Géométrie Topologique
Géométrie Topologique
Géométrie Topologique
Frédéric Paulin
Université Paris-Saclay
Année 2021-2022
1
Table des matières
Préambule . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
2 Revêtements 19
2.1 Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.2 Homéomorphismes locaux et revêtements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.3 Actions de groupes topologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.4 Actions de groupes et revêtements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.5 Unicité des relèvements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2.6 Relèvement des chemins et des homotopies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.7 Action sur la fibre du groupe fondamental de la base . . . . . . . . . . . . . 31
2.8 Groupe fondamental des graphes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.9 Relèvement des applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.10 Structure des morphismes de revêtements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
2.11 Revêtements galoisiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
2.12 Revêtements universels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
2.13 Classification des revêtements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
2.14 Autres exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
2.15 Indications pour la résolution des exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
4 Sous-variétés différentielles 89
4.1 Variétés topologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
4.2 Sous-variétés de Rn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
4.3 Applications différentiables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
4.4 Espaces tangents et applications tangentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
4.4.1 Sous-espace tangent en un point . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
4.4.2 Fibré tangent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
4.4.3 Applications tangentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
4.5 Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
4.6 Variétés différentielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
4.7 Autres exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
4.8 Indications pour la résolution des exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
2
5 Théorème de Sard et théorie du degré 120
5.1 Le théorème de Sard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
5.2 Sous-variétés différentielles à bord . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124
5.3 Le théorème du point fixe de Brouwer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
5.4 Sous-variétés différentielles orientables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
5.5 Degré des applications différentiables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
3
A Annexe : rappels de topologie générale 239
A.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239
Topologie engendrée, prébase et base d’ouverts . . . . . . . . . . . . . . . . . 240
Voisinages, systèmes fondamentaux de voisinages . . . . . . . . . . . . . . . . 241
Intérieur, adhérence, frontière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241
Séparation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242
Continuité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242
Connexité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243
A.2 Constructions de topologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244
A.2.1 Comparaison de topologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244
A.2.2 Topologie initiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244
A.2.3 Sous-espace topologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244
A.2.4 Topologie produit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245
A.2.5 Topologie finale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247
A.2.6 Topologie quotient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 248
A.3 Limites et valeurs d’adhérence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254
Limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254
Propriétés des limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255
Valeurs d’adhérence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256
A.4 Compacité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258
Espace compact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258
Compacité et valeurs d’adhérence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
Compacité et produits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
Compacité et continuité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262
Topologie compacte-ouverte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 264
A.5 Exercices récapitulatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 264
A.6 Indications pour la résolution des exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267
Index 286
Références 292
4
Préambule.
Les beaux 1 objets géométriques se prêtent à une étude triple, topologique, différentiable
et métrique. L’un des buts de ce cours est de donner quelques outils de ces trois domaines
permettant de décrire ces beaux objets géométriques.
Nous commencerons par une introduction à la topologie algébrique, qui essaye de classer
(ou du moins de comprendre) les espaces topologiques X (dans des familles données)
en leur associant des objets algébriques (nombres, groupes, anneaux, modules, algèbres,
etc) dont la classe d’isomorphisme ne dépend que de la classe d’homéomorphisme de X.
En particulier, ceci peut permettre de distinguer à homéomorphisme près des espaces
topologiques. La notion de connexité a été l’un des premiers invariants topologiques à
être utilisé dans ce but. Le nombre de composantes connexes par arcs, par exemple, ou le
groupe abélien libre engendré par l’ensemble des composantes connexes par arcs, sont des
invariants algébriques. Par exemple R et R2 ne sont pas homéomorphes, car en enlevant un
point du premier, il est disconnecté, tandis que le second ne l’est pas. De même, le cercle
S1 et la sphère S2 ne sont pas homéomorphes, car enlever un point à S1 disconnecte un
voisinage connexe de ce point, alors que ce n’est pas le cas dans S2 .
Par exemple, un foncteur covariant de la catégorie des espaces topologiques dans la
catégorie des groupes est la donnée, pour tout espace topologique X, d’un groupe F (X),
et, pour toute application continue f ∶ X → Y entre deux espaces topologiques, d’un
morphisme de groupes F (f ) de F (X) dans F (Y ), telle que
5
M , qui permet de considérer les aspects métriques des sous-variétés différentielles, bien
plus rigides que les aspects différentiels. Après avoir développé le cas des courbes dans la
partie 8.1, nous étudierons les propriétés de courbure (courbure principales, courbure de
Gauss, courbure moyenne, points focaux) et les géodésiques des sous-variétés dans la partie
8. Nous renvoyons à des apprentissages de seconde année de Master pour une étude plus
complète de la géométrie riemannienne (voir par exemple [Spi, GaHL, Pau4]).
Nous donnerons la classification à difféomorphismes lisses près des surfaces lisses com-
pactes connexes dans la partie 7 et nous étudierons particulièrement la géométrie des
surfaces dans R3 (surfaces de révolution, surfaces minimales, etc) dans la second moitié de
la partie 8.
Nous recommendons fortement l’utilisation de l’index (très complet) pour trouver ra-
pidement où sont définies les notions utilisées ailleurs dans le texte.
Des références de base pour ce cours sont les livres [God1, Mil1, Laf, doC] et [Cha,
Chap. 6], complétés pour ceux qui le souhaitent par [Car, Spa, Spi, Pau1, Pau3] et autres
références ponctuelles. Les prérequis en topologie générale sont contenus dans l’appendice
A, voir aussi les notes de cours [Pau2]. Tous les portraits de mathématiciens qui appa-
raissent en note de bas de page de ce cours sont extraits de Wikipedia. Le dessin de
couverture est extrait du livre [Fra]. Les très nombreuses illustrations de ce cours sont,
pour la plupart, aussi extraites de Wikipedia.
Nous noterons Sn = {(x0 , . . . , xn ) ∈ Rn+1 ∶ x20 + ⋅ ⋅ ⋅ + x2n = 1} la sphère unité de l’espace
euclidien usuel Rn+1 , et Bn = {(x1 , . . . , xn ) ∈ Rn ∶ x21 + ⋅ ⋅ ⋅ + x2n ≤ 1} la boule unité fermée de
l’espace euclidien usuel Rn .
1.1 Homotopie
Soient X et Y deux espaces topologiques. Deux applications continues f, g ∶ X → Y sont
homotopes s’il existe une application continue h ∶ X × [0, 1] → Y telle que h(x, 0) = f (x)
et h(x, 1) = g(x) pour tout x dans X. Nous noterons alors f ∼ g, et nous dirons que h
est une homotopie entre f et g. Pour tout s dans [0, 1], nous noterons aussi hs ∶ X → Y
l’application hs (x) = h(x, s).
Si A est une partie de X, deux applications continues f, g ∶ X → Y sont homotopes
relativement à A s’il existe une application continue h ∶ X × [0, 1] → Y telle que h(x, 0) =
f (x) et h(x, 1) = g(x) pour tout x dans X, et telle que h(a, s) = f (a) pour tous les a dans
A et s dans [0, 1]. Nous noterons alors f ∼ g rel A, et nous dirons que h est une homotopie
relative à A entre f et g.
Il est immédiat que ∼ est une relation d’équivalence sur l’ensemble C (X, Y ) des appli-
cations continues de X dans Y . En effet, f ∼ f par l’homotopie constante h ∶ (x, s) ↦ f (x) ;
si f ∼ g par l’homotopie h, alors g ∼ f par l’homotopie inverse h ∶ (x, s) ↦ h(x, 1 − s) ; si
f1 ∼ f2 par l’homotopie h1 et f2 ∼ f3 par l’homotopie h2 , alors f1 ∼ f3 par l’homotopie
composée
h (x, 2s) si 0 ≤ s ≤ 12
(x, s) ↦ { 1
h2 (x, 2s − 1) si 12 ≤ s ≤ 1 .
De même, ∼ rel A est une relation d’équivalence sur l’ensemble des applications continues
de X dans Y qui coïncident sur A avec une application continue donnée de A dans Y .
Un espace topologique X est contractile s’il est non vide et si l’application identique
idX de X est homotope à une application constante de X dans X.
Par exemple, un convexe non vide C dans un espace vectoriel topologique (c’est-à-
dire un espace vectoriel réel ou complexe muni d’une topologie telle que l’addition et la
multiplication externe soient des applications continues) est contractile : si x0 ∈ C, alors
l’application (x, s) ↦ (1 − s)x + sx0 de C × [0, 1] dans C est une homotopie entre idC et
x ↦ x0 .
7
Cette notion est importante, car la plupart des espaces topologiques que nous ren-
controns sont localement contractiles, c’est-à-dire admettent un système fondamental de
voisinages contractiles. C’est en particulier le cas des ouverts des espaces vectoriels topo-
logiques, des variétés topologiques (c’est-à-dire les espaces topologiques X, supposés métri-
sables séparables sauf mention explicite du contraire, tels que pour tout x dans X, il existe
n ∈ N et V un voisinage de x dans X, tels que V soit homéomorphe à Rn ), ainsi que des
CW-complexes et des complexes simpliciaux (voir par exemple [Pau3, Spa]).
Un espace topologique est simplement connexe s’il est connexe par arcs et si toute
application continue du cercle S1 dans X se prolonge (continuement) en une application
continue du disque B2 dans X, ou, de manière équivalente si toute application continue de
S1 dans X est homotope à une application constante de S1 dans X (voir aussi l’exercice
E.5 et la proposition 1.10).
Exercice E.2. Montrer qu’un espace contractile est simplement connexe.
9
(4) Si α est un chemin joignant x à y, alors cx ⋅ α et α ⋅ cy sont homotopes à α.
(5) Si α est un chemin joignant x à y, alors α ⋅ α et α ⋅ α sont homotopes à cx et cy
respectivement.
⎧ α β γ
⎪
⎪
4t
α( 1+s ) si 0 ≤ t ≤ 1+s
⎪ 4
(t, s) ↦ ⎨ β(4t − s − 1) si 1+s ≤ t ≤ 2+s
⎪
⎪
⎪
4 4
⎩ γ( 2−s ) 4 ≤t≤1
4t−s−2
si 2+s
(4) L’application s
α
2t
α( 1+s ) si 0 ≤ t ≤ 1+s
(t, s) ↦ { 2
y 2 ≤t≤1
si 1+s
10
Soit x un point de X. Un lacet en x dans X est un chemin dans X d’origine et d’ex-
trémité x. Le point x est appelé le point base de ce lacet. Les chemins constants sont des
lacets, et le chemin inverse d’un lacet est un lacet. Deux lacets sont homotopes s’ils sont
homotopes en tant que chemin (donc relativement à leur point base).
Sur l’ensemble L(X, x) des lacets en x, la relation « être homotope à » est une relation
d’équivalence, d’ensemble quotient noté π1 (X, x).
La composition des chemins, restreinte aux lacets en x, est une loi de composition
interne sur L(X, x), qui (par le lemme 1.1 (2)) passe au quotient en une loi de composition
interne sur π1 (X, x).
Proposition 1.2. La composition des chemins induit une structure de groupe sur l’en-
semble π1 (X, x) des classes d’homotopie de lacets dans X de base x.
φc ([α ⋅ β]) = [c ⋅ α ⋅ β ⋅ c] = [c ⋅ α ⋅ c ⋅ c ⋅ β ⋅ c] = x
` c
[c ⋅ α ⋅ c][c ⋅ β ⋅ c] = φc ([α])φc ([β]).
y
De plus, φc = φ−1
c , et si g est la classe du lacet ` ⋅ c de base x, alors
φ` ([α]) = [` ⋅ α ⋅ `] = [` ⋅ c ⋅ c ⋅ α ⋅ c ⋅ c ⋅ `] = α
Corollaire 1.4. Si X est connexe par arcs, et x, y ∈ X, alors les groupes π1 (X, x) et
π1 (X, y) sont isomorphes. Si π1 (X, x) est abélien, cet isomorphisme est canonique. ◻
2. Il existe une et une seule topologie sur un ensemble ayant un seul élément !
11
Nous noterons souvent π1 (X, x0 ) par π1 X, quand un point base x0 de X est sous-
entendu et indifférent. La proposition précédente laisse penser que cet abus de notation ne
pose que peu de problèmes. Mais “peu de problèmes” ne signifie pas “pas de problèmes”,
et du soin est nécessaire en ce qui concerne le traitement des points bases des groupes
fondamentaux.
Exercice E.3. Soit (Xi , xi )i∈I une famille d’espaces topologiques pointés. Montrer que les
groupes π1 (∏i∈I Xi , (xi )i∈I ) et ∏i∈I π1 (Xi , xi ) sont isomorphes. En particulier,
(car f ○ h ∶ [0, 1]2 → Y est une homotopie entre f ○ α et f ○ β si h ∶ [0, 1]2 → X est une
homotopie entre α et β) et avec la composition des chemins :
f ○ (α ⋅ β) = (f ○ α) ⋅ (f ○ β).
π1 (Y, f (x))
f∗
↗
π1 (X, x) ↑u
↘
g∗
π1 (Y, g(x)) .
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Démonstration. Soit h une homotopie entre f et g. Soit c le chemin s ↦ hs (x) = h(x, s)
dans Y entre f (x) et g(x). Par la proposition 1.3, l’application u ∶ [β] ↦ [c ⋅ β ⋅ c] est un
isomorphisme de groupes de π1 (Y, g(x)) dans π1 (Y, f (x)). Pour montrer que f∗ = u ○ g∗ ,
il suffit de montrer que pour tout lacet α d’origine x dans X, les lacets (c ⋅ (g ○ α)) ⋅ c et
f ○ α sont homotopes (relativement aux extrémités).
Pour tout s dans [0, 1], considérons le che-
f ○α hs ○ α min cs ∶ t ↦ h(x, st). L’application (s, t) ↦
((cs ⋅(hs ○α))⋅cs )(t) est continue. En s = 0,
g○α elle vaut (cf (x) ⋅ (f ○ α)) ⋅ cf (x) (où cf (x)
f ( x) est l’application constante en f (x) ), qui
c
cs g ( x) est homotope à f ○ α. En s = 1, elle vaut
(c ⋅ (g ○ α)) ⋅ c. ◻
Corollaire 1.7. Si f ∶ X → Y est une équivalence d’homotopie entre X et Y , alors l’ap-
plication f∗ ∶ π1 (X, x) → π1 (Y, f (x)) induite par f sur les groupes fondamentaux est un
isomorphisme de groupes.
Corollaire 1.8. Les groupes fondamentaux de deux espaces connexes par arcs, ayant même
type d’homotopie, sont isomorphes. ◻
Proposition 1.10. Soit α ∶ S1 → X une application continue, telle que α(1) = x. Alors
[α] = 1 dans π1 (X, x) si et seulement si α s’étend continuement en une application continue
B2 → X.
π1 (B2 , 1)
i∗
↗ ↓f∗
α∗
π1 (S1 , 1) Ð→ π1 (X, x) .
13
Or si β ∶ [0, 1] → S1 = [0, 1]/⟨{0,1}⟩ est le lacet induit par passage au quotient de l’identité de
[0, 1], alors α∗ [β] = [α]. Comme π1 (B2 , 1) = {1}, ceci montre que [α] est l’élément neutre
de π1 (X, x).
Réciproquement, si [α] = 1, alors soit h ∶ S1 × [0, 1] → X une homotopie entre α et
l’application constante. Considérons l’espace topologique quotient
Corollaire 1.13. Pour n ≥ 1, l’espace projectif complexe Pn (C) est simplement connexe.
Raisonnons par récurrence sur n. D’après l’exercice E.A.93, la droite projective P1 (C) est
homéomorphe à la sphère S2 . Donc
π1 (P1 (C)) = 0 .
Montrer que le peigne est contractile. Soit x0 = (0, 1). Montrer que idX est homotope à
l’application constante en x0 , mais n’est pas homotope à l’application constante en x0
relativement à {x0 }.
Coller en tordant une fois
x0
1 1
0 4 2 1
Le peigne Le ruban de Möbius
15
Exercice E.7. (1) Montrer que l’espace topologique quotient C = [0, 1] × [0, 1]/ ∼, où
∼ est la relation d’équivalence engendrée par (0, s) ∼ (1, s), est homéomorphe au sous-
espace topologique {z ∈ C ∶ 1 ≤ ∣z∣ ≤ 2} (appelé un anneau) de C et à l’espace topologique
produit S1 × [0, 1] (appelé un cylindre). Montrer que cet anneau, ainsi que l’anneau ouvert
{z ∈ C ∶ 1 < ∣z∣ < 2}, ont le même type d’homotopie que le cercle S1 .
(2) Montrer que le ruban de Möbius M = [0, 1] × [0, 1]/ ∼, où ∼ est la relation d’équi-
valence engendrée par (0, s) ∼ (1, 1 − s), a le même type d’homotopie que le cercle S1 .
On pourra par exemple montrer que A = π([0, 1] × { 12 }), où π ∶ [0, 1] × [0, 1] → M est la
projection canonique, est un rétracte par déformation forte de M .
(3) Montrer qu’il existe un homéomorphisme local f ∶ C → M tel que tout point de M
admette exactement deux antécédents (l’application f est un revêtement à deux feuillets,
avec la terminologie de la partie 2).
(4) En utilisant par exemple le théorème de Jordan disant que toute courbe fermée
simple du plan euclidien le sépare en deux composantes connexes, montrer que C et M ne
sont pas homéomorphes.
Exercice E.8. Montrer que le tore troué S1 × S1 − {(1, 1)} a le même type d’homotopie
que le bouquet de deux cercles (S1 , 1) ∨ (S1 , 1) (voir l’exemple (4) suivant l’exercice E.A.82
dans la partie A.2 pour la définition d’un bouquet de cercles).
(1, 1)
Exercice E.9. Montrer que pour tout n ∈ N, le plan euclidien, privé de n points, a le
même type d’homotopie que le bouquet de n cercles (voir l’exemple (4) suivant l’exercice
E.A.82 pour la définition d’un bouquet de cercles).
Exercice E.10. Soit G un groupe topologique, d’élément neutre e. Si f, g ∶ [0, 1] → G sont
deux lacets en e, nous notons f g ∶ [0, 1] → G le lacet défini par f g ∶ t ↦ f (t)g(t).
1) Montrer que les lacets f ⋅ g et f g sont homotopes (rel {0, 1}).
2) Montrer que π1 (G, e) est abélien.
(En particulier avec les notations qui seront introduites plus loin, les groupes π1 (Tn , 0),
π1 (SO(n), e) et π1 (SLn (R), e) sont abéliens.)
Exercice E.11. Rappelons tout d’abord le théorème de relèvement des applications et des
homotopies à valeurs dans le cercle (voir le corollaire 2.26 pour une preuve dans un cadre
général).
— Si f ∶ [0, 1] → S1 est une application continue, pour tout t0 ∈ R tel que f (0) = e2iπt0 ,
̃
il existe une application continue f̃ ∶ [0, 1] → R telle que f̃(0) = t0 et f (t) = e2iπf (t)
pour tout t ∈ [0, 1], appelée un relèvement de f , qui est unique si nous demandons que
f̃(0) = t0 .
— Si h ∶ [0, 1] × [0, 1] → S1 est une application continue, et si f ∶ [0, 1] → R est une
application continue telle que h(t, 0) = e2iπf (t) pour tout t ∈ [0, 1], alors il existe une
et une seule application continue ̃ h ∶ [0, 1] × [0, 1] → R telle que ̃
h(t, 0) = f (t) et
2iπ ̃
h(t, s) = e h(t,s)
pour tous les t, s ∈ [0, 1].
16
1) Montrer que, pour tout x dans S1 , l’application ϕx ∶ π1 (S1 , x) → Z, définie par
[γ] ↦ ̃ γ (1) − ̃
γ (0) où ̃
γ est un relèvement du lacet γ défini ci-dessus, est un isomorphisme
de groupes.
Si c est un lacet dans S1 , d’origine x et d’extrémité y, et si φc ∶ π1 (S1 , y) → π1 (S1 , x)
est l’isomorphisme de groupes défini dans la proposition 1.3, montrer que ϕx ○ φc = ϕy .
Soient f ∶ S1 → S1 une application continue et x un point de S1 . Posons y = f (x). La
composition des morphismes de groupes
ϕ−1 f∗ ϕy
Z Ð→ π1 (S1 , x) Ð→ π1 (S1 , y) Ð→ Z
x
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Exercice E.13. 1) Soient X un espace topologique et CX = (X × [0, 1])/⟨X × {1}⟩ le cône
sur X (voir l’exemple (1) suivant l’exercice E.A.82). Nous notons [x, t] la classe dans CX
de l’élément (x, t) de X × [0, 1]. Montrer que CX est contractile, et que si x0 = [x, 1] (pour
tout x dans X) est le sommet de ce cône, alors CX − {x0 } se rétracte par déformation forte
sur X (identifié par x ↦ [x, 0] avec une partie de CX).
2) Si f ∶ X → Y est une application continue, nous appelons cône de f , et nous notons
C(f ) l’espace topologique obtenu par recollement (voir l’exemple (5) suivant l’exercice
E.A.82 pour la définition d’un recollement) du cône CX de X sur Y par l’application f
(comme ci-dessus, X est identifié à une partie de CX) :
C(f ) = CX∪f Y .
T2 − {∗} S1 ∨ S1
18
2 Revêtements
2.1 Définitions
L’application continue p ∶ R → S1 de la droite
réelle dans le cercle, définie par t ↦ e2πit , vérifie la R
propriété suivante : pour tout élément x = e2πiθ dans
S1 , si V = S1 − {−x}, alors p−1 (V ) est une réunion dis-
jointe ⋃k∈Z ]θ + (2k − 1)π, θ + (2k + 1)π[ et la restriction
de p à chaque ]θ+(2k−1)π, θ+(2k+1)π[ est un homéo- Z
morphisme de cet ouvert sur V . De plus, le groupe Z
des translations entières de R agit transitivement sur
l’ensemble des préimages d’un point donné du cercle.
t
Pour tout espace topologique X et pour tout espace
topologique discret D non vide, la première projection
pr1 ∶ X × D → X est aussi, en restriction à chaque
« tranche » X × {d}, un homéomorphisme sur X. S1 e2iπt
telle que g(x) = (f (x), i) si x ∈ Ui . Il est élémentaire de vérifier que g est un homéomor-
phisme, dont l’inverse h est une trivialisation locale de f au-dessus de V . ◻
21
2.3 Actions de groupes topologiques
Cette partie est composée de définitions et propriétés élémentaires sur les actions conti-
nues de groupes et les groupes topologiques. Nous renvoyons à l’appendice B.1 pour des
rappels sur les actions ensemblistes de groupes.
Un groupe topologique est un ensemble G muni d’une structure de groupe et d’une
structure d’espace topologique compatibles, c’est-à-dire telles que l’application
G × G Ð→ G
(x, y) ↦ xy −1
soit continue. 3 Un morphisme de groupes topologiques est un morphisme de groupes qui
est continu. Un isomorphisme de groupes topologiques est un isomorphisme de groupes
qui est un homéomorphisme. Deux groupes topologiques sont isomorphes s’il existe un
isomorphisme de groupes topologiques de l’un sur l’autre. Si G est un groupe topologique,
G Ð→ G
alors pour tout g ∈ G, la translation à gauche Lg ∶ par g et la translation à
h ↦ gh
G Ð→ G
droite Rg ∶ par g −1 sont des homéomorphismes.
h ↦ hg −1
Exemple. Soit G un groupe. Muni de la topologie discrète, G est un groupe topologique,
que nous appellerons un groupe discret.
Soit n ∈ N − {0}. Notons GLn (C) le groupe linéaire complexe des matrices complexes
2
n-n inversibles, muni de la topologie induite par la topologie usuelle 4 sur Cn , et GLn (R)
le sous-groupe des matrices à coefficients réels, appelé le groupe linéaire réel. Soient
SLn (C) = {x ∈ GLn (C) ∶ det x = 1}
le groupe spécial linéaire complexe,
U(n) = {x ∈ GLn (C) ∶ x−1 = x∗ }
le groupe unitaire, où x∗ = t x est la matrice adjointe de x, et SU(n) = U(n) ∩ SLn (C) le
groupe spécial unitaire. Soient
SLn (R) = {x ∈ GLn (R) ∶ det x = 1}
le groupe spécial linéaire réel,
O(n) = {x ∈ GLn (R) ∶ x−1 = t x}
le groupe orthogonal, et SO(n) = O(n) ∩ SLn (R) le groupe spécial orthogonal.
Exercice E.14. (1) Montrer que tout sous-groupe d’un groupe topologique, muni de la
topologie induite, est un groupe topologique. Montrer que le produit d’une famille (quel-
conque) de groupes topologiques, muni de la topologie produit et de la structure de
groupe produit, est un groupe topologique. Montrer que si G est un groupe topologique
et H un sous-groupe distingué, alors le groupe quotient G/H, muni de la topologie
quotient, est un groupe topologique.
3. Montrer que cette condition est équivalente au fait de demander que les deux applications
G × G Ð→ G G Ð→ G
et soient continues.
(x, y) ↦ xy x ↦ x−1
4. définie par n’importe laquelle de ses normes
22
(2) Montrer que le groupe abélien Rn , muni de la topologie usuelle, est un groupe topologique
localement compact. Montrer (voir le corollaire 2.5) que Tn = Rn /Zn est un groupe
topologique compact.
2 2
(3) Montrer que GLn (C) est ouvert dans Cn , et que GLn (R) est ouvert dans Rn .
(4) Montrer que GLn (C) est un groupe topologique localement compact.
(5) Montrer que SLn (C), U(n), SU(n), GLn (R), SLn (R), O(n) et SO(n) sont des sous-
groupes fermés de GLn (C). Ce sont donc des groupes topologiques localement compacts.
(6) Montrer (ou attendre la proposition 4.13) que GLn (C), SLn (C), U(n), SU(n), GLn (R),
SLn (R), O(n) et SO(n) sont des variétés topologiques (métrisables séparables), donc
sont localement contractiles.
(7) Montrer que le cercle S1 = {z ∈ C ∶ ∣z∣ = 1}, muni de la multiplication des nombres
complexes, est un groupe topologique, isomorphe (en tant que groupe topologique) au
groupe topologique quotient R/Z, à SO(2) et à U(1).
(8) Montrer que les espaces topologiques U(n), SU(n), O(n) et SO(n) sont compacts.
(9) Montrer que les espaces topologiques U(n), SU(n) et SO(n) sont connexes par arcs, et
que O(n) a deux composantes connexes.
(10) Soit H (respectivement H ++ ) le sous-espace topologique de Cn formé des matrices
2
n(n+1)
que l’espace topologique GLn (R) est homéomorphe à O(n) × R 2 , et que l’espace
n(n+1)
−1
topologique SLn (R) est homéomorphe à SO(n) × R 2 .
G × X Ð→ X
(g, x) ↦ gx
continue telle que g ′ (gx) = (g ′ g)x et ex = x pour tous les g, g ′ dans G et x dans X, où
e est l’élément neutre de G. Nous dirons que G opère (ou agit) continuement sur X s’il
est muni d’une action continue de G sur X. Nous supposons souvent de manière implicite
qu’une action d’un groupe topologique sur un espace topologique est continue.
Remarques. (1) Pour tout g dans G, l’application x ↦ gx est alors un homéomorphisme,
d’inverse l’application x ↦ g −1 x.
(2) Une action d’un groupe discret G sur un espace topologique est continue si et
X Ð→ X
seulement si, pour tout g dans G, l’application est continue.
x ↦ gx
23
Nous supposons dans la suite de la partie 2.3 que G agit continuement sur X.
L’espace des orbites G/X sera muni de la topologie quotient (voir la partie A.2). Si H
est un sous-groupe de G, alors l’application g ↦ g −1 induit un homéomorphisme entre les
espaces topologiques quotients H/G et G/H, et l’action par translations à gauche de G sur
l’espace des classes à droite G/H est continue.
Remarque. La projection canonique π ∶ X → G/X est continue (par définition de la
topologie quotient sur G/X). Mais c’est un fait remarquable qu’elle est aussi ouverte : si
U est un ouvert de X, alors le saturé π −1 (π(U )) = ⋃g∈G gU de U est ouvert (en tant que
réunion d’ouverts), donc π(U ) est ouvert, par définition de la topologie quotient sur G/X.
Si G et X sont séparés, une action continue de G sur X est dite propre, et le groupe
topologique G est dit agir proprement sur l’espace topologique X, si l’application graphe
gr ∶ G × X Ð→ X × X
(g, x) ↦ (x, gx) ,
qui est continue, est propre (i.e. fermée, et dont les images réciproques de points sont
compactes, voir la partie A.4 dans l’appendice). Lorsque G est discret, une action (continue)
propre de G sur X est aussi appelée une action proprement discontinue.
Proposition 2.3. (1) Si X est localement compact et G séparé, une action continue de G
sur X est propre si et seulement si, pour tout compact K de X, la partie
{g ∈ G ∶ K ∩ gK ≠ ∅}
{g ∈ G ∶ K ∩ gK ≠ ∅}
est finie. C’est cette définition (parfois appelée la propriété d’être proprement discontinue)
qu’il convient de retenir/utiliser dans la plupart des applications. Lorsque G est discret et
fini, toute action continue de G sur un espace localement compact est donc propre.
Démonstration. (1) Si l’action est propre, pour tout compact K de X, alors gr−1 (K ×K)
est compact dans G × X (voir la proposition A.22), donc {g ∈ G ∶ K ∩ gK ≠ ∅} =
pr1 (gr−1 (K × K)) est compact car G est séparé et car la projection sur le premier facteur
pr1 ∶ G × X → G est continue.
Réciproquement, pour tout compact L de X × X, soit K un compact de X tel que
L ⊂ K × K (par exemple K = pr1 (L) ∪ pr2 (L) ⊂ X). Alors gr−1 (L) est un fermé, contenu
dans le compact {g ∈ G ∶ K ∩gK ≠ ∅}×K, donc est compact. Comme X ×X est localement
compact et G × X séparé, la proposition A.22 montre que gr est propre.
(2) Si G est compact, pour tout compact K de X, l’application ψ ∶ G × K × K → K × K
définie par (g, x, y) ↦ (x, gy) est continue entre espaces compacts donc est propre. Si ∆
est la diagonale de K × K, alors ∆ est fermée donc compacte dans K × K. Donc ψ −1 (∆)
24
est compact dans G × K × K. Par la continuité de la projection sur le premier facteur
pr1 ∶ G × K × K → G et par la séparation de G, nous avons donc que le sous-espace
{g ∈ G ∶ K ∩ gK ≠ ∅} = pr1 (ψ −1 (∆)) est compact dans G. ◻
Une action continue d’un groupe topologique G sur un espace topologique X est dite
cocompacte s’il existe un compact K de X dont l’orbite par G recouvre X. Par exemple si
X est compact, toute action continue de G sur X est cocompacte.
Proposition 2.4. Si X et G sont séparés et si G agit proprement sur X, alors les orbites
de G dans X sont fermées et l’espace des orbites G/X est séparé. Si X est localement
compact, si G est séparé et si G agit proprement sur X, alors G/X est localement compact.
Si X et G sont séparés et si l’action de G sur X est propre et cocompacte, alors G/X est
compact.
Démonstration. 5 Comme l’application graphe gr est propre, elle est fermée, donc son
image
im(gr) = {(x, y) ∈ X × X ∶ ∃ g ∈ G, y = gx}
est fermée dans X × X. Si x n’est pas dans la même orbite que y, alors (x, y) n’appartient
pas à im(gr), donc il existe des ouverts U, V de X tels que (x, y) ∈ U × V ⊂ X × X − im(gr).
Alors π(U ) et π(V ) sont des ouverts (car π est ouverte), disjoints (car (U × V ) ∩ im(gr)
est vide), et contenant π(x) et π(y) respectivement. Donc G/X est séparé.
Les orbites, images réciproques par π (continue) des singletons (fermés car G/X est
séparé) sont donc fermées. Les deux dernières assertions découlent du fait que l’image d’un
compact par une application continue à valeurs dans un espace séparé est compact, et que
l’image d’un voisinage d’un point x ∈ X par l’application ouverte π est un voisinage de
π(x). ◻
Corollaire 2.5. Soit H un sous-groupe fermé d’un groupe topologique localement compact
G. Alors les espaces topologiques H/G et G/H sont séparés et localement compacts. Ils sont
compacts si G est compact.
Si de plus H est distingué, alors G/H est un groupe topologique localement compact.
Par exemple, Tn = Rn /Zn est un groupe topologique compact.
Démonstration. Puisque l’inverse induit un homéomorphisme de H/G sur G/H, il suffit
de montrer le résultat pour H/G. Un sous-espace fermé d’un espace localement compact
est localement compact, donc H est un groupe topologique localement compact. Pour tout
compact K de G, et pour tout h ∈ H, nous avons K ∩ hK ≠ ∅ si et seulement si h ∈ KK −1 .
Par continuité de l’application (x, y) ↦ xy −1 , la partie KK −1 est compacte dans G, et donc
5. Voici une démonstration de la séparation de G/X lorsque X et G sont supposés localement compact
et métrisables.
Soient x et x′ deux points de X qui ne sont pas dans la même orbite par G. Soient K et K ′ deux
voisinages compacts disjoints de x et x′ , qui existent car X est localement compact (donc séparé). Puisque
X est métrisable, soient (Kn )n∈N et (Kn′ )n∈N des systèmes fondamentaux dénombrables de voisinages de x
et x′ contenus dans K et K ′ respectivement. Montrons par l’aburde qu’il existe N ∈ N tel que l’intersection
KN ∩ GKN ′
soit vide. Sinon, pour tout n ∈ N, il existe xn ∈ Kn et gn ∈ G tels que gn xn ∈ Kn′ . Comme K ∪ K ′
est compact (car X est séparée) et l’action est propre, la suite (gn )n∈N reste dans un compact de l’espace
métrisable G, donc, quitte à extraire, converge vers g ∈ G. Or (xn )n∈N converge vers x et (gn xn )n∈N vers
x′ . Donc par la continuité de l’action, nous avons x′ = gx, ce qui contredit l’hypothèse initiale. Puisque la
′
projection canonique π est ouverte, les images KN et KN sont alors des voisinages disjoints de π(x) et
π(x′ ) respectivement. Donc G/X est séparé.
25
KK −1 ∩ H est un compact de H. Par conséquent, l’action par translations à gauche de H
sur G est propre. Le résultat découle alors de la proposition 2.4. ◻
Exercice E.15.
(1) Si G est un groupe topologique compact agissant (continuement) sur un espace topolo-
gique séparé X, montrer que l’action de G sur X est propre.
(2) Montrer que pour tout n ∈ N − {0}, les espaces topologiques quotients GLn (C)/ U(n),
SLn (C)/ SU(n), GLn (R)/ O(n) et SLn (R)/ SO(n) sont homéomorphes respectivement
n(n+1) n(n+1)
2 2 −1 −1
à Rn , Rn ,R 2 et R 2 .
1 0
(3) Si SO(n) est identifié à un sous-groupe de SO(n + 1) par l’application x ↦ ( )
0 x
en notation par blocs, montrer que l’espace topologique quotient SO(n + 1)/ SO(n) est
homéomorphe à la sphère Sn .
Démonstration. (1) 7 L’application graphe gr est continue, injective (car l’action de G sur
X est libre) et fermée (car propre), donc est un homéomorphisme sur son image. Comme
{e} × X est un ouvert de G × X, son image par gr, qui est la diagonale de X × X, est
ouverte dans im(gr). Pour tout x dans X, il existe donc un voisinage V de x dans X tel
que (V × V ) ∩ im(gr) soit contenu dans la diagonale de X × X. Donc si V ∩ gV est non
vide, alors il existe (x, y) ∈ V × V tel que y = gx, donc (x, y) ∈ (V × V ) ∩ im(gr). D’où x = y
et donc g = e car l’action est libre.
(2) Ceci découle de (1), voir l’exercice E.A.73 de l’appendice A.2.
(3) Pour tout x dans X, soit V un voisinage ouvert de x comme dans l’assertion (1).
Alors U = π(V ) est un ouvert, car π est ouverte. De plus π −1 (U ) = ⋃g∈G gV et cette union
est disjointe, car si y ∈ gV ∩ g ′ V , alors g −1 y ∈ V ∩ (g −1 g ′ )V . Donc g −1 g ′ = e par l’assertion
6. Voir la partie B.1 pour des rappels sur les actions de groupes.
7. Voici une démonstration lorsque X est supposé localement compact. Pour tout x dans X, soit U un
voisinage compact de x. Comme l’action est propre, il existe g1 , . . . , gk dans G − {e} tels que
{g ∈ G − {e} ∶ gU ∩ U ≠ ∅} = {g1 , . . . , gk } .
Pour tout i ∈ {1, . . . , k}, comme l’action est libre, nous avons gi x ≠ x. Comme X est séparé et l’action
continue, il existe un voisinage ouvert Ui de x, contenu dans U , tel que gi Ui ∩ Ui = ∅. Alors V = ∩1≤i≤k Ui
est un ouvert qui convient.
26
(1), c’est-à-dire g = g ′ . De plus, l’application π∣gV ∶ gV → U est continue, ouverte, surjective.
Elle est aussi injective. En effet, si x, x′ ∈ V vérifient π(gx) = π(gx′ ), alors π(x) = π(x′ ),
et puisque la restriction π ∣V est injective par l’assertion (1), nous avons x = x′ . Donc
π∣gV ∶ gV → U est un homéomorphisme et π est un revêtement par la proposition 2.1. ◻
Corollaire 2.7. Soit G un groupe fini (discret) agissant librement (par homéomorphismes)
sur un espace séparé X. Alors G/X est séparé, et la projection canonique X → G/X est
un revêtement à Card(G) feuillets.
Démonstration. Par la proposition 2.4 et le théorème 2.6 précédent, il suffit de montrer
que l’application graphe gr est propre. Comme un groupe fini discret est compact, ceci
découle de l’assertion (1) de l’exercice E.15. Mais nous donnons une autre démonstration
ci-dessous. 8
Comme G est fini, l’image réciproque d’un point est finie, donc compacte car G × X est
séparé. Enfin, si F est un fermé de G × X, alors pour tout g dans G, le fermé F ∩ ({g} × X)
est de la forme {g} × Fg où Fg est un fermé de X. Comme X × X est séparé, le sous-
ensemble Fg′ = {(x, y) ∈ X × X ∶ pr1 (x, y) = g pr2 (x, y)} est fermé (voir par exemple
l’exercice E.A.91). D’où
gr(F ) = ⋃ gr(F ∩ ({g} × X)) = ⋃ pr−1 ′
1 (Fg ) ∩ Fg
g∈G g∈G
27
l’application (x, y) ↦ xy −1 de G×G dans G, qui envoie (e, e) sur e. Supposons par l’absurde
qu’il existe g ∈ H − H, où H est l’adhérence de H. Alors V g est un voisinage de g, qui
rencontre H en au moins deux éléments distincts h, h′ (car G est séparé). Soient v et v ′
dans V tels que vg = h et v ′ g = h′ . Alors h′ h−1 = v ′ v −1 est différent de e et appartient à U ,
contradiction. Donc H est fermé.
Maintenant, afin de montrer les deux dernières affirmations du corollaire 2.8, par la
proposition 2.4 et le théorème 2.6, il suffit de montrer que l’application graphe gr ∶ H ×
G → G × G définie par gr(h, g) = (g, hg) est propre. Comme elle est injective, les images
réciproques de singletons de G × G sont des singletons de l’espace séparé H × G, donc sont
compactes. L’image de gr est
im(gr) = {(g, g ′ ) ∈ G × G ∶ g ′ g −1 ∈ H} .
Notons que im(gr) est fermé dans G × G, car l’application (g, g ′ ) ↦ g ′ g −1 de G × G dans G
est continue et H est fermé dans G comme nous venons de le voir. Donc pour tout fermé F
de H × G, son image directe gr(H) par gr, qui est son image réciproque par l’application
continue gr−1 ∶ im(gr) → H × G définie par (g, g ′ ) ↦ (g ′ g −1 , g) est fermée dans im(gr),
donc fermée dans G × G. ◻
Exemple. L’application canonique Rn → Rn /Zn est un revêtement. Par le paragraphe pré-
cédant l’exercice E.A.79, l’application Rn → (S1 )n définie par (t1 , ..., tn ) ↦ (e2iπt1 , ..., e2iπt1 )
est un revêtement.
X
f̃
↗ ↓p
f
Y Ð→ B .
X
p ↓↑s
B .
Proposition 2.9. (Unicité des relèvements) Si Y est connexe, alors deux relèvements
de f qui coïncident en un point sont égaux.
Corollaire 2.10.
(1) Soient p ∶ X → B et p′ ∶ X ′ → B deux revêtements. Si X est connexe, alors deux
morphismes de p sur p′ qui coïncident en un point sont égaux.
(2) Soit p ∶ X → B un revêtement, d’espace total X connexe. Le groupe des automorphismes
du revêtement p agit librement sur X.
(3) Soit p ∶ X → B un revêtement, de base B connexe. Deux sections de p qui coïncident
en un point sont égales.
(4) Soit G un groupe discret agissant proprement et librement sur un espace connexe séparé
X, et p ∶ X → G/X le revêtement associé. Si x ∈ X, alors l’application qui à un
automorphisme de revêtements φ associe l’unique élément g de G tel que φ(x) = gx,
est un isomorphisme du groupe Aut(p) sur le groupe G. ◻
29
Proposition 2.12. (Relèvement des homotopies) Soient p ∶ X → B un revêtement
et f ∶ Y → B une application continue, admettant un relèvement f̃ ∶ Y → X. Pour toute
application continue h ∶ Y × [0, 1] → B telle que h(y, 0) = f (y) pour tout y ∈ Y , il existe un
unique relèvement ̃h de h tel que ̃ h(y, 0) = f̃(y) pour tout y ∈ Y .
Vy,i de h(y, ni ).
Puisque p∣p−1 (Vy,i ) est un revêtement trivial par la définition des ouverts distingués, soit
̃
g0 un relèvement de h∣Uy ×[0, 1 ] tel que ̃g0 (z, 0) = f̃(z) pour tout z dans Uy . Par récurrence,
n
nous construisons un relèvement ̃ gi de h∣Uy ×[ i , i+1 ] tel que ̃
gi (z, ni ) = ̃
gi−1 (z, ni ) pour tout z
n n
dans Uy . En recollant ces relevés (voir l’exercice E.1), nous obtenons un relèvement ̃ gy de
gy (z, 0) = f̃(z) pour tout z dans Uy .
h∣Uy ×[0,1] tel que ̃
Si y ′ ∈ Y , et pour tout z dans Uy ∩ Uy′ , les relèvements ̃ gy et ̃ gy′ coïncident en (z, 0).
Donc par la connexité de {z} × [0, 1] et la proposition 2.9, ces relèvements coïncident sur
{z} × [0, 1]. Par conséquent ̃ gy et ̃
gy′ coïncident sur (Uy ∩ Uy′ ) × [0, 1]. En recollant les ̃ gy ,
̃
nous obtenons un relèvement h cherché.
Pour tout y dans Y , deux tels relèvements coïncident en (y, 0), donc sur {y} × [0, 1]
par la connexité de [0, 1], donc ils sont égaux. ◻
̃(1) = β̃(1)
α
p−1 (α(1))
β̃
̃
α
̃(0) = β̃(0)
α
p
α(1) = β (1)
α
β
α(0) = β (0)
h(t, 0) = α(t), h(t, 1) = β(t), h(0, s) = α(0) = β(0), h(1, s) = α(1) = β(1) ,
30
si ̃
h ∶ [0, 1] × [0, 1] → X est le relèvement de h tel que ̃ ̃(t), alors par l’unicité dans
h(t, 0) = α
la proposition 2.11, et comme les chemins constants se relèvent en des chemins constants,
nous avons
̃ ̃
h(t, 1) = β(t), ̃ ̃
̃(0) = β(0),
h(0, s) = α ̃ ̃
̃(1) = β(1)
h(1, s) = α . ◻
Corollaire 2.15. Soit p ∶ X → B un revêtement, d’espace total X connexe par arcs. Soient
b ∈ B et x ∈ p−1 (b). Les propriétés suivantes sont équivalentes :
(1) l’espace topologique X est simplement connexe,
(2) deux lacets c et c′ en b dans B sont homotopes si leurs relèvements d’origine x ont
même extrémité.
Exercice E.16. Montrer que si X est connexe par arcs, si b ∈ B et si x, y ∈ p−1 (b), alors
les sous-groupes p∗ π1 (X, x) et p∗ π1 (X, y) sont conjugués dans le groupe π1 (B, b).
Proposition 2.16. (1) L’application (x, g) ↦ xg est une action à droite du groupe π1 (B, b)
sur la fibre F .
(2) Le stabilisateur de x ∈ F par l’action à droite du groupe π1 (B, b) sur la fibre F est
égal à p∗ π1 (X, x).
31
Démonstration. (1) Par unicité, pour tous les lacets α et
α′ en b, le relèvement d’origine x de la concaténation des α̃′
chemins α ⋅ α′ est la concaténation du relèvement α ̃ de α
x [α ]
d’origine x et du relèvement β̃ de β d’origine α
̃(1). Le relevé
d’origine x du chemin constant en b est le chemin constant x ̃
α
en x. Nous obtenons donc p
α′
∀ x ∈ F, ∀ g, g ′ ∈ π1 (B, b), (xg)g ′ = x(gg ′ ) et xe = x b
α
où e est l’élément neutre de π1 (B, b).
F /π1 (B, b) ≃ π0 X
Corollaire 2.18. Si X est connexe par arcs, alors pour tout x dans F , l’application de
π1 (B, b) dans F définie par g ↦ xg induit une bijection
π1 (S1 ) ≃ Z .
Comme P1 (R) est homéomorphe au cercle, nous avons bien sûr π1 (P1 (R)) ≃ Z.
(3) Comme la projection canonique S2n+1 → Up /S2n+1 = Ln,p est un revêtement, et puisque
S2n+1 est simplement connexe pour n ≥ 1, le groupe fondamental de l’espace lenticulaire
Ln,p est donc
π1 (Ln,p ) ≃ Z/pZ .
34
de l’intervalle Ie sur le sommet origine/extrémité de e. Plus précisément, ∣X∣ est l’espace
topologique quotient
∣X∣ = (VX ∐(EX × [0, 1]))/R
de l’espace topologique somme disjointe VX ∐(EX × [0, 1]), où VX et EX sont munis de
la topologie discrète et EX × [0, 1] de la topologie produit, par la relation d’équivalence
R engendrée par la relation (e, t) ∼ (e, 1 − t), v ∼ (e, 0) si o(e) = v et v ∼ (e, 1) si t(e) = v,
pour tous les t ∈ [0, 1], v ∈ VX et e ∈ EX.
Un graphe topologique 11 (respectivement arbre topologique) est la réalisation topolo-
gique d’un graphe (respectivement arbre) combinatoire.
L’inclusion de VX dans VX ∐(EX × [0, 1]) induit par passage au quotient un homéo-
morphisme sur son image, qui est une partie discrète de ∣X∣, encore appelée l’ensemble des
sommets du graphe ∣X∣ et notée VX. 12
Pour toute arête e, l’inclusion de {e}×]0, 1[ dans VX ∐(EX × [0, 1]) induit par passage
au quotient un homéomorphisme sur son image, qui est un ouvert de ∣X∣, appelée une
arête ouverte de ∣X∣. La préimage par la projection canonique de l’arête ouverte image
de {e}×]0, 1[ est exactement {e, e}×]0, 1[ . La topologie induite sur la réunion des arêtes
ouvertes, qui est égale à ∣X∣ − VX, est la topologie faible (voir la partie A.2) définie par la
famille des arêtes ouvertes.
Une action d’un groupe G sur un graphe X induit une action (continue) du groupe
discret G sur la réalisation topologique ∣X∣ de X, obtenue en passant en quotient par la
relation d’équivalence l’application
définie par (g, (e, t)) ↦ (g e, t) et (g, v) ↦ gv. La réalisation topologique ∣G/X∣ du graphe
quotient G/X s’identifie avec le quotient G/∣X∣ de la réalisation topologique ∣X∣ par G
Remarques. Un graphe topologique ∣X∣ est un espace topologique séparé 13 et locale-
ment contractile. 14 Un compact de ∣X∣ ne rencontre qu’un nombre fini d’arêtes ouvertes. 15
11. Nous omettrons le mot « topologique » lorsque le contexte est suffisant.
12. L’ensemble des sommets de la réalisation topologique ∣X∣ dépend du graphe combinatoire X, et pas
seulement de l’espace topologique ∣X∣. En particulier, si X a un sommet x de valence 2 (c’est à-dire ayant
deux et seulement deux arêtes d’origine x), alors le sommet x de ∣X∣ ne se détecte pas topologiquement.
Avant de donner d’autres exemples, définissons la subdivision barycentrique d’un graphe combinatoire
X = (VX, EX, , o, t) comme le graphe combinatoire X ′ = (VX ′ , EX ′ , ′ , o′ , t′ ) où
● VX ′ = V X ∐ (EX/(e ∼ e)), correspondant au fait de rajouter un sommet au “milieu” de chaque arrête
de X,
● EX ′ = EX × {−1, 1}
● for every e ∈ EX, we have o′ ((e, −1)) = o(e), t′ ((e, −1)) = {e, e}, o′ ((e, 1)) = {e, e}, t′ ((e, 1)) = t(e) et
′
(e, ±1) = (e, ∓1).
Alors les réalisations topologiques d’un graphe et de sa subdivision barycentrique sont homéomorphes.
13. Si (e, t), (e′ , t′ ) ∈ EX×[0, 1] ne sont pas équivalents pour la relation d’équivalence R, il est élémentaire
de construire des voisinages saturés disjoints de (e, t) et (e′ , t′ ).
14. La réunion d’un sommet v et des demi-arêtes ouvertes d’extrémités v est un voisinage ouvert contrac-
tile de v dans ∣X∣.
15. Soit K un compact de ∣X∣. Munissons toute arête ouverte e de ∣X∣, identifiée avec ]0, 1[, de sa
○
distance euclidienne d et notons me○ son milieu. Supposons par l’absurde qu’il existe un ensemble infini E
d’arêtes ouvertes rencontrant K. Pour tout e ∈ E, notons
○
1 + 2 re○
re○ = min d(x, me○ ) , Ue○ = {x ∈ e ∶ d(me○ , x) < }, Fe○ = {x ∈ e ∶ d(x, me○ ) ≤ re○ } .
○ ○
x∈K∩ e
○ 4
35
Un graphe topologique est connexe (donc connexe par arcs) si et seulement si le graphe
combinatoire est connexe. Un graphe topologique est localement compact si et seulement
si le graphe combinatoire est localement fini.
Proposition 2.23. Un arbre est contractile. Tout groupe fondamental de graphe est un
groupe libre.
Démonstration. Si x0 est un sommet d’un arbre ∣T ∣, pour tout x ∈ X, il existe un unique
chemin d’arêtes sans aller-retour de x0 à une arête contenant x, paramétré de manière
isométrique le long de chaque arête, et la rétraction par déformation le long de ce chemin
montre que T est contractile.
Soient X un graphe et x ∈ X. Nous pouvons supposer que X est connexe (donc connexe
par arcs). Par le lemme de Zorn, il existe un arbre maximal dans X contenant x. En écrasant
cet arbre en un point, tout graphe connexe a le même type d’homotopie qu’un bouquet de
cercles. Par invariance par homotopie, il suffit donc de montrer que si B est un bouquet de
cercles, et si S est l’ensemble de ses cercles, alors π1 (B, b) est isomorphe au groupe libre
L(S).
Si T est le graphe de Cayley (voir la partie B.3) du groupe L(S) pour sa partie géné-
ratrice S, alors T est un arbre. L’espace topologique quotient L(S)/T est homéomorphe
à B et la projection canonique T → L(S)/T est un revêtement (voir le lemme B.3 de
l’appendice B.3 pour un résultat plus général). Comme T est contractile, donc simplement
connexe, et séparé, le résultat découle donc du corollaire 2.22. ◻
Corollaire 2.24. (Théorème de Schreier) Tout sous-groupe d’un groupe libre est libre.
Démonstration. Soit H un sous-groupe du groupe libre L(S). Soit T le graphe de Cay-
ley du groupe L(S) pour sa partie génératrice S. Le groupe H agit aussi proprement et
librement sur T . Puisque T est simplement connexe et séparé, le groupe fondamental de
H/T est isomorphe à H par le corollaire 2.22. Puisque le quotient H/T est un graphe, le
résultat découle de la proposition 2.23. ◻
de sorte que re○ ∈ [0, 12 [ , et Ue○ est un ouvert de e et Fe○ est un fermé de e . Enfin, notons U = ∣X∣ − ⋃e○ ∈E Fe○ ,
○ ○
qui est un ouvert de ∣X∣ par la définition de la topologie quotient et de la topologie somme disjointe. Alors
{U } ∪ {Ue○ ∶ e ∈ E} est un recouvrement ouvert de K qui n’a pas de sous-recouvrement fini.
○
36
commute, c’est-à-dire f = p○f̃, donc f∗ = p∗ ○f̃∗ . Ceci montre que la condition est nécessaire.
Réciproquement, supposons que f∗ π1 (Y, y) ⊂ p∗ π1 (X, x). Pour tout z dans Y , choisis-
sons 16 un chemin α de y à z. Alors f ○ α est un chemin de b à f (z). Nous notons f˜(z)
̃ de f ○ α d’origine x.
l’extrémité de l’unique relevé α
β̃ f̃(z )
̃
α
x
p
p○c
β f ○β
f
z f (z )
y α f ○α
b
37
p̃ ○ p̃′ ∶ X ′ → X ′ est un morphisme de revêtements de p′ , car pour tous les y ′ ∈ X ′ et y ∈ X,
nous avons p̃′ (y ′ ) ∈ p−1 (p′ (y ′ )) et p̃(y) ∈ (p′ )−1 (p(y)), donc
De plus,
∀ g ∈ π1 (B, b), ∀ x ∈ F, f (xg) = f (x)g .
En effet, si g = [α], alors xg est l’extrémité de l’unique chemin α ̃ de X d’origine x qui est
un relèvement de α par p. Le chemin f ○ α ̃ dans X ′ est un relèvement par p′ de α d’origine
f (x), donc son extrémité f (xg) vaut f (x)g.
Notons Mor(p, p′ ) l’ensemble des morphismes de revêtements de p sur p′ , et notons
Morπ1 (B,b) (F, F ′ ) l’ensemble des applications π1 (B, b)-équivariantes de F dans F ′ (pour
les actions à droite de π1 (B, b) sur F et sur F ′ , voir l’appendice B.1 pour la terminologie).
Proposition 2.28. Si B est connexe et localement connexe par arcs, alors l’application
38
Par connexité par arcs, si d ∉ D′ , alors θ(V × {d}) ∩ C = ∅, et donc θ∣V ×D′ est une
trivialisation locale de p∣C au-dessus de V . ◻
Soit (Xi )i∈I la famille des composantes connexes par arcs de X. Par la proposition 2.17,
les orbites de π1 (B, b) dans F sont les F ∩ Xi pour i ∈ I. Les restrictions à chaque Xi des
applications de X dans X ′ , et de F dans F ′ , donnent donc des bijections
Corollaire 2.30. Sous les hypothèses de la proposition 2.28, la restriction à F induit une
bijection de l’ensemble Isom(p, p′ ) des isomorphismes de revêtements de p sur p′ à valeurs
dans l’ensemble Isomπ1 (B,b) (F, F ′ ) des bijections π1 (B, b)-équivariantes de F sur F ′ .
39
Démonstration. L’application pr1 ∶ B × F → B est un revêtement, et l’action de π1 (B, b)
sur pr−1 ′
1 (b) = {b} × F est triviale (car si x et x sont deux points distincts de F , alors il
n’existe pas de chemin entre (b, x) et (b, x ) ). La seconde projection pr−1
′ −1
1 (b) → p (b) est
donc une bijection π1 (B, b)-équivariante. ◻
Corollaire 2.32. Tout revêtement d’un espace simplement connexe et localement connexe
par arcs est trivial.
N (H) = {g ∈ G ∣ gHg −1 = H} .
Il est facile de montrer que N (H) est le plus grand sous-groupe de G dans lequel H est
distingué, et que H est distingué dans G si et seulement si N (H) = G.
Pour l’action à droite par translations à droite (Hg ′ , g) ↦ Hg ′ g de G sur H/G, notons
AutG (H/G) le groupe des bijections G-équivariantes de l’ensemble H/G muni de cette
action.
Lemme 2.33. Les groupes AutG (H/G) et H/N (H) sont isomorphes.
Démonstration. Pour tout φ ∈ AutG (H/G), soit n = nφ ∈ G tel que φ(He) = Hn. Par
G-équivariance de φ, nous avons,
C’est un morphisme de groupes injectif par (∗). Pour tout n dans N (H), l’application
φ ∶ G → H/G définie par φ(g) = Hng, vérifie φ(hg) = Hnhg = H(nhn−1 )ng = φ(g)
pour tout h dans H. Elle induit donc une application φn ∶ H/G → H/G. Celle-ci est G-
équivariante et bijective, d’inverse φn−1 , et son image par AutG (H/G) → H/N (H) est Hn.
Donc l’application φ ↦ Hnφ est surjective. ◻
En particulier, le groupe des bijections G-équivariantes de H/G (pour l’action à droite
de G sur H/G) agit transitivement sur H/G si et seulement si N (H) = G, c’est-à-dire si
et seulement si H est distingué dans G.
40
Démonstration. Soient b = p(x) et F = p−1 (b). Puisque X est connexe par arcs (voir la
note de bas de page 16) et par l’affirmation qui précéde le corollaire 2.18, l’action à droite
de G = π1 (B, b) sur F est transitive. Donc il existe une bijection G-équivariante entre F
et H/G où H est le stabilisateur de x par l’action de G sur F , qui est égal à p∗ π1 (X, x)
par la proposition 2.16. Par le corollaire 2.30 et le lemme précédent, nous avons donc
Aut(p) ≃ Autπ1 (B,b) (F ) ≃ AutG (H/G) ≃ H/N (H) = p∗ π1 (X, x)/N (p∗ π1 (X, x)). ◻
Voici enfin les dernières propriétés des automorphismes de revêtements dont nous au-
rons besoin dans la suite.
Proposition 2.35. Soit p ∶ X → B un revêtement, d’espace total X connexe, et de base
B localement connexe et séparée. Le groupe discret Γ = Aut(p) des automorphismes de p
agit (continuement) proprement et librement sur X. Si Γ′ est un sous-groupe de Γ et si
pΓ′ ∶ Γ′ /X → B est l’application induite par p, alors pΓ′ est un revêtement, et la projection
canonique π ∶ X → Γ′ /X est un morphisme de revêtements de p sur pΓ′ .
Démonstration. Notons que X est séparé (voir l’exercice E.22 dans la partie 2.14).
Comme X est connexe, le groupe Γ agit librement sur X par le corollaire 2.10 (1). Soit
gr ∶ Γ × X → X × X l’application graphe (g, x) ↦ (x, gx). Comme Γ agit librement et
comme Γ × X est séparé, l’image réciproque d’un singleton par gr est un singleton, donc
compact. Soient F un fermé de Γ × X et (x, y) ∈ gr(F ). Comme p × p est continue et B
séparé, si ∆ est la diagonale de B ×B, alors ∆ est fermée dans B ×B (voir l’exercice E.A.91
dans l’appendice A.5) et
Donc p(x) = p(y). Soit V un voisinage distingué connexe de p(x), et Vx , Vy les composantes
connexes de p−1 (V ) contenant x, y respectivement. Comme (x, y) ∈ gr(F ), l’intersection
(Vx × Vy ) ∩ gr(F ) est non vide. Soient g ∈ Γ et u ∈ X tels que u ∈ Vx et gu ∈ Vy . Comme
g est un automorphisme de revêtements de p, nous avons donc gVx = Vy et en particulier
y = gx. Donc gr est fermée. Par conséquent, le groupe Γ agit proprement.
Tout sous-groupe Γ′ de Γ agit aussi librement et proprement. Si V est un ouvert dis-
tingué connexe dans B pour p, alors, puisque Γ′ permute les composantes connexes de
p−1 (V ), il est immédiat que V est aussi un ouvert distingué dans B pour pΓ′ .
Puisque Γ préserve les fibres de p, la projection canonique π envoie fibre de p dans fibre
de pΓ′ , donc π est un morphisme de revêtements de p sur pΓ′ . ◻
Proposition 2.36. Soient p ∶ X → B et p′ ∶ X ′ → B deux revêtements, d’espaces totaux
X et X ′ connexes et de base B localement connexe. Si φ ∶ X → X ′ est un morphisme de
revêtements de p sur p′ , alors φ est un revêtement.
Démonstration. Soient x′ ∈ X ′ , b = p′ (x′ ) et V un voisinage connexe de b, distingué pour
−1
p et p′ . Soit s′ ∶ V → p′ (V ) la section du revêtement trivial p′ ∣p′ −1 (V ) telle que s′ (b) = x′ .
Si φ(X) rencontre s′ (V ), soient y ∈ X et b′ ∈ V tels que φ(y) = s′ (b′ ). Nous notons
s ∶ V → p−1 (V ) la section du revêtement trivial p∣p−1 (V ) telle que s(b′ ) = y. Puisque p′ ○φ = p,
les applications φ ○ s et s′ sont deux sections de p′∣p′ −1 (V ) qui coïncident en b′ , donc sont
égales, car V est connexe (voir le corollaire 2.10 (3)). En particulier, comme x′ ∈ s′ (V ),
nous avons x′ ∈ φ(X). Donc si x′ ∉ φ(X), alors φ(X) ne rencontre pas le voisinage s′ (V )
de x′ , ce qui montre que le complémentaire de φ(X) est ouvert.
41
L’image réciproque φ−1 (x′ ) est discrète, car contenue dans la fibre p−1 (p′ (x′ )) puisque
p ○ φ = p. Pour tout x dans φ−1 (x′ ), notons sx ∶ V → p−1 (V ) la section du revêtement
′
trivial p∣p−1 (V ) telle que sx (b) = x. Comme ci-dessus, nous avons φ ○ sx = s′ . Donc l’homéo-
morphisme de s′ (V ) × φ−1 (x′ ) dans φ−1 (s′ (V )) = p−1 (V ) défini par (u, x) ↦ sx ○ p′ (u) est
une trivialisation de φ au-dessus de s′ (V ).
En particulier, l’application φ est ouverte. D’où φ(X) est ouvert et fermé dans X ′ ,
donc est égal à X ′ par connexité. Comme φ−1 (x′ ) est non vide, nous en déduisons que φ
est un revêtement. ◻
Le but de cette partie est de décrire de manière intrinsèque la collection des revêtements
isomorphes aux revêtements de la forme X → G/X où G est un groupe discret agissant
librement et proprement sur un espace topologique séparé X.
X
π
↙ ↘p
f
Γ/X Ð→ B.
Démonstration. Si l’assertion (1) est vérifiée, alors l’assertion (4) l’est aussi, par l’unicité
des relèvements des chemins d’origine donnée dans la fibre et puisque Aut(p) préserve
l’ensemble des relèvements d’un lacet dans la base.
Si l’assertion (4) est vérifiée, pour tous les y et z dans F , si α est un lacet en y dans X,
alors α est un relèvement de p ○ α qui est un lacet, donc le relèvement β de p ○ α d’origine
z est aussi un lacet, et p∗ [α] = p∗ [β]. Donc p∗ π1 (X, y) ⊂ p∗ π1 (X, z). En échangeant y et
z, l’assertion (3) est donc vérifiée.
Si l’assertion (3) est vérifiée, pour tout lacet α en b dans B, soit c son relèvement
d’origine x, soit y l’extrémité de c, et soit φc ∶ π1 (X, x) → π1 (X, y) l’isomorphisme de
groupes [β] ↦ [c ⋅ β ⋅ c] (voir la proposition 1.3). Comme p∗ ([c ⋅ β ⋅ c]) = [α]−1 p∗ ([β]) [α],
nous avons alors
Exercice E.18. Montrer que les applications p ∶ X → B suivantes entre graphes sont
des revêtements. Quels sont ceux qui sont galoisiens ? Quels sont leurs groupes d’automor-
phismes de revêtements ? (Les sommets de X sont envoyés par p sur l’unique sommet de
B, et la restriction de p à chaque arête ouverte orientée du graphe X étiquetée par une
lettre, est un homéomorphisme préservant l’orientation sur l’arête ouverte orientée de B
étiquetée par la même lettre).
a
b
a b
a a b b
a
b a
X b b b b a b b a a a
b a
a a a
p b b
B
a b a b a b a b
19. Voici un argument direct. Pour tout g ∈ G, notons ϕg ∶ H/G → H/G l’application définie par
Hg ′ ↦ Hgg ′ . Cette application est bien définie car pour tout h ∈ H, nous avons Hghg ′ = Hghg −1 gg ′ = Hgg ′
puisque H est distingué dans G. Elle est clairement équivariante pour l’action par translations à droite de
G sur H/G, et elle est bijective d’inverse ϕg− 1 . Comme elle envoie He sur Hg, ceci montre le résultat en
faisant varier g dans G.
43
2.12 Revêtements universels
Démonstration. Pour tout b ∈ B, si x, y ∈ p−1 (b), alors il existe par la propriété universelle
̃→B
un morphisme de revêtements φx,y ∶ B ̃ de p tel que φx,y (x) = y. Comme φx,y est un
automorphisme de revêtements (d’inverse φy,x ), ceci montre que l’assertion (1) du théorème
2.37 est vérifiée. ◻
Le corollaire 2.26 s’énonce de la manière suivante.
lenticulaire, défini juste avant le corollaire 2.8) sont des revêtements universels.
Un espace topologique Y est semilocalement simplement connexe si tout point y de Y
admet un voisinage U tel que tout lacet en y contenu dans U soit homotope dans Y au
lacet constant en y (ou de manière équivalente tel que le morphisme i∗ ∶ π1 (U, y) → π1 (Y, y)
soit le morphisme nul, pour i ∶ U → Y l’inclusion.)
Si Y est localement contractile, par exemple si Y est une variété topologique, ou un CW-
complexe (voir par exemple la partie 6.5 et [Pau3]), alors Y est semilocalement simplement
connexe.
Exercice E.19. Considérons le cercle Sn de
centre ( n+1
1 1
, 0) et de rayon n+1 dans R2 . Soit
B = ⋃n∈N Sn , muni de la topologie induite par
celle de R2 , appellé l’anneau hawaïen. Montrer
que B est connexe et localement connexe par
arcs, mais n’est pas semilocalement simplement
connexe. Montrer que B n’admet pas de revête-
ment universel.
Attention, la propriété d’être semilocalement simple connexe n’est pas une propriété
locale (c’est-à-dire un ouvert d’un espace topologique semilocalement simplement connexe
44
ne l’est pas forcément). Par exemple, le cône CB sur l’anneau hawaïen B est contractile,
mais le cône CB privé de son sommet est un ouvert qui se rétracte par déformation forte
sur B, donc n’est pas semilocalement simplement connexe.
Théorème 2.40. Soit B un espace topologique séparé, connexe et localement connexe par
arcs. Alors B admet un revêtement d’espace total simplement connexe si et seulement si
B est semilocalement simplement connexe.
Démonstration. Si p ∶ X → B est un revêtement d’espace total simplement connexe
de B, pour tout point b de B, si V est un voisinage distingué de b, et s ∶ V → X une
section du revêtement trivial p∣p−1 (V ) , alors l’inclusion i ∶ V → B est égale à p ○ s. Donc par
fonctorialité, le morphisme de groupes i∗ ∶ π1 (V, b) → π1 (B, b) est le morphisme trivial, car
il factorise par le groupe trivial : nous avons i∗ = p∗ ○ s∗ avec p∗ ∶ π1 (X, s(b)) → π1 (B, b)
et π1 (X, s(b)) = {1} car X est simplement connexe.
Réciproquement, si B est semilocalement simplement connexe, soit b ∈ B, soit B ̃ l’en-
semble des classes d’homotopie des chemins d’origine b et soit
̃
π∶B ̃ → B
[β] ↦ β(1)
l’application quotient de l’application d’évaluation en 1, qui est bien définie (car l’homo-
topie des chemins est relativement aux extrémités) et surjective (car B est connexe par
arcs).
Munissons l’ensemble des chemins dans B d’origine b de la topologie compacte-ouverte
̃ de la topologie quotient. Comme l’application d’évaluation en
(voir l’appendice A.4), et B
un point est continue pour la topologie compacte-ouverte (voir l’exercice E.A.90), et par
la continuité des applications induites par passage au quotient d’applications continues,
l’application ̃
π est continue.
̃ par
Le groupe discret G = π1 (B, b) agit sur B
G×B ̃ → B
̃
([α], [β]) ↦ [α ⋅ β] .
Cette action est continue et libre, car si [α ⋅ β] = [β], alors [α] est la classe d’homotopie
[β ⋅ β] = [cb ] du lacet constant cb en b. Les orbites de G sont les fibres de ̃ π , car si
̃
π ([β]) = ̃π ([β ′ ]), alors β ′ ⋅ β est un lacet en b et [β ′ ] = [β ′ ⋅ β] [β].
̃ → G/B
Si p ∶ B ̃ est la projection canonique, alors l’application ̃ π induit par passage au
̃
quotient une application f ∶ G/B → B telle que le diagramme suivant commute
B̃
p↓ ↘̃π
̃ Ð→
G/B
f
B ,
Soit c le chemin
46
L’application gr−1 ∶ im(gr) → G × B ̃ est égale à ([β], [β ′ ]) ↦ ([β ′ ⋅ β], [β]), donc est
continue. Par conséquent, puisqu’un fermé d’un sous-espace fermé est fermé, l’application
gr est fermée. ◻
Corollaire 2.43. Tout espace topologique séparé, connexe, localement contractile admet
un revêtement universel. ◻
Soit B un espace topologique séparé, connexe, localement connexe par arcs, et semilo-
calement simplement connexe. Si ̃ π∶B̃ → B est un revêtement universel de B, alors par
unicité, B̃ est simplement connexe. Le groupe Γ = Aut(̃ π ) des automorphismes de revête-
ments de ̃ ̃
π agit librement et proprement sur B (proposition 2.35), et transitivement sur
les fibres (car ̃
π est galoisien). Donc le revêtement Γ/B̃ → B est un homéomorphisme, et
−1
pour tous les b dans B et x dans ̃ π (b), les groupes Γ et π1 (B, b) sont isomorphes
π ) ≃ π1 (B, b)
Aut(̃
Le but de cette partie est d’établir une correspondance entre les revêtements connexes
d’un espace topologique (suffisamment gentil) et les sous-groupes de son groupe fondamen-
tal.
Soit B un espace topologique séparé, connexe, localement connexe par arcs, et se-
milocalement simplement connexe. Fixons-nous un point b ∈ B, un revêtement universel
̃
π∶B̃ → B de B et x ∈ ̃π −1 (b). Identifions Aut(̃ π ) avec π1 (B, b) comme à la fin de la partie
précédente.
Si H est un sous-groupe de Aut(̃ π ), alors l’application ̃π∶B ̃ → B induit une application
̃
πH ∶ H/B → B, appelée le revêtement de B associé à H. Nous appellerons revêtement
connexe de B tout revêtement de B d’espace total connexe.
47
Théorème 2.44. L’application H ↦ πH induit une bijection de l’ensemble des classes
de conjugaison de sous-groupes de Aut(̃ π ) sur l’ensemble des classes d’isomorphisme de
revêtements connexes de B. Elle induit aussi une bijection de l’ensemble des sous-groupes
distingués de Aut(̃π ) dans l’ensemble des classes d’isomorphisme de revêtements galoisiens
de B, ainsi que, pour tout n ∈ N−{0}, une bijection de l’ensemble des classes de conjugaison
de sous-groupes d’indice n de Aut(̃ π ) dans l’ensemble des classes d’isomorphisme de revê-
tements à n feuillets de B.
donc g0 Hg0−1 ⊂ H ′ , et en utilisant φ−1 , nous avons g0 Hg0−1 = H ′ . Donc Ψ est injective.
Enfin, si p ∶ X → B est un revêtement connexe et u ∈ F = p−1 (b), alors la fibre F est
en bijection G-équivariante avec H/G, où H = p∗ π1 (X, u), donc les fibres des revêtements
connexes p et πH sont en bijection G-équivariante. Par le corollaire 2.30, les revêtements
p et πH sont isomorphes. Donc Ψ est surjective. ◻
Remarques. (1) En particulier, pour tout revêtement connexe p ∶ X → B, il existe un
̃ → X tel que le diagramme suivant commute (nous dirons que tout
revêtement πX ∶ B
revêtement connexe de B est factorisé par son revêtement universel)
̃
B
↘πX
̃
π↓ X
↙p
B .
48
(3) Si H et H ′ sont des sous-groupes de G = π1 (B, b), alors l’ensemble Mor(πH , πH ′ )
des morphismes de revêtements de πH sur πH ′ est en bijection avec MorG (H/G, H ′ /G),
l’ensemble des applications G-équivariantes de H/G dans H ′ /G (voir la proposition 2.28).
(4) L’application H ↦ πH induit une bijection de l’ensemble des classes de conjugaison
de sous-groupes d’indice fini de π1 (B, b) sur l’ensemble des classes d’isomorphisme de re-
vêtements connexes finis de B.
Exemple. Comme les seuls sous-groupes de Z/2Z sont Z/2Z et {0}, pour n ≥ 2, les revête-
ments connexes de l’espace projectif réel Pn (R) sont, à isomorphisme près, son revêtement
universel Sn → Pn (R) et l’identité Pn (R) → Pn (R).
Exercice E.20. Montrer que les revêtements connexes du cercle S1 sont, à isomorphisme
près, son revêtement universel R → S1 avec t ↦ e2iπt , et ses revêtements à n feuillets
S1 → S1 avec z ↦ z n pour n ∈ N − {0}.
Proposition 2.45. Pour tout ensemble non vide E muni d’une action à droite du groupe
fondamental π1 (B, b), il existe un revêtement pE ∶ XE → B et une bijection π1 (B, b)-
équivariante uE ∶ p−1 ′
E (b) → E. Si E est un autre ensemble muni d’une action à droite de
′
π1 (B, b), et si f ∶ E → E est une application (resp. bijection) π1 (B, b)-équivariante, alors
il existe un unique morphisme (resp. isomorphisme) de revêtements φ ∶ XE → XE ′ tel que
le diagramme suivant commute :
uE
pE −1 (b) Ð→ E
φ∣p−1 (b) ↓ ↓f
E
uE ′
pE ′ −1 (b) Ð→ E′ .
49
(3) Soient p ∶ X → B et p′ ∶ X ′ → B deux revêtements, X ×B X ′ le sous-espace
topologique de X × X défini par
Exercice E.22. Soit p ∶ X → B un revêtement. Montrer que si B est séparé, alors X est
séparé. Montrer que si B est compact et si p est un revêtement fini, alors X est compact.
Exercice E.25. (1) Montrer que le groupe topologique SU(2) = {x ∈ SL2 (C) ∶ t x x = id}
est homéomorphe à la sphère S3 = {(z, w) ∈ C2 ∶ ∣z∣2 + ∣w∣2 = 1}.
(2) Considérons l’espace vectoriel réel V = {X ∈ M2 (C) ∶ t X = −X, tr(X) = 0}
des matrices anti-hermitiennes de trace nulle. Montrer que ⟨X, Y ⟩ = 12 tr(t X Y ) est un
produit scalaire euclidien sur V , invariant par l’action par conjugaison de SU(2). En déduire
l’existence d’un revêtement à deux feuillets SU(2) → SO(3).
(3) Quel est le groupe fondamental de SO(3) ?
(2) Notons M1 et M2 deux copies du ruban de Möbius ([0, 1] × [0, 1])/R, où R est
la relation d’équivalence engendrée par (1, t) ∼ (0, 1 − t), et f ∶ ∂M1 → ∂M2 l’application
50
identité. Montrer que la bouteille de Klein K est homéomorphe à l’espace M1 ∪f M2 re-
collement (voir l’appendice A.2, exemple (5) après l’exercice E.A.83) de deux rubans de
Möbius le long de leur bord.
(3) Montrer qu’il existe un revêtement à deux feuillets p du tore T2 sur K. Pour tout
x ∈ T2 , quelle est l’application p∗ ∶ π1 (T2 , x) → π1 (K, p(x)) ?
(4) (Utilise les définitions et résultats de la partie 3.1) Montrer que G admet comme
−1
présentation de groupes ⟨a, b ∣ a b a −1 = b ⟩ et ⟨α, β ∣ α2 = β 2 ⟩. Montrer que G est
isomorphe au produit amalgamé Z∗Z Z où les deux morphismes de Z dans Z sont tous deux
le morphisme de multiplication par 2. Quel est l’abélianisé de G, c’est-à-dire le quotient
de G par son sous-groupe dérivé [G, G] (engendré par les commutateurs [x, y] = xyx−1 y −1
pour x, y ∈ G) ? Montrez que la bouteille de Klein n’a pas le même type d’homotopie que
le tore.
Exercice E.27. Soit B l’anneau hawaïen (voir l’exercice E.19), muni du point base x
commun à tous les cercles Sn pour n ∈ N. Pour tout cercle Sn de B, notons Xn l’espace
topologique obtenu par recollement en son point base d’une copie de B − Sn sur chaque
point entier de R.
Xn
Exercice E.28. (1) Soient p ∶ X → Y et q ∶ Y → B des revêtements, tels que q soit fini.
Montrer que q ○ p ∶ X → B est un revêtement. (En particulier, la composition de deux
revêtements finis est un revêtement fini.)
(2) Donner un exemple de deux revêtements p ∶ X → Y et q ∶ Y → B connexes par
arcs tels que p soit un revêtement fini et que q ○ p ne soit pas un revêtement (on pourra
prendre B égal à l’anneau hawaïen (voir l’exercice E.19 ci-dessus) et q un revêtement pn
comme dans l’exercice E.27 ci-dessus, pour n = 0 par exemple), et chercher p qui soit un
revêtement à deux feuillets.
Exercice E.30. Construire un revêtement universel des bouquets de deux et trois cercles
S1 ∨ S2 et de S1 ∨ S1 ∨ S2 .
Exercice E.31. Quels sont (à isomorphisme près) les revêtements connexes du tore S1 ×S1 ,
du plan projectif P2 (R), de l’espace lenticulaire Ln,p , de S1 ∨ S2 , de la bouteille de Klein ?
Exercice E.32. Soit S2 la sphère unité de R3 , soit S3 la sphère des (z1 , z2 ) ∈ C2 tels que
π
∣z1 ∣2 +∣z2 ∣2 = 1, et soit G le sous-groupe des isométries de C engendré par z ↦ ei 5 z et z ↦ z.
Pour g ∈ G, on note (g) = 1 si g est une rotation, et (g) = −1 sinon. Le groupe G agit à
gauche sur l’espace topologique produit X = S3 × S2 par
Exercice E.34. Soit C l’ensemble des couples (p, q) ∈ C2 tels que 4p3 +27q 2 ≠ 0. Rappelons
que, pour (p, q) ∈ C, l’équation X 3 + pX + q = 0 admet trois racines complexes distinctes.
Notons
B = {(p, q, x) ∈ C × C ∶ x3 + px + q = 0} et
A = {(x, y, z) ∈ C3 ∶ x + y + z = 0, x ≠ y ≠ z ≠ x} .
Notons π ∶ A → B l’application (x, y, z) ↦ (p, q, x) où p et q sont définis par
X 3 + pX + q = (X − x)(X − y)(X − z) .
Montrer que C et S3 − K ont le même type d’homotopie. Montrer que K est homéomorphe
au cercle S1 = {(z, w) ∈ S3 ∶ w = 0}, mais que S3 − K et S3 − S1 ne sont pas homéomorphes.
Exercice E.24 (1) Le sous-groupe SL2 (R) est fermé donc localement compact, et son
groupe fini {±Id} (égal à son centre et distingué, par ailleurs) agit librement par translations
à droite sur SL2 (R). Donc la projection canonique SL2 (R) → PSL2 (R) est un revêtement
à deux feuillets (voir le corollaire 2.7).
(2) De même, le sous-groupe SLn (C) est fermé donc localement compact, et son groupe
fini Un Id d’ordre n (égal à son centre et distingué, par ailleurs) agit librement par trans-
lations à droite sur SLn (C). Donc la projection canonique SLn (C) → PSLn (C) est un
revêtement à n feuillets (voir le corollaire 2.7).
Exercice E.26 (1) Notons que le groupe G est engendré par les deux éléments b et
b−1 a ∶ (x, y) ↦ (x + 1, −y), et que (b−1 a)b = b−1 (b−1 a) ∶ (x, y) ↦ (x + 1, −y − 1). Pour tous
53
les = ±1 et m, n ∈ Z, nous avons donc bn (b−1 a)m b = bn+(−1) (b−1 a)m ,
m
et
bn (b−1 a)m a−1 = bn (b−1 a)m (b−1 a)−1 b−1 = bn−(−1) (b−1 a)m−1 .
m
Donc par récurrence sur la longueur d’un mot en b−1 a et b représentant un élément de G,
tout élément de G s’écrit bn (b−1 a)m ∶ (x, y) ↦ (x + m, (−1)m y + n) pour m, n ∈ Z. Une telle
écriture est clairement unique.
Le groupe G muni de la topologie discrète, étant un sous-groupe du groupe des isomé-
tries affines du plan affine réel R2 , agit continuement sur R2 . Pour tous les x, y ∈ R, puisque
(x + m, (−1)m y + n) = (x, y) si et seulement si m = n = 0, l’action est libre.
Notons pri ∶ R × R → R la projection canonique sur le i-ème facteur, pour i = 1, 2. Si C
est un compact de R2 , l’application de l’espace topologique compact C × C dans R définie
par (z, z ′ ) ↦ pr1 (z) − pr1 (z ′ ) est continue à valeur dans un espace séparé, donc d’image
C1 compacte. De même, l’image C2± par (z, z ′ ) ↦ pr2 (z) ± pr2 (z ′ ) est un compact de R.
S’il existe (x, y), (x′ , y ′ ) ∈ C tels que (x + m, (−1)m y + n) = (x′ , y ′ ), alors m = x′ − x ∈
C1 et n ∈ C2− ∪ C2+ . Puisque Z est discret et puisque les parties compactes d’un espace
discret sont ses parties finies, il n’existe qu’un nombre fini d’éléments (m, n) ∈ Z2 tels que
bn (b−1 a)m C ∩ C ≠ 0. Donc l’action est propre.
Par le théorème 2.6 (3), la projection canonique R2 → K est un revêtement. Par la
proposition 2.39, puisque R2 est contractile, donc simplement connexe, la projection cano-
nique R2 → K est un revêtement universel. Par le corollaire 2.22, le groupe fondamental
de la bouteille de Klein (pour un choix indifférent de point base x ∈ K) est isomorphe au
groupe G :
π1 (K, x) ≃ G .
K T2
qui est abélien libre de rang 2 et d’indice 2 dans G. L’application canonique πH de H/R2
dans K = G/R2 est donc un revêtement à deux feuillets par le théorème 2.44. L’application
(x, y) ↦ (2x, y) de R2 dans R2 induit un homéomorphisme f du tore T2 = R2 /Z2 sur
l’espace topologique quotient H/R2 . La composition p = πH ○ f est donc un revêtement à
deux feuillets. L’application p∗ est par conséquent, à isomorphisme de groupes près à la
source et au but, de la forme (m, n) ↦ bn (b−1 a)2m .
(4) Le morphisme de multiplication par 2 de Z dans Z est injectif, donc la somme
amalgamée Z ∗Z Z est un produit amalgamé. Par la construction d’une somme amalgamée,
comme A = Z a pour présentation (α, ∅) et B = Z a pour présentation (β, ∅) et C = Z
54
a pour présentation (c, ∅), et que les morphismes de C dans A et B sont respectivement
définis par c ↦ α2 et c ↦ β 2 , la somme amalgamée A ∗C B admet pour présentation
⟨α, β ∣ α2 = β 2 ⟩.
−1 −1
En posant α = a et β = b a, les groupes de présentation ⟨a, b ∣ a b a −1 = b ⟩ et
⟨α, β ∣ α2 = β 2 ⟩ sont clairement isomorphes. Enfin le morphisme canonique du groupe libre
L(a, b) dans G qui à a associe a et à b associe b, qui est surjectif, puisque la partie {a, b}
engendre G, induit par passage au quotient un morphisme de groupes surjectif du groupe
−1
de présentation ⟨a, b ∣ a b a −1 = b ⟩ dans G. La forme normale dans les produits amalgamés
dit que ce morphisme est injectif.
L’abélianisé de G a pour présentation ⟨α, β ∣ [α, β] = 1, α2 = β 2 ⟩, donc pour présentation
⟨α, β ∣ [α, β] = 1, (αβ −1 )2 = 1⟩, donc est isomorphe à (Z × Z)/({0} × 2Z) = Z × (Z/2Z).
Exercice E.28 (1) Pour tous les b ∈ B et x ∈ q −1 (b), soit Vx un voisinage ouvert distingué
de x pour le revêtement p. Quitte à restreindre Vx , puisque q est un revêtement, nous
pouvons supposer que les Vx lorsque x parcours q −1 (b) sont deux à deux disjoints, que
q(Vx ) est un ouvert de B et que q ∣Vx ∶ Vx → q(Vx ) soit un homéomorphisme. Alors il n’est
pas difficile de vérifier que l’intersection finie d’ouverts V = ⋂x∈q−1 (b) q(Vx ) est un voisinage
ouvert distingué de b pour l’application p ○ q, car (p ○ q)−1 (V ) = ⋃x∈q−1 (b) p−1 (Vx ∩ q −1 (V ))
(avec union disjointe).
revêtements
galoisiens
revêtements
non galoisiens
57
Si le revêtement est non galoisien, alors le relèvement d’un des deux cercles orientés de
B est du second type. Si le revêtement est connexe, le relèvement de l’autre cercle orienté
de B est alors du second ou troisième type. Il est alors facile de montrer qu’il y a trois
classes d’isomorphismes de revêtements non galoisiens connexes à trois feuillets du bouquet
de 2 cercles.
−2 −1 0 1 2
Puisque S2 est simplement connexe, les espaces topologiques X et Y (voir dessin ci-
dessous) égal au graphe de Cayley T = Cay(L(a, b), {a, b}) du groupe libre de partie géné-
ratrice standard {a, b} où une copie de la sphère S2 a été recollée en chaque sommet, sont
connexes par arcs, localement contractiles et simplement connexes. L’action par transla-
tions entières de Z sur R, et l’action du groupe libre L(a, b) sur T , étendues par l’identité
entre les copies des sphères, est une action propre et libre de ces groupes sur ces espaces
topologiques, dont les quotients s’identifient à S1 ∨ S2 et S1 ∨ S1 ∨ S2 . Donc X et Y sont les
espaces totaux de revêtements universels de S1 ∨ S2 et de S1 ∨ S1 ∨ S2 .
b2
ba−1 ba
b
a−1 b ab
a2 b
−2 −1 2
a a a
e a a3
a2 b−1
−1 −1
a b
b−1
π
Exercice E.32 Nous notons r ∶ z ↦ ei 5 z, qui est une rotation d’angle π
5 (donc d’ordre
10) et s ∶ z ↦ z qui est la symétrie par rapport à l’axe réel.
(1) Le groupe G est le groupe des isométries du décagone régulier de C, donc est fini.
C’est le groupe diédral D10 d’ordre 20.
58
r∶z↦e5z
iπ
π
5
s∶z↦z
L’action de G sur X est libre, car si g ∈ G et g(z1 , z2 , t) = (z1 , z2 , t), alors (g)t = t et
le fait que t ∈ S2 soit non nul implique que g est une rotation, et comme z1 ou z2 est non
nul, g vaut l’identité. L’espace X est séparé (et même compact), et le groupe fini G agit
librement sur X, donc p est un revêtement par le corollaire 2.7.
Une sphère de dimension au moins 2 est simplement connexe. L’espace X est donc
simplement connexe, car produit d’espaces simplement connexes. Le groupe fondamental
de B est donc isomorphe au groupe d’automorphismes G du revêtement universel p :
π1 (B) ≃ G .
(2) Donnons la liste des sous-groupes de G, à conjugaison près. Comme G est d’ordre
20, ses sous-groupes sont d’ordre 1, 2, 4, 5, 10 ou 20. Soit H0 = G et H1 = {1} le sous-groupe
trivial. Les seuls éléments d’ordre 2 sont la symétrie centrale r5 et les symétries rsk pour
k = 0, ... , 9. Les éléments rsk et rsk sont conjugués si et seulement si k et k ′ ont la même
′
parité. À conjugaison près, il y a donc exactement trois sous-groupes d’ordre 2, qui sont
x1
x2
γ2
γ1 x3
xk
γk
γ0
Considérons le tore comme le quotient du carré par le recollement des côtés opposés.
Fixons un sommet s du carré. Pour i = 2, ... , k, nous notons γi un lacet issu de s, et dont
la composante connexe du complémentaire dans le carré ne contenant pas le bord (privé
de x), contient le point xi et seulement lui. Alors l’espace topologique T − {x1 , ... , xk }
se rétracte par déformation forte sur le bouquet de k + 1 cercles, qui est la réunion des
images des deux lacets γ0 et γ1 correspondant au bord du carré et des k − 1 lacets γi pour
i = 2, ... , k. Donc
60
Clop ! Clop !
Le quotient G/T est donc le quotient d’un cyclindre par la relation d’équivalence en-
gendrée par l’identification d’un point et de son conjugué sur chaque cercle du bord. Il
s’agit topologiquement de la sphère S2 .
un polynôme non constant de degré n à coefficient complexes, n’ayant que des racines
simples. Pour tout > 0, il existe δ > 0 tel que si supi ∣bi − ai ∣ < δ, alors le polynôme
Q = ∑ni=0 bi X i admet n racines distinctes y1 , ... , yn telels que supi ∣yi − xi ∣ < . (En effet, si γ
′
est le bord d’un petit disque centré en xi , alors l’indice ∫γ PP variant continuement en les
coefficients de P , et étant à valeurs entières, est localement constant en les coefficients de
P . De plus, cet indice est le nombre de racines simples contenues dans l’intérieur du petit
disque.)
Pour montrer que π, ρ et ρ○π sont des revêtements finis, il suffit de montrer que ce sont
des homéomorphismes locaux dont le cardinal des fibres est fini (non nul), et constant.
Les applications π, ρ sont continues, car polynomiales, et sont des homéomorphismes
locaux par la remarque préliminaire. Donc ρ ○ π est aussi un homéomorphisme local.
Par le rappel sur la condition pour que les racines d’un polynôme complexe de degré 3
ait trois racines distinctes, si (p, q, x) ∈ B, alors π −1 (p, q, x) contient deux points distincts
(x, y, z) et (x, z, y) où x, y, z sontles trois racines distinctes de X 3 + pX + q = 0 ; de même,
ρ−1 (p, q) contient exactement les trois points (p, q, x), (p, q, y) et (p, q, z). Donc π, ρ et ρ ○ π
sont des revêtements à respectivement 2, 3, 6 feuillets.
respectivement. Le chemin α1 est un lacet en (p, q, x), le chemin α2 a pour origine (p, q, y)
et extrémité (p, q, z), et le chemin α3 a pour origine (p, q, z) et extrémité (p, q, y). Donc
l’action de [α] ∈ π1 (C, a) sur la fibre ρ−1 (a) est la transposition voulue.
Comme l’image d’un groupe abélien par un morphisme de groupes est un groupe abé-
lien, et que S3 n’est pas abélien, on en déduit que π1 (C, a) n’est pas abélien.
(4) Tout revêtement à deux feuillets f ∶ Y → Z d’espace total Y connexe par arcs est
galoisien : si b ∈ Z et f −1 ({b}) = {u, v}, si β est un lacet en b, alors par unicité, le relèvement
de β d’origine u est un lacet si et seulement si celui d’origine v est un lacet. (Dans le cas
où B est localement connexe par arcs et semi-localemnt connexe par arcs, on peut aussi
utiliser la classification des revêtements connexes, en disant que tout sous-groupe d’indice
2 est distingué.) Donc π est galoisien, de groupe d’automorphismes Z/2Z.
Reprenons les notations de la question précédente. Puisque α admet un relèvement qui
est un lacet et un relèvement qui ne l’est pas, le revêtement ρ n’est pas galoisien. Comme
tout automorphisme de revêtements permute les relevés d’un lacet, et puisque α admet un
unique relèvement qui est un lacet, tout automorphisme de revêtements de ρ fixe le point
(p, q, x), donc est trivial car B est connexe par arcs. Donc le groupe des automorphismes
de revêtements de ρ est trivial.
Le groupe fini S3 agit continuement et librement par permutation des coordonnées
sur A. De plus, cette action est par automorphismes de revêtements pour ρ ○ π (permuter
les racines d’un polynôme ne change pas ses coefficients). Par un résultat du cours, si
f ∶ A → S3 /A est la projection canonique, alors l’application ρ ○ π induit une application
continue g ∶ S3 /A → C qui est un revêtement. De plus, g est un revêtement à un feuillet,
car S3 agit transitivement sur toute fibre de ρ ○ π, donc g est un homéomorphisme. Nous
en déduisons que ρ ○ π est un revêtement galoisien, de groupe d’automorphismes de revê-
tements le groupe (isomorphe à S3 ) des permutations des coordonnées.
(5) Si a, b > 0, alors l’équation at6 + bt4 − 2 = 0 admet une et une seule solution t = t(a, b)
strictement positive. En effet, en posant u = t2 et f (u) = au3 +bu2 −2, alors les racines de f ′
sont u = 0 et u = − 3a2b
< 0, donc f est strictement croissante entre 0 et +∞, et f (0) = −1 < 0.
De plus, par un argument déjà vu, t(a, b) dépend continuement de a, b.
L’application (p, q) ↦ (z, w) = ( p3 , i 2q ) est un homéomorphisme de C2 dans lui-même,
envoyant C sur le complémentaire de la courbe complexe d’équation z 3 = w2 . L’application
62
(z, w) ↦ (t2 z, t3 w) où t = t(∣w∣2 , ∣z∣2 ) induit une rétraction par déformation forte de C sur
S3 − K (noter que ∣w∣2 > 0 et ∣z∣2 > 0 si (p, q) ∈ C). Donc C et S3 − K ont le même type
d’homotopie.
L’application de S1 dans K qui à eiθ associe (e2iθ , e3iθ ) est un homéomorphisme, d’in-
verse (z, w) ↦ wz .
Par la projection stéréographique par rapport à un point de S1 , l’espace S3 − S1 est
homéomorphe au complémentaire d’une droite dans R3 , qui se rétracte par déformation
forte sur un plan privé d’un point. Donc le groupe fondamental de S3 −S1 est isomorphe à Z,
qui est abélien. Or le groupe fondamental de S3 − K est isomorphe au groupe fondamental
de C, qui est non abélien par la question (3). Donc π1 (S3 − K) et π1 (S3 − S1 ) ne sont pas
isomorphes, ce qui implique que S3 − K et S3 − S1 ne sont pas homéomorphes.
63
3 Présentation de groupes fondamentaux
3.1 Propriétés universelles sur les groupes
Nous renvoyons à la partie B pour des rappels de théorie des groupes, dont les définitions
de groupes libres (dont leur propriété universelle) et de présentations de groupe.
Proposition 3.1. Une limite inductive (G, (fi )i∈I ) existe et est unique à unique isomor-
phisme près.
64
Nous noterons (G, (fi )i∈I ) par abus
G = lim Gi .
→
(SA ∐ SB , RA ∪ RB ∪ { ĩ ̃ −1 ∶ c ∈ SC })
A (c) (iB (c))
65
(3) Si les morphismes de groupes iA et iB sont injectifs, nous appellerons la somme
amalgamée A ∗C B le produit amalgamé de A et B au-dessus de C (par iA et iB , lorsque
préciser est utile). Nous montrerons ci-dessous que les morphismes de groupes jA et jB
sont alors aussi injectifs, et nous identifierons A et B avec leurs images par jA et jB dans
A ∗C B.
Exemple. Dans l’exemple précédent, si C est le groupe trivial, le produit amalgamé A∗C B
est noté A ∗ B, et appelé le produit libre de A et B. Nous identifierons A et B avec leurs
images dans A ∗ B. Il convient de prendre garde à ne pas confondre produit libre A ∗ B et
produit direct A × B, qui, lorsque A et B sont non triviaux, ne sont pas isomorphes. 22
(A ∗ B)/N ≃ A ∗C B .
(3) Montrer que le produit libre Z/2Z ∗ Z/2Z est isomorphe au groupe diédral infini
D∞ (engendré par les transformations t ↦ t + 1 et t ↦ −t de R).
(4) Montrer que Z/2Z ∗ Z/3Z est isomorphe à PSL2 (Z) = SL2 (Z)/{± id} ; on pourra
0 −1
envoyer le générateur de Z/2Z sur l’image de la matrice ( ) et le générateur de
1 0
0 −1
Z/3Z sur l’image de la matrice ( ). Montrer que Z/4Z∗Z/2Z Z/6Z (pour les inclusions
1 1
évidentes (les seuls morphismes non triviaux) Z/2Z → Z/4Z et Z/2Z → Z/6Z) est isomorphe
à SL2 (Z).
22. Par exemple, le morphisme canonique de A ∗ B dans A × B n’est pas un isomorphisme, parce que si
a ∈ A − {1} et b ∈ B − {1}, alors ab ≠ ba dans A ∗ B, mais ab = ba dans A × B.
66
Exemple. Plus généralement, si A est un groupe, si (Gi )i∈I une famille de groupes et si
ιi ∶ A → Gi est un morphisme de groupes pour tout i ∈ I, la limite inductive de cette famille
inductive de groupes est appelée la somme amalgamée des Gi au-dessus de A par les ιi , et
notée ∗A (Gi , (ιi )i∈I ) (et par abus, ∗A Gi quand les morphismes ιi sont sous-entendus).
Si A est le groupe trivial, cette somme amalgamée est appelée le produit libre de (Gi )i∈I .
Nous le notons ∗i∈I Gi (et G1 ∗ G2 ∗ ⋅ ⋅ ⋅ ∗ Gn si I = {1, 2, ... n})). Nous identifierons Gi à son
image dans ∗i∈I Gi par l’injection canonique fi ∶ Gi → ∗i∈I Gi .
Exercice E.37. (1) Soit (Si )i∈I une famille d’ensembles. Montrer que le produit libre
∗i∈I L(Si ) est isomorphe au groupe libre L(∐i∈I Si ).
(2) Soit (Gi )i∈I une famille de groupes. Montrer que
● le groupe ∗i∈I Gσ(i) est isomorphe à ∗i∈I Gi pour toute permutation σ de I ;
● le groupe ∗α∈A (∗i∈Iα Gi ) est isomorphe à ∗i∈I Gi pour toute partition I = ∐α∈A Iα .
(3) Soient S un ensemble, et (Si )i∈I une famille de parties finies de S, recouvrant S, et
stable par union finie (par exemple, mais ce n’est pas toujours la seule, la famille de toutes
les parties finies de S). Soient i, j ∈ I ; si Si ⊂ Sj , posons Fij = {fij } où fij ∶ L(Si ) → L(Sj )
est le morphisme canonique induit par l’inclusion de Si dans Sj ; sinon, posons Fij = ∅.
Montrer que le morphisme canonique lim L(Si ) → L(S) est un isomorphisme.
→
(4) Soient (S, R) une présentation de groupes, et G = L(S)/⟨⟨R⟩⟩. Soit (Ri )i∈I une
famille de parties finies de R, recouvrant R, et stable par union finie (par exemple, mais
ce n’est pas toujours la seule, la famille de toutes les parties finies de R). Notons Gi =
L(S)/⟨⟨Ri ⟩⟩ et hi ∶ Gi → G le morphisme défini par passage au quotient de l’identité de
L(S). Soient i, j ∈ I ; si Ri ⊂ Rj , posons Fij = {fij } où fij ∶ Gi → Gj est le morphisme
défini par passage au quotient de l’identité de L(S) ; sinon, posons Fij = ∅. Montrer que le
morphisme canonique θ ∶ lim Gi → G associé à la famille (G, (hi )i∈I ) est un isomorphisme.
→
∗1≤i≤n Z ≃ L(x1 , . . . , xn ) .
Les deux dernières propriétés de la question (2) de l’exercice E.37 sont connues sous le nom
de la commutativité et de l’associativité du produit libre. En particulier, G1 ∗ (G2 ∗ G3 ) et
(G1 ∗ G2 ) ∗ G3 sont canoniquement isomorphes, ainsi que G1 ∗ G2 et G2 ∗ G1 .
(a, s1 , ... , sn )
67
Théorème 3.2. Pour tout g dans G, il existe un unique mot réduit (a, s1 , ... , sn ) tel que
g = f (a)fis1 (s1 )... fisn (sn ).
Ce résultat implique le fait remarquable que les morphismes fi sont aussi injectifs. Nous
identifierons Gi avec son image dans G par fi . Tout élément g de G s’écrit donc de manière
unique
g = as1 ... sn
où a ∈ A, n ∈ N, sk ∈ ∐i∈I (Ri − {e}) pour k = 1, ... , n et isk ≠ isk+1 pour k = 1, ... , n − 1. Cette
écriture s’appelle la forme normale de g. En particulier, dans G, nous avons Gi ∩ Gj = A
si i ≠ j et les Ri − {e} sont deux à deux disjoints.
Le cas des produits libres s’obtient en prenant A = {e} et Ri = Gi − {e} : un élément
g de ∗i∈I Gi s’écrit de manière unique (après identification de Gi avec son image dans
∗i∈I Gi par le morphisme canonique) g = g1 ... gn où n ∈ N (par convention g = e si n = 0),
gk ∈ ∐i∈I (Gi − {e}) pour k = 1, ... , n et igk ≠ igk+1 pour k = 1, ... , n − 1.
En prenant A = {e} et Gi = Z pour tout i, ce théorème permet facilement de redémontrer
que G = ∗i∈I Z, muni de l’application j ∶ I → G définie par j(i) = fi (1), vérifie la propriété
universelle des groupes libres, donc que
∗i∈I Z = L(I) .
Démonstration. (D’après [Ser, page 9].) Soit X l’ensemble des mots réduits. Nous allons
définir une action de G sur X, c’est-à-dire un morphisme de groupes de G dans le groupe
des bijections de X. Par la propriété universelle, il suffit de définir pour tout i ∈ I une
action de Gi sur X, de sorte que l’action induite de A ne dépende pas de i.
Soient i ∈ I et Yi l’ensemble des mots réduits de la forme (1, s1 , ... , sn ) tels que is1 ≠ i.
Les ensembles A × Yi et A × (Ri − {e}) × Yi s’envoient dans X par les applications
(a, (1, s1 , ... , sn )) ↦ (a, s1 , ... , sn ) et (a, s, (1, s1 , ... , sn )) ↦ (a, s, s1 , ... , sn ) .
θi ∶ Gi × Yi → X .
Le groupe Gi agit sur le produit Gi × Yi par translations à gauche sur le premier facteur
g ′ (g, y) = (g ′ g, y). En transportant par la bijection θi , nous obtenons donc une action de
Gi sur X. Sa restriction à A est définie par a′ (a, s1 , ... , sn ) = (a′ a, s1 , ... , sn ), qui ne dépend
pas de i. Nous avons donc construit une action de G sur X, que nous noterons ⋅ .
De plus, si m = (a, s1 , ... , sn ) est un mot réduit, et si g = f (a)fis1 (s1 )... fisn (sn ), alors,
par récurrence sur n, l’image g ⋅ (e) par g ∈ G du mot réduit trivial (e) ∈ X est le mot m
lui-même. L’application β ∶ X → G définie par
composée avec l’application G → X définie par g ↦ g ⋅ (e), est donc l’identité. Donc β est
injective. Ceci montre l’unicité de l’écriture réduite d’un élément de G.
Comme G est engendré par ⋃i∈I fi (Gi ), si g ∈ G, alors il existe n ∈ N et gk ∈ Gik
pour k = 1, ... , n tels que g = fi1 (g1 )... fin (gn ). Comme gn = an sn où an ∈ A et sn ∈ Rin ,
nous avons g = fi1 (g1 )... fin−1 (gn−1 an )fin (sn ) si n ≥ 2, et g = f (an )fin (sn ) si n = 1. Par
récurrence sur n, tout élément g admet donc au moins une écriture réduite. ◻
68
3.2 Le théorème de van Kampen
Le théorème suivant est l’un des moyens les plus utilisés pour calculer des groupes
fondamentaux d’espaces topologiques.
L’hypothèse que U0 est connexe par arcs est absolument cruciale, et doit être soigneu-
sement vérifiée.
Démonstration. Première démonstration via les revêtements. Nous donnons une
première démonstration, utilisant la théorie des revêtements, sous les hypothèses supplé-
mentaires que B est séparé et que U0 , U1 , U2 sont localement connexes par arcs et semi-
localement simplement connexes. Comme la plupart des espaces topologiques rencontrés
(CW-complexes (voir la partie 6.5 et [Pau3]), variétés topologiques, ...) seront séparés et
localement contractiles, cette restriction n’est pas gênante.
Soient i1 ∶ U0 → U1 , i2 ∶ U0 → U2 , j1 ∶ U1 → B et j2 ∶ U2 → B les inclusions, qui sont des
applications continues fixant b et rendant le diagramme suivant commutatif
i1
U0 Ð→ U1
i2 ↓ ↓j1
j2
U2 Ð→ B .
Par unicité de la somme amalgamée, pour montrer le théorème, il suffit donc de montrer
que π1 (B, b) vérifie la propriété universelle. Soient H un groupe, h1 ∶ π1 (U1 , b) → H et
h2 ∶ π1 (U2 , b) → H des morphismes de groupes tels que le diagramme suivant commute :
i1∗
π1 (U0 , b) Ð→ π1 (U1 , b)
i2∗ ↓ ↓h1
h2
π1 (U2 , b) Ð→ H.
φ(jk1 ∗ (g1 ) . . . jkn ∗ (gn )) = e hk1 (g1 ) . . . hkn (gn ) = (e hk1 (g1 ))(e hk2 (g2 )) . . . (e hkn (gn ))
= φ(jk1 ∗ (g1 )) . . . φ(jkn ∗ (gn )) .
Le morphisme θ est surjectif car j1 ∗ G1 ∪j2 ∗ G2 engendre π1 (B, b) (voir la proposition 1.11).
Donc θ est surjectif. Notons N le noyau du morphisme canonique G1 ∗G2 → G1 ∗G0 G2 , qui
−1
est le sous-groupe distingué engendré par les éléments ((i1 )∗ (c))((i2 )∗ (c)) de G1 ∗ G2
lorsque c parcourt G0 (voir la partie 3.1).
Montrons que N = ker θ, ce qui implique que θ est injectif, donc conclut la démonstra-
tion du théorème de van Kampen. Puisque (j1 )∗ ○ (i1 )∗ = (j2 )∗ ○ (i2 )∗ , il est immédiat que
70
la partie génératrie du sous-groupe distingué N est contenue dans ker θ, donc N ⊂ ker θ.
Montrons l’inclusion réciproque.
Tout élément du produit libre G1 ∗G2 appartenant au noyau de θ s’écrit [γ1 ][γ2 ] . . . [γn ]
où γ1 , γ2 , . . . , γn sont des lacets en b, chacun d’eux étant contenu dans U1 ou dans U2 , tel
que le lacet concaténé γ1 ⋅ γ2 ⋅ . . . ⋅ γn (valant γi (nt − i + 1) sur t ∈ [ i−1
n , n ]) soit homotope
i
au lacet constant cb en b. Montrons que [γ1 ][γ2 ] . . . [γn ] appartient à N , ce qui conclut.
t
Soit h ∶ [0, 1]2 → B une homotopie de (N − 1)/N
lacets entre γ1 ⋅ γ2 ⋅ . . . ⋅ γn et cb . Puisque
[0, 1]2 est compact et h continue, il existe (n − 1)/n
N ∈ N−{0, 1} multiple de n tel que chaque
carré de la subdivision de [0, 1]2 en N 2
carrés de même taille (voir le dessin ci-
1/n
contre) soit contenu dans h−1 (U1 ) ou dans
h−1 (U2 ). 1/N s
s=0 s=1
Pour tout (p, q) ∈ {0, . . . , N }2 , fixons un chemin αp,q de x0 à h( Np , Nq ), qui est contenu
dans U0 , U1 , U2 si h( Np , Nq ) appartient à U0 , U1 , U2 respectivement, ce qui est possible par
connexité par arcs de ces ouverts. Si q = 0 ou q = N ou p = N , nous supposons que αp,q est
le chemin constant en h( Np , Nq ) = b.
Quitte à remplacer les lacets γi par des concaténations de lacets obtenus en suivant γi
sur des intervalles [ Nq , q+1
N ] et en faisant des aller-retour le long des α0,q pour q parcourant
(i+1)N
{ iN
n , n − 1}, et à faire une homotopie à la source, nous pouvons supposer que n = N ,
que le lacet concaténé Γ0 = γ1 ⋅ γ2 ⋅ . . . ⋅ γN est paramétré par [0, 1] de sorte que pour tout
q = 1, . . . , N , pendant l’intervalle de temps [ q−1
N , N ], ce lacet Γ0 suit le lacet γq , et que α0,q
q
δi
t
b h
1
γN ′
γN γi γi′
γi γi′
cb δ i− 1
γ2 γ2′
γ1 γ1′ b
s B
0 b 1
Pour tout q ∈ {1, . . . , N }, posons γq0 = γq et γqN = cb , et pour tous les p ∈ {1, . . . , N − 1},
notons γqp = αp,q−1 ⋅ (t ↦ h( Np , q−1+t
N )) ⋅ αp,q , qui est un lacet en b. De même, pour tout
p ∈ {1, . . . , N }, posons δ0p = δNp
= cb et pour tous les q ∈ {1, . . . , N − 1}, notons δqp =
αp−1,q ⋅ (t ↦ h( N , N )) ⋅ αp,q , qui est aussi un lacet en b. Voir le dessin de droite ci-
p−1+t q
dessus, où nous avons posé γi′ = γi1 pour i = 1, . . . , N et δi = δi1 pour i = 0, . . . , N + 1. Nous
supposons pour réaliser un dessin simple que h en restriction au carré bleu du dessin de
71
gauche est un homéomorphisme sur son image, le carré bleu de droite, et nous avons dessiné
comme si les chemins α0,q n’étaient pas constants en b pour anticiper sur la récurrence qui
suit.
Notons que pour tous les p, q ∈ {0, . . . , N }, le lacet αp,q ⋅ αp,q (qui est un aller-retour)
d’origine h(p, q) est homotope au lacet constant en h(p, q) dans l’ouvert U0 , U1 , U2 qui
contient h(p, q). De plus, le chemin suivant un côté du carré entre deux sommets consécutifs
est homotope (relativement extrémités) au chemin suivant les trois autres côtés entre ces
deux sommets.
Par conséquent, pour i = 1, . . . , N , si le carré Ci = [0, N1 ] × [ i−1
N , N ] est contenu dans
i
−1 ′
h (U1 ), alors les lacets γi , γi , δi−1 et δi sont des lacets dans U1 tel que le lacet γi =
α0,i−1 ⋅ (t ↦ h(0, i−1+t
N )) ⋅ α0,i soit homotope dans U1 à
i−1 s
δi−1 ⋅ γi′ ⋅ δi = (α0,i−1 ⋅ (s ↦ h( , )) ⋅ α1,i−1 )
N N
1 i−1+t
⋅ (α1,i−1 ⋅ (t ↦ h( , )) ⋅ α1,i )
N N
1 i−1+t
⋅ (α1,i ⋅ (t ↦ h( , )) ⋅ α0,i ) .
N N
Nous avons donc
[γi ] = [i1 ○ δi−1 ] [γi′ ] [i1 ○ δi ]−1 dans G1 .
Si le carré Ci+1 au dessus du carré Ci est aussi contenu dans h−1 (U1 ), alors le lacet
γi ⋅ γi+1 vérifie, par simplification à homotopie près, que
′
[γi ] [γi+1 ] = [i1 ○ δi−1 ][γi′ ] [γi+1 ] [i1 ○ δi+1 ]−1
dans G1 .
Mais si le carré Ci+1 est contenu dans h−1 (U2 ), alors le lacet δi est contenu dans
U1 ∩ U2 = U0 et nous avons
[γi ] [γi+1 ] = [i1 ○ δi−1 ] [γi′ ] [i1 ○ δi ]−1 [i2 ○ δi ] [γi+1
′
] [i2 ○ δi+1 ]−1
−1
dans G1 ∗ G2 . Notons que [i1 ○ δi ]−1 [i2 ○ δi ] = ((i1 )∗ ([δi ])) ((i2 )∗ ([δi ])) est un élément
du sous-groupe N , qui est distingué. Puisque δ0 et δN sont les lacets constants en b, nous
avons donc en travaillant modulo le sous-groupe distingué N , l’égalité
[γ1 ] [γ2 ] . . . [γN ] = [γ1′ ] [γ2′ ] . . . [γN
′
]
dans (G1 ∗ G2 )/N . En procédant de proche en proche vers la droite dans le carré [0, 1]2 ,
nous obtenons donc que l’élément [γ1 ][γ2 ] . . . [γN ] est trivial dans (G1 ∗ G2 )/N , ce qu’il
fallait démontrer. ◻
Exemples. (1) Soit B le bouquet de deux cercles S1 ∨ S1 , recollés au point b. Soit y un
point du cercle différent de b, U1 l’ouvert de B obtenu en enlevant le point y sur un des deux
cercles, U2 l’ouvert de B obtenu en enlevant le point y sur l’autre cercle, et U0 = U1 ∩ U2 .
U1 U2
72
Alors U0 est contractile (il se rétracte par déformation forte sur le point commun b),
U1 et U2 ont le type d’homotopie du cercle (ils se rétractent par déformation forte sur l’un
des deux cercles de B). Donc π1 (U0 , b) = 0, π1 (U1 , b) ≃ Z, π1 (U1 , b) ≃ Z, et le théorème de
van Kampen donne
π1 (B, b) ≃ Z ∗ Z .
Ceci démontre de nouveau (voir la proposition 2.23) que le groupe fondamental du bouquet
de deux cercles est un groupe libre de rang 2. Par récurrence, le groupe fondamental du
bouquet de k cercles est un groupe libre de rang k : pour un choix indifférent de point
base, nous avons
k
π1 ( ⋁ S1 ) ≃ ∗ki=1 Z ≃ L(x1 , . . . , xk ) .
i=1
(2) Soit P un octogone régulier de bord orienté par l’ordre trigonométrique, de cô-
tés étiquetés par les lettres a, b, a−1 , b−1 , c, d, c−1 , d−1 dans cet ordre. Notons R la relation
d’équivalence sur P engendrée par la relation identifiant l’arête étiquetée a, b, c, d à l’arête
étiquettée a−1 , b−1 , c−1 , d−1 en renversant l’orientation induite par celle du bord de P . No-
tons X l’espace topologique quotient P /R, V l’image (ouverte) dans X du polygone ouvert
○
P , et U l’ouvert complémentaire de l’image dans X du centre 0 de P . Alors V est homéo-
morphe à un disque ouvert, donc contractile, et U est connexe par arcs et se rétracte par
déformation forte (radialement dans P , voir dessin de gauche ci-dessous) dans X sur un
bouquet B de quatres cercles étiquetés a, b, c, d. De plus, U ∩ V est homéomorphe à un
○
anneau ouvert P −{0}, donc est connexe par arcs et a le même type d’homotopie qu’un
cercle.
b−1
c a −1
γ b c
d 0 b a
x d
−1
c a
d−1
Nous renvoyons à la partie 7 pour une généralisation de ce calcul au calcul des groupes
fondamentaux de toutes les surfaces compactes connexes.
Les deux résultats suivants découlent immédiatement du théorème de van Kampen.
Le dernier résultat de cette partie dit que tout groupe est un groupe fondamental.
Proposition 3.6. Pour tout groupe G, il existe un espace topologique pointé (X, x) séparé,
connexe par arcs et localement contractile tel que
π1 (X, x) ≃ G .
U
U ∩V
z
V
Y′
Alors U , V , et U ∩ V sont connexes par arcs, U est contractile, donc π1 (U, z) = {e}, et
U ∩ V est un anneau, qui a le type d’homotopie du cercle. Soit α ∶ t ↦ 21 e2iπt , qui est un
lacet en z dans U ∩ V . Sa classe d’homotopie engendre π1 (U ∩ V, z) (qui est isomorphe à
Z).
Par le théorème de Van Kampen et la remarque (1) suivant l’exercice E.35, l’inclusion
V → X ′ induit un isomorphisme π1 (V, z)/⟨⟨[α]⟩⟩ ≃ π1 (X ′ , z).
75
Comme V se rétracte par déformation forte sur Y ′ , par une rétraction appropriée
envoyant le lacet α sur le lacet f , nous en déduisons que l’inclusion Y ′ → X ′ induit un
isomorphisme π1 (Y ′ , x′ )/N → π1 (X ′ , x′ ). ◻
Pour toute partie finie F de R, notons GF le groupe quotient L(S)/⟨⟨F ⟩⟩, et XF
le bouquet de cercles Y sur lequel ont été seulement recollés les polygones Pr par gr
pour r ∈ F . Par récurrence, le lemme 3.7 montre que le morphisme de groupes du groupe
libre π1 (Y, x) = L(S) dans π1 (XF , x) (induite en homotopie par l’inclusion Y ↪ XF )
induit par passage au quotient un isomorphisme de groupes GF ≃ π1 (XF , x). Soit F ′ une
partie finie de R contenant F . Alors le morphisme identité du groupe L(S) induit par
passage au quotient un morphisme de groupes surjectif ϕF,F ′ ∶ GF → GF ′ . L’inclusion de la
somme disjointe Y ∐ ( ∐r∈F Pr ) dans Y ∐ ( ∐r∈F ′ Pr ) induit par passage au quotient une
application continue fF, F ′ ∶ XF → XF′ , qui fixe point par point Y . Le diagramme suivant
est commutatif ∼
GF Ð→ π1 (XF , x)
ϕF,F ′ ↓ ↓(fF, F ′ )∗
∼
GF ′ Ð→ π1 (XF ′ , x) .
Nous avons donc un isomorphisme entre les limites inductives sur les parties finies F de R
L’image de tout compact par une application continue à valeurs dans X est compacte
car X est séparé, et donc contenue dans un XF pour F une partie finie assez grande de R.
Démonstration. Supposons par l’absurde qu’il existe une partie infinie I de R telle que
○
K rencontre les polygones ouverts (deux à deux distincts donc disjoints) Pi ⊂ X pour tout
○
i ∈ I. Identifions Pi avec le disque ouvert B2 − S1 muni de la distance euclidienne. Notons
ri = min ○ d(0, x). Soient
x∈K ∩ Pi
○ 1 + ri ○
Vi = {x ∈ Pi ∶ d(0, x) < }, Wi = {x ∈ Pi ∶ d(0, x) ≤ ri } et U = X − ⋃ Wi .
2 i∈N
Alors U est un ouvert de X par la définition de la topologie somme disjointe sur ∐r∈R Pr ,
et {U } ∪ {Vi ∶ i ∈ N} est un recouvrement ouvert de X, dont aucun sous-recouvrement fini
ne recouvre K, contradiction. ◻
Il découle de la proposition précédente que tout lacet de π1 (X, x) est contenu dans un
sous-espace XF pour F une partie finie assez grande de R. Donc le morphisme de groupes
θ est surjectif. Il découle de la proposition précédente que l’image de toute homotopie entre
76
deux lacets de X est contenue dans un sous-espace XF pour F une partie finie assez grande
de R. Donc le morphisme de groupes θ est injectif. ◻
Exemple.
a
b b−1 a −1
b a
II Pour tout n ∈ N−{0}, considérons dans le plan euclidien R2 le compact Rn qui est le
rectangle [−2, 4n − 2] × [−2, 2] privé des disques ouverts de rayon 1 et de centre (4k, 0) pour
k = 0, ... , n−1. Notons ∆n l’espace topologique quotient de Rn par la relation d’équivalence
engendrée par (x, −2) ∼ (x, 2) pour tout x dans [−2, 4n − 2] et (−2, y) ∼ (4n − 2, y) pour
tout y dans [−2, 2].
Calculer le groupe fondamental de ∆n .
III Soit E un ensemble fini, non vide, muni de la topologie discrète. Soit σ ∶ E → E
une bijection. (Pour n ∈ N et f une application d’un ensemble dans lui-même, on rappelle
que f ○n = f ○ f ○ ... ○ f désigne la composée n-ème de f , avec f ○0 = id.)
(1) Montrer que l’application
Z × (CE × R) Ð→ (CE × R)
(n, (x, t)) ↦ ((Cσ)○n (x), t + n)
est une action libre et propre du groupe discret Z sur l’espace localement compact CE × R,
préservant E × R.
(2) Si Ω est l’espace topologique quotient Z/(CE × R), calculer le groupe fondamental
de Ω.
(3) Montrer qu’il existe N ∈ N − {0} tel que ∂Ω = Z/(E × R) possède un nombre fini de
composantes connexes Σ1 , ... , ΣN , chacune d’entre elles étant homéomorphe à un cercle.
(4) Pour i = 1, ... , N , notons Di une copie du disque unité fermé de R2 , et choisissons un
homéomorphisme fi ∶ ∂Di = S1 → Σi , vu à valeurs dans Ω. Notons Ω ̂1 l’espace topologique
N
(∐ Di ) ∪(∐N Ω
i=1 fi )
i=1
recollement des disques Di sur Ω par les applications fi . Calculer le groupe fondamental
̂1 .
de Ω
Application numérique : que vaut π1 (Ω ̂1 ) si E = Z/nZ et σ ∶ x ↦ x + 1 mod n ?
(5) Considérons le rectangle RN privé de N disques, défini en II. Soit ∂+ RN ⊂ RN
la réunion des bords de ces N disques, et φ ∶ ∂+ RN → ∂Ω un homéomorphisme. Notons
̂2 = RN ∪φ Ω l’espace topologique obtenu par recollement de RN sur Ω par l’application
Ω
φ.
̂2 a le type d’homotopie d’un bouquet de N cercles.
Montrer que Ω
(6) Considérons l’espace topologique SN , qui est la sphère S2 privée de N disques
ouverts, d’adhérences deux à deux disjointes. Notons ∂SN ⊂ SN la réunion des bords de
78
ces N disques, et ϕ ∶ ∂SN → ∂Ω un homéomorphisme. Notons Ω ̂3 = SN ∪ϕ Ω l’espace
topologique obtenu par recollement de SN sur Ω par l’application ϕ.
̂3 .
Calculer le groupe fondamental de Ω
Application numérique : Pour p, q ∈ N − {0}, supposons que E = {1, ... , p + q}, et
̂3 )
que σ est le produit de deux cycles (1, ... , p)(p + 1, ... , p + q). Montrer que le groupe π1 (Ω
p −1 p −1 −q
admet pour présentation ⟨a, b ∣ ab a = b ⟩ ou ⟨a, b ∣ ab a = b ⟩. (Un tel groupe s’appelle
q
un groupe de Baumslag-Solitar.)
x1
a b
x6 a b x2
B b b a a
a b
x5 x3
a b
x4
p
B a b
x0
(1) Montrer que p ∶ B → B est un revêtement. Est-il galoisien ? Quel est le groupe Γ
des automorphismes de revêtement de p ?
(2) Fixons un revêtement universel ̃ π ∶B̃ → B de B. Notons G le groupe des auto-
morphismes de revêtements de ̃ ′
π , et π ∶ B̃ → G/B ̃ la projection canonique sur l’espace
̃
topologique quotient G/B. Montrer qu’il existe un unique homéomorphisme h ∶ G/B ̃→B
′
tel que h ○ π = ̃ π . Dans la suite, nous identifions G/B̃ et B par cet homéomorphisme, et
′
donc π avec ̃ π.
̃ → B et un morphisme surjectif de groupes
(3) Montrer qu’il existe un revêtement q ∶ B
ψ ∶ G → Γ, uniques, tels que, pour tout g dans G, le diagramme suivant commute :
79
g
̃
B ̃
B
q q
ψ (g )
B B
̃
π p p ̃
π
̃
est une action libre et propre du groupe discret G sur CE × B.
̃ Quel est le groupe fondamental
(5) Notons Θ l’espace topologique quotient G/(CE× B).
de Θ ?
̃→B
(6) Notons pr2 ∶ E × B ̃ la seconde projection (x, y) ↦ y. Montrer que pr2 induit
̃ → B.
un revêtement connexe G/(E × B)
̃ et B sont homéomorphes.
(7) Montrer que G/(E × B)
̃ de Θ.
(8) Soit f un homéomorphisme de la partie B de CB sur la partie G/E × B
̂ l’espace topologique obtenu par recollement de CB sur Θ par f .
Notons Θ
̂
Calculer le groupe fondamental de Θ.
̂ ? Quels sont ceux
(9) Quels sont, à isomorphisme près, les revêtements connexes de Θ
qui sont galoisiens ?
∆
D′
D
U ∩ U′
π1 X ≃ π1 U ∗π1 (U ∩U ′ ) π1 U ′ ≃ Z ∗ Z
π1 X ≃ Z ∗ Z .
π1 X ≃ π1 Y ≃ Z ∗ Z .
81
(Par changement de coordonnées, on se ramène au cas où, en notant (z, t) un point de
R3 = C × R, la droite D a pour équations Im z = t = 0 et D′ pour équations Re z = 0, t = 1.
πt
Alors (z, t) ↦ (ze 2 , t) est un tel homéomorphisme.)
D D′
w x
S p 1
z y
Par projection stéréographique, une sphère privée de quatre points est homéomorphe au
plan euclidien R2 privé de trois points t, u, v. Nous avons donc (voir l’exemple (1) suivant
la démonstration du théorème de van Kampen)
Donc
π1 X ≃ π1 Y /⟨⟨(f1 )∗ (c), (f2 )∗ (c)⟩⟩ .
Comme π1 Y est un groupe libre à deux générateurs x, y, avec (f1 )∗ (c) = xp1 , (f2 )∗ (c) = y p2 ,
le groupe π1 X admet pour présentation ⟨x, y ∣ xp1 = 1, y p2 = 1⟩. Donc
π1 X ≃ Z/p1 Z ∗ Z/p2 Z .
Exercice E.42 I (1) Soit u0 = [x, 0] (qui ne dépend pas du choix de x ∈ X). Soit
̃
h ∶ (X × [0, 1]) × [0, 1] → (X × [0, 1]) l’application ̃
h((x, t), s) = (x, st). Elle est continue, et
envoie pour s fixé classes d’équivalences sur classes d’équivalences, donc passe au quotient
en une application continue h ∶ CX × [0, 1] → CX telle que h(y, 0) = u0 et h(y, 1) = y pour
tout y ∈ CX. Donc CX est contractile.
Dans la suite, nous appellerons CX le cône de base X, et u0 son sommet.
(2) L’application x ↦ [x, 1] est continue, comme composée de deux applications conti-
nues. Elle est injective par définition de la relation d’équivalence. Son application réci-
proque [x, 1] ↦ x est continue, car elle est obtenue par passage au quotient de l’application
continue (x, 1) ↦ x.
(3) L’application (x, t) ↦ (f (x), t) est continue et envoie classes d’équivalence sur
classes d’équivalence, donc passe au quotient en une application continue, qui est Cf .
(4) Si X est séparé, alors CX l’est aussi. En effet, soient [x, t], [x′ , t′ ] deux points
distincts de CX. Si t < t′ , soit u tel que t < u < t′ . Alors {(y, s) ∈ X × [0, 1] ∣ s < u} et
{(y, s) ∈ X × [0, 1] ∣ s > u} sont deux ouverts saturés disjoints de X × [0, 1], contenant
respectivement (x, t) et (x′ , t′ ). Si t = t′ , alors t ≠ 0 et x ≠ x′ ; si U, U ′ sont deux ouverts
de X disjoints contenant x, x′ respectivement, et si ∈ ]0, t[, alors U × (]t − , t + [∩[0, 1])
et U ′ × (]t − , t + [∩[0, 1]) sont deux ouverts saturés disjoints, contenant (x, t), (x′ , t)
respectivement. Donc CX est séparé.
Si X est compact, alors CX est séparé et X × [0, 1] est compact. Comme la projection
canonique est continue, CX est compact.
83
Rn
2
−2
0 2 4 6 4n − 6 4n − 2
Rn′
c′
c1 cn−1
c2 cn−2
c3 c′′
III (1) Comme E est discret et fini, il est compact. Donc CE est compact, donc CE×R
est localement compact. Si n(x, t) = (x, t), alors en regardant les deuxièmes composantes,
on a t = t + n, donc n = 0. Donc l’action est libre. Si K est un compact de CE × R, il existe
N ∈ N tel que K ⊂ CE × [−N, N ]. Si ∣n∣ ≥ 2N + 1, alors nK ∩ K est vide. Donc l’action est
propre.
(2) Les espaces CE et R sont contractiles, donc leur produit CE × R aussi. Comme
CE × R est localement compact et Z agit librement et proprement sur CE × R, le groupe
fondamental du quotient Ω est donc isomorphe à Z.
84
Voici autre manière de voir cela, qui sera utile pour la suite. En considérant la rétraction
par déformation forte du cône CE sur son sommet u0 construite en I.1, l’espace CE × R
se rétracte par déformation forte sur {u0 } × R, de manière équivariante pour l’action de Z.
L’espace Ω se rétracte donc par déformation forte sur le cercle α0 = Z/({u0 } × R).
(3) Comme E est discret, l’espace E × R possède Card(E) composantes connexes, qui
sont homéomorphes à R. Comme l’image par une application continue d’un espace connexe
est connexe, l’espace ∂Ω possède un nombre fini de composantes connexes.
0 `1 0 `N
0 0
0
0
E1 × R
0
EN × R
85
D1
DN
∂D1
f1
∂DN
Σ1
fN
ΣN Ω
α0
B̃ g
Ð→ B̃
q↓ ↓q
H/B ̃ Ð→ H/B
ψ(g)
̃ .
Il suffit de poser ψ(Hx) = Hgx, ce qui ne dépend pas du choix de x, car H est distingué.
Il est immédiat que ψ(g) est un automorphismes de revêtement de p, et que g ↦ ψ(g) est
̃
un morphisme de groupes (car ψ(g) ○ ψ(h) et ψ(g ○ h) coïncident sur H/B).
̃
Soit h ∶ B → B un automorphisme de revêtement de p. Soit x ∈ B et x′ ∈ q −1 (h ○
q(x)). Comme B ̃ est localement connexe par arcs et simplement connexe, le théorm̀e du
̃→B
relèvement dit qu’il existe une unique application continue g ∶ B ̃ telle que g(x) = x′
et que le diagramme suivant commute
B̃
g↗ ↓q
̃
B
h○q
Ð→ B .
En considérant le relevé g ′ de h−1 ○ q par le revêtement q tel que g ′ (x′ ) = x, comme gg ′ est
un morphisme de revêtement fixant un point, et que B ̃ est connexe, on en déduit que g est
un automorphisme de revêtement de π.
(4) Comme G agit librement et proprement B, ̃ et comme CE est compact, les mêmes
arguments qu’en III.1 montrent que G agit librement et proprement sur CE × B. ̃
87
̃ sont simplement connexes, donc leur produit
(5) Comme en III.2, les espaces CE et B
̃ ̃
CE × B aussi. Comme CE × B est localement compact et G agit librement et proprement
̃ le groupe fondamental du quotient Θ est donc isomorphe à G.
sur CE × B,
(6) Comme G agit par y ↦ g(y) sur la seconde composante, l’application continue pr2
̃ → B. Comme E est discret, cette
passe au quotient en une application continue G/(E × B)
application est un homéomorphisme local. Comme ψ est surjective, et Γ agit transitivement
̃ est connexe. Le cardinal de chaque fibre est égal au cardinal de
sur E, l’espace G/(E × B)
̃ → B est un revêtement.
E, donc est constant non vide. Donc l’application G/(E × B)
(7) Les revêtements G/(E × B) ̃ → B et B → B sont connexes et localement connexes
par arcs, et les fibres au-dessus de x0 sont π1 (B, x0 )-équivariament isomorphes. Donc ces
revêtements sont isomorphes.
u′0
CB
B= G/
̃
E ×B
B= G/
̃
{u0 }×B
(8) Reprenons des arguments similaires à ceux de III.4. Notons U l’image dans Θ ̂ de
CB − B, qui est ouverte, et connexe par arcs. Notons V le complémentaire dans Θ ̂ de
′
l’image du sommet u0 du cône CB, qui est ouvert et connexe par arcs. Par le théorème
de van Kampen, comme U est contractile et U ∩ V connexe par arcs, si b est un point
̂ b) est isomorphe au quotient de π1 (V, b) par le sous-groupe
base dans U ∩ V , alors π1 (Θ,
distingué engendré par l’image de π1 (U ∩ V, b). L’espace V se rétracte par déformation
̃ ≃ B (avec u0 le sommet du cône CE).
forte sur le bouquet de deux cercles G/({u0 } × B)
̂ admet pour présentation de groupe
Une petite inspection des lacets tués montre que π1 (Θ)
2 2 3 ̂
⟨α, β ∣ α = β = (αβ) = 1⟩, donc π1 (Θ) est isomorphe au groupe diédral D6 .
(9) Non corrigé.
88
4 Sous-variétés différentielles
Pour des explications historiques sur l’invention de la notion de variété et ses moti-
vations, nous renvoyons aux textes originaux de Riemann [Rie, Spi], H. Poincaré [Poi],
E. Cartan [Car], ainsi qu’aux ouvrages d’histoire des mathématiques comme l’excellent
[Die1].
En particulier, un ouvert non vide de Rn n’est pas homéomorphe à un ouvert non vide
de Rm si n et m sont distincts. Notons que si l’on remplace « homéomorphe » par « C1 -
difféomorphe », alors cette dernière assertion est évidente. Dans le cadre différentiel de ce
cours, le théorème d’inversion locale (voir l’appendice C) est en général un outil suffisant
pour remplacer le théorème d’invariance du domaine de Brouwer.
Nous admettrons le théorème 4.1. Les démonstrations les plus naturelles utilisent des
outils élémentaires de topologie algébrique, ce qui constituerait une diversion un peu longue
(voir [God1, Spa, Hat, Pau3]).
Proposition 4.2. Soit X un espace topologique, dont tout point admet un voisinage ouvert
homéomorphe à un ouvert d’un espace Rn . Alors les assertions suivantes sont équivalentes :
(1) X est séparé et à base dénombrable,
(2) X est σ-compact,
(3) X est dénombrable à l’infini,
(4) X est métrisable séparable,
(5) il existe un plongement topologique de X dans `2 (R).
Démonstration. Un espace topologique séparé dans lequel tout point admet un voisinage
ouvert homéomorphe à un ouvert d’un Rn est localement compact. En particulier, tout
point d’un tel espace admet un système fondamental de voisinages fermés métrisables
(pour la topologie induite).
Il est immédiat qu’une base (dénombrable) d’un espace localement compact contient
une base (dénombrable) d’ouverts d’adhérences compactes. Donc un espace localement
compact à base dénombrable est σ-compact. De plus, un espace σ-compact, dans lequel tout
point admet un voisinage ouvert qui est à base dénombrable (pour la topologie induite),
est à base dénombrable. Donc (1) et (2) sont équivalents.
89
Il est immédiat qu’un espace dénombrable à l’infini est σ-compact, et qu’un espace
localement compact et σ-compact est dénombrable à l’infini. Donc (2) et (3) sont équiva-
lents.
L’espace de Hilbert `2 (R) est métrisable et à base dénombrable (l’ensemble des boules
ouvertes de rayons rationnels centrées aux suites presque nulles de rationnels est une base
dénombrable d’ouverts). Tout sous-espace d’un espace métrisable et à base dénombrable
l’est encore. Un espace topologique à base dénombrable est séparable, car si (Ui )i∈N est
une base d’ouverts non vides, et si xi est un point de Ui , alors la suite (xi )i∈N est dense.
Donc (5) implique (4).
Un espace métrique séparable est séparé et à base dénombrable (en prenant les boules
ouvertes de rayons rationnels centrées aux points d’une partie dénombrable dense). Donc
(4) implique (1).
Un espace topologique X, séparé, à base dénombrable, et dont tout point admet un
système fondamental de voisinages fermés métrisables, se plonge dans `2 (R). En effet,
soit (Ui )i∈N une base dénombrable d’ouverts de X. Nous pouvons supposer que U i est
métrisable (pour la topologie induite), car si J est l’ensemble des i tels que U i est métri-
sable, alors (Uj )j∈J est encore une base d’ouverts. Notons di une distance sur l’espace
U i compatible avec sa topologie. Considérons la fonction ϕi ∶ X → [0, 1] définie par
ϕi (x) = min{1, di (x, ∂Ui )} si x est dans Ui et ϕi (x) = 0 sinon. Il est facile de vérifier que ϕi
est continue et non nulle exactement sur Ui . Alors l’application f ∶ x ↦ ( i+1 1
ϕi (x))i∈N est
un homéomorphisme de X sur son image dans ` (R). En effet, l’injectivité découle du fait
2
que X soit séparé et que (Ui )i∈N soit une base d’ouverts. La continuité vient du fait que les
ϕi soient continues et bornées en valeur absolue par 1. Enfin, l’application f ∶ X → f (X)
est fermée, car si F est un fermé de X et si x n’est pas dans F , alors il existe i tel que
x ⊂ Ui ⊂ X − F , et donc d(f (x), f (F )) ≥ ϕi (x)/(i + 1) > 0. Donc (1) implique (5). ◻
Une variété topologique (ou par abus variété) est un espace topologique M tel que
● l’espace M soit séparé et à base dénombrable,
● tout point de M admette un voisinage ouvert homéomorphe à un ouvert d’un espace
Rn .
En particulier, par la proposition 4.2, une variété topologique est un espace locale-
ment compact, métrisable, séparable, dénombrable à l’infini. Au lieu de demander que M
soit séparé à base dénombrable, nous pourrions demander, de manière équivalente par la
proposition 4.2, que M soit métrisable séparable. Il est souvent plus facile de vérifier les
conditions séparé à base dénombrable que les conditions métrisable séparable (lorsque nous
voulons montrer qu’un objet est une variété), et c’est pour cela que nous mettons en avant
les premières. Par contre, les secondes sont souvent plus utiles lorsque nous travaillons sur
une variété donnée.
Mais ces propriétés globales des variétés topologiques sont minimes, et en pratique
faciles à vérifier (cette vérification étant parfois omise). Ce qui est important est qu’une
variété topologique admette les mêmes propriétés topologiques locales qu’un espace Rn .
Par exemple, elle est, entre autres, (voir l’appendice A et la partie 1 pour des définitions)
● localement compacte (ce qui n’est pas uniquement une condition locale à cause de
l’hypothèse de séparation),
● localement connexe par arcs (donc elle est connexe par arcs si et seulement si elle est
connexe),
90
● localement contractile.
Soit M une variété topologique. Pour tout x dans M , l’entier n tel qu’il existe un voisi-
nage ouvert de x homéomorphe à un ouvert de Rn est uniquement défini, par le théorème
d’invariance du domaine de Brouwer 4.1, et il est localement constant (donc constant sur
toute composante connexe de M ). Pour tout n dans N, une variété topologique est dite
de dimension n si tout point admet un voisinage ouvert homéomorphe à un ouvert de Rn .
Toute composante connexe de M possède donc une dimension bien définie. Dans la litté-
rature comme dans ce cours, nous ne considérons en général que des variétés topologiques
dont les dimensions des composantes connexes sont égales. Nous appellerons courbe une
variété topologique de dimension 1, et surface une variété topologique de dimension 2.
Par exemple, les variétés topologiques de dimension 0 sont les espaces discrets dénom-
brables.
L’outil principal qui permet le passage du local au global dans les variétés topologiques
est celui de partition de l’unité, que nous introduisons maintenant. Nous renvoyons à
l’appendice A pour les définitions de topologie générale utilisées, en particulier celle de
famille localement finie de parties.
Soit X un espace topologique. Si f ∶ X → R est une fonction continue, nous appellerons
support de f l’adhérence de {x ∈ X ∶ f (x) ≠ 0}, et nous le noterons Supp(f ). C’est le plus
petit fermé en dehors duquel f est nulle.
Une partition de l’unité de X est une famille (ϕα )α∈A de fonctions continues de X
dans [0, 1], dont la famille des supports est localement finie, et qui vérifie ∑i ϕi = 1 (re-
marquer qu’alors (ϕ−1 α (]0, 1]))α∈A est un recouvrement ouvert, et que la somme ∑i ϕi (x)
ne possède qu’un nombre fini de termes non nuls pour tout x dans X). Soit U = (Ui )i∈I
un recouvrement ouvert de X. Une partition de l’unité subordonnée à U est une partition
de l’unité (ϕi )i∈I de X, telle que, pour tout i ∈ I, le support de ϕi soit contenu dans Ui .
Remarque. Supposons que l’on ait une partition de l’unité (ϕ′α )α∈A de X, telle que, pour
tout α ∈ A , il existe un élément de U contenant le support de ϕ′α . Il est alors facile de
modifier cette partition de l’unité pour la rendre subordonnée à U . En effet, si f ∶ A → I
est n’importe quelle application telle que le support de ϕ′α soit contenu dans Uf (α) pour
tout α ∈ A , posons
ϕi ∶ x ↦ ∑ ϕ′α (x) ,
α∈f −1 (i)
avec la convention usuelle ∑∅ = 0. Alors (ϕi )i∈I est une partition de l’unité subordonnée à
U . En effet,
(1) l’application ϕi est bien définie et continue, car sur un voisinage de tout point, ϕi
est somme d’un nombre fini de ϕ′α ;
(2) ∑i ϕi = ∑α ϕ′α = 1 ;
(3) la famille de fermés (Supp ϕi )i∈I est localement finie, car pour tout ouvert U de X,
91
car une union localement finie de fermés est fermée.
Proposition 4.3. Une variété topologique M est paracompacte, et tout recouvrement ou-
vert de M admet une partition de l’unité qui lui est subordonnée. Si de plus M est compacte,
alors tout recouvrement ouvert admet un sous-recouvrement fini et une partition de l’unité
finie qui est subordonnée à ce sous-recouvrement.
En fait, tout recouvrement ouvert d’un espace topologique paracompact admet une
partition de l’unité subordonnée (voir [Dug, page 170]), mais nous ne montrerons ce résultat
que dans les cas des variétés, et nous en donnerons une version différentiable dans la
proposition 4.16.
Lemme 4.4. Pour tout x0 dans Rn et tout voisinage U de x0 , il existe une fonction C∞
de Rn dans R, de support contenu dans U , constante égale à 1 sur un voisinage de x0 , et
à valeurs dans [0, 1].
Alors (Vn,α )α∈A est un recouvrement ouvert de Kn′ , donc admet un sous-recouvrement fini
(Vn,α )α∈An . Alors (Vn,α )n∈N,α∈An est un recouvrement ouvert de M , plus fin que U , et
localement fini. Donc M est paracompacte.
Pour tout x dans Kn′ , soit Wx un voisinage ouvert de x, contenu dans Vn,α pour un α
dans A , et homéomorphe à un ouvert d’un espace Rk . Par le lemme précédent, il existe
donc (en prolongeant par 0 en dehors de Wx ) une application continue ϕx de M dans
[0, 1], de support contenu dans Wx , constante égale à 1 sur un voisinage Wx′ de x. Comme
(Wx′ )x∈Kn′ recouvre Kn′ , il existe une partie finie Bn de Kn′ telle que (Wx′ )x∈Bn recouvre
Kn′ . Posons
ϕ ∶ y ↦ ∑ ϕx (y) ,
n∈N, x∈Bn
qui est une somme n’ayant qu’un nombre fini de termes non nuls (car pour x dans Bn ,
l’application ϕx est nulle sur Kn−1 , donc sur y si n est assez grand), et qui est strictement
92
positive (en fait supérieure ou égale à 1) pour tout y dans M . Posons ϕ′x = ϕx /ϕ. Alors
(ϕ′x )n∈N, x∈Bn est une partition de l’unité que l’on peut rendre subordonnée à U en utilisant
la remarque précédant la proposition 4.3.
La dernière assertion découle immédiatement de la première. ◻
Exercice E.43. Soit M un espace topologique paracompact, dont tout point admet un
voisinage homéomorphe à un ouvert de Rn . Montrer que M est métrisable.
Exercice E.44. (1) Soit X l’ensemble (R−{0}) ∐{0− , 0+ }. Montrer qu’il existe une unique
structure d’espace topologique sur X telle que les deux applications ϕ± ∶ R → X définies par
ϕ± (t) = t si t ≠ 0, et ϕ± (0) = 0± soient des homéomorphismes sur leurs images. Montrer
que X est une variété topologique non séparée (voir ci-dessous).
0+
0−
X Ω = R2 − {0} Ω = R2
Exercice E.45. (Voir l’appendice A.2 pour des rappels sur les ordres.) Soit β un ordinal,
et β− l’ensemble ordonné des ordinaux strictement inférieurs à β. On considère l’ensemble
93
X = (β− × [ 0, 1[) − {(0, 0)} muni de la topologie de l’ordre induite par l’ordre lexicogra-
phique. Montrer que si β est l’ordinal de l’ordre usuel sur N, alors X est homéomorphe
à ]0, +∞ [. Montrer que si β est le plus petit ordinal non dénombrable, alors X est une
variété topologique non paracompacte (mais séparée), appelée la longue (demi-)droite.
4.2 Sous-variétés de Rn
Nous renvoyons par exemple à [Ave, Car, Die2] pour des rappels de calcul différentiel,
ainsi qu’à l’appendice C. Sauf mention explicite du contraire, nous identifions dans ces
notes les espaces vectoriels euclidiens Rn et Rp × Rn−p , de manière usuelle, par l’application
(x1 , . . . , xn ) ↦ ((x1 , . . . , xp ), (xp+1 , . . . , xn )) pour 0 ≤ p ≤ n (avec convention immédiate
pour p = 0 ou p = n).
Dans tout ce qui suit, pour tout r ∈ N, nous pouvons remplacer Rr par un espace
vectoriel réel normé de dimension r, muni d’une base lorsqu’il est question de coordonnées,
et décomposé en somme directe appropriée lorsqu’il y a besoin de travailler dans une
écriture en produit. Par ailleurs, tout espace vectoriel réel de dimension finie sera supposé
muni d’une norme (souvent indifférente, mais que nous préciserons lorsque c’est utile), ainsi
que de la topologie définie par cette norme, qui ne dépend pas du choix de la norme.
Le premier exemple, et celui qu’il faut garder en tête, de sous-variété d’un espace vecto-
riel de dimension finie est un sous-espace vectoriel, par exemple Rp × {0} contenu dans Rn .
Nous allons définir une sous-variété générale comme obtenue par difféomorphismes locaux
ambiants à partir un tel exemple, et donner des caractérisations équivalentes. Rappelons
que le graphe d’une application f ∶ A → B est la partie de l’ensemble produit A × B formée
des couples (x, f (x)) pour x dans A.
Théorème 4.5. Soient n ≥ p dans N et k dans (N − {0}) ∪ {∞}. Les propriétés suivantes
d’une partie M de Rn sont équivalentes.
94
(4) (Définition locale par paramétrage)
Pour tout x dans M , il existe un voisinage ou- U ∩M
x
vert U de x dans Rn , un voisinage ouvert V de
f
0 dans Rp et une application f ∶ V → Rn de 0
classe Ck tels que f (0) = x, f soit une immer-
sion en 0, et f soit un homéomorphisme de V V Rn
sur U ∩ M .
Démonstration. Montrons que (1) implique (2). Si x, U, f sont comme dans (1), alors
nous pouvons supposer que f (x) = 0, et en notant f1 , . . . , fn les composantes de f , et
g ∶ U → Rn−p l’application de composantes fp+1 , . . . , fn , alors g est une submersion de
classe Ck telle que g −1 (0) = U ∩ M .
Montrons que (1) implique (4). Si x, U, V, f sont comme dans (1), alors nous pouvons
supposer que f (x) = 0, et la restriction de f −1 à l’ouvert W = V ∩ (Rp × {0}) de Rp × {0}
est une application de classe Ck envoyant 0 sur x, qui est une immersion en 0, et qui est
un homéomorphisme de W sur U ∩ M .
Montrons que (4) implique (1) (cette implication est parfois utilisée sous le nom de
théorème des immersions dans les exercices, voir aussi la proposition 4.10). Si x, U, V, f sont
comme dans (4), alors par le théorème C.4 (voir l’appendice C) de forme normale locale
des immersions, quitte à restreindre U et V , il existe un Ck -difféomorphisme ψ de U sur
un voisinage ouvert W de 0 dans Rn tel que, sur V , nous ayons l’égalité ψ ○ f (x1 , . . . , xp ) =
(x1 , . . . , xp , 0 . . . , 0), et donc en particulier ψ(U ∩ M ) = ψ ○ f (V ) = W ∩ (Rp × {0}).
Le fait que (2) implique (1) (cette implication est parfois utilisée sous le nom de théo-
rème des submersions dans les exercices, voir aussi la proposition 4.8) se montre de même,
en utilisant le théorème C.5 (voir l’appendice C) de forme normale locale des submersions.
Le fait que (3) implique (4) est immédiat, car si x, U, V, f sont comme dans (3), alors
nous pouvons supposer que x = 0 et que f (0) = 0, et l’application F ∶ y ↦ (y, f (y)) est
alors un homéomorphisme de V sur U ∩ M , qui est une immersion Ck en 0 avec F (0) = 0.
Montrons pour terminer que (2) implique (3). Soient x, U, f comme dans (2), et notons
f1 , . . . , fn−p les composantes de f . Nous pouvons supposer que x = 0. Quitte à permuter
les coordonnées de Rn , comme f est une submersion en x, nous pouvons supposer que la
matrice B = ( ∂x∂fj+p i
(x)) (extraite de la matrice jacobienne de f en x) soit inversible.
1≤i,j≤n−p
Notons pr1 la projection sur le premier facteur de Rp × Rn−p . La différentielle en x de
I ∗
l’application F ∶ y ↦ (pr1 (y), f (y)) est inversible, car sa matrice est de la forme ( p ).
0 B
Donc par le théorème d’inversion locale C.1 (voir l’appendice C), F est un difféomorphisme
local en 0. L’inverse de F est de la forme y ↦ (pr1 (y), G(y)) avec G une application d’un
voisinage ouvert W de 0 dans Rn à valeurs dans Rn−p . Donc, quitte à restreindre U , la partie
U ∩ M = f −1 (0) = F −1 (Rp × {0}) est le graphe de la fonction G restreinte à W ∩ (Rp × {0}).
◻
95
Exemples. (1) Les sous-variétés C∞ de Rn , de dimension n est de codimension 0, sont
exactement les ouverts U non vide de Rn . L’inclusion de U dans Rn est un paramétrage
local. L’application f ∶ U → {0} est de classe C r et
(2) Le dessin ci-dessous représente quelques (morceaux de) surfaces de R3 .
96
(2) Par la définition locale par redressement des sous-variétés (voir le théorème 4.5 (1)),
soient W et W ′ un voisinage ouvert de x et 0 respectivement dans Rn et soit φ ∶ W → Rn
un difféomorphisme tel que φ(x) = 0 et φ(W ∩ M ) = W ′ ∩ Rp (où nous identifions Rp
avec le sous-espace des p premières coordonnées de Rn ). Quitte à réduire U et V , nous
pouvons supposer que f (U ) = g(V ) ⊂ W . Les applications φ ○ f et φ ○ g de U et V
respectivement à valeurs dans l’ouvert W ′ ∩ Rp de Rp sont des immersions en 0 (comme
composées d’immersions) de classe Ck . Donc par le théorème d’inversion locale ce sont des
Ck -difféomorphismes locaux en 0, envoyant 0 sur 0. Donc quite à réduire U , V , W , W ′ de
manière appropriée, nous avons f −1 ○ g = (φ ○ f )−1 ○ (φ ○ g), qui est un difféomorphisme
local en 0, comme composition de difféomorphismes locaux. ◻
Remarques. (1) Comme toute partie d’un espace topologique séparé à base dénombrable
est encore séparée à base dénombrable, une sous-variété M de Rn de dimension p est en
particulier une variété topologique de dimension p (voir la partie 4.1), donc hérite des
propriétés locales de Rp . Puisque tout point de M admet un voisinage ouvert homéomorphe
à un ouvert de Rp , toute sous-variété est localement compacte, localement connexe par arcs,
et localement contractile, par exemple.
(2) La définition locale par redressement (1) fait encore sens lorsque k = 0. Nous parlons
alors de sous-variété topologique (ou de classe C0 ). La définition (3) fait encore sens aussi,
mais elle est strictement plus forte que la première, car l’exemple ci-dessous est une sous-
variété topologique de R2 (c’est-à-dire qu’elle vérifie la définition (1)), mais ne peut pas
s’écrire localement comme le graphe d’une fonction continue (c’est-à-dire qu’elle ne vérifie
pas la définition (3)).
(3) L’exercice suivant peut permettre de comprendre les différences de régularité des
sous-variétés. Il est important en pratique, par exemple pour des problèmes de recolle-
ment de morceaux de rail de chemin de fer pour éviter de secouer les passagers : plus le
recollement est lisse, moins cela secoue !
Exercice E.47. Pour tout n ∈ N − {0}, soit M le sous-espace de R2 réunion de la demi-
droite horizontale ] − ∞, 0] × {0} et du graphe {(x, xn ) ∶ x ∈ [0, +∞[ } de la fonction x ↦ xn
sur [0, +∞[. Montrer que M est une sous-variété de classe Cn−1 de R2 qui n’est pas une
sous-variété de classe Cn .
′
une application de classe Cr . En effet, il suffit de prendre pour paramétrage local ψ de Rm
l’application identité et pour φ n’importe quel paramétrage local de M l’application f lue
dans ces paramétrages locaux est alors juste l’application φ elle-même, qui est de classe
Cr .
(4) L’application f est de classe Ck si et seulement s’il existe une application f̃ d’un
′
voisinage ouvert U de M dans son espace euclidien Rm ambiant à valeurs dans un voisinage
ouvert V de N dans son espace euclidien Rn ambiant, telle que f̃ envoie M dans N , soit
′
pour paramétrage locaux φ et ψ les restrictions des applications u ↦ (u, 0) d’un voisinage
de 0 de Rm dans Rm × {0}, et d’un voisinage de 0 de Rn dans Rn × {0}. Alors, en notant
f̃1 , . . . , f̃n′ les composantes de f̃, l’application ψ −1 ○ f ○ ϕ est l’application
(x1 , . . . , xm ) ↦ (f̃1 (x1 , . . . , xm , 0 . . . , 0), . . . , f̃n (x1 , . . . , xm , 0 . . . , 0), 0 . . . 0) ,
qui est bien de classe Ck . Pour montrer la réciproque, il s’agit d’un problème de passage du
local au global, et nous aurons besoin des partitions de l’unité de classe Ck , pour lesquelles
nous renvoyons à la partie 4.6.
Reprenons notre série de définitions concernant les applications différentiables. Un Ck -
difféomorphisme de M dans N est une bijection de classe Ck de M dans N dont l’in-
verse est encore de classe Ck . Deux sous-variétés différentielles de classe Ck sont dites Ck -
difféomorphes (ou isomorphes lorsque k est sous-entendu) s’il existe un Ck -difféomorphisme
de l’une dans l’autre.
Si x0 ∈ M , un Ck -difféomorphisme local en x0 entre M et N est une application de
classe Ck de M dans N telle qu’il existe des voisinages ouverts U de x0 et V de f (x0 ) tels
que f (U ) = V et la restriction f ∣U ∶ U → V soit un Ck -difféomorphisme.
Si x ∈ M , nous dirons que f est une immersion en x s’il existe des paramétrages locaux
en x et en f (x) tels que l’application f lue dans des paramétrages locaux soit une immersion
98
en 0 (qui est le point qui s’envoie sur x par le paramétrage local). Ceci ne dépend pas des
paramétrages locaux choisis en x et f (x). Nous dirons que f est une immersion si f est une
immersion en tout point de M . Nous définissons de même une submersion en un point, une
submersion, une application de rang constant au voisinage d’un point, et une application
de rang constant (aussi appelée subimmersion). Remarquons que la composée de deux
immersions est une immersion, que la composée de deux submersions est une submersion,
mais que la composée de deux applications de rang constant n’est pas forcément de rang
constant (voir les exercices E.C.106 dans l’appendice C et E.53).
Les corollaires C.4, C.5 et C.6 de l’appendice C, donnant des formes normales locales
des immersions, submersions et applications de rang constant, sont des résultats locaux,
donc nous obtenons immédiatement leur extension pour les sous-variétés.
Soit x un point de M , supposons à partir de maintenant que f ∶ M → N soit de classe
k
C .
Théorème 4.7. (Forme normale locale des immersions) Si f est une immersion en
x, alors pour tout paramétrage local ϕ de M en x, il existe un paramétrage local ψ de N
en f (x) tel que, au voisinage de 0, nous ayons
ψ −1 ○ f ○ ϕ (x1 , . . . , xm ) = (x1 , . . . , xm , 0, . . . , 0) .
(Forme normale locale des submersions) Si f est une submersion en x, alors pour
tout paramétrage local ψ de N en f (x), il existe un paramétrage local ϕ de M en x, tel
que, au voisinage de 0, nous ayons
ψ −1 ○ f ○ ϕ (x1 , . . . , xn ) = (x1 , . . . , xm ) .
(Forme normale locale des applications de rang constant) Si f est une appli-
cation de rang constant s ≤ min{p, q} sur un voisinage de x, alors il existe un paramétrage
local ψ de N en f (x) et un paramétrage local ϕ de M en x tels que, au voisinage de 0,
nous ayons
ψ −1 ○ f ○ ϕ (x1 , . . . , xp ) = (x1 , . . . , xs , 0, . . . , 0) . ◻
Démonstration. (1) Comme le fait d’être une sous-variété est un problème local, par le
théorème 4.7 de forme normale des applications de rang constant, en prenant des para-
métrages locaux, nous nous ramenons au cas où M et N sont des ouverts de Rm et Rn
respectivement, contenant 0, où f (0) = 0 et y = 0 et où f est une restriction de l’application
linéaire (x1 , . . . , xm ) ↦ (x1 , . . . , xs , 0, . . . , 0). Le résultat en découle.
99
(2) Soient x dans f −1 (S), y = f (x) et z =
g(y). En utilisant la définition 4.5 (2) des sous- f −1 (S )
variétés, soient U un voisinage ouvert de y dans
N et g ∶ U → Rn−p une submersion Ck telle que M
nous ayons S∩U = g −1 (z). Alors g○f est une sub-
f
mersion en x, et f −1 (S) ∩ f −1 (U ) = (g ○ f )−1 (z),
ce qui montre le résultat (par la continuité de f
N
pour la dernière affirmation). ◻ S
100
4.4 Espaces tangents et applications tangentes
La notion de vecteur tangent (et, si ce vecteur tangent est non nul, de droite tangente)
en un point d’une courbe de classe C1 dans Rn est bien connue. Elle va nous permettre de
définir, de manière élémentaire, la notion de vecteur tangent, et partant, de sous-espace
tangent en un point d’une sous-variété de Rn .
Soient p ≤ n dans N, M une sous-variété de classe C1 et de dimension p de Rn (qui
peut être remplacé par n’importe quel espace vectoriel réel normé de dimension n), et x
un point de M .
Proposition 4.11.
(1) (Définition par redressement)
Si U est un voisinage ouvert de x dans Rn , si U
Tx M
V est un voisinage ouvert de 0 dans Rn et si 0 Rp
f ∶ U → V est un C1 -difféomorphisme, tels que x
f
f (x) = 0 et f (U ∩ M ) = V ∩ (Rp × {0}), alors V
M
Tx M = dfx −1 (Rp × {0}) .
101
(4) (Définition par paramétrage)
Si U est un voisinage ouvert de x dans Rn , si U ∩M Tx M
V est un voisinage ouvert de 0 dans Rp et si f x
f ∶ V → Rn est un paramétrage local C1 de U ∩M 0
en x tel que f (0) = x, alors
V Rn
Tx M = Im df0 .
Démonstration. (1) Puisque f est un difféomorphisme C1 tel que f (x) = 0, une courbe c
est tracée sur U ∩M avec c(0) = x et ċ(0) = v si et seulement si la courbe f ○c est tracée sur
f (U ∩ M ) = V ∩ (Rp × {0}) avec f ○ c(0) = 0 et (f ○ c)′ (0) = dfx (v). Puisque l’ensemble des
vecteurs tangents en 0 à V ∩ (Rp × {0}) est Rp × {0}, le résultat en découle. En particulier,
Tx M est un sous-espace vectoriel de dimension p de Rn .
(2) Si c est une courbe tracée sur M telle que c(0) = x, alors f ○ c(t) = 0 pour tout
t assez petit, donc en dérivant dfx (ċ(0)) = 0 et le sous-espace vectoriel Tx M est contenu
dans Ker dfx . Comme dfx est surjective, les dimensions de Tx M et de Ker dfx sont toutes
les deux égales à p, et le résultat en découle.
(4) Pour tout v dans Rp , soit c une courbe dans V telle que c(0) = 0 et ċ(0) = v. Alors
f ○c est une courbe C1 tracée sur f (V ) = U ∩M telle que f ○c(0) = x et (f ○c)′ (0) = dfx (v),
donc le sous-espace vectoriel Tx M contient Im dfx . Par injectivité de dfx , les dimensions
de Tx M et de Im dfx sont toutes les deux égales à p, et le résultat en découle. L’assertion
(3) découle immédiatement de (4). ◻
Comme montré dans la démonstration, l’ensemble Tx M est un sous-espace vectoriel de
Rn de dimension p, appelé le sous-espace vectoriel tangent à M en x. On appelle x + Tx M
le sous-espace affine tangent à M en x.
Tx f ∶ Tx M → Tf (x) N
103
normé E de dimension finie qui le contient, et à valeurs dans un voisinage ouvert de N
dans l’espace vectoriel réel normé F de dimension finie qui le contient. Alors 27 f est de
classe Ck et pour tout x ∈ M , l’application tangente Tx f ∶ Tx M → Tf (x) N est la restriction,
au sous-espace vectoriel Tx M de E, de la différentielle df̃x ∶ E → F de f̃ en x.
Si M et N sont des ouverts de Rn et Rp respectivement, si f ∶ M → N est une application
de classe C1 , alors en rappelant que T M = M × Rn et T N = N × Rn , l’application tangente
T f ∶ T M → T N est
(x, v) ↦ (f (x), dfx (v)) .
(2) Toujours en prenant des paramétrages locaux, il est élémentaire de montrer que le
théorème de dérivation des fonctions composées s’étend : pour tout x ∈ M , si f ∶ M → M ′
et g ∶ M ′ → M ′′ sont de classe Ck en x et f (x) respectivement, alors g ○ f ∶ M → M ′′ est
de classe Ck en x, et nous avons
Tx (g ○ f ) = Tf (x) g ○ Tx f .
Donc si f ∶ M → M ′ et g ∶ M ′ → M ′′ sont de classe C1 , nous avons
T (g ○ f ) = (T g) ○ (T f ) .
(3) Soit f ∶ M → N une application de classe Ck où k ∈ (N − {0}) ∪ {∞}. Alors f est une
immersion (resp. submersion) en un point x de M si et seulement si son application tangente
en x, c’est-à-dire l’application linéaire Tx f ∶ Tx M → Tf (x) N , est injective (resp. surjective).
De même, f est une application de rang constant au voisinage d’un point x de M si et
seulement si le rang de l’application linéaire Ty f ∶ Ty M → Tf (y) N est constant pour y dans
un voisinage de x. Ceci découle, en prenant des paramétrages locaux, du cas où M et N
sont des ouverts de Rm et Rn respectivement.
4.5 Exemples
Exemples. (1) Pour tout n ∈ N, tout ouvert non vide U de Rn est une sous-variété de
dimension n de Rn , et pour tout x ∈ U , nous avons
Tx U = Rn et T U = U × Rn .
(2) Plus généralement, tout ouvert non vide U d’une sous-variété M de dimension p
d’un espace vectoriel réel normé E de dimension finie est une sous-variété de dimension p
de E et Tx U = Tx M pour tout x ∈ U .
(3) Le produit de deux sous-variétés M et N , de dimension p et q, de Rm et Rn respec-
tivement est une sous-variété de dimension p + q de Rm+n = Rm × Rn . 28 De plus, pour tous
27. La réciproque est vraie : en utilisant la définition par redressement des sous-variétés différentielles
(voir le théorème 4.5 (1)), le prolongement d’une fonction g définie sur Rp en une fonction ̃ g définie sur
Rp+q = Rp × Rq par ̃ g ∶ (u, v) ↦ g(u), et des partitions de l’unité pour passer du local au global (voir
la proposition 4.16), il est possible de montrer que toute application f de classe Ck de M dans N est
la restriction à M d’une application de classe Ck d’un voisinage ouvert de M dans E à valeurs dans un
voisinage ouvert de N dans F .
28. En effet, il est élémentaire de vérifier que pour tout (x, y) ∈ M ×N , si φ ∶ U → M et ψ ∶ V → N sont des
paramétrages locaux de M en x et de N en y respectivement, alors l’application de U ×V (qui est un ouvert
de Rp × Rq = Rp+q ) dans M × N (qui est une partie de Rm × Rn = Rm+n ) définie par (u, v) ↦ (φ(u), ψ(v))
est un paramétrage local de M × N en (x, y).
104
les x ∈ M et y ∈ N , nous avons
T(x, y) (M × N ) = Tx M × Ty N .
L’application canonique de T M × T N dans T (M × N ), définie par
((x, v), (y, w)) ↦ ((x, y), (v, w)) ,
x⊥
x
x
⊥
x
0 0
S1 S2
105
Exercice E.48. Montrer que la sphère Sn est une sous-variété lisse de Rn+1 en utilisant
chacune des autres définitions du théorème 4.5.
1≤j≤q
f en x, il découle de la proposition 4.11 (2) que le sous-espace vectoriel Tx (f −1 (y)) tangent
en x à la sous-variété f −1 (y) admet le système d’équations linéaires suivant :
p
∂fj
∀ j ∈ {1, . . . , q}, ∑ (x)Xi = 0 .
i=1 ∂xi
(5) (Tores) Pour tout n ∈ N, l’un des avatars du tore de dimension n est le sous-espace
topologique compact de Cn défini par
Tn = {z = (z1 , . . . , zn ) ∈ Cn ∶ ∣z1 ∣ = ⋅ ⋅ ⋅ = ∣zn ∣ = 1} .
L’application f ∶ (z1 , . . . , zn ) ↦ (∣z1 ∣2 − 1, . . . , ∣zn ∣2 − 1) de Cn dans Rn est une submersion 30
lisse en tout point de Tn . Donc le tore Tn est une sous-variété lisse de Cn , de codimension
n et de dimension n.
Exercice E.49. (1) Montrer que Tn est C∞ -difféomorphe à la variété produit de n copies
du cercle S1 .
(2) Notons x, y, z les coordonnées usuelles de R3 . Nous appellerons tore de révolution
le sous-espace de R3 obtenu en faisant tourner autour de l’axe des z le cercle d’équations
y = 0, (x − 2)2 + z 2 = 1 (ou plus généralement n’importe quel cercle dans un plan vertical
disjoint de l’axe vertical). Montrer que le tore de révolution est une sous-variété lisse de
R3 , qui est C∞ -difféomorphe à T2 .
Comme dit dans la partie 4.3, alors que la préimage d’une sous-variété par une sub-
mersion est une sous-variété (voir la proposition 4.8), il n’est pas toujours vrai que l’image
d’une immersion (même injective) est une sous-variété. Chaque dessin ci-dessous repré-
sente une sous-variété immergée, c’est-à-dire l’image d’une sous-variété par une immer-
sion injective dans un espace vectoriel réel normé de dimension finie. (attention à la ter-
minologie, une sous-variété immergée n’est pas toujours une sous-variété). La démons-
tration du fait qu’aucune d’entre elles n’est une sous-variété différentielle C1 est lais-
sée au lecteur. Notons qu’une sous-variété différentielle est en particulier localement fer-
mée (voir la remarque 4.6). Ainsi, dans l’exemple de droite, l’application de R dans
30. En effet, pour tout z = (z1 , . . . , zn ) ∈ Tn , l’application linéaire
dfz ∶ (Z1 , . . . , Zn ) ↦ (2 z1 Z1 , . . . , 2 zn Zn )
est surjective car zi ≠ 0 pour i = 1, . . . , n.
106
√
T2 = {z = (z1 , z2 ) ∈ C2 ∶ ∣z1 ∣ = ∣z2 ∣ = 1} définie par g ∶ t ↦ (eit , ei 2t ) est √
une immer-
sion injective lisse qui n’est pas
√
un plongement.
√
En effet, par la densité de Z + 2Z dans R
′
et puisque g(t + 2kπ) = (e , e
it i 2t+2kπ 2+2k′ π
) pour tous les k, k ∈ Z, l’image de g est dense
dans T2 , et en particulier n’est pas localement fermée.
{(z1 , z2 ) ∈ S1 × S1 ∶ ∃√t ∈ R,
z1 = eit , z2 = ei 2t }
(6) (Groupes matriciels classiques) Nous renvoyons à [Pau4, page 14-15], ainsi
qu’à [Die3, Hel], pour une liste complète des groupes matriciels dits classiques.
Soient n, p, q des éléments de N non nuls. Notons In la matrice identité n × n, et
−Ip 0
Ip, q = ( ).
0 Iq
Le groupe SLn (R) est appelé le groupe spécial linéaire réel. Le groupe SLn (C) est appelé
le groupe spécial linéaire complexe.
Le groupe O(n) est appelé le groupe orthogonal : c’est le groupe des bijections linéaires
préservant le produit scalaire de l’espace euclidien standard (Rn , ⟨⋅, ⋅⟩), où
n
⟨x, y⟩ = ∑ xi yi
i=1
107
hermitien standard 31 est défini par
n
⟨z, w⟩ = ∑ z i wi
i=1
Alors O(p, q) est exactement l’ensemble des matrices (dans la base canonique) des bijections
linéaires f ∶ Rp+q → Rp+q qui préservent la forme quadratique Q, c’est-à-dire qui vérifient
Q○f =Q.
∀ x, y ∈ GLN (K), t
(xy) = t y t x et t
(x−1 ) = (t x)−1 ,
il est facile de montrer que les ensembles définis dans le tableau (2) sont des sous-groupes
des groupes GLN (K) qui les contiennent. Ils sont aussi fermés, car intersections de parties
définies par l’annulation de fonctions continues (car polynomiales).
De plus, les groupes O(n) et U(n) sont bornés dans Mn (R) et Mn (C) respectivement :
tout élément de O(n) et U(n) préservant la norme des vecteurs (dans Rn et Cn respective-
ment), ses vecteurs colonnes sont de norme 1, donc les valeurs absolues de ses coefficients
sont au plus 1. Par conséquent les groupes O(n), SO(n), U(n), SU(n) sont compacts, car
fermés et bornés dans des espaces vectoriels réels normés de dimension finie. Notons que
Proposition 4.13. Les parties GLn (R), GLn (C), SLn (R), SLn (C), O(n), SO(n), O(p, q),
2 2 2
SO(p, q), U(n) et SU(n) de respectivement Mn (R) ≃ Rn , Mn (C) ≃ R2n , Mn (R) ≃ Rn ,
Mn (C) ≃ R2n , Mn (R) ≃ Rn , Mn (R) ≃ Rn , Mp+q (R) ≃ R(p+q) , Mp+q (R) ≃ R(p+q) ,
2 2 2 2 2
2 2
Mn (C) ≃ R2n et Mn (C) ≃ R2n sont des sous-variétés lisses et fermées, dont l’espace
tangent en l’élément neutre, la dimension, le nombre de composante connexe (par arcs) et
le groupe fondamental en l’élément neutre sont les suivants.
31. La convention concernant le côté linéaire et celui anti-linéaire d’un produit hermitien varie suivant
les références.
32. La convention concernant la position des signes + et − varie dans les références.
33. On dit que la transposition et l’adjoint sont des anti-morphismes de groupes de GLN (C).
108
G Te G dimension ∣π0 G∣ π1 (G, e)
⎧
⎪ {1} si n = 1
⎪
⎪
GLn (R) Mn (R) n 2
2 ⎨ Z si n = 2
⎪
⎪
⎪
⎩ Z/2Z sinon
GLn (C) Mn (C) 2n2 1 Z
⎧
⎪ {1} si n=1
⎪
⎪
SLn (R) {X ∈ Mn (R) ∶ tr X = 0} n2 − 1 1 ⎨ Z si n = 2
⎪
⎪
⎪ Z/2Z sinon
⎩
SLn (C) {X ∈ Mn (C) ∶ tr X = 0} 2n2 − 2 1 {1}
⎧
⎪ {1} si n = 1
⎪
⎪ (3)
O(n) {X ∈ Mn (R) ∶ t X = −X} n(n−1)
2 ⎨ Z si n = 2
2 ⎪
⎪
⎪
⎩ Z/2Z sinon
⎧
⎪ {1} si n = 1
⎪
⎪
SO(n) TIn O(n) n(n−1)
1 ⎨ Z si n = 2
2 ⎪
⎪
⎪
⎩ Z/2Z sinon
O(p, q) {X ∈ Mp+q (R) ∶ t X Ip, q + Ip, q X = 0} (p+q)(p+q−1)
2
4
(p+q)(p+q−1)
SO(p, q) TIp+q O(p, q) 2
2
U(n) {X ∈ Mn (C) ∶ X ∗ = −X} n 2
1 Z
SU(n) {X ∈ Mn (C) ∶ X ∗ = −X, tr X = 0} n2 − 1 1 {1}
Ainsi, l’espace tangent en l’élément neutre de SO(n) est le sous-espace vectoriel réel de
Mn (R) des matrices antisymétriques, 34 et celui de SU(n) est le sous-espace vectoriel réel
de Mn (C) des matrices antihermitiennes de trace nulle.
Démonstration. Nous renvoyons par exemple à [MnT, Pau4] pour les deux dernières
colonnes.
Soient K = R ou K = C et N ∈ N − {0}. Pour tout g ∈ GLN (K), l’application de MN (K)
dans MN (K) définie par x ↦ xg est un C∞ -difféomorphisme. Donc pour montrer que les
sous-groupes en question sont des sous-variétés, il suffit de montrer (voir l’exemple (4) ci-
dessus) qu’ils sont des sous-variétés au voisinage de leur élément neutre. La démonstration
donnera l’expression de l’espace tangent en l’identité.
Les deux premières lignes du tableau ci-dessus sont immédiates, puisque GLn (K) est
un ouvert de Mn (K).
L’application F = det ∶ Mn (K) → K est C∞ (car polynomiale en les coefficients), et
sa différentielle en In est l’application dFIn = tr de Mn (K) dans K, qui est clairement
surjective. Donc SLn (K) = F −1 (1) est une sous-variété lisse au voisinage de In par le
théorème 4.5 (2), dont l’espace tangent en In est Ker tr par la proposition 4.11 (2).
Toujours par le théorème 4.5 (2), la dimension de SLn (K) est égale à la différence entre
la dimension de l’espace de départ et celle de l’espace d’arrivée, donc n2 − 1 si K = R et
2n2 − 2 si K = C. Ceci montre les troisième et quatrième lignes du tableau ci-dessus.
Pour O(n), O(p, q), U(n) et SU(n), nous appliquons la méthode ci-dessus avec F valant
respectivement
● l’application F ∶ Mn (R) → Symn définie par x ↦ t xx (dont la différentielle en In ,
qui est X ↦ t X + X, est surjective, puisque tout élément Y de Symn s’écrit t X + X avec
34. Rappelons que toute matrice antisymétrique est de diagonale nulle, donc de trace nulle.
109
X = 12 Y ), qui est lisse (car polynomiale en les coefficients), de sorte que F (In ) = In et
F −1 (In ) = O(n), et Ker d FIn est le sous-espace vectoriel des matrices antisymétriques,
● l’application F ∶ Mp+q (R) → Symp+q définie par x ↦ t xIp,q x (dont la différentielle en
Ip+q , qui est X ↦ t XIp,q + Ip,q X, est surjective, puisque tout élément Y de Symp+q s’écrit
t
XIp,q + Ip,q X avec X = 12 Ip,q Y ), qui est lisse (car polynomiale en les coefficients), de sorte
que F (Ip+q ) = Ip+q et F −1 (Ip+q ) = O(p, q), et Ker d FIp+q est égal au sous-espace vectoriel
{X ∈ Mn (C) ∶ t X Ip, q = −Ip, q X},
● l’application F ∶ Mn (C) → Hermn définie par x ↦ x∗ x (dont la différentielle en In ,
qui est X ↦ X ∗ + X, est surjective, puisque tout élément Y de Hermn s’écrit X ∗ + X avec
X = 21 Y ), qui est lisse (car polynomiale en les coefficients), de sorte que F (In ) = In et
F −1 (In ) = U(n), et Ker d FIn est le sous-espace vectoriel des matrices antihermitiennes,
● l’application F de l’ouvert U = {x ∈ Mn (C) ∶ det x ≠ −1} à valeurs dans Hermn ×R
définie par x ↦ (x∗ x, Im det x) (dont la différentielle en In , qui est X ↦ (X ∗ + X, Im tr X),
est surjective, puisque tout élément Y de Hermn s’écrit X ∗ + X avec X = 21 Y + Z où Z est
n’importe quelle matrice diagonale dont les coefficients diagonaux sont imaginaires purs),
de sorte que F (In ) = (In , 0) et F −1 (In , 0) = U ∩ SU(n), puisque que le déterminant de tout
élément x de SU(n) est de module 1, donc de partie imaginaire nulle si et seulement si
det x est égal à −1 (exclu si x appartient à U ) ou 1 ; de plus Ker d FIn est le sous-espace
vectoriel des matrices anti-hermitiennes de trace de partie hermitienne nulle, donc de trace
nulle puisque que la partie réelle de la trace d’une matrice anti-hermitienne est nulle.
Si x appartient à G = O(n) ou à G = O(p, q), alors (det x)2 = 1. Donc l’application
det ∶ G → {−1, 1} est continue et {1} est un ouvert du sous-espace topologique {−1, 1} de
R. Par conséquent, SO(n) et SO(p, q) sont ouverts dans O(n) et O(p, q) respectivement,
comme image réciproque d’ouvert par une application continue. Ceci montre la véracité
des lignes restantes du tableau ci-dessus. ◻
110
Un atlas de cartes Ck à valeurs dans Rn sur un espace topologique M est un ensemble
A de couples (U, ϕ) où ϕ ∶ U → W = ϕ(U ) est un homéomorphisme d’un ouvert U de M
sur un ouvert W de Rn , tel que les ouverts U des éléments (U, ϕ) de A recouvrent M , et
que pour tous les couples (U, ϕ) et (V, ψ) dans A , l’application
U V
ϕ ψ
ψ ○ ϕ−1
ϕ(U ) ψ (V )
Dans la définition ci-dessus, nous pouvons remplacer Rn par n’importe quel espace
vectoriel réel normé de dimension n. Nous ferons souvent l’abus de noter de la même
manière une application et sa restriction à une partie de son domaine de définition. Nous
utiliserons souvent par abus des familles indexées {(Ui , ϕi ) ∶ i ∈ I}, quitte à indexer les
atlas par eux-mêmes.
Un tel couple (Ui , ϕi ) (et l’application ϕi ) est appelé une carte (ou carte locale) de A
(ou de M par abus lorsque l’atlas A est sous-entendu), et une carte (locale) en x si x ∈ Ui ;
111
l’ouvert Ui est appelé le domaine de cette carte. L’application
ϕi ○ ϕ−1
j ∶ ϕj (Ui ∩ Uj ) → ϕi (Ui ∩ Uj )
ϕ′ ○ f ○ ϕ−1 ∶ ϕ(U ∩ f −1 (U ′ )) → ϕ′ (U ′ )
112
s’appelle l’application f lue dans les cartes (U, ϕ) et (U ′ , ϕ′ ).
L’application f est dite de classe Ck en un point x de M s’il existe des cartes (U, ϕ) et
(U , ϕ′ ) de M et M ′ en x et f (x) respectivement, telles que f (U ) ⊂ U ′ et que l’application
′
M f
M′
U U′
V ′
x f (x) V
ϕ
ϕ′
ψ ϕ(U ) ϕ′ (U ′ )
ϕ(x) ψ′
ϕ′ ○f ○ ϕ−1
ψ(V ) ○ ϕ−1 ψ ′ ○ ϕ′ −1
ψ ′ (V ′ )
ψ
ψ ′ ○ f ○ ψ −1
113
N
Sn
α x
pN (x)
pS (x)
Rn
π
2 −α
pS ○ p−1
N ∶ R − {0} → R − {0}
n n
x ↦ ∣∣x∣∣2
x
(qui est l’inversion par rapport à la sphère Sn−1 ), donc est un C∞ -difféomorphisme (invo-
lutif). Les ouverts Sn − {N } et Sn − {S} recouvrent Sn . Donc {(Sn − {i}, pi )}i∈{S,N } est un
atlas de cartes C∞ sur Sn . La structure standard de variété sur Sn est l’espace topologique
Sn (métrisable séparable comme toute partie de Rn+1 ) muni de l’atlas de cartes maximal
contenant {(Sn − {i}, pi )}i∈{S,N } .
Pour la culture (et pour justifier le terme « standard » ci-dessus), des résultats de Ker-
vaire et Milnor [KM] montrent que nombre κ(n) de classes d’isomorphisme de structures
de variété lisse sur l’espace topologique Sn pour n ≤ 18 est donné par le tableau suivant.
n ≤ 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18
κ(n) 1 28 2 9 6 992 1 3 2 16256 2 16 16
Exercice E.50. Vérifier que la structure de variété lisse sur l’espace topologique Sn définie
par cet atlas et celle définie par la structure de sous-variété lisse de Rn+1 sont égales.
(3) (Espaces projectifs réels) Soit n ∈ N. Rappelons que l’espace projectif réel de
dimension n est l’espace topologique quotient Pn (R) = R× /(Rn+1 − {0}) de Rn+1 − {0}
par l’action par homothéties du groupe multiplicatif R× , c’est-à-dire l’espace topologique
quotient (Rn+1 − {0})/ ∼ de l’ensemble des vecteurs non nuls de Rn+1 par la relation
d’équivalence « être colinéaire »
x∼y ⇐⇒ ∃ λ ∈ R× , x = λy .
Ui = {[x0 ∶ x1 ∶ . . . ∶ xn ] ∈ Pn (R) ∶ xi ≠ 0} .
114
Les parties Ui sont bien définies, elles sont ouvertes (car de préimage ouvertes par la
projection canonique Rn+1 − {0} → Pn (R)) et elles recouvrent Pn (R). L’application ϕi ∶
Ui → Rn définie par
x0 xi−1 xi+1 xn
[x0 ∶ x1 ∶ . . . ∶ xn ] ↦ ( ,..., , ..., )
xi xi xi xi
ϕj ○ ϕ−1 ̂ ̂j , . . . , un ) ∈ Rn ∶ ui ≠ 0}
i ∶ {(t0 , . . . , ti , . . . , tn ) ∈ R ∶ tj ≠ 0} → {(u0 , . . . , u
n
Voir la vidéo de Henri Paul de Saint-Gervais (images de Jos Leys, voix d’Etienne Ghys)
sur YouTube
https://www.youtube.com/watch?v=jrFOZHW2Dbc
pour une visualisation de la non-immersion ci-dessus (appelée le chapeau croisé), ainsi que
le dessin de droite ci-dessous.
https://www.youtube.com/watch?v=lEvJqGvY24c
115
pour une explication du plan projectif comme recollement d’un disque et d’un ruban de
Möbius, et la vidéo sur YouTube
https://www.youtube.com/watch?v=-SZgV_Iiq1Y
pour une explication de l’immersion du plan projectif correspondant aux deux dessins de
gauche ci-dessus (appelée la surface de Boy, elle a un unique point triple, et le lieu des
points au moins double est un bouquet de trois cercles), ainsi que le site
https://mathcurve.com/surfaces/boy/boy.shtml.
Travaux manuels : réaliser en origami une immersion du plan projectif réel !
(4) (Variétés quotients) Soit G un groupe discret agissant, par Ck -difféomorphismes,
librement et proprement sur une variété différentielle X de classe Ck .
Proposition 4.15. L’espace topologique quotient G/X admet une unique structure de
variété différentielle de classe Ck , telle que la projection canonique π ∶ X → G/X soit un
Ck -difféomorphisme local.
Sauf mention explicite du contraire, tout tel quotient G/X sera muni de cette structure
de variété Ck , dite de variété quotient.
Démonstration. Nous savons (voir la proposition 2.4) que l’espace topologique G/X est
séparé. Il est immédiat que G/X est à base dénombrable, car X l’est et la projection
canonique π est continue, ouverte (voir la partie 2.3) et surjective. Considérons l’ensemble
A des couples (π(V ), ϕ ○ (π∣V )−1 ) avec (V, ϕ) une carte locale d’un atlas de cartes 35 Ã
de X, telle que l’application π∣V ∶ V → π(V ) soit un homéomorphisme, et que gV ∩ V = ∅,
pour tout g dans G − {e}. Montrons que A est un atlas de cartes Ck sur G/X, appelé
l’atlas quotient de Ã.
V
g ϕ
U
π∣V
ψ π∣U
π (U ) π (V )
ψ (U ) ϕ ○ g −1 ○ ψ −1 ϕ(V )
En effet, d’une part, les domaines de cartes recouvrent bien G/X, par le théorème
2.6. D’autre part, si (π(U ), ψ ○ (π∣U )−1 ) est un autre tel couple, alors pour tout x dans
l’intersection V ∩ π −1 (π(U )), il existe un (unique) élément g dans G tel que, pour tout y
suffisamment proche de x, nous ayons gy = (π∣U )−1 ○ π∣V (y). L’application de transition
entre (π(V ), ϕ ○ (π∣V )−1 ) et (π(U ), ψ ○ (π∣U )−1 ) est donc, au voisinage de ϕ(x),
116
qui est de classe Ck .
La structure de variété Ck définie par cet atlas sur G/X convient. ◻
Exercice E.51. Montrer que la structure de variété quotient du tore Tn = Rn /Zn définie
par l’exemple (4) est C∞ -difféomorphe avec la structure de variété définie dans l’exemple
(1) à partir de la structure de sous-variété lisse des tores définie dans l’exercice E.49.
Montrer que la structure de variété lisse quotient de l’espace projectif Pn (R) = (Z/2Z)/Sn
définie par l’exemple (4) coïncide avec la structure de variété lisse définie dans l’exemple
(3).
Pour tout k dans N ∪ {∞}, un théorème de Whitney (voir par exemple [Hir]) montre
que toute variété Ck de dimension n > 0 admet un Ck -difféomorphisme sur une sous-variété
de R2n , et une immersion Ck dans R2n−1 . Comme tout sous-espace d’un espace séparé et à
base dénombrable l’est aussi, la condition imposée aux variétés différentielles d’être séparées
et à base dénombrable est donc nécessaire pour la validité du théorème de Whitney. En
appliquant le résultat ci-dessus aux espaces projectifs réels Pn (R), nous obtenons donc des
réalisations de ces espaces comme des sous-variétés de R2n . Ce résultat de Whitney est
optimal, car le plan projectif réel P2 (R) (qui est de dimension 2) ne se plonge pas dans
R3 (et l’espace projectif Pn (R) ne se plonge pas dans R2n−1 pour n ≥ 1), voir par exemple
[Hir, page 108].
Dans ces notes, nous ne démontrerons que le théorème 4.17 de plongement, qui utilise le
résultat préliminaire suivant permettant le passage du local au global en classe Ck . Comme
tout recouvrement ouvert d’une variété différentielle admet un recouvrement plus fin formé
de domaines de cartes, et par une démonstration analogue, la proposition 4.3 d’existence de
partition de l’unité s’étend pour donner des partitions de l’unité de classe Ck (c’est-à-dire
dont chaque application est de classe Ck ), pour k dans N ∪ {∞}.
Proposition 4.16. Soient k dans N ∪ {∞} et M une variété de classe Ck . Tout recou-
vrement ouvert de M admet une partition de l’unité de classe Ck qui lui est subordonnée.
◻
Théorème 4.17. Pour tout k dans N ∪ {∞} et toute variété compacte M de classe Ck ,
il existe m dans N et un Ck -difféomorphisme entre M et une sous-variété de classe Ck de
Rm .
117
4.7 Autres exercices
Exercice E.52. (1) Soit f ∶ R → R∗+ une application de classe C∞ . Notons
la surface de révolution autour de l’axe Oz engendrée par f . Pour tout x = x(z, θ) dans
X, montrer qu’il existe un voisinage ouvert U de x dans X et un voisinage ouvert V
de (0, 0, z) dans le plan R(− sin θ, cos θ, 0) + R(0, 0, 1) tels que la projection orthogonale
sur V soit un homéomorphisme de U dans V , dont la réciproque soit une immersion.
(2) Soit f ∶ Rn → R∗+ une fonction de classe C∞ . Notons
Alors par le théorème 4.7 de forme normale locale des submersions (en vérifiant bien l’ordre
des quantificateurs), il existe un paramétrage local ϕ en 0 tel que, au voisinage de 0, nous
ayons
Θ−1 ○ s ○ ϕ (x1 , . . . , xm ) = (x1 , . . . , xk ) .
De même, par le théorème 4.7 de forme normale locale des immersions (en vérifiant bien
l’ordre des quantificateurs), il existe un paramétrage local ψ en i(s(x)) = f (x) tel que
ψ(0) = f (x) et, au voisinage de 0, nous ayons
ψ −1 ○ i ○ Θ (x1 , . . . , xk ) = (x1 , . . . , xk , 0, . . . , 0) .
Donc f est de rang constant, et nous avons montré par la même occasion que la troisième
affirmation du théorème 4.7 découle des deux premières.
(2) Ceci découle, par des réductions analogues à celles de la question (1), du fait
que l’application linéaire (x1 , . . . , xm ) ↦ (x1 , . . . , xs , 0, . . . , 0) de Rm dans Rn , qui est
de rang constant s où s ≤ min{m, n}, est la composition de l’immersion linéaire de Rm
dans Rm+n−s définie par (x1 , . . . , xm ) ↦ (x1 , . . . , xm , 0, . . . , 0) et de la submersion linéaire
(y1 , . . . , ym+n−s ) ↦ (y1 , . . . , ys , ym+1 , . . . , ym+n−s ) de Rm+n−s dans Rn .
119
5 Théorème de Sard et théorie du degré
Fixons un élément k dans (N − {0}) ∪ {∞}, deux variétés M et N de classe Ck et de
dimension m et n respectivement, et une application f ∶ M → N de classe Ck .
Un point x de M est un point critique de f si f n’est pas une submersion en x. Un
point y de N est une valeur critique de f s’il existe un point critique x tel que f (x) = y. Un
point de N qui n’est pas une valeur critique de f est une valeur régulière de f . (Attention,
une valeur régulière n’est pas forcément une valeur, en fait tout point de N n’appartenant
pas à l’image de f est une valeur régulière !)
L’abondance des valeurs régulières vient du théorème de Sard (ou Sard-Brown ou
Morse-Sard) que nous montrerons dans la partie 5.1.
Soit U un ouvert de R. Si une application f ∶ U → R est de classe C1 , ses points
critiques sont les réels x ∈ U tels que f ′ (x) = 0, c’est-à-dire dont le graphe possède une
tangence horizontale en ce point. Donc y est une valeur critique si et seulement si la droite
horizontale R×{y} est tangente au graphe de f dans R×R. Le théorème de Sard impliquera
que presque toute droite horizontale n’est pas tangente au graphe d’une fonction C1 d’un
ouvert de R à valeurs dans R.
y
y = f (x)
valeur
critique
valeur
régulière
x
graphe possède une tangence horizontale en ce point. Le théorème de Sard impliquera que
presque tout plan horizontal R2 × {y} n’est pas tangent au graphe d’une fonction C2 d’un
ouvert de R2 à valeurs dans R.
L’intérêt des valeurs régulières est qu’elles permettent de construire des sous-variétés
par images réciproques, comme indiqué dans le résultat suivant qui découle de la partie
4.3.
Corollaire 5.1. Si y est une valeur régulière de f et si y ∈ f (M ), alors f −1 (y) est une
sous-variété Ck de M , de dimension m−n. En particulier, si f ∶ M → N est une submersion
Ck , alors f −1 (y) est une sous-variété Ck de M pour tout y dans N .
120
changements de variables. 37 Il n’y a en fait pas que les C1 -difféomorphismes qui préservent
les ensembles de mesure nulle, les applications localement lipschitziennes entre deux ouverts
de Rn sont absolument continues, comme le montre la démonstration du résultat suivant.
Lemme 5.2. Soient U un ouvert de RN et f ∶ U → Rn une application C1 . Alors l’image
par f d’une partie A de U de mesure de Lebesgue nulle est encore de mesure de Lebesgue
nulle.
Démonstration. Puisqu’une union dénombrable d’ensembles de mesure nulle est de me-
sure nulle, et puisque tout ouvert est réunion dénombrable de cubes fermées, il suffit de
montrer le résultat lorsque A est contenu dans un cube fermé C. Posons K = maxx∈C ∥dfx ∥.
Par le théorème des accroissements finis, l’application f est K-lipschitzienne sur C. Donc
l’image par f d’un cube contenu dans C de longueur de côté δ > 0 (de mesure δ ′ = δ n ) est
contenue dans un cube de longueur de côté Kδ (de mesure (Kδ)n = K N δ ′ ). Donc si B est
une réunion de cubes contenus dans C et contenant A, de mesure au plus > 0, alors la
mesure de f (B) est au plus K n . Donc f (A) est de mesure nulle. ◻
Soit N une variété de classe C1 et de dimension n. Une partie A de N est dite de
mesure nulle si pour toute carte locale (U, ϕ) de N , la partie ϕ(A ∩ U ) de Rn est de mesure
nulle pour la mesure de Lebesgue de Rn .
Remarques. (1) Il n’est pas besoin de vérifier cette propriété pour toutes les cartes
locales de N . Tout C1 -difféomorphisme entre ouverts de Rn préserve les ensembles de
mesure nulle, par le théorème de changement de variable pour la mesure de Lebesgue.
Donc une partie A de N est de mesure nulle si et seulement si pour tout x dans A, il existe
une carte locale (U, ϕ) de N en x telle que la partie ϕ(A ∩ U ) de Rn soit de mesure nulle
pour la mesure de Lebesgue de Rn .
De même, si (Ui , ϕi )i∈I est un atlas de cartes locales de la variété N (pas forcément
l’atlas maximal de N , et qu’en pratique on tâchera de prendre le plus simple possible),
alors une partie A de N est de mesure nulle si et seulement si pour tout i dans I, la partie
ϕi (A ∩ Ui ) de Rn est de mesure nulle pour la mesure de Lebesgue de Rn .
(2) Notons qu’une sous-variété de classe au moins C1 et de codimension au moins 1
d’une variété N est de mesure nulle dans N , par la définition 4.5 (1) des sous-variétés par
redressement.
(3) Notons que le complémentaire d’une partie de Rn , de mesure nulle pour la mesure de
Lebesgue de Rn , est dense dans Rn . Puisque la densité d’une partie d’un espace topologique
se vérifie localement, le complémentaire de toute partie de mesure nulle de N est donc dense
dans N .
37. Si ϕ ∶ U → V est un C1 -difféomorphisme entre ouverts de Rn et si λ est la mesure de Lebesgue de
R , alors, pour λ-presque tout x ∈ U ,
n
dϕ∗ λ
(x) = ∣jϕx ∣ .
dλ
La mention « λ-presque tout » vient du fait que les dérivées de Radon-Nikodym, lorsqu’elles existent, ne
sont définies que presque partout modulo les mesures concernées (rappelons qu’elles doivent être σ-finies).
La formule précédente dit en particulier que dans notre cas, il existe un représentant (de la classe d’égalité
presque partout) qui est continu, donc pour lequel la formule est vraie pour tout x ∈ U . Par le théorème
de Radon-Nikodym (voir par exemple [Coh, Theo. 4.2.2]), nous avons donc
∫ f ∣jϕ∣ dλ = ∫ f ○ ϕ dλ .
V U
121
Théorème 5.3. (Théorème de Sard) Soient M et N deux variétés de classe Ck de
dimensions m et n, et f ∶ M → N une application de classe Ck , où k ∈ (N − {0}) ∪ {∞}.
Si nous avons k > max{0, m − n}, alors l’ensemble des valeurs critiques de f est de mesure
nulle dans N , et en particulier l’ensemble des valeurs régulières est dense dans N .
Nous ne traiterons que le cas où k = ∞ (comme d’ailleurs l’ouvrage [Hir, page 69], ainsi
que le très joli petit livre [Mil1] dont nous suivrons la démonstration). Le cas où m < n
particulièrement, 38 , ainsi que le cas m = n, admet une démonstration plus élémentaire. La
condition sur la régularité est nécessaire (voir par exemple [Whi] pour un contre-exemple
avec m = 2, n = 1, r = 1). Le résultat dit en particulier qu’il n’existe pas de courbe de Peano
de classe C1 . Une courbe de Peano est une application continue de [0, 1] dans R2 dont
l’image est d’intérieur non vide (voir par example [Sag]). Des courbes de Peano remplissant
le carré unité peuvent être construites explicitement en utilisant des développements p-
adiques des éléments de [0, 1] ou par des processus de passage à la limite de courbes,
comme décrit par les dessins suivants, où le k-ème segment parmi les N (n) segments de
l’étape n est paramétré de manière affine par l’intervalle [ Nk−1 (n) , N (n) ], pour 1 ≤ k ≤ N (n).
k
122
Notons C l’ensemble des points critiques, et pour tout i ∈ N − {0}, notons Ci l’ensemble
des points de U où toutes les dérivées partielles de f d’ordre au plus i s’annulent. Nous
avons C ⊃ C1 ⊃ C2 ⊃ C3 . . . .
Étape 1. Montrons que f (C − C1 ) est de mesure nulle.
Si n = 1, alors C = C1 . Supposons donc n ≥ 2. Montrons que pour tout x ∈ C−C1 , il existe
un voisinage ouvert V de x dans Rm tel que f (V ∩ C) est de mesure nulle. Puisque C − C1
est contenu dans la réunion d’une famille dénombrable de tels voisinages par séparabilité,
ceci montrera le résultat.
Notons f1 , . . . , fn les composantes de f . Puisque x ∉ C1 , il existe une dérivée partielle,
∂f1
disons ∂x 1
qui ne s’annule pas en x. Considérons l’application lisse g ∶ U → Rm définie par
x = (x1 , x2 , . . . , x′m ) ↦ (f1 (x′ ), x′2 , . . . , x′m ), qui est donc une immersion au point x. Par
′ ′ ′
123
avons
∥f (x + h) − f (x)∥∞ ≤ c ∥h∥k+1
∞ . (4)
Soit δ la longueur des côtés de Q et pour tout N ∈ N − {0}, subdivisons le cube Q en N m
sous-cubes (de longueur des côtés δ/N ). Soit Q′ un cube de la subdivision qui contient un
point x ∈ Ck . Alors tout élément de Q′ s’écrit x + h avec ∥h∥∞ ≤ δ/N . Donc par la formule
(4), l’image f (Q′ ) est contenue dans un cube de longueur de côtés c′ /N k+1 où c′ = 2 c δ k+1
est une constante. Par conséquent, f (Ck ∩ Q) est contenu dans une réunion d’au plus N m
cubes dont chacun est de volume au plus (c′ /N k+1 )n . Donc f (Ck ∩ Q) est de volume au
plus (c′ )n N m−(k+1)n , qui tend vers 0 quand N → +∞ si k est assez grand. Donc f (Ck ∩ Q)
est de mesure nulle, ce qui montre l’étape 3, et conclut la démonstration du lemme 5.4, car
si k est assez grand, alors
k−1
f (C) ⊂ f (C − C1 ) ∪ ( ⋃ f (Ci − Ci+1 ) ) ∪ f (Ck )
i=1
Rp+ = {(x1 , . . . , xp ) ∈ Rp ∶ xp ≥ 0} .
∂ Rp+ = {(x1 , . . . , xp ) ∈ Rp ∶ xp = 0} .
La notion de sous-variété à bord est en particulier très utile pour des arguments de
découpage de sous-variétés le long de sous-variétés de codimension 1 ou de recollement de
sous-variétés à bord (recoller deux sous-variétés le long de leur bord, lorsque c’est possible,
peut permettre d’obtenir des sous-variétés sans bord), voir par exemple la partie 7.3 pour
le cas des surfaces. Une notion aussi très utile en pratique, mais traditionnellement oubliée
des enseignements, est celle des sous-variétés à coins de Rn , définies, de manière analogue
124
à celle qui suit des sous-variétés à bord, comme étant localement modelées sur le cube
standard de dimension p
Cubp = [0, 1]p
(ou, de manière équivalente, sur le quartier d’espace standard de dimension p
125
Notons que pour toute sous-variété à bord M de Rn de classe Cr et de dimension p, les
parties ∂M et M − ∂M de Rn sont des sous-variétés de Rn de classe Cr et de dimension
p − 1 si ∂M ≠ ∅ et p respectivement.
Nous définissons comme pour le cas sans bord la notion d’application f de classe Ck
entre sous-variétés à bord M et N de classe Cr pour k ∈ (N − {0}) ∪ {∞} et k ≤ r, d’espace
tangent T M (en notant que pour tout x ∈ ∂M , Tx (∂M ) est un hyperplan de Tx M ),
d’application tangente T f ∶ T M → T N , de submersion, immersion, point critique, valeur
critique, valeur régulière. Le théorème de Sard 5.3 s’étend au cas des sous-variétés à bord.
Par exemple, toute sous-variété de Rn est une sous-variété à bord de Rn , et une sous-
variété à bord de Rn est une sous-variété de Rn si et seulement si son bord est vide. Notons
que Rp+ est une sous-variété à bord de Rp , de bord égal à ∂ Rp+ . Tout intervalle de R est
une sous-variété à bord de R, et le bord d’un intervalle [a, b] où a < b est {a, b}. La boule
unité fermée Bn+1 est une sous-variété à bord de Rn+1 , lisse et de dimension n + 1, dont le
bord est la sphère Sn .
Soit M une sous-variété à bord de Rm . Si N est une sous-variété de Rn , alors M × N
est une sous-variété à bord de Rm+n . Mais si N est une sous-variété à bord de Rn , et si les
bords de M et de N sont non vide, alors M × N n’est pas une sous-variété à bord de Rm+n
(il y a aussi des « coins », voir ci-dessus).
Exercice E.55. Montrer, par une démonstration similaire à celle du corollaire 5.1, que si
M est une sous-variété Cr de Rn de dimension p, si f ∶ M → R est une application Cr et
si y est une valeur régulière de f , alors {x ∈ M ∶ f (x) ≤ y} est une sous-variété à bord de
Rn , lisse et de dimension p, dont le bord est l’hypersurface f −1 (y) de M .
Proposition 5.6. Soient M et N des sous-variétés à bord de classe Cr , de dimension m
et n respectivement, avec ∂N = ∅, et f ∶ M → N une application de classe Cr . Soit y ∈ N
une valeur régulière de f et de f ∣∂M ∶ ∂M → N . Alors f −1 (y) est une sous-variété à bord
de classe Cr , de dimension m − n et
∂(f −1 (y)) = ∂M ∩ (f −1 (y)) .
Démonstration. Puisque le problème est local, nous pouvons supposer que M = Rm + et
−1
N = R . Le résultat est immédiat si n = 0, nou supposons donc n ≥ 1. Soit x ∈ f (y). Si x
n
126
car n ≥ 1. Donc le noyau de df̃z = dfz n’est pas contenu dans Rm−1 × {0}, une contradiction.
Par conséquent,
est, par l’exercice E.55, une sous-variété à bord de classe Cr , de bord égal à p−1 (0), ce qui
montre le résultat. ◻
Le résultat suivant est un résultat de classification des sous-variétés lisses à bord de
dimension 1. À difféomorphisme près, exactement quatre d’entre elles sont connexes, [0, 1],
[0, 1[ , ]0, 1[ et S1 . Nous donnerons un résultat de classification des surfaces compactes lisses
dans la partie 7.3.
Théorème 5.7. Toute sous-variété à bord, de dimension 1 et lisse, est C∞ -difféomorphe
à une somme disjointe dénombrable de copies d’intervalles de R et de cercles.
Démonstration. Par la séparabilité des sous-variétés à bord, il suffit de montrer que toute
sous-variété à bord M de Rn , de dimension 1, connexe et lisse, est C∞ -difféomorphe à un
intervalle de R ou au cercle S1 .
Nous munissons Rn de sa norme euclidienne usuelle. Soient I un intervalle non trivial
(non vide, non réduit à un point) de R et f ∶ I → Rn une application de classe C1 . Nous
dirons que f est une courbe paramétrée par longueur d’arc si ∥f˙(s)∥ = 1.
Lemme 5.8. Si f ∶ I → Rn est une immersion de classe C1 , alors f admet un reparamé-
trage par longueur d’arc, unique à isométrie près à la source.
Ceci signifie qu’il existe un intervalle J de R et un C1 -difféomorphisme ϕ ∶ I → J tels
que l’application f̃ = f ○ ϕ−1 ∶ J → Rn soit une courbe paramétrée par longueur d’arc, et
que si (J ′ , ϕ′ ) est un autre tel couple, alors il existe une isométrie ι de R telle que J ′ = ι(J)
et ϕ′ = ι ○ ϕ.
Démonstration. Notons a < b les deux extrémités de I (qui chacune peut appartenir ou
pas à I, et peut valoir respectivement −∞ et +∞). Soit s0 ∈ I. Notons a′ = ∫s0 ∥f˙(s)∥ ds et
a
β
α
δ J
γ
a b c d
I
f (x)
x
r(x)
Sn
le dénominateur de u ne s’annule pas, et le terme sous la racine carrée est strictement positif, car sinon
∥x∥ = 1 et ⟨x, u⟩ = 0, donc ⟨x, f (x)⟩ = ⟨x, x⟩, et par le cas d’égalité dans l’inégalité de Cauchy-Schwarz, nous
avons f (x) = x, une contradiction.
129
la sous-variété lisse compacte à bord Bn+1 sur son bord ∂Bn+1 = Sn , ce qui contredit le
lemme 5.11. ◻
Maintenant, nous terminons la démonstration du théorème 5.10 du point fixe de Brou-
wer par un processus classique d’approximation (ou de régularisation) de fonctions conti-
nues. Supposons par l’absurde qu’il existe une application continue g ∶ Bn+1 → Bn+1 sans
point fixe. Par continuité et compacité, nous avons = 13 minx∈Bn+1 ∥g(x) − x)∥ > 0. Par le
théorème d’approximation de Stone-Weierstrass (voir par exemple [Pau2, §5.6]), il existe
une fonction polynomiale (donc lisse) P ∶ Rn+1 → Rn+1 telle que
L’application f = 1+
1
P est lisse et envoie Bn+1 dans Bn+1 . De plus, par l’inégalité triangu-
laire inverse, pour tout x ∈ Bn+1 , nous avons
1
∥f (x) − x∥ ≥ ( − ∥P (x) − g(x)∥ + ∥g(x) − x∥ − ∥x − (1 + )x∥)
1+
1
≥ (− + 3 − ) > 0 .
1+
Donc f n’admet pas de point fixe, ce qui contredit le lemme 5.12. ◻
+
+
−1
131
M est orientable, en munissant, pour tout x ∈ U , l’espace tangent Tx U de l’orientation de
Tx M = Tx U , et sera, sauf mention explicite du contraire, munie de cette orientation.
(2) Si M1 et M2 sont deux sous-variétés lisses et orientées (sans bord, même si l’une
des deux peut en avoir, voir le commentaire avant l’exercice E.55), alors la sous-variété
produit M1 × M2 est orientable. Elle sera orientée par le choix de l’orientation produit sur
T(x,y) (M1 × M2 ) = Tx M1 × Ty M2 , et alors appelée la sous-variété orientée produit.
(3) Si M est une sous-variété orientée lisse, si G est un groupe discret agisssant sur M
proprement et librement par C∞ -difféomorphismes préservant l’orientation, alors la variété
quotient G/M , réalisée de manière indifférente comme une sous-variété par le théorème
de plongement de Whitney, est une sous-variété lisse orientable, et orientée par l’unique
orientation telle que la projection canonique M → G/M (qui est un C∞ -difféomorphisme
local, voir la proposition 4.15) préserve l’orientation.
(4) Un point important est qu’alors que tout espace vectoriel réel de dimension finie,
ainsi que tout ouvert de Rn , admet une orientation, il existe des sous-variétés lisses qui
ne sont pas orientables. C’est le cas par exemple du ruban de Möbius, qui est la variété
quotient de R2 par l’action libre et propre du groupe Z, où 1 ∈ Z agit par (x, y) ↦ (x+1, −y).
Le plan projectif réel et la bouteille de Klein, qui contiennent tous deux des ouverts qui
sont difféomorphes au ruban de Möbius, ne sont pas orientables non plus, par l’exemple
(1). Voir pour illustration le site de Henri Paul de Saint Gervais
http://analysis-situs.math.cnrs.fr/Quelques-surfaces-non-orientables.html .
Exercice E.56. (1) Montrer que la sphère Sn est orientable. Montrer que l’orientation du
bord du disque B2 par la normale sortante munit le cercle S1 de l’orientation dans le sens
trigonométrique.
(2) Montrer que le ruban de Möbius n’est pas orientable. 45 Plus généralement, montrer
que si une sous-variété M est recouverte par les images de deux paramétrages locaux (W, ϕ)
45. Application pratique : le titre du film « Möbius » d’Éric Rochant en 2013, avec Cécile de France
et Jean Dujardin, est-il vraiment justifié ? Pour comprendre qu’une double identité apparente peut ne
représenter qu’une face d’une même personalité, relire l’œuvre de Jean Giraud.
132
et (W ′ , ϕ′ ) tels que le jacobien de l’application de changement de paramétrage local
deg(f, y) = ∑ εf (x) .
x∈f −1 (y)
De manière compatible avec la convention usuelle des sommes vides, si y ∈ N est une valeur
régulière de f qui n’appartient pas à l’image de f , posons deg(f, y) = 0.
Lemme 5.13. L’entier deg(f, y) est défini pour y dans un ouvert dense de N . Il est
localement constant dans cet ouvert dense. Si l’orientation de M (respectivement N ) est
changée en son orientation opposée, alors l’entier deg(f, y) est changé en son opposé.
Démonstration. La densité de l’ensemble des valeurs régulières découle du théorème de
Sard 5.3. L’ensemble des points critiques est fermé par la semi-continuité inférieure du
rang, donc est compact dans M . Par la continuité de f (à valeurs dans un espace séparé),
l’ensemble des valeurs critiques de f est compact, donc son complémentaire est ouvert dans
N.
Pour tout x ∈ f −1 (y), l’application f est un difféomorphisme d’un voisinage ouvert
Ux de x dans M à valeurs dans un voisinage ouvert Vx de y dans N . Puisque la partie
xf −1 (y) est finie, nous pouvons supposer que les Ux sont deux à deux disjoints et que les
orientations de M et N dans les Ux et les Vx sont cohérentes. Si
V =( ⋂ Vx ) − f (M − ⋃ Ux )
x∈f −1 (y) x∈f −1 (y)
46. Cette hypothèse est cruciale, sinon il n’est possible de définir le degré qu’en tant qu’élément de Z/2Z,
voir par exemple [Mil1].
133
alors V est un ouvert de N et pour tous les y ′ ∈ V et x ∈ f −1 (y), la fibre f −1 (y ′ ) est contenue
dans ⋃z∈f −1 (y) Uz , elle rencontre Ux en un et un seul point x′ et nous avons εf (x) = εf (x′ ).
La seconde affirmation en découle.
La dernière affirmation est immédiate. ◻
Nous allons en fait voir que l’entier deg(f, y) est constant sous les hypothèses sur M et
N du début de la partie 5.5, et que c’est un invariant homotopique de f . Nous le noterons
deg f , et nous l’appellerons le degré de f .
Démonstration. Notons que M × [0, 1] est une sous-variété lisse à bord, donc demander
qu’une homotopie entre deux applications lisses de M dans N soit de classe C∞ fait sens. La
relation « être C∞ -homotope à » que nous noterons ∼∞ , reste une relation d’équivalence. En
effet, les formules données dans la partie 1.1 pour montrer que la relation d’homotopie est
réflexive et transitive restent valables pour ∼∞ (les homotopies constantes h ∶ (x, s) ↦ f (x)
et les homotopies inverses h ∶ (x, s) ↦ h(x, 1 − s) d’une homotopie h de classe C∞ sont
encore de classe C∞ ). Mais par contre, la formule donnée pour montrer la transitivité ne
fonctionne plus (elle fournit des homotopies seulement C∞ par morceaux), et doit être
adaptée.
h̃ (x, 2s) si 0 ≤ s ≤ 21
(x, s) ↦ { ̃1
h2 (x, 2s − 1) si 12 ≤ s ≤ 1 ,
Lemme 5.15. Supposons que la sous-variété orientée M soit le bord d’une sous-variété
lisse compacte orientée à bord W et que f soit la restriction à M d’une application lisse
F ∶ W → N . Alors pour toute valeur régulière y de f , nous avons deg(f, y) = 0.
134
5.6 montre que F −1 (y) est une sous-variété à bord de dimension 1 de W , et f −1 (y) =
F −1 (y) ∩ ∂W . Par le théorème de classification 5.7, la préimage F −1 (y) est une union finie
de cercles et d’arcs, tels que si A est une composante connexe de F −1 (y) qui est un arc,
alors ∂A ⊂ ∂W , par la proposition 5.6. Montrons que ∑a∈∂A εf (a) = 0, ce qui conclut par
une sommation sur les composantes connexes de F −1 (y) qui sont des arcs.
Munissons A de l’orientation définie par celles de W et N de la manière suivante. Pour
tout z ∈ A, soit v0 un vecteur tangent non nul en z à la sous-variété A, complété en une
base (v0 , v1 , v2 , . . . , vn ) positive de Tz W (qui est de dimension au moins 2, c’est possible
quitte à remplacer v1 par −v1 ). L’application tangente de F en z induit un isomorphisme
linéaire de Tz W /Tz A dans Ty N . Nous demandons que (v0 ) soit une base positive de Tz A
si et seulement si l’image par Tz F de (v1 , . . . , vn ) soit une base positive de Ty N , ce qui ne
dépend pas du choix de (v1 , . . . , vn ).
v0
z
a+
A a−
M = ∂W
Or par le lemme 5.16 appliqué avec g = φ ○ f , qui est C∞ -homotope à f , nous avons
deg(φ ○ f, y) = deg(f, y) .
Comme φ(z) = y, nous avons deg(f, z) = deg(f, y), et la première assertion du théorème
5.14 en découle. La seconde assertion découle alors du lemme 5.16, car l’intersection de
deux ouverts denses (les ensembles des valeurs régulières de f et de g) de N est non vide.
◻
Exemples. (1) Toute application constante de M dans N est de degré nul. Plus généra-
lement, toute application f lisse non surjective de M dans N est de degré 0, puisque tout
élément de N − f (M ) est une valeur régulière de f .
(2) Nous avons deg(id) = 1. Si M, N, P sont des sous-variétés (à bord vide) compactes
lisses orientées et connexes de mêmes dimensions, si f ∶ M → N et g ∶ N → P sont des
applications lisses, alors
deg(g ○ f ) = (deg g)(deg f ) .
Ceci se montre en utilisant la définition même du degré, en remarquant que pour toute
valeur régulière z de g tel que tout point de g −1 (z) soit une valeur régulière de f (qui existe
car l’ensemble des valeurs régulières est ouvert et dense par le lemme 5.13), nous avons
une réunion disjointe (g ○ f )−1 (z) = ⋃ f −1 (y).
y∈g −1 (z)
136
Démonstration. Pour tout n ∈ N, l’application S2n+1 → T S2n+1 ⊂ Cn+1 × Cn+1 définie par
z ↦ (z, i z) est un champ de vecteurs lisse ne s’annulant pas sur la sphère de dimension
impaire S2n+1 = {(z0 , . . . , zn ) ∈ Cn+1 ∶ ∣z0 ∣2 + ⋅ ⋅ ⋅ + ∣zn ∣2 = 1}.
Pour tout n ∈ N, si f ∶ x ↦ (x, v(x)) est une application de S2n dans T S2n ⊂ R2n × R2n ,
qui est un champ de vecteurs lisse sur S2n ne s’annulant pas, alors, l’application de S2n ×
[0, 1] dans S2n définie par
v(x)
(x, s) ↦ x cos(πs) + sin(πs) ,
∥v(x)∥
qui est bien à valeurs dans Sn car v(x) est orthogonal à x, est une homotopie lisse entre
l’identité x ↦ x en s = 0 et l’antipodie x ↦ −x en s = 1, ce qui est impossible par l’exemple
(5) ci-dessus. ◻
Remarque. Nous n’avons défini le degré que pour les sous-variétés de même dimension au
moins 1. Il est possible de le définir aussi en dimension 0, pour les amateurs de conventions.
Soient M et N deux variétés de dimension 0, munies d’une orientation ηM ∶ M → {±1} et
ηN ∶ N → {±1}. Notons que toute application f de M dans N est de classe C∞ , et tout point
de M est un point régulier de f (l’application linéaire nulle entre deux espaces vectoriels
nuls est surjective !). Donc tout point de N est une valeur régulière. Nous pouvons définir
le degré de f en un point y ∈ N par
(qui ne dépend pas de y si N est connexe, car alors N est réduite à {y}). Il vérifie encore
que
deg(g ○ f, g(y)) = deg(g, g(y)) deg(f, y)
pour tout y ∈ N et toute application g ∶ N → P où P est une variété de dimension 0, et que
deg(f, y) = 0
pour tout y ∈ N si M est le bord d’une sous-variété lisse compacte orientée à bord W de
dimension 1 et si f est la restriction à M d’une application lisse F ∶ W → N (qui est alors
constante sur chaque composante connexe de W ).
137
6 Théorie de Morse
Le but de cette partie est de donner une description homotopique des sous-variétés
différentielles. Nous donnons un exemple dans ce préambule afin de comprendre le che-
minement que nous allons prendre. Soient p, m ∈ N avec p ≤ m. Nous fixons dans cette
partie une sous-variété différentielle lisse M de dimension p dans Rm , et une application
f ∶ M → R de classe Cr , avec r ∈ (N − {0, 1}) ∪ {∞}, parfois appelée fonction de hauteur. Il
est important que r ≥ 2, mais le seul cas à garder en tête est r = ∞ (surtout en première
lecture), cela évite des problèmes de perte de régularité.
Pour tout a ∈ R, nous notons (en étant bien conscient du fait que cela dépende de la
fonction f fixée)
M=a = f −1 (a) ,
appelé le niveau de M de hauteur a, et
M≤a = {x ∈ M ∶ f (x) ≤ a} ,
appelé le sous-niveau de M de hauteur a. Un niveau M=a est dit critique si a est une
valeur critique de f , et régulier sinon. Le but est de décrire la sous-variété M en décrivant
comment changent les niveaux M=a et sous-niveaux M≤a de M , lorsque a parcours R en
croissant.
Comme vu dans l’exercice E.55, si a ∈ R est une valeur régulière de f , alors M≤a est
une sous-variété à bord de classe Cr , de bord la sous-variété M=a = f −1 (a) de classe Cr .
Par exemple, soit f ∶ T2 → R la fonction de hauteur définie par (x, y, z) ↦ z sur un tore
T posé sur un plan horizontal. Elle est C∞ , car c’est la restriction à une sous-variété de
2
138
unité fermée de Rn , l’espace topologique M≤t1 + est, à homéomorphisme près, obtenu à
partir de M≤t1 − par recollement X ∪f Y (au sens de l’exemple (5) de l’appendice A.2)
d’une anse X = B1 × B1 sur Y = M≤t1 − par une application continue f ∶ B1 × ∂B1 → ∂Y ,
qui est même un homéomorphisme sur son image.
X = B1 × B1
X ∪f Y
Y = M≤t1 −
Le but de cette partie est de généraliser une telle description à toutes les sous-variétés
lisses M .
∀ X, Y ∈ Rp , Hw g(X, Y ) = d2 gw (X)(Y ) .
∂2g
Hessw g = ( (w)) .
∂xi ∂xj 1≤i,j≤p
50. Rappelons (voir l’appendice C) que la différentielle de l’application dg ∶ W → L (Rp , R) définie par
x ↦ dfx est appelée la différentielle seconde de g, notée d2 g ∶ W → L (Rp , L (Rp , R)), et que la forme
bilinéaire d2 gw est symétrique pour tout w ∈ W , après l’identification usuelle de L (Rp , L (Rp , R)) et de
l’espace vectoriel L (Rp , Rp ; R) des formes bilinéaires sur Rp par l’application f ↦ {(x, y) ↦ f (x)(y)}.
51. Rappelons qu’une forme bilinaire symétrique B ∶ E × E → R sur un espace vectoriel E de dimension
finie sur un corps K est non dégénérée si son noyau ker B = {X ∈ E ∶ ∀Y ∈ E, B(X, Y ) = 0} est réduit à
{0}.
139
En particulier, la forme bilinéaire symétrique Hw g est non dégénérée si et seulement si la
matrice hessienne Hessw g est inversible. Si V est un ouvert de Rp , si v ∈ V , si h ∶ V → W
est une application lisse telle que w = h(v) soit un point critique de g, alors 52
Hessv (g ○ h) = t
(Jhv ) (Hessw g) (Jhv ) ,
En particulier, si ∂g
∂xi
(h(v)) = 0 pour 1 ≤ i ≤ m, alors
53. Si ψ ∶ W ′ → M est un autre paramétrage local en x, notons h = ψ −1 ○ϕ, qui est un C∞ -difféomorphisme
d’un voisinage ouvert de ϕ−1 (x) sur un voisinage ouvert de ψ −1 (x). Alors, en utilisant la formule (5) pour
la troisième égalité, nous avons
Hϕ−1 (x) (f ○ ϕ)((Tϕ−1 (x) ϕ)−1 (X), (Tϕ−1 (x) ϕ)−1 (Y ))
= Hh−1 (ψ−1 (x)) (f ○ ψ ○ h)((Th−1 (ψ−1 (x)) ψ ○ h)−1 (X), (Th−1 (ψ−1 (x)) ψ ○ h)−1 (Y ))
= Hψ−1 (x) (f ○ ψ)((Th−1 (ψ−1 (x)) h) ○ (Th−1 (ψ−1 (x)) ψ ○ h)−1 (X), (Th−1 (ψ−1 (x)) h) ○ (Th−1 (ψ−1 (x)) ψ ○ h)−1 (Y ))
= Hψ−1 (x) (f ○ ψ)((Tψ−1 (x) ψ)−1 (X), (Tψ−1 (x) ψ)−1 (Y )) .
Ceci montre bien l’indépendance de la forme forme hessienne Hx f en le paramétrage local.
140
Remarquons que si p est la dimension de M , alors k ′ = p − k et
Ind(x) ∈ {0, . . . , p} .
∂ f n
∂ n (f ○ ϕ)
= ○ ϕ−1 ∶ ϕ(U ) → R (8)
∂xi1 . . . ∂xin ∂xi1 . . . ∂xin
(qui dépend du choix du paramétrage local). Ainsi, x est un point critique de f si et
seulement si ∂x∂f
1
(x) = ⋅ ⋅ ⋅ = ∂x
∂f
m
(x) = 0 et il est non dégénéré si et seulement si la matrice
hessienne
∂2f
Hessx f = ( (x))
∂xi ∂xj 1≤i,j≤p
(qui dépend du choix du paramétrage local) est inversible, cette inversibilité ne dépendant
pas, elle, du choix du paramétrage local en x.
Exemples. (1) Le point (0, 0) de la courbe lisse M d’équation y = x3 dans le plan
R est un point critique isolé dégénéré pour la fonction de hauteur f ∶ (x, y) ↦ y. Le point
2
(0, 0) de la courbe lisse M d’équation y = e− x2 sin x1 dans le plan R2 est un point critique
1
non isolé dégénéré pour la fonction de hauteur f ∶ (x, y) ↦ y. Le point (0, 0, 0) de la surface
lisse M d’équation z = x2 dans l’espace R3 est un point critique non isolé dégénéré pour
la fonction de hauteur f ∶ (x, y, z) ↦ z. Le point (0, 0, 0) de la surface lisse M d’équation
z = x2 y 2 dans l’espace R3 est un point critique isolé dégénéré pour la fonction de hauteur
f ∶ (x, y, z) ↦ z.
y y z
x x x
(2) Dans les dessins qui suivent, représentant diverses sous-variétés M de R3 munies
d’un point critique non dégénéré isolé, la fonction de hauteur f est la fonction de troisième
coordonnée (x1 , x2 , x3 ) ↦ x3 .
S = (0, 0, −1) point critique N = (0, 0, 1) point critique 0 = (0, 0, 0) point critique
non dégénéré de M = S2 non dégénéré de M = S2 non dégénéré de M d’équation
Ind(S ) = 0 Ind(N ) = 2 z = x2 − y 2 , où Ind(0) = 1
141
Le dernier exemple, dit de la selle de cheval, est typique d’un comportement local d’un
point critique non dégénéré, à changement de coordonnées à la source près, comme le
montre le résultat suivant.
Lemme 6.2. Si A est une matrice diagonale de taille n, de coefficients diagonaux dans
cet ordre a1 , a2 , . . . , an ∈ {−1, +1}, alors il existe un voisinage ouvert U de A dans Symn et
une application P ∶ U → GLn (R) de classe C∞ telle que pour tout B ∈ U , nous ayons
t
P (B) B P (B) = A .
142
Notons que, par le théorème fondamental de l’intégration et puisque f (0) = 0 et ∂xj (0)
∂f
=
0, nous avons, pour tout x ∈ V ,
1 p 1 ∂f
d
f (x) = ∫ (f (tx)) dt = ∑ ( ∫ (tx) dt)xj
0 dt j=1 0 ∂xj
p 1 1 ∂2f
= ∑ (∫ ∫ (stx) dt ds)xi xj .
i,j=1 0 0 ∂xi ∂xj
Il existe donc une application x ↦ Bx = (bij (x))1≤i,j≤p de classe Cr−2 de V dans Symn telle
que pour tout x ∈ M , nous ayons
p
f (x) = ∑ bij (x) xi xj .
i,j=1
Exemples. (1) Une submersion f ∶ M → R de classe C2 , qui n’a pas de point critique, est
une fonction de Morse.
(2) La fonction de hauteur f ∶ (x, y, z) ↦ z sur le tore T2 décrite en début de chapitre 6
est une fonction de Morse de classe C∞ , ayant un point critique x0 non dégénéré d’indice 0,
deux points critiques x1 , x2 non dégénérés d’indice 1 et un point critique x3 non dégénéré
d’indice 2.
Nous allons étudier dans la partie suivante le problème de l’existence de fonctions de
Morse : elles sont très nombreuses ! Nous reviendrons sur une démonstration de l’existence,
par une méthode complètement différente, dans la partie 8.3.
143
6.2 Existence de fonctions de Morse lisses
Nous renvoyons à [Hir] pour tout complément sur cette partie.
Commençons cette partie par des éléments d’algèbre linéaire. Soient E un espace vec-
toriel réel de dimension finie e, et B et C des sous-espaces vectoriels de E de dimension
b et c respectivement. Nous dirons que B et C sont transverses dans E, et nous noterons
B ⋔ C, si
E =B+C .
Nous ne demandons pas que cette somme soit une somme directe.
Remarque 6.4. Cette condition, qui est symétrique en B et C, est équivalente au fait de
demander que l’inclusion de B dans E induise une surjection de B dans l’espace vectoriel
quotient E/C.
Exemples. (1) Si b + c < e, alors B et C ne sont pas transverses.
(2) Si b + c = e, alors B et C sont transverses si et seulement si E est la somme directe
de B et de C, ou, de manière équivalente, si B ∩ C = {0}, ou encore, toujours de manière
équivalente, si l’inclusion de B dans E induit une bijection de B dans l’espace vectoriel
quotient E/C.
(3) Si e ≥ 2, deux hyperplans vectoriels dans E sont transverses si et seulement s’ils
sont distincts.
Soient M et N deux sous-variétés lisses, et A une sous-variété lisse de N . Nous dirons
qu’une application f ∶ M → N de classe C1 est transverse à A si pour tout x ∈ M tel que
f (x) ∈ A, les sous-espaces vectoriels Tf (x) A et Tx f (Tx M ) de l’espace vectoriel Tf (x) N sont
transverses, c’est-à-dire si nous avons
Pour toute partie P de M , nous dirons que f ∈ C1 (M, N ) est transverse en A en tout point
de P , et nous noterons f ⋔P A (et f ⋔y A si P = {y}), si pour tout x ∈ P tel que f (x) ∈ A,
nous avons Tf (x) N = Tf (x) A + Tx f (Tx M ).
Si M et A sont deux sous-variétés de N , nous dirons que M et A sont transverses dans
N si l’inclusion f ∶ M → N est transverse à A, c’est-à-dire si pour tout point x ∈ A ∩ M ,
les sous-espaces vectoriels Tx A et Tx M de Tx N sont transverses dans Tx N .
Exemples. (1) Si la somme de la dimension de A et de la dimension de M est strictement
inférieure à la dimension de N , alors il n’existe pas d’application f ∶ M → N de classe C1
transverse à A.
(2) Si M et A sont deux sous-variétés de N , dont la somme des dimensions est égale
à la dimension de N , alors M et A sont transverses dans N si et seulement si, pour tout
x ∈ A ∩ M , nous avons
Tx N = Tx A ⊕ Tx M .
144
Proposition 6.5. Soit g ∶ M → N une application de classe C∞ transverse à une sous-
variété lisse A de N . Alors g −1 (A) est une sous-variété lisse de M , de codimension dans
M égale à la codimension de A dans N .
est un C∞ -difféomorphisme.
Soit f ∶ M → R une application de classe C1 . Rappelons que Tx f ∶ Tx M → Tf (x) R = R
est une forme linéaire, qui est nulle si et seulement si x est un point critique de f . Nous
avons une application continue df ∶ M → T ∗ M , appelée la différentielle 55 de f , qui à x ∈ M
associe la forme linéaire dfx = Tx f sur Tx M . C’est une 1-forme différentielle continue sur
M , c’est-à-dire une application continue ω de M dans T ∗ M telle que π ∗ ○ ω = idM , mais
55. Il convient de ne pas confondre la différentielle df ∶ M → T ∗ M de f avec l’application tangente
T f ∶ T M → T R de f , même si l’une détermine l’autre (car pour tout x ∈ M , nous avons par définition
dfx = Tx f ), car les applications df et T f n’ont pas les mêmes espaces de départ et d’arrivée.
145
c’est la seule forme différentielle que nous rencontrerons dans ce cours (voir par exemple
[Pau1]).
La section nulle de T ∗ M est la sous-variété lisse Z ∗ = M × {0} de T ∗ M , qui est de
dimension p. Notons que x est un point critique de f si et seulement si dfx appartient à
la section nulle Z ∗ . Si f ∶ M → N est un C∞ -difféomorphisme, alors T ∗ f ∶ T ∗ M → T ∗ N
envoie la section nulle de T ∗ M sur la section nulle de T ∗ N (voir la formule (9)).
est l’application v ↦ (v, w ↦ d2x f (v, w)). Son image est par conséquent le sous-espace
vectoriel A = {(w, v ↦ d2 fx (v, w)) ∶ w ∈ Rp } de Rp × (Rp )∗ . Vu les dimensions, pour que les
espaces vectoriels T(x,0) Z ∗ = Rp × {0} et Tx (df )(Tx M ) = A (qui est de dimension au plus p)
soient transverses dans T(x,0) T ∗ M = Rp × (Rp )∗ , il faut et il suffit que A soit de dimension
égale à p et que leur intersection T(x,0) Z ∗ ∩ A soit réduite à {0}, c’est-à-dire que pour tout
vecteur non nul v ∈ Rp , la forme linéaire w ↦ d2x f (v, w) soit non nulle. Ceci est exactement
demander que x soit un point critique non dégénéré de f . ◻
56. Plus précisément, il s’agit de la topologie C∞ faible, mais nous ne considérons que celle-ci dans ces
notes, voir [Hir, §2.1] pour des compléments.
146
ouverte si et seulement si pour tout f ∈ U , il existe une intersection finie de telles parties
Vi ,Ki ,ri ,(Ui ,φi ),(Vi ,ψi ) (f ) qui est contenue dans U .
Par exemple, par le théorème de dérivation des fonctions composées, si P est une sous-
variété lisse, l’application de composition (f, g) ↦ g ○ f de C∞ (M, N ) × C∞ (N, P ) dans
C∞ (M, P ) est continue pour les topologies C∞ .
L’intérêt de la notion de transversalité vient, outre de la proposition 6.5, du résultat
suivant.
147
Corollaire 6.10. Soit M une sous-variété lisse.
(1) Dans l’espace C∞ (M, R) muni de la topologie C∞ , l’ensemble des fonctions de
Morse f ∶ M → R de classe C∞ est dense.
(2) Il existe une fonction de Morse f ∶ M → R de classe C∞ telle que tout sous-niveau
M≤a = {x ∈ M ∶ f (x) ≤ a} soit compact, et tout niveau M=a = {x ∈ M ∶ f (x) = a} contienne
au plus un point critique de f .
Démonstration. Pour la première affirmation, il suffit d’appliquer le théorème 6.9 avec
A = Z ∗ en utilisant le lemme 6.6.
Pour la seconde affimation, par la dénombrabilité à l’infini de M , fixons-nous une suite
(Ui )i∈N d’ouverts de M , tels que Ui soit d’adhérence compacte contenue dans Ui+1 . Nous
construisons une fonction f ∶ M → R lisse valant 0 sur U0 et i sur le compact U2i − U2i−1
pour i ≥ 1, en interpolant de manière C∞ par partition de l’unité sur U2i+1 − U2i pour i ≥ 0,
de sorte que f soit à valeurs dans [i, i + 1] dans U2i+1 − U2i . En particulier, f ∶ M → R est
positive ou nulle, de classe C∞ et propre.
Puis par récurrence, nous construisons par la première affirmation, une fonction fi ∶
S → R, arbitrairement proche de f ∣Ui sur Ui+1 − Ui , de Morse sur un voisinage de Ui dans
Ui+1 , coïncidant avec f en dehors de Ui+1 et coïncidant avec fi−1 sur Ui−1 si i ≥ 1. La
fonction g valant fi sur Ui est alors bien définie, de Morse, positive ou nulle et propre.
En rajoutant des petites fonctions plateau au voisinage des points critiques, il est alors
possible de séparer les points critiques dans un même niveau (en nombre fini car discrets
dans un compact). ◻
Voici une démonstration élémentaire de l’existence d’une fonction de Morse sur une
surface compacte.
Exercice E.57. Soit S une surface compacte.
(1) Soient U un ouvert de R2 et f ∈ C∞ (U, R). Montrer que pour presque tous les a, b ∈ R,
l’application g ∶ U → R définie par (x, y) ↦ f (x, y) + ax + by est une fonction de Morse.
(2) Soient U un ouvert de R2 et f ∈ C∞ (U, R) une fonction de Morse. Montrer que pour
tout ouvert V d’adhérence compacte contenue dans U , si g ∈ C∞ (U, R) est suffisamment
proche de 0 pour la topologie C∞ , alors l’application f + g est encore de Morse sur un
voisinage de l’adhérence de V dans U .
(3) Montrer qu’il existe un entier n ∈ N, un plongement C∞ de S dans R2n par lequel nous
identifions S avec son image, et des recouvrements ouverts finis (Vi )1≤i≤N et (Ui )1≤i≤N
de S, tels que Vi soit d’adhérence compacte contenue dans Ui et que l’application définie
par x ↦ (x2i , x2i+1 ) soit un C∞ -difféomorphisme de Ui sur un ouvert de R2 .
(4) Montrer que l’application f1 ∶ S → R définie par x ↦ x1 est une fonction de Morse sur
un voisinage de l’adhérence de V1 dans U1 . Montrer qu’il existe des réels a3 , a4 tels que
l’application f2 ∶ x ↦ f1 (x) + a3 x3 + a4 x4 de S dans R soit de Morse sur la réunion d’un
voisinage de l’adhérence de V1 dans U1 et d’un voisinage de l’adhérence de V2 dans U2 .
(5) Montrer l’existence d’une fonction de Morse f ∈ C∞ (S, R).
X + Y ∶ x ↦ X(x) + Y (x)
(où nous notons (x, v) + (x, w) = (x, v + w) dans T M ⊂ M × Rm pour tous les v, w ∈ Tx M )
et la multiplication externe point par point
λX ∶ x ↦ λX(x)
f X ∶ x ↦ f (x)X(x) .
où les fonctions Xi ∈ Cr (U, R) sont appelées les composantes (ou coordonnées) du champ
de vecteurs X.
Image réciproque par morphismes étales. Les champs de vecteurs se tirent en arrière
par les difféomorphismes locaux, par la formule suivante. Soient N une sous-variété lisse
et ϕ ∶ M → N un Cr+1 -difféomorphisme local. Pour tout champ de vecteurs Y de classe
Cr sur N , nous définissons un champ de vecteurs ϕ∗ Y sur M de classe Cr , appelé image
réciproque de Y par f , par
149
(1) L’application ϕ∗ de Γr (T N ) dans Γr (T M ) définie par Y ↦ ϕ∗ Y est R-linéaire, et pour
toute fonction f de classe Cr sur N , nous avons
ϕ∗ (f Y ) = (f ○ ϕ) (ϕ∗ Y ) .
(ψ ○ ϕ)∗ Z = ϕ∗ (ψ ∗ Z) .
∀ X ∈ Γr (T M ), i∗ X = X∣U .
Il découle donc de la propriété précédente que les images réciproques et les restrictions
de champs de vecteurs sont compatibles. Plus précisément, si U est un ouvert de N ,
et si Y est un champ de vecteurs de classe Cr sur N , alors nous avons
Cette formule exprime les anciennes coordonnées Y1 , . . . , Yp en fonction des nouvelles co-
ordonnées X1 , . . . , Xp . Afin d’obtenir les nouvelles en fonction des anciennes, il suffit d’in-
verser la matrice jacobienne de ϕ (ou de calculer la matrice jacobienne de l’inverse de
ϕ).
dφt (x)
= X(φs (x)) ,
dt ∣t=s
φ0 (x) = x .
t ↦ φt (x0 ) .
(4) Pour tout (s, x) ∈ Ω, nous avons (t, φs (x)) ∈ Ω si et seulement si (t + s, x) ∈ Ω et alors
φt ∶ Ut = {x ∈ M ∶ (t, x) ∈ Ω} → M
est un Cr -difféomorphisme local. Si de plus X est complet, alors (φt )t∈R est un groupe
à un paramètre de Cr -difféomorphismes de M de classe Cr . 57
(6) (Le flot local préserve le champs de vecteurs) Pour tout (t, x) ∈ Ω, nous avons
57. Ceci signifie que φ0 est l’identité de M , que pour tous les t, s dans R, nous avons φt ○ φs = φt+s , que
l’application (t, x) ↦ φt (x) de R×M dans M est de classe Cr , et que φt ∶ M → M est un Cr -difféomorphisme
pour tout t ∈ R.
151
X ( x)
X (φt (x)) = Tx φt (X (x))
φt (x)
x
Supp(X) = {x ∈ M ∶ X(x) ≠ 0} .
Proposition 6.12. (7) Supposons qu’il existe > 0 tel que ]−2, 2 [ ×M soit contenu dans
Ω. Alors le champ de vecteurs X est complet.
(8) Si le support de X est compact (par exemple si M est compacte), alors X est
complet.
x y
Considérons le champ de vecteurs (qui sont tous colinéaires à v) de classe C∞ défini par
X ∶ x ↦ ϕ(x)v. Il est complet, car nul en dehors du compact Bn . Notons (φt )t∈R son flot.
○
Les courbes intégrales de X sont, outres celles réduites à un point x pour tout x ∉ Bp , les
○
intersections avec Bp des droites affines de vecteur directeur v, car elles sont contenues dans
ces droites affines, et ϕ ne s’annulant pas dans la boule ouverte, les limites en ±∞ de ces
courbes intégrales doivent être les points d’intersection avec la sphère unité de ces droites
affines. Si T ∈ ]0, +∞[ est tel que φT (x) = y, alors le C∞ -difféomorphisme φT convient, par
l’explication précédant le début de la démonstration.
153
Maintenant, soit M une sous-variété lisse connexe de dimension p quelconque. Définis-
sons une relation « être isotope à » sur M en demandant que x ∈ M soit isotope à y ∈ M
s’il existe un C∞ -difféomorphisme C∞ -isotope à l’identité de M envoyant x sur y. C’est
clairement une relation d’équivalence. Puisque tout point de M admet un paramétrage
○
local ϕ ∶ Bp → M , toute classe d’équivalence est ouverte par ce qui précède. Par connexité
de M , et puisque les classes d’équivalence forment une partition de M , il existe donc une
seule classe d’équivalence, ce qui démontre la proposition 5.17. ◻
(f δ)(g) ∶ x ↦ f (x)δ(g)(x) .
Notons que toute dérivation est nulle sur les fonctions constantes, par linéarité et le fait
que δ(1) = δ(1 ⋅ 1) = δ(1) + δ(1).
Si X est un champ de vecteurs de classe C∞ sur M , alors l’application LX de C∞ (M, R)
dans C∞ (M, R) définie par
LX (f ) ∶ x ↦ Tx f (X(x)) (13)
est clairement une dérivation. 58 Il est traditionnel de noter aussi
LX (f ) = X(f )
pour tout f ∈ C∞ (M, R), et il est important de garder en tête que X(f ) est une fonction
lisse sur M .
Il est immédiat de vérifier que si φ est un flot local de X, alors
d
LX (f ) = f ○ φt .
dt ∣t=0
58. La formule fait sens lorsque f et X sont seulement supposés de classe Cr+1 et Cr respectivement
pour r ∈ N, avec une perte d’un degré de régularité : la fonction LX (f ) est alors seulement de classe Cr
en général.
154
Par exemple, si M est un ouvert de Rp , et si (e1 , . . . , ep ) est la base canonique de Rp ,
si Xei est le champ de vecteur constant x ↦ ei sur M , alors, comme ∂x ∂f
i
(x) = dfx (ei ), nous
avons LXei = ∂xi . La formule (10) devient donc
∂
p
∂
LX = ∑ Xi . (14)
i=1 ∂xi
Nous concluons cette partie sur les champs de vecteurs par une généralisation de
l’exercice E.C.102, à considérer comme un théorème de forme normale locale pour un
champ de vecteurs ne s’annulant pas en un point. Dans Rp , le champ de vecteurs constant
Xe1 ∶ x ↦ e1 , où e1 est le premier vecteur de la base canonique de Rp , est un exemple de tel
champ. Le théorème suivant dit que, localement et à difféomorphisme près, c’est le seul.
ϕ
x0 0
X ∣ϕ(W ) Xe1
ϕ ∶ (t, x2 , . . . , xn ) ↦ φt (0, x2 , . . . , xn ) ,
Théorème 6.15. Soient a < b dans R tels que l’intervalle [a, b] ne contienne pas de valeur
critique de f . Alors les sous-niveaux M≤a et M≤b sont Cr−1 -difféomorphes, et la sous-
variété à bord f −1 ([a, b]) est Cr−1 -difféomorphe à M=a × [0, 1]. De plus, M≤b se rétracte
par déformation forte sur M≤a , et en particulier l’inclusion de M≤a dans M≤b est une
équivalence d’homotopie.
La compacité de la partie f −1 ([a, b]) de M entre les niveaux réguliers M=a et M=b est
nécessaire. La fonction hauteur du tore vertical introduite au début du chapitre 6 permet
d’illustrer ce résultat.
M R
x3
t3
t2
x2
M= b b
f
M=a a
x1 t1
t0
x0
156
Démonstration. Notons ∥ ∥ et ⟨ , ⟩ la norme et le produit scalaire usuels de l’espace
euclidien ambiant Rm .
De plus, si c ∶ R → M est une courbe lisse tracée sur M , alors pour tout t ∈ R, nous avons
Démonstration. Rappelons que tout produit scalaire ⟨⟨⋅, ⋅⟩⟩ sur un espace vectoriel réel de
dimension finie E induit un isomorphisme, dit de dualité, entre E et son espace vectoriel
dual E ∗ , défini par u ↦ {v ↦ ⟨⟨u, v⟩⟩}. Pour tout x ∈ M , le vecteur ∇g(x) ∈ Tx M est le
dual de la forme linéaire Tx g ∈ Tx∗ M pour la restriction ⟨⋅, ⋅⟩x au sous-espace vectoriel Tx M
du produit scalaire ⟨⋅, ⋅⟩ de Rm . La formule ⟨X(x), ∇g(x)⟩ = X(g)(x) = LX g(x) pour tout
x ∈ M découle alors de la définition (13) de la dérivée de Lie associée à X. La dernière
assertion découle de la définition de la 1-forme différentielle dg ∶ M → T ∗ M qui à x ∈ M
associe la forme linéaire Tx g ∶ Tx M → Tg (x)R = R, ainsi que du théorème de dérivation des
fonctions composées.
Le fait que le champ de vecteurs x ↦ ∇g(x) soit de classe Cr−1 sur M se vérifie en
prenant des paramétrages locaux. 59 ◻
Remarquons que x ∈ M est un point critique de f si et seulement si ∇f (x) = 0. Par
partition de l’unité, puisque f −1 ([a, b]) est compact et ne contient pas de point critique,
il est élémentaire de construire une fonction ρ ∶ M → R de classe Cr−1 valant ∥∇f1 ∥2 sur
f −1 ([a, b]) et 0 en dehors d’un voisinage compact dans M de f −1 ([a, b]). Considérons le
champ de vecteurs
X = ρ ∇f
sur M , qui est de classe Cr−1 , avec r −1 ≥ 1. Comme il est à support compact, il est complet
par la proposition 6.12 (2). Notons (φt )t∈R son flot (voir le théorème 6.11), qui est de classe
Cr−1 .
Pour tout x ∈ M , si φt (x) ∈ f −1 ([a, b]), nous avons
157
Le Cr−1 -difféomorphisme φb−a ∶ M → M envoie donc le niveau M=a sur le niveau
M=b , ainsi que le sous-niveau M≤a sur le sous-niveau M≤b , qui sont par conséquent Cr−1 -
difféomorphes.
L’application de f −1 ([a, b]) dans M≤a × [0, 1] définie par x ↦ (φa−f (x) (x), f (x)) est un
C -difféomorphisme. De plus, l’application h ∶ M≤b × [0, 1] → M≤b , définie par
r−1
x si f (x) ≤ a
(x, s) ↦ {
φs(a−f (x)) (x) si a ≤ f (x) ≤ b
est une application continue, telle que l’application x ↦ h(x, 0) soit l’identité de M≤b ,
que l’application x ↦ h(x, 1) soit une application continue de M≤b dans M≤a et que pour
tout s ∈ [0, 1], l’application x ↦ h(x, s) vaut l’identité sur M≤a . Donc M≤b se rétracte par
déformation forte sur M≤a . ◻
Nous étudierons dans la partie 6.6 le comportement homotopique des sous-niveaux de
part et d’autre d’un niveau critique, toujours en ayant en tête l’exemple du début du
chapitre 6. Nous commençons par définir le vocabulaire nécessaire aux énoncés.
((∐ eα ) ∪(∐α gα ) X) → Y .
α
de l’espace topologique recollement sur X des cellules eα par les applications gα , à va-
leurs dans Y . La donnée d’une telle famille et d’un tel homéomorphisme s’appelle une
décomposition cellulaire de Y relative à X.
La restriction de cet homéomorphisme à X est un homéomorphisme sur son image dans
Y , car ∐α ∂eα est un fermé dans ∐α eα . De plus, la restriction de cet homéomorphisme à
○
toute cellule ouverte eα est un homéomorphisme sur son image dans Y , car les applications
○
d’attachement ne recollent que les bords ∂eα des cellules eα sur X, donc tout ouvert de eα
est un ouvert de l’espace topologique somme disjointe (∐α eα ) ⊔ X, qui est saturé pour la
relation d’équivalence définissant l’espace recollement (∐α eα ) ∪(∐α gα ) X.
60. Il découle du théorème d’invariance du domaine 4.1 que le bord d’une variété topologique à bord de
dimension p (définie comme étant localement homéomorphe à un ouvert de Rp+ ) est bien défini. Dans les
applications ci-dessous, les cellules seront des sous-variétés au moins de classe C1 , auquel cas la notion de
bord est bien définie comme vu dans la partie 5.2.
61. Nous ne demandons pas que l’application gα soit injective.
158
○
Nous identifierons dans la suite X et eα avec leur image dans Y par cette restriction.
○
Les cellules ouvertes eα sont alors les composantes connexes de Y − X.
Notons que si k = 0, alors Y est juste l’espace topologique somme disjointe de X et de
l’ensemble A muni de la topologie discrète.
○
Si X est localement contractile, comme les cellules ouvertes eα sont contractiles et
○
puisque Y privé d’un point dans chaque cellule ouverte eα se rétracte par déformation
forte sur X, alors Y est aussi localement contractile.
Un CW-complexe fini 62 de dimension N est un espace topologique X, appelé l’espace
topologique sous-jacent, muni d’une famille (X (n) )0≤n≤N de sous-espaces, appelée la struc-
(n)
ture de CW-complexe sur l’espace topologique sous-jacent, telle que X = ⋃N n=1 X et telle
(−1)
que, en utilisant la convention que X = ∅, pour tout n ∈ {0, . . . , N }, le sous-espace X (n)
soit obtenu par recollement d’une nombre fini de cellules de dimension n sur X (n−1) , avec
au moins une cellule si n = N . Le sous-espace topologique X (n) est appelé le n-squelette de
cette structure de CW-complexe (avec la convention qu’il est égal à X si n > N ). Si n ≤ N ,
muni de la famille (X (k) )0≤k≤n , c’est un CW-complexe fini de dimension n.
Remarquons que les cellules ouvertes s’envoient par un homéomorphisme sur leur image
dans X, et que, par passage à la limite des sphères S(0, r) dans Bn quand r → 1, la donnée
de la famille (X (n) )0≤n≤N détermine de manière unique les applications d’attachement du
bord des k-cellules sur le (k − 1)-squelette.
Les 0-cellules d’un CW-complexe fini sont aussi appelées ses sommets, et les 1-cellules
d’un CW-complexe fini sont aussi appelées ses arêtes.
Remarquons qu’un CW-complexe fini est localement contractile, car son 0-squelette
l’est et par récurrence sur ses squelettes. En particulier, un CW-complexe fini connexe est
connexe par arcs, et admet un revêtement universel (voir la partie 2.12).
Un isomorphisme de CW-complexes d’un CW-complexe fini X dans un CW-complexe
fini Y est un homéomorphisme de X dans Y qui, pour tout n ∈ N, envoie le n-squelette
X (n) de X dans le n-squelette Y (n) de Y .
La caractéristique d’Euler d’un CW-complexe fini X, ayant cn cellules ouvertes de
dimension n pour tout n ∈ N, est
+∞
χ(X) = ∑ (−1)n cn .
n=0
Cette somme est finie, égale à ∑N n=0 (−1) cn si X est de dimension N . Notons que cn est
n
159
Exemples. (1) Les CW-complexes finis de dimension 0 sont les ensembles finis discrets.
(2) Un cercle admet une infinité de structures de CW-complexe fini de dimension 1 à
isomorphisme près. Il est par exemple obtenu (à homéomorphisme près) par le recollement
d’une cellule de dimension 1 sur un singleton (pour l’unique application d’attachement
possible). Donc sa caractéristique d’Euler est 1 − 1 = 0 :
χ(S1 ) = 0 .
Le cercle est aussi (voir dessin ci-dessous) le recollement, pour tout k ∈ N, de k + 1 cellules
de dimension 1 sur un ensemble discret de k + 1 cellules de dimension 0 (de manière
appropriée, en recollant de manière cyclique l’origine de la i-ème 1-cellule sur la i-ème
0-cellule et l’extrémité de la i-ème 1-cellule sur la (i + 1)-ème 0-cellule, avec i modulo
k + 1).
(3) Pour tout n ≥ 2, un bouquet de n cercles Bn est (voir dessin ci-dessous) un CW-
complexe fini de dimension 1, obtenu par recollement de n cellules de dimension 1 sur un
singleton, par les (uniques) applications d’attachement constantes (qui envoient les deux
points du bord de chaque 1-cellule sur l’unique 0-cellule). Donc sa caractéristique d’Euler
est :
χ(Bn ) = 1 − n . (15)
Plus généralement, un graphe topologique (voir la partie 2.8) X fini, c’est-à-dire ayant
un nombre fini S de sommets et un nombre fini A d’arêtes, est un CW-complexe fini de
dimension au plus 1, dont les 0 cellules sont les sommets du graphe et les 1-cellules sont
les arêtes du graphe. Donc sa caractéristique d’Euler est :
χ(S) = S − A .
En particulier, un graphe topologique fini connexe, qui a le même type d’homotopie qu’un
bouquet de cercle, est un arbre si et seulement s’il est contractile, donc si et seulement si sa
caractérisique d’Euler est égale à 1. Le 1-squelette X (1) d’un CW-complexe est un graphe
topologique fini.
B2
∂ B2
z ↦ z2
S1
bouquet de
cercle à quatre cercles plan
quatre sommets tore bouteille projectif
χ(B4 ) = −3 de Klein réel
χ(S1 ) = 0 χ(T2 ) = 0 χ(K2 ) = 0 χ(P2 (R)) = 1
160
(4) Le tore (respectivement la bouteille de Klein) admet une structure de CW-complexe
fini de dimension 2, de 0-squelette réduit à un point x0 , de 1-squelette le bouquet de deux
cercles S1 ∨ S1 , avec recollement d’une unique cellule de dimension 2, le carré unité [0, 1]2 ,
avec application d’attachement donnée par
⎧
⎪ (1, t) ∈ {1} × [0, 1] ↦ e2iπt ∈ {x0 } ∨ S1
⎪
⎪
⎪
⎪ (t, 1) ∈ [0, 1] × {1} ↦ e2iπt ∈ S1 ∨ {x0 }
g∶⎨
⎪
⎪ (0, t) ∈ {0} × [0, 1] ↦ e2iπt ∈ {x0 } ∨ S1
⎪
⎪
⎪
⎩ (t, 0) ∈ [0, 1] × {0} ↦ e2iπt ∈ S1 ∨ {x0 } (resp. e−2iπt ∈ S1 ∨ {x0 }) .
(5) La sphère Sn admet une structure de CW-complexe ayant en tout et pour tout une
cellule x0 de dimension 0 et une cellule e de dimension n (dont l’application d’attachement
est l’unique application (constante !) ∂e → {x0 }).
Bn
Sn−1
Sn
x0
2 si n est pair
χ(Sn ) = 1 + (−1)n = {
0 si n est impair.
Le cas de la dimension impaire est un cas particulier d’un résultat général (voir la propo-
sition 6.20).
(6) Si P est un polyèdre compact convexe de R3 (intersection compacte d’un nombre
○
fini de demi-espaces fermés) d’intérieur P non vide, ayant S sommets, A arêtes et F faces,
○
alors la frontière ∂P = P − P de P admet une structure de CW-complexe ayant S cellules
de dimension 0, A cellules de dimension 1 et F cellules de dimension 2.
161
tétraèdre cube octaèdre dodécaèdre icosaèdre
4−6+4=2 6 − 12 + 8 = 2 12 − 30 + 20 = 2
8 − 12 + 6 = 2 20 − 30 + 12 = 2
Comme ∂P est homéomorphe à la sphère S2 (par exemple par rétraction radiale sur la
sphère de rayon > 0 assez petit centrée en son barycentre), une conséquence du théorème
6.17 et du calcul précédent χ(S2 ) = 2 est la formule célèbre
S−A+F =2.
(7) Le théorème 6.17 permet de définir la caractéristique d’Euler d’un espace topolo-
gique X ayant le même type d’homotopie qu’un CW-complexe fini Y (mais par exemple
pas forcément compact) en posant
χ(X) = χ(Y ) ,
ce qui ne dépend pas du choix de Y par le théorème susdit.
En particulier, si X est un espace contractile (comme Rm , ou un ouvert étoilé de
R ) alors χ(X) = 1. L’espace R2 privé d’un nombre fini n de points, qui se rétracte
m
par déformation forte sur un bouquet de n cercles, a donc pour caractéristique 1 − n par
l’exemple (2) ci-dessus.
Exercice E.59. Soient Y un CW-complexe fini et p ∶ X → Y un revêtement fini à n
feuillets de l’espace topologique sous-jacent à Y . Montrer que X admet une structure de
CW-complexe fini, et que
χ(X) = n χ(Y ) .
Proposition 6.18. Soient (X, (X (n) )0≤n≤N ) un CW-complexe fini connexe et x un point
base de X appartenant à X (0) . L’inclusion X (1) → X induit un morphisme de groupes sur-
jectif π1 (X (1) , x) → π1 (X, x), et l’inclusion X (2) → X induit un isomorphisme de groupes
π1 (X (2) , x) → π1 (X, x).
Démonstration. Pour tout n ≥ 1, la rétraction radiale de la boule épointée Bn − {0} sur
son bord Sn−1 montre que le n-squelette X (n) de X, privé d’un point dans chaque cellule
ouverte de dimension n, se rétracte par déformation forte sur le (n − 1)-squelette X (n−1)
de X. Si n ≥ 2, tout lacet dans un CW-complexe fini de dimension n est homotope à un
lacet dont l’image évite un point dans chaque cellule ouverte de dimension n, donc à un
lacet dans le (n − 1)-squelette. Par récurrence descendante, ceci montre que tout lacet de
X est homotope à un lacet contenu dans X (1) , ce qui montre la première affirmation.
De même, si n ≥ 3, toute homotopie entre deux lacets contenus dans le (n − 1)-squelette
d’un CW-complexe fini de dimension n est homotope à une homotopie de ces lacets dont
l’image évite un point dans chaque cellule ouverte de dimension n, donc par rétraction à une
homotopie de lacet dans le (n−1)-squelette. Par récurrence descendante, ceci montre que si
un lacet contenu dans le 1-squelette d’un CW-complexe fini de dimension n est homotope
au lacet trivial, alors il est homotope au lacet trivial par une homotopie à valeurs dans
le 2-squelette. Ceci montre l’injectivité de l’application π1 (X (2) , x) → π1 (X, x), qui est
surjective par la première affirmation. ◻
162
6.6 Décomposition en anses des variétés différentielles
Revenons maintenant à l’étude du changement homotopique des sous-niveaux lors de
passages de niveaux critiques. Nous reprenons les notations du début de la partie 6.4.
Théorème 6.19. Soient a < b dans R deux valeurs régulières d’une fonction de Morse
f ∶ M → R de classe Cr avec r ∈ N ∪ {∞} tel que r ≥ 4, telle que f −1 ([a, b]) soit compact et
contienne un et un seul point critique de f , d’indice noté k. Alors il existe une cellule ek
de dimension k contenue dans f −1 ([a, b[), rencontrant M=a en son bord, et telle que M≤b
se rétracte par déformation forte sur M≤a ∪ ek .
R M
x3
t3
t2
x2
f
M≤t1 +
M≤t1 − ♯ e1
t1 + x1
t1 x1 x1
M=t1
t1 − e1
t0
x0 x0 x0
L’absence de terme constant vient du fait que f (z) = 0. Pour tous les r > 0 et n ∈ N, notons
○
Bn (r) (respectivement B n(r)) la boule fermée (respectivement ouverte) de centre 0 et de
rayon r dans l’espace Rn muni de sa norme euclidienne usuelle.
163
○ ○
Par restriction, nous pouvons supposer que W = B k (δ) × B p−k (δ) où δ ∈ ]0, 1] est
assez petit pour que ϕ(W ) ⊂ f −1 (]a/2, b/2[). Identifions Rp avec le sous-espace des p
premières coordonnées de l’espace euclidien standard Rm contenant M . Par changements
de coordonnées de classe Cr−2 (qui fait que la sous-variété M est maintenant seulement
de classe Cr−2 , la fonction f est de classe Cr−2 et son gradient ∇f de classe Cr−3 ), nous
pouvons supposer que W ⊂ M et que ϕ = idW (en particulier que z = 0), de sorte que, pour
○ ○
tous les x ∈ B k (δ) et y ∈ B p−k (δ), nous avons
f (x, y) = −∥x∥2 + ∥y∥2 .
√
Soient = δ 2 /100 et ek = Bk ( ) × {0}, qui est une cellule de dimension k, contenue dans
W donc dans f −1 (]a/2, b/2[).
y ∈ R p −k f −1 ()
f −1 (−) f −1 (−)
H
ek
x ∈ Rk
C1
C2
f −1 ()
√ √ √ √
Notons C1 = Bk ( 2 ) × Bp−k ( 3 ) et C2 = Bk ( 3 ) × Bp−k ( 4 ), qui sont tous les
deux contenus dans W , avec C1 contenu dans l’intérieur de C2 . Notons que les « coins »
de C1√et C2 , c’est-à-dire
√ leurs couples (x, y) de points de norme maximale (par exemple
∥x∥ = 2 et ∥y∥ = 3 pour C1 ) appartiennent à f −1 () = {(x, y) ∈ W ∶ −∥x∥2 + ∥y∥2 = }.
Notons que le gradient de f en (x, y) ∈ W vaut ∇f (x, y) = (−2x, 2y). En utilisant le
fait que r − 3 ≥ 1, considérons un champ de vecteurs X de classe Cr−3 sur M , qui est
● nul hors de f −1 (]a, b[) (donc le champ de vecteurs X, nul en dehors d’un compact,
est complet),
● égal à l’opposé −∇f du gradient de f sur f −1 ([−, +])−C2 , et interpolant de manière
lisse sur f −1 ([a, b]) − (f −1 ([−, +]) ∪ C2 ),
● valant (0, −2y) sur C1 , qui est un champ de vecteur vertical, ne s’annulant que sur
C1 ∩ (Rk × {0}).
● interpolant par (x, y) ↦ 2(ρ(x, y)x, −y) sur C2 − C1 avec ρ ∶ W → R une fonction
lisse à valeurs dans [0, 1], valant 0 dans C1 et 1 hors de C2 .
Le temps 2 du flot (φt )t∈R de X est un Cr−3 -difféomorphisme de M , qui envoie M≤ sur
M≤− ∪H où H (appelée une anse de rang k) est contenu dans f −1 ([−, ]), est homéomorphe
à Bk × Bp−k et rencontre M≤− en exactement l’image de ∂Bk × Bp−k . De plus, M≤− ∪ H se
rétracte par déformation forte sur M≤− ∪ ek verticalement (voir le dessin ci-dessus).
164
En utilisant le fait que M≤− se rétracte par déformation forte sur M≤a et que M≤b se
rétracte par déformation forte sur M≤ par le théorème 6.15, le résultat en découle. ◻
Remarque. En itérant le théorème 6.19, il est possible de montrer que toute variété lisse
compacte M de dimension p, munie d’une fonction de Morse lisse f , ayant pk = pk (f )
points critiques d’indice k pour k compris entre 0 et p (qui sont les deux indices extrémaux
par la remarque 6.3), a le même type d’homotopie qu’un CW-complexe fini de dimension p,
ayant pk cellules de dimension k, voir par exemple [Mil2, §I.3], [Hir, §6.4]. Par la définition
de la caractéristique d’Euler d’un CW-complexe fini, nous avons donc
p
χ(M ) = ∑ (−1)k pk .
k=0
Proposition 6.20. Si M est une variété compacte lisse (à bord vide) de dimension impaire,
alors
χ(M ) = 0 .
Démonstration. Notons f une fonction de Morse sur M (qui existe par le corollaire
6.10). Remarquons que la fonction −f est aussi une fonction de Morse lisse sur M , ayant
les mêmes points critiques que f , et que, puisque la forme hessienne de −f est l’opposée de
la forme hessienne de f (ou par le lemme de Morse 6.1) et par la définition de l’indice, un
point x ∈ M est un point critique d’indice k de f si et seulement si x est un point critique
d’indice p − k de −f .
Donc pk (f ) = pp−k (−f ) pour k = 0, . . . , p. Donc, en utilisant le fait que la caractéristique
d’Euler de M est indépendante de la fonction de Morse choisie pour la calculer (voir le
théorème 6.17), nous avons
p p p
χ(M ) = ∑ (−1)k pk (f ) = ∑ (−1)k pp−k (−f ) = (−1)p ∑ (−1)k pk (−f )
k=0 k=0 k=0
= (−1) χ(M ) .
p
R
P+ x+
C+ B+ a+
a+ −
Sn M
ψ f
C− a− +
P− B− a−
x−
̃ 0 si x = 0
h∶x↦{
∥x∥ h( ∥x∥
x
) sinon.
166
7 Topologie des surfaces
Le but de cette partie est de donner une classification à C∞ -difféomorphisme près
des surfaces compactes connexes lisses, en utilisant la théorie de Morse développée dans le
chapitre précédent. Je recommande de nouveau la consultation des vidéos de Henri Paul de
Saint-Gervais (http://analysis-situs.math.cnrs.fr/Classification-des-surfaces-
triangulees-equipees-de-fermetures-eclair.html)
https://www.youtube.com/watch?v=GK-lHk06UTQ et
https://www.youtube.com/watch?v=MZFBrG_EDI8 .
X ∪f Y = (X ∐ Y )/R
167
c) Si f, g ∶ ∂M → ∂N sont deux C∞ -difféomorphismes tels que f ○ g −1 ∶ ∂N → ∂N
s’étende en un C∞ -difféomorphisme de N , alors les variétés différentielles lisses M ∪f N
et M ∪g N ci-dessus définies sont C∞ -difféomorphes.
Les résultats ci-dessus sont valables si nous recollons sur une partie (ouverte et fermée)
du bord. Plus précisément, si ∂0 M et ∂0 N sont des réunions de composantes connexes du
bord de M et de N respectivement, et si f, g ∶ ∂0 M → ∂0 N sont des C∞ -difféomorphismes
vérifiant les propriétés demandées, alors les espaces topologiques recollements M ∪f N et
M ∪g N vérifient les propriétés a), b), c) du lemme, mis à part que ce sont maintenant des
variétés à bord.
Même si nous partons de deux sous-variétés à bord M et N , l’objet obtenu M ∪f N
est naturellement une variété abstraite, qu’il est alors possible de considérer comme une
sous-variété en utilisant le théorème de plongement de Whitney (voir la partie 4.6). L’idée
est bien entendu de construire des cartes locales en un point z provenant de l’identifica-
tion d’un point x ∈ ∂M avec le point y = f (x) ∈ ∂N en recollant (de manière lisse) des
cartes de variétés à bord de M en x et de N en y. Mais contrairement au cas des recolle-
ments juste continus, il est important pour obtenir le caractère lisse de “faire diffuser” le
difféomorphisme f de recollement entre les bords dans l’intérieur de N .
M ∪f N
M N
x y
z
f
∂M ∂N
N N′
M M
0 0
Pour éviter un processus à la main de passage du local au global, nous utilisons les outils
globaux des colliers et des voisinages tubulaires.
Démonstration. a) Nous admettrons le résultat suivant (obtenu en recollant localement
des voisinages de points de bord (ce n’est pas si évident que cela), voir par exemple [Hir,
Theo. 6.1]), car dans les cas où nous allons l’utiliser, les colliers sont fournis par les construc-
tions, voir la remarque 7.3.
168
∂M
ψM (∂M × [0, 1[)
Théorème 7.2. Le bord ∂M de toute variété lisse à bord M admet un collier, c’est-à-dire
un C∞ -difféomorphisme ψM ∶ ∂M × [0, 1[→ U d’image un voisinage ouvert U de ∂M dans
M tel que ψM (x, 0) = x pour tout x ∈ ∂M , qui est unique à C∞ -isotopie constante sur
∂M × {0} près. ◻
Nous identifions M et N avec leurs images dans l’espace topologique recollement R =
M ∪f N . L’application ψ ′ ∶ (∂M × ] − 1, 1[ ) → R = M ∪f N définie par
ψM (x, −t) si t ≤ 0
(x, t) ↦ {
ψN (f (x), t) si t ≥ 0
est, par la définition du recollement, un homéomorphisme sur un voisinage de l’image
de ∂M dans R. En prenant des cartes locales de la variété lisse produit ∂M × ] − 1, 1[ ,
cet homéomorphisme ψ ′ permet de construire (par « transport de structure ») des cartes
locales de classe C∞ en tout point de l’image de ∂M dans R. Des cartes locales pour les
structures originelles au voisinage de tout point de M − ∂M et N − ∂N fournissent des
cartes locales de R aux points de R n’appartenant pas à l’image de ∂M dans R. Elles sont
par construction compatibles entre elles, et donnent donc, en passant à l’atlas maximal,
une structure de variété lisse cherchée sur R.
L’image de ψ ′ est ce que l’on appelle un voisinage tubulaire de l’image S de ∂M dans
R. Nous ne donnerons pas la définition générale (voir [Hir]), car elle nécessite un soin
particulier (voir la remarque 7.4 ci-dessous). Nous nous contenterons d’affirmer qu’ils sont
uniques à C∞ -isotopie près fixant S. L’unicité de la structure de variété sur R découle du
théorème d’unicité à isotopie près des voisinages tubulaires de sous-variétés de variétés, et
nous renvoyons par exemple à [Hir, Theo. 8.1.9] pour des explications.
b) Une C∞ -isotopie plate au bord h ∶ (∂N × [0, 1]) → ∂N entre g ○ f −1 et l’identité
de ∂N définit un C∞ -difféomorphisme ψ ′′ ∶ ψN (∂N × [0, 12 ]) → ψN (∂N × [0, 12 ]) sur un
collier fermé de ∂N , valant g ○ f −1 ∶ x = ψN (x, 0) ↦ g ○ f −1 (x) = ψN (g ○ f −1 (x), 0) sur
ψN (∂N × {0}) et l’identité sur l’image de ψN (∂N × { 12 }), par la formule
ψ ′′ ∶ ψN (x, t) ↦ ψN (h(x, 2t), t) .
Ce C∞ -difféomorphisme ψ ′′ s’étend en un C∞ -difféomorphisme de N encore noté ψ ′′ , par
l’identité en dehors du collier fermé ψN (∂N × [0, 12 ]).
Alors l’application de la variété lisse M ∪f N dans la variété lisse M ∪g N valant l’identité
sur M et ψ ′′ sur N est un C∞ -difféomorphisme cherché.
c) La fin de la démonstration ci-dessus donne le résultat. ◻
Remarque 7.3. Dans le cas d’une surface à bord S dans les considérations qui suivent,
le bord de S viendra avec un collier, que ce soit
● dans les exemples standards des bords des disques B2 et anneaux S1 × [0, 1] ou
{z ∈ C ∶ a ≤ ∣z∣ ≤ b} pour a, b > 0, 64
64. Par exemple, l’application de S1 × [0, 1[ dans B2 définie par (z, t) ↦ (1 − t)z est un collier (d’image
maximale) du bord S1 du disque B2 .
169
● par des constructions en enlevant des disques plongés dans S (il suffit d’enlever le
disque de rayon 1/2, et d’utiliser l’invariance par isotopie des plongements de disque, que
nous verrons dans le lemme 7.5),
● ou par des sous-niveaux réguliers de fonctions de Morse lisses sur S. 65
L’unicité de la structure différentielle des recollements découle de la dernière assertion
ci-dessus, par le lemme 7.6.
Remarque 7.4. Le ruban de Möbius ouvert ([0, 1]× ]0, 1[ )/ ∼ où ∼ est la relation d’équi-
valence engendrée par (0, x) ∼ (1, 1 − x) est un voisinage tubulaire de son âme 66 , qui est
le cercle C image de [0, 1] × { 12 } dans M . Mais M n’est pas homéomorphe à S1 ×] − 1, 1[,
donc il ne faut pas croire que tous les voisinages tubulaires sont des produits, comme ceux
construits dans la démonstration ci-dessus.
âme du
ruban de Möbius
Lemme 7.5. (Cerf-Palais) Soit M une sous-variété lisse connexe à bord de dimension n.
Deux plongements lisses f, g ∶ Bn → M , qui, si M est orientable, préservent ou renversent
tous les deux l’orientation, sont C∞ -isotopes.
De même, deux plongements lisses préservant l’orientation d’une somme disjointe finie
d’un même nombre de copies de boules Bn dans une variété lisse connexe orientable de
dimension n sont C∞ -isotopes.
Démonstration. Nous pouvons supposer que n ≥ 1. Puisque le groupe des C∞ -difféomor-
phismes isotopes à l’identité agit transitivement sur M − ∂M (voir la proposition 5.17),
nous pouvons supposer que f (0) = g(0) = x0 .
Soit (Rn , ϕ) un paramétrage local C∞ de M en x0 , tel que ϕ(0) = x0 . Quitte à remplacer
f , pour assez petit, par le plongement x ↦ f (x) de Bn , qui est C∞ -isotope à f par
(x, s) ↦ f (sx + (1 − s)x), nous pouvons supposer que f (et de même g) est à valeurs dans
l’image ϕ(Bn ) de ϕ, que nous munirons de l’orientation induite de celle de Rn par transport
de structure par ϕ (telle que le difféomorphisme ϕ ∶ Rn → ϕ(Rn ) préserve l’orientation).
Nous pouvons supposer que les plongements f et g ou bien tous deux préservent l’orien-
tation, ou bien tout deux renversent l’orientation. Ceci découle de l’hypothèse si M est
orientable. Sinon, nous pouvons, pour > 0 assez petit, remplacer f par un plongement
isotope obtenu en suivant un lacet en x0 renversant l’orientation.
Quitte à remplacer f et g par ϕ−1 ○ f et ϕ−1 ○ g, et à précomposer ϕ par une application
linéaire renversant l’orientation (comme (x1 , x2 , . . . , xn ) ↦ (−x1 , x2 , . . . , xn )), nous pouvons
65. Si M=a est un niveau régulier d’une fonction de Morse f lisse sur une sous-variété lisse compacte
M (de dimension quelconque), alors la sous-variété à bord M≤a admet un collier, d’image f −1 (]a − , a]) =
M≤a − M≤a− , par le théorème 6.15.
66. « Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? » (A. de
Lamartine).
170
supposer que M = Rn et que les plongements f et g fixent 0 et préservent l’orientation.
Quitte à remplacer f par l’application linéaire df0 , qui est C∞ -isotope à f par
s−1 f (sx) si s ≠ 0
(x, s) ↦ {
df0 (x) sinon,
nous pouvons supposer que f est linéaire, et de même pour g. Comme le sous-groupe
GL+n (R) de GLn (R) formé des bijections linéaires de déterminant strictement positif est
une sous-variété lisse (en fait un ouvert) et connexe par arcs dans Mn (R), un chemin lisse
de f à g dans GL+n (R) fournit une isotopie entre f et g. ◻
1
graphe de id
graphe de f̃
0 1
Pour démontrer la dernière affirmation, nous utilisons tout d’abord une C∞ -isotopie
plate au bord entre f et l’identité, ou entre f et la conjugaison complexe, dont l’existence
est donnée par les deux premières assertions, pour étendre f à l’anneau {z ∈ C ∶ 12 ≤ ∣z∣ ≤ 1}
(de sorte que l’extension vaille l’identité sur le cercle {z ∈ C ∶ ∣z∣ = 12 }). Puis nous étendons
encore par l’identité ou la conjugaison complexe au disque {z ∈ C ∶ ∣z∣ ≤ 21 }. ◻
171
Corollaire 7.7. Soit M une surface lisse compacte (à bord vide) admettant une fonction
de Morse f lisse ayant seulement deux points critiques. Alors M est C∞ -difféomorphe à la
sphère S2 .
Démonstration. Par la démonstration du théorème 6.21, M est C∞ -difféomorphe au re-
collement de deux disques B2 par un C∞ -difféomorphisme f ∶ S1 → S1 . Quitte à composer
f par la conjugaison complexe (qui s’étend en un C∞ -difféomorphisme du disque), nous
pouvons supposer qu’il est C∞ -isotope à l’identité, et que les deux disques sont les hémi-
sphères Nord et Sud de la sphère S2 . Or la sphère S2 est C∞ -difféomorphe à la variété
différentielle recollement de ses hémisphères Nord et Sud par l’identité sur leur bord. Le
résultat découle alors de l’affirmation b) du lemme 7.1. ◻
Soit S une surface lisse à bord. Un recollement d’une anse 67 sur S est toute surface lisse
○ ○
à bord C∞ -difféomorphe au recollement A ∪f (S − ( D1 ∪ D2 )) d’un cylindre A = S1 × [0, 1]
sur la surface S privée des intérieurs de deux disques fermés D1 et D2 plongés de manière
disjointe dans S − ∂S, par un C∞ -difféomorphisme f ∶ ∂A → (∂D1 ∪ ∂D2 ). Si S est connexe
et orientée, si le bord des variétés orientées à bord est muni de l’orientation par la direction
sortante, et si f préserve les orientations, nous dirons que le recollement d’anse préserve
l’orientation. Par ce qui précède, si S est connexe et orientée, un recollement d’anse sur
S préservant l’orientation ne dépend, à C∞ -difféomorphisme près, ni du choix des disques
D1 , D2 ni du choix du difféomorphisme f . Par ce qui précède, si S est connexe et non
orientable, un recollement d’anse ne dépend pas de ces choix, à C∞ -difféomorphisme près.
Définition 7.8. Si S1 et S2 sont deux surfaces lisses connexes à bord, une somme connexe
de S1 et S2 est la variété différentielle
○ ○
S1 ♯ S2 = (S1 − D1 ) ∪f (S2 − D2 ) ,
172
(3) Effectuer un recollement d’anse sur une surface S ayant deux composantes connexes
S1 et S2 , tel que les disques D1 et D2 de la définition soient contenus respectivement dans
S1 et S2 , revient, à C∞ -difféomorphisme près, à effectuer une somme connexe de S1 et S2 .
Lemme 7.9. Pour i = 1, 2, soit xi ∈ ∂Di , soit ⟨Ai ∣ Ri ⟩ une présentation du groupe fon-
○ ○
damental π1 (Si − Di , xi ), et soit wi = [γi ] l’image dans π1 (Si − Di , xi ) d’un générateur du
groupe infini cyclique π1 (∂Di , xi ) ≃ Z. Soit f ∶ ∂D1 → ∂D2 un C∞ -difféomorphisme, tel que
f (x1 ) = x2 et f∗ (w1 ) = w2 , où f∗ ∶ π1 (∂D1 , x1 ) → π1 (∂D2 , x2 ) est l’application induite sur
le groupe fondamental par f . Alors le groupe fondamental de la somme connexe
○ ○
S = S1 ♯ S2 = (S1 − D1 ) ∪f (S2 − D2 ) ,
U1
U2
C1 f C2
γ1 γ2
x∗
x1 x2
S1 ♯ S2
○
○ S2 − D2
S1 − D1
En utilisant le fait que l’image d’un ouvert saturé par la projection canonique est ouvert,
le résultat découle du théorème de van Kampen 3.3 appliqué aux ouverts connexes par arcs
○
● U1 = (S1 − D1 ) ∪ C2 qui est connexe par arcs et se rétracte par déformation forte
○
sur S1 − D1 et
○
● U2 = (S2 − D2 ) ∪ C1 qui est connexe par arcs et se rétracte par déformation forte
○
sur S2 − D2 ,
de sorte que S = U1 ∪ U2 , U0 = U1 ∩ U2 = C2 ∪ C1 est un anneau (en particulier connexe par
arc) qui se rétracte par déformation forte sur le cercle C2 ∩ C1 de S, image commune de
∂D1 et ∂D2 . ◻
173
... ...
Σ0 = S2 Σ1 = T2 Σ2 = T2 ♯ T2 Σg = ♯g T2
...
... ...
Σ0 = S2 Σ1 = T2
Σ2 = T2 ♯ T2 Σg = ♯g T2
2 = P2 (R) ♯ P2 (R) = K2
Σno
1 = P2 (R)
Σno g = ♯g P2 (R)
Σno
Exercice E.61. Montrer qu’une somme connexe P2 (R) ♯ P2 (R) de 2 plans projectifs réels
est C∞ -difféomorphe à la bouteille de Klein K2 .
Une sphère à n trous Σ0,n est toute surface lisse à bord qui est C∞ -difféomorphe à la
sphère S2 privée des intérieurs de n disques fermés B2 = {z ∈ C ∶ ∣z∣ ≤ 1} plongés deux à
deux disjoints, ou, si n ≥ 1, au disque B2 privé des intérieurs de n − 1 disques plongés dans
B2 − ∂B2 deux à deux disjoints. Par le commentaire suivant le lemme 7.5, la classe de C∞ -
difféomorphisme de Σ0,n ne dépend pas de la famille de disques enlevés. Remarquons que
Σ0,0 est la sphère S2 , que Σ0,1 est difféomorphe au disque B2 et que Σ0,2 est difféomorphe
à l’anneau S1 × [0, 1].
68. La terminologie de « genre » dans le cas non orientable n’est pas uniformément utilisée dans la
littérature.
174
...
Σ0,n
pantalon Σ0,3
Nous définissons une surface compacte connexe orientable de genre g à n trous, que
nous notons Σg,n , comme étant toute surface lisse à bord qui est C∞ -difféomorphe à la
somme connexe
Σg,n = Σ0,n ♯ Σg
d’une sphère Σ0,n à n trous et d’une surface Σg compacte connexe orientable de genre g.
Remarquons que la somme connexe Σg,n ♯ Σg′ ,n′ est C∞ -difféomorphe à Σg+g′ ,n+n′ pour
tous les g, g ′ , n, n′ ∈ N.
D2
D1
Dn
○ ○
Σg,n = ♯g T2 − ( D1 ∪ ⋅ ⋅ ⋅ ∪ Dn )
Si g ≥ 1, nous définissons enfin une surface compacte connexe non orientable de genre
∞
g à n trous, que nous notons Σno g,n , comme étant toute surface lisse à bord qui est C -
difféomorphe à la somme connexe
g,n = Σ0,n ♯ Σg
Σno no
d’une sphère Σ0,n à n trous et d’une surface Σno g compacte connexe non orientable de
∞
genre g. Remarquons que Σno g,n ♯ Σ no
g ,n
′ ′ est C -difféomorphe à Σno
g+g ′ ,n+n′ pour tous les
′ ′ ′
g, g , n, n ∈ N tels que g, g ≥ 1.
D2
D1
Dn
Exercice E.62. Montrer que pour tous les g, g ′ , n, n′ ∈ N tels que g ≥ 1, la somme connexe
∞
g,n ♯ Σg ′ ,n′ est C -difféomorphe à Σg+2g ′ ,n+n′ .
Σno no
Le résultat suivant donne le calcul des groupes fondamentaux (pour des points bases
x∗ indifférents) de ces surfaces connexes. Rappelons que si a et b sont deux éléments d’un
groupe G, alors leur commutateur est l’élément [a, b] = aba−1 b−1 du groupe G.
175
Proposition 7.10. Soient g, g ′ , n, n′ ∈ N.
(1) Le groupe fondamental d’une surface Σg,n compacte connexe orientable de genre g
à n trous admet la présentation de groupe suivante à 2g + n générateurs et 1 relation :
Si g ≥ 1, le groupe fondamental d’une surface Σno g,n compacte connexe non orientable de
genre g à n trous admet la présentation de groupe suivante à g+n générateurs et 1 relation :
π1 (Σno
g,n , x∗ ) ≃ ⟨a1 , a2 , . . . , ag , x1 , . . . , xn ∣ a1 a2 . . . ag x1 x2 . . . xn = 1⟩ .
2 2 2
′
g,n et Σg ′ ,n′ si g, g ≥ 1,
(2) De plus, les surfaces Σg,n et Σg′ ,n′ , ainsi que les surfaces Σno no
∞
sont C -difféomorphes si et seulement si elles sont homéomorphes, et si et seulement si
(g, n) = (g ′ , n′ ).
En particulier,
π1 (Σno
g , x∗ ) ≃ ⟨a1 , a2 , . . . , ag ∣ a1 a2 . . . ag = 1⟩ ,
2 2 2
et si n ≥ 1, alors π1 (Σg,n , x∗ ) est un groupe libre à 2g +n−1 générateurs (la relation exprime
le générateur xn comme un mot en les autres générateurs, donc le groupe π1 (Σg,n , x∗ ) est
isomorphe au groupe libre de partie génératrice libre {a1 , b1 , a2 , b2 , . . . , ag , bg , x1 , . . . , xn−1 })
et le groupe π1 (Σnog,n , x∗ ) est un groupe libre à g + n − 1 générateurs.
Il est en fait possible de montrer que si n ≥ 1, alors Σg,n admet le même type d’homo-
topie qu’un bouquet de 2g + n − 1 cercles, et que si g, n ≥ 1, alors Σno g,n admet le même type
d’homotopie qu’un bouquet de g + n − 1 cercles.
Démonstration. (1) La démonstration procède par récurrence sur le genre g, avec g ≥ 0
dans le cas orientable et g ≥ 1 sinon. Plus précisément, nous montrons par récurrence sur
g les deux formules centrées dans l’énoncé de la proposition 7.10, avec le fait que si n ≥ 1,
et si le point base x∗ est un point de la n-ème composante connexe du bord de Σg,n ou de
g,n , alors l’élément xn dans les présentations ci-dessus des groupes libres π1 (Σg,n , x∗ ) et
Σno
π1 (Σnog,n , x∗ ) peut être choisi comme la classe d’homotopie d’un lacet en x∗ qui engendre
le groupe fondamental de la n-ème composante connexe du bord de Σg,n ou de Σno g,n .
x∗
γn
... Σ0,n
γn −1 γ2 γ1
γ
α
x∗
○
● la classe d’homotopie du bord [γ] du tore troué Σ1,1 = R2 /Z2 − B (0, 12 ), qui se rétracte
par déformation forte sur un bouquet de deux cercles, dont le groupe fondamental est un
groupe libre sur S = {a, b} où a et b représentent des générateurs des groupes fondamentaux
des deux cercles pointés, est égale (quitte à passer à son inverse) à [a, b] = aba−1 b−1 ,
ce qui montre que, pour tout point base x∗ sur le bord de Σ1,1 , le groupe fondamental
π1 (Σ1,1 , x∗ ) admet comme présentation ⟨a1 , b1 , x1 ∣ [a1 , b1 ] = x−1
1 ⟩ avec x1 représentant un
élément générateur du groupe fondamental du bord.
a a
x∗
γ
Les deux formules centrées dans l’énoncé de la proposition 7.10 découlent alors par
récurrence du lemme 7.9, sachant que
g−1,n ♯ P2 (R) si g ≥ 2
Σno
Σg,n = Σg−1,n ♯ T2 g,n = {
et Σno
Σ0,n ♯ P2 (R) si g = 1 .
177
(2) Montrons la dernière assertion de la proposition 7.10. Remarquons que l’abélianisé 69
de π1 (Σg , x∗ ) est isomorphe au groupe abélien libre Z2g de rang 2g (de présentation
(puisque la relation de π1 (Σno g,n , x∗ ) exprime xn comme un mot en les autres générateurs
a1 , . . . , ag , x1 , . . . , xn−1 , et donc enlever cette relation ainsi que le générateur xn ne change
pas la présentation du groupe), qui donne, par la réduction modulo 2 des Z-modules, un
espace vectoriel de dimension g + n − 1 sur le corps Z/2Z.
Comme n est le nombre de composantes connexes du bord, et comme le bord est inva-
riant par tout C∞ -difféomorphisme (et par tout homéomorphisme de variété topologique à
′
bord), si Σg,n et Σg′ ,n′ (respectivement Σno g,n et Σg ′ ,n′ si g, g ≥ 1) sont homéomorphes, alors
no
′
n=n.
Un homéomorphisme entre deux variétés connexes induit un isomorphisme de groupes
entre leurs groupes fondamentaux (pour des choix indifférents de point base), donc un
isomorphisme de groupes entre leurs abélianisés, donc un isomorphisme d’espaces vectoriels
en réduisant modulo 2. La dimension (ou le cardinal) d’un espace vectoriel sur le corps Z/2Z
69. L’abélianisé d’un groupe G est son groupe quotient G/[G, G] par son groupe dérivé [G, G] engendré
par les commutateurs d’éléments de G. C’est le plus gros quotient séparé de G, au sens que si f ∶ G → A est
un morphisme de groupes à valeurs dans un groupe abélien, alors f factorise par un (unique) morphisme
de groupes f ∶ G/[G, G] → A : si p ∶ G → G/[G, G] est la projection canonique, alors le diagramme suivant
est commutatif
G
↓ ↘f
f
G/[G, G] Ð→ A.
Comme le groupe dérivé est un groupe caractéristique, si ϕ ∶ G → G′ est un isomorphisme de groupes,
alors ϕ([G, G]) = [G′ , G′ ] et ϕ induit par passage au quotient un isomorphisme entre les groupes abéliens
G/[G, G] et G′ /[G′ , G′ ].
178
est un invariant d’isomorphisme d’espaces vectoriels. Donc le rang d’un groupe abélien libre
est, par réduction modulo 2, un invariant d’isomorphisme des groupes abéliens libres. Par
′
conséquent, si Σg,n et Σg′ ,n (respectivement Σno g,n et Σg ′ ,n si g, g ≥ 1) sont homéomorphes,
no
alors 2g = 2g ′ si n = 0 et 2g + n − 1 = 2g ′ + n − 1 si n ≥ 1 (respectivement g = g ′ si n = 0 et
g + n − 1 = g ′ + n − 1 si n ≥ 1). Dans tous les cas, nous avons donc g = g ′ , ce qui termine la
démonstration de la proposition 7.10. ◻
Proposition 7.11. La caractéristique d’Euler d’une surface Σg,n compacte connexe orien-
table de genre g à n trous est
χ(Σg,n ) = 2 − 2g − n .
Si g ≥ 1, la caractéristique d’Euler d’une surface Σno g,n compacte connexe non orientable de
genre g à n trous est
g,n ) = 2 − g − n .
χ(Σno
χ(Σg ) = χ(Σg,1 ) + 1 = 2 − 2g − 1 + 1 = 2 − 2g
g ) = χ(Σg,1 ) + 1 = 2 − g − 1 + 1 = 2 − g).
(respectivement χ(Σno ◻
no
χ(Σ0,n ) = n − (2n − 1) + 1 = 2 − n .
179
Σ0,n avec n sommets, n + (n − 1) arêtes et une 2-cellule
a2−1 b1
a2
a1
b2−1 a1
Σg bg−1
Σno
g
ag
ag−1
bg
ag
ag
cycliquement
a1 , a1 , a2 , a2 , . . . , a g , a g )
comme sur la figure de droite ci-dessus. Elle admet donc une structure de CW-complexe
2 = g arêtes et une seule cellule de dimension 2, ce qui permet de
ayant un seul sommet, 2g
retrouver que
χ(Σnog )=1−g+1=2−g .
180
De même, le théorème de van Kampen permet de retrouver le calcul du groupe fondamental
de Σno
g .
Théorème 7.12. Une surface à bord S, lisse, compacte et connexe, est C∞ -difféomorphe
g,n pour un g, n ∈ N avec g ≥ 1 sinon.
à Σg,n pour un g, n ∈ N si elle est orientable, et à Σno
Comme vu dans la proposition 7.10, deux telles surfaces ne sont pas C∞ -difféomorphes.
Donc le théorème 7.12 est un théorème de classification complet, à C∞ -difféoméorphisme
près, des surfaces compactes connexes orientables.
Démonstration. En recollant de manière lisse un disque sur chaque composante de bord
(de manière indifférente par les lemmes 7.1 et 7.6), en appliquant le théorème de classifi-
cation lisse pour les surfaces compactes connexes à bord vide, puis en refaisant le même
nombre de trous 70 (de manière indifférente par le lemme de Cerf-Palais 7.5 et les lemmes
7.1 et 7.6), nous pouvons supposer que le bord de S est vide.
Par le théorème de plongement de Whitney 4.17, nous supposons qu’il existe un entier
m ∈ N tel que S soit une sous-variété lisse de Rm . Par le corollaire 6.10, soit f ∶ S → R une
fonction de Morse, ayant (par compacité de S) un nombre fini de points critiques, avec un
seul point critique par niveau critique. Rappelons (voir la remarque 6.3) que par le lemme
de Morse, les points critiques d’indice 0 de f sont les minima locaux de f et les points
critiques d’indice 2 de f sont les maxima locaux de f .
Puisque S est compacte, le gradient ∇f de f (défini par le produit scalaire de Rm ,
voir la démonstration du théorème 6.15) est un champs de vecteurs complet sur M . Par
complétude et compacité, les courbes intégrables non réduites à un point de ∇f , le long
desquelles la fonction f est strictement croissante, convergent toutes en +∞ et en −∞ vers
un point critique (car les points critiques sont isolés, et toute valeur d’adhérence doit être
un point critique par le comportement du flot au voisinage d’un point régulier, voir le
théorème 6.14). Donc elles convergent en +∞ vers un point critique de S d’indice 1 ou 2
(car il ne peut pas être un minimum local) et en −∞ vers un point critique de S d’indice
0 ou 1 (car il ne peut pas être un maximum local).
Raisonnons par récurrence sur le nombre ν de points selle de f .
70. Le poinçonneur des Lilas, Serge Gainsbourg https ://www.youtube.com/watch ?v=eWkWCFzkOvU :
« des petits trous, des petits trous, encore des petits trous ».
181
Si ν = 0, alors toute courbe intégrale de ∇f converge en +∞ vers un maximum local de
f car il n’y a pas de point selle. Par la connexité de S, l’ensemble Ω des points réguliers
de f , qui est égal à la surface S privé d’un nombre fini de points, est connexe. Pour tout
maximum local x de f , l’ensemble Ωx des points de Ω dont la courbe intégrale converge vers
x en +∞ est ouvert dans Ω (par la régularité du flot en fonction des conditions initiales), et
Ω est la réunion disjointe des Ωx lorsque x parcours l’ensemble des maxima locaux. Donc
par la connexité de Ω (qui ne peut pas s’écrire comme une union disjointe de deux ouverts
non vides), l’application f admet un seul maximum local. En remplaçant f par −f , nous
obtenons aussi qu’elle admet un seul minimum local. Donc la fonction de Morse f admet
seulement deux points critiques. Par le corollaire 7.7 de reconnaissance de la sphère lisse
de dimension 2, la surface S est C∞ -difféomorphe à la sphère S2 .
Supposons donc que ν ≥ 1. Notons z le point selle le plus bas de f , c’est-à-dire tel que
pour tout autre point selle z ′ de f , nous ayons f (z) < f (z ′ ) (ce qui est possible car chaque
niveau critique ne contient qu’un seul point critique).
Lemme 7.13. Si a est une valeur régulière de f qui appartient à l’image de f , alors une
composante connexe M du sous-niveau S≤a = f −1 ( ] − ∞, a]) qui ne contient pas de point
selle est un disque (fermé, plongé de manière lisse) dont le bord est contenu dans le niveau
S=a = f −1 (a), et ne contenant qu’un seul point critique, qui est un minimum local de f .
Démonstration. L’intersection M ∩ S=a est non vide par connexité de S, et les courbes
intégrales en temps négatifs de ∇f , partant au temps t = 0 de M ∩ S=a convergent vers
un unique minimum local x de f par la connexité de M (par un argument semblable
au précédent). Donc M est C∞ -difféomorphe au recollement d’un anneau, obtenu par le
théorème 6.15 entre un niveau S=f (x)+ juste au-dessus du niveau du minimum local et le
niveau a, sur la composante inférieure du bord S=f (x)+ duquel est recollé de manière lisse
(voir les lemmes de la partie 7.1) le sous-niveau S≤f (x)+ , qui est un disque par le lemme
de Morse. ◻
Lemme 7.14. Soit S une surface lisse compacte connexe, f ∶ S → R une fonction de Morse
lisse, a une valeur régulière de f telle que f −1 (a) ≠ ∅ et le sous-niveau S≤a = f −1 ( ] − ∞, a])
ne contiennent qu’un seul point selle z. Alors la composante connexe M de S≤a contenant
z est une sous-surface à bord C∞ -difféomorphe
● ou bien à un anneau Σ0,2 ayant ses deux composantes connexes dans f −1 (a), conte-
nant un seul minimum local,
● ou bien à un disque Σ0,1 , dont le bord est contenu dans Σ0,1 , ayant deux minima
locaux
● ou bien à un plan projectif réel troué Σno 1,1 , dont le bord est contenu dans Σ0,1 ,
contenant un seul minimum local.
182
f −1 (a)
f −1 (a) f −1 (a)
z
S=a = f −1 (a)
−1
S≤′ a = f ′ ( ] − ∞, a])
183
● ou bien à un pantalon Σ0,3 ayant exactement deux composantes connexes de bord
dans le niveau f −1 (+),
● ou bien à un pantalon Σ0,3 ayant exactement une composante de bord dans le niveau
f (+), et l’autre dans f −1 (−),
−1
● ou bien à un plan projectif réel à deux trous Σno 1,2 ayant exactement une composante
−1 −1
de bord dans le niveau f (+), et l’autre dans f (−).
Le lemme 7.14 découle alors de cette affirmation, comme suit. Chaque composante
connexe de M ∩ f −1 ( ] − ∞, −]) est un disque par le lemme 7.13. Comme f −1 (+) est
une sous-variété compacte de dimension 1 (à bord vide), donc une union finie disjointe de
cercles, le sous-espace f −1 ([+, a]) est, par le théorème 6.15, une union finie disjointe de
cylindres. Si est assez petit, la composante M ′ possède au moins une composante connexe
de bord contenue dans le niveau f −1 (+), et une dans f −1 (−). Si M ′ est un pantalon ayant
deux (respectivement une) composantes de bord dans le niveau f −1 (+), alors M est un
anneau comme dans la première conclusion du lemme (respectivement un disque comme
dans la deuxième conclusion du lemme). Enfin, si M ′ est un plan projectif réel à deux
trous, alors M est un plan projectif réel à un trou comme dans la troisième conclusion du
lemme.
Par le lemme de Morse, prenons un paramétrage local (W, ϕ) de S en z tel que ϕ(0) = z
et
f ○ ϕ(x, y) = −x2 + y 2
si (x, y) est assez proche de 0 dans W . Comme le niveau critique f −1 (0) privé de z est
une sous-variété de dimension 1, et par la classification, M ′ ∩ f −1 (0) est homéomorphe à la
figure 8. En suivant les niveaux réguliers quitte à réduire , nous obtenons par connexité
que M ′ est C∞ -difféomorphe à un recollement des côtés pairs (contenus dans des courbes
intégrales du gradient de f ) d’un octogone, dont les côtés impairs, après recollement de
leurs extrémités, correspondent aux deux sous-variétés f −1 (+) et f −1 (−).
II I
f −1 (+)
f −1 (−)
f −1 (−)
z
f −1 (0)
f −1 (+)
III IV
Numérotons cycliquement par I, II, III, IV (dans le sens trigonométrique) les côtés pairs
à recoller de l’octogone, comme sur la figure ci-dessus.
Si les côtés I et IV sont recollés, alors les côtés III et IV le sont, et M ′ est un pantalon,
ayant deux composantes connexes dans le niveau f −1 (−) et une dans le niveau f −1 (+).
Voir le dessin de gauche ci-dessous.
Si les côtés I et II sont recollés, alors les côtés III et IV le sont, et M ′ est un pantalon,
ayant une composante connexe dans le niveau f −1 (−) et deux dans le niveau f −1 (+).
Voir le dessin de droite ci-dessous.
184
f −1 (+) f −1 (+)
I=IV z
f −1 (0) f −1 (0)
II=III z I=II III=IV
f −1
(−) f −1 (−)
Enfin, si les côtés I et III sont recollés, alors les côtés II et IV le sont, et puisque les
recollements préservent les niveaux, la sous-variété M ′ n’est pas orientable, elle a deux
composantes connexes de bord, une dans le niveau f −1 (−) et une dans le niveau f −1 (+).
II=IV f −1 (+)
I=III
f −1 (−)
De plus, M ′ est un ruban de Möbius à un trou, donc un plan projectif réel à deux trous.
Ceci termine la démonstration du lemme 7.14, donc du théorème de classification 7.12. ◻◻
185
Σg , qui agit sur Cg par l’application (φ, [c]) ↦ [φ ○ c]. Montrer que le nombre d’orbites de
cette action est fini, et calculer le cardinal
Card( Diff(Σg )/Cg ) < +∞ .
Montrer que Diff(Σg ) agit transitivement sur l’ensemble des classes d’isotopie lisse de
courbes fermées simples non séparantes. Montrer que le sous-groupe Diff 0 (Σg ) de Diff(Σg ),
formé des C∞ -difféomorphismes de Σg isotopes à l’identité, agit transitivement sur l’en-
semble des classes d’isotopie lisse de courbes fermées simples non essentielles.
Supposons maintenant que g ≥ 2 et fixons une courbe fermée simple c essentielle et
séparante dans Σg .
(5) Montrer que le groupe c∗ (π1 (S1 , 1)) image de c∗ est contenu dans le groupe dérivé
[π1 (Σg , c(1)), π1 (Σg , c(1))].
(6) Construire un revêtement double p ∶ Σ ̃ g → Σg dans lequel c se relève en (c’est-à-dire
−1
p (c) est) une courbe fermée simple non séparante.
Exercice E.64. (Décomposition en pantalons) Soient g, g ′ , b, b′ ∈ N, notons Σg,b une
surface lisse compacte connexe orientable de genre g avec b composantes de bord. Rappelons
que si g = 0 et b = 3, une telle surface est appelée un pantalon. Une décomposition en
pantalons de Σg,b est un ensemble fini {c1 , . . . , ck } de courbes fermées simples dans Σg,b
deux à deux disjointes tel que chaque composante connexe de Σg,b − (∂Σg,b ∪ c1 ∪ ⋅ ⋅ ⋅ ∪ ck )
soit un pantalon privé de son bord.
(1) Soient D une composante de bord de Σg,b et D′ une composante de bord de Σg′ ,b′ .
Soient f ∶ D → D′ un C∞ -difféomorphisme et S = Σg,b ∪f Σg′ ,b′ le recollement de Σg,b et
Σg′ ,b′ par f . Calculer χ(S) en fonction de χ(Σg,b ) et χ(Σg′ ,b′ ).
(2) Soient D et D′ deux composantes de bord distinctes de Σg,b . Soient f ∶ D → D′
un difféomorphisme et S = Σg,b /R le recollement de Σg,b par f , où R est la relation
d’équivalence engendrée par x ∼ f (x) pour tout x ∈ D. Calculer χ(S) en fonction de
χ(Σg,b ).
(3) Montrer que la surface Σg,b admet une décomposition en pantalons si et seulement
si χ(Σg,b ) < 0.
(4) Soit {c1 , . . . , ck } une décomposition en pantalons de Σg,b . Montrer que le nombre
de composantes connexes de Σg,b − (c1 ∪ ⋅ ⋅ ⋅ ∪ ck ) est égal à 2g − 2 + b et que le nombre de
courbes fermées simples définissant une décomposition en pantalons est égal à
k = 3g − 3 + b .
186
8 Courbure des courbes et surfaces de l’espace euclidien
72
AΓEΩM ET P HT OΣ M H∆EIΣ EIΣIT Ω
Dans ce dernier chapitre, nous allons considérer certains aspects métriques des sous-
variétés, 73 lorsque nous les munissons des structures métriques induites par celles de l’es-
pace euclidien ambiant. Nous introduirons des quantités numériques permettant, à repa-
ramétrage et isométrie près, de caractériser les sous-variétés considérées en tant qu’objets
métriques : la courbure pour les courbes planes, les courbure et torsion pour les courbes
gauches, et la courbure de Gauss pour les surfaces de l’espace euclidien de dimension 3. Dans
ce chapitre, nous suivrons les références [BG, doC]. Pour compléter la brève introduction
à la géométrie riemannienne qui suit, nous renvoyons par exemple à [Pau4, GaHL, Spi].
Soient r, m ∈ N − {0}. Nous noterons dans tout ce chapitre ∥ ∥ et ⟨ , ⟩ la norme et le
produit scalaire usuel de Rm . Nous identifions tout élément de Rm avec la matrice colonne
de ses coordonnées dans la base canonique de Rm . Nous pouvons remplacer Rm dans ce qui
suit par un espace euclidien de dimension m (muni d’une base orthonormée fixée lorsque
besoin).
Exercice E.65. Montrer que le sous-espace de (Rm )m formé des bases orthonormées (res-
pectivement des bases orthonormées directes) de Rm est une sous-variété lisse de (Rm )m ,
qui est C∞ -difféomorphe à O(m) (respectivement SO(m)). En particulier, le sous-espace
des bases orthonormées directes de R2 est C∞ -difféomorphe au cercle S1 .
187
dirons que c est une courbe plane si m = 2 et une courbe gauche si m = 3. Sa longueur est
long(c) = ∫ ∥ċ(t)∥ dt ,
I
d=φ○c.
Les vecteurs unitaires τ (s) et ν(s) sont aussi appelés les vecteurs tangents et normaux à
la courbe c au temps s. Les applications τ = τc ∶ I → R2 et ν = νc ∶ I → R2 ainsi définies
sont de classe Cr−1 .
La courbure de c est l’application κ = κc ∶ I → R de classe Cr−2 définie par
188
plane c en c(s). Le cercle osculateur à la courbe plane c au point c(s) est le cercle de centre
c(s) + κ(s)
1 1
ν(s) et de rayon κ(s) . Nous renvoyons à la partie 8.1.2 pour une explication de
la terminologie.
En dérivant la formule ∥ċ(s)∥2 = 1, nous obtenons que les vecteurs τ (s) et τ̇ (s) sont
orthogonaux, donc que τ̇ (s) et ν(s) sont colinéaires, et comme ν(s) est un vecteur unitaire,
nous avons
∀ s ∈ I, τ̇ (s) = κ(s) ν(s) . (17)
Cette formule, appelée l’équation de Frenet, redonne la définition de κ en prenant le produit
scalaire avec ν(s). Attention, il est important que la courbe soit paramétrée par longueur
d’arc pour utiliser cette formule afin de calculer la courbure. Il convient donc de ne pas
oublier de reparamétrer les courbes par longueur d’arc si ce n’est pas déjà le cas.
Remarquons que τ̇ (s) = c̈(s) est le vecteur accélération de la courbe c au temps s. La
formule (17) dit en particulier que l’accélération d’une courbe paramétrée par longueur
d’arc est normale (c’est-à-dire colinéaire au vecteur normal en tout temps).
Exemple. Par exemple, la courbure du cercle de centre z0 et de rayon R paramétré
s
dans le sens trigonométrique (et par longueur d’arc) par c ∶ s ↦ z0 + R ei R est R1 , car, en
remarquant que ċ(s) est bien de module 1,
s s 1 is
τ (s) = ċ(s) = i ei R , ν(s) = − ei R et τ̇ (s) = − e R .
R
Attention, si ce cercle est paramétré dans le sens des aiguilles d’une montre, la courbure est
alors constante égale à − R1 . Les courbes planes régulières de courbure constante sont ainsi
les arcs de droites et les arcs de cercles (avec leurs deux classes de paramétrage orienté,
pouvant faire plusieurs tours et fractions de tours !).
Remarque. Pour toute courbe plane régulière f ∶ J → R2 de classe Cr , pour tout repara-
métrage orienté par longueur d’arc c = f ○ s−1 de f , nous pouvons définir le repère (mobile)
de Frenet t ↦ (τ = τf (t), ν = τf (t)) de f par
f˙(t)
∀ t ∈ J, τ (t) = = τf ○s−1 (s(t)) et ν(t) = i τf (t) = νf ○s−1 (s(t)) ,
∥f˙(t)∥
et la courbure κ = κf ∶ J → R2 en posant
Comme deux tels reparamétrages ne diffèrent que d’une translation à la source et s′ (t) =
∥f˙(t)∥, les formules ci-dessus sont bien vérifiées.
Remarquons que la courbure des courbes planes régulières est invariante par reparamé-
trage orienté (par construction) et par déplacements, et qu’elle est changée en son opposé
par un reparamétrage non orienté. En effet, si f ∶ J → R2 de classe Cr est une courbe
plane régulière, si ϕ ∶ J → I est un Cr -difféomorphisme, si est le signe du jacobien de ϕ
(c’est-à-dire = +1 si ϕ préserve l’orientation et = −1 sinon), et si φ ∶ R2 → R2 est un
déplacement (de la forme x ↦ Ax + b avec A ∈ O(2) et b ∈ R2 ), de partie vectorielle φ′ (de
la forme x ↦ Ax), alors nous avons
189
et
τφ○f = φ′ ○ τf , νφ○f = φ′ ○ νf et κφ○f = κf .
Même s’il est fortement conseillé de passer d’abord par un reparamétrage par lon-
gueur d’arc, comme celui-ci n’est pas toujours une fonction élémentaire, il est bien entendu
possible de donner une expression intrinsèque de la courbure : en dérivant la formule
f˙(t) = ∥f˙(t)∥ τ (t), nous obtenons
Donc
det (f˙(t), f¨(t))
κf (t) = .
∥f˙(t)∥2
Proposition 8.1. Pour toute application κ ∶ I → R de classe Cr−2 , il existe une courbe
plane paramétrée par longueur d’arc c ∶ I → R2 de classe Cr et de courbure égale à κ, unique
modulo déplacement.
et donc κ(s) = θ̇(s). La donnée de l’application κ de classe Cr−2 (donc au moins continue)
détermine par intégration l’application θ de classe Cr−1 à constante additive près, qui
détermine l’application τ de classe Cr−1 à une constante multiplicative de module 1 près,
qui détermine par intégration l’application c de classe Cr modulo déplacement (rotation-
translation), le terme de translation venant de la constante d’intégration. ◻
Par exemple, les arcs de droites et cercles sont les courbes de courbure constante, et
les clothoïdes sont les courbes dont la courbure est linéaire croissante κ ∶ s ↦ λ s où λ > 0.
Le dessin ci-dessous est extrait de Wikipedia, auquel nous renvoyons pour l’historique.
Clothoïde
de courbure
κ∶s↦s
190
8.1.2 Classification à déplacement près des courbes gauches
Supposons maintenant que r ≥ 3 et n = 3. Une courbe gauche c ∶ I → R3 de classe Cr
est dite bi-régulière si pour tout t ∈ I, ses vecteurs vitesse ċ(t) et accélération c̈(t) au temps
t sont linéairement indépendants (ce qui ne dépend pas du paramétrage). Nous renvoyons
par exemple à [Ber, Pau5] pour des rappels sur le produit vectoriel 74 dans l’espace vectoriel
euclidien orienté R3 .
Fixons une courbe gauche bi-régulière paramétrée par longueur d’arc c ∶ I → R3 de
classe Cr . Le repère (mobile) de Frenet de c est l’application de classe Cr−2 de l’intervalle I
dans la sous-variété lisse de (R3 )3 constituée des bases orthonormées directes de R3 , définie
par
τ̇ (s)
s ↦ ( τ (s) = ċ(s), ν(s) = , β(s) = τ (s) ∧ ν(s) ) .
∥τ̇ (s)∥
Ces trois vecteurs sont appelés respectivement les vecteurs tangent, normal, binormal de
la courbe c au temps s. Ce sont des vecteurs unitaires (car c est paramétrée par longueur
d’arc). Le plan vectoriel engendré par τ (s) et ν(s) est appelé le plan osculateur de la courbe
c. Il contient toute l’information au second ordre de la courbe c. Nous noterons τ = τc , ν = νc
et β = βc lorsqu’il convient de préciser la courbe c. Ces applications sont en effet de classe
Cr−2 (τ est même de classe Cr−1 ), et en dérivant la relation ⟨τ (s), τ (s)⟩ = 1, nous obtenons
que τ (s) et ν(s) sont orthogonaux, donc par les propriétés du produit vectoriel, que le
triplet (τ (s), ν(s), β(s)) est bien une base orthonormée directe de R3 .
Lemme 8.2. Il existe des uniques fonctions K = Kc ∶ I → ]0, +∞[ de classe Cr−2 et
T = Tc ∶ I → R de classe Cr−3 , respectivement appelée la courbure de c et la torsion de c,
telles que le système d’équations différentielles suivant, dit de Frenet, soit vérifié :
⎧
⎪ τ̇ (s) = K(s) ν(s)
⎪
⎪
⎨ ν̇(s) = −K(s) τ (s) − T (s) β(s) (18)
⎪
⎪
⎪
⎩ β̇(s) = T (s) ν(s) .
De plus, nous avons
K(s) = ∥τ̇ (s)∥ = ⟨ν(s), τ̇ (s)⟩ = −⟨ν̇(s), τ (s)⟩ et T (s) = ⟨β̇(s), ν(s)⟩ = −⟨ν̇(s), β(s)⟩ .
(19)
que u ∧ v est nul si et seulement si u et v sont colinéaires, que si u et v sont orthogonaux non nuls, alors
u ∧ v est le vecteur directement orthogonal à u et à v, de norme égale à ∥u∥ ∥v∥, et enfin que si u = (x, y, z)
et v = (x′ , y ′ , z ′ ), alors les composantes de u ∧ v sont
y y′ z z′ x x′ y y′ x x′ x x′
u∧v =(∣ ∣, ∣ ∣, ∣ ∣)=(∣ ∣, −∣ ∣, ∣ ∣).
z z′ x x′ y y′ z z′ z z′ y y′
191
avec a(s) = ⟨ν̇(s), τ (s)⟩ et b(s) = ⟨ν̇(s), β(s)⟩.
En dérivant les égalités ⟨ν(s), τ (s)⟩ = 0 et ⟨ν(s), β(s)⟩ = 0, nous pouvons respectivement
écrire
a(s) = ⟨ν̇(s), τ (s)⟩ = −⟨ν(s), τ̇ (s)⟩ = −K(s)
et poser
T (s) = −b(s) = −⟨ν̇(s), β(s)⟩ = ⟨ν(s), β̇(s)⟩ .
Ceci permet d’obtenir la deuxième égalité du système (18). Notons que T est bien de classe
Cr−3 car ν(s) et β(s) sont Cr−2 .
Par la définition de β(s) = τ (s) ∧ ν(s) et en dérivant, le caractère bilinéaire et alterné
du produit vectoriel permet d’écrire β̇(s) = τ (s) ∧ ν̇(s). En utilisant la formule centrée (20)
et le fait que τ (s) ∧ β(s) = −ν(s), nous obtenons la dernière égalité du système (18). ◻
Pour tout s ∈ I tel que K(s) ≠ 0, le nombre K(s)1
est appelé le rayon de courbure de la
75
courbe gauche c en c(s). Le cercle osculateur à la courbe gauche c au point c(s) est le
cercle de centre c(s) + K(s)
1 1
ν(s) et de rayon K(s) tangent à τ (s) en c(s). Il est contenu
dans le plan osculateur, qui est, comme défini ci-dessus, le plan affine c(s)+R τ (s)+R ν(s).
plan osculateur
1
K (s)
cercle osculateur
ν (s) c
c(s)
β (s) τ (s)
Pour tout s0 ∈ I, alors que la droite affine tangente c(s0 ) + R τ (s0 ) a un contact d’ordre
1 avec la courbe gauche c en c(s0 ) (ceci signifie que
quand t → 0), le cercle osculateur a un contact d’ordre 2 avec c, au sens suivant. Posons
R = K(s
1
0)
et paramétrons par longueur d’arc le cercle osculateur en c(s0 ) par
θ θ
f ∶ θ ↦ c(s0 ) + R (1 − cos ) ν(s0 ) + R ( sin ) τ (s0 ) .
R R
Nous avons
1
f (0) = c(s0 ), f˙(0) = τ (s0 ) = ċ(s0 ), f¨(0) = ν(s0 ) = K(s0 ) ν(s0 ) = c̈(s0 ) .
R
75. Par convention compatible avec des arguments de passage à la limite (et de convergence de grands
cercles vers des droites), si K(s) = 0, le rayon de courbure est +∞, le centre du cercle osculateur est à
l’infini (dans la direction de ν(s)), et le cercle osculateur est la droite tangente R τ (s).
192
Dire que le cercle osculateur de c en c(s0 ) a un contact d’ordre 2 avec la courbe gauche c
en c(s0 ) signifie que
∥c(s0 + θ) − f (θ)∥ = O(θ3 )
quand θ → 0, ce qui se vérifie en développant au second ordre les fonctions θ ↦ c(s0 + θ) et
f en θ = 0.
Remarquons que si ϕ ∶ I → J est une (restriction d’une) isométrie (pour la distance eu-
clidienne), si est la dérivée (constante) de ϕ (c’est-à-dire = +1 si ϕ préserve l’orientation
et = −1 sinon), alors c ○ ϕ−1 est encore une courbe paramétrée par longueur d’arc, et nous
avons
τc○ϕ−1 = τc ○ ϕ−1 , νc○ϕ−1 = νc ○ ϕ−1 , βc○ϕ−1 = βc ○ ϕ−1 ,
Kc○ϕ−1 = Kc ○ ϕ−1 et Tc○ϕ−1 = Tc ○ ϕ−1 .
De plus, soit φ ∶ R3 → R3 une isométrie, qui est une transformation affine, de la forme
x ↦ Ax + b avec A ∈ O(n) et b ∈ R3 . Sa différentielle, de la forme x ↦ Ax (constante, notée
φ′ ), est une isométrie vectorielle de R3 , donc préserve la norme. L’application linéaire φ′
préserve le produit vectoriel si et seulement si φ est un déplacement, et sinon, en notant
′ = det A, qui vaut +1 si φ préserve l’orientation, et −1 sinon, nous avons
φ′ (x ∧ y) = ′ φ′ (x) ∧ φ′ (y) .
Alors φ ○ c est encore une courbe paramétrée par longueur d’arc, et nous avons
Kφ○c = Kc et Tφ○c = ′ Tc .
Attention, comme dans le cas planaire, il est important que la courbe soit paramétrée
par longueur d’arc pour utiliser les équations de Frenet afin de calculer la courbure et la
torsion. Il convient donc a priori de ne pas oublier de reparamétrer les courbes par longueur
d’arc si ce n’est pas déjà le cas.
Mais il est néanmoins possible de calculer la courbure et la torsion sans passer par une
explicitation du paramétrage par longueur d’arc. En effet, si f ∶ J → R3 est un repara-
métrage orienté quelconque d’une courbe gauche bi-régulière c ∶ I → R3 paramétrée par
longueur d’arc et si s ∶ t ↦ st est le changement de variable 76 tel que f = c ○ s, alors
et
f¨(t) = s′′ (t) τ (st ) + (s′ (t))2 τ̇ (st ) = s′′ (t) τ (st ) + ∥f˙(t)∥2 K(st ) ν(st )
et
...
f (t) =(s′′′ (t) − ∥f˙(t)∥3 K(st )2 ) τ (st ) + (s′′ (t) s′ (t) K(st ) + (∥f˙(t)∥2 K(st ))′ ) ν(st )
− (∥f˙(t)∥3 K(st ) T (st ) β(st ) .
76. qui vérifie s′ (t) = ∣s′ (t)∣ = ∥f˙(t)∥ puisque c est paramétrée par longueur d’arc et puisque le changement
de variable est strictement croissant
193
Donc en utilisant le caractère multilinéaire et alterné du produit vectoriel et du détermi-
nant, nous avons
∥ f˙(t) ∧ f¨(t) ∥
K(s(t)) =
∥f˙(t)∥3
et ...
det ( f˙(t), f¨(t), f (t) )
T (s(t)) = − .
∥ f˙(t) ∧ f¨(t) ∥2
Le résultat suivant dit que la courbure et la torsion déterminent une courbe birégulière
à isométrie et reparamétrage près.
Proposition 8.3. Pour tout intervalle I et pour toutes les applications K ∶ I → ]0, +∞[
de classe Cr−2 et T ∶ I → R de classe Cr−3 , il existe une courbe gauche paramétrée par
longueur d’arc bi-régulière c ∶ I → R3 de classe Cr de courbure égale à K et de torsion égale
à T , unique modulo déplacement.
est paramétrée par longueur d’arc (car ċ(s) = τ (s) est un vecteur unitaire), birégulière (car
ċ(s) = τ (s) et c̈(s) = τ̇ (s) = K(s) ν(s) sont linéairement indépendants puisque la courbure
K est strictement positive), de courbure égale à K et de torsion égale à T par définition.
Elle est de plus de classe Cr par itération (« bootstrap » en anglais) : les applications K et
ν sont de classe Cr−2 par hypothèse et construction, donc la première équation du système
(18) montre que τ est de classe Cr−1 , et donc par la nouvelle intégration, l’application c
est de classe Cr . Ceci montre que la courbe gauche cherchée c existe, et qu’elle est unique,
à déplacement (rotation-translation) près.
Or le système d’équations (18) est un système d’équations différentielles linéaires (sans
second membre) du premier ordre à coefficients continus, et nous savons alors (voir par
exemple [Car, Theo. 1.9.1]), qu’il admet une et une seule solution F ∶ s ↦ (τ (s), ν(s), β(s))
à valeurs dans (R3 )3 , définie sur l’intervalle I tout entier, 79 et valant F0 en s = s0 .
77. Tutti Frutti, Little Richard, https ://www.youtube.com/watch ?v=F13JNjpNW6c
78. Il convient de bien faire attention qu’un point dans l’image de F est un triplet de vecteurs de R3 ,
pas un triplet de réels.
79. C’est une propriété remarquable des systèmes d’équations différentielles linéaires.
194
Pour tout s ∈ I, notons B(s) ∈ M3 (R) la matrice réelle 3 × 3 dont les colonnes sont
les coordonnées de τ (s), ν(s), β(s) dans la base F0 . En particulier, B(s0 ) est la matrice
⎛ 0 K(s) 0 ⎞
identité I3 . Si A(s) = ⎜−K(s) 0 −T (s)⎟, alors le système d’équations (18) s’écrit
⎝ 0 T (s) 0 ⎠
d
B(s) = B(s) t A(s) .
ds
Comme l’application A est de classe Cr−3 , l’application B (et donc l’application F ) est de
classe Cr−2 .
L’application de I dans M3 (R) définie par s ↦ t B(s) B(s) vaut I3 en s = s0 et vérifie
l’équation différentielle du premier ordre
d t
( B(s) B(s)) = A(s) t B(s) B(s) + t B(s) B(s) t A(s) .
ds
Comme la matrice A(s) est antisymétrique, les deux applications s ↦ I3 (qui est constante)
et s ↦ t B(s) B(s), qui vérifient toutes les deux sur I la même équation différentielle du
premier ordre
d
X(s) = A(s) X(s) − X(s) A(s)
ds
avec la même condition initiale en s = s0 , sont égales. Donc B(s) appartient à O(3) pour
tout s ∈ I, et puisque SO(3) est la composante connexe par arcs de I3 = B(s0 ) dans O(3),
la matrice B(s) appartient à SO(3) pour tout s ∈ I. Donc F est bien à valeurs dans
l’ensemble des bases orthonormées directes de R3 . Ceci montre le résultat. ◻
Remarque. Notons que si A(t) et A(s) commutent pour tous les s, t ∈ I (ce qui est le cas
si et seulement si le rapport T (s)/K(s) est constant, comme le montre un petit calcul),
alors par unicité, l’unique solution maximale du système (18) valant F0 en s = s0 est définie
sur I, en utilisant l’application exponentielle exp ∶ M3 (R) → GL3 (R) des matrices, par
s
F ∶ s ↦ exp ( ∫ A(t) dt) ⋅ F0 ,
s0
195
Théorème 8.4. (Théorème de Puiseux) À reparamétrage et déplacement près, les
hélices circulaires maximales sont les courbes définies sur R de la forme
f ∶ t ↦ (a cos t, a sin t, b t) ,
Le réel strictement positif a est appelé le rayon de l’hélice circulaire f , et le réel 2πb le
pas de l’hélice circulaire f .
Un reparamétrage par longueur d’arc de cette courbe f est, en posant λ = √ 21 2 =
√ a +b
K2 + T 2
c ∶ s ↦ (a cos(λ s), a sin(λ s), b λ s) . (21)
Ses vecteurs tangents et normaux sont
τ (s) = ( − a λ sin(λ s), a λ cos(λ s), b λ) et ν(s) = ( − cos(λ s), − sin(λ s), 0) .
Les dessins ci-dessous sont extraits de Wikipedia. Ils montrent que les hélices circulaires
sont extrèmement fréquentes dans la vraie vie.
Si nous demandons que le pas 2πb d’une hélice soit strictement positif, alors il convient
de considérer les hélices circulaires
Cette dernière se ramène par déplacement (demi-tour autour du premier axe de coor-
donnée) à l’hélice circulaire t ↦ (a cos t, a sin t, −b t). Par exemple, le temple d’Aphrodite
ci-dessous au milieu contient à la fois des colonnes (dites torses) à hélices dextres et des
colonnes à hélices senestres.
196
Escalier à double hélice parking à double hélice
Escalier à double hélice
du Musée du Vatican de Noisy-le-Grand
de Chambord
Il existe des plantes qui s’enroulent sur des tuteurs en hélices dextres, s’enroulant pour
l’observateur de bas en haut et de gauche à droite (comme le liseron et le haricot) et d’autre
en hélices sénestres (comme le houblon).
Donc le premier vecteur du triplet F (s) est de la forme τ (s) = cos(λt) u0 + sin(λt) v0 + w0
où u0 , v0 , w0 ∈ R3 . Par conséquent, la courbe gauche c s’écrit, à translation près,
c ∶ s ↦ sin(λs) u + cos(λs) v + sw
avec√u, v, w ∈ R3 . Quitte à remplacer s par −s et w par −w, nous pouvons supposer que
λ = K 2 + T 2 . Nous avons τ (0) = ċ(0) = λu + w, Kν(0) = τ̇ (0) = c̈(0) = −λ2 v, et
...
−K 2 τ (0) − KT β(0) = K ν̇(0) = τ̈ (0) = c (0) = −λ3 u.
Donc
−K ν(0) K 2 τ (0) + KT β(0) K 2 τ (0) + KT β(0)
c(s) = cos(λs) + sin(λs) + s(τ (0) − ).
λ2 λ3 λ2
Nous retrouvons bien l’équation (21) à changement de base orthonormée directe près, en
utilisant que λ2 = K 2 + T 2 et en posant
Exercice E.66. (Théorème de Lancret) Montrer que les courbes gauches birégulières
de classe C3 vérifiant l’une des conditions suivantes :
● ses vecteurs tangents font un angle constant avec une direction donnée,
● ses vecteurs normaux sont orthogonaux à un vecteur non nul constant,
● ses vecteurs binormaux font un angle constant avec une direction donnée,
T
sont les courbes gauches birégulières dont le rapport K de la torsion T par la courbure K
est constant. Ces courbes sont appelées des hélices.
198
8.2.1 Fibré normal et point focaux
νx M
Tx M
x
M
Notons
νM = {(x, v) ∈ R2m ∶ x ∈ M, v ∈ νx M = (Tx M )⊥ }
le sous-espace de R2m des couples (x, v) où x est un point de M et v un vecteur dit normal
à M , c’est-à-dire appartenant à l’orthogonal νx M = (Tx M )⊥ (pour le produit scalaire
euclidien usuel de Rm ) du plan tangent Tx M à M en x. Nous représenterons souvent
sur les dessins l’espace normal νx M en un point x de M , qui est un espace vectoriel,
comme l’espace affine passant par x correspondant. Remarquons que νx M est un sous-
espace vectoriel de dimension m − p de Rm . En particulier, si M est une hypersurface de
Rm (c’est-à-dire si p = m − 1), alors les espaces normaux νx M aux points x de M sont des
droites vectorielles.
Muni de la projection canonique π ν ∶ (x, v) ↦ x, il s’appelle le fibré normal à la sous-
variété M . Par une démonstration assez semblable à celle pour le fibré tangent (voir la
proposition 4.12) et le fibré cotangent (voir la partie 6.2), c’est une sous-variété lisse de
R2m de dimension p+(m−p) = m. 80 Contrairement au cas des fibrés tangents et cotangents,
il dépend à C∞ -difféomorphisme près du plongement de M dans l’espace ambiant Rm .
Un champ de vecteurs normaux est une section lisse de la projection canonique π ν du
fibré normal νM , c’est-à-dire une application lisse n ⃗ ∶ M → νM telle que π ν ○ n ⃗ = idM .
Comme elle est de la forme x ↦ (x, v(x)) avec v ∶ M → R une application de classe C∞ ,
m
telle que v(x) ⊥ Tx M pour tout x ∈ M (qui détermine complètement n ⃗ ), nous identifierons
souvent l’application n ⃗ avec sa seconde projection v.
Si p < m (c’est-à-dire si la codimension de M dans Rm est au moins 1), pour tout point
x de M , il existe des champs de vecteurs normaux qui sont définis et ne s’annulent pas sur
un voisinage ouvert assez petit de x. Les paramétrages locaux de νM permettent même de
construire m − p vecteurs normaux linéairement indépendants en tout point d’un voisinage
ouvert assez petit de x.
Exemple. Le fibré normal à la sphère Sp de dimension p dans Rp+1 est difféomorphe à
Sp × R, car l’application de Sp × R dans νSp définie par
199
est un C∞ -difféomorphisme. De plus, l’application n
⃗ ∶ x ↦ (x, −x) est un champ de vecteurs
normaux unitaires lisse sur Sp . Contrairement aux champs de vecteurs tangents (voir le
théorème de peignage des sphères 5.18), il existe donc des champs de vecteurs normaux ne
s’annulant pas sur toute sphère, mais ce n’est pas forcément vrai pour toute sous-variété.
Nous avons une application lisse fM ∶ νM → Rm (dite d’évaluation en leur extrémité
des vecteurs normaux) définie par fM ∶ (x, v) ↦ x + v. Nous dirons qu’un point y ∈ Rm
est un point focal de M en x s’il existe v ∈ νx M tel que fM (x, v) = y et telle que le point
(x, v) soit un point critique de fM , ou, de manière équivalente puisque les sous-variétés
νM et Rm sont toutes deux de dimension m, telle que l’application tangente T(x,v) fM ait
un noyau non nul. La multiplicité k d’un point focal y de M en x est alors la dimension
du noyau de T(x, y−x) fM .
Exemples. (1) S’il existe une courbe c ∶ I → M de classe C1 non constante tracée sur
M et un champ de vecteurs normaux v ∶ I → νM lisse le long de c (c’est-à-dire tel que
v(s) ∈ νc(s) M pour tout s ∈ I, ou, de manière équivalente, tel que π ν ○ v = c), qui vérifient
∀ s ∈ I, c(s) + v(s) = y ,
alors y est un point focal de M . Mais cette condition suffisante n’est pas équivalente à être
un point focal, qui est une propriété infinitésimale.
(2) Si p ≥ 1, le seul point focal de la sphère Sp (et plus généralement de tout ouvert
non vide de Sp ) est son centre, point en lequel se concentrent les rayons lumineux normaux
intérieurs émis par une sphère. Sa multiplicité est égale à p. En effet, nous avons fSp (x, −x) =
0 pour tout x ∈ Sp , donc (x, −x) est un point critique de fSp car p ≥ 1. Une variation
(utilisant le principe de réflexion de Descartes, avec réflexion symétrique de part et d’autre
de la normale, et non pas le long de la normale) sur le phénomène de concentration des
rayons est à la base des fours solaires, ci-dessous celui parabolique d’Odeillo (Pyrénées
Orientales).
Exercice E.67. Calculer la courbure et les points focaux des ellipses planes et des hyper-
boles planes d’équation a x2 + b y 2 = 1, où a, b ∈ R − {0}, et des paraboles planes d’équation
y = ax2 , où a ∈ R − {0}.
200
8.2.2 La première forme fondamentale
Notons T M ×M T M = {(x, v, w) ∈ R3m ∶ x ∈ M, v, w ∈ Tx M }, qui est une sous-variété
lisse de R3m de dimension 3p, 81 appelée l’espace des bivecteurs tangents à M .
La première forme fondamentale de la sous-variété M de l’espace euclidien Rm est
l’application I ∶ T M ×M T M → R définie par
I ∶ (x, v, w) ↦ Ix (v, w) = ⟨v, w⟩ ,
en rappelant que ⟨ , ⟩ est le produit scalaire usuel de Rm . Le réel Ix (v, w) est parfois noté
gx (v, w) ou ⟨v, w⟩x . Remarquons que l’application I est de classe C∞ , et que l’application
de Tx M × Tx M dans R définie par (v, w) ↦ Ix (v, w) est un produit scalaire sur l’espace
tangent Tx M en x, c’est-à-dire une forme bilinéaire symétrique définie positive sur Tx M .
La première forme fondamentale, qui dépend du plongement dans l’espace ambiant Rm ,
donne un exemple de métrique riemannienne sur la sous-variété M , mais nous n’en ferons
pas de théorie générale dans ce cours, en renvoyant aux apprentissages de seconde année
(M2) de master (voir par exemple [Pau4, GaHL, Spi]).
Nous pouvons exprimer la première forme fondamentale à l’aide de paramétrages lo-
caux. Soit ϕ ∶ W → Rm un paramétrage local de M , où W est un ouvert de Rp (en
particulier ϕ(W ) est un ouvert de M ). Pour tout x ∈ W , le p-uplet
∂ϕ ∂ϕ
Bϕ(x) = ( (x), . . . , (x) )
∂x1 ∂xp
de vecteurs tangents à M en ϕ(x) est une base de l’espace tangent Tϕ(x) M . Elle ne dépend
pas seulement de ϕ(x), mais aussi de la différentielle de ϕ en x. La matrice G(x) de la
première forme fondamentale Iϕ(x) de M en ϕ(x) dans cette base est la matrice de Gram 82
du p-uplet de vecteurs Bϕ(x) pour le produit scalaire euclidien de Rm , c’est-à-dire
∂ϕ ∂ϕ
G(x) = (gi,j (x))1≤i,j≤p = ( ⟨ (x), (x)⟩ ) . (22)
∂xi ∂xj 1≤i,j≤p
L’application x ↦ G(x) = Gϕ (x) ainsi définie de W dans la sous-variété Sym++p des matrices
∞
réelles de taille p × p symétriques définies positives, est de classe C . Notons (v1 , . . . , vp )
les composantes d’un vecteur tangent v ∈ Tϕ(x) M dans la base Bϕ(x) , de sorte que
p
∂ϕ
v = ∑ vi (x) .
i=1 ∂xi
Nous identifions de manière usuelle un vecteur de Tϕ(x) M avec la matrice colonne de ses
coordonnées dans la base Bϕ(x) . Nous obtenons l’expression en coordonnées locales de la
première forme fondamentale
p
Iϕ(x) (v, w) = t v G(x) w = ∑ gi,j (x) vi wj .
i,j=1
81. En effet, comme dans la démonstration de la proposition 4.12, si (W, ϕ) est un paramétrage local
lisse de M , d’image U ∩ M , où U est un voisinage ouvert dans Rm d’un point x0 ∈ M , alors
(W × Rp × Rp , ψ ∶ (x, v, w) ↦ (ϕ(x), dϕx (v), dϕx (w))
est un paramétrage local lisse de T M ×M T M au voisinage de (x0 , v0 , w0 ) pour tous les v0 , w0 ∈ Tx0 M .
82. Voir par exemple [Pau5] pour des généralités sur les matrices de Gram, dont nous n’aurons pas besoin
ici.
201
La formule de changement de paramétrage local est la suivante. Soit ψ ∶ W ′ → W un C∞ -
difféomorphisme entre ouverts de Rp , de matrice jacobienne Jy ψ en y ∈ W ′ . Rappelons la
formule
Z = Jy ψ Z ′ (23)
reliant la matrice colonne Z ′ des (nouvelles) coordonnées d’un vecteur de Tϕ○ψ(y) M dans
la (nouvelle) base des dérivées partielles de ϕ ○ ψ en y, en fonction de la matrice colonne
Z de ses (anciennes) coordonnées dans la base (ancienne) des dérivées partielles de ϕ en
ψ(y). Alors la matrice de la première forme fondamentale pour le (nouveau) paramétrage
local ϕ ○ ψ ∶ W ′ → Rm de M est
Gϕ○ψ (y) = t
(Jy ψ) Gϕ (ψ(y)) Jy ψ . (24)
Puisque la seconde somme du membre de droite de l’égalité ci-dessus est une combinaison
linéaire de vecteurs tangents à M en ϕ(ψ(y)) = x, elle disparaît en prenant la projection
orthogonale 84 par πx⊥ . La formule (23) de changement de coordonnées des vecteurs tangents
montre alors l’indépendance cherchée. En particulier, l’application II, qui peut localement
être définie en prenant un même paramétrage local, est de classe C∞ .
83. Le terme « forme » n’est pas approprié, car l’application bilinéaire IIx n’est pas à valeurs dans R,
mais est à valeurs vectorielles. Pour des raisons d’usage, nous l’emploierons tout de même.
84. C’est la raison pour laquelle nous prenons cette projection orthogonale, sinon la définition ne serait
pas indépendante du paramétrage local.
202
⃗ est un champ de vecteurs normaux sur M , la seconde forme fondamentale dans la
Si n
⃗ est l’application IIn⃗ ∶ T M ×M T M → R de classe C∞ définie par
direction n
K = K n⃗ (x) = λ1 . . . λp .
⃗ est
La courbure moyenne de M en x dans la direction n
1
H = H n⃗ (x) = (λ1 + ⋅ ⋅ ⋅ + λp ) .
p
Les courbures de Gauss et moyennes sont indépendantes du choix de l’ordre, et définissent
des fonctions de classe C∞ sur M , invariantes par isométries de l’espace ambiant Rm . En
effet, soit f ∶ Rm → Rm une isométrie (pour la distance euclidienne), donc de la forme
x ↦ A x + b avec A ∈ O(m) et b ∈ Rm , de partie vectorielle f ′ ∶ x ↦ A x. Alors ν(f (M )) =
f (νM ), et les première et seconde formes fondamentales, ainsi que les courbures de Gauss
et moyenne, de la sous-variété lisse f (M ) vérifient
If (x) (f ′ (v), f ′ (w)) = Ix (v, w), IIf (x) (f ′ (v), f ′ (w)) = IIx (v, w),
K f ○⃗n (f (x)) = K n⃗ (x), H f ○⃗n (f (x)) = H n⃗ (x) . (26)
Remarquons que tout polynôme symétrique P en p variables définit aussi une fonction lisse
sur M par x ↦ P (λ1 (x), . . . , λp (x)).
Par le théorème de Riesz-Fréchet, pour tout x ∈ M , puisque Ix est un produit scalaire
sur Tx M et puisque IInx⃗ est une forme bilinéaire symétrique sur Tx M , il existe une unique
application linéaire Lnx⃗ ∶ Tx M → Tx M , auto-adjointe pour ce produit scalaire, telle que
pour tous les v, w ∈ Tx M , nous ayons
203
L’application Ln⃗ ∶ x ↦ Lnx⃗ est appelée l’opérateur de Weingarten dans la direction n
⃗ (« shape
operator » en anglais). Les courbures principales dans la direction n ⃗ en tout point de M
sont les valeurs propres de l’opérateur de Weingarten dans la direction n ⃗ en tout point de
M . De plus, nous avons
1
K n⃗ (x) = det Lnx⃗ et H n⃗ (x) = tr Lnx⃗ .
p
Exemple. Supposons que I soit un intervalle ouvert non vide de R, et que M soit l’image
d’une courbe plane régulière (respectivement d’une courbe gauche birégulière) c ∶ I → Rm
avec m = 2 (respectivement m = 3), paramétrée par longueur d’arc, qui est un plongement
lisse de I dans Rm . Nous reprenons les notations de la partie 8.1. Notons n⃗ le champ de
vecteurs normaux unitaires le long de c défini par n⃗ (c(s)) = ν(s). Alors pour tout s ∈ I,
nous avons
R ν(s) si m = 2
Tc(s) M = R τ (s), νc(s) M = {
R ν(s) + R β(s) si m = 3,
et pour tous les a, b ∈ R, nous avons, puisque τ (s) est unitaire, et c̈(s) = τ̇ (s) est normal à
M en c(s),
Ic(s) (a τ (s), b τ (s)) = a b, IIc(s) (a τ (s), b τ (s)) = a b c̈(s),
⃗ a b κ(s) si m = 2
IInc(s) (a τ (s), b τ (s)) = a b ⟨ c̈(s), ν(s) ⟩ = {
a b K(s) si m = 3,
κ(s) si m = 2
de sorte que K n⃗ (c(s)) = λn1⃗ (c(s)) = { . Ainsi la courbure de Gauss coïncide
K(s) si m = 3
avec la courbure des courbes plane et gauche.
Si m = 3, pour tout s0 dans l’intérieur de I, pour tout > 0 assez petit, tout champ de
vecteurs normaux unitaires le long de c∣]s0 −,s0 +[ s’écrit
où θ ∶]s0 − , s0 + [→ R est une application lisse. Auquel cas, comme τ̇ (s) = K(s) ν(s), pour
tout s ∈]s0 − , s0 + [, nous avons
⃗
IInc(s) (a τ (s), b τ (s)) = a b ⟨ c̈(s), ν(s) ⟩ = a b cos(θ(s)) K(s) .
204
⃗ (x)) est une base orthonormée orientée de Rm (voir
orientée de Tx M , alors (v1 , . . . , vm−1 , n
l’exemple ci-dessous pour l’explication du choix de positionnement de n ⃗ (x)).
Réciproquement, s’il existe un champ n ⃗ comme dans l’énoncé, nous pouvons définir une
orientation (lisse) sur T M , en demandant pour tout x ∈ M qu’une base (v1 , . . . , vm−1 ) de
Tx M soit directe si et seulement si la base (v1 , . . . , vm−1 , n⃗ (x)) de Rm soit directe. ◻
En particulier, un champ de vecteurs normaux unitaires existe localement : pour tout
paramétrage local ϕ ∶ W → Rm de M , où W est un ouvert W de Rm−1 , nous pouvons
munir l’ouvert ϕ(W ) de M de l’orientation qui fait de ϕ un C∞ -difféomorphisme préservant
l’orientation.
Si M est connexe et s’il existe un champ de vecteurs normaux unitaires n ⃗ sur M , il est,
par continuité, unique modulo changement global de signe, auquel cas la seconde forme
fondamentale est bien définie au signe près. Et particulier si p = m − 1 est pair, comme
ce sera le cas pour les surfaces dans R3 traitées dans la partie 8.4, alors la courbure de
Gauss est indépendante du choix de n ⃗ , car changer toutes les courbures principales en leur
opposées ne change pas leur produit si leur nombre est pair.
Lorsque M est une hypersurface orientée, nous utiliserons le champ de vecteurs nor-
maux unitaires n ⃗ du lemme ci-dessus, dit orienté, pour définir la seconde forme fondamen-
tale II = IIn⃗ , parfois appelée la seconde forme fondamentale scalaire, qui est alors invariante
par déplacement de Rm par la formule (26), ainsi que pour définir lopérateur de Weingarten
L = Ln⃗ .
L’application ainsi définie n ⃗ ∶ M → Sm−1 est appelée l’application de Gauss de l’hyper-
surface orientée M . Pour tout x ∈ M , puisque l’orthogonal de n
86
⃗ (x) est le plan tangent
Tx M , nous avons
Tx M = n⃗ (x)⊥ = Tn⃗ (x) Sm−1 .
⃗ (x), n
En dérivant l’égalité ⟨ n ⃗ (x) ⟩ = 1 exprimant le caractère unitaire du champ de vecteurs
normaux n ⃗ , pour tout v ∈ Tx M , nous avons que Tx n ⃗ (v) est orthogonal à n⃗ (x), donc
appartient à Tn⃗ (x) Sm−1 = Tx M . Par conséquent, l’application Tx n ⃗ ∶ Tx M → Tx M est un
endomorphisme linéaire de Tx M .
86. La troisième forme fondamentale d’une hypersurface orientée M , dont nous ne nous servirons pas
dans ces notes, est définie comme étant l’opposée de l’image réciproque de la première forme fondamentale
de Sm−1 par l’application tangente à l’application de Gauss de M :
⃗ (v), Tx n
∀ x ∈ M, ∀ v, w ∈ Tx M, IIIx (v, w) = −⟨Tx n ⃗ (w)⟩ .
205
nous avons
⃗
n
+
⃗
n
S1 S2
Comme remplacer ce champ de vecteurs par son opposé ne change pas la courbure de
Gauss si n est pair, nous utiliserons dans la suite le champ de vecteurs normaux unitaires
⃗ ∶ x ↦ −R
rentrant n x
pour calculer la seconde forme fondamentale.
Au voisinage de tout point de SR de première coordonnée strictement positive, l’appli-
○
cation ϕ ∶ B Rn (0, R) → Sn définie sur la boule ouverte de rayon R de centre 0 dans l’espace
euclidien Rn par
√
x = (x1 , . . . , xn ) ↦ ϕ(x) = (x0 = R2 − ∥x∥2 , x1 , . . . , xn )
est un paramétrage local. En notant (e0 , e1 , . . . , en ) la base canonique de Rn+1 , pour tout
○
x ∈ B (0, R), la base Bϕ(x) de Tϕ(x) SR définie par ce paramétrage local est
∂ϕ x1 ∂ϕ xn
( (x) = e1 − √ e0 , . . . , (x) = en − √ e0 ) .
∂x1 R − ∥x∥
2 2 ∂xn R − ∥x∥2
2
206
Pour tous les i, j ∈ {1, . . . , n}, le coefficient (i, j) de la matrice G(x) = (gi,j (x))1≤i,j≤n de
Gram de la première forme fondamentale en x dans cette base est donc
⎧ xi xj
∂ϕ ∂ϕ ⎪ R2 −∥x∥2 si i ≠ j
⎪
gi,j (x) = ⟨ (x), (x) ⟩ = ⎨ x2i
∂xi ∂xj ⎪
⎪ 1 + si i = j .
⎩ R −∥x∥2
2
Puisque le champ de vecteurs normaux unitaires rentrant de SR vaut −e0 au pôle Nord P ,
sa seconde forme fondamentale (scalaire) en P vérifie donc, pour tous les v, w ∈ TP Sn ,
1
IIP (v, w) = IP (v, w) .
R
Par invariance par rotation, nous avons IIx (v, w) = Ix ( R1 v, w) pour tous les x ∈ Sn et
v, w ∈ Tx Sn . Donc l’opérateur de Weingarten en tout point x de Sn est l’application linéaire
v ↦ R1 v, c’est-à-dire l’homothétie de rapport R1 de l’espace tangent Tx Sn .
Par invariance par rotation, les courbures principales, les rayons de courbure principaux,
les courbures de Gauss et moyennes de la sphère Sn sont constantes, égales respectivement
à
1 1 1
λ1 = ⋅ ⋅ ⋅ = λn = , R1 = ⋅ ⋅ ⋅ = Rn = R, K = n et H = .
R R R
Remarquons qu’en dimension impaire, le choix opposé du champ de vecteurs normaux
unitaires sortant de la boule (qui est celui utilisé pour définir l’orientation de la sphère)
conduirait à des sphères de courbures principales strictement négatives, ce qui ne collerait
pas avec l’intuition.
Comptés avec multiplicité, il y a donc au plus p points focaux le long de la droite affine
normale `.
Lorsque M est l’image d’une courbe plane régulière ou d’une courbe gauche birégulière
c, ce résultat dit, par le calcul de la courbure principale de M dans l’exemple en fin de
la partie 8.2.3, que l’unique point focal de M en un point x = c(s) dans la direction ν(s)
207
du vecteur normal en s est le centre du cercle osculateur de M en x (lorsqu’il existe,
c’est-à-dire lorsque la courbure de M en x est non nulle).
Démonstration. Nous pouvons supposer que p < m. Soit ϕ ∶ W → Rm un paramétrage
local de M en y, où W est un ouvert de Rp contenant 0 et ϕ(0) = y. Quitte à réduire
l’ouvert W , il existe, pour tout élément x = (x1 , . . . , xp ) ∈ W , une base orthonormée
(⃗ ⃗ m (x)) du sous-espace vectoriel euclidien νϕ(x) M , dépendant de manière
np+1 (x), . . . , n
lisse de x, telle que n ⃗ p+1 (0) = v. Alors l’application ϕ
̃ de W × Rm−p dans νM définie par
m
̃ ∶ (x = (x1 , . . . , xp ), u = (xp+1 , . . . , xm )) ↦ ( ϕ(x), ∑ xk n
ϕ ⃗ k (x) )
k=p+1
est un paramétrage local lisse de νM en (y, v). L’expression dans ce paramétrage local de
l’application fM ∶ νM → Rm définie par (z, w) ↦ z + w est
m
̃ ∶ (x = (x1 , . . . , xp ), u = (xp+1 , . . . , xm )) ↦ ϕ(x) + ∑ xk n
ψ = fM ○ ϕ ⃗ k (x) .
k=p+1
⃗k
∂n ∂ϕ ∂2ϕ ∂ ∂ϕ
⟨ (x), (x) ⟩ + ⟨ n
⃗ k (x), (x) ⟩ = ⟨n
⃗ k (x), (x) ⟩ = 0 .
∂xi ∂xj ∂xi ∂xj ∂xi ∂xj
Ainsi, pour tout t ∈ R, en posant u0 = (1, 0, . . . , 0) ∈ Rm−p , le point y + tv est un point
focal de M en y si et seulement si la différentielle d(0, t u0 ) ψ n’est pas injective, et alors la
multiplicité du point focal y + tv est égale à la dimension du noyau de la matrice
∂2ϕ
(aij (0, tu0 ) = gi,j (0) − t⟨ v, (0) ⟩)1≤i,j≤p .
∂xi ∂xj
Quitte à effectuer un changement de variable linéaire dans W , nous pouvons supposer
que (gi,j (0))1≤i,j≤p est la matrice identité p × p. Donc x + tv est un point focal de M de
multiplicité µ si et seulement si 1t est une valeur propre de multiplicité µ de la matrice de
la seconde forme fondamentale de M en y dans la direction v. ◻
Le résultat suivant redémontre l’existence d’une fonction de Morse lisse sur toute variété
(voir la partie 6.2), en utilisant le théorème de plongement de Whitney (voir la partie 4.6)
pour se ramener à une sous-variété d’un espace euclidien Rm .
208
Théorème 8.9. Pour presque tout point z ∈ Rm , l’application dz ∶ M → R définie par
y ↦ d(y, z)2 = ∥y − z∥2 est une fonction de Morse lisse sur M .
Démonstration. Notons que dz est en effet une fonction lisse sur M . Le lemme clef est
la caractérisation suivante des points critiques non dégénérés de la fonction dz .
ψ ∶ x ↦ ∥ϕ(x) − z∥2 .
∂2ψ ∂ϕ ∂ϕ ∂2ϕ
(0) = 2⟨ (0), (0) ⟩ + 2⟨ (0), ϕ(0) − z ⟩ .
∂xi ∂xj ∂xj ∂xi ∂xi ∂xj
∂2ψ ∂2ϕ
(0) = 2( gi,j (0) − t⟨ v, (0) ⟩) .
∂xi ∂xj ∂xi ∂xj
Nous allons mettre en oeuvre ci-dessous la méthodologie introduite dans la partie 8.2
pour calculer les invariants géométriques des hypersurfaces orientées M :
(1) trouver de « bons » paramétrages locaux ϕ ∶ W → M (préservant l’orientation) de
« bons » voisinages de tout point de M , qui rendront les calculs les plus agréables
possibles et reflèteront les éventuelles symétries de M (il est souvent utile d’utiliser des
arguments de symétrie pour simplifier, voire éviter, certains calculs),
(2) calculer une base de champs de vecteurs tangents (les ( ∂x ∂ϕ
i
○ϕ−1 )1≤i≤m−1 étant une base
∞
du C (ϕ(W ))-module des champs de vecteurs tangents sur ϕ(W )),
(3) calculer la première forme fondamentale, par exemple par la matrice de Gram de la
base précédente,
(4) calculer le champ de vecteurs normaux unitaires n ⃗ orienté (c’est-à-dire donné par
l’orientation de la variété et de l’espace ambiant), par exemple en prenant le produit
vectoriel (renormalisé) de la base précédente, et qui déterminera donc l’application de
Gauss de l’hypersurface orientée M de Rm ,
(5) calculer la seconde forme fondamentale de M , que ce soit en utilisant (sans oublier de
prendre le produit scalaire avec n⃗ pour avoir la seconde forme fondamentale « scalaire »)
la différentielle seconde du paramétrage d2 ϕϕ−1 (x) (dϕ−1 −1
x (v), dϕx (w)) ou de manière
2
équivalente sa matrice hessienne (à valeurs vectorielles) ( ∂x∂i ∂x
ϕ
j
○ ϕ−1 )1≤i,j≤m−1 ou que
ce soit en utilisant l’opérateur de Weingarten −Tx n⃗ , de matrice de taille (m − 1) × m
∂(⃗n○ϕ) −1
donnée par ( ∂xi ○ ϕ )1≤i≤m−1 , en fonction de ce qui minimise les calculs,
(6) enfin, calculer les invariants de courbure souhaités, dont courbures principales, cour-
bure de Gauss, courbure moyenne, points focaux (par la proposition 8.8), etc.
Calcul de la première forme fondamentale dans un paramétrage local
Soit ϕ ∶ W → R3 un paramétrage local de M (préservant l’orientation), où W est un
ouvert de R2 . Pour tout (x, y) ∈ W , posons
∂ϕ 2 ∂ϕ ∂ϕ ∂ϕ 2
E(x, y) = ∥ (x, y)∥ , F (x, y) = ⟨ (x, y), (x, y) ⟩, et G(x, y) = ∥ (x, y)∥ .
∂x ∂x ∂y ∂y
210
Alors la matrice de la première forme fondamentale Iϕ(x,y) de M en ϕ(x, y) dans la
base Bϕ(x,y) = ( ∂ϕ )
∂x (x, y), ∂y (x, y) est la matrice de Gram
∂ϕ
E(x, y) F (x, y)
( ),
F (x, y) G(x, y)
de sorte que la forme quadratique associée à la forme bilinéaire symétrique Iϕ(x,y) s’écrit,
∂x (x, y) + Y ∂x (x, y) ∈ Tϕ(x,y) M ,
pour tout v = X ∂ϕ ∂ϕ
E(x, y) F (x, y) X
Iϕ(x,y) (v, v) = (X Y ) ( )( )
F (x, y) G(x, y) Y
= X 2 E(x, y) + 2XY F (x, y) + Y 2 G(x, y) .
Pour tout borélien B contenu dans l’image ϕ(W ) de ϕ, nous définissons l’aire de B par
√ √
Aire(B) = ∫ det(Iϕ(x,y) ) dx dy = ∫ det(gi,j (x, y))1≤i,j≤2 dx dy
ϕ−1 (B) ϕ−1 (B)
√ ∂ϕ ∂ϕ
=∫ EG − F 2 dx dy = ∫ ∥ (x, y) ∧ (x, y)∥ dx dy ,
ϕ−1 (B) ϕ−1 (B) ∂x ∂y
qui est un élément de [0, +∞]. Par la formule de changement de variable des intégrales pour
la mesure de Lebesgue de R2 et par la formule (24), ceci ne dépend pas du paramétrage
local. Par additivité de l’intégrale, ceci permet de définir l’aire Aire(B) de tout borélien
B d’une surface lisse M ′ (orientable ou pas) de R3 , en écrivant B = ⊔i∈N Bi comme une
réunion dénombrable de boréliens Bi deux à deux disjoints, chacun d’eux étant contenu
dans l’image d’un paramétrage local de M . L’application B ↦ Aire(B) est une mesure
(positive, borélienne) finie sur les compacts, sur l’espace localement compact M ′ , appelée
la mesure d’aire de M ′ . La première formule ci-dessus permet de définir une mesure, dite
riemannienne, sur toute variété riemannienne, nous renvoyons pour cela aux apprentissages
de seconde année (M2) de master (voir par exemple [Pau4, GaHL, Spi]).
∂ϕ ∂f ∂ϕ ∂f
= (1, 0, ) et = (0, 1, ).
∂x ∂x ∂y ∂y
Alors
∂f 2 ∂f ∂f ∂f 2
E(x, y) = 1 + ( (x, y)) , F (x, y) = (x, y) (x, y), et G(x, y) = 1 + ( (x, y)) .
∂x ∂x ∂y ∂y
(27)
211
En particulier, si B est un borélien de M = ϕ(W ), alors l’aire de B est
√
∂f 2 ∂f 2
Aire(B) = ∫ 1 + ( ) + ( ) dx dy . (28)
ϕ (B)
−1 ∂x ∂y
R e3
∂ϕ
∂s
c(s)
g (s)
∂ϕ
∂θ
R e1
f (s)
R e2
c
Il est important de penser aux surfaces de révolution comme obtenues en faisant tourner
autour de son axe sa courbe méridienne, de la même manière qu’un artisan ou une artisane
ébéniste tourne son bois, ou qu’un artisan potier ou une artisane potière tourne son argile.
87. Cette hypothèse implique que la courbe c ne rencontre pas l’axe vertical Re3 , ce qui est nécessaire
comme le montre l’exemple du cône de révolution {(x, y, z) ∈ R3 ∶ x2 + y 2 − z 2 = 0} qui n’est pas une
sous-variété différentielle en (0, 0, 0).
212
Voici quelques dessins représentant des surfaces de révolution, essentiellement extraits
de Wikipedia.
Alors
∂ϕ ∂ϕ
= f ′ (s) eiθ + g ′ (s)e3 et = if (s) eiθ , (29)
∂s ∂θ
de sorte que, puisque c est paramétrée par longueur d’arc,
∂ϕ ∂ϕ ∂ϕ ∂ϕ
E(s, θ) = ∥ ∥ = 1, F (s, θ) = ⟨ , ⟩ = 0, et G(s, θ) = ∥ ∥ = f (s)2 . (30)
∂s ∂s ∂y ∂y
Si B est un borélien de M , alors l’aire de B est
213
Calcul de la seconde forme fondamentale dans un paramétrage local
Nous avons vu qu’un paramétrage local ϕ ∶ W → R3 de M définit une orientation de
son image dans la surface M , et le choix du champ de vecteurs normaux unitaires orienté
sur ϕ(W ) est alors, pour tout (x, y) ∈ W ,
∂x (x, y) ∧ ∂y (x, y)
∂ϕ ∂ϕ
ν⃗(x, y) = .
∥ ∂ϕ
∂x (x, y) ∧ ∂y (x, y)∥
∂ϕ
⃗
La matrice de la seconde forme fondamentale (scalaire) IIϕ(x,y) = IIνϕ(x,y) dans la base
Bϕ(x,y) est alors
`(x, y) m(x, y)
( ),
m(x, y) n(x, y)
où, en omettant les évaluations en (x, y) pour raccourcir les formules, et en dérivant les
égalités ⟨ ∂ϕ ⃗ ⟩ = ⟨ ∂ϕ
∂x , ν ⃗ ⟩ = 0,
∂y , ν
∂ϕ ∂ϕ ∂2ϕ ∂ϕ ∂ ν⃗
` = IIϕ(x,y) ( (x, y), (x, y)) = ⟨ 2 , ν⃗ ⟩ = −⟨ , ⟩,
∂x ∂x ∂x ∂x ∂x
∂ϕ ∂ϕ ∂2ϕ ∂ϕ ∂ ν⃗ ∂ϕ ∂ ν⃗
m = IIϕ(x,y) ( (x, y), (x, y)) = ⟨ , ν⃗ ⟩ = −⟨ , ⟩ = −⟨ , ⟩,
∂x ∂y ∂x∂y ∂x ∂y ∂y ∂x
∂ϕ ∂ϕ ∂2ϕ ∂ϕ ∂ ν⃗
n = IIϕ(x,y) ( (x, y), (x, y)) = ⟨ 2 , ν⃗ ⟩ = −⟨ , ⟩. (32)
∂y ∂y ∂y ∂y ∂y
Notons qu’il est parfois plus rapide de calculer les dérivées partielles du champ de vecteurs
normaux que de calculer les dérivées partielles secondes du paramétrage local.
Remarquons que la base Bϕ(x,y) n’est pas forcément orthonormée, et rappelons que la
matrice de l’opérateur de Weingarten, dont le déterminant et la moitié de la trace donnent
la courbure de Gauss et la courbure moyenne respectivement, est égale au produit de
l’inverse de la matrice de la première forme fondamentale par la matrice de la seconde
forme fondamentale. La courbure de Gauss de M au point ϕ(x, y) est alors
−1
E F ` m `n − m2
K(ϕ(x, y)) = det ( ( ) ( )) = (33)
F G m n EG − F 2
et la courbure moyenne de M au point ϕ(x, y) est
−1
1 E F ` m `G − 2mF + nE
H(ϕ(x, y)) = tr ( ( ) ( )) = . (34)
2 F G m n 2(EG − F 2 )
Exemples. (1) Graphes. Si ϕ ∶ (x, y) ↦ (x, y, z = f (x, y)) est l’application graphe d’une
fonction lisse f ∶ W → R3 , alors en notant A la fonction lisse
√
∂f 2 ∂f 2 √ ∂ϕ ∂ϕ
A = 1 + ( ) + ( ) = EG − F 2 = ∥ ∧ ∥
∂x ∂y ∂x ∂y
sur l’ouvert W , nous avons
∂ϕ
∂x ∧ ∂ϕ
∂y 1 ∂f ∂f
ν⃗ = = (− , − , 1)
∥ ∂ϕ
∂x ∧ ∂ϕ
∂y
∥ A ∂x ∂y
214
et donc
∂2ϕ 1 ∂2f ∂2ϕ 1 ∂2f ∂2ϕ 1 ∂2f
`=⟨ , ⃗
ν ⟩ = , m = ⟨ , ⃗
ν ⟩ = , et n = ⟨ , ⃗
ν ⟩ = .
∂x2 A ∂x2 ∂x∂y A ∂x∂y ∂y 2 A ∂y 2
Ainsi, la matrice de la seconde forme fondamentale IIϕ(x,y) dans la base Bϕ(x,y) est la
1
matrice hessienne de f multipliée par le scalaire A(x,y) . En particulier, par la formule (33)
nous avons
1
K(ϕ(x, y)) = det Hess f(x,y) ,
A(x, y)4
et, par les formules (34) et (27), toujours avec évaluations implicites des fonctions en (x, y)
pour raccourcir les expressions, nous avons
1 ∂2f ∂f 2 ∂ 2 f ∂f ∂f ∂ 2 f ∂f 2
H(ϕ(x, y)) = ( (1 + ( ) ) − 2 + (1 + ( ) )). (35)
2 A3 ∂x2 ∂x ∂x∂y ∂x ∂y ∂y 2 ∂y
1 g ′ (s) iθ f ′ (s)
ϕ(s, θ) + ν⃗(s, θ) = (f (s) − )e + (g(s) + )e3
λ1 κ(s) κ(s)
1 f (s) f ′ (s)
ϕ(s, θ) + ν⃗(s, θ) = (g(s) + )e3 .
λ2 g ′ (s)
Les points focaux donnés par la seconde courbure principale λ2 sont donc sur l’axe vertical,
et si la composante horizontale de la méridienne a un extrémum au temps s, alors les deux
points focaux sont dans le même plan horizontal que ϕ(s, θ).
216
propres non nulles de même signe, donc inversible, et (x0 , y0 ) est un point critique non
dégénéré de f , d’indice 0 ou 2. Il existe donc = ±1 et des fonctions lisses u et v de (x, y),
définies sur un voisinage ouvert de (x0 , y0 ) dans R2 , telles que u(x0 , y0 ) = 0 et v(x0 , y0 ) = 0,
et (x, y) ↦ (u(x, y), v(x, y)) soit un C∞ -difféomorphisme entre deux voisinages ouverts de
0 dans R2 , de sorte que
f (x, y) = (u(x, y)2 + v(x, y)2 ) .
La seconde forme fondamentale en a0 est donc ou bien définie positive ou bien définie
négative. En particulier, M est, dans un voisinage assez petit de a0 , d’un seul côté de son
plan tangent Ta0 M en a0 . Par la proposition 8.8, la surface admet deux points focaux en
a0 (confondus si et seulement si a0 est un ombilic, voire ci-dessous), de même côté du plan
tangent Ta0 M qu’un voisinage assez petit de a0 dans M .
Selle de singe
c
U c(s)
2
R
Soient donc c ∶ S1 → R2 une courbe de Jordan lisse (un plongement de classe C∞ ). Alors
le théorème de Jordan (voir par exemple [Pau3]) dit que R2 −c(S1 ) admet exactement deux
composantes connexes, une bornée que nous notons U (dont l’adhérence U = U ∪ c(S1 ) est
un disque plongé dans R2 , et en particulier une sous-variété à bord), et une non bornée,
dont le bord commun est c(S1 ). Nous supposons qu’il existe h ∶ c(S1 ) → R une application
lisse telle que C = {(c(s), h(c(s)) ∶ s ∈ S1 }, et nous cherchons une fonction f ∈ C∞ (U ) à
valeurs réelles telle que la surface
lisse à bord ait pour bord exactement C et minimise l’aire parmi toutes les surfaces de
bord C qui sont des graphes au-dessus de U .
Par la formule (28), il s’agit donc de minimiser
√
∂f 2 ∂f 2
A (f ) = ∫ 1 + ( ) + ( ) dx dy .
U ∂x ∂y
Pour tout t ∈ R et toute fonction g ∈ C∞
c (U ), le graphe de la fonction f + t g est encore
une surface lisse à bord, de bord égal à C. L’application t ↦ A (f + t g) est dérivable en
t = 0, par les théorèmes de dérivation des intégrales à paramètres sur le compact U . Si S
minimise l’aire à bord donné, alors A (f ) ≤ A (f + t g) pour tout t ∈ R, et donc
d
∣t=0 A (f + t g) = 0 .
dt
Cette équation s’écrit
∂x ∂x + ∂y ∂y
∂f ∂g ∂f ∂g
∫ √ dx dy = 0 .
U ∂f 2 ∂f 2
1 + ( ∂x ) + ( ∂y )
88. Il est possible de diminuer la régularité de C, par exemple en C2 par morceaux. Mais nous ne
regarderons que le cas lisse dans ces notes. Des conditions de régularité encore moindre posent des problèmes
fort intéressants sur le problème de Plateau en analyse sur les espaces singuliers, voir par exemple [Dav]
et ses références.
219
Puisque g est à support compact dans U et par intégration par partie, nous avons
∂f ∂f
∂ ∂
∫ g( √ + √ ) dx dy = 0 .
∂x ∂x
U ∂x 2 2 ∂y 2 2
1 + ( ∂f
∂x
) + ( ∂f
∂y
) 1 + ( ∂f
∂x
) + ( ∂f
∂y
)
Or, par les formules (35), la courbure moyenne H = H(x, y) de la surface S au point
(x, y, f (x, y)) vérifie
2 2
∂2f 2 2
( ∂x2 ∂x ) ) − 2 ∂x∂y ∂x ∂y + ∂y 2 (1 + ( ∂y ) ) )
(1 + ( ∂f ∂ f ∂f ∂f ∂ f ∂f
2H = √ . (37)
∂f 2 ∂f 2
1 + ( ∂x ) + ( ∂y )
Le second membre de cette formule est égal, par un calcul élémentaire, au premier membre
de la formule centrée précédente. Donc (comme montré dès 1776 par Meusnier) la surface
S, qui minimise l’aire de toutes les surfaces s’appuyant sur la courbe C et s’exprimant
comme graphe, vérifie l’équation
H =0.
Ceci justifie la définition suivante.
Nous dirons qu’une surface lisse dans R3 est une surface minimale si sa courbure
moyenne est nulle.
Nous concluons cette partie en donnant des exemples, les dessins étant extraits de
Wikipedia. Nous renvoyons aussi à
Exemples. (1) (Plan) Tout ouvert non vide d’un plan affine de R3 , étant à courbures
principales nulles, donc de courbure moyenne nulle, est une surface minimale.
(2) (Caténoïde) Les caténoïdes (Euler, 1744) sont les images par les isométries de
3
R des surfaces de révolution d’axe R e3 et de méridiennes (non paramétrées par longueur
d’arc) c ∶ R → R e1 + R e3 définies par t ↦ f (t) e1 + t e3 où
1
f ∶t↦ cosh(at + b)
a
avec a, b ∈ R et a > 0. En bulle de savon, elles sont obtenues en plongeant deux cercles
parallèles dans un produit tensioactif et en perçant les éventuels disques horizontaux.
220
Proposition 8.11. (Meunier, 1776) Les surfaces de révolution minimales M sont les
ouverts non vides, invariants par rotations autour de l’axe de révolution, des plans affines
épointés et des caténoïdes.
∂ϕ ∂ϕ
= f ′ (t) eiθ + e3 et = if (t) eiθ ,
∂t ∂θ
que les coefficients de la première forme fondamentale de M en ϕ(t, θ) sont
E = 1 + f ′ (t)2 , F = 0, et G = f (t)2 ,
que le champ de vecteurs normaux unitaires est, au point ϕ(t, θ) (la courbe c n’étant plus
paramétrée par longueur d’arc),
− eiθ + f ′ (t) e3
ν⃗(t, θ) = √ ,
1 + f ′ (t)2
∂ ν⃗
que les coefficients de la seconde forme fondamentale sont, outre m = −⟨ ∂ϕ ⟩
∂t , ∂θ = 0 ,
∂ϕ ∂ ν⃗ f ′′ (t) ∂ϕ ∂ ν⃗ f (t)
` = −⟨ , ⟩ = −√ et n = −⟨ , ⟩= √ .
∂t ∂t 1 + f ′ (t)2 ∂θ ∂θ 1 + f ′ (t)2
221
Donc la courbure moyenne est
−1
1 E 0 ` 0 1 −f ′′ (t) 1
H= tr ( ) ( )= √ ( ′
+ ).
2 0 G 0 n 2 1 + f ′ (t)2 1 + f (t) 2 f (t)
À changement de variable à la source près, nous pouvons supposer que 0 ∈ I. Par unicité,
l’unique solution de cette équation différentielle de valeurs initiales f (0) = f0 ∈ ]0, +∞[ et
f ′ (0) = f0′ ∈ R est
1
f ∶ t ↦ cosh(at + b)
a
cosh(argsinh f ′ )
où b = argsinh f0′ et a = f0
0
.
Notons que le reparamétrage s ↦ t(s) rendant la méridienne c paramétrée par longueur
2
d’arc vérifie (f˙(t(s)) ṫ(s)) + ṫ(s)2 = 1, donc ṫ(s) = cosh(a1t(s)+b) , qui n’admet pas de limite
nulle en temps fini. Ainsi la dérivée de la composante verticale de la méridienne paramétrée
par longueur d’arc ne s’annule en aucun point de I. ◻
(3) (Hélicoïde) Les hélicoïdes (Euler, 1744) sont, à isométrie près de R3 , les surfaces
paramétrées
M = {(u cos(av), u sin(av), v) ∶ u, v ∈ R} ,
où a ∈ R − {0}. L’hélicoïde est dextre si a > 0 et sénestre si a < 0. Un calcul montre que les
hélicoïdes sont bien des surfaces minimales.
(4) (Surface de Scherk) La surface de Scherk (1834) est la surface connexe lisse M
de R3 d’équation
π π 2
M = { (x, y, z) ∈ ] − , [ × R ∶ ez cos x = cos y } .
2 2
222
Il est élémentaire de vérifier que l’application (x, y, z) ↦ ez cos x − cos y est une submersion
sur ] − π2 , π2 [ 2 × R, donc M est bien une surface, qui s’écrit comme le graphe de la fonction
f ∶ (x, y) ↦ ln cos cos y sur ]− 2 , 2 [ . La surface de Scherk admet une droite verticale asymptote
x π π 2
en chacun des coins du carré ] − π2 , π2 [ 2 . Un petit calcul utilisant la formule (37) montre
que sa courbure moyenne est nulle. Une bonne approximation consiste à tremper dans un
liquide tensioactif le contour de la figure de droite suivante, voir
u3 v3
M = {(x = u − + uv 2 , y = v − + vu2 , z = u2 − v 2 ) ∶ u, v ∈ R} .
3 3
Voir aussi
Exercice E.70. Montrer que la surface d’Enneper est en effet une surface immergée lisse
minimale.
(6) (Surface de Costa) La surface de Costa est une surface minimale plongée dans
R3 homéomorphe au tore privé de trois points.
223
8.6 Géodésiques
Nous allons étudier dans cette partie les propriétés des courbes lisses tracées sur les
surfaces lisses plongées dans R3 . Nous fixons une surface M lisse connexe dans l’espace
euclidien orienté usuel R3 . Nous donnons quelques définitions avant d’énoncé le résultat
principal de cette partie.
Pour tout intervalle I de R, nous dirons qu’une courbe c ∶ I → M de classe C1 par
morceaux tracée sur M est paramétrée proportionnellement à la longueur d’arc si la norme
∥ ċ ∥ de son vecteur vitesse est constante. Par exemple, toute courbe constante est paramé-
trée proportionnellement à la longueur d’arc. Toute courbe non constante est paramétrée
proportionnellement à la longueur d’arc si et seulement si elle admet un reparamétrage par
longueur d’arc par homothétie à la source.
Rappelons que la longueur d’une courbe c ∶ I → M de classe C1 par morceaux tracée
sur M est
long(c) = ∫ ∥ ċ(t) ∥ dt .
I
Par le théorème de changement de variable de la mesure de Lebesgue de R et le théorème de
dérivation des fonctions composées, la longueur d’une courbe est invariante par changement
de variable de classe C1 à la source : si φ ∶ J → I est un C1 -difféomorphisme, alors long(c ○
φ) = long(c).
La distance riemannienne sur M est la fonction d ∶ M × M → [0, +∞[ définie, pour tous
les x, y ∈ M , en demandant que d(x, y) soit la borne inférieure des longueurs des courbes
c ∶ [a, b] → M de classe C1 par morceaux tracées sur M allant de x = c(a) à y = c(b).
Lemme 8.12. La distance riemannienne d est une distance sur M , induisant la topologie
de M .
Démonstration. Comme M est connexe, il existe au moins un chemin lisse tracé sur
M entre deux points quelconques de M , donc l’application d est bien définie. Comme une
longueur est positive ou nulle, l’application d est à valeurs positives ou nulles, et d(x, y) = 0
si x = y, en prenant un chemin constant de x à y, défini sur [0, 1] par exemple.
Comme la concaténation de deux chemins (concaténables) de classe C1 par morceaux
est encore de classe C1 par morceaux, et comme la longueur des chemins de classe C1 par
morceaux est additive par concaténation et invariante par parcours dans le sens inverse,
l’application d est symétrique et vérifie l’inégalité triangulaire. Si x ≠ y, alors tout chemin
de x à y de classe C1 par morceaux et tracé sur M est de longueur supérieure ou égale à
la distance euclidienne entre x et y, qui est strictement positive. Donc d vérifie l’axiome
de séparation des distances.
224
Toute suite (xi )i∈N dans M qui converge dans M vers x ∈ M (pour la topologie de
M induite par la distance de R3 ) converge aussi pour la distance riemannienne, car en
travaillant dans un paramétrage local, il est élémentaire de trouver des courbes de classe
C1 de xi à x dont la longueur tend vers 0 quand i → +∞. Comme la distance riemannienne
de M est supérieure ou égale à la restriction à M de la distance euclidienne de R3 , ceci
montre que les topologies induites par ces deux distances sont les mêmes. ◻
Nous dirons qu’une courbe c ∶ I → M de classe C1 par morceaux tracée sur M minimise
localement la distance si pour tout t0 ∈ I, il existe > 0 tel que pour tous les temps s < t
dans I ∩ ]t0 − , t0 + [ , nous avons d(c(s), c(t)) = long(c∣[s,t] ), c’est-à-dire si la restriction
c∣[s,t] réalise la borne inférieure des longueurs des chemins C1 par morceaux tracés sur M
allant de c(s) à c(t).
Nous définissons l’énergie de c comme
En(c) = ∫ ∥ ċ(t) ∥2 dt .
I
Contrement à la longueur, l’énergie d’une courbe n’est en général pas invariante par chan-
gement de variable de classe C1 à la source. Parcourir très doucement une courbe puis
accélérer brutalement vers la fin n’est pas un procédé le plus économe en énergie. 89
Une courbe c ∶ I → M de classe C1 par morceaux tracée sur M minimise localement
l’énergie si pour tout t0 ∈ I, il existe > 0 tel que pour tous les temps s < t dans I ∩ ]t0 −
, t0 + [ , la restriction c∣[s,t] réalise la borne inférieure des énergies des chemins C1 par
morceaux tracés sur M allant de c(s) à c(t).
Soient k, r ∈ N ∪ {∞} avec k ≤ r et c ∶ I → M une courbe de classe Cr tracée sur M .
Un champs de vecteurs tangents à M le long de c de classe Ck est une application
X ∶ I → T M de classe Ck telle que pour tout t ∈ I le vecteur X(t) soit tangent à M en
c(t), c’est-à-dire
∀ t ∈ I, X(t) ∈ Tc(t) M .
Par exemple, si X ∶ M → T M est un champ de vecteurs lisse sur M , alors X définit un
champ de vecteurs de classe Cr tangents à M le long de c par restriction, encore noté
X ∶ I → T M , en posant X(t) = X(c(t)) pour tout t ∈ I. Un autre exemple est donné
par les vecteurs vitesses de c : si r ≥ 1, alors l’application ċ de I dans T M définie par
t ↦ ċ(t) = ds
d
∣s=t c(s) est un champ de vecteurs tangents à M le long de c de classe Cr−1 .
Par partition de l’unité, au voisinage de tout temps t tel que ċ(t) ≠ 0, tout champ de
vecteurs tangents à M le long de c se prolonge en un champ de vecteurs lisse sur M .
Soit X un champ de vecteurs tangents à M le long de c, de classe C1 . Pour tout x ∈ M ,
∥
notons πx ∶ R3 → Tx M la projection orthogonale de R3 sur Tx M . Remarquons qu’il n’y
a pas de raison en général pour que le vecteur vitesse Ẋ(t) à l’instant t de la courbe
X ∶ I → R3 soit encore tangent à M . La dérivée covariante de X le long de c, notée ∇ċ X,
est le champ de vecteurs tangents à M le long de c défini par
∥
∇ċ X ∶ t ↦ πc(t) (Ẋ(t)) .
Le résultat suivant, pour lequel nous renvoyons par exemple à [Pau4], justifie en parti-
culier la notation ∇ċ X.
89. Le Lièvre et la Tortue, Jean de la Fontaine, Livre VI, 10.
225
Proposition 8.13. Pour tout champ de vecteurs lisse X ∈ Γ(T M ) sur M fixé, pour tout
x ∈ M fixé et pour toute courbe lisse c tracée sur M , définie sur un voisinage ouvert de 0
dans R et telle que c(0) = x, le vecteur tangent ∇ċ X(0) à M en x ne dépend que du vecteur
tangent ċ(0) de c au temps t = 0, et est linéaire en ċ(0). ◻
2
∂ϕ
∇ċi Xj (0) = ∑ Γkij (ϕ(a)) (a) .
k=1 ∂xk
Les fonctions Γkij ∶ ϕ(W ) → R sont lisses et sont appelées les symboles de Christoffel du
paramétrage local ϕ.
Rappelons que ( ∂x ∂ϕ
1
○ ϕ−1 , ∂x
∂ϕ
2
○ ϕ−1 ) est une base du C∞ (ϕ(W ))-module libre des
champs de vecteurs tangents lisses sur ϕ(W ). Soit
∂ϕ ∂ϕ
X = f1 ○ ϕ−1 + f2 ○ ϕ−1
∂x1 ∂x2
un champ de vecteurs tangents lisse sur ϕ(W ) où f1 , f2 ∈ C∞ (ϕ(W )). Soit c une courbe lisse
définie sur un intervalle ouvert de R contenant 0 telle que c(0) = x et ċ(0) = λ1 ∂x
∂ϕ
1
(ϕ−1 (x))+
∂ϕ
λ2 ∂x2
(ϕ−1 (x)). Nous avons alors
2 ∂fj ○ ϕ −1 ∂ϕ −1
∇ċ X(0) = ∑ (λi (ϕ (x)) + Γkij (x) λi fj (x)) (ϕ (x)) .
i,j,k=1 ∂xk ∂xk
226
(5) (Auto-dérivée covariante nulle) La courbe c est de classe C2 et la dérivée cova-
riante du vecteur vitesse de c le long de c est nulle.
Si la courbe c vérifie l’une des propriétés ci-dessus, nous dirons que c est une géodésique
de M . Nous verrons dans la démonstration qu’elle est alors de classe C∞ , et que pour tous
les x0 ∈ M et v0 ∈ Tx0 M , il existe une et une seule géodésique maximale 90 c ∶ I → M telle
que 0 ∈ I, c(0) = x0 et ċ(0) = v0 . En particulier, c est paramétrée par longueur d’arc si
et seulement si le vecteur v0 est unitaire. Nous reparamètrerons souvent les géodésiques
non constantes par homothétie à la source afin qu’elles soient paramétrées exactement par
longueur d’arc (à vecteurs vitesses unitaires).
Démonstration. L’équivalence des assertions (3), (4) et (5) découle des définitions de la
courbure géodésique et de la dérivée covariante.
Toute courbe de classe C1 par morceaux qui n’est pas de classe C1 admet une courbe
de classe C1 entre les mêmes extrémités de longueur et d’énergie strictement plus petite,
par racourcissement des angles. Nous pouvons donc supposer que les applications c dans
les assertions (1) et (2) sont de classe C1 .
Montrons l’équivalence entre les assertions (1) et (2). La longueur d’une courbe ne
dépend pas de son paramétrage par le théorème de changement de variable. Pour tous les
x, y ∈ M , nous avons en particulier
long(c)2 ≤ En(c) ,
` = long(c) ≤ d(x, y) + .
Notons
1 t
φ∶t↦ ∫ (∥ ċ(s) ∥ + ) ds .
`+ 0
∥ ċ(t) ∥+
Alors φ est de classe C1 , de dérivée φ̇(t) = `+ > 0 et vérifie φ(0) = 0 et φ(1) = 1. Donc
φ est un C1 -difféomorphisme de [0, 1] dans [0, 1], dont l’inverse a pour dérivée
1 `+
(φ−1 )′ (t) = = .
φ̇ ○ φ−1 (t) ∥ ċ(φ−1 (t)) ∥ +
Donc ̃c = c ○ φ−1 est une courbe de classe C1 tracée sur M , de même longueur que c
(par invariance de la longueur par reparamétrage) et de mêmes extrémités que c. Par le
90. c’est-à-dire que pour toute géodésique d ∶ J → M telle que 0 ∈ J, d(0) = x0 et d(0)
˙ = v0 , nous avons
J ⊂ I et d = c ∣J
227
théorème de dérivation des fonctions composées, nous avons
1 1 ∥ ċ(φ−1 (t)) ∥2
c) = ∫
En(̃ ∥̃
c˙(s) ∥2 ds = (` + )2 ∫ ds ≤ (` + )2
0 0 (∥ ċ(φ−1 (t)) ∥ + )2
≤ (d(x, y) + 2) . 2
L’étape essentielle pour montrer que l’assertion (2) implique l’assertion (3) est la ré-
solution d’un problème variationel par ses équations d’Euler-Lagrange, que nous allons
considérer dans un cas élémentaire adapté à notre situation (voir par exemple [ET, DaL,
GF, Str, Eva] pour des développements). Soit f ∶ U1 × ⋅ ⋅ ⋅ × Up → U0 une application de
classe C1 où Ui est un ouvert de Rni . Pour i ∈ {0, . . . , p}, pour tous les k ∈ {1, . . . , p} et
x ∈ U1 × ⋅ ⋅ ⋅ × Up nous noterons dk fx ∶ Rni → Rn0 la k-ème différentielle partielle de f en x,
définie par
d
v ↦ dk fx (v) = ∣t=0 f (x + t(0, . . . , 0, v, 0, . . . 0)) ,
dt
où (0, . . . , 0, v, 0, . . . 0) est l’élément du produit Rn1 × ⋅ ⋅ ⋅ × Rnp dont la k-ème composante
est égale à v et les autres composantes sont nulles. Rappelons que (Rn )∗ est le dual de
l’espace vectoriel réel de dimension finie Rn , c’est-à-dire l’espace vectoriel réel des formes
linéaires sur Rn .
alors l’application de [0, 1] dans (Rn )∗ définie par t ↦ d3 J(t,c(t),ċ(t)) est de classe C1 et c
vérifie les équations d’Euler-Lagrange
d
d3 J(t,c(t),ċ(t)) = d2 J(t,c(t),ċ(t)) .
dt
Démonstration. Soient c ∈ Ω et h ∈ C1 ([0, 1], Rn ) telle que h(0) = h(1) = 0. Alors par
compacité de [0, 1], si ∣s∣ est assez petit, nous avons c+s h ∈ Ω et c+s h converge vers c quand
s → 0 pour la topologie C1 . Par le théorème de dérivabilité des intégrales à paramètres
sur le compact [0, 1], l’application s ↦ J (c + s h) est de classe C1 au voisinage de s = 0,
et admet un mimimum en s = 0 si c est un minimum local de la fonctionnelle J . Donc
ds ∣s=0 J (c + s h) = 0.
d
91. Nous munissons l’ensemble C1 ([0, 1], W ) de la topologie C1 , c’est-à-dire de la topologie de la conver-
gence uniforme sur [0, 1] des applications et de leur dérivée première, induite par la distance
3
en utilisant la distance euclidienne sur R . Ces deux bornes inférieures sont des minima.
228
Cette équation est équivalente à
1
∫ (d2 J(t,c(t),ċ(t)) (h(t)) + d3 J(t,c(t),ċ(t)) (ḣ(t))) dt = 0 .
0
qui vérifie f (0) = 0 et f (1) = 0 par la définition de κ. Par intégration par partie, nous
avons, puisque f est nulle en 0 et 1,
1 1
∫ u(t) f (t) dt = − ∫ U (t) f ′ (t) dt .
0 0
Montrons maintenant que l’assertion (2) implique l’assertion (3). Le problème étant
local, fixons un paramétrage local ϕ ∶ W → R3 de M , et écrivons les courbes γ de classe C1
dans ϕ(W ) entre deux points y0 et y1 de ϕ(W ) comme γ = ϕ ○ c où c ∶ [0, 1] → W est une
courbe de classe C1 dans W entre c(0) = ϕ−1 (y0 ) et c(1) = ϕ−1 (y1 ), de sorte que
γ̇ = dϕc (ċ) .
Posons J ∶ [0, 1] × W × R2 → R l’application définie par (t, u, v) ↦ ∥ dϕu (v) ∥2 , de sorte que
la fonctionnelle d’énergie est
1 1 1
En(γ) = ∫ ∥ γ̇(t) ∥2 dt = ∫ ∥ dϕc(t) (ċ(t)) ∥2 dt = ∫ J(t, c(t), ċ(t)) dt .
0 0 0
Nous allons minimiser cette fonctionnelle en la courbe c de classe C1 , avec des conditions
au bord c(0) = ϕ−1 (y0 ) et c(1) = ϕ−1 (y1 ), en utilisant le lemme 8.15. Par le théorème de
229
différentiation des fonctions composées, et puisque la différentielle d’une application linéaire
est elle-même, la différentielle par rapport à la troisième variable de la fonctionnelle J, prise
au point (t, u, v) ∈ [0, 1] × W × R2 , est la forme linéaire de R2 dans R définie par
Notons qu’un champ de vecteurs tangents est lisse si et seulement si ses coordonnées, dans
la base de champs de vecteurs tangents donnée par le paramétrage local, sont lisses. La
première affirmation du lemme 8.15 montre donc que si γ minimise à extrémités données
l’énergie comme demandé par l’assertion (3), alors γ̇ est de classe C1 . Donc γ est de classe
C2 . Nous avons alors, pour tout t ∈ [0, 1],
d
d3 J(t,c(t),ċ(t)) ∶ h ↦ 2 ⟨ γ̈(t), dϕc(t) (h)⟩ + 2 ⟨ γ̇(t), d2 ϕc(t) (ċ(t), h)⟩ .
dt
De même, la différentielle par rapport à la deuxième variable de la fonctionnelle J au point
(t, u, v) ∈ [0, 1] × W × R2 est la forme linéaire de R2 dans R définie par
Donc d2 J(t,c(t),ċ(t)) ∶ h ↦ 2 ⟨ γ̇(t), d2 ϕc(t) (h, ċ(t))⟩ pour tout t ∈ [0, 1]. Ainsi l’équation
d’Euler-Lagrange
d
d3 J(t,c(t),ċ(t)) = d2 J(t,c(t),ċ(t))
dt
obtenue par le lemme 8.15, qui est une égalité entre applications linéaires, s’écrit (en
utilisant la symétrie de la différentielle seconde, donnée par le lemme de Schwarz)
Comme l’image de l’application linéaire dϕc(t) est l’espace tangent Tc(t) M , ceci dit exacte-
ment que l’accélération de γ doit être normale à la surface M . Nous avons bien démontré
que l’assertion (2) implique l’assertion (3).
Lemme 8.17. Si c ∶ I → M est de classe C2 et d’accélération normale à M , alors c est
paramétrée proportionnellement à la longueur d’arc et de classe C∞ . Pour tous les x ∈ M
et v ∈ Tx M , il existe une et une seule géodésique c définie sur un intervalle ouvert maximal
contenant 0 telle que c(0) = x et ċ(0) = v.
Démonstration. La dérivée de l’application t ↦ ∥ ċ(t)∥2 , qui est t ↦ 2 ⟨ c̈(t), ċ(t)⟩, est
nulle puisque l’accélération c̈(t) est orthogonale au vecteur tangent ċ(t). Donc l’application
t ↦ ∥ ċ(t)∥2 est constante, et c est paramétrée proportionnellement à la longueur d’arc.
La condition d’accélération normale à la surface s’écrit, tant que c reste dans l’image
d’un paramétrage local ϕ, comme le système d’équations différentielles du second ordre
∂ϕ −1
⟨ c̈(t), (ϕ (c(t)) ⟩ = 0
∂x
∂ϕ −1
⟨ c̈(t), (ϕ (c(t))) ⟩ = 0 .
∂y
230
Comme les fonctions sont de classe C∞ , le théorème de Cauchy-Lipschitz donne l’exis-
tence, l’unicité à conditions initiales d’ordres 0 et 1 données, et la régularité des solutions
maximales c. ◻
Nous renvoyons par exemple à [Pau4] pour la démonstration que l’assertion (3) implique
l’assertion (2). ◻
Exemples. (1) (Géodésiques du plan) L’accélération d’une courbe tracée sur un plan
affine P appartient au plan vectoriel P⃗ associé à P , et doit être normale au plan vectoriel
P⃗ (égal à Tx P pour tout x ∈ P ) si la courbe est une géodésique de P . Donc les géodésiques
de P sont les courbes de P d’accélération nulle. Les géodésiques non constantes d’un plan
affine sont par conséquent les arcs de droites paramétrés de manière affine par un intervalle
ouvert I contenant un temps t0 , de la forme
c ∶ t ↦ a(t − t0 )v + b
où b = c(t0 ) est un point de P , v est un vecteur unitaire du plan vectoriel P⃗ associé à P ,
tel que av = ċ(t0 ) et a = ∥ċ(t0 )∥ > 0.
(2) (Géodésiques de la sphère) Soit c ∶ I → S2 une géodésique de la sphère S2 .
Puisque s ↦ c(s) est un champs de vecteurs unitaires normaux à S2 lisse le long de c(s),
et puisque l’accélération d’une géodésique sur S2 est normale à S2 , il existe une application
lisse λ ∶ I → R telle que c̈(s) = λ(s) c(s) pour tout s ∈ I, et nous avons λ(s) = ⟨c̈(s), c(s)⟩.
En dérivant deux fois la relation ∥c(s)∥2 = 1, nous obtenons l’égalité ⟨c̈(s), c(s)⟩ + ∥ċ(s)∥2 =
0. Puisque la norme du vecteur vitesse de c est constante, l’application λ est constante
négative ou nulle. En écrivant λ = −a2 , nous avons donc c̈(s) + a2 c(s) = 0. Si a = 0, comme
les seuls segments de droites contenus dans la sphère sont des singletons, l’application c est
constante. Supposons donc a ≠ 0. Par l’unicité des solutions des équations différentielles
linéaires du second ordre à coefficients constants, pour tout s0 ∈ I, il existe α, β ∈ R3 tels
ċ(s )
que c ∶ s ↦ α cos(a(s−s0 ))+β sin(a(s−s0 )). De plus α = c(s0 ) et β = a0 sont orthogonaux
(car le vecteur vitesse ċ(s0 ) est tangent à la sphère) et unitaires (car c(s0 ) ∈ S2 et a = ∥ċ(s)∥
pour tout s ∈ I). Nous avons donc montré le résultat suivant.
Proposition 8.18. Les géodésiques non constante de S2 sont les arcs de grands cercles de
S2 paramétrés proportionnellement à la longueur d’arc. ◻
Ce résultat explique pourquoi les avions ne suivent pas des parallèles (à latitude
constante) pour aller d’un point à un autre de la terre.
231
(3) (Géodésiques des surfaces de révolution) Soit M une surface de révolution
d’axe R e3 et de méridienne c ∶ s ↦ f (s) e1 + g(s) e3 (paramétrée par longueur d’arc par un
intervalle ouvert J, donc nous avons f˙(s)2 + ġ(s)2 = 1 et en dérivant f˙(s)f¨(s)+ ġ(s)g̈(s) = 0,
pour tout s ∈ J), donc de paramétrage local ϕ ∶ (s, θ) ↦ f (s) eiθ + g(s) e3 . Rappelons que
f est supposée strictement positive.
Cherchons les applications lisses t ↦ s(t) et t ↦ θ(t) définies sur un intervalle ouvert I,
la première à valeurs dans J et la seconde dans R/(2πZ), telles que la courbe γ définie par
γ ∶ t ↦ ϕ(s(t), θ(t)) soit une géodésique paramétrée par longueur d’arc. Puisque le vecteur
vitesse de γ est
γ̇(t) = ṡ(t) f˙(s(t)) eiθ(t) + ṡ(t) ġ(s(t)) e3 + θ̇(t) f (s(t)) i eiθ(t) ,
et qu’il est unitaire, nous avons donc
∥γ̇(t)∥2 = (ṡ(t) f˙(s(t)))2 + (ṡ(t) ġ(s(t)))2 + (θ̇(t) f (s(t)))2 = ṡ(t)2 + f (s(t))2 θ̇(t)2 = 1 .
L’accélération de γ est donc
γ̈(t) = (s̈(t) f˙(s(t)) + ṡ(t)2 f¨(s(t)) − θ̇(t)2 f (s(t))) eiθ(t)
+ (s̈(t) ġ(s(t)) + ṡ(t)2 g̈(s(t))) e3 + (2 θ̇(t) ṡ(t) f˙(s(t)) + θ̈(t) f (s(t))) i eiθ(t) ,
Les équations (d’Euler-Lagrange du problème de minimisation de l’énergie) disant qu’elle
est orthogonale aux vecteurs tangents de base ∂ϕ ∂s = f (s) e + ġ(s) e3 et ∂θ = f (s) i e
˙ iθ ∂ϕ iθ
s’écrivent donc (en utilisant encore les égalités f˙2 + ġ 2 = 1 et par dérivation f¨ f˙ + g̈ ġ = 0,
ainsi que f > 0)
s̈(t) − f (s(t)) f˙(s(t)) θ̇(t)2 = 0
2 θ̇(t) ṡ(t) f˙(s(t)) + θ̈(t) f (s(t)) = 0 .
J02
ṡ(t)2 = 1 − .
f (s(t))2
Si J0 = 0, alors l’application t ↦ θ(t) est égale à une constante θ0 , et (t) = ±t + s0 où s0 ∈ R
est une constante d’intégration. Donc γ est un reparamétrage isométrique de l’image par
la rotation d’angle θ0 autour de l’axe Re3 de la courbe méridienne c. Réciproquement,
la courbe méridienne c et ses images par rotation autour de l’axe R e3 sont donc des
géodésiques. 92
Si J0 ≠ 0, alors l’application t ↦ θ(t) est strictement monotone. En reparamétrant la
courbe γ par θ (ce qui lui fait certes perdre le fait qu’elle est paramétrée proportionnelle-
ment par longueur d’arc), nous obtenons donc
ds
ds 2 2 f (s)2 − J02
( ) = ( dθ
dt
) = f (s)2 .
dθ dt
J02
92. Un autre argument consiste à voir que si une courbe lisse entre deux points d’un méridien n’est pas
l’arc de méridien entre ces deux points, on pourrait la racourcir strictement en utilisant une symétrie par
rapport à un plan vertical et en raccourcissant les angles.
232
Notons qu’en particulier ∣J0 ∣ ≤ mins f (s). Cette équation est certes à variable séparable,
mais n’a pas de solution explicite en général. Voir le théorème de Clairaut pour une ca-
ractérisation. Par exemple, le dessin ci-dessous indique que les géodésiques maximales ni
verticales ni horizontales sur la poire de Tannery (1892)
√
M = {(x, y, z) ∈ R3 ∶ 16a2 (x2 + y 2 ) = z 2 (2a2 − z 2 ), 0 < z < 2 a } ,
où a > 0, sont périodiques de longueur 2πa, en forme de 8.
géodésiques circulaires
géodésiques du cylindre
Exemple. Sur un cylindre, les géodésiques non constantes sont les arcs de droites di-
rectrices, les arcs de cercles perpendiculaires aux droites directrices et les arcs d’hélices
circulaires tracées sur le cylindre (toutes paramétrées proportionnellement à la longueur
d’arc).
En effet, nous pouvons à isométrie près supposer que l’axe du cylindre est l’axe vertical
R e3 , et que la méridienne est une courbe c ∶ s ↦ f (s) e1 + g(s) e3 paramétrée par longueur
d’arc, définie sur un intervalle I. Alors la fonction f est constante, égale au rayon R du
cylindre, donc g est de la forme s ↦ εs + a0 où ε = ±1 et a0 ∈ R. Pour tout s ∈ I, la fonction
f a un point critique en s, donc tous les arcs de cercles paramétrés proportionellement à
la longueur d’arc θ ↦ R eiλθ+θ0 , où λ ≠ 0 et θ0 sont des constantes, sont des géodésiques.
Supposons à translation à la source près que 0 ∈ I. Si γ est la géodésique maximale de
données initiales γ(0) et γ̇(0) telle que la vitesse initiale γ̇(s0 ) ne soit ni horizontale ni
verticale (en particulier non nulle), alors par ce qui précède, nous avons
γ ∶ s ↦ R ei(λ0 s+θ0 ) + (εs + a0 ) e3 ,
233
où λ0 = ± √ J0 ≠ 0 pour J0 ∈ ]0, R[ le moment cinétique défini ci-dessus. Si λ0 > 0, cette
R R2 −J02
hélice est dextre ou senestre en fonction de la valeur de ε. Les constantes λ0 , θ0 , a0 sont
uniquement déterminées par les conditions initiales, par
Ce caractère géodésique (et le fait que la nature est fainéante et cherche à économiser
son énergie afin d’atteindre ses objectifs ...) explique pourquoi les plantes grimpantes,
comme le haricot, le liseron ou le houblon (voir les photos en fin de partie 8.1.2) s’enroulent
en des hélices circulaires le long de tuteurs.
Théorème 8.19. (Formule de Gauss-Bonnet) Soit M une surface compacte lisse plon-
gée dans R3 , de courbure de Gauss K = KM ∶ M → R, de caractéristique d’Euler χ(M ) et
de mesure d’aire AireM . Alors
Ce résultat admet de nombreuses variations et extensions. Notons qu’il lie une quan-
tité topologique (et même homotopique), la caractéristique d’Euler χ(M ) à une quantité
géométrique, la courbure de Gauss KM , qui est intrinsèque à la géométrie de la surface,
comme expliqué dans la partie suivante.
Théorème 8.20. (Théorème de Gauss) Soit M une surface lisse plongée dans R3 ,
et ϕ ∶ W → M un paramétrage local. Alors la courbure de Gauss s’exprime en fonction
des coefficients E, F, G de la première forme fondamentale et de ses dérivées partielles
premières et secondes, par la formule
1 ∂E ∂G ∂F ∂G ∂G 2
K= (E( −2 +( ) )
4(EG − F )
2 ∂y ∂y ∂x ∂y ∂x
∂E ∂G ∂E ∂F ∂E 2
+ G( −2 +( ) )
∂x ∂x ∂x ∂y ∂y
∂E ∂G ∂E ∂G ∂E ∂F ∂F ∂F ∂F ∂G
+ F( − −2 +4 −2 )
∂x ∂y ∂y ∂x ∂y ∂y ∂x ∂y ∂x ∂x
∂2E ∂2F ∂2G
− 2(EG − F 2 )( 2 − 2 + )) .
∂y ∂x ∂y ∂x2
234
Soient M et M ′ deux surfaces lisses dans R3 . Nous appellerons isométrie riemannienne
de M dans M ′ un C∞ -difféomorphisme ψ ∶ M → M ′ qui préserve les premières formes
fondamentales, c’est-à-dire qui vérifie, pour tous les points x ∈ M et les vecteurs tangents
v, w ∈ Tx M , l’égalité
Iψ(x) (Tx ψ(v), Tx ψ(w)) = Ix (v, w) .
Notons que dans cette formule la première forme fondamentale Iψ(x) est celle de la surface
M ′ et la première forme fondamentale Ix est celle de la surface M .
Puisque la longueur des chemins C1 par morceaux est définie par intégration de la
norme de leur vecteur vitesse, puisque les isométries riemanniennes, préservant les pro-
duits scalaires sur les espaces tangents, préservent aussi les normes, et par le théorème de
dérivation des fonctions composées (ψ ○ c)′ (t) = Tc(t) ψ(ċ(t)), une isométrie riemannienne
ψ préserve la longueur des chemins : pour tout chemin C1 par morceaux c ∶ I → M tracé
sur M , la longueur du chemin ψ ○ c ∶ I → M ′ tracé sur M ′ est égale à la longueur de c :
long(ψ ○ c) = long(c) .
La réciproque, que nous ne démontrons pas dans ces notes, est vraie.
Proposition 8.21. Une bijection ψ ∶ M → M ′ qui est une isométrie pour les distances
riemanniennes de M et de M ′ est une isométrie riemannienne.
Nous dirons que les surfaces lisses M et M ′ sont isométriques s’il existe une isométrie
riemannienne de M dans M ′ . La relation « être isométrique à » est une relation d’équiva-
lence sur l’ensemble des surfaces lisses de R3 .
Il découle du théorème de Gauss 8.20 que si ψ ∶ M → M ′ est une isométrie riemannienne,
alors
∀ x ∈ M, KM ′ (ψ(x)) = KM (x) .
En particulier, un ouvert non vide de la sphère S2 , à courbure de Gauss constante 1, n’est
pas isométrique à un ouvert non vide du plan horizontal R2 , à courbure de Gauss constante
0. Ce fait explique la difficulté d’avoir de bonnes cartes géographiques (à grandes échelles,
pour les cartes IGN au 1: 25 000-ème, pas de souci !), et en particulier pourquoi une carte
de la terre pertinente au niveau de l’équateur est très distordue quand on s’approche des
pôles.
235
8.9 Indications pour la résolution des exercices
Exercice E.68 Supposons que M est connexe, et montrons que M est un ouvert d’une
sphère ou d’un plan affine de R3 , ce qui conclut. Soit ϕ ∶ W → R3 un paramétrage local de
M , où W est un ouvert connexe de R2 , et soit ν⃗ le champs de vecteurs normaux à ϕ(W )
associé. Par l’hypothèse, il existe donc une application λ ∶ W → R (sans aucune condition
de régularité a priori) telle que pour tous les (x, y) ∈ W , nous avons
Par les formules (32), et puisque les vecteurs de T(x,y) M sont déterminés par leur pro-
∂y (x, y) et ∂y (x, y), nous avons donc le système
duit scalaire avec les vecteurs de base ∂ϕ ∂ϕ
d’équations
∂ ν⃗ ∂ϕ
− =λ
∂x ∂x
∂ ν⃗ ∂ϕ
− =λ .
∂y ∂y
donc que les différentielles partielles de λ sont nulles, donc par connexité de W que λ est
constante.
Si λ est nulle, alors le vecteur normal ν est constant, et alors les plans vectoriels
T(x,y) M le long de la surface ϕ(W ) sont constants, et donc par connexité la surface ϕ(W )
est contenue dans le plan affine ϕ(x0 , y0 ) + T(x0 ,y0 ) M pour tout (x0 , y0 ) ∈ W fixé.
236
Si λ est non nulle, alors la fonction ϕ + λ1 ν⃗, dont les dérivées partielles sont nulles, est
constante sur l’ouvert connexe W . Notons c sa valeur. Donc ∥ϕ(x, y) − c∥ = λ1 est constant
et ϕ(W ) est contenue dans la sphère de centre c et de rayon λ1 .
Dans les deux cas ci-dessus, par le théorème d’invariance du domaine, la surface ϕ(W )
est un ouvert du plan affine ou de la sphère qui la contient. Par connexité, il en est de
même de M .
Exercice E.70 L’application ϕ ∶ R2 → R3 définie par
u3 v3
(u, v) ↦ (u − + uv 2 , v − + vu2 , u2 − v 2 )
3 3
est polynomiale donc de classe C∞ . Sa matrice jacobienne en tout point (u, v) de R2 est
⎛1 − u + v
2 2
2uv ⎞
Jϕ(u,v) = ⎜ 2uv 1 − v 2 + u2 ⎟. La matrice extraite des deux premières lignes est de
⎝ 2u −2v ⎠
déterminant 1 − (u + v ) , qui est inversible si u2 + v 2 ≠ 1. Si u2 + v 2 = 1, en ajoutant u fois
2 2 2
1
= ( − 2u, 2v, 1 − u2 − v 2 ) .
1 + u2 + v 2
Notons que
⃗
∂n −2 −2 ∂ϕ
= (1 − u2 + v 2 , 2uv, 2u) =
∂u (1 + u + v )
2 2 2 (1 + u + v ) ∂u
2 2 2
et
⃗
∂n 2 2 ∂ϕ
= (2uv, 1 + u2 − v 2 , 2v) = .
∂v (1 + u + v )
2 2 2 (1 + u + v ) ∂v
2 2 2
−2 2
λ1 = et λ2 = .
(1 + u2 + v 2 )2 (1 + u2 + v 2 )2
238
A Annexe : rappels de topologie générale
Les références pour cet appendice sont [Bou2, Dug, Dix, Pau2]. Nous supposons con-
nues, essentiellement pour des exemples, les notions d’espaces vectoriels normés et d’espaces
métriques. Les démonstrations qui ne sont pas données ci-dessous sont les mêmes que dans
le cas particulier des espaces métriques, ou sont laissées en exercice.
A.1 Généralités
Un espace topologique est un ensemble X muni d’un ensemble O de parties de X tel
que
(1) toute intersection finie d’éléments de O appartient à O,
(2) toute union d’éléments de O appartient à O.
Par abus, nous notons souvent X le couple (X, O). Par convention, une intersection
vide de parties d’un ensemble E est égal à E, et une union vide de parties de E est égale à
la partie vide. Donc ∅ et X appartiennent à O. Les éléments de O sont appelés les ouverts
de X, et O une topologie sur l’ensemble X. Les complémentaires des ouverts s’appellent
les fermés de la topologie O. Toute union finie de fermés est fermée, toute intersection de
fermés est fermée, ∅ et X sont fermés. Étant donné un ensemble de parties d’un ensemble
239
E, stable par intersections et par unions finies, l’ensemble des complémentaires de ces
parties est une topologie sur E.
Une bijection f ∶ X → Y entre deux espaces topologiques est un homéomorphisme si
l’image réciproque par f de la topologie de Y est la topologie de X. Deux espaces topo-
logiques X et Y sont homéomorphes s’il existe un homéomorphisme de X dans Y . « Être
homéomorphe à » est une relation d’équivalence sur tout ensemble d’espaces topologiques.
Une propriété P sur les espaces topologiques est dite invariante par homéomorphismes si
tout espace topologique homéomorphe à un espace topologique ayant la propriété P admet
aussi la propriété P .
Exemple 1 : Si X est un ensemble, alors O = {∅, X} est une topologie sur X, dite topologie
grossière. L’espace (X, O) est alors dit grossier. L’ensemble P(X) de toutes les parties
de X est une topologie sur X, appelée topologie discrète. L’espace topologique (X, P(X))
est alors dit discret. « Être grossier » et « être discret » sont des propriétés invariantes par
homéomorphismes.
Exemple 2 : Si (X, d) est un espace métrique, en notant B(x, r) la boule ouverte de
centre x ∈ X et de rayon r > 0, alors l’ensemble des parties U de X telles que
∀ x ∈ U, ∃ r > 0, B(x, r) ⊂ U
est une topologie sur X, appelée la topologie induite par la distance d. Sauf mention
contraire, tout espace métrique sera muni de la topologie induite par sa distance.
( ⋃ Ai ) ∩ ( ⋃ Bj ) = ⋃ (Ai ∩ Bj ). ◻
i∈I j∈J i∈I,j∈J
Une base d’ouverts d’un espace topologique (X, O) est une partie B de O telle que tout
ouvert de X est union d’éléments de B. Par exemple, l’ensemble des intersections finies
d’éléments d’une prébase est une base d’ouverts. Si (X, d) est un espace métrique, alors
{B(x, n+1
1
) ∶ x ∈ X, n ∈ N} est une base d’ouverts.
Un espace topologique (X, O) est à base dénombrable s’il admet une base d’ouverts
dénombrable.
Proposition A.1. (Critère pour qu’une prébase soit une base) Soit X un ensemble.
Soit B une partie de P(X) telle que ⋃ B = X et
∀ U, V ∈ B, ∀ x ∈ U ∩ V, ∃ W ∈ B, x ∈ W ⊂ U ∩ V. (39)
Séparation
Un espace topologique est séparé si deux points distincts de X admettent des voisinages
disjoints. La propriété « être séparé » est invariante par homéomorphisme. Dans un espace
séparé, les singletons sont fermés. Un espace discret est séparé. Un espace grossier est
séparé si et seulement s’il ne contient qu’au plus un point.
Un espace topologique est métrisable si sa topologie est induite par une distance. La
propriété « être métrisable » est invariante par homéomorphisme. Tout espace vectoriel réel
ou complexe normé est métrisable (et en fait muni de la distance induite par sa norme).
Tout espace topologique métrisable est séparé.
Démonstration. Soient d une distance sur un en-
semble X, et x, y deux points de X. Si x ≠ y, alors x
r = 12 d(x, y) > 0. Si B(x, r) ∩ B(y, r) est non vide, soit y
r
z un de ses points. Alors d(x, y) ≤ d(x, z) + d(z, y) <
d(x, y), impossible. ◻ r
Connexité
Un espace topologique X est connexe si l’une des propriétés équivalentes suivantes est
vérifiée :
(1) Les seules parties ouvertes et fermées de X sont ∅ et X.
(2) Il n’existe pas de partition de X en deux ouverts non vides.
(3) Il n’existe pas de partition de X en deux fermés non vides.
(4) Toute application continue de X à valeurs dans un espace discret est constante.
(5) Toute application continue de X à valeurs dans l’espace discret {0, 1} est constante.
Par exemple, les convexes de (l’espace vectoriel normé usuel) Rn sont connexes. Une
composante connexe d’un espace topologique X est un sous-espace topologique (voir la
partie A.2 pour une définition) connexe maximal (pour l’inclusion) de X. Un espace to-
pologique X est localement connexe si tout point de X admet un système fondamental de
voisinages connexes.
L’image d’un espace connexe par une application continue est connexe. Pour toute
partie connexe C d’un espace topologique X, si C ⊂ D ⊂ C, alors D est connexe. Si A
est une partie connexe non vide de X, la réunion de tous les sous-espaces topologiques
de X connexes contenant A est la composante connexe de X contenant A. Une compo-
sante connexe est fermée, et deux composantes connexes sont disjointes. Dans un espace
localement connexe, les composantes connexes sont ouvertes et fermées.
Un espace topologique X est connexe par arcs si pour tous les x et y dans X, il existe
une application continue f ∶ [0, 1] → X telle que f (0) = x et f (1) = y. Par exemple, les
convexes de Rn sont connexes par arcs. Une composante connexe par arcs d’un espace
topologique X est un sous-espace topologique connexe par arcs maximal de X. Un espa-
ce topologique X est localement connexe par arcs si tout point de X admet un système
fondamental de voisinages connexes par arcs.
Un espace topologique connexe par arcs est connexe. L’image d’un espace topologique
connexe par arcs par une application continue est connexe par arcs. Si un espace topologique
X est réunion d’une famille (Ai )i∈I de sous-espaces topologiques connexes par arcs dont
l’intersection ⋂i∈I Ai est non vide, alors X est connexe par arcs. Dans un espace topologique
X localement connexe par arcs, les composantes connexes par arcs C sont ouvertes. 93 Un
93. En effet, si x ∈ C et si V est un voisinage connexe par arcs de x, alors par concaténation de chemins,
V est contenu dans C.
243
espace topologique X connexe et localement connexe par arcs est connexe par arcs. 94
Dans un espace topologique localement connexe par arcs, les composantes connexes et les
composantes connexes par arcs coïncident.
Par exemple, l’adhérence dans R2 du graphe de la fonction x ↦ sin x1 , définie sur
] 0, +∞[, est connexe, mais ni connexe par arcs, ni localement connexe (voir dessin juste
avant la partie A.4).
Soit X un ensemble. Une topologie O1 sur X est moins fine qu’une topologie O2 sur
X si O1 est contenue dans O2 , et plus fine si O1 contient O2 . La topologie grossière est la
topologie la moins fine sur X, et la topologie discrète est la topologie la plus fine sur X.
Soient X un ensemble et (Yi )i∈I une famille d’espaces topologiques. Pour tout i ∈ I, soit
fi ∶ X → Yi une application. La topologie initiale sur X définie par (fi )i∈I est la topologie
engendrée par {fi−1 (Ui ) ∶ i ∈ I, Ui ouvert de Yi }. C’est la topologie sur X la moins fine
rendant continue les applications fi pour i ∈ I. Si Z est un espace topologique et g ∶ Z → X
est une application, alors g est continue si et seulement si chacune des applications fi ○ g
est continue. Si Bi est une base d’ouverts de Yi pour tout i ∈ I, alors l’ensemble des
intersections finies d’éléments de {fi−1 (Ui ) ∶ i ∈ I, Ui ∈ Bi } est une base d’ouverts de X.
Si x ∈ X et Vi est un système fondamental de voisinages de fi (x) dans Yi pour tout i ∈ I,
alors l’ensemble des intersections finies d’éléments de {fi−1 (Vi ) ∶ i ∈ I, Vi ∈ Vi } est un
système fondamental de voisinages de x dans X.
244
Les propriétés suivantes découlent de celles des topologies initiales, ou sont laissées en
exercice.
— Une partie U de A est ouverte dans A si et seulement s’il existe un ouvert U ′ de X tel
que U = U ′ ∩ A.
— Une partie F de A est fermée dans A si et seulement s’il existe un fermé F ′ de X tel
que F = F ′ ∩ A.
— L’inclusion i est continue, et la topologie induite sur A est la moins fine rendant continue
i.
— Les voisinages d’un point x de A sont les traces dans A des voisinages de x dans X.
— Tout ouvert de A est un ouvert de X si et seulement si A est ouvert dans X.
— Tout fermé de A est un fermé de X si et seulement si A est fermé dans X.
— Si A ⊂ B ⊂ X, alors l’adhérence de A dans B est la trace dans B de l’adhérence de A
dans X.
Exercice E.A.74. Soient X un espace topologique et (Ai )i∈I une famille de parties de X.
Nous supposons vérifiée au moins l’une des deux conditions suivantes :
○
— (Ai )i∈I est un recouvrement (voir la définition dans la partie A.4) de X ;
— (Ai )i∈I est un recouvrement fermé de X localement fini (c’est-à-dire pour tout x dans
X, il existe un voisinage V de x tel que {i ∈ I ∶ V ∩ Ai ≠ ∅} est fini).
Montrer qu’une partie B de X est fermée (resp. ouverte) si et seulement si Ai ∩B est fermé
(resp. ouvert) dans Ai .
X = ∏ Xi = {(xi )i∈I ∈ (⋃ Xi )I ∶ ∀ i ∈ I, xi ∈ Xi }
i∈I i∈I
l’ensemble produit, muni de ses projections canoniques pri ∶ X → Xi avec pri (x) = xi si
x = (xi )i∈I . La topologie initiale sur X définie par (pri )i∈I est appelée la topologie produit
sur X. Sauf mention contraire, l’ensemble produit d’une famille d’espaces topologiques sera
muni de la topologie produit.
Un ouvert élémentaire de X est une partie de X de la forme
245
pour J une partie finie de I et Uj un ouvert de Xj pour tout j dans J. Par exemple, si
n ∈ N − {0} et X = X1 × X2 × ... × Xn , alors un ouvert élémentaire de X est une partie de
la forme U1 × U2 × ... × Un avec Ui un ouvert de Xi .
Les propriétés suivantes découlent des propriétés des topologies initiales, ou sont laissées
en exercice.
● Les projections pri sont continues, et la topologie produit est la topologie la moins fine
rendant continue les projections pri .
● L’ensemble des ouverts élémentaires de X est une base de la topologie produit de X.
● Si a = (ai )i∈I ∈ X, si Vi est un système fondamental de voisinages de ai dans Xi pour
tout i dans I, alors l’ensemble des parties de X de la forme
∏ Yα → ∏ Xi
α∈A i∈I
définie par (yα )α∈A ↦ (xi )i∈I si yα = (xi )i∈Iα , est un homéomorphisme.
● (Commutativité de la topologie produit) Si σ ∶ I → I est une bijection, alors l’application
∏i∈I Xi → ∏i∈I Xσ(i) , définie par (xi )i∈I ↦ (xσ(i) )i∈I , est un homéomorphisme.
● Si Ai est une partie de Xi , alors
∏ Ai = ∏ Ai .
i∈I i∈I
● Si Ai est une partie de Xi , alors ∏i∈I Ai est fermé dans X si et seulement si Ai est
fermé dans Xi pour tout i dans I.
246
Démonstration. Soit X = ∏i∈I Xi un espace topologique produit. Si x = (xi )i∈I ≠ y =
(yi )i∈I , alors il existe au moins un j dans I tel que xj ≠ yj . Si les Xi sont séparés, il existe
deux ouverts disjoints U et V dans Xj avec xj ∈ U et yj ∈ V . Alors pr−1 −1
j (U ) et prj (V )
sont deux ouverts (élémentaires) de X, disjoints, et contenant respectivement x et y. Donc
X est séparé.
Réciproquement, si X est séparé et si les Xi sont non vides, choisissons ai dans Xi pour
tout i dans I. Soit j dans I. L’application φ ∶ Xj → X définie par x ↦ (xi )i∈I , où xj = x et
xi = ai pour tout i ≠ j, est un homéomorphisme sur son image. En effet, elle est injective,
et continue car pri ○φ est continue pour tout i. Sa réciproque est la restriction à l’image de
φ de la j-ème projection, donc est continue. ◻
Exercice E.A.75. Définissons par récurrence une suite de fermés Cn de [0, 1], en posant
C0 = [0, 1], en supposant que Cn soit la réunion disjointe de 2n intervalles de longueur
1
3n , et en construisant Cn+1 en divisant chaque composante de Cn en trois intervalles de
longueurs égales, et en enlevant l’intérieur de celui du milieu. L’ensemble triadique de
Cantor C est défini par C = ⋂n∈N Cn . Munissons l’ensemble {0, 1} de la topologie discrète
et {0, 1}N de la topologie produit. Montrer que l’application
φ ∶ {0, 1}N → C
∞
2xi
(xi )i∈N ↦ ∑ i+1
i=0 3
Exercice E.A.76. Montrer que le produit d’une famille d’espaces topologiques connexes
(resp. connexes et localement connexes, connexes par arcs, connexes et localement connexes
par arcs) est connexe (resp. localement connexe, connexe par arcs, localement connexe par
arcs). Montrer que le produit d’une famille finie d’espaces topologiques localement connexes
(resp. localement connexes par arcs) est localement connexe (resp. localement connexe par
arcs).
Soient X un ensemble et (Yi )i∈I une famille d’espaces topologiques. Pour tout i ∈ I, soit
fi ∶ Yi → X une application. La topologie finale sur X définie par (fi )i∈I est la topologie
dont les ouverts sont les parties O de X telles que pour tout i dans I, le sous-ensemble
fi−1 (O) soit un ouvert de Yi . C’est la topologie sur X la plus fine rendant continue toutes
les applications fi . Si Z est un espace topologique et si g ∶ X → Z est une application, alors
g est continue si et seulement si chacune des appllications g ○ fi est continue.
Exemple : Topologie somme disjointe. Soit (Xi )i∈I une famille d’espaces topologiques.
Rappelons qu’un ensemble X muni d’applications fi ∶ Xi → X est une somme disjointe des
Xi si pour tout ensemble Y muni d’applications gi ∶ Xi → Y , il existe une unique application
φ ∶ X → Y telle que le diagramme suivant commute pour tout i :
fi
Xi Ð→ X
gi ↘ ↓φ
Y .
247
L’ensemble {(x, i) ∈ (⋃i∈I Xi ) × I ∶ x ∈ Xi }, muni de fi ∶ Xi → X avec fi (x) = (x, i),
convient. Il est unique modulo bijection faisant commuter les diagrammes ci-dessus. Nous
identifions x ∈ Xi avec son image par fi et nous notons X = ∐i∈I Xi , muni des inclusions
Xi ↪ X.
La topologie finale sur X définie par (fi )i∈I est appelée la topologie somme disjointe.
Sauf mention contraire, un ensemble somme disjointe sera muni de la topologie somme
disjointe.
Exemple : Topologie faible. Soient X un ensemble et (Xi )i∈I une famille de parties
de X. Supposons chaque Xi munie d’une topologie, et notons fi ∶ Xi → X l’inclusion. La
topologie finale sur X définie par (fi )i∈I est appelée la topologie faible définie par (Xi )i∈I .
Les propriétés suivantes découlent de celles des topologies finales : une partie F de X est
fermée si et seulement si F ∩ Xi est fermée dans Xi pour tout i dans I ; une partie O
de X est ouverte si et seulement si O ∩ Xi est ouverte dans Xi pour tout i dans I ; pour
tout espace topologique Y , une application f ∶ X → Y est continue si et seulement si sa
restriction f∣Xi ∶ Xi → Y à Xi est continue pour tout i dans I.
Par exemple, si X = R2 , et si (Xi )i∈I est la famille des droites vectorielles de R2 , munies
de leur topologie usuelle, alors la topologie faible définie par (Xi )i∈I est strictement plus
fine que la topologie usuelle sur R2 .
Exercice E.A.77. Soit X un espace topologique. Montrer que les conditions suivantes
sont équivalentes :
● X est discret ;
● la topologie de X est la topologie faible définie par la famille des singletons (un singleton
possède une et une seule topologie) ;
● la bijection canonique ∐x∈X {x} → X est un homéomorphisme.
Exercice E.A.78. Soit X un ensemble, muni de la topologie faible définie par une famille
(Xi )i∈I de parties de X munies chacune d’une topologie. Montrer que si, pour tous les i, j
dans I, les topologies induites sur Xi ∩ Xj par celles de Xi et de Xj coïncident, et si la
partie Xi ∩ Xj est fermée dans Xi et dans Xj , alors
● la topologie de Xi coïncide avec la topologie induite sur Xi par la topologie de X ;
● Xi est fermé dans X.
π ∶ X → X/R = Y
la projection canonique, qui à x ∈ X associe sa classe d’équivalence R(x), que nous noterons
souvent [x] s’il n’y a pas d’ambiguité. Rappelons la propriété universelle des quotients :
pour tout ensemble Z et pour toute application f ∶ X → Z constante sur chaque classe
248
d’équivalence de R, il existe une et une seule application f ′ ∶ X/R → Z telle que le
diagramme
f
X Ð→ Z
π ↓ ↗f ′
X/R
commute.
Si X est un espace topologique, la topologie finale sur Y définie par π est appelée la
topologie quotient. Sauf mention contraire, tout ensemble quotient sera muni de la topologie
quotient.
Les propriétés suivantes découlent de celles des topologies finales :
● une partie U de Y est ouverte si et seulement si π −1 (U ) est ouvert dans X ;
● une partie F de Y est fermée si et seulement si π −1 (F ) est fermé dans X ;
● la projection canonique π est continue, et la topologie quotient est la topologie la plus
fine sur Y rendant continue π ;
● pour tout espace topologique Z, une application f ∶ Y → Z est continue si et seulement
si f ○ π ∶ X → Z est continue.
φ∶ Tn Ð→ (S1 )n
[(t1 , ..., tn )] ↦ (e 2πit1
, ..., e2πitn ) .
Cette bijection est continue, car φ○π = φ l’est. L’espace quotient Tn est séparé par l’exercice
E.A.79. Il découle de la remarque suivant le théorème A.21 que φ est un homéomorphisme.
250
(1) Soit D une droite de pente α dans R2 . Montrer que si α ∈
Q∪{∞}, alors π(D) est homéomorphe à un cercle. Montrer
que si α ∉ Q ∪ {∞}, alors π(D) est dense dans T2 et π∣D ∶
D → π(D) est une bijection continue. Est-ce que π∣D est un
homéomorphisme sur son image ?
R2
(2) Soit ∼ la relation sur T2 définie par x′ ∼ y ′ si et seulement
s’il existe une droite D de pente α dans R2 et x, y dans D
π
tels que π(x) = x′ et π(y) = y ′ . Montrer que ∼ est une rela-
tion d’équivalence, et que l’espace quotient T2 /∼ est séparé
si et seulement si α ∈ Q. Si α ∈ Q, montrer que l’espace quo-
tient T2 /∼ est homéomorphe à un cercle. Si α ∉ Q, montrer
que la topologie de T2 /∼ est la topologie grossière.
Exemple (1). Soit X un espace topologique. Le cône sur X est l’espace topologique
quotient
CX = (X × [0, 1])/R
où R est la relation d’équivalence engendrée par (x, 1) ∼ (x′ , 1) pour tous les x et x′ dans
X.
1
0
X
X X × [0, 1] CX
Nous pouvons vérifier que l’application x ↦ [(x, 0)] de X dans CX est un homéomorphisme
sur son image, permettant d’identifier X avec une partie de CX, et que si f ∶ X → Y est une
application continue, alors l’application Cf ∶ CX → CY définie par [(x, t)] ↦ [(f (x), t)]
est continue. L’image de X × {1} dans CX est réduite à un point, appelé sommet du cône.
Si f ∶ X → Y et g ∶ Y → Z sont des applications continues, alors C(g ○ f ) = (Cg) ○ (Cf ) et
C(idX ) = idCX .
Exemple (2). Soit X un espace topologique. La suspension de X est l’espace topologique
quotient
SX = (X × [−1, 1])/R
où R est la relation d’équivalence engendrée par (x, 1) ∼ (x′ , 1) et (x, −1) ∼ (x′ , −1) pour
tous les x et x′ dans X.
1
X X
−1
X × [−1, 1] SX
251
Nous pouvons vérifier que l’application x ↦ [(x, 0)] de X dans SX est un homéomorphisme
sur son image, permettant d’identifier X avec une partie de SX, et que si f ∶ X → Y est une
application continue, alors l’application Sf ∶ SX → SY définie par [(x, t)] ↦ [(f (x), t)]
est continue. Si f ∶ X → Y et g ∶ Y → Z sont des applications continues, alors S(g ○ f ) =
(Sg) ○ (Sf ) et S(idX ) = idSX .
Exemple (3). Soient X un espace topologique et A une partie de X. L’écrasement de A
dans X, noté X/⟨A⟩, est l’espace topologique quotient X/R où R est la relation d’équi-
valence engendrée par x ∼ x′ pour tous les x et x′ dans A.
X
X/⟨A⟩
A
⋁(Xi , xi ) = ( ∐ Xi )/R
i∈I i∈I
X/⟨A⟩ ≃ X ∪f {∗} .
Exercice E.A.85. Pour tout i ∈ S1 , soit Ri une copie de [0, +∞[. Sur la somme disjointe
X = ∐i∈S1 Ri , nous notons R la relation d’équivalence engendrée par 0 ∈ Ri ∼ 0 ∈ Rj pour
tous les i et j dans S1 . Montrer que l’espace topologique quotient X/R est homéomorphe à
l’ensemble R2 muni de la topologie faible définie par la famille des rayons vectoriels de R2 .
Topologie de l’ordre
Soit E un ensemble. Rappelons qu’un ordre sur E est une relation ⪯ qui est réflexive
(∀ x ∈ E, x ⪯ x), antisymétrique (∀ x, y ∈ E, si x ⪯ y et y ⪯ x, alors x = y) et transitive
(∀ x, y, z ∈ E, si x ⪯ y et y ⪯ z, alors x ⪯ z). Nous noterons x ≺ y si x ⪯ y et x ≠ y. Un
ensemble muni d’un ordre est un ensemble ordonné. Un ordre total sur E est un ordre ⪯
tel que pour tous les x et y dans E, nous avons x ⪯ y ou y ⪯ x. Un ensemble muni d’un
ordre total est un ensemble totalement ordonné. Un ordre total sur E est un bon ordre si
toute partie non vide de E admet un plus petit élément (c’est-à-dire si
∀ A ⊂ E, (A ≠ ∅) ⇒ (∃ x ∈ A, ∀ y ∈ A, x ⪯ y) .
Un ensemble muni d’un bon ordre est un ensemble bien ordonné (par définition, ceci im-
plique qu’il est totalement ordonné).
Par exemple, l’ensemble N muni de son ordre usuel est bien ordonné. Par exemple,
si E, F sont deux ensembles totalement ordonnés (resp. bien ordonnés), alors l’ensemble
produit E × F muni de l’ordre lexicographique
]x, y[ = {z ∈ E ∶ x ≺ z ≺ y}
pour les x, et y dans E (l’ensemble de ces parties vérifie le critère pratique (39)). Cette
topologie est séparée.
Exercice E.A.86. Montrer que l’ensemble ordonné des ordinaux inférieurs ou égaux à un
ordinal donné, muni de la topologie de l’ordre, est compact.
Limites
Nous dirons que f (x) admet une limite quand x tend vers a dans A s’il existe ` ∈ Y tel
que pour tout voisinage V de `, il existe un voisinage U de a tel que
f (U ∩ A) ⊂ V.
254
Exemple. Si X = R, si A est une partie non majorée de R, et si a = +∞, nous notons (si
elle existe) lim f (x) ou lim f la limite de f (x) quand x tend vers +∞ dans A. De
x→+∞ , x∈A +∞
même pour −∞. Bien sûr,
` = lim xn ⇐⇒ ∀ V ∈ V (`), ∃ N ∈ N, ∀ n ≥ N, xn ∈ V.
+∞
La proposition suivante dit que l’on ne change pas la définition d’une limite en deman-
dant à U et V de rester dans des systèmes fondamentaux de voisinages prescrits de a et
`.
f (x) Ð→ ` ⇐⇒ ∀ V ′ ∈ W , ∃ U ′ ∈ U f (U ′ ∩ A) ⊂ V ′ .
x→a, x∈A
Nous pouvons caractériser la continuité par les limites. Soient X et Y deux espaces to-
pologiques, f ∶ X → Y une application et x0 ∈ X. Alors f est continue en x0 si et seulement
si lim f existe et vaut f (x0 ).
x0
Proposition A.5. Si Y est séparé, si f (x) admet une limite quand x tend vers a dans A,
alors cette limite est unique.
255
Démonstration. Si ` et `′ sont deux limites distinctes, alors soient V et V ′ deux voisinages
disjoints de ` et `′ respectivement. Par définition d’une limite, il existe U et U ′ voisinages
de a tels que f (U ∩ A) ⊂ V et f (U ′ ∩ A) ⊂ V ′ . Comme U ∩ U ′ est un voisinage de a et
puisque a est adhérent à A, l’ensemble U ∩ U ′ ∩ A est non vide. Donc f (U ∩ U ′ ∩ A) est
non vide. Comme f (U ∩ U ′ ∩ A) ⊂ V ∩ V ′ , l’ensemble V ∩ V ′ est non vide, contradiction. ◻
Proposition A.6. Si f (x) admet pour limite ` quand x tend vers a dans A, alors ` ∈ f (A).
Exercice E.A.87. Soient (Xi )i∈I une famille d’espaces topologiques, Y un espace topolo-
gique, A une partie de Y et a ∈ A.
(1) Soit X un ensemble muni de la topologie initiale définie par une famille d’applications
(fi ∶ X → Xi )i∈I . Soit f ∶ B → X une application avec A ⊂ B ⊂ X. Montrer que
f (x) Ð→ ` si et seulement si fi ○ f (x) Ð→ fi (`) pour tout i dans I.
x→a, x∈A x→a, x∈A
(2) Soient X = ∏i∈I Xi , muni de ses projections canoniques pri ∶ (xi )i∈I ↦ xi , et f ∶ Y → X
une application, de i-ème composante fi . En déduire que f (x) Ð→ (`i )i∈I si et
x→a, x∈A
Valeurs d’adhérence
Nous dirons que ` ∈ Y est valeur d’adhérence de f (x) quand x tend vers a dans A (ou
de f en a si A est sous-entendu) si pour tout voisinage V de `, pour tout voisinage U de
a, l’ensemble f (U ∩ A) ∩ V est non vide.
Remarque. Si U et W sont deux systèmes fondamentaux de voisinages de a et ` dans
X et Y respectivement, alors il est immédiat que ` ∈ Y est valeur d’adhérence de f en a si
et seulement si pour tout V ∈ W , pour tout U ∈ U , l’ensemble f (U ∩ A) ∩ V est non vide.
256
Par exemple, si X et Y sont deux espaces métriques, alors ` ∈ Y est valeur d’adhérence de
f en a si et seulement si
∀ > 0, ∀ δ > 0, ∃ x ∈ A dX (a, x) < δ et dY (f (x), `) < .
Exemple. Si (xn )n∈N est une suite dans X, si x ∈ X, alors x est valeur d’adhérence de
(xn )n∈N si et seulement si
∀ V ∈ V (x), ∀ N ∈ N, ∃ n ≥ N xn ∈ V.
En particulier, toute limite d’une sous-suite est valeur d’adhérence de (xn )n∈N . Si X est
un espace métrique (il suffit que tout point de X admette un système fondamental dénom-
brable de voisinages), alors x est valeur d’adhérence de la suite si et seulement si x est
limite d’une sous-suite.
Proposition A.9.
(1) L’ensemble des valeurs d’adhérence de f en a est
⋂ f (U ∩ A).
U ∈V (a)
(2) Si f admet pour limite ` en a, alors ` est une valeur d’adhérence de f en a. Si de plus
Y est séparé, cette valeur d’adhérence est unique.
Démonstration. (1) Soit ` ∈ Y . Alors
`∈ ⋂ f (U ∩ A) ⇐⇒ ∀ U ∈ V (a), ` ∈ f (U ∩ A) ⇐⇒
U ∈V (a)
1
Exemple. Si X = R, A = ]0, +∞], a = 0 ∈ A et f ∶
A → R est l’application x ↦ sin x1 , alors l’ensemble des
valeurs d’adhérence de f en 0 est [−1, 1].
−1
257
A.4 Compacité
Espace compact
Si X est un ensemble, une famille (Ai )i∈I de parties de X est un recouvrement de X
(ou recouvre X) si ⋃i∈I Ai = X. Un sous-recouvrement est une sous-famille (Aj )j∈J (avec
J ⊂ I) qui recouvre encore X. Si X est un espace topologique, un recouvrement (Ai )i∈I est
dit ouvert ou fermé si les Ai le sont.
Définition A.10. Un espace topologique X est dit compact s’il est séparé et si tout recou-
vrement ouvert de X admet un sous-recouvrement fini.
Voir par exemple [Pau2] pour des conditions équivalentes dans le cas des espaces mé-
trisables, dont la plus importante est : « toute suite admet une sous-suite convergente ».
Exemple. Un espace discret est compact si et seulement s’il est fini, car la famille de ses
singletons est un recouvrement ouvert.
Par passage au complémentaire, il est immédiat qu’un espace topologique séparé X
est compact si et seulement si toute famille de fermés de X d’intersection vide admet une
sous-famille finie d’intersection vide.
Soient X un espace topologique et A une partie de X. Comme les ouverts du sous-
espace topologique A sont les traces sur A des ouverts de X, les assertions suivantes sont
équivalentes :
● le sous-espace topologique A est compact.
● le sous-espace topologique A est séparé, et tout recouvrement de A par des ouverts de
X admet un sous-recouvrement fini.
Nous dirons alors que A est une partie compacte de X.
Proposition A.11.
(1) Si X est un espace topologique séparé, si A est une partie compacte de X, alors A est
fermée dans X.
(2) Un sous-espace fermé d’un espace compact est compact.
(3) Si X est un espace topologique séparé, alors une réunion finie de parties compactes
K1 , . . . , Kn de X est un compact.
Démonstration. (1) Montrons que X −A est ouvert. Soit x ∈ X −A. Comme X est séparé,
pour tout y dans A, il existe Uy et Vy deux ouverts disjoints avec x ∈ Uy et y ∈ Vy . En
particulier, (Vy )y∈A est un recouvrement de A par des ouverts de X. Par compacité de A,
il existe y1 , ..., yn dans A tels que A ⊂ Vy1 ∪ ... ∪ Vyn . Alors U = ⋂ni=1 Uyi est un ouvert de
X, tel que U ∩ A = ∅ et x ∈ U . Donc X − A est ouvert.
(2) Nous avons déjà démontré qu’un sous-espace d’un espace séparé est séparé. Soit A
un fermé d’un espace compact X. Soit (Fi )i∈I une famille de fermés de A, d’intersection
vide. Puisque A est fermé, Fi est aussi fermé dans X, donc par compacité de X, il existe
une sous-famille finie d’intersection vide.
(3) Comme tout sous-espace d’un espace séparé est séparé, ceci découle du fait que la
réunion pour i ∈ {1, . . . , n} de recouvrement ouverts finis de Ki est un recouvrement ouvert
fini de K1 ∪ ⋅ ⋅ ⋅ ∪ Kn . ◻
258
Cette assertion (3) est surtout là pour montrer qu’il ne faut pas oublier l’hypothèse de
séparation sur X. Par exemple, l’espace topologique grossier {0, 1} est la réunion de deux
parties compactes {0} et {1}, mais n’est pas compact.
Exercice E.A.88. Soit X un espace topologique séparé. Montrer que deux compacts dis-
joints de X ont des voisinages disjoints.
Proposition A.12. Si Y est compact, alors f admet au moins une valeur d’adhérence en
a. De plus, si f admet une unique valeur d’adhérence ` en a, alors f admet ` pour limite
en a.
Démonstration. Par la proposition A.9, l’ensemble des valeurs d’adhérence est égal à
⋂U ∈V (a) f (U ∩ A). Si cet ensemble est vide, par compacité de X, comme les f (U ∩ A) sont
fermés, il existe des voisinages U1 , ..., Un de a tels que f (U1 ∩ A) ∩ ... ∩ f (Un ∩ A) = ∅.
Comme
Corollaire A.13. Dans un espace topologique compact, toute suite admet au moins une
valeur d’adhérence. Si elle est unique, alors la suite converge vers elle. ◻
Compacité et produits
Soit E un ensemble muni d’une relation d’ordre (partielle) ≺. Un élément x de E est
dit maximal si
∀y∈E x≺y ⇒ y=x.
Si F est une partie de E, un élément x de E est un majorant de F si
∀y∈F y≺x.
∀ x, y ∈ F x ≺ y ou y ≺ x .
L’ensemble E muni de ≺ est dit inductif si toute partie totalement ordonnée admet un
majorant.
259
Théorème A.14. (Théorème de Zorn) Tout ensemble ordonné inductif non vide pos-
sède un élément maximal. ◻
Ce théorème est admis (voir par exemple [Kri]), il est équivalent à l’axiome du choix.
Lemme A.15. Soit X un espace topologique. Un mauvais recouvrement de X est un
recouvrement n’admettant pas de sous-recouvrement fini. Soit A une prébase d’ouverts de
X. Si X admet un mauvais recouvrement ouvert, alors il admet un mauvais recouvrement
par des éléments de A .
Démonstration. Soit M l’ensemble supposé non vide des mauvais recouvrements ouverts
de X, partiellement ordonné par l’inclusion. Montrons qu’il est inductif. Soit (Uα )α∈A
une famille totalement ordonnée d’éléments de M . Soit U = ⋃α∈A Uα . Alors U est un
majorant des Uα . C’est un mauvais recouvrement ouvert de X, sinon il contiendrait un
sous-recouvrement fini {V1 , ..., Vn } ; si Vi ∈ Uαi et si β ∈ A vérifie Uαi ⊂ Uβ pour tout i,
alors Uβ aurait un sous-recouvrement ouvert fini, contradiction.
Par le théorème de Zorn, soit U ∗ un élément maximal de M . En particulier, pour tout
ouvert V ∉ U ∗ , le recouvrement U ∗ ∪ {V } n’est pas mauvais, donc il existe U1 , ..., Un dans
U ∗ tels que {V, U1 , ..., Un } recouvre X.
Lemme A.16. Pour tous les ouverts V et V ′ de X, si V ∉ U ∗ et V ′ ∉ U ∗ , alors nous
avons V ∩ V ′ ∉ U ∗ .
Démonstration. Soient U1 , ..., Un , U1′ , ..., Un′ ′ des éléments de U ∗ tels que {V, U1 , ..., Un } et
{V ′ , U1′ , ..., Un′ ′ } recouvrent X. Alors {V ∩ V ′ , U1 , ..., Un , U1′ , ..., Un′ ′ } recouvre X, et comme
U ∗ est mauvais, V ∩ V ′ ∉ U ∗ . ◻
Lemme A.17. Pour tous ouverts V, V ′ de X, si V ∉ U ∗ et V ⊂ V ′ , alors V ′ ∉ U ∗ .
Démonstration. Si {V, U1 , ..., Un } recouvre X, alors {V ′ , U1 , ..., Un } recouvre X aussi. ◻
Montrons maintenant que A ∩ U ∗ recouvre X. Soit x0 dans X. Comme U ∗ recouvre
X, il existe U ∈ U ∗ tel que x0 ∈ U . Comme A est une prébase, il existe V1 , ..., Vn dans A
tels que x0 ∈ V1 ∩ ... ∩ Vn ⊂ U . Par les lemmes précédents, il existe i tel que Vi ∈ U ∗ . Donc
x0 ∈ Vi ∈ A ∩ U ∗ . Enfin, comme U ∗ est mauvais, A ∩ U ∗ l’est aussi. ◻
Théorème A.18. (Théorème de Tychonov) Tout produit d’espaces compacts est com-
pact.
Démonstration. Nous avons déjà vu qu’un produit d’espaces séparés est séparé (pro-
position A.2). Soit X = ∏i∈I Xi un produit d’espaces compacts. Par les propriétés de la
topologie produit, A = {pr−1 j (V ) ∶ j ∈ I, V ouvert de Xj } est une prébase d’ouverts de X.
Si X n’est pas compact, par le lemme technique A.15, il existe un mauvais recouvrement
U de X par des éléments de A . Pour j ∈ I, soit Aj l’ensemble des ouverts V de Xj tels
que pr−1
j (V ) ∈ U . Si Aj recouvre Xj , par compacité de Xj , il existe V1 , ..., Vn dans Aj
recouvrant Xj . Mais alors pr−1 −1 −1
j (V1 ) ∪ ⋅ ⋅ ⋅ ∪ prj (Vn ) = prj (Xj ) = X, ce qui contredit le
fait que U est mauvais. Soit donc xj dans Xj tel que xj ∉ ⋃ Aj . Nous posons x = (xj )j∈I .
Comme U recouvre X, il existe j ∈ I et V ouvert de Xj tel que x ∈ pr−1 j (V ) ∈ U . Ceci
contredit le fait que xj ∉ ⋃ Aj . ◻
Compacité et continuité
Théorème A.21. Soient X un espace compact, Y un espace séparé et f ∶ X → Y une
application continue. Alors
(1) l’espace f (X) est compact ;
(2) si f est bijective, alors f est un homéomorphisme.
Démonstration. (1) D’abord, f (X) est séparé car Y l’est. Pour tout recouvrement ouvert
(Ui )i∈I de f (X), la famille (f −1 (Ui ))i∈I est un recouvrement ouvert de X, donc admet
un sous-recouvrement fini (f −1 (Uj ))j∈J . D’où f (X) ⊂ ⋃j∈J Uj . Par conséquent, f (X) est
compact.
(2) Il suffit de montrer que f −1 est continue, c’est-à-dire que f est fermée. Si F est un
fermé de X, alors F est compact dans X, donc f (F ) est compact dans Y par (1), donc
fermé dans Y car Y est séparé. ◻
Du résultat précédent, il découle que l’application φ ∶ Tn = Rn /Zn → (S1 )n , avec
[(t1 , ..., tn )] ↦ (e2πit1 , ..., e2πitn ), qui est continue, bijective, de but séparé, de source com-
pacte (car séparée par l’exercice E.A.79 et image du compact [0, 1]n par la projection
canonique π ∶ Rn → Rn /Zn qui est continue), est un homéomorphisme.
⋂ f (CJα ) ⊃ f ( ⋂ Fj ) ≠ ∅ .
α j∈⋃ Jα
Comme K est compact, il existe au moins un point y dans l’intersection des ensembles
f (CJ ) pour toutes les parties finies J dans I. Pour toute partie finie J dans I, nous avons
donc
f −1 (y) ∩ ⋂ Fj = f −1 (y) ∩ CJ ≠ ∅ .
j∈J
Puisque f (y) est compact, nous avons donc f −1 (y) ∩ ⋂i∈I Fi ≠ ∅, ce qui contredit le fait
−1
C (Z × X, Y ) Ð→ C (Z, C (X, Y ))
f ↦ {z ↦ fz ∶ x ↦ f (z, x)}
Exercice E.A.92. Un espace topologique X est dit normal s’il est séparé et si pour tous
les fermés disjoints F et F ′ de X, il existe des ouverts disjoints U et U ′ de X tels que
F ⊂ U et F ′ ⊂ U ′ .
● Montrer qu’un espace topologique compact est normal.
● Montrer que si F est un fermé de X et U un ouvert de X contenant F , alors il existe
un ouvert V de X tel que
F ⊂ V ⊂ V ⊂ U.
● Soient X un espace topologique normal et ∼ une relation d’équivalence sur X telle que
la projection canonique π ∶ X → X/∼ soit fermée. Montrer que X/∼ est normal (donc
séparé).
264
● Soient X un espace topologique compact et ∼ une relation d’équivalence sur X telle
que la projection canonique π ∶ X → X/∼ soit fermée. Montrer que X/∼ est compact.
● Montrer que l’espace topologique somme disjointe d’une famille d’espaces topologiques
normaux est normal.
● Soient X un espace topologique compact et ∼ une relation d’équivalence fermée (en
tant que partie de X × X). Montrer que X/∼ est compact.
● Soient X et Y deux espaces topologiques normaux, A un fermé de X et f ∶ A → Y une
application continue. Montrer que X ∪f Y est normal (donc séparé). En déduire que
X/⟨A⟩ est normal. Si X, Y sont compacts, montrer que X ∪f Y est compact.
● Montrer que si X est un espace topologique séparé (respectivement normal), alors son
cône CX et sa suspension SX sont aussi séparés (respectivement normal).
Exercice E.A.93. Pour n dans √ N, nous notons ∥ ⋅ ∥ la norme euclidienne standard sur
Rn (telle que ∥(x1 , ... , xn )∥ = x21 + ... + x2n ). Soit Bn = {x ∈ Rn ∶ ∥x∥ ≤ 1} la boule
unité (fermée) de Rn et Sn = {x ∈ Rn+1 ∶ ∥x∥ = 1} la sphère de dimension n. Identifions
Cn avec R2n par (z1 , ..., zn ) ↦ (Re z1 , ... , Re zn , Im z1 , ... , Im zn ). Identifions Rn avec un
sous-espace de Rn+1 par (x1 , ... , xn ) ↦ (x1 , ... , xn , 0).
● Sur Rn+1 −{0}, considérons la relation d’équivalence x ∼1 λx pour tout x dans Rn+1 −{0}
et λ dans R − {0}. Sur Sn , considèrons la relation d’équivalence x ∼2 ±x pour tout x
dans Sn . Sur Bn , considérons la relation d’équivalence ∼3 engendrée par x ∼ −x pour
tout x dans Sn−1 = ∂Bn . Montrer que l’inclusion √ Sn ↪ Rn+1 − {0} et l’application Bn →
Sn définie par (x1 , ... , xn ) ↦ (x1 , ... , xn , 1 − ∑i=1 x2i ) induisent des homéomorphismes
n
Sn /∼2 → (Rn+1 − {0})/∼1 et Bn /∼3 → Sn /∼2 . Montrer que ces espaces sont séparés, puis
qu’ils sont compacts. L’espace quotient (Rn+1 −{0})/ ∼1 est appelé l’espace projectif réel
de dimension n et noté Pn (R) (ou RPn ). Notons [x1 ∶ ... ∶ xn+1 ] la classe d’équivalence
de (x1 , ... , xn+1 ).
● Sur Cn+1 − {0}, considérons la relation d’équivalence x ∼1 λx pour tout x dans Cn+1 −
{0} et λ dans C − {0}. Sur S2n+1 , considérons la relation d’équivalence x ∼2 λx pour
tout x dans S2n+1 et λ ∈ S1 . Montrer que l’inclusion S2n+1 ↪ Cn+1 − {0} induit un
homéomorphisme S2n+1 /∼2 → (Cn+1 − {0})/∼1 . Montrer que ces espaces sont compacts.
L’espace quotient (Cn+1 −{0})/ ∼1 est appelé l’espace projectif complexe de dimension n
et noté Pn (C) (ou CPn ). Notons [z1 ∶ ... ∶ zn+1 ] la classe d’équivalence de (z1 , ... , zn+1 ).
● Montrer que P1 (R) est homéomorphe au compactifié d’Alexandrov de R (donc à S1 ), par
l’application [x ∶ y] ↦ x/y si y ≠ 0, et [x ∶ 0] ↦ ∞. Montrer que P1 (C) est homéomorphe
au compactifié d’Alexandrov de C (donc à S2 ), par l’application [w ∶ z] ↦ w/z si z ≠ 0,
et [w ∶ 0] ↦ ∞.
● Si f ∶ Sn−1 → Pn−1 (R) (ces deux espaces sont vides si n = 0) est la projection canonique
265
(x1 , ... , xn ) ↦ [x1 ∶ ... ∶ xn ], montrer que l’application
̂
est un ouvert de X.
(2) La topologie induite sur X est l’ensemble des traces U ∩ X sur X des ouverts U
̂ Pour tout ouvert U de X, nous avons U ∩ X = U qui est ouvert dans X. Pour tout
de X.
compact K de X, nous avons (X ̂ − K) ∩ X = X − K. Le résultat découle donc du fait qu’un
compact de X est un fermé de X par la proposition A.11 (1), donc de complémentaire
dans X ouvert.
Puisque X est un ouvert de X, la partie X est un ouvert de X.̂ Si U est un voisinage
̂
ouvert de ∞ dans X, alors il existe un compact K de X tel que U = X ̂ − K, et comme
X ≠ K, l’ouvert U rencontre X. Ceci montre que X est dense dans X.̂
(3) Montrons que X ̂ est séparé. Si x, y ∈ X sont distincts, puisque X est séparé, il existe
des ouverts de X, donc de X, ̂ disjoints contenant respectivement x et y. Si x ∈ X, soit V
un voisinage compact de x dans X, qui existe car X est localement compact. Alors X ̂ −V
○
et V sont des voisinages ouverts dans X ̂ de respectivement ∞ et x. Ceci montre le résultat.
Soit U = (Ui )i∈I un recouvrement ouvert de X. ̂ Puisque ∞ appartient à X, ̂ il existe
̂
i0 ∈ I et K un compact de X tel que Ui0 = X − K. Puisque (Ui )i∈I est un recouvrement
ouvert de K et par l’équivalence qui précède la proposition A.11, il existe donc une partie
finie J de I tel que (Ui )i∈J recouvre K. Alors (Ui )i∈J∪{i0 } est un sous-recouvrement fini de
U . Donc X ̂ est compact.
267
(4) Puisque f̂∣X = f et par l’assertion (2) pour X et pour Y , il est immédiat que
l’application f̂ est continue en tout point de X.
Soit V un voisinage ouvert de ∞ dans Ŷ . Alors il existe un compact K de Y tel
que V = Ŷ − K. Puisque f est propre, la partie f −1 (K) est un compact de X, et donc
U =X ̂ − f −1 (K) est un ouvert de X.
̂ Puisque
f̂(U ) = f̂(X
̂ − f −1 (K)) ⊂ Ŷ − K = V ,
̂ (U ) = φ
φ ̂ (X
̂ − φ−1 (Y − V )) ⊂ V .
En tant qu’applications à coordonnées des fractions rationelles ne s’annulant pas, ces deux
applications sont continues. Par l’assertion (5), la projection stéréograhique se prolonge
donc en un homéomorphisme de R ̂n dans Sn .
268
B Annexe : rappels de théorie des groupes
B.1 Action de groupes
Soient G un groupe (d’élément neutre e) et E un ensemble.
Une action (à gauche) de G sur E est une application de G×E dans E notée (g, x) ↦ gx
telle que, pour tous les x ∈ E et g, h ∈ G, nous ayons
(1) ex = x,
(2) g(hx) = (gh)x.
Ainsi pour tout g ∈ G, l’application x ↦ gx est une bijection de E dans E, appelée l’action
de g sur E, d’inverse x ↦ g −1 x. Pour simplifier, nous noterons encore g l’application x ↦ gx
lorsque l’action est sous-entendue. Nous dirons qu’un groupe G agit sur E si E est muni
d’une action de G sur E.
Il est parfois plus naturel (voir par exemple la partie 2.7) d’utiliser une action à droite
de G sur E, c’est-à-dire une application de E × G dans E notée (x, g) ↦ xg telle que, pour
tous les x ∈ E et g, h ∈ G, nous ayons
(1) xe = x,
(2) x(gh) = (xg)h.
Si une application (x, g) ↦ xg est une action à droite, alors l’application (g, x) ↦ xg −1
est une action (à gauche), donc nous nous contenterons d’étudier les actions (à gauche).
Si E et E ′ sont deux ensembles munis d’une action (respectivement d’une action à
droite) d’un même groupe G, une application f ∶ E → E ′ est dite équivariante (ou G-
équivariante lorsqu’il convient de préciser le groupe, les deux actions étant sous-entendues)
si pour tous les x ∈ E et g ∈ G, nous avons
xRy ⇔ (∃ g ∈ G, y = gx)
est une relation d’équivalence. La classe d’équivalence d’un point x de E est appelée l’orbite
de ce point par l’action de G, et notée Gx. L’ensemble des classes d’équivalence est noté
G/E, et appelé l’espace des orbites de G dans E. L’espace des orbites pour une action à
droite de G sur E est noté E/G.
Soit A une partie de E. Nous notons gA = {gx ∶ x ∈ A} l’image de A par l’action de g.
Nous dirons qu’un élément g ∈ G préserve A si gA ⊂ A. Nous dirons qu’un sous-groupe
H de G préserve (ou laisse invariant) A si h préserve A pour tout h ∈ H, ou, de manière
équivalente car H contient les inverses de ses éléments, si hA = A pour tout h ∈ H.
Le stabilisateur de A est le sous-groupe de G constitué des éléments g ∈ G tels que
gA = A. Le stabilisateur point par point (ou fixateur) de A est le sous-groupe de G constitué
des éléments g ∈ G tels que gx = x pour tout x ∈ A. Notons que le fixateur de A est un
sous-groupe distingué du stabilisateur de A. Le stabilisateur d’un point x (c’est-à-dire du
singleton {x}) de E est égal à son stabilisateur, et noté
Gx = {g ∈ G ∶ gx = x} .
269
Remarquons que
Ggx = g Gx g −1 ∶ (40)
le stabilisateur de l’image de x par g est le conjugué par g du stabilisateur de x.
Une action d’un groupe G sur un ensemble E est transitive si pour tous les x, y dans
E, il existe un élément g de G tel que y = g x.
Une action d’un groupe G sur un ensemble X est dite libre si le stabilisateur Gx de
chaque point x de X est trivial (c’est-à-dire vaut {e} où e est l’identité de G). Ceci équivaut
à demander que
∀ x ∈ X, ∀ g, g ′ ∈ G, gx = g ′ x ⇒ g = g ′ .
A × B Ð→ A
(a, b) ↦ ab−1 .
est bien définie, est appelée le passage au quotient de l’application f . Si f est surjectif,
alors f est surjective. Si B est distingué dans A et B ′ distingué dans A′ , alors f est un
morphisme de groupes entre les groupes quotients A/B et A′ /B ′ .
L’action par translations à gauche de A sur lui-même induit une action de A sur A/B,
encore appelée l’action par translations à gauche de A sur l’espace des classes à droites
A/B :
A × A/B Ð→ A/B
(g, g ′ B) ↦ gg ′ B .
Soit S un ensemble. Un mot 95 sur S est une suite finie d’éléments de S × {±1}. Nous
noterons e la suite vide, appelée le mot vide, et pour tous les n ∈ N, s1 , . . . , sn ∈ S et
95. au sens des groupes : dans les monoïdes, la définition est différente
270
1 , . . . , n ∈ {±1}, nous noterons s11 . . . snn la suite finie ((s1 , 1 ), . . . , (sn , n )) (par conven-
tion, ce mot est le mot vide si n = 0). Nous dirons que n est la longueur du mot w = s11 . . . snn ,
et nous la noterons `(w). Un mot s11 . . . snn est réduit si i = i+1 dès que si = si+1 , ou au-
trement dit, s’il ne contient pas de sous-mot si i si+1 i+1
tel que si = si+1 et i = −i+1 . Par
exemple, tout mot de longueur au plus 1 est réduit.
La concaténation avec réduction est la loi de composition interne L ∶ E × E → E sur
l’ensemble E des mots réduits sur S définie, par récurrence sur la longueur des mots, par
Proposition B.2. L’ensemble des mots réduits sur S, muni de la loi de concaténation
avec réduction, est un groupe, noté L(S) et appelé le groupe libre sur S. L’application
i ∶ S → L(S) définie par s ↦ s+1 est injective. Le couple (L(S), i) vérifie la propriété
universelle suivante :
pour tout couple (G, j) où G est un groupe et j ∶ S → G est une applica-
tion, il existe un unique morphisme de groupes f ∶ L(S) → G tel que le
diagramme suivant commute :
i
S Ð→ L(S)
j ↘ ↓f
G.
Nous identifions S avec son image dans L(S) par i. Si G est un groupe muni d’une
application j de S dans G, nous appellerons morphisme canonique associé à (G, j) le
morphisme de groupes f ∶ L(S) → G donné par la propriété universelle ci-dessus. Si j(S)
engendre G, alors le morphisme canonique f est surjectif.
Démonstration. Notons L = L(S) l’ensemble des mots réduits sur S, muni de la loi de
concaténation avec réduction. Il est immédiat que la suite vide est élément neutre (à droite
et à gauche) de L, et que l’inverse (à droite et à gauche) du mot s11 . . . snn est le mot
−1
s−
n . . . s1 . L’associativité de la loi de concaténation avec réduction est par contre plus
n
délicate à montrer. Une manière qui évite une discussion de cas qui apparaît naturellement
lors de la concaténation avec réduction de trois éléments, avec les deux choix possibles de
parenthésages, est la suivante.
Soit Ẽ l’ensemble des mots sur S. La concaténation des suites
((s11 ... snn ), (tη11 ... tηmm )) ↦ s11 ... , snn tη11 ... tηmm
271
Il est élémentaire de vérifier que cette loi de composition induit une loi de groupe sur
̃
l’ensemble quotient E/R, d’élément neutre e la classe d’équivalence du mot vide, l’inverse
−1
de la classe du mot s1 ... snn étant la classe du mot s−
1
n ... s1 . Montrons le résultat suivant.
n
longueur est `(w) − 2. Tout mot équivalent à w de longueur minimale est donc réduit. Il
suffit donc de montrer que tout mot est équivalent à un unique mot de longueur minimale.
Si deux mots w0 , w1 sont équivalents pour R, alors par définition de R, nous pouvons
passer de l’un à l’autre par un nombre fini de transformations de la forme w → w′ ou son
inverse w′ → w comme ci-dessus. Par récurrence sur le nombre de transformations, il est
élémentaire de montrer que si w0 est réduit, alors w0 est une sous-suite de la suite w1 , donc
`(w1 ) ≥ `(w0 ). ◻
Reprenons la démonstration de la proposition B.2. L’injectivité de i est immédiate. Soit
(G, j) un groupe muni d’une application j ∶ S → G. Notons f ∶ L → G l’application
f (s11 ... snn ) = j(s1 )1 ... j(sn )n .
Il est immédiat que f est un morphisme de groupes de L dans G tel que f ○ i = j. Ce
morphisme est unique, car i(S) engendre L.
La dernière assertion d’unicité découle de la propriété universelle elle-même. Si (L′ , i′ )
est un autre couple vérifiant la propriété universelle, alors il existe un morphisme de groupes
φ ∶ L → L′ tel que φ ○ i = i′ , et un morphisme de groupes φ′ ∶ L′ → L tel que φ′ ○ i′ = i.
Comme id = idL′ est un morphisme de groupes tel que id ○ i′ = i′ , nous avons φ ○ φ′ = id
par l’unicité demandée par la propriété universelle, et de même φ′ ○ φ = idL . Donc φ est un
isomorphisme de L dans L′ tel que φ ○ i = i′ , et c’est le seul par l’unicité demandée par la
propriété universelle. ◻
Un groupe libre est un groupe G tel qu’il existe un ensemble S tel que le groupe G soit
isomorphe au groupe L(S). Nous appellerons rang d’un groupe libre le cardinal d’un tel
ensemble S, ce qui est bien défini par l’exercice suivant. L’image réciproque de S par tout
tel isomorphisme est une partie génératrice de G, dite standard. Il découle de la propriété
universelle que le groupe Aut(G) des automorphismes de groupes d’un groupe libre G agit
transitivement sur l’ensemble des parties génératrices standards de G.
Exercice E.B.100. Si S et S ′ sont deux ensembles, montrer que L(S) et L(S ′ ) sont
isomorphes si et seulement si S et S ′ ont même cardinal.
Soit G un groupe muni d’une partie génératrice S telle que e ∉ S. Le graphe de Cayley 97
(à droite) de (G, S) (ou graphe de Cayley de G lorsque la partie génératrice S est sous-
entendue) est le graphe 98 X = Cay(G, S) d’ensemble des sommets V X = G, d’ensemble
des arêtes
EX = {(g, h, s) ∈ G × G × (S ∪ S −1 ) ∶ gs = h} ,
tel que pour toute arête e = (g, h, s) ∈ EX, son origine est le sommet o(e) = g, son extrémité
est le sommet t(e) = h, et son arête opposée est l’arête e = (h, g, s−1 ). Nous avons exclu
l’élément neutre dans S afin que l’application e ↦ e soit une involution sans point fixe.
Comme nous le verrons dans les exemples ci-dessous, le graphe de Cayley de (G, S)
dépend du choix de la partie génératrice S.
Un graphe de Cayley Cay(G, S) est fini si et seulement si G est fini. Un graphe de
Cayley Cay(G, S) est localement fini si et seulement si S est fini.
Exemples. (1) Si G est le groupe Z/nZ muni de la partie génératrice S = {1}, alors (la
réalisation topologique de) son graphe de Cayley est un cercle. Si G est un groupe fini et
si S = G − {e}, alors son graphe de Cayley est le graphe complet d’ensemble de sommets
G.
2 1 2 1
3 0 3 0
4 5 4 5
Cay(Z/6Z, {1}) Cay(Z/6Z, {1, 2, 3, 4, 5})
(2) Si G est le groupe Z muni de la partie génératrice S = {1} (en notant encore par
abus k ∈ Z/nZ la classe de k ∈ Z modulo nZ), alors (la réalisation topologique de) son
graphe de Cayley est une droite. Si G est le groupe Z × Z muni de la partie génératrice
S = {(1, 0), (0, 1)}, alors (la réalisation topologique de) son graphe de Cayley est la grille
carrée de R2 .
97. Voir la démonstration de la proposition 3.6 pour la définition du 2-complexe de Cayley d’une pré-
sentation de G.
98. Voir la partie 2.8 pour la définition d’un graphe et de sa réalisation topologique.
273
−3 −2 −1 0 1 2 3
Cay(Z, {1})
−3 −2 −1 0 1 2 3
(3, 2)
(0, 1)
(0, −1)
(3) Si S est un ensemble et si L = L(S) est le groupe libre sur S, alors le graphe de
Cayley de (L, S) est un arbre, par la définition du groupe libre. L’ensemble L(S) des mots
réduits sur S ∪ S −1 s’identifie à l’ensemble des chemins d’arêtes sans aller-retour d’origine
e dans le graphe Cay(L(S), S).
b2
ba−1 ba
b ab2
aba−1
a−1 b ab aba
a2 b
−2 −1 2
a a a
e a a3
a2 b−1
−1 −1
a b
b−1
Remarque. Si S n’a pas d’élément d’odre 2, il est immédiat de vérifier que le couple formé
de l’action par translations à gauche de G sur V X = G, ainsi que de l’action de G sur EX
274
définie par (g ′ , (g, h, s)) ↦ (g ′ g, g ′ h, s), est une action à gauche de G sur son graphe de
Cayley X = Cay(L(S), S) (c’est la raison pour laquelle nous considérons les graphes de
Cayley à droite). Le fait que l’action de G sur X soit sans inversion d’arêtes découle du
fait que s’il existe g ′ , g, h ∈ G et s ∈ S tels que g ′ (g, h, s) = (h, g, s−1 ), alors s = s−1 , donc s
serait un élément d’ordre 2.
Lemme B.3. Si G n’a pas d’élément d’ordre 2, pour toute partie génératrice S de G, la
projection canonique de la réalisation topologique ∣X∣ du graphe de Cayley X = Cay(G, S)
dans l’espace topologique quotient G/∣X∣ est un revêtement connexe d’un bouquet de cercles.
L’action de G sur ∣X∣ est propre et libre.
Démonstration. Le caractère libre découle du fait que l’action par translations à gauche
de G sur lui-même est libre.
Soit S une partie génératrice (quelconque) de G ne contenant pas e. Par construction,
toute arête du graphe X = Cay(G, S) appartient à l’orbite d’une arête d’origine e. Les arêtes
d’origine e sont en bijection avec les éléments de S ∪ S −1 . Puisque G agit transitivement
sur les sommets de Cay(G, S), l’espace topologique quotient G/∣X∣, qui est la réalisation
topologique du graphe quotient (celui-ci existe, voir la remarque précédente) de Cay(G, S)
par G, est donc un bouquet de cercles, dont les cercles sont en bijections avec S ∪ S −1 .
Montrons que projection canonique de ∣X∣ sur G/∣X∣ est un revêtement. En effet, la
préimage d’une arête ouverte du bouquet est la réunion disjointe des arêtes ouvertes dans
une orbite par G. La préimage du complémentaire des milieux des arêtes est la réunion
disjointe, pour tout sommet x ∈ V X, de la réunion de {x} et des moitiés d’arêtes ouvertes
d’origine x. La projection canonique p ∶ ∣X∣ → G/∣X∣ induit un homéomorphisme de chaque
élément de ces réunions disjointes sur leur image dans le bouquet de cercles. Le résultat
découle alors de la proposition 2.35, car l’application g ↦ {x ↦ gs} est un morphisme de
groupes de G dans Aut(p), bijectif puisque l’action de G sur les sommets de X est libre
et transitive. ◻
275
(1) Le couple (S, ∅) est une présentation du groupe libre L(S).
(2) ⟨x ∣ xn = 1⟩ est une présentation du groupe Z/nZ fini cyclique d’ordre n.
(3) ⟨a, b ∣ [a, b] = 1⟩, où [a, b] = aba−1 b−1 , est une présentation du groupe abélien libre Z×Z.
(4) Si ⟨S ∣ R⟩ est une présentation d’un groupe G, alors pour tout ensemble S ′ disjoint de
S, le groupe G admet aussi pour présentation ⟨S ∪ S ′ ∣ R ∪ S ′ ⟩.
(5) Un système de Coxeter est un couple (W, S) où W est un groupe et S une partie
génératrice de W dont les éléments sont d’ordre 2 dans W . Un groupe de Coxeter est
un groupe W qui admet une telle partie génératrice S. Si (W, S) est un système de
Coxeter, pour tous les s, t ∈ S, notons mst ∈ (N − {0}) ∪ {∞} l’ordre du produit st dans
W . Alors
est une présentation de W . Nous renvoyons par exemple à [Bou1, Har1, Hum] pour
une démonstration de cette affirmation et pour des compléments, en particulier pour
la classification à isomorphisme près des groupes de Coxeter finis.
Exercice E.B.101. (1) Montrer que pour tout m ∈ N − {0, 1, 2}, le groupe diédral D2m
d’ordre 2m (le sous-groupe des isométries de R2 préservant un polygone régulier à m côtés)
est un groupe de Coxeter, qui admet comme présentation ⟨a, b ∣ a2 = b2 = (ab)m = 1⟩.
(2) Montrer que le groupe diédral infini D∞ (le sous-groupe des isométries de R engendré
par la translation de longueur 1 et la symétrie en l’origine) admet pour présentation ⟨a, b ∣
a2 = 1, aba = b−1 ⟩.
(3) Montrer que pour tout n ∈ N − {0, 1}, le groupe symétrique Sn+1 d’ordre (n + 1)!
(le groupe des permutations d’un ensemble de cardinal n + 1) est un groupe de Coxeter,
qui admet comme présentation
(4) Montrer (voir aussi l’exercice E.36 et [Ser]) que le groupe PSL2 (Z) = SL2 (Z)/{± id}
admet comme présentation ⟨a, b ∣ a2 = b3 = 1⟩.
Tout groupe G admet au moins une 101 présentation : si S est une partie génératrice
de G (par exemple S = G), soit R le noyau du morphisme canonique L(S) → G. Alors
⟨⟨R⟩⟩ = R et (S, R) est une présentation de G.
Un groupe de type fini étant dénombrable, il existe des groupes qui ne sont pas de type
fini (le groupe additif R par exemple). Si S est dénombrable infini, alors L(S) n’est pas
de type fini. Il existe des groupes de type fini qui ne sont pas de présentation finie. En
effet, il existe une infinité non dénombrable de classes d’isomorphisme de groupes de type
fini (voir par exemple [Har2, page 69]). Comme l’ensemble des classes d’isomorphisme de
groupes de présentation finie est dénombrable, il existe une infinité non dénombrable de
classes d’isomorphisme de groupes de type fini qui ne sont pas de présentation finie.
n
Exemple. Soit wn = 22 + 1 le n-ème nombre de Fermat. Un groupe dont une présentation
est
⟨a, b ∣ [awn −2 b a2−wn , b] = 1, ∀ n ∈ N⟩
101. et en fait une infinité de présentations, par le quatrième exemple ci-dessus
276
n’est pas de présentation finie. Un groupe dont une présentation est
n’est pas de présentation finie. (Ces affirmations ne sont pas immédiates, voir par exemple
[Har2].)
277
C Annexe : rappels de calcul différentiel
Nous renvoyons par exemple à [Ave, Car, Die2, Pau2] pour des démonstrations et
commentaires des résultats de cette partie.
Soient E et F deux espaces de Banach réels, U et V deux ouverts de E et F respecti-
vement, f ∶ U → V une application de classe C1 et x un point de U .
Nous notons dfx ∶ E → F (ou aussi f ′ (x) ∶ E → F ) la différentielle de f en x, qui est
l’unique application linéaire continue vérifiant, pour tout v ∈ E,
d
dfx (v) = ∣t=0 f (x + tv) .
dt
Nous notons rg fx le rang de l’application linéaire dfx , c’est-à-dire
appelé le rang de f en x. C’est aussi le rang de la matrice de dfx dans des bases quel-
conques de E, F lorsque ceux-ci sont de dimension finie. Si F = Rq , et si f1 , . . . , fq sont les
composantes de f , alors le rang de f en x est le rang du système 102 de formes linéaires
(d(f1 )x , . . . , d(fq )x ) dans le dual E ∗ de E. Si E = Rp , alors le rang de f en x est le rang du
système 103 de vecteurs ( ∂x ∂f
1
(x), . . . , ∂x
∂f
p
(x)) de F . Si E = Rp , F = Rq et les bases sont les
bases canoniques, la matrice de dfx , qui est, avec i l’indice de ligne et j l’indice de colonne,
∂fi
Jfx = ( ) ∈ Mq,p (R) ,
∂xj 1≤i≤q
1≤j≤p
rg fx ≤ min{dim E, dim F } .
Nous dirons qu’un point x ∈ U est un point critique de f si dfx = 0 ou, de manière
équivalente, si le rang de f en x est nul. Si E = Rp et F = Rq , ceci équivaut à demander
que la matrice jacobienne de f en x soit nulle.
Nous dirons que f est une immersion en x si la différentielle dfx ∶ E → F de f en x est
injective. Si E est de dimension finie, ceci équivaut à dire que rg fx = dim E. Nous dirons
que f est une immersion si f est une immersion en tout point de U .
102. c’est-à-dire la dimension de l’espace vectoriel engendré
103. voir la note de bas de page précédente
278
Nous dirons que f est une submersion en x si la différentielle dfx ∶ E → F de f en x est
surjective. Si F est de dimension finie, ceci équivaut à dire que rg fx = dim F . Nous dirons
que f est une submersion si f est une submersion en tout point de U .
Si E et F sont de dimension finie, nous dirons que f est une application de rang constant
au voisinage de x (nous dirons aussi une subimmersion en x) si la différentielle dfy ∶ E → F
est de rang constant pour tout y dans un voisinage de x dans U . Par exemple, par la
semi-continuité du rang, une immersion ou submersion en x est une application de rang
constant au voisinage de x.
Soit k un élément de (N − {0}) ∪ {∞}. Nous dirons qu’une application f ∶ U → V de
classe Ck est un Ck -difféomorphisme (ou difféomorphisme lorsque k est sous-entendu, par
exemple k = ∞, ce qui sera souvent le cas dans les exercices) si f est bijective et si son
inverse est de classe Ck . Nous dirons aussi que f est de classe C0 si elle est continue, et
que f est un C0 -difféomorphisme si f est un homéomorphisme.
Notons que si E = F = Rn (muni de n’importe quelle norme), alors nous pouvons bien
entendu remplacer « bijective » par « injective » dans ce résultat. Le corollaire suivant est
une application immédiate.
(x, y) ∈ V × W et f (x, y) = 0
279
Comme précédemment, si F = G = Rn (muni de n’importe quelle norme), alors nous
pouvons remplacer « bijective » par « surjective » dans cet énoncé.
Voici quelques applications classiques des théorèmes précédents. Fixons p, q ≤ n dans N
et k un élément de (N − {0}) ∪ {∞}. Rappelons qu’un Ck -difféomorphisme local f de Rn en
un point x0 est un Ck -difféomorphisme d’un voisinage ouvert de x0 sur un voisinage ouvert
de f (x0 ).
Les applications linéaires
(x1 , . . . , xp ) ↦ (x1 , . . . , xp , 0, . . . , 0)
Rp
de Rp dans Rn , 0
Rn
(x1 , . . . , xn ) ↦ (x1 , . . . , xq )
Rn−q
de Rn dans Rq , et
(x1 , . . . , xp ) ↦ (x1 , . . . , xr , 0, . . . , 0) 0
d2 fx = d(df )x ,
que nous appellerons la différentielle seconde de f en x. Rappelons (voir par exemple
[Pau2, Prop. 2.21]) que l’application de l’espace de Banach L (E, L (E, F )) (pour la norme
d’opérateur des applications linéaires continues de E dans L (E, F )) dans l’espace de
∥u(x,y)∥
Banach L (E, E; F ) (pour la norme ∥u∥ = supx,y∈E−{0} ∥x∥∥y∥ ) des applications bilinéaires
continues de E × E dans F , définie par u ↦ {(x, y) ↦ u(x)(y)}, est un isomorphisme
linéaire isométrique, d’inverse l’application u ↦ {x ↦ (y ↦ u(x, y))}. Nous identifierons
donc d2 f avec l’application bilinéaire continue de E × E dans F correspondante.
Le lemme de Schwartz dit que l’application bilinéaire d2 fx ∶ E × E → F est symétrique
pour tout x ∈ U :
∀ X, Y ∈ E, d2 fx (X, Y ) = d2 fx (Y, X) .
Si g ∶ V → W est une application de classe C2 , où W est un ouvert d’un espace de
Banach G, alors pour tout x ∈ U et X, Y ∈ E, nous avons
d2 (g ○ f )x (X, Y ) = d2 gf (x) (dfx (X), dfx (Y )) + dgf (x) (d2 fx (X, Y )) . (43)
Pour toute application h, définie sur un ouvert de Rp , à valeurs dans R et de classe C2 ,
et pour tout point z du domaine de h, la matrice hessienne de h en x est
∂2h
Hess hz = ( (z)) .
∂zi ∂zj 1≤i,j≤p
Si de plus x ∈ U et ∂y
∂g
`
(f (x)) = 0 pour 1 ≤ ` ≤ n (c’est-à-dire si f (x) est un point critique
de g), alors le système d’égalités ci-dessus évalué en x se simplifie pour donner
Hessx (g ○ f ) = t
(Jfx ) (Hessf (x) g) (Jfx ) . (44)
Le lecteur prendra bien garde que cette formule n’est pas vraie sans l’hypothèse que f (x)
est un point critique de g.
281
● Exercices de révision.
Exercice E.C.102. (Redressement des courbes planes régulières) 105 Pour tout
intervalle ouvert I de R, pour toute application c ∶ I → R2 de classe Cr , pour tout t0 ∈ I tel
que ċ(t0 ) ≠ 0, montrer qu’il existe un voisinage J de t0 dans R2 , un voisinage ouvert U de
c(t0 ) dans R2 , et une application φ ∶ U → R2 qui est un Cr -difféomorphisme, tel que pour
tout t ∈ J, nous ayons
φ(c(t)) = (t − t0 , 0) .
Exercice E.C.103. (Suivi des racines simples de polynômes) Rappelons que Cn [X]
désigne l’algèbre des fonctions polynomiales complexes en une indéterminée de degré au
plus n (munie d’une norme quelconque). Pour tout P0 ∈ Cn [X], pour toute racine simple
z0 de P0 , montrer qu’il existe un voisinage ouvert V de z0 dans C tel que si P est assez
proche de P0 , alors P admet une et une seule racine zP dans V , et
P (z0 )
zP = z0 − + o(P − P0 ) .
P0′ (z0 )
Exercice E.C.108. Démontrer les corollaires C.4, C.5, C.6 à partir des théorèmes C.1 et
C.3.
(2) Soit X = SLn (R) = {A ∈ Mn (R) ∶ det(A) = 1}. Montrer que, pour tout A ∈ X, il existe
un voisinage ouvert V de A dans Mn (R), un voisinage ouvert U de 0 dans Rn −1 et
2
282
(3) Montrer le même résultat pour X l’ensemble des matrices de rang n − 1.
(4) Montrer que ce résultat n’est pas valable pour l’ensemble des matrices de rang ≤ n − 1.
On pourra par exemple considérer la matrice nulle.
Supposons que f admette (au moins) deux minima stricts (distincts) a et b. Le but de
l’exercice est de montrer que f possède un troisième point critique.
(1) Montrer que le résultat est évident si n = 1, ou si n ≥ 2 et lim∥x∥→+∞ f (x) = −∞. Dans
la suite, nous supposerons donc n ≥ 2 et lim∥x∥→+∞ f (x) = +∞. Nous supposons que f
n’admet pas d’autre point critique et nous voulons aboutir à une contradiction.
(2) Pour tout m dans R, soit Km la réunion des compacts connexes contenant a et b sur
lesquels f est majorée par m. Montrer que Km est fermé. Montrer qu’il existe M dans
R tel que KM ≠ ∅ et Km = ∅ pour tout m < M .
(3) Montrer en utilisant le théorème des fonctions implicites que l’intérieur de KM est
connexe.
(1) Conclure.
∞
(ad M )k
exp(−M ) d expM = ∑ (−1)k .
k=0 (k + 1)!
(3) Montrer que d expM ∶ Mn (R) → Mn (R) est inversible si et seulement si ad M n’a pas
de valeur propre complexe de la forme 2ikπ avec k ∈ Z − {0}.
(4) Notons sln (R) le sous-espace vectoriel des matrices de trace nulle de Mn (R), et so(n)
le sous-espace vectoriel des matrices antisymétriques de Mn (R). Montrer que l’appli-
cation exponentielle envoie sln (R) dans SLn (R) et so(n) dans SO(n).
(5) Montrer que exp ∶ so(n) → SO(n) est surjective, mais que exp ∶ sl2 (R) → SL2 (R) ne
l’est pas (on pourra vérifier qu’une matrice dans l’image de l’exponentielle est de trace
au moins −2).
(6) Montrer que l’exponentielle est un C∞ -difféomorphisme entre l’espace vectoriel des
matrices symétriques réelles et l’ouvert dans cet espace formé des matrices symétriques
réelles définies positives.
283
C.1 Indications pour la résolution des exercices
Exercice E.C.102 Quitte à effectuer des translations à la source et au but, nous pouvons
supposer que t0 = 0 et c(t0 ) = 0. Soit v ∈ R2 un vecteur non colinéaire à ċ(t0 ), soit
f ∶ I × R → R2 l’application de classe Cr définie par (t, s) ↦ c(t) + s v, qui vérifie f (0, 0) = 0.
Ses dérivées partielles en (0, 0) vérifient ∂f∂t (0, 0) = ċ(t0 ) et ∂s (0, 0) = v. Par conséquent, la
∂f
matrice jacobienne de f est de rang 2, donc inversible. Par le théorème d’inversion locale
C.1, il existe un voisinage ouvert U de 0 et un Cr -difféomorphisme 106 ψ ∶ U → R2 tel que
ψ ○ f (t, s) = (t, s) pour (t, s) assez proche de 0. Par conséquent ψ ○ c(t) = ψ ○ f (t, 0) = (t, 0)
pour tout t assez proche de t0 = 0.
P (z0 )
g(P ) = g(P0 ) + dgP0 (P − P0 ) + o(P − P0 ) = z0 − + o(P − P0 ) .
P0′ (z0 )
Exercice E.C.108 (1) Montrons le corollaire C.4. Soient f1 , f2 , . . . , fn les fonctions co-
ordonnées de f . Par l’hypothèse, le rang de f en 0 est égal à p ≤ n. Quitte à permuter les
coordonnées de l’espace d’arrivée Rn , nous pouvons supposer que la matrice A = ( ∂x∂fi
j
)
1≤i,j≤p
est inversible. En posant x = (x1 , . . . , xp ), considérons la fonction auxiliaire
284
définie sur un voisinage ouvert de 0 dans Rn et à valeurs dans Rn . Alors g(0) = 0 et la
B ∗
matrice jacobienne Jg0 = ( ) de g en 0 est inversible. Par le théorème d’inversion locale
0 id
C.1, il existe un voisinage ouvert W de 0 dans Rn tel que g ∣W soit un difféomorphisme de
W sur un ouvert de Rn . Alors ϕ = (g ∣W )−1 convient.
285
Index
action, 34, 269 positive, 130
cocompacte, 25 Bn , 265
continue, 23 bord, 124, 125
libre, 270 boule unité, 265
par translation à gauche, 270 bouquet
propre, 24 de cercles, 252
proprement discontinue, 24 de sphères, 252
sans inversion, 34 bouteille de Klein, 50
transitive, 270
à droite, 269 Cantor, 247
adhérence, 241 caractéristique d’Euler, 159, 162
aire, 211 cardinal, 254
Alexandrov, 261 carte, 111
aller-retour, 34 locale, 111
anneau, 16 caténoïdes, 220
anse, 172 cellule, 158
antihermitienne, 109 cercle osculateur, 189, 192
antisymétriques, 109 champ de vecteurs, 102, 148
appauvrissement de structure, 112 complet, 151
application image réciproque, 149
continue, 243 le long d’une courbe, 225
en un point, 242 normaux, 199
d’attachement, 75, 158 nul, 149
de classe Ck , 98, 113, 125 changement de carte, 112
en un point, 98 chemin, 9
de Gauss, 205 composé, 9
de rang constant, 99 constant, 9
de transition, 112 d’arêtes, 34
fermée, 243 extrémité d’un, 9
graphe, 24 inverse, 9
isotope, 167 origine d’un, 9
lisse, 98 chemins
lue dans des cartes, 113 composables, 9
lue dans des paramétrages locaux, 98 homotopes, 9
ouverte, 243 clothoïde, 190
propre, 262 codimension, 95
tangente, 103 collier, 169
en un point, 103 commutateur, 175
arbre compactifié d’Alexandrov, 261
combinatoire, 34 Ck -compatibles, 112
topologique, 35 2-complexe de Cayley, 75
arête, 34, 159 composante connexe, 243
opposée, 34 composante connexe
ouverte, 35 par arcs, 243
atlas de cartes, 111 composition des chemins, 9
quotient, 116 concaténation, 9
automorphisme cône, 83, 251
de revêtements, 19 connexe, 243
contractile, 7
base, 19 localement, 8
d’ouverts, 240 coordonnées
dénombrable, 240 homogènes, 114
286
courbe, 91, 95, 112 équation
de Peano, 122 d’Euler-Lagrange, 228
gauche, 188 de Frenet, 189
bi-régulière, 191 équivalence d’homotopie, 8
intégrale, 151 espace
maximale, 151 des feuilles, 93
paramétrée par longueur d’arc, 127, 188 des orbites, 269
plane, 188 euclidien standard, 107
régulière, 187 hermitien standard, 107
tracée sur une sous-variété, 101 lenticulaire, 27
courbe fermée simple, 185 normal, 199
essentielle, 185 projectif
séparante, 185 complexe, 265
courbure, 188, 191 réel, 114, 265
de Gauss, 203 pseudo-euclidien standard, 108
géodésique, 226 total, 19
moyenne, 203 vectoriel
principales, 203 orienté, 130
CPn , 265 topologique, 7
critère pour base d’ouverts, 240 espace topologique, 239
cube, 125 à base dénombrable, 240
CW-complexe fini, 159 σ-compact, 261
C (X, Y ), 264 compact, 258
cycle, 34 connexe, 243
cylindre, 16 par arcs, 243
contractile, 7
décomposition cellulaire, 158 dénombrable à l’infini, 261
décomposition polaire, 23 discret, 240
degré, 17, 134, 137 grossier, 240
demi-espace, 124 homéomorphes, 240
dénombrable à l’infini, 261 localement
dense, 241 compact, 261
difféomorphisme, 98, 113, 125, 279 connexe, 243
local, 98, 280 connexe par arcs, 243
différentielle, 145 métrisable, 242
partielle, 279 normal, 264
seconde, 281 paracompact, 261
différentielle partielle, 228 semilocalement simplement connexe, 44
dimension, 91, 95 séparé, 242
distance riemannienne, 224 simplement connexe, 8
domaine, 112 séparable, 266
décomposition en pantalons, 186 totalement discontinu, 266
dérivation, 154 extrémité, 34
écrasement, 252 famille inductive, 64
énergie, 225 fermé, 239
engendrer, 273 fermée, 243
ensemble fibre, 19
bien ordonné, 253 fibré tangent, 102
ordonné, 253 fixateur, 269
isomorphe, 253 flot local, 150
totalement ordonné, 253 complet, 151
triadique de Cantor, 247 maximal, 151
287
fonction homotope, 7, 11
de hauteur, 138 relativement, 7
de Morse, 143 C∞ -homotopes, 134
forme fondamentale homotopie, 7, 9
première, 201 relative, 7, 9
seconde, 202, 204 C∞ -homotopie, 134
directionnelle, 203 hypersurface, 95
scalaire, 205 hélicoïde, 222
troisième, 205
forme hessienne, 140 immersion, 20, 98, 278
forme normale, 68 indice, 140
formule d’additivité inductif, 259
de la caractéristique d’Euler, 179 intérieur, 241
frontière, 241 invariante par homéomorphismes, 240
isolé, 245
genre, 173, 174 isomorphe, 19, 22, 98, 253
géodésique, 227 isomorphisme
gradient, 157 de revêtements, 19
graphe, 94 de CW-complexe, 159
combinatoire, 34 de dualité, 157
connexe, 34 de groupes topologiques, 22
de Cayley, 273 isométrie riemannienne, 235
localement fini, 34 isotope, 135
orienté, 34 isotopie, 135, 167
quotient, 34 plate au bord, 167
topologique, 35
groupe jacobien, 278
de Baumslag-Solitar, 79
de Coxeter, 276 lacet, 11
de Galois, 43 homotopes, 11
de Poincaré, 11 lemme
de présentation finie, 275 de Du Bois-Reymond, 229
des rotations, 107 de Morse, 142
discret, 22 limite, 254
fondamental, 11 à droite, 254
libre, 272 à gauche, 254
sur S, 271 en +∞, 255
linéaire, 22 en −∞, 255
orthogonal, 22, 107 inductive, 64
spécial linéaire, 22 localement
spécial linéaire, 107 compact, 261
spécial orthogonal, 22, 107 contractile, 8
spécial unitaire, 22, 108 fermée, 96, 267
topologique, 22 longue droite, 94
unitaire, 22, 107 longueur, 188, 271
Gx , 269
majorant, 259
hélice, 198 matrice
circulaire, 195 hessienne, 139, 281
dextre, 196 jacobienne, 278
senestre, 196 maximal, 259
homéomorphisme, 240 méplat, 216
local, 20 mesure d’aire, 211
mesure nulle, 121
288
métrisable, 242 plus fine, 244
moins fine, 244 Pn (C), 265
morphisme Pn (R), 265
canonique, 64–66, 271 point
de revêtements, 19 base, 11
composé, 19 critique, 120, 278
identité, 19 non dégénéré, 140
de groupes topologiques, 22 elliptique, 216
mot, 270 focal, 200
réduit, 67, 271 hyperbolique, 216
vide, 270 parabolique, 216
méridienne, 212 selle, 181
à l’infini, 261
niveau, 138 pôle
critique, 138 Nord, 113
régulier, 138 Sud, 113
non dégénéré, 139, 140 présentation de groupe, 275
normal, 264 produit
normalisateur, 40 amalgamé, 66
nulle part dense, 241 libre, 66, 67
projection canonique, 102, 145
ombilic, 216 projection stéréographique, 262
opérateur de Weingarten, 204 propre, 262
orbite, 269 propriété universelle, 64, 271
ordinal, 254 prébase, 240
dénombrable, 254 préserver
ordre, 253 l’orientation, 130, 131
bon, 253 une partie, 269
lexicographique, 253
total, 253 R, 241
orientation, 130, 131 rang, 278
canonique, 130 d’un groupe libre, 272
par la direction sortante, 131 rayon de courbure, 188, 192
produit, 130, 132 principal, 203
origine, 34 réalisation topologique, 34
ouvert, 239 recollement, 252
élémentaire, 245 de cellules, 158
ouverte, 243 recouvrement, 258
fermé, 258
pantalon, 186 localement fini, 245
paracompact, 261 mauvais, 260
paramétrage local, 96, 125 ouvert, 258
orienté, 131 relation d’équivalence engendrée, 250
partie compacte, 258 relevé, 28
partie génératrice, 273 relèvement, 28
standard, 272 reparamétrage, 188
partition de l’unité, 91 repère de Frenet, 188, 191
subordonnée, 91 rétracte, 8
passage au quotient, 270 fort par déformation, 8
peigne, 15 par déformation, 8
π0 X, 32 rétraction, 8
π1 (X, x), 11 forte par déformation, 8
plan osculateur, 191 par déformation, 8
plongement, 100
289
radiale, 8 submersion, 20, 99, 279
revêtement, 19 suite exhaustive, 261
à n feuillets, 20 support, 91, 152
associé, 47 surface, 91, 95, 112
connexe, 47 chapeau croisé, 115
d’orientation, 133 d’Enneper, 223
fini, 20 de Boy, 116
galoisien, 43 de Costa, 223
trivial, 20 de révolution, 118, 212
universel, 44 de Scherk, 222
Riesz, 261 isométriques, 235
RPn , 265 minimale, 220
ruban de Möbius, 16 suspension, 251
symbole de Christoffel, 226
saturé, 249 système fondamental de voisinages, 241
section, 28 système de Coxeter, 276
segment initial, 254 séparable, 266
selle de cheval, 142
selle à cheval, 217 théorème
semi-continue inférieurement, 278 d’invariance du domaine, 89
semilocalement simplement connexe, 44 d’inversion locale, 279
séparabilité, 261 de Riesz, 261
séparation, 261 de Schreier, 36
séparé, 242 de Borsuk-Ulam, 17
simplement connexe, 8 de Brouwer, 89, 129
Sn , 265 de forme normale
somme des applications de rang constant, 281
amalgamée, 65, 67 des applications de rang constant, 99
disjointe, 247 des immersions, 99, 280
pointée, 252 des submersions, 99, 280
somme connexe, 172 de Gauss, 234
sommet, 34, 35, 83, 159, 251 de Gauss-Bonnet, 234
sous-espace de Lancret, 198
affine tangent, 102 de peignage des sphères, 136
topologique, 244 de Puiseux, 196
vectoriel tangent, 102 de reconnaissance des sphères, 165
sous-groupe de Sard, 122
engendré par, 272 de Tychonov, 260
distingué, 273 de van Kampen, 69
sous-niveau, 138 de Whitney, 117
sous-recouvrement, 258 de Zorn, 260
sous-variété, 95 des fonctions implicites, 279
à bord, 125 du point fixe, 129
immergée, 106 du redressement, 155
lisse, 95 Tn , 249
produit, 104 topologie, 239
topologique, 97 C∞ , 146
sphère, 105, 265 C1 , 228
n-squelette, 159 compacte-ouverte, 264
stabilisateur, 269 de l’ordre, 254
point par point, 269 discrète, 240
subdivision barycentrique, 35 engendrée, 240
subimmersion, 99, 279 faible (définie par des sous-espaces), 248
290
finale, 247
grossière, 240
induite, 244
induite par une distance, 240
initiale, 244
moins fine, 244
plus fine, 244
produit, 245
quotient, 249
somme disjointe, 248
tore, 106, 249
de révolution, 106
torsion, 191
totalement discontinu, 266
totalement ordonnée, 259
transitive, 270
translation
à droite, 22
à gauche, 22
transverse, 144
en un point, 144
trivialisation locale, 19
Tychonov, 260
type d’homotopie, 8
V (x), 241
valeur
critique, 120
d’adhérence, 256
régulière, 120
variété, 90
différentielle, 112
lisse, 112
orientable, 131
orientée, 131
produit, 132
quotient, 116
topologique, 8, 90
non paracompacte, 93
non séparée, 93
vecteur
normal, 199
vecteur tangent, 101
voisinage
d’un point, 241
d’une partie, 241
distingué, 19
tubulaire, 169
Zorn, 260
291
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