rassurer lo médium effrayé, mais
celui-ci so levait et allumait l'électricité avant que le fan-
tôme put s'expliquer. Or, è ce moment, un événement
ipic j'avais intérêt à connaître se préparait. Cet événement
s'est réalisé et l'apparition ne s'est plus montrée. C'est là
un ensemble do circonstances do naturo à éveiller l'otton-
lion. Je n'ai pas pu soumettre le cas à une analyse complète
cl je ne le donne qu'avec réserves. C'est un des cas les plus
approchés du spiritisme classique qu'il m'ait été donné de
rencontrer, mais il no nie semble pas probant dans les con-
ditions où je l'ai observé. Le fait lui-même quo j'avais
intérêt à connaître pouvait ôtro facilement prévu par le
médium.
D'autres personnifications se sont manifestées mais avec
un caractère d'identité apparente moins certain. L'une
d'elles s'est affirmée avec une curieuse énergie. C'est colle
«l'un savant du siècle dernier ; son nom figure dans'lo dic-
tionnaire do Larousse. C'est Chappc d'Autcrocho qui a
l/|8 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

indiqué exactement son nom, la date et le lieu de sa mort.


Il a indiqué un prénom qui ne figure pas dans Larousse.
Adhèmar au lieu de Jean que donne le dictionnaire. Il serait
curieux de rechercher si co prénom est mentionné dans
d'autres dictionnaires. J'ajoulcrai que l'apparition s'ex-
prime en vieux français et a l'accent normand : le médium
l'entend dire moue pour moi, étoué pour était, etc. Or,
Chappo est né à Mauriac en Auvergne. Je ne m'explique
pas son accent normand. Je n'ai d'ailleurs pas analysé avec
soin celle personnification.
J'aurais désiré pouvoir expérimenter plus que je ne l'ai
fait avec le médium qui m'a permis d'observer ces faits
curieux. Peut-être la publication de ce livre l'intércsscra-t-il
elle décidera h so prêter avec plus de régularité à un examen
attentif.
Il ne faut pas conclure do ce que jo viens do raconter que
l'intervention de mon ami ot celle do Ghappe d'Auterochc
me paraissent réelles. lVicn dans mes expériences no m'au-
torise à avoir cette opinion. Je n'ai pas pu soumettre à une
discussion sérieuse ces faits que jo n'ai pas observés moi-
même et que je ne tiens quo do la confidence d'un tiers.
Je les ai rdcontés parce quo l'émergence de ces deux person-
nifications s'est produite à l'occasion de séances auxquelles
jo prenais part et qu'elles so sont étroilemont associées à
des phénomènes observés directement par moi. Mais, une
première constatation me paraît pouvoir être faite : on
remarque dons la manière dont so produisent ces visions
certains traits qui rappellent le symbolisme et la dramatisa-
tion du rêve. Cette indication n'est que provisoire et je
n'ai pas assez d'éléments d'appréciation pour la formuler
avec quelque certitude, mais je signale co trait aux expéri-
mentateurs qui, plus heureux quo moi, auraient l'occasion
d'observer avec plus de commodité et pendant plus de
temps des phénomènes analogues,
Je terminerai ces remarques par le récit d'un autre fait
PHÉNOMÈNES LUMINEUX l^'Q,
du même genre dont j'ai été lo témoin chez Mme Agullana.
J'assistais à une séanco dans l'après-midi, chez elle. Elle
était assise les mains sur un guéridon avec deux ou trois
personnes quo jo ne connaissais pas. L'une de celles-ci est
un propriétaire aisé habitant une commune voisine de
Hordcaux ; ce visiteur venait pour la première fois chez le
médium ; il avait été accompagné par un garde-champêtre
ancien gendarme, que je'connaissais. Mwe A... dit tout à
coup ou visiteur nouveau: Jo vois quelqu'un qui dit être
voire oncle : il est coiffé d'un béret, a la figure colorée,
porte toute la barbe, il est roux, il fume une courte pipe.
11
a l'air d'être infirme du bras droit : il le porte replié sur
la poitrine. Elle donna cm'ore quelques détails. Lo visi-
teur ne parlait pas, ainsi que j'ai eu soin do m'en assurer.
Ces détails une fois donnés, lo visiteur prit la parole et
dit que si l'apparition vue par lo médium se prétendait son
oncle, il lui demandait d'indiquer comment on l'appelait
en famille. La table se mit alors à dicter typlolôgiquemcnt
« Touton-L.-P. ». L'étranger fit alors connaître que
Mme A... lui avait donné lo signaloment exact d'un oncle à
la modo do Bretagne mort depuis quelques mois, qu'à
causo de ses habitudes de fumeur invétérées on appelait
Tonton la Pipe. Jo connais quelques récils du même genre,
et j'ai vu plusieurs personnes sincères qui ont été l'objet de
faits semblables produits par Mme Agullana. Il y a notam-
ment l'histoire do la découverte d'une obligation perdue
qui est bien curicuso et qui m'a vivement intéressé car j'ai
assisté aux différentes phases do cette découverte. L'indi-
cation paraissait émaner du mari défunt de la propriétaire
du litre. Jo no puis, malgré l'intérêt quo présentent ces
observations, les analyser sérieusement car elles sont insuf-
fisamment prouvées. Le caractère du médium m'a toujours
paru respectable et sa bonne foi me semble à l'abri du
soupçon, mois ces circonstances ne sauraient permettre un
jugement exact. Je ne puis en aucune façon mo croire auto-
l6o LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Tonton la Pipe » fut
ri.sé l\ penser que la personnalité do «
inconnue du médium. La découverte de l'obligation est
peut-être elle-même l'effet d'une coïncidence. J'ai toutefois
raconté ces faits pour indiquer la possibilité d'un ordre de
recherches d'une nature particulièrement suggestive. Les
membres les plus influents de la Société anglaise de re-
cherches psychiques, Moyers, Sidgwick, Lodgc, Ilodgson,
Uyslop, M"° Johnson ont abordé ces études dans d'excel-
lentes conditions d'observation et considèrent qu'ils ont été
en communication avec leurs amis prédécédés. Je n'ai pas
eu la même fortune et mes propres expériences tendent a
me faire adoplcr une manière do voir différente. Il est très
possible quo ce soient mes collègues qui aient raison et moi
qui aie tort.
,
Enfin la troisième constatation quo mes observations me
permettent de faire c'est quo la production des phénomènes
lumineux et des formes s'accompagne de beaucoup de fa-
tigue chez la plupart des assistants. J'ai déjà signalé celle
circonstance à diverses reprises. J'ai remarqué à l'occasion
des faits décrits dans le présent chapitre certaines particu-
larités que je signale à l'attention des expérimentateurs.
La fatigue n'est pas également ressentie par tous les assis-
tants. Certains semblent n'en éprouver aucune. Ceux-ci,
en général, ne sont pas do bons auxiliaires. On dirait que
les choses se passent comme si quelques personnos n'étaient
pas capables do dégager la force employée. D'autres au
contraire rémettent avec uno grande facilité et so lasscnl
vite, Je n'ai pas pu étudier le rapport qui peut exister entre
le tempérament des uns et des autres et la production des
phénomènes, mais j'ai l'impression quo ce rapport doit
exister. Il me paraît en fonction de l'organisme plutôt qu'en
rapport avec l'état mental ou les dispositions d'esprit. Cclrt
fait songer à celle croyance quo les spirites professent a
l'égard des incrédules, Dans plusieurs groupes spirites on
attribue l'échec des séances à la présence d'incrédules ; jo
PHÉNOMÈNES LUMINEUX l6l;
suis persuadé quo les croyances des expérimentateurs n'ont
rien à voir avec la production des phénomènes observés; il
est cependant nécessaire d'expérimenter sérieusement et
sans parti pris. J'ai déjà mentionné le résultat de mes re-
marques à cet égard en parlant de l'harmonie du cercle.
L'inllucnco du parti pris s'expliquerait si la conscience
apparente de la personnification pouvait être considérée
comme composée par les consciences élémentaires des assis-
tants. Cette hypothèse no mo paraît pas démontrée mais
certaines expériences m'ont fait songer à sa possibilité et
elle mo paraît devoir êlro soumiso à la vérification. Les
choses semblent se passer comme si l'influx nerveux des
assistants créait uno sorte do champ de force autour des,
expérimentateurs et plus spécialement du médium : chaque
expérimentateur se comporterait comme un élément dyna-
mogénique et entrerait, pour uno part variable, dans la
production de l'énergie libérée. Cello énergie agirait au
delà des limites appareilles du corps, dans des conditions
analogues à celles qui régissent son action inlracorporcllc ;
c'est-à-dire qu'elle demeurerait dans uno certaine mesure
en connexion avec les centres nerveux supérieurs ou infé-
rieurs, conscients ou non. On comprendrait, dans ce cas,
comment elle paraît dépendre dans une certaine mesurede la
volonté des assistants et du médium ; on s'expliquerait môme
qu'elle parût manifester un volonté indépendante si sa pro-
duction élaitducà l'activité des centres nerveux dont l'action
est ordinairement inconsciente, Dans celle hypothèse, aucun
des assistants no reconnaîtrait la trace de sa personnalité nor-
male dons révolution des phénomènes; c'est ce qui se passe
généralement. Quelquefois cependant lo médium ou un des
assistants a la conscience plus ou moins précise qu'un phé-
nomène va se produire, Eusapia annonce par exemple sou-
vent celui qui se prépare, L'énergie nerveuse employée a
le réaliser serait alors en relation avec les centres nerveux
conscients du médium seul; elle paraîtrait aux assistants
102 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
soumise à une volonté personnelle étrangère. Le médium
lui-même la rapporte à l'action de «John » qui paraît avoir
les caractères d'une personnalité seconde. Telle me parait
être la genèse des personnifications dans lo plus grand
nombre des cas observés par moi : il y en a d'autres cepen-
dant où cette explication est inoins satisfaisante.
Je no me dissimule pas combien l'hypothèse quo jo viens
do formuler est difficile à admettre. Nous sommes mal pré-
parés à considérer la force psychique comme identique,
dans son essence au moins, avec celle qui circule dans nos
nerfs; nous ne sommes pas mieux préparés à croire que
cette force puisse servir do véhicule à une portio do noire
conscience personnelle ou subliminale, ou à penser qu'elle
puisse tout au moins conserver quelque connexion
»

avec nos centres psychiques alors qu'elle agit au delà des


limites du corps. Les choses pourtant semblent se passer
comme s'il en élail ainsi dans la plupart des cas.
Ces données suffisent pour faire comprendre le méca-
nisme possible des raps cl des mouvements d'objets. Il n'est
même pas nécessaire de supposer que la force nerveuse agil
au delà des limites du corps si nous admettons que les ex-
périmentateurs arrivent à créer autour d'eux une sorte de
champ analogue à un champ magnétique. La force nerveuse
atteindrait un maximum do potentiel dans les expérimen-
tateurs ou dans le médium; les objets placés dans le champ
auraient un potentiel différent: suivant les conditions, on
aurait des phénomènes d'attraction ou do répulsion.
On so rendrait compte ainsi des phénomènes moteurs.
Les raps sont moins aisément explicables à moins do les
concevoir comme des faits analogues aux décharges élec-
triques. Le rop serait l'équivalent du bruit do l'étincelle :
celle-ci serait invisible bien quo dans certains cas elle puisse
être aperçue.
Los lueurs cl les formes soulèvent des problèmes plus
ardus. Une des explications dont ils seraient susceptibles
PHÉNOMÈNES LUMINEUX t53ï
est la suivante: des particules d'une substance très ténue,
l'élhor par exemple, ou toute autre matière très raréfiée,
seraient on état do subir l'influence de la force nerveuse.
Kltes so chargeraient et so disperseraient suivant les lignes
de force. Ces lignes seraient déterminées par l'aclion des
centres nerveux ot présenteraient des formes en relation
avec ces centres; elles auraient une certaine plasticité si je
puis m'exprimerainsi, et cetto plasticité serait en connexion
avec les contres dont l'activité physiologique serait prépon-
dérante. Si cette connexion existe avec les centres supé-
rieurs idéogènes, on aurait des formes intelligibles et dé-
finies, figures d'hommes, d'animaux, d'objets ; si la
connexion s'établit surtout avec les centres inférieurs on
aurait des formes non définies.
Leur luminosité dépendrait de l'état do condensation do
cette matière raréfiée qui les constitue, Les moins conden-
sées seraient los plus lumineuses; il peut arriver quo la
forme plus condensée soit entourée d'une atmosphère lumi-
neuse moins condensée.
On s'expliquerait ainsi l'indépendance relative do la forme
et de la phosphorescence des images.
Telles sont les hypothèses quo l'on peut faire. Je les
indiquo avec les plus grandes réserves et simplement pour
montrer la voie théorique dans laquelle mes expériences
tendraient à m'engager. Jo no les énonce quo très sommaire-
ment, sans les discuter en détail. Je no me dissimule pas
que mes idées sont encore mal définies cl quo l'hypolhèso
que j'exprime timidement résisterait mal à uno analyse
rigoureuse. Jo n'en ai pas trouvé do meilleure ctj'oil'im-
piession que cello que j'indique doit contenir uno part de
vérité. '
Jo m'excuse d'avoir»encore uno fois enfreint la règle quo
je m'êlais imposée et d'avoir présenté des considérations
purement théoriques, alors que je suis le premier à les
lonir pour prématurées. Qu'on me pardonne de m'ôtre
l5/f LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
laissé entraîner à exprimer mes idées personnelles. Jo n'ai
pas vu les faits curieux que jo raconte sans m'efforcer d'en
pénétrer la cause et jo n'ai pas su résister au désir do faire
connaître, non ce qui est une opinion définitive, mais ce
qui est pour moi uno hypothèse méritant examen.
A côté des phénomènes décrits jusqu'ici dans les précé-
dents chapitres, j'en ai observé d'autres qui peuvent en
être rapprochés, car ils mo paraissent avoir avec eux une
certaine connexion. Je veux parler des sensations tactiles,
contacts, attouchements, empreintes. Jo les décrirai
brièvement.
I. — Les sensations tactiles n'ont été éprouvées par moi
d'une façon certaine qu'avec Eusapia. Avec ce médium,
certains assistants, et plus spécialement ceux qui sont assis
à côté do lui, éprouvent l'impression d'attouchements di-
vers, sur la tête, sur le tronc et généralement dans le dos,
sur les bras et les mains. Le phénomène se produit d'ordi-
naire dans les conditions suivantes : les mains d'Eusapia
étant, ou paraissant être, tenues par ses voisins ceux-ci voient
le rideau s'approcher d'eux ot se sentent touchés. L'attou-
chement a quelquefois lieu sans mouvement du rideau. La
sensation d'attouchement est très variable c'est tantôt celle
d'un doigt q-ii s'enfonce dans lo flanc, tantôt, celle d'une
largo main qui s'appuio sur le dos, tantôt enfin celle de
doigts qui vous pincent ou vous saisissent à la tète, au
cou, à la nuque, au menton. On trouvera de nombreux
exemples de ces faits dans lo compte rendu des expériences
de l'Agnélas (Annales des Sciencespsychiques, année 189O).
Dans nos séances à Choisy en octobre 189G, lo même fait
s'est très souvent reproduit. Nous avons ou soin, dans celle
série, d'avoir autant de lumière que possible et nous lions
étionsarrangéspourpouvoirobtcnirdivcrséclairagcscolorés.
L'une des lumière qui nous u donné los meilleurs résultais
était celle d'une lanterne dont lo verre était remplacé par
du parchemin. La (umière était jaunâtre et tamisée. J'extrais
PHÉNOMÈNES LUMINEUX 155
du compte rendu privé do ces séances les indications sui;
vantes : séance du 8 octobre : « Les deux mains d'Eusapia
sont encore tenues et vues sur la tablo. Lo colonel perçoit
alors à son tour do nombreux attouchements et une grosso
main vient lui frotter lo dessus de la tête à travers le
rideau. » Un fait plus curieux s'était produit auparavant,
mais l'une des mains du médium était seule visible : « Sur
la demande du médium on tourne un peu la lampe de
manière à diminuer la lumière qui reste suffisante pour
distinguer los têtes et les mains par leur blancheur.
M. de Rochas et M. do Gramont changent do place. Lcsdoux
mains d'Eusapia sont alors tenues séparées et vues par le
général Thomassin à gaucho et le comte do Gramont à
droite. Eusapia dégage un instant sa main gaucho, amène
sur la tablo .un pan des rideaux et glisse dessous pour la
mettre à l'abri de la lumière cclto main que le général tient
de nouveau et n'abandonne plus ; l'autre main, tenue par M. do
(Jramonl reste visible pour tout le monde. Presque aussitôt
lo général perçoit à hauteur des flancs et à travers lo rideau
qui se gonfle en conséquence, des contacts d'abord flous puis
donnant la sensation d'une pince; ensuite il distingue lo
contact d'une petite main do femme puis d'une grosse main
d'homme. Après cela, il est frappé hors du rideau, avec
force, soit sur les épaules, soit sur la tèle par uno grosso
main. Tous nous entendons également lo bruit des coups,
mais la vision do la main n'est pas la même pour chacun do
nous. M, do Hochas la distinguo à peine ; le général Tho-
massin la voit vert grisâtre, MM. do AValtcville et de
(jramont, grisâtre, M. Maxwell, gris jaune. Eusapia déter-
mine les divers mouvements de la main Jluidique en les
mimant avec sa main droite tenue par M. do Gramont cl
vue do tous».
Celte observation est intéressante mais elle parait au
premier abord suspeele à cause du soin pris par le médium
:«l'abriter sa main gauche sous le rideau, Le général Tho-
l56 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
massin a bien tenu une main. Je ne douto pas que ce soit
celle d'Eusapia, mais acceptons un instant l'hypothèse d'une
fausse main artificielle qu'Eusapia aurait adroitement don-
née à tenir au général. C'est l'explication de M. Hodgson.
Dans ce cas, comment la main qui a louché le général Tho-
massin a-t-cllo pu se promener sur son dos cl sur sa tête et
lo frapper sans qu'aucun mouvement du bras gauche ait été
perçu ? 11 est à noter qu'il y avait une lumière suffisante cl
que la main qui produisait les attouchements a été vue par
presque tous les observateurs. Elle était hors du rideau.
Enfin, je me souviens d'une séance, tenue dans l'après-
midi, au cours do laquelle les attouchements furent pro-
digués à tous les expérimentateurs, même ceux los plus
éloignés du médium.
J'ai eu, dans les trois séries d'expériences faites en I8Q5,
189G et 1897 avec Eusapia l'occasion do constater maintes
fois le phénomène des attouchements. Il m'a paru dans un
grand nombro de cas certain ; mais il prêle à la suspicion,
car il est extrêmement facile à frauder.
Jo me souviens d'une série d'expériences frauduleuses au
cours do laquelle divura attouchements se sont produits.
Les premiers faits à travers le rideau rappelaient les contacts
obtenus avec Eusapia, mais l'obscurité était complète et
celui qui m'a probablement louché était le voisin de gauche
du médium ou peut-être mon voisin do droite. J'ai été
louché également au genou, mois c'était par une main bien
naturelle, qui appartenait à l'un des expérimentateurs, de
mentalité inférieure d'ailleurs. 11 est à remarquer que les
gens inexpérimentés se laissent facilement tromper; cepen-
dant, quand on a l'habitude de ces phénomènes, on perçoit
vile la différence marquée qui existe entre les phénomènes
frauduleux et les outres. Je ne conseille pas aux expéri-
mentateurs de se placer dans les conditions où ces fails
s'observent, car elles sont très défavorables à l'examen du
phénomène. Ces cpnditions, autant que j'ai pu les doter-
PHÉNOMÈNES LUMINEUX 167
miner, .sont : i° La formation do la chaîne autour de la
table, le médium étant placé lo dos tourné aux rideaux.
r Une lumière extrêmement faible ou l'obscurité. Ce n'est
qu'avec Eusapia que j'ai obtenu ces attouchements avec un
peu de lumière.
Ces contacts, outre qu'ils ont l'inconvénient d'être peu
probants dans les conditions où on les obtient, ont encore
le désavantage d'impressionner les personnes faciles à
l'émolion et à la peur. J'ai vu des personnes 1res coura-
geuses être très désagréablement affectées par ces attouche-
ments. Il ne faut donc essayer de les avoir que lorsque Ton
est déjà familiarisé avec l'observation des phénomènes
psychiques.
Il est à remarquer d'ailleurs qu'ils présentent les carac-
tères signalés dans ceux que j'ai déjà examinés. C'est
d'abord la corrélation qui existe entre les mouvements du
médium et le conlact perçu. J'en ai donné un exemple
lotit à l'heure en racontant les phénomènes dont le
général Thomassiii a été l'objet. Les mouvements do la
main droite qui le touchaient étaient mimés par la main
droite d'Eusapia qui était visible et vue do tous.
En voici un nuire exemple, dans lequel les mouvements
synchroniques furent exécutés par l'un des expérimenta-
teurs, a John (la personnalité seconde) dit alors à M. do
Hochas qui lient avec sa main droite la main gauche
d'Eusapia, de poser sa main gauche sur le cou do celle-ci,
les doigts étendus comme pour magnétiser ; puis il lui dit
de baisser les doigls. M, de Hochas exécute le mouvement à
diverses reprises, et à chaque fois M. Maxwell qui tient la
main droite du médium, perçoit sur l'épaule, h cinquante,
centimètres de distance, des attouchements synchrones. »
On trouvera de nombreux exemples de ce genre dans les
comptes rendus do séances tenues avec Eusapia, Ce fait est
à rapprocher de ceux que j'ai indiqués déjà pour les raps
et les phénomènes moteurs ou lumineux. On aperçoit
l58 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
combien la relation quo j'ai signalée, après bien d'autres cl
notamment après llichet, entre les mouvcmontdu médium
cl les phénomènes, est constante : il y a là une première
constatation générale ; si j'osais employer l'expression, je
dirais que nous sommes en présence d'une première loi de
ces phénomènes paranormaux. Je ne les ai pas observés
assezsouvcnt pour pouvoir indiquer que la relation indiquée
existe entre la contraction musculaire et les phénomènes
plutôt qu'entre celui-ci et le mouvement exéculé; mais,
quelques faits trop peu nombreux encore me permettent de
penser qu'il en est ainsi.
Enfin, la fatigue des assistants et celle surtout du
médium s'observent après les attouchements décrits.
L'influence de la lumière paraît très défavorable. Jo n'ai
pas ou l'occasion d'observer des attouchements en plein
jour comme je l'ai si souvent fait pour les raps ou les mou-
vements sons contact ; avec Eusapia, une demi-obscurité
était nécessaire. Celte circonstance rapproche le phénomène
des attouchements de celui des formes. Elle est intéressante,
car si les attouchements sont dus à des condensations
d'une matière quelconque, comme les formes, il y a lieu de
penser quo les deux phénomènes sont étroitement connexes
et que c'est la même substance qui en so condensant
produit les uns et les autres. C'est ce (pic j'ai observé,
notamment à l'Agnélas où j'ai vu une main et un bras
toucher la tête de M. Sabaticr au moment où co dernier
accusait un contact à la tête. J'ai donné un exemple de ce
lait observé à Choisy par MM. de Gramont, do Walteyillc
et moi.
On voit combien l'examen calme et impartial des faits
révèle de conditions communes pour leur production cl de
similitudes entre certains d'entre eux.
IL —Les empreintes nous mettent en présence d'une caté-
gorie de phénomènes du même genre. La pression paraît
exercée sur une substance matérielle cl non stirlesassistants.
PHÉf-JMÈNES LUMINEUX l5()
Si la substance est suffisamment molle, l'empreinte de la
l'orme qui a exercé la pression peut s'y imprimer. Je n'ai
observé que deux fois ce phénomène avec Eusapia : c'est à
Choisy, en 1896. La première fois nous obtînmes l'em-
preinte de la pulpe do doigts sur du noir de fumée. Los
conditions d'observation n'étaient pas bonnes. La seconde
fois, l'empreinte fut marquée dans l'argile. « On apporte,
dit notre compte rendu, au milieu de la table le plat con-
lenant l'argile plastique. Presque immédiatement le plat qui
pèse près de deux kilogrammes est soulevé et posé en équi-
libre sur le bras gauche de M. de Hochas dont la main gauche
continue à tenir la main droite d'Eusapia. M. de Rochas
sent trois pressions successives et bien ncllcs du plal sursoit
avant-bras, puis une pression amicale sur son arrière-bras
semble le prévenir que le phénomène est accompli. Aussiôt
on emporte lo plat et on constate au jour, des empreintes
de doigts comme enveloppés d'un tissu fin dont la trame se
distinguo sur l'argile. » Je n'ai pas observé ce fait avec assez
de précision pour pouvoir le retenir comme démontré : je
le signale cependant parce qu'il permet de
conserver la
trace matérielle du phénomène. D'autres observateurs ont
obtenu de meilleures empreintes avec Eusapia. J'en ai qui
représentent, très défigurée, la face de co médium. Je con-
sidère que co phénomène doilétre observé avec soin si on a
l'occasion de rencontrer dos médiums susceptibles de lo
produire. Jo signalerai à l'attention des observateurs éven-
IneU : 1 ° La présence presque constante d'une sorte de
trame sur l'empreinte comme si l'objet qui la formait était
entouré d'une gaze légère. Cette circonstance est déprime
abord smt>ccfc : mais, ici encore, comme toutes les fois que
nous sommes en présence de ces manifestations peu fami-
lières, il 110 faut pas so hâter de conclure à la fraude cl do
dire que lo médium se met une gaze humide sur la figure
ou les mains pour éviter de se souiller de glaise cl déporter
les traces évidentes de sa tromperie. C'est là, je le reconnais
l60 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
pourtant, l'explication qui doit se présenter la première à
l'esprit cl il ne faut l'écarter que si on a de justes raisons de
le faire : mais l'unique raison de conclure à la fraude ne
doit pas être tirée du fait curieux que je signale. 11 y a
quelque chose d'intéressant dans la présence do cotte gaze
légère signalée autour des formes observées. Les figures que
j'ai vues étaient loulcs encadrées d'une sorte de voile
lailcux : j'ai 1res rarement vu des figures dépouillées de ce
léger lissu. Je no l'ai pas observé autour des objets maté-
riels ni autour des figures d'animaux. Jo no l'observe pas
davantage dans certaines formes qui se rattachent à l'illu-
sion hypnogogique. Je signalerai a ce sujet l'observation
suivante du baron Brincard et de M. Béchodc : « M. de
Hochas se sent loucher à la figure comme par une barbe et
voit se détacher en noir sur le fond de la pièce le mieux
éclairé par la fenêtre, une longue mèche ondulée.
MM. Brincard et Béchodc ont la sensation d'une gaze noire
très légère et transparente qui envelopperait leur lêle cl
tomberait jusqu'aux épaules; elle se dissipe avant qu'ils
aient pu la saisir. »
Je n'ai pas remarqué celle trace de tissu sur des
empreintes certainement frauduleuses qui m'ont été mon-
trées ou qui ont été failes en ma présence. Je vais donner
un exemple de chaque pour montrer comment un examen
attentif peut révéler la fraude. Dans un groupe, il me fut
montré un jour uno petite tète de mort imprimée sur une
substance plastique : un jeune homme l'avait présentée
comme une empreinte authentique. Cela me paraissait
anormal, car une tète de mort n'est pas une chose commune
dans les séances et pour ma part je n'ai jamais vu de phé-
nomène répugnant ou impressionnant dans les séances
sérieuses auxquelles j'ai assisté, Un examen attentif me
montra la trace do l'extrémité des doigts qui avaient tenu
l'objet pendant qu'on l'imprimait sur la matière plastique.
Une autre fois j'assistai à une séance où l'un des expéri-
PHÉNOMÈNES LUMINEUX iClï
mentatcurs prépara des assiettes de mastic. Il les plaça lui-
même sur lo/tau/ d'une armoire. A la fin de la séance on y
constata des empreintes de doigts. Ces empreintes avaient
été faites pendant que l'expérimentateur plaçait l'assiette et
bien entendu faites par lui très normalement. Dans ces cas
l'empreinte était nette et no portait aucune trace do tissu.
Ces traces no sont donc pas nécessairement liées à la fraude,
puisquelesfraudeursncscscrvcnlgénéralcmentpasd'un tissu
quelconque pour se préserver de toute lacheau moment où
ils font l'empreinte frauduleuse.
Quant aux photographies, je n'en ai jamais obtenu do
paranormales. Il est vrai de dire que je no me suis pas oc-
cupé de ce genre d'expériences. Je n'en dirai donc rien
puisque je n'ai aucun fait personnel intéressant à signaler.
L'existence de photographies paranormales est affirmée par
des hommes sincères et respectables cl leurs expériences
méritent d'être reproduites. Le procédé opératoire est
simple. On photographie lo médium en trance à la lumière
du jour; les photographies au magnésium ne sont pas à
recommander pour diverses raisons. Plus que toutes autres
elles rendent la fraude aisée. Je n'ai pas besoin de recom-
mander los précautions à prendre. No jamais employer que
ses propres plaques, ne pas s'en dessaisir un instant, char-
ger les châssis, les exposer et les développer soi-même.
Je me rappelle qu'un de mes amis, officier supérieur,
me tnonlra un jour des photographies extraordinaires sur
lesquelles se voyaicntdes formes anormales, figurcsélranges,
ou formes humaines à côté du médium. Je déclorai à mon
ami qu'il ovoit été trompé : trop honnête pour admettre
qu'il avait été victime d'une tromperie déloyale, l'officier
n'ajouta pas loi à mes critiques et m'assura que la photo-
graphie avait été prise par lui, avec son appareil et nie dé-
elara qu'il n'avait pas perdu celui-ci de vue un instant.
5 Ses affirmations ne modifièrent pas mon sentiment. Plus
\ lard, en discutant avec soin les conditions de l'expérience»
MAXWKU. n
iCa LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
.

l'officier reconnut qu'il avait interrompu la séance pour


aller déjeûner et avait laissé son appareil chez le médium.
Celui-ci en avait profilé soil pour changer les plaques ot y
substituer des plaques exposées, soit pour faire sur les pla-
ques mêmes de mon ami une première exposition fraudu-
leuse.
L'auteur de la fraude dut d'ailleurs la reconnaître. Je me
demande à quel mobile a pu obéir ce jeune homme en trom-
pant. Je crois qu'il agissait par enfantillage : il .a d'ailleurs
une tendance à l'hystérie.
Il y a plusieurs procédés de fraude : le plus usité est la
double exposition. L'emploi sogace du sulfate de quinine
permet certaines opérations curieuses, parait-ii. Je n'ai pas
vérifié ce fait.
CHAPITRE V

PHÉNOMÈNES PSYCIIOSENSOIUELS
ET INTELLECTUELS

Sous ce titre un peu vague je réunis un ensemble de phé-


nomènes particuliers qui difierent sensiblement do ceux
que j'ai examinés jusqu'ici. En cfict, les faits racontés par
moi se rapportent à des manifestations matérielles et ce n'est
qu'accessoirement que j'ai indiqué le caractère intelligent
que présentaient certaines de ces manifestations. J'aborde
maintenant l'exposé des moyens propres à obtenir non plus
les phénomènes physiques mais les phénomènes intellec-
tuels proprement dits, e'esl-à-dirc ceux qui no présentent
de l'intérêt qu'à raison des idées exprimées ou de la signifi-
cation des images produites, et nullement à cause des condi-
tions dans lesquelles on les obtient.
Je dois déclarer (pie j'ai étudié co genre do phénomènes
avec moins d'intérêt quo les phénomènes sonores, moteurs
ou lumineux. Ces derniers sont d'une observation plus
simple : les autres ne peuvent être étudiés qu'indirectement
et il faut en général so fier au récit d'une tierce personne
pour les constater. Cela me parait être de mauvaises condi-
tions d'observation. Celte réserve faite, je diviserai ces phé-
nomènes en deux grandes classes : i° les automatismes
sensoriels;.»0 les automatismes moteurs.

§ ïpr. — AUTOMATISME SENSOUIEL.

Je désigne sous ce nom les phénomènes produits par


l67| LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
l'activité spontanée de nos sens el qui ne paraissent pas
dus h uno excitation extérieure. Ce sont des phénomènes
voisins de l'hallucination. On les observe dans les différents
domaines sensoriels. Je n'examinerai que les sensations
olfactives, auditives et visuelles : les impressions tactiles
ont été étudiées dans lo dernier chapitre. Quant aux sen-
sations guslalivcs, elles sont 1res rares cl sans intérêt.
1. SENSATIONS OLFACTIVES.
— Elles consistent en une
odeur déterminée. Je n'en ai jamais éprouvé dans les séances
auquellcs j'ai assisté. Dans uno série j'ai cependant vu le
médium associer l'odeur du jasmin à la manifestation d'une
personnification. Celle sensation m'a paru entièrement
subjective, elle étail constante.
Après les phénomènes lumineux, l'odeur de l'ozone est gé-
néralement perçue. J'en ai donné des exemples. Ce fait esta
retenir el à rapprocher de l'odeur d'ozone quo l'on sentdans
le voisinage des fortes machines statiques, qui donnent de
l'électricité à un très haut potentiel. Il y a là une analogie qui
n'est pcul-êlrc pas fortuite : ces faits n'ont d'ailleurs rien
d'intelligible.
IL SENSATIONS AUDITIVES. — Je ne parle pas des phéno-
mènes sonores. J'aborde directement ici l'élude des phéno-
mènes intellectuels, c'est-à-dire ayant une signification plus
ou moins précise et intelligible.
Lesphénomèncsauditifspcuvcntsediviscrcndeuxgrandcs
classes : les automatismes provoqués et les automatismes
spontanés ou clairaudicncc. Les premiers peuvent être
considérés comme des sortes d'hallucinations déterminées
par divers procédés. Le plus simple consiste dans l'em-
ploi de certains coquillages ou d'une trompe renversée, de
tout objet renforçant en un mot les bruits externes ou
internes que ne perçoit pas ordinairement l'oreille' et en
permettant la perception. C'est ce que l'on constate parti-
culièrement avec certaines coquilles marines. Lorsqu'on les
applique contre l'oreille, on entend un bruissement ou un
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOP.IELS ET INTELLECTUELS 165
léger grondement. Cetto sensation est commune à tout le
monde et les enfants ont coutume d'écouler par jeu « le
bruit de la mer dans les coquillages ».
Certaines personnes no perçoivent pas ce bruit, ou plu-
tôt, il disparaît vite pour elles et fait place à des mots et à
phrases; J'ai connu un sujet chez lequel cette faculté existe,
mais les circonstances ne m'ont malheureusement pas per-
mis de l'étudier avec soin. Je me bornerai à signaler à l'at-
tention des observateurs l'intérêt que présente cet automa-
tisme ; la rapidité des communications est 1res grande : on
peut par ce moyen obtenir plus de rendement qu'avec l'écri-
ture automatique, et l'on fatigue moins le médium. La
seule précaution à prendre est de sténographier les paroles
répétées par lui. Il faut l'habituer à les redire immédiate-
ment parce que les paroles entendues sont très vitcoubliéos.
C'est un caractère qui les rapproche des rêves auxquels cet
outomatismo ressemble sous d'autres rapports encore que
l'amnésie. Il a beaucoup d'analogie avec l'automatisme vi-
suel. Mais il présente sur ce dernier un avantage bien inté-
ressant : les images visuelles sont celles qui offrent le plus
haut degré do symbolisme : elles sont vagues, imprécises
cl demandent à être interprétées. Les hallucinations audi-
tives ont au contraire plus de précision. Cela lient peut-être
au modo habituel par lequel les images auditives se révè-
lent : lo langage. D'aulrc part, elles sont beaucoup moins
riches et détaillées.
L'allure des messages est toutefois rarement très nette ;
mais il y a des cas où elle l'est beaucoup. Tels sont les prin-
cipaux caractères des phénomènes d'automatisme auditif
provoqué. J'ai trop peu étudié ce genre de manifestation
pour me permettre une analyse plus complète.
La clairaudience est plus fréquente ; peul-ôtrc est-ce dû à
la négligence des expérimentateurs qui no songent pas à
employer les procédés d'induction que je viens de décrire.
J'ai très rarement constaté l'existence d'hallucinations
lG6 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES <

auditives isolées : jo crois les avoir toujours observées asso-


ciées à des hallucinations visuelles et jo les étudierai après
celles-ci en examinant les automatismes mixtes.
III. SENSATIONS VISUELLES. — Les phénomènes observa-
bles sont ici très nombreux et ont été déjà l'objet d'études
complètes. Je les distinguerai encore on phénomènes pro-
voqués cl phénomènes spontanés. Jo parle bien entendu des
hallucinations éprouvées par les médiums en dehors des
séances. Je remplacerai dans celle partie de mon analyse le
mot médium par celui de sensilif qui me parait mieux défi-
nir le caractère dislinctif des personnes qui ont les facultés
que je vois décrire. Ce mot exprime bien que los faits ob-
servés sont du domaine do la sensibilité.
L'un des moyens les plus anciennement connus est l'em-
ploi d'une boule de cristal. Je n'ai pas besoin do rappeler
la pratique des anciennes devineresses, ni l'histoire de John
Deo, ni les nombreux récits qui nous ont été faits par les
chroniqueurs ou les romanciers. La boule do cristal est le
procédé perfectionné, do même que le miroir noir; mais le
miroir ordinaire, le verre d'eau, la carafe rondo, la boule
des savetiers, l'ongle du doigt, le verre do montre, toute
surface polio enfin peut servir à induire l'hallucination.
Je ne recommanderai quo les premiers procédés : ils sontles
meilleurs ; l'ongle, le verre de montre, les surfaces polies
comme celles d'une lable vernie ou cirée ne sont pas à
recommander.
La boule de cristal est je crois le procédé do choix : j'ai
étudié avec quelque soin la vision dans le cristal, et bien
que j'aie remarqué des différences individuelles chez les
sujets, jo crois pouvoir dire quo d'une manière générale je
suis arrivé, en ce qui concerne lo processus opératoire, aux
constatations suivantes :
La matière de l'objet n'est pas indifférente. Les boules
en cristal de roche m'ont donné les mcillours résultats : j'ai
vu des personnes incapables d'avoir des visions dans lo verre
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSORIELS ET INTELLECTUELS 167
ordinaire qui en obtenaient dans une petite boule (le cristal
naturel. Les objets en cristal do roche ont l'inconvénient*
d'être très coûteux.
Le verre ordinaire donne de très bons résultats, mais il
faut éviter que la boule contienne des bulles d'air ou d'au-
tres défauts. Il faut qu'elle soit aussi homogène que pos-
sible.
La forme delà boule peut être sphériqueou ovoïde. Je
crois quo la forme elliptique est peut-ôtrp la meilleure, car
clic permet d'éviter plus aisément les reflets.
La dimension de la boule est indifférente, mais je pré-
fère les boules un peu grosses. J'ai cependant oblcnu
(fcxccllcnls résultais avec des boules d'un centimètre aussi
bien qu'avec des boulcs.de G à 7 centimètres do diamètre.
La boule peut être blanche, blcuo, violette, jaunâtre,
verte; elle peut être opaline ou transparente, mais jo crois
que les meilleurs résultais s'obtiennnent avec les boules
blanches transparentes, les boules bleues et les boules cou-
leur améthyste. Ces deux dernières fatiguent moins l'oeil.
Comme l'étude de la vision dans lo cristal me parait bien
l'un des phénomènes les plus curieux à étudier, je nie permets
d'indiquer que l'on trouvera des boules do cristal bien faites
chez Lcymarie, /ia, rue Saint-Jacques, à Paris, ou à Lon-
dres, ou siège do la Societyfor Psychical Research, 90, lia-
nover square, London, \V,, ou chez M" Venman, Sugdcn
rond, Lnvcndcr hill, London, S. \V. Lo prix des globes en
verre varie do G IV. 7Ô a î 1 fr. à5 ; celui des ovoïdes, de
10 fr. à 19 fr. 85. Le mieux serait encore do chercher uno
houle en cristal de roche, mois le prix varie alors enlre 6 et
200 francs. Il faut les faire tailler sur commande, car il est
extrêmement difficile d'en trouver de toutes faites. M. Scr-
van, joaillier à lîordcaux, en fournit de bonnes.
Pour regarder dans la boule, il faut la placer à l'abri de
tout reflet, de façon qu'elle olfrc une teinte uniforme sons
points brillants. Pour cela, ou peut l'envelopper d'un fou-
lf)8 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
lard ou d'un velours foncé, ou la tenir dans le creux do la
main, ou même la tenir au bout des doigts pourvu (pie
les conditions indiquées plus haut soient remplies. L'objet
doit être placé à la distance de la vision normale ; le regard
doit être porté non sur la surface de la boule, mais daim lu
houle elh'-màne : avec un peu d'habitude ou y arrive aisé-
ment.
Losniiroirsdonnent aussi de très bons résultats. Ilspeuveut
être fait connue les miroirs ordinaires ou être noirs comme
les fameux miroirs de llhatta qui ont une composition spé-
ciale. Je n'ai pas expérimenté avec ces derniers. J'ai remar-
qué qu'il fallait, au dire des sujets, que le miroir ne reflétât
«uicim objet cl présentât une teinte uniforme, celle du ciel
par exemple, bleu ou gris, mais sans mélange de ces cou-
leurs comme l'est par exemple un ciel nuageux, où les va-
peurs blanches se détachent sur le fond azuré : dans un
appartement on peut faire refléter le plafond s'il est mono-
chrome.
Enfin, un verre d'eau, une carafe d'eau si elle présente
une forme globulaire ou cylindrique, un syphon d'eau de
seltz, l'ongle du pouce notamment peuvent servir d'induc-
teurs à l'hallucination ; mais ces procédés, sauf les deux
premiers ne réunissent qu'avec des sujets très sensibles.
Dans ces conditions d'opération j'ai observé des résultats
quelquefois extraordinaires ctqui confondent l'imagination.
Us m'ont paru, tendre à démontrer la vérité de l'idée
kantienne sur la relativité et la uilingcncc du temps et de
l'espace. Il est bien diflicile d'admettre que ces deux ordon-
nées de nos perceptions soient exactement ce qu'elles nous
paraissent être, à moins de pousser la théorie des coïnci-
dences jusqu'à l'absurde comme je l'ai vu faire par un pro-
fesseur de mes amis. C'est alors fermer la porte à toute dis-
cussion et à tout examen intelligent d'un fait en apparence
anormal.
Mes observations ont été faites avec différentes personnes
PHEAOMÈXES PSY0HOSENSOIUELS ET INTELLECTUELS iCj)
et l'on m'en a signalé un grand nombre quo jo n'ai pas per-
sonnellement faites. Les sujets doués de la faculté de voir
dans le cristal (c'est sous celte forme abrégéoquejo désigne-
rai ce phénomène) ne sont pas rares. L'analyso des fails
observés par moi ou que je lions de première main, c'est-à-
dire des personnes qui les ont elles-mêmes observées, per-
met de ranger ces « hallucinations » (?) dans six catégories
d'intérêt croissant :
i° Vision do fails imaginaires, hallucinations ordi-.
uaircs ;
9° Souvenirs oubliés rappelés à la mémoire sous forme
do vision ;
.3° Faits passés quo lo sujet affirme avoir toujours
ignorés ;
f\° Faits actuels certainement inconnus du sujet ;
5° Faits futurs ;
fi° Fails d'interprétation douteuse.
Ce groupementmontre la curieuse gradation qu'on observe
dans les visions. D'abord uno activité désordonnée et illo-
gique comme celle du rêve, puis une activité plus coordon-
née : connaissance do faits oubliés, connaissance de faits
passés ignorés du sujet, connaissance de faits actuels ignorés
du sujet, connaissance apparente d'événements futurs. Je
n'ai eu l'occasion d'observer nettement que les faits classés
sous les numéros i, 9, 3, 5 et G. Je vais en donner des
exemples :
1.
— La vision de fails imaginaires est de beaucoup la plus
fréquente. Ce phénomène est analogue à l'hallucination vi-
suelle ordinaire et me paraît présenter tous les caractères
du rêve. Ce n'est pas ici le lieu de discuter l'état de la con-
science dans le rêve : la forme que je donne à mon récit ne
comporterait pas de longues analyses psychologiques. Je me
bornerai à résumer les conclusions de l'analyse détaillée
que j'en ai faite dans un autre livre.
La conscience qui fonctionne habituellement chez nous,
IJO LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
cello (pii se manifeste dans la vie courante est la conscience
personnelle. C'est autour d'elle (pie se groupent les souve-
nirs accessibles à noire personnalité, à ce (pie nous appelons
moi. Celle conscience personnelle s'allirmedaus les actes les
plus élevés de la vie psychique, dans la comparaison des
imagcscntrccllcs, dons l'obstruction, le jugement, la sélection
volontaire des actes qui nous paraissent également possibles.
Cette sélection est l'expression de notre activité volontaire
personnellement consciente, elle se détermine par la com-
paraison des actes entre eux, par l'examen de leurs consé-
quences probables avantageuses ou non, par l'appréciation
de leur moralité ou de leur immoralité d'après les règles
admises par notre société actuelle, etc. La conscience per-
sonnelle est le fondement de toute notre vie intelligente :
pratiquement elle parait seule exister cl sa disparition nous
semble anéantir noire propre personnalité.
En réalité il n'en est rien. Nous pouvons observer chez
certains ma' ' !'» des modifications complètes ou partielles
de la conscience personnelle. Quelquefois, la notion de la
personnalité disparaît. On connaît des malades qui subite-
ment oublient jusqu'à leur nom. Toute leur vie antérieure
s'efface et ils semblent revenir à l'étal où ils étaient au mo-
ment de leur naissance. Ils doivent réapprendre à parler, à
s'habiller, à manger eux-mêmes. Quelquefois Y amnésie
n'est pas aussi complète. J'ai pu observer un malade qui
avait oublié tout ce qui avait un lien quelconque avec sa
personnaV. 11 ignorait absolument tout ce qu'il avail fait,
.
ne savait plus ou il était né, quels étaient ses parents, ne se
rappelait pas son nom ni son prénom. Il avait une trentaine
d'années.
La mémoire organique et les mémoires organisées en
dehors de la personnalité subsistaient. Il pouvait lire, écrire,
dessiner un peu, jouer grossièrement d'un instrument de
musique. L'amnésie chez lui était limitée à tous les fails
connexes à sa personnalité antérieure ; clic présentait le type
PHENOMENES PSYCIIOSENSOIUEI.S ET INTEMECTUEE8 I7Ï
des pertes de mémoire systématisées. C'est ce qu'en langage
médical on appelle l'«/«mWc de dépersonnalisafion.
Y un degré moindre, l'amnésie ne porto quo sur des pé-
riodes limitées do la vie. Les épileptiques el les hystériques
présentent souvent de Yecmnésie, terme choisi par l'émineiit
professeur de clinique médicale de l'Université de Bordeaux,
M. Pitres, qui aie premier signalé ce phénomène chez tes
hystériques. Le malade oublie une partie de sa vie, se croit
revenu à 10 ans, i5 ans, ,'îo ans en arrière cl vil comme
s'il étail encore à l'Age auquel il croit être. Les souvenirs de
sa vie ultérieure cessent d'être accessibles à sa personnalité
consciente qui se trouve ramenée exclusivement aux élé-
ments qui la constituaient à l'époque où l'ccmiicsio reporte le
malade. Toute idée étrangère à celle personnalité diminuée
lui demeure inintelligible. Pour (pic lo malade comprenne,
il faul ne lui parler que do co qu'il connaissait à l'époque où
il est ramené.
A côté do ces disparitions ou de ces moindrissemcnls de
\a personnalité, de la conscience personnelle, qui peuvent être'
permanentes ou passagères, on observe aussi des altérations
qualitatives et non plus quantitatives de la conscience per-
sonnelle. Ce sont les changements ou variations do la per-
sonnalité qui ont été bien étudiés chez les hystériques, mais
qui existent chez d'autres malades, notamment chez les épi-
leptiques et certains intoxiqués. Ces laits sont trop connus
pour que je les décrive. Les lecteurs curieux en trouveront
l'analyse complète dans le célèbre ouvrage d'Azam (Hypno-
tisme et double conscience, 1 vol., F. Alcan): dans le livre
de Pitres (Leçons sur l'hystérie, 2 vol., F. Alcan) et dans
celui de Janct (L'automatisme psychologique, 1 vol., F.
Alcan). Ces trois livres au moins sont essentiels à connaître
si l'on veut observer avec fruit les délicats phénomènes,
dont j'aborde ici l'exposé.
En résumé, la conscience personnelle est susceptible do
disparaître en totalité ou en partie, ou d'être remplacée par
179 LES PHENOMENES PSYCHIQUES

une autre conscience, qui peut être absolument étrangère


à la conscience personnelle normale ou conserver avec elle
dos rapports plus ou moins étroits: par exemple, le 'malade
qui change de personnalité peut avoir tous les souvenirs de
la personnalité normale A et ceux delà personnalité nou-
velle IL Mais d'une manière presque absolue, la personna-
lité normale A, ignore tout ce qui touche à IL C'est le type
de Ynmnésie périodique.
'fois sont les faits (pie l'étude clinique des maladies de la
personnalité permet d'observer. Je dois dire qu'ils ne pré-
sentent pas la simplicité, en pratique, du schéma (pic je viens
d'en donner. De curieux problèmes so posent sur la nature
même de l'amnésie, sur son degré, sur son mécanisme,
questions qu'il n'est pas possible de traiter ici.
Mais, les faits que je viens d'exposer sommairement ré-
vèlent déjà cette chose importante à retenir, que les amné-
sies passagères, curables, temporaires, démontrent claire-
nient : c'est que les souvenirs peuvent exister à l'état latent
dans la conscience générale, et être inaccessibles à la con-
science personnelle. Supposez que A oublie les 10 der-
nières années de sa vie à la suite d'une chute ou d'une crise
nerveuse. Cetto amnésie durera six mois pendant lesquels
il se croira revenu à i5 ans alors qu'il en a 25. Tous les
événements de sa vie entre 10 et 25 ans auront entièrement
disparu de sa mémoire, pendant six mois, puis il reparaî-
tront plus ou, moins brusquement. Leur disparition tempo-
raire montre bien que ces souvenirs ont été conservés quel-
que part et qu'ils n'étaient pas perdus. On ne peut pas
toujours afiîrmer qu'ils étaient accessibles à la conscience
générale et impersonnelle, dans tous les cas : mais cepen-
dant on peut l'affirmer pour l'hystérie d'après los observa-
tions de Pitres, de Janet et d'autres, et pour certaines in-
toxications d'après Régis. Les faits étudiés par ces savants
montrent que les souvenirs inaccessibles à la personnalité
normale, étaient connus de la conscience générale. Par
PHENOMENES PSYOIIOSENSOIUELS ET INTELLECTUELS If'd
oxeniplo, un malade amnésiquo peut retrouver tous ses
souvenirs quand on l'endort : c'est co quo Régis a démontré
mônio pour certaines amnésies toxiques. Janet a do son côté
établi que ces souvenirs oubliés do la conscienco personnelle
normale étaient évocablos par certains automatismes (l'écri-
ture automatique notamment) et étaient par suito à la dis-
position de la conscienco impersonnelle, c'est-à-dire à cette
conscience générale dont la conscience personnelle no parait
ètro qu'une partie.
Ce fait, quo l'élude do la pathologie nerveuse a démontré,
est certainement général. Les troubles de l'hystérie et des
autres névroses no font qu'exagérer un phénomène normal.
Notre personnalité ne s'encombro pas de tous les souvenirs
que notre conscienco générale parait posséder : la plus
grande partie des choses quo nous avons vues, apprises,
entendues, etc., s'oublie, mais cet oubli est probablement
relatif et ne s'étend qu'à la conscienco personnelle. Il est
aussi variable, et suivant les circonstances, les souvenirs
accumulés dans la conscience générale, sont tantôt plus
accessibles à la conscience personnelle, et tantôt le sont
moins. Si la mémoire personnelle est exaltée on a de l'/ty-
per/nnésie. Les faits qui surgissent dans la conscience per-
sonnelle ont été si bien oubliés par elle qu'ils paraissent
quelquefois nouveaux ; les souvenirs se présentent à la con-
science sans être identifiés parellc et l'on commet des erreurs
sur la localisation de l'imago mnésique dans le temps ou
dans l'espace : ce sont des paramnésies.
Les variations de la conscience personnelle relativement
à la mémoire, dont le rôle dans la constitution de la person-
nalité, du moi, est prépondérant, se traduisent donc clini-
quoment par des amnésies, des hyperninésies, des param-
nésies, mais, les variations signalées no se limitent pas à la
mémoire : elles s'étendent aux autres opérations de l'es-
prit
.
J'ai indiqué loul à l'heure que la conscience personnelle
I y/| LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
n'était «prime facette de celle co'tseience plus générale exis-
tant on nous-mêmes, conscience où tous les souvenirs s'ac-
cumulent, où toutes les expériences passées s'entassent, on
toutes nos sensations s'enregistrent, que notre conscience
personnelle les ail perçues (aperccplions) ou les ait ignorées
(perceptions). Celle conscience générale est par elle-même
impersonnelle par rapport tout au moins à notre personna-
lité normale. Celle-ci n'est qu'un des courants qui circulent
dans celte conscience : sa prépondérance, comme l'a indiqué
Myers, n'est probablement qu'une conséquence de son uti-
lité pratique plus grande dans la vie quotidienne, et non un
indice de sa supériorité absolue; mais il y a une chose à
constater, c'est que nous sommes habitués à rattacher à
celle conscience personnelle toutes les opérations de notre
intelligence usuelle. Nos raisonnements, nos volilions, nos
jugements quelconques se groupent autour de notre per-
sonnalité consciente ou plutôt se fondent sur son activité
apparente. 11 en résulte celte conséquence importante (pie.
toutes les fois que le sentiment de la personnalité dans la
conscience variera, nos raisonnements, nos volilions, nos
jugements varieront dans la même proportion. Les pensées
qui so présenteront à nous cesseront d'être choisies par nous
et viendront en apparence d'clles-niênics : leurs associations
échapperont à toute logique, leur succession sera rapide el in-
cohérente pour notre personnalité qui assistera, impuissante
à la diriger, à leur évolution. L'alfaiblisscmenldu sentiment
de la participation personnelle aux actes de la vie psychique
se traduit donc parla diminution de notre faculté de choisir
les images évoquées dans la conscience, par la diminution
de notre pouvoir de contrôle sur leur évolution, par l'im-
puissance où nous sommes non seulement de les juger sui-
vant les règles de la raison, mais encore de rejeter les inter-
prétations les plus illogiques qui s'olfrent ou s'imposent à
nous. VAX un mot, l'affaiblissement de la volonté, du juge-
ment s'associenlà celui de la conscience personnelle.
PHÉNOMÈNES PSVCHOSENSOIUELS ET INTELLECTUELS I7IS
On constate aussi uno atténuation correspondante dans
la faculté d'abstraire. Los idées s'accompagnent do leur re-
présentation imagée ou motrice ; quelquefois elles ne s'ex-
priment quo par des images et se présentent sous uno forme
symbolique ou se dramatisent. L'idée do la mort d'un pa-
ient par exemple no s'exprimera pas avec précision comme
elle l'est quelquefois dans les hallucinations verbales ou dans
celles du langage écrit, mais par un tableau représentant le
parent dans un cercueil, ou peignant son enterrement.
Telles sont les expressions psychologiques de l'affaiblis-
sement do l'élément personnel dans la conscienco.
Il ne faul pas en conclure quo la conscience imperson-
nelle soit incapable de toute opération intelligente. Il n'en est
rien, et les événements montrent que la conscienco imper-
sonnelle ou subconscience, comme on l'appelle ordinaire-
ment, est capable d'accomplir avec une grande perfection les
actes intellectuels les plus compliqués sans que la conscience
personnelle en soit avertie. Dansées cas, lorsque le résultat
de l'opération est transmis à la conscience personnelle,
celle-ci la perçoit sous la forme symbolique ou dramatique
que j'ai signalée.
L'observation montre que tous les caractères, que je viens
de décrire comme se rencontrant dans les cas où la partici-
pation de la conscience personnelle à notre activité mentale
ou physique est diminuée, se trouvent dans l'hallucination
et le rêve. Les lecteurs curieux de connaître mes idées sur
ce point les trouveront plus complètement développées dans
mon livre : L'Amnéi'e et les troubles de la conscience dans
t'épilepsie. Je ne puis songera les reprendre ici en détail et
me borne à indiquer les principaux résultats auxquels con-
duit l'analyse des états de conscience pathologiques ou sim-
plement oniriques.
Je m'excuse d'avoir fait cette digression : elle était indis-
pensable pour que je puisse développer d'une manière com-
préhensible les analogies (pie présentent les hallucinations
I7C LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

provoquées par la vision dans le cristal avec le rêve, et le


caractère Iransceudanlal que ces visions peuvent présenter
sans être pour cela surnaturelles. Ces considérations expo-
sées, j'aborde le récit des faits observés par moi.
La façon dont les hallucinations purement imaginaires
s'induisent chez la plupart des sujets que j'ai examinés est
à peu près la même. Je la décrirai en faisant remarquer
(pie la formation de l'image hallucinatoire est la même dans
tous les cas : (pie l'impression visuelle soil imaginaire ou
qu'elle contienne l'expression d'un fait vrai, passé, présent
ou futur.
J'ai dit comment il fallait orienter la boulo cl la regarder.
Le sujet, après avoir fixé le globe pondant quelques ins-
tants, •— le temps varie beaucoup suivant les sensilifs, —
voit une teinlc opaline et laiteuse envahir la boule. J'ai
trouvé un sujet, dame du meilleur monde, intelligente el
instruite, qui compare cette impression à celle que font sur
l'oeil, des brouillards ou des nuages blancs qui passent rapi-
dement sur le ciel. Pour elle la teinte laiteuse serait en
mouvement. Elle se déchirerait comme une nuée ou comme
un brouillard pour laisser voir l'image hallucinatoire toute
formée. Un autre sujet, également instruit voit le brouillard
immobile d'abord, se condenser en formes grises puis peu
à peu colorées et mobiles. Ce sensitif entre tellement dans
l'hallucination qu'il lui arrive ordinairement do se croire
transporté dans le paysage qu'il voit et il a non seulement
une hallucination delà vue, mais une hallucination de toutes
les sensibilités. La plupart des autres voient l'image dans le
globe, mais croient la voir de grandeur naturelle. Ladimen-
sion de la boule n'a aucune inlluence sur la dimension ap-
parente de l'image : c'est du moins ce que j'ai presque
toujours remarqué.
Ce que je dis du «mode d'induction de l'image dans les
boules de cristal s'applique à tous les autres modes d'induc-
tion, miroir, verre d'eau, carafe, etc.
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOIUELS ET INTELLECTUELS Ï"]J
La vision a (piehpiefois pourcauscuno association d'idées
ou d'images aisément perceptible. En voici un oxemple:
je nie trouvais dans un groupe spirilc el parmi les assistants
se trouvaient divers médiums, à automatismes nettement
subconscients ou paraconscients cl présentant les caractères
du somnambulisme ordinaire. Je priai une jeune fille d'en-
viron in à iG ans de regarder dans une boule de cristal
blanc do l\ cenliinèlres do diamètre. Elle vit, presquo
sans transition des poissons rouges dans la boule, Tout lo
monde connaît les coupes sphériques ou l'on enferme des
cyprins ; il y avait justement une boule de co genre dans la
salle où nous étions. L'idée de boule transparente s'associait
naturellement à celle de poissons rouges : celle association
subconscienlc a provoqué l'image visuelle des poissons. Les
faits de co genre sonl les plus simples ; leur mécanisme
psychologique est facile à pénétrer : les associations d'images
sont presque logiques et leur caractère onirique est à peine
marqué. Dans le cas cité, l'impossibilité de placer des pois-
sons dans une boule de cristal pleine n'est pas perçue par
la conscience ; elle subit la succession des images associées
empiriquement: le globe plein d'eau où se trouvaient les
poissons ressemblant par sa forme et son aspect à la boule
de verre transparent, celle-ci a évoqué l'image de celle-là
et des poissons (pi'elle contient. Celte association est très
intelligible.
Voici un autre exemple, emprunté à des expériences
faites avec un sensilif remarquable. Ce sujel est celui chez
lequel l'hallucination se généralise. Celle personne aperçut
une gare de chemin de fer, cl vil des valises dans la salle
des bagages. Elle entra alors dans le rêve et s'imagina
qu'elle allait retirer sa valise ; elle pénétra dans la salle des
bagages, prit sa malle cl l'ouvrit. Elle contenait un cadavre
particulièrement horrible qui sauta hors de la valise cl se
plaignit amèrement d'être ainsi dérangé. 11 se précipita sur
le scnsilifqui prit aussitôt la fuite, poursuivi parle cadavre:
MAXWELL. ia
I78 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
après une poursuite acharnée, le scnsitif se lança dans une
roulo qui traversait un parc. Co parc en réalité est situé à
plus do mille Kilomètres do la gare où elle croyait avoir vu
les valises. Celle distance disparut dans la vision. Le ca-
davre prit une route symétrique : ces deux routes se rejoi-
gnaient au milieu d'un coteau et le scnsitif s'aperçut (pie
son perséculeu-' arrivaitsur lut à fond de train ; il tomba ctle
cadavre s'arrêta el se baissa pour lo frapper. Lo visionnaire
lui donna alors un violent coup de pied dans le ventre, et
l'élendit sur le sol. L'hallucination cessa brusquement alors
el lo scnsitif se retrouva dans sa chambre, en face de son
cristal. La vision avait eu une telle intensité qu'il était en-
core ému de sa frayeur et haletant de sa course.
Celte hallucination esl de nature onirique et rappelle
certains délires. J'ai interrogé avec soin le scnsitif pour
essayer de reconstituer les éléments psychologiques de ses
hallucinations et, pour celle-ci, puisque je la raconte,
j'indiquerai los résultats de mon enquête :
i° Le scnsitif a eu souvent l'occasion de voir des cada-
vres. Il n'en a pas peur: il n'éprouve pas do répugnance
même à les loucher ;
3° Il a beaucoup voyagé, mais n'a aucun souvenir d'une
relation quelconque entre sa valise cl des cadavres, sauf les
associations que peuvent évoquer les histoires du genre de
l'alfaire Cou Ile ;
3" La poursuite a eu lieu dans un site déterminé,
connu du scnsitif, qui avait, justement là, fait un jour
une course avec un de ses amis dans des conditions rap-
pelant celles de l'hallucination, notamment le choix par
chacun des coureurs d'une roule différente : les deux
routes étant d'ailleurs symétriques et se réunissant comme
dans la vision;
/i° Il n'est pas tombé, et n'a aucun souvenir conscient
pouvant expliquer sir lutte avec le cadavre.
Celte hallucination curieuse nous montre un mélange
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOUIELS ET INTELLECTUELS "ï'70'
d'images vraies et d'images fantastiques, celles-ci composées
toutefois d'éléments réels. La durée do celle hallucination
si remplie d'événements parait avoir été très courte. C'est
un caractère quo l'on constate dans le rêve. On voit dans lo
récit (pie j'ai fait la trace d'associations bizarres, les unes
explicables, les autres non. L'idée do gare ot de valises
s'enchaînent. — Celle do cadavre dans une valise est déjà
anormale, mais compréhensible, lo sujet étant assez au cou-
rant de la littérature criminelle contemporaine pour être
informé de l'a liai rc (ioullé. Lo saut du cadavre hors delà
valise, la fuite du sujet et sa poursuite par le cadavre sont
des associations anormales. La première csl difficilement
explicable. La fuite cl la poursuite s'expliquent mieux : la
première do ces idées évoquant naturellement la seconde.
L'idée do poursuite éveille l'idée de course, celle-ci éveille
l'idée du paysage dans lequel lo scnsitif a réellement fait uno
course, et malgré son illogisme cetle association est accep-
tée, bien que la gare où la scène commence soil à plus de
i ooo kilomètres du parc où la poursuite a lieu.
Toutes ces associations portent l'empreinte caractéristique
du rêve.
IL — La vision de fails passés et oubliés présente uno
apparence différente. En voici un exemple : le scnsitif dans
la conversation fut prié de chauler une chansonnette de Dol-
mcl. Il ne put se rappeler deux vers d'un des couplets, et
dut les passer. J'eus alors la curiosité d'improviser une ex-
périence cl je priai le scnsitif de regarder dans une boiiledo
cristal. Les deux vers oubliés furent lus par lui dans lo
globe. On s'explique encore très bien les faits de ce genre
ils sont très nombreux dans la littérature spéciale ~» par

l'action de la conscience impersonnelle ou subliminale. Le'
souvenir oublié par la conscience personnelle existe dans la
conscience générale et celle-ci a besoin d'une mise en scène
pour transmettre son message à la conscience personnelle ;
de là l'activité sensorielle automatique visuelle, et la lecture
l8o LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
des mois oubliés qui paraissent imprimés. Je n'insisterai
pas sur les faits de co genre qui sont bien connus,
III. — La troisième catégorie des visions comprend la per-
ception des faits passés que le sujet affirme avoir toujours
ignorés. Il est bien évident quo ces faits peuvent, dans lo
plus grand nombre des cas, rentrer dans la catégorie précé-
dente cl n'être quo des souvenirs oubliés. J'ai toutefois lieu
de penser qu'il n'en est pas toujours ainsi et qu'il existe un
certain nombre de cas dans lesquels la connaissance du
passé parait acquise d'une manière supranormale. Co n'est
là qu'une impression que jo lire de la réalité des fails de
prévision observés par moi.
Comme exemple des fails que je décris présentement, je
citerai les suivants :
Un scnsitif regardait un jour dans une boule do cristal :
il vit loul à coup les lettres suivantes « Salon de i885 » et
vit défiler sous ses yeux une série de tableaux, annoncés par
leur litre. Les tableaux ainsi vus par lui ont bien réelle-
ment figuré au salon do 1880. Le sujet n'a certainement pas
eu une connaissance personnelle du Salon de1885, il était
trop jeune à cette époque, mais rien n'est plus facile que de
lire des descriptions des Salons anciens ou de so procurer
des reproductions des tableaux y ayant été expose s. Le sujet,
dont je n'ai pas lieu do suspecter la bonne foi, affirme n'avoir
aucun souvenir conscient d'une lecture de ce genre. Il croit
n'avoir jamais rien vu ou lu concernant le Salon do i885,
mais il se borne à affirmer l'inexistence d'un souvenir con-
scient. 11 est possible cependant, il le rc onnaît, qu'il ait
parcouru un ancien catalogue ou un article de critique sans
se le rappeler.
Les faits de ce genre ne sont jamais probants, car il est
très difficile de savoir exactement si le scnsitif n'a jamais
eu connaissance du fait qui émerge dans la vision. Je cite
le '"as ci-dessus raconté à litre d'exemple et sans me pro-
: jiiccr sur sa signification.
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOHIELS ET INTELLECTUELS l8l
IV. — Je n'ai pas eu l'occasion d'observer d'hallucina^
(ion induite représentant uno scôno so passant réellement,
En tous cas, jo n'ai jamais pu lo constater d'uno manière
satisfaisante.
V. Les faits do prémonition sont au contraire relative-

ment nombreux en ce sens quo j'ai observé quelques-uns
d'entre eux et que j'ai obtenu do première main lo récit do
certains autres.
Voici les cas les plus intéressants :
J'avais donné uno boule do cristal à M. X..., homme
honorable qui s'intéresse beaucoup aux rechercher, psy-
chiques. Al""' X... a la faculté de voir dans lo cristal, mais
jo n'ai jamais eu l'occasion de l'interroger sur ses visions.
Lo fait que son mari m'a raconté concerne une dame qui
est caissière dans un des grands restaurants de Bordeaux.
M. X..., qui déjeunait quelquefois dans ce restaurant,
montra un jour la boule de cristal à celte dame : celle-ci
regarda dans le globe et y vil la figure d'un petit chien. Co
chien lui était absolument inconnu et la vision ne parut
avoir aucun intérêt.
Quelque temps après, M. X... revint déjeuner au restau-
rant. La caissière l'interpella et lui dit qu'elle était très
étonnée. On venait do lui faire cadeau d'un petit chien pareil
à celui qu'elle avait vu dans le cristal.
Une autre dame aurait eu certaines visions dans le miroir;
ces visions se forment sur la glace de son armoire : celle-ci
est placée en face d'une fenêtre et satisfait en partie aux
conditions que j'ai indiquées plus haut. Lo récit qui m'a
été fait de ces visions m'a été confirmé par la dame elle-
même.
Elle vit une fois un homme assis sur le trottoir d'une rue
déterminée ; cet homme portait au front une blessure d'une
forme également déterminée : un lambeau de peau était
arraché et retombait sur l'oeil. L'homme avait entre autres
détails de costume, un sac enroulé autour du cou : sur ce
l8a LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

sac étaient imprimés deux initiales V. L. La dame se vit


dans sa vision aborder le blessé, le conduire à l'hôpilul et
l'y faire panser.
Le lendemain, clic sortit dans la matinée, elle rencontra
le blessé à l'endroit où clic l'avait vu la vcillc et sa vision se
réalisa intégralement, jusqu'au détail du sac autour du cou
cl dcslcllrcs qui y étaient imprimées.
Une autre fois, celle dame aperçut, toujours dans les
mêmes conditions, c'est-à-dire dans la glace de son armoire,
une de ses amies mariée à un fonctionnaire qui réside à
l'étranger, où il est consul d'une puissance voisine do la
Franco. Celle dame, dans la vision, paraissait remonter le
cours de Tourny à Bordeaux, à l'endroit où celle belle
voie débouche dans le square (iambella. Les détails du cos-
tume de cette dame furent notés par l'observatrice : c'était
un léger tnantelcl, une blouse écossaise avec un galon d'or
brodé autour du cou.
Deux ou trois jours après, la pcrcipicnlc se trouvait eu
tramway. Au moment où la voilure arrivait à la jonction du
cours de Tourny cl du square (iambella, elle aperçut son
amie dans les conditions exactes de la vision antérieure.
Voici un dernier exemple encore plus significatif que les
précédents, car la vision m'a été racontée huit jours avant
que l'événement se réalisât et j'en ai fait moi-même le récit
à diverses personnes avant cette réalisation. Un scnsitif
aperçut dans, un globe de cristal la seèno suivante : un
grand steamer, ayant un pavillon à trois bandes horizon-
tales, noire, blanche cl rouge, et portant le nom Leulsch-
land, naviguait en pleine mer ; le bateau fut soudain entouré
de fumée ; des marins, des passagers el des gens en uni-
forme coururent en grand nombre sur le pont et il vit le
bateau sombrer.
Huit jours après, les journaux annonçaient l'accident du
Deutschland, dont une chaudière éclata, obligeant ce paque-
bot à faire relâche, jo crois. Celle vision est très curieuse
PIIÉXOMÎINES PSYCUOSENSOIUELS ET INTELLECTUELS l83:
cl comme les détails m'en ont été donnés avant l'accident,
jo l'analyserai avec quelque soin.
En premier lieu une chose frappe : c'est que la prémo-
nition ne s'est pas exactement accomplie. Le Deulschland
a bien éprouvé un accident, il a du être cnlouré de vapeur,
l'équipage et les passagers ont dû courir effrayés sur le pont,
mais heureusement ce magnifique paquebot n'a pas sombré.
D'autre part, le scnsitif a lu Leulschland et non Deulschland,
mais ce détail n'a pas grande importance, le mot étranger
ayant pu être mal lu. Enfin, uno chose digne de remarque
c'est l'absence complète d'intérêt que celte vision pouvait
présenter au scnsitif qui n'a aucune relation avec l'Alle-
magne et ignorait, au moins consciemment, l'existence de
ce bateau, bien qu'il en ait certainement eu des images
sous les yeux. Il ne faut pas évidemment attacher trop d'im-
portance à celle prévision, mais ce scnsitif m'en a donné
quelques autres exemples curieux : ces cas rapprochés de
ceux que j'ai observés par ailleurs ou dont j'ai eu lo récit
de première main rendent très improbable l'hypothèse d'une
coïncidence sans cependant l'exclure d'une manière absolue.
Tels qu'ils sont, ces faits sont assez intéressants, il me
semble, pour que l'observation systématique des phéno-
mènes visuels quo je signale soit entreprise par des gens
compétents et avec des sensilifs véritables, non avec des
hystériques qui donnent rarement do bonnes observations.
Je terminerai ce paragraphe en signalant une vision qui
s'est reproduite déjà deux ou trois fois depuis quelques
semaines. C'est encore la vision d'un accident en mer et
j'espère quo la prévision no s'accomplira pas plus complè-
tement que cello do l'accident du iJeutschland. Je ne nom-
merai ni le bateau ni la Compagnie à laquelle il appartient,
mais j'ai confidentiellement écrit sur carte postale lo nom
du paquebot à deux do mes amis, gens d'une grande noto-
riété el d'une honorabilité reconnue. Lo scnsitif voit un
grand steamer dans les mers d'Australie, avec le flanc lar-
l8/| LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

gcnicnt ouvert. Il a été sans doute abordé par un autre


paquebot qu'il voit auprès du navire abordé. Les canols des
vaisseaux sont mis à l'eau, passagers cl marins s'y jettent.
Le commandant du paquebot entr'ouvert reste sur sa pas-
serelle et s'enfonce avec lo bateau. La mer est houleuse.
Cette vision à la dalc où j'écris (G avril if)o3) ne s'est pas
encore réalisée et j'ai heureusement assez de familiarité avec
les phénomènes psychiques pour avoir de bonnes raisons
d'espérer que celle prémonition ne se vérifiera pas. Je le
souhaite en tous cas vivement.
Les faits de prémonition que j'ai observés ou contrôlés
et dont je viens d'indiquer quelques exemples ne sauraient
raisonnablement, il me semble, être de pures coïncidences.
J'ai déjà dit que celle hypothèse, sans être inadmissible,
n'était pas sullisanle. Songez à l'immense proportion des
probabilités qui s'accumulent en faveur de la réalité d'un
fait dès qui: les détails s'accumulent eux-mêmes. Les visions
relatives à la dame étrangère et au blessé sont instructives
à ce point de vue, élanl donné le grand nombre des cir-
constances vues à l'avance : localité exacte, détails cxacls
de la blessure, du costume, clc. Il est fâcheux que ces fails
n'aient pas élé observés dans de bonnes conditions. Celui
du Deutschhuid est beaucoup moins démonstratifà cause de
l'inexactitude de l'issue prévue.
Si l'on rapproche ces fails de ceux qui ont élé déjà enre-
gistrés par la Sociétés des recherches psychiques, on arrive
à une conclusion qui confirme la simple impression quo
mes propres observations ont fait naître dans mon esprit.
Quelle peut être la cause de ces prévisions ? Quelle signi-
fication onl-cllcs à l'égard de la réalité du temps ? Pourquoi
ces visions s'adressenl-cllcs à des gens qui n'ont souvent
aucune espèce d'intérêt à les avoir i* Autant de (f estions
que je pose sans me permettre d'en indiquer la solution.
Il faut observer avec le plus grand soin les fails qui se pré-
sentent, les accumuler en aussi grand nombre que possible,
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOlUELS ET INTELLECTUELS l85,
et avant de raisonner sur leurs causes être d'abord bien
certains de leur réalité.
J\! indiqué plus haut l'analogie de la plupart de ces
visions avec le rêve : j'en signalerai en dernier lieu une der-
nière, qui n'est peut-être pas la moins intéressante. C'est
que ces visions s'oublient rapidement. Il faut obtenir des
sensilifs observés qu'ils écrivent immédiatement leurs
visions : dans la plupart des cas, une rapide amnésie en
brouille les détails cl les fait disparaître. Ces visions réa-
gissent donc sur la mémoire connue les soiigcs.
VI.
— Certaines visions sont d'un caractère douteux. En
voici des exemples : un scnsitif a vu à plusieurs reprises
dans le cristal une longue procession de personnages vêtus
de blanc qui entrent dans uno ?orle de crypte ayant l'appa-
rence de l'entrée d'un tunnel. La vision ne présente aucune
incohérence, mais ne parait avo'r aucune signification, soit
comme souvenir évoqué inconsciemment, soit comme
imago subconscicnlc symbolique comportant une interpré-
tation.
Enfin, je vais raconter une dernière vision qui intéressera.'
sans doute plus particulièrement les occultistes. J'opérais
avec un scnsitifqui ignorait, je crois, leurs théories el celles
des spirites cl n'avait aucune notion sur les larves et les
formes (pic leur prêle la littérature spéciale des sciences
occultes. Or, lo scnsitif eut à deux reprises la vision d'un
arbre qui était isolé dans une forêt. La terre semblait blan-
che, l'arbre lui-même était blanc cl paraissait couvert de
poires blanches suspendues aux branches. Dans sa vision,
le scnsitif s'approcha et constata que les poires étaient en
réalité des bêles à l'apparence hideuse, blanches ; c'étaient,
comme des tètes sans corps, se terminant en queues allon-
gées. Ces êlrcs étaient suspendus aux branches par la queue.
Celle vision me parait être purement imaginaire, mais jo
l'ai coulée parce que les curieuses formes décrites concor-
dent avec co qui est, je crois, l'aspect prêté aux larves par
l8fi LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
les écrivains occultistes. Je ne puis évidemment pas, je dois
le dire pour être exact, affirmer l'ignorance absolue du
scnsitif en matière de littérature mystique, mais j'ai les
plus sérieuses raisons do l'admettre. Eaul-il simplement voir
une association morphologique cuire les différentes formes
dos larves, des larmes brodées sur les appareils funéraires
et des poires ! Celle explication serait possible au cas où le
scnsitif connaissait la signification du mot larve et la forme
prêtée à ces êtres fabuleux.
J'abrège le récil de ces observations et je me borne à
résumer la conclusion à laquelle je suis arrivé: c'est quo
les automatismes sensoriels cl spécialement les hallucina-
tions de la vue ont les caractères du rêve : même affaiblis-
sement du pouvoir de contrôle de la volonté et du jugement
sur la sélection des images, sur leur cohérence, sur leur
vraisemblance, même amnésie rapide. Ce sont là des
traits caractéristiques qu'on observe dans lous les cas où le
sentiment delà personnalité s'allhibljl. On le constate aussi
bien dans les hallucinations purement imaginaires quo
dans celles qui paraissent avoir un fondement réel. Celte
constatation me paraît avoir une grande importance, car
elle permet de penser que l'une des conditions de la per-
ception Iransccudaulalc des fails présents, passés ou incir
futurs csl la disparition de l'activité volontaire cl person-
nelle de la conscience. Moins aple, à agir activement elle
serait mieux disposée à être passivement impressionnée par
des influences indéterminables encore; la transmission à la
conscience normale de ces impressions perçues par la con-
science impersonnelle parait se faire de la même manière
que dans lo rêve, c'est-à-dire par une dramatisation, une
mise en scène, un tableau qui exprime l'idée d'une manière
concrète cl symbolique.
Je rapprocherai donc de ces automatismes sensoriels le
rêve et la télépathie. J'ai eu l'occasion d'entendre raconter
des rêves prémonitoires survenus à des personnes d'une
PHÉNOMÈNES PSYCIIOSENSOlUELi ET INTELLECTUELS 187
bonne foi parfaite et je vais en donner deux exemples quo
des magistrats m'ont contés. Le premier concerne un haut
magistrat. Il avait vendu une coupe de bois à un prix assez
avantageux, mais le marché n'était pas définitif et devait
être conclu dans une entrevue fixée cnlrc lo propriétaire et
l'acquéreur. La veille du jour où le magistrat devait aller à
lu campagne, sa femme rêva qu'elle assistait à la visite du
marchand de bois : celui-ci offrait un prix inférieur au prix
convenu primitivement cl entourait son manque de bonne
loi do tontes sortes de périphrases, essayant do prouver que
le marché restait excellent pour le propriétaire. Il se tourna

eu finissant vers iM,,,c X... qui assistait à l'entrevue cl lui


dit : jN'csl-cc pas, Madame, quo ce sont là de belles paroles?
Mmï X... raconta le rêve à son mari en lui disant que lo
marché ne se réaliserait pas. Son rêve s'accomplit exacte-
ment et la phrase entendue en rêve fut dite parle marchand.
Je liens le récit du magistrat lui-même, homme émincnl
el l'un des plus brillants esprits que j'aie connus.
Le second rêve est peut-être plus curieux encore et je le
tiens d'un de mes collègues, homme calme, positif, n'ayant
aucune espèce de tendance au mysticisme cl s'occupant, à
ses heures do loisir, de chasse plutôt que de métaphysique.
C'est d'ailleurs un magistral expérimenté cl il occupe de
liantes fonctions dans une Cour du centre de la France. A
l'époque où il fit le rêve que je vois raconter, il était juge
d'instruction dans une petite ville près de laquelle se trouvent
d'importantes usines, il était intimement lié avec un grand
industriel cl avait l'habitude daller le voir presque tous les
jours. H connaissait le personnel de l'usine el notamment
un contremaître, originaire du Nord, qui, après de longues
années de bons services, désira rentrer dans son pays et
quitta son patron, dans les meilleurs termes d'ailleurs.
Quelques mois après, mon collègue rêva qu'il faisait sa
promenade habituelle cl sa visite à son ami : qu'il apercevait
le contremaître et manifestait sa surprise de le voir ; que co
lS8 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
dernier lui répondait: « Oui, Monsieur, c'est moi. Je n'ai
pas trouvé de travail au pays et, ma foi, je suis revenu ici. »
Mon collègue n'attacha aucune importance à ce rêve; le
lendemain, il alla, selon sa coutume, voir son ami et trouva
dans la fabrique le conlrcmallre qu'il avait vu en songe. H
échangea avec lui à peu près les mêmes propos que dans
son rêve.
Les fails de ce genre sont très nombreux. Ils peuvent
n'être que de simples coïncidences, mais, comme pour les
automatismes sensoriels déjà décrits, jo ne puism'empêcher
de penserque la coïncidence n'explique pas tout. Les détails
concordants sont souvent si nombreux que les probabilités
sont, dans une proportion extrêmement grande, contre le
pur hasard. lUchcl a étudié avec soin cette question des
probabilités et je n'ai pas à la discuter. J'indique mon im-
pression, persuadé que tous ceux qui étudieront sans parti
pris ces faits constateront comme moi que le hasard
n'explique pas tout.
Les deux rêves que j'ai pris pour exemple nous offrent
des cas de télépathie, c'est-à-dire d'impression perçue d'une
manière que les sens ordinaires n'expliquent pas. La télé-
pathie a été étudiée avec soin par Myci Gurncy cl Pod-
.
morc, Sidgwick, Ermacora, et il n'est pas permis de discuter
celle question si l'on n'a pas étudié l'oeuvre de ces savants.
Elle mo parait établie d'une manière définitive, mais je n'ai
pas d'exemple personnel à citer. J'ai cependant entendu un
très grand nonibredc récils fails parles personnes qui avaient
éprouvé l'impression lélépathiquc. Le nombre des faits de
ce genre est très considérable et je connais une quantité de
gens qui ont eu des hallucinations véridiques, pendant leur
sommeil ou à l'étal de veille. En voici des exemples em-
pruntés au cercle de mes parents ou de mes amis.
Un de mes grands oncles avait épousé à la Martinique une
femme de couleur. Celle dame, d'une très grande honora-
bilité, fut victime du préjugé tenace des familles blanches
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOIUELS ET INTELLECTUELS I 8Q '
eréolcscl le mariage do mon grand oncle fut mal vu de sa
famille. Il quitta Saint-Pierre cl vint habiter llordcaux. Sa
femme fut altcinlc d'aliénation mentale ; clic avait des accès
de fureur dangereux, mais l'union entre mon grand oncle
et sa femme élail trop étroite cl leur alfcclion réciproque
trop vive pour que mon parent consentît a se séparer de sa
femme et à la faire soigner dans une maison de santé. Il fut
victime de son dévouement, sa femme le tua dans un accès
de fièvre chaude. Une de mes grandes tantes habitant Paris,
soeur du mort, fut éveillée au milieu de la nuit par la voix
de son frère qui l'appelait. Celte hallucination coïncidait
avec la mort de mon grand oncle.
Une amie intime de ma mère, créole habitant llordcaiix,
avait assislé à rembarquementd'une famille de la Martinique
qui rentrait à Saint-Pierre. Quelque temps après elle vil eu
songe un navire qui sombrait; la poupe du vaisseau s'éleva
au-dessus des Ilots et ctlo put y lire lo nom du bateau ; c'était
celui sur lequel ses amis s'étaient embarqués. Ce navire s'est
perdu corps et biens.
Voici encore un fait intéressant, dans lequel: i° un sen-
timent d'anxiété, de cause inconnue à la personnalité con-
sciente, correspond avec la maladie grave d'une proche
parente; a0 l'hallucination lélépalhiquc prémonitoire d'un
appel téléphonique précéda de a heures et demie l'appel
réel. Ce fait m'est communiqué par un de mes amis, homme
d'une culture el d'une intelligence supérieures :
« Voici très, 1res exactement la relation du fait (pic je vous
ai signalé.
« Jo me couchai le soir du 17 octobre 1901, un peu
troublé et angoissé par une cause non définie, étant en par-
fait état de santé. Ce trouble persista et mon sommeil fut
hanté de cauchemars douloureux.
« A t\ heures et demie très exactement, je me réveillai
en sursaut, ayant nettement perçu lo son do la sonnerie de
mon téléphone. Je courus à l'appareil et répondis à l'appel.
100 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
L'opérateur de nuit me répondit qu'il n'avait pas attaqué
mon domicile et qu'il no se passait rien d'anormal. J'avais
donc été sous le coup d'une hallucination provoquée par une
hantise spéciale.
(( A 7 heures du malin, la sonnette retentit do nouveau et
je fus mis en communication téléphonique avec mon beau-
frère résidant à tliarril/,. 11 m'apprit que ma soeur, Mmc V...,
avait été, la nuit, frappée de congestion cérébrale cl me signa-
lait son état très grave. »
'fous ces faits peuvent être considérés comme des
coïncidences: seules, leur élude attentive, leur analyse
approfondie et leur comparaison réfléchie peuvent faire
soupçonner (pic le hasard n'est pour rien dans leur pro-
duction.
J'assimilerai à ces cas de télépathie les faits d'extériori-
sation de la sensibilité cl de vision à distance. J'ai peu étudié
ces faits, qui ne rentrent pas dans le cadre habituel de mes
recherches; il m'est quelquefois arrivé de les observer dans
des conditions qui, je le reconnais toutefois, ne sont pas
satisfaisantes pour moi. Mes observations, pour incom-
plètes qu'elles soient, tendent cependant à me faire penser
que le phénomène décrit par de Hochas sous le nom d'exté-
riorisation do la sensibilité est réel. J'ai rencontré deux
sujets qui l'ont présente d'une façon assez nclïc à l'état de
veille. J'ai élé amené à faire l'expérience suivante avec l'un
d'eux, sonsilive remarquable. Dès qu'elle arrivait dans la
salle des séances et qu'elle ôtait son manteau, je m'emparais
de ce vêlement et en pinçais la doublure. La sensitive
accusait une sensation, assez faible d'ailleurs, dans la partie
du corps que recouvrait le vêlement. La première fois que
j'ai essayé celle expérience, le sujet n'était pas prévenu et
fut fort surpris de la sensation qu'il éprouvait. Inutile d'a-
jouter que je prenais mes précautions pour que cette dame
ne remarquât pas la partie de la doublure que je pinçais. J'ai
constaté que celle sensibilité' particulière disparaissait très
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOniELS ET INTELLECTUELS 191
rapidement; au bout de quarante ou cinquante secondes,
clic n'existait plus.
J'ai prié une dame, amie du sujet, d'essayer la môme
expérience avec des vêlements en contact plus intime avec
le corps, notamment avec le corset. La sensibilité serait plus
grande.
Je crois que l'observation de ce fait, que je n'indique
qu'avec réserve, no l'ayant pas soumis à une étude suivie,
est plus facile qu'on ne pense en employant la méthode que
j'indique, c'est-à-dire en pinçant ou piquant un vêtement
que le sujet vient d'ôler.
J'ai eu l'occasion de constater également ce phénomène
dans les conditions techniques indiquées par celui qui Ta
découvert, le colonel de Rochas. Peu de sujets le présentent
nettement cl il m'a semblé qu'il était nécessaire de pousser
te sommeil artificiel assez loin. Cette expression peut paraître
bien démodée à ceux qui ont fréquenté nos savantes cliniques
neurologiques ; je ne puis cependant m'empêcher do penser
qu'il existe une différence réelle enlrc les différents soninam-
hulismcs que l'on peut observer. Je parle d'une différence
de degré. Il m'a semblé que l'action répétée des passes, une
lois le sujet endormi, déterminailun étal particulier, signalé
par les anciens magnétiseurs cl exposé en détail par de
Hochas, dans lequel le sujet paraît perdre la notion de sa
personnalité cl être sous la dépendance étroite de son « ma-
gnétiseur ». J'ai peu expérimenté dans cet ordre de recher-
ches cl je ne puis me permettre de donner que des indications
sans pouvoir afiirmer personnellement une conviction ; mais
les expériences peu nombreuses que j'ai faites me portent à
croire (pie do Hochas a parfaitement raison de décrire dos
états superficiels et profonds. Je ne suis pas convaincu que
le passage des uns aux autres se fasse avec la régularité quo
mon éminent ami aurait observée, mais le fait signalé par
lui est, il me semble, vrai d'une manière générale. Je vais
appuyer mon opinion d'un exemple.
103 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
J'ai déjà parlé do Mmc Agullana, sujet très sensible. Ceux
qui n'ont assisté qu'à ses séances ordinaires ne sauraient se
rendre compte des facultés curieuses que présente celle
dame. Un manipulateur un peu expérimenté peut obtenir
d'elle, à condition d'opérer avec tranquillité cl.en petit
comité, des phénomènes très intéressants dans le domaine
de ce (pie l'on appelle le magnétisme animal. J'eus l'occa-
sion de me trouver un soir chez clic avec M. 11... Nous
attendions un instituteur, médium dont on m'avait raconté
des merveilles. Cet instituteur, que des préjugés particuliers
retiennent, ne vint pas, mais, en l'attendant, j'endormis
Mw* Agullana et je voulus faire voir à M. 13..., qui
no
paraissait pas les connaître, les clfels du sommeil profond.
Je prolongeai mes passes, faites longiludiiialcnicnl, du front
à l'épigaslrc, pendant plus de vingt-cinq minutes. Je
demandai de temps en temps à M'"e A..., toutes les 7 ou 8
minutes, comment clic s'appelait. Elle me disait son nom.
Vint enfin un moment où clic parut ne plus s'en souvenir et
avoir perdu la conscience de sa personnalité. Je fis quelques
passes encore et fis remarquer à M. IL., que si Mm0 A...
paraissait avoir de l'ancslbésic cutanée, clic semblait perce-
voir les piqûres à deux ou trois centimètres au delà de la
peau. Les passes furent continuées encore pondant assez
longtemps, un quart d'heure environ; à ce moment,
M""' A... parut présenter les deux particularités suivantes:
r Sa sensibilité semblait localisée derrière elle, à environ
un mètre en arrière d'elle cl à soixante centimètres au-dessus
du niveau de sa tête. Elle tressaillait quand, précaution prise
pour qu'elle ne s'en aperçût pas, on pinçait l'air à l'endroit
ci-dessus indiqué. 2" Seules les personnes en rapport avec
elles, — dans le sens donné à co mol par de Hochas,

pouvaient l'impressionner; lo contact el le pincement des
autres personnes 11'dlaicnl pas perçus. Ces deux particula-
rités n'ont pas été observées par moi dans des conditions
assez précises pour que je puisse, je le répèle, ullirmcr que
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOIUELS ET INTELLECTUELS IQ.H

mon observation est bonne; mais je les indique, car elles


m'ont paru probables : puis les phénomènes se développè-
rent: M"1* Agullana prétendait être hors de la maison. Je lui
dis alors d'aller voir ce que faisait un de mes amis, M. B...,
bien connu d'elle. Il étail io\ao du soir. Le médium, à
notre grande surprise, nous dit qu'elle voyait « M. 11... à
demi déshabillé, se promener pieds nus sur de la pierre »,
Cela ne nous parut avoir aucun sens. Cependant j'eus l'oc-
casion de voir mon ami le lendemain. Bien qu'il soit très
au courant des phénomènes du spiritisme, M. B.,. se montra
fort étonné el me dit textuellement: « Hier soir, je n'étais
pas bien : un de mes amis, M. S..., qui habile chez moi,
me conseilla d'essayer la méthode Kncippct me pressa avec
tant d'insistance, que pour lui donner satisfaction j'essayai
pour la première fois hier soir do me promener nu-pieds
sur la pierre froide. J'étais en elfctà demi déshabillé quand
j'ai fait ce premier essai; il était ioh,ao cl je me suis pro-
mené quelque temps sur les premières marches de l'escalier
qui est en pierre. »
Peut-être est-ce encore une coïncidence; mais ce fait
qui a eu divers témoins, en présente do bien étranges
toutefois. L'heure, le costume, l'opération insolite, sont des
circonstances trop spéciales pour que le simple hasard suf-
fise, il me semble, aies expliquer. J'ai cité ce cas, parce qu'il
a élé observé par moi, et qu'il montre une variété des plié*
nomènes do télépathie ; c'est co quo les anciens magné*
liseurs appelaient la lucidité, la clairvoyance, ou plus
exactement la vision à distance. Il me paraît être un déve-
loppement des fails signalés par de Hochas : les choses so
passent comme si la sensibilité loul entière était extério-
risée à des distances variables. C'est la lélesthésie, phéno-
mène analogue dans le domaine sensilivo-sensoriel à la
télékinésie motrice.
Les expérimentateurs qui seraient désireux, de contrôler
ces faits ne devront pas oublier: i° qu'il faut un sujet sou-
MASWKI.L. I3
ip/l LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

vent magnétisé—je ne dis pas hypnotisé; — a0 qu'il faut


pousser lo sommeil très loin, et continuer les passes plus
d'une demi-heure après quo le somnambulisme s'est déclaré.
Ce temps se réduit pour les sujets très entraînés.
H serait d'ailleurs facile do multiplier les exemples de ce
genre, particulièrement ceux des cas de télépathie bien
observés.
Les publications de la Société des recherches psychiques,
de Londres, le livre de Flammarion sur L'inconnu cl les
problèmes psychiques, les Annales des Sciences psychiques
de Dariox en contiennent un grand nombre. On trouvera
toujours ce symbolisme, celle mise en scène que j'ai indi-
qués comme les procédés ordinaires par lesquels la con-
science générale transmet ses informations à la conscience
personnelle. Ces faits me paraissent rendre très probable
l'assimilation (pic je fais des automatismes sensoriels entre
eux, rêve, télépathie, vision dans le cristal. Ces phéno-
mènes sont du même ordre et ont vraisemblablement pour
siège les mêmes strates de la conscience. Ils paraissent
étrangers à la conscience personnelle ordinaire.
Je n'essaierai pas d'en rechercher la cause : je dois redire
encore ce que j'ai déjà souvent répété, la question est
encore trop peu connue pour que l'on puisse utilement
aborder l'élude de la cause appareille des faits psychiques
examinés dans le présent chapitre. Il faut multiplier les
observations, constater l'existence indiscutable des fails,
.avant de tenter de les interpréter.

$ 2. — AUTOMATISME MOTEUH.

Les observations (pie je viens d'exposer sont relatives à


des fails survenant dans le domaine de la sensibilité; les
centres moteurs n'échappent pas à l'automatisme et l'on
peut constater loulc une série d'automatismes moteurs sim-
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOIUELS ET INTELLECTUELS IQ5
pies ou mixtes. Je les diviserai pour plus de clarté en quatre
classes :
i° Automatisme musculaire simple. Typlologic. Plan-
chettes alphabétiques diverses. Onija, etc.
2° Automatisme musculaire graphique. Ecriture cl des-
sins automatiques. Planchettes, corbeilles, guéridons,
boule à manches.
3° Automatisme phonétique. Discours automatiques.
f\° Automatismes mixtes. Incarnations.
Je ferai tout d'abord remarquer que le mol automatisme
(pie j'emprunte à la terminologie de Mycrs n'est pas tout à
fait exacl. On ne peut parler d'automatisme en effet que
lorsque l'on est en présence d'actes mécaniques, excluant
l'intervention de toulc volonté. En réalité il n'en est pas
ainsi ; ces actes, qui semblent automatiques si l'on envisage
uniquement l'intervention de la conscience personnelle,
sont en réalité déterminés par une conscience quelconque,
parasitaire ou non et olfrent tous les caractères des actes
volontaires. Ces réserves faites, je continuerai, faute de
mieux, à me servir du mot consacré par l'usage.
I. AUTOMATISME MUSCULAHUÎ SIMPLE. — Je désigne ainsi
les actes qui ne demandent aucune association de mouve-
ments compliqués comme l'exigent les mouvements de
l'écriture ou du langage. Le moyen le plus simple de pro-
voquer cet automatisme est le procédé spiritc ordinaire do la
typlologic.
Les assistants se groupent autour d'une table el appuient;
légèrement les mains sur le plalcau. Au bout d'un temps
plus ou moins long la tablo frémit, oscille, s'agite, tourne
quelquefois, mois le plus souvent lève un de ses pieds et
frappe des coups sur le plancher. On convient de signaux
pour oui, non, douteux (trois, deux cl quatre coups par
exemple): on convient encore de la manière do désigner
les lettres de l'alphabet, soit quo la lable frappe autant de
coups que le rang de la lettre le comporte, 1 pour A,
JQG LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

9 pour B, 10 pour 0, 20 pour T, etc., soit qu'ello no


frappe qu'un coup lorsquo la lettro choisio apparaît au
cours do la récitation do l'olphabol.
Je rango co phénomèno dans les aulomatismos parco quo
presque toujours il me parait dû à dos mouvements invo-
lontaires et inconscients. Jo n'aime pas co genre d'expé-
riences, car il mo paraît très peu probant. Gasparin et après
lui Chevreul en ont donné l'interprétation oxacto.
Il no prend un certain intérêt que lorsque lo contenu des
communications obtenues révèle des faits on apparence
inconnus des expérimentateurs. Lo phénomèno n'est plus
explicable par uno action automatique pure : les mouve-
ments musculaires sont déterminés par la conscience
impersonnelle des assistants ou du médium et deviennent lo
mode do transmission des messages que celle-ci adresse à
la conscienco personnelle. Ou conçoit enfin, quo si, ce
que j'ai dit do la parakinésie est exact comme j'ai lieu do lo
croire, los mouvements de la tablo peuvent être quelque-
fois parakinéliques. J'ai assisté à beaucoup de séances de
typlologic, mais jo n'ai jamais constaté do faits intéressants
sauf celui que j'ai déjà raconté relatif à Toulon la Pipe.
Quand les expériences so font dans les conditions que jo
juge indispensables, je prends soin de no pas encourager
les manifestations typlologiques.
11 exisle d'autres moyons d'induire raùtomatismo mus-

culaire simple. Les meilleurs sont des instruments du


genre du psychographo. Les lettres de l'alphabet, les chif-
fres, les mots ouï, NON, JE NE SAIS PAS, sont inscrits sur un
cadran au contre duquel est placé une aiguille. Les dépla-
cements do l'index indiquent les lettres comme le fait
Taiguillo du cadran d'un télégraphe Bréguet. On fabrique
de ces cadrans de différentes dimensions et en différentes
substances. Il vaut mieux cependant les construire de la
manière suivante: on prend une planche carrée de bois
blanc non résineux, do cinquante à soixante centimètres
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOlUELS ET INTELLECTUELS JQJ
do côté. On y traco une circonférence do 90 centimètres do
diamètro et on inscrit autour les lettres do l'alphobot, les
chiffres, les mots oui, non, je ne sais pas et toutes autres
indications. On placoau contre du cerclo un pivot d'os ou
d'ivoire, axe autour duquel so mouvra l'aiguille. On fabri-
que colle-ci en bois, et on lui donne assez d'épaisseur et do
solidité pour que les mains puissent s'appuyer sur elle, 11
n'est pas nécessaire de donner uno 1res grande mobilité à
l'aiguille si on doit y appuyer les mains : dans co cas il
suffit do la percer d'un trou par lequel passera le pivot
d'ivoiro.
Los cadrans en métal ne sont pas à recommander. On
trouvo tous les instruments de co genre : à Paris, chez
Loymario; à Londres, Office of Light, 110 S* Martin's
lano, W. C.
J'ai entendu dira quo l'aiguille pouvait so mouvoir toute
sculo, mais jo n'ai jamais constaté co fait. Si l'on voulait
essayer d'obtenir ces mouvements sans contact il convien-
drait do donner à l'aiguille uno suspension plus parfaite :
on y arrive on la soutenant sur de petites roulettes mobiles
en toits sens commo celles dont sont munies les planchettes
à écriture automatique.
J'ai très rarement expérimenté avec des psychographes,
pour les raisons qui m'ont fait écarter la typlologic.
J'en dirai autant d'un autre genre d'appareil: le ouija
fabriqué on Angleterre et dont le nom est composé des
mots oui et ja, l'un ot l'autre équivalents français et alle-
mand do yes, oui. C'est une plancho sur laquelle sont
inscrites les lettres do l'alphabet et diverses autres mon-
tions. Une petite planchette mobilo montée sur trois ou
quatre pieds se placo sur la première ; les assistants posent
la main sur la planchette mobile qui vient marquer avec
un pied la lettre ou le chiffre qui convient. Go procédé est
fastidieux.
Il oxistc d'autres moyens encore d'induire l'automatisme
I08 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
musculairo, J'indiquerai, par exemple, lo procédé si ancien
do divination par l'anneau. On suspond une boguo ou
métal, ou mieux un anneau d'ivoiro à un fil dp soie, un
cheveu, un fil léger quelconque. Ou prend lo bout du fil ou
du cheveu dans los doigts el l'on lient ainsi l'anneau sus-
pendu au eentro d'un petit cercle do 10 à 19 centimètres
de diamètre sur la face interne duquel sont inscrites les
lettres do l'alphabet.
Au bout d'un certain temps l'anneau so balance et vient
frapper les lettres do l'alphabet construisant quelquefois
ainsi des mots. En plaçant l'anneau dans un verre on
obtient des coups frappés sur lo verre. Jo n'ai employé
qu'une fois ou deux co procédé qui no m'a paru présenter
qu'un intérêt médiocre. C'est lo pendule explorateur de
Ghovroul.
IL EcniTURE AUTOMATIQUE. — L'écriture automatique
est un des phénomènes les plus intéressants et jo n'ai pas
besoin do rappoler les études importantes quo Myers,
Hodgson, Uyslop, Sidgwick et d'aulrcs y ont consacrées.
J'ai eu l'occasion do fairo des observations d'un très grand
intérêt, mais les limites do ce livre no me permettent pas
d'en donner le compte rendu détaillé. L'examen très com-
plot quo j'ai fait d'un cas, assez fruste d'ailleurs, d'écriture
automatique m'a clairement révélé lo jeu des souvenirs
inconscients do l'écrivain.
Les procédés qui permettent d'obtenir l'écriture automa-
tique sont très nombreux. On peut fairo écrire un guéridon
en attachant un crayon à l'un do ses pieds ; on fait écrire
un chapeau, uno corbeille, un tamis en fixant un crayon à
ces objets. Mais il exislo des procédés plus perfectionnés ;
voici les meilleurs.
D'abord la planchette : instrument en forme de planchette
ovale, montée sur trois roulettes d'ivoiro très mobiles et
portant à l'une de ses extrémités uno petite monture en
cuivro où l'on peut insérer un crayon, qu'on fixe avec uno
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOIUELS ET INTELLECTUELS IQ9
vis. Avec la planchette doux ou trois porsonnes peuvent
écrire en même temps.
Un autre inoyon„égalomont bon, est lo suivant. Ou fixo
deux, trois ou qualro manches dons une grosso boulo on
hois, do 10 centimètres do diamètro onviron, selon le
nombre do personnes qui veulent essayer d'obtenir ensemble
l'écriluro automatique. On fixe un crayon dans un trou
foré dans cette boulo, dont ebaquo expérimentateur lient
un manche. On place uno feuille do papier sous le crayon
el celui-ci so meut fréquemment en écrivant des mots et
des phrases.
Enfin lo procédé do choix est d'écrire naturellement sans
aucun instrument. Lo médium s'installe comme il on a
l'habitude ot attend.
Il est rare, quel que soit lo procédé employé, quo l'écri-
ture automatique se manifeste d'emblée. Généralement uno
ou plusieurs séances so passent en griffonnages illisibles,
en la confection de bâtons, de zigzags, on répétitions indé-
finies de la môme lettre. Il ne faut pas so décourager, il
faut au contraire continuer à expérimenter pondant un cer-
tain temps avant do so persuader de l'impossibilité du
succès, Quo l'on essaie d'obtenir l'écriture collective ou
l'écriture ordinaire, il ost bon de consacrer chaque jour
dix ou quinze minutes, toujours à la même heure, à, ces
essais. Lo phénomèno est très long à évoluer et des gens
qui ont obtenu do très curieux résultats avec l'écriture auto-
matique ont mis dos mois à développer chez eux cette
faculté.
Comme jo l'ai dit, j'ai surtout dirigé mos oxpérionecs
vers l'observation des mouvements sans contact : j'ai donc
peu cherché à obtenir avec mes sujets l'écriture automa-
tique. La plupart des cas qui so sont présentés à mon obser-
vation offrent peu d'intérêt si on les compare aux curieuses
hallucinations visuelles que j'ai racontées tout à l'heure.
J'en excepterai un quo je suis entrain d'étudier, actuel-
900 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
lement et qui mo l'oit concevoir quelques espérances,
lo sujet ayant écrit on anglais, longue qu'il no connaît pas,
j'en suis certain. Go médium, commo beaucoup do ceux
quo j'ai rencontrés, se prêle mal aux expériences et n'a pas
oncoro consenti à s'entraîner réguliôrer H M à l'écriture
automatique. Puissé-jo réussir à l'y décider.
Malgré le peu d'intérêt relatif quo mes observations pré-
sentent, jo vais donner quelques oxemples des résultats
auxquels jo suis arrivé. Joies donnerai à litre d'indication
seulomenl, car jo lo répète, aucun des faits observés par
moi, n'a présenté jusqu'ici un intérêt véritable, sauf celui
quo j'ai pu analyser cl qui n'a rien do Iransccndantal.
J'ai, notammont, souvont ossayé d'écrire avec la plan-
chette. J'ai facilement obtenu des mots ot des phrases cohé-
rentes, mais d'une banalité désolante. L'écriture a été
obtonuo par moi seul ou avec d'autres personnos ; soûl je
l'obtiens do la main droite commo do la main gaucho.
Gollc-ci ne me donne pas toujours l'écriture renversée (en
miroir, spiogelschrifi) ; avec la planchette, elle produit
mémo plutôt l'écriture ordinaire do gauche à droite. Un
trait à noter do l'écriluro avec la planchette, c'est la disso-
ciation des éléments graphiques qu'on y constate, Los lettres
sonl assez grandes, on général, variant d'un demi à deux et
môme trois centimètres. C'est surtout dans les grandes
lettres quo la dissociation signalée est curieuse Los carac-
tères graphiques de mon écriture no sont pas altérés.
J'ajouterai que cetto manifestation no présente pas beau-
coup d'intérêt, car j'ai parfaitement conscience do co quo
j'écris seul, et quand j'écris avec uno autro personne, le
mouvement do la planchette m'indique les lettros qui se
forment.
Avec la boule à manches dont j'ai donné la description,
il m'est arrivé d'observer un fait plus curieux. J'expéri-
montais avec uno dame et son mari, gens d'une grande
honorabilité. Celle damo est d'ailleurs un médium dont
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOniELS ET INTELLECTUELS 90 J
los facultés dépassent la moyenne. L'écriture annonça
pour lo lendemain l'arrivéo d'uno lettre do Ilondaye. La
lettre arriva en elfot ; mais pour nie démontrer lo caractère
prémonitoire de co fait, jo n'ai quo l'affirmation do mus
cooxpérimontateurs : c'est insuffisant pour établir d'une
manière certaine, la réalité do la prévision. Aussi no donné*
je ce fait quo comme spécimen do ceux quo l'on peut
obtenir avec l'écriture automatique.
L'écriture ordinaire a élé très souvont observée par moi,
mois jo n'ai jamais constaté do fait vraiment paranormal.
J'ai, comme jo l'ai dil, étudié un cas d'écrituro semi-aulo-
matiquo, dont j'ai pu analyser complètement los caractères
psychologiques. L'écrivain était co quo les spirites appel-
lent un médium intuitif, c'est-à-dire ayant conscience déco
qu'il écrit. Il était Agé do 35 ans, ne s'était jamais adonné
antérieurement aux pratiques du spiritisme, bien qu'il en
connut la littérature, notamment les livres d'Allan Kardec.
Au moment où le phénomène s'est manifesté chez lui, il
était cérébralement surmené, ayant travaillé avec excès, Il
passait pour instruit et intelligent, et occupait une situation
importante. Pas do tares nerveusos apparentes : sauté
bonne, sauf des céphalées fréquentes. Jon'ai pas pu étudier
ses réflexes ni procéder à son examen somatique,
lia commencé à écrire aveo la plancholto : il éprouvait
la sensation d'être guidé, mais avait la connaissanco des
mots qu'il écrivait ot do ceux qu'il allait écrire. Il y avait
donc un commencement do dissociation entre les images
moniales proprement dites et leur action motrice. C'est un
fait à noter, car il me parait avoir uno signification inté-
ressante en co sens qu'il démontrerait quo l'imago idéo-
motrico n'est pas simple, mais que ses éléments sont com-
plexes, quo notamment les éléments purement idéaux ot
les éléments moteurs peuvent se dissocier. Dans l'exemple
cité, lo sujet avait la conscience complète dos idées qui se
formaient dans sa conscience ou qui s'y présentaient. Il
909 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
n'avait au conlrairo qu'uno conscienco incomplète des mou-
vements quo sa main opérait. La porcoption stéréognoslique
et lo sens musculaire étaient intacts, soulo la conscience de
foriginodu mouvement accompli était obnubilée: l'affaiblis-
seinonl do eotlo conscience so traduisait par l'impression
quo la main suivait une impulsion étrangère ; il n'y avait
donc, dans la conscience personnelle, quo la sphère do la
motricité volontaire qui commençât à êtro atteinte.
Los premières manifestations de l'écriture pseudo-auto-
matique, prétendirent émaner d'un paronl mort. Co parent
se montra disposé à communiquer les faits connus du sujet,
mais manifesta pou d'empressement à salisfairo aux ques-
tions dont la conscienco do l'écrivain no pouvait donner la
réponse Invitée à justifier son identité, la personnalité so
montra incapablo do donner la moindre prouve.
Sur ces entrefaites, lo sujet essaya l'écriture ordinaire et
l'obtint. Elle présenta les mômes caractères quo l'écriture
avec la planchette. Au parent défunt, s'adjoignit -bientôt
une personnification nouvelle qui n'était rien moins qu'un
mahatma de l'Inde. Vérification faite, le sujet lisait les oeu-
vres do Mmo Blavatsky ot do M. Sinnett, notamment lo livre
déco dernier aOccull World ». Les communications étaient
signées Hynialadar. Ce mahatma n'avait rien de transcen-
danlal et fut prodigue do promosscs. Il déclara être prêt
à entreprendre l'éducation ésotériquo du sujet, qui cul
la naïveté do, se soumettre aux conseils du mahatma. Ce
dernier devait lo transporter astralement dans l'Inde,
précipiter dos lettres, etc. Les promesses no furent jamais
tenues.
D'autres personnes se manifesteront; lo sujet essaya d'ob-
tenir quelques justifications. Il n'en obtint aucune. En
revanche, sur les thèmes généraux, les personnifications se
montraient verbeuses, et faisaient preuve d'une vivo imagi-
nation. Voici quelques spécimens de leur stylo et do leurs
idées,
PHÉNOMÈNES PSVf.UOSEXSOlUELS ET INTELLECTUELS »oft
Sur un livre mystique, un guide signant Memnon, s'ex-
primo ainsi:
«... t\o vous laissez pas séduire par los descriptions qu'il
Uni : elles s'appliquent à tous ceux qui, dans n'importe
quelle religion, se vouent à la vio contomplativo, qui est
assurément un bien, maisqu'ilfaulconquéiïrpar lapalionco
il l'clfort après avoir rempli los devoirs qui sont.communs
à tout homme né(?) de l'oeuvro do chair. L'abstoulion do
l'impérieux devoir do la procréation peut el réellement

il le fait
— favoriser les facultés de projection do l'Ame et
rend l'exlaso plus aiséo, mais c'est uno choso condamnable
ot un dévoloppomenl artificiol quo d'arriver à cetto vie con-
tomplativo,. sans avoir fondé uno famille conformément à
la loi imprescriptible do la nature Do là lo vice originel
de toutes les communautés religieuses qui froissent les vues
do la création et dont il suffit do généraliser les doctrines
pour en découvrir immédiatement la fausseté, L'homme a
des devoirs physiques comme il en a do moraux : il est
composé d'un corps ot d'uno êmo ; il est coupable-lorsqu'il
subordonne entièrement l'un do ses composants à l'autre.
Les sens n'ont pas plus le droit do commander au corps
que l'àmo seule n'a celui de faire souffrir lo corps dans ses
fonctions physiques. La suppression do toute fonction natu-
relle est criminelle et tous les ordres religieux lo font. Là
csl leur erreur capitale. Il appartient à celui qui a élové des
enfants et satisfait à l'évolution physique do so retirer dans
la vio contemplative lorsque lo corps, usé par la vieillesse,
a fini son rôlo actif ici-bas. La préparation n'est utile
qu'alors. »
Lo crayon parait avoir été prolixe toutes les fois qu'il
s'agit d'idées générales et de lieux communs, Chaque fois
que l'écrivain lo presse sur un point déterminé, il so dérobe
au contraire. On s'en rond d'autant mieux compte quo'
les demandes sont écrites aussi bien que los réponses. Il y
a des conversations amusantes ; l'esprit y jouo un rôle aiilro
JUKI LES PHENOMENES PSYCHIQUES

que celui d'interlocuteur. Por oxomplo jo lis lo dialogue


suivant :
/). — Mo voyez-vous ?
/?, — Oui, mais MAL, nous no voyons pas clairement le
M.vTÉniEL ; il nous faut un apprentissage ossez long et nous
no travaillons avec la matière quo depuis peu do temps.
I). — V a-t-il longtemps quo vous avez quitté notre
plan ?
/?. — Il y a huit ans.
D. — Qui donc êles-vous ?
Il — M. A...
0. — Et?
/?.
— Et Manio Beaupuyat.
D. — Vous m'avez connu ?
R. — Oui, je suis un do vos amis do collège.
D. — Où ?
rt. — AN...
D, — Quel collège?
/?. —.Collègedo Z.
D. — Voulez-vous écrire encore votre nom ?
/?. — Maurice B, (ici un nom do rue).
D. — Jo no mo rappollo pas vous avoir connu mon ami.
Remarquez que vous mo donnez deux noms différents.
Beaupuyat et B. ''

/?. — Au PAHADIS on oublie bien des détails (sic).


D. — 0 ambassadeur étrange ! Vous venez me voir sans
lettres de créances I
/?. — Adieu.
D. — Bonsoir.
L'excuse subconsciento do la contradiction relevée ne
manque pas d'humour. ;
En voici un autre exemple : ,
D. —Est-ce vous mes guides?
/?.
— Nous sommes toujours prêts à vous aider, tou-
jours.
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOJUELS ET INTELLECTUELS UOÏ)

I). — Vous montrerez-vous à moi?


/?. — Devez-vous nous demander quoique choso sans
nous donner d'abord dos gages ?

/). — Est-coX... c|iii m'influonco?


R. — Oui.
D, — Mais il est mort ?
Il — Oui.
/). — Mais vous mo défendez d'évoquer los morts ?
R. — Nous sommes dos esprits do morts.
I). — Mais vous vous êtes dils Mahatmas?
/?.
— Nous sommes des mahalmas, mais les mahatmas
no sont pas vivants.
I). — Encore un tour de mon subliminal ?
R. — Oui, votre subliminal est la volonté,
D. — Oui c'ost vrai, mais la volonté est surtout supra-
liminalo.
R. — Vous avez raison,
D, — Pourquoi toujours vous moquer do moi !
R. — Nous le faisons pour étro agréables à notro SEI-
GNEUR.
D. — C'est dur. Je suis do bonne foi et votre seigneur,
s'il est justo, sera sévôro pour vos farcos.
/?, — Oui, il nous donnera lo fouet.
D. — Je n'aime pas ces plaisanteries, laissez-moi.
R. — Toujours... (illisible).
D. — Quoi ?
R. — Magicien.
/). — Suis-jc magicien ?
/?. — Oui.
D. — Je no m'en doutais pas.
R. — Faites toujours votre bien el vous serez heureux.
I). —'Le bonheur n'est pas si facile à obtenir.
R.
— Adieu.
D. — Qui ôtes-vous?
aoO LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
R. — Un ami.
Cola n'a pas lo sons commun. J'ai cité ces trois oxomples
pour montrer l'analogie croissante quo l'on y trouve avec
lo délire onirique 11 est à peino visible dons la première
citation. Tout est cohérent ot logique, la forme est même
élégante. Mais, vérification faite, les idées qui y sont expri-
mées ont leurs sources dans des souvenirs subconscients;
on les trouvera dans Spirit leachings, lligher aspects n/'
spiritualism, Occult World et lùoteric Ruddhism.
La seconde citation révèle des associalionsnellemont oni-
riques. Lo nom Beaupuyat n'éveille aucun souvenir ; un
nom do ruo ayant à peu près la mémo assonance, y est
alors substitué : il y a là uno association illogique, formée
par des éléments phonétiques. L'explication do la contra-
diction entre les noms donnés successivement est très illo-
gique, mais c'est co quo les Anglais appellent « a gooil
hit ». C'est une raison do la nature do celles que nous
avons coutume do nous donner dans lo rêve.
La troisième citation nous montre un degré d'incohé-
renco plus marqué encore. Les premières réponses sont des
essais do conciliation do contradictions impossibles à faire
disparaître : co sont des affirmations qui ne sont guère que
l'écho des questions posées. Jo no me rends pas compte
du lien associatif entre subliminal et volonté : mais l'émer-
genco do l'idée de volonté donne lieu à un phénomène
curieux, l'évolution d'une association parasitaire d'idées
rappelant le phénomène psychologique que A. Pick décrit
sous lo nom do « Vorbeidenhen ». On a les stades non
exprimés, de volonté à volonté do Dieu, mots souvent asso-
ciés dans lo langage religieux : foire la volonlé de Dieu, être
agréablo à Dieu. La réponse incohérente qui consiste à dire
que les mahalmas se moquent du sujet pour être agréables
à Dieu, est donc la dernière série d'une chaîne d'associn-
tionslatentes : ce dernier terme est seul exprimé. De même
l'idée incongrue d'êtres qui se disent des esprits et des sages
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOIUELS ET INTELLECTUELS UO'J

et qui déclarent devoir être fouettés, est lo résultat d une


association évidonlo ontro l'idéo d'êtro sévère, consoiom-
mont oxpriméo ot l'idéo do sévérité, châtiment, fouet, los
lormos moyons restant latents. L'analyso psychologiquo
nous révèle donc des processus mentaux connus cl classés,
Kilo nous montre quo lo caractère onirique des messages
subsconscionts no dilfèro pas do celui qu'on observo dons
les opérations mentales do la conscience dès quo l'activité
personnelle et volontaire do celle-ci s'affaiblit ot cède pro-
gressivement la place à l'idéalion spontanée. Les trois
exemples quo j'ai choisis montrent bien, il mo semble, cet
affaiblissement progressif, el l'accentuation correspondante
des caractères oniriques dans les messages obtenus. Lo cas
quo j'ai examiné est à la limite des faits paranormaux ;
mais, le lecteur curieux pourra so reporter aux volumi-
neuses analyses des cas transcondantaux quo donnent les
Proceedings of the Society for.psychical Research (résumé
dans le bon livre de Sage : M0* Piper et la Société anglo-
américaine des Recherches psychiques) pour constater l'exac-
titude do ma conclusion, et voir quo les processus mentaux
dans les cas simples, comme dans les cas los plus complexes,
sont identiques.
Je reviens à l'histoire du cas observé par moi. L'obsti-
nation décos personnalités, mémo les plus bienveillantes et
les plus morales à no jamais s'exposer à un contrôle quel-
conque, quelques mensonges qu'elles eurent l'imprudence
de laisser passer, l'esprit critique du sujet lui-même, mirent
co dernier en défiance II s'observa et lo premier résultat
do son observation des conditions dans lesquelles l'écriture
se produisait, fut de faire disparaître petilà petit la sensation
d'entraînement qu'il éprouvait: son crayon, m'a-t-il dit,
semblait suivre un aimant ; en môme lomps que cette sen-
sation s'atténuait etdisparaissait, les personnifications devin-
rent, les unes tristement susceptibles, les autres dignes et
froides, d'autres franchement insolentes ; toutes déploraient
308 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
l'incrédulité du sujet. Lo parent lui dit adieu ot no reparut
plus; Hymaladar lui-mèmoccssado s'intéressera sonchéla.
Co dernier so rendit compte bientôt do la futilité de ses
essais et l'écriture cessa complètement do présenter la
curieuse particularité qu'elle avait olferlo pendant quelques
semaines.
Co cas a été instructif parce qu'il est à la frontièro des
phénomènes conscients el inconscients. J'ai pu, grAco aux
indications claires ot complètes du sujet, reconstituer la
genèse do toutes los personnalités qui sont survenues. Celle
des parents s'explique aisément, mais Hymaladar était plus
rebelle à l'analyse. Recherches faites, il m'a paru être la
synthèse des mots Uymalaya el Damodar. L'un, qui évo-
quo tout naturellement la pensée de l'Inde : c'est lo séjour
des sages qui président d'une manière très secrète, paraît-il,
à l'évolution du mouvement théosophiquo ; lo disciple ou
lo chela de l'un d'eux fut lo gourou, le mallro do Blavatsky.
C'est Damodar. Ces idées associées, Blavatsky, Inde, Uyma-
laya, Damodar, ont amené lo mot Hymala(ya 1)amo)u7rr
dont la genèse est ainsi aisémont compréhensible,
J'observe en co moment un cas plus coniplexo cl dans
lequel des phénomènes paranormaux accompagnent l'écri-
ture automatique Le sujet, qui est en voie do développe-
ment, so prête malheureusement mal à l'observation. Il no
connaît pas l'anglais et cependant il a automatiquement
écrit certaines phrases on anglais. Il ne faut pas en conclure
que ces messages sont d'origino transcendanlalo. Ce scnsi-
tif est un esprit cultivé et a uno instruction générale supé-
rieure à la moyenne. Il est très probable qu'il a eu des
textes anglais sous les yeux et l'irruption de phrases anglai-
ses dans les messages qu'il obtient peut s'expliquer par
l'émergence de souvenirs subsconcients. Le contenu des
messages est encore vague : l'écriture est souvent difficile
à lire : aucun fait précis et susceptible d'être analysé et
contrôlé ne s'est encore indiqué. Il mo paraît inutile, en
PHÉNOMÈNES PSVCHOSBNSOIUELS ET INTELLECTUELS £00/
l'état, do donnor des exomplos do cos messagos, mois je
signalerai une particularité intéressante quo jo n'ai observée
qu'avec cosujot. C'est lacooxistonco des raps et do l'écriture
automatiquo. J'ai étudié avec lo plus grand soin ces raps ot
ils m'ont paru éclater au niveau do la pointo du crayon,
Lo phénomène se produit en plein jour ot dans d'excollentcs
conditions d'observalion. Il résulte d'un examen attontif
quo la pointe du crayon no quille pas lo papier, Los raps
so produisent mémo quand je mets lo doigt sur l'extrémité
supérieure du crayon ot quo j'en presso la pointo contro
lo papier. On sent vibrer lo crayon, mais il no so déplace
pas. Comme ces raps sont très sonores, j'ai calculé qu'il
fallait donner un coup assez fort pour les reproduire artifi-
ciellement : le mouvement nécessaire exige un soulèvement
de la pointo do a à 5 millimètres suivant l'intensité des
raps. Or, la pointe ne paraît pas so déplacer. Déplus, quand
l'écriture est courante, ces raps se succèdent avec une grande
rapidité et l'examen de l'écriture ne manifeste aucun temps
d'arrêt : lo texte est continu, aucune marque de coup n'y
est perceptible, aucun épaississement des traits ne so laisso
apercevoir. Los conditions d'observations mo paraissent
exclure la possibilité d'une fraude. J'ajouterai quo pendant
l'écriture automatique, lo bras ot la main (lu sujet sont
anesthésiés.
III. AUTOMATISMES PHONÉTIQUES ET MIXTE. — Je réunis
ces deux catégories d'automatismes parce qu'il est rare que
l'aulomalisme soit purement phonétique. Le médium fait
toujours quelques gestes appropriés au personnage qu'il
représente ot l'automalismo est compliqué : les muscles
qui règlent l'émission do la voix no sont pas seuls en acti-
vité.
Ce genre d'automatisme est très facile à observer : il fait
le fond des séances spirites ordinaires : c'est f « incarnation »
et le médium qui produit ce genre de phénomènes est dit
« médium à incarnations ».
.MAXWELL! l4
210 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Sa condition nécessaire est la. tranco ou le somnambu-
lisme. Le médium s'endort spontanément, ou est endormi
artificiellement par des passes. Au bout d'un temps plus
ou moins long et après des mouvements divers dont les
plus ordinaires mo paraissent être quelques contractions
des muscles de la face et des muscles pharyngiens, lo sujet
entre en somnambulisme et passe à l'état second. Chez
certains sujets, lo sommeil est 1res prompt. Il n'est pas rare,
dans les séances spirites, de voir deux ou trois personnes
entrer en somnambulisme à la fois. La perfection du jeu
des médiums qui personnifient des individualités diverses
est frappante lorsqu'ils ont connu les personnes qu'ils imi-
tent. L'observation en est extrêmement intéressante. Dans
les séances de spiritisme, ces personnalités représentent
naturellement toujours des esprits.
Je n\ii rien vu, dans co genre de phénomène, qui m'ait
paru digne d'être noté. Tout s'explique aisément par le jeu de
la mémoire impersonnelle et par l'imitation. Beaucoup de
fails transccndanlaux m'ont été racontés : jo n'en ai observé
personnellement aucun. J'ai très rarement d'uilleurs pro-
voqué nioi-inômo les phénomènes d'incarnation. Ils ne me
paraissent pas présenter lo môme intérêt que les phéno-
mènes physiques. Los plus intéressants que j'aio vus m'ont
élé donnés par M"'c Agullana, mais dans des séances pri-
vées. La personnalité la plus curieuse est celle d'un médecin
mort il y a 80 ou 100 ans : il n'a jamais voulu donner de
renseignements sur son identité : la raison qu'il donne, —
l'existence de sa famille dont les membres vivent dans le
midi do la Franco — pour garder l'incognito 11c mo satisfait
pas, je soupçonne qu'il lait la meilleure. Son langage médi-
cal est archaïque : 11 donne aux plantes leurs noms médici-
naux anciens ; son diagnostic, accompagné d'explications
extraordinaires, est généralement exact, mais la descrip-
tion des symptômes internes qu'il aperçoit est bien faite
pour étonner un médecin du xx° siècle. Les humeurs, le
PHENOMENES PSYCHOSENSOMELS ET INTELLECTUELS 2II
lluido, les molécules du sang y dansent une étrange sara-
bande. Pourtant mon confrère d'outre-tombe, peu loquace
d'ailleurs, garde une sérénité quo rien no peut troubler et
reconnaît avec modestie qu'il y a beaucoup de choses qu'il
ignore. Depuis dix ans que jo l'observo, il n'a pas varié et
présente une continuité logique frappante. Los personnes
*
peu au courant des caractères des personnalités secondes
peuvent aisément s'y tromper et croire à sa réalité objec-
tive. Qu'il soit co qu'il dit ou qu'il soit ce qu'il mo semble
être, cest-à-dire une personnalité seconde du médium, mon
confrère îïippolytc est un intéressant interlocuteur et l'on
ferait, avec sa conversation, un livre peu ordinaire do clinique
hypermédicale. Co n'est pas ici le lieu '3 l'étudier, car son.
examen 11c soulève quo des problèmes de psychologie pure.
Dansées phénomènes d'aulomalismc mixte, d'incarnation,
on observe le développement complet des personnifications.
Ces personnifications sont le trait commun de tous les phé-
nomènes psychiques. Les raps se prétendent faits par uno
personnalité déterminée, les mouvements paranormaux ont
la même prétention, l'écriture automatique assure en pro-
venir : l'incarnation affirme ôlre la personnalité ellc-mômo
qui s'empare du corps du médium cl le dirige à son gré.
Lo problème posé par ces personnifications est peut-
être le plus intéressant de ceux quo l'on rencontre dons lo
genre d'éludé auquel co livre est consacré. J'ai indiqué
que le caractère général do ces personnifications est do figu-
rer un être humain vivant, ou plus ordinairement mort.
Mes observations ne me portent pas a penser que celle
prétention soit exacte. Il n'entre pas dans le plan de mon
travail d'analyser les différentes hypothèses qui ont élé émi-
ses par les différentes écoles mystiques. Les occultistes y
voient des coques astrales, débris, organisés encore, du
double astral du corps quo les principes supérieurs ont
abandonné. Les théosophes ont à peu près la mémo théo-
rie et désignent sous lo nom d'élémentaires ces débris. Les
âlâ LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
spirites attribuent leurs phénomènes aux esprits des morts.
Les catholiques y voient l'intervention du diable ; la plu-
part des savants n'y voient quo fraude ou chimère. Toutes
ces opinions sont trop absolues. Il y a quelque chose, maisco
no sont pas, il me semble, des esprits, dos coques, des élé-
mentaires ou des démons. Je n'ai pas à formuler en détail
,
ma manière de voir : je n'en ai pas à proprement parler.
J'observe sans préjugé, sans parti pris et la seule indica-
tion quo je puisse donner est la suivante : dans la presque
totalité des cas étudiés par moi, j'ai cru trouver la mentalité
des assistants et du médium dans la personnification. Il y
a des cas que je n'explique pas complètement ainsi, c'est
vrai : mais l'hypothèse spiritc les explique encore moins
complètement. 11 faut chercher.
Les exemples que j'ai donnés des phénomènes intellec-
tuels montrent quo dans tous les cas dont j'ai pu faire l'ana-
lyse complète, on retrouve l'action de la conscience imper-
sonnelle. Cela s'explique naturellement puisque la conscience
personnelle et volontaire exclut par définition la coexis-
tence d'une personnalité seconde. Cependant cela n'est pas
absolument vrai. Le médium, dont j'ai déjà parlé, écrit
automatiquement en parlant d'autre chose. Il n'écrit monte
bien qu'à la condition de distraire son attention cl de ne
pas s'occuper do sa main. Dès qu'il a conscience du mou-
vement exéculé, celui-ci cesse. Les choses se passent
comme si la.eonscicncc normale perdait tout contact avec
les centres moteurs du bras et do la main. Une conscience
spéciale se développerait dans ces centres.

§ 3. — LA. PSYCHOLOGIE DE L*AUTOMATlSME.

La difficulté quo soulève l'interprétation des faits du


genre do ceux exposés ci-dessus, est considérable. Notez
que lo sujet dont je viens de parler ne parait subir aucune
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSORIELS ET INTELLECTUELS 3l3
diminution do sa personnalité normale : il cause avec faci-
lité, conserve l'intégralité do ses souvenirs personnels nor-
maux et de son intelligence. Seul, le bras et la main, celle-
ci spécialement, sont soustraits à la conscience aussi bien
dans la sphère sensilive quo dans la sphère motrice. Janct
voit dans ces faits une désagrégation psychologiquo et dans
beaucoup de cas son oxplication est vraie. Elle est inexacte
dans le cas quo je cite, car on no constate aucune diminu-
tion dans la mémoire, l'intelligence, la vivacité d'esprit du
sujet. D'ailleurs, Janct me semble n'avoir aperçu qu'une
des faces du curieux phénomène qu'on peut observer.
J'attache trop d'importance à l'établissement du point de
fait pour ne pas, avant toute analyse, le préciser au fur et
à mesure do la discussion.
La première circonstance do fait quo l'observation du cas
que j'examine révèle est celle que je viens d'indiquer : c'est
une dissociation apparente de la personnalité normale, à la
conscienco céncslhésiquc do laquelle une partie du corps est
soustraite. La seconde circonstance est la connaissance rela-
tive de l'anglais — aveu orthographe correcte sauf une foute
unique — que montre le membre en apparence autonome.
Notez que j'ai la persuasion que celle connaissance de l'an-
glais est probablement subconscienlc et quo j'ai supposé,
bien (pic cela no soit pas démontré, que l'écrivain a ou des
lexlcs anglais, contenant les phrases écrites par lui, sous les
yeux. Ces deux circonstances sont pour moi des fails obser-
vés.
H en résulte ce troisième fait, conséquence des deux pre*
miers, que la conscience qui dirige le membre soustrait à
la personnalité parait avoir des ressources plus considérables,
au point de vue do la mémoire tout ou moins, (pie la con-
science normale. S'il est exact do parler de désagrégation
apparente en ce qui concerne la personnalité normale con-
sciente, il me semble quo cctlo expression cesse de repré-
senter les fails dès qu'il est permis de constater que la cou*
911\ LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
science manifestée par l'automatisme a une étendue plus
grande que la conscience normale. Si l'on doit attacher un
sens précis au langage, — et celui de Janet est trop clair
ot trop net pour que l'on so permettre d'accuser cet élégant
et remarquable écrivain d'imprécision, — l'idéo do désa-
grégation implique la division de la conscience personnelle
en parties élémentaires, par définition moins grandes que
le tout. Ce phénomène s'observe fréquemment : l'écriture
automatique se montrant incapable de coordination logique
J'en ai donné des exemples. Quelquefois il n'y a aucune
trace de pensée proprement dite, lorsque lo médium se
borne à répéter indéfiniment la même lettre ou ne trace
que des lignes, des barres ou des ronds. Mais peut-on, je
lo répète, considérer comme une désagrégation véritable lo
cas où la main soustraite à la consciente normale paraît dis-
poser d'une masse de souvenirs plus considérable ?
Janct lui-même a vérifié le fait et en donne des exemples
dans lo livre qu'il a publié sous ce titre : Névroses et idées
fixes, vol. I. Dès lors, n'cst-il pas contradictoire de dire
(Automatisme psychologique, p. A52) : « Nos études ont eu
pour résultat do ramener les phénomènes si variés de l'aulo-
malismo à leurs conditions essentielles : la plupart dépen-
dent d'un état d'anesthésic ou do distraction. Cet état se rat-
tache au rétrécissement du champ de la conscience et co
rétrécissement lui-même est du à la faiblesse do synthèse et
à la désagrégation du composé mental en divers groupes
plus petits qu'ils ne devraient l'être normalement. Ces
divers points sont faciles à vérifier; l'état de distraction,
d'incohérence, de désagrégation en un mot des individus sug-
geslibles a élé bien souvent constaté. » Comment un groupe
plus pelit que le composé mental dont il forme une des
pallies peut-il ôlrc plus considérablo que co composé ? C'est
cependant un fait très facile à vérifier dans le domaine de
la mémoire, et quelquefois dans celui do l'intelligence. La
lltéoric de Janct n'explique qu'une partie des fails obscr-
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOHIELS ET INTELLECTUELS 2l5
vables : elle n'est que partiellement vraie. Il suffit de com-
parer la citation que je viens do faire avec ce qu'il écrit: lui-.'
mémo dans son livre Névroses et idées fixes, t. I, p. 137 :
(( Lo
souvenir n'existe, môme pendant le somnambulisme
quo si la malade ne se rend compte de rien et répond auto-
matiquement aux questions par association mécanique des
idées sans réfléchir, sans avoir la perception personnelle de
ce qu'elle fait.
«... Lo souvenir en un mot ne se manifeste qu'à l'insu
do la personne : il disparaît quand la personne doit parler
ou écrire en son propre nom en sachant elle-même co qu'elle
fait. » Pour Janet c'est le signe de la désagrégation de l'es-
prit.
Los citations que je viens do fairo précisent la pensée de
Janet et montrent bien son erreur et sa contradiction. Ce
qui so désagrège, c'est la personnalité, c'est la conscience
personnelle. Mais elle ne so résout pas en groupes plus
petits (pi'ils no devraient l'être normalement, puisque ces
groupes so montrent souvent plus compréhensifs que lo
composé mental. Il est donc illogique do les considérer
connue uno partie qui s'en serait dissociée.
J'ai eu l'occasion d'exprimer déjà ma manière do voir
dans d'autres écrits : qu'on mo permellro cependant d'in-
diquer la voie dans laquelle l'interprétation psychologique
doit s'engager pour n'être pas démentie par les fails.
La conscience personnelle n'est qu'une des modalités do
la conscience générale. L'observation clinique révèle que
dans un grand nombre de cas, il a été constaté que les sou-
venirs emmagasinés dans la conscience générale sont infi-
niment plus nombreux quo ceux dont la conscience
personnelle a la libre disposition. Mycrs a très heu-
reusement exposé les idées suivantes dans des termes
quo je traduis mot à mot (The subliminal çonsciousness,
lyroceedingsS.f Ps, Res., Vil, 3ot) : « Je propose de con-
sidérer, dit-il, le courant do conscienco dans lequel nous
2lG LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
vivons d'habitude commo n'étant pas l'unique conscience
qui soil en relation avec notre organisme. Notre conscience
habilucllo ou ompiriquo peut no résulter que d'une sélection
entre une multitude do pensées et de sensations, dont quel-
ques-unes, au moins, sont aussi conscientes quo celles
dont l'expérience nous révèle l'existence. Jo n'accorde au-
cune supériorité à ma personnalité ordinaire, sauf qu'elle
s'est montrée plus aplo à satisfaire aux besoins ordinaires de
la vie que mes autres personnalités potentielles.'Jo pense
qu'elle n'a pas d'autres litres; qu'il est possiblo que
d'au 1res pensées, d'autres sentiments, d'autres souve-
nirs, soit isolés, soil en association continue, peuvent
être actuellement conscients, comme nous le disons,
«au dedans do moi, » ordonnés d'une manière quelconque,
selon mon organisme, et former une partie do mon indi-
vidualité totale. Je conçois qu'il puisse survenir dans l'ave-
nir des conditions nouvelles qui mo permettront de tout
mo rappeler. Je pourrai réunir ces personnalités variées
dans uno conscience unique, conscience définitive et ultime
dont la conscience empirique, qui dirige aujourd'hui ma
main, peut n'être qu'un des nombreux éléments. »
Il me paraît plus près do la vérité que Janct : je no sais
si nous arriverons jamais h cette conscience uniqiro qu'il
espère, mais ce qui mo parait probable c'est quo notre con-
science personnelle n'est qu'un élément do notre conscience
générale. Celle-ci se concrète, so précise, mais s'amoindrit
en devenant personnelle. La suprématie apparente de la
conscience personnelle peut n'être qu'un olfet des circon-
stance dans lesquelles nous évoluons : si les idées de Dar-
win sont vraies, on comprend que les nécessités de la vie
aient favorisé le développement de la conscience active,
volontaire, personnelle : on peut imaginer d'autres condi-
tions —> que la vio monastique réalise quelquefois
— où
les faces actives et volontaires de la conscience générale
soient moins évoluées que ses faces réceptives et passives.
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOMELS ET INTELLECTUELS 217
Aussi, l'étude de l'hagiographie est-elle féconde oh .enseigne-
ments pour lo psychologue.
La désagrégation de Janet n'est que l'affaiblissement du
sentiment de l'activité personnelle consciente et volontaire,
de ce qucj'ai appelé le sentiment de la participation person-
nelle aux phénomènes psychologiquesintercurrents. Go n'est
pas uno désagrégation véritable c'est la disparition d'une mo-
dalité do la conscience, d'une do ses expressions limitées si
jo puis ainsi parler. Je reconnais toutefois avec Janet quo
co mode d'expression de la conscience est le fondement
nécessaire de notre activité dans la vie ordinaire el qu'il est
légitime do considérer comme des malades ceux chez les-
quels il manque normalement. Mais, lo fait même de sa
disparition a plutôt les caractères d'uno intégration que
d'une désintégration, puisque la conscience personnelle se
révèle à un examen attentif comme une limitation et uno
détermination spéciale de la conscience générale, dont elle
est en quelque sorte un démembrement. Si j'osais employer
le langage de la métaphysique, je dirais que l'activité ration-
nelle et volontaire est en réalité une désagrégation : la per-
sonnalité n'est qu'une manifestation contingente et limitée
de l'êlro ou plutôt de l'individualité. Celle-ci, pour em-
ployer l'expression d'un éminent philosophe do mes amis
serait supérieure à la raison elle-même cl d'essence irra»
lionnellc. C'est là une idée qui contient en germe toule
une philosophie. Je ne fois celle incursion dans la métaphy-
sique que pour montrer combien les théories de Janet sont
étroites ot quelles différentes conséquences entraîne une
manière do voir aussi spéciale (pic la sienne et une concep-
tion plus générale dont celle manière do voir n'est qu'un
cas particulier, ' *

Les faits d'ailleurs la condamnent. J'ai trop de considé-


ration pour l'homme distingué dont jo critique les idées
mais dont j'admire sincèrement les travaux pour ne pas
êlre convaincu qu'il n'a observé que des sujets incomplets.
ÎIl8 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Co qui le démontre à mes yeux, c'est son affirmation timide
pourtant, quo « presque toujours (je no dis pas toujours
pour no pas préjuger uno question imporlanto) ces mé-
diums sont des névropathes quand ce ne sont pas franche-
mont des hystériques ». Il est difficile de combattre une
opinion exprimée avec aillant do réserve, et je ne puis que
louer Janot de sa circonspection, car mes observations
personnelles contredisent les siennes. J'ai vu beaucoup de
de médiums : les meilleurs n'étaient pas des névropathes au
sens médical du mot. Les plus belles expériences que j'ai
faites ont élé obtenues avec des personnes no paraissant
présenter aucun des stigmates de l'hystérie. Janct no semble
avoir jusqu'ici opéré qu'avec des malades et jo no suis pas
surpris qu'il assimile les phénomènes automatiques des
médiums à ceux de ses sujets hystériques. Il sérail surpre-
nant qu'il en fût autrement. Jo n'ai pas à prendre la défense
des médiums spirites qui m'ont paru présenter un intérêt
médiocre, au moins dans les séances ordinaires, mais j'ai
le devoir do protester contre la généralité du jugement quo
porto Janct sur les phénomènes automatiques. Les faits
dignes d'être observés avec soin difièrent essentiellement
de ceux que présentent les hystériques ordinaires. Ils n'in-
diquent pas uno misère psychologique, uu contraire;
voici pourquoi :
La discussion, pour être claire, doit être divisée.
i" Les 'phénomènes observables avec de bons médiums
no sont pas ceux que l'on constate chez les hystériques.
J'ai dit quo j'avais obtenu des raps et des mouvements sans
contact dans des conditions do contrôle qui m'ont paru
convaincantes. J'ai ajouté quo j'avais obtenu par raps, ou
par coups frappés par uno table, sans contact, des mois cl
des phrases très cohérentes. Co n'est pas lo genre do fails
auxquels les sujets des hôpitaux nous ont accoutumés, Quo
dit Janot à cet égard : « Le point essentiel du spiritisme
c'est bien, croyons-nous, la désagrégation des phénomènes
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOIUELS ET INTELLECTUELS 3If)
psychologiques et la formation en dehors de la perception
personnelle d'une seconde série de pensées non rattachée à
la première. Quant aux moyens quo la seconde personna-
lité emploie pour so manifester à l'insu do la première,
mouvement des tables, écriture ou parole automatique
etc., c'est une question secondaire (sic). D'où proviennent
les bruits entendus dans les tables ou dans les murs
el répondant à des questions ? Est-ce d'un mouve-
ment des orteils, do cette contraction du tendon péro-
nicr supposée par Jobcrt de Lamballo... Est-ce d'une
contraction do l'estomac et d'uno véritablo vcnlriloquic
comme Gros-Jean le suppose ou bien d'uno autre action
physique encore inconnue P Sont-ils produits par des
mouvements automatiques du médium lui-même, ou bien
comme cela me paraît probable dans certains cas, au milieu
de l'obscurité réclamée par les spirites (1) par des actions
subconscientes de quelqu'un des assistants qui trompe les
autres et se trompe lui-même cl qui devient compère sans
lo savoir. Cela importe peu maintenant. » Je ne saurais
partager l'avis do Janet et jo trouvo au contraire que cela
importe beaucoup, Je suis sur quo tout expérimentateur
sincère et patient observera comme je l'ai fait en plein jour,
en pleine lumière et non dans l'obscurité, des bruits et des
mouvements qui ne paraîtront explicables par aucune
cause connue. Ceux qui auront constaté commo moi ces
faits ne pourront songer à les attribuer à des mouvements
inconscients et involontaires, au claquement d'un tendon,
à de la vcnlriloquic. Les cas observés par moi ne compor-
tent pas cello explication. Les choses se passent comme si
uno force quelconque était produite par le médium et les
assistants et pouvait agir en dehors des limites du corps.
Si ce fait est exact, peut-on lo considérer comme secondaire
el sans importance ? N'ouvrc-t-il pas au contraire Ma psy-
chologie future la voie de l'observation directe et de l'expé-
rimentation, si comme jo l'ai constaté celle force conserve
230 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
certaines relations avec notre conscience générale? Cela ne
fait-il pas penser à cello scnlcnco de Proclus disant des
Ames : Tpi'tvi ds «ÙTZÎÇ îîsfpeçTiv yt v.v.xx T«V tôfo.v (îîrap^iv êvlpyet»,

•/AYf-iY.r, ph u7Tzpyov*jy. TWV <pv<ï£t


itepojttvv'Tov. Les àmos ont
une troisième force inhérente à leur essence, celle de mou-
voir les choses qui par leur nature sont mises en mouve-
ment par uno énergie étrangère à elles-mêmes.
N'est-ce pas une singulière façon do raisonner que celle
do Jouet ? Il fait une réserve sur l'existence d'une « autre
aclion physique encore inconnue » mais l'oublie vile et
raisonne comme si celle action était parfaitement connue.
« Celle action quelle qu'elle soil est toujours une aclion
involontaire el inconsciente do l'un ou de l'aulro ; la parole
involontaire des intestins (!) n'est pas plus miraculeuse que
la parole involontaire de la bouche ; c'est le côté psycho-
logique du phénomène qui est le plus intéressant et qui
doit être étudié davantage. » J'ai la persuasion que ceux de
mes lecteurs, dont lo patience n'aura pas élé rcbulêo par
ma longue analyse do fails observés, no trouveront pas
acceptable la conclusion de mon distingué,confrère. Le côlé
le plus intéressant du phénomène est, il me semble, celui
qui nous révèle un modo d'action, en apparence nouveau,
de l'influx nerveux sur la matière.
a" Ces phénomènes ne sont pas l'indice d'une misère
psychologique, comme le pense Janet :
Ilaisoivnons sur les cas observés par moi après bien
d'autres. Pour suivre mon raisonnement, il faut être fami-
lieravecles travaux de Gurncy, Podtnorc, Sidgwick, Myers.
Ihirrclt, llodgson, Lodge, llyslop, du Prcl, Pcrty, llcllen-
bach, Àksakow, llichct, do Hochas. Il n'est plus possible
aujourd'hui de ne pas tenir compte de l'oeuvre de pareils
savants français ou étrangers cl de traiter uno question do la
nature de celle qui préoccupait Janet en disant simplement
commo lui « qu'il n'a pas eu l'occasion de lire la Philosophie
der Myslik » d'un homme comme du Prcl. Il aurait dû
PHÉNOMÈNES PSYCltOSENSOMELS ET INTELLECTUELS '221
lire ce livre... et bien d'autres. Il me parait établi
aujourd'hui que la conscienco impersonnelle est suscep-
tible do percevoir des impressions exactes indépendamment
des sens. Elle traduit ces impressions do diverses façons
pour les transmettre à la conscience personnelle, mais ces
traductions sont concrètes et symboliques. C'est uno hallu-
cination visuelle, auditive, tactile. La forme de ces messages
subliminaux, pour employer l'expression de Myers, est
toujours la même, que le fait transmis ainsi soit vrai ou
faux, qu'il soit uno réminiscence ou une prémonition. C'est
déjà une constatation psychologique d'une grande impor-
tance, car elle nous met sur la voie qu'il faut suivre pour
découvrir lo processus mental do co phénomèno psycholo-
gique. Mais il y a autre chose. L'hystérique qui simulera
automatiquement un ivrogne, un général, un enfant, nous
donne un spectacle bien différent do celui que nous offre
un sujet qui verra télépathiquement un événement éloigné
ou aura la prémonition d'un événement futur, ou révélera
des fails inconnus du sujet et des assistants. On en a des
milliers d'exemples et j'en ai cité quelques-uns observés ou
recueillis par moi de première main.
Esl-il possible de considérer comme une « désagrégation »
celte faculté extraordinaire ? Esl-il possiblo de ramener les
cas de ce genre aux phénomènes banaux de somnambu-
lisme et d'incarnation quo Janet a seuls observés? Il suffit de
poser la question pour que la réponse s'offre immédiatement
à l'esprit. Le mécanismo psychologique do ces faits si dis-
semblables entre eux est probablement le même, mais la
cause de l'automatisme apparent, moteur ou sensoriel, n'est
certainement pas la même, Le sujet, dont j'ai conté l'his-
toire, qui voit dans un miroir vingt-qualre heures à l'avance
des scènes qu'elle vivra exactement le lendemain, nous
présente un phénomène d'une importance considérable. Il
permet de pressentir que le temps et l'espace sonl des
formes de la conscience et de la pensée personnelles, mais
a22 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
qu'elles n'ont pas peut-être, pour la conscience imperson-
nelle, la même signification. Il démontre expérimenta-
lement, s'il est vrai quo la théorie kantienne sur la contin-
gence de ces « catégories » nécessaires do toute perception
consciente el personnelle est exacte.
Jo sais bien d'ailleurs ce que l'on mo répondra. J'ai mal
observé : et ceux qui ont affirmé avant moi los mômes faits
so sont également trompés. Cela simplifie la discussion.
L'histoire do la science nous offre maint exemple do la
manière dont on accueille les faits qui contredisent les
idées reçues. liant (Traiïme cines Geislersehers, I, i), a dit
il y a plus do cent ans : « Dos methodischo Gcschwalz der
hohen Schulen ist oftmals nur ein Einvcrslundniss durcli
vcriinderliche Wortbcdeutungen eino schvver zu losenden
Krngc auszuwcichcn, wcil das bequente und mohrcnthcils
vcrnunftigc « Ich wciss nicht », auf Akadcmicn niclil
lcichtlichgchorlwird. » (Le babillage méthodique des hautes
écoles n'est souvent qu'une entento pour esquiver, par des
mots d'acception variable, une question difficile à résoudre,
car on n'entend pas facilement dans les académies ces mots
commodes et ordinairement intelligents «Jonc sais pas »).
La discussion de Janet m'a rappelé la phrase do Kanl.
Son expression « misère psychologique » est un do ces
mots à doublo entente, vrai si l'on ne considère qu'une
partie des faits et qu'un aspect du phénomène, celui qui
concerne la conscience personnelle ; inexact si l'on étudie
les faits dans leur totalité et le phénomène qu'ils révèlent
dans sa généralité. L'être qui serait capable do percevoir à
distance, dans l'espace et dans lo temps, aurait des facultés
supérieures à la normale ; ce ne serait pas l'être inférieur
qu'imagine Janet.
Une observation attentive et patiente lui montrera, j'en
suis sur, la réalilê des faits que je signale : qu'il n'en nie pas
la possibilité sans s'être placé dans les conditions requises
pour les observer.
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOMELS ET INTELLECTUELS 223
Il appartient d'ailleurs à l'avenir de décider la question :
je n'ai pas do doute sur lo sens de son verdict.
Que l'on mo permette encore une incursion sur le
terrain scientifique ; il est nécessaire de répondre aux
objections qui sont faites, de bonne foi sans doute, mais
par des savants mal ou incomplètement informés. Le
Pr Grasset, homme pour le talent et la sincérité duquel j'ai
le plus grand respect, vient de publier dans lo dernier
volume de ses Leçons de clinique médicale (t. IV, 1903,
p. 37/1) uno longue leçon sur Le spiritisme et la science. Il
débute par déclarer qu'il prendra Janot pour guide parce
(pie ses idées lumineuses « sont et rcslcnt pour lui la seule
hase scientifique actuelle do toutes ces questions ». On
croit rêver en lisant cela cl c'est cependant imprimé. Grasset
va donc prendre pour guide Janet qui n'a rien vu. Cela
fait songer à la fable do La Fontaine, mais cetle fois c'est
l'aveugle qui grimpera sur le paralytique. De sorte quo
Grasset va traiter un sujet aussi grave, aussi fécond en con-
séquences imprévues et nouvelles, sans avoir consulté ceux
qui ont décrit les phénomènes qu'il va étudier I 11 en cite
cependant! C'est Jules Pois, Papus, Péladan, M'" de
Thèbcs et Léo Taxil ; le lecteur informé peut prévoir l'ar-
gumentation facile du professeur. Qu'il permette à un
écrivain indépendant, qui l'admire beaucoup et très sincè-
rement, do lui dire quo son devoir de maître était de no
pas donner des idées aussi incomplètes à ses élèves. Il
commet d'abord uno erreur préliminaire qui montre com-
bien il est peu ou courant de la question. Parlant des phé-
nomènes de hantise, il classe leurs explications on Irois
groupes ; In sceptique, qui n'y voit quo jonglerie; la mys-
tique qui admet révocation des morts, des anges ou des
démons, et la spirilo, acceptant des émanations extériorisées
de force, « qui deviennent pour elle l'objet d'une vraie
science spéciale ». Or, les spirites, s'ils admettent l'exis-
tence do ce qu'ils appellent lo Jluide, attribuent aux esprits
2»4 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
dos morts tous les phénomènes soi-disont oceultos, C'est
la caractéristique de leur doctrine, c'ost co caractère qui
sort mémo à la désigner et non pascolui qu'indique Gras-
sot. Il oublio en outro qu'il y a des gens, qui sans parti pris
so demandent si tant do récits concordants sont faux et s'il
n'y a pas quoique chose à on retenir, Jo signalo l'orreur et
l'omission du savant professeur pour montrer simplement
combien il est mal informé.
Sa clinique porte, je le répète, sur un fait do hantise.
Tout homme un peu au courant do la question verra que les
fails sont incomplètement observés ot que, d'après lo récit
qu'en donno Grasset, la suporchorio parait établie. S'il
avait lu do Hochas, Extériorisation de la motricité, il aurait
pu comparer son cas avec celui quo j'ai donné à mon émi-
nent ami ; l'observation de de Rochas — la maison hantée
d'Objat — est très détaillée et donno lo récit des témoins
oculaires des mouvements qui se sont produits sous leurs
yeux. Mais pour Grasset, do Rochas est sans doute un auteur
moins rccommandablo quo Léo Taxil ou lo sarPéladan.
Jo fais grâce au lecteur do la théorie du polygone que
Grasset oxposo dans sa leçon ; c'est uno ingénieuse hypo-
thèse sur l'action réciproque des centres nerveux supé-
rieurs et inférieurs : mais co n'est qu'une hypothèse. Il y a
cependant quelque savour, pour l'humoriste, a voir l'émi-
nent professeur do Montpellier so défendre contre l'accusa-
tion infamante do mysticismo que Wundt porte contre les
partisans de la théorie du double psychisme et justifier son
centre 0 des insinuations malveillantes dont il a été l'objet.
Serait-on toujours le mystique do quoiqu'un ?
Pour résumer les idées do Grasset, je me bornerai à dire
qu'il distingue dans les centres corticaux :
i° Les centres supérieurs, lo contre 0, présidant à l'intel-
lectualité supérieure, « à la volonté libre et responsable, à la
conscience entière ; c'est le centre aperceplionnel, Apper-
ceptionscentrum de Wundt»;
PHÉNOMÈNES PSYCIIOSENSOIUELS ET INTELLECTUELS 225
9° Los autres polygonaux présidant aux octos automa-
tiques supérieurs ou psychismo inférieur. « Go sont les
contres do la conscionco subliminale do Myers » (qu'il 110
cito quo d'après Mangin),
Jo rolèvo là encore uno erreur do citation. Myers dit
expressément (Uuman Personalily, I, ip/i): & Ibavochoson
Ibis point in my argument for a brief analysis of tho intol-
ligonco involvcd in tho vasomotor clfects of suggestion,
just becauso \vo oro now going on lo suggestions moro
dircclly olfecting ccnlral faculty and in which, as l bave
said, highesl-level centres bogin to bo involvcd,.. » ot page 7/1 :
« automalicsciipt, for instance, may roprcscnt htghestlovel
subliminal centres, cvon whon 110 cxlraneous spirit but tho
oulomatist's own mind, isalonoconcerned. Itwillthongive
us... messages of high moral import surpassing tho auto-
niatist's conscious powers. » Jo traduis ces mots: a Je choisis
co point do ma discussion pour analyser sommairomont
l'intelligence impliquée dans les effets vaso-moteurs de la
suggestion parce quo nous allons arriver à des suggestions
affectant directement les facultés centrales et dans lesquelles,
commo jo l'ai dit, los centres los plus élevés commencent
à être on jeu. » « L'écriture automatique peut repré-
...
senter los centres subliminoux les plus élevés, même lors-
que aucun esprit autre que celui do l'écrivain n'ontro en
activité. Elle nous donnera alors des messages d'uno haute
valeur morale surpassant co que peuvent donner les facultés
conscientes do l'automatisto. » Myers établit entre los
contres conscients et les contres subliminaux la même
hiérarchie, qu'il emprunte à Ilugblings Jackson : il se
garde bien do limiter aux centres psychiques inférieurs
l'activité subliminale, J'espère que mos citations démon-
treront à M. Grasset lui-même qu'il a mal interprété los
idées do Myers. Voy. aussi Procecdings, Vil, 3oC, etc.
Telle est la conception do Grasset; elle donne la
conscienco entière aux centres supérieurs, et n'accorde
MAXWELL. I5
226 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

quo lo psychisme inférieur aux centres polygonaux ou


inférieurs.
Ce quo j'ai déjà dit montre combien jo suis éloigné
d'admettre dans ces termes les idées do Grasset qui sont
cependant 1res justes à certains points do vue. Pour moi,
commo pour Myers d'ailleurs, la conscience volontairo et
personnelle, loin d'être la conscience entière n'en esl qu'uno
partie spécialisée.
J'abordo la partie la plus intéressante do l'oeuvre do
Grasset: c'est l'application aux phénomènes, qu'il appelle
spirites, do ses théories personnelles.
Il raconte ses expériences avec des tables tournantes :
elles sont faites avec contact et ne signifient absolument
rien, commo je l'ai dit, au point do vue lélèhinélique, car
quelquefois l'analyse interno des messages lyptologiqucs
peut avoir un grand intérêt, si des événements inconnus aux
assistants sont indiqués. C'est une question do fait à établir :
mais dans ce cas, lo problème est reculé. Si co sont bien les
mouvements des assistants qui font remuer lo meuble,
pourquoi leurs mouvements combinent-ils des réponses
logiques, exactes et témoignant d'uno information supé-
rieure à la leur? Co côté de la question a échappé complè-
tement à Chovrcul commo à Janet.
Il en est do même du pendule explorateur et de la
baguette divinatoire. Grasset cite Janot « qui so demande si
l'usage de la baguette no persiste pas encore quelque port
(sic) ». Encore ce manque d'informations exactes. Rarrolt,
professeur do physique expérimentale au Collège royal des
sciences pour l'Irlande, a publié dans les Proccedings of
the Society for Psychical Research (t. XIII, p. 2-282;
t. XV, p. i3o-3i5) un long rapport sur co sujet qu'il a
étudié en homme compétent et sincère, 11 reconnaît lo
caractère probablement automatique des mouvements de la
baguette — dont l'usage est très répandu on Fronce, en
Angleterre et ailleurs — mais ajoute que ses expériences le
PHENOMENES PSYCHOSENSÙIUELS ET INTELLECTUELS 227
porlont à ponsor (t. XIII, p. 255) « qu'il parait y avoir des
preuves (pic l'art du chercheur do sources est en connexion
avec la coticho la plus profonde do notro personnalité, fait
dont nous trouvons des indications dans d'autres parties
do nos Proceedings: celle dernière circonstance semblo
fournir un nouvel et frappant oxomplo quo dos informations
obtenues par des moyens automatiques sont souvent plus
sures quo celles dues à l'observation consciente et à l'infé-
renco : qu'elles sont inaccessibles à colles-ci ». Je no trouve
trace du rapport do llarrolt dans lo livre do Grosset,
pas
qui s'en lient à uno théorio vieillie et indéfendable aujour-
d'hui, si l'on lient compte des faits — co qui paraît chose
plus difficile qu'on no croît.
La vision dans lo cristal, que Grasset trouve admirable-
ment analysée par Janet, est encore uno hallucination poly-
gonale. Jo l'admets, mais comment expliquer lo caractère
prémonitoire do cet automatisme sensoriel ? Là est le pro-
blème ; comment expliquer quo le « polygone » donnera
des hallucinations véridiquos, montrera une mémoire supé-
rieure à celle du centre sus-polygonal, do la conscience
entière? Singulière partie qui est plus vaste quo lo tout.
Enfin, Grasset, amené à examiner lo contenu des mes-
sages automatiques, aborde les célèbres expériences de
M"" Piper. Croyez-vous qu'il les analysera? Qu'il so donnera
la peino de discuter les énormes rapports do Ilodgson •—
pour no parler quo des derniers, Proceedings, VI, p, /|3G-
G5o; VIII, 1-1G7; XIII, 28/,-582; de llyslop, id„ XVI,
i~G7|3P Non, il so bornera à citer M. Mangin et à dire :
( Quatre mois après sa mort, M"" Piper, étant en
Irancochoz
un ami intime de co Rohinson (inexact, la séanco eut lieu
chez Mme Piper), P... (lo personnalité seconde) déclara que
Georges Robinson était prêt à communiquer. A partir de ce
moment, cet esprit assista à la plupart des séances do
\[m» pjpCl. comme un second esprit familier. Cet exemple
nous montre bien comment se font les incarnations poly-
228 LES PHENOMENES PSYCHIQUES
gonalos chez lo médium on tranco. » Pas un mot dos
patientes observations de llodgson ot do llyslop, On pont
combattre les conclusions do ces savants, mais paraître
ignorer leur imivre quand on on parlo est un procédé do
discussion trop facile quand on a la valeur do Grasset,
llodgson et llyslop citent des faits : ils sont résumés très
clairement dans un livre de M, Sage, J/mo Piper et la
Société anglo-américaine des recherches psychiques (Paris,
Leymaric, 1902). Ils tendent à démontrer quo lo médium
a connaissance do fails quo seul le défunt savait. Voilà le
problème. Lo modo do constitution do la personnalité
seconde lui est accessoire.
Je laisse do côté lo cas de M" 0 Smith quo Flournoy a
admirablement étudié sans l'expliquer complètement, car
on voulant écarler l'explication supranormalo, il pousse à
l'extrême invraisemblance l'hypothèse do la mémoire sub-
conscienlc (Des Indes à la planète Mars et Nouvelles obser-
vations sur un cas de somnambulisme avec glossolalic, Genève
et Paris, 1902). Il explique, insuffisamment il mo semble,
l'intervention du sanscrit, les signatures du curé llurnicr
et du syndic Chaumontcl.
En résumé, on ne trouve pas chez Grasset la discussion
d'un fait sérieusement observé ot posant nettement lo pro-
blème d'une force nouvelle à étudier ou do modes de
connaissance supranormaux à élucider. Les phénomènes
do télépathie no lui paraissent pas démontrés, la télékinésie
no lui paraît pas davantage établie et il conclut :
« Le spiritisme csl uno question dont le médecin n'a
pas lo droit do so désintéresser. Il appartient à la biologie
humaine en fait et en droit. « En laissant de côté tout ce
qui a trait à la jonglerie et au supranalurcl, il y 0 uno grosse
partie du spiritisme qui rentre dans un chapitre aujourd'hui
bien connu do physiopathologio des contres nerveux : le
chapitre du psychisme inférieur ou automatique, do l'auto-
matisme supérieur, do l'activité polygonale.
PHÉNOMÈNES l'S/CUOSENSOlUELS ET INTELLECTUELS 99<)

« Lo spiritismo scientifique ost a la fois uno application


de cette doctrine biologique et lo point do départ de nou-
velles études dans co domaine. Il appartient donc bien a la
Itiologio.
« Cclto étudo scientifique laisse do côté certaines ques*
lions intéressantes dont l'existence n'est pas encore scienti-
fiquement démontrée commo lu suggestion mentale, la
clairvoyance, la télépathie et l'extériorisation do la motri-
cité.
« Co sont là des terrains livrés aux investigations do la
science de l'avenir. »
Si j'ai bien compris la pensée do l'éminent professeur, il
no considère comme scientifique dans lo spiritisme que co
qui en constitue les phénomènes frauduleux conscients ou
inconscients, c'est-à-dire ce qui en forme la partie non
spirito. Ce qui constitue l'essence m£mo du spiritismo, n'est
pas scientifique. Mais alors pourquoi étudier sous co nom
des faits connus ot classés et qui ne sont pas du tout ceux
que lo spiritismo affirme?
Et puis, pourquoi parler do spiritisme ? Le spiritismo est
uno religion, non uno science. C'est Vexplication systéma-
tique do tout un ensemble do faits encore mal connus, mais
ce n'est pas l'affirmation simple do ces faits. Il y a, dans lo
langage de Grasset, et dans celui do Janct lui-mômo, une
confusion fâcheuse entre lo vrai sens du mot spiritisme et
celui qui leur est prêté. Los faits allégués sont-il vrais? Telle
est la question que les sciences biologiques doivent exa-
nincr. — Lo spiritisme, au contraire, c'est-à-dire l'ensemble'
de doctrines métaphysiques fondées sur les révélations dos
esprits, ne saurait, actuellement au moins, cire considéré
comme appartenant à la biologie.
M. Grasset mo pardonnera la vivacité do ma critique : je
considère ce savant commo un des esprits les plus ouverts
et les plus élevés que la médecine française possède et je le
conjure d'opérer comme je l'ai.indiqué, avec les précau-
a30 LES PHÉNOMÈNES l'SVilHQUES
tions quo je recommando. 11 constatera co que j'ai constaté,
ce quo tant d'aulres ont constaté. Mais qu'il so renseigne,
qu'il no cite pas do cas mal étudiés par lui, commo lo cas
Piper, commo lo cas d'Eusapia elle-même. Qu'il no fasse
pas comme je ne mo rappelle plus quel médecin étranger
qui, critiquant dans uno rovuo illustrée les oxpériences do
l'Aguélos, nous roprochoit d'opérer toujours dans l'obscu-
rité ! Il n'avait pas lu les expériences dont il parlait. Do
iclles imprudences, pardonnables chez un jeune médecin,
sont indignes do Grosset. Qu'il ne confonde pas surtout avec
le spiritisme, la recherche impartiale cl sans parti pris do
la vérité scientifique.
Le pou d'inlluenco quo les critiques des savants les plus
rcspeclables ont eue sur la pensée contemporaine, dont
elle n'ont pas arrêté les recherches sur lo domaine des
sciences psychiques, tient justement à l'absence d'informa-
tions exactes de ces savants. Ils ont toujours raisonné à côté
de la question : n'analysant que très imparfaitement les
faits, n'admettant que ceux qu'ils peuvent aisément expli-
quer et rejetant les autres comme frauduleux ou douteux.
Pour ceux qui les ont étudiés personnellement, ces faits no
sont ni douteux, ni frauduleux et les dénégations obstinées
de certains savants n'ont qu'un cll'el : ôter à l'expression de
la pensée de ceux-ci toute valeur et toute influonco sérieuse.
C'est fikhoux pour ces savants d'abord et pour le public
ensuite qui, -mal éclairé, devient la proie des charlatans ou
la victime d'illuminés.
En résumé, une observation attentive des faits montre
que dans les phénomènes psychiques on constate l'émer-
genco do personnifications qui peuvent étro des personna-
lités secondes, mais qui, dans les cas véritablement nets,
présentent des caractères particuliers et semblent avoir des
informations ^inaccessibles à la personnalité normale. Elles
peuvent coexister avec celle-ci sans qu'aucun trouble no se
manifeste dans les sphères sensitivo ou motrice; dans
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOMELS ET INTELLECTUELS a3l
d'autres cas, elles empiétant sur la personnalité normalo
c|iiî peut soit no perdre quo l'usage et la sensation d'un
membre, soit ôtro dépossédéo do plusiours. Enfin, la per-
sonnification peut envahir tout l'organisme et aboutir
a l'incarnation qui est un phénomène d'apparente posses-
sion. Quand ollo atteint co développement maximum, la
personnification manifeste une autonomie remarquable et
parait beaucoup moins suggeslible quo dans les stades inter-
médiaires de son évolution.
,
Que sont exactement ces personnifications? Je n'on sais
rien. Le problème qu'elles soulèvent dans certains cas est,
extrêmement difficile à résoudre. Elles no me paraissent pas
être co qu'elles se prétendent être. Est-ce uno conscience
collective ? Est-ce une illusion ? Est-co un esprit ? Tout est
possible, rien n'est certain pour moi, sauf cependant une
chose, c'est qu'il no faut pas s'y fier.
Je dis ceci pour les spirites qui ont une tondanco à croire
aveuglément tout ce quo disent certains de leurs bons
esprits. Ils peuvent se tromper s'ils ne nous trompent pas.
Il ne faut jamais s'abandonnera leur direction : il faut tou-
jours no so laisser guider que par la raison et lo jugement
critique. Il ne faut pas être trop crédule. Je dois a l'obli-
geance do M, Braunschweig uno histoire bien instructive à
cet égard. Les phénomènes dont se porto garant l'auteur do
co récit, homme connu, cultivé, intelligent, rompu aux
affaires, n'ont pas été observés par moi; mais les consé-
quences funestes de sa trop grande confiance dans « l'esprit »
comportent une leçon si sérieuse ot si utile qu'il me paraît
bon de la faire connaître. Je no la donne que dans ce but,
car je no saurais attester personnellement les faits extraordi-
naires dont on va lire l'intéressant récit. Quo M. Brauns-
chweig et M.. Vcrgniat, dans la famille desquels les faits se
sont passés, et qui m'autorisent à les publier, reçoivent
ici mes rcmercimcnls. Je donne co récit in extenso^ sans y
rien changer, pour n'en pas altérer la physionomie :
93a LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Ces notes écrites a la lutte, en quoique sorlo au courant do la
plume, n'ont d'autre prétention que de rapporter des laits
étranges, tout en laissant a chacun le soin de les apprécier,
Un instant, une préoccupation m'a dominé. J'hésitais, en pré-
sence de l'incrédulité qui repousso systématiquement tout co qui
n'est ni chiffre, ni matière, a dévoiler des phénomènes quo les
doMirville, les CI. Lamolto, les Alex. Bellcmaro et tant d'autres ont
déjà constatés ; mais le devoir do préserver mes enfants des
épreuves que j'ai subies remporte, et je dirai la vérité sans
crainte qu'eux du moins soupçonnent leur père d'avoir menti.

UN MYSTftllK

Camus Junius en marchant au supplice dit


à ses amis : « Vous me demande* fi l'Ame est
immortelle, je tais lo «avoir, et si jo le puis,
je retiendrai vous le dire. »
En écrivant ces lignes j'obéis à la pensée que le témoin do
faits mystérieuxdoit, dans l'intérêt del'humanité ou do la science,
une narration scrupuleusement exacte de ce qu'il a vu. Et, il la
doit doublement lorsque ses révélations peuvent préserver l'inexpé-
rience des embûches d'un pouvoir occulte dont il serait aussi
insensé de nier l'existence, que do douter de sa puissance à fairo
le mal ou le bien suivant sa volonté.
J'accomplis donc ce que je crois un devoir. Celte conviction
suflit pour braver l'esprit fort toujours disposé à nier co qu'il
ne peut expliquer.
La crainte d'être accusé de rechercher des sympathies, en
racontant des laits dont je fus victime, pouvait aussi în'arrêler;
mais la perte de quelques biens ici bas est amplement Compensée
dans mon esprit, dans mon Ame, par la certitude d'une vie future
qui résulte des faits dont le maître a bien voulu me rendre témoin.
C'était en 1867. Attiré par les sons d'une trompette, je tra-
versais la place Saint-André pour m'engager dans la rue sombre
et élro'to qui longeait alors la cathédrale, et où s'étalaient les
vieilles défroques des marchandes à la toilette. Une foule nom-,
breusc stationnait au coin de la rue des Palanquesoù le commis-,
sairc-priscur procédait a la vente d'un fonds de mouleur statuaire.
J'allais passer outre, lorsque fut mise en vente une statuette
dont les contours et la pose gracieuse fixèrent mon attention.
Était-ce une Vierge? Une « mater dolorosa »? Je ne sais.
Mais je vois encore ce beau visage tout empreint do douleur, les
PHÉN0MÈ l!S PSYCHOSENSOIUELS ET INTELLECTUELS a33
yeux levés vers lu <-in|, laissant échapper deux grossos larmes,
qui semblaient me >upplier d'arrêter la profanation. La tèto
légèrement inclinée el eeouvorte d'un voile délicieusement
? •

drapé révélait un objet d'art.


Je l'achetai, cédant nu désir Je posséder un travail artistique,
et non pour satisfaire un senti».«eut religieux qui, je l'avoue,
n'existait pas.
J'achetai aussi une console pour supporter la statuette et quel-
ques instants après le tout était installé dans ma chambre, rue
du Palais Callien, 1/17.
Madamo Yergniat était en Périgord. A son retour elle fut sur-
prise de voir dans l'endroit le plus apparent de m chambre un
1

sujet religieux dont j'avais fait moi-même l'acquisition.


Sa surprise était légitime, car des idées bien arrêtée* laissaient
peu de place dans mon esprit aux préoccupations religici^r*.
Hicn d'étrange ne se produisit dans cette maison, bien que
nous l'ayons habitée longtemps après l'achat de la statuette;
seulement j'éprouvais un plaisir si grand à admirer ma Vierge,
que je me suis souvent demandé si cette attraction mal définie,
n'était pas le prélude et en quelque sorto une première infiucnce
des faits mystérieux qui devaient se produire.
A ce moment nous quittâmes notre domicile de la rue du
Palais Gallien pour habiter une maison dont je venais do faire
l'acquisition rue Malhec, uti,
Celte maison isolée, au milieu d'un jardin, comprenait seule-
ment doux chambres à coucher, un salon cl un vestibule servant
de sallo à manger.
Quelques détails sur l'ameublement cl les dispositions inté-
rieures sont indispensables, pour la bonne intelligence de ce qui
va suivre.
Une table do nuit séparait mon lit de la cheminée. Au-dessus
•lu meuble était un bénitier; au-dessus du bénitier un tableau a
l'huile représentant la Vierge; enfin,près du plafond, la statuette
sur son support.
A gauche de la table de nuit, sur l'épaisseur formée par la
cheminée, était une panoplie composée de sabres et d'épées.
Notre installation terminée, M'" 0 V... fit un nouveau voyagé en
.
Périgord. C'est pendant son absence que devait se produire la
première manifestation à laquelle, du reste, jo n'attachai pas
grande importance.
Voici dans quelles circonstances ce phénomène cul lieu.
Je fus réveillé la nuit par un violent coup de marteau.
a3/| LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
J'allumai promptcmcnt ma bougie, la pendulo marquait une
heure,
Celle visile n'avait rien do rassurant, car, pour frapper à la
porto de la maison, il fallait avant tout avoir franchi la grille qui
en défendait les approches.
J'attendis avant d'ouvrir qu'on frappât uno seconde fois, mais
ce lut inutilement.
La nuit suivante un coup aussi violent que celui de la veille vint
encore me réveiller cl la pendule marquait également uno heure.
La bonne couchée près des enfants dans uno chambre voisine
ayant entendu frapper, s'épouvantait. Je crus la rassurer en
disant : « Demain je chargerai mon fusil pour recevoir celui <jui
se plail à nous donner des alertes, »
Je souligne ces mots quo nous aurons l'occasion do voir rap-
portés plus tard d'une laçon surprenante.
Quelques mois après, et sans incidents nouveaux, notre bonno
fut congédiée et remplacée par uno grosso fille des Landes.
La visite nocturne était donc oubliéo depuis longtemps, lorsque
lo s 3 janvier 18OS, M'm V... et sa bonno occupées dans ma
chambre entendirent commo un frôlement courir sur les vitres et
virent la slaluello s'incliner par deux fois sur son piédestal, comme
pour les saluer. Elles crurent d'abord à un tremblement de terre,
et co fut sur les Ions les plus effarés qu'à mon arrivée lo fait fut
raconté.
La statuette n'était plus dans son axe; mais était-ce suffisant
pour me convaincre? Non.
Je riais du récit persuadé que MmeV... et sa bonne étaient
victimes d'une illusion.
Cependant, le lendemain à la même heure, c'est-à-dire vers
11 heures du malin, les mêmes phénomènes s'étarit produits,
ainsi (pic les jours suivants, je résolus do rester chez moi pour
constater de visu ce fait'merveilleux.
Je fus servi à souhait, la slaluello a tourné ce jour-là, tantôt
à droite, tantôt à gaucho, 12 à i/j fois. Parfois elle avançait et
se mettait en équilibre sur le bord extrême du piédestal.
L'évolution était si promplp et si inattendue que l'oeil pouvait
à peine la saisir.
j
Je ne lus pas longtemps à constater que pour exécuter ces
mouvements, lo pouvoir mystérieux attendait lo moment où
l'attention fatiguée ne surveillait plus. Alors un coup sec sem-
blable à l'étincelle électrique qui se dégage, annonçait que l'évo-
lution était accomplie.
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOIUELS ET INTELLECTUELS 935
Le tableau placé au-dessous do la staluelto perdait alors son
aplomb ; la coquille du bénitier se renversait en même temps que
les sabres et les épées s'agitaient comme autant de balanciers do
pendules.
J'avais remarqué quo la présence de M'11" Y.,, el surtout do la
bonne aidaient beaucoup à ces manifestations; cl, même, quo
l'apparition do Tune ou de l'autre sur lo seuil de l'appartement
suffisait pour les provoquer.
Je faisais des efforts pour dissimuler la préoccupation que mo
causaient ces phénomènes el j'affectais do n'y attacher aucune
importance, afin de réagir mieux contre l'exaltation et la peur qui
s'emparaient de l'esprit de M""3 V..., de sa bonne el (les deux
ouvrières témoins constants de co désordre.
Mais au lieu do seconder mes cllbrls, la Vierge ne se contentait
plus des évolutions sur place. Elle se laissait tomber surl'édredon
de mon lit et y restait enfouie jusqu'au moment où un coup sec
avertissait qu'elle revenait sur son socle.
liientôl les coups devinrent plus fréquents et n'indiquèrent pas
toujours dos déplacements. On les entendait sur les portes, dans
les armoires, etc., etc., voiro même au milieu du jardin.
C'est ainsi qu'un jour, entrant chez moi, un coup retentit si
formidable, quo les voisins se mettant aux fenêtres dirent :
«
J'espère M. V... qu'on vous salue. »
A ces faits, déjà extraordinaires, devaient en succéder de plus
étranges encore.
L'horloger qui, chaque quinzaine, montait nos pendules.
(M. Ouvrard), s'élanljadis occupé de somnambulisme, crut recon-
nailro dans notre bonne un sujet accessible aux influences
magnétiques el lui proposa de l'endormir.
Quelques minutes suffirent pour obtenir cet état de prostration
et d'insensibilité qui caractérise le sommeil magnétique. Si cette
première fois les réponses de Mario furent inintelligibles, elle no
tarda pas après quelques séances à s'exprimer très clairement et
même avec volubilité.
En l'état où nous tenaient les évolutions do la statuette, on
comprendra aisément que la première question posée à la somnam-
bule devait être celle-ci ; « Voyez-vous qui fait remuer la Vierge? »
« Je le vois, répondit-elle, il est près do moi, à genoux en
u prières. — C'est un homme vêtu d'une redingote marron
« tenant à la main un livre recouvert d'une étoffe noire. Je ne
«
vois pas sa figure. J'aperçois seulement un pou ses favoris; car
« il me tourne lo dos. »
93G LES PHÉNOMÈNES PSYCHHJUES
Pendant plusieurs jours, les réponses sur ce sujet restaient les
mêmes. .Mais ayant insisté pour connaître le nom do l'homme en
prières la somnambule répondit : « Je suis lo père do Madame. »
Cependant celte assertion fut contredite bientôt par uno décla-
ration plus explicite
Obtenir le sommeil magnétique, chez Mario, était si facile, quo
m'ayant demandé do rendormir j'y parvins sans autres notions
que d'avoir assisté aux séances précédentes, mais il me fut impos-
sible do la réveiller cl je dus envoyer à la rechercha do l'hor-
loger espérant qu'il me sortirait d'embarras. Il arriva; mais ses
efforts furent inutiles.
La somnambule so moquait do nous et plaisantait sur l'embon-
point do l'horloger.
Ce fait est déjà à remarquer, en ce sens, qu'il contredit l'opi-
nion trop accréditée que le sujet subit la volonté du magnétiseur;
mais ce qui va suivre révèle un phénomène bien autrement
intéressant.
Mario ne parla plus alors do sa propre autorité. Un esprit
s'élant substitué à sa volonté déclara que tous nos efforts pour
réveiller la somnambule seraient inutiles.
a Je suis bien ici, disait l'esprit, et il mo plaît d'y rosier.
« Seulement, à quatre heures, j'ai besoin d'être ailleurs; alors
« la somnambule se réveillera d'elle-mêmo. Ayez la patienco
« d'attendre. »
En effet, à l'heure indiquée, au moment même où la pendule
disait quatre heures, la somnambule se frottait les yeux el revenait
à l'état normal.
A dater do co jour, la somnambule resta constamment sous
rinlluenco des esprits qui s'emparaient d'elle pendant son som-
meil. G'esl .ainsi qu'aussitôt endormie l'esprit disait : « Jo n'ai
(pie quelques instants à rester. » Et, le délai passé, Mario se
réveillait sans aucune intervention.
Durant ces conversations, plus ou moins longues, l'esprit
affectait de m'oppeler son fils. Ses avis, ses conseils étaient
empreints d'une grande bienveillance et surtout profondément
religieux. 11 était incontestable que, par un phénomène inexpli-
cable, les facultés de Mario étaient remplacées, pendant ces com-
munications, par un esprit dont il était impossible de mécon-
naître la supériorité que révélaient et lo niveau de la discussion,
et le choix des expressions.
' Le pressant un jour do, s'expliquer, jo lui demandais résolu-
ment : « Mais qui êtes-vous donc? »
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOMELS ET INTELLECTUELS »37
« Jo suis celui que lu voulais recevoir à coups do fusil, lors-
« quo jo frappais à la porto à uno heure du matin !»
Notons (pie la somnambule ignorait absolument ce fait puis-
qu'elle n'était pas à notre service à l'époque où so produisit
l'étrange visite.
De son côté, la Vierge no chômait pas et continuait à tourner
cinq à six fois par jour.
Les bons avis de l'esprit, la pureté de ses principes m'intéres-
saient certainement ; mais, je l'avoue, la statuette m'occupait
davantage N'étais-jo pas en faco d'un l'ail tangible, indéniable et
aussi rebelle quo voulait so montrer ma raison ; jo frappais du pied
en répétant : « Et pourtant elle tourne ! »
Toujours en garde, mémo contre l'évidence, je mo donnai la
satisfaction d'emprisonner la Vierge, mais do façon à pouvoir
constater ses évolutions.
Jo fis construire, rue Houquière, une niche en fil de fer enve-
loppée d'une gaze très transparente et, la scellant au mur, jo
cloîtrai solidement la statuette.
Mon travail terminé, je quitte la chambre. Aussitôt un coup
formidable retentit. — J'accours ; tout a disparu, seul lo piédestal
esl à sa place, ha Vierge, projetée sur mon lit, est retrouvée
enveloppée dans l'édredon, tandis quo l'armature gît dans la
ruelle.
.Mes précautions ayant déplu, je me gardai bien do les renour
voler. Consultée sur ce fait, la somnambule, ou plutôt l'esprit
agissant en elle, dit : « de ne jamais louchera la Vierge et de la
laisser là où elle serait transportée »; ajoutant « quo celui qui l'en-
levait do son piédestal, saurait bien l'y replacer ».
La recommandation fut suivie; mais un jour advint que la
statuette disparut. Mm" V..., revenue do ses frayeurs premières,
so mil activement à sa recherche et, après avoir bouleversé la
maison, la retrouva dans un placard, derrière le lit des enfants.
Co placard, dissimulé par la tapisserie, n'avait jamais été utilisé et
nous n'en soupçonnions pas l'existence.'
Comment la Vierge s'y était-elle introduite?
Les déplacements devenaient do plus en plus fréquents. Ainsi,
la slalucltu s'avisait do changer d'appartement el lo salon était
son lieu'de prédilection; mais elle ne passait jamais uno journée
entière sans reparaître sur son piédestal.
Les portes s'ouvraient ou se fermaient devant elle avec le même
bruit qui suivait chaque évolution. Tout cela avec tant de rapidité
qu'on était surpris plutôt qu'incommodé.
238 LES PHENOMENES PSYCHIQUES /
Sous l'influence de ces phénomènes, lo sommeil ordinaire de
la somnambule devint plus lourd. On l'entendait, la nuit, parler
tout:haut. Ello s'éveillait difficilement et après avoir secoué sa
torpeur elle no pouvait encore ouvrir les yeux. — « Je les sens
collés »; disait-elle. Mais plaçant 1rs doigts sur les paupières,
M""-' V... faisait uno prière et la difficulté disparaissait aussitôt.
Dans lo sommeil ordinaire la conversation n'avait rien do
sérieux, c'était le plus souvent des banalités, des plaisanteries,
quelquefois même do mauvais goût, tandis quo dans lo sommeil
provoqué on retrouvait constamment un esprit sérieux, professant
les maximes les plus pures et donnant des avis empreints do la
plus profonde charité.
Jo demandai à cet esprit mystérieux s'il était vrai qu'il fût le
père de Madame, ainsi qu'il l'avait déclaré une première fois.
Voici sa réponse, (pic jo crois reproduire mot à mol :
« Mon fils, jo lis dans ta pensée (car lu no peux me la cacher)
« que, n'ayant pas assez do foi pour reporter à Dieu le bonheur
« de la visite (pic lu reçois dans la maison, tu en cherches t'cxpli-
« cation dons je ne sais quelles suppositions absurdes. NK CHOIE
(( PAS AU S1M1UTISMIÎ, 111011 fils I
«Dieu, qui est essentiellement bon, no saurait permettre
« qu'après avoir subi toutes les épreuves terrestres vos esprits
« fussent encore condamnés à assister à toutes les turpitudes, h
« toutes les souffrances de ceux qui leur ont été chers. C'est un
« supplice (pie Dieu n'a pas voulu vous réserver.
« Oui, un esprit existe; mais il est seul, unique, et cet esprit
« csl le mien. C'est lui qui donne lo souffle, qui animo tout;
« enfin qui te fait agir, marcher ou l'arrêter lorsque tu croîs que
« ta
volonté est loulo puissante.
« Cet esprit,
je le répète, est unique. C'est celui du Maître »
Disons que celle opinion est celle du P. Malcbraneho qui pré-
tend, lui aussi, que Dieu est l'auteur immédiat de l'accord que
nous admirons entre l'ànio cl lo corps.
« Je le vois bien, tu doutes do mes paroles, ajouta l'esprit (car
(f
je te l'ai dit déjà lu ne peux nie cacher ni tes pensées, ni les
« actions), » et lu le
dis à toi-même i Quelle prétention de sup-
t
« poser (pie j'aie pu mériter semblable visite et que esprit divin
« est venu frapper à ma porte \
« Tu préfères donc, mon lils, douter do mes paroles cl t'éloi-
« gnerainsi delà vérité» Soit, mais ne l'oublie pas, quelle que
« soit ton appréciation sur moi el le but de ma visite, reste per-
tt
suodé <pie je ne puis être chez toi qu'en vertu d'une volonté
PIléNOMENES PSVCHÔSÈNSOniEtS ET INTELLECTUELS 30*0.

« suprême et que tous tes efforts pour mo chasser et môme mon


«
désir do m'en aller avant l'accomplissement do ma mission,
«
seraient également inutiles.
« Accueille-moi donc comme un bon père qui vient aider son
« fils à parcourir lo chemin si pénible de la vie
« Jonc t'ai pas quille depuis quo lu es au monde,. Nousuvons
«
traversé ensemble beaucoup d'ennuis, supporté beaucoup do
« chagrins; mais des temps meilleurs sont proches et jo puis te
«
révéler, mon enfant, quo du moment où il m'est possible do lo
«
faire entendre ma voix, celte bénédiction du maître va l'assurer
«
désormais lo repos du corps, de l'àmo et de l'esprit.
« Pour toi plus de soucis, ton pèro to les évitera tous. Mais en
« échango du bien (pie j'ai mission do le faire, je lo demande
« d'élever souvent tes pensées vers le Créateur el do le remercier
« do l'immense faveur qu'il t'a accordée Cor, sache-le bien,
« personne jusqu'à ce jour n'avait reçu dans sa maison semblable
« visite
« Jo désire quo lu assistes régulièrement aux offices et que tu
» lasses
la communion.
« Jo veux aussi que tu donnes aux pauvres dont jo l'indi-
« querai l'adresse el les besoins ; mais connue jo suis un protec-
« tour, si je t'impose des charges, je te procurerai les moyens d'y
« pourvoir. »
On peut juger déjà de l'influence que ces laits mystérieux exer-
çaient sur mon esprit, car je promis tout, et en enfant soumis,
je communiai avec ferveur à Talence

Dès co jour, la bienveillance de l'inconnu s'étendit à tout, aux
personnes de la maison, connue aux besoins du service. Sa solli-
citude, pour la somnambule surloul, le poussait parfois à m'hn-
poser des missions délicates dont je vais citer un exemple
Je venois d'endormir Marie, nussilôl l'esprit se manifeste en
disant :
« J'ai à l'enlrelcnir de faits personnels à la somnombule et pour
« lesquels je te prierai de suivre mes indications.
« Celte lillo espère se marier avec un ouvrier menuisier du
« nom de Toussaint qui la poursuit depuis longtemps. Mais les
« parents do Marie, qui sont d'iionnèles gens, ne consent iront
« jamais à ce mariage D'abord parce que T... est u\\ mauvais
« sujet el en second lien, parce que, le frère de T... vient d'être
« condamné hier, dans son pays, à une peine infamante pour
« laits immoraux.
« Il faut donc que Marie cesse de parler à ce jeune homme
âftc> LÈS PHENOMENES PSYCHIQUES

« dont le caractère jaloux et violent serait bientôt un danger poiir


« elle
«Marie ignoro tous ces détails, même la condamnation qui
« n'est pas encore connue de tous...
« Ainsi donc, lorsque Mario sera éveillée, lu auras soiîl de ne
« rien dire do notre conversation; mais demain, en venant de
« Bordeaux, lu la lui rapporteras comme un renseignement
« recueilli en ville.
« Marie niera d'abord ; elle prétendra même ne pas connaître
« l'individu; mais tu insisteras sévèrement et elle avouera tout. »
C'est en effet co qui arriva.
Puis continuant, l'esprit ajouta:
« Cet ouvrier s'est fait récemment une blessure à la main qui
« l'empêche do travailler : aussi csl-il toujours à rôder autour de la
« maison et il convient do s'en méfier. »
Souvent lo soir à la veillée Marie nie demandait do l'endormir.
Alors, chose éli;ango, elle nous disait combien de fois son pré-
tendu passerait le lendemain devant la porte et à quelle heure
Ces renseignements étaient d'une exactitude parfaite
Cependant un jour notre homme no paraissait pas à l'heure
fixe — il était en retard de deux minutes. Mario élail endormie
dans lo salon cl j'allais alternativement de la terrasse à elle. Je
commençais à perdre patience. Il arrive, dit-elle, lu auras à
peine le temps nécessaire pour aller à la terrasse En effet aussitôt
à mon poste d'observation le menuisier pénétrait dans la rue
Malbcc par lo chemin de Bèglcs.
Quelques jours après, l'esprit, que la somnambule appelait
son « bon papa », nous prévint iquo Marie courait'un grand
danger. Son prétendu se voyant écoildnil à cause de la flétrissure
qui frappait sa famille et dont il avait eu confirmation par lettre,
avait résolu de so venger.
Animé des plus mauvais desseins, il avait coupé sa barbe pour
se rendre méconnaissable et après avoir caché un long couteau
sous sa blouse, il avait pris le chemin do la maison, avec l'inten-
tion bien arrêtée, disait l'esprit, do frapper Marie
En nous donnant ces avis, par la voix même de la somnam-
bule, l'ami mystérieux ajoutait t « Ne laissez pas sortir celte fille
« de la journée Je vous débarrasserai bientôt de cet homme
« dangereux en faisant naître
dans son esprit le désir d'un voyage
« d'où il ne reviendra pas. »
Deux ou trois jours après, Marie apprenait que l'individu élail
parti pour l'Algérie
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOlUllLS ET INTELLECTUELS a/i'ty.N
Nous avons vu une première fois par la substitution de l'esprit ;
aux facultés de la somnambule combien nolro libre arbitre est
subordonné aux influences occultes. Et si on objectait que, dans
co cas, les influences magnétiques ont facilité cette substitution,
il nous resterait l'exemple autrement décisif du menuisier dont
le libre arbitre a été absolument subjugué avec préméditation,
ainsi qu'il résulte do la déclaration, de l'esprit qui fait naître
le désir d'un voyage d'où l'individu ne reviendra pas,
Au fur et à mesure que tous ces faits étranges so succédaient,
notre esprit à tous subissait de plus en plus une influence à laquelle
il était impossible de se soustraire, je dirai même à laquelle on
était heureux d'obéir.
Comment repousser des avis, des conseils toujours profondé-
ment honnêtes et auxquels lo nom de Dieu était constamment
associé?
Après la somnambule, Mme V... était celle qui, do nous tous,
ressentait le plus fortement les effets de cette atmosphère mys-
tique
Pour ma part, jo m'étais borné d'abord à observer les phéno-
mènes et à no les accepter quo comme étude ; mais de surprises
en surprises j'arrivai, plein d'admiration, à une soumission
aveugle
Et cependant nous n'étions qu'au début do ces manifestations
féeriques.
Si pendant lo repas, nous désirions un objet quelconque du
service, la bonne (Mario) nous l'apportait avant môme do lo
demander» Une voix qu'elle croyait tantôt la mienne, tanlôt
celle de Madame lui avait déjà transmis nolro désir avant qu'il
fût exprimé.
C'était une communication parfaite de la pensée, sans l'inter-
vention de la parole.
Si le travail de la bonne (delà somnambule) laissait à désirer,
celui qui surveillait assidûment la maison, l'en punissait innné-
dialcment en lui enlevant avec une dextérité incroyable le foulard
qui la coiffait.
Et s'il arrivait à cette fille de s'écarter vis-à-vis de nous des
règles
.
de la plus stricte politesse, elle était immédiatement rap-
pelée à l'ordre do la même manière et sans tenir compte du milieu
où elle se trouvait.
J'ai vu souvent son foulard jeté à terre, pour lui rappeler
qu'elle devait nous laisser monter avant elle en voiture ou en om-
nibus.
MAXWELL. IG
a4a LES PHENOMENES PSVCHIQUES
J'ai eu aussi l'occasion de voir une manifestation bien surpre-
nante par la facilité de déplacer immeuble d'un poids relativement
considérable.
Souvent après être couchée la somnambule senlaitson lit rou-
ler tout .doucement au milieu de l'appartement el puis revenir,
tout aussi doucement, à sa place Ce va et vient, qui se renouve-
lait quelquefois trois à quatre fois dons la soirée, se produisant
'lentement on pouvait voir à l'aise celle masse s'agiter sous l'im-
pulsion d'une force invisible.
La somnambule, je l'ai dit ou début, élail une grosse fille venue
des Pyrénées ou des Landes. Elle ne savait ni lire, ni écrire et la
vue de toutes ces choses surnaturelles la laissait ou éboubic ou
effrayée. J'avais remarqué môme qu'elle perdait souvent le sou-
venir de ce qu'elle avait vu la veille — cela bien entendu, à l'état
normal.
Ce qu'elle comprenait bien, c'est que « bon papa » n'était pas
satisfait d'elle lorsqu'il lui envoyait à la tête, on ne sait d'où,
une croûte de pain ou de fromage, signe certain que quelque chose
clochait dans le ménage
,
Un petit lustre Louis XV suspendu dans le vestibule, nous
servant de salle à manger, s'agitait dès que nous nous niellions à
table, et le mouvement que précédait toujours un frôlement sur
les chaînes métalliques, élail lent ou accéléré selon que Mmc V...
en témoignait mentalement ou à haute voix le désir.
Si nous avions un invité tout restait dans le calme et rien ne
faisait soupçonner les élrangetés qui so produisaient habituelle-
ment. On eût dit quo ces manifestations étaient réservées aux gens
de la maison el aux quelques voisins privilégiés, dont le bruit
devait forcément attirer l'attention.
Deux demoiselles, l'une du Périgord, Anna..., l'autre de Bor-
deaux, Matbilde.., qui Iravailloienl presque constamment à In
maison, assistèrent à toutes ces surprises el « bon papa » leur
témoignait même beaucoup d'affection.
J'ai dit, en commençant, que lorsque la statuette tournait sur
son socle, sabres et épées s'agitaient en sens inverse L'une de ces
épées fut décrochée et déposée dans l'ongle de la muraille, mais
presque aussitôt, en présence de M. V..., une force invisible In
remit lentement à sa place. /

Les oscillations du lustre, le mouvement des épées, les dépla-


cements du lit sont les seuls phénomènes dont l'oeil ait pu suivre
les mouvements ; tous les autres étaient si prompts qu'ils échap-
paient à l'attention, mémo la plus soutenue
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOtUËLS ET INTELLECTUELS 34'3 '"
Notre présence dans la maison n'était point nécessaire pour y
produire du bruit ou d'autres phénomènes. Et le fait que jo vais
citer contredit celto opinion, émise par quelques spirites, que lès
esprits empruntent aux médiums ou aux personnes présentes la
force indispensable pour produire des déplacements.
Étant allés à la campagne, la bonne nous suivit et la maison
resta abandonnée toute la journée Le soir, à notre arrivée, les
voisins vinrent au-devant do nous pour annoncer (pic toute nolro
vaisselle, au moins, devait être brisée; car depuis notre départ un
bruit formidable n'avait cessé dm la maison.
Nous pénétrâmes dans les appartements, où tout était porfaitc-
met à sa place, et aucun dégât no fut constaté.
Où donc l'esprit avait-il pris, dons cette maison inhabitée, la
forco auxiliaire qu'on assure lui être nécessaire?
J'étais à l'égard de ces faits d'une très grande réserve, ne vou-
lant pas les ébruiter, afin d'éviter des controverses qui certaine-
ment n'eussent pas manqué do so produire.
Ce qui m'engageait encore au silence, c'est que, m'étant confié
à un membre d'une famille réputée profondément religieuse, la
Vierge refusa toute évolution devant ce visiteur. A peine l'incré-
dule avait-il franchi la porlc que la slaluello était déplacée
Le soir mémo j'endormis Marie et j'essuyais de l'esprit les plus
vifs reproches.
« Ce qui se passe ici est pour loi, me dit-il, et ne doit pas
« être donné en spcclacle »
Cependant cette déclaration en apparence si sévère fut bientôt
enfreinte par lui-même.
Voici dans quelles circonstances ;
M. Bossuel, coiffeur, rue Bouffard, à Bordeaux, était occupé
dans le salon à coiffer Mmc V... lorsque un coup sec vint avertir
tpic la Vierge se déplaçait M' 1" V... se lève et sans rien dire se
dirige vers la pièce à côté, où M, Bossuel la suit instinctivement,
La Vicrgcétail en équilibre sur le bord de la console M. Bossuel,
comprenant bien vite ce qui venait de se passer, s'écria, plein
d'admiration t « Mon Dieu je me sens heureux d'être témoin
1

« d'un
pareil fait ».
M. Bossuel est mort, qui pourrait nous dire s'il a trouvé
ailleurs la solution du problème qui nous occupe i1
Je saisis, comme une revanche, cette occasion de demander
pourquoi la Vierge avait remué pendant la visite de M. Bossuet,
puisqu'il est dit que cette faveur est réservée exclusivement aux
gens do la maison.
a44 LËS PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

«
Je choisis mon monde, répondit l'esprit, et j'avais à récom-
penser M. Bossuel d'avoir, patiemment avec des cheveux repro-
duit les traits du Christ. »
J'ignore s'il est vrai, comme on me l'a affirmé depuis, que
.M. Bossuct soit l'auteur d'un pareil travail. Je me suis borné, en
narrateur fidèle, à rapporter la réponse qui me fut faite «

Notre habitation avait l'inconvénient, 1res désagréable en hiver,


d'obliger la bonne à traverser le jardin pour ouvrir la grille au
laitier, qui carillonnait à la porte avant le jour.
Nous cherchions une combinaison pour éviter ce dérangement
lorsque notre bienveillant protecteur nous vint en aide.
Ce fait est un des plus curieux de cette longue série d'aventures
surprenantes.
A dater de co jour, lorsque la charrette du laitier s'arrêtait
devant notre porto cl avant qu'il eût sonné, une puissance mysté-
rieuse avait fait jouer le pêne de la serrure Alors le portail s'ou-
vrait et le laitier déposait sur la fenêtre le pot que la bonne
prenait plus tord.
Peut-être le laitier supposait-il qu'un mécanisme particulier
nous permettait d'ouvrir ainsi notre porte. Quoi qu'il en soit,
son imagination était préoccupée ; car on l'entendait faire tout
haut celle réflexion en montant dans son véhicule : « C'est égal,
cette maison est bien singulière. »
Il nous arrivait parfois, après avoir assisté aux vêpres soit à
Sainte-Croix, soit aux Vieillards, d'entreprendre une longue pro-
menade Nous rentrions très fatigués et impatients de nous
asseoir.
Pour nous éviter d'attendre, une main invisible sonnait avant
notre arrivée au portail.
Celait ne pouvait se cocher et noire bonne voisine, Mmc Pra-
deau, bien placée pour s'en apercevoir, riait des prévenances dont
nous étions l'objet.
Alors eut lieu une substitution bien étrange el qui devait rendre
désormais inutile l'intervention de la somnambule Nous venions,
M",c V... et moi, de faire une visite à Talcnce Chemin faisant,
ma femme se retourne vivement en disant: On vient de m'appe-
ler î par deux fois j'ai entendu lléloïse l IléloYse !
.
Dès ce jour, Mmc V... posa mentalement des questions et une
voix étrangère lui donna les réponses.
Bientôt la voix prit elle-même l'initiative des conversations et
absorbant tes facultés de Mmp Y»., parla par sa bouche
On ne pouvait s'y tromper et il élail aisé de reconnaître la
PHENOMENES PSYCHOSENSORIELS ET INTELLECTUELS 2^5
présence du même esprit bienveillant rpii en quelque sorte n'avait
changé que son domicile.
La première recommandation faite par la bouche do Mrac V...
fut de ne plus endormir Mario: Tu ne pourrais le faire doréna-
vant sans encourir des désagréments.
Mon désir de tout voir, de tout observer était si grand qu'il
l'emporta sur les conseils donnés et j'endormis la somnambule
comme d'habitude Mal m'en apprit. Aux exordes charitables
et bienveillantes avait succédé un langage échevelé auquel je crus
pouvoir mettre fin en réveillant la somnambule ; mais il mo fut
impossible d'y parvenir.
Elle se promenait les yeux fermés dans l'appartement en
criant: « Je me réveillerai lorsque cela me fera plaisir. Je suis
« bien ici et je veux y rester précisément parce que ma présence
« te contrarie » Puis elle tenta de sortir pour se promener dans
le jardin et je dus fermer la porte à clef.
Celte scène, qui dura plusieurs heures, m'enleva lo désir de
nouvelle- xpêrienees.
>

A dater de ce moment, Marie subissait pendant son sommeil


ordinaire des influences mal définies; s'exprimonl tout haut, elle
affectait tantôt un langage sérieux ; tantôt elle se montrait d'une
goité folle Tout ce qu'il y avait précédemment de profondeur et
de bienveillance dons les avis avait disparu.
Au surplus, j'étais amplement dédommagé par la situation
nouvelle qui rendait inutile l'intervention de la somnambule et je
ne songeais pas à renouveler la scène désagréable dont j'ai parlé.
Je puis dire même qu'ici finirent toutes les tentatives el les
expériences de magnétisme 11 n'en fut plus question.
Parfois l'esprit consulté ne répondait pas. M"10 V... me disait
alors: « Je lui parle et il ne me répond pas a. Mais l'attente
n'était jamais longue
Souvent aussi il annonçait son départ « Si tu as, disait-il,
« quelque chose à me demander ou à me dire, lnUcdoi, car je
« vois
m'absenter pour ne revenir que demain à telle heure »
Jusqu'à l'heure indiquée toute question' était inutile On ne
répondait pas.
Cent fois j'avais eu l'occasion de contrôler l'exactitude des
renseignements fournis par Marie; mois il me restait à savoir si
ceux (pli prenaient l'autre voie avaient la même valeur.
Je n'attendis pas longtemps avant d'être fixé à cet égard.
C'était un soir d'hiver» la nuit était noire, il pleuvait à verse
En rentrant à la maison, la bonne vint m'annoncer qu'une toute
9?|6 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
petite chienne havanaise qu'une voisine avait eu la gracieuseté do
nous offrir, était égarée Jo l'ai dit, lo temps était affreux et il
no fallait pas songer à aller à la recherche do cctlo bôto micro-
scopique Mais, commo jo manifestai quelque chagrin, M"10 V...
qui n'avait encore rien dit, lève la tête et, s'adressant à moi sur
un ton particulier qui annonçait une communication officielle :
« Tu tenais donc bien à cette petite ^bêtol lié bien l rassure-toi
tu vas la retrouver. Jo la vois, un ouvrier la tient sous sa blouse
chez le coiffeur do la rue do Bègles (Le petit Bossu). »
Le rcnseigncmenl élail précis; donne par la somnambule jo
n'aurais pas hésité mais il me fallait maintenant d'autres preuves.
Mes recherches m'ayant conduit jusque chez lo perruquier jo
regardais timidement à travers les vitres lorsque le bossu m'a-
perçut: « Vous désire/, quelque chose, Monsieur Ycrgniat?'—Si
vous apprenez qu'on ait trouvé dans lo quartier une louto petite
chienne havanaise vous voudrez bien nous prévenir.
Un ouvrier qui so trouvait dons lo magasin répondit : « Il y a
cinq-minutes à peinojo la tenais sous ma blouse cherchant à la
réchauffer. Jo l'avais ramassée loulo mouillée au coin do la rue
oùjo l'ai déposée do nouveau. »
En effet quelques pas plus loin j'apercevais un point blanc
dons l'obscurité. C'était Flcurctlo blottie sous uno porto à l'abri
du mauvais temps.
Je rentrai triomphant rapportant à lo maison le bonheur des
enfants el la confirmation do l'infaillibilité du protecteur.
On comprendra aisément l'influence do co pouvoir qui se révé-
lait sans bornes. Aussi gagnant toujours du terrain, par de nou-
velles manifestations do plus en plus surnaturelles, sa volonté so
substitua entièrement à la nôtre Co qu'il formulait au début
comme un désir, devint bientôt des ordres.
Il s'occupait des moindres détails. Il désignait les provisions
nécessaires pour la journée et en fixait lo prix»
Si uno acquisition plus importante était à foire, il indiquait
lo magasin, toujours en fixant d'avance lo prix demandé.
Ces faits donnaient lieu à des incidents curieux. Ainsi, par
exemple, lorsqu'une marchande demandait un prix exagéré,
« Bon papa » toujours là souillait à l'oreille de Mm0 V... : Dis à
cette femme quo sa marchandise ne lui coôlc que lel prix. Tu lui
offriras tant. C'est assez, gagner.
La marchande restait ébahie, elle ne pouvait nier et lo marché
était conclu.
Jo révélerai, sans hésiter, tous les lalls, persuadé quo l'éludo
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSORIELS ET INTELLECTUELS 8^7
do manifestations si persistantes et si variées peut aidera sou-
lever lo voile mystérieux qui nous environne
Au surplus pourquoi hésiter ou me lairo? N'ai-jodonc pas vu?
Plus les faits sont surnaturels, plus lo devoir do les révéler est
grand.
On m'accusera peut-être do faiblesse ou do trop de soumission
pour ce pouvoir occulte, qui cependant no se réclamait que do
Dieu et n'invoquait quo des sentiments honnêtes. A ceux-là jo
répondrai: subissez d'abord la môme épreuve et alors je vous
reconnaîtrai le droit de prononcer.
Quant à la faiblesse elle ne fut jamais un' des défauts do mon
caractère, si on en excepte pourtant celle que jo tiens à conserver
et qui me foit incliner devant lo Maître
J'ai dit que nous assistions, ma fenimo cl moi, régulièrement
aux offices tantôt à Talcnce tantôt à Sainte-Croix; mais le plus
souvent aux « Vieillards ».
Il me souvient à co propos quo voyant passer ces déshérités
que la charité publiquo soutient, notre hôte mystérieux nous fit
cette confidence: « Sans ma visite, mes pauvres enfants, ce sort-là
vous était réservé. »
J'ai dil en commençant quo j'avais promis de communier ; jo
lo fis avec ferveur, tant les faits mystérieux auxquels j'assistais
m'avaient impressionné ; je poussai la soumission à co point do
renoncer au théâtre, à toutes les distractions, sur le désir mani-
festé par l'inconnu.
En revanche je pouvais être do lotis les pèlerinages.
Un matin, au moment do partir pour mo rendre à mon bureau,
M"")V...me dicta d'un air inspiré l'ordre suivant: « Tu vas
faire vendre co matin à Paris par dépêche six mille francs do
renie 3 pour 100 et acheter par contre dix mille de rente ita-
lienne » Puis il ajouta : « Ne te. l'ai-jo pas dit? Lorsqu'il me
plaira do l'imposer l'obligation do donner, cela no sera jamais à
tes dépens. Or j'oi besoin de quelques milliers de francs dont je
t'indiquerai l'emploi le moment venu» »
Malgré les choses étranges quo j'avais déjà vues, jo restai
abasourdi. En effet, M"10 V..., quoique la femme d'un agent do
change, ne s'était jamais occupée d'affaires et elle était absolument
ignorante des combinaisons financières.
Les termes mêmes employés pour dicter l'arbitrage indiquaient
que l'opération élail conçue par un esprit luibiluê aux affaires do
co genre
Cette allaito n'étant pas dangereuse cl ne pouvant, on cas do
3^8 LES PII^NOMENES PSYCHIQUES

non réussite, nie mener bien loin, je télégraphiai à Paris sans


hésiter.
Lo soir en rentrant j'avais déjà la réponse que jo voulus com7
muniqucr à mon mystérieux client « C'est inutile, me dit-il, jo la
connais. »
Jo profitai do cette circonstance pour causer affaires avec
l'arrièrc-pcnsée de savoir jusqu'où pouvaient aller les connais-
sances de l'esprit en matière do spéculation.
« Savez-vous, lui dis-jc, que voire arbitrage est à cheval sur
deux liquidations. Le rente italienne est en liquidation du iB et
lo 3 pour ioocst pour la fin du mois. »
« Jo l'ai fait exprès. L'Italien sera liquidé le premier, car le bé-
néfice qui va en résultera un emploi pressé. Celui que procurera
la rente française pour la fin du mois est destiné à ofl'rir un
cadeau à ta fille Je to donnerai des instructions à co sujet »
Je risquai cette question: « Vous croyez donc à la hausse sur
l'Italien et à la baisse sur la rente française? »
« Ton père n'est pas celui qui doule, qui croit ou qui seule-
ment espère, il est toujours sur, parce qu'il est le maître/ »
Du jour où cclto opération de bourse fut faite, les deux mou-
vements en sens inverso favorables à l'arbitrage ne so sont pas
démentis. Et, un foit important à noter, c'est que tous les matins
l'inconnu prédisait avec une précision mathématique la cote que
lo télégraphe apporterait à (\ heures du soir.
J'insiste, jo le répèle sur ce fait, parce qu'on semble contester
aux esprits la possibilité do prévoir ou de dénoncer l'avenir.
Toujours préoccupé d'étudier les faits, j'ai demandé quelque-
fois la veille quels seraient les cours du lendemain. —« Je ne
pourrai to répondre quo demain matin. La nuit m'est nécessaire
pour me renseigner, »
Il m'arriva un jour dcconslater uno différence do deux centimes
etdcmienlrolo cours prédit le malin et l'officiel arrivé à A heures.
Comme j'en foisais la remarque, « c'est, me dit l'inconnu, une
mauvaise lêlo qui a pesé sur les cours au coup do cloche ». On
lo voit, l'esprit possédait même l'argot de la corbeille
En présence de tant do pénétration je demandai timidement
s'il pourrait ou voudrait ni'êlro utile dans mes affaires.
Voici sa réponse :
« Jo no suis pas venu pour cela; ma visite a un autre but.
Cependant je crois pouvoir t'êtro utile el à l'occasion je n'y
manquerai pas, »
Celte déclaration semble s'écarter v\\\ peu de la première Au
PHENOMENES PSYCHOSENSOUIELS ET INTELLECTUELS lf\Ç):
début la bénédiction du maitro m'assurait le repos de l'amo et do
l'esprit: « Pour toi plus do soucis, ton pèro to les évitera tousl »
Maintenant succède un vague qu'on no peut s'empêcher do
constater.
Revenons à col esprit de pénétration : il était tel, que consulté
sur l'état clé nia caisso il m'en donnait te solde instantanément
Pour lui ce n'était qu'un jeu de dire à chacun de nous lo contenu
de son porte-monnaie
Durant l'arbitrage jo lui demandai quelquefois: « Quel est lo
bénéfice que vous donne votre opération aux cours de ce soir? » Il
l'accusait aussitôt et sans omettre un centime, car il tenait compte
des courtages et du prix des dépêches.
« Tes affaires, disait-il, no doivent plus te préoccuper, elles
« sont les miennes. C'est moi qui m'en charge, tu n'as
qu'A
« obéir cl à mo satisfaire pour être récompensé.
« Tu peux te convaincre tous les jours quo rien no mo serait
« facile comme do te combler do richesses ; mais si
jo to fais atlen-
« tire, c'est que toi aussi tu m'as fait attendre longtemps avant do
« pouvoir te ramener vers moi. »
Voilà qui était plus net que la déclaration de tout à l'heure
Pendant quo l'arbitrage marchait favorablement, la Vierge con-
tinuait ses évolutions qui pourtant devaient bientôt cesser.
Une après-midi, la vierge fit des évolutions plus bruyantes quo
de coutume et sortant de la maison elle vint se placer sur des
sarments dans lo jardin.
A co moment une do nos anciennes domestiques nomméo
Caroline T..», la même qui était à notre service lors de la visite
nocturne dont il est question nu début, étant venue à la maison,
les ouvrières décidèrent de replacer la slotuotlo sur son pié-
destal.
A peine y étail-ello qu'un coup violent retentit et ta Vierge
tomba brisée sur le plancher»
Grande fut la désolation do Mmo V... en apprenant l'accident
J'avoue quo pour mon compte j'étais 1res contrarié. Les débris
réunis furent conservés longtemps avec vénération»
Mais le piédestal était toujours vide. Alors mo vint la pensée
de demander à notre prolecteur s'il serait possible de trouver une
statuette semblable à la première
— « Je m'en occuperai celle nuit », me dit-il»
Il arrivait en effet très souvent à l'esprit do se réserver la nuit
avant do répondre» C'était pendantla nuit, disait-il, qu'il obtenait
les renseignements nécessaires.
a5o LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Le lendemain fidèle à sa promesse j'eus les renseignements
suivants:
« Il n'existe dons Bordeaux qu'une Vicrgo semblable à celle
« qui a été cassée Tu la trouveras chez un mouleur rue Bouquièro
« (un petit mogasin situé dans un enfoncement). Il n'y a quo
« ce spécimen et lo marchand n'a pas même le moule »
Vite je prends un des fragments et me dirige rue Bouquièro.
En effet, jo trouve lo magasin indiqué et le marchand me

déclare qu'il a une Vierge semblable à celle que je désire; mais
rju'il ne possède pas le moule, Jo la chercherai el vous pourrez la
prendre ce soir.
En effet, le soir même je rentrai à Malbecavec la statuette qui
devait faire cesser tons les regrets.
En mo voyant arriver une communication officielle s'ensuivit :
« Cette vierge, mon.fils, sera déplacée Je note dirai pas où je
« l'emporterai ; mais c'est elle qui
révélera la visite quo lu as
« reçue Or, commo cllo ira très loin lu vas mctlro dans l'inlé-
« rieur Ion nom et ton adresse »
Co qui fut fait.
Placée sur lo support, la nouvelle Vicrgo tourna trois fois le
lendemain do son arrivée ; mais depuis elle resta complètement
immobile
Jo ne sais si ello effeclucra un jour le voyage annoncé. Quoi
qu'il en soit, ses préparatifs sont bien longs.
Ici so terminent tous les incidents ayant trait à la statuette que
les circonstances do l'année terrible firent passer du resto en
d'autres mains.
Nous l'avons dit, l'arbitrage marchait do mieux en mieux. Et,
avec sa facilité à prévoir l'avenir, l'inconnu liquida au plus haut
cours l'Italien, tandis qu'il attendit quelques jours pour racheter
plus favorablement son trois pour cent
Celait d'une précision renversanto et avec un pouvoir pareil a
son service, la fortune était sons limites.
Lo bénéfice résultant des deux opérations s'éleva à environ trois
mille francs.
Sur les premiers fonds provenant do la liquidation du i5,
j'eus mission de réserver mille francs pour un père de famille
Et le souvenir de cette bonne action dont jo no fus en quelque
sorte qu'intermédiaire, me réjouit encore»
D'autres distributions moins importantes me furent ordonnées.
Enfin, commo couronnement de l'édifice il fallut illuminer
notre jardin en l'honneur'do la' Vierge
PHÉNOMÈNES PSYCHOSENSOniELS ET INTELLECTUELS 351
Vinrent ensuite les bénéfices do la liquidation do lin du mois
qui donnèrent lieu à un incident curieux.
Le jour des paiements, lorsque lo bénéfice fut à la disposition
de l'esprit mystérieux, il mo pria do revenir à Bordeaux pour
acheter un piano qu'il offrait à ma fille (C'est là le cadeau dont
il a été question au début do l'opération.)
« Va, me dit-il, chez M. Caudérès, allées do Tourny, 60, où
« tu achèteras un piano d'occasion dont on to demandera
u 65o francs. »
Comme je faisais observer qu'il me fallait des indications pré-
cises afin d'éviter toute confusion :
« C'est inutile, je serai là pour veiller à co qu'on no t'offre
« que
le piano que je désire
« Tu n'auras mémo pas à marchander, car le prix est au-
«
dessous de la valeur do l'instrument »
Gomment résister aux désirs d'un ami si bienveillant et dont
le pouvoir semblait n'avoir d'autres bornes que sa \olonté?
Au surplus, avais-jo à discuter l'emploi d'argent qui 110 m'ap-
partenait pas?
J'arrive donc allées do Tourny. M"10 G... était seule ou
magasin. Je suis mes instructions et on m'olïre un piano d'occa-
sion pour 600 francs. C'était donc ôo francs au dessous du prix
fixé. J'hésitai à lo prendre, mais me rappelant ses propres paroles,
je serai M, jo conclus lo marché à la condition expresse que
l'instrument mo serait livré le soir même, selon la volonté du
bienfaiteur.
J'arrivai bien vite à la maison impatient d'avoir une explica-
tion an sujet des 5o francs.
C'était la première Ibis que jo constatais uno irrégularité et
comme ma soumission n'était quo le résultat d'une infaillibilité
qui ne s'était pas démentie, il fallait la continuation absolue et
régulière des fails pour entretenir dans mon esprit celte confiance
aveugle qui, déjà portait une si grande alteintc à mon libre
arbitre
Co fut presque d'un air triomphant que j'annonçais en entrant
a In maison que le piano ne coulait quo Goo francs.
Jo le sais, répondit l'inconnu, niais Madame a fait une erreur.
Le lendemain, en allant régler lo compte, le marchand me
dit : Vous avez fait hier une bonne affaire, ma femme s'est trompée
en vous vendant pour Goo Jrancs un piano que j'avais Jixéa G5o.
Tout entier aux préoccupations des incidents surnaturels je
ne songeai pas à répondre et co fut tout pensif que je repris le
2Ô3 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
chemin, de Malbee, où jo racontais à l'être mystérieux ce qui
venait de m'arriver chez le marchand de pianos.
Si les préoccupations mystiques m'avaient fait oublier un
instant mon devoir, il ne Tut pas longtemps à me lo rappeler.
« Jo t'avais prévenu », dit-il.
Je compris et je rapportai 5o francs ou marchand ne voulant
pas bénéficier d'une erreur.
<
A ce moment les connaissances musicales do ma fillette se
.
bornaient au bon roi Dagobcrl cl, cependant lorsqu'elle se mil
au piano ses doigts subissant uno inllucnco mystérieuse se pro-
menèrent involontairement sur le clavier el jouèrent des airs
inconnus dont les accompagnements étaient dans loutesles règles
de l'harmonie
Convaincu que l'enfant exécutait des exercices de mémoire,
l'accordeur la félicitait sur ses dispositions musicales.
Ce phénomène no s'esl produit quo 3 ou l\ fois; il est vrai
que j'avais pris soin do faire quitter le piano à l'enfant dès que je
soupçonnais l'approche do l'influence
L'arbitrage liquidé, d'autres affaires patronnées et conseillées
par lo protecteur réussirent aussi bien que la première. Le but
élail toujours l'aumône Ces opérations n'étaient pas impor-
tantes; mais, malgré tout, leurs résultats permettaient d'augmenter
chaquo jour l'importance des secours.
L'esprit s'était réservé (je crois l'avoir dit en'commençant),
de désigner les personnes à secourir. Quelquefois il indiquait
le nom; majs plus souvent il se bornait à la rue, au n" et à
l'étage
11 me souvient qu'un dimanche au'moment même du déjeuner
j'eus mission d'aller immédiatement visiter une famille vivant
dans uno maisonnette derrière la rue Erançois-dc-Sourdis. La
course élait longue et malgré les indications qui m'étaient don-
nées je parcourus inutilement toutes les rues à peine Iracées dans
les terrains vagues du quartier et jo revins sans avoir pu remplir
ma mission.
11 faut y revenir,
mo dit l'inconnu, mémo avant de déjeuner,
car si lu peux attendre loi, il n'en est pas de même là-bas, oh des
enfants ont faim!,,,
Tous les matins en sortant de chez moi pour mo rendre nu
bureau j'étais chargé d'une bonne oeuvre.
Dons telle rue, à tel numéro, à Ici étage, la porto à droite,
habite une veuve : lu lui remettras 5 francs ou IO francs, etc,
Au début, craignant de me fourvoyer, ces missions m'embar-
PHÉNOMÈNES PSYClIOSENSOlllELS ET INTELLECTUELS 253
rossaient surtout lorsqu'il m'envoyait là où il n'y avait aucune
apparence dé misère; mais il ne se trompait jamais.
Pour subvenir à ces distributions et exécuter certain projet
religieux qu'il m'avouait, tel que la construction d'une chapelle
sur le terrain de Malbec, afin d'y perpétuer le souvenir de sa
visite, pour subvenir, dis-je à tant de frais, il augmentait sensi-
blement lo chiffra de ses opérations.
Il est vrai qu'une affaire engagée par son ordre donnait le soir
même un résultat favorable Et il fallait qu'il en fut rigoureuse-
ment ainsi pour maintenir celle confiance aveugle que l'esprit
tenait tant à conserver.
C'est alors qu'il changea de tactique dans ses opérations. Au
lieu do prendre ses bénéfices à chaque liquidation il s'opposa
désormais à toute réalisation.
En présence d'un système aussi dangereux je risquai timide-
ment ces réflexions :
(c
Vous me guidez on ne peut mieux, el je serais déjà trop
«
riche si, comme autrefois, vous profitiez de toutes les fluctua-
lions au lieu do vous opposer à la réalisation des bénéfices.
« —
« C'csl vrai, la marge est gronde sur vos achats, mais notre
«
prospérité n'est que factice puisqu'elle n'est que le résultat do
« reports et non
d'opérations liquidées. C'est-à-dire que par co
«
système 110113 prêtons constamment le flanc aux événements. »
Co fui aussi sous celte inspiration mystérieuse quo jo pris alors
l'engagement de désintéresser à bref délai mes commanditaires.
Toujours sous la môme direction les affaires me créèrent rapi-
dement une position opulcnle
Le mouvement ascensionnel des fonds continuait, et s'il surve-
nait parfois une légère réaction, elle ne pouvait enlever qu'une
faible parcelle des bénéfices déjà acquis sur les positions conti-
nuellement reportées.
On le voit, le système dangereux des non-réalisations n'avait
pas été abandonné.
Je m'en plaignais souvent
C'est ainsi que le ier janvier 1870 (qui était, je crois un
dimanche), ta coulisse a\aiil coté sur le boulevard 75 fr. o5 et
ce cours nous assurant un bénéfice de 3oooo francs sur une seule
affaire, je le suppliais de consentir à réaliser. Il refusa énergi-
quement disant : « Les tripotages an jour le jour ne me convien-
nent pas, je t'ai mis sur une position oui sera ta dernière affaire, »
De plus, il affectait-une aversion grande pour ma profession
qu'il désirait mo voir quitter au plus tôt.
254 LES PHENOMENES PSYCHIQUES
Il arrivait parfois à l'esprit de laisser échapper quelques excla-
mations, comme des apartés, dont Te plus fréquent était celui-ci :
QUELLE LUTTE!
Je n'y prenais point garde et ce n'est qu'après le dénoûnient
tragique de cette affaire, que le souvenir de ces exclamations,
pourtant fréquentes, m'est revenu à la mémoire
Les circonstances qui vont suivre démontrent douloureusement
que pendant deux ans et demi lo but, si patiemment poursuivi,
était de capler ma confiance à l'aide de révélations étranges et de
tenir en échec mon libre arbitre.
Ce résultat acquis, il ne s'agissait plus que d'user d'influence,
pour me maintenir sur une position dont l'imporlancc devait être
fatale, en présence d'événements prochains elque l'esprit de péné-
tration de l'inconnu lui permettait d'entrevoir.
Ce fut au milieu do cette prospérité, en quelque sorte d'em-
prunt, puisqu'elle ne résultait que d'opérations non réalisées, que
jo pris possession de ma nouvelle habitation, rue d'Enghicn,
n° 11.
Pendant plusieurs mois, quoique la rente fut impuisante à
franchir lo cours de 75 francs, fidèle à son système, l'inconnu
refusait de liquider. Il fallait donc faire reporter.
Mais pouvais-jc mo plaindre si les fonds restaient slationnaires?
Est-ce que les bénéfices, entrés en caisse par la plus-value, ne
semblaient pas une garantie suffisante contre tout, événement ?
De plus, il me semblait indigne de reprocher à qui je devais en
quelque sorto uno prospérité inespérée, de ne pas me donner
davantage '
Ma quiétude était donc absolue lorsque éclatèrent les complica-
tions avec l'Allemagne Cependant, dès le premier jour jo voulais
tout liquider.
Voilà tes' terreurs qui recommencent comme au moment de
«
«
l'incident du Luxembourg, Eh bien, je l'affirme que la guerre
n'aura lieu» Crois donc celui qui est le [\fallrc, et qui
u pas
«
depuis bientôt trois ans ne t'a jamais trompé. »
Malgré ces affirmations, deux jours après la guerre était décidée
et en s'etnparant des lignes télégraphiques le ministre, au coeur
léger, acheva ma ruine car il mo mettait dans l'impossibilité de
communiquer avec Paris et partant de limiter ma perte
Quel que soit le danger de la lutte on succombe avec moins de
regrets lorsqu'on a combatlu à armes égales, mais ici, sans parler
des circonstances étranges, la suppression des communication*
télégraphiques nie plaçait dans les conditions d'un homme préa-
PHÉNOMÈNES PSVCHÛSENSORÏELS ET INTELLECTUELS 255
laidement garrolé, qu'on jette à la mer cl auquel on ferait le
reproche de ne pas nager.
Dans ce moment critique l'inconnu était absolument muet.
Il ne répondait à aucune des questions que je lui adressais.'
Et pourtant la situation était des plus graves, car vingt années
de travail disparaissaient dans le gouffre el de plus, à cette perle
matérielle s'ajoutait la douleur d'être contraint do me séparer de
ma fille très dangereusement malade*
Une dernière explication eut lieu : « Voilà donc, dis-jc, où
« vous vouliez en venir l J'ignore qui vous êtes ; je sais seulement
« quo vous avez fait appel aux sentiments honnêtes pour me faire
« votre victime et que vous n'avez pas craint de mêler le nom de
« Dieu à vos embûches. »
J'étais trop irrité pour comprendre sa réponse ; aussi je n'ai
conservé d'autre souvenir que d'avoir entendu balbutier le mot
d'épreuves.
Ainsi se termina celle longue et douloureuse « histoire ».

J'ai donné in extenso celte curieuse auto-observation. La


leçon qu'elle comporte se dégage d'elle-même. La person-
nification est sujette h des erreurs qui peuvent être dange-
reuses si Ton s'abandonne aveuglément à sa direction,
comme trop de personnes sont tentées de le faire.
Au surplus les faits extraordinaires dont la vie de
Mme Vergniat a été remplie ne se sont pas bornés à ceux
que
je viens de raconter. Elle parait avoir possédé des facultés
supranormalesywsyu'ttU dernier moment. II.serait d'un inté-
rêt considérable que sa famille en donnât un récit détaillé.
CHAPITRE VI

LA FRAUDE ET L'ERREUR

Co livre serait incomplet si je n'examinais pas avec soin


la fraude et les erreurs d'observation. Il faut toujours con-
sidérer la première commo possible même avec les per-
sonnes les plus sérieuses et les plus sûres. Le Pr Bianchi
n'a-t-il pas lui-même simulé un phénomène dans l'une de
sos séances avec Lombroso et Eusapia l Les personnes les
plus honorables, les plus sages peuvent succomber ù la ten-
tation do mystifier lo voisin. Les erreurs d'observation sont
encore plus nombreuses que les fraudes et les sources en
sont diverses. Il faut les étudier, en connaître les causes,
et les soupçonner jusqu'à preuve du contraire.

§ î". — LA I'IUUDK.

La fraude est consciente, inconsciente ou mixte.


Je n'ai bas 'besoin d'indiquer combien la première est
fréquente, surtout avec les médiums payés» La lecture des
journaux spirites, notamment la llevue spirile, la lieme
morale cl seienlijUpie du Spiritisme, Lighl, Psychische Stu-
dieu, en donnent de nombreux exemples découverts par les
spirites eux-mêmes. La seconde n'est pas moins commune :
quant à la troisième, la fraude mixte, elle est également très
souvent constatée.
La question de la fraude est trop importante pour que je
ne donne pas à mes lecteurs, non seulement le résultat do
LA FRAUDE ET L ERREUR 2Ô7
mes propres observations, mais encore mon appréciation
des principaux documents publiés sur ce sujet.
LA FRAUDE CONSCIENTE.
— J'ai très peu expérimenté,
avec des médiums payés, si j'excepte Eusapia ; encore faut-
il rendre à Mme Paladino cette justice qu'elle ne m'a pas
paru intéressée. Les honoraires qui lui ont été donnés pour
nos séances sont peu de chose en comparaison des incon-
vénients qu'ont présenté pour elle ses déplacements» J'ai
observé quatre ou cinq médiums professionnels dont trois
seulement ont perçu des honoraires. Je lie les nommerai
pas. '
a) Raps, — Rien n'est plus facile à imiter. J'ai indiqué
les divers moyens de les reproduire artificiellement t glisse-
ment du doigt ou de l'ongle sur le plateau de la table, avec
ou sans colophane; coups frappés avec le pied ; glissement
du pied ou do la robe, surtout les robes de soie, contre les
pieds de la table ; glissement de certaines étoffes sur le bord
do la table, etc. Ces divers mouvements imitent les raps
faibles h. la perfection, à condition d'être faits avec une ex-
trême lenteur. En pleine lumière, j'en donne facilement
l'illusion à des personnes prévenues que jo fraude. Il est
très difficile d'observer à la fois les dix doigts, le bras, la
jambe, le pied. Aussi mo suis-jegardé déconsidérer comme
probants les raps faits avec le contact d'une partie quel-
conque du corps, J'exclus par conséquent des phénomènes
qui ont déterminé ma conviction les raps produits sur lo
plancher. Certaines personnes paraissent pouvoir remuera
volonté leurs tondons dans des conditions particulièrement
bruyantes. Je l'ai observé sur un étudiant qui, en appuyant
lo coude sur la table, produisait des raps sonores : mais le
mouvement de son bras était aisément perceptible. J'en ni
connu un autre qui faisait craquer h volonté ses articu-
lations.
Le jeu de l'articulation du genou a été notamment incri-
miné par MMCSidg\vickdaiis son article» Thcphysicalplie-
MAXWELL, '?
^2o8 LÈS PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

nomcna of spiritualism » (Proceedings S. /. ps. Res.,


XIII, p. 45). Elle rappelle les interprétations données par
les D" Flint, Lee et Goventry qui ont observé Mm" Kano et
Underhill, deux des fameuses soeurs Fox. Atme Sidgwick a
expérimenté aveo la troisième, Mm 0 Jencken et accepte l'ex-
plication des médecins américains. Pour eux, les raps dou-
bles étaient produits par un mouvement rapide de déboîte-
ment et de rcmboîtement du genou. En plaçant le médium
de manière h rendre cette dislocation volontaire impossible
(par exemple le médium assis), les jambes en extension et
les talons reposant sur un coussin mou, aucun rap ne se
produisait. Il est possible quo l'explication trouvée par les
médecins américains soit vraie pour le cas examine par eux.
Dans ceux que j'oitétudiés, elle n'est certainement pas ac-
ceptable. J'ai obtenu des raps frappés sur une table, sans
aucune espèce de contact. J'en ai obtenu sur le plancher en
plaçant le médium dans des positions excluant lo jeu de
l'articulation. Lo genro de fraude signalé n'était donc pas en
cause. J'ai expérimenté même en faisant asseoir certains
médiums sur mes genoux et en leur tenant les mains. Enfin
jo me suis assuré que les raps résonnuient bien dans la
table et quo celle-ci n'était pas touchée. Cette conclusion
est le résultai de près de deux cents observations.
Dans l'obscurité, les moyens de fraude sont inimagina-
bles. J'ai vu un jeune médium qui avait réussi a dissimuler
un bâton et simulait avec lui des coups frappés au plafond.
J'en ai connu doux autres qui donnaient des coups do poing
,sur la table, d'autres la frappaient par dessous avec le pied.
Tout est possible dans les ténèbres et avec certains obser-
vateurs confiants.
b) Parahinésie, — C'est ainsi quo j'appelle les mouve-
ments anormaux avec contact» J'ai souvent répété que tous
les mouvements avec contact, sauf certaines lévitations,
d'ailleurs difficiles à observer avec précision, ne signifiaient
rien. J'ai indiqué les principaux moyons do frauder les ld-
LA FRAUDE ET L'ERREUR 269
vitations, soit avec les mains, soit avec les pieds, soit même
avec les genoux. Je n'y reviens pas.
Ces moyens peuvent être difficilementemployés en pleine
lumière, mais, quand les expérimentateurs sont placés de
manière à ne pas pouvoir surveiller réciproquement leurs
pieds, le second des moyens indiqués est encore facile à
employer.
c) La télékinésie est plus difficile à frauder ; il faut un
lien quelconque rigide ou flexible pour mouvoir les objets
d'une certaine dimension et ayant quelque poids. Je consi-
dère ce phénomène commo très convaincant quand il est
obtenu en pleine lumière : dans l'obscurité, il est invéri-
fiable d'une manière certaine.
d) Les phénomènes lumineuxi sont aisés h frauder: l'huile
phosphoréc et certains sulfures permettent d'imiter des
mains, des formes. Je connais une photographie fuite au
magnésium dans une séance, lo médium ayant une fausse
barbe et uno serviette blanche autour du cou, imitant une
sorte de vêlement. Les personnes qui ont assisté h cette
séance ne peuvent admettre qu'elles ont été trompées I
L'une d'elles, un de mes amis, très au courant des choses
psychiques, mais trop honnête pour soupçonner la fraude,
n'a pas cru à mon jugement sur cotte'photographie. Ha
fallu qu'il fût confirmé par le célèbre Papus. Quant aux
attouchements, Dieu sait s'il est facile de les simuler dans
l'obscurité l
L'on sait lo rôle que les poupées, les déguisements, les
compères jouent dons les séances do matérialisation. L'ima-
gination des escrocs est d'une inconcevable fertilité. Le
procès Rothe en fournit actuellement un nouvel exemple.
e) Les automatismes moteurs ou sensoriels peuvent être
imités avec une extrême facilité ctlh le contrôle véritable est
impossible. Il faut uno analyse soigneuse du contenu des
messages pour en apprécier la valeur. Los prémonitions
bien observées sont au contraire d'une extrême importance.
',•'
..':\^:
200
''' \ .-,':('•. •.!;;
"'.::' "':"..'".
LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
;. .."

Tout peut donc être fraudé dans les expériences psy-


chiques : cela ne veut pas dire que tout soit toujours fraudé,
Les personnes qui veulent tout expliquer par la fraude
commettent presque autant d'erreurs quecellcs dont la con-
fiance accepte tout sans contrôle.
H y a, tout d'abord, une observation générale à faire sur
les phénomènes que j'étudie dans ce livre. Elle est d'ordre
historique, mais elle n'en donne pas moins aux faits une
signification beaucoup plus étendue quo celle qui leur est
ordinairement prêtée. Beaucoup d'autours, Janetlui-mômo,
s'imaginent que les phénomènes du spiritisme, comme ils
le disent, datent des célèbres événements de Rochcster, où
les soeurs Fox furent vers i8/|5 l'objet do manifestations
diverses. En réalité ces faits sont beaucoup plus anciens.
L'un des cas les mieux observés est celui qu'a raconté lo
Dr Kerner dans son livre « Die Seherin von Prevqrsh qui
a été traduit par le Dr Dusart, probablement sur la traduc-
tion anglaise de Mme Crowc. Kerner a observé des raps et
des mouvements sans contact dès 1827, quand il avait
auprès do lui Mme Hauff. On trouve des phénomènes du
même genre dans tous les récits do maisons hantées ; il y
en a qui remontent h des époques très éloignées et il existe
des arrêts do divers parlements résiliant des baux pour cotte
cause. On les critiquait h la fin du xvm° siècle.
Il n'y a de nouvcàrr-qtte le système métaphysique fondé
sur ces faits. C'est en cela, et en cela seulement, que con-
siste le spiritismo ou spiritualisme t cette dernière expres-
sion, qui prête a l'équivoque, est en anglais l'équivalent do
la promière. Il n'est pas contestable que lo corps de doc-
trine formant l'essence do ces enseignements n'ait pris uno
extension considérable. J'ai èignalé la différence radicale qui
existe entre les croyances anglo-saxonnes et celles dos spi-
rites des autres races, particulièrement en co qui concerne
la réincarnation. Je n'y reviendrai pas, mais je rappelle,
peur préciser le point de fait, quo les seuls phénomènes
LA FRAUDE ET L'ERREUR
261

nouveaux qu'offrent les formes spirites du mysticisme


contemporain sont leur constitution en un corps do doc-
trines religieuses et leur rapide extension. Ces phénomènes
sont d'ordre sociologique, non biologique» Les faits sur
lesquels elles prétendent s'appuyer appartiennent au con-
traire à la biologie.
Encore, n'est-il pas absolument Vrai do dire que les tliéo-r
ries métaphysiques établies sur les révélations des esprits
soient nouvelles. La vie des saints nous en offre plusieurs
exemples, le plus célèbre est la dévotion au Sacré-Coeur do
Jésus, culte spécial fondé sur les révélations faites è la bien-
heureuse Marie Alacoque, religieuse qui vivait au xviii*
siècle» On en trouverait d'autres, même en dehors du monde"
monacal. Le commerce avec les esprits parait être un des
éléments des cérémonies religieuses dos Shakers les Mor-
*,

mons eux-mêmes semblent s'être livrés a des pratiqués


rappelant celles du spiritismo; Jérômo Cardan, John Dee,
Martine/, do Pasqually passent pour avoir été on relations
avec des êtres immatériels; enfin, les Rose-Croix ont été
considérés comme ayant des rapports fréquents avec des
génies divers. Rien n'est vraiment nouveau, si l'on étudie
l'histoire de la pensée humaine, rien, sauf peut-être l'ex-
tension contemporaine du spiritisme» A beaucoup d'égards
il parait jouer dans notre société civilisée, sceptique, ma-
térielle, le rôle naïf quo lo christianisme naissant a joué au
11* et au m* siècles de notre ère»

Mais c'est lu un problème sociologique ; son examen,


quelque intérêt qu'il présente, m'entraînerait au dch\ des
limites quo je me suis tracées ; je me bornerai donc a tirer
du rapide exposé historique que je viens de faire la con-
clusion qu'il comporte t les faits étudiés par Janet et Grasset
sont antérieurs au spiritisme et ne sauraient être légitime-
ment désignés sous ce nom. J'ai déjà indiqué que ce mot
exprimait un ensemble do doctrines métaphysiques et reli-
gieuses expliquant les phénomènes psychiques par l'intox
202 LES PHÉNOMÈNES- PSYCHIQUES
vention des esprits et puisant ses enseignements dans les
révélations attribuées a ces esprits. C'est une erreur termi-
nologique que d'employer pour la désignation des faits un
mot qui comporte une signification plus étendue, puisqu'il
exprime uno hypothèse explicative de ces faits. L'usage a
consacré lo mot de faits ou phénomènes psychiques : cette
expression est imparfaite, mais il me semble préférable de
s'eiv contenter jusqu'à nouvel ordre.
Le problème scientifique n'est donc pas, il mo semble, on
l'état actuel des recherches, de savoir si le spiritisme est
vrai ou faux, mais bien de déterminer si les phénomènes
psychiques sont réels ou imaginaires.
J'ai montré combien les représentants les plus autorisés
de la science française étaient mal informés, à l'oxccption
doRichctct do quelques autres. L'immense travail qui a
été fait aux Etats-Unis et en Angleterre est négligé par eux;
il est bien difficile par conséquent do discuter avec ces
savants, soit qu'ils ignorent, soit qu'ils feignent d'ignorer ce
que les autres ont fuit, J'ai également montré combien les
expériences instituées par eux étaient défectueuses, combien
leurs méthodes étaient critiquables, J'ai spécialement indi-
qué combien les expériences do Grasset étaient inopérantes
puisque les mpuvcmcnts obtenus par lui étaient produits
par contact, J'ai dit quo mes expériences avaient été faites
en plein jour (raps, télékinésic), rarement avec des médiums
professionnels, ordinairement avec non professionnels. J'ai
enfin insisté sûr la méthode opératoiro qui m'a paru la
moillcure. Je souhaite que mes expériences soient contrôlées
et reprises, persuadé qu'en prenant les précautions que j'ai
indiquées, les résultats signalés par moi soient constatés
par ceux qui y mettront le temps et le soin nécessaires.
Si toute discussion sérieuse est impossible avec certains
savants, il n'en est pas de même aveo ceux qui ont pris la
peine de vérifier par eux-mêmes les phénomènes psychi-
ques» C'est lo cas des principaux membres do la Société des
LA FRAUDE ET L'ERREUR 203*
recherches psychiques, Grookes, Lodgo, Myers, M. et Mwo
Sidgwick, M,,e Johnson, Podmore, Gurnoy, Barrett,
Hodgson, Hyslop et bien d'autres. Les deux premiers sont
persuadés do la réalité dos faits observés par eux, car c'est
encore une do ces erreurs communément répandues que do
dire quo Sir W. Grookes a reconnu qu'il avait été trompé.
Son récent discours à l'Association britannique pour l'avan-
cement des sciences dit expressément le contraire. Sir
Oliver Lodgo maintient aussi la conviction d'avoir observé,
avec Eusapia notamment, dos phénomènes do télékinésie.
Los autres ont déclaré qu'ils avaient été trompés par elle et
sauf Myers, revenu à sa première opinion, je crois, avant
sa mort, ils ont une tendance à attribuer a la fraude tous
les phénomènes physiques/, ils admettent au contraire la
réalité des phénomènes intellectuels et les expliquent soit
par la télépathie (Podmore), soit par l'intervention des
esprits, comme les spirites eux-mêmes dont ils so sont
cependant montrés d'abord les adversaires ; c'est notamment
le cas de Hodgson, do Myers, de Hyslop. J'ai trop do res-
pect pour les hommes remarquables qui dirigent la Société
des recherches psychiques pour ne pas discuter avec soin
leurs oxpérienecs, car leur jugement a une grande valeur t\
mes yeux ; j'ai on même temps trop lo souci de rechercher
la vérité pour leur dissimuler les erreurs d'expérimenta-
tion qu'ils mo paraissent avoir commises.
On trouvera dans le IVe volumo des Proceedings uno
série d'articles do Mmc Sidgwick» do Lewis, de Hodgson, do
Davey, sur la fraude. Les derniers traitent surtout de la
production d'écriture sur dos ardoises. C'est un phénomène
trop facile à frauder pour que j'aie jusqu'à présont essayé
sérieusement de l'obtenir; il suffît do lire les articles cités,
notamment celui do Davcy, pour comprendre combien le
phénomène se produit dons des conditions suspectes»
J'ai moi-même, il y a fort longtemps, produit artificielle-
ment co genre de manifestation en fixant un crayon dans
2fi4 : LES PHÈNÔMÈNEè PSYCHIQUES

un trou sous la table et en mettant l'ardoise en mouve-


ment. Avec un peu d'habitude on arrive à très bien écrire
et à donner do la régularité à des mouvements en appa-
rence spasmodiques et involontaires : mais on ne trompe
que les personnes trop confiantes ou trop inexpérimentées,
et pour être un peu plus compliqués les procédés de
M. Davcy ne sont pas plus difficiles à découvrir.
Jo mo demande môme comment un homme de l'intelli-
gence d'Hodgson a pu sérieusement fonder son argumenta-
tion sur des observations aussi superficielles que celles des
expérimentateurs qu'il cite. Voilà dos gens, honorables et
instruits sans doute, qui assistent à des séances pour obtenir
do l'écriture sur ardoise avec M. Davcy. Au lieu de prendre
l'élémentaire précaution do no jamais abandonner leurs
ardoises, ils les laissent manipuler par le médium, permet-
tent à co dernier de quitter un moment la sallo d'expé-
riences, consentent à co quo d'autres ardoises so trouvent
sur la table en mémo temps que celles qui servent à l'expé-
rience et enfin, quand ils examinent une ardoise ne l'exa-
mment que d'un côté. Ce n'est pas mal observer, c'est no
pas observer du tout(voy. R. Hodgson, Mr. Davcy's Iini*
talions by conjuringofphenomcna somelimes attributed to
spirit iAgency, 'Proceedings> VI, 253).
M. Uavoy a frauduleusement aussi produit des raps el
,

des matérialisations. Il faut lire dans l'article do Hodgson


les conditions dans lesquelles il a opéré pour voir combien
ses co-cxpéiimcntateurs ont eu en lui une confiance mal
placée. Ils no vérifient pas, bien qu'ils y soient invités, le
contenu d'un bahut où se trouvait justement le matériel
nécessaire à la fraude ; ils laissent M, Davcy fermer la porto
de l'appartement r celui-ci donne deux tours de clé, l'un
formant, l'autre rouvrant la porte qui est miso sous un
scellé do papier gommé mal collé ; personne ne songe à
vérifier si la porte est bien formée» Les précautions les plus
élémentaires sont négligées par les assistants qui, on le
LA FRAUDE Et J/ERRÈUti / 265|
dirait vraiment, ont été choisis par M. Davoy pour leiir cré-
dulité. Des fraudes aussi faciles à empêcher que colles dbnjtf
M. Hodgson tire argument ne sauraient être considérées
commo pouvant tromper un observateur prudent, sagacc,
habitué aux expériences et sachant conserver un peu do
sang-froid. No suffirait-il pas mémo quo le médium deman-
dât à un de ces observateurs: « Quel mot voulez-vous que
l'esprit écrivo dans l'ardoise ? De qucllo couleur voulez-vous
que l'écriture paraisse ? » pour quo ces questions révélas-
sent le truquage, L'argumentation de M. Hodgson est
inopérante et les fautes accumulées par les observateurs
trompés dont il cite les impressions sont excessives. On
penserait qu'il n'a eu affaire qu'à des spirites très
convaincus, disposés à admettre « priori la réalité des phé-
nomènes produits sans so soucier dos conditions précises
do leurs observations ; c'est co quo fait penser la lecture
des comptes rendus, oh je lis textuellement (p. 29C) : « It
may be interesting to compare the reports given by « spiri-
tualists » of a sitting with Mr. Davoy with bis account of
what aclually occurred, » —(Il peut être intéressant de corn*
parer les comptes rendus, écrits par des spirites, d'une
séance avec M. Davcy ot lo récit des faits tels qu'ils so sont
réellement passés). » — Peut* on tirer argument de ces récits
faits par dos spirites? Certains d'entre eux, convaincus de
la réalité des faits, se montrent très peu soucieux do touto
espèce do contrôle. Raisonner d'après leurs méthodes d'ob-
servation, généraliser ce raisonnement et retendre à tous
les observateurs est un procédé do discussion pur trop
facile.
D'ailleurs, certains phénomènes se prêtent mal à l'obser-
vation : il en est notamment ainsi de ceux qui exigent
l'obscurité et une mise en scène de nature à rendre diilicile
lo meilleur contrôle que l'on puisse exercer, celui des
yeux» A mon sons, le fait observé n'aura aucune valeur
démonstrative, toutes les fois qu'il se passera hors du
2CG LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
regard des expérimentateurs, comme c'est lo cas pour l'ar-
doise tenue sous lu table. Il n'a pas grande signification
non plus, lorsqu'il exige, pour être contrôlé, uno observa-
tion longue el continue, Les erreurs sont faciles, la distrac-
tion survient presque fatalement. Hodgson (The possibilités
of mnl-obscrvution and lapse of memory from a practical
pointofviow Praccedings, IV, 38i)en donne des exemples:
,
niais son article no fait quo signaler des faits bien connus de
ceux auxquels le témoignage humain est familier. Pour
observer avec un minimum de chances d'erreur, il faut que
lo phénomène étudié soit simple et répété assez souvent pour
que l'attention no so lassse pas à l'attendre. A ce point do
vue la production des mouvements télckinétiques et des
raps à l'aido des manoeuvres expérimentales quo j'ai
décrites, permet, en précisant lo moment où lo phénomène
doit se produire, d'apporter toute son attention à l'examen
des conditions dans lesquelles on l'obtient. D'ailleurs les
raps et les mouvements sans contact m'ont paru se prêter
admirablement à l'observation : avec ces phénomènes, et on
opérant comme je l'ai dit, on peut presque expérimenter ;
mais il faut chercher un médium véritable.
C'est ce qu'ont fait mes collègues de la Société des
recherchas psychiques, mais ils l'ont fait dans des condi-
tions qui laissaient à désirer. Mme Sidgwick, femme d'une
intelligence supérieure, a donné le récit des tentatives faites
par clic, son mari et ses amis pour obtenir des phénomènes
physiques. Ils se sont adressés à Eglinlon, à Sladc, pour
obtenir récriture sur l'ardoise, à M"cs Wood, Fairlamb
et à un autre médium nommé Haxby pour les matéria-
lisations. Les deux premières ont donne des phénomènes
bien suspects, pour ne pas dire pis : quant à Haxby il
fraudrait impudemment. Le récit de M'"e Sidgwick est
démonstratif sur ce point et il suffit de le lire pour se
convaincre qu'un observateur sagacc ne pouvait s'y laisser
prendre. J'ai eu l'occasion d'assister dans une grande ville
LA FRAUDE ET L'ERREUR
967
d'Allomagno à uno séance do matérialisation: il était clair
quo lo médium personnifiait l'unique apparence quo j aie
vue. La séance, m'a-l-on dit, a été mauvaiso ; jo le crois
volontiers.
La première erreur commise par les observateurs distin-
gués que jo viens do citer a été do supposer quo les phéno-
mènes psychiques s'obtiennent à volonté. Toutes les fois
qu'un sujet payé donnera des séances régulières, il y aura
cent chances contre uno d'être on présenco d'une escroque-
rio véritable. S'il est un caractère certain, pour moi, do
tous ces faits paranormaux, ce caractère est leur irrégularité
apparente, .l'ai pu expérimenter avec des médiums instruits
et soucieux do la recherche exacte : j'ai fait avec eux do
nombreuses expériences et j'ai observé quo souvent des
semaines entières s'écoulaient sans uno bonne séance ; à
d'autres moments la force était si abondante quo les phéno-
mènes se produisaient sans séance véritable : j'ai raconté
des faits curieux à cet égard ; la table par exemple se mou-
vant spontanément au cours d'une conversation où la ques-
tion des phénomènes psychiques était agitée.
Quelles sont les conditions qui gênent ou favorisent la
production de ce modo d'énergie encore inconnu ? Jo ne
puis les préciser ; n.uûsjc rappelle que je crois avoir remarqué
les concordances suivantes ; elles confirment en partie les
conclusions d'Ochorowicz (Ami, des Se. psychiques, VI,
n 5).
i° Action de la température. Le temps froid et sec est le
plus favorable. L'humidité, lo temps « mou » sont très défa-
vorables ;
20 L'état de santé du médium et des assistants. Silo mé-
dium est fatigué ou malade, les choses so passent comme
s'il n'extériorisait aucune force. Il en est do même des assis-
tants, mais dans une moindre mesure. 11 suffît pour obtenir
des phénomènes de faire retirer du cercle l'expérimentateur
fatigué ou souffrant ;
208 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
3° L'état d'esprit du médium ou, même dos assistants.
La mauvaise humeur, les préoccupations, la tristesse et
surtout uno tristesse sans cause préciso, une sorte de ma-
laise moral, sont nuisibles. La joie, la galle sont souvent
favorables ;
!\° L'épuisement nerveux. C'est là uno condition trop
souvent méconnue. Il m'est fréquemment arrivé d'assister
à plusieurs séries d'expériences à la fois. J'ai généralement
observé quo les résultats n'étaient pas bons. Je n'ai pu mo
rendre un compte exact do la cause des insuccès constatés :
elle est probablement autre quo le simple épuisement ner-
veux, bien quo celui-ci ait une action dans ces séances répé-
tées.
Do même, des séances trop fréquentes avec le mémo mé-
dium no donnent pas do bons résultais : l'épuisement ner-
veux est certainement à incriminer dans co cas.
11 y aurait, dans la recherche do ces conditions plrysiques,
physio-pathologiques et psychologiques des études certai-
nement fécondes à instituer, car la relation entre les condi-
tions atmosphériques la santé dos assistants et la produc-
tion dos phénomènes psychiques me parait vraisemblable.
J'ai indiqué déjà la remarque faite par moi que les phéno-
mènes avaient de grandes chances d'être obtenus lorsque
les roues des tramways électriques donnaient d'abondantes
étincelles.
Les expérimentateurs anglais ne paraissent pas avoir tenu
compte de ces divers éléments : je suis persuadé que le ré-
sultat de leurs investigations eût été différent s'ils avaient
fui les « paid médiums » et avaient cherché des sujets
neufs, instruits, désintéressés, capables de porter dans ces
recherches l'analyse exacte de leurs impressions subjectives..
Ces sujets sont rares, mais ils ne sont pas introuvables.
Aucune de ces conditions n'a été respectée par les grou-
pes anglais. Ces expérimentateurs ont, de la meilleure foi
du monde, fait fausse route. Eglinton, Slade, Haxby ont
LA FRAUDE ET L'ERREUR 269
été peut-être des médiums authentiques à leurs heures : mais
dès qu'ils ont fait métier do donner des séances régulières,
ils no pouvaient être en mesure do produire avec régularité
que des phénomènes frauduleux. A Newcastlo, lo groupe
Sidgwick opérait à la fois avec M"0 Fairlamb et avec
MUc Wood. Ces doux séries parallèles d'expériences no pou-
vaient quo so nuire l'uno à l'autre, alors mémo quo ces deux
médiums eussent été do bonne foi, ce qui no paraît pas ôtro
le cas d'après le récit do Mma Sidgwick. D'ailleurs je crois
que ces deux sujets, et un troisiômo qui a été plus tard
l'objet'de discussions assez vives, ont été surpris par divers
expérimentateurs au cours d'une séance dans des postures
qui permettaient de suspecter leur bonne foi ; à ce sujet, jo
renvoie à Lighl, 1881 à 1886, et au Journal ofthe Society
for ps. Res,, i885. Les personnes qui ont affirme leur
sincérité manquent peut-être dt sang-froid et do perspi-
cacité.
Ces qualités no font pas défaut aux savants anglais qui
faisaient partie du groupe Sidgwick.
Aussi, leurs erreurs d'expérimentation ont-elles une autre
cause ; je no puis songer à discuter en détail leurs expé-
riences ; je viens d'en résumer quelques-unes et j'ai montré
qu'ils ne pouvaient vraisemblablement rien obtenir de pro-
bant avec les médiums choisis par eux et dans les condi-
tions où ils opéraient ; mais j'étudierai leurs expériences avec
Eusapiaà Cambridge plus soigneusement, car leurjugement
sur ce médium remarquable me parait injustifié. Mes con-
clusions sont trop différentes des leurs pour que je n'essaie
pas do démontrer leurs erreurs d'expérimentation et la par-
tialité involontaire de leur verdict. Je renvoie d'ailleurs le
lecteur curieux aux articles de Richet dans lo Journal of
the Society for psychical Research, VII, p. 178, de Dariex
et d'Ochorowicz, dans les Annales des Sciences psychiques,
VI, p. 65 et 79 ; ces documents contiennent une apprécia-
tion intéressante des expériences do Cambridge.
27O LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
On sait dans quelles conditions M"* Johnson, M. et Mme
Sidgwick, MM. Myers, Hodgson, etc., firent venir Eusapia
en Angleterre pour reprendre losexpérienccsantérieurcmcnt
laites avec lo médium italien à l'Ile Roubaud, chez Richct.
Ces expériences avaient motivé un rapport favorable de
Lodgo, aux conclusions duquel s'étaient associés Sidgwick
cl Myers. Hodgson, — qui est docteur en droit cl non doc-
teur on médecine comme certains auteurs français parais-
sent le supposer, — critiqua les expériences résumées par
Lodgo. On lui a fait remarquer avec raison quo ses criti-
ques no contiennent rien do nouveau; que co qu'il dit avait
été déjà signalé par Richet et par d'autres, et que les expé-
rimentateurs étaient au courant des procédés do fraude pos-
sibles ; quo la substitution des mains l'une à l'autre, la sub-
slition d'un pied artificiel au pied du médium étaient des
inodes de tromperies connus et contre lesquels des précau-
tions avaient été prises : il n'en rcslc pas moins à retenir co
fait que des procès-verbaux rédigés par des hommes aussi
compétents que Richet, Ochorowicz, Lodgo et Myers ont
été critiqués avec une apparence do logique et de justesse
indéniables par Hodgson : celui-ci leur reprochait de no
pas décrire assez complètement la manière dont les divers
contrôles étaient assurés, de no pas insister sur les précau-
tions prises, sur la description minutieuse des moindres
mouvements du médium. Dans son article (Journal, VIII,
/19) il dit expressément :
« Le Pr Lodgo fait la déclaration suivante concernant le
soulèvement de la table : « Il me paraît impossible que quel-
qu'un soulève une table de cotte dimension et de ce poids,
en se tenant debout contre elle, avec les mains seulement
sur le plateau, sans une action considérable de la jambo et
une forte pression des mains. C'était tout à fait en dehors
des forces normales d'Eusftpia. »
((Maintenant, ajoute Hodgson, supposons qu'Eusapia
ail employé quelque espèce de support, que je m'imagine
LE FRAUDE >r L'ERREUR 27Ï
n'ôtro pas complètement inconnu, sous uno forme ou une
autre, do la race italienne(!), supposons qu'cllo avait, à
loucher son corps, une courroie légère et forte, autour dos
épaules et de la poitrine, avec un pendant de corde ou do
ruban noir auquel un crochet ou un autre moyen do prise
était accroché do manière à être caché dans son corsage
lorsqu'il n'était pas employé (entre parenthèses, j'ai vu uno
photographie d'Eusnpia, on séance, au moment où la table
est supposée on lévitation au-dessus du plancher ; un ou
plusieurs boutons do son corsage paraissent défaits).
« Elle a accroché ce moyen de prise, soit on se baissant,
soit en courbant légèrement les jambes on dehors, à l'un
des côtés do la table, ou à quelque point voisin do la jonc-
tion dos côtés et du plateau, par exemple ; elle s'est redres-
sée, a tendu en arrière ses épaules et son dos et a fait un
mouvement do poussée en avant avec son pied, contre lo
pied le la table à côté do laquelle elle so tenait. Le léger
contact de l'une de ses mains a pu aider à immobiliser la
table : le bord du plateau a pu être en contact avec son
corps. Celle hypothèse, ou toute hypothèse semblable, a-t-
cllc été examinée par lo Pr Lodgo, etc. »
Celte longue citation montre comment Hodgson raisonne.
Des savants consciencieux ont omis d'indiquer explicitement
dans leur procès-verbal que toutes les hypothèses de fraude
avaient été étudiées et écartées el d'insister en détail sur
chaque hypothèse, parce que leur affirmation implicite do
la réalité du fait leur a paru suffisante et que l'examen dé-
taillé de chaque hypothèse donnerait à leurs comptes ren-
dus des dimensions exagérées. Peu importe. Les analystes
comme M. Hodgson ne leur épargneront pas la critique, et
n'hésiteront pas à indiquer les hypothèses les moins com-
patibles pourtant avec les conditions de l'observation. Aussi,
ai-je renoncé à donner à mes expériences personnelles l'al-
lure d'un procès-verbal. J'ai raconté ce que j'ai vu, com-
ment je m'y suis pris pour le voir; ceux qui voudront cm-
272 LEO PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

ployer les mômes procédés réussiront commo moi. C'est là


l'unique moyen do contrôle ; l'observation personnelle est
soûle convaincante. Malgré lo soin avec lequel les comptes
rendus des séances do M. Hodgson lui-mômo avec M"1" Piper
sont faits, ils n'ont pas réussi à convaincre tous leurs
lecteurs. Il y a cependant quelque chose d'intéressant dans
celte conversion do M. Hodgson aux théories les plus fran-
chement spirites : mais c'est un problème psychologique
que seuls les familiers do mon savant collègue peuvent
aborder : j'ai lo sincôro regret do ne pas connaître cet hom-
me distinguo, dont les qualités d'observateur sont grandes
et dont le courage est admirable.
Mais qu'il me permette do le lui dire, ses critiques sont
souvent « à côté ». J'ai eu avec Eusapia des lévitations fré-
quentes do la table, mains et pieds vus, en bonne lumière :
il n'y avait ni courroie, ni crochet, ni aucun moyen de
tromper. J'ai vu avec d'autres médiums des phénomènes
analogues se produire on plein jour, dans des conditions
d'observation parfaites, aucun contact entre le sujet et la
table n'étant perceptible pour la vue ou le toucher. Richet
(Journal, VII, p. 73) a d'ailleurs répondu à Hodgson sur
ces critiques ; et Ochorowicz, Lodgo (M/., p. 75) et Myers
lui-même les réfutèrent aussi.
Pour trancher le débat, les expériences de Cambridge
furent décidées et Hodgson, qui avait cependant nettement
pris position, y fut convié. Ces expériences ont donné
de mauvais résultats et Sidgwick a pu dire, malgré les ob-
servations contraires d'autres expérimentateurs qui étaient
ses collègues à la Société des recherches psychiques : « On
verra qu'à notre dernière réunion une question a été posée
au sujet de certains phénomènes obtenus par Eusapia Pala-
dino après la découverte de ses fraudes à Cambridge. Il peut
être bon que j'indique brièvement pourquoi je n'ai pas l'in-
tention do rendre compte de ces phénomènes.
« La S. P. R. n'a pas coutume d'attirer l'attention sur les
LA FRAUDE ET
L'ERREUR 27^
actions do tout soi disant médium qui a été convaincu do
fraudo systématique. Or, l'investigation faite à Cambridge,
dont les résultats sont donnés dans lo Journal du mois de
novembre 1890, joints à un article du Pr Richet dans les
Annales des Sciences psychiques do janvier-février 1893, ont
mis hors do tout doulo raisonnablo que les fraudes décou-
vertes (sic) par le D Hodgson à Cambridge ont été systé-
1'

matiquement pratiquées par Eusapia pondant dos années.


Conformément à notre règle, jo mo propose d'ignorer ce
qu'elle fora à l'avenir comme j'ignore co quo font les autres
personnes adonnées à co métier malhonnête. »
Richet a dû êlrc bien étonné do so voir ainsi cité par
Sidgwick à la page 2.3o du volume Vil du Journal of Ihe
Soc, for psych. Res., alors que sa lettre publiée p. 178 dit
expressément le contraire.
Un pareil jugement a eu le plus fâcheux retentissement:
s'il est exact, il était juste de lo porter ; s'il n'était pas com-
plètement exact, il fallait suspendre le verdict. C'est ce que
les expérimentateurs anglais auraient dû faire: c'est ce que
conseillait Myers, ce que conseillait Lodgo, dont la fermeté
a été au-dessus de tout éloge, c'est ce quo leur conseillait
Richet : c'est ce que n'ont pas fait les expérimentateurs qui
ont suivi l'entraînement d'Hodgson. Us se sont trompés et
les événements leur ont donné tort.
J'ai dit que leur jugement n'était pas complètement exact ;
Sidgwick, dont la bonne foi est pour moi'certaine, a dit :
« Les investigateurs considèrent que des fraudes systémati-
ques ont été employées au cours de toutes ces séances. Le
mode opératoire en sera décrit par le Dr Hodgson : ce der-
nier, quoique présent pendant une partie des séances seu-
lement, ayant eu de meilleures opportunités pour observer
personnellement les moyens de fraude employés. Lorsque
celte tromperie cul clé découverte, la plus grande partie
des phénomènes considérés comme supranormaux dans
ces séances est devenue immédiatement explicable; cl, la
MAXWELL. 18
97/1 IKS PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
chose étant ainsi, il était déraisonnable d'attribuer même
bypothétiquement à uno action supernormalo le reste des
phénomènes moins aisément explicables. » Sidgwick déclarait
quo ses expériences anciennes étaient non avenues, toutes
pouvant être de même expliquées par la fraude.
Hodgson, dans cette même séance du 11 octobre iSp5,
expliqua les moyens employés par Eusapia, libération frau-
duleuse d'un pied ou d'une main, ou quelque simple appa-
reil comme un mouchoir ou uno pièce de monnaie enduite
d'une préparation phosphoréc. Hodgson, et Myers lo lui a
fait remarquer, oubliait do dire qu'il n'avait rien inventé et
que ces moyens de fraude avaient été découverts et signalés
avant lui par bien d'autres, et notamment par Richet qui a
si souvent el si longtemps expérimenté avec Eusapia. Mais
passons sur ce point accessoire et retenons pour les ana-
lyser les déclarations do Sidgwick et du jurisconsulte amé-
ricain. Le premier constate déjà qu'une partie des phéno-
mènes n'était pas aisément explicable par la fraude. Il
aurait élé intéresssant de connaître laquelle. Je soupçonne
quo certaines lévitations doivent être au nombre do ces
phénomènes. Mais les noies publiées dans le Journal de la
Société des recherches psychiques, VII, p. i/|8 et suiv., ne
parlent guère que des attouchements, cl il convient de
limiter la discussion à co fait, bien qu'il m'ait toujours paru
peu démonstratif.
Prenons la séance du 1" septembre. On lit, p. i53:
« 7 h. ao. R. Hodgson dit qu'un phénomène se prépare.
Une main énorme secoue la tôle do Mme Myers : main dai-
gnent perçue. Sidgwick contrôle bien la main, mais non
tout entière. Hodgson lient la main entière, puis la perd
un instant et est repris ensuite. La main lient bien H.
Sidgwick. La main droite, pouce et doigts, clrcint Hod-
gson. »
Lo lendemain, ce dernier ajoute au texte : « Presque
toujours, après les premiers attouchements de mains, j'in-
LA FRAUDE ET
L'ERRÉÙR 876
formais les expérimentateurs de l'imminence d'un phéno-
mène, en pou do mots, comme ceux-ci : a Un phénomène
se préparc » el cela avant quo lo phénomène so produisît :
ordinairement même immédiatement avant. Je l'annonçais
en règle générale lorsque je sentais que la main droite du
médium quittait la mienne, niais quelquefois lorsque je la
sentais se préparer à 1110 quitter. Après le phénomène,
quand la main était revenue, jo décrivais ordinairement ce
que j'éprouvais au moment même, de manière que Eusapia
110 fût pas informée, — par la compréhension partielle
do mou anglais,
— quo jo savais que sa main avait quitté
la mienne pendant lo phénomène. »
.l'avoue ne pas bien comprendre. Hodgson s'est montré
si sévère pour les autres qu'il ne m'en voudra pas do lui
demander la précision qu'il exige des autres. Or, dans le
passage cité, quo lit-on : i° que Mu,° Myers est touchée par
uno main énorme, majn clairement perçue. Ou c'est la main
d'Eusapia lâchée par Hodgson et alors elle doit être petite,
car Eusapia a uno très petite main, ou bien Mme Myers n'a
pas clairement perçu la main qui la secouait. Si M"1" Myers
a décrit exactement son impression, Hodgson se trompe
en semblant indiquer que c'est la main d'Eusapia qui a lou-
ché M"1C Myers ; dans lo cas contraire, c'est M'"" Myers qui
s'est trompée. En tous cas, il y a là une contradiction entre
les deux observateurs.
Ochorowicz, qui plus heureux que moi a pu obtenir la
communication des procès-verbaux originaux do Cam-
bridge, les critique d'une manière décisive et définitive
dans son excellent article publié par les'/twt«/cy des Sciences
psychiques. Il montre le rôle d'Ilodgson, rôle tout à fait
néfaste.
Mais, je ne veux pas insister sur cette critique spéciale.
J'en reviens à co que je disais : Sidgwick reconnaît que les
trucs d'Eusapia n'expliquent pas tout et il laisse Hodgson
s'étendre complaisamincnt sur des attouchements fraudu-
970" MïS PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
leux. Lo savant'avocat a mémo mimé les trucs d'Eusapia
pour libérer ses mains et ses pieds devant les membres de
la Société des Recherches psychiques. Tout cola élail connu
des spécialistes continentaux. Hodgson n'avait rien inventé :
.pourquoi s'est-il borné à ces critiques partielles ol nn-l-il
pas discuté chaque fait, et surtout ceux qui ont paru inex-
plicables ? Voilà qui eût été nouveau cl intéressant. Il se
montre bien sévère pour Eusapia : pourquoi no pas la traiter
comme il traite MM,C Piper dont les erreurs et les efforts
pour tirer les vers du nez do ses clients 110 l'ont pas dé-
taché? Il discute avec soin ces erreurs et ces tentatives.
Est-ce parce qu'il croit que chez la célèbre américaine il n'y
a pas de fraude consciente ni inconsciente, et que seul dé-
funt Phinuit était responsable des inexactitudes et des men-
songes, alors que la fraude d'Eusapia était consciente el
volontaire?
Je lui répondrai dans ce cas que ses amis et lui sont on
grande partie responsables de ces fraudes, cl presque exclu-
sivement responsables do l'échec des expériences. Ils ont
oublié qu'un médium n'était pas un instrument mécanique,
ils paraissent avoir négligé le côté psychologique de son
rôle. Daricx et Ochorowicz ont mis en relief colto erreur
capitale. Elle s'est manifestée et affirmée do diverses ma-
nières.
Eusapia n'était pas à son aise, et si j'ai gardé bonne mé-
moire do ses conversations, clic trouvait lo milieu canta-
brique un peu dédaigneux et hautain, sauf M. et Mm 0 Myers.
Eilo se sentait isolée et s'ennuyait. Jo crois qu'elle n'était
pas admise à la table des maîtres, mais je n'affirme pas ce
détail : il nie semble qu'elle m'a dit qu'elle était d'ordinaire
servie à part.
Ensuite, les séances ont été trop nombreuses ; il y en a
eu vingt. Jo ne crois pas qu'Eusapia ait passé sept semaines
à Cambridge : elle y a donné 90 séances, soit une tous les
deux jours, si'l'on tient compte d'une indisposition qui a dû
LA FRAUDE ET L ERREUR 977
l'immobiliser quelques jours : c'était assurer les pires ré-
sultais, alors surtout quo les séances duraient quelquefois
doux heures et demie ou trois lieuros. Il était impossible
au médium do so refaire physiquement et moralement,
surtout dans un pays où les moeurs, les relations, le lan-
gage et la cuisine mémo ressemblent si pou à ceux de
Naplcs; elle a été un pou souffrante on Angleterre? Sa
maladie a-t-ollc clé longue? Jo n'en sais rien, mais jo puis
afiirmer qu'elle n'en est pas revenue contente.
Il paraîtrait cependant que les premières séances ont été
assez bonnes : il y a ou dos choses suspcclcs, commo c'est
lo cas souvent avec Eusapia. L'arrivée do Hodgson a tout
changé; c'est alors que la fraude a clé découverte, long-
temps après que Richet et Tcsolli l'eussent spécifiée.
Gomment Hodgson s'y est-il pris? 11 parait avoir conçu
l'idée singulière de no pas contrôler du tout Eusapia et do
lui laisser la libre disposition do la main qu'il tenait.
Chaque fois qu'il scnlait lo contact de la main cesser, il
annonçait un phénomène : celui-ci produit, il racontait
ses impressions en Anglais à ses co-cxpérimcntatcurs.
C'étaient doux grosses fautes. La première favorisait la
fraude même inconsciente: car la sensation d'un contrôle
sévère arrête quelquefois les phénomènes, mais empêche
au moins la production dos truquages ; la seconde, en
éveillant la jalouse susceptibilité d'Eusapia devait l'inquiéter
cl l'irriter. Ces considérations peuvent paraître secondaires
aux personnes qui ne sont pas au courant des difficultés que
présente l'observation des phénomènes psychiques : ceux
qui sont familiers avec elles no me démentiront pas.
Si encore les expérimentateurs de Cambridge s'en
étaient tenus à ces erreurs, on pourrait les excuser, et con-
sidérer qu'ils se sont trompés sur les conditions nécessaires:
mais ils ont été plus loin. Ils ont fait participer à quelques-
unes de leurs expériences MM. Maskclync père cl fils, lés
directeurs bien connus do l'Egyptian Hall. Ces messieurs
978 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

sont les Robert Houdin do l'Anglotorro. Ils so sont fait uno


spécialité do reproduiropar prestidigitation les phénomènes
dits spirites. Cola date do loin ot jo mo souviens de în'âlro
lait enfermer en 187O, à l'Egyptian Hall, dans l'armoire
dos frères Davcnport. J'ai observé co qui se passait dans
celte armoire aussi bien que j'ai pu et j'ai eu l'impression
do m'être trouvé enfermé avec doux adroits compères qui
se sont habilement détachés cl rattachés. Lo procédé est
connu.
M. Maskclync père n'avait pas dissimulé son parti pris
si j'en crois lo résumé do ses lettres ou Daily Chroniele
(•ij) octobre 1895 et jours suivants). Cet escamoteur ex-
plique d'une bien singulière façon certaines lévitations. Un
guéridon aurait élo transporté sur la table : Eusapia l'au-
rait saisi avec les dents en se penchant on arrière et aurait
par co tour do force dentaire apporté elle-même le guéri-
don. M. Maskclync a senti ce, mouvement tout comme
M. Hodgson a senti perdre lo contact de la main du mé-
dium quand un phénomène allait se produire. Do celte
constatation négative M. Maskclync comme Hodgson déduit
celle conclusion positive que le phénomène a été normale-
ment cl frauduleusement produit. Je ne veux pas reprendre
sur d'autres points M. Maskclync — qui s'est fait une ré-
clame peu ordinaire aux dépens de mes savants collègues,
— je pourrais signaler, par exemple, que, dès le début de
la séance quand la table oscillait, il en contrariait le mou-
vement, ce qui mettait Eusapia en fureur. Co n'est pas là
un procédé adroit et il dénote une singulière inexpérience.
Mais je reconnais que M. Maskclync a d'autres soucis que
l'élude patiente dos faits psychiques cl j'aurais mauvaise
grâce à lui reprocher son incompétence. Je retiens toute-
fois son affirmation que le mouvement en arrière qu'Eu-
sapia a fait au moment où la petite table était portée sur la
grande lui a révélé son procédé. Il est heureux pour
M. Maskclync qu'il so rencontre sur ce point avec Hodgson
LA FRAUDE ET LEUREUR 97^
ou plutôt, il est fâcheux quo Hodgson ait la mémo impres-
sion quo l'incompétent prestidigitateur ; car, en concluant
commo ils lo font, l'un et l'autro oublient cette circonstance
souvent constatée avec l'italienne, que des mouvements
synchronies do ses membres accompagnent lo phénomène.
Si M. Maskclyno est excusable do n'avoir pas éludié et
examiné cotto circonstance, Hodgson, bien au courant dos
choses psychiques, est impardonnable do l'avoir négligée,
Cette omission est un J lacune fondamentale dans son ar-
gumentation : elle lui ôtc, il me semble, toute valeur sé-
rieuse.
Prenons un exemple dans les rares indications données
par les expérimentateurs do Cambridge (Journal, VII, i53),
Eusapia avait à sa droile MM. Hodgson cl Sidgwick; à sa
gaucho M. Darwin el Mmu Sidgwick : on face d'elle
M" 8 Johnson. Mmc Myers, sous la table, lui tenait les pieds.
Je dois dire quo les passages en italique sont des additions
postérieures au procès-verbal faites par M. Hodgson ou
Mmo Sidgwick.

7 h. (i. Trois coups, qui résonnèrent comme s'ils étaient


frappes sur la table (II...). La main droite est au-devant de
II... et tient trois doigts de la main do S... avec au moins
deux do ses doigts. La main gauche lient D... ctMm0S...
Trois mouvements ont clé faits auparavant avec la main
gauche. Genoux immobiles, pieds étroitement tenus. On
demanda au médium de recommencer le phénomène.
7 h. 7. Trois coups plutôt sourds et forts. Ressemblant
aux précédents. La main droite so meut tenant H... et S...
La main gaucho bien en dehors de la table ; contrôle satis-
faisant; est tenue par D... et M"lC S... Pieds bien tenus,
genoux n'ont pas bougé.
Ces deux séries de coups ont sans doute été produits par
la tête d'Eusapia. La seconde fois j'ai réussi à placer sa tête
partiellement entre moi et un filet de lumière qui passait
entre les rideaux derrière et j'ai observé le mouvement de sa
980 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

tête en partie, à Vallcr cl au retour, tille a fait avec sa main


droite un mouvement en avant, en dehors et un peu en haut ;
elle a peut-être (sic) fait un mouvement semblable avec sa
main gauche, se faisant ainsi la place libre pour le mouve-
ment d'abaissement en avant de sa tête ; en mcïnc temps les
mains qui tenaient les siennes étaient dans une position telle
qu'il était plus difficile de les frôler (H...)— Elle avait ainsi
mis pratiquement six mains hors de tout contact éventuel avec
sa tête (Mm0 S...). Tel est le procès-verbal. M. Hodgson est
jo lo répèle trop sévère pour les autres pour qu'on ne so
montre pas exigeant pour lui. Est-ce une façon admissible do
raisonner que do considérer qu'elle a peut-être fait avec la
main gaucho un mouvement semblable à celui qu'elle effec-
tuait avec la droite cl do tenir ensuite comme prouvée cette
possibilité? Ne fallait-il pas enfin tenir compte de co fait
qu'un pareil mouvement, chez une femme grosse commo
Eusapia, qui n'est plus jeune ni souple, ne peut facilement
se faire sans que les bras ne trahissent le mouvement do la
colonne vertébrale el des muscles du cou, sans que les
genoux ne révèlent le mouvement du tronc? Celui-ci pour
se mobiliser prend son point d'appui sur le bassin que
fixent les muscles de la cuisse. Or les principaux, notam-
ment le quodriceps crural et les muscles externes de la
cuisse s'insèrent au voisinage du genou.
Or, le genou n'a pas bougé. Hodgson ne signale aucun
mouvement du bras.
J'ai refait l'expérience et jo n'ai obtenu l'immobilité rela-
tive des bras quo chez des enfants de quinze à seize ans et
de petite taille : j'ai donc l'impression qu'un mouvement
de flexion de la tète aussi étendu que lo suppose M. Hod-
gson aurait été perçu par cet habile observateur s'il avait
existé. \

Le mouvement do la tète a pu être l'un de ces mouve-


ments synchroniques dont j'ai parlé. M. Hodgson a omis
d'envisager cette hypothèse.
LA FRAUDE ET L'ERREUR 981-
En résumé, en so bornant simplement aux documents
publiés, on constate que les expérimentateurs anglais n'ont
tenu aucun compte des conditions dans lesquelles il con-
vient d'opérer, qu'ils ont fatigué le médium, l'ont entoure
do soupçons, l'ont, M. Hodgson notamment, encouragé à
frauder, et lui ont enfin dissimulé le jugement sévère qu'ils
portaient sur elle. Comme l'a dit Richet (Journal Soc. f.
psych. R., VII, 179) les expériences de Cambridge ne prou-
vent qu'une chose, c'est que, dans celle série de séances,
Eusapia a fraudé avec ses procédés connus, et qu'il est
téméraire de conclure qu'elle a toujours fraudé. Il fait
remarquer :
c< i°
Que ces soi-disant fraudes ne s'appliquent qu'à un
seul phénomène ; et que pour quantité d'autres faits, mou-
vements de tables, etc., aucune explication (sauf celle de
Maskclync) n'a pu être donnée. Même il paraît prouvé que,
malgré toute la perspicacité de M. Hodgson, on n'a jamais
pu déceler le moindre instrument et le plus petit appareil
lui servant à aider ses manifestations.
« a" Que dans toutes nos expériences antérieures nous
étions parfaitement avertis de la possibilité d'une fraude et
que même nous en connaissions exactement la nalurc, de
sorte que les révélations de M. Hodgson ne nous ont abso-
lument rien révélé.

« /|° Que souvent sous des


;influences
t *
morales et psycho-
logiques dont la nalurc nous échappe, pendant un très
long temps Eusapia est incapable de pouvoir exercer une
action vraie quelconque et que peut-être à Cambridge clic
s'est trouvée dans ces conditions.
« 5° Que dans dos expériences faites en France peu de
temps après celles de Cambridge, des savants d'intelligence
certaine et d'honorabilité irréprochable ont eu des phé-
nomènes très nets qui no leur onl pas laissé le droit do
douter,
989 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

<(
C Quo maigre* les apparences qui sont souvent contre
Eusapia je no suis fixé on aucune manière sur ce quo j'ai
appelé jusqu'ici fraude et qu'il est très possible que, dans
l'état de Iranco ou dans les étals voisins, la psychologie
d'un médium soit très différente do la nôtre.
« Tous ces points pourraient être discutés longuement,
mais j'ai hàtc do conclure et voici ma conclusion : c'est qu'il
faut réserver son jugement.
« J'en conclus qu'il n'y a encore rien de démontré ni
dans un sens ni dans l'autre cl qu'il faut courageusement
poursuivre la recherche et expérimenter encore. »
Ochorowicz (Ann. des Se. psych., VI, 193) est plus sévère ;
il conclut ainsi :
« i° Les expériences de Cambridge ont été insuffisantes
et l'on n'a pas prouvé la fraude consciente chez Eusapia
Paladino.
« 2" On a prouvé la fraude inconsciente dans des condi-
tions beaucoup plus larges que dans loulcslcs expérimenta-
tions précédentes.
« 3° Ce résultat négatif est justifié par une méthodo ma-
ladroite, peu conforme à la nalurc des phénomènes.
« /|° Le seul résultat positif do celle série d'expériences
sera d'attirer Tallcnlion dos savants sur la question de la
fraude dans les phénomènes médianiques. »
Enfin Daricx (id., p. 78), dit à son tour:
« Toujours est-il qu'il semble ressortir de l'ensemble de
nos expériences qu'Eusapia nous a donné dos phénomènes
d'autant plus purs qu'elle a été mieux familiarisée avec nous
et a eu en nous plus de confiance.
« Pour nous résumer, nous dirons que, si l'on envisage
l'ensemble des expériences faites depuis quatre ans avec
Eusapia, il en ressort licitement que des phénomènes véri-
diques se,mêlent à des phénomènes frauduleux et que tout
esprit impartial qui Veut prendre la peine d'examiner con-
sciencieusement la question doit, sans pouvoir peut-être
LA FRAUDE ET L'ERREUR
983*
.

encore aller à une conviction absoluo, les considérer comme.,


réels. »
Mon jugement est conforme à ceux do ces savants. Lo
rclcntissomcnl des oxpérionecs de Cambridge a été consi-
dérable et lo tort porté à la réputation do M"" Poladino n'a
pas été moindre. Il m'a paru nécessaire de faire connaître à
mon tour l'opinion que dos expériences reprises trois
années de suite, m'ont donnée d'elle. J'aurais volontiers
gardé le silence, mais en y réfléchissant, et j'y ai réfléchi
six ans, j'ai pensé qu'il élail de mon devoir d'en appeler à
mon tour du jugement trop absolu de mes éminents col-
lègues de la S. P. R.
Je no ferai pas de reproches au comité de n'avoir pas
tenu compte do l'oeuvre contradictoire de certains des mem-
bres ou associés de la société.
Je comprends parfaitement les raisons qui ont déterminé
x\L Sidgwick à considérer comme non avenues les expé-
riences faites avec Eusapia : mais ce sont dos raisons senti-
mentales non scientifiques. Notre regretté Président aurait
.peut-être mieux fait de publier ses propres expériences et
celles do ses collègues. La Société des recherches psychiques
n'aurait pu être compromise par ces publications contradic-
toires, alors surtout qu'elle accepte dans ses Procecdings les
travaux actuels do M. Hodgson, lequel vient sans doute do
découvrir le spiritisme. La vérité y eûlgagné, car M. Sidgwick
était un esprit trop élevé pour ne pas adnicllrc que d'autres
chercheurs puissent no pas partager sa manière devoir.
J'aurais clé heureux personnellement do voir la Société
des recherches psychiques tenir plus do compte dos travaux
do ses membres étrangers et ne pas restreindre presque
exclusivement son oeuvre aux productions d'un petit groupe
de savants assurément du plus grand mérite et de la plus
haute valeur, mais auxquels on ne saurait sans quelque
injustice atlribucr l'exclusif monopole do l'intelligence, do
l'expérience et du discernement prudent.
9SiV LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Tout lo monde eût préféré, jo crois, quo celle question de
la fraude fût franchement abordée par la Société et quo ses
publications ne fussent pas fermées à ceux qui no pensent
pas comme le terrible M. Hodgson. L'oeuvre accomplie
par la Society for psychical Research est déjà trop impor-
tante pour que mes collègues ne m'excusent pas d'exprimer
ce regret.
Il est d'autant plus sincère que j'ai la persuasion que le
jugement exprimé par M. Sidgwick, dans les termes absolus
(pic j'ai indiqués, csl mal fondé.
Je rappelle ce que l'analyse interne des documents pu-
bliés m'a permis de constater : i° Démonstration dans cer-
tains cas très hypothétiques do la fraude: 9° Omission d'in-
diquer si Eusapia élail consciente ou à l'étal second, bien
qu'on puisse inférer que lo médium était en somnambu-
lisme puisque p. i5(i (Journ. Soc. of psych. R., VII)
M. Sidgwick lui-même dit : « I had frcqucnlly asked Eusapia,
or rallier John, clc. (J'avais souvent demandé à Eusapia, ou
plutôl à John) » ; 3" Omission do discuter les phénomènes
non explicable par la fraude ; f\° Contradiction apparente
entre les constatations d'Hodgson cl celles des autres expé-
rimentateurs, notamment M" Myers (p. i§3,Y énorme main);
10

5° Omission d'analyser si les mouvements suspects d'Eusa-


pia ne sont pas des mouvements musculaires synchrones
aux phénomènes. Colle omission est capitale et démontre
l'inexpérience relative des savants de Cambridge; C° Parti
pris évident chez M. Hodgson, qui avait déjà pris position
dans la question et traité do frauduleuses les expériences
d'Eusapia avant d'y avoir assisté: Ochorowicz en a donné
dos preuves, p. U9ctsuiv. do l'article que j'ai déjà cité.
J'en ajouterai une à celles quo l'on trouvera dans le travail
d'Ochorowicz qu'il faut lire avec soin. On lit, p. 151 du
Journal Soc. of psych, Res,, vol. VU:
Oh. 35. R. H. Chair touched. Hands visible on table. Loft
foot on bolh Darwin's; leg fclt up to knec.
LA FIIAUDE ET L'ERREUR 985;
(G h. 35. La chaise dcR. Hodgson est touchée. Les mains
sont visibles sur la table. Le pied gauche est sur les deux
pieds de Darwin ; la jambe est sentie jusqu'au genou).
G h. 3G. Table behind R. H. knocked over. R. H. « per-
fcll ». Right fool, knec, and righl leg ogainsl R. H (od-
gson).
(G h. 3G. Uno table derrière R. Hodgson est renversée.
R. Hodgson dit «parfait». Pied droit, genou et jambe droite
contre R. II).
M. Hodgson le lendemain ou le surlendemain écrit la
note additionnellesuivanlc : «Conccrning theprevious inci-
dents I callcd out pcrfctlamcnlc » wilhoul givingdclailcd
<c

description of the right foot doings. E'. right foot was al


first pressed very slrongly en my lcft, — slippored— fool
working aboutas if lo assure me of ils présence. The wor-
king gradually ecased and the pressure lightcncd so that
cvenlually llicrc was a very slighl pressure which seemed
chaiigcablc and I fclt prclly confident that iho right fool
had lcft my foot cnlircly, tho slight pressure rcmaining
being probably produeed by the hccl of E'. lcft fool lou-
ching mine, which E. had made me put well under the
table.
(En ce qui concerne les incidents ci-dessus je me suis
écrié «parfaitement» sans donner une description détaillée
des agissements du pied droit. Le pied droit d'Eusapia a
d'abord été fortement pressé sur mon pied gaucho chaussé
d'une pantoufle. Son pied s'agitait comme pour mo démon-
trer sa présence. Son agitation cessa graduellement, la
pression diminua, de sorte qu'à un moment donné il n'y eut
qu'une très légère pression qui paraissait variable, et je fus
à peu près silr que le pied droit avait abandonné complète-
ment mon pied, la légère pression qui subsistait élnnl />m-
bablemcnl duc nu talon du pied gauche d'E. qui louchait
mon pied : Eusapia me l'avait fait mcllre bien sous la
table).
980 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Ainsi, on rédigeant lo procès-verbal on constate que
Hodgson s'écrie: parfait. Il a, dit-il, le contrôle do toute la
jambe et du pied droit à G h. 35; M. Darwin a 16 contrôle
entier do la jambo et du pied gauche du médium.
Plus tard M. Hodgson so ravise. Il n'a plus eu lo contact
du pied. Il no parle pas de la jambe: doit-on supposer que
sa note so limilc au pied? C'csl ainsi qu'on doit lo com-
prendre si le langage de M. H... est précis et exact. Dans
ce cas, on ne comprend pas du tout comment Eirsopia a
pu renverser une table derrière M. II... sans bouger la
jambe. Lo pied aurait dû s'éloigner de oo à Go centimètres
do sa position normale pour cela et la fraude n'aurait été
possible quo si la jambe droite avait quitté H...-; dans lo
cas contraire en effet le pied n'avait pas la possibilité de
s'éloigner de plus de ioh i5 centimètres, distance insuf-
fisante évidemment, bien quo M. II... n'ait pas indiqué à
quelle distance élail la lablc renversée, nouvelle omission
inexplicable chez un critique aussi sévère.
Je sais bien que M. H... ne dit pas qu'Eusapia a renversé
la lablc avec son pied, mais sa noie donne l'impression
qu'elle a pu le faire, cl la sévérité des conclusions des savants
anglais montre qu'ils croient que co phénomène a été
fraudé comme les antres. Alors le langage de H... est vogue,
imprécis, inexact, cl il faul supposer que le contrôle do toute
la jambe a éle mauvais. Il n'y a pas d'autre alternative. Dans
ce cas, pourquoi,, au moment où le procès-verbal a été
rédigé, pourquoi dire que le phénomène est parfait, que le
contrôle du pied cl do la jambe droits est bon, quo II... en
sont le contact?
Notez quo toute ma discussion porte sur l'unique séance
dont le procès-verbal soit donné (rr septembre i8[)5); que
l'exemple est choisi pour démontrer la fraude cl qu'il est
clair que le groupe anglais a dû choisir une séance bien
démonstrative pour cela. Voyez cependant toutes les négli-
gences et les contradictions que celle seule séance révèle!
LA FRAUDE ET LERREUR
987 "-
Examinons-les, seulement en co qui concerne le phéno-
mène analysé.
A. Contradiction entre les affirmations de M, Hodgson ;
au moment de la séance et ses additions subséquentes. Elles
sont d'autant plus curieuses que M. Hodgson est justement
l'auteur do l'article déjà cité par moi sur la possibilité de
l'observation défectueuse et des erreurs do la mémoire. Celle
contradiction disparaîtrait en partie si M. Hodgson avait
dit ((parfaitement» sans penser ce qu'il disait. Je ne le
crois pas possible, car M. Hodgson est lin très galant
homme, incapable de dire ce qu'il ne croit pas vrai.
IL Contradiction entre M. Darwin et M» Hodgson pour
le phénomène de G h. 35. M. Darwin dit en effet sentir le
pied gaucho d'E... et sa jambe jusqu'au genou; le pied
gauche est sur les deux pieds de M. Darwin, ce qui n'est
possible que si le pied d'Eusapia est perpendiculaire à ceux
do M. Darwin. S'il se mol dans leur axe pour loucher avec
son lalon le pied de M. Hodgson, M. Darwin s'en apercevra
car il ne sentira sur ses deux pieds la pression du pied
d'Eusapia qu'au niveau des gros orteils. Tout le monde
peut faire l'expérience. En oulrc il ne sentira pas la jambe
d'Eusapiajusqu'au genou, puisque le talon du pied louchera
.
M. Hodgson: par suite l'articulation libio-larsicnno qui est
dans la région du calcanéum et non dans celle des métatar-
siens sera près de M. Hodgson cl seul le contact.du genou
pourra être senti, non celui do la jambe jusqu'au genou
« leg fcll up lo knec ». Cela est encore aisément vendable.
G. Le travail psychologique de l'esprit de M. Hodgson
so manifeste clairement dans la citation faite. Lo phénomène
parfait le i septembre, devient doulcux le a ou le 3 et plus
lard frauduleux. G'csl le signe du parti pris lo plus incor-
ligiblc. M. Hodgson réussit à faire partager son impression
à tout lo monde et personne, pas mémo M. Darwin, n'es-
saye de lui montrer ses contradictions soit avec lui-même,
soit avec cocxpérimcnlalcurs.
Si88 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Voilà ce que révèle l'analyse de l'oeuvre du groupe do
Cambridge. Elle démontre'que les observations de ces sa-
vants laissent à désirer plus quo tou tes au très et que M. Hodg-
son notamment donne l'excmplele plus frappant deserreurs,
des contradictions, des omissions les plus flagrantes. Je
suis très peiné déjuger ainsi un observateur de mérite, et
un homme dont les travaux sont do premier ordre, mais
quota partialité elle parti pris ont probablement aveuglé.
En un mot, les expérimentateurs de Cambridge ont ex-
périmenté dans do mauvaises conditions: ils ne devaient
pas avoir de bons résultais en agissant comme ils l'ont fait.
Cependant, même dans ces conditions, ils ont dû avoir
quelques phénomènes exacts. La lecture de leurs publica-
tions lofait présumer. En tout cas, cette lecture nodémonlrc
pas que tout ail é lé fraudé et ne suffit pas h justifier le juge-
ment déshonorant qu'ils portaient sur Mmc Paladino. '
Si maintenant l'on compare les résultais de Cambridge
avec ceux qu'ont obtenu les autres expérimentateurs, la
conclusion que l'on tire do leurs propres documents se pré-
cise. Je renvoie mes lecteurs aux procès-verbaux des expé-
riences do Milan (Ann. des Se. psych., i8o3), à l'article de
Daricx, à celui d'Ochorowicz déjà cités, au compte rendu
des expériences de l'Agnélas («/., 189G). Pour conserver à
mon livre le caractère de document personnel que je ÏCUX
lui donner, je 110 parlerai que do mes expériences avec
Eusapia. J'ai ou des séances avec co médium en 1895, en
ISQGCI en 1897. J'ai réserve mon jugcmci.l et je dois à
la vérité do dire que j'ai obtenu avec Mm* Paladino des
faits certains.
Commo mes cooxpérimcnloleurs de l'Agnélas, comme
Richet, comme Ochorowicz, commo Doriox, de Rochas,
do Watleville, dcGramont, j'ai cherche à mettre Eusapia à
son aise, à gagner sa confiance et sa sympathie Les ré-
sultais de mes séances ont été probants.
A l'Agnélas, j'ai vu hors séance, la table soulevée à la
LA FRAUDE ET
L'ERREUR 289?
hauteur do notre front, en pleine lumière. Tout le monde
était debout, on voyait et l'on tenait les mains d'Eusapia.
Celle-ci appuyait sa main gaucho tenue par la mienne à
l'angle droit de la table.
A Choisy, en octobre 1897, nous avons eu des phéno-
mènes suspects, notamment l'apport d'un oeillet qui nous
a paru bien louche; mais nous avons dit nos doutes à Eu-
sapia bien sincèrement. D'autres fois, les phénomènes ont
eu une intensité extraordinaire. Une après-midi, le di-
manche 11 octobre, tous les assistants, môme les plus
éloignés du médium ont été touchés.
Mais c'est peut-ôlrc à Bordeaux en 1897 quo les phéno-
mènes ont été les plus intenses. Je trouve dons mes notes
— qui ne sont pas dos procès-verbaux et n'ont aucune pré-
tention à la perfection — lo récit suivant:
« Pr... est fortement touché. E... lui donne le contrôle de
ses pieds et do ses mains. Pr... chaque fois qu'Eusapia lui
presse lo pied reçoit des claques dans le dos. On en entend
très distinctement le bruit. La chaise de Pr... est secouée
et tirée sous lui. E... froltc ses pieds sur le plancher, pour
se donner, dit-elle, du fluide. Enfin la chaise de Pr... est
portée lentement sur la table. Les personnes (Dr Denucé,
professeur agrégea la faculté de médecine, MmeA... et moi)
pour lesquelles Pr... est entre la table et la fcnôlrcéclairée
(persiennes) voient la chaise so profiler nettement sur la
fenôlre (largo baie do 2 mètres). Après avoir été placée sur
la table, la chaise est reprise et rapportée à terre puis ra-
menée une deuxième fois sur la table. Les mouvements
s'exécutent avec lenteur; pendant qu'ils se produisent, les
m'oins, la tôte et les pieds du médium sont contrôlés. Si une
partie du corps du médium avait touché la chaise ce con-.
tact aurait été perçu sur la silhouette de la chaise, celle-ci
étant découpée sur la fenôtre éclairée. Pendant quo sa chaise
est en mouvement Pr... est accroupi: il est touché dans le
dos, on lui tire les vêtements, on le chatouille; en mémo
Mmviat.. 19
2{)0 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

temps la lablc est en lévitation. Ces trois manifestations se


produisent simultanément.
Ce phénomène est peut-être l'un des plus probant!
qu'Eusapia m'ait donnés dans la demi-obscurité; il n'était
pas possible de produire simultanément avec une main et
un pied libre (en admettant qu'il y ait eu substitution) ces
trois manifestations; connaissant les fraudes possibles,
j'avais indiqué à mes cocpérimcntaleurs quels étaient les
« trucs «ordinaires d'Eusapia. D'ailleurs le Dr Denuco et
M. Pr..., avocat du barreau de Bordeaux, étaient l'un et
l'autre au courant des fraude. usuelles et avaient l'expé-
rience des observations. J'insisterai surtout sur la visibilité
de la chaise suspendue dans l'air. On n'en voyait que la sil-
houette, mais on la voyait nettement.
Voici encore une lévitation obtenue dans des conditions
qui excluent les dents, la courroie, le crochet, le pied ou la
main tenant la table, la pression des doux genoux, tout ce
qui a été indiqué par Hodgson ou Maskclync:
« Eusapia nous fait ensuite lever. Elle tire la table au
milieu de l'appartement (en annonçant que c'est elle-même
qui te fait). Elle invite de M... à lui tenir les pieds ; de M...
se place sous la table. E... s'impatiente et lui dit «
dictrô »
parce que la table lui ferait mal; do M... s'accroupit der-
rière E... et la saisit par les pieds: son contrôle est bon.
Pr... ctlcDr Dcnucé tiennent les mains. E... dit alors qu'elle
lèvera la lablc sans qu'on la touche. Nous faisons le cercle
debout autour de la table. Celle-ci après quelques oscilla-
lions s'élève verticalement. Le plateau atteint la hauteur
de notre front, ce que les personnes placées à gauche
d'Eusapia voient facilement, la table se profilant en noir sur
la fenêtre éclairée.
« Une seconde fois la table est soulevée dans les mêmes
conditions et à la même hauteur. Les assistants sont debout
autour de la table qu'aucune main ne touche. »
La table se profilait nettement sur la fenêtre éclairée. Il
LA FRAUDE ET L ERREUR *§l.
eût été facile de voir le membre ou l'instrument qui eût
été en contact avec elle.
Un phénomène vainement sollicité par M. Sidgwick?
comme lui paraissant lo seul fait « parfaitement satisfaisant
comme modo de contrôle des mains » a été obtenu à di-
verses reprises :
« E... prend les deux mains du Dr Denucéct lui donno
ses doux mains à contrôler. Dans ces conditions le Dr Dc-
nucéest touché. Elle agit de même avec Pr... qui est éga-
lement touché à diverses reprises. » '
Voici des phénomènes obtenus avec une claire lumière
verte.
« Mouvements de la table à droite et à gauche. Soulève-
ment d'un côté, puis deux bonnes lévitations. La table se
soulève des quatre pieds environ à 7|0 ccntimèlres et de-
meure 2 à 3 secondes en l'air. Les mains d'Eusapia sont
bien contrôlées et bien visibles. Los pieds ne bougent pas.
Pr... a la main gaucho sur les genoux d'Eusapia. De ma
place je distingue très bien le pied droit d'Eusapia. Les
pieds do la table (visibles pour moi) ne sont pas en contact
avec la robe d'Eusapia pendant la lévitation. La robe est bien
visible pour moi au-dessous de la table. La robe demeure
immobile. Lors du soulèvement complet aucune main ne
touche la table dont la surface est très éclairée. »
Voici enfin une expérience cruciale que M. de Rochas a
publiée dans les Annales des Sciencespsychiques en 1898. A
ce moment, je suspendais encore mon jugement, non que
mon sentiment à l'égard des phénomènes produits par
Eusapia et constatés par moi fût incertain, mais parce que
jo voulais étudier d'autres médiums avant de me prononcer.
Mes études sont aujourd'hui assez complètes, au point de
vue de l'observation des faits pour que je déclare ma façon
de penser. Les raisons de prudence qui m'avaient amené
à prier M. de Rochas do taire mon nom n'existent plus
aujourd'hui.
29a LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Voici l'extrait de mes notes contemporaines. « J'ai
acheté dans la journée un pèse-lettres que j'apporte. E... nous
fait rester deux ou trois minutes les mains sur la table,
puis elle approche ses mains du pèse-lettres en faisant
placer la main droite du Dr Denucé sous sa main gauche.
Le Dr D... accuse une sensation de souille froid qui s'arrête
au bout d'un instant puis recommence. Les mains d'Eu*
sapiasont à i5 centimètres environ du pèsc-letlrcs. Elles
sont dans le prolongement d'un des diamètres du plateau.
Eusapia fait deux ou trois fois un mouvement de haut en
bas avec ses mains, face palmaire en dessous. A la deuxième
fois le pèse-lctlrcs est poussé à fond de course ce qui exige
une force de plus de 170 grammes. — Eusapia prend la
main gauchcdcdcPonlaudet lenle l'expérience avec lui. Elle
demande s'il sent le souille froid. De Ponlaud répond que
non. Après quelques instants de P... sont ce souille froid à
l'annulaire et au polit doigt (la main gauche do de P... est
sous la main droite du médium). Le plateau s'abaisse et
l'aiguille s'arrête à la division 20.
E... reprend la main droite du Dr Denucé : elle ne place
plus ses mains dans le prolongement d'un des diamètres du
plateau mais en deux points formant un triangle avec le
centre du plateau. Lo Dr Denucé a toujours sa main droite
dans la main gauche d'Eusapia. Les mains de celle-ci sont
éloignées l'une de l'autre d'environ i5 ccnlimôlrcs et sont
à 10 centimètres, environ des bords du plateau. Le plalcau
s'abaisse ; l'index, marque 90 grammes et revient lentement
à o ; dans les doux expériences précédentes il y était brus-
quement revenu.
E... essaye do faire lever le plateau. Ses mains sont dans
lo prolongement d'un diamètre du plateau. La face pal-
maire est celte fois supérieure. Le plateau se relève. Dans
cette position la course du plateau est faible ; il est bloqué
au bout d'uni dcmi-ccnlimèlrc.
Pr... place son portefeuille pesant 70 grammes sur lopla-
LA FRAUDE ET L'ERREUR 2C)3X

' teau. Ce portefeuille est noir. E... recommence l'expérience


dans les mêmes conditions de position des mains, distances
observées à partir des bords du portefeuille. Après deux ou
trois mouvements de ses mains de bas en haut lo plateau
est relevé à bloc. » Ces expériences so faisaient avec une
belle lumière verte.
Enfin, nous n'avons jamais hésité à agir franchement
avec Eusapia, lui disant co que nous pensions. Par exem-
ple, à un moment donné, dans l'obscurité, E... tire la table à
clic sans annoncer quo c'est elle qui le fait» M. Pr... dit
aussitôt, c'est le médium qui tire la table. Eusapia ne, se
fâcha pas et dit que M. Pr. avait raison de dire ce qu'il
constatait.
Voilà quelques-uns des phénomènes observés à Bordeaux:
nous en avions obtenu déjà de très nets l'année précédente
chez moi, à Choisy ; ces deux séries d'expériences au cours
desquelles il y eut de bonnes et de mauvaises séances, m'ont
convaincu que je n'avais pas été la victime d'une illusion à
l'Agnélas chez mon ami M. de Rochas.
Mon jugement no convaincra personne. En pareille ma-
tière il faut voir soi-même pour être convaincu. M. Hodgson,
si peu facile à entraîner, le sait aujourd'hui par expérience.
Je ne cherche d'ailleurs pas à persuader ; je me borne à
dire ce que j'ai vu et bien vu. Mon témoignage contredit
formellement les conclusions des investigateurs de Cam-
bridge. Eusapia ne fraude pas toujours, elle a même rare-
ment fraudé avec nous. Y a-t-il lieu de la considérer comme
se livrant à un « mischievous trade » commo l'a dit si
sévèrement M. Sidgwick ? Elle en retirerait en tous cas
d'assez maigres bénéfices.
Commo l'ont dit Richet et Ochorowicz, tout médium peut
frauder et l'analyse de la fraude est un des problèmes les
plus compliqués que présente l'étude des phénomènes psy-
chiques. C'est aussi l'un des plus intéressants. La discussion
des expériences de Cambridge n'aura pas été inutile.
29^1 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

car elle poso avec netteté la quostion do la fraudo et do sa


signification.
Avant d'en aborder l'exomon psychologiquo il mo parait
nécessaire d'abord do précisor lo sens des termes quo jo
vais employer, onsuito do classor les phénomènes média-
niquos.
La promiôro oxpression dont il importe do fixer lo sens
est collo do conscience. Peu do mots s'emploient, dons lo
langago philosophique, dons autant d'acceptions diverses.
Commo ma conception do la conscienco est un pou spé-
ciale, sans m'ôtro cependant particulière, je dois dire co quo
j'entends désigner ainsi,
Jo conçois la conscienco, lato sensu, commo uno fonc-
tion do la matièro vivante. C'est l'état particulier que dé-
termine dans la matière organiséo ot vivanto, un autro état
du milieu où vit cette matièro. C'est, si l'on veut, un modo
de réaction do la matièro vivante à l'ensemble dos phéno-
mènes extérieurs. Go mode do réaction, commo tout mode
de réaction d'ailleurs, comporte deux conditions : uno sen-
sibilité quolconquo à l'action du milieu, permettant do
sontir, do porcoYoir les variations do co milieu ; uno acti-
vité quolconquo permettant do réaliser uno adaptation au
milieu, et do produire les modifications internes corres-
pondant, dans une mesure quelconque, aux modifications
oxtornes perçues. Pour quo les modifications internes réali-
sent cet équilibro„il est nécessaire qu'elles ne dépassent pas
uno certaine amplitude, d'où la nécessité théorique pour
la sensibilité d'être toujours aviséo des modifications inter-
nes de la substance vivante, comme elle perçoit les modifi-
cations externes du milieu.
L'oxpérionce nous montre que les chosos se passent
en réalité ainsi. Nous constatons, en effet, dans la série
animale, l'existence d'organes spéciaux destinés les uns à
la perception des états successifs du milieu et do l'individu,
les autres à réaliser activement l'adaptation do celui-ci à
LA FRAUDE ET L'ERREUR UQÔ

celui-là. Los différentes modifications provoquées dans le


système réceptif par los variations du miliou détorminont h
leur tour l'intervention du système actif qui réaliso los
variations internes. C'est lo principo dos systèmos ner-
veux ot musculaires, celui-ci n'étant mis on mouYomont
quo par lo promior; l'histoire naturello nous montre la
spécialisation progressive de cos éléments nerveux ot muscu-
laires. D'abord non différenciée on apparonco, la cellule
animale présento chez dos animaux un peu plus compli-
qués un polo sonsitif et un polo actif, l'un norvoux et
l'autro musculairo. Los cellules myo-épithéliales ou nouro-
musculaires do Kloinenborg nous en offront dans l'hydro
un oxemplo classique,
L'oxamon du développement du systômo nerveux et dû
systômo musculairo chez les vertébrés nous montre leur
spécialisation croissante.,Les cellules nerveuses s'associent
on systèmes dépondant plus ou moins les uns des autres ;
les cellules musculaires s'agrègent en masses. C'est l'ap-
plication do la loi de division du travail dont nous obser-
vons l'action constante dans les phénomènes do la vio. Los
cellules nerveuses se groupent on amas, on noyaux et
envoient leurs prolongements à la périphérie ou aux orga-
nes. Ces prolongements sontde deux sortes : les uns trans-
mettent les impressions à la cellule (prolongements cellu-
lipètos, dondrites), les autres transmettent les oxcitations
provenant do la cellule (prolongement collulifuges, cylin-
draxes), Los contres eux-mêmes so hiérarchisent en quelque
sorte et so répartissent on deux grandes classes : la pre-
mière aflectéo aux fonctions do la vio orgoniqno, circulation,
sécrétions, digestion, etc.; la seconde à celles de la vio do
relation. Ces deux catégories comprennent des cellules
sensitives et des cellules motrices; les unes transmettent
aux autres le stimulus né des excitations provoquées par
le milieu interne ou externe.
Chez los animaux supérieurs, chez l'homme on tout cas,
29^ *<KS PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

nous constatons quo l'activité de certains contres nerveux


est accoinpagnéo d'un phénomène particulier quo l'on dési-
guo sous lo nom do conscience personnollo. C'est la notion
que nous avons que lo phénomônoest perçu par nous, quo
lo mouvement exécuté est oxéculé par nous.
La conscienco personnollo n'accompagne pas tous les
phénomènes perçus ni tous los mouvements oxécutés. Dos
conditions déterminées, d'ordre divers, semblent néces-
saires pour quo la conscienco personnollo on ait connais-
sance. Celle connaissance conscienlo so traduit par lo
rattachement do l'impression ou du mouvement à uno
personnalité.
Cetto personnalité nous apparaît commo continue C'est
autour d'elle quo so groupent nos impressions passées sous
la forme do souvonirs, C'est ce qui continue notre moi.
La conscienco quo jo viens do décrire est ce que j'appelle
la conscience personnelle. La notion do personnalité qui la
caractérise n'est pas invariable et n'est pas nécessaire.
Elle n'est pas invariable, car l'étudo do la psychologie
morbide nous révèle quo des personnalités différentes peu-
vent so succéder chez lo mémo individu ou mémo paraître
coexister. C'csl notamment le cas pour les personnalités
secondes hystériques ou épiloptiques.
Elle n'est pas nécessaire, car des phénomènes divers
peuvent être porçus et ommaganisés dans la mémoire sans
quo la conscienco personnelle en ait connaissance : de môme
des mouvements appropriés à un but peuvent être exécutés
sans quo la conscience personnelle en soit avertie : tels sont
notamment les réflexes et les mouvements compliqués quo
l'habitude a rondu automatiques.
Il résulto do ces faits que la conscience personnelle se
manifeste comme une limitation de la conscience générale,
do ce qUo j'appellerai simplement la conscience. L'élude
des altérations de la mémoire notamment, amnésiesdiverses,
hypermnésies et paramnésies nous montre que les souve-
LA FRAUDE ET L ERREUR 3Q7
nirs dont la consoioi no générale ot impersonnelle a la libre
disposition sont incomparablement plus nombreux quo
ceux dont la conscienco personnollo a l'usage Cola n'est
pas contostoblo pour la mémoire : on est-il do mémo pour
l'intelligence ? Il est difiicilo do lo savoir; on a cependant
do nombreux exemples do solutions trouvées ot do travaux
faits on dohors do la conscienco personnollo.
L'anatomio et la physiologio nous enseignent quo la con-
scionco porsonnello so manifeste dans les phénomènes qui
paraissent avoir pour siège certaines régions do l'écorco des
hémisphères cérébraux. La région corlicalo semble être
affectée, on partio tout au moins, aux faits psychologiques
dont laporsonnalité ostlo centra, mémoiro active,attention,
jugement, abstraction, volonté. C'est pour cotto raison
qu'on appelle cotto région «lescentres supérieurs». Au-des-
sous, les ganglions cérébraux sous-corticaux, les noyaux
bulbaires et médullaires los ganglions sympathiques cl los
plexus constituent des centres inférieurs présidant à cer-
taines fonctions étrangères à la conscienco personnelle.
Il no faut pas croire cependant quo l'activité dos contres
corticaux soit toujours perçue par la conscionco person-
nelle. Celle des oonlros moteurs par oxomple peut exister à
l'insu de la conscience personnelle, J'ai donné déjà l'indi-
cation do certains mouvements compliqués qui peuvontêlro
au début volontaires et personnellement conscients et
devenir à la fin inconscients et pourtant volontaires ; par
exemple lo jeu d'un instrument de musique. Do mémo,
certains mouvements involontaires peuvent être quelquefois
perçus par la conscienco personnollo : par oxomplolo mou-
vement rapide que nous faisons pour chasser uno mouche
qui nous gêne. Quo les centres motours du bras qui chasse
la mouche soient sous-corticaux ou médullaires, il n'en est
pas moins vrai que les mouvements exécutés, alors même
qu'ils paraissent êtro do purs réflexes, peuvent être quel-
quefois perçus.
298 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
Les mouvements oxéoutés en dehors do la participation
do la conscienco personnollo ot do la volonté sont dits auto-
matiques. Cotto expression signifio pour moi quo l'activité
volontaire do la personnalité y demeure étrangère
Nous pouvons donc avoir, dans la sphère motrice, c'est-
à-diro dons les mouvements, différentes relations ontro le
mouvement exécuté ot la conscienco personnelle Nous
avons d'abord les mouvements conscients et volontaires,
puis les mouvements involontaires ou impulsifs, perçus par
la conscience porsonnollo ou non-
Ces divers mouvements sont normaux : c'est-à-dire
qu'ils s'exécutent suivant les règles connues do l'activité
musculaire ; ils ne dépassent pas la limite périphérique du
corps ; l'influx nerveux so propage le long des nerfs de la
manière ordinaire.
Si l'influx nerveux ou, plus exactement, le mode d'éner-
gie qui lo constitue, dépasse les limites matériellesdu corps,
nous avons les phénomènes désignés par do Rochas sous lo
nom d' « extériorisation do la motricité ». Co sont encore
des phénomènes automatiques pour moi, puisquo la con-
science personnollo cl la volonté n'y participent pas. Mais
ils présenteront un caractère qui les distinguera des auto-
matismes normaux : ils seront exosomatiques, si je puis
omployor celle expression, tandis quo los autres seront
endosomaliques. Ces doux expressions signifieront pour
moi, l'une, oxosomalique, quo les mouvements seront pro-
duits au-delà dos limites du corps ; l'autre, endosomatiquo,
qu'ils seront produits en dedans des limites du corps, c'est-
à-diropar l'activité musculairo agissant physiologiquemont,
Les premiers, en apparence contraires aux données ordi-
naires de l'expérience seront des phénomènes paranormaux;
c'est-à-dire en dehors, à côté delà règle habituelle: les
seconds au contraire seront normaux. Les parakinésie est
un mouvement paranormalavcc contact ; la télékinésio en
est un sans contact, à distance
L\ FRAUDE ET L'ERREUR 2g0
La sensibilité présonto los mômes catégories do faits. Il
n'y a pas, à proprement parlor, d'automatisme véritable
dans les phénomènos sonsitifs; mais nous pouvons y dis-v
linguer encore los phénomènos sonsitifs i° normaux, c'ost-
à-diro se produisant dans des conditions physiologiques plus
ou moins bien connues, mais fréquentes, commo los hal-
lucinations, les hypermnésies, et 2° paranormaux, c'est-à-
diro impliquant l'existence do modes do porception auxquels
la personnalité normale est étrangère, clairvoyance, clair-
audienco, lélosthésio, télépathio(Myers, Gurnoy, Podmore),
extériorisation do la sensibilité (do Rochas).
J'ai déjà indiqué quo ces perceptions paraissaient dépen-
dro do la conscienco impersonnelle ot quo les impressions
ainsi perçues étaient transmises à la conscienco personnelle
sous une forme déterminée, analoguo à cello dos percep-
tions oniriques : c'est-à-diro sous uno forme dramatique,
avec uno miso en scène concrète et symbolique La con-
science impersonnelle semble donc être affectée d'une ma-
nière générale, vague : les perceptions ne prennent une
apparence do précision quo dans les strates de la con-
science où se détermine la notion de la personnalité. Do là
ces conclusions, quo je no donne que commo des probabi-
lités : i° que la notion do la personnalité est susceptible d t
degrés divers ; 2° que les impressions perçues par la con-
science générale sont agréables ou désagréables, c'est-à-dire
n'impartissent à la conscienco personnelle qu'un message
très vague, bien-ôtro moral ou malaise indéfinissable ; qiio
dans dos cas plus rares, le message transmis est plus pré-^
cis ot prend la formo d'une hallucination détaillée; 3° quo
si les faits de télesthésie et de télépathie sont exacts, la con-
scienco générale est susceptible d'être impressionnée par
d autres canaux que ceux des sens ordinaires, qui n'ont do
valeur que par rapport à la conscience personnelle dont ils
sont peut-être la condition.
Cette dernière considération nous ramène à la définition
300 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
,

quo jo donnais tout à l'hourc do la conscience, qui ost pour


moi uno propriété générale do louto matièro vivante; sa
sensibilité so limite et so précise par los sens, so limito ot se
précise par la personnalité ot la volonté.
Jom'oxcuso d'ontror ainsi dans dos explications qui pa-
raîtront trop difficiles à suivro à beaucoup do mes lecteurs ;
mais j'ai tonu à préciser dans la mesure du possible lo sons
dos expressions dontjo mo sers; j'ai uno tâche à pou près
semblablo à accomplir encore, c'est celle do classer les phé-
nomènes médioniquos avant d'étudior leurs relations avec
la fraude.
Jo los distinguo d'abord on doux grandes catégories, sus-
ceptibles do so pénétrer l'une l'autre, car les phénomènes
physiques sont rarement, sauf les luminosités, dépourvus
do tout sens, et los phénomènes intellectuels ont toujours
pour substralum un fait d'ordre physique Aussi* ces doux
catégories sont-elles plutôt dos aspects différents du mémo
phénomène plutôt que deux catégories bien distinctes.
Si l'on euvisago lo côté purement physique, on a la série
approximative suivante :

PHIÎNO.MÈNKS PHYSIQUES !
«
Sonores. Raps, bruit divers.
Moteurs, Normaux. '
Paranormaux ; parakin^sio, tétékinésio.

Lumineux. Amorphes; formes définies; photographie psychtquo(?)

Si on envisage la forme dos communications en appa-


rence intelligentes, en s'attaohant au modo d'expression du
sons intellectuel du phénomène, on a le classement suivant :

PHÉNOMÈNES INTELLECTUELS :
' .....-* (
•%

Automatisme endosomatiquo : •
/ ,
/
Musculaire. Typtologio ; grammalologie ; écriture automatique ; parole au-
tomatique.
Phénomènes: visuels ; auditifs ; tactiles jgustatifs; olfactifs.
,
Sensoriel.
'Vaso-moteur. Phénomènes secrétoircs ; phénomènes vasculaires; sueurs; etc.
LA FRAUDE ET L'ERREUR
3ÛÏ
Automatisme exosomatiquo :
(Extériorisations): Moteur. Télékinésio ; psychographio (?Uéori'
,
turo directe) 5 psychophonio (?),
(voix directe).
— Sensitivo-sensoricl, Télépathio ; téleslhésio.
— <
Plastique. Matérialisation ; apports, etc.

Si nous oxaminons d'autro part la fraudo, d'une manière


générale, m us constaterons les correspondances suivantes :
les mots conscients ot inconscients sont pris dans le sons do
la conscionco personnelle
,

Motricité; normale. 1. Mouvements conscients Fraudovolontaire, con.


el volontaires. scionte. Simulation ;
responsabilité.
— — a. Mouvements conscionls Fraudo impulsive, con>
1
mais involontaires, sciento. Simulation ;
irresponsabilité.
— — 3. Mouvementsinconscients Fraudo impulsive et in*
ot involontaires. consciente; irrespon-
sabilité.
paranormale. /,. Extériorisation de la mo- Pas do fraude,

tricilé et do la plasti-
ticilé ; télékindsie ; ma-
térialisations.
Sensibilité : normale, 5. Mcnsongo volontairo. Fraudo volontairo et
consciente. Simula-
tion ; responsabilité.
C. Illusions; hallucinations; Pas do fraudo; pas do
— —
hypermnésics; param- pbénomèno vrai,
nésies.
— paranormalo. 7. Extériorisation de la son- Pas de fraudo ; phéno-
sibilité; clairaudience; mènes vrais. *,
télépathie.

Quant à l'automatisme exosomatiquo vrai, il no saurait


être question do fraudo on co qui lo concerne
Cette classification, quo jo ne donne qu'à titre do tenta-
tive, me paraît plus complète quo celle d'Ochorowicz (Arih.
des Se. psychiques, VI, 97). Celui-ci distinguo :
a) Fraudo consciente
', l) Fraude inconsciente :
A l'état do veille ) Médianismod'ordro
. . .
A l'état de tranco. y inférieur.
, »
308 I.ES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
c) Fraudo partielle, automatique. ) Médianismo d'ordro
d) Lo phénomèno pur, ) supérieur.
. . .
Si l'on compare lo tableau d'Ochorowicz au mien, on
constato quo sa fraudo conscionto correspond aux n°* i et 5
do ma classification.
Sa fraudo inconsciente ou n° 3.
Je divise sa fraudo partielle automatique, dans les classes
a, 3 et G.
Le phénomèno pur, dans les classes (\ et 7.
Son médianismo supériour comprend tous los automa-
tismes oxosomatiquos (n°* (\ cl 7). Son médianismo infé-
rieur los classos 3 ot G.
Ces indications générales données, il est facile do yoir
que jo divise la fraudo en trois catégories qui sont suscep-
tibles de coexister d'ailleurs et do former dos types mixtos :
c'est mémo lo cas ordinaire C'est d'abord la fraudo cou-
pable, volontairo et consciente ; puis la fraudo impulsive
mais consciente fréquente; puis la fraudo inconsciente et
involontaire, véritable automatisme normal ; l'auteur n'en
saurait être rendu responsable Elle est très fréquente chez
beaucoup d'excellents médiums.
Si nous étudions lo mécanismepsychologique do la fraudo,
nous trouverons des causes extrêmement diverses et va-
riables. < <

i° Fraudo consciente et volontaire


La plus ordinaire est l'intérêt. C'est le cas des charla-
tans qui spéculent sur la crédulité publique II ne faut pas
croire quo co soit l'unique mobile ; chaque fraudeur obéit
à des motifs qui lui sont spéciaux. L'étudiant on médecine
qui m'a donné do si curieux exemples de fraude n'obéissait
pas à l'intérêt. Je ne pense pas que ce soit pour le plaisir de
me tromper, car jo lui ai souvent dit qu'il me paraissait
frauder. Souvent il l'a fait par espièglerie ; c'est notamment
ce qui s'est passé dans uno séance donnée par un groupe
spiritç pour convaincre do nouveaux convertis. Mon
LA FRAUDE ET L'ERREUR 3o3
étudiant leur a donné dos manifestations, paraît-il, pou
ordinaires ! Cet étudiant présente d'ailleurs dos signes d'hys-
térie probable Lo Pr Bianchi nVt-il pas lui-même (raudé
un phénomèno pour s'amusor do son confrère Lombroso P
On voit combion do porsonnes peuvent commottro dos
fraudes conscientes et volontaires ot à combien do couses
diverses on pout attribuer ces fraudos,
La fraude consciente et volontaire no soulôvo d'ailleurs
aucun problème psychologiquo véritable.
9° Fraudo consciente el involontaire ou mixte
Lo problème naît au contraire avec co gonro do fraude
Il arrive souvent, dans dos cercles formés cependant do
gens honorables, que certains assistants qui seraient inca-
pables de commottro volontairement uno fraude, n'osent
pas s'accusor d'un mouvement involontaire fait par oux ot
dont ils ont conscience Cela no peut s'appliquer qu'à dos
mouvements assez brefs commo ces glissements qui imitent
les raps ou la parakinésie II faut, dans les séances sérieuses,
donner aux assistants l'habitude d'accuser tout mouvement
involontaire : on remarquera quo certaines personnes y sont
très sujettes. Elles finissent souvent par avoir honto de
s'accuser si souvent et fraudent ainsi par timidité. J'onai
observé quelques-unes, surtout dos femmos. C'est une des
raisons qui me font condamner toutes les expériences pour
la production do mouvements avec contact.
La timidité est la cause ordinaire de ce genro do fraude :
le problème psychologiquo soulevé est simple,
3° Fraudo inconsciente et involontaire
Ici, ce problème se complique. Je no distinguerai pas,
comme Ochorowicz, la fraude commise à l'état de veille do
celle qui est commise dons la tranco ou à l'état second. Le
mécanisme psychologiquo est le même dans les deux cas,
et me paraît dépendre d'une autosuggestion, ou do ce qu'on
a appelé le monoïdéisme, c'est-à-dire l'envahissement do
l'esprit par une seulo idée qui finit par étouffer les autres
3o<V LES rutoMBNBS PSYCHIQUES

ot par so réaliser on voit que c'ost ou fond un phéno-


:
mène analoguo à celui qui détermine la suggestion.
C'est dans les fraudes inconscientes et involontaires quo
l'on obsorve lo mieux la désagrégation psychologique du
médium telloquo Jonetl'a étudiéo. Elles no peuvent pré-
senter que des phénomènes sans intérêt au point de vue
médianique
Quel en est le mécanisme? Il mo paraît être lo suivant;
los sujots, quelquefois bons médiums à lours heures, qui
commettent ce genre do fraude, s'asseoient à la table ou
donnent uno séance en vue d'obtenir des phénomènes supra-
normaux. Mais la production de ces phénomènes est sou-
vent difficile, quelquefois impossible, L'immobilité, l'at-
tente, l'obscurité agissent fortement sur lo système nerveux
do ces médiums, et plus spécialement encore lorsqu'ils sont
hystériques. Elles déterminent la trance ; ot alors lo désir
du phénomène devient uno idée fixe puis uno autosuggestion.
Si le phénomène supranormal tarde, les couches inférieures
do la conscience dont la moralité diffère souvent beaucoup de
celle de la conscience personnelle active, lo réalisent norma-
lement.
De môme si la tranco no so produit pas, il se manifeste
pourtant un état particulier qui n'est pas le sommeil mais
qui n'est plus la veille complète L'élément personnel, actif
ot volontaire do la conscience s'affaiblit de mémo que le
jugement. Le champ de la personnalité so réduit et l'acti-
vité personnelle fait place à de l'automatisme On rencontre
tous los degrés entre la fraudo consciente et involontaire et
l'automatisme complet.
Aussi est-il prudent, avec los sujets qui s'entrancent, ou
avec ceux qui deviennent somnolents dans l'obscurité, le%
silence, l'immobilité, l'attente, de prendre des mesures
pour éviter la fraude ; mais il faut les prendre franchement
et no pas donner soi-même au médium l'exemple de la dis-
simulation : il no faut pas davantage lui donner l'impression
tA FRAUDE ET ^'ERREUR 3o5 ;
quo l'on no contrôle pas : c'est l'exposer à une tentation
d'autant, plu? grande quo sa volonté personnelle ost affaiblie.
Ajoutez à cola que nous no connaissons pas du tout l'in-
llueuco qu'exerce l'état d'esprit des expérimentateurs sur
lo médium, bien qu'une sorto d'influonco mo paroisso exis-
ter. Nous no savons pas jusqu'à quel point la certitude mal
fondéo do la fraudo peut justement la faire naître Oohoro-
wiez s'exprime ainsi à ce sujet :
« Après avoir reconnu quo lo médium n'est qu'un miroir
qui reflète et dirige les idées et les forces norvousos des as-
sistants vers un but idéoplaslique, on no s'étonnora pas de
voir la suggestion y jouer un rôle important. Il n'est pas
douteux que les assistants peuvent suggérer au médium
l'acte désiré et il n'est pas douteux non plus quo les mani-
festations prennent lo caractère des croyances ambiantes.
J'ai vu John (avec Eusapia) dans une société de matéria-
listes se dissoudre on une force impersonnelle quo le médium
appelait tout simplement « quosla forza » tandis que dans
des cercles spirites intimes il prenait la formo do personnes
défuntes plus ou moins maladroitement, De môme avec des
contrôleurs imbus de l'idée de fraude, comme MM. Hodg-
son et Maskelyne, lo médium restera sous l'empire d'une
suggestion de fraude, »
Sans partager complètement la conviction d'Ochorowïcz,'
j'ai des raisons de penser que sa théorie s'approche beau-
coup de la vérité. J'ai indiqué moi-même combien la «per-
sonnification » était suggestible.
Il y a encore autre chose : c'est que, dans le cas où la
force manque, ou est faible, il est plus facile au médium
d'obtenir le phénomène normalement, c'est-à-dire par une
fraude, que par une véritable extériorisation. Jo crois avoir
remarqué que souvent le mouvement paranormal devait
être normalement exqùissé pour qu'il se réalisât supra-
normalement. C'est fréquent avec Eusapia. On conçoit
comment le mouvement d'esquisse peut finir en mouvement
MAXWELL. 20
BoÛ fcÉS. PHENOMENES PSYCHIQUES
fraudé lorsque lo médium est dans un état hémisom-
iiambulique.
Enfin, l'énergie qui met en mouvement les objets, me
parait être d'origine nerveuse, et jo la crois do mémo uaturo
quo colle qui provoque nos contractions musculaires. Il en
résulterait ceci : la force ne s'oxtériorisoque si elle s'accumule
et arrive à une « tension » suffisante. A mesure que sa
tension s'élève, elle tend à se dépenser sous la forme de
mouvements impulsifs ; il faut quo le médium résiste à cette
tendance pour obtenir le phénomène pur. Aussi, les expé-
rimentateurs doivent-ils l'aider dans cetto résistance, non
lui laisser toute facilité pour dépenser cette énergie qui tend
à se réaliser en mouvements musculaires. Cela a été une
des erreurs do M. Hodgson,
Telles sont les conclusions auxquelles m'ont amené les
observations que j'ai faites avec divers médiums. La fraude
inconsciente et involontaire est fréquente et pour l'éviter il
faut écarter avec soin les conditions qui peuvent la favori-
ser, au moins au début d'une série d'expériences et surtout
quand on expérimente avec un médium neuf. L» médianité
est influencée dans uno proportion inimaginable par les
habitudes prises.
Il existe enfin un autre genre de fraude inconsciente et
involontaire ; c'est celle qui est due aux illusions de tout
genre. On la trouve constamment dans les séances spirites
où 99 fois sur ioo les médiums ne produisent aucun phé-
nomène vrai. Ils sont cependant de bonne foi, mais ils ne
se rendent pas compte du rôle que jouent la mémoire et
l'imagination, Il en est particulièrement ainsi des médiums
écrivains intuitifs et des médiums à incarnations. Aussi,
»
n'obtient-on presque jamais des indications contrôlables; v

les esprits se livrent au développement de lieux communs,


mais se refusent à toute précision.
On remarquera quo lo mot fraude s'applique mal dans
le cas examiné : étant inconsciente et involontaire, elle no
U FRAUDE ET 1,'ERREUR /3Q$'
saurait être véritablementune fraude. Aussi vaudrait-il mieii^
lui réserver lo mot « illusion ».
Je ne puis songer à analyser en détail la question de la
fraudo. Elle est, si on l'examine de près, extrêmement com-
pliquée, Mais j'estime, comme Richet, « qu'il est très pos-
siblo quo dons l'état do trance ou dans les états voisins, la
psychologio d'un médium soit très différente do la nôtre. »
Je me borne à indiquer lo résultat de mes réflexions ; elles
sont lo fruit d'une assez longue série d'observations. Pour
l'éviter, jo reviendrai encore uno fois à ma recommandation
souvent répétée Expérimentez avec do la lumière, le plus
do lumière possible, ot cherchez les phénomènes simples,
difficiles peut-être à obtenir, mais faciles à observer, comme
les raps et les mouvements sans contact.

§ a. — L'ERREUR.

Si j'insiste autant sur la nécessité de ne rechercher que


dos phénomènes d'une observation facile, surtout au début,
c'est que l'erreur d'observation est aisée 11 faut une grande
habitude des séances pour savoir distinguer rapidement lès
phénomènes probables do ceux qui sont certainement tru-
qués, lien est do ce genre d'expérience commo de toute
autre, on ne l'acquiert qu'avec le temps el la réflexion.
Une des causos d'erreur qu'il importe d'écarter est l'ob-
scurité. Pour beaucoup do phénomènes simples, les lénèV
bres sont inutiles ; aussi faut-il, dès le début, exhorter la
personnification à accepter lo grand joUr. J'ai dit à rnaintës
reprises que les personnifications étaient très suggeslibles.
Je sais bien qu'il n'en est pas toujours ainsi et que l'on eh
rencontre quelquefois qui marquent une véritable obstina-
tion'. Les personnifications de ce genre s'observent surtout
avec les médiums qui ont des habitudes anciennes. Il en
est ainsi avec Eusapia qui était accoutumée à faire des séances
3ô8 LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
obscures. Mais, alors même que la personnification parait
avoir des idées très arrêtées il est possible de les lui faire
changer avec un peu d'habileté. lien est d'elles commodes
personnalités secondes du des sujets auxquels on a donné
une suggestion. 11 faut entrer dans le cercle d'idées suggé-
rées pour le briser ; c'est une question de procédé.
Ainsi nous avons réussi à opérer avec Eusapia dans une
bonne lumière en piquant l'amour-proprc do John. Nous
lui avons expliqué que l'obscurité nuisait à l'observation
des phénomènes, qu'il était aussi capable de donner des
séances claires que les « guides » desautres médiums. Nous
l'avons ainsi amené à changer ses habitudes avec nous; lé
« mono luco » auquel sont habitués ceux qui ont expéri-
rimenlé avec le célèbre médium italien se faisait entendre
encore, mais quand la séance était plusavancée A Bordeaux
môme, où lo baie qui éclaire lo pièce où nous avons expé-
rimenté est très grande, on y voyait un peu quand les
lampes du sous-sol et d'un jardin d'hiver étaient allumées.
Là, Eusapia ou John n'ont jamais voulu l'obscurité complète
et nous avons toujours eu cet éclairage qui permettait un
contrôle visuel quelquefois satisfaisant.
Quand on a la chance de rencontrer un sujet neuf, il est
plus facile de lui donner l'habitude d'opérer en pleine lu-
mière. C'est ce qui m'est arrivé quelquefois.
Je n'ai pas besoin de démontrer l'influence de l'obscurité
sur l'erreur. On ne peut être jamais certain do l'authenticité
d'un phénomène obtenu dons une séance obscure, saufquel-
ques rares exceptions. On ne peut pas être davantage cer-
tain do la fraude ; l'analyse que j'ai faite des procès-verbaux
de Cambridge le fait voir clairement.
L'obscurité est cependant nécessaire pour l'obtention des
phénomènes lumineux. Quand on a observé des formes
lumineuses bien nettes, ou des lueurs bien caractérisées, il
est facile de les distinguer de celles qu'une erreur de nos
sens nous fait voir; un observateur de sang-froid ne s'y
LA FRAUDE El' L'ERREUR 36fJ?
trompe pas ; mais il n'en est pas toujours de même pour les
expérimentateurs moins calmes. Ces derniers se sugges-
tionnent véritablement les uns les autres et finissent pab
avoir do curieuses hallucinations collectives. C'est un des
faits les plus intéressants à observer dans les séances spi-
rites, si riches en curiosités purement psychologiques. Il
m'est bien fréquemment arrivé d'entendro un assistant
indiquer qu'il voit une lueur dans une direction détermi-
née Los outres regardent à leur tour et voient. Puis l'un
d'eux déclare qu'il aperçoit uno forme ;' bientôt d'autres
personnes voient également une forme. Et d'exclamations
en exclamations, le description delà forme so complète. On
assiste à la genèse d'une hallucination collective.
' Jo n'ai pas bosoin de dire que des expérimentateurs aussi
suggcstibles ne sont pas de bons éléments : dan3 des recher-
ches purement scientifiques ils doivent être réduits au mi-
nimum possible.
Mon expérience personnelle m'a démontré quele sens de
la vue étaitlo plus sujetà ces impressions imaginaires ; après
la vue, le sens tactile est le plus prompt à s'illusionner. On
en a constamment des exemples dans les séances spirites ;
lo souffle froid, qui est souvent réellement perçu, l'est plus
souvent encore on imagination. Une personne annonce
l'avoir ressenti : d'autres aussitôt l'éprouvent. Quelquefois
ce n'est pas une erreur d'imagination, mais uno erreur
d'attribution, la sensation du souille froid étant causée par
l'haleine.
Le sens de l'ouïe m'a semblé plus réfractaire à la sugges-
tion dans les séances, sans y échapper cependant complète-
ment. Je ne connais que très peu d'exemples de raps ou de
bruits imaginairement perçus,
Le sens musculaire au contraire est un des plus infidèles,
On ne sauraits'imaginer, si l'on a pas expérimenté soi-même,
combien les mouvements inconscients et involontaires sont
fréquents. Ces mouvements sont de très faible amplitude ;
3IÔi LES PHENOMENES PSYCHIQUES
ils sont petits, mois en s'additionnant ils finissent par acqué-
rir une certaine force II est à remarquer qu'alors les assis-
tants s'accusent réciproquement de pousser la lablc et il n'est
pas rare do voir d'assez vives discussions naître à cette occa-
sion. C'est là un fait d'observation courante. Il m'est aussi
très fréquemment arrivé de constater des hallucinations
tactiles chez les expérimentateurs impressionnables qui
s'imaginent facilement ressentir des contacts divers.
L'odorat perçoit quelquefois dos odeurs imaginaires ;
mais c'est encore assez rare : jo n'ai pas observé d'halluci-
nations du goût.
Une cause d'orreur qu'il convient do signaler encore est
la fatigue des expérimentateurs. Tout phénomène qui so
produit oprès uno longue attente a bien des chances d'être
mal observé. L'attention d'abord tondue, se lasso ; des dis-
tractions surviennent et souvent lo phénomène surprend
les observateurs qui no peuvent en analyser avec certi-
tude les conditions. Aussi, surtout ou début, il convient
do ne rechercher que les phénomènes simples, se pro-
duisant sans exiger une longue attente II est également
mauvais de foire do trop longues séances, la fatigue sur-
venant assez vite
Telles sont 'les principales causes d'erreurs positives,
c'est-à-dire d'erreurs tendant à persuader l'existence d'un
fait imaginaire ; les erreurs négatives, c'est-à-dire celles
qui tendent à foire considérer comme imaginaire un fait
réel, ne sont pas moins dangereuses.
Lo parti pris, d'abord, est à signaler. Si l'on veut expé-
rimenter avec fruit, il faut expérimenter, sans crédulité,
sans foi, sans confiance même; mais il ne faut pas être dé-
cidé à ne voir quo do la fraude. J'ai montré, en étudiant lo
cas do M. Hodgson et do Mme Paladino, les dangers du
parti pris au point do vue expérimental ctrillogismoauqucl
il a conduit un homme dont la valeur est cependant liés
grande.
LA FRAUDE ET L'ERREUR «
3II
Il ne faut pas toutefois, jo lo répète, expérimenter naïve-
ment. S'il est utile au commencementd'une séance; de lais-
ser aller les choses pour mettre la force « on train », comme
lo recommande avec beaucoup de raison Ochorowicz, une
fois les phénomènes établis il faut les contrôler avec lo plus
grand soin. Mais il faut faire connaître ses intentions au
médium et à la personnification. C'est, je crois, une pré-
caution indispensable. La personnification y consentira
d'ailleurs toujours ; cela ne voudra pas dire qu'on obtiendra
toujours lo résultat cherché. Il ne faut pas, enfin, laisser
croire au médium ou à la personnification qu'on est leur
dupe s'ils fraudent"; il faut leur dire doucement, mais net-
tement, qu'ils ne donnent rien do bon, Toute équivoque est
à éviter avec soin, tout malentendu est à fuir.
Il ne faut cependant pas placer le médium dans des con-
ditions telles que l'expérience ne puisse pas se réaliser. Nous
ne connaissons pas ces conditions et des choses en appa-
rence très simples peuvent n'être pas réalisables. Jemesou-
viens qu'en 1896, à Choisy, une dame de ma famille
—-
elle 0 un parti pris insurmontable contre les expériences
psychiques qu'elle déclare a priori frauduleuses ; — déclara
à Eusapia qu'elle croirait à ses phénomènes si elle pouvait
faire bouger une petite table de poupée sous ses yeux. Eu-
sapia plaça cette petite table sur la lablo d'expériences et no,
réussit pas à la faire mouvoir. Pourquoi un phénomène en
apparence aussi simple n'o-t-il pu être obtenu ?
Il faut donc observer, mais ne pas vouloir poser d'avance
les conditions que le phénomène devra remplir pour être
accepté.
Beaucoup d'expérimentateurs attachent le médium, lo
mettent dons un su*., le posent même sous scellés. S'il y
consent cela n'a pas d'inconvénient ; s'il s'y refuse, il faut
chercher d'autres moyens de contrôle. Il ne faut pas en
eflet s'imaginer que le refus du médium est toujours dû à
son désir de frauder. Les moindres liens peuvent être quel-
3l9: LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
quefois très douloureux quand il y a do l'hyperesthésio
cutanée.
Enfin, avant do porter un jugement négatif les expéri-
mentateurs devront toujours tenir un certain nombre de
séances et ne pas soi fonder sur une seule mauvaise expé-
rience pour établir leur opinion. Ils s'exposent à faire fausse
route
C'est surtout en matière d'expériences psychiques qu'une
inlassable patience est nécessaire
CONCLUSION

Me voici arrivé au terme de mon étude. Je m'aperçois


que j'ai abordé, dans la dernière partie, des questions com-
plexes et difficiles el que je me suis laissé entraîner, non à
faire des théories explicatives, mais à combattra certaines
théories qui m'ont paru inexactes ou incomplètes. J'en
demande pardon au lecteur : jo lui dirai, en terminant, que
j'ai la conviction d'avoir observé d'une manière certaine los
raps et les mouvements sans contact. J'ai vu bien d'autres
phénomènes : jo n'oserai pas être encore aussi affirmalif en
ce qui les concerne.
Je n'ai pas eu la prétention do démontrer la réalité des
faits observés par moi. Jo n'ai eu qu'un but, apporter mon
témoignage à ceux qui ont avant moi affirmé les faits quo
j'affirme à mon tour. Est-ce dire que je ne me suis pas
trompé: non évidemment, et il est possible que mes obser-
vations oient été imparfaites. Je suis cependant tellement
convaincu do leur exactitude que je ne puis que conseiller
aux gens qui douteraient do mes récits, do faire les mêmes
expériences que moi, et de procéder avec la même méthode
et la môme patience J'ai souvent dit ces mots au cours de
mon travail, je les répète avec plus d'insistance encore en
lo terminant.
Je doute cependant que ma voix soit écoutée, alors que
d'autres plus autorisées que la mienne ne l'ont pas été. Je
no regrette pas pourtant d'avoir dit mon sentiment sur les
faits observés par moi : j'ai la persuasion qu'ils entreront
un jour, bientôt peut-être, dans la discipline scienli-
3l/| 'ES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
fique Ils y entreront malgré tous les obstacles que l'entête-
ment et la crainte du ridicule accumulent sur la route
L'un de ces obstacles, et ce n'est pas lo moindre, est dùà
la façon dont beaucoup de savants apprécient les médiums.
Hystériques ou fraudeurs, tarés au physique ou au moral :
tel est en résumé leur jugement. Il est inique et, dans sa
généralité, absurde et faux; il est aussi funeste dans ses
conséquences, Il repose sur une erreur déplorable, car je
connais des médiums qui ont des facultés supérieures] à la
moyenne et qui ne présentent aucun stigmate de dégéné-
rescence J'ai dit, et je le répèle encore, les plus beaux phé-
nomènes m'ont été donnés par des sujets soins d'esprit et
de corps. C'est avec les hystériques qu'à côté do phéno-
mènes vrais on constate de la fraude : avec Un médium qui
n'est pas névrosé, dont l'intelligence équilibrée sait résister
à l'idée fixe et à l'autosuggestion, on a des phénomènes
vrais ou l'on n'en a pas du tout.
L'opinion des savants qui, malinformés, enseignent quo
les médiums sont des hystériques et des névrosés est donc
erronée ; elle a en outre les plus déplorables conséquences.
Je connais des sujets remarquables qui refusent absolu-
ment d'expérimenter en dehors d'un groupe très fermé et
très sur parce cju'ils redoutent d'être tenus pour des névro-
pathes ; ils craignent d'être pris pour des déséquilibrés et de
compromettre leur situation commerciale ou leurs intérêts
professionnels. Je ne réussirai pas à les convaincre qu'ils
sont des individus en avance sur la moyenne, je réussirai
encore moins sans doute h accréditer celle opinion ; mais
elle est à beaucoup d'égards vraie. Si la perfection relative
do leur système nerveux rend ces personnes plus impres-
sionnables que la moyenne, on aurait tort d'en conclure
qu'elles sont tarées. Co raisonnement est aussi stupide que
celui qui consisterait à considérer l'Européen comme dégé-
néré parce qu'il est plus émotif cl plus sensible à la douleur
que certaines peuplades sauvages. Que nous sommes igno-
CONCLUSION 3f5t?;
ranfs, maladroits et imprudents. L'attitude do certains
milieux savants, —je no dis pas les plus cultivés et jo lo
fois exprès,—* oslsemb)aj)le pour moi à celle des autorités
ecclésiastiques du moyen Age. La nouveauté d'une chose les
clTroie. Ils traitent la pensée scientifique indépendante
t
commo les inquisiteurs traitaient jadis la pensée libre lis
ont comme leurs prototypes d'autrefois la même intolé-
rance, la même haine pour le schisme et l'hérésie Leurs
erreurs accumulées devraient pourtant les rendre prudents ;
mais non. S'ils ne mettent plus au ban de la société l'héré-
siarque ou le schismalique, s'ils ne le livrent plus au
bourreau, ils lo traitent avec la mémo dureté relative Ils
l'excommunient à leur manière et le rejettent de l'humanité
saino et bien portante comme un dégénéré, un mystique,
un illuminé» L'avenir aura d'eux l'opinion quo nous avons
aujourd'hui do leurs aînés. Leur attitude empêche les
médiums les plus instruits, les plus capables, d'avouer
leurs facultés. S'ils parlent de leurs visions on les doucherai
S'ils font remuer uno table sans la toucher on les traitera do *
fraudeurs et d'hystériques ! Qu'y a-t-il d'étonnant à ce qu'ils
dissimulent leurs dons?
Nous devrions au contraire les considérer comme des
êtres précieux, commo les avant-coureurs du type futur de
notre race. N'esl-il pas véritablement absurde do voir des
dégénérés partout et de no pas voir les êtres en avance sur
nous, qui semblent èlrc les jalons de la route quo nous
avons à suivre Le simple bon sens nous indique, n'est-ce
pas, que l'humanité n'est pas encore arrivée à la perfection,
qu'elle évolue actuellement comme elle l'a fait dans le
lointain passé. Tous les hommes ne sont pas au même degré
de l'évolution. 11 y a des types arriérés qui représentent l'état
moyen d'autrefois ; il y a des types avancés qui représen-
tent aujourd'hui l'étal moyen de l'avenir. Le progrès de la
race semble se faire dans la direction d'une perfection plus
grande du système nerveux, dans l'acquisition do sons plus
3lG LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES
délicats, d'une sensibilité nerveuse plus grande, de moyens
d'information moins limités, Si la découverte d'outils,
d'instrumentsd'invesligationnouveaux, comme lo télescope
et le microscope par exemple, servent aux progrès do la
race, ils ne sont d'aucune utilité pour révolution de l'indi-
vidu lui-même Or le véritable progrès se fait par l'individu ;
c'est le perfectionnement de l'individu qui assure l'évolution
delà race ; pour cela les perfectionnements doivent être fixés
par l'hérédité. Nous aurons beau faire, nous ne naîtrons
jamais avec un microscope aux yeux et un téléphone à
l'oreille Les progrès de ce genre nesontpas transmissibles ;
ce sont les acquisitions physiologiques qui losonl. La sen-
sibilité du système nerveux des médiums est un progrès sur
notre obtusité relative; il n'en est pas do mémo do tamau*
vaise vue do celui qui abuse du microscope II y aurait bien
des choses désagréables à dire à Virchow» par exemple, s'il
vivait encore, sur l'inaptitude du type ordinaire du savant
à personnifier le progrès désirable de la race vers la santé,
la force, la sensibilité et la forme parfaite.
L'intolérance de certains savants est égalée par celle de
certains dogmes. Le catholicisme par exemple considère les
phénomènes psychiques comme l'oeuvre du démon. Est-il
utile de combattre à l'heure actuelle une pareille théorie !
Je no le pense pas. D'ailleurs, les autorités ecclésiastiques
supérieures, avec le tact et le sentiment do l'opportunité
qu'elles marquent souvent, permettent à beaucoup do catho-
liques l'élude expérimentale des faits psychiques. Je ne
saurais les blâmer do recommander à la masse des fidèles
une prudente abstention : le spiritisme me paraît un adver-
saire avec lequel elles auront un jour sérieusement à
compter. La simplicité do ses doctrines lui assurera la
clientèle des Ames peu compliquées et éprises de justice:
elles sont l'immense majorité.
Mais cette question est étrangère aux faits psychiques
eux*mèmes, Ceux-ci n'ont, autant que mon expérience
CONCLUSION 3l7
me permet d'en juger, rien que de naturel; Le. diable n'y
montre point ses griffes, que les âmes timorées se rassurent ;
si les tables proclament qu'elles sont Satan lui-môme, il n'y
aura pas à les croire ; mis en demeure de prouver sa
puissance, ce Satan grandiloquent sera un triste thauma-
turge Lo préjugé jiigieux qui proscrit ces expériences
comme surnaturelles est aussi peu justifié que lo préjugé
scientifique qui n'y voit que fraude et tromperie. Ici
encore, le vieil adage d'Aristote trouve son application :
La justice est dans une opinion intermédiaire
TABLE DES MATIÈRES

PRÊKACK DE

INTRODUCTION..
M. Cit. HlCIIF.T.

. .... . . . . . .
..''.
. . .

.
...
. . .
ï
r
CII.UMÎKK t.— La méthode. ai

............
. . . . . .
Les phénomènes psychiques 21
.
Les conditions matérielles. 3o
(
Le choix des assistants. 38
. . . . ,
44,
...
Les procédés opératoires. .'

..............».
. . . . . . . . . . .
La personnification. Co
. . . . . . . . . .
IL— Les raps.
GiiAPtTRF. 67
CHANTRE lit.— Parakinésie et Télékinésic 86
.
Parakinésie 86
Télékinésie. 9*
CIIAPITIU: IV.— Phénomènes lumineux 118
CiiAMTtti-: Y. '— Phénomènes psycho-sensoriels et intellectuels. 103
. .
Automatisme sensoriel. i63
Vision dans le cristal 166
» . .
Rôves, télépathie.. 186
,
Télesthêsîo. »9à :
Automatisme moteur \ 19V
.
Écriture automatique 198 j
Automatismes phonétique el mixte âdgè^
Psychologie de l'automatisme. ata"'"
Danger do la confiance aux personnifications. a3î
. . . . . .
Cii.vr-irRR VI. — La fraude et l'erreur v.; . . . a56
La fraude .,**~""~y*z>4t_ a50
L'erreur >/<\^^''--l^\3o7
CONCLUSION /Cv, \«£>jfor *
. . .

CHAttTKfe». — tWPtUMKtUE blMANt), UHK V'ULBKttT;-'


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les hypothèses métaphysiques ; — la criminologie ot la sociologie, — V histoire des
principales théories philosophiques; tels sont los principaux sujets traités dans
cette bibliothèque.
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Les Croyances de demain. 1898.

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