Apports Culturels Et Enjeux Indentitaires Du Texte Litteraire en Classe de Fle

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Revue des Sciences Humaines – Université Mohamed Khider Biskra No :46

APPORTS CULTURELS ET ENJEUX


INDENTITAIRES DU TEXTE LITTERAIRE EN
CLASSE DE FLE
Mounir DAKHIA
Université de Biskra

:‫اﻟﻣﻠ ّﺧــص‬
Abstract :

. L'intérêt de cet article est de ‫ھ ﺬا اﻟﻤﻘ ﺎل ﯾﮭ ﺪف إﻟ ﻰ ﺗﻮﺿ ﯿﺢ‬


mettre l'accent sur la place et les
fonctions du texte littéraire en ،‫ﻣﻜﺎﻧ ﺔ اﻟ ﻨﺺ اﻷدﺑ ﻲ داﺧ ﻞ اﻟﻘﺴ ﻢ‬
classe de FLE en tant que vecteur de ‫ﻓﮭﻮ ﻋﺎﻣﻞ ﻣﻦ اﻟﻌﻮاﻣﻞ اﻟﺘ ﻲ ﺗﺴ ﺎﻋﺪ‬
l'altérité . Son exploitation en classe
suscite la curiosité des apprenants et ،‫اﻟﺘﻼﻣﯿ ﺬ ﻋﻠ ﻰ اﻟﻔﮭ ﻢ واﻻﺳ ﺘﯿﻌﺎب‬
prendre conscience sur les apports
‫ﻛﻤ ﺎ ﻻ ﻧﻨﺴ ﻰ دور اﻟﺜﻘﺎﻓ ﺔ ﻓ ﻲ ﺗﻔ ﺘﺢ‬
culturels et les enjeux identitaires
de ce dernier sans transgresser sa ‫اﻷﻓ ﺎق اﻟﺘﻼﻣﯿ ﺬ واﻟﺘﻌ ﺮف ﻋﻠ ﻰ‬
propre culture . C'est ainsi que les
apprenants apprendront à interpréter ‫اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ اﻷﺟﻨﺒﯿﺔ اﻟﺘ ﻲ ﺗﻌﺘﺒ ﺮ أداة ﻣ ﻦ‬
l'implicite et à découvrir les faits ‫اﻷدوات اﻟﺘﻮاﺻﻞ واﻟﻀﻤﺎن اﻟﺠﻮدة‬
culturels pour accéder aux
composantes culturelles d'une société .‫ﻋﻨﺪ اﻟﺘﻼﻣﯿﺬ وﺗﻤﻜﻨﮭﻢ ﻣﻦ اﻟﻠﻐﺔ‬
. L'enjeu est de taille afin de former
l'esprit critique , sensibiliser
l'apprenant à la diversité linguistique
et culturelle et favoriser
l'apprentissage personnel.

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Introduction
Dans cet article, nous nous intéressons au texte littéraire comme vecteur
de l’altérité. Nous concevons l'étude du texte littéraire comme
l’apprentissage d’un ensemble de savoirs ou « culture cultivée », qui s’inscrit
dans une démarche de découverte interactive entre ses propres références
patrimoniales et celle de la société, et comme l’apprentissage d’un ensemble
de savoirs et de savoir-faire à acquérir ou «culture anthropologique» qui
s’inscrit dans une démarche de découverte de la diversité linguistique et
culturelle et d’interrogation sur le rapport à l’altérité. Nous rejoignons
PRETCEILLE- ABDALLAH M. quand elle propose cette définition :
« Le genre littéraire, produit par excellence de l’imaginaire, représente
un support inépuisable pour la rencontre avec l’Autre ; rencontre par
procuration, il est vrai que « la littérature constitue le lieu privilégié de
l’expérience de l’altérité » et un « médiateur potentiel » dans la
rencontre et la découverte de l’Autre ».1
En d’autres termes, une approche anthropologique de la littérature peut aider
l’apprenant à construire l’appréhension et la compréhension« d’autres
mondes possibles » (selon l’expression de Michel Tournier) dans lesquels
l’écrivain joue le rôle de « médiateur » d’une langue et d’une autre culture
reconstruites ou réinventées. Enfin, nous postulons que ce voyage dans la
culture plurielle de l’Autre élargit et enrichit l’expérience de l’apprenant qui
se trouve lui- même en situation d’immersion dans un monde non familier,
dont il lui faut décoder et interpréter «les textes sociaux et culturels cachés»
dans une langue étrangère.
Cependant cette vision s’est heurtée à deux difficultés : la place de la
littérature dans les méthodes de FLE et le statut du texte littéraire dans les
manuels en Algérie.
La place du texte littéraire dans une classe de FLE
Dans l’enseignement du FLE, les objectifs visés par l’utilisation des textes
littéraires varient selon les méthodes et les périodes.
Autour des années 50, l’utilisation des textes littéraires visait deux objectifs
prioritaires : l’apprentissage linguistique, essentiellement grammatical qui
conduit à une formation culturelle où la littérature est considérée comme le
représentant de la norme, mais aussi comme la manifestation la plus
intérieure de la culture du pays et « la voie royale »2 pour accéder à une
certaine civilisation. En exploitant les textes littéraires en classe de langue,
on cherchait, avant tout à faire des apprenants des personnes distinguées. A
ce sujet MAUGER G. explique, entre autres, que l’objectif visé dans
l’apprentissage du français est de « cultiver et orner les esprits des
apprenants par l’étude d’une littérature splendide, et devenir, véritablement,
des personnes distinguées.»3. La dimension culturelle à cette époque n’était
pas à l’ordre du jour.
Dans les années 80 avec l’approche communicative, le texte littéraire est

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considéré comme simple «document authentique» parmi les supports des
unités didactiques sans être accompagné d’une interprétation. La compétence
linguistique était l’objectif prioritaire comme l’explique très bien
Cuq: «Paradoxalement, tout se passe comme si la fréquentation des textes
des grands auteurs ne pouvait se mériter qu’après une longue fréquentation
des textes fabriqués à des fins linguistiques et pédagogiques».4
Longtemps reléguée à la fin des études de FLE, qu’elle venait en quelque
sorte couronner, la littérature n’a pas toujours fait bon ménage avec la
didactique :la priorité absolue accordée à l’oral par les premières méthodes
SGAV, « la préférence attribuée à l’écrit en situation proche des besoins de
communication immédiate, le souci de développer des compétences
fonctionnelles, voire professionnelles, en langue étrangère »5 tout cela
explique que les textes littéraires aient été délaissés au profit des documents
dits authentiques, à l’écriture moins marquée. Pour reprendre une distinction
célèbre de Roland Barthes, les « œuvres d’écrivains ont cédé le pas aux
productions d’écrivant».6
Que le texte littéraire soit « un lieu de croisement des langues et des
cultures »,7 comme l’affirment CUQ J.- P. et GRUCA I., en fait un espace
essentiel dans la didactique du FLE.
Le débat est aujourd’hui moins vif, et même les manuels scolaires du
secondaire n’hésitent plus à l’introduire dans l’apprentissage, sous forme de
poèmes ou petits textes d’auteurs.
Le texte littéraire, s'il est bien présent dans les manuels et les programmes du
secondaire algériens de français, il n'en demeure pas moins qu'il est réduit à
n'être qu'un document récréatif :
« Sans toujours leur assigner une place ou une fonction bien précises, ils
sont souvent l’occasion de travailler une structure syntaxique, ou tout
simplement, d’aménager une récréation esthétique, une pause pour le
confort et le plaisir de l’apprenant qui sait qu’une bonne maitrise de la
langue lui ouvrira la porte des écrivains français et
francophones »,8souligne TAGLIANTE CH.
Aussi se propose –t- on aujourd’hui moins de donner des modèles littéraires
à imiter que de parvenir à repérer le texte littéraire parmi la masse des
discours écrits, ce que l’apprenant fait sans effort dans sa langue maternelle.
Donc, malgré la présence des textes littéraires dans les manuels du FLE,
sous forme de courts extraits de romans ou de nouvelles, de textes poétiques,
nous pouvons noter quelques incohérences : d’une part, certains textes très
complexes sont donnés sans aucune piste pour favoriser l’accès au sens.
D’autre part, on a beau cherché des questionnaires ou des activités qui
mettraient en accent l’approche (inter)culturelle dans l’étude de ces textes,
mais en vain.
Le statut du texte littéraire
Le texte littéraire jouit de trois statuts différents que nous appellerons tantôt

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texte–prétexte à l’acquisition de structures linguistiques ; tantôt texte –
décoration, illustrant le thème ; tantôt texte-récréation comme nous l’avons
cité auparavant, c'est-à-dire situé à la fin du projet didactique sans fonction
précise. La plupart des textes ne sont pas recontextualisés dans leur époque
et rarement accompagnés d’activités de lecture ou de compréhension.
A partir de ces trois principaux constats, nous nous sommes interrogés sur
cette perception « d’existence/inexistence » de la littérature comme vecteur
culturel.
Nous supposons qu’il y’a un complexe quelque part vis-à-vis de la France ,
auquel s’ajoute le sentiment de non-reconnaissance, voire de non–existence
culturelle et sociale dans leur pays pour une raison que la littérature s’est
épanouie dans un climat de questionnement identitaire aussi bien
individuel que collectif qui a caractérisé l’Algérie dans cette période pour
des raisons économiques (comme le prouve la présence de textes dans les
manuels du secondaire dont les thèmes sont d’ordre scientifiques et de type
expositif) et des raisons «identitaires». Cette problématique de
l’interrogation identitaire traverse en permanence, non seulement la vie
politique de l’Algérie, mais la littérature même.
« Le texte littéraire a donc un statut différent. Par –delà la quête du sens, il
faudra faire dégager ce qui en fait la spécification linguistique et
culturelle ». 9
On distinguera donc deux types de produits :
Les œuvres authentiques et intégrales10
Elles sont d’auteurs français ou francophones ; mais le choix des textes se
trouve limité du fait de la longueur ou de la difficulté de la langue littéraire.
Si l’étude d’un roman, dans son intégralité, est exclue en classe de langue,
« on peut en revanche s’intéresser aux contes ou aux nouvelles qui, par le
caractère très condensé, offrent des perspectives intéressantes.» 11souligne
TAGLIANTE CH.
D’où la double difficulté, de décoder l’implicite et de pénétrer les réseaux
connotatifs, par manque de connaissance socioculturelles.
Les textes en français « facile »12
Il s’agit de grandes œuvres « mises à la portée » de l’apprenant de deux
manières différentes, soit par une réécriture du texte original à l'aide du
lexique du français "fondamental", soit en s’adaptant, dans un texte original,
aux compétences linguistiques des lecteurs.
3.Compétence culturelle et texte littéraire
Pour DE CARLO M., la littérature, de par sa complexité et la richesse des
points de vue qu’elle mobilise, permet de « focaliser l’attention sur les
usages des objets culturels et non seulement sur les objets eux-mêmes ».13
Nous estimons qu’il faudrait pour cela introduire dans les classes du
secondaire, des textes extraits de la littérature francophone et notamment
algérienne dont l’absence se fait sentir dans les manuels scolaires non pas

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seulement pour étudier la typologie des textes proposés ( le narratif, le
descriptif ou l’argumentatif) mais également et surtout pour inviter les
apprenants « à percevoir comment le français peut se colorier d’un pays à
l’autre[…] les amener, à travers les littératures francophones, à enrichir
leur propre univers linguistique et culturel».14
Le rapport qu’entretient le texte littéraire avec la culture de la langue
enseignée est un rapport privilégié et il convient donc, pour un enseignant de
FLE, de donner toute l’importance à l'enseignement culturel du FLE par
l’exploitation du texte littéraire. Ce dernier, est un « concentré de langue et
de civilisation, il est également un outil de comparaison interculturelle»15car
il véhicule aussi une vision du monde.
Cet objectif a été totalement occulté jusqu’à présent; en effet, les textes
littéraires étaient et sont toujours présentés comme étant totalement coupés
du contexte socioculturel qui a présidé à leur production, et sans lequel on ne
saurait les comprendre pleinement, d’où la difficulté majeur qu’un apprenant
peut rencontrer à la lecture d’un texte, celle de ne pas pouvoir pénétrer dans
les réseaux connotatifs et de décoder l’implicite, car c’est à l’apprenant-
lecteur que revient le dernier mot comme le précise. GENETTE G.: «Un
livre n’est pas un sens tout fait, une révélation, que nous avons à subir, c’est
une réserve de formes qui attendent leur sens».16
3.1. Les fonctions du texte littéraire
Avec l'avènement des approches communicatives, on ne pense plus
maintenant que la littérature soit le meilleur modèle linguistique, il s’agit
d’un choix fait par l’institution, qui a privilégié l’aspect « utilitaire» de la
langue, qui consistait à doter l’élève d’une compétence linguistique et
ignorant en cela que la compétence linguistique ne suffit pas pour
communiquer convenablement si elle n’est pas accompagnée par d’autres
compétences, telle que la compétence socioculturelle qui permet d’ajuster le
message à produire à la situation de communication vécue d’une part, et
d’interpréter convenablement le message reçu d’autres part. Elle est sans
doute la plus complexe à acquérir parce qu’elle fait difficilement l’objet
d’une transmission de savoir dans la mesure où elle n’est pas acquise à
l’intérieur du système éducatif. «Sa maitrise passe par l’accès à un ensemble
d’usages particuliers, sociaux, culturels, définis par les circonstances dans
lesquelles se fait la communication et relatifs au monde collectivement vécu»
17
disait TAGILANTE CH.
De ce fait, le texte littéraire est un réservoir immense de documentation
culturelle, son enseignement est appelé à mettre l’accent sur la liberté
interprétative que stimule la créativité, sur le développement de la
sensibilité.
«Tout texte est chargé d’idéologie» comme le dit GENETTE G.. Si on la
connait parfois, le plus souvent on la suppose ou on la reconstitue.
L’implicite est donc le fonds commun culturel et idéologique sur lequel le

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texte s’appuie sans le formuler.
L’apport que peut représenter le texte littéraire qui, comme soulignent
PORCHER L. et ABDALLAH-PRETCEILLE M., représente un «lieu
emblématique de l’interculturel »18 réside dans le fait que
« l’enseignement de la littérature suppose qu’on franchisse les frontières,
que l’on se situe dans une perspective résolument internationale, que l’on
dépasse son bout de champ.⌠…⌡Cette prise de vue résolument
internationaliste ne doit pas occulter le fait qu’une œuvre littéraire
possède un lieu de naissance, dans le temps et dans l’espace, et qu’elle
emporte nécessairement les marques distinctives. La littérature est à la
fois de partout et de quelque part ».19
Cela permet de découvrir d’autres conceptions du monde, d’autres modes de
vie et de pensée. L’apprenant sera ainsi amené, par exemple à relativiser sa
propre culture, à prendre conscience qu’elle n’est ni meilleure ni pire qu’une
autre et que toute culture a droit au respect.
C’est ainsi que l’on apprend la tolérance et le respect, un civisme qui fait
cruellement défaut dans les sociétés contemporaines.
Cette découverte d’une autre culture peut se produire de deux manières :
Découvrir la civilisation française permet de se situer par rapport à d’autres
pratiques culturelles et de relativiser ses propres pratiques. L’apprenant
apprendra, l’acceptation et le respect de la différence culturelle.
Comme le dit pertinemment bien ABDALLAH-PRETCEILLE M. pour la
deuxième fois cité précédemment : « le texte littéraire apparaît comme le
médiateur essentiel avec autrui ».20
La littérature a eu le mérite au cours de ces dernières années, alors qu’on
l’avait écartée des cours de langues à l’avènement des méthodes structuro-
behaviouristes.On ne pense plus maintenant que la littérature soit le meilleur
modèle linguistique, et sa traduction le meilleur exercice à proposer à
l’apprenant étranger.
Par contre, comme le mentionne DUFAYS J. L.:
« La littérature –bien choisie, bien exploitée-apporte beaucoup à la
motivation des apprenants et à leur compréhension de la culture-cible
car dans le meilleur des cas, elle touche à la fois à l’universel et au
particulier, et établit ainsi un pont entre le connu et l’inconnu dans
l’apprentissage, comme entre le savoir et le ressentir. Il ne s’agit donc
pas, comme dans la perspective civilisationnelle, d’afficher la belle
langue et d’épingler quelques grands auteurs, mais de se servir du texte
littéraire comme d’un témoignage, notamment sur la vie quotidienne » 21.
Le texte littéraire reste un vecteur culturel par excellence et « un espace
privilégié où se déploie « l’interculturalité » selon l’expression de CUQ J.-
P.et GRUCA I. Nous estimons que le texte littéraire peut réaliser cet
équilibre entre le linguistique et le culturel.
Enfin, nous pouvons déduire que l’étude d’un texte littéraire fait appel au

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vécu des apprenants et à leur affectivité, leur permettant ainsi de mobiliser
leurs propres réalités, expériences et représentations. La lecture d’un texte
littéraire, texte riche et polysémique, vise à provoquer des réactions et des
interprétations pour susciter une expression et une interaction effective.
Autrement dit, la lecture des textes littéraires est une pratique de culture au
sens large d’un ensemble de connaissances intellectuelles et de savoirs, mais
aussi de comportements et de valeurs d’un groupe social.
La culture, c’est une lecture, c’est un regard porté sur tel ou tel groupe
social. Elle consiste en une organisation de la réalité telle qu’elle se trouve
manifestée par des comportements des attitudes, des façons d’être
particuliers qui, une fois réunis, constituent les caractères définitoires de
toute la société.
« Le texte littéraire est un document authentique qui ne devrait pas être
conçu comme un lieu d’enseignement de la langue, de la civilisation ou
de théories critiques, mais comme un lieu d’apprentissage dans lequel les
apprenants peuvent explorer tous les possibles de la langue étrangère et
toutes les virtualités connotatives, pragmatiques » .22
Autrement dit, tout enseignant d’une langue étrangère, notamment, en FLE,
doit respecter le texte littéraire et son auteur. Dans son exploitation du texte
en classe, il n’a pas le droit de le vider de sa dimension culturelle. Il faut
aborder intelligemment cet aspect. Cette cohérence va certainement susciter
la curiosité des apprenants qui, tout en se réfugiant dans leur culture, vont
essayer de comprendre l’autre sans la bannir. Cette prise de conscience est
importante car elle permettra à l’apprenant de se poser des questions et d’y
réfléchir sans transgresser sa propre culture.
C’est ainsi qu’il apprendra avec son enseignant à interpréter l’implicite car,
comme le dit VION R. «les phénomènes de représentation couvrent tout un
ensemble de savoirs et de savoir-faire sans lesquels aucune communication
n’est envisageable».23
3.2. Les enjeux didactiques du texte littéraire pour l’apprenant
Tout texte littéraire soumis à une lecture est une « représentation » ou une
contestation d’une certaine culture .Le texte est une invitation à découvrir,
une sollicitation à retrouver des faits culturels. C’est un pan pour ne pas dire
un passage obligé pour accéder aux composantes culturelles d’une société à
un moment donné de l’histoire.
De ce fait, la lecture est appelée à mettre l’accent sur la dimension culturelle
d’un texte et notamment le texte littéraire.
Un enseignement soucieux de former l’esprit critique, donc de favoriser
l’apprentissage personnel, a besoin de s’appuyer sur une attention
permanente aux faits culturels qui influencent d’une manière ou d’une autre
l’activité de lecture et réalise une sensibilisation esthétique meilleure chez
l’apprenant.

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A notre sens, ce que l’écrivain cherche, c’est l’analyse des faits dans le but
d’en tirer des lois générales explicatives des comportements humains. Il est
selon le mot de PROUST, un « fouilleur de détail».
Nous pouvons retenir que la littérature nous livre d’une part, sur les
conditions d’émergence des productions littéraires et d’autre part, sur ce
qu’un texte littéraire peut révéler sur les représentations, les valeurs, les
conceptions du monde, le rapport à l’autre et à soi, les questionnements
identitaires, tant linguistiques que culturels, véhiculés et mis en récit par
l’écrivain.
Une approche anthropologique des textes littéraires développe donc un
double processus réflexif: elle permet à l’apprenant de déconstruire en
premier temps ses représentations stéréotypées et ses savoirs partiels sur des
sociétés et leurs expressions culturelles qu’il n’a approchées que par les
manuels, les voyages touristiques ou par les medias. Elle lui permet en un
second temps, de reconstruire des savoirs plus objectivés qui impliquent une
attitude de distanciation par rapport à ses propres croyances.
Cette expérience littéraire qui est aussi une « expérience anthropologique »
(pour reprendre le titre de ABDALLAH-PRETCEILLE M.)24 apporte à
l’apprenant les moyens de construire une véritable « connaissance de Soi» à
travers la (re)connaissance de l’altérité et l’identification identitaires. Dans
cette approche de la littérature, à caractère heuristique, nous souscrivons aux
propos BURRI E.25 quand elle dit:
« La recherche d’une voix littéraire passe par le détour par l’Autre, à la
connaissance de l’Autre .Si à l’intérieur des romans, les personnages
effectuent une quête d’autrui, celle –ci s’avère être la quête de soi (…) En
partant à la découverte de l’Autre, on est amené à se découvrir soi-même
en tant que cet Autre qui nous enrichit et nous confère une part de notre
identité ».
L’enjeu didactique du texte littéraire est de sensibiliser les apprenants à la
diversité linguistique et culturelle .C’est le rôle de l’enseignant de proposer
une lecture « critique » qui déconstruise ses représentations stéréotypées et
ses savoirs sur des sociétés.
Il faudrait pour cela introduire dans les classes du secondaire algérien des
textes extraits de la littérature francophone et notamment algérienne dont
l’absence se fait sentir dans les manuels. Néanmoins l’enseignement du
français synonyme de littérature et de culture est réduit au terme de
« civilisation » SEOUD A. a constaté que « les concepteurs des programmes
de civilisation en Tunisie ont pour finalité l’accès à la littérature et rien de
plus ».26
Pour cela, les nouveaux programmes Tunisiens en 200527 issus de la loi
d’orientation ne parlent pas de «civilisation française» mais de «valeurs
civilisationnelles».

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Mais dans le cadre scolaire, les ambitions doivent être plus modestes, surtout
dans le domaine du français langue étrangère, du fait que la compétence
linguistique et culturelle des apprenants est généralement assez limitée. La
littérature s’avère un support privilégié dans les manuels algériens au
secondaire, qui sont censés être des instruments de culturation et de
socialisation, ils donnent l’occasion de promouvoir la culture de l’autre de la
langue étrangère enseignée et pour découvrir l’altérité.
« Les représentations d’une société étrangère que les enseignants de
langues mettent en circulation sont partout déterminantes pour la
construction du savoir culturel…. Car c’est par leur truchement direct et
par celui du manuel que se réalise une sorte d’expérience vécue d’une
culture étrangère »28.
Mais, les textes littéraires proposés dans les manuels oscillent entre des
textes écrits par des auteurs Français et d’autres écrits par des Algériens
d’expression française. Un auteur français est le plus indiqué pour donner un
modèle de langue à des élèves qui étudient le français. En effet, son
sentiment linguistique de locuteur natif (ou assimilé, pour un auteur
d’expression française qui manipule le français depuis sa plus tendre enfance
et qui a été nourri de culture française) lui permet de trouver spontanément
les tournures adéquates et d’éviter toutes les constructions qu’il ne
« sentirait » pas comme étant typiquement Français.
Conclusion
Pour conclure, la littérature est considéré comme le domaine de
l'interculturel par excellence est l'un des supports à visée culturelle qui
peuvent être exploités en classe de langue afin d'améliorer le processus
d'enseignement/apprentissage du FLE

Références Bibliographie
1
ABDALLAH-PRETCEILLE M.: « Expérience littéraire et expérience
anthropologique, in Dialogues et cultures », n° 32, Sèvres : FIPE, 1988, p.75.
2
CUQ J.-P., GRUCA I. : Cours de didactique du français langue étrangère et
seconde , PUG , Paris, 2003 p.256.
3
MAUGER G. : op. cit. p.5.
4
CUQ J-P, GRUCA I. : op. cit. p.256.
5
TAGLIANTE CH. : La classe de langue , CLE INTERNATIONAL , Paris, 2006,
p.171.
6
BARTHES R., in CUQ J-P et GRUCA I. : op. cit, p.427.
7
TAGLIANTE CH. : op. cit, p.427.
8
Ibid, p.171
9
Ibid, p.171.
10
Ibid, P.172.
11
Ibid.

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12
Ouvrages littéraires en français dit « facile » dont les maisons d’édition disposent,
in TAGLIANTE C. op, cit. p. 172.
13
Op.cit, 1998, p.64.
14
COLLES L. : Diversité culturelle et effets de la mondialisation chez les écrivains
francophones, in DUFAYS J-L. :Métissage culturel/interculturels et effets de la
mondialisation chez les écrivains francophones, Graiova, Ed. Universitaires, 2009,
p.12.
15
TAGILANTE CH. : op. cit. p.173.
16
GENETTE G. : Figures 1, Seuil, 1966 in: TAGILANTE CH., ibid.
17
Op cit. p.174.
18
PORCHER L., ABDALLAH–PRETCEILLE M., in COLLES L. : op. cit. in
DUFAYS.J-L: Métissage culturel/interculturels et effets de la mondialisation chez
les écrivains francophones, Op. cit, p.64.
19
Ibid, p.65.
20
ABDALLAH-PRETCEILLE M. In COLLES L.: Littérature Bruxelles, 1994,
p.18.
21
Op.cit. p.145.
22
EVERSON V.: Le texte littéraire en français langue étrangère. Cours de
didactique du FLE à l’Université du Cap, 2008, p.256.
23
VION R. : « Compréhension et comportement communicatif » , in GRAL (groupe de
recherche sur l’acquisition du langage), Papier de travail, N°2, Publication de l’université
de Provence, 1985, pp. 67-95.
24
ABDALLAH-PRETCEILLE M. : « Expérience littéraire et expérience
anthropologique », in Dialogues et cultures n°32, Sèvres, 1988, p.112.
25
BURRI E. : « Un patrimoine «multiple ». Migrante et représentations
identitaires »inFrançais dans le monde N° spécial de juillet Altérité et identités
dans les littératures de langue française, Paris, Clé International ,2004, p.233.
26
SEOUD A. in BOUGUERRA T. : Pour une écodidactique du français langue
étrangère et seconde, L’Harmattan, Paris, 2014, p.107.
27
Programmes de Français, 4 ème année secondaire, Tunis,
28
BEACCO J.- C. : Les dimensions culturelles des enseignements de la langue ,
Hachette, Paris , 2000 p.148.

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