Apports Culturels Et Enjeux Indentitaires Du Texte Litteraire en Classe de Fle
Apports Culturels Et Enjeux Indentitaires Du Texte Litteraire en Classe de Fle
Apports Culturels Et Enjeux Indentitaires Du Texte Litteraire en Classe de Fle
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Abstract :
Mars 2017 69
Revue des Sciences Humaines Mounir DAKHIA
Introduction
Dans cet article, nous nous intéressons au texte littéraire comme vecteur
de l’altérité. Nous concevons l'étude du texte littéraire comme
l’apprentissage d’un ensemble de savoirs ou « culture cultivée », qui s’inscrit
dans une démarche de découverte interactive entre ses propres références
patrimoniales et celle de la société, et comme l’apprentissage d’un ensemble
de savoirs et de savoir-faire à acquérir ou «culture anthropologique» qui
s’inscrit dans une démarche de découverte de la diversité linguistique et
culturelle et d’interrogation sur le rapport à l’altérité. Nous rejoignons
PRETCEILLE- ABDALLAH M. quand elle propose cette définition :
« Le genre littéraire, produit par excellence de l’imaginaire, représente
un support inépuisable pour la rencontre avec l’Autre ; rencontre par
procuration, il est vrai que « la littérature constitue le lieu privilégié de
l’expérience de l’altérité » et un « médiateur potentiel » dans la
rencontre et la découverte de l’Autre ».1
En d’autres termes, une approche anthropologique de la littérature peut aider
l’apprenant à construire l’appréhension et la compréhension« d’autres
mondes possibles » (selon l’expression de Michel Tournier) dans lesquels
l’écrivain joue le rôle de « médiateur » d’une langue et d’une autre culture
reconstruites ou réinventées. Enfin, nous postulons que ce voyage dans la
culture plurielle de l’Autre élargit et enrichit l’expérience de l’apprenant qui
se trouve lui- même en situation d’immersion dans un monde non familier,
dont il lui faut décoder et interpréter «les textes sociaux et culturels cachés»
dans une langue étrangère.
Cependant cette vision s’est heurtée à deux difficultés : la place de la
littérature dans les méthodes de FLE et le statut du texte littéraire dans les
manuels en Algérie.
La place du texte littéraire dans une classe de FLE
Dans l’enseignement du FLE, les objectifs visés par l’utilisation des textes
littéraires varient selon les méthodes et les périodes.
Autour des années 50, l’utilisation des textes littéraires visait deux objectifs
prioritaires : l’apprentissage linguistique, essentiellement grammatical qui
conduit à une formation culturelle où la littérature est considérée comme le
représentant de la norme, mais aussi comme la manifestation la plus
intérieure de la culture du pays et « la voie royale »2 pour accéder à une
certaine civilisation. En exploitant les textes littéraires en classe de langue,
on cherchait, avant tout à faire des apprenants des personnes distinguées. A
ce sujet MAUGER G. explique, entre autres, que l’objectif visé dans
l’apprentissage du français est de « cultiver et orner les esprits des
apprenants par l’étude d’une littérature splendide, et devenir, véritablement,
des personnes distinguées.»3. La dimension culturelle à cette époque n’était
pas à l’ordre du jour.
Dans les années 80 avec l’approche communicative, le texte littéraire est
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texte–prétexte à l’acquisition de structures linguistiques ; tantôt texte –
décoration, illustrant le thème ; tantôt texte-récréation comme nous l’avons
cité auparavant, c'est-à-dire situé à la fin du projet didactique sans fonction
précise. La plupart des textes ne sont pas recontextualisés dans leur époque
et rarement accompagnés d’activités de lecture ou de compréhension.
A partir de ces trois principaux constats, nous nous sommes interrogés sur
cette perception « d’existence/inexistence » de la littérature comme vecteur
culturel.
Nous supposons qu’il y’a un complexe quelque part vis-à-vis de la France ,
auquel s’ajoute le sentiment de non-reconnaissance, voire de non–existence
culturelle et sociale dans leur pays pour une raison que la littérature s’est
épanouie dans un climat de questionnement identitaire aussi bien
individuel que collectif qui a caractérisé l’Algérie dans cette période pour
des raisons économiques (comme le prouve la présence de textes dans les
manuels du secondaire dont les thèmes sont d’ordre scientifiques et de type
expositif) et des raisons «identitaires». Cette problématique de
l’interrogation identitaire traverse en permanence, non seulement la vie
politique de l’Algérie, mais la littérature même.
« Le texte littéraire a donc un statut différent. Par –delà la quête du sens, il
faudra faire dégager ce qui en fait la spécification linguistique et
culturelle ». 9
On distinguera donc deux types de produits :
Les œuvres authentiques et intégrales10
Elles sont d’auteurs français ou francophones ; mais le choix des textes se
trouve limité du fait de la longueur ou de la difficulté de la langue littéraire.
Si l’étude d’un roman, dans son intégralité, est exclue en classe de langue,
« on peut en revanche s’intéresser aux contes ou aux nouvelles qui, par le
caractère très condensé, offrent des perspectives intéressantes.» 11souligne
TAGLIANTE CH.
D’où la double difficulté, de décoder l’implicite et de pénétrer les réseaux
connotatifs, par manque de connaissance socioculturelles.
Les textes en français « facile »12
Il s’agit de grandes œuvres « mises à la portée » de l’apprenant de deux
manières différentes, soit par une réécriture du texte original à l'aide du
lexique du français "fondamental", soit en s’adaptant, dans un texte original,
aux compétences linguistiques des lecteurs.
3.Compétence culturelle et texte littéraire
Pour DE CARLO M., la littérature, de par sa complexité et la richesse des
points de vue qu’elle mobilise, permet de « focaliser l’attention sur les
usages des objets culturels et non seulement sur les objets eux-mêmes ».13
Nous estimons qu’il faudrait pour cela introduire dans les classes du
secondaire, des textes extraits de la littérature francophone et notamment
algérienne dont l’absence se fait sentir dans les manuels scolaires non pas
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texte s’appuie sans le formuler.
L’apport que peut représenter le texte littéraire qui, comme soulignent
PORCHER L. et ABDALLAH-PRETCEILLE M., représente un «lieu
emblématique de l’interculturel »18 réside dans le fait que
« l’enseignement de la littérature suppose qu’on franchisse les frontières,
que l’on se situe dans une perspective résolument internationale, que l’on
dépasse son bout de champ.⌠…⌡Cette prise de vue résolument
internationaliste ne doit pas occulter le fait qu’une œuvre littéraire
possède un lieu de naissance, dans le temps et dans l’espace, et qu’elle
emporte nécessairement les marques distinctives. La littérature est à la
fois de partout et de quelque part ».19
Cela permet de découvrir d’autres conceptions du monde, d’autres modes de
vie et de pensée. L’apprenant sera ainsi amené, par exemple à relativiser sa
propre culture, à prendre conscience qu’elle n’est ni meilleure ni pire qu’une
autre et que toute culture a droit au respect.
C’est ainsi que l’on apprend la tolérance et le respect, un civisme qui fait
cruellement défaut dans les sociétés contemporaines.
Cette découverte d’une autre culture peut se produire de deux manières :
Découvrir la civilisation française permet de se situer par rapport à d’autres
pratiques culturelles et de relativiser ses propres pratiques. L’apprenant
apprendra, l’acceptation et le respect de la différence culturelle.
Comme le dit pertinemment bien ABDALLAH-PRETCEILLE M. pour la
deuxième fois cité précédemment : « le texte littéraire apparaît comme le
médiateur essentiel avec autrui ».20
La littérature a eu le mérite au cours de ces dernières années, alors qu’on
l’avait écartée des cours de langues à l’avènement des méthodes structuro-
behaviouristes.On ne pense plus maintenant que la littérature soit le meilleur
modèle linguistique, et sa traduction le meilleur exercice à proposer à
l’apprenant étranger.
Par contre, comme le mentionne DUFAYS J. L.:
« La littérature –bien choisie, bien exploitée-apporte beaucoup à la
motivation des apprenants et à leur compréhension de la culture-cible
car dans le meilleur des cas, elle touche à la fois à l’universel et au
particulier, et établit ainsi un pont entre le connu et l’inconnu dans
l’apprentissage, comme entre le savoir et le ressentir. Il ne s’agit donc
pas, comme dans la perspective civilisationnelle, d’afficher la belle
langue et d’épingler quelques grands auteurs, mais de se servir du texte
littéraire comme d’un témoignage, notamment sur la vie quotidienne » 21.
Le texte littéraire reste un vecteur culturel par excellence et « un espace
privilégié où se déploie « l’interculturalité » selon l’expression de CUQ J.-
P.et GRUCA I. Nous estimons que le texte littéraire peut réaliser cet
équilibre entre le linguistique et le culturel.
Enfin, nous pouvons déduire que l’étude d’un texte littéraire fait appel au
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A notre sens, ce que l’écrivain cherche, c’est l’analyse des faits dans le but
d’en tirer des lois générales explicatives des comportements humains. Il est
selon le mot de PROUST, un « fouilleur de détail».
Nous pouvons retenir que la littérature nous livre d’une part, sur les
conditions d’émergence des productions littéraires et d’autre part, sur ce
qu’un texte littéraire peut révéler sur les représentations, les valeurs, les
conceptions du monde, le rapport à l’autre et à soi, les questionnements
identitaires, tant linguistiques que culturels, véhiculés et mis en récit par
l’écrivain.
Une approche anthropologique des textes littéraires développe donc un
double processus réflexif: elle permet à l’apprenant de déconstruire en
premier temps ses représentations stéréotypées et ses savoirs partiels sur des
sociétés et leurs expressions culturelles qu’il n’a approchées que par les
manuels, les voyages touristiques ou par les medias. Elle lui permet en un
second temps, de reconstruire des savoirs plus objectivés qui impliquent une
attitude de distanciation par rapport à ses propres croyances.
Cette expérience littéraire qui est aussi une « expérience anthropologique »
(pour reprendre le titre de ABDALLAH-PRETCEILLE M.)24 apporte à
l’apprenant les moyens de construire une véritable « connaissance de Soi» à
travers la (re)connaissance de l’altérité et l’identification identitaires. Dans
cette approche de la littérature, à caractère heuristique, nous souscrivons aux
propos BURRI E.25 quand elle dit:
« La recherche d’une voix littéraire passe par le détour par l’Autre, à la
connaissance de l’Autre .Si à l’intérieur des romans, les personnages
effectuent une quête d’autrui, celle –ci s’avère être la quête de soi (…) En
partant à la découverte de l’Autre, on est amené à se découvrir soi-même
en tant que cet Autre qui nous enrichit et nous confère une part de notre
identité ».
L’enjeu didactique du texte littéraire est de sensibiliser les apprenants à la
diversité linguistique et culturelle .C’est le rôle de l’enseignant de proposer
une lecture « critique » qui déconstruise ses représentations stéréotypées et
ses savoirs sur des sociétés.
Il faudrait pour cela introduire dans les classes du secondaire algérien des
textes extraits de la littérature francophone et notamment algérienne dont
l’absence se fait sentir dans les manuels. Néanmoins l’enseignement du
français synonyme de littérature et de culture est réduit au terme de
« civilisation » SEOUD A. a constaté que « les concepteurs des programmes
de civilisation en Tunisie ont pour finalité l’accès à la littérature et rien de
plus ».26
Pour cela, les nouveaux programmes Tunisiens en 200527 issus de la loi
d’orientation ne parlent pas de «civilisation française» mais de «valeurs
civilisationnelles».
Références Bibliographie
1
ABDALLAH-PRETCEILLE M.: « Expérience littéraire et expérience
anthropologique, in Dialogues et cultures », n° 32, Sèvres : FIPE, 1988, p.75.
2
CUQ J.-P., GRUCA I. : Cours de didactique du français langue étrangère et
seconde , PUG , Paris, 2003 p.256.
3
MAUGER G. : op. cit. p.5.
4
CUQ J-P, GRUCA I. : op. cit. p.256.
5
TAGLIANTE CH. : La classe de langue , CLE INTERNATIONAL , Paris, 2006,
p.171.
6
BARTHES R., in CUQ J-P et GRUCA I. : op. cit, p.427.
7
TAGLIANTE CH. : op. cit, p.427.
8
Ibid, p.171
9
Ibid, p.171.
10
Ibid, P.172.
11
Ibid.
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12
Ouvrages littéraires en français dit « facile » dont les maisons d’édition disposent,
in TAGLIANTE C. op, cit. p. 172.
13
Op.cit, 1998, p.64.
14
COLLES L. : Diversité culturelle et effets de la mondialisation chez les écrivains
francophones, in DUFAYS J-L. :Métissage culturel/interculturels et effets de la
mondialisation chez les écrivains francophones, Graiova, Ed. Universitaires, 2009,
p.12.
15
TAGILANTE CH. : op. cit. p.173.
16
GENETTE G. : Figures 1, Seuil, 1966 in: TAGILANTE CH., ibid.
17
Op cit. p.174.
18
PORCHER L., ABDALLAH–PRETCEILLE M., in COLLES L. : op. cit. in
DUFAYS.J-L: Métissage culturel/interculturels et effets de la mondialisation chez
les écrivains francophones, Op. cit, p.64.
19
Ibid, p.65.
20
ABDALLAH-PRETCEILLE M. In COLLES L.: Littérature Bruxelles, 1994,
p.18.
21
Op.cit. p.145.
22
EVERSON V.: Le texte littéraire en français langue étrangère. Cours de
didactique du FLE à l’Université du Cap, 2008, p.256.
23
VION R. : « Compréhension et comportement communicatif » , in GRAL (groupe de
recherche sur l’acquisition du langage), Papier de travail, N°2, Publication de l’université
de Provence, 1985, pp. 67-95.
24
ABDALLAH-PRETCEILLE M. : « Expérience littéraire et expérience
anthropologique », in Dialogues et cultures n°32, Sèvres, 1988, p.112.
25
BURRI E. : « Un patrimoine «multiple ». Migrante et représentations
identitaires »inFrançais dans le monde N° spécial de juillet Altérité et identités
dans les littératures de langue française, Paris, Clé International ,2004, p.233.
26
SEOUD A. in BOUGUERRA T. : Pour une écodidactique du français langue
étrangère et seconde, L’Harmattan, Paris, 2014, p.107.
27
Programmes de Français, 4 ème année secondaire, Tunis,
28
BEACCO J.- C. : Les dimensions culturelles des enseignements de la langue ,
Hachette, Paris , 2000 p.148.