Diagnostique Stratégique

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© Dunod, 2018

11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff


www.dunod.com

ISBN : 978-2-10-078061-7
Sommaire

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Remerciements

Préface

Introduction

Partie 1 – Les enjeux du diagnostic stratégique

Chapitre 1 ■ Pourquoi parle-t-on de stratégie d’entreprise ?

Chapitre 2 ■ Quels sont les objectifs d’un diagnostic stratégique ?

Chapitre 3 ■ Dans quel cas pratique-t-on un diagnostic stratégique ?

Chapitre 4 ■ Cas pratique – Auchan

Partie 2 – Le diagnostic stratégique en pratique

Chapitre 5 ■ Comprendre les trajectoires stratégiques des firmes

Chapitre 6 ■ Repérer les attentes et contraintes des parties prenantes

Chapitre 7 ■ Segmenter les activités stratégiques d’une entreprise

Chapitre 8 ■ Cerner la dynamique sectorielle d’une activité

Chapitre 9 ■ Évaluer les ressources internes et la compétitivité par activité

Chapitre 10 ■ Analyser la cohérence d’un portefeuille d’activité

Chapitre 11 ■ Construire un business model autour de propositions de valeur


fortes
Partie 3 – Diagnostic stratégique : cas Bic

Chapitre 12 ■ Présentation de l’entreprise Bic

Chapitre 13 ■ Analyse stratégique des activités

Chapitre 14 ■ Diagnostics interne et externe

Chapitre 15 ■ Analyse rétrospective de la diversification de Bic dans les parfums

Chapitre 16 ■ Évolution de l’entreprise Bic entre N+4 et N+9

Conclusion

Bibliographie

Index
Remerciements

Cet ouvrage est le fruit d’une expérience de recherche-intervention et


d’enseignements en stratégie et management menés au sein des Universités Paris-Est,
Paris Dauphine, Sciences Po Paris et dans différentes écoles de commerce et de
gestion. Il se fonde également sur les résultats d’un programme d’étude mené avec
M. Barabel sur le développement des entreprises au sein du cabinet Dever
Partners & Associés, auprès d’une centaine d’entreprises (Airbus Group, Bouygues,
BNP Paribas, Dassault Aviation, ENGIE, Safran, Schneider Electric…).
Ce livre est donc le résultat de plusieurs années de travail et d’échanges avec un certain
nombre d’acteurs du monde académique et professionnel (chefs d’entreprise, dirigeants,
entrepreneurs, consultants). J’adresse mes remerciements :
aux consultants, dirigeants et chercheurs de la Family Firm Institute (USA) pour
leurs apports sur le développement des entreprises familiales (croissance,
transmission, reprise d’entreprises) ;
à Michel Bisac, actionnaire et fondateur de plusieurs sociétés innovantes de la Net-
économie ;
à Fabien Blanchot, Vice-Président de l’Université Paris Dauphine, en charge des
relations avec les entreprises, pour nos échanges et discussions sur les politiques
d’innovations et les rapprochements inter-entreprises ;
à Fabrice Marsella, maire du Village by CA (Crédit Agricole), pour sa connaissance
des stratégies digitales ;
aux équipes du Master 225 de l’Université Paris Dauphine, de Sciences Po Paris
Executive Education et du centre européen d’Harvard Business School ;
aux chercheurs et intervenants de la chaire ESSEC sur le changement et l’innovation
managériale en partenariat avec Renault-Nissan Consulting ;
aux experts du Club HEC Finance avec lesquels j’ai coopéré ;
aux associés et gérants de Lazard Frères Gestion, de la compagnie financière E. de
Rothschild, de Lyxor et d’Exane BNP Paribas pour leurs analyses stratégiques et
financières ;
aux dirigeants d’entreprises qui nous accompagnent depuis des années dans nos
missions.
J’adresse aussi une pensée amicale à mes collègues du LIPHA Paris Est, du CNU et du
Haut Conseil d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Je tiens enfin à remercier mon éditrice, Valérie Briotet, pour ses conseils avisés et la
confiance qu’elle me témoigne depuis de nombreuses années.
Merci aussi à Anouck, Laurine et Julien pour leurs soutien et encouragements.
Préface

Le livre d’Olivier Meier porte sur un thème essentiel aux entreprises. Il permet une
réelle prise en compte de l’importance d’un diagnostic stratégique, mais aussi de ses
difficultés. Les réflexions stratégiques conditionnent la réussite des entreprises. En
effet, comment se positionner et évoluer sur un marché, sans avoir une connaissance fine
de son environnement, de ses principaux concurrents, des opportunités et menaces, et
sans se poser les bonnes questions ?
Une décision stratégique, aussi pertinente soit elle, ne peut se concrétiser et conduire au
succès que si elle est le fruit d’une démarche construite, fondée et réfléchie.
Anticipation et cohérence en sont les maîtres mots. Il faut considérer l’analyse
stratégique comme un ensemble de méthodes qui conduisent à anticiper les décisions, à
réduire les incohérences, à organiser et stimuler la réflexion. Cependant, face à un
environnement complexe et à la multitude des informations qui sont en jeu, le diagnostic
d’entreprise est une démarche essentielle mais particulièrement délicate à réaliser.
Mon expérience en tant que fondateur et actionnaire de nombreuses sociétés (Echo
Interactive, Médiamétrie-eStat et ERN) me permet de dire, aujourd’hui, que sans un
minimum de réflexion stratégique, aucun de mes projets n’aurait pu être réalisé et
conduit avec succès. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’une entreprise s’oriente vers des
stratégies d’innovation.
Président-Directeur général et fondateur de la société ERN, en charge du
développement et de la commercialisation d’un nouvel outil technologique (« le
Cartable Électronique »), je réalise un peu plus chaque jour à quel point la démarche
stratégique et le diagnostic d’entreprise conditionnent le succès. Ceci m’a notamment
permis de comprendre et de saisir les opportunités du marché. De même, c’est à partir
d’une analyse approfondie menée dans le secteur des Nouvelles Technologies de
l’Information et de la Communication que nous avons pu négocier et réaliser dans de
bonnes conditions la fusion entre les entreprises eStat et Médiamétrie (mesure de la
fréquentation des sites Internet).
Ce livre est donc pour moi d’une réelle utilité car il est souvent difficile pour les
dirigeants de traduire et d’organiser leurs savoirs et connaissances en termes de
décisions stratégiques. Cet ouvrage y parvient avec talent, en organisant et
opérationnalisant ces connaissances, à l’aide d’outils et de points de repères précis en
matière de stratégie et de diagnostic. Olivier Meier propose notamment deux études de
cas détaillées et un certain nombre de grilles méthodologiques, permettant à tous les
acteurs de l’entreprise de maîtriser leur environnement, afin de prendre les meilleures
décisions au meilleur moment.
Ce livre de qualité offre donc aux actionnaires, aux Présidents-Directeurs généraux, aux
cadres opérationnels et aux chercheurs/étudiants, les concepts essentiels au diagnostic
d’entreprise. Fort bien construit, il propose des pistes de réflexion utiles à tout
manager. En le lisant, vous développerez vos compétences et multiplierez ainsi vos
chances de succès.

Michel BISAC
PDG d’Espace et Réseaux Numériques (ERN)1
Fondateur d’Echo Interactive2
Notes
1. ERN : société en charge du développement du cartable électronique dans le domaine
de l’enseignement.
2. En février 2001, Echo Interactive, société de la Net-économie, spécialisée dans les
activités liées à l’Internet et aux réseaux, est rachetée par le Groupe France Telecom.
Introduction

Dans un environnement économique dynamique et fortement concurrentiel, la plupart


des entreprises confrontées à la mondialisation sont conduites à définir et mettre en
œuvre des stratégies multiples, pour faire face aux évolutions et variations des marchés.
La démarche stratégique est en effet rendue de plus en plus complexe, en raison de
l’instabilité des systèmes concurrentiels et des impératifs de création de valeur
(recherche de nouveaux clients, réalisation d’économies d’échelle, acquisition de
nouveaux savoir-faire, entrée sur de nouveaux marchés). Dans ce contexte, les outils
d’aide à la décision deviennent encore plus essentiels pour connaître et maîtriser les
règles du jeu et savoir se positionner dans son environnement. En particulier, il devient
nécessaire de définir et préparer des trajectoires stratégiques cohérentes, tout en
permettant des inflexions possibles au cours du temps.
Cette gestion d’exigences contradictoires entre une démarche pensée et réfléchie
(source de cohérence) et une approche plus pragmatique des événements (source de
réalisme) constitue l’un des principaux défis à relever pour tout responsable et dirigeant
d’entreprise.
La démarche stratégique et le diagnostic d’entreprise ont comme objet la recherche des
caractéristiques essentielles au développement de celle-ci et à son accompagnement, en
fonction des ressources à disposition et des contraintes de l’environnement. L’objectif
final est d’évaluer les aptitudes de l’entreprise à satisfaire les contraintes de
compétitivité et de pérennité, en vue de prendre des décisions dans des conditions
acceptables. Ce type d’approche permet notamment de faire apparaître les insuffisances
et dérives de l’organisation (problème de positionnement, alliance avec un partenaire
peu compatible, prix de revient trop élevés, politique de gamme inadaptée, qualité des
produits en dessous du standard requis) et les ressources stratégiques qui peuvent
contribuer à l’amélioration de la compétitivité (nouvelles voies de développement,
renforcement des normes de qualité et de sécurité, abaissement des coûts de revient,
amélioration des services autour du produit, intensification de l’innovation…).
Le diagnostic stratégique se distingue de l’audit, en allant au-delà de la démarche de
contrôle. Il s’agit de comprendre la situation stratégique de l’entreprise en termes
d’environnement, de ressources, et d’influences des parties prenantes.
Cependant, un diagnostic d’entreprise ne peut se limiter à l’application d’une méthode.
Il demande, de la part de l’acteur, une forte capacité d’analyse et de compréhension de
la situation et des modes d’interactions qui entourent la décision. Une des erreurs
fondamentales serait en effet de considérer les décisions stratégiques comme des
logiques linéaires. Paradoxalement il est donc nécessaire, pour réussir un diagnostic,
qu’une part importante de celui-ci s’appuie sur la capacité des acteurs à réaliser par
eux-mêmes un véritable travail d’expérimentation et d’interprétation de la réalité, afin
d’établir un lien solide entre les méthodes proposées et la décision finale1. Mais, pour y
parvenir, il convient de s’appuyer sur un minimum d’outils élémentaires pour être en
mesure d’avancer, de progresser voire d’innover en fonction des situations rencontrées.
C’est de cette façon que le décideur peut parvenir à lier la pensée au réel et accepter de
concilier la part de délibéré et d’émergent propre à toute démarche stratégique.
Ce livre entend répondre à cet objectif. Il se veut une base d’analyse et de réflexion,
autour d’un certain nombre de grilles et d’outils testés sur le terrain, pour permettre à
chaque acteur-décideur de mieux comprendre la logique des événements et créer des
points de repères précis pour décider et agir dans des situations souvent incertaines et
complexes.
Notes
1. L’idée d’une stratégie pouvant s’appliquer à l’ensemble des situations est d’ailleurs
contraire à l’esprit même de la stratégie, dans la mesure où l’on refuse d’intégrer dans
la réflexion les perspectives de changement et d’évolution.
Partie 1

Les enjeux du diagnostic


stratégique

Face aux évolutions et variations des marchés et à la multitude de nouveaux acteurs,


les décideurs ont besoin de mieux maîtriser les règles du jeu concurrentiel et
d’accompagner leurs trajectoires dans de bonnes conditions.
Le diagnostic stratégique constitue un outil qui peut aider l’entreprise à se positionner
sur ses différents marchés, allant de la recherche d’amélioration de procédés et process
à l’identification de nouvelles sources de développement. Il vise généralement à
améliorer la compétitivité de l’entreprise.
Il peut être utilisé dans différents contextes. Il se révèle particulièrement pertinent
lorsqu’il s’agit d’analyser des situations de changement ou de rupture, en permettant de
mieux cerner les risques et opportunités pour les entreprises.
Chapitre 1

Pourquoi parle-t-on de stratégie


d’entreprise ?

Executive summary
►► Face aux évolutions et variations des marchés et à la multitude de nouveaux acteurs, les
décideurs ont besoin de mieux maîtriser les règles du jeu concurrentiel et d’accompagner leurs
trajectoires dans de bonnes conditions.
►► La démarche stratégique est aujourd’hui rendue plus complexe, en raison de l’instabilité
des systèmes concurrentiels et des impératifs de création de valeur qui nécessitent bien souvent
une gestion d’intérêts contradictoires.
►► Dans ce contexte, la capacité à connaître et maîtriser les règles du jeu et savoir se
positionner au sein de son environnement devient essentielle pour définir et préparer
des trajectoires stratégiques cohérentes, tout en permettant des inflexions possibles au cours du
temps.

« C’est parce que l’avenir est imprévisible que l’on doit placer sa réflexion stratégique dans le cadre
d’une vision d’avenir. »
Bruno Jarrosson1

Les exigences de survie et de compétitivité


des entreprises

La recherche de compétitivité

Pour se développer, une entreprise doit être capable de créer et conserver une clientèle,
en trouvant des actions qui lui permettent d’augmenter son efficience et son efficacité,
en particulier dans un contexte fortement concurrentiel. Pour accaparer de manière
rentable et durable une part de marché importante, une entreprise doit parvenir à réduire
ses coûts de production et de commercialisation par rapport à ceux de ses concurrents.
La réduction des coûts est en effet la condition sine qua non pour réduire ses prix et
ainsi attirer de nouveaux clients, tout en assurant un niveau de rentabilité suffisant pour
stimuler des nouveaux investissements.
Il est proposé ci-après une première grille d’analyse centrée sur les actions qui
favorisent la compétitivité d’une entreprise.
Selon cette approche, on peut alors définir la compétitivité de la firme à travers son
carré magique (Darbelet et al., 1998), à savoir : la productivité, la qualité, la
flexibilité et l’innovation.

Tableau 1.1 – La compétitivité de l’entreprise

Diminuer Capacité de l’entreprise à réduire ses coûts de fonctionnement, d’organisation,


les coûts de production et de commercialisation

Valoriser Capacité de l’entreprise à valoriser l’organisation du travail et les compétences


les compétences de la firme

Suivre l’évolution Capacité de l’entreprise à assurer une liaison permanente au marché


des marchés (adaptation rapide de l’organisation aux variations de l’environnement)

Anticiper
Capacité de l’entreprise à régénérer et renouveler son système de ressources
et créer
en fonction des attentes et évolutions de l’environnement
de la valeur
Figure 1.1 – Le carré de la compétitivité

■ L’exigence de productivité

On entend par productivité, le rapport entre un résultat obtenu (la production) et la


quantité de facteurs qu’il a fallu utiliser. L’exigence de productivité consiste par
conséquent à gérer de façon optimale et structurée les facteurs de production de
l’entreprise (effectifs, équipement, techniques, infrastructures, organisation du travail),
afin de réduire les coûts de revient et donc les prix. La hausse de la productivité permet
donc une hausse de la compétitivité prix de l’entreprise. Compte tenu de ses
caractéristiques, l’exigence de productivité est souvent plus difficile à mesurer
lorsqu’il s’agit de développer des services (formation, conseil, assurance…).
La productivité ne doit pas être confondue avec la rentabilité. La productivité
intervient essentiellement au niveau de l’offre (logique de rendement), tandis que la
rentabilité suppose l’adaptation de l’offre à la demande. La rentabilité correspond en
effet au rapport entre le revenu (c’est-à-dire le profit, le bénéfice ou le résultat) et le
capital engagé pour l’obtenir.

■ L’exigence de qualité

L’exigence de qualité revient, pour l’entreprise, à rechercher un haut niveau de


professionnalisme et de rigueur dans la fabrication de ses produits (amélioration,
correction, rénovation, arrangement, satisfaction client). Elle doit veiller à ce que le
niveau de qualité obtenu puisse se retrouver sur l’ensemble des produits-services
proposés (régularité) et connaître, grâce notamment aux technologies, une marge de
progression au cours du temps (avancées significatives). La recherche de qualité
correspond donc à une volonté de se conformer aux exigences du client en visant le
« zéro défaut » sur le plan statistique.
L’exigence de qualité est souvent associée au concept de qualité totale2. Elle
entend fiabiliser le processus de conception et de fabrication (meilleure définition
des besoins, régularité des livraisons, sécurité des entrepôts), supprimer les attentes
(réduction des temps de cycle), réduire les erreurs, tout en simplifiant l’organisation
administrative. L’exigence de qualité vise également à rechercher un comportement
éthique et responsable qui satisfasse les besoins des consommateurs, mais aussi les
attentes des autres acteurs de l’environnement (salariés, fournisseurs, sous-traitants,
opinion publique). L’exigence de qualité peut également se traduire par une
amélioration des conditions de vie au travail (gestion participative) ou l’instauration
d’une coopération plus étroite avec certains fournisseurs (concertation) en vue de
développer des solutions communes.

■ L’exigence de flexibilité

L’exigence de flexibilité a pour but de développer des actions susceptibles d’adapter


rapidement l’entreprise et son organisation à la demande et plus généralement aux
évolutions de l’environnement (modifications de la demande, nouveaux entrants,
initiative d’un concurrent, nouvelle réglementation…). Ce concept est à rapprocher de
deux notions devenues centrales dans le champ de la stratégie : la réactivité et l’agilité.
Dans le domaine de la production, cette exigence se traduit notamment par la capacité
de l’entreprise à passer d’un type de produit à un autre, sans perte de temps, grâce à des
méthodes spécifiques qui facilitent le changement rapide d’outils par l’opérateur lui-
même et la mise en place de cellules ad hoc (ateliers flexibles). Elle peut aussi revêtir
d’autres aspects, comme la mise en place d’organisations transversales (pour améliorer
la circulation des informations et la collaboration entre les services), la constitution
d’équipes autonomes ou le développement de compétences internes
(polyvalence/polycompétences/multivalence) ou externes (externalisation/sous-
traitance/intérim).

■ L’exigence d’innovation

L’exigence d’innovation correspond à la volonté d’introduire des nouveautés (création,


amélioration, transposition), en vue d’acquérir ou de renforcer ses avantages
concurrentiels. Il existe différents types d’innovations : les innovations de produit (ou
service), les innovations de procédés, les innovations relatives à l’organisation du
travail (process) ou encore les innovations sociales.
Ces différentes formes d’innovations entretiennent d’ailleurs des liens étroits en
termes de dynamique de progrès pour l’entreprise. On peut décrire le processus de la
manière suivante : les innovations de produit ou service sont souvent issues de la
demande du marché qui « tire le produit » (innovation pull) ou de l’évolution d’une
technologie qui « pousse » à innover (technology push). Les innovations de procédés
favorisent la substitution du capital au travail, alors que les innovations de process
conduisent à une intensification du travail. Quant aux innovations sociales, elles sont
souvent issues des attentes et préoccupations de la société. Ces différents types
d’innovations favorisent généralement la mise au point ou l’adoption de nouvelles
méthodes d’organisation, de fabrication ou de distribution (exemple : passage de la
Vente Par Correspondance à l’Internet). Elles génèrent alors des gains de
productivité qui, à leur tour, provoquent une baisse de coût et donc de prix et, par là
même, un élargissement de la demande qui renforce l’impact des innovations de
produit.
L’innovation peut être de nature incrémentale (changement mineur/amélioration
continue), combinatoire (mise en relation originale d’éléments préexistants ; cf. le
mp3) ou radicale (émergence de nouveaux systèmes de conception, de production ou
de distribution qui engendrent pour le client une valeur substantielle ; cf. Internet).
Le cas présenté ci-après illustre une politique de compétitivité structurée autour
des quatre critères vus précédemment. Il porte sur la méthode mise en place par
l’entreprise Valéo, équipementier automobile, pour améliorer la performance de son
organisation. L’entreprise s’est en effet fixée comme mission de rechercher en
permanence la satisfaction du client, en développant sa stratégie de croissance autour
de quatre grands axes.
Cas d’entreprise

Valéo
Face à une concurrence accrue, le groupe Valéo a opté pour la mise en place d’une stratégie de
croissance structurée autour de quatre grands axes :
des coûts compétitifs permettant d’offrir les meilleurs prix du marché (productivité), tout en
assurant la rentabilité nécessaire à l’autofinancement des activités actuelles et futures ;
une qualité totale de niveau international (« le client d’abord »), étalonnée sur les meilleurs
standards mondiaux, pour répondre aux attentes d’une clientèle de plus en plus exigeante ;
l’accompagnement des clients (adaptabilité), en n’hésitant pas à développer de nouvelles
installations dans un souci de proximité et de réactivité3 ;
une technologie avancée toujours en évolution pour la maîtrise et l’amélioration des produits
(et systèmes) et une innovation constante par l’apport de nouvelles technologies.

La recherche de sécurité

Pour réussir à se maintenir sur le marché, et face aux variations de l’environnement,


l’entreprise doit veiller, au-delà de certaines actions (nécessairement) risquées, à
assurer un minimum de stabilité et d’autonomie au niveau de la conduite de ses affaires.
On peut distinguer quatre principales crises au niveau de l’entreprise (Mitroff et al.,
1988) :
les crises techniques et économiques internes : elles correspondent aux risques de
défaillance et de rupture liés à une mauvaise gestion des infrastructures et des
ressources internes de l’entreprise (panne, accident, défaut, incident) ;
les crises techniques et économiques externes : elles sont principalement liées aux
risques d’instabilité économique et politique (guerre, conflits, tensions
internationales) et aux menaces de dépendance à l’égard d’un autre acteur de
l’environnement (concurrent, fournisseur, client). Ainsi, par exemple, pour les
entreprises cotées en bourse, la perte d’indépendance peut prendre la forme d’une
prise de contrôle de l’entreprise par un tiers (OPA hostile) liée à la vul nérabilité
de la firme ou à la dispersion de son capital. Le risque de dépendance à l’égard
d’un tiers peut aussi être purement financier (cf. banque) lorsque par exemple
l’entreprise vient de s’endetter massivement, ou commercial (cf. client) quand
l’activité repose sur un petit nombre de clients ;
les crises humaines, sociales et organisationnelles internes : elles peuvent prendre
la forme d’oppositions entre la direction de l’entreprise et ses salariés pour cause
de conflits d’intérêts ou d’objectifs et aboutir à la propagation de rumeurs, au
départ d’une partie du personnel (démissions) ou à une dégradation du climat
social (turnover, absentéisme, résistance passive…) ;
les crises humaines, sociales et organisationnelles externes : elles concernent le
comportement et les réactions des parties prenantes de l’entreprise et ses effets
négatifs sur la bonne marche de la société (consommateurs, citoyens, groupes de
pressions…).

Figure 1.2 – La typologie des crises

La coexistence d’intérêts contradictoires

Stratégie et finance

Si la stratégie induit des choix financiers à long terme (investissements, endettement),


inversement la politique financière a des implications au niveau de la stratégie. Tout
d’abord, les choix financiers affectent les risques attachés à l’entreprise. La structure
financière (capitaux/dettes) induit un risque de liquidité et un risque de rentabilité. Le
premier se produit lorsque l’entreprise n’est plus en mesure d’assurer ses engagements
à l’égard de ses créanciers financiers (risque de faillite). Le second risque est lié à
l’impact de la fixité des charges financières sur la rentabilité des actionnaires.
Le caractère stratégique des choix de financement tient à une autre raison : la
politique financière est étroitement associée à la gestion de l’actionnariat. Si les intérêts
de celui-ci ne sont pas satisfaits, l’actionnariat se disperse, fuit le titre et peut ainsi
fragiliser l’équipe de direction. De même, la stabilité du contrôle repose en partie sur
la pérennité d’une alliance actionnariale entre membres d’une même famille ou acteurs
disposant d’intérêts convergents. La composition de l’alliance actionnariale est donc de
nature stratégique. Elle engage des relations à long terme, ayant forcément en
contrepartie la distribution des dividendes ou encore la concertation sur les grandes
décisions. La stratégie et la finance sont donc étroitement liées.
La stratégie entraîne des conséquences financières lourdes, elle organise le pouvoir
dans l’entreprise et doit lui permettre de gérer ses contraintes de compétitivité et de
sécurité. Ces critères sont essentiels pour donner une légitimité à l’entreprise
susceptible de véhiculer une image valorisante et des liens de confiance avec les
différents partenaires (banquiers, clients, fournisseurs). Inversement, la fonction
financière doit assurer le financement des objectifs stratégiques, préparer dans de
bonnes conditions la mobilisation des ressources internes et externes et anticiper les
conséquences économiques des décisions stratégiques.
Les deux approches stratégiques et financières se croisent également au niveau de la
gestion des risques. Elles s’accordent sur le principe de la réduction de ceux-ci par la
diversification. En revanche, elles divergent quant à savoir si la gestion des risques doit
être assumée par l’entreprise ou doit rester du ressort de l’actionnaire. En principe,
quelle que soit la nature des actifs considérés (actifs physiques ou financiers), le risque
du propriétaire dépend de la composition de son portefeuille d’actifs. Plus le
portefeuille contient des actifs dont les risques sont non corrélés, plus le risque global
du propriétaire diminue. En diversifiant son portefeuille en actifs indépendants, le
propriétaire réduit le risque qui pèse sur sa richesse, dans la mesure où le revenu tiré
des actifs gagnants compensera la perte éventuelle des autres actifs. Sur ce point, la
diversification stratégique peut être amenée à séparer les intérêts du dirigeant de ceux
des actionnaires.
Pour le stratège, la diversification stratégique de l’entreprise est un moyen de
« lisser » les résultats globaux du groupe en compensant les aléas d’une branche par les
réussites d’une autre. En effet, certaines activités obéissent à des mouvements
conjoncturels propres qu’il est possible de contrebalancer par des activités ayant un
cycle contraire. Un second objectif est de compenser l’arrivée à maturité de certains
métiers ou activités par l’émergence de nouveaux domaines qui seront financés par les
métiers ou activités existant, dont l’excédent en trésorerie dépasse leurs propres
besoins en financement.
Pour le financier, la diversification stratégique est une voie de développement qui
ne sert pas les intérêts réels des actionnaires. Ceux-ci préfèrent investir dans des titres
diversifiés (voir la décote des holdings) pour plusieurs raisons : le conglomérat n’offre
pas la meilleure rentabilité dans tous les secteurs où il est implanté. Plus un groupe est
diversifié, plus la probabilité augmente qu’il ne soit pas le meilleur dans chacune de
ses branches. La diversification peut donc avoir tendance à privilégier le portefeuille
d’activités au détriment d’un portefeuille de compétences connues et maîtrisées par
l’entreprise (fructification des compétences clés). Or ce qui importe pour l’actionnaire,
ce n’est pas que l’entreprise diversifie ses risques mais les réduise grâce à une
meilleure maîtrise de ses métiers, en sélectionnant les marchés où elle occupe une
position de force. La domination d’un marché permet en effet de réduire le risque à
plusieurs égards. Elle assure un fort pouvoir de négociation auprès des fournisseurs,
clients et partenaires. Elle permet de doter l’entreprise de barrières à l’entrée pour ses
marchés, en réalisant des économies de coûts importantes. Elle peut également faciliter
la réalisation d’accords avec les autres entreprises du secteur (contrats d’exclusivité,
quasi-intégration). Les groupes diversifiés peuvent également être suspectés de ne pas
prendre au sein d’une branche en difficulté les mesures adéquates, tant que les résultats
obtenus ailleurs leur offrent une compensation. L’actionnaire a, quant à lui, tout loisir de
diversifier son portefeuille d’actions, en investissant dans plusieurs entreprises de
métiers et secteurs différents. La diversification stratégique peut donc apparaître pour
un investisseur comme une manœuvre permettant de complexifier volontairement la
stratégie du groupe (refus de transparence). La diversification des risques par
l’entreprise (cf. stratégie de diversification notamment conglomérale) est donc
contestée par les financiers, au motif que la diversification des risques est du ressort
des investisseurs (actionnaires) et non de l’entreprise et de ses dirigeants. L’entreprise
est par conséquent invitée à assumer un risque circonscrit (logique de recentrage) plutôt
qu’à le compenser par d’autres (stratégie de diversification). Elle doit ainsi réduire ses
risques en les maîtrisant et non pas en les diversifiant.
Ainsi, qu’il y ait convergence ou divergence, stratégie et finance entretiennent des
rapports étroits, notamment lorsqu’il s’agit d’évaluer une entreprise à l’aide d’un
diagnostic et de créer de la valeur.

Cas d’entreprise
Le lien stratégie-finance : le cas Emerson
« Le succès d’Emerson est dû à l’intégration systématique de la stratégie et de la finance dans
toutes les décisions importantes de l’entreprise. La “chance” d’une société ne pourrait durer
40 ans, surtout dans les secteurs d’activité cycliques, concurrentiels et à faible contenu
technologique où opère Emerson. La société a mis en place un système prévisionnel très
perfectionné : chaque branche d’activité doit élaborer un plan détaillé à cinq ans comportant des
prévisions de résultats financiers, avec argumentaire à l’appui. Les responsables de ces
branches d’activité ont recours au système Dupont pour dresser leurs prévisions. Les cadres
chargés de l’élaboration des plans prévisionnels par division doivent répondre à des
questionnaires très détaillés. Ils doivent montrer qu’ils savent parfaitement comment leur plan
sera mis en œuvre et pouvoir justifier leurs prévisions financières, en termes de stratégies
commerciale et opérationnelle. Voilà comment s’explique la réussite d’Emerson pendant de
nombreux cycles d’activité consécutifs. Ayant compris comment la richesse est créée par
l’intégration des stratégies de gestion et financières, la société a assuré sa rentabilité à long
terme. ».
D’après F. Allen et J.R. Percival, « L’Art de la Finance », Les Échos, 2004.

Stratégie et marketing

Si la stratégie et le marketing visent à répondre aux mêmes enjeux, leur champ


d’intervention se situe à des niveaux différents. En effet, pour atteindre ses objectifs,
l’entreprise doit agir à trois niveaux :
à un niveau global (corporate strategy) : la stratégie globale d’une entreprise
correspond à l’ensemble des décisions et actions qui orientent de façon
déterminante et sur le long terme la mission, les métiers et les activités de
l’entreprise, ainsi que son mode d’organisation et de fonctionnement. Elle
correspond aux décisions stratégiques élaborées au plus haut niveau de
l’organisation (P-DG, Direction générale, Comités de direction et
d’administration) et s’appuie généralement sur un système culturel propre issu de
l’histoire et de la personnalité de ses principaux dirigeants. Il est à noter que dans
les sociétés cotées, la stratégie globale de l’entreprise est fortement influencée par
les attentes des actionnaires et des marchés financiers ;
au niveau des activités (business strategy), où il s’agit essentiellement d’étudier la
valeur stratégique d’une activité et la position de l’entreprise par rapport à la
concurrence. Selon cette perspective, la stratégie par activité doit permettre à
l’entreprise d’obtenir des avantages distinctifs sur l’ensemble de ses concurrents
dans un domaine d’activité et un marché particuliers. Ceci revient par conséquent à
identifier les facteurs clés de succès du marché considéré, en vue de rechercher de
nouvelles opportunités de développement pour ses produits et services. Le
domaine d’activités étudié doit donc se voir comme une sous-partie de
l’organisation (filiale, division, département) sur laquelle il est possible d’allouer
et de retirer des ressources de manière quasi-indépendante et d’établir une
combinaison spécifique de facteurs clés de succès (mise en place d’une stratégie
concurrentielle spécifique) ;
au niveau de segments de marché4 (marketing strategy), où on va essentiellement
étudier les politiques de produit (Product), prix (Price), distribution (Place) et
communication (Promotion), nécessaires pour satisfaire les besoins et attentes du
client (mix marketing – 4P). La politique produit définit les caractéristiques
techniques des produits et services qui seront proposés à chaque segment de
marché et à anticiper leur déclin éventuel en fonction du cycle de vie. Au-delà des
caractéristiques techniques, la politique produit s’intéresse aussi à l’image des
produits perçue par les consommateurs, au conditionnement (design, qualité de
l’emballage, présentation matérielle), à la politique de gamme et naturellement aux
marques. La politique prix étudie principalement la détermination du prix par
rapport à la concurrence, les questions d’élasticité et les contraintes
réglementaires. La politique distribution analyse le système de distribution (nature
et emplacement). Enfin, la politique de communication aborde les questions de
publicité, promotion et relations publiques.
On peut ainsi définir le marketing comme l’ensemble des actions et des techniques
qui, dans une économie de marché, ont pour objectif d’étudier, de stimuler et de
renouveler les besoins des consommateurs, au travers de produits et de services
adaptés.
Ainsi, le marketing remplit trois fonctions :
une fonction d’étude et de veille sur le comportement du consommateur, en vue de
répondre de manière satisfaisante à ses attentes et besoins ;
une fonction de stimulation et de promotion des ventes, afin de concrétiser un intérêt
perçu chez le consommateur en acte d’achat et favoriser le passage à l’acte ;
une fonction d’adaptation et de renouvellement des produits, en fonction de
l’évolution des attentes et besoins du consommateur, des évolutions technologiques
et de la concurrence.
La stratégie d’entreprise est essentiellement du ressort de la Direction générale et
vise donc à aider au développement de l’entreprise, avec des actions qui lui permettent
d’augmenter son efficience et son efficacité (recherche de compétitivité), tout en
assurant un minimum de stabilité et d’autonomie au niveau de la conduite de ses affaires
(recherche de sécurité). Une fois ses orientations définies (choix des métiers et activités
de l’entreprise), il importe de découper l’activité de l’entreprise – son marché –, en
différents segments de clientèle caractérisés par les mêmes besoins, habitudes et
comportements d’achat. Cette démarche relève de la politique marketing. La
segmentation marketing consiste à découper un marché en segments, à partir de critères
plus ou moins empiriques en relation avec la consommation (segmentation descriptive)
ou des critères socioculturels (styles de vie) ou encore sur la base d’avantages
recherchés. Elle vise à répondre à deux questions clés : Quelle est la cible ? Quels sont
les produits adaptés aux différentes cibles identifiées ? Pour chaque segment identifié,
le responsable Marketing va alors étudier le marché et choisir ses cibles, définir le
produit ou le service adapté aux attentes des consommateurs, déterminer le prix de
vente du produit, choisir les canaux de distribution (circuits), assurer la publicité et la
promotion des ventes, réaliser la vente et l’après vente. Il est proposé, à l’appui du
tableau ci-après, de pointer les différences fondamentales entre l’analyse stratégique et
la démarche marketing.

Tableau 1.2 – La comparaison des démarches stratégique et marketing

Démarche stratégique Démarche marketing

Stratégie globale Politique marketing


Aider au développement de l’entreprise, en trouvant Sur un segment de marché donné, étudier,
des actions qui lui permettent d’augmenter son stimuler et renouveler les attentes et besoins des
efficience et son efficacité (recherche de consommateurs.
compétitivité), tout en assurant un minimum de
stabilité et d’autonomie au niveau de la conduite de
ses affaires (recherche de sécurité).

Stratégie par activité Actions marketing


Développer des stratégies concurrentielles Développer et améliorer la vente des produits et
adaptées à la nature des concurrents (taille, services de l’entreprise par une politique adaptée
avantages, position) sur des domaines d’activités (innovation-produit, renouvellement des marques et
spécifiques. des produits, actions de communication et de
promotion, sélection des canaux de distribution), en
vue de répondre au mieux aux attentes et besoins
d’une clientèle particulière.

Nature des changements Nature des changements


Entraîne des changements à moyen et long Entraîne des changements à court terme.
termes.

Objectifs stratégiques Objectifs marketing


Croissance dynamique, diversification des Qualité des produits, notoriété de la marque,
activités, réduction des coûts, amélioration de la gamme complète de produits, part de marché,
productivité et de la flexibilité, maintien des marges conservation de la clientèle, acquisition de
globales, capacités d’innovation, acquisition de nouveaux clients, satisfaction des clients,
nouvelles compétences clés, bonne utilisation de rentabilité par segment…
l’actif, retour sur investissement ; gestion des
risques, image et réputation de l’entreprise…
Stratégie et management

Jusqu’à la fin des années soixante-dix, une conception planificatrice de la stratégie,


consistant à définir et à élaborer des programmes d’actions établis par le sommet de la
hiérarchie, a dominé. La stratégie s’apparentait dès lors à une approche formalisée,
censée garantir une coordination et une orientation optimale des objectifs, politiques et
actions de l’entreprise. À l’instar des travaux de Chandler (1962), la stratégie était
ainsi définie comme « l’acte de déterminer les finalités et les objectifs fondamentaux à
long terme de l’entreprise et de mettre en place les actions et d’allouer les ressources
pour atteindre les dites finalités. »
Cette conception de la stratégie a eu comme conséquence de minimiser le rôle et
l’impact du management sur les organisations. En effet, en mettant l’accent sur l’analyse
et la prévision, elle a porté une attention limitée aux possibilités d’adaptation ou de
modification rendues nécessaires par l’évolution de l’environnement. Ainsi, en
associant stratégie et planification, les entreprises ont pendant longtemps sous-estimé
les variations de l’environnement et la part prise par l’organisation (mobilisation des
acteurs, gestion des ressources disponibles) dans la formation d’une stratégie.
Avec l’accélération des évolutions économiques, technologiques et sociétales, la
réflexion stratégique a été, ces dernières décennies, complétée par un travail
d’accompagnement sur le terrain, afin de rendre plus lisibles et réalistes les analyses
effectuées.
Parallèlement au travail d’analyse et de planification, les acteurs de l’entreprise ont
cherché à mieux prendre en compte la réalité du contexte, en combinant efficacement les
changements souhaités (objectifs) avec des phénomènes émergents produits par
l’évolution des contextes. En particulier, l’importance accordée aux changements
extérieurs et à la difficulté d’appliquer en l’état les objectifs définis (manque de
réalisme, mise en œuvre délicate, résistance aux changements) a conduit les
responsables à porter une attention plus grande à l’apprentissage et à l’expérimentation,
en favorisant des interactions constructives avec les acteurs de l’environnement
(concept d’entreprise élargie, partenariats avec clients et fournisseurs, alliances avec
concurrents). Elle a également obligé les responsables à lier la stratégie à son
déploiement, en accordant une importance accrue à la cohérence organisationnelle et
aux ressources de l’entreprise. Ceci implique en particulier de construire la stratégie de
la firme autour d’une approche par les ressources, en déterminant les compétences et
moyens susceptibles de lui donner un avantage durable. Cette exigence nouvelle passe
notamment par une analyse des ressources (ou combinaisons) qui ont une valeur réelle
pour l’entreprise et par des actions concrètes de valorisation (renforcement des
ressources existantes, acquisition de ressources complémentaires, développement de
nouvelles ressources, transfert de ressources à d’autres domaines).
Cette logique, définie par certains auteurs sous le vocable de management
stratégique, permet de donner une vision plus réaliste de la stratégie. Elle entend
notamment éclairer les réflexions par un travail d’exploration et d’expérimentation,
visant à gérer l’environnement externe de l’entreprise (marché, concurrence, clients,
fournisseurs) et les ressources internes, afin de créer les conditions d’un projet original
et mobilisateur. En effet, le management stratégique consiste à gérer les interactions
entre stratégie, structure, décision et identité. C’est au dirigeant que revient la mission
de gérer les problèmes complexes auxquels l’entreprise est confrontée, tout en prenant
en compte le fonctionnement quotidien de l’organisation.

La nécessité de concilier stratégie et management


« Excédant la seule délibération stratégique et la formulation des choix, le management
stratégique s’efforce d’intégrer les phénomènes émergents aux projets délibérés et se préoccupe
de la mise en œuvre des intentions. Cette dimension processuelle, qui inclut notamment
l’apprentissage, distingue le management de l’analyse stratégique. »
D’après G. Koenig (2004, p. 516).

Stratégie et GRH

Traiter conjointement de stratégie et de GRH apparaît plus paradoxal que pour d’autres
fonctions comme le marketing et la finance. En effet, alors que les ressources humaines
d’une entreprise sont dans les discours des dirigeants présentées comme sa plus grande
richesse et son premier facteur clé de succès, les décisions stratégiques prises laissent à
penser que la dimension humaine est souvent considérée comme secondaire sur le
terrain (par exemple, rares sont les Responsables RH qui sont invités à la table des
négociations d’une opération de fusion). De même, les responsables RH n’ont gagné
que très récemment leur place dans les comités de direction et encore seulement dans
les plus grands groupes mondiaux (Bournois & al., 2003).
En fait, ce décalage entre discours et réalité s’explique par l’histoire de la fonction
RH qu’on peut décomposer en trois temps.
Tout d’abord, la fonction appelée alors « Personnel » était centrée sur
l’administration du personnel et apparaissait comme une fonction technique,
opérationnelle, très éloignée des enjeux stratégiques. Les salariés sont pensés
comme des charges (maîtrise des coûts salariaux) porteurs de revendication
(conditions de travail et salaires), allant à l’encontre des objectifs de performance
de l’entreprise. On oppose alors la logique sociale (RH) et la logique économique
(Stratégie). Le responsable du personnel ne fait pas partie des équipes de direction
et n’a pas une vision stratégique des enjeux de son organisation.
Puis, différentes évolutions (loi sur la formation continue par exemple en 1971,
complexification de l’environnement, crises économiques à répétition) viennent
modifier la fonction RH qui devient un des moyens privilégiés pour atteindre
certains objectifs stratégiques. Cependant, la RH reste secondaire face à la
nécessité d’analyser et de comprendre l’environnement concurrentiel et au besoin
d’optimiser les processus organisationnels (réorganisation interne, démarche
qualité, méthodes de production optimisées importées…). De plus, à cette époque,
les RH sont aussi perçues comme un facteur de risque (risque de confits,
d’incompétences, d’obsolescence, de rigidité…) qu’il faut surveiller.
Progressivement, la fonction RH semble enfin acquérir une dimension stratégique.
Cette évolution se fait en deux temps. Dans une première période (1985-1995), la
dimension RH intègre les principaux outils du diagnostic stratégique (modèle des
7S de McKinsey par exemple). La RH devient alors un des leviers de performance
des organisations. Les dirigeants doivent donc l’intégrer dans leur stratégie au
même titre que le marketing ou la finance. Les indicateurs RH (taux de turnover, %
de la masse salariale consacré à la formation, etc.) deviennent des descripteurs de
la situation concurrentielle d’une entreprise. Par exemple, un investissement plus
faible en formation qu’un concurrent est considéré comme un signe aussi inquiétant
que le niveau relatif d’investissement en recherche et développement. Dans une
deuxième période, des théories comme la théorie des « compétences distinctives »
ou de « la ressource » (Barney, 1999), mettent les RH au cœur des processus
stratégiques. La stratégie d’une entreprise est alors perçue comme dépendante de
sa capacité à s’appuyer sur ses ressources, notamment humaines, et ses
compétences fondamentales. Les RH deviennent ainsi une source d’avantages
concurrentiels pour l’entreprise. On constate un rapprochement du vocabulaire RH
et du vocabulaire de la stratégie (gestion par les compétences, management des
compétences, etc.). La GRH est au service des buts à long terme que se donne
l’entreprise. Elle s’assure par exemple que les Ressources Humaines futures sont
en adéquation avec les besoins futurs dictés par la stratégie, pour éviter des
décalages douloureux pour la position concurrentielle de l’entreprise. Elle devient
par conséquent une fonction anticipatrice et prospective notamment dans le cadre
de la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences.
Ces dernières années, les évolutions récentes (nouvelle gouvernance) ont renforcé le
caractère stratégique des Ressources Humaines. La fonction RH doit préserver
l’employabilité des salariés (construction de trajectoire professionnelle satisfaisant à la
fois l’entreprise et l’individu) pour garantir les performances futures et limiter les
risques de restructuration (destructeur de valeur).
Elle a également comme mission de gérer la Responsabilité Sociale de l’entreprise et
notamment sa dimension Éthique (principes du développement durable). Enfin, elle
permet à l’entreprise de s’adapter en permanence à son environnement, en mettant en
place une culture du changement et en favorisant la flexibilité des structures et des
équipes.
Le rôle de la DRH s’en trouve modifié. Au-delà de ses rôles traditionnels, elle est
chargée de véhiculer la stratégie du groupe, de la rendre audible par les salariés et
d’accompagner au niveau humain les décisions prises. Ainsi, on assiste à un alignement
des grandes fonctions de l’entreprise au service de la stratégie.
Un service RH doit avoir une dimension stratégique (préparer les équipes pour le
futur, permettre la réalisation des objectifs fixés par la direction générale), mais il doit
aussi intégrer la dimension marketing (adopter une logique client-fournisseur avec ses
différents partenaires que sont la direction générale, les salariés, les managers, les
partenaires sociaux, faire du marketing social pour attirer les nouveaux collaborateurs
et fidéliser les meilleurs salariés) et maîtriser la dimension financière (prouver que les
investissements RH sont créateurs de valeur, justifier des actions et rendre des
comptes).
Cependant, on ne gomme pas comme cela le poids du passé. Deux tendances sont
donc encore souvent répandues dans les organisations. Tout d’abord, l’alignement de
la stratégie et des RH reste contingent à la situation économique : il semblerait que les
entreprises fassent des RH un acteur stratégique seulement en période de
développement et de croissance. Dès que le cycle économique s’inverse, la tendance
est de redonner la priorité à la dimension financière (salariés considérés comme des
charges et non comme des investissements à valoriser, plan de restructuration,
diminution du budget formation, etc.).
D’autre part, il faut noter un décalage encore présent entre le discours et les faits.
Alors que les RH s’imposent dans le discours comme un partenaire stratégique, les
études menées par Pichault (2004) et Lawler et Mohrmann (2003) ont montré que le
temps de travail des membres du département RH était largement dominé par les tâches
administratives à 56 %, contre 28 % pour les rôles stratégiques et que la fonction RH
était encore fréquemment absente des grands enjeux organisationnels.
Le lien entre RH et Stratégie reste donc encore à stabiliser et à renforcer bien qu’il
apparaît comme le seul garant de performances durables.

L’importance d’une vision fédératrice


La stratégie d’entreprise est l’ensemble des décisions et des actions qui orientent de
façon déterminante, et sur le long terme, la mission, les métiers et les activités de
l’entreprise, ainsi que son mode d’organisation et de fonctionnement. La stratégie porte
à la fois sur l’entreprise et son environnement et a un effet sur sa politique générale.
Elle permet de tracer le champ d’actions dans le temps (3/5 ans) et dans l’espace
(marchés et clients visés) à partir des ressources existantes (financière, humaine,
technologique, organisationnelle, immatérielle…) et de nouvelles dotations, en fonction
des évolutions de l’environnement.
La stratégie s’énonce dans le cadre d’une vision généralement formalisée mais
évolutive, où il s’agit à partir d’une analyse de l’existant (forces/faiblesses,
opportunités/menaces) de dessiner le champ d’activités de l’entreprise, en misant sur
ses principaux atouts et en recherchant la meilleure façon d’y parvenir en termes de
moyens, investissements et modalités d’actions. Hamel et Prahalad (1996) préfèrent le
mot de « clairvoyance » qui traduit la compréhension profonde de l’évolution
technologique, démographique, législative et sociale, dont il est possible de tirer parti,
pour réécrire les règles et aménager un nouvel espace concurrentiel. La clairvoyance en
stratégie consiste à recenser et évaluer les barrières qui confèrent à l’entreprise une
compétence distinctive, aujourd’hui mais aussi dans l’avenir, en vue de préserver ses
activités et de créer les conditions futures de sa domination sur le marché.
L’un des principes de base de la stratégie consiste donc à choisir les métiers et
activités pour lesquels l’entreprise peut maintenir et développer durablement des
avantages concurrentiels au sein de l’environnement.
Il serait en revanche une erreur de considérer la stratégie comme le résultat d’une
optimisation technique et rationnelle entre les opportunités et les menaces du marché, et
les forces et faiblesses de l’entreprise. La stratégie est avant tout la traduction en
actions d’une vision singulière (d’un système de pensée), fruit de l’analyse et de
l’intuition, qui évolue au gré des événements, des expériences personnelles et
professionnelles et des interactions. Les décisions stratégiques ne sont donc pas des
décisions linéaires mais bien des décisions paradoxales au sens de E. Luttwak, qui sont
généralement un mélange subtil de réflexion et d’action, d’affect et de rationalisation,
de créativité et d’adaptation, d’expérience et d’innovation. Il en va également de leur
réalisation, qui comporte parfois des processus de convergence, mais aussi de
divergence qui peuvent écarter le projet de sa formulation initiale.
Par rapport aux décisions courantes (achat de fournitures, entretien, maintenance,
gestion des activités…), les décisions stratégiques présentent certaines particularités.
Nous présentons ci-après les principales caractéristiques associées à une prise de
décision stratégique.
1. Les décisions stratégiques ont généralement un impact sur l’ensemble de
l’organisation, en établissant un lien étroit entre la stratégie, la finance et le management
des activités, qui peut créer des changements structurels au niveau de ses différentes
composantes. La décision stratégique, en favorisant l’engagement de l’ensemble des
acteurs (structure, groupe, individu) entraîne un système d’interdépendances qui tend à
faire évoluer l’organisation de façon globale.
2. Les décisions stratégiques ont souvent des effets durables qui peuvent modifier en
profondeur les fondements de l’organisation, ses marges de manœuvres et d’actions, ses
missions et le champ de ses activités principales (métiers, activités, ressources). Elles
déterminent en effet de façon plus ou moins irréversible la nature de l’entreprise et ses
relations avec l’environnement.
3. Les décisions stratégiques répondent en général à des situations complexes et
incertaines, où la prise de risque est élevée. Il est en effet très rare que les décisions
stratégiques reproduisent des démarches déjà testées ou expérimentées et s’appuient sur
des éléments connus ou familiers. L’entreprise est souvent obligée de se projeter dans
le futur, sans avoir une maîtrise totale de la situation.
4. Les décisions stratégiques sont traditionnellement prises par les dirigeants eux-
mêmes. Il y a donc dans ce domaine un faible niveau de délégation. En clair, les
décisions se prennent simplement à quelques-uns au sommet de la hiérarchie (même s’il
convient que les décisions prises soient comprises et acceptées par le plus grand
nombre).
5. La prise de décision stratégique est généralement un acte coûteux. Elle nécessite en
amont des études et analyses, des confrontations et le plus souvent une prise de risques
souvent difficile à évaluer en termes de coûts et de conséquences pour l’organisation
(perte de part de marché, détérioration de l’image de l’entreprise, procès…). Le
rapport au temps constitue également un défi pour le décideur qui doit veiller à gérer à
la fois le temps nécessaire à la mise en œuvre de la décision (réflexion préalable,
réunion…) et la durée de la réalisation du plan d’actions. En effet, des changements
rapides et imprévus alliés à l’incertitude de l’environnement peuvent venir perturber les
certitudes en matière de décision et rendre la réalisation de la décision plus hasardeuse.

Exemples
Des prises de décisions stratégiques
Pour continuer à se développer, une entreprise est obligée périodiquement de prendre un certain
nombre de décisions stratégiques. On peut citer comme exemples :
le changement du métier de base de l’entreprise ;
l’acquisition d’actifs spécifiques (marque, brevet, localisation, licence, savoir-faire,
équipements particuliers…) ;
l’intégration de nouveaux métiers (intégration verticale/diversification) ;
la création de nouveaux produits ou services ;
le changement de statut de l’entreprise ;
la création d’une société sous une autre forme juridique ;
l’augmentation, l’amortissement ou la réduction du capital ;
la dissolution de la société ;
le rachat de sociétés (fusions-acquisitions) ;
les alliances entre firmes (filiales communes, prises de participations croisées, GIE,
consortium) ;
les politiques de changement organisationnel : modification de la structure et de la culture
d’entreprise ;
toutes autres décisions impliquant des modifications durables au niveau de la mission, des
métiers et du fonctionnement de l’entreprise.

Cas d’entreprise

La décision stratégique du Groupe Danone


La décision prise par le Groupe Danone en 1997 de se recentrer sur trois métiers de base à
vocation mondiale (cession de plusieurs activités initialement détenues par l’entreprise), illustre
les caractéristiques d’une prise de décision de nature stratégique.
Au-delà des préférences individuelles ou collectives, les décisions stratégiques s’appuient
également sur une analyse de la situation et sur une anticipation des mouvements
concurrentiels. Comme on pourra le constater, la mondialisation de l’économie et l’influence
croissante des marchés financiers sont de nature à fortement influer sur les processus de
décisions stratégiques.

■ 1997 : une décision stratégique majeure pour le Groupe Danone


En 1997, le Groupe Danone est amené à revoir sa stratégie en procédant, durant la période, à
une analyse de son portefeuille d’activités. L’analyse repose sur cinq principaux critères : les
perspectives de croissance, la position concurrentielle, l’aptitude à la mondialisation, le niveau
de rentabilité, la contribution à la création de richesse pour l’actionnaire.
Ceci conduit l’entreprise à opérer un recentrage majeur de son portefeuille d’activités, passant
d’un vaste conglomérat agroalimentaire à un groupe tri-spécialiste recentré sur trois métiers de
base à vocation mondiale (produits laitiers-biscuits-boissons). Plusieurs raisons peuvent
expliquer un tel recentrage :
la concurrence des distributeurs et des premiers prix impose de se recentrer sur une marque
forte connue et reconnue sur laquelle l’entreprise peut concentrer ses efforts de publicité et
de promotion ;
Danone a, sur le plan international, un retard significatif par rapport à son concurrent Nestlé.
Ceci l’oblige à axer son développement international sur les métiers où elle peut rivaliser
avec ses principaux rivaux ;
la diversité des produits et des marques a un coût que même un groupe important ne peut
indéfiniment financer, compte tenu des dépenses élevées en innovation, marketing,
publicité, promotion et des besoins de financement pour sa croissance (fusions-
acquisitions, joint-ventures, nouvelles usines…) ;
une diversification trop poussée peut être une source d’inquiétude pour les investisseurs qui
préfèrent généralement diversifier eux-mêmes leurs portefeuilles de titres, en sélectionnant
des entreprises spécialisées, solides financièrement et maîtrisant leur métier de base.

Il existe, dans l’entreprise, plusieurs niveaux de décisions essentielles au


développement de l’organisation (Charpentier, 2000). En particulier, il importe de
distinguer, dans l’analyse, la décision stratégique des autres décisions administratives
et opérationnelles.
L e s décisions stratégiques portent essentiellement sur les stratégies de
développement de l’entreprise et leur mise en œuvre (structure et modalités d’actions)
et présentent généralement des risques élevés (situations incertaines et complexes). À
l’inverse, les décisions administratives concernent l’organisation et le fonctionnement
quotidien de l’entreprise et doivent assurer la bonne circulation des informations entre
les différents services. Elles agissent principalement par la mise en place de règles de
suivi et de contrôle et le développement de procédures. Les décisions opérationnelles
visent à gérer les activités technologiques, industrielles et commerciales de
l’entreprise, en veillant à atteindre les objectifs de progrès fixés par l’entreprise
(efficacité, productivité, qualité). Elles touchent donc en priorité les savoirs et savoir-
faire de l’entreprise (outils, méthodes et processus opératoires) ainsi que les choix en
matière de répartition des tâches.
Il est proposé ci-après une comparaison rapide de ces trois types de décisions
auxquelles l’entreprise doit faire face dans le développement et la gestion de ses
activités.

Tableau 1.3 – Les différents niveaux de décisions

Typologie des
décisions Décisions Décisions Décisions
stratégiques administratives opérationnelles
Critères

Long terme Moyen terme Court terme


Horizon temporel Traite des problèmes Traite de la gestion Traite de la gestion des
fondamentaux des flux activités

Décision spécifique Décisions plurielles Décisions nombreuses


Fréquence et degré et répétitives
de répétitivité Situation complexe Routine
organisationnelle

Degré d’incertitude Très élevé Moyen Faible


et prise de risques

Degré de réversibilité Très faible Moyen Élevé

Global Partiel Local


Impact Concerne l’ensemble Associé à une ou Spécifique à une
de l’organisation plusieurs procédures fonction
Direction générale Directions Logique
fonctionnelles de décentralisation (au
Niveau de décision (divisions, services, niveau des unités
départements) opérationnelles)

Informations Informations Informations précises


évolutives et détaillées en rapport et factuelles
Informations requises
émergentes avec les transactions
courantes

Mission, métier Procédures, Volume de production,


et activités règlements, délais, qualité, coûts,
Type de structure systèmes de gestion des stocks
Champ d’actions régulation et de
Croyances et valeurs communication,
modalités d’exécution
du travail

La nécessité de fixer des objectifs stratégiques


Fondamentalement, une entreprise va définir des objectifs et un programme en fonction
de la vision de ses dirigeants (aspirations, valeurs, croyances) et de la perception qu’ils
peuvent avoir de l’environnement dans lequel ils évoluent (environnement
stable/instable ; sûr ou risqué, cernable ou complexe). La finalité correspond par
conséquent aux fondements, aux intentions qui animent les choix et décisions des
dirigeants.
On peut distinguer deux principaux axes d’analyse :
axe 1 : le degré de conformité accepté par rapport au contexte dans lequel opère
l’entreprise (soumission/aménagement) ;
axe 2 : le degré de changement stratégique recherché par l’entreprise au sein de
l’environnement (adaptation/transformation).
À partir de ces deux axes, il est alors possible d’établir la matrice suivante :

Tableau 1.4 – Les postulats stratégiques de l’entreprise

Conformité au contexte Aménagement du contexte

Volonté d’adaptation S’accommoder/subir Se différencier

Volonté de transformation Se focaliser Innover


En fonction de ces postures, les choix de l’entreprise peuvent donc fortement différer,
notamment en termes de priorités, de gestion des risques et de performance attendue.

Qu’entend-on par objectif stratégique ?

On entend par objectif stratégique, l’affirmation spécifique d’un résultat attendu qui
oriente, sur une action ou un projet donné, la politique de l’entreprise, et qu’il est
possible de mesurer ou d’observer sur une période déterminée (échéance). Un objectif
stratégique peut se voir comme un guide montrant la direction à suivre et ce que l’on
veut atteindre. Il est censé influer sur le type d’actions à entreprendre, pour développer
et gérer une entreprise. L’objectif stratégique peut aussi constituer une source de
motivation et d’incitation, en stimulant les acteurs de l’organisation. Atteindre un
objectif ambitieux ou valorisant peut en effet apparaître comme un défi à relever pour
les collaborateurs de l’entreprise. Il renvoie en particulier à une logique de
responsabilité et d’initiative.

Les caractéristiques clés d’un objectif stratégique


Il doit tendre vers un résultat.
Il doit être clair (pas d’ambiguïté) et réaliste.
Il doit être cohérent avec les enjeux et les valeurs des dirigeants.
Il doit être énoncé de manière simple.
Il doit être justifié et accepté.
Il doit pouvoir être décomposé en sous-objectifs (ex : l’augmentation d’une rentabilité de x %
peut correspondre à une augmentation des ventes de y % et à une baisse des coûts de
z %).

Un objectif stratégique peut être défensif (consolidation des positions) ou offensif


(recherche de nouvelles opportunités). Il s’appuie sur une gamme étendue de ressources
(compétences ou moyens). Pour atteindre l’objectif fixé, l’entreprise doit souvent
intégrer dans sa stratégie trois dimensions : le temps (calendrier), l’espace (marché) et
la connaissance nécessaire (informations, procédures, savoir-faire).

La nature des objectifs

Les objectifs stratégiques peuvent concerner plusieurs domaines :


les enjeux et attentes en matière de croissance : croissance agressive ou rapide,
croissance durable ou soutenable, maintien de l’activité, réorientation, gestion du
déclin ;
l’image et le positionnement corporate de l’entreprise : vocation, métiers,
responsabilité sociale et environnementale, représentations, réputation ;
les relations avec les parties prenantes (stakeholder) et les actionnaires
(shareholders) et plus particulièrement les choix en termes de création et de
répartition de valeur : dividendes, autonomie financière, stock-option, politique de
rémunération, relations avec les sous-traitants, avantages procurés aux clients… ;
les voies de développement de l’entreprise : spécialisation, recentrage, intégration
verticale, diversification, internationalisation ;
les modes de développement : fusion, acquisition, prise de participation, recherche
et développement, alliances stratégiques, sous-traitance, externalisation ;
la position de l’entreprise sur ses marchés : leader, suiveur, challenger ; et ses
choix concurrentiels : domination par les coûts, différenciation, innovation,
internationalisation…

Exemple
Les objectifs stratégiques d’Eaton Corporation
Pour Stephen R. Hardis, le P-DG d’Eaton Corporation, la stratégie pour enregistrer une meilleure
croissance sur ses marchés finaux passe par la réalisation des objectifs suivants :
Utiliser les liquidités disponibles pour financer des acquisitions qui renforceront le leadership
de l’entreprise et amélioreront la croissance à long terme des bénéfices.
Introduire des produits majeurs sur les principaux marchés émergents des pays qui
s’industrialisent rapidement.
Utiliser les atouts technologiques développés par l’entreprise pour protéger les filiales
existantes des concurrents mondiaux, en vue de créer de nouvelles sources importantes de
bénéfices supplémentaires.
Repenser chaque activité fondamentale d’Eaton pour avoir les meilleures pratiques en
comparaison avec les principaux concurrents mondiaux.
Enrichir sa force managériale, en recherchant de nouveaux talents et en encourageant une
culture d’entreprise orientée vers le risque.
Source : CTI

Un examen approfondi des objectifs stratégiques à atteindre doit mettre à jour un


certain nombre de carences et d’incohérences dans la démarche initiée par l’entreprise.
Il permet par exemple d’identifier les objectifs sans réels fondements (absence de
besoin/confusion entre la tactique et la stratégie), sans relation directe avec des actions
concrètes (absence de lien entre les objectifs stratégiques et les ressources allouées) ou
caractérisés par des énoncés flous empêchant toute forme de mise en œuvre
(formulation ambiguë, ambivalence).

Exemple
Les objectifs stratégiques de Total
Le développement et l’amélioration de la rentabilité de son secteur Amont.
Le renforcement de sa position parmi les leaders sur les marchés du gaz naturel et du GNL de
par le monde.
La consolidation de sa position dans les activités aval en Europe, tout en développant ses
participations sur des marchés en croissance rapide tels que le Bassin méditerranéen,
l’Afrique et l’Extrême-Orient.
La rationalisation de son portefeuille Chimie en donnant la priorité à l’amélioration de la
rentabilité, au développement des activités pétrochimiques et à la croissance sélective de la
chimie des intermédiaires et des spécialités.
Source : CTI – École Centrale de Paris

Il convient également de veiller à ce que l’énoncé et le sens des objectifs à atteindre


soient partagés par l’ensemble des acteurs de l’organisation : l’entreprise qui n’a pas le
souci de relier continuellement les objectifs stratégiques aux actions et préoccupations
quotidiennes des acteurs risque en effet de perdre une partie des effets mobilisateurs
qu’elle pourrait obtenir (dissociation entre les objectifs stratégiques et ceux des
départements, services et salariés de l’entreprise). Un tel comportement peut même
générer chez les collaborateurs des réactions négatives (faible implication,
démotivation, résistance passive ou active). Enfin, il peut arriver que les objectifs à
réaliser ne soient pas forcément simples à formaliser, en raison de l’importance des
variables à prendre en compte (techniques, financières, organisationnelles…) et des
liens entre les différents objectifs.

Quand les objectifs stratégiques se contredisent


Joffre et Koenig insistent sur le fait que l’entreprise peut parfois se retrouver dans des situations
stratégiques délicates, où elle doit faire face à des objectifs contradictoires. Ainsi, par exemple, il
n’est pas rare que l’entreprise doive à la fois développer sa compétitivité, tout en assurant sa
sécurité. Or de tels objectifs ne sont pas forcément faciles à réaliser simultanément, compte tenu
des orientations qu’ils sous-tendent. La compétitivité tend en effet à rechercher de nouveaux axes
de développement, en s’attachant à créer de nouveaux avantages concurrentiels. Ceci la conduit
par conséquent à expérimenter de nouvelles orientations, en ayant notamment recours à
l’innovation. À l’inverse, la recherche de sécurité favorise une logique de stabilité interne et
externe, orientée vers l’exploitation de l’existant (réduction de l’incertitude). Concilier les deux
démarches peut dès lors s’avérer difficile pour tout dirigeant d’entreprise.

L’essentiel
►► Dans le domaine de la stratégie d’entreprise, le dirigeant doit souvent faire face à des
exigences contradictoires qui rendent ses décisions complexes et difficiles. Il doit notamment veiller
à répondre aux besoins de survie et de compétitivité de l’entreprise. Il a en particulier à relever
plusieurs défis en termes de performance, autour des questions de productivité, de qualité,
d’innovation, tout en protégeant son organisation et ses collaborateurs.
►► Le décideur est également confronté à la coexistence d’intérêts contradictoires, devant
aussi bien gérer les enjeux et contraintes économiques (finance), les perspectives
de développement (stratégie), la relation avec l’environnement (marketing et RSE), sans occulter
le développement personnel et professionnel de ses salariés (management et GRH).
►► Le propre de la stratégie consiste donc, à partir des ressources existantes et des
caractéristiques de l’environnement, à définir une vision ambitieuse et réaliste qui fédère l’ensemble
des acteurs et parties prenantes autour d’objectifs offensifs ou défensifs, en fonction du contexte.
Notes
1. Bruno Jarrosson, Stratégie sans complexe, Dunod, 2004.
2. Des entreprises comme Motorola ou General Electric ont été à l’initiative de
véritables programmes de gestion de qualité, en intégrant tous les aspects des travaux
concernant la recherche de la qualité et en pratiquant une véritable stratégie de
prévention et de contrôle.
3. Ainsi, par exemple, le Groupe Renault insiste pour que Valéo vienne s’installer au
Japon pour fournir Nissan.
4. La dénomination de segment de marché (ou segment marketing) ne doit pas être
confondu avec celle de segment stratégique. Le segment stratégique correspond en effet
à un marché particulier sur lequel il est possible d’identifier des facteurs clés
spécifiques. Le segment de marché intervient à un autre niveau. Il s’agit de décomposer
le marché identifié en couples produits/clients, en vue de répondre aux besoins
spécifiques d’une partie de la clientèle.
Chapitre 2

Quels sont les objectifs d’un


diagnostic stratégique ?

Executive summary
►► Un diagnostic stratégique est un outil qui peut répondre à différents objectifs, allant de la
recherche d’amélioration de procédés et process à l’identification de nouvelles sources
de développement. Il vise généralement à améliorer la compétitivité de l’entreprise.
►► Il peut tout d’abord servir à repérer les causes de dysfonctionnements observés et à
rechercher des sources d’amélioration interne dans un souci d’accroissement de la performance
(productivité, flexibilité, innovation, fiabilité…).
►► Il peut aussi contribuer à anticiper les effets d’une politique (pénétration d’un nouveau
marché, internationalisation des activités, stratégie d’innovation…) et permettre la création
d’opportunités nouvelles (synergies de coûts, synergies de croissance, création d’activités).

L e diagnostic stratégique est une étape dans la définition et la formulation d’une


stratégie. Préalable à tout processus de décision, il doit permettre à l’entreprise de se
connaître, de savoir ce qu’elle veut et peut faire au regard de ses ressources et
avantages concurrentiels et de se positionner favorablement sur ses marchés. Un
diagnostic efficace doit ainsi conduire à identifier des opportunités de développement
et permettre la définition d’options stratégiques réalistes. Néanmoins ceci n’a de sens
que si l’analyste sait « quoi chercher ».1

Identifier les causes de dysfonctionnements observés


Un diagnostic stratégique peut s’avérer opportun lorsque les responsables de
l’entreprise constatent certains dysfonctionnements dans l’organisation. On entend par
dysfonctionnement, la perturbation du fonctionnement d’une organisation ou d’un
système social, qui cesse de satisfaire à sa finalité parce que certaines de ses fonctions
sont mal remplies, voire plus du tout. Il s’agit dans ce cas de réaliser une analyse
critique du système, afin de déterminer les causes du dysfonctionnement à partir de ses
principaux symptômes.
Les dysfonctionnements relevés peuvent être multiples. Il peut s’agir par exemple
d’un problème de qualité au niveau de la politique produit (non-respect des délais,
absence de normes de sécurité, inadéquation entre l’offre proposée et la demande du
marché…) ou de la dégradation de la relation avec l’un des principaux clients de
l’entreprise (insatisfactions, plaintes, remise en cause de certains contrats
commerciaux). Dans ce type de situations, il peut donc être utile de réaliser un
diagnostic pour identifier précisément les causes du dysfonctionnement, en vue de
rechercher rapidement des solutions au problème posé. Le recours au diagnostic est
d’autant plus pertinent que les véritables raisons sont rarement celles invoquées
initialement par les acteurs de l’entreprise, compte tenu des risques de « remise en
question » et de la complexité des situations rencontrées. La distanciation face au
problème, et ses conséquences en termes de traitement de l’information (objectivité,
impartialité, globalité), sont donc de nature à mieux cerner la réalité de la situation, en
repérant les principales sources de dysfonctionnement. Le diagnostic peut par
conséquent éviter certaines erreurs d’analyse et de jugement, en particulier les risques
de se focaliser sur une solution définie d’emblée, la tendance à la simplification ou
l’excès d’exagération (« c’est la faute de », « c’est à cause de »). Le diagnostic est de
ce fait un moyen efficace pour dépassionner les débats et objectiver la situation en
définissant précisément la responsabilité des acteurs concernés par le problème
(individu, groupe, département, service, unité de travail).
Pour répondre à ces objectifs, il importe, dans un premier temps, de clarifier la
nature exacte du dysfonctionnement, afin de cerner avec précision le champ de l’activité
concernée et les interrelations avec les composantes internes (employés, collaborateurs,
cadres dirigeants, actionnaires) et externes (clients, fournisseurs, partenaires) de
l’organisation.
Plusieurs questions peuvent aider l’analyste dans sa démarche.
1. Comment caractériser le dysfonctionnement observé ? Est-il de nature :
fonctionnelle : règles de gestion, procédures, règlement ;
structurelle : système de gestion et d’organisation (planification, budget, outils de
contrôle), système d’autorité, gestion des infrastructures et des effectifs, situation
géographique, organisation physique ;
opérationnelle : modes opératoires, méthodes, compétences et moyens, processus de
gestion et de décision, flux d’information, traitement des données, modalités
relationnelles.
2. Quels sont les grands types de causes possibles ? :
le facteur humain : stress, tensions, anxiété, incompréhension ;
le facteur organisationnel : mauvaise circulation ou faible remontée de
l’information, absence de prévision, mécanismes de contrôle insuffisants,
organisation déficiente… ;
le facteur politique : conflits d’objectifs, divergence d’intérêts, formation de sous-
cultures, apparition de nouvelles formes d’autorité… ;
le facteur managérial : mauvaise coordination, absence de leadership, autorité
contestée, manque d’animation, sous-estimation des risques culturels ou
humains… ;
le facteur technique : incident technique, obsolescence de certains équipements,
incompatibilité entre deux systèmes, retard technologique, système de veille
inefficace, bases de données incomplètes.
3. Quels sont les acteurs internes et externes concernés par le problème ? :
les salariés : employés, collaborateurs, cadres, dirigeants ;
les actionnaires et autres investisseurs potentiels ;
les pouvoirs publics et autres institutionnels ;
les clients ou groupes de clients ;
les fournisseurs et autres partenaires.
4. Quels sont les événements/périodes clés du processus (début-fin) ? :
les facteurs de rupture : évolutions réglementaires, décisions politiques,
changements technologiques, actions de la concurrence, entrée de nouveaux acteurs
sur le marché ;
les facteurs négatifs de renforcement : comportements et réactions de certains
acteurs, changement de contexte, évolution de l’environnement ;
les facteurs positifs d’amélioration (ou facteurs modérateurs) : initiative de certains
acteurs clés, nouvelles données contextuelles.
Dans ce type de diagnostic, il est essentiel de lister les différents rôles et types
d’acteurs concernés a priori par le problème (séquence des actions et des événements),
puis de les insérer dans une démarche processuelle (analyse des liens de causes à
effets).
En effet, l’objet principal de la démarche est de connaître les moments où une action
a été engagée par un acteur de l’organisation, et ses effets directs ou indirects sur les
autres acteurs du système. Ceci permet d’identifier des relations de causes à effets par
rôles et acteurs clés, à des phases données du processus, en vue de mieux comprendre
l’enchaînement des actions et événements ayant conduit au résultat analysé (cf.
dysfonctionnement).
Une matrice de type rôles/chronologie (Miles & Huberman, 1991), en distinguant les
acteurs concernés (et leurs rôles) et les périodes clés du processus, peut par exemple
permettre de repérer :
les acteurs non impliqués dans le dysfonctionnement ;
ceux ayant eu une influence directe ou indirecte ;
ce qui a éventuellement manqué à l’organisation en termes de contrôle et
d’assistance.

Tableau 2.1 – Un exemple de matrice rôles/chronologie2

Période Période Période


ou événement 1 ou événement 2 ou événement 3

Information au service B Traitement des Suivi de la relation avec le


et C et aux deux informations partenaire M
Service A directions concernées du Non prise en compte des
problème identifié apports du service C
Enquête

Pas de réponse Prise de contact avec le Implication modérée


Service B
service C

Apport de solution Échange d’informations Information des résultats de


et de données entre le l’échange avec le service B
Service C
service B et C au service A et aux
Directions 1 et 2

Non-implication Participation à la réunion Soutien des actions


Direction 1 organisée par la envisagées
Direction 2

Décision d’informer la Organisation d’une table Formalisation d’actions


Direction 2 Direction 1 ronde d’urgence à destination des
clients insatisfaits

Réclamation Relance de la Menaces de sanctions


Client X
réclamation Insatisfaction

Client Y Pas d’intervention Réclamation Pas de relance

Pas d’intervention Transmission Arrêt des contacts


Fournisseur N
d’informations

Transmission Collaboration avec le Rôle de facilitateur


Partenaire M
d’informations service A
Non-implication Mise en relation avec le Initialisation d’un début
Concurrent Z client X de collaboration avec le
client X

Rechercher des sources d’amélioration interne


Le diagnostic est un outil d’analyse particulièrement pertinent pour rechercher au sein
d’une entreprise des sources possibles d’amélioration interne. Dans cette situation, le
diagnostic vise à réduire les écarts entre la situation actuelle et les objectifs souhaités
par l’entreprise en termes d’amélioration.
Les sources d’amélioration possibles peuvent être de différentes natures. On peut les
regrouper en cinq catégories principales :
les améliorations organisationnelles : il s’agit de la capacité de l’entreprise à
allouer et à coordonner les meilleurs moyens pour parvenir aux objectifs fixés
(efficience). Ces améliorations peuvent également provenir de l’aptitude à
favoriser une plus grande souplesse et réactivité de l’entreprise face aux attentes et
besoins de l’environnement (flexibilité). Il s’agit en effet, pour l’entreprise, de
répondre à des conditions nouvelles, en développant une capacité d’apprentissage
et en utilisant les nouvelles informations émanant de l’environnement.
L’amélioration recherchée peut ainsi s’exprimer en termes d’optimisation mais
également en termes de facilité de changement d’un état à un autre (cf. capacité de
l’entreprise à absorber et à s’adapter à des changements permanents) ;
les améliorations économiques : elles révèlent la capacité de l’organisation à
produire le maximum de profit avec le minimum de ressources (efficacité) ;
les améliorations sociales et contextuelles : elles proviennent de la capacité de
l’entreprise à maintenir un équilibre permanent entre les différents acteurs de
l’entreprise, afin de parvenir à un climat organisationnel stable et harmonieux. La
notion de climat organisationnel se réfère aux perceptions qu’ont les individus de
leur emploi ou de leurs rôles en relation avec les autres acteurs de l’organisation.
La création d’un climat organisationnel résulte généralement d’un certain nombre
de déterminants (normes, valeurs, relations internes et externes, communication).
Parmi les objectifs d’amélioration sociale et contextuelle, on peut citer par
exemple la recherche d’une organisation plus coopérative (horizontale) centrée sur
le développement de projets en commun et une plus grande motivation des acteurs
de l’organisation ;
les améliorations techniques et technologiques : il s’agit de la capacité de
l’organisation à conserver et développer son avance technique et technologique au
niveau de ses process, procédés et produits, grâce à une meilleure productivité (cf.
rendement) et à une capacité à innover.
les améliorations budgétaires et financières : elles traduisent la capacité de
l’organisation à faire des arbitrages opportuns au niveau de sa politique budgétaire
et d’investissements dans un souci de meilleure rentabilité.
Pour répondre à ces objectifs, il convient avant tout d’aborder l’organisation de
manière globale, en optant pour une démarche systémique. L’un des principaux
écueils à éviter est en effet de rechercher des sources d’amélioration isolées, sans
prendre en compte les relations qui existent avec les autres parties de l’organisation :
l’amélioration non maîtrisée d’un service peut avoir un impact négatif sur le
fonctionnement et la gestion d’une autre unité.
Plusieurs questions peuvent aider l’analyste dans sa démarche :
Quels sont les domaines ou localisations où l’écart entre la situation existante et les
objectifs de l’organisation est le plus élevé ?
Quelles sont les relations qu’entretient le domaine étudié avec les autres parties de
l’organisation (relations ponctuelles, structurelles, passage obligé, communication
limitée…) ? Est-il possible de localiser le changement ou doit-on prendre en
compte l’ensemble de la chaîne de valeur ?
Quels seraient les effets directs ou indirects de tels changements sur les autres parties
ou domaines de l’organisation ? Quels sont les risques de destruction de valeur
(incompatibilité, doublons, enlisement, coûts de compromis…) ?
Quels sont les moyens à disposition pour anticiper ou remédier à de tels changements
au sein de l’organisation ?

Anticiper les effets d’une politique


Suite à une décision de nature stratégique, c’est-à-dire qui engage l’entreprise et ses
ressources, il importe de s’interroger sur l’écart existant entre l’orientation choisie et
les capacités disponibles. En effet, la qualité d’une ressource, d’une compétence ou
d’un moyen, n’a de valeur que dans le cadre d’un contexte stratégique précis où il sera
possible de la valoriser.
Ce premier type d’anticipation3 revient ainsi à savoir si l’entreprise dispose :
des capacités d’exploitation suffisantes pour gérer et valoriser dans de bonnes
conditions les ressources existantes et permettre d’accompagner les changements
nécessaires (politique d’investissements, compétences juridiques et logistiques,
capacités technologiques, gestion des effectifs, organisation spatiale des
activités…) ;
des capacités de mobilisation nécessaires pour pouvoir activer si besoin de
nouvelles ressources (sous-traitance, coopération, alliance, acquisition
d’entreprise), dans le cas où les effets de la politique nécessiteraient de nouveaux
apports ;
des capacités d’adaptation indispensables pour agir et réagir rapidement face aux
variations de l’environnement. Ces capacités se révèlent en effet nécessaires pour
assumer durablement les effets d’une politique. Cet exercice est d’autant plus
délicat que de nouvelles contraintes peuvent émerger et que la politique menée
peut suivre également des adaptations voire des réorientations, impliquant des
coûts et des retards élevés par rapport aux objectifs initialement définis.
Mais la difficulté de l’anticipation vient également du fait que l’approche demandée
ne revient pas à formuler des réponses à la situation présente mais à établir des
interrogations (strategies of questionning) pour anticiper les réponses des différents
acteurs de l’environnement face aux effets de sa politique4. L’anticipation est donc
également une affaire de questionnement sur le rôle et la position des acteurs sur les
différents objectifs (1, 2, 3…) qui composent la politique adoptée. Pour ce type de
problème, la matrice de position Acteurs/Objectifs proposée par M. Godet (2004) peut
permettre d’atteindre ce but.

Tableau 2.2 – La matrice des positions Acteurs/Objectifs5

Acteurs Objectif Objectif Objectif Objectif Objectif Objectif 3 Etc.


clés 1 (+) 1 (–) 2 (+) 2 (–) 3 (+) (–)

Actionnaires X X X

Employés X X X

Cadres X X X

Clients X X X

Fournisseurs X X X

État X X X

Opinion X X X
publique

Suite à ce premier travail, il peut alors être intéressant, à l’instar de ce que propose
M. Godet, d’analyser le nombre de convergences et de divergences entre les acteurs sur
l’ensemble des objectifs qui structurent la politique de l’entreprise. Ceci permet
d’anticiper quels seront les alliés et adversaires potentiels, les stratégies de coalitions
possibles, et les risques de conflits d’objectifs et d’intérêts.
Afin d’affiner l’analyse et de la rendre plus proche de la réalité du terrain, il est
recommandé, dans ce type de démarche, de hiérarchiser les objectifs pour chaque
acteur, en précisant son degré d’importance ou d’urgence (indispensable à son
existence, essentiel à ses missions, important pour ses projets, conséquent, non
prioritaire). Il faut enfin étudier les rapports de force entre les acteurs (cf. matrices
d’influences-dépendances directes et indirectes) et de les analyser au regard des
accords et désaccords constatés.
Au-delà de l’aspect méthodique et technique propre à ces outils, l’approche
proposée a comme mérite d’attirer l’analyste sur différents critères clés pour saisir et
anticiper les effets d’une politique.

Repérer des opportunités nouvelles


Un diagnostic présente un intérêt indéniable lorsqu’il s’agit de rechercher de nouvelles
opportunités de croissance pour l’entreprise. Il est en effet essentiel de faire un état lieu
des compétences et moyens que possède l’entreprise et de les confronter aux évolutions
et opportunités de l’environnement.
Un tel diagnostic vise par conséquent à répondre aux questions suivantes :
Quelles sont les principales tendances d’évolution en termes de marchés (filière,
secteur, zone géographique) et de métiers, compte tenu des évolutions
économiques, technologiques et sociologiques constatées ? Dans quelle mesure, et
surtout dans quelles limites, ces évolutions peuvent-elles venir modifier le système
d’offre actuel de l’entreprise (périmètre d’activités) ?
Quelles sont les politiques développées par les principaux concurrents de
l’entreprise ? Y a-t-il des évolutions marquantes en termes de politique d’offre et
de stratégies relationnelles ? Peut-on esquisser la venue prochaine de nouveaux
concurrents ? Doit-on considérer qu’il y a une modification progressive de
l’environnement concurrentiel (nombre d’acteurs, nature des offres, nouvelles
barrières à l’entrée, influence des technologies…) ?
Quelles sont les ressources stratégiques sur lesquelles l’entreprise doit s’appuyer
pour se développer (cœur de compétences) et celles qu’il est possible de céder ou
d’externaliser à moindre coût ? Comment caractériser aujourd’hui les avantages
concurrentiels distinctifs de l’entreprise ?
Quelles sont les extensions en termes de ressources qu’il est possible de « faire » au
regard des compétences et moyens existants (recrutement, renouvellement,
formation, perfectionnement, recherche et développement) ?
Quels sont, au regard de la structure existante et des activités actuellement proposées,
les partenaires – en termes de mission, métiers et activités – pouvant servir le
développement de l’entreprise (logique de consolidation, de complémentarité ou
d’extension) ? Quels types de modalités relationnelles semblent a priori le mieux
convenir au système culturel et à la structure de l’entreprise (sous-traitance, co-
traitance, filiale commune, acquisition…) ? Quels sont les risques associés au
développement de relations avec d’autres organisations ?
Dans ce type de diagnostic, il s’agit par conséquent :
d’identifier, via des changements économiques, technologiques, politiques ou des
actions de concurrents, de nouveaux axes de développement ;
de balayer le champ des possibles en termes de ressources et de retenir celles qui
constituent pour l’entreprise un avantage concurrentiel distinctif et durable ;
d’identifier les profils stratégiques des firmes pouvant collaborer avec
l’entreprise ;
de rechercher les modalités juridiques et relationnelles les mieux adaptées pour se
développer à moindre risque.

S’assurer de la viabilité et de la pérennité de l’entreprise


Les questions de viabilité et de pérennité sont au cœur de toute stratégie d’entreprise.
La viabilité renvoie à une notion de capacité de survie du système technico-économique
dans son environnement, elle implique un questionnement sur l’adaptation de
l’entreprise aux évolutions structurelles. La pérennité est un concept proche qui associe
à la notion de viabilité une dimension sociale et identitaire. Il s’agit non seulement de la
survie du système technico-économique, mais aussi de la continuité de l’entreprise en
tant que personne morale et communauté sociale.
Le concept de viabilité peut se décliner à court terme et à plus long terme. À court
terme, la viabilité questionne l’entreprise sur sa capacité à faire face à ses échéances
financières et à ses obligations réglementaires. L’histoire économique récente nous
montre que cette question n’est pas l’apanage des seules petites et moyennes
entreprises. Les cas d’Enron et d’Arthur Andersen montrent que même de grandes
entreprises peuvent voir leur viabilité remise en cause à court terme.
Le diagnostic stratégique, quant à lui, s’intéresse principalement à la question de la
viabilité à long terme de l’entreprise ou d’un de ses domaines d’activité particuliers.
Pour rester compétitive à moyen et long terme, il s’agit de savoir si l’entité dispose :
des ressources suffisantes, compte tenu de l’évolution des facteurs clés de succès
d’un secteur ;
de la capacité d’adaptation nécessaire pour reconfigurer des ressources existantes ou
pour développer de nouvelles ressources ;
de la capacité de gérer les risques spécifiques de son activité, soit du fait d’une
évolution de la nature des risques, soit du fait d’un accroissement de ces risques.
La finalité du diagnostic stratégique est alors de répondre à la question suivante :
l’entreprise doit-elle rester dans ce type d’activité ou au contraire doit-elle s’en
retirer ? Dans l’hypothèse d’une entreprise monoactivité, cela revient à poser la
question de la liquidation de l’entreprise. Dans l’hypothèse d’une entreprise
diversifiée, cela revient à poser la question du désengagement ou du désinvestissement.
Les points clés que devra mettre à jour le diagnostic sont les suivants :
Quels sont les facteurs de risque qui pèsent sur l’activité de l’entreprise (ou sur le
domaine d’activité étudié) et qui pourraient réduire son chiffre d’affaires (en
valeur absolue ou de manière relative) ?
Quelles sont les actions que devrait mettre en œuvre l’entreprise pour limiter ou
éviter ces facteurs de risque (notamment en termes d’investissements matériels et
immatériels) ?
Quels sont les avantages concurrentiels actuels de l’entreprise qui peuvent être
maintenus à moyen et long termes et quelles sont les actions qu’il faudrait mettre en
œuvre pour les maintenir, et leurs coûts ?
Quels sont les facteurs de risques qui pèsent sur les ressources de l’entreprise
(évolution de la structure des coûts, obsolescence des techniques ou
technologies) ?
Quelles sont les ressources qui sont totalement spécifiques, celles qui sont
reconfigurables pour une autre activité ? Ces ressources ont-elles une valeur de
revente, sont-elles valorisables en dehors du contexte de l’entreprise ?
La conclusion du diagnostic revient à arbitrer entre le fait de maintenir l’activité ou
de s’en désengager. L’arbitrage devra porter sur la rentabilité attendue dans les deux
cas de figure et sur le niveau de risque associé à chacune des décisions.
La question de la pérennité est une variante de la question de la viabilité. Comme
nous l’avons dit, elle renvoie cependant davantage à des dimensions sociales,
culturelles et identitaires. En effet, au-delà de la capacité de survie du système
technico-économique, la notion de pérennité questionne la capacité de l’entreprise à
survivre dans la continuité de son modèle social. Cette question est souvent posée par
les entrepreneurs fondateurs et les salariés. Elle pose notamment, en parallèle à la
question de la viabilité, celle de l’autonomie de l’entité. Derrière la notion de pérennité
se trouve la question de la nature de l’entreprise et de ses objectifs. Si l’entreprise est
considérée comme un nœud de contrats, un espace de transactions internalisées, la
notion de pérennité est secondaire voire sans objet. En revanche, si l’entreprise est vue
comme un ensemble social, comme une communauté d’intérêt, alors la notion de
pérennité peut devenir centrale.
Les questions clés associées à l’étude de la pérennité sont les suivantes (en
complément des questions sur la viabilité) :
L’entreprise peut-elle rester indépendante ?
En cas de consolidation (fusion-acquisition, reprise) le nom, la marque, l’identité et
la culture de l’entreprise peuvent-ils être préservés ?
Le style de management, les contours actuels de l’entreprise, ses ressources
traditionnelles et historiques (notamment les collaborateurs) peuvent-ils être
préservés ?

L’essentiel
►► Avant tout processus de mise en œuvre, le diagnostic stratégique doit permettre à
l’entreprise de se connaître, de savoir ce qu’elle veut et peut faire, au regard de ses ressources et
avantages concurrentiels, en essayant de se positionner favorablement sur ses différents
marchés.
►► Il importe pour ce faire de définir un certain nombre d’objectifs :
l’identification des causes et dysfonctionnements structurels, fonctionnels ou opérationnels ;
la recherche de sources d’amélioration interne sur le plan organisationnel, économique, financier,
technologique ou social ;
la capacité à apprécier l’impact de certaines décisions et politiques sur le développement et le
fonctionnement de l’organisation ;
la recherche d’opportunités nouvelles (métiers, activités, ressources) ;
la bonne maîtrise du devenir de l’entreprise et de ses activités.
Notes
1. Si l’analyste doit admettre, au niveau des résultats d’un diagnostic, une part
d’émergent (et faire donc aussi appel à l’intuition et à l’expérimentation), il doit en
revanche savoir les raisons qui l’amènent à réaliser un diagnostic. Un diagnostic doit en
effet avoir un sens et un intérêt qu’il convient de préciser, pour éviter que la démarche
ne se transforme en un processus non maîtrisé de collecte et de traitement de données
(absence de logique).
2. D’après Miles et Huberman.
3. Anticiper, c’est considérer un événement (ou une action) futur, comme s’il était
produit et en déduire des actions à effectuer au préalable, entre l’instant présent et le
moment où l’événement futur va se produire.
4. Selon E. Luttwak (2002), une des erreurs fondamentales de la stratégie est d’oublier
que les autres acteurs de l’environnement vont réagir à la décision stratégique.
5. Objectif N (+) : favorable à l’objectif N.
Objectifs N (–) : défavorable à l’objectif N.
Chapitre 3

Dans quel cas pratique-t-on


un diagnostic stratégique ?

Executive summary
►► Le diagnostic stratégique peut être utilisé dans différents contextes. Il se révèle
particulièrement pertinent lorsqu’il s’agit d’analyser des situations de changement ou de rupture,
en permettant de mieux cerner les risques et opportunités.
►► Cet outil peut être utilisé :
dans la préparation d’une succession/transmission ou d’une prise de fonction ;
pour s’assurer de la faisabilité d’une politique de croissance interne (R & D, politique RH,
gestion de projet) et valider la pertinence d’un projet de réorganisation (restructuration, fusion
interne…) ;
pour préparer dans de bonnes conditions les politiques d’internationalisation (pénétration
de nouveaux marchés) et anticiper les conséquences d’une décision stratégique délicate, à
l’instar des politiques de croissance externe (fusions-acquisitions, prise de contrôle…).
►► Le diagnostic stratégique peut aussi s’avérer pertinent pour évaluer un concurrent, un
partenaire ou une cible potentielle, en vue de mieux cerner les risques potentiels, les opportunités
et les rapports de force en présence.

Si le diagnostic constitue une aide précieuse dans une politique d’entreprise, encore
faut-il savoir « dans quelles situations » l’utiliser.

Préparer une succession/transmission ou une prise


de fonction
Initier un diagnostic stratégique n’est jamais neutre. Il répond à des attentes et
préoccupations précises, même si elles ne sont pas toujours exprimées ou officialisées.
En effet, l’implication et l’engagement nécessaires à sa réalisation n’ont d’intérêt que
s’ils répondent à un besoin ressenti ou exprimé par l’initiateur du diagnostic.
L’un des premiers cas fréquents de pratique d’un diagnostic stratégique est la
préparation d’une succession ou d’une transmission. Dans ce type de situation, le
repreneur, contrairement au cédant, ne connaît pas toujours l’entreprise qu’il envisage
de reprendre. Il peut par conséquent avoir intérêt à bien cerner les potentialités de
l’entreprise (portefeuille clients, effectifs, compétences clés, moyens matériels), les
éléments d’incertitude (départ de certains cadres, existence de savoir tacites, culture
d’entreprise forte, perte d’un client important), les résistances au changement (stress,
anxiété, préservation des acquis) et les mesures d’urgence à initier une fois la reprise
effectuée (réorganisation, recrutement, gestion de certains litiges, nouvelle
communication).
Un diagnostic stratégique est donc un moyen d’éviter des mauvaises surprises au
niveau du métier et des activités, en adaptant son comportement et ses actions en
fonction de la réalité des situations (intensité de la concurrence, nouvelles
réglementations, changement de fournisseurs…). Il doit également s’interroger sur les
perspectives réelles de développement de l’entreprise cédante. Sur le plan financier,
les aspects principaux que le repreneur devra examiner sont la rentabilité, la situation
financière, l’endettement, la trésorerie, le besoin en fonds de roulement, les délais de
règlement chez les fournisseurs, la rotation des stocks, le vieillissement des
immobilisations, la valeur ajoutée et sa répartition, la capacité d’autofinancement.
Certains clignotants peuvent déjà alerter un repreneur potentiel comme le constat
d’un accroissement rapide des frais financiers par rapport au chiffre d’affaires, la
diminution importante des capitaux propres par rapport au total du passif ou encore
l’absence de provisions pour dépréciation des stocks ou des créances clients. Sur le
plan organisationnel, le diagnostic visera à analyser dans le détail les caractéristiques
de la structure (organigramme, répartition des compétences et des activités), son mode
de fonctionnement (système, procédures, règlements) et les éventuels problèmes
culturels et humains (repérage des hommes clés, qualification du personnel, pyramide
des âges, ancienneté, rémunération, avantages sociaux).
Dans le même esprit, ce type d’approche peut être fortement utile dans le cas d’une
prise de fonction au sein d’une nouvelle structure. Il permet au nouveau responsable
de se faire une idée plus précise de l’entreprise ou du service qu’il va désormais
diriger. Au-delà de la prise de connaissance des activités et des qualités de ses
collaborateurs, un diagnostic stratégique est aussi une manière pour le futur responsable
de comprendre le fonctionnement réel de l’organisation et les relations de pouvoir
(dépendance, collaboration, entraide, compétition) qu’entretiennent les membres de
l’organisation.
Ce travail d’analyse critique est généralement indispensable pour ne pas heurter
certaines règles tacites de l’organisation (croyances, valeurs, habitudes) et bien saisir
la nature exacte des légitimités en présence afin d’adapter son style de management au
nouveau contexte (poids de la hiérarchie, rôle de la technologie, importance de la
technostructure, influence des commerciaux, ouverture sur l’extérieur). Il doit permettre
au dirigeant d’identifier les spécificités de ses nouvelles responsabilités et les
compétences associées qu’il convient de mobiliser, afin de gérer les difficultés et
tensions induites par sa prise de fonction.
La réalisation d’un diagnostic est donc le meilleur moyen pour élaborer un plan
d’actions s’inscrivant dans la durée du mandat et pour engager un processus de
changement maîtrisé.

Vérifier l’intérêt et la faisabilité d’une politique


de développement
On pratique également un diagnostic stratégique lorsqu’on veut vérifier l’intérêt et la
faisabilité d’une politique de développement. Une politique de développement peut
prendre la forme d’une décision d’internationalisation, d’un renforcement ou d’un
élargissement à de nouveaux métiers, ou d’une décision d’innover dans certains
domaines stratégiques (innovation produit, innovation industrielle, recherche et
développement).

La politique de développement à l’international

Il importe en premier lieu d’identifier le niveau d’engagement (financier,


organisationnel, humain, technique) souhaité par l’entreprise et ses conséquences sur le
plan managérial (enjeux, risques, implications). En effet, on ne peut aborder un
développement international selon que l’on décide d’exporter (stratégie internationale),
de s’implanter dans certains pays (stratégie multinationale) ou d’opter pour une
approche globale des marchés (stratégie mondiale). Les implications organisationnelles
et juridiques seront notamment différentes et entraîneront des modes de développement
adaptés. De même, selon les marchés visés, des différences culturelles et des
problèmes d’adaptation locale peuvent être plus ou moins difficiles à traiter pour les
dirigeants, et avoir des conséquences importantes sur la politique commerciale et le
management des activités.

La politique de spécialisation (renforcement des métiers existants)

Le recours à la croissance interne pose des problèmes limités. Les principaux risques
portent sur la gestion des délais (capacité à développer de façon autonome de nouvelles
ressources rapidement) et sur l’affectation du personnel (capacité à affecter des
collaborateurs au développement de nouvelles ressources). En revanche, le choix de
recourir à la croissance externe ou conjointe peut présenter certains inconvénients pour
l’entreprise. En particulier, il convient de s’assurer que les métiers de l’autre entité
(partenaire ou société cible) s’inscrivent parfaitement dans la politique d’offre existante
et qu’au-delà des apparences, les pratiques et règles du milieu coïncident parfaitement
avec celles développées au sein du métier d’origine (compatibilité culturelle).
Il peut en effet arriver qu’au-delà des mots, les apparences soient trompeuses et créent
des logiques abusives de proximité entre deux entreprises qui finalement disposent
d’une vision et d’une approche du marché spécifiques (compatibilité stratégique). Il est
donc essentiel de préciser la qualification « entreprise concurrente » en fonction de la
réalité des entreprises et de leur politique, pour ne pas assimiler trop rapidement
certaines firmes dans le même champ concurrentiel.

La politique d’intégration verticale (intégration de fournisseurs


ou distributeurs)

Il importe de s’interroger sur l’intérêt stratégique de concentrer l’ensemble de ses


ressources stratégiques au sein de la même filière. Certes, le contrôle de l’ensemble de
la chaîne présente un certain nombre d’avantages, comme celui de posséder des
matières premières à moindre coût ou d’avoir accès à certains débouchés.
En revanche, la lourdeur du système demande une réflexion de fond, en mesurant les
risques d’absence de réorientation dans le cas où l’environnement serait amené à
évoluer durablement (disparition de certains métiers, nouveaux besoins, risques de
substitution technologique…). Le degré d’engagement et de dépendance au sein de la
filière doit par conséquent être abordé en fonction de la mission que les dirigeants
souhaitent donner à leur entreprise et des avantages recherchés par rapport aux
principaux concurrents.

La politique de diversification (orientation de l’entreprise vers


de nouveaux métiers)

Il est essentiel d’acter le niveau d’indépendance stratégique que l’on souhaite avoir
avec les métiers visés. En effet, selon que l’on opte pour une diversification
concentrique ou totale, la question des synergies se pose différemment. Dans un cas, des
objectifs de synergies commerciales ou industrielles peuvent éventuellement être
envisagés et s’inscrire dans une politique de développement commune. Dans l’autre
cas, il s’agit avant tout de réaliser des synergies financières et de rechercher des
métiers nouveaux porteurs et rentables.
La nature des risques et les attentes sont donc très différentes et demandent de la part
des dirigeants de bien clarifier le nouvel ensemble qu’ils souhaitent constituer et
positionner sur les marchés. Cet effort de clarification est d’autant plus important si
l’entreprise est cotée en Bourse, pour justifier ses choix auprès des actionnaires et
investisseurs.

La politique d’innovation (création de nouvelles capacités)

L’enjeu essentiel consiste à préciser la nature et l’ampleur de l’innovation recherchée.


S’agit-il d’une innovation de produit, de process ou de procédés, et quels sont leurs
impacts sur l’entreprise ? Vise-t-on des innovations de type incrémental ou l’option
choisie est-elle de modifier durablement les règles du jeu concurrentiel ? Autant de
questions auxquelles le dirigeant devra répondre, compte tenu de l’influence de
l’innovation sur le développement et l’organisation des entreprises.
Enfin, il s’agit de savoir si l’objet de l’innovation nécessite l’apport de ressources
extérieures (innovation conjointe) et quelles sont les modalités associées à ce type
politique (sous-traitance, licence, partenariat, joint-venture, acquisition…).

Valider la pertinence d’un projet de réorganisation


Toute organisation, pour se développer et résister aux variations de l’environnement, se
doit d’évoluer en permanence au niveau de sa structure et de son mode de
fonctionnement. Ceci explique l’importance et la fréquence des réorganisations et
restructurations au sein des entreprises, en moyenne tous les cinq ans, notamment au
niveau de l’affectation des responsabilités et des postes de travail. Ceci peut par
exemple concerner la modernisation des structures, la restructuration de certains
services, l’optimisation ou la reconfiguration de certains processus opérationnels
(rationalisation, valorisation de l’existant, nouvelles conceptions) ou encore
l’amélioration des conditions de travail (sécurité, équipements, climat, progression,
apprentissage).
Les projets1 de réorganisation sont donc susceptibles d’avoir des impacts importants
sur l’organisation, les métiers ou les compétences de l’entreprise. Néanmoins, ils
concernent plus rarement l’ensemble du système qui évolue moins rapidement compte
tenu de l’importance prise par les systèmes d’information.
Face à ces changements organisationnels et fonctionnels, un diagnostic stratégique
peut devenir essentiel pour valider la pertinence d’une réorganisation et justifier ses
effets sur l’emploi (réduction du personnel, licenciements, mutations, reclassement…)
et les systèmes de pouvoir. En effet, de tels changements ne vont pas de soi et
impliquent très souvent une modification des rôles et des relations de pouvoir au sein
de l’entreprise.
Ils entraînent également des coûts cachés (indirects) qu’il convient d’analyser et de
mesurer (impact sur la culture de l’entreprise et le climat social). Enfin, toute
réorganisation crée par nature des changements imprévus et parfois non voulus, qu’il
convient de prendre en compte dans la gestion future du nouveau projet.
De manière générale, les réorganisations peuvent occasionner des changements en
termes de risques, de revenus (gains ou pertes), de pouvoirs et de positionnement pour
les différents acteurs de l’entreprise. C’est pourquoi il peut être intéressant, avant tout
changement, de vérifier la pertinence du projet de réorganisation. On entend ici par
projet de réorganisation pertinent, un projet qui permet :
de favoriser une compatibilité stratégique et fonctionnelle entre la nouvelle
structure et les caractéristiques de l’environnement (intégration-différenciation) ;
d’améliorer la performance de l’entreprise et de ses filiales (meilleure circulation
de l’information, plus grande réactivité, meilleur rendement, renforcement des
initiatives individuelles et collectives…). Il importe notamment ici de s’assurer
que la performance acquise au niveau d’un service ne se fait pas au détriment d’un
autre ;
de répondre aux attentes des différentes parties prenantes. Il faut en particulier
veiller à l’adhésion et à la mobilisation des acteurs qui doivent a priori garder ou
retrouver une place dans l’après-restructuration ;
de satisfaire aux critères des marches financiers ;
de garantir des variables de contrôle susceptibles d’atténuer le choc de la
réorganisation et d’éviter certains écueils (dysfonctionnement, perte de temps,
budget affecté insuffisant, résistance active ou passive, démotivation…).
Il est également souhaitable de s’assurer de la qualité de la conduite du projet à
mettre en œuvre, en menant une analyse critique du processus à l’aide de plusieurs
questions clés.

FICHE PRATIQUE

LES QUESTIONS CLÉS DE L’ANALYSE D’UN PROCESSUS

Dans quel but ?


Quelle est la réelle finalité de cette réorganisation (contribution attendue, valeur ajoutée
souhaitée, performance recherchée) ?
L’opération de réorganisation est-elle utile, urgente, indispensable, nécessaire ?
Que se passerait-il en cas d’abandon du projet ? Y a-t-il des choix alternatifs ?

Qui ?
Quels sont les acteurs internes et externes concernés par ces changements ?
Quels sont les responsables directement impliqués dans la gestion du processus ?
Quelles sont leurs positions et attitudes face au projet ?

Où ?
Quels sont les lieux ou systèmes directement affectés par ces changements ?
Où sont les nœuds de pouvoir concernés par ces changements ?

Quand ?
Est-ce la meilleure période pour initier un tel changement ?
Quelle est la durée attendue pour réaliser le projet ?

Comment ?
Quelles sont les méthodes et actions prévues pour conduire ce projet ?
Quels moyens complémentaires ou supplémentaires peuvent aider au développement du
projet ?
Quels sont les dispositifs permettant de consolider la démarche et de progresser ?

Combien ?
Combien de personnes seront directement touchées par ces changements ?
Quels sont l’ampleur et le coût des ressources dédiées à la réorganisation ?
Quels sont les liens entre activités (système d’interface) ?

Pourquoi ?
À quels besoins, demandes et attentes répond ce projet de réorganisation (souhait des
dirigeants, pression des actionnaires, réponse aux actions des concurrents…) ?

Il s’agit ici d’évaluer la stratégie de changement souhaitée par les dirigeants, en


appréciant la position des acteurs face au projet et la nature et le niveau des ressources
qu’ils sont prêts à mobiliser pour soutenir ou s’opposer au projet. Une telle analyse doit
naturellement être réalisée en amont, soit lors de l’étude d’opportunité, soit lors de
l’étude de faisabilité, afin de pouvoir prévenir certains risques éventuels. Compte tenu
du caractère émergent d’un projet tout au long de son déroulement, il est recommandé
d’actualiser à des périodes clés du processus l’analyse effectuée, afin de s’adapter aux
changements de contexte.

Évaluer un concurrent, un partenaire ou une cible


Évaluer un concurrent, un partenaire ou une cible
potentielle
Dans toutes tentatives d’affrontement ou au contraire de rapprochement, il est fortement
recommandé de réaliser le diagnostic stratégique avant d’entamer la démarche
concurrentielle ou coopérative. L’analyse stratégique vise à déterminer non plus
l’adéquation stratégique avec les objectifs poursuivis, mais la compatibilité stratégique
entre l’entreprise initiatrice de la politique et l’entité concernée par cette politique.

Les stratégies concurrentielles

Le diagnostic stratégique est essentiellement utilisé pour analyser les forces et


faiblesses actuelles et futures de ses concurrents. Il s’agit donc ici d’apprécier la
position concurrentielle de l’entreprise par rapport à ses principaux rivaux. Le
diagnostic peut aussi servir à repérer de nouvelles pratiques et politiques chez les
concurrents dans une logique de veille active (système d’alerte) en vue éventuellement
de transférer certaines démarches ou méthodes (benchmark).
Au-delà d’un état de l’art sur les rapports de force en présence, une analyse plus fine
peut également permettre d’entrevoir les orientations futures de ses concurrents, en
termes de métiers et activités, et l’émergence de nouvelles formes de concurrence
(nouveaux entrants, produits de substitution ou de remplacement, évolution de la
position stratégique de certains fournisseurs sur le marché…). En effet, l’intérêt d’un
diagnostic approfondi est de faire apparaître un déplacement de la carte concurrentielle
avec le retrait progressif de certains acteurs au profit de nouveaux, l’évolution de
certaines barrières à l’entrée ou l’arrivée de nouveaux avantages concurrentiels.
Un diagnostic réussi peut de ce fait permettre d’identifier de nouveaux compétiteurs, de
nouvelles stratégies concurrentielles et de nouveaux marchés et métiers.

Les politiques de coopération (avec un partenaire) ou de rapprochement


(avec une cible potentielle)

Le diagnostic stratégique vise, dans un premier temps, à s’assurer que l’entreprise


candidate correspond aux critères définis par l’entreprise initiatrice du projet. La
deuxième phase se situe à un autre niveau. Elle consiste à vérifier que les
caractéristiques des candidats permettent d’envisager dans de bonnes conditions la
coopération ou le regroupement. Elle entend ainsi veiller à ce que les deux firmes
puissent se rapprocher de façon réaliste, en limitant les risques de destruction de
valeur. L’analyse du partenaire ou de la cible va de ce fait être réalisée non plus de
façon isolée (attraits spécifiques), mais par rapport aux qualités de l’entreprise
initiatrice du projet. Elle va porter principalement sur le degré de compatibilité entre
les deux futurs « associés », sur le plan stratégique, organisationnel et culturel :
d’un point de vue stratégique, il s’agit essentiellement de s’assurer que les deux
entreprises sont en phase en ce qui concerne leurs enjeux stratégiques et finalités.
Il convient avant tout d’éviter des divergences trop fortes en matière de politiques
de croissance (voies de développement), de gestion des risques ou de stratégies
commerciales (avantages concurrentiels, positionnement, marchés prioritaires).
Cette interrogation vaut principalement lorsque les liens interentreprises
concernent des structures de métiers proches qui impliquent des politiques
d’interdépendance fortes. Dans le cas contraire, la question principale porte sur
les décisions en matière d’allocation de ressources et sur les conditions attendues
en termes de performance. Dans les deux cas envisagés, le désaccord peut
également porter sur la méthode ou les moyens utilisés pour réaliser les objectifs
(organisation, calendrier, répartition des rôles) ;
sur le plan organisationnel, l’étude des compatibilités entre les sociétés est liée
avant tout à l’importance des transformations internes induites par l’association :
transfert de ressources, changement de certains systèmes, aménagement des
procédures de gestion et de contrôle… ;
au niveau culturel, le choix du partenaire ou de la cible pose la question des valeurs
clés de la firme, de son style de management (autoritaire, démocratique,
participatif), du comportement et des habitudes de ses membres, et des risques de
différences trop marquées avec ceux de l’entreprise à l’initiative du projet.

L’essentiel
►► Si le diagnostic stratégique constitue une aide précieuse dans une politique d’entreprise,
encore faut-il savoir dans quels contextes l’utiliser.
►► On réalise généralement un diagnostic stratégique lorsque l’entreprise est confrontée à des
changements importants émanant de son organisation (restructuration interne) ou de
l’environnement (menaces concurrentielles, produits de substitution, nouvelles réglementations),
qui présentent des risques mais aussi des opportunités pour les acteurs économiques.
►► On peut par exemple citer les cas de succession ou transmission d’entreprise, les
questions concernant la viabilité et la faisabilité d’un projet de développement ou de changement, ou
encore des situations dans lesquelles des conduites et actions stratégiques sont mises en place
par des concurrents, partenaires ou clients qui peuvent impacter le modèle économique de
l’entreprise.
Notes
1. On entend par projet, une réalisation spécifique (unique), limitée dans le temps
(échéancier) et comportant un ensemble de tâches cohérentes, utilisant des ressources
humaines, techniques et financières, en vue d’atteindre les objectifs prévus dans le
mandat, tout en respectant des contraintes particulières.
Chapitre 4

Cas pratique : Auchan

Executive summary
►► Le cas pratique Auchan est une illustration particulièrement intéressante de la stratégie d’une
entreprise familiale dans la grande distribution, autour d’enjeux spécifiques, tels que la pérennité de
la firme et la transmission entre générations.
►► Il met en avant le contexte de développement, les atouts de l’enseigne, son système de
valeurs et ses orientations stratégiques.
►► Il illustre les spécificités et les avantages du modèle
de l’entreprise familiale : contrôle du capital, valeurs affichées, mode de management, système
d’entraide, et permet ainsi d’enrichir la notion de stratégie d’entreprise

Auchan ou comment l’esprit de famille devient


la clé du succès
A. Masingue (CEROS-UPOND)
A. Mullenbach (IRG -UPEC)

Auchan, une success story a la française

Auchan est une entreprise familiale créée en 1961 par Gérard Mulliez. Elle est l’une
des enseignes les plus prestigieuses détenue par les membres de l’association familiale
Mulliez (AFM) aux côtés de Décathlon, Leroy-Merlin, Boulanger, Norauto, Phildar et
bien d’autres. Conformément à la vision patrimoniale de la famille, qui refuse les
financements extérieurs, et comme toutes les autres sociétés du groupe, Auchan n’est
pas cotée en Bourse. Son capital est détenu par l’association familiale (87,5 %) et par
les salariés (12,5 %, ce que l’entreprise appelle le partage de l’avoir).
La saga des Mulliez est d’abord celle d’une conversion du textile à la grande
distribution. À l’origine, un petit capital : celui d’une dot que Marguerite Lestienne
remet lors de son mariage à son époux, Louis Mulliez, grand-père de Gérard Mulliez.
Louis utilise cet argent pour ouvrir en 1903 un minuscule atelier de retordage de laine à
Roubaix, à l’époque « capitale mondiale du textile ». Les affaires vont alors prospérer
grâce au commerce avec les Anglais, entre grossistes et bonnetiers, puis en 1923, avec
la création d’une usine de fabrication de fibres mélangées à des fils fantaisie : les
Filatures de Saint-Liévin, installées à Wattrelos. Cette entreprise, dans le capital de
laquelle vont entrer les membres d’une autre famille textile roubaisienne, les
Toulemonde, va connaître un important développement au début des années soixante-
dix, elle est le leader européen des fibres textiles chimiques.
En outre, Louis opère une diversification de ses activités en inaugurant un premier
magasin Les textiles d’Art rebaptisés Au Fil d’Art puis Phildar en 1956 par Gérard
Mulliez-Cavrois, l’un de ses onze enfants.
Ce fils, Gérard Mulliez-Cavrois, va chercher à court-circuiter les grossistes en
bâtissant un réseau de magasins franchisés exclusifs pour commercialiser la laine sous
la marque Phildar (lancée en 1942) : le succès est au rendez-vous et en 1963, les
Filatures comptent plus de 2 000 salariés. Par ailleurs, en 1963, Gonzague, le frère de
Gérard Mulliez-Cavrois, crée Textile Saint-Maclou pour le négoce de moquette et de
ruban synthétique. La distribution prend progressivement le pas sur la production.
Gérard Mulliez-Mathias, fils de Gérard Mulliez-Cavrois et surnommé « Gérard-fils »
ou encore « G2M » du fait de ses initiales est le fondateur d’Auchan. Il est né le 13 mai
1931 à Roubaix. Son parcours scolaire s’inscrit au sein des institutions Notre-Dame des
Dunes à Dunkerque et Jean XXIII à Roubaix, collège Mayfield en Grande Bretagne,
Institut technique roubaisien. Son cursus professionnel lui permet de commencer
contremaître d’un atelier de teinture textile aux Filatures Saint-Liévin (1954), puis
directeur des machines de fil à tricoter chez Phildar, entreprise créée par son grand-
père et développée par son père (1956) et enfin directeur des ventes (bas, laines,
chaussettes, etc.).
En 1961, il crée le premier magasin Auchan, dans le quartier des « Hauts Champs »
(qui donnera son nom à l’entreprise). Les trois premiers exercices étant décevants, le
père de Gérard-fils, Gérard Mulliez-Cavrois, accepte d’investir les bénéfices de
Phildar, qu’il a lui-même créée, dans Auchan ; il donne ainsi à son fils trois années
supplémentaires pour revoir ses méthodes. Pari gagné ! En 1967, soit six ans après
l’ouverture du premier magasin de Roubaix, un premier hypermarché ouvre à Roncq,
dans le Nord de la France.
Auchan est aujourd’hui une société anonyme à directoire et conseil de surveillance
dirigée par Vianney Mulliez. Le fondateur Gérard Mulliez a en effet cédé sa place à la
tête de l’entreprise au fils de son cousin germain – ancien président d’Immochan – en
2006, au terme d’un âpre débat au sein de la famille Mulliez. Son activité principale est
la distribution avec les hypermarchés, les supermarchés et le e-commerce. Néanmoins,
Oney Banque Accord et Immochan, les filiales bancaire et immobilière du groupe,
accompagnent son développement. La société a réalisé un chiffre d’affaires HT sous
enseigne de 51,7 milliards d’euros en 2016 grâce à 2,7 milliard de clients1 et 345 396
salariés appelés « collaborateurs »2.
Dès la construction de ses premiers hypermarchés, Gérard Mulliez voit « large » en
achetant l’ensemble des terrains entourant son magasin pour y implanter des parkings.
Rapidement, ces terrains vont permettre l’implantation sur le site d’Auchan des autres
enseignes du groupe, avec parfois des mises en concurrence avec des enseignes
extérieures (cf. l’exemple Toys’r Us vs. Picwic à Englos). Les surfaces foncières
appartiennent à une filiale d’Auchan, Immochan, qui n’est pas intégrée à l’AFM.
« C’est à Englos que Gérard Mulliez a eu à la fois l’opportunité et la vision sur la
stratégie foncière. », estime Philippe Petitprez, directeur de Citania, filiale
d’Immochan. « L’opportunité, c’est du terrain disponible. Et la vision, c’est
l’installation d’enseignes spécialisées autour de l’hypermarché. À l’époque, ça n’existe
pas ailleurs. » « L’offre créée la demande. Dès lors, Gérard Mulliez achètera toujours
plus de foncier que nécessaire. » « Nous optons toujours pour des emplacements avec
de fortes potentialités de développement en fonction des infrastructures et à l’essor
envisageable. Le foncier, c’est la matière première, c’est la clé du développement. »3

Les facteurs clés de succès du groupe

Dès les années 1965-1966, les cousins de Gérard Mulliez commencent à créer des
grandes surfaces spécialisées dans des secteurs en plein développement : les
accessoires automobiles, le sport, l’électroménager, les restaurants en libre-service…
La création de nouveaux concepts et de nouvelles enseignes est encouragée par
l’AFM, qui en favorise le financement. Selon Camal Gallouj, « la structure de la
gouvernance particulière de l’enseigne joue un rôle dans le développement des
innovations : il y a beaucoup d’entrepreneurs dans la famille Auchan, ça stimule de
lancer de nouvelles choses. Il ne faut pas oublier la réglementation qui oblige à faire
preuve d’imagination, car il est de plus en plus difficile d’ouvrir un nouveau magasin.
Enfin, il y a l’idée que le consommateur d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier. Il faut
s’adapter à ses besoins, proposer de nouveaux concepts. »
Auchan a été le pionnier du drive en France, en lançant dès 2000, Chronodrive (qui
fait partie aujourd’hui de la holding drive d’Auchan). Le drive est aujourd’hui un
important vecteur de croissance pour la grande distribution : il représente déjà un
pourcentage important de la distribution des produits de grande consommation et cette
part de marché devrait grimper. Auchan compte en 2017 une centaine de ces points de
retrait. De même, Auchan a été l’un des premiers grands distributeurs à se lancer dans
le e-commerce et la livraison à domicile avec la création de sa filiale Auchandirect
(2001).
En 2006, Auchan crée Grosbill, un site Internet dédié aux produits high-tech et à
l’électroménager (la commande est passée sur le Web et elle est livrée à domicile ou
peut être retirée directement dans l’un des entrepôts de l’enseigne). Auchan investit
également le hard discount électroménager, avec le lancement au milieu des années
2000 de l’enseigne Electro dépôt.

Les orientations stratégiques

Stratégiquement, l’expansion de l’entreprise Auchan s’appuie d’une part sur une


politique de croissance internationale et, d’autre part, sur une politique de croissance
externe via divers rachats, alliances, partenariats et accords. L’entreprise s’implante
ainsi progressivement en Europe avant de conquérir les pays de l’Est et l’Asie :
Alcampo est créé en 1981 en Espagne, le premier Auchan ouvre en Italie en 1989 puis
au Luxembourg en 1996. La Pologne et la Hongrie constituent les implantations
suivantes en 1996 puis 1998. Le plus grand hypermarché Auchan du monde ouvre
d’ailleurs ses portes à Dunakeszi, dans le nord de Budapest, sur près de 19 600 mètres
carrés de surface de vente, en 2001. Les années 2000 sont également marquées par
l’alliance avec RT Mart pour la Chine et Taïwan et l’accélération de la présence de
l’enseigne dans les pays de l’Est avec des ouvertures en Russie (2002), en Roumanie
(2006) et en Ukraine (2008). Cette expansion s’appuie, d’autre part, sur une politique
de croissance externe par le biais de rachats comme celui du groupe des Docks de
France et des activités espagnoles et portugaises de Pao de Açucar à la fin des années
1990, du groupe italien Rinascente en 2004 ou encore par le biais de partenariats : avec
le chinois RT Mart (cité précédemment), le roumain DGV Disti-Hiper ou encore le
russe Enka.
Auchan s’appuie sur un projet d’entreprise ambitieux à l’appui duquel elle
communique largement : « améliorer le pouvoir d’achat et la qualité de vie du plus
grand nombre de clients, avec des collaborateurs responsables, professionnels,
passionnés et considérés4 ». Mais, au-delà du projet d’entreprise, c’est sur un projet de
société que l’entreprise est assise : le catholicisme social dont l’ensemble des règles,
des procédures, et des techniques de management de l’entreprise est empreint. Gérard
Mulliez-Cavrois et ses frères ont en effet imprimé à la fameuse charte familiale
élaborée en 1955 à Ostende trois principes : l’argent récompense un travail laborieux ;
l’argent doit être réinvesti au profit du bien-être général ; l’entreprise doit satisfaire les
besoins de l’homme. Et, outre le rejet de l’argent facile et du « droit au fauteuil », c’est
bien sur la dimension humaine que se fonde la politique sociale du groupe.
Chez Auchan, les modes de management s’appuient sur ce que l’entreprise appelle le
partage du savoir. Le partage du savoir passe par deux éléments incontournables :
l’information et la formation.
L’information des salariés revêt, en premier lieu, une importance capitale pour les
gestionnaires RH de l’entreprise. Elle se traduit par des réunions régulières qui ont
pour vocation principale d’entretenir la convivialité telle qu’elle peut exister au sein
d’une famille, mais également de faire participer ces salariés à l’information relative au
magasin, à la région, à l’entreprise et, lorsque le cas se présente, à la prise de décision
concertée (le partage du pouvoir). Elle passe également par l’apport de réponses :
chaque collaborateur doit pouvoir obtenir de sa hiérarchie la réponse qu’il attend, ce
qui se traduit parfois par le « savoir dire non », dans des délais raisonnables.
Enfin, un soin tout particulier est apporté à la gestion des bonnes relations entre les
différents interlocuteurs de l’entreprise : du supérieur hiérarchique en magasin au DRH
de région. Entrer chez Auchan, c’est comme entrer dans une famille avec ses codes et
ses rites, notamment : le port de la chemise blanche, de la cravate rouge pour les
hommes, le SBAM (« Sourire, Bonjour, Au Revoir, Merci »). « Le SBAM est le credo
du salarié Auchan, celui que l’on apprend dès son arrivée, et pour lequel on suit des
sessions de formation. Le SBAM, c’est tout simplement notre premier symbole, car il
représente l’attitude vis-à-vis du client », rappelle Denis Lionnet, directeur des
rémunérations.5
Cette politique de partage du savoir, via une politique de formation particulièrement
favorable au salarié et son projet professionnel, et du pouvoir permet à Auchan de
fidéliser durablement ses salariés. Même si l’entreprise cultive l’esprit du secret et
communique peu en termes de chiffres, celle-ci affiche des résultats bien meilleurs que
ses concurrents sur le plan des ressources humaines : un turnover et un absentéisme plus
faibles, une ancienneté de ses salariés plus élevée, une productivité accrue et une
adaptabilité supérieure de ses collaborateurs (Everaere, 20126).

Le système de valeurs

La seconde dimension largement inspirée des valeurs du catholicisme social est ce que
l’entreprise appelle « le partage de l’avoir » ou partage des fruits du travail. Il se
traduit par une rémunération à double entrée : individuelle et collective. La
rémunération individuelle est, classiquement, composée du salaire mensuel – fonction
du niveau de qualification de l’expérience, du diplôme, du marché… – et d’une prime
annuelle (le célèbre « treizième mois »). La rémunération collective est plus atypique
dans la mesure où elle est constituée de trois éléments :
la prime de progrès : elle est versée tous les trimestres et dépend des performances
de chacun, mais également des résultats du magasin et de la société. C’est une
marge sur coûts variables dont le taux est calculé puis appliqué à la partie brute de
la rémunération. Elle est exonérée de charges patronales et sociales.
la participation est fondée sur les résultats d’Auchan France de l’année. Elle permet
de redistribuer une part des bénéfices réalisés. Tous les salariés de l’entreprise
sont bénéficiaires de ce mécanisme, quel que soit leur type de contrat. Leurs droits
sont, normalement, bloqués cinq ans à compter de leur ouverture, bien qu’il soit
possible d’obtenir un déblocage anticipé pour des raisons prévues par la loi.
l’actionnariat salarié qui constitue l’une des spécificités de l’entreprise. Au travers
de l’actionnariat salarié, Auchan permet à chaque collaborateur, depuis 1977, de
devenir propriétaire d’une partie de son entreprise. Fait unique dans les annales de
la grande distribution française, 94 % des salariés d’Auchan sont actionnaires de
l’entreprise. La valeur de l’action est dégagée chaque année par un groupe
d’experts extérieurs à l’entreprise sur le fondement des résultats de la société, en
raison de l’absence de cotation en Bourse. Les critères d’évaluation retenus
combinent la valeur patrimoniale, celle du rendement par les résultats dans chaque
magasin et les potentiels de croissance, la capacité à réaliser les objectifs. Les
salariés choisissent ou non de convertir leur participation légale, leur prime de
progrès, leur prime annuelle en actions, ou d’effectuer des versements volontaires
ne pouvant excéder 25 % de leur salaire. Ces sommes sont conservées à hauteur de
20 % par Valauchan afin de pouvoir anticiper certains déblocages : on parle de
caisse de rachat. Le patrimoine moyen théoriquement disponible est de 22 000 €
par salarié actionnaire qui détient 61 parts en moyenne. Valauchan pèse environ
1,5 milliard d’euros. La valeur de la part est annoncée chaque année au mois de
mars et relayée dans chacun des hypermarchés.
Néanmoins, quelques voix syndicales modèrent les enthousiasmes. C’est le cas de
Guy Laplatine, délégué central CFDT : « Nous sommes des propriétaires
impuissants ! ». Si Guy Laplatine reconnaît que 11,9 % des fonds propres du groupe
Auchan sont propriété de l’actionnariat salarial, il y reconnaît aussi une forme
d’hypocrisie : « Derrière la bienveillance paternaliste, les représentants des employés
actionnaires sont en fait des managers et des cadres sup, peu représentatifs des
employés, qui sont là pour relayer la parole du système. En fait, les salariés n’ont
aucune gouvernance »7. En outre, certaines critiques relativisent le partage de l’avoir
lorsque 84 % du capital appartient à 600 personnes et 11,9 % à 262 977 personnes.
Au sein d’Auchan, seuls 5 % des salariés sont syndiqués, la représentativité
syndicale y est donc relativement faible (tout comme dans l’ensemble de la grande
distribution, secteur où l’histoire syndicale est très jeune et où le turnover et la
précarisation de certains postes ne facilitent pas l’engagement syndical). La politique
paternaliste, la proximité des managers, ainsi que le déploiement d’un actionnariat
salarié expliquent le relatif climat de paix sociale qui y règne. Toutefois, l’une des
singularités d’Auchan est que le syndicat majoritaire est la CFTC, qui détient 40 % des
voix au comité d’entreprise (CE) contre 18 % à FO, 13 % à la CGT et à la CFDT et
16 % à la CGC. La CFTC, d’obédience chrétienne, adopte rarement des positions
radicales et correspond bien à la culture de l’entreprise (partage de l’avoir, du pouvoir
et du savoir). Comme l’explique Guy Limousin, secrétaire régional CFTC, pendant près
de 40 ans : « Nous sommes rentrés dans l’entreprise peu après l’ouverture d’Englos, en
1970. À l’époque, il n’y avait que la CGT, et tout était prétexte à arrêt de travail. Des
salariés excédés ont voulu créer une nouvelle section syndicale plus apte à la
discussion et se sont tournés vers la CFTC »8. Le paysage syndical se modifie quelque
peu à partir de 1996, lorsqu’Auchan rachète les Docks de France (Atac, Mammouth), au
sein desquels la CFDT est majoritaire. Les revendications se font alors plus virulentes,
avec notamment la bataille autour des rémunérations des temps de pause et du respect
du salaire minimum légal lancé en 2004 au niveau national par la CGT et la CFDT (et
qui aboutira à un procès perdu en 2010 contre Auchan devant les prud’hommes mais
gagné en cassation contre Carrefour).

FICHE PRATIQUE

LES QUESTIONS CLÉS DE L’ANALYSE

1. Quels sont les éléments constitutifs d’une entreprise familiale ?


2. Quels sont les facteurs clés de succès de la famille Mulliez ?
3. Présentez un SWOT de l’entreprise Auchan (forces, faiblesses, opportunités,
menaces).
4. Comment Auchan a-t-il réussi à concilier les relations affectives et la rationalité
managériale ?
5. Expliquez les choix d’Auchan en termes de politique d’internationalisation et de
croissance externe.
6. En quoi le mode de gouvernance centré sur l’AFM présente-t-il un grand nombre
d’avantages ?
7. Expliquez en quoi le partage de valeurs communes constitue le ciment de la
stratégie de la famille Mulliez.
8. Comment peut-on expliquer que les performances économiques des entreprises
familiales soient supérieures à celles des entreprises managériales ?

Synthèse

Les éléments constitutifs « classiques » d’une entreprise familiale sont :


le taux de contrôle du capital par la famille ;
l’implication de la famille dans le management ainsi que les valeurs et la culture de
l’entreprise ;
la volonté de transmettre l’entreprise aux générations suivantes sachant que la
principale préoccupation du (des) dirigeant(s) est la pérennité de l’entreprise.
En ce qui concerne Auchan, la première clé de réussite du groupe est
l’investissement de l’association familiale dans les affaires patrimoniales et l’attente à
plus long terme d’un retour sur investissement.
La famille Mulliez, bien loin de l’image de conservateurs routiniers que l’on veut
bien prêter aux entrepreneurs familiaux, sait en effet remarquablement bien s’adapter au
marché et se diversifier. Et c’est là l’une de ses autres clés de succès : sa capacité
d’innovation, de conquête de nouveaux marchés et sa facilité à rebondir.
Ainsi, au-delà de la fabrication de fils de laine qui constituait leur cœur de métier
depuis le XIXe siècle, les membres de la famille Mulliez ont-ils su fonder des entreprises
dans des secteurs aussi diversifiés que les accessoires automobiles (Norauto),
l’équipement de la maison (Alinéa), la restauration rapide (Flunch) ou encore la
distribution, pour ce qui nous intéresse. La réussite jamais démentie d’Auchan repose
ainsi sur au moins cinq facteurs clés de succès :
une gouvernance spécifique ;
une maîtrise du foncier ;
une capacité permanente d’innovation ;
une politique de croissance externe et d’internationalisation ;
une politique sociale très porteuse.
Néanmoins, la force de la famille Mulliez, qui la met relativement bien à l’abri de
ces différents risques, réside dans la charte familiale et le règlement de l’AFM élaborés
(puis revisités ensuite) en 1955 à Ostende (Gobin, 2006). En effet, à la mort de Louis
Lestienne est élaboré un pacte, fondement de l’Association Familiale Mulliez, dont le
mot d’ordre est « Tous dans tout », qui permet un contrôle du collectif sur l’ensemble
des entreprises de toute la famille.
Le règlement de l’AFM prévoit en effet un conseil de gérance élu par l’AFM elle-
même, chargé de veiller aux affaires familiales, notamment en termes de stratégie
globale à adopter, de nomination des dirigeants, de principes de gestion ou encore de
négociabilité des titres. Aucun des dirigeants en poste ne peut être élu à ce conseil de
gérance, d’où une séparation des intérêts individuels et de l’intérêt collectif.
Le mode de gouvernance original, centré sur l’AFM, présente un grand nombre
d’avantages :
il permet d’éviter l’émancipation d’un individu contre le collectif ;
il permet d’offrir une structure de financement qui apporte soutien et financement
« patient » de projets innovants, à l’image du soutien qu’avait apporté Gérard
Mulliez-Cavrois à son fils lors des premières années d’Auchan à Roubaix ;
les prises de risques servent l’intérêt général de la famille et le pacte de solidarité
entre les enseignes permet au groupe d’avoir une indépendance financière, à l’abri
des marchés et des banques ;
le système met le groupe à l’abri des prédateurs potentiels ;
la viabilité du système de gouvernance est permise par le partage de valeurs,
véritable ciment de la famille Mulliez.

L’essentiel
►► Les éléments constitutifs « classiques » d’une entreprise familiale sont le taux de contrôle
du capital par la famille, l’implication de celle-ci dans le management ainsi que les valeurs et la
culture de l’entreprise. Ils reposent également sur la volonté des dirigeants de transmettre
l’entreprise aux générations suivantes, avec comme préoccupation principale la pérennité de
l’entreprise. Pour Auchan, la première clé de réussite concerne l’investissement de l’association
familiale dans les affaires patrimoniales et l’attente à plus long terme d’un retour sur investissement.
►► La famille Mulliez a su remarquablement s’adapter au marché et se diversifier.
►► Mais la viabilité du système repose aussi et surtout sur son mode de gouvernance
original qui permet d’éviter l’émancipation d’un individu contre le collectif, et sur le partage des
valeurs, véritable ciment de la famille Mulliez.
Notes
1. Nombre de tickets de caisse enregistrés dans les hypermarchés et les supermarchés
(www.auchan-retail.com/).
2. Source : site Internet www.auchan-retail.com.
3. La Voix du Nord, Hors-série, p. 19.
4. www.auchan.fr
5. La Voix du Nord, hors-série, juillet 2011, p. 36.
6. Everaere C. (2012), « Flexibilité appliquée aux ressources humaines. Compatibilités
et contradictions », Revue française de gestion, no 221, pp. 14-32.
7. Ibid., p. 62.
8. Ibid., p. 63.
Partie 2

Le diagnostic stratégique
en pratique

Le diagnostic stratégique est un outil d’analyse qui précise les missions, métiers et
activités de l’entreprise, sa structure ainsi que ses voies et modes de développement.
Il doit aussi prendre en compte les attentes et contraintes des parties prenantes, ainsi
que les ambitions et valeurs des dirigeants. Le diagnostic stratégique permet de
distinguer les différentes activités clés d’une entreprise (segmentation stratégique) et
d’étudier la dynamique sectorielle de chacune. Il entend également analyser le cycle de
vie des secteurs, marchés et technologies, ainsi que l’étude des concurrents existants et
potentiels.
Le diagnostic stratégique vise également à évaluer les ressources internes de
l’entreprise en termes de capacités d’exploitation et de mobilisation, ainsi que la
compétitivité de chaque activité. Dans ce cadre, plusieurs outils ou matrices d’analyse
peuvent être utilisés, en vue d’analyser la rentabilité et la cohérence du portefeuille
d’activités de l’entreprise.
La réalisation d’un diagnostic doit notamment chercher à comprendre le business model
de l’entreprise. Cette notion est fondamentale, dans la mesure où elle permet de mieux
saisir la cohérence et la viabilité stratégique du projet, en étudiant ses perspectives de
croissance et sa structure de coûts.
Chapitre 5

Comprendre les trajectoires


stratégiques des firmes

Executive summary
►► Le diagnostic stratégique est un outil d’analyse qui permet de préciser les missions, métiers
et activités de l’entreprise, sa structure et son fonctionnement. En matière de stratégie, il importe de
bien comprendre la trajectoire de chaque firme, ce qu’elle est, ce qu’elle fait et où elle va.
►► L’analyse stratégique de l’entreprise passe également par la définition de ses voies
(spécialisation, intégration verticale, diversification) et modes de développement
(croissance interne, externe ou conjointe) qui contribuent à mieux comprendre les priorités
stratégiques en matière d’investissements.
►► La question du degré d’internationalisation des activités de l’entreprise est un thème
central de la stratégie et permet d’apprécier le dimensionnement des activités et la position
de l’entité sur ses différents marchés.

Comprendre la trajectoire stratégique d’une firme revient à étudier les événements et


les choix qui ont façonné les contours actuels de l’organisation, en mettant en
perspective les processus d’engagement (politique, décisions, orientations) et de
divergences (rupture, dissonance, retournement) et leurs effets sur la situation actuelle
de l’entreprise. Cette analyse passe notamment par l’identification de plusieurs
éléments que nous développons dans ce chapitre. Appréhender la trajectoire stratégique
d’une firme est donc un moyen efficace de recouper méthodiquement ses chemins de
traverse, en identifiant la part de délibéré et d’émergent dans la situation que connaît à
l’instant t l’entreprise.

La mission, les métiers et les objectifs de l’entreprise


La mission ou vocation de l’entreprise reflète ses finalités. Elle répond à des questions
du type « Qui sommes-nous ? », « Que savons-nous faire ? », « Que voulons nous
faire ? ». La mission renvoie donc aux orientations générales de la firme, ses métiers,
son appartenance professionnelle et son identité. Elle est censée traduire la façon de
voir et de penser des dirigeants de l’entreprise et prend souvent en compte une partie de
l’héritage passé de l’entreprise (décisions antérieures, relations passées, événements
marquants), même si elle est amenée à changer progressivement compte tenu de
l’évolution de l’environnement.
Analyser la mission d’une entreprise doit ainsi permettre de comprendre :
ses intentions à moyen et long termes ;
le choix de ses métiers et activités actuels et passés ;
le positionnement recherché (position sur le marché et image) ;
ses choix en matière de développement (voies de développement et modes de
croissance) ;
ses impératifs et contraintes fondamentales (croissance, rentabilité…) ;
ses valeurs culturelles.
La mission sert donc à définir en quelques lignes la vision de l’entreprise, ce qu’elle
a fait et ce qu’elle souhaite réaliser dans l’avenir. Elle est l’expression concrète et
consensuelle de ce que l’entreprise veut être et devenir. Elle se traduit le plus souvent
en termes de finalités, de vocations et d’objectifs et intègre parfois des principes
d’actions et d’organisation.
On peut citer à titre d’exemple la mission d’un grand groupe de mécanique dont la
vocation première est de :
« Devenir un des experts de la maîtrise des procédés de techniques à froid, en
s’affirmant comme l’un des principaux partenaires des grands donneurs d’ordres, afin
de prendre une position de leader dans le domaine de la forge sur le marché européen. »
On constate qu’en une seule phrase, un lecteur averti peut avoir des indications sur le
positionnement stratégique de l’entreprise (expertise technique), son métier (forgeron),
sa spécialisation (les procédés à froid), son orientation (sortir du stade de sous-traitant
pour devenir un véritable partenaire des principaux donneurs d’ordres) et la nature de
son marché (le marché européen).

Exemple
Les missions du Groupe Renault
Faire reconnaître son identité de marque, à partir de trois valeurs fondamentales qui incarnent
l’actif de la marque : l’anticipation, l’innovation et le confort-plaisir.
Être le plus compétitif sur ses marchés en termes de qualité, coût, délais.
Renforcer son développement à l’international par des alliances et des acquisitions
transnationales permettant de couvrir les différentes zones géographiques (synergies de
croissance).
Développer et diffuser les valeurs du Groupe Renault (progrès scientifique, respect de
l’environnement, développement des salariés, participation au développement local).
Assurer l’indépendance du Groupe grâce à des résultats financiers performants (rentabilité
des capitaux propres, marge opérationnelle de 4 % en moyenne du cycle, contrôle de
l’endettement, contribution financière des filiales et des partenaires).
Source : rapport d’activité Renault.

Une fois la mission identifiée, l’analyste stratégique doit se poser cinq questions
principales :
1. La mission est-elle suffisamment définie pour savoir, sans ambiguïté, ce qu’elle
contient et ce qu’elle exclut (en termes de métiers, activités et projets) ?
2. La mission est-elle réaliste et en accord avec les caractéristiques actuelles de
l’environnement (évolutions concurrentielles, technologiques, réglementaires,
logiques de filières, structuration des marchés) ?
3. La mission permet-elle de définir des orientations stratégiques pertinentes pour le
développement de l’entreprise ?
4. La mission est-elle compréhensible par l’ensemble des parties prenantes et
suscite-t-elle l’adhésion et l’implication du personnel ?
5. La mission est-elle compatible avec les intérêts à court terme des actionnaires
(croissance de l’entreprise et rentabilité) ?

Les métiers et activités de l’entreprise

On entend par métier un ensemble de compétences et de savoir-faire distinctifs,


reconnus par une profession donnée et clairement identifiable par l’environnement
économique (clients, fournisseurs, concurrents, partenaires). Le choix d’un ou plusieurs
métier(s) revêt un enjeu majeur, en raison de la difficulté à définir les « savoirs et
savoir-faire » de l’organisation et à les faire évoluer en fonction des mutations de
l’environnement.
De manière générale, le choix des métiers est essentiel dans une stratégie car il
permet à l’entreprise de définir ce qu’elle va concrètement faire et sur quel type de
compétences elle va s’investir en priorité (politique d’investissements).

Exemple
Le(s) métier(s) du Groupe Renault
Le Groupe Renault se définit avant tout comme un créateur d’automobiles. Il s’agit donc pour
cette entreprise transnationale d’officialiser que son métier principal est de créer et concevoir de
nouveaux modèles (nouvelles solutions, innovations technologiques, véhicules de caractère au
design distinctif). Son métier va donc bien au-delà de sa capacité à fabriquer et commercialiser
des véhicules sûrs et respectueux de l’environnement (particuliers et utilitaires). Outre son
métier principal de créateur d’automobile, Renault exerce un autre métier (complémentaire au
premier) – le financement des ventes d’automobiles.
Le métier peut combiner des éléments liés à la chaîne économique du produit
(conception, fabrication, distribution) mais également à la connaissance du marché
(innovation sociétale, stratégie d’anticipation ou de rupture, relation de proximité avec
les clients).

Exemple
Le(s) métier(s) du Groupe Swatch
On peut définir le métier du Groupe Swatch comme un concepteur, fabricant et distributeur de
produits novateurs sur le plan culturel et sociétal (facteurs d’identification et d’appartenance) qui
associent à un style provocateur et anticonformiste des normes strictes de qualité et de coûts.

Le métier de l’entreprise n’est donc pas forcément défini à travers ses produits car, à
l’instar du Groupe Swatch, d’autres actifs de l’entreprise (image, marque, style de
communication, insertion relationnelle), plus intangibles, peuvent également être au
cœur du métier de la firme.
Lorsqu’on parle du ou des « métier(s) de l’entreprise », il est important de faire
attention à l’écart qui peut exister entre ce qui est écrit dans les rapports annuels et ce
qui est pratiqué dans les faits par l’entreprise. Les dissonances éventuelles observées
entre le métier souhaité et celui réellement pratiqué peuvent révéler un glissement non
maîtrisé (et non anticipé) de l’activité de l’entreprise, lié à des changements au sein de
la filière (mouvement d’intégration amont ou aval, logique de transversalité) ou à une
évolution rapide de l’environnement concurrentiel (nouveaux entrants, produits de
substitution ou de remplacement).
Dans tous les cas, les dissonances observées en matière de métier sont souvent la
cause de ruptures ou de sauts majeurs qui auront des effets directs sur la position
concurrentielle future de l’entreprise. Bien identifier les écarts entre le métier visé et
celui réellement exercé constitue par conséquent une source importante d’avantages
concurrentiels. Il permet en particulier à l’entreprise de mieux s’insérer dans la
nouvelle donne du secteur.
À l’inverse, ne pas prendre en compte les écarts éventuels peut amener l’entreprise à
sortir progressivement du champ concurrentiel et à se mettre dans une situation délicate.
C’est notamment courir le risque de voir une réduction de ses marges et subir le spectre
de la rétrogradation à une position de rang inférieur (passer du stade d’assemblier à
celui de simple sous-traitant) ou de la marginalisation économique (inadéquation entre
l’offre et les attentes du client).

Les structures, l’organisation et l’identité de l’entreprise


Cerner la trajectoire d’une entreprise c’est aussi comprendre son organisation et son
fonctionnement, identifier les choix qui ont été faits, les adaptations structurelles, les
ruptures éventuelles et leurs conséquences sur les valeurs et l’identité de l’entreprise.
Ces éléments sont en effet à la source de l’efficacité technique et économique de la
firme et contribuent à renforcer le « capital » de l’entreprise. Les dirigeants peuvent
opter pour différents types de structures, en fonction de leurs orientations et choix
stratégiques : la structure hiérarchique, la structure fonctionnelle, la structure
divisionnelle, la structure matricielle.
Généralement, le choix d’une structure s’opère à travers un certain nombre de
critères : la hiérarchisation, la spécialisation, la formalisation, la centralisation et la
standardisation. Chacune de ces dimensions renvoie à des choix en termes d’orientation
et d’adaptation par rapport aux enjeux stratégiques de la firme. La compréhension non
seulement de la structure, mais aussi des enjeux sous-jacents, est donc essentielle pour
évaluer les capacités d’exploitation et d’adaptation de l’entreprise face aux évolutions
de l’environnement.

Le degré de spécialisation fonctionnelle

La spécialisation permet de définir le nombre de tâches nécessaires à la réalisation


d’une activité. Fondée sur le principe de division du travail, elle peut s’opérer par
grandes fonctions, centre de profit, lignes de produits ou zones géographiques.
H. Mintzberg (1982) distingue deux types de spécialisations, la spécialisation verticale
qui sépare la réalisation du travail de son administration et la spécialisation horizontale
qui divise les tâches pour accroître la productivité.
La spécialisation vise donc à répondre aux questions suivantes :
1. Comment sont organisées et réparties les activités de l’entreprise ?
2. Sur quels critères et jusqu’à quel degré de détail le découpage des activités est-il
réalisé ?
3. Dans quelle mesure les tâches sont-elles divisées ?
Par exemple, l’existence d’un responsable marketing (découpage par fonction) ou
d’un chef de région (découpage par zone géographique) répond à une logique de
spécialisation verticale. À l’inverse, la création d’un service formalisé d’études et de
méthodes correspond à une démarche de spécialisation horizontale.
Les avantages de la spécialisation sont à rechercher dans l’efficacité technique et
dans l’optimisation de la réalisation de certaines tâches. Les inconvénients proviennent
de l’augmentation des coûts de transaction et de coordination entre les unités
spécialisées. Le recours ou non à la spécialisation dépend essentiellement du degré
d’incertitude de l’environnement, des facteurs clés de succès (réduction des coûts ou
différenciation), du cycle de vie des technologies présentes sur le marché.

Les modalités de coordination des activités

La coordination est le mode de collaboration institué entre les services et départements


de l’entreprise. Elle assure la cohérence entre les différentes actions de l’entreprise et
permet donc une unité d’action. La coordination entend répondre aux questions
suivantes : comment faire travailler les individus ensemble ? Comment relier les unités
de l’entreprise ? Dans quelle mesure existe-t-il des procédures pour définir les tâches ?
Dans la plupart des entreprises, la hiérarchie demeure le principal mode de
coordination (relations verticales du type supérieur-subordonné). Ces relations sont
souvent complétées par des relations horizontales (comités, groupes de travail, équipes
projet).
Outre la voie hiérarchique, la coordination peut se faire par ajustement mutuel.
Plusieurs personnes se coordonnent par ajustement mutuel si elles décident d’une action
au terme d’une communication directe dans laquelle il n’y a pas de référence à
l’autorité hiérarchique. L’ajustement mutuel est en général utilisé quand les personnes
ont un niveau de compétences fort et quand l’organisation les encourage à prendre des
initiatives dans leur travail. Mais la coordination peut également prendre d’autres
formes. Elle peut faire appel à des systèmes d’interface entre les fonctions et les
services ou s’appuyer sur un cadre intégrateur ou des équipes transversales provisoires
(équipe-projet, management d’interface, équipe de transition) ou permanentes (comité).
Pour l’analyste, il s’agit de s’assurer que les modalités de coordination permettent à
l’organisation de gérer la complexité des opérations, qu’elles ne génèrent pas des
déperditions trop importantes et qu’elles ne sont pas des sources de jeu de pouvoir
(stratégies d’acteurs/rapport de forces) au sein de l’entreprise.

Le degré de formalisation de l’organisation

La formalisation détermine le degré de précision dans la définition des fonctions et des


liaisons entre les différentes composantes de l’organisation (existence ou non de
procédures, de manuels, de méthodes…). Un degré élevé de formalisation se traduit par
l’existence de règles et de procédures détaillées régissant la firme. Elle permet de ce
fait de préciser et clarifier l’organisation du travail et le rôle de chaque acteur au sein
de la structure. La formalisation implique donc une plus grande transparence et lisibilité
dans le travail à réaliser, même si ce processus peut conduire à une certaine rigidité
dans le fonctionnement des organisations.
Le degré de formalisation est souvent corrélé au degré de spécialisation des tâches.
La formalisation est un facteur important, notamment au regard des exigences récentes
de certification. Le danger d’une formalisation excessive est de transformer l’entreprise
en une bureaucratie, tandis que le risque d’une absence de formalisation est de faire
reposer la compétitivité globale de l’entreprise sur les capacités managériales de
quelques personnes sans réelle possibilité de diffusion des connaissances produites.

La standardisation

L a standardisation revient à rationaliser l’organisation du travail. On distingue


généralement la standardisation des procédés (description détaillée des tâches que le
titulaire d’une fonction doit accomplir), la standardisation des résultats (spécification
des objectifs à atteindre avec définition des responsabilités de chacun), la
standardisation des qualifications (liste des différents savoir-faire nécessaires pour
exécuter un travail).
Des personnes sont coordonnées par standardisation des procédés de travail si
chacune dans son poste suit des procédures, sans avoir à se préoccuper des autres
membres de l’organisation. Les procédures sont conçues pour que le travail d’ensemble
soit coordonné. On trouve ce mécanisme aussi bien dans le travail à la chaîne effectué
par des ouvriers, que dans les activités d’analyse qualité effectuées par des techniciens,
ou dans les procédures utilisées par les auditeurs qui contrôlent les comptes. La
standardisation des procédés de travail n’est pas l’apanage du travail non qualifié,
même si elle est plus fréquente dans ce cas.
La standardisation des résultats intervient si chacun des membres de l’organisation
peut se focaliser sur un résultat à atteindre dans son travail ou sur une norme à
respecter, sans avoir à travailler avec les autres acteurs de la structure. Les normes de
qualité imposées à un ouvrier, les objectifs de vente des commerciaux (objectifs
annuels ou mensuels de chiffre d’affaires) et les objectifs de profit des directeurs de
filiales sont des exemples de standardisation des résultats.
Les membres d’une entreprise sont coordonnés par standardisation des
qualifications si chacun se réfère, dans son travail, à des savoirs développés dans
l’entreprise, appris dans des formations ou développés par l’expérience
professionnelle. La standardisation des qualifications est très utilisée dans les activités
de conception de nouveaux produits et dans les activités de haute qualification
(hôpitaux et cliniques, cabinets conseils, certaines SSII, certains travaux d’ingénierie,
universités et grandes écoles).
Le choix de la standardisation renvoie à la culture, aux valeurs et à l’identité de
l’organisation. Il correspond aussi la plupart du temps à des pratiques en vigueur au
sein du secteur considéré et à des exigences en termes de coûts. Un tel choix impose
généralement à la firme d’importantes contraintes en termes de gestion et
d’organisation. Il permet ainsi de comprendre certaines orientations de l’entreprise
(stratégie de volume/domination par les coûts) et la manière dont certaines options
stratégiques ou opportunités vont être interprétées et hiérarchisées en interne.

Le degré de centralisation

L a centralisation consiste à concentrer le pouvoir de décision au sommet de la


hiérarchie (niveau de délégation décisionnel et budgétaire), à l’inverse de la
décentralisation. Il existe plusieurs formes de décentralisation :
la décentralisation verticale (dispersion du pouvoir formel vers le bas) ;
la décentralisation horizontale (le pouvoir quitte la ligne hiérarchique et est recueilli
par les fonctionnels) ;
la décentralisation sélective (certaines décisions sont prises localement, d’autres au
sommet) ;
la décentralisation globale.
Le degré de centralisation est caractéristique à la fois de la culture de l’entreprise
(culture paternaliste, autocratique ou bureaucratique), mais aussi des choix stratégiques
de celle-ci. Par exemple, le choix d’une stratégie multinationale impose de
décentraliser certaines opérations (production/commercialisation) auprès de filiales
locales ou par grandes zones géographiques. À l’inverse, sur des marchés plus
spécialisés ou locaux, l’entreprise peut privilégier la centralisation. Il en va de même
pour les sociétés nouvellement créées.

La dimension identitaire et culturelle de l’organisation


Chaque entreprise a une personnalité représentée par son identité, c’est-à-dire
l’ensemble des éléments spécifiques à une organisation, et sa culture.
On entend par culture d’entreprise, l’ensemble des manières de penser, de sentir et
d’agir qui sont communes aux membres d’un même groupe social (valeurs, croyances).
La culture est l’univers où les acteurs peuvent communiquer et repérer ce qui les unit ou
les différencie.
Étudier la culture d’une entreprise devient nécessaire dès lors qu’un changement est
susceptible de remettre en cause son système de valeurs. Mais comprendre la culture
d’une entreprise est une tâche tout aussi essentielle que difficile.

Le tissu culturel de l’entreprise

Johnson et Johnson (2000) proposent d’analyser la culture de l’entreprise à partir de


l’étude des croyances implicites de l’organisation et des manifestations physiques de sa
culture. Ce tissu culturel comprend l’identification du paradigme de la firme (système
de convictions) et plusieurs éléments constitutifs d’une culture, comme les rites et
routines, les mythes, les symboles, les systèmes de contrôle, ainsi que les structures
organisationnelles et de pouvoir :
l e s rites sont des pratiques qui découlent des valeurs partagées par les mêmes
membres d’une organisation. Les séminaires d’intégration, les réunions de travail,
les réceptions sont des exemples de ces pratiques. Les routines sont des règles de
comportements et d’organisation (procédures) pratiquées par l’entreprise et ses
membres à intervalle régulier ;
les mythes sont des légendes, des histoires associées au passé de l’entreprise qui
servent à renforcer les valeurs communes. Ils peuvent être liés à des personnalités
ou à des situations qui marquent ou qui ont marqué la vie de l’entreprise ;
les symboles sont des représentations codées de la nature profonde de l’organisation
(logos, aménagement des bureaux, langages…) ;
les structures de pouvoir mettent en avant la répartition et distribution des cartes de
pouvoir formel et informel qui existent au sein de l’organisation (structure du
capital, influence politique, réseau relationnel…) ;
l a structure organisationnelle analyse le niveau hiérarchique de l’organisation
(nombre et importance des échelons) et les caractéristiques de l’organigramme.
Figure 5.1 – Le tissu culturel de l’entreprise

Cas d’entreprise

Alitis1

■ Profil culturel
Personnalité du dirigeant (fondateur, entrepreneur)
Professionnel, orienté vers le client et les résultats à court terme
Capacité à concilier business et climat social
Fierté et revendication nationale
Pouvoir fort, fortement centralisé
Mode de décision consensuel
Faible tolérance aux risques et à l’ambiguïté
Goût pour le pragmatisme
Forte loyauté des employés
Difficulté à se projeter
Pas de culture stratégique ou politique

■ Analyse culturelle et implication managériale


L’analyse culturelle de cette entreprise permet d’identifier ses atouts et ses faiblesses dans le
cadre d’un processus de changement. Elle montre notamment la capacité de celle-ci à faire face
aux attentes et besoins de la clientèle, en dépit des changements à venir (pragmatisme) grâce à
une stratégie d’adaptation permanente (forte réactivité). Elle montre en revanche de réelles
faiblesses dans ses capacités à négocier et faire face à des relations complexes (fusion,
acquisition, alliance), compte tenu de sa difficulté à gérer les enjeux politiques (rapport de
force/conflits). L’entreprise semble en effet peu à l’aise pour envisager des relations structurées
avec d’autres acteurs de son environnement (vision à court terme/absence de culture financière
et juridique). La culture actuelle de l’entreprise passe essentiellement par l’innovation-marché
(innovation pull) avec une adaptation permanente aux variations de l’environnement et une
préférence marquée pour la croissance non capitalistique (développement interne, sous-
traitance, coopération ponctuelle).
Source : Dever SA

Pour une application de cette grille d’analyse, on pourra se reporter à la partie 3


(p. 235). Comprendre les grands traits de la culture d’une entreprise permet de
s’assurer que la stratégie et le « terreau » organisationnel de l’entreprise sont
compatibles. Par exemple, une culture centrée sur l’innovation peut créer des blocages
si les dirigeants de l’entreprise décident, sous la contrainte, d’orienter l’entreprise vers
une politique de spécialisation, de standardisation et de réduction des coûts. À
l’inverse, une entreprise caractérisée par une culture de type productiviste risque
d’avoir des difficultés pour maîtriser des activités à forte incertitude impliquant des
adaptations et des changements fréquents. La culture agit donc ici comme une variable
de contrôle et de modération. Elle ne fait pas la stratégie, mais elle peut en revanche la
rendre plus difficile, l’influencer (changement d’inclination) ou différer les effets d’une
politique. Dans des cas plus extrêmes encore, la non prise en compte de la culture de
l’entreprise peut être une source importante de déstabilisation (dysfonctionnement,
résistance au changement) voire de destruction (conflits sociaux/fuite de compétences).

L’histoire de l’entreprise

Dans le cadre d’un diagnostic d’entreprise, il peut aussi être utile de prendre en compte
le rôle joué par certains événements ou décisions prises par l’entreprise à des moments
clés de son histoire. Certains faits historiques peuvent en effet fortement influer sur les
choix et comportements de l’entreprise, en remettant en question certaines préférences
ou objectifs de croissance, suite par exemple à l’échec d’une manœuvre stratégique
(acquisition, partenariat, externalisation) ou au contraire en renforçant certaines
orientations, lorsque le fait identifié devient le symbole/l’empreinte de l’entreprise et
de ses valeurs (charisme du dirigeant, lancement d’un produit innovant et original,
obtention d’un contrat commercial d’envergure…).
On pourra en particulier s’attacher à rechercher :
les mythes fondateurs et légendes sur lesquels l’entreprise s’est construite et
développée ;
les événements et périodes clés du développement de la firme (fusion/acquisition,
alliances et partenariats, cession d’activités, réorganisation, périodes de
croissance ou de crise, internationalisation…) ;
les personnalités marquantes de l’entreprise (fondateur, dirigeants, hommes clés) ;
les décisions prises en matière de politique d’investissement ou de désengagement
(programme Recherche & Développement, changement de site, délocalisation,
plan de formation ou de perfectionnement, politique d’innovation, nouveaux
équipements, périodes d’embauche et de licenciement…) ;
tout facteur interne ou externe à l’entreprise qui fait aujourd’hui partie de sa mémoire
et qui a eu un effet direct ou indirect sur sa stratégie, ses croyances et
comportements (intégration de nouveaux arrivants, création de marque, logo, choix
du site, aménagement des locaux et des bureaux…).

La spécialisation, l’intégration verticale ou la


diversification
Une entreprise, au niveau de ses métiers, peut se développer de différentes manières.
On peut identifier trois principales voies possibles : la spécialisation, l’intégration
verticale ou la diversification.

La voie de la spécialisation

La politique de spécialisation revient à se focaliser sur un seul métier. Ce choix peut se


faire dès le départ ou dans un second temps. Dans ce cas, l’entreprise opte pour ce
qu’on appelle une politique de recentrage. Plusieurs entreprises sont connues pour leur
spécialisation. C’est le cas par exemple de Boeing dans l’aéronautique. On peut
également citer le cas de Renault dans l’automobile, qui a fait le choix de se recentrer
sur son métier de base, à savoir l’automobile, en abandonnant ses métiers liés aux
machines-outils ou à la fonte.
Une politique de spécialisation présente plusieurs avantages :
une plus grande clarté au niveau des objectifs de l’entreprise et de ses orientations ;
la concentration des efforts sur le métier de base de l’entreprise, permettant une
meilleure maîtrise du savoir-faire ;
la réalisation d’économies de coûts liées à la bonne connaissance du métier (effet
d’expérience) et à l’établissement possible de système de production en grande
série ;
le renforcement de la structure existante (absence de restructuration ou de
réorganisation) avec une relative simplicité dans les mécanismes de contrôle et de
gestion de l’entreprise ;
la possibilité de développer une image unique et claire auprès du marché, des clients
et des partenaires financiers.
Elle présente en revanche le risque de voir son seul et unique métier parvenir en
phase de maturité ou de déclin, d’où une certaine limitation des capacités d’adaptation
et de changement. La spécialisation est donc un choix dangereux qui peut placer
l’entreprise dans une position de vulnérabilité en cas d’évolution défavorable de
l’environnement. En effet, en cas de modification importante de celui-ci, la survie même
de l’entreprise peut alors être en jeu.

La voie de l’intégration verticale

L’intégration verticale consiste pour l’entreprise à prendre des positions en amont ou


en aval de son métier, en intégrant des métiers réalisés auparavant par ses fournisseurs
ou distributeurs. On nomme cette politique d’intégration, dans la mesure où l’entreprise
« intègre » des métiers auparavant réalisés à l’extérieur par des sociétés autonomes sur
le plan juridique. La politique d’intégration s’oppose par conséquent à l’externalisation,
qui consiste au contraire à confier durablement à une autre société des activités (ou
fonctions) qu’elle réalisait auparavant elle-même. L’ intégration verticale peut
s’effectuer dans trois principales directions :
en amont, afin de contrôler les sources d’approvisionnement (matières, composants).
Cette politique permet ainsi de maîtriser la régularité, la qualité et les coûts des
approvisionnements, d’éliminer par des barrières à l’entrée les concurrents en
fixant les coûts à la hausse. C’est le cas par exemple d’Engie qui poursuit sa
politique d’intégration amont de la chaîne gazière en rachetant des sociétés
d’exploration et de production de gaz ;
en aval, afin de contrôler les débouchés commerciaux (produits finis, réseaux de
distribution). Cette politique permet ainsi de s’assurer de débouchés réguliers,
d’éliminer les concurrents du circuit de distribution. C’est l’option prise par le
groupe Walt Disney qui a procédé à une intégration avale en rachetant la chaîne de
télévision ABC, en vue d’augmenter la diffusion de ses émissions ;
en amont et en aval, afin d’avoir une maîtrise des opérations sur l’ensemble de la
filière. L’entreprise Yves Rocher, au-delà de son métier de base, à savoir celui de
fabriquer des produits cosmétiques, mène une politique d’intégration vers l’amont,
en étant propriétaire de laboratoires de recherche bio-végétale, et vers l’aval en
possédant son propre réseau de distribution.

Tableau 5.1 – Les avantages et inconvénients d’une politique


d’intégration verticale

Avantages Inconvénients

Une certaine garantie sur les approvisionnements Obligation de capitaux importants.


et débouchés. Risques de lourdeur dans le fonctionnement de
Un meilleur contrôle de la qualité des prestations. l’organisation (baisse de flexibilité).
L’acquisition de nouveaux savoir-faire. Fragilisation lorsque les conditions économiques
L’augmentation du pouvoir de négociation de au sein de la filière sont mauvaises.
l’entreprise sur ses marchés.

La voie de la diversification

La diversification consiste pour une entreprise à compléter son métier actuel par de
nouveaux métiers ayant des caractéristiques techniques et commerciales différentes, et
exigeant des compétences nouvelles. L’entreprise diversifiée se définit ainsi par la
coexistence de plusieurs métiers de nature différente.
Il existe trois types de diversification :
la diversification concentrique ou de proximité. L’objectif est de bénéficier des
effets de synergie que permet la complémentarité entre métiers. Il s’agit ici
d’élargir le métier de base de l’entreprise à des métiers très proches
(diversification de proximité) ou à des métiers connexes ayant un lien
technique/commercial avec le métier d’origine (diversification concentrique). La
politique de l’entreprise Salomon, leader mondial de la fixation de ski qui est
entré sur le marché de la chaussure de ski, puis sur le marché de la fabrication de
skis, relève d’une diversification concentrique ;
la diversification totale de type industriel ou intégration de métiers totalement
nouveaux, par exemple un produit nouveau sur un marché non familier. Les
stratégies de diversification pure sont incontestablement les plus risquées,
puisqu’elles conduisent l’entreprise sur des terrains non familiers. Ce type de
stratégie peut se justifier quand le métier de base de l’entreprise est en phase de
maturité ou de déclin, ce qui demande d’explorer de nouveaux métiers (cas du
Groupe Lafarge confronté à la stagnation du marché du ciment qui est entré dans le
secteur des biotechnologies) ;
la diversification conglomérale, où le choix des métiers se fait seulement par
rapport à des critères financiers par la recherche avant tout de métiers rentables à
court terme.
La diversification peut avoir plusieurs avantages. Elle peut constituer une source de
survie, lorsque le métier de base de l’entreprise est en phase de déclin. Elle peut aussi
permettre à l’entreprise de se redéployer vers d’autres métiers, lorsque le sien est
secoué par une crise grave (tel est le cas pour des firmes spécialisées, comme par
exemple les entreprises de la sidérurgie, du ciment ou du papier) ou se trouve en phase
de maturité.
La diversification de Bouygues dans le domaine des télécommunications constitue
une démarche de ce type. On est ici dans une diversification totale avec une finalité
industrielle, mais les produits et les marchés sont sans lien de parenté avec le métier
d’origine. Elle peut en outre être considérée comme un placement à moyen terme,
lorsque l’entreprise bien positionnée sur un métier en croissance décide d’utiliser son
excédent de liquidités pour investir dans d’autres métiers, en améliorant ainsi sa
rentabilité.
Par rapport aux autres diversifications, la logique est ici plus financière
qu’industrielle. L’entreprise ne souhaite pas faire évoluer son métier mais explorer des
champs nouveaux qu’elle juge rentable à moyen terme. Les décisions ne sont donc pas
forcément irréversibles et sont davantage liées aux circonstances et opportunités (ex : la
diversification de Taittinger champagne vers le métier de l’hôtellerie). La
diversification peut enfin permettre à l’entreprise de capitaliser le nom de sa marque en
développant des produits nouveaux sur des marchés nouveaux (cas de Bic qui outre ses
stylos fabrique des briquets, rasoirs).
La diversification crée également des contraintes importantes pour l’entreprise et
donc des risques élevés principalement liés :
au manque de familiarité avec les nouveaux métiers : absence d’expérience, manque
d’information et de connaissances sur le secteur d’activités, dispersion des
compétences, difficulté à valoriser ses savoir-faire, synergie limitée ;
aux besoins en capitaux élevés nécessitant des sources de financement importantes ;
à la gestion de populations de cultures et d’horizons très différents ;
à une dilution de l’image et du métier de l’entreprise (manque de visibilité) qui peut
parfois inquiéter les actionnaires et les principaux partenaires.

Les modalités de croissance : interne, externe


Les modalités de croissance : interne, externe
ou conjointe
Il existe trois principaux modes de développement à la disposition de l’entreprise pour
réaliser ses objectifs de croissance : la croissance interne, la croissance externe
(fusion, acquisition, prise de participation) et enfin la croissance conjointe, à travers
des alliances stratégiques.

La croissance interne

L a croissance interne correspond à un développement progressif et continu de


l’entreprise fondé sur un accroissement des capacités existantes ou la création de
nouvelles capacités productives ou commerciales. Il s’agit par conséquent de
développer des activités à partir de ses propres ressources et compétences.
La croissance interne mise avant tout sur la politique de Recherche et
Développement, le niveau de formation du personnel ou encore l’augmentation du
réseau de distribution.
Ce mode de développement permet de préserver l’indépendance économique et
financière de l’entreprise. Elle est particulièrement bien adaptée aux stratégies de
spécialisation (capitalisation de l’expérience et de savoirs accumulés) à travers une
politique de renforcement ou d’extension des activités existantes. Ce mode de
croissance trouve toutefois rapidement ses limites, en raison de la difficulté de la firme
à disposer en interne des ressources suffisantes pour continuer à progresser et innover.
On peut citer comme exemple de constructeurs automobiles ayant recours
essentiellement à la croissance interne, Honda, BMW et Hyundai (Corée du Sud).

La croissance externe

L a croissance externe est un mode de développement qui permet à l’entreprise de


contrôler des actifs déjà productifs sur le marché qui étaient initialement détenus par
d’autres firmes2. Elle donne à l’acheteur la possibilité d’accroître rapidement sa
capacité de production, en lui faisant économiser les délais de maturation d’un
investissement productif.
La croissance externe, comme d’autres options stratégiques, est considérée comme
ayant une forte influence sur la création ou la destruction de valeur de la firme.
L’entreprise se développe par l’apport des ressources d’une autre organisation.
La croissance externe peut prendre la forme :
d’une fusion, opération par laquelle plusieurs sociétés décident de réunir leur
patrimoine pour n’en former in fine qu’une seule ;
d’une acquisition d’actifs, par exemple acquisition d’une usine, d’un complexe
industriel, d’un réseau de magasins… ;
d’une acquisition par achat d’actions, offre publique d’achat – OPA, si l’entreprise
cible est cotée. Cette opération revient à proposer aux actionnaires de l’entreprise
cible d’acheter leurs actions en échange de liquidités, moyennant une prime
attractive, l’offre globale devant impérativement être supérieure à la valeur initiale
de l’action ;
d’une acquisition par échange d’actions, offre publique d’échange – OPE, si
l’entreprise cible est cotée. Cette opération revient à proposer aux actionnaires de
l’entreprise cible d’échanger leurs actions contre des actions de l’entreprise
acheteuse, moyennant une prime intéressante.
On peut citer de nombreux constructeurs automobiles ayant eu recours
essentiellement à la croissance externe comme Volkswagen avec Audi, Seat, Skoda,
Lamborghini, Bugatti, Rolls Royce… Mais naturellement, ce mode de développement
est utilisé dans de nombreuses industries (banque, assurance, agroalimentaire…).

Cas d’entreprise

De BSN au groupe Danone : histoire d’une politique


d’acquisitions intensive
De sa création en 1964-1966 à la période actuelle, le groupe BSN s’est constitué, pour
l’essentiel, par une politique active d’acquisitions. Ses interventions sur le marché secondaire
des entreprises ont été nombreuses et parfois spectaculaires (Évian, Kronenbourg, Gervais,
Danone, Générale Alimentaire, General Biscuit, filiales européennes de Nabisco, Galbani, San
Miguel, Britannia…) et permis de créer le groupe Danone. Ce recours systématique à la
croissance externe n’est pas allé sans inconvénients : hétérogénéité de certains actifs,
dispersion du portefeuille de marques, dilution du capital… Elle a cependant constitué le moteur
essentiel sans lequel le groupe n’aurait pu parvenir à être ce qu’il est devenu, à savoir la
première firme multinationale alimentaire en France, la troisième en Europe, l’une des dix
premières mondiales.
Source : R. Perez, Les Stratégies des firmes multinationales alimentaires, ERFI.

La croissance externe peut répondre à divers objectifs :


renforcer sa position concurrentielle en augmentant ses parts de marché ;
prendre rapidement position sur des marchés nouveaux notamment à l’international ;
acquérir une taille critique en renforçant son pouvoir de négociation auprès des
autres acteurs du marché ;
éliminer des concurrents gênants (cas de l’acquisition d’AVG Technologies par
Avast) ;
contrer les projets stratégiques d’un concurrent menaçant (OPE de BNP sur Paribas
suite à la menace concurrentielle représentée par le projet SG Paribas) ;
acheter des marques prestigieuses, de luxe notamment, lorsque la marque a une forte
notoriété et peut permettre à l’entreprise acheteuse de disposer d’une forte
légitimité auprès de la cible visée (achat de Lamborghini et Rolls Royce par
Volkswagen) ;
rechercher des compétences spécifiques (technologies, procédés) de l’entité acquise
pouvant être transposées vers l’entreprise acheteuse ;
réaliser des économies d’échelles ou mettre en commun des ressources provenant des
deux entités.

Comment choisir entre croissance interne et croissance externe : les questions


à se poser

Choix sur des critères objectifs :


Urgence (redéploiement stratégique, pression concurrentielle…)
Importance et nature des barrières à l’entrée
Maturité du secteur
Capacités financières, humaine et technologique
Dépendance à l’égard des ressources stratégiques recherchées
Gestion des opportunités (concurrent en difficulté, proposition de collaboration…)

Choix sur des critères subjectifs :


Rôle et personnalité du P-DG. Attitude face au risque.
Identité-culture de l’entreprise (expériences antérieures, style de management)
Autonomie recherchée
Source : Meier O., Schier G. (2016)

La croissance conjointe

Il s’agit pour l’entreprise de s’allier avec une autre organisation, de façon plus ou
moins formalisée, en vue de réaliser des objectifs ou projets en commun sur le plan
industriel ou commercial. Ce mode de développement n’est pas associé à une catégorie
juridique déterminée et peut recouvrir différentes situations possibles : relation
commerciale classique (sous-traitance), partenariats ou alliances stratégiques3
(participations croisées, GIE, accords de joint-venture).

■ Sous-traitance et partenariats : quelles différences ?

En France, la sous-traitance a fait l’objet d’une réglementation dès 1975 qui la définit
comme « opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité et sous sa
responsabilité à une autre personne appelée sous-traitant, tout ou partie de l’exécution
du contrat d’entreprise ou du marché conclu avec le maître de l’ouvrage. »
Dans la plupart des cas, les relations de sous-traitance se heurtent à des obstacles
difficilement réductibles : la relation est souvent jugée conflictuelle entre le donneur
d’ordres et le receveur qui se trouve souvent dans l’incapacité de respecter ses
engagements de délais, de prix et un cahier des charges toujours plus strict. Par
ailleurs, le donneur d’ordre risque des ruptures dans sa chaîne de fabrication, si l’un
des sous-traitants ne livre pas à temps les produits commandés ou si ceux-ci n’ont
pas la qualité requise (cas par exemple dans le BTP).
Pour ces simples raisons, les relations de sous-traitance ont très largement évolué
ces dernières années. On parle désormais beaucoup plus de partenariat ou de co-
traitance. En 1986, la commission technique de la sous-traitance propose d’adopter
le terme de partenariat : « le partenariat peut se définir comme l’établissement entre
donneur et preneur d’ordres de relations d’une certaine durée fondée sur une
recherche en commun d’objectifs à moyen ou long terme dans des conditions
permettant la réciprocité des avantages. »
Cette évolution de la relation inter-entreprises introduit les notions de durée et de
stabilité entre les parties. Synonyme de confiance et de continuité, elle redéfinit
fondamentalement le contenu des relations de l’entreprise avec ses fournisseurs.

■ Les alliances stratégiques

Le s alliances stratégiques sont des modes de développement entre des entreprises


parfois concurrentes, qui peuvent donner lieu à la création de structures communes dont
la durée de vie est directement liée à l’objectif recherché par les deux parties.
La création de telles structures juridiques est souvent tournée vers la fabrication de
produits, l’implantation sur des territoires étrangers ou la recherche d’innovations
technologiques. Les alliances n’ont généralement pas vocation à couvrir l’ensemble
de l’activité des entreprises concernées. Elles ne concernent souvent que certaines
fonctions ou zones d’activités.
On peut citer comme exemple d’alliance la relation entre Dassault et EADS, qui
ont choisi de s’allier pour concevoir des démonstrateurs de systèmes de drones, dans
les domaines les plus stratégiques de l’activité aéronautique militaire : l’aviation de
combat et la reconnaissance. Cette alliance répond au souhait des pouvoirs publics
de développer une base industrielle et technologique de défense, dans un domaine
sensible. Les deux groupes jouent ainsi un rôle fédérateur et structurant dans
l’industrie de défense européenne.
On peut également citer les cas d’alliances entre British Airways et Amercan
Airlines, Polaroid et Minolta, Nestlé et General Mills ou l’alliance originale entre
deux groupements indépendants E.Leclerc/Système U dans le secteur de la grande
distribution (voir encadré).

Cas d’entreprise

Le projet d’alliance E. Leclerc/Système U dans le secteur


de la grande distribution
En 1998, E. Leclec s’associe avec Système U pour accroître la capacité de négociation des
deux enseignes et donc offrir les meilleurs prix à leurs clients. Lucie est l’Union des
Coopérateurs Indépendants Européens créée en 1999 pour abriter les activités commerciales
de l’alliance stratégique passée entre les deux distributeurs (centrale d’achat commune, qui
réunit deux coopératives indépendantes organisées en réseau). L’alliance de E. Leclerc avec
Système U, deux groupements d’indépendants est une alternative à la concentration des
distributeurs intégrés. En effet, pour faire le poids en face de Carrefour-Promodès, les
groupements d’indépendants devaient réagir, en essayant de s’unir, quitte à s’allier avec des
acteurs considérés jusqu’ici comme des concurrents. Ceci explique certainement la durée de
formation d’une telle alliance qui a pris deux ans pour se construire autour d’une centrale
d’achats commune, Lucie, que certains fournisseurs considèrent comme un nouveau centre de
pouvoir en termes de puissance d’achat. Système U et E.Leclerc ont notamment réussi à s’allier
en trouvant une formule intelligente et concrète, permettant de rester concurrents sur le plan
local, tout en tirant parti des deux réseaux sur le plan national. Cette recherche d’équilibre
permet ainsi à E. Leclerc, reconnu comme le leader de l’alliance, de disposer d’un parc composé
à la fois d’hyper et de supermarchés, et de développer une puissance d’achat comparable à
celle du regroupement Carrefour-Promodès.
Dans un premier temps, l’alliance porte sur les premiers prix, les carburants, voire les PGC, en
donnant la possibilité aux deux enseignes de s’appuyer sur un groupe franco-français solide et
dynamique, dont les points de vente bénéficient d’une très bonne image. Ceci a permis ici de
déboucher sur la création d’un pôle fédérateur de commerces indépendants en Europe, capable
de poursuivre et développer leurs spécificités, telles que le respect de l’indépendance mutuelle,
le partage des savoir-faire pour améliorer la performance commune et une vision sociale de la
fonction de distributeur (défense des intérêts du consommateur).
Cependant, la coopération prit fin au bout de trois ans seulement.
■ L’alliance stratégique : entre création de valeur et risques d’opportunisme

Les stratégies d’alliances sont une réponse adaptée à l’élargissement des marchés
(internationalisation), aux critères de taille (augmentation du pouvoir de marché), au
partage des ressources (financière, humaine, technologique…) ou aux questions
d’innovation (complémentarité stratégique), en particulier dans un contexte de forte
concurrence. À ce titre, elles se présentent comme un mode de développement alternatif
à la croissance interne (croissance organique) et à la croissance externe (fusions,
acquisitions, rachat de sociétés, rapprochements).
Néanmoins, l’alliance peut présenter certains dangers pour l’entreprise.
Premièrement, elle conduit à diffuser une partie des savoirs (connaissance,
information, bases de données) et savoir-faire de l’entreprise (compétences,
méthodes, procédés) à une autre firme qui très souvent continue d’être en concurrence
dans d’autres activités. Les risques de coopétition4 qui conduisent à la coopération
mais également à la compétition sont donc toujours possibles.
De plus, les alliances stratégiques peuvent créer des tensions entre les deux alliés,
compte tenu de l’absence d’une autorité unique (liée à un partage du pouvoir) et de
conflits d’objectifs ou d’intérêts potentiels. Il y a donc le risque, dans ce mode de
développement, d’une diminution des marges de manœuvre, en raison de la
dépendance accrue à l’égard du partenaire.
Ainsi, si l’alliance peut être une réponse stratégique pour renforcer ou développer
ses activités, elle oblige l’entreprise à une certaine vigilance vis-à-vis du partenaire,
compte tenu des dangers d’asymétrie d’informations, des luttes de pouvoir, et des
risques d’opportunisme (imitation, débauchage, espionnage industriel).

Le degré d’internationalisation des activités

Les étapes clés de l’internationalisation

L’internationalisation d’une entreprise revêt de multiples aspects. Elle peut être


analysée comme un processus temporel et dynamique qui vise pour une firme à
s’introduire sur des territoires culturellement, économiquement et juridiquement
différents de ceux de son marché national.
Le processus d’internationalisation comporte plusieurs phases : l’export, la création
de filiale à l’étranger, l’organisation d’opération multinationales puis transnationales et
enfin l’organisation d’opérations globales.
L’objectif pour l’analyste est de cerner les avantages et inconvénients de la position
de la firme à l’international, notamment en termes de répartition du chiffre d’affaires, de
rationalisation des moyens (production/logistique), de complexité des opérations ou de
gestion des risques spécifiques (risque pays, risque de change…).

■ La politique d’exportation

Le premier stade de développement à l’international est la politique d’exportation.


Dans ce type de stratégie, l’entreprise exportatrice fabrique ses produits sur le
marché intérieur et les vend sur des marchés étrangers sans qu’il y ait une
modification du processus de production. Elle peut exporter selon trois méthodes :
l’exportation directe qui évite le recours à des intermédiaires (participation à des
salons professionnels à l’étranger, force de vente à l’étranger via des agents
commerciaux ou des représentants salariés…), l’exportation indirecte par le recours
à des courtiers ou des sociétés de commerce internationale, l’exportation par
partenariat (groupement d’exportateurs, portage d’exportation).

■ Les réseaux de distribution à l’étranger

Le second stade est le développement de réseaux de distribution à l’étranger,


l’approvisionnement et la production étant toujours effectués dans le pays d’origine. La
constitution de ces réseaux peut prendre différentes formes, allant de la franchise
internationale aux licences étrangères jusqu’à la création de succursales ou de filiales
de distribution (dans ces deux derniers cas, les capitaux sont fournis par l’entreprise
d’origine).

■ La firme multinationale

Le mouvement d’investissement à l’étranger prend toute sa signification lorsque les


filiales de production dans plusieurs pays viennent compléter les filiales de
distribution. Il correspond au troisième stade de développement des entreprises à
l’international, avec l’apparition des firmes multinationales. L’entreprise multinationale
produit et vend dans différents pays sans qu’il existe pour autant de véritables liens
économiques, industriels et commerciaux entre les filiales de chacun des pays (stratégie
multidomestique). Elle naît souvent de la nécessité pour l’entreprise de gérer les
différences entre la concurrence nationale et internationale, notamment en ce qui
concerne les différences de coûts de facteurs selon les pays, les conditions spécifiques
des marchés étrangers, les rôles différents joués par les gouvernements nationaux, et les
approches divergentes en matière d’objectifs et de ressources.

■ La firme transnationale

Lorsque le développement de l’entreprise conduit à progressivement rationaliser les


structures nationales et les ressources des filiales étrangères au profit d’une meilleure
coordination des activités, on assiste alors au quatrième stade de développement, avec
l’avènement des firmes transnationales.
Mais, aujourd’hui, l’influence de la mondialisation et la tendance aux
regroupements régionaux des États (UE, ALENA, MERCOSUR, etc.), des entreprises
(grands groupes, centrales d’achats, etc.) et des associations (syndicats,
consommateurs, mouvements écologiques…) conduisent les études à porter leur
attention sur le stade ultime du développement international, avec les stratégies de
globalisation.
La question centrale est ici la prise en compte de la globalisation et sa traduction
sur le plan économique et organisationnel, pour parvenir à créer des avantages
concurrentiels durables. L’idée qui prévaut dans ce type de débat est qu’une
centralisation des décisions (intégration globale des activités et des tâches) favorise
une plus grande synchronisation des étapes de la chaîne de valeur, permet de réduire
les coûts de production et de transaction, et facilite la circulation de l’information
entre les unités à l’étranger et au niveau des relations avec le siège.
L’organisation globale orientée vers un marché mondial vise à bâtir les avantages
concurrentiels de la firme par une homogénéisation des pratiques managériales et par
le développement d’offres standardisées. Les conditions favorables à une
globalisation des activités sont :
l’homogénéisation des marchés ;
la préférence des consommateurs pour le prix ;
la réalisation d’économies d’échelle ou de champs à l’échelle mondiale.
Néanmoins, la réussite d’une stratégie globale peut également nécessiter une
politique de différenciation, afin de mieux répondre aux demandes et usages des
populations concernées, grâce à une connaissance plus fine du marché. En effet, le
positionnement « prix bas » n’est pas toujours suffisant et il existe des marchés moins
sensibles au facteur prix et qui demande une politique produit plus élaborée. Dans ce
cas, la différenciation est adoptée pour renforcer le marketing et la
commercialisation des produits ou services à l’échelle locale.
Une telle démarche a essentiellement pour but de tirer partie de la capacité de
l’entreprise à se distinguer, en proposant dans un délai raisonnable des produits
adaptés aux spécificités locales. Elle est également provoquée par l’existence dans
les pays cibles de réglementations et de normes spécifiques pour les prestations
proposées.
Le code du travail, tout autant que l’attachement à certaines pratiques culturelles,
impose parfois des modes de servuction spécifiques et des adaptations plus ou moins
étendues de la politique produit.
Pour arbitrer, il faut donc savoir si l’évolution va vers une convergence des
pratiques et des besoins, ou au contraire marque le réveil des identités nationales et
régionales. Beaucoup d’entreprises opte pour une approche intermédiaire, qui vise à
admettre un facteur de convergence qui implique une coordination générale des
activités, sans pour autant refuser l’existence d’activités spécifiques, où
l’environnement concurrentiel demande des programmes d’actions localisées et
souples, en raison des difficultés de transport, du comportement des populations, des
impératifs d’adaptation locale ou de l’importance des pouvoirs publics dans la
conduite des affaires (barrières non tarifaires, commandes publiques, subventions).
Cette forme de stratégie hybride suppose dès lors une gestion de portefeuille
global de couples produits/marchés qui tienne compte des règles de segmentation
régionale (groupe de pays) ou comportementale (attentes ou contraintes spécifiques).
D’ailleurs, la plupart des entreprises globales ne peuvent généralement faire
abstraction des différences de cultures entre certains pays ou groupes de pays, où la
religion, les habitudes alimentaires et vestimentaires, l’organisation sociale
constituent des données indispensables à la bonne marche des affaires.

L’attrait d’un marché pour l’internationalisation

L’attrait d’un marché pour l’internationalisation consiste généralement à étudier le


potentiel du marché visé (taux de croissance, ressources locales, extensions possibles)
et à le confronter avec les principaux risques de distances (économique, administrative,
culturelle, géographique) entre le groupe de pays recherché et son pays d’origine. Selon
cette perspective, Parada (2004) a développé un outil d’analyse permettant de préciser
le niveau d’attrait du marché pour l’entreprise souhaitant se développer à
l’international. Il est présenté une adaptation de cet outil, en centrant l’analyse sur les
implications en matière de décisions.

Distances entre le marché existant et le marché visé

Faible Élevée

Priorité stratégique avec un risque élevé Approche progressive autour de la


Potentiel Élevé
d’intensité concurrentielle recherche de partenaires locaux
du
marché Faible Décision non prioritaire Abandon du projet

Figure 5.2 – La matrice d’attractivité et les implications managériales

L’orientation culturelle des organisations

L’internationalisation des activités nécessite de tenir compte de la culture historique


des organisations pour comprendre les principes et modes de fonctionnement de celles-
ci. En effet, chaque entreprise reste plus ou moins attachée à des systèmes de valeurs et
des modes d’organisations issus de son histoire et de sa culture d’origine.
Ainsi, en fonction de l’influence accordée aux cultures locales dans les processus de
décision, on peut identifier différents modes de relations entre le siège et ses filiales.
Selon les entreprises, les relations intrafirmes peuvent s’avérer radicalement différentes
et changer considérablement les pratiques et modes de management : le modèle
ethnocentrique tend par exemple à renforcer les valeurs de la culture d’origine de
l’entreprise, tandis qu’un modèle géocentrique devra inventer une nouvelle forme de
culture à partir des diverses influences culturelles qui composent l’organisation.
Aborder la question du développement international demande par conséquent
d’étudier attentivement les cultures originelles et actuelles de l’entreprise.
Il est proposé une synthèse comparative des relations siège-filiales à partir de
l’approche développée par Permuter. La comparaison est réalisée autour de trois
principaux critères représentatifs des différences d’approches en matière d’organisation
(degré de complexité, autorité et prise de décision, évaluation et contrôle) et de
relations intrafirmes (orientation culturelle, degré d’interdépendance et d’autonomie,
origine des flux).

Tableau 5.2 – Une synthèse comparative5 des orientations culturelles

Typologie Ethnocentrisme Polycentrisme Régiocentrisme Géocentrisme

Critères

Identité Entreprise à forte Organisation Organisation Entreprise


organisationnelle culture nationale multidomestique multipolaire autour de mondiale
avec un pouvoir autour de la grandes zones de proximité
central fort nationalité des géographiques (collaboration
pays d’accueil homogènes (sièges siège-filiales)
(pouvoir central régionaux)
limité)
Gestion des Communication Fort degré Interdépendance Interdépendance
relations siège- descendante avec d’autonomie au stratégique au plan stratégique au
filiales fortes directives niveau des filiales régional avec flux plan mondial
en provenance du Diversité des de communication avec flux de
siège central situations et faible élevé entre sièges communication
communication régionaux et filiales importants entre
entre les entités filiales et au
niveau des
relations siège-
filiales

Systèmes Indicateurs Indicateurs Indicateurs définis Indicateurs


Évaluation de performance déterminés régionalement par globaux élaborés
Contrôle et de contrôle localement, en grandes zones à partir
fixés par le siège fonction des géographiques des contraintes
du pays d’origine besoins et des Contrôle des activités nationales
Contrôle des particularismes exercé et transnationales
activités exercé locaux par des responsables Contrôle des
par les cadres et Contrôle des régionaux activités exercé
responsables de activités exercé en fonction
la maison mère par les cadres des exigences
de chaque pays requises, hors
considération
des origines
nationales

L’impact sur la gestion et l’organisation des entreprises

L’internationalisation des entreprises a des effets non négligeables sur la gestion et


l’organisation des activités. Elle agit notamment au niveau du choix des sites
(localisation des unités de production et des pôles d’activités), du mode de
fonctionnement (centralisation/décentralisation) et de la politique RH (répartition
expatriés/salariés locaux). En effet, en fonction du degré d’engagement de l’entreprise à
l’international et de la nature des marchés visés, les modes de décision, de coordination
et de contrôle peuvent fortement différer et influencer les pratiques managériales.
Étudier le degré d’internationalisation d’une entreprise est par conséquent essentiel
dans le cadre d’un diagnostic, et permet en particulier de comprendre les raisons de
certains arbitrages au niveau de la gestion de ses activités.

Cas d’entreprise

La stratégie industrielle internationale de BASF


BASF est une entreprise industrielle spécialisée dans la chimie lourde, à savoir la production de
composés intermédiaires qui serviront à la synthèse de produits plus élaborés ; elle se
subdivise en différents secteurs : Plastiques à base de styrol, Polymères performants,
Polyuréthanes, Produits chimiques améliorés, Chimie fine (colorants), Pétrochimie (pétrole et
gaz…). Sa dimension internationale est un de ses atouts majeurs et a des effets non
négligeables sur son organisation stratégique. En effet, BASF se structure autour du site de
Ludwigs-hafen (Allemagne) où siège le secteur Recherche et Développement ; ce site peut être
considéré comme la maison mère autour de laquelle toute l’entreprise est centralisée.
En revanche, les sites installés à l’étranger sont plutôt spécialisés dans la production ; on peut
noter, par exemple, la présence d’un important réseau d’oléoducs en Russie ; les matières
premières sont alors produites sur place, ce qui résulte d’une stratégie par intégration verticale
selon laquelle l’entreprise tend à être son propre fournisseur et son propre client.
Afin de favoriser son développement international, BASF embauche du personnel étranger ; ces
emplois sont, selon les cas, des permanences ou en particulier pour les Asiatiques, des
délégations de 2 ou 3 ans en Allemagne visant à mieux leur faire comprendre le fonctionnement
de l’entreprise pour les laisser ensuite retourner au site de Singapour. La formation des
employés à l’anglais prend également une place importante dans ce domaine (bien souvent
sous forme de séminaires de quelques jours). Pour gérer ses ressources humaines en
harmonie avec sa stratégie internationale, l’entreprise n’hésite pas à octroyer des avantages
intéressants aux expatriés ; on peut citer le cas d’un employé du site d’Anvers (Belgique) dont la
maison fut payée en vue de son expatriation aux États-Unis.
Par ailleurs, BASF effectue divers partenariats avec de grands groupes mondiaux : dans le
domaine cosmétique avec l’Oréal et Procter & Gamble qui lui achètent des émulsions et des
super-absorbants, dans l’industrie automobile avec Daimler-Chrystler et Renault ou avec
certaines universités au niveau mondial, sur le plan de la recherche. On peut noter l’intérêt que
porte BASF à valoriser son axe de développement asiatique ; l’entreprise mène en effet des
politiques de sensibilisation dès l’enfance (école primaire, collège) des petites filles de Pékin au
monde de l’entreprise ; l’embauche de personnel allemand serait en fait d’un coût beaucoup trop
élevé.
L’entreprise doit encore faire face à certains problèmes législatifs comme la mise en place de
nouvelles normes européennes ; le traitement du cuir, par exemple, ne respecte plus la
législation européenne et il devient donc nécessaire de trouver de nouvelles techniques de
substitution. Ceci résume les principaux aspects que prend la politique internationale d’une
entreprise industrielle.
Source : CTI -ECP

FICHE PRATIQUE

LES FACTEURS À PRENDRE EN COMPTE DANS LES CHOIX D’UN DÉVELOPPEMENT


INTERNATIONAL

1. Degré de risque accepté en matière de développement international (incertitude,


complexité, diversité).
2. Degré d’engagement financier.
3. Degré d’interdépendances stratégiques recherché entre l’entreprise d’origine et les unités
locales.
4. Niveau de contrôle et de coordination attendus et exercés sur les différentes entités du
groupe.
5. Degré de sensibilité culturelle et d’ouverture sur l’autre.
6. Nature et caractéristiques du secteur et des marchés (degré d’homogénéité des
marchés, effets de synergies, degré de rapidité des évolutions, fréquence des innovations,
profil des concurrents…).
7. Poids et rôle des politiques industrielles et de Recherche & Développement dans la
stratégie du groupe (mission, métiers, objectifs).
8. Expérience des dirigeants et managers en matière de relations internationales et de
management interculturel.
9. Compétences et savoir disponibles.
10. Degré de résistance et de tolérance à la complexité organisationnelle.

L’essentiel
►► Comprendre la trajectoire stratégique d’une firme revient à étudier les décisions et choix
qui ont façonné les contours actuels de l’organisation, en mettant en perspective les processus
d’engagement et leurs effets sur la situation actuelle de l’entreprise.
►► Cette compréhension passe notamment par l’analyse :
des missions, métiers et objectifs de l’entreprise ;
de sa culture et de son mode de fonctionnement ;
de ses voies de développement (orientation métiers et activités) ;
de ses modes de croissance (développement interne, croissance externe, croissance
conjointe) ;
du degré d’internationalisation de la firme (engagement, stratégie de pénétration, mode de
contrôle et d’organisation).
Notes
1. ALITIS est un nom d’emprunt.
2. Pour un approfondissement des stratégies de croissance externe, on pourra se
reporter à l’ouvrage de Meier O., Schier G., Fusions-acquisitions : stratégie, finance,
management, Dunod, 2016.
3. Les alliances stratégiques peuvent être analysées en fonction de leurs objectifs et de
la nature des actifs mis en commun. À partir de ces précisions, il est alors possible de
proposer une typologie des alliances (Dussauge, Garette, 1995) : les alliances
d’intégration conjointe (interactions au sein de la chaîne de valeur), les alliances
additives (partage de ressources) et les alliances complémentaires (combinaison de
ressources complémentaires).
4. Situation dans laquelle deux entreprises vont adopter des comportements à la fois de
compétition et de coopération.
5. Source : Meier (2010)
Chapitre 6

Repérer les attentes et contraintes


des parties prenantes

Executive summary
►► Le diagnostic stratégique doit, dans le cadre de son analyse, prendre en compte les
attentes et contraintes des différentes parties prenantes, ainsi que les ambitions et valeurs
des dirigeants.
►► La stratégie impose de s’assurer du soutien, ou du moins de la neutralité, des principaux
acteurs qui peuvent influencer la trajectoire de l’entreprise.
►► La prise en compte de l’environnement doit également faire l’objet d’attention, notamment en
ce qui concerne les acteurs institutionnels mais aussi les partenaires, les clients, les fournisseurs
et de façon générale l’opinion publique.

Définir une stratégie implique de prendre en compte les attentes et contraintes des
différentes parties prenantes. La conciliation éventuelle des intérêts parfois conflictuels
des actionnaires, des acteurs institutionnels et autres groupes d’acteurs (clients,
salariés, fournisseurs, concurrents…) et leur degré de compatibilité avec les valeurs
des dirigeants, est au cœur du développement de l’entreprise.
En tant que personne morale, toute entreprise possède une autonomie de décision et
d’action. L’organisation des pouvoirs au sein de l’entreprise dépend cependant à la fois
des législations nationales et des règles et procédures internes à l’entreprise.
L’ensemble des règles qui régissent la répartition et les modalités d’exercice du
pouvoir définit ce que l’on appelle « gouvernement » ou « gouvernance d’entreprise ».
En particulier, ces règles définissent les rapports entre les actionnaires, propriétaires
de l’entreprise et détenteurs des droits de vote aux assemblées générales, et les
dirigeants qui gèrent et organisent l’activité de l’entreprise et qui prennent les
principales décisions de gestion.
La vie de l’entreprise ne tourne cependant pas uniquement autour du couple dirigeant-
actionnaire. La responsabilité de l’entreprise en tant que personne morale va au-delà du
rapport qu’elle entretient avec eux. D’autres acteurs influent sur les décisions de
l’entreprise et elle-même a des obligations multiples envers eux. On peut citer ainsi les
autorités et acteurs institutionnels, les créanciers, le personnel de l’entreprise, ses
partenaires économiques (clients, fournisseurs, sous-traitants, alliés…), mais aussi le
public en général, représenté notamment par des associations non gouvernementales et
les médias.
Pour réaliser un diagnostic pertinent, l’analyste doit tenir compte des relations
d’influence qui existent entre l’entreprise et ces acteurs. Si les objectifs, contraintes,
attentes et valeurs des actionnaires et des dirigeants sont des facteurs de contingence qui
vont contraindre de manière forte la stratégie d’une firme, les autres parties prenantes
ne doivent pas être négligées. Leurs rapports à l’entreprise peuvent en effet élargir
ou restreindre le champ du possible, aider à maîtriser les risques ou au contraire
produire de l’incertitude.

Les objectifs et contraintes des actionnaires


Prendre en compte les objectifs et contraintes des actionnaires (shareholders, en
anglais) est souvent un impératif pour toute démarche stratégique. En effet, la voix des
actionnaires ne cesse de s’affirmer, celle des investisseurs institutionnels comme celles
des petits porteurs. Détenteurs d’une partie du capital de l’entreprise, les actionnaires
(propriétaires de l’entreprise), quels que soient leurs poids, exercent de plus en plus
leur droit de regard sur la politique menée par l’organisation, y compris dans ses
aspects sociaux et environnementaux. Ils utilisent pour cela, entre autres, les assemblées
générales. Cependant, lorsqu’on parle des « actionnaires », il convient de rester
prudent. En effet, une entreprise est toujours contrôlée par de multiples actionnaires (7
au minimum pour une SA à caractère familiale, des centaines de milliers pour des
entreprises multinationales). Ces actionnaires ne forment pas un bloc homogène et seule
une étude attentive de la géographie du capital permet de comprendre les rapports de
force qui existent en leur sein.
Dans un premier temps, il importe d’identifier les actionnaires de référence qui
contrôlent de manière directe ou indirecte, seuls ou par coalition, la firme. Dans une
entreprise familiale, il peut s’agir du chef d’entreprise et de membres de la famille qui
contrôlent directement ou par le biais d’une holding familiale fermée la majorité du
capital (plus de 50 % pour la majorité simple, plus des deux tiers pour la majorité aux
assemblées générales extraordinaires). Au sein d’une entreprise multinationale, il peut
s’agir d’un noyau d’actionnaires qui contrôle une fraction significative du capital (par
exemple 30 %) suffisante pour avoir la majorité relative lors des assemblées générales.
L’organisation de la géographie du capital a une influence directe sur la position de
force d’un actionnaire en particulier. Ainsi, l’existence d’un actionnaire ultra-
majoritaire oblige dans tous les cas de bien cerner ses objectifs et contraintes qui vont
s’imposer dans presque tous les cas. En cas d’alliance entre différents actionnaires pour
le contrôle de l’entreprise, il devient nécessaire de cerner les intérêts convergents des
différentes parties et les éventuels conflits d’intérêt ou divergences stratégiques.
La solidité du pouvoir actionnarial est une donnée essentielle qui va conditionner les
choix de l’entreprise, rendre possible certaines stratégies ou au contraire limiter
fortement le champ d’actions. Il est proposé ci-après quelques objectifs et contraintes
généralement fixés par les actionnaires.
1. La mission, les métiers et l’identité de l’entreprise. Ces objectifs sont
généralement imposés par des actionnaires ayant une forte implication au sein de
l’entreprise, soit dans une optique entrepreneuriale, soit dans une optique de
préservation du « patrimoine » industriel que peut représenter l’entreprise à leurs
yeux.
2. La performance économique et financière, exprimée en termes de croissance de
l’activité, de rentabilité économique, de dividende, et d’exposition au risque
(niveau d’endettement par exemple). Ces contraintes et exigences peuvent être le
fait de toutes les catégories d’actionnaires, actionnaires-entrepreneurs,
actionnaires de référence, actionnaires investisseurs…
Le niveau d’engagement de l’entreprise pour chacun de ces critères peut cependant
fortement varier d’un actionnaire à l’autre. Il faut noter que « développer la rentabilité
économique » ne peut pas être considéré comme un objectif en soi, de même que tout
autre critère pris séparément.
À une rentabilité économique donnée est presque toujours associé un niveau de
risque, de même qu’une politique de croissance rend possible ou pas telle ou telle
politique de versement des dividendes.
3. Le niveau d’autonomie, de stabilité du pouvoir et de dilution des droits de vote au
sein de l’entreprise. Cette catégorie d’objectifs est celle qui est la plus spécifique
aux actionnaires. Elle définit les possibilités d’ouverture ou de fermeture de
l’entreprise à d’autres actionnaires.
Par exemple, une position de principe peut rendre possible ou non une politique de
croissance externe par échange d’actions par exemple. Il s’agit par ailleurs de cerner la
propension des actionnaires à ouvrir le capital de l’entreprise ou de ses filiales,
directement par des augmentations de capital ou indirectement par l’émission de titres
de financement hybrides – obligations convertibles par exemple.

Exemple
San Paolo IMI : les actionnaires de référence belges de Dexia opposés à la fusion
Les divergences d’intérêts entre dirigeants et actionnaires sont fréquentes, en particulier lors de
décisions stratégiques pouvant modifier les rapports de pouvoir au sein de l’organisation. Ainsi,
alors que la Direction du Groupe Dexia avait commencé la tenue de pourparlers préliminaires
avec San Paolo IMI en vue d’un éventuel rapprochement stratégique, la banque franco-belge a
dû composer avec l’opposition exprimée par ces principaux actionnaires à ce projet. Elle a ainsi
déclaré par voie de communiqué qu’elle avait pris acte de cette opposition et qu’elle suspendait
l’étude du projet. Une décision qui ne surprend qu’à moitié, dans la mesure où les opposants au
projet, à savoir Arcofin, Holding Communal et Ethias représentent à eux trois plus du tiers du
capital de Dexia et qu’ils sont par conséquent en mesure de faire échouer le projet.

Les attentes et valeurs des dirigeants


On entend par dirigeants, le chef d’entreprise et le collège de directeurs qui assurent au
quotidien la responsabilité de la gestion de l’entreprise, comme par exemple les
membres du comité exécutif d’une grande entreprise. Il peut paraître paradoxal de
parler des attentes du dirigeant. Ce dernier est parfois supposé n’être qu’un agent des
actionnaires qui décide et agit dans leur unique intérêt. Dans les faits, le dirigeant (en
tant que chef d’entreprise) va impulser le développement de l’organisation, va imprimer
sa marque dans la manière de manager les hommes et de communiquer auprès de
l’ensemble des partenaires de l’entreprise.
Juridiquement, le chef d’entreprise représente donc aussi bien l’entreprise (en tant
que personnalité morale) que les actionnaires (en tant que propriétaires de la firme).
C’est pourquoi, si l’on ne peut pas réellement parler d’objectifs et de contraintes, qui
sont d’une certaine manière l’apanage des actionnaires, il convient néanmoins de
préciser les attentes et les valeurs des dirigeants.
La direction d’une entreprise peut influer sur les choix stratégiques de la firme, et en
particulier sur les éléments suivants :
vision et objectifs stratégiques (orientation, horizon temporel, priorités) ;
valeurs et style de management ;
type(s) de structure(s) souhaitée(s) ;
objectifs industriels à court et moyen termes (implantations, technologies…) ;
objectifs financiers au niveau de l’exploitation de l’activité ;
objectifs commerciaux et marketing ;
contraintes d’exploitation en termes de risques (effectifs, investissements, rupture
technologique…).
Parmi tous ces items, un point en particulier doit attirer l’attention de l’analyste : le
style de management. En effet, chaque équipe dirigeante possède son propre style de
management. Celui-ci renvoie à des conceptions fondamentales de l’entreprise, de la
nature humaine et du rôle de la firme dans la société. Si presque tous les styles de
management sont acceptables en soi, il faut cependant noter qu’un dirigeant peut assez
difficilement changer le sien. Cette observation a des conséquences importantes pour la
suite, car elle implique que certains dirigeants sont plus ou moins en adéquation avec
l’entreprise, mais aussi avec la situation économique de l’entreprise qui peut nécessiter
selon les cas un style plutôt qu’un autre. Par exemple, la gestion d’une crise grave,
l’internationalisation des activités ou la gestion optimisée de l’exploitation ne
demandent pas le même profil de dirigeant et le même style de management.
On distingue généralement cinq grands styles de management : l’autocratique, le
paternaliste, le bureaucratique, l’entrepreneurial, l’individualiste. Toute entreprise
étant naturellement spécifique, elle est, dans les faits, plus ou moins proche d’un ou
plusieurs de ces styles.

Tableau 6.1 – Les styles de management

Système
Profil Système de Système
Mode de Mécanismes d’information
managérial prise de
fonctionnement de contrôle
type de décision récompenses/sanction
communicatio

Autocratique Structure très Approche Centralisation Lié à l’appréciation Communication


hiérarchisée. dictatoriale. des personnelle plutôt qu’à excessivement
Autorité formelle. Très peu décisions. des éléments objectifs. limitée et
d’autonomie. Référence contrôlée.
Peu de systématique Peu d’écrits,
délégation. au supérieur peu
hiérarchique. d’informations
Recherche officielles.
permanente
du non-
risque.

Paternaliste Fonctionnement Approche En comité Vision paternaliste. Peu


par attachement consensuelle. restreint. Référence aux usages. structuré/peu
culturel. Sentiment Référence d’écrit.
Prime à l’ancienneté et à
Structure d’appartenance permanente la fidélité. Souvent limité
administrative fort. au chef au strict
limitée. Relations d’entreprise. nécessaire.
Relation personnalisées.
hiérarchique de
type
parent/enfant.

Entrepreneurial Flexibilité dans Contrôle par Notion de Critères de Système ouver


les pratiques de projet. risque performance. et peu structuré
travail. Contrôle par intégrée dans Compétition en interne utilisé comme
Organisation objectifs. les objectifs encouragée. support
plutôt de d’animation.
décentralisée. l’entreprise. Valorisation de l’initiative
et du risque.
Bureaucratique Définition des Approche Décisions Système de Refuge dans le
rôles claire. technocratique. soutenues rémunération par formalisme
Description des Application par des niveaux hiérarchiques. procédurier.
postes détaillée. stricte des explications Références aux règles Informations
règles et rationnelles. et procédures en objectives.
Structure
hiérarchique à procédures. Processus vigueur. Peu
base de Contrôle logique, d’implication de
procédures. budgétaire. préétabli dans la Direction.
le cadre de
Formalisation lignes
des pratiques de budgétaires.
travail.
Peu
Fonctionnement d’engagement
administratif. personnel.
Prise de
risques
limitée.

Individualiste Structure Contrôle limité. Processus de Pas de politique de Information


minimale. Individualisation décision récompense claire, au « coup de
Fonctionnement des tâches. rapide autour « coup par coup », en poing » lié aux
autour du principal fonction des aléas. opportunités de
Absence de intéressé. l’environnemen
d’initiatives coordination.
personnelles et
d’intérêts
particuliers.

Les contraintes liées aux acteurs institutionnels


Les acteurs institutionnels constituent une autre catégorie de parties prenantes à prendre
en compte dans un diagnostic d’entreprise. Ils correspondent, pour certains secteurs
réglementés, aux autorités de tutelle qui définissent les règles professionnelles et
rendent possibles certaines politiques de développement. Les acteurs institutionnels
comprennent aussi l’ensemble des agents en charge de la puissance publique ou les
représentants des corps constitués comme par exemple les fédérations professionnelles.
Il convient également de citer l’émergence d’une catégorie d’acteurs qui prend de
plus en plus de poids : les collectivités territoriales. Ces dernières interagissent avec
les entreprises pour traiter des problèmes relatifs aux implantations de site et à la
gestion des bassins d’emplois.
Le renforcement des contraintes réglementaires, en matière environnementale
notamment, amène en effet l’entreprise et les collectivités à collaborer davantage. Si
ces acteurs ont toujours existé, leur rôle et leur influence sur les entreprises tendent à se
renforcer du fait de l’élargissement du champ de la responsabilité des firmes. En effet,
trop souvent, les entreprises sont analysées au sein des territoires comme des acteurs
économiques, dont la finalité quasi-exclusive est de créer de la valeur, la répartition de
cette richesse incombant à l’État et aux collectivités locales et territoriales concernées
(Nonn, Herraud, 1995).
Cette approche occulte le rôle des entreprises en tant qu’acteurs sociaux du
territoire ; cette réalité se construit au travers de multiples interactions. Elles peuvent
venir du fait que certains employés de l’entreprise habitent au sein du territoire, que
l’entreprise vend et achète des biens et services au sein du territoire, que l’activité
sociale des dirigeants et du personnel interfère dans la vie de la collectivité, que son
implantation crée un flux de déplacement de personnes (salariés, clients, fournisseurs)
ou de ressources, que la production de la firme crée des richesses mais aussi des
nuisances (pollutions, odeurs, bruits) affectant le bien-être collectif et les ressources du
territoire.

Cas d’entreprise

Les interventions de Danone au niveau des collectivités


Le Groupe Danone s’efforce régulièrement de renforcer le tissu économique des bassins
d’emploi en étroite relation avec les autorités locales, à travers une aide à la prospection et à
l’implantation d’entreprises nouvelles dans les bassins concernés, un appui technique aux PME
locales ayant la possibilité d’embaucher des salariés reclassés (contribution financière, mission
de conseil pour les cadres du Groupe, formation du personnel) et le financement
d’infrastructures et d’initiatives locales. De même, en cas de restructurations, afin de compenser
la perte d’activités économiques et la baisse des recettes fiscales, le Groupe entreprend des
actions visant à construire durablement l’emploi dans les régions concernées. Il y consacre
notamment des moyens financiers spécifiques qui permettent de proposer aux repreneurs des
solutions avantageuses.
Source : Document de référence – Groupe Danone.

Cet exemple, parmi d’autres, montre qu’il est impossible de réduire le rôle de
l’entreprise à sa seule fonction de création de richesse. Il faut en effet l’intégrer dans un
champ d’action plus large, en s’interrogeant notamment sur les relations qui unissent
l’entreprise et les collectivités. Ce mouvement qui prend en compte ce que l’on appelle
désormais la responsabilité sociale des entreprises (RSE)1 conduit en particulier à
repenser la politique générale en tenant compte des acteurs institutionnels. Car si ceux-
ci n’influencent pas, à proprement parler, les décisions stratégiques, ils jouent de plus
en plus un rôle de modérateur ou de variable de contrôle dans la gestion des activités.

Stratégie et responsabilité sociale2

La responsabilité sociale des entreprises (RSE) est le fruit de deux courants de pensées
différents bien que convergents : le développement durable et la gouvernance
d’entreprise élargie à l’ensemble des parties prenantes. La spécificité du concept de
RSE par rapport à la notion de développement durable vient justement de l’importance
accordée au renouvellement du gouvernement d’entreprise. Dans la vision
traditionnelle, le gouvernement correspond au système de répartition du pouvoir et du
contrôle au sein d’une entreprise. Il s’inscrit dans le cadre spécifique des relations
entre les actionnaires et les dirigeants.
L’objet du gouvernement d’entreprise est alors de s’assurer que les dirigeants
agissent bien au mieux des intérêts des actionnaires. Le critère principal d’évaluation
est leur capacité à maximiser la valeur des actions des sociétés qu’ils dirigent (création
de valeur).
Le concept de RSE élargit la notion de gouvernance à l’ensemble des parties
prenantes de l’entreprise (la communauté), c’est-à-dire non seulement aux actionnaires
mais aussi salariés, clients, fournisseurs, banquiers ou assureurs… et la société en
général. La Responsabilité Sociale signifie en fait la Responsabilité Sociétale de
l’Entreprise, c’est-à-dire sa responsabilité face à l’ensemble de la communauté
humaine.
Cette notion renvoie donc à la fois à la vocation de l’entreprise (dont l’objet est de
servir les intérêts de l’ensemble des parties prenantes, les actionnaires n’étant qu’une
catégorie particulière) et à la notion de responsabilité au sens large, c’est-à-dire la
responsabilité quant aux impacts économiques, sociétaux et environnementaux de son
activité.
En termes de stratégie d’entreprise, la RSE est à la fois un vecteur de communication
permettant de valoriser les actions de celle-ci en faveur de la communauté et un vecteur
de changement de ses pratiques managériales. En tant que vecteur de communication, la
RSE s’inscrit dans le champ actuel de l’Investissement Socialement Responsable.
Concrètement, elle prend la forme d’un rapport d’activité sur la responsabilité sociale
de l’entreprise ou sur son développement durable.
La mise en œuvre de la loi NRE, qui impose à toute entreprise cotée de publier un
rapport annuel sur les impacts sociaux et environnementaux de son activité, s’inscrit
dans ce sens. Il s’agit davantage d’un renouvellement des pratiques en matière de
communication financière que d’une révolution managériale. En revanche, il serait
erroné de limiter la RSE à une nouvelle forme de communication.
Il s’agit aussi d’un vecteur de changement en profondeur des pratiques de
l’entreprise. En particulier, la dimension sociale de la RSE impose de repenser la
gestion sociale et la gestion des parcours professionnels. Les notions de management
par les compétences, d’innovations sociales, d’employabilité y sont étroitement liées,
de même que les notions de citoyenneté, d’éthique des affaires.
La RSE est d’abord une réalité pour les grandes entreprises et principalement celles
cotées en Bourse. La prise en compte concrète de la RSE est devenue une nécessité
avec l’apparition de sociétés de notations spécialisées (Vigeo et CoreRating) et avec la
montée en puissance des risques environnementaux notamment. De même, le
développement de fonds d’investissements dit « éthiques » (qui représentent près de
15 % des fonds investis aux États-Unis) constitue une pression nouvelle. Enfin, les
pressions de la communauté prise dans son ensemble, les différents lobbies, les
collectivités territoriales… sont autant d’incitations à la prise en compte de la RSE. Il
faut cependant rester prudent.
Elle cohabite toujours avec des pratiques plus ou moins avouables, guidées
exclusivement par la recherche du profit financier et les impératifs économiques de
rentabilité. De nombreuses grandes entreprises qui se sont approprié le sujet, le font,
soit dans une stratégie d’image (effets de réputation), soit dans une stratégie
opportuniste visant à construire de nouvelles barrières à l’entrée face à la concurrence
internationale issue notamment des pays en voie de développement. Néanmoins, la force
de ces nouvelles pressions, la nécessité absolue de prendre en compte rapidement la
donne environnementale font de la RSE une tendance lourde, de moyen terme mais
irréversible, qu’il s’agit de prendre en compte dans une stratégie d’entreprise.
L’impact de la RSE sur les entreprises industrielles, et notamment les petites et
moyennes entreprises, est à la fois direct et indirect : direct, car certains partenaires de
l’entreprise modifient dès à présent leurs comportements. À titre d’exemple, les
banquiers ou les assureurs sont de plus en plus attentifs aux risques environnementaux.
Le recrutement des jeunes collaborateurs est de plus en plus difficile dans certains
secteurs, du fait notamment d’une plus grande attente en matière de développement des
compétences et de qualité de vie au travail.
Cette tendance est paradoxale car elle est associée à des situations de chômage, mais
elle va néanmoins se renforcer avec l’évolution de la pyramide des âges. Indirect dans
la mesure où les PMI sont souvent dans des rapports de force défavorables vis-à-vis
des grands groupes qui vont être amenés à reporter sur leurs sous-traitants certaines
contraintes nouvelles, notamment en matière de management environnemental. De
même, les collectivités territoriales, par la mise en œuvre progressive de politiques de
développement durable, vont avoir un impact au niveau du choix des implantations et
sur les contraintes qui y seront associées.
Enfin, dans un contexte où près de 500 000 entreprises vont faire l’objet d’une
succession dans les 10 ans à venir, les notions de passif environnemental et de gestion
des risques vont devenir essentielles, notamment si les entrepreneurs souhaitent pouvoir
valoriser correctement leur entreprise.
Les principes de responsabilité sociale sont donc aujourd’hui des éléments
déterminants pour élaborer une stratégie d’entreprise. Ils ont en particulier une
influence sur la manière dont celle-ci entend développer ses métiers/activités et sur les
valeurs qu’elle entend promouvoir à l’intérieur et à l’extérieur. La prise en compte de
ces critères3 a notamment des effets sur le positionnement de l’entreprise
(image/réputation), sur le développement de ses produits (innovation sociétale intégrant
les dimensions sociale et environnementale) et sur ses objectifs de performance
(horizon à long terme).
Au-delà de ces considérations générales, la notion de responsabilité sociale (RSE)
touche l’ensemble des acteurs de l’entreprise et peut de ce fait se décliner de
différentes façons en termes d’échelle d’évaluation. Nous proposons ci-après les
attentes exprimées par chaque groupe d’acteurs en fonction de sa position et de son rôle
dans l’environnement.

Tableau 6.2 – La détermination de la RSE selon les acteurs4

Principales parties Échelle d’évaluation de la responsabilité sociale de l’entreprise


prenantes

Acteurs du monde Santé financière de l’entreprise, relation avec les acteurs économiques
économique local locaux et participation durable au développement local.

Acteurs du monde Création et préservation des emplois, politiques d’investissement en


politique faveur de l’emploi et de la formation professionnelle, respect des codes
de conduite.

Médias Communication sur les activités économiques, sociales et sociétales de


l’entreprise, aux plans international, national et local.

Opinion publique Transparence des actions menées et des résultats obtenus,


comportement éthique, engagement dans des causes humanitaires et
environnementales, aide au développement de la richesse nationale.

Marché du travail local Relance de l’activité économique (initiatives, aides et


accompagnements).

Autres employeurs locaux Figure d’exemple en matière de flexibilité.

Centrales syndicales Création d’emplois peu qualifiés.


Délégations syndicales Règles du jeu communes entre entreprises géographiquement proches,
d’autres entreprises notamment dans les aides et la flexibilité du travail.

Représentations Style de management « relationnel » passant par le respect du dialogue


syndicales internes social, des travailleurs et la reconnaissance de la hiérarchie.

Travailleurs/collaborateurs Respect du travailleur, protection sociale des salariés, dialogue social et


octroi d’un pouvoir d’achat décent.

Hiérarchie intermédiaire Respect de la fonction et des prérogatives.

Haute Direction Compétitivité à court terme du site vis-à-vis d’autres implantations, dans
le rapport à la maison mère ; développement et performance durables de
l’entreprise.

La prise en compte des autres parties prenantes


de l’entreprise
On entend par « autres parties prenantes » (stakeholders, en anglais) : les créanciers,
l’opinion publique (relayée par des associations ou les médias), les clients, le
personnel, les syndicats, les fournisseurs, les concurrents, les sous-traitants et les
partenaires industriels ou commerciaux de l’entreprise. Pesqueux (2002) propose
d’ailleurs une classification des parties prenantes, en distinguant les parties prenantes
contractuelles, qui concernent les acteurs ayant un lien direct et contractuel avec
l’entreprise tels les clients, les fournisseurs, le personnel (et les actionnaires) et celles,
plus diffuses, qui concernent les acteurs situés autour de l’entreprise et qui peuvent
affecter ou être affectés par l’entreprise sans pour autant avoir un lien contractuel, tels
que les associations, les syndicats, les fédérations, les ONG ou l’opinion publique en
général (sans oublier naturellement les pouvoirs publics et collectivités locales).
Il s’agit par conséquent de tous les acteurs qui partagent un intérêt (ou qui ont une
relation d’intérêt) avec l’entreprise. Au-delà des créances et obligations que possèdent
ces acteurs vis-à-vis de l’entreprise, ces derniers influencent de manière directe ou
indirecte les actions de celle-ci.
Par exemple, les clients de l’entreprise peuvent utiliser leur « pouvoir de
négociation » (changement d’enseigne, boycott, bouche-à-oreille…) pour choisir des
articles moins chers, de meilleure qualité ou inciter l’entreprise à développer des
produits labélisés comme pour le commerce équitable. Ils peuvent également contester
certaines politiques de l’entreprise (licenciements, délocalisations, réorganisation
interne). Ils peuvent à l’inverse faire montre de loyauté et de fidélité à la marque ou à
l’enseigne, apporter de nouvelles idées ou solutions, s’ils considèrent que l’entreprise
répond de manière satisfaisante à leurs attentes.
De même, les salariés peuvent, en fonction du management retenu par la firme,
constituer la première source de création ou de destruction de richesse, selon le degré
d’adhésion et d’implication dans le travail réalisé avec un impact immédiat sur la
productivité et la flexibilité. Il en va de même pour les fournisseurs de l’entreprise qui
peuvent être réinsérés dans le cadre de relations de coopérations à long terme et
améliorer ainsi les performances globales de l’entreprise.
Le système de relations qui s’établit entre l’entreprise et ses parties prenantes est
donc particulièrement étendu et complexe : étendu en raison du nombre d’acteurs
concernés, complexe compte tenu des différents types de relations qui peuvent exister
entre l’entreprise et les diverses parties prenantes. Il est donc indispensable, lors de la
réalisation de tout diagnostic, de bien identifier ces acteurs, de comprendre les points
de convergences, les sujets potentiellement conflictuels et les divergences d’intérêts
avérées.
Une telle analyse peut en particulier amener au développement d’alliances, susciter
un nouveau contrat social ou permettre de contrer l’action d’un acteur jugé gênant ou
dangereux pour le développement de l’entreprise.

Cas d’entreprise

Shell : quand les parties prenantes influent sur les décisions


stratégiques
En 1995, le géant pétrolier Shell prévoit de remorquer sa plateforme désaffectée Brent Spar,
encore remplie de pétrole et de substances toxiques, de la mer du Nord jusqu’en Atlantique, afin
de l’immerger en haute mer.
Face à cette décision, Greenpeace riposte, en amenant un bateau de militants sur la plateforme
isolée, afin de contrer le projet. Un bras de fer commence dès lors entre Shell et Greenpeace,
qui alerte l’opinion internationale sur la question de l’immersion des plateformes en mer et ses
conséquences pour l’environnement.
À cette époque, plusieurs centaines de plateformes similaires devaient connaître un destin
identique. Dans l’Europe entière, Shell doit faire face à des protestations, des boycotts et même
des pressions provenant de franchisés Shell à l’extérieur du Royaume-Uni. Après plusieurs
jours passés à tenter de déloger, à coup de canon à eau de forte puissance, les militants de
Greenpeace occupant la plateforme, ceux-ci sont arrêtés. Mais face à la pression et à cette
occupation spectaculaire de Greenpeace, Shell annule sa décision de couler sa plateforme
pétrolière Brent Spar en mer du Nord La compagnie accepte de remorquer la plateforme
jusqu’en Norvège pour son démantèlement et son recyclage. Cet événement très médiatisé se
traduit pour Shell par une baisse sensible de son chiffre d’affaires.
À la suite de cet incident, les membres de la Commission Oslo-Paris (OSPAR) adoptèrent un
moratoire sur l’immersion des plateformes pétrolières de Gibraltar à l’Atlantique, des réserves
n’étant exprimées que par le Royaume-Uni et la Norvège.

La notion de valeur client

Évoquer la multiplicité des partenaires de l’entreprise revient à poser l’existence de


valeurs autres que la seule valeur actionnariale. Ainsi parle-t-on également de « valeur
client ». Presque autant médiatisée que la valeur actionnariale, la valeur client ne
bénéficie pas du même degré de formalisation. On ne dispose pas dans ce domaine de
cadre théorique validé qui permette de la mesurer précisément. Tout au juste peut-on
considérer la valeur client comme l’écart entre la qualité perçue d’un produit (ou d’un
service) et un prix compétitif.
La notion de qualité perçue renvoie ici à l’image que le client se fait du produit
proposé et de ses différents attributs par rapport à un prix donné, et les effets qui en
découlent en matière de comportement (satisfaction, fidélisation, adhésion). L’objectif
de l’entreprise est de mettre en place les dispositifs de gestion susceptibles de
maximiser cette qualité perçue. Suivant cette stratégie, l’entreprise va se concentrer sur
l’optimisation de la valeur de son offre, en proposant aux clients une offre de valeur
supérieure à un prix intéressant.
Cette stratégie de la valeur client est souvent difficile à mettre en œuvre car elle
demande de la part de l’entreprise une capacité à combiner des attributs différents, en
intégrant dans l’offre proposée aussi bien les questions de sécurité, de qualité que les
aspects d’attractivité (esthétique, design, image, positionnement), et cela à un coût
raisonnable.
La combinaison de ces deux éléments, à savoir maximisation de la
valeur/optimisation des coûts devient la condition indispensable au succès d’une
stratégie de valeur de l’offre.

La valeur salarié

Moins souvent évoquée que la valeur actionnariale ou client, la valeur salarié peut être
définie comme l’excédent de rétribution perçue sur la contribution perçue. La
contribution correspond aux apports réalisés par l’individu dans le cadre de son travail.
Quant à la rétribution, elle ne se limite pas ici aux seuls profits monétaires, elle intègre
également la reconnaissance sociale, la réputation, l’appartenance, le prestige ou le
développement personnel et professionnel de l’individu.
Au-delà d’une politique de rémunération efficace, l’entreprise peut donc créer de la
valeur salarié en satisfaisant la hiérarchie des besoins de l’individu selon Maslow, à
savoir les attentes en termes :
de sécurité (stabilité des emplois, conditions de travail) ;
d’appartenance (identité professionnelle, intégration, esprit d’équipe, culture
d’entreprise) ;
d’estime sociale (gestion des carrières, promotion, reconnaissance) ;
d’estime de soi (responsabilisation, autonomie, initiative).
Ceci peut par exemple prendre la forme d’un engagement de l’entreprise auprès de
ses différents collaborateurs pour améliorer leur protection et assurer à tous une
couverture sociale de qualité en échange d’une augmentation de la performance des
salariés (motivation, engagement, fidélité, créativité, prise d’initiative).

Cas d’entreprise

Véolia Environnement et la responsabilité sociale


Le groupe Véolia Environnement a amélioré ses systèmes de prévoyance (maladie, invalidité,
décès) en optimisant ses coûts et en améliorant les prestations. Environ 130 000 collaborateurs
dans le monde sont d’ores et déjà gérés dans un pool d’assurance. Le Groupe a aussi mis en
place un outil de consolidation de l’ensemble des engagements de retraites, en vue d’améliorer
la gestion des fonds, a fermé l’accès de ses régimes de retraite à prestations définies et favorisé
la mise en place de fonds de pension à cotisations définies.
Source : rapport annuel – Véolia Environnement

L’essentiel
►► Définir une stratégie implique de prendre en compte les attentes et les contraintes des
différentes parties prenantes. En effet, la conciliation éventuelle des intérêts conflictuels des
actionnaires, des acteurs institutionnels et d’autres groupes d’acteurs (clients, salariés,
fournisseurs, concurrents…) et leur degré de compatibilité avec les valeurs des dirigeants, est au
cœur du développement de l’entreprise.
►► Encore faut-il les identifier et comprendre leurs attentes et préoccupations et proposer
des solutions adaptées, en vue de faire converger l’ensemble des acteurs dans le sens et l’intérêt
de l’entreprise.
Notes
1. « L’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des
entreprises à leurs activités commerciales et à leurs relations avec les parties
intéressées. Il s’agit non seulement de satisfaire pleinement aux obligations juridiques
applicables, mais aussi d’aller au-delà et d’investir d’avantage dans le capital humain,
l’environnement et les relations avec les parties intéressées. » (Commission des
Communautés Européennes).
2. Nous tenons ici à remercier Sylvie Riollet et Guillaume Schier du cabinet Dever
Partners et associés pour leurs apports à la réflexion.
3. À l’inverse, ne pas les prendre en compte peut amener l’entreprise à faire face à des
problèmes de dégradation de son image et à des risques de sanctions de la part des
parties prenantes, comme l’ont montré de nombreux exemples récents à l’instar des
usines IKEA en Roumanie, de l’Erika après la marée noire, du drame de l’usine AZF
(TotalFinaElF) ou encore de la gestion délicate du retrait par Bayer de son médicament
anticholestérol.
4. Adapté de Xhauflair et Zune (2003)
Chapitre 7

Segmenter les activités stratégiques


d’une entreprise

Executive summary
►► La segmentation stratégique vise à distinguer les différentes activités clés d’une
entreprise, en vue d’y mener une politique de développement et d’investissements spécifique.
►► La segmentation stratégique est un outil indispensable au service de la stratégie. Ce
découpage passe par un certain nombre de critères qu’il s’agit de bien connaître et de maîtriser,
afin de pouvoir par la suite identifier les facteurs clés de succès de chaque segment stratégique et
les contraintes environnementales et sociales qui y sont associées.
►► Une fois ces démarches réalisées, il est alors possible d’élaborer une stratégie
concurrentielle adaptée à chacun de ces segments.

La segmentation stratégique est l’une des étapes les plus importantes pour le diagnostic
d’entreprise. De cette segmentation vont en effet dépendre les facteurs clés de succès
associés à chaque DAS, l’identification de concurrents spécifiques et les choix en
matière de stratégie concurrentielle.

Les critères de segmentation stratégique des activités


Une fois la fiche signalétique effectuée et les éléments stratégiques généraux déterminés
(mission, finalité, métiers), le découpage des métiers de l’entreprise en domaines
d’activités stratégiques (DAS) ou segments stratégiques constitue une étape clé du
diagnostic stratégique. Cette phase est généralement désignée sous le nom de
segmentation stratégique. Elle permet de délimiter les unités stratégiques au niveau
desquelles il sera possible d’apprécier la position concurrentielle de l’entreprise et de
formuler une stratégie spécifique. Elle doit faciliter l’optimisation du portefeuille
d’activités de l’entreprise.
On peut définir les segments stratégiques d’une entreprise au regard de trois critères.
Chacun doit inclure un ensemble d’activités, de produits et de ressources qui :
vise à répondre de manière homogène à un besoin ou une fonction clairement
identifiée (au regard des attentes du marché défini en terme de produits, de
services ou d’usages) ;
repose sur des technologies ou des savoir-faire précis et homogènes ;
dispose d’une concurrence spécifique.
Chacun de ces critères demande une attention particulière pour une segmentation
efficace. Ainsi, pour chaque application-produit, il convient de s’interroger sur
l’utilisation des produits-services proposés et les exigences en matière de qualité
fonctionnelle, technique et esthétique. On doit également s’intéresser aux normes en
vigueur et à la réglementation.
En matière de technologie, l’analyste doit se poser un certain nombre de questions,
concernant par exemple le niveau d’accessibilité de la technologie (brevet, licence…),
son degré de complexité ainsi que la nature du processus de production (niveau
d’automatisation, de spécialisation, degré de rigidité, possibilités de fabrication en
séries). Il convient enfin d’étudier les groupes de concurrents spécifiques au marché
étudié et leurs caractéristiques distinctives (stratégie, comportements, qualités
particulières).
La segmentation s’opère, de ce fait, en réunissant dans un segment stratégique toutes
les activités qui répondent à la même utilité (fonction), s’adressent à la même nature de
clientèle et font appel à la même technologie.
On peut donc définir un segment stratégique comme un ensemble homogène de biens
et/ou services de l’entreprise, destinés à un marché spécifique, ayant des concurrents
déterminés, et pour lequel il est possible de formuler une stratégie spécifique.
Un segment stratégique peut ainsi se voir comme une sous-partie du champ d’action
de l’entreprise, à laquelle il est possible d’allouer ou de retirer des ressources de
manière indépendante en vue d’une stratégie donnée et qui correspond à une
combinaison spécifique de facteurs clés de succès. Sont ainsi regroupées dans un même
DAS les activités de l’entreprise qui peuvent être traitées en commun car leur façon de
créer de la valeur est suffisamment proche pour être associées dans une stratégie
commune cohérente : cible, avantages concurrentiels, technologies utilisées, position
dans la chaîne verticale, mode de développement et alliances.
Prenons le cas de l’automobile. Un constructeur automobile peut développer
différents domaines d’activités issues du même métier :
véhicules pour particuliers (berlines, coupés…) ;
véhicules industriels (camions, tracteurs, bus…) ;
véhicules utilitaires (camionnettes, ambulances…) ;
véhicules de sport.
En effet, pour chacun de ces domaines, le constructeur devra faire face à des
exigences particulières (prix, sécurité, qualité, vitesse) et se doter de technologies
spécifiques pour se distinguer de ses principaux concurrents sur le marché visé.

Cas d’entreprise

Véolia : métiers et domaines d’activités


Véolia est positionnée sur un seul et unique métier, les services liés à l’environnement, où elle
occupe la place de numéro un mondial. L’entreprise a su aujourd’hui décliner ce métier en quatre
principales activités :
dans les services d’eau, avec la gestion des services d’eau et d’assainissement pour les
collectivités publiques et les industriels, ainsi que la conception de solutions techniques
nécessaires à l’exercice des services d’eau ;
dans les services de propreté, avec la collecte, la gestion, le traitement et la valorisation des
déchets pour les collectivités locales et les industriels ;
dans les services énergétiques, avec le développement des réseaux de chaleur, des utilités
industrielles, des services généraux intégrés ou la gestion des infrastructures
énergétiques ;
dans les services du transport avec la gestion déléguée de transport public de voyageurs
urbain, régional et national (pour tous types de véhicule) et le transport de fret et logistique
associée.
Ces quatre domaines d’activités stratégiques (DAS) sont d’ailleurs gérés par des Divisions
spécialisées avec la création d’entités autonomes dédiées à chacun des marchés (Véolia eau,
Onyx, Dalkia, Transdev).

De manière générale, la segmentation stratégique vise à répondre à deux principaux


objectifs (Massol, 2003) : (i) trouver les sous-ensembles d’activités pour lesquels sera
établie une stratégie spécifique adaptée à l’environnement et aux capacités de
l’entreprise ; (ii) vérifier si l’organisation de l’entreprise correspond à la partition en
unités stratégiques.
Même si cette démarche apparaît essentielle, force est néanmoins de constater que
les dirigeants et cadres d’entreprise ne voient pas toujours l’utilité directe d’une
segmentation stratégique. Ils ont souvent le sentiment d’avoir déjà segmenté leurs
activités, distinguées et organisées en unités ou départements. Pourtant, la séparation
effectuée ne correspond pas nécessairement aux activités stratégiques de l’entreprise et
ne permet pas en tant quelle de réaliser une analyse précise de concurrence et du
marché.
Il importe également de ne pas confondre la segmentation stratégique avec
l’ensemble des couples produits-marchés de l’entreprise. Ce découpage n’est pas
forcément le plus judicieux et ne convient pas forcément à toutes les entreprises. Dans
certains cas, d’autres découpages peuvent permettre une plus grande valorisation des
compétences et une analyse plus fine de la structure des coûts de l’entreprise.
La segmentation stratégique, par ses critères, a donc le mérite de repenser
l’entreprise selon le triptyque offre/technologie/concurrence. Pour y parvenir, l’analyste
veillera à éviter deux écueils : celui de segmenter sur une base trop large avec le
risque de sous-estimer la spécificité des activités et, par voie de conséquence,
d’occulter les réelles exigences de chaque DAS ; celui de segmenter trop finement,
limitant ainsi les possibilités de l’entreprise de partager les ressources, d’où un risque
de minimisation des synergies de coûts et de croissance entre certains produits ou
services.

Les facteurs clés de succès d’un segment stratégique


La notion de facteur clé de succès (FCS) est liée à la notion de segmentation
stratégique. On peut définir les facteurs clés de succès comme des éléments stratégiques
spécifiques qu’une entreprise doit maîtriser pour être compétitive dans une activité
donnée. Naturellement, ces facteurs ne sont pas immuables et évoluent en fonction des
caractéristiques de l’environnement et du cycle de vie des industries (apparition de
nouveaux entrants, innovations technologiques, changement contextuel).
De plus, les facteurs clés de succès sont surtout spécifiques à un secteur donné et
peuvent difficilement être généralisables à l’ensemble des industries. Prenons par
exemple le cas du secteur du bâtiment et de l’industrie du luxe : si, dans le secteur du
bâtiment, la maîtrise des coûts, le contrôle de la sous-traitance et le respect des délais
constituent des facteurs clés de succès, il en va tout autrement pour l’industrie du luxe
qui privilégiera la notoriété, l’image, le réseau de distribution, la qualité des produits et
la relation avec les clients.

Exemple
Les facteurs clés de succès dans l’industrie du luxe
Les principaux facteurs clés de succès associés à l’industrie du luxe, et plus particulièrement au
secteur de la bijouterie – joaillerie, sont à rechercher dans la capacité des entreprises à maîtriser
l’ensemble de la chaîne de valeur, de la conception au marketing relationnel, en passant par les
étapes de fabrication et distribution. Plus précisément, on peut identifier comme principaux
facteurs de réussite :
la qualité des matières premières (valeur, rareté, originalité) ;
le contrôle de la fabrication des produits ;
la gestion efficace des réseaux et circuits de distribution ;
la formation et le professionnalisme des vendeurs (accueil, écoute, conseil) ;
la création et la qualité du design ;
des dépenses publicitaires élevées afin de véhiculer l’image de la griffe (réalisation de
campagnes ciblées) ;
des actions de développement et de fidélisation (Club, cartes de fidélité, magazines,
invitations, cadeaux, prestations de services variés…) pour entretenir des liens privilégiés
avec les clients ;
la gestion permanente de l’image de la marque et de ses valeurs à travers par exemple le
soutien à des projets humanitaires, culturels ou sociaux (mécénat) : fondations, prix, actions
de restauration…

Ainsi, une entreprise qui souhaite se positionner durablement dans un secteur


d’activité se doit de repérer les facteurs clés de succès propres à son industrie. Pour ce
faire, elle doit connaître les attentes des consommateurs, faire une analyse précise de la
chaîne de valeur et étudier attentivement la structure des coûts du secteur et les éléments
de différenciation.
On peut généralement dissocier :
les facteurs visant à maintenir la position concurrentielle de l’entreprise. Il s’agit
ici des performances minimales à acquérir pour rester dans la compétition et éviter
de compromettre sa position concurrentielle au sein de son environnement ;
les facteurs qui visent à renforcer la position de la firme sur le marché. Ils
correspondent aux compétences distinctives non partagées par les concurrents et
difficilement imitables.
Aisée à comprendre, cette notion est néanmoins difficile à opérationnaliser car les
FCS relèvent de différentes dimensions : technologique, économique, commerciale,
organisationnelle… Ils peuvent donc mettre en jeu toutes les facettes de l’entreprise
(conception d’offres personnalisées, maîtrise d’une technologie avancée, niveau de
prix, nature des services, qualité des équipes de vente).

Les contraintes environnementales et sociétales d’un


segment stratégique
L’entreprise se présente comme un système ouvert qui survit et se développe dans un
environnement en constante évolution, porteur de menaces et d’opportunités. Ces
contraintes et menaces sont susceptibles de remettre en cause la position concurrentielle
d’une firme et pèsent sur les choix stratégiques. Mais l’environnement offre aussi des
opportunités de développement que l’entreprise doit savoir découvrir et saisir pour
faciliter l’atteinte des objectifs. La connaissance de l’environnement est donc une étape
essentielle dans la démarche du diagnostic stratégique, que toute équipe dirigeante doit
effectuer avant de formuler la stratégie d’ensemble.
Pour pouvoir prendre des décisions pertinentes, l’entreprise, en tant que système
ouvert, doit tenir compte de l’ensemble des éléments extérieurs à elle-même en relation
avec ses activités. On distingue généralement sept facteurs déterminants pour définir cet
environnement. Ces facteurs, décrits ci-dessous, ont une incidence plus ou moins forte
sur le développement et le fonctionnement de l’entreprise. Ce peut être :
des facteurs géographiques, démographiques et écologiques qui peuvent venir
modifier les équilibres économiques des différentes activités de l’entreprise ;
des facteurs culturels et sociétaux : mode de consommation, nouvelles aspirations
sociétales, responsabilité sociale des entreprises, éthique, développement durable,
qui peuvent créer de nouveaux besoins et attentes ;
des facteurs politiques, juridiques et réglementaires : nouvelles lois, décisions
politiques, déréglementations, fiscalité… ;
des facteurs technologiques : innovations, inventions, changements techniques ;
des facteurs sociaux : importance des syndicats, revendications salariales,
motivations du personnel, qui peuvent avoir une incidence sur les coûts
d’exploitation de l’entreprise ;
des facteurs économiques : inflation, croissance économique, évolution du taux de
change… ; qui ont une incidence sur la politique de l’entreprise (décisions
d’investissement, politique d’endettement, délocalisation).

Le modèle PEST

L e modèle PEST vise à identifier les facteurs environnementaux, Politiques,


Économiques, Sociaux et Technologiques qui influencent le développement et la gestion
d’une entreprise.

Tableau 7.1 – Le modèle PEST

Facteur politique/légal Facteur économique

Lois sur les monopoles Cycles économiques


Lois sur la protection de l’environnement Incertitude économique
Politique fiscale/taxation Évolution du PNB
Régulation du commerce extérieur Taux d’intérêt
Droit du travail Politique monétaire
Pressions syndicales Inflation
Nouvelles réglementations Chômage
Nouvelles normes Revenu disponible
Politique gouvernementale Disponibilité et coût de l’énergie
Directives européennes Coût moyen du travail
Tensions internationales Concentration au sein du secteur ou de la filière
Incidents diplomatiques (fusions, acquisitions, alliances)
Attentats/conflits internationaux Globalisation des marchés
Instabilité géopolitique Accroissement de la concurrence
Fléau/maladie/contamination

Facteur socioculturel Facteur technologique

Démographie Dépenses publiques de R & D


Distribution des revenus Investissements privés et publics sur la technologie
Mobilité sociale Nouvelles découvertes, nouveaux développements
Changements de modes de vie Attitude générale par rapport aux innovations
Attitude par rapport au loisir et au travail Vitesse de transferts technologiques
Consumérisme Taux d’obsolescence des produits
Comportements d’achat
Niveau de vie/style de vie
Niveau d’éducation
Phénomènes de mode
Structure de l’habitat

Étude des opportunités/menaces

De manière générale, on parle des opportunités et menaces pour exprimer les facteurs
qui influencent positivement ou négativement la rentabilité d’un secteur. Les
opportunités et menaces comprennent naturellement l’analyse des 5 forces
concurrentielles de M. Porter (voir chapitre 8, p. 165xxxx) et donc les actions et
initiatives de la concurrence, des fournisseurs et des clients de l’entreprise. Mais cette
analyse intègre également l’évolution de l’environnement en général (comme les
évolutions technologique, réglementaire, politique, démographique ou sociologique).
L’analyse des opportunités et menaces permet par conséquent d’avoir une idée de la
rentabilité ou non du secteur et de voir quels sont les facteurs qui peuvent favoriser ou
au contraire remettre en cause le développement de l’entreprise.
On entend par menace un événement ou une action pouvant avoir une incidence
négative sur le développement des entreprises du secteur. Des attentats ou accidents à
répétition dans le domaine aérien peuvent occasionner des inquiétudes chez de
nombreux voyageurs de plus en plus réticents à recourir à l’avion et constituer par
conséquent une forte menace pour les compagnies aériennes dans leur développement
(et dans une moindre mesure les clubs de vacances). De même, le coût toujours plus
élevé de la recherche et développement pour financer de nouvelles molécules et
innover efficacement constitue une menace permanente pour les entreprises de
l’industrie pharmaceutique dans l’obligation de s’allier ou de fusionner pour éviter la
marginalisation.

Exemple
Le risque de contamination des eaux embouteillées chez Danone
Parmi les risques inhérents à l’activité du Groupe Danone, la pollution des sources d’eaux
naturelles qui fournissent les ressources nécessaires aux eaux embouteillées constitue une
menace prise très sérieusement par le Groupe. Selon ses dirigeants, l’existence de produits
contaminés aurait un impact très négatif sur l’activité et les résultats de l’entreprise.
Source : Rapport de référence – Groupe Danone

On peut définir une opportunité comme un événement ou une action pouvant avoir des
effets positifs sur le développement des entreprises présentes sur le marché. La crise
économique qu’a connue l’Asie a constitué une source de croissance très importante
pour les entreprises occidentales dans leur politique de développement à l’international
(alliance Renault-Nissan, participations de Daimler-Chrysler dans Mitsubishi). De
même, le choix d’un gros constructeur automobile de s’implanter dans une région
donnée est une opportunité pour les différents fournisseurs ou sous traitants locaux (cas
de l’usine Swatch Mobile Mercedes implantée en Lorraine).

Exemple
L’acquisition d’une SII suite à un retournement de conjoncture
Suite à un retournement de conjoncture, une SII, société de conseil en informatique bien
implantée auprès des grands comptes de la région et notamment EADS, se retrouve en
difficultés. Les dirigeants d’un grand groupe national se rapprochent alors de cette entreprise
avec laquelle ils avaient été en contact deux ans plut tôt pour une offre d’achat de 7 M€ qui fut
refusée. Une deuxième négociation voit donc le jour, deux ans après, entre les deux entités qui
parviennent à un accord de 1,2 M€. Soit pour l’entreprise initiatrice un gain de 5,6 M€. Dans le
cas présent, l’acquisition de la SII par ce grand groupe fut réalisée sur opportunité dans un
contexte d’ouverture (recherche d’un repreneur) et dans des conditions financières très
favorables.
Source : AFFACTASUR

Si les opportunités et menaces constituent indéniablement une source essentielle


d’information pour l’analyste, encore faut-il savoir les détecter.

Opportunités/menaces dans le secteur de l’accessoire du luxe


Demontoy et al. identifient, dans le cadre d’un diagnostic stratégique consacré au marché de
l’accessoire du luxe, différents facteurs susceptibles de constituer des sources de
développement (opportunités) et de frein (menaces) pour la croissance des entreprises du
secteur étudié.

Opportunités identifiées
Volume d’achats d’accessoires orientés vers la hausse (+ 3,5 %).
Augmentation de la demande et du chiffre d’affaires (+ 8 %).
Les ménages sont plus réceptifs aux tendances de la mode et les consommatrices se laissent
séduire par l’achat d’accessoires.
Augmentation du pouvoir d’achat des consommateurs.
L’application des 35 heures intensifie la consommation d’articles de voyages.
Attrait des étrangers pour les grandes marques françaises de maroquinerie (surtout
asiatiques).
Augmentation des ventes en valeur (valorisation des prix de vente de fabricants français de
maroquinerie).
Demande croissante des jeunes femmes (18-25 ans).
Extension des réseaux de distribution tant en France qu’à l’étranger : ouverture de magasins en
propre et implantation de mégastores.
Dynamisme de la demande étrangère (excellent volume des ventes).

Menaces identifiées
Présence de leaders puissants : Louis Vuitton et Hermès Sellier.
Savoir-faire spécifique difficile à perpétuer.
Pression de la concurrence asiatique qui pousse les entreprises françaises à délocaliser leur
production (perte de contrôle, produits bas de gamme).
Les produits en cuir ont perdu leur place prépondérante au profit du développement des articles
en matières synthétiques et en toile (seule la moitié des sacs fabriqués sont en cuir).
Les enseignes comme Promod et Etam opèrent une diversification menaçante vers les articles
de maroquinerie.
Légère augmentation des prix à la consommation (augmentation du prix des matières
premières et montée en gamme des articles).
Augmentation des cours du cuir et des peaux due à la baisse des approvisionnements des
fabricants français et à la stabilisation de leur production.
Les performances commerciales des entreprises sur ce secteur sont beaucoup trop liées aux
aléas de la mode.
C’est pourquoi Hunt et Zartarian (1990, p. 28) proposent de réaliser une veille informationnelle,
en découpant l’environnement en trois zones de surveillance :
« l’espace d’action immédiate » qui comprend tout ce qui est en relation directe avec l’activité
de la firme ;
« l’espace d’action d’influence » qui comprend tout ce qui est susceptible d’influencer les
opérations émanant de la zone précédente ;
« l’espace d’action d’intérêt » qui regroupe l’ensemble des domaines sur lesquels la firme
n’opère pas mais où elle pourrait un jour entrer ou qui pourraient venir empiéter sur son
espace d’action initial.
Comme toute méthode, celle développée par Hunt et Zartarian (1990) présente des limites
(risque de focalisation excessive, découpage arbitraire, absence de but précis), néanmoins elle
peut être utile si on prend le temps d’étudier les influences réciproques entre ces trois zones et
leurs effets (directs et directs) sur le champ d’action de la firme.

Les stratégies concurrentielles retenues par l’entreprise


Dans le cadre d’un diagnostic, il est important de bien connaître les stratégies des
concurrents et leur impact sur le développement de la firme. Ceci permet en effet de
mieux de se situer au sein de l’environnement et d’adapter sa politique en fonction des
situations. Pour se développer, l’entreprise peut recourir à différentes options
stratégiques, chacune fondée sur des démarches et des principes spécifiques. Il est
proposé une présentation de ces principales options avec leurs avantages et
inconvénients.

Les stratégies d’innovation ou de rupture

■ Stratégie et innovation

Les entreprises innovent non seulement pour satisfaire leurs clients, mais pour imposer
à leurs concurrents une pression et les inciter à la faute ou à l’abandon. L’entreprise
cherche par conséquent à innover pour déstabiliser et désorganiser la concurrence et
pour attirer de nouveaux clients. Mais encore faut-il cerner les conditions nécessaires
pour que l’innovation devienne un vecteur de performance et de croissance.
Une première option consiste à répondre à la demande sans cesse insatisfaite des
clients. Il s’agit notamment de reconnaître les besoins insatisfaits, voire à les
anticiper, en vue de séduire, puis de fidéliser la clientèle visée. L’innovation permet
par ailleurs à l’entreprise de continuer à travailler sur l’amélioration de ses marges.
En innovant, elle peut réduire ses coûts de production et donc accroître ses profits,
dans la mesure où ses concurrents innovent moins vite qu’elle.
Elle peut en outre créer un différentiel de qualité ou de service dans les
fonctionnalités de son offre, ce qui conduit d’une autre façon à l’amélioration de sa
performance. L’innovation peut aussi répondre à une stratégie nettement plus
offensive. Innover, c’est en partie détruire les sources de profitabilité de ses
concurrents. Ce faisant, une entreprise modifie la donne et oblige les concurrents à
compléter leurs ressources technologiques s’ils veulent rester dans la course, quitte à
faire évoluer leur organisation et à réactualiser leurs connaissances et leurs manières
de travailler.
L’innovation réduit par conséquent le cycle de vie des offres et impose à la
concurrence de réagir sur de nouvelles bases avec à la clé une augmentation des
coûts.

■ Les stratégies de rupture

Les stratégies de rupture visent à modifier l’univers dans lequel évolue l’entreprise, en
introduisant de nouveaux facteurs clés de succès dans le jeu concurrentiel. Elles
remettent de ce fait en cause la segmentation stratégique du marché, en venant
transformer le champ concurrentiel existant pour y prendre une position dominante. On
peut mener une stratégie de rupture de deux manières : la première approche repose sur
la capacité de l’entreprise à introduire une rupture dans son propre champ
concurrentiel, sur sa base de clients actuels (anticipation des besoins). La seconde
consiste à évoluer vers un nouveau champ concurrentiel, en introduisant de nouvelles
pratiques de comportements et d’actions.

Exemple
Exemples de stratégies de rupture
Dans le secteur de la sidérurgie, dans les années quatre-vingt, une rupture est apparue dans le
mode de production d’aciers, avec l’utilisation des fours électriques triphasés assistés par
ordinateur et la technologie de la coulée continue à partir de la ferraille. Cette rupture
technologique s’est accompagnée d’une meilleure gestion des stocks et d’une optimisation des
moyens d’approvisionnement en ferraille. Alors que les mini-aciéries n’assuraient que 15 % de la
production totale de l’acier aux États-Unis, elles en assurent à ce moment près de la moitié.
Dans les années quatre-vingt-dix, EMC Corporation1 invente une technologie permettant de
transmettre, stocker et accéder à des volumes plus importants de données de façon plus fiable,
rapide et économique qu’avec les technologies existant jusqu’alors sur un marché dominé par
IBM. En dix ans, EMC est passé d’une position quasi inexistante à une position de leader avec
plus de 60 % de parts de marché.

Un exemple intéressant de rupture marketing est celui de la firme Intel qui est passée de la
position de fournisseur de microprocesseurs pour les constructeurs d’ordinateurs à celle de
fournisseur de capacité de traitement informatique pour le client final, utilisateur de l’ordinateur.
Intel est donc passé d’un contexte business to business à un contexte business to consumer
avec son fameux concept « Intel inside », base de sa réussite. Les constructeurs d’ordinateurs
ont vu dans cette rupture de type marketing, accompagnée d’une politique active d’innovation, un
moyen efficace d’augmenter leurs ventes : chaque ordinateur devenant obsolète à chaque
nouvelle génération de microprocesseur. Cette rupture fait rêver aujourd’hui de nombreux
fournisseurs de secteurs d’activité totalement différents.

D’autres stratégies de rupture ont consisté à modifier le champ concurrentiel en créant de


nouveaux segments de marché. Fondée sur des techniques existantes, la rupture consiste à
proposer un produit-concept totalement innovant, répondant à un besoin non encore exprimé,
mais qui correspond à un changement comportemental des utilisateurs.
Dans le cas du Renault Espace, il s’agissait de proposer aux automobilistes un espace de
conduite convivial, modulable, familial. Un nouveau segment de marché était né. »
D’après T. Kurek (2004)

Océan bleu versus Océan rouge

Dans la conception traditionnelle, le marché est abordé comme un champ de bataille, où


les entreprises s’affrontent dans un contexte donné, où l’intensité concurrentielle est
exacerbée. En effet, les théories en stratégie et en management se sont principalement
construites par rapport à un univers concurrentiel, où tout l’art consiste à montrer sa
supériorité, soit à travers les prix pratiqués (stratégie du « moins disant »), soit par la
qualité des services offerts.
Dans le paradigme de la compétitivité, les stratégies concurrentielles se structurent
donc autour de deux axes : l’affrontement par les prix ou la différenciation. Il s’agit par
conséquent de se positionner sur un marché prédéfini, où coexistent différents
concurrents et où le but ultime est d’essayer de faire mieux que les autres pour
s’approprier une part importante de la demande existante. Cet espace traditionnel,
désigné sous le nom d’« océan rouge » est donc un champ concurrentiel, où les produits
sont bien définis, les concurrents connus.
Dans cette situation, les stratégies sont organisées autour de trois variables
d’actions : les prix, la qualité et le service. La plupart des entreprises évoluent
généralement dans ce type d’espace.
Dans l’Océan rouge, les entreprises essaient de faire mieux que les autres, pour
augmenter leur part de marché. Mais l’espace convoité étant de plus en plus encombré,
les perspectives se réduisent et les produits tendent à se banaliser (absence
d’innovation radicale). De plus, l’univers économique devient un « océan rouge », en
raison du sang versé par les compétiteurs dans le cadre de leurs rivalités, avec la
disparition de nombreuses entreprises (faillite, rachat), et la perte massive d’emplois
(restructurations, réorganisation interne, licenciements).
De ce fait, si cette forme de rivalité peut permettre, en cas de réussite, de prolonger
la vie de certaines entreprises (stratégie de domination), elle accorde un sursis de
courte durée, compte tenu de l’évolution des technologies et de l’apparition de
nouvelles formes de concurrence (produits de substitution).
Ce marché, marqué par l’affrontement entre les différents concurrents, est ainsi
désigné en raison d’une logique qui ne peut que générer une compétition assassine face
à une offre supérieure à la demande. En jouant dans un environnement de concurrence
intense, de pression sur les prix, de lutte sur les mêmes avantages concurrentiels, les
entreprises sont dès lors condamnées à évoluer vers une spirale destructrice de valeur.
Pour Kim et Mauborgne (1999) la nouvelle pensée stratégique entend remettre en
cause le paradigme dominant sur la compétitivité des firmes au sein d’une industrie
donnée. W. Chan Kim et Renée Mauborgne se sont en effet penchés sur les entreprises
faisant l’expérience durable du succès. Ils sont arrivés à la constatation que la meilleure
stratégie consiste à ne pas entrer en concurrence avec les autres acteurs du secteur mais
à au contraire chercher « à faire ce que les autres ne font pas ».
Pour eux, la réussite d’une entreprise ne dépend pas de sa capacité à construire des
avantages concurrentiels, mais à sortir du champ concurrentiel en offrant des produits
et/ou des services correspondants à une demande potentielle forte mais non encore
formalisée. Selon eux, la stratégie doit donc s’élaborer en dehors des frontières
existantes des industries, dans un espace nouvellement créé capable de répondre à des
demandes nouvelles encore mal identifiées.
Il ne s’agit donc plus d’affronter la concurrence dans des « océans rouges » (le rouge
soulignant le caractère « destructeur » de la compétition) mais de créer des océans
bleus, à savoir des espaces de marché nouveaux, où l’on pourra se développer
rapidement, en créant un produit ou un service suffisamment innovant pour ne plus être
en concurrence frontale et dégager des marges conséquentes.
Ainsi, contrairement à l’Océan rouge, dans un Océan bleu, les entreprises ne se
comparent pas à leurs compétiteurs. En opérant un saut de valeur par le recours à
l’innovation, elles créent un nouvel espace stratégique non disputé, qui leur permet de
mettre hors-jeu la concurrence.

Exemple
La stratégie Océan bleu
Les exemples d’entreprises qui ont su sortir du paradigme de la compétitivité sont nombreux. On
peut citer e-Bay avec son site de vente aux enchères. De même, l’entreprise Google a fait le
choix très tôt d’inscrire sa stratégie de développement autour de la création d’un nouvel espace
stratégique, en allant bien au-delà du moteur de recherche avec une gamme très diversifiée de
services (cartographie, services d’achat en ligne, gestion des photos…). Enfin, on peut
également évoquer le cas de la société Body Shop avec ses cosmétiques fabriqués à partir de
plantes cultivées et achetées par des coopératives d’autochtones et élaborés sans
expérimentation animale.

La Stratégie Océan Gris

Si la stratégie Océan bleu permet d’explorer de nouveaux marchés encore inconnus, il y


a toujours le risque, à un moment donné, que ces nouveaux marchés, de par leur
attractivité, puissent attirer la concurrence. Des travaux récents, à l’instar de ceux de
F. Fréry, invitent par conséquent à envisager des stratégies d’un type nouveau, en
s’orientant vers des activités où les concurrents hésiteront à aller en raison des risques
perçus pour leur propre modèle économique : la stratégie Océan gris. Il s’agit ici de
priviliéger des activités « dissuasives » qui obligent les concurrents établis à renier
leurs engagements stratégiques (sources de revenus, investissements, structure de coûts,
modèle d’organisation), en délaissant des positions jusqu’à présent favorables.
Naturellement, ce principe de dissuasion ne fonctionne que face aux concurrents déjà
en place, contraints de modifier leurs stratégies existantes sur le marché, avec des coûts
de changements potentiellement élevés (niveau de risque financier, changement
d’alliances, remise en cause de certaines pratiques). En effet, face à ce type de
stratégie, la concurrence existante a plus à perdre que les nouveaux entrants qui auraient
a priori moins de ressources stratégiques à défendre, n’étant pas encore présents sur le
marché.

Les stratégies concurrentielles

Désigné sous le nom de « Business strategy », l’enjeu est ici de définir la stratégie par
domaine d’activité, en fonction de la valeur de l’activité (degré d’attractivité), de la
position de l’entreprise dans ce domaine et de ses moyens. En fonction de ces critères
d’analyse, il est alors possible de formuler la stratégie la mieux adaptée pour
l’entreprise : stratégies de renforcement, de maintien, focalisation ou abandon. Les
stratégies concurrentielles traduisent la manière dont l’entreprise, avec ses différentes
ressources (produits, marques, moyens humains et financiers) va répondre aux
différentes orientations élaborées au niveau de chacun des domaines d’activités
stratégiques.
Ainsi, la stratégie par activité a comme objectif d’assurer à l’entreprise un avantage
compétitif durable sur l’ensemble de ses concurrents dans un domaine particulier. Sur
le plan concurrentiel, on distingue deux grands types de stratégies : une généraliste
(domination par les coûts et différenciation) et une spécialiste (focalisation).

■ Les stratégies de domination par les coûts

Cette stratégie consiste à atteindre de façon durable un coût unitaire inférieur à celui
des concurrents pour un même niveau de qualité. Elle se caractérise par la recherche
d’un volume d’activité important, des investissements conséquents notamment dans le
domaine de la production de masse (rationalisation du processus) et enfin par
l’obligation de cibler large.
La conjonction de plusieurs éléments rend possible l’obtention de coûts bas :
les économies d’échelle : il ressort en effet que les coûts unitaires correspondant à
une activité donnée diminuent au fur et à mesure que les capacités de production et
le volume d’affaires augmentent. Les économies réalisées sont le résultat d’un
étalement des frais fixes (recherche, conception, publicité) sur des séries plus
longues et de la diminution du coût d’investissement par unité au fur et à mesure
que la capacité totale augmente ;
l’effet de taille : l’effet de taille permet à l’entreprise de disposer d’un pouvoir de
négociation plus important vis-à-vis de ses partenaires et notamment de ses
fournisseurs. Elle lui donne en particulier la possibilité d’obtenir ses
approvisionnements à des conditions plus favorables que celles consenties à des
concurrents de taille plus modeste ;
l’effet d’apprentissage : l’effet d’apprentissage conduit avant tout à améliorer la
productivité du travail. Au fur et à mesure qu’une tâche se répète, le temps
nécessaire à la réaliser tend à diminuer, baissant ainsi le coût du travail. L’effet
d’apprentissage est par conséquent fonction de l’expérience et du nombre de fois
où la tâche est réalisée. La baisse des coûts provient de la maîtrise progressive
des techniques, ce qui engendre des gains de productivité ;
l’amélioration et la sophistication des produits et process : les coûts peuvent
également diminuer par le remplacement progressif de la main-d’œuvre par des
moyens de production appropriés.
Une stratégie de domination par les coûts offre en général une forte rentabilité et
permet d’être en position de force au niveau des prix par rapport à ses principaux
concurrents et fournisseurs. Cependant, elle présente naturellement des risques
spécifiques au titre desquels on peut citer :
les risques de changements technologiques qui peuvent annuler l’avantage obtenu en
raison de l’apparition de technologies nouvelles à faible coût ;
l’incapacité de détecter en temps utile les changements à apporter aux produits en
termes de différenciation (évolution des attentes, apparition de nouveaux
segments), en raison d’une attention exclusivement centrée sur les coûts ;
la décision des concurrents de recourir à la même stratégie, d’où une logique
destructrice de marge pour l’ensemble des acteurs.
Plusieurs firmes sont connues pour avoir opté pour cette stratégie concurrentielle
dans plusieurs secteurs d’activités, à l’image de Texas Instrument, d’Emerson
Electric ou encore de Black et Decker. Il est proposé de s’intéresser plus
particulièrement à la stratégie initiale du distributeur Ikea qui a su dès son origine
proposer un concept universel de produits centré sur une domination globale au
niveau des coûts sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
Cas d’entreprise

La stratégie de domination par les coûts d’Ikea


Ikea doit une part non négligeable de sa réussite au développement d’une stratégie de
domination par les coûts efficace et caractérisée par une diminution drastique de ceux-ci sur
l’ensemble de la chaîne. En effet, les prix bas sont au cœur de sa politique commerciale et tous
les maillons de la chaîne apportent leur contribution. Réduire les coûts permet à Ikea de faire
baisser le prix de vente et donc d’assurer un bon rapport qualité/prix à ses produits.
Plusieurs décisions ont contribué à l’efficacité de cette politique :
l’unicité du concept (marque, positionnement et cible identiques, même politique de
distribution, communication simple et efficace autour d’un même catalogue) ;
la maîtrise et le contrôle des sources d’approvisionnement (sélection des fournisseurs au
meilleur prix, recherche constante de matériaux substituables et meilleur marché) ;
la réalisation d’économies d’échelle liée à la nature des produits (produits formatés) et à un
système de distribution homogène ;
le transfert d’une partie des coûts vers le consommateur : meubles en kit. Les clients
participent eux-mêmes à la création de valeur, en prenant en charge certaines des tâches
traditionnellement dévolues au fabricant (comme l’assemblage, le montage et l’ajustement
des meubles) ou au distributeur (tels que la vente, le transport et la livraison des produits) ;
l’augmentation des capacités de stockage grâce aux conditionnements plats des meubles en
kit ;
la localisation en périphérie des grandes villes (permettant une meilleure maîtrise des coûts).

■ Les stratégies de différenciation

L’objectif de cette stratégie est de se distinguer des concurrents en proposant des


produits différents de qualité supérieure. Il s’agit par conséquent de fidéliser le client,
en lui donnant le sentiment que le produit qui lui est offert a quelque chose d’unique.
Pour cela, l’entreprise propose une offre qui n’est pas directement comparable à celle
des concurrents. Par ce biais, elle évite l’affrontement et des risques de comparaison
entre les produits. Les avantages de la différenciation sont le fait de pouvoir vendre une
quantité plus grande de produits, de fidéliser la clientèle, et d’obtenir généralement un
surprix (vente d’un produit au prix plus élevé que le concurrent car les clients sont prêts
à le payer plus cher).
Une stratégie de différenciation se caractérise ainsi par une stratégie axée sur la
qualité-sophistication perçue du produit (effort d’innovation/degré de maîtrise de la
qualité des produits), des investissements importants dans le domaine de la gestion
relationnelle (informations internes et externes performantes), une communication
ciblée et une distribution sélective, et enfin une stratégie d’image et de fidélisation.
Pour réussir une stratégie de différenciation, l’entreprise doit satisfaire trois
conditions. Les facteurs de différenciation doivent être significatifs, économiquement
viables et défendables :
significatif, dans la mesure où la différenciation créée doit être très nettement
perceptible par l’acheteur. Il faut en effet qu’il perçoive l’intérêt qu’il peut y avoir
à acheter un produit plus cher ;
économiquement viable (demande suffisante), dans la mesure où les stratégies de
« différenciation » s’opposent à la logique traditionnelle de domination des coûts.
La différenciation doit en effet compenser des prix éventuellement plus élevés ;
défendable sur le long terme, afin d’écarter tout risque de concurrence par les prix,
notamment lorsque l’écart de prix entre les produits devient très important.
Ces éléments distinctifs peuvent être de nature variée. C’est notamment le cas
lorsque l’entreprise dispose :
d’une marque reconnue : détenir une marque est un moyen pour un fabricant
d’inverser le rapport de force avec les distributeurs, en créant une valeur
spécifique pour le consommateur final. Elle a en effet le pouvoir d’influencer les
connaissances, les attitudes et les comportements des clients, en créant de la
proximité et de la confiance entre le produit et l’individu ;
d’une image ou d’une notoriété exceptionnelle2 (ex : Ferrari ou Chanel) ;
d’une référence historique (cas pour les entreprises pionnières comme Nivéa) ;
d’une position de leader au sein du secteur. En effet, plusieurs études montrent que
les entreprises leader ont souvent une influence sur les préférences des
consommateurs (ex : IBM) ;
d’un avantage technologique réel (ex : normes de sécurité très strictes développées
par Volvo) ;
d’innovations produit ou process fortes (ex : Sony) ;
d’une originalité en matière de design et d’esthétique industrielle (ex : Apple) ;
de services rendus à la clientèle (ex : Darty : rapidité de livraison, réparation,
politique de crédit) ;
d’un réseau de distribution spécifique.

Cas d’entreprise
Imerys : une stratégie de différenciation gagnante
Imerys a réussi, dans un contexte concurrentiel difficile au sein d’un environnement sensible
aux aléas conjoncturels, à poursuivre sa croissance, grâce à une politique de différenciation
particulièrement efficace fondée sur :
l’exploitation de gisements de grande qualité à proximité des débouchés ;
une forte politique de R & D destinée à répondre au mieux à l’évolution des besoins des
clients ;
un portefeuille de marques et de brevets très important dans chacune des activités ;
une politique de produits sur mesure ;
l’intégration de valeur ajoutée dans les produits (exemples : pâtes céramiques prêtes à
l’emploi) ;
une offre globale de produits et de services (recherche, production, suivi logistique,
assistance technique) ;
une stratégie de développement soutenue par une politique de ressources humaines
motivante (plan d’actionnariat).
La différenciation présente des risques lorsque les avantages concurrentiels reposent
essentiellement sur :
des éléments de forme ou d’apparence non protégés (cf. design, packaging) ;
des éléments conjoncturels (liés par exemple aux effets de mode) ;
des éléments pouvant facilement être imitables ou copiés par la concurrence.
La différenciation peut également être risquée lorsque le différentiel de prix entre le produit de
l’entreprise et ceux des concurrents, devient trop élevé.

■ Les stratégies de focalisation sur une « niche » particulière

L a stratégie de focalisation consiste à développer un avantage concurrentiel sur un


segment limité, voire unique, de manière à se créer une « niche » sur le marché. Elle
consiste par conséquent à se concentrer sur un segment du marché précis, où
l’entreprise ne subit pas l’attaque frontale d’acteurs généralistes. Elles cherchent à
éviter la compétition, en se positionnant sur un créneau particulier dans un domaine où
la concurrence est encore absente et sur lequel il est difficile de se développer en
nombre.
Cette situation permet ainsi à l’entreprise de proposer une offre taillée sur mesure
et de se placer en position dominante sur ce segment. La compétitivité relève d’une
production à moindre coût grâce à la compétence distinctive qui permet de se
focaliser sur un segment précis.
Une telle stratégie est généralement valable lorsque la taille du DAS est
relativement petite et ne peut pas constituer une base de développement rentable pour
des entreprises puissantes à la recherche d’effets de volume et de production en
grande série. Cette stratégie vise donc essentiellement à retirer tout attrait à l’entrée
de nouveaux concurrents en misant sur des secteurs peu soumis à l’innovation
technologique, aux effets d’échelle ou à une demande abondante, ce qui réduit la
menace de concurrents existants, de nouveaux arrivants ou de produits de
substitution.
L’entreprise doit donc maîtriser un savoir-faire particulier, à défaut d’une taille et
de moyens suffisants. Les conditions pour mettre en œuvre une telle stratégie sont
essentiellement de sélectionner un type de produit (exemple : Häagen-Dazs leader
incontesté de la crème glacée/Illinois Tool Works sur le marché des systèmes de
fermeture) ou un type de client/zone géographique (ex. : ADA, spécialiste de la
location automobile pour les petits utilisateurs voulant disposer d’une voiture de
quelques jours dans leur ville, créneau non investi par les grands réseaux).
En règle générale, les stratégies de focalisation s’exercent dans des activités de
niche peu connues, éloignées des mouvements de mode et faiblement dépendantes des
autres activités du secteur, à l’instar de l’américain Tyco qui s’est positionné sur le
marché de la fabrication des cintres.

Cas d’entreprise

La stratégie de focalisation de Tyco dans la fabrication


des cintres
Une des activités les plus rentables de l’entreprise américaine Tyco concerne la fabrication des
cintres destinés aux couturiers pour présenter les collections dans les magasins. Le prix unitaire
est peu élevé mais les économies d’échelle sont très importantes dans la fabrication des cintres.
À force d’acquisitions, Tyco possède le monopole de ce marché. Aucune autre firme ne peut
prétendre contester sa domination car la taille du marché ne supporterait pas le volume
nécessaire pour un autre compétiteur équivalent à Tyco sur ce marché de spécialiste.

Ces stratégies visent par conséquent à développer des activités rentables pour un
ou deux acteurs du marché, en s’attaquant à des cibles peu recherchées par les
grandes firmes du secteur en raison de leur faible attractivité : faible volume,
rentabilité limitée, exigences particulières… L’objectif d’une stratégie de
focalisation est donc d’identifier un segment de clientèle spécifique ou une cible
généralement peu sensible aux offres existantes, en assumant des activités différentes
de celles de ses rivaux. Ceci passe naturellement par la mise en place d’un système
spécifique, capable de répondre à des exigences nouvelles, tout en maintenant une
rentabilité suffisante. De ce point de vue, la politique suivie par Southwest Airlines
Company (peu de services aux passagers) pour échapper aux règles des grandes
compagnies aériennes (avec leurs services complets) est particulièrement éclairante.

Cas d’entreprise

Penser et agir différent : le choix de Southwest Airlines Company


Southwest Airlines Company, compagnie de vols intérieurs aux Étas-Unis, offre des services de
court-courrier peu coûteux entre des villes moyennes et les aéroports secondaires des grandes
cités. Elle évite les grands aéroports et les vols longue distance. Grâce à des rotations de
quinze minutes seulement aux portes d’embarquement, cette compagnie est capable de faire
voler ses avions davantage que ses rivaux et d’assurer plus de vols avec moins d’appareils. On
trouve parmi ses clients des voyageurs d’affaires, des familles, des étudiants. La fréquence de
ses dessertes et ses faibles tarifs attirent les clients sensibles aux prix, qui voyageraient sans
cela par autocar, et les voyageurs attirés par la commodité, qui choisiraient une compagnie à
services complets sur d’autres destinations. Ces faibles tarifs sont rendus possible par la
rationalisation de son système commercial et logistique. En effet, Southwest Airlines Company
n’assure ni repas à bords, ni réservation de sièges, ni transfert des bagages, ni classes
supérieures. Une billetterie automatique aux portes d’embarquement incite les clients à court-
circuiter les agences de voyage, ce qui réduit d’autant les commissions supportées par
Southwest. La standardisation de la flotte, composée uniquement de 737, améliore l’efficacité de
la maintenance. Enfin, dans un souci de rentabilité, Southwest Airlines Company s’appuie sur un
personnel peu nombreux et très productif (accords d’entreprise souples, salariés actionnaires,
système de motivation efficace…).

La stratégie de focalisation présente l’avantage de pouvoir développer de manière


autonome une stratégie de développement dans une activité où l’on dispose d’une
bonne connaissance du marché, ce qui permet de réagir rapidement aux évolutions
constatées. Néanmoins, cette stratégie se révèle souvent à haut risque pour les
entreprises qui doivent veiller à répondre aux deux questions suivantes :
la taille du segment permet-elle une rentabilité suffisante ?
quelle est la pérennité du segment au regard de son cycle de vie ?

■ Les stratégies fondées sur le temps

À côté des stratégies concurrentielles traditionnelles, certains travaux ont mis en avant
une stratégie quelque peu différente, fondée sur le temps. Ces stratégies procurent à la
firme un avantage concurrentiel potentiel si elle sait l’utiliser à bon escient. Elles
permettent à l’entreprise d’attaquer ses adversaires, non pas dans une logique
d’affrontement mais par un effet de surprise pouvant déstabiliser les concurrents et les
empêcher de réagir rapidement.
Les stratégies concurrentielles fondées sur le temps répondent à trois principaux
objectifs :
rendre les systèmes de création de valeur deux à trois fois plus flexibles et rapides
que ceux des concurrents ;
positionner, auprès des clients les plus sensibles, les critères de variété et de
rapidité, en veillant à en faire un argument commercial significatif ;
ne pas hésiter à surprendre la concurrence, afin de contrer ses plans d’actions et de la
rendre dans l’incapacité de réagir rapidement compte tenu de l’effet de surprise.
Par ces stratégies, une firme crée elle-même les conditions de sa propre
croissance. Par conséquent, dans sa démarche, elle ne va plus chercher à calquer sa
stratégie sur celle des firmes en place, en essayant de faire aussi bien, sinon mieux.
Elle va chercher à inventer de nouvelles règles du jeu, pour lesquelles elle détiendra
un avantage qu’il s’agira d’imposer dans le secteur visé. À une logique adaptative,
les firmes substituent désormais une approche proactive. Anticipation, réactivité,
surprise stratégique, variété de l’offre et flexibilité sont donc les clés de voûte de
cette politique qui entend dépasser les modèles classiques de concurrence orientés
sur la gestion du couple prix-qualité.
Dans ce nouveau modèle, il ne s’agit plus uniquement d’avoir des atouts supérieurs
au concurrent. Il convient également de créer les conditions d’un changement de
contexte qui limite le pouvoir d’action de ses principaux rivaux. L’enjeu est en effet
de parvenir, par sa rapidité d’action, à proposer une offre aux clients qui à l’instant t
ne peut être comparée à aucune autre approche alternative.
Ceci implique naturellement de réorganiser les structures autour de processus de
création de valeur qui permettent une véritable chasse au temps à tous les niveaux de
l’entreprise (réduction du nombre d’échelons hiérarchiques, transversalité des
activités, décloisonnement des fonctions, organisation par projet, système de veille
permanent…).
Le temps devient ainsi une arme stratégique qui doit permettre aux entreprises
performantes de bâtir un avantage concurrentiel, en réduisant leur temps de réponse
dans le développement de nouveaux produits, la production, la distribution et le
service. C’est le concept de Time-Based Competition.

L’essentiel
►► Le découpage des métiers de l’entreprise en domaines d’activités stratégiques (DAS),
ou segments stratégiques, constitue une étape clé d’un diagnostic stratégique. Cette phase est
généralement désignée sous le nom de segmentation stratégique.
►► Cette notion permet de déterminer les unités stratégiques au niveau desquelles il sera
possible d’apprécier la position concurrentielle de l’entreprise et de formuler une stratégie
spécifique.
►► Chaque segment stratégique doit inclure un ensemble d’activités, de produits et de
ressources qui vise à répondre de manière homogène à un besoin ou une fonction clairement
identifiés au regard des attentes du marché, définies en terme de produits, de services ou
d’usages, et qui est fondé sur des technologies ou des savoir-faire précis et homogènes et qui
dispose d’une concurrence spécifique.
Notes
1. Pour M.C. Ruettgers, P-DG d’EMC Corporation, quatre conditions sont nécessaires
à la création d’une technologie de rupture : rester en phase avec le marché en songeant
non seulement aux clients déjà acquis mais aussi aux clients potentiels ; savoir observer
et interpréter les besoins actuels et futurs des clients ; proposer une solution nouvelle
qui satisfasse les besoins et puisse dans l’idéal redéfinir le secteur d’activité,
rechercher toute dynamique du marché favorable pour l’arrivée d’une nouvelle solution
(Dauphinais et al., 2000, p. 277).
2. La notoriété correspond à la mémorisation d’un produit, d’une marque ou d’une
entreprise par un individu. L’image est une notion plus complexe et se définit comme un
ensemble de représentations et d’associations qu’un individu développe sur un produit,
une marque ou une entreprise.
Chapitre 8

Cerner la dynamique sectorielle


d’une activité

Executive summary
►► Le diagnostic stratégique permet d’étudier la dynamique sectorielle d’une activité, le
cycle de vie des secteurs, des marchés et des technologies, ainsi que l’étude des concurrents
existants et potentiels.
►► La dimension concurrentielle constitue également un autre point important, avec l’analyse des
systèmes concurrentiels et des cinq forces concurrentielles de M. Porter.
Enfin, un tel outil doit permettre de mesurer l’impact de la dynamique sectorielle sur les
stratégies concurrentielles des entreprises.

Une fois les DAS identifiés, il convient de cerner la dynamique sectorielle de chaque
activité. Ceci passe notamment par l’étude des cycles de vie des secteurs et des
technologies. Ce travail d’analyse permet de préciser le système concurrentiel associé à
chaque DAS et son intérêt pour la firme en termes de croissance et de rentabilité.

Le cycle de vie des secteurs et marchés


L’analyse du cycle de vie d’un secteur d’activité constitue une approche essentielle
dans l’examen des systèmes concurrentiels. Son importance s’explique par le rôle du
secteur dans la dynamique du jeu concurrentiel qui intègre à la fois le marché final, la
concurrence et les compétences.
Le cabinet A.D. Little identifie huit critères clés pour analyser le stade d’évolution
d’un domaine d’activité (émergence, croissance, maturité, déclin) :
le taux de croissance de l’activité ;
le potentiel du secteur ;
la largeur de la gamme ;
le nombre de concurrents ;
la stabilité de la part de marché ;
les comportements d’achat ;
les barrières à l’entrée ;
les technologies.
Parmi ces critères, il convient de préciser ce que l’on entend par barrières à
l’entrée, notion que l’on retrouvera au niveau du modèle des cinq forces
concurrentielles de M. Porter. Celles-ci représentent tous les obstacles stratégiques,
économiques, financiers et juridiques que vont dresser plus ou moins délibérément les
différentes entreprises du secteur pour empêcher l’arrivée de nouveaux entrants.
Nous présentons ci-après la matrice développée par ce cabinet, en précisant les
modalités propres à chacun des critères pour les quatre phases du processus.

Tableau 8.1 – Les caractéristiques du secteur ou du marché selon le


stade de maturité

Stades de
maturité Émergence Croissance Maturité Déclin
Critères clés

Taux Élevé Très élevé En stagnation Nul ou négatif


de croissance

Potentiel Fort Très fort Faible Très faible


du secteur

Largeur Assez Importante Moindre largeur En diminution


de la gamme importante et Stabilisation
non stabilisée

Nombre de concurrents Nombre limité Nouveaux Concurrence par Sortie de


d’entreprises entrants les prix nombreux
Logiques de concentration/faillite concurrents
fusions

Stabilité Marché En voie de Stabilité Stabilité


de la part fragmenté stabilisation
de marché

Comportements d’achat Mal identifiés Début de Bien connus et Très connus et


Fluides structuration stables stables

Barrières Faibles Assez élevées Élevées Très élevées


à l’entrée
Technologies Instables En voie de Stables Totalement
stabilisation maîtrisées

L’évolution du secteur peut ainsi être représentée par une courbe en S, avec :
une première phase à croissance lente (démarrage), où seulement quelques
entreprises s’intéressent au produit. Celui-ci est d’ailleurs encore mal connu du
public (diffusion restreinte) ;
une deuxième phase à forte croissance qui encourage l’arrivée de nouveaux entrants
lorsque le produit est adopté par un plus grand nombre de clients (le produit est
désormais accessible et connaît un fort attrait auprès des consommateurs) ;
une troisième phase caractérisée par une stabilité de l’activité, dans laquelle il
devient plus difficile d’augmenter ses parts de marché compte tenu de l’intensité
de la concurrence (diffusion élargie) ;
une quatrième phase marquée par une diminution de l’activité, une banalisation du
produit (risque d’obsolescence), un processus de concentration et le
développement de produits de substitution.
Cet outil d’analyse doit se voir avant tout comme un moyen de lister les critères clés
à prendre en compte dans le processus de développement d’un secteur d’activité. Il sert
donc de descripteur pour cerner les facteurs qui affectent le stade d’évolution d’un
domaine d’activité. Il permet ainsi à l’entreprise d’adapter sa stratégie en fonction des
variations de la demande et de la nature de la concurrence qui existe à chacune des
phases du processus.
Il est à noter que cette matrice suppose une cohérence d’évolution entre les facteurs,
ce qui dans la pratique n’est pas toujours le cas ou du moins demande d’être vérifiée.
L’autre difficulté vient de la complexité des situations dans la mesure où les rythmes de
croissance dans chaque phase ne sont pas toujours les mêmes d’un marché (ou sous-
marché) à un autre.
En effet, il semble difficile d’appliquer à chaque secteur d’activité le même schéma
d’évolution, dans la mesure où, dans certains secteurs, l’arrivée de nouveaux produits
(innovations) peut venir modifier la courbe et changer ainsi le rythme et la durée de
chaque phase.
Par conséquent, en fonction du secteur étudié, les caractéristiques associées à
chacune des phases (en termes de demande, de concurrence, de risques encourus…),
leur durée et le rythme de progression peuvent varier fortement d’une industrie à une
autre. Le principal reproche que l’on peut faire à cet outil est donc de décrire un seul
mode d’évolution censé intervenir quelle que soit la nature des produits
commercialisés.
Ces critiques n’enlèvent néanmoins rien à l’intérêt pratique de cet outil qui permet à
l’entreprise de se situer en termes de croissance et de s’interroger aux politiques
d’adaptation ou de réorientation à envisager en fonction de la période considérée. Elles
sous-tendent simplement qu’avant de procéder à une analyse approfondie du cycle de
vie d’une industrie, il convient de repréciser les spécificités sectorielles (on peut
difficilement comparer le secteur de la force avec celui de l’informatique) et l’influence
exacte des technologies dans la dynamique du secteur (nature et impact des innovations,
fréquence des changements technologiques…).
Il importe également de limiter cet outil à un rôle d’analyse partielle de la situation et
en aucun cas de le considérer comme un outil de planification ayant capacité à prévoir
les évolutions.

Le cycle de vie des technologies


On peut définir la technologie comme un ensemble de connaissances, de savoir-faire,
nécessaires pour fabriquer des produits et élaborer des processus de production.
Tout comme les produits, les technologies naissent, se développent et disparaissent.
Le cycle de vie des technologies permet de les positionner en fonction de leur âge et de
leur performance. Il permet d’estimer le potentiel de développement de l’entreprise, de
déterminer l’objectif financier global et d’envisager la stratégie de croissance adaptée
aux ressources existantes.
Le cycle de vie des technologies constitue l’une des données essentielles dans la
formation et la structuration d’un environnement concurrentiel2. Il peut, suivant les cas,
favoriser ou au contraire freiner la croissance du secteur, en provoquant des
phénomènes de substitution ou en permettant le renouvellement de certaines pratiques.
Ainsi par exemple, une innovation essentielle comme le lecteur de musique mp3 a
permis d’écouter de la musique là où on veut et quand on veut. De même, le progrès
technologique peut modifier le rapport espace-temps et accroître les capacités des
produits, à l’instar du DVD, puis du Blu-Ray, qui ont permis de voir, d’entendre et
stocker dans un très faible espace des sons et des images, de les vendre en série. Il peut
aussi modifier la structure et la dynamique des coûts, en créant de nouvelles sources
d’avantages concurrentiels (Jarillo, 2004). Par exemple, le cas des mini-turbines à gaz
qui génèrent de l’électricité à un coût très compétitif et dont le volume de production est
plus bas que celui des centrales thermiques traditionnelles.
De même, la baisse rapide des coûts de transports est due à de nombreuses
innovations (containers, transport combiné rail/route). On peut naturellement citer la
chute spectaculaire des coûts d’interactions liée notamment à la révolution du
numérique. Le progrès technique peut également apporter de nouvelles caractéristiques
aux produits, plus avantageuses pour les utilisateurs (amélioration de la qualité,
augmentation de l’efficacité…) et faire ainsi évoluer la structure du secteur en créant de
nouvelles relations entre les acteurs : l’ordinateur personnel, la miniaturisation des
machines équipant les entreprises a par exemple remplacé d’innombrables services
rendus jusque-là par des acteurs privés (secrétariat, comptabilité, renseignement,
banque de données).
Enfin, les changements technologiques ont une incidence sur les barrières à l’entrée,
et peuvent constituer un véritable obstacle pour de nombreux entrants dotés de capacités
de recherche et de ressources financières limitées. C’est le cas par exemple dans le
secteur de l’automobile, où la majeure partie des activités est protégée par les
économies d’échelle réalisées dans les domaines de la production, de l’assemblage et
de la distribution.
Autant d’exemples qui montrent le rôle central de la technologie dans le
développement des firmes et la restructuration des secteurs d’activités.

Le concept de cycle de vie des technologies

Le concept de « cycle de vie des technologies » est un outil particulièrement utile pour
comprendre l’influence qu’exerce la technologie au niveau des politiques
d’investissements, des procédés de production et la dynamique d’un secteur. À l’instar
du cycle de vie d’un secteur, il peut être représenté par une courbe en S.
Figure 8.1 – Le cycle de vie des technologies

À chaque phase est associée une situation type permettant à l’entreprise d’adapter sa
stratégie en fonction des évolutions technologiques. Ainsi, lors du lancement, les
spécifications du produit ne sont pas définitives, on doit effectuer de nombreux
changements dus à des problèmes de production et d’acceptation du produit sur le
marché. Cette phase exige généralement un personnel hautement qualifié. En revanche,
la production ne fait pas appel à de gros investissements. En phase de croissance, les
changements sont encore fréquents pour accroître la qualité technique du produit et
l’efficacité de la production. Les investissements en production sont souvent importants
et la concurrence force à diminuer les prix.
Durant cette phase, l’entreprise espère généralement garder un certain avantage, en
bénéficiant de la courbe d’apprentissage et des économies de coûts. Pour R.N. Foster
(1982), une technologie parvient à maturité (ou montre ses limites), lorsque l’entreprise
ne parvient plus à améliorer sensiblement la recherche et développement, voit sa
productivité diminuée en termes de coût/bénéfice et les potentialités d’application se
restreindre. Le cabinet AD Little évoque également les conditions favorables d’accès et
le niveau d’activité déployée autour de la technologie. Quant à la phase de déclin, elle
est souvent associée à l’absence réelle de recherches et à un effort important de
rationalisation visant à compenser l’absence de développement.

Les différents types de technologies

Pour le cabinet A.D. Little 3, toute entreprise dispose d’un ensemble de technologies
mises en œuvre dans ses activités qu’il convient de repérer et d’apprécier en fonction
de leur importance stratégique. Cet ensemble doit être connu et analysé pour améliorer
la compétitivité de l’entreprise sur ses marchés. Pour ce faire, il a classé les
technologies en quatre catégories :
les technologies de base : elles sont essentielles au développement des activités.
Très répandues dans l’entreprise et chez les principaux concurrents, elles ont un
impact limité sur le jeu concurrentiel en raison de leur faible spécificité. En effet,
dans la mesure où la plupart des entreprises du secteur les utilisent ou peuvent les
utiliser, ces technologies ne peuvent pas constituer un avantage concurrentiel
distinctif ;
les technologies clés : elles sont généralement en cours d’exploitation dans les
entreprises du secteur et ont par conséquent un impact majeur sur la dynamique
concurrentielle. Ce sont des technologies que l’entreprise doit s’efforcer de
maîtriser rapidement, pour espérer en obtenir un avantage concurrentiel
spécifique ;
les technologies de pointe : elles sont l’avenir de l’entreprise et présentent un fort
degré de différenciation (perspectives importantes en matière d’innovation). Elles
sont souvent en cours d’expérimentation chez les principaux leaders du secteur ;
les technologies émergentes : elles sont au stade de la recherche fondamentale ou
de l’expérimentation dans d’autres secteurs d’activités et offrent à moyen/long
terme des perspectives de développement intéressantes (régénération,
renouvellement de certaines pratiques…).
La technologie, quelle qu’elle soit, n’a pas de valeur intrinsèquement. Elle tire son
importance des effets qu’elle exerce sur l’avantage concurrentiel et donc sur la structure
du secteur. Dans le cadre d’un diagnostic technologique, l’analyste se doit de répondre
à différentes questions :
Quelles sont les technologies d’ores et déjà utilisées et celles qu’il convient de
développer ?
Quelles sont les technologies encore peu diffusées et présentant un fort potentiel de
différenciation ?
Quelle technologie choisir, à quel moment et avec quels moyens ? Comment assurer
la transition entre deux technologies ?
Est-ce que la technologie retenue peut être aisément incorporée dans les produits ?
Améliore-t-elle les conditions de production à grande échelle ?
Quels sont les principaux avantages associés à cette technologie (innovation,
différenciation, réduction des coûts) ?
Comment anticiper et réagir face aux risques de substitution technologique ?
De manière générale, une position technologique favorable dans un segment
stratégique donné doit se traduire pour l’entreprise par une facilité d’accès aux
technologies de base, une maîtrise des technologies clés, l’intégration rapide des
technologies de pointe, et une capacité à détecter et accompagner le développement des
technologies émergentes.

Exemple
Les nanotechnologies révolutionnent l’industrie américaine
Les nanotechnologies ne sont plus l’apanage des sociétés innovantes. Preuve d’une maturité
naissante, de plus de plus de grands groupes industriels américains ont mis en place une
stratégie pour intégrer ces technologies afin d’alimenter leur croissance future. C’est ainsi que de
groupes aussi importants que DuPont, Lockheed Martin, Kodak, IBM, Motorola, Hewlett-
Packard, Dow Chemical, Intel ont adopté les nanotechnologies dans leur stratégie de
développement. Cette science de l’infiniment petit permet de concevoir et fabriquer des
structures à partir d’atomes et de molécules. Mesurables en nanomètres (un milliardième
de mètre), les applications attendues peuvent être aussi variées que des circuits intégrés
miniatures, des nouveaux matériaux ou des robots médicaux capables d’explorer le corps
humain. Ces technologies intéressent de plus en plus les grandes entreprises américaines qui
en attendent innovation et gains en compétitivité, et parient une partie de leur prospérité à venir
sur cette nouvelle révolution technologique. Comme le souligne Krishna Doraiswamy, Directeur
des programmes scientifiques du groupe DuPont, « Pour nous, l’innovation scientifique dans le
domaine de l’infiniment petit est tout simplement l’enjeu de notre croissance future. »
D’après Les Échos innovation.

Comment apprécier le potentiel technologique d’une entreprise ?

À partir des travaux de Morin, plusieurs critères peuvent contribuer à apprécier le


potentiel technologique d’une entreprise en termes de création de valeur. Parmi ces
différents critères, on retiendra :
l’intensité de la maîtrise de la technologie considérée par l’entreprise, c’est-à-dire
le degré de compétence technique avec laquelle la firme la met en œuvre ;
l’étendue de la maîtrise de la technologie considérée par l’entreprise, c’est-à-dire
son degré de diffusion parmi le personnel (affaire de spécialiste ou culture
d’entreprise ?) ;
le degré de spécificité développé par l’entreprise en matière de conception et de
développement de la technologie ;
la capacité en Recherche & Développement dans le domaine de la technologie
considérée en termes de ressources (financière, technique, matérielle, humaine)
mais aussi en termes de capacités (anticipation, ouverture, réactivité) ;
l’indépendance de l’entreprise vis-à-vis des tiers (fournisseurs, prestataires,
partenaires, bailleurs de licences…) ;
la protection dont bénéficie l’entreprise en raison de la solidité de ses brevets et de
la très grande technicité de son savoir-faire.

La notion de portefeuille technologique

Au-delà de la connaissance du cycle de vie d’une technologie et de l’analyse des


technologies existantes sur le marché, il est également intéressant pour l’entreprise
d’avoir une vision d’ensemble de son propre portefeuille technologique.
On entend par portefeuille technologique l’ensemble des techniques et technologies
dont l’entreprise dispose, qu’elle les exploite ou non.
La matrice proposée ci-après prend appui sur les critères précédemment développés
et permet d’analyser le potentiel d’un portefeuille technologique. Elle s’appuie sur
différentes études réalisées en entreprise au sein du cabinet Dever. Elle est construite
autour de deux axes :
le degré d’innovation des technologies ;
le degré de diffusion des technologies.
Le degré d’innovation mesure la performance technique de la technologie au regard
des connaissances scientifiques du moment. Elle peut être totalement nouvelle,
innovante, dominante, banalisée ou dépassée. Le degré de diffusion mesure le
caractère plus ou moins exclusif d’une technologie. Celle-ci peut être confidentielle,
limitée, accessible (à disposition des acteurs qui en ont les moyens financiers), étendue
(c’est-à-dire facilement disponible) ou généralisée (tous les acteurs la possèdent ou
pourraient la posséder).
Cette matrice montre l’importance de développer un avantage concurrentiel durable
sur la base des technologies possédées par l’entreprise. Elle permet en particulier de
prendre conscience que la maîtrise de technologies même complexes n’entraîne pas
forcément l’obtention d’un avantage concurrentiel durable, et qu’il convient donc en
permanence de les inventorier, de les évaluer puis de les protéger sur un horizon
suffisamment étendu. Elle montre également la nécessité d’optimiser et d’enrichir son
portefeuille dans la durée, si l’on veut continuer à devancer ses principaux concurrents.

Figure 8.2 – Le portefeuille des technologies d’une entreprise

La typologie des systèmes concurrentiels du BCG


Le cabinet BCG propose d’étudier les systèmes concurrentiels dans lesquels évolue la
firme de la manière suivante :

Tableau 8.2 – La typologie des systèmes concurrentiels (d’après BCG)

Avantage concurrentiel

Faible Élevé

Possibilité Forte Système de fragmentation Système de spécialisation


de
différenciation
concurrentielle Limitée Système d’impasse Système de volume

■ Système de fragmentation

Il n’y a pas ici de lien direct entre la part de marché et le taux de rentabilité attendu du
projet. La stratégie de l’entreprise devra donc s’adapter au cas par cas après analyse du
projet. Les activités fragmentées sont donc celles pour lesquelles l’adaptation rapide
aux variations du marché est le principal facteur clé de succès. Dans ce type de
situation, la taille de l’entreprise est plus un handicap qu’un avantage, car il est difficile
de valoriser des frais généraux importants avec des activités trop fragmentées. Si des
sources de différenciation existent, elles évoluent généralement trop vite pour que l’on
puisse en tirer un avantage durable. Dans ce type de système concurrentiel, les sources
de différenciation sont multiples mais fragiles, et la possibilité de réaliser des
économies d’échelle est très limitée.

■ Système de spécialisation

Les activités seront rentables si le degré de spécialisation est bien adapté et permet à la
firme de disposer d’un avantage concurrentiel durable par rapport à ses principaux
rivaux. Il s’agit donc pour l’entreprise de rechercher des niches stratégiques
défendables sur une longue période. La croissance de la part de marché ne doit donc
pas être systématiquement retenue comme facteur déterminant.

■ Système de volume

La conquête de parts de marché devient le corollaire de la hausse de rentabilité du


projet. L’entreprise doit donc mettre en place une stratégie offensive de volume autour
de produits peu différenciés (standard) et en grande quantité. Dans ce type de
configuration, le critère le plus pertinent de réussite est donc la part de marché et la
recherche d’activités de volume censée procurer un avantage important au niveau des
coûts. Dans ce type d’industrie, la lutte concurrentielle est fondée sur les prix, avec des
possibilités d’exploiter les effets d’expériences et de réaliser des économies d’échelle.

■ Système d’impasse

La rentabilité ne varie pas quelle que soit la part de marché détenue par l’entreprise.
Les situations d’impasse sont en effet des situations dans lesquelles ni le volume, ni la
différenciation ne peuvent fournir des avantages concurrentiels déterminants.
L’entreprise se retrouve ainsi dans une impasse stratégique, ce qui peut l’amener à
sortir du marché, si le niveau de rentabilité observé est inférieur au minimum décidé
par l’entreprise.

Tableau 8.3 – Les facteurs clés de succès

Case stratégique Principaux facteurs clés de succès

Système de Capacité de réactivité et de souplesse


fragmentation
Capacité d’innovation
Tolérance au changement et à l’incertitude

Système de spécialisation Qualité, originalité et spécificité de l’offre


Proposition de services annexes
Image et réputation de l’entreprise
Base d’expertise clairement identifiée et reconnue

Système de volume Taille de l’entreprise


Potentialités de synergies
Parts de marché
Maîtrise et réduction des coûts
Effets d’expérience et d’apprentissage

Système d’impasse Rationalisation de l’ensemble du système productif


Préservation de la notoriété et de l’image de la firme

Chacune de ces situations répond à des systèmes concurrentiels spécifiques : la


stratégie de fragmentation est adaptée à des environnements caractérisés par de
nombreux acteurs de taille modeste entrant et sortant continuellement du marché.
Généralement, les grandes entreprises se trouvent ici désavantagées car les marges
sont souvent faibles et peu prévisibles, ce qui demande une limitation des frais fixes
et des capacités d’adaptation et de réactivité élevées.
La stratégie de spécialisation se retrouve dans des situations où plusieurs
entreprises leaders sont parvenues à se positionner favorablement sur leurs niches
respectives, rendant difficilement rentable l’activité des suiveurs sur chacun des
marchés. La stratégie de volume correspond à des situations où le nombre de
concurrents est faible avec l’existence d’entreprises leaders puissantes et très
rentables, le nombre de concurrents sérieux étant souvent limité.

Le modèle des cinq forces concurrentielles de Porter


Un diagnostic stratégique doit analyser les facteurs d’opportunités et de menaces qui
influencent positivement ou négativement la rentabilité d’un secteur. Il s’appuie
généralement sur une analyse structurelle du secteur dans lequel évolue l’entreprise
étudiée (Porter, 1985). Ce modèle a pour principal objet d’apprécier l’attrait du
secteur, en analysant l’intensité concurrentielle qui s’exerce sur le domaine d’activité
concerné.

Les 5 forces de M. Porter

Selon M. Porter, l’intensité étudiée dépend de la pression exercée par cinq principales
forces que l’on peut décomposer de la manière suivante :
les concurrents existant déjà sur le marché (F1) ;
les nouveaux concurrents cherchant à entrer sur le marché (F2) dont les produits
possèdent des caractéristiques physiques et fonctionnelles proches de celles
développées sur le marché avec si possible des avantages spécifiques (image,
qualité, prix…) ;
les produits de remplacement ou de substitution (F3) qui sont différents en termes de
caractéristiques techniques ou physiques mais pouvant répondre aux mêmes
besoins ou remplir la même fonction ;
les fournisseurs qui peuvent exercer un pouvoir de négociation sur l’entreprise (F4) ;
les clients qui peuvent également avoir un pouvoir de négociation sur l’entreprise
(F5).
Figure 8.3 – Les 5 forces de M. Porter

Incidences sur la rentabilité du secteur

La pression exercée par chacune de ces forces a une incidence sur la rentabilité
potentielle du secteur, et donc son attrait. En effet, chacune de ces forces peut constituer
une menace pour l’entreprise implantée sur le marché.

■ La concurrence directe

Les concurrents directs (déjà présents sur le marché) exercent une forte menace quand :
ils sont nombreux, de force égale ou supérieure ;
ils ont une forte réputation et notoriété ;
ils contrôlent certains approvisionnements ou débouchés ;
les produits sont difficiles à différencier.

■ Les nouveaux entrants

Les nouveaux entrants exercent une forte menace quand :


ils peuvent miser sur une des variables du mix marketing avec efficacité (produit
original ou de qualité supérieure, prix bas, accord privilégié avec certains
distributeurs, communication agressive et percutante…) ;
les obstacles à l’entrée sont faibles (besoins en capitaux limités, faible
différenciation des produits, peu de possibilité d’économies d’échelle, effet
d’expérience réduit, accès aisé à certains circuits de distribution, clientèle volatile
à la recherche permanente de nouveautés…) ;
des concurrents contrôlent certains approvisionnements ou débouchés (possibilités
d’alliances).

■ Les produits de substitution ou de remplacement

Des produits de substitution peuvent apparaître quand :


les fonctions remplies par les produits du secteur sont satisfaites par d’autres
catégories de produits avec un rapport qualité/coût avantageux (ex : train par
rapport à l’avion ou l’automobile ; services de location de voitures par rapport à
la vente de véhicules) ;
les produits mis sur le marché peuvent s’appuyer sur des technologies nouvelles
innovantes (CD par rapport aux cassettes ; DVD par rapport aux cassettes de
magnétoscopes ; calculatrice par rapport à la règle à calcul ; ordinateur par
rapport à la machine à écrire…).

■ Le pouvoir de négociation des fournisseurs

Le pouvoir de négociation des fournisseurs sera d’autant plus fort que :


les fournisseurs sont peu nombreux et concentrés (effets de taille et pouvoir
financier) ;
l’activité de l’entreprise n’est pas essentielle à leur développement (faible CA) ;
les fournisseurs proposent des éléments (composants, équipements, accessoires,
fournitures) essentiels à l’activité de l’entreprise et difficilement remplaçables ;
les fournisseurs ont la possibilité et l’intérêt de réaliser une intégration en aval.

■ Le pouvoir de négociation des clients

Le pouvoir de négociation des clients sera d’autant plus élevé que :


les firmes clientes sont concentrées ou achètent en grande quantité ;
les coûts de transfert sont négligeables ;
les clients représentent une menace crédible d’intégration amont ;
les produits vendus sont peu différenciés.

Analyse et implications managériales

La vigueur de ces forces varie d’un secteur à l’autre et peut changer à mesure que le
secteur évolue. Il en résulte que les secteurs ou domaines d’activités étudiés ne sont pas
tous identiques du point de vue de leur rentabilité et de leur attrait pour les firmes. Dans
les secteurs où la pression exercée par une ou plusieurs de ces forces est intense, peu
de firmes parviennent à des rendements intéressants, compte tenu des risques encourus.
Il est donc important pour l’entreprise de savoir si elle se trouve dans un domaine
d’activité a priori attractif (rentable) et les risques éventuels auxquels elle doit faire
face.
L’analyse des 5 forces concurrentielles permet de savoir si le domaine d’activité
étudié dispose de barrières à l’entrée et à la mobilité suffisantes pour éviter la menace
de concurrents indirects ou de nouveaux entrants. Parmi ces barrières à l’entrée, on
peut notamment citer les besoins en capitaux, les coûts de transfert (liés au changement
de fournisseurs), les économies d’échelle, les attributs distinctifs des produits (qualité,
notoriété, image, réputation…), l’accès aux circuits de distribution, l’accès aux
matières premières, l’existence de brevets spécifiques…
Il convient également de s’interroger sur les barrières à la mobilité, c’est-à-dire les
obstacles dressés par les entreprises pour éviter que des concurrents indirects qui ont
opté pour une stratégie donnée (ex : politique de prix bas) puissent, suite à un
changement d’orientation (acquisition de nouvelles activités, innovation
technologique…), entrer dans un autre groupe stratégique en jouant par exemple sur
une différenciation des produits. On entend ici par groupe stratégique, un groupe
homogène de concurrents appartenant à la même industrie et ayant opté pour une
stratégie similaire (importance accordée aux mêmes variables clés : le prix, la qualité,
la clientèle visée…).
L’analyse proposée doit aussi indiquer si l’intensité concurrentielle au sein du
domaine est excessive pour l’entreprise en place, compte tenu du pouvoir des
fournisseurs, clients et concurrents présents sur le marché et des caractéristiques de
l’environnement (cycle de vie, rôle des pouvoirs publics…).
Ceci permet d’apprécier l’importance des barrières de sortie pour l’entreprise
étudiée. En effet, face aux évolutions de contexte, il importe aussi d’apprécier les
possibilités pour la firme de sortir d’un secteur qu’elle juge peu ou insuffisamment
rentable pour son propre développement.
Or ces changements d’orientations ne vont pas toujours de soi, dans la mesure où des
obstacles peuvent contraindre l’entreprise à rester ou du moins à différer sa sortie.
Parmi les obstacles fréquents à la sortie, on peut noter l’existence d’immobilisations
spécifiques, difficiles à revendre ou à réutiliser dans d’autres contextes, des contrats
antérieurs qui lient la firme avec certains clients ou fournisseurs, l’importance des coûts
sociaux (licenciements, plans de reconversion, dégradation du climat social) ou encore
les risques de détérioration de l’image de l’entreprise.
Pour faire face à ces différentes menaces, l’entreprise doit faire différents choix. En
particulier, elle doit identifier l’origine des pressions exercées par chacune des forces,
hiérarchiser les menaces en fonction de l’intensité de ces pressions, réfléchir au degré
d’engagement dans l’activité, en fonction de la position concurrentielle de l’entreprise
et de l’attrait du secteur (développement, maintien, retrait), analyser la combinaison
d’avantages concurrentiels nécessaires pour réussir efficacement dans l’activité, et
enfin définir les stratégies de riposte lui permettant de s’adapter ou de modifier le
contexte concurrentiel dans lequel elle se trouve.

Classification et hiérarchisation

■ L’hexagone sectoriel

Cet accent sur la hiérarchisation des forces en présence (et non simplement sur leur
menace) est représenté par l’hexagone sectoriel de Fréry (2000). Cet outil permet de
visualiser rapidement la situation concurrentielle au sein de chaque DAS, en évaluant
les risques associés à chacune des forces concurrentielles. Il donne ainsi la possibilité
pour une analyse de comparer plusieurs environnements concurrentiels, en fonction des
risques encourus pour l’entreprise (calcul de la surface obtenue pour chaque DAS).
Parmi les forces traitées par cet outil, l’auteur propose d’ajouter le pouvoir de
l’État qui se révèle dans bien des cas un agent d’influence non négligeable en matière
d’incitation ou de frein aux stratégies d’entreprise. L’État peut en effet influer sur la
situation d’un secteur, notamment face aux produits substituables, à travers de
nouvelles réglementations, des subventions ou d’autres actions organisées (ex :
politique fiscale, communication institutionnelle, politique de recherche…).
Figure 8.4 – L’hexagone sectoriel

L’analyse proposée par Porter et sa représentation géographique en hexagone


constitue certainement un des outils les plus utilisés pour analyser les entreprises.
C’est pourquoi il nous a paru intéressant d’illustrer cette méthode à travers un cas
détaillé.

APPLICATION

Analyse sectorielle d’Arkopharma1


ArkoPharma est présent sur différents marchés : phytothérapie, compléments alimentaires, dermo-
pharmacie… Ces marchés ont la particularité de proposer aux clients (consommateurs finaux) des
produits de bien-être et de confort à base de traitements naturels. Nous proposons d’établir l’hexagone
sectoriel d’un des Domaines d’Activités Stratégiques (DAS) de cette entreprise : la phytothérapie, qui
constitue sa première activité en termes de chiffre d’affaires et de rentabilité.

Pouvoir de négociation des fournisseurs : faible, note de 3/10

Les fournisseurs d’ArkoPharma sont majoritairement des producteurs de plantes externes à qui ils achètent
leur matière première. L’entreprise a donc recours à un très grand nombre de fournisseurs de petites tailles
(producteurs indépendants très atomisés). Toutefois, malgré leur taille, les fournisseurs sont
indispensables à l’activité d’ArkoPharma, qui produit, des gélules 100 % végétales. Cependant, la
dépendance d’ArkoPharma vis-à-vis d’un fournisseur en particulier est faible du fait de la diversité de la
gamme de produits du groupe mobilisant différents types de plantes. Par exemple, la gamme ArkoGélules
propose plus de 120 produits différents (tels que : cassis, bouleau, angélique, fenouil, eucalyptus, vigne
rouge…). En cas de problème avec un fournisseur, ArkoPharma a donc la possibilité de limiter voire de
cesser (temporairement) la production d’un produit à base d’une plante sans que cela ne pénalise
l’entreprise. De plus, l’entreprise dispose souvent de plusieurs fournisseurs sur une matière première et
peut donc en changer.

Pouvoir de négociation des clients : faible, note de 3/10 pour la distribution sélective

ArkoPharma vend ses produits dans différents circuits de distribution (pharmacie, parapharmacie et grande
surface). Les clients directs d’ArkoPharma ne sont donc pas les consommateurs finaux, mais les
distributeurs ou leurs intermédiaires (grossistes et coopératives d’achat). Le pouvoir de négociation de la
grande distribution est extrêmement fort. ArkoPharma a donc décidé de vendre marginalement ses produits
par ce biais. Elle a donc privilégié la distribution via les pharmarcies et les parapharmacies. À ce propos,
l’entreprise a fortement investi dans sa force de vente dédiée à ces clients (quatre réseaux de délégués
commerciaux, un réseau de formateur et promoteurs de vente). Cela permet à ArkoPharma, seule
entreprise à investir massivement dans le démarchage des pharmacies, des intermédiaires et des
coopératives sur ce segment, d’avoir une position concurrentielle forte renforcée par sa situation de quasi-
monopole. De plus, la force de vente, en assurant des événements sur les lieux de vente, s’assure aussi
un contact direct et un suivi de la clientèle (identification des attentes, remontée des informations, etc.).
L’investissement en force de vente s’accompagne de campagnes de communication, afin de développer le
marché. En effet, les produits n’étant pas de première nécessité, il est indispensable de communiquer
régulièrement, tant vers les distributeurs que vers les consommateurs finaux.
En résumé, la position concurrentielle d’Arkopharma est forte (quasi-monopole, démarchage actif, notoriété
élevée, force de ventes efficace), mais les clients disposent tout de même d’un pouvoir de négociation dans
la mesure où ils peuvent, en théorie, refuser le référencement des produits.

Menace des nouveaux entrants : moyenne, note de 4/10

En phytothérapie, la position de quasi-monopole d’ArkoPharma, l’étendue de la gamme (plus d’une centaine


de produits) ainsi que les caractéristiques techniques de ce segment limitent la menace des nouveaux
entrants. En effet, ce métier requiert une expertise des plantes, un savoir-faire de plusieurs années, mais
aussi des techniques et des matériels de production, qui bien que facilement imitables, sont éloignés de
l’outillage de fabrication de médicaments traditionnels. Par ailleurs, la taille du marché (niche), la spécificité
de l’approche clientèle (technique de communication et de publicité, produit naturel) rendent ce secteur peu
attractif pour les groupes pharmaceutiques. Enfin, un nouvel entrant potentiel se verrait dans la difficulté
d’offrir un produit isolé face à un effet de gamme et de marketing imposant.

Menace des produits substituables : forte, note de 7/10

Il semble que l’on puisse distinguer deux grands types de produits substituables : les produits bio et les
médicaments et traitements « classiques ». Au cours de la dernière décennie, les différents scandales
alimentaires et environnementaux ont eu pour conséquence de sensibiliser la population à la qualité et au
processus de fabrication des aliments commercialisés. Les produits dits « bio » ont trouvé dans cette prise
de conscience générale une opportunité forte de croissance. Le message étant identique à celui développé
par ArkoPharma, les produits dits « bio » vendus en supermarché ou en surface spécialisée peuvent
représenter une véritable alternative aux traitements naturels. Une deuxième possibilité concerne les
médicaments fabriqués à base de molécules de synthèse, par opposition aux médicaments naturels. Ces
médicaments peuvent en général revendiquer une efficacité et une rapidité plus évidente. Par contre, ils
sont en général décriés pour les possibles effets secondaires négatifs qu’ils peuvent avoir sur l’organisme.

Intensité concurrentielle : faible, note de 2/10


Dans le secteur des laboratoires pharmaceutiques, le marché est dominé par quelques grands groupes
internationaux. Le leader mondial est Pfizer et en France, les deux principaux acteurs de ce secteur sont
Aventis et Sanofi-Synthelabo. Toutefois, de par sa taille en termes de chiffre d’affaires et de nombre de
produits et surtout par la catégorie de produits commercialisés par ArkoPharma, on ne peut comparer cette
entreprise aux laboratoires pharmaceutiques mondiaux. En effet, seuls deux médicaments d’ArkoPharma
sont remboursés par la Sécurité Sociale (à hauteur de 35 % et 65 %). Le secteur d’ArkoPharma est plutôt
celui de la médecine naturelle, regroupant entre autre la phytothérapie et la nutrithérapie. Sur le marché de
l’automédication non remboursable de plus de 2 milliards d’euros, Arkopharma occupe une place de leader,
détenant 7 % de part de marché en 2001 et enregistrant une progression de 8 % (Source : IMS OTC
– Diététique). Au sein de l’automédication non remboursable, ArkoPharma avec un chiffre d’affaires de
203,8 millions d’euros en détient 82 % du marché de la phytothérapie. L’intensité concurrentielle sur ce DAS
est par conséquent faible car ArkoPharma domine tous ses concurrents et leur laisse une marge de
manœuvre très faible. Le second sur le marché de la phytothérapie est le laboratoire Dolisos avec13 % des
ventes. On trouve ensuite Plus Pharmacie qui réalise 3 % de part de marché sur la phytothérapie.

Pouvoir de l’État : fort, note de 5/10 (tendance future : 7/10)

Le secteur de l’industrie pharmaceutique est extrêmement réglementé par nature comme le souligne cette
évidence : la vente de médicament n’est pas libre. Elle est soumise à de nombreuses institutions dont les
principales sont : le Secrétariat d’État à la Santé, l’AFSSAPS (l’Agence française de sécurité sanitaire des
produits de santé) ou Agence du Médicament, et l’EMEA (European Agency for the Évaluation of Medicinal
Products) au niveau européen. Pour commercialiser un produit en France, les laboratoires doivent obtenir
une AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) de l’Agence du Médicament. Cependant, les contraintes qui
pèsent sur ArkoPharma sont plus faibles. En effet, les paramédicaments proposés par ArkoPharma ne
nécessitent ni de recherches biochimiques (sur la nature de la molécule à produire) ni d’essais
pharmacologiques (études des effets sur l’animal et l’homme). Le marché de la phytothérapie est du coup
beaucoup moins contrôlé que les médicaments thérapeutiques classiques. Toutefois, une directive
européenne entrée en vigueur fin 2003 renforce la réglementation. Cette directive établit la liste des
vitamines et minéraux autorisés et leur teneur maximale dans les compléments nutritionnels. Son objectif
est aussi de garantir un niveau de sécurité élevé et d’informer le consommateur. Du coup, l’étiquetage des
produits doit préciser qu’il s’agit de compléments alimentaires, et ne pas attribuer de propriétés de
prévention, de traitements ou de guérison de maladie qui laissent penser qu’on peut les substituer à un
médicament. ArkoPharma agit donc dans un secteur réglementé où le pouvoir de contrôle de l’État et des
autorités européennes va croissant.
Au regard de cette analyse, il est possible de positionner les forces concurrentielles dans l’hexagone
sectoriel (cf. graphique ci-après). Cette représentation graphique permet d’observer que deux forces
exercent une pression importante sur l’entreprise :
les produits de substitution qui peuvent entraîner des déplacements de consommation selon les
investissements publicitaires et le lancement de nouveaux produits ;
l’État qui réglemente et encadre de plus en plus le secteur.
Figure 8.5 – Hexagone Sectoriel d’Arkopharma en 2002

L’impact de la dynamique sectorielle sur les stratégies


concurrentielles
L’étude des dynamiques sectorielles (cycle de vie du secteur, cycle de vie des
technologies, évolution du système concurrentiel, rapports de force entre acteurs)
vise à cerner les jeux de force en présence qui influencent de manière directe ou
indirecte les conditions de compétitivités des entreprises.
Les conséquences pour les entreprises sont cependant différentes en fonction des
choix stratégiques retenus : innovation, rupture, domination par les coûts,
différenciation, focalisation.
Dans cette perspective, le travail de l’analyste consiste à :
hiérarchiser les principales tendances d’évolution ;
évaluer l’impact à court et moyen termes de ces tendances sur les facteurs clés de
succès du secteur et sur les avantages concurrentiels de l’entreprise et de ses
principaux concurrents (actuels ou potentiels) ;
réévaluer la pertinence des options stratégiques retenues, compte tenu de l’évolution
de l’environnement et de la situation future de l’entreprise comparativement à celle
de ses concurrents.
L’analyse des faits (ou tendances) doit être réalisée dans la perspective de l’option
stratégique préalablement retenue. Par exemple, une évolution technologique qui
modifie les conditions de production d’un bien n’aura pas la même importance si la
firme poursuit une stratégie de domination par les coûts ou une politique de
différenciation.
La réévaluation de la pertinence des options stratégiques implique d’analyser les
effets des évolutions constatées sur la soutenabilité de l’option privilégiée. L’analyse
doit être menée pour l’ensemble des options stratégiques identifiées au sein du secteur.
Il s’agit en effet de s’assurer non seulement de l’impact des évolutions sur sa propre
stratégie mais aussi sur les stratégies retenues par ses concurrents. Cette analyse peut
être réalisée par un jeu de questionnements relativement complet. Le tableau suivant
donne des exemples de questions clés à se poser, afin de valider la pertinence des
différentes options étudiées.

Tableau 8.3 – Des exemples de points clés à vérifier en fonction des


stratégies concurrentielles

Cycle de vie Cycle de vie des Évolution du Évolution du


du secteur technologies système rapport de force
concurrentiel entre acteurs

Stratégie La vitesse de La vitesse L’argument de la Existe-t-il un


d’innovation maturation du d’obsolescence technologie est-il risque de
secteur est-elle des technologies perçu par le substitution par
compatible avec est-elle client ? l’usage ?
l’innovation compensée par un
proposée ? effet
d’apprentissage ?

Stratégie de La rupture La rupture La rupture permet- La rupture


rupture stratégique stratégique elle de sortir d’une perturbe-t-elle le
proposée est-elle proposée peut-elle impasse, de créer jeu des acteurs en
compatible avec être remise en une logique de place (risque de
les attentes du cause par une spécialisation ? rétorsion) ?
marché ? évolution
technologique ?

Stratégie Peut-on suivre le L’évolution L’argument prix Existe-t-il un


de domination taux de croissance technologique est-il perçu risque de
par les coûts du secteur et peut-elle remettre comme décisif par nouveaux entrants
maintenir un en cause les effets les clients ? Cette (pays à faibles
avantage en terme de la courbe situation peut-elle coûts salariaux) ?
de production d’expérience ? évoluer ?
cumulée ?

Stratégies Le déclin du Les évolutions Quelle est la La différenciation


de différenciation secteur modifie-t-il technologiques durabilité de la retenue implique-t-
les sources de créent-elles de stratégie de elle une logique de
différenciation ? nouvelles sources différenciation fidélisation de la
de différenciation ? retenue ? clientèle ?

Stratégies La croissance du Les évolutions Assiste-t-on à une Le degré de


de focalisation marché remet-elle technologiques homogénéisation dépendance entre
en cause les modifient-elles les des attentes du l’entreprise et ses
critères de conditions d’accès marché ? clients évolue-t-il
segmentation à la clientèle ? en faveur de
initiaux ? l’entreprise ?

L’essentiel
►► Une fois les DAS identifiés, il convient de cerner la dynamique sectorielle de chaque activité.
Ceci passe notamment par l’étude des cycles de vie des secteurs et des technologies (démarrage,
croissance, maturité, déclin).
►► Ce travail d’analyse doit permettre de préciser le système concurrentiel associé à chaque
DAS (volume, spécialisation, fragmentation, impasse) et son intérêt pour la firme en termes de
croissance et de rentabilité.
►► Il s’agit en particulier d’apprécier l’impact de la dynamique sectorielle en fonction des
stratégies retenues, qu’il s’agisse d’innovation ou de rupture, de politique de domination par les
coûts ou de différenciation ou encore de stratégie de focalisation.
Notes
1. Ce cas est issu d’un programme de recherche réalisé en 2002 dans le cadre du cours
que l’auteur coordonne avec Michel Barabel au sein du Master 2 « Finance d’entreprise
et Ingénierie Financière » de l’Université Paris Dauphine.
2. Voir sur ce point, Attali (1990).
3. Arthur D. Little, Stratégie et technologie, Rapport ADL, Davos, 1981.
Chapitre 9

Évaluer les ressources internes


et la compétitivité par activité

Executive summary
►► Le diagnostic stratégique vise à évaluer les ressources internes de l’entreprise en termes
de capacités d’exploitation et de mobilisation, ainsi que la compétitivité de chaque activité en termes
d’efficience et d’efficacité.
►► Un diagnostic stratégique passe tout d’abord
par une analyse précise de la chaîne de valeur et des avantages concurrentiels qui y sont
associés.
►► Une telle démarche, pour être complète, demande de pouvoir apprécier les forces de la
concurrence et leur positionnement respectif, à travers par exemple une cartographie stratégique
des principaux rivaux.

Un diagnostic d’entreprise demande, au-delà d’une analyse externe, d’étudier de façon


détaillée les forces et faiblesses de la firme par domaine d’activité, afin de mieux
apprécier sa position concurrentielle sur ses marchés. L’analyse systématique des
sources d’avantages concurrentiels et de ses principales fonctions doit contribuer à
formuler des politiques fonctionnelles et une structure organisationnelle adaptées aux
stratégies définies.

La chaîne de valeur et les avantages concurrentiels


Une entreprise est une unité économique de production qui assure un certain nombre de
fonctions. Ces dernières appartiennent à ce que Porter (1983) appelle la « chaîne de
valeur », composée à la fois d’activités hiérarchisées au sein du processus de
production et d’activités de soutien à ce même processus. La chaîne de valeur
décompose l’entreprise en deux grands types d’activités créatrices de valeur. Les
activités principales correspondent aux différentes activités opérationnelles nécessaires
au développement des produits et services. Les activités de support soutiennent les
activités principales.
Figure 9.1 – La chaîne de valeur

Les activités principales englobent :


la logistique interne, c’est-à-dire la gestion des approvisionnements en amont de la
production (stockage, transport, relations fournisseurs) ;
la production (ensemble des activités liées à la transformation de facteurs de
production en produits finis) ;
la logistique externe, à savoir les activités liées à la distribution physique des
produits finis (traitement des commandes, expédition) ;
la commercialisation et la vente (publicité, promotion, actions commerciales) ;
les services (installation, formation, réparation, adaptation du produit, service après
vente…).
Les activités de support permettent de soutenir le développement des activités
principales. Elles comprennent :
la fonction d’achat (approvisionnement en inputs et pièces détachées) ;
la fonction Recherche et développement, c’est-à-dire l’ensemble des actions qui
visent à améliorer le produit et le processus de production ;
la fonction Gestion des ressources humaines (recrutement, formation, gestion de
carrières, rémunération, motivation des équipes) ;
l’infrastructure de la firme qui recouvre la direction générale, le service comptable,
le service financier, le service juridique, les relations avec l’environnement
extérieur, la gestion de la qualité et la gestion des systèmes d’information.
L’optimisation des différentes activités créatrices de valeur pour les clients et
l’amélioration des liaisons internes entre ces activités génèrent l’avantage concurrentiel
de l’entreprise. Il existe également des liaisons externes ou verticales entre la chaîne de
valeur de l’entreprise et celles de ses fournisseurs et de ses clients (système de valeur).

Tableau 9.1 – La chaîne de valeur simplifiée de l’industrie du spectacle


(Levicki, 2000)

Étape 1 Étape 2 Étape 3 Étape 4 Étape 5


Trouver des Fabrication Assemblage Distribution Vente au déta
matières des composants du produit final pour la à l’utilisateur
premières vente
en gros

Film Décors extérieurs Développement Distribution Complexes


Éclairage Studios des pellicules physique sur multisalles
Montage du film les lieux de Petit cinéma
Caméras Tournage présentation
Chariots Copie du film Télévision
Vente aux classique, par
Formation d’un Doublage chaînes de câble,
groupe de Sous-titrage cinéma par satellite
techniciens Vente aux Merchandizing
télévisions
Vente aux
différents
points de
vente

Marges types 10 % 0000 à 1 000 % 7 à 10 % 10 à 12 % 12 à 20 %

Risques Faible Élevé Faible à moyen Moyen Moyen


caractéristiques

Facteurs clés Brillant/Ambitieux Cyclique/Tributaire Technique/Raccords Contacts/Part Tributaire de la


du talent de marché mode/Pénétratio
du marché

Une entreprise peut ainsi améliorer son avantage concurrentiel en optimisant ses
interconnexions internes et externes. La chaîne de valeur constitue un outil d’analyse
efficace pour visualiser l’ensemble des activités de l’entreprise et repérer les sources
potentielles d’économies de coûts et de différenciation.

Les sources potentielles de création de valeur


■ L’avantage par les coûts

L’idée de Porter (1983) est qu’une entreprise obtient un avantage par les coûts si elle
réalise ses activités créatrices de valeur à un coût cumulé inférieur à celui de ses
concurrents. L’auteur a ainsi identifié différentes phases d’analyse des coûts :
définir la chaîne de valeur de l’entreprise ;
détecter les actifs de l’entreprise et les coûts de fonctionnement des différentes
activités créatrices de valeur ;
déterminer les facteurs d’évolution des coûts. M. Porter a répertorié 10 grands types
de facteurs qui ont une incidence sur les coûts : les économies d’échelles, les
effets d’apprentissage ou effets de diffusion, le taux d’activité ou taux d’utilisation
du potentiel de production, la fluidité des liaisons à l’intérieur de l’entreprise, les
interconnexions dans l’entreprise (partage d’un même savoir-faire), l’intégration
(plus une entreprise est intégrée, plus ses coûts sont faibles), la gestion du temps,
les facteurs institutionnels (taux de syndicalisation, réglementation des pouvoirs
publics), la localisation ;
évaluer les coûts des concurrents. Certaines entreprises ont recours au
benchmarking, en observant ce que font d’autres entreprises (concurrentes ou non)
et en identifiant leur propre chaîne de valeur et les coûts qui y sont associés. Il est
difficile d’avoir des informations sur ses concurrents. Il existe plusieurs méthodes
pour les obtenir : au travers des discussions avec des clients et fournisseurs, dans
des interviews, sur des documents écrits (mêmes comptables), à travers la mise en
place d’un système de veille (l’information peut être déformée) ;
élaborer une stratégie permettant d’acquérir un avantage par les coûts : contrôler les
facteurs d’évolution des coûts afin d’éviter leur augmentation, voire d’obtenir une
réduction, remodeler la chaîne de valeur en modifiant certains éléments de
l’entreprise (ex. : mise en place d’un nouveau processus de production, adoption
d’un nouveau circuit de distribution…) ;
accompagner ce changement par différentes actions : formation du personnel,
motivation du personnel, diffusion d’une culture d’entreprise, adoption de
programmes formels de réduction de coût, recherche systématique de
l’automatisation…

■ L’avantage par la différenciation

Toujours selon M. Porter, une entreprise peut aussi se différencier de ses concurrents
quand elle parvient à acquérir une caractéristique unique à laquelle les clients attachent
de la valeur. La différenciation est intéressante pour l’entreprise si le surprix obtenu
dépasse le coût supplémentaire de la différenciation.
M. Porter préconise ainsi les étapes suivantes en matière de recherche d’avantage
concurrentiel par la différenciation et la chaîne de valeur :
déterminer le véritable acheteur ;
identifier la chaîne de valeur du client. Une entreprise peut créer de la valeur par une
diminution des coûts pour le client, par une amélioration des services rendus ;
définir les critères d’achats des clients et leur hiérarchie. Il existe 2 types de
critères : les critères d’utilisation (caractéristiques propres du produit, services
annexes à la vente) et les critères de signalisation (spécificités de la clientèle) ;
déterminer les caractéristiques uniques de la chaîne de valeur qui assurent une partie
de l’avantage concurrentiel (qualité, délai de livraison, sécurité du produit, facilité
d’emploi…) ;
calculer ou évaluer le coût de la différenciation ;
prendre des mesures permettant de réussir durablement la différenciation. Il s’agit ici
d’accroître les sources de différenciation dans les chaînes de valeur, en
transformant le coût de la différenciation en avantage (amélioration du
fonctionnement interne de l’entreprise, simplification du circuit de distribution…),
en décelant des critères d’achat des clients ou des circuits de distribution encore
inconnus, en réagissant rapidement à leurs changements, ou encore en évaluant la
durabilité de la stratégie de différenciation retenue.
La différenciation dépend de 3 critères : la perception que les clients ont de la
différenciation et de la valeur qu’elle leur apporte, les possibilités d’imitation des
concurrents, et la diversité des sources de différenciation.

■ L’avantage par une meilleure coordination

L’avantage concurrentiel ne dépend par uniquement de telle ou telle fonction de


l’entreprise. On identifie également deux autres sources de création de valeur.
L’avantage créé peut tout d’abord provenir d’une meilleure coordination des activités
(fonctions) au sein de la chaîne de valeur.
L’analyse se focalise ici sur les liaisons qui unissent les différentes fonctions de
l’entreprise, en vue de fournir une valeur supérieure au client (politique
d’optimisation ou d’amélioration du service au client). L’avantage peut aussi être
recherché hors du contexte de l’entreprise, en amont ou en aval, au niveau des
chaînes de valeur des fournisseurs ou des clients (cf. système de valeur). Ceci revient
à identifier les stades de transformation qui apportent le plus de valeur au
consommateur/utilisateur pour chercher par la suite à les contrôler.
Dans cette optique, la construction d’un avantage concurrentiel peut s’appuyer sur
une coordination plus efficace avec les partenaires amont et aval.

■ Apports et limites

L’analyse de la chaîne de valeur au sens large permet à une entreprise de mieux orienter
ses choix grâce à une meilleure connaissance de ses avantages concurrentiels et la mise
en exergue de synergies éventuelles entre les différentes activités (interconnexions
stratégiques). Elle donne également la possibilité de situer l’entreprise par rapport à
une organisation qui serait optimale et favorise des comparaisons avec la concurrence.
Son inconvénient principal réside dans la capacité à créer une chaîne de valeur adaptée
à chaque entreprise et industrie, et dans l’aptitude des acteurs à opérationnaliser ce
concept à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise.

■ Approfondissement

M. Porter propose un outil complémentaire de la chaîne de valeur, intitulé système


d’activités, qui vise à relier les différentes activités de l’entreprise en distinguant les
thèmes stratégiques les plus importants (cercles grisés dans la figure 9.2) et les grappes
d’activités censées les supporter (cercles non grisés).
Cet outil permet notamment à l’entreprise de mieux cerner les interconnexions
entre activités (relation de dépendance, logique de complémentarités, actions de
renforcement) et leurs sources d’avantages concurrentiels (économies de coûts,
diversité de l’offre, accès direct à certains marchés…). Il complète ainsi la chaîne de
valeur, en montrant de quelle manière l’entreprise parvient à se positionner par
rapport à ses concurrents et sur quels fondements stratégiques elle s’appuie (mise en
lumière du « système stratégique » de la firme).
Il donne enfin un éclairage sur les actions et comportements (variables
opérationnelles) qui contribuent à créer et structurer ce système d’activités dans la
pratique. Par cet outil, M. Porter réussit ainsi à réconcilier la réflexion stratégique
avec les politiques fonctionnelles et opérationnelles.

Exemple
L’entreprise Vanguard,
Vanguard est le leader du secteur des fonds communs de placement. L’outil mobilisé révèle
notamment que la stratégie concurrentielle de cette entreprise est principalement d’offrir toute
une gamme de fonds communs en actions, obligataires et monétaires avec des performances
stables (faible risque, récurrence des gains) et des frais très limités (peu d’opérations,
simplification des tâches, rationalisation de la politique de distribution, optimisation du service
client et du service marketing…).
Selon l’analyse effectuée, le système stratégique de l’entreprise vise essentiellement à sacrifier
des chances de performances exceptionnelles (mais épisodiques) au profit de performances
régulières et stables chaque année.
Le graphique, conçu par Porter, permet de constater l’alignement stratégique de l’ensemble des
actions du groupe avec ses objectifs stratégiques.

Figure 9.2 – Le système d’activités de Vanguard

Les capacités d’exploitation et de mobilisation


de ressources
Les compétences clés sont celles qui permettent à l’entreprise de disposer d’avantages
concurrentiels forts, capables de répondre aux exigences de l’environnement et aux
menaces des concurrents. Pour cela, on peut utiliser le modèle VRIO qui répond aux 4
questions suivantes :
La question de la valeur : les ressources et capacités de la firme sont-elles
suffisantes pour lui permettre de répondre avec efficacité aux opportunités et
menaces de l’environnement ?
La question de la rareté : combien d’entreprises possèdent déjà ces ressources et
capacités ?
La question de l’imitation : quel coût et quelle rapidité pour acquérir ces ressources
et capacités ?
La question de l’organisation : l’entreprise est-elle organisée pour exploiter au
maximum le potentiel concurrentiel de ses ressources et capacités ?

Tableau 9.2 – Le modèle VRIO

Exploitée
Implication Performance Force
Valorisable Rareté Imitation par
concurrentielle économique ou faiblesse
l’entrepise

Non – – Non Désavantage En dessous Faiblesse


concurrentiel de la moyenne

Oui Non – – Neutralité Dans la Force


moyenne

Oui Oui Non – Avantage Au-dessus Force


concurrentiel de la moyenne et
temporaire compétence
distinctive

Oui Oui Oui Oui Avantage Au-dessus Force


concurrentiel de la moyenne et
durable compétence
distinctive
durable

Dans ce type d’analyse, il s’agit d’étudier la valeur intrinsèque de la ressource qui


est fonction de son utilité dans le jeu concurrentiel (création d’un avantage distinctif) et
de la valeur qui lui est attribuée par la demande (degré d’attractivité). La valeur d’une
ressource est accrue ou diminuée en fonction de sa rareté et de son degré de complexité
et de tacité (caractère informel du savoir) qui limitent les mécanismes d’imitation.

Avis d’expert

PAR JEAN-CLAUDE PACITTO1


La problématique du diagnostic des ressources en PME
« Établir un diagnostic des ressources dans une PME pose de nombreux problèmes, en dépit de son
intérêt. Pas seulement du fait que les outils habituels du diagnostic sont inopérants, mais parce que
plus fondamentalement, une analyse statique de ces entreprises est délicate. Ainsi, raisonner en
termes de capacités ou de ressources a priori n’a pas réellement de sens. Si l’on estime que le
dirigeant de la PME constitue le point central de l’analyse, au-delà de l’appréhension de ses logiques
d’action, il faut bien saisir sa logique combinatoire. En effet dans la PME, ce que l’on appelle
communément “logique de valorisation” résulte de la capacité du dirigeant à combiner différentes
capacités en vue de créer des compétences clés ou distinctives.
En soi, ces compétences n’existent pas, elles dépendent de la capabilité2 de l’entrepreneur à
transformer des ressources non distinctives en ressources clés. Ce mode combinatoire, pour être
efficace, doit reposer sur le principe de cohérence, cohérence entre ce que l’on est, ce que l’on veut
faire, comment on le fait et où on le fait. Selon Marchesnay, toute PME constitue un système de
gestion qui se structure autour de quatre composantes : les buts du dirigeant, son organisation, ses
activités et son environnement. Comme tout système, ces composantes sont interreliées, ce qui
rend illusoire un diagnostic isolé sur une des composantes.
Cette capabilité ne peut donc être saisie sans examiner les buts du dirigeant, mais aussi sa capacité
d’apprendre à agir et réagir au sein d’un environnement familier dans lequel il s’insère et se régénère.
En effet, la relation à l’environnement est très souvent une relation de proximité qui, en générant des
flux d’informations supplémentaires, permet d’accroître la capabilité du dirigeant et donc sa capacité
combinatoire. Distancier la PME de son environnement revient à altérer cette capacité et donc en
dernier lieu la compétitivité de l’entreprise. La relation privilégiée à la clientèle est ainsi aussi
déterminante pour les PME que le rôle de la concurrence pour les grandes entreprises. La différence
fondamentale entre ces deux types d’entreprises réside dans le fait que la clientèle ne constitue pas
seulement une incitation ou une menace selon le modèle SWOT (comme la concurrence pour les
grandes entreprises), mais un ingrédient fondamental du combinatoire, en d’autres termes un input.
Cette relation privilégiée explique en partie le peu d’intérêt des dirigeants de PME pour les
phénomènes de concurrence. Expliquer la compétitivité d’une PME, c’est retrouver la dynamique de
ce combinatoire, qui permet à l’entreprise de satisfaire son environnement dans le temps. Comme le
souligne Marchesnay (2002)3, de ce combinatoire doivent résulter des modifications de capacités
tant au niveau de la flexibilité de l’entreprise, de son adaptabilité mais aussi de sa créativité. Les
logiques de valorisation ne sont jamais statiques et vont dépendre notamment des sollicitations
extérieures adressées à l’entreprise. Dans cette perspective, l’innovation est rarement intentionnelle.
De même, la planification et son caractère séquentiel sont aux antipodes du système de création des
ressources des PME. Parce qu’elles résultent de ces combinaisons dynamiques, les compétences
clés de l’entreprise sont elles aussi amenées à évoluer et il est difficile de les isoler ».

La compétitivité fonctionnelle de l’entreprise


La détermination de la compétitivité globale d’une entreprise s’apprécie à travers son
potentiel de performance dans différents domaines, et en particulier dans les domaines
financiers, commerciaux, sociaux, techniques, organisationnels et managériaux. Il s’agit
non seulement d’évaluer les forces et faiblesses de l’entreprise dans ces domaines,
mais surtout de les comparer avec celles de ses principaux concurrents. La
compétitivité est en effet une évaluation relative.
La compétitivité financière

La compétitivité financière d’une entreprise passe par l’analyse de sa capacité à créer


de la valeur et par une étude des grands équilibres financiers, notamment dans une
perspective de gestion des risques. Le schéma suivant présente les principes généraux
de la création de valeur.

Figure 9.3 – La création de valeur

Sur le plan conceptuel, on parle de création de valeur si et seulement si la rentabilité


financière (c’est-à-dire la rentabilité observée pour les actionnaires) est supérieure à
l’espérance de rentabilité.
L’espérance de rentabilité est calculée sur la base de données boursières. Elle
s’obtient en additionnant le taux d’intérêt sans risque et la prime de risque associée à
l’entreprise évaluée. Cette prime de risque est elle-même calculée en multipliant la
prime de risque moyenne observée sur le marché par un facteur appelé bêta. Le bêta
d’une action traduit le risque systématique, c’est-à-dire le risque non diversifiable,
caractéristique de l’activité de l’entreprise.
Les facteurs de création de valeur sont comparables d’une entreprise à l’autre. En
particulier, le montant de l’actif économique nécessaire (égal aux immobilisations
nettes plus l’actif circulant moins les dettes d’exploitation), le taux de rotation des actifs
(Chiffre d’affaires/actif économique) et la marge commerciale (Résultat d’exploitation
avant intérêt moins impôts normatifs/Chiffre d’affaires).

Tableau 9.3 – Les indicateurs financiers de la création de valeur

Ratio ou
Intitulé du ratio
Calcul du ratio ou de l’indicateur indicateur Comparaison avec
ou de l’indicateur
financier financier de ses concurrents
financier
l’entreprise

Résultat avant Chiffres d’affaires – Charges


frais financier décaissables d’exploitation –
(RAFF) Dotations aux amortissements et
provisions nettes de reprises

Actifs Immobilisations nettes (corporelles


économiques et incorporelles) + Besoin de Fonds
(AE) de Roulement d’exploitation (Actif
circulant – Dettes d’exploitation)

Rentabilité RE = RAFF × T/AE


économique
où T est le taux d’IS applicable à
l’entreprise

De même, la structure financière de l’entreprise doit être comparée à celle de ses


principaux concurrents. Il faut noter que la mise en œuvre des nouvelles normes
internationales de comptabilisation des comptes consolidés (IFRS) devrait permettre de
réaliser des comparaisons très détaillées, activité par activité et pays par pays.
L’analyse des facteurs de création de valeur ne sera alors plus globale mais pourra être
réalisée pour chacune des activités de l’entreprise.
L’analyse de la compétitivité financière d’une entreprise repose aussi sur une analyse
des grands équilibres financiers et des risques qui y sont associés. Quatre éléments
doivent en particulier être analysés :
les grands équilibres et les capacités de financement de la croissance ;
le risque de solvabilité et de liquidité à court et moyen terme.

■ Les grands équilibres et les capacités de financement de la croissance

L’analyse des équilibres financiers passe tout d’abord par l’étude de la structure
financière de l’entreprise. Les ratios et indicateurs clés sont :
le ratio d’endettement (Dettes financières/Capitaux Propres) ;
l’évolution des Capitaux Propres ;
l’évolution du fonds de roulement ;
le flux de trésorerie net annuel ;
le taux de versement des dividendes (Dividendes/Résultat à répartir) ;
la capacité de remboursement des emprunts (CAF/Dettes financières) ;
l’attractivité des actions 1 (Bénéfice par action – BPA) ;
l’attractivité des actions 2 (PER – Price Earning Ratio – Cours de l’action/résultat
net).
L’objectif de cette analyse est de s’assurer que :
les grands équilibres financiers sont respectés, c’est-à-dire que l’entreprise est
viable à moyen terme sur le plan financier ;
la politique financière de l’entreprise ne la désavantage pas par rapport à celle de
ses principaux concurrents ;
l’entreprise est en mesure de lever des fonds supplémentaires en cas de nécessité ;
l’entreprise est bien placée pour procéder à des opérations de croissance externe par
échange d’actions.

■ Le risque de solvabilité et de liquidité à court et moyen terme

La solvabilité est la capacité de l’entreprise à rembourser ses dettes. Cette analyse peut
être réalisée dans une optique de continuité de l’exploitation ou de liquidation de
l’activité. Dans l’optique de continuité de l’exploitation, il s’agit de s’assurer que les
résultats futurs seront suffisants pour satisfaire les échéances de versement des intérêts
et de remboursement du capital. Dans une optique de liquidation de l’activité, il s’agit
de savoir si la vente de tous les actifs de l’entreprise permettrait de rembourser
intégralement l’ensemble des créanciers. La mesure de ce risque passe alors par
l’estimation de l’actif net corrigé, c’est-à-dire de la valeur de revente de tous les actifs
de l’entreprise moins l’ensemble de ses dettes. Il existe des normes sectorielles.
Le risque de liquidité correspond au risque de ne pas pouvoir satisfaire une
échéance (versement d’intérêts ou amortissement d’emprunt) pour des raisons de
non-liquidité des actifs. Il s’agit davantage d’un risque de trésorerie que d’un risque
lié à la non-rentabilité de l’activité. Ce risque est souvent mesuré au travers des trois
ratios suivants :
le ratio de liquidité générale :
actifs liquidables à moins d’un an/dettes exigibles à moins d’un an ;
le ratio de liquidité réduite :
(actifs liquidables à moins d’un an – stocks)/dettes exigibles à moins d’un an ;
le ratio de liquidité immédiate :
(titres de placement et disponibilités/dettes exigibles à moins d’un an).

La compétitivité commerciale

L’objectif de l’analyse de la compétitivité commerciale est de s’assurer que


l’entreprise est bien positionnée à la fois sur ses produits, mais aussi dans sa capacité à
les promouvoir et à les distribuer. Au-delà des similarités stratégiques, il s’agit de bien
cerner les différences spécifiques en terme de clientèle visée, de mix-marketing et de
structures de distribution. L’analyse de la compétitivité dans ce domaine est
fondamentale. Elle renvoie à la capacité de l’entreprise à générer concrètement du
chiffre d’affaires et à défendre durablement ses avantages concurrentiels.
De nombreux indicateurs quantitatifs et qualitatifs permettent d’apprécier la
compétitivité commerciale d’une entreprise. Ces indicateurs peuvent être répartis en
cinq critères :
la politique produit ;
la politique prix ;
la politique de la force de vente ;
la politique de distribution ;
la politique de communication.
L’étude de la politique produit est au cœur d’une analyse sur la compétitivité, dans la
mesure où elle définit en partie les métiers et activités de l’entreprise et certains de ses
avantages concurrentiels.

Forces
Faiblesses par rapport
Critères par rapport
à la concurrence
à la concurrence

Politique Produit
Portefeuille produit
Politique de gamme
Cycle de vie des produits
Volume des ventes
Parts de marché
Répartition géographique du CA
Qualité des produits et des services
Image de marque
Degré d’originalité des produits
Degré de différenciation des produits
Degré d’innovation
Fidélité de la clientèle
Renouvellement de la clientèle
Importance du service après vente

L’analyse de la politique prix doit se faire en relation avec le type de stratégie


concurrentielle retenue. Les implications pour l’entreprise seront naturellement
différentes si elle opte pour une stratégie de domination par les coûts ou si elle choisit
la différenciation.

Forces par rapport à la Faiblesses par rapport à


Critères
concurrence la concurrence

Politique Prix
Positionnement par rapport à un prix
psychologique
Marge sur coûts variables
Rentabilité sur prix de revient
Rentabilité sur capital investi
Relation prix-qualité

L’analyse de la compétitivité en matière de distribution et de vente est essentielle. Il


s’agit en effet de s’interroger sur la capacité de l’entreprise à « vendre » auprès de ses
clients finaux et à assurer la « mise à disposition » des produits ou services. Elle
concerne également l’étude des rapports de force entre l’entreprise et les autres acteurs
du processus de distribution. Ces acteurs peuvent en effet avoir une influence
déterminante sur la rentabilité de l’entreprise, voire parfois sur sa survie.
Il importe donc de bien comprendre la dépendance de l’entreprise vis-à-vis de ces
acteurs économiques (grande distribution, réseaux de revendeurs…). Il s’agit aussi de
mesurer l’efficacité économique de l’entreprise dans ce domaine. Sur ce point, la
maîtrise d’un ou plusieurs canaux de distribution peut se révéler être un avantage
stratégique majeur.

Forces par rapport à la Faiblesses par rapport à


Critères
concurrence la concurrence

Politique Force de vente


Nombre de vendeurs
Statut des vendeurs (exclusifs, multicartes)
Couverture et répartition géographique
Efficacité de la force de vente
Motivation des vendeurs
Animation, contrôle et évaluation des vendeurs
Niveau de connaissance des concurrents et
clients par les vendeurs
Expériences/qualifications
Attitude des vendeurs par rapport à l’innovation

Politique Distribution
Qualité du réseau de distribution
Moyens logistiques
Répartition par canaux de distribution du CA
Couverture géographique
Présence des produits dans les magasins
Référencements
Réseaux de distribution indirects

Enfin, l’analyse de la compétitivité de l’entreprise dans le domaine de la


communication peut servir à mesurer les liens de dépendance entre l’entreprise et les
consommateurs et permettre une meilleure valorisation de l’image « corporate » de
l’entreprise.

Forces par rapport à la Faiblesses par rapport


Critères
concurrence à la concurrence

Politique communication
Image et notoriété de la firme
Efficacité de la publicité
Efficacité des promotions
Efficacité du marketing direct

La compétitivité sociale

Dans le domaine social, la compétitivité s’apprécie au regard de la capacité de


l’entreprise à attirer des salariés à fort potentiel et en nombre suffisant (variable
attractivité), à intégrer et conserver les meilleurs (variable fidélité) et à optimiser leur
rendement (variable productivité).
L’attractivité d’une entreprise peut constituer un véritable avantage concurrentiel,
notamment pour celles qui mettent en œuvre une stratégie d’innovation ou pour celles
qui fondent une partie de leurs facteurs clés de succès sur la qualité de service. De
manière plus générale, les entreprises dont le capital humain est un élément clé de
réussite doivent s’assurer d’une forte attractivité auprès de leurs salariés potentiels.

Forces par rapport à la Faiblesses par rapport à


Critères
concurrence la concurrence

Attractivité
Capacité d’attraction (image)
Capacités managériales de l’équipe dirigeante
Rémunération
Intéressement du personnel
Avantages sociaux
Protection sociale
Dialogue social
Qualité des formations
Niveau des qualifications
Degré d’intégration des salariés
Gestion des carrières
Développement de l’apprentissage
Politique de mobilité fonctionnelle
Politique de mobilité géographique

Si la capacité à attirer les meilleurs profils est importante, la capacité à les


conserver et à leur offrir un véritable parcours professionnel peut aussi être une
dimension nécessaire. De manière générale, il s’agit de s’assurer de la disponibilité et
de la meilleure efficacité de son personnel. Au-delà de la bonne gestion de la pyramide
des âges des firmes, cela peut aussi avoir des conséquences en matière de coûts cachés.
Trop d’absentéisme, un turnover trop important peuvent engendrer des baisses de la
qualité, une augmentation des incidents et une dégradation des coûts.

Forces par rapport à la Faiblesses par rapport à


Critères
concurrence la concurrence

Fidélisation
Pyramide des âges
Taux d’absentéisme
Taux de rotation du personnel
Niveau de satisfaction des employés
Degré d’engagement du personnel
Degré de participation des salariés
Degré d’identification et d’adhésion aux valeurs
du groupe

Enfin, il peut être utile de mesurer l’efficacité du personnel au travail. L’efficacité se


mesure au travers d’indicateurs de productivité, mais aussi au regard du nombre
d’incidents et du respect des règles de sécurité. Ces indicateurs sont surtout pertinents
pour les activités industrielles. Pour les activités de service, la notion de productivité
individuelle est plus difficile à cerner.

Forces par rapport à la Faiblesses par rapport à


Critères
concurrence la concurrence

Efficacité sociale
Productivité par salarié
Adéquation des effectifs/besoins
Flexibilité sociale
Rythmes de travail
Conditions de travail
Dispositifs de sécurité
Nombre de conflits et grèves
Nombre de pannes et arrêts de travail
Dynamisme et initiative du personnel
Ouverture à la mobilité
Climat général/ambiance

La compétitivité technique

La compétitivité technique d’une entreprise peut s’apprécier au regard de sa capacité à


disposer d’une capacité de production efficace et à développer un potentiel de
recherche important.

Forces par Faiblesses par


Critères rapport à la rapport à la
concurrence concurrence

Capacité de production
Taux d’utilisation des capacités
Degré de maturité des équipements
Qualification de la main-d’œuvre
Degré d’automatisation
Niveau de modernisation des procédés
Degré de standardisation de la production
Rythme de renouvellement des équipements

Au-delà des capacités de production, l’analyse de la compétitivité technique passe


aussi par l’appréhension du potentiel technologique et de recherche et développement
de la firme. Il s’agit de s’assurer que l’entreprise possède les ressources nécessaires
pour suivre les évolutions technologiques, pour maintenir ses avantages concurrentiels
et pour suivre les politiques éventuelles de ses concurrents.

Forces par Faiblesses par


Critères rapport à la rapport à la
concurrence concurrence

Capacité de recherche
Dépenses en recherche & développement (en % du
chiffre d’affaires)
Nombre de brevets déposés
Nombre de chercheurs
Relations nouées par l’entreprise avec la recherche
institutionnelle
Recours à des nouvelles matières et matériaux
Niveau de conception d’équipements et de matériels
nouveaux
Part relative de nouveaux produits dans le chiffre
d’affaires et dans les résultats opérationnels de
l’entreprise
Degré de formalisation de la gestion des projets
innovants

La compétitivité du management

La performance d’une entreprise s’apprécie également à travers l’efficacité de son


équipe de direction. Il s’agit d’analyser l’aptitude des dirigeants à développer et gérer
une organisation efficace et agile. Il est proposé ci-après une analyse des différentes
capacités managériales à prendre en compte dans un diagnostic d’entreprise :
la capacité à définir une vision d’ensemble ;
la capacité à anticiper et prévoir ;
la capacité à apprécier et gérer les risques ;
la capacité à intégrer et à impliquer les acteurs de l’environnement (parties
prenantes) ;
le système d’organisation ouvert, orienté « clients » ;
la capacité de leadership (engagement, animation, motivation, persuasion) ;
les capacités d’apprentissage élevées (aptitude à se remettre en question et à
renouveler ses pratiques) ;
le climat et le mode de fonctionnement propices à l’initiative et à la créativité ;
le système d’organisation orienté processus et non tâches ;
la capacité de coordination et de contrôle ;
la capacité de communication interne (information et formation de tous les acteurs) ;
la capacité de communication externe (relations avec les clients et les fournisseurs) ;
la capacité de résolution des conflits.
Il convient également de s’interroger sur le processus de prise de décision et sur la
capacité de l’équipe de direction à déléguer certaines décisions et à informer leurs
collaborateurs des choix opérés.

Cas d’entreprise

La compétitivité de l’entreprise Lego sur le marché des jouets


à la fin des années quatre-vingt-dix
À la fin des années quatre-vingt-dix, Lego se classe dans les 5 premiers fabricants de jouets de
la planète derrière Mattel, Nintendo, Hasbro et Sega. La 4e place n’est pas loin car Sega a décidé
de se focaliser uniquement sur les softwares et à terme ne produira plus de consoles.
L’entreprise danoise fait partie des 10 marques les plus fréquemment citées par les enfants.
Un des atouts de l’entreprise est de s’appuyer sur une marque mondialement connue, capable
de véhiculer des valeurs ludiques fortes (imagination, créativité, motricité, épanouissement) et
plébiscitées par la famille (jeux unisexes, jeux pour toutes saisons, normes strictes de sécurité
et qualité technique). La fameuse « brique » continue d’être l’un des vecteurs de croissance de
l’entreprise et reste un produit indémodable que vient compléter une large gamme de produit (de
1 à 99 ans). De plus, le lancement de licences sur les thèmes tels que la Guerre des Étoiles
(Star Wars) ou encore Harry Potter, symbolise un certain renouveau de la marque danoise et sa
volonté de rester moderne. De même, les nouvelles gammes Bionicle et Mindstorm tentent de
faire entrer Lego de plain-pied dans le nouveau millénaire et les nouvelles technologies. D’autre
part, le site Internet génère une grande affluence, avec un total de 13 millions de visites depuis
sa création. Le club Lego enregistre durant cette période environ deux millions d’adhérents. Ce
club correspond parfaitement aux attentes des consommateurs et du fabricant. Il permet une
fidélisation accrue de la cible et offre aux acheteurs des produits exclusifs, des informations,
des visites d’événements Lego.
Néanmoins, l’entreprise dispose d’un certain nombre de faiblesses structurelles. En effet, la
santé financière du groupe reste très volatile, alternant depuis la fin des années quatre-vingt-dix
des résultats en « dents de scie ». Ceci pose notamment le problème de son indépendance
financière face à des concurrents puissants. De plus, malgré le lancement des nouvelles
gammes, la marque a subi de plein fouet l’essor des jeux électroniques et des jeux vidéos avec
un vieillissement de son image de marque. Les produits sont devenus parfois trop complexes
aux yeux des enfants qui n’ont plus vraiment ni le temps, ni l’envie de réfléchir. De même,
certaines diversifications (hasardeuses) ont grandement affecté la cohérence et la stabilité du
groupe. La création de certains parcs d’attractions s’est développée trop rapidement sans que la
rentabilité soit au rendez-vous. Au niveau de la commercialisation des produits, on constate
également que les surfaces dans les magasins où sont vendus les Lego sont trop petites : les
produits Lego demandent une mise en valeur et des explications que seuls de grands espaces
peuvent fournir. Enfin, le chiffre d’affaires est généré à 90 % par l’Europe et les États Unis, zone
où le pouvoir d’achat est élevé. Lego est par conséquent trop faiblement présent dans les pays
d’Asie et sur les marchés émergents.

La cartographie stratégique des concurrents

L’analyse concurrentielle

Un diagnostic nécessite d’étudier l’environnement dans lequel vit l’entreprise et donc


d’établir une analyse de la concurrence par domaine d’activités (DAS). Pour ce faire, il
importe d’analyser la position concurrentielle des entreprises concurrentes au sein de
chaque segment stratégique identifé. Cette position s’évalue au regard de cinq grands de
critères :
la position de l’entreprise sur le marché : parts de marché, volume des ventes,
couverture géographique, répartition des ventes, image, notoriété, réputation,
implantation internationale, accès aux sources d’approvisionnement et aux circuits
de distribution… ;
l’organisation et la gestion de la production : capacité de production, qualité de
l’outil de travail, flexibilité, délai de fabrication, niveau et âge des technologies et
des équipements, maîtrise des coûts, accords de sous-traitance, intégration amont
de certains composants, politique de partenariats… ;
la politique commerciale : étendue de la gamme, cohérence des marques, qualité des
produits, niveau d’originalité et de sophistication, degré de différenciation des
produits, degré de renouvellement, innovations-produit, niveau de satisfaction,
compétitivité des prix, politique de référencement, fidélisation des clients, fiabilité
des livraisons, efficacité de la force commerciale, impact des actions de
promotion et de publicité… ;
la gestion des compétences techniques et organisationnelles : rapidité et réactivité
du processus de décision, degré de flexibilité, efficience et clarté de la structure,
niveau de délégation, mécanismes de contrôle et de coordination, niveau de
qualification des employés, potentiel de recherche, culture interne, motivation du
personnel, qualité de la formation interne, rémunération, pyramide des âges… ;
la rentabilité et la puissance financière : capitaux propres de l’entreprise, capacité
d’autofinancement, rentabilité, niveau d’endettement, disponibilité de
financement…

La position actuelle et future des concurrents

Afin de prendre une décision qui engage l’avenir de l’entreprise, il importe d’identifier
la situation actuelle et future de ses principaux concurrents. Pour ce faire, on peut
établir une fiche signalétique de ceux-ci. Il s’agit d’indiquer précisément les
caractéristiques de chaque firme (métiers, activités, zones d’influence géographique,
chiffres clés, avantages concurrentiels) et de leur stratégie à venir (voies et modes de
développement, stratégies concurrentielles, projets en cours).
L’objectif est ici de recueillir le maximum d’informations pour cerner la situation
actuelle et prévisible des concurrents, afin de mettre en place les processus
d’amélioration qui permettront à l’entreprise de rester dans la course et d’envisager une
meilleure position sur ses marchés.

Fiche signalétique de la concurrence

Caractéristiques distinctives Stratégie prévisible

Principaux Métiers Chiffres Accords Avantages Voies de Modes et


concurrents Activités clés (CA, Coopération distinctifs développement moyens de
R & D, marge Joint- (diversification, développement
Zones intégration, (ressources
d’influence opérationnelle, venture spécialisation, internes,
effectifs)
internationalisation) F & A,
alliances)

C1

C2

C3

C4
C5

Les capacités d’adaptation et d’évolution des concurrents

En matière d’analyse concurrentielle, il peut également être intéressant d’évaluer les


capacités d’adaptation et d’évolution des concurrents en matière de stratégies
d’entreprise, d’actions et de réactions face aux événements susceptibles de se produire
dans l’environnement ou le secteur étudié. Parmi les domaines sur lesquels il convient
de porter une attention particulière, on peut noter :
la capacité à modifier la donne du secteur : stratégie de rupture, politique
d’innovation, manœuvres offensives, stratégies d’alliance… ;
la capacité à résister aux pressions et menaces de l’environnement : puissance
financière, faible dispersion du capital, dispositifs de protection anti-OPA,
portefeuille d’activités équilibré, soutien des actionnaires, forte culture
d’entreprise, équipe de direction soudée, réputation, notoriété, image… ;
la capacité à réagir rapidement à une menace imminente : liquidités disponibles
immédiatement, fortes capacités d’emprunts, existence de nouveaux produits prêts
à être commercialisés, flexibilité organisationnelle, mise à disposition de
ressources non utilisées… ;
la capacité à initier un mouvement stratégique offensif : situation financière de
l’entreprise, structure du capital, position concurrentielle, taille de l’entreprise,
vision des dirigeants, objectifs prioritaires, qualités du management,
caractéristiques culturelles… ;
la capacité à croître : ressources financières, humaines, organisationnelles,
technologiques ; capacités organisationnelles, moyens de production, supports
juridique et administratif, taux de croissance des activités.

L’essentiel
►► Un diagnostic d’entreprise demande, au-delà d’une analyse externe, l’étude détaillée
des forces et faiblesses de la firme par domaine d’activité, afin de mieux apprécier sa position
concurrentielle sur ses marchés.
►► Pour ce faire, l’analyse systématique des sources d’avantages concurrentiels et de ses
principales fonctions doit contribuer à formuler des politiques fonctionnelles et une
structure organisationnelle adaptées aux stratégies définies, notamment en ce qui concerne la
capacité de l’entreprise à faire évoluer son mode d’organisation et à mobiliser des ressources en
fonction du contexte et des situations rencontrées.
Notes
1. J.C. Pacitto est maître de conférences à l’institut de Recherche en Gestion et
chercheur associé à l’INRPME (Université des Trois Rivières – Québec). Il est l’auteur
de nombreux travaux sur les spécificités de la PME.
2. Vient du mot anglais « capability » !
3. Marchesnay, M. (2002), Pour une approche entrepreneuriale de la dynamique
ressources-compétences, essai de praéxologie, Éditions de l’Adreg.
Chapitre 10

Analyser la cohérence d’un


portefeuille d’activité

Executive summary
►► Dans le cadre d’un diagnostic stratégique, plusieurs outils ou matrices d’analyse peuvent
être utilisés en vue d’analyser la rentabilité et la cohérence du portefeuille d’activités de l’entreprise,
comme la matrice du BCG, la matrice McKinsey, la matrice General Electric ou encore la matrice
AD Little.
►► Pour pouvoir faire des choix pertinents (investissements, désinvestissements,
redéploiement), il importe d’analyser la cohérence du portefeuille d’activités de l’entreprise.
►► Ce travail d’analyse doit ainsi permettre d’étudier les liens entre portefeuille d’activités et
création de valeur, et d’évaluer les synergies entre segments stratégiques.

Analyser la cohérence d’un portefeuille d’activités est particulièrement utile pour les
entreprises diversifiées. Une telle analyse permet de s’assurer qu’elles possèdent
suffisamment de couples produits/marchés rentables pour financer de nouvelles
activités. Elle a par conséquent comme objectif de trouver une solution équilibrée entre
rentabilité, risque et croissance, quitte pour cela à abandonner certaines activités.
Pour définir la stratégie de portefeuille d’un groupe, on a souvent recours à des
matrices créées par des cabinets de consultants : BCG, Mc Kinsey (McK) et Arthur Dee
Little (ADL). La finalité des matrices est de représenter de façon synthétique un
ensemble d’activités et de les évaluer en termes d’intérêts stratégiques pour la firme.
Elles ont toutes en commun de décomposer l’entreprise en segments stratégiques ou
DAS (ce que les Anglo-Saxons appellent les business units). L’objectif de ces matrices
est de procéder à des logiques d’arbitrage entre les DAS (stratégie d’allocation de
ressources), en vue d’harmoniser son portefeuille d’activités : de manière générale, il
s’agit de faire en sorte de dégager suffisamment de ressources dans des activités où
l’entreprise est déjà bien positionnée pour aider au développement de nouvelles
activités qui ont besoin d’être financées (notamment en recherche et développement).
La matrice résulte de diagnostics interne et externe :
l’analyse des forces et faiblesses de l’entreprise sur les FCS du domaine étudié
donne la position concurrentielle de l’entreprise (faible ou élevée) sur le DAS ;
l’analyse des opportunités et menaces de l’environnement ainsi que sa valeur donne
un attrait faible ou élevé du DAS.
Les matrices croisent par conséquent les deux dimensions suivantes :
l’attrait des différentes activités ;
la position concurrentielle de l’entreprise par activité.
Les différences entre les matrices proposées tiennent à la façon d’évaluer ces deux
dimensions. Elles ont en revanche le même objectif, à savoir permettre une allocation
optimale de ressources entre les DAS pour acquérir une meilleure position
concurrentielle globale. Si ces matrices sont rarement appliquées en l’état, en raison du
caractère réducteur des critères mobilisés, la démarche se révèle bien utile, dans la
mesure où elle permet de s’interroger sur les domaines d’activités qu’il convient de
maintenir (sans investissement supplémentaire), de développer ou au contraire
d’abandonner.
On considère qu’il y a « dilemme » lorsque l’entreprise a une position
concurrentielle défavorable (pas d’avantages significatifs) au sein d’un DAS à fort
attrait stratégique (ex : secteur porteur ou d’avenir).

La matrice du BCG
Le Boston Consulting Group structure sa matrice d’analyse stratégique à partir des taux
de croissance des segments stratégiques (une croissance élevée implique des liquidités
importantes, et inversement) et des parts de marché relatives de l’entreprise sur chacun
des segments (une part de marché élevée permet de dégager des ressources financières
importantes et inversement). Cette méthode d’analyse, la plus ancienne, accorde donc
une place importante à la dimension financière, en établissant un lien entre d’une part,
les parts de marché et les surplus de liquidités, et d’autre part entre les taux croissance
et les besoins de liquidités.

Tableau 10.1 – La Matrice BCG

Part de marché

Forte Faible

Produits « Vedettes » Produits « Dilemme »


Forte
Maintenir la position dominante Investir, segmenter ou abandonner
Croissance
du marché Faible Produits « Vaches à lait » Produits « Poids morts »
Rentabiliser Abandonner ou maintenir
sans investissements

Lorsque le taux de croissance de l’activité est faible et sa position sur le marché


est forte, l’entreprise a peu de besoin de liquidités pour soutenir la croissance et va en
même temps pouvoir réaliser des liquidités importantes (compte tenu de sa part de
marché). L’entreprise est donc dans une situation très favorable. Il y a peu
d’investissements complémentaires à faire. L’entreprise va donc avoir tendance à
maintenir sa position sur le marché (vache à lait).
Lorsque le taux de croissance de l’activité est élevé et sa position sur le marché
est forte, l’entreprise a fortement besoin de liquidités pour soutenir cette croissance.
Les investissements à réaliser peuvent être néanmoins compensés par la réalisation de
liquidités importantes liées à l’obtention de PM élevée. L’entreprise va donc avoir
tendance à renforcer sa position sur le marché afin de trouver un juste équilibre entre le
besoin de liquidités et la réalisation de liquidités (vedette).
Lorsque le taux de croissance de l’activité est élevé et sa position sur le marché
est faible, l’entreprise a fortement besoin de liquidités pour soutenir la croissance de
son activité. Les investissements à réaliser ne peuvent pas être compensés par la
réalisation de liquidités importantes (en raison de PM faibles). L’entreprise se trouve
par conséquent face à un dilemme. Soit elle se retire de l’activité compte tenu de
l’importance des investissements à réaliser, soit elle choisit de rester au sein du
domaine d’activité mais en se focalisant sur un segment particulier du marché pour
éviter des besoins trop importants en termes de liquidités (dilemme).
Lorsque le taux de croissance de l’activité est faible et sa position sur le marché
est faible, l’entreprise n’a pas intérêt à rester sur un domaine d’activité qui se trouve en
situation de déclin. Elle va donc généralement choisir d’abandonner l’activité (poids
mort).
Pour le cabinet BCG, l’entreprise compétitive est celle qui réussit à obtenir une
baisse des coûts unitaires par une accumulation d’expérience dans la fabrication des
produits. C’est ce que l’on nomme généralement la « courbe d’expérience ». Selon
Porter (1982), la baisse des coûts due à l’expérience semble la plus importante dans les
secteurs à forte main-d’œuvre qui exigent des tâches compliquées ou des opérations
complexes d’assemblage.
Il est à noter que l’approche proposée par le cabinet BCG peut être réalisée à
d’autres moments. L’évolution idéale consiste à ce que les activités dilemmes
deviennent des vedettes et, dans une seconde étape, la croissance se ralentissant, des
vaches à lait. En revanche, la trajectoire est jugée inquiétante lorsqu’une activité
initialement vedette, du fait d’erreurs de gestion, devient un poids mort.
La matrice BCG présente l’avantage de la simplicité, de la clarté et de la faisabilité.
Elle permet d’avoir une représentation globale de la position stratégique de
l’entreprise. Elle intègre deux dimensions essentielles de la stratégie et de la gestion de
l’entreprise, la finance et le marketing.
La matrice BCG est donc un outil pédagogique qui contribue à sensibiliser les
entreprises sur l’importance des études de positionnement concurrentiel. En revanche,
elle présente plusieurs limites. Elle réduit les problématiques stratégiques à deux
dimensions mesurées par des indicateurs strictement quantitatifs. De plus, elle
s’applique lorsque le coût constitue le seul avantage concurrentiel du secteur. En effet,
cette matrice repose essentiellement sur le principe de l’effet d’expérience qui permet
de diminuer le coût unitaire d’un produit d’un pourcentage constant à chaque
doublement de l’expérience, c’est-à-dire chaque fois que sa production cumulée a
doublé.
Des réserves peuvent donc apparaître dès que l’activité de l’entreprise est réalisée
en dehors des secteurs de la production. L’analyse du positionnement concurrentiel de
l’entreprise exprimé en part relative de marché est une autre limite. En effet, ce critère
n’introduit aucune anticipation sur l’évolution future de l’activité et présente surtout la
position actuelle de l’entreprise dans un environnement supposé stable (poids de
l’expérience).
La matrice BCG occulte de ce fait tous changements pouvant modifier ou créer une
rupture avec l’existant (innovation/saut technologique) et ainsi bouleverser les positions
au sein du secteur.

La matrice de McKinsey ou matrice General Electric


Le cabinet McKinsey est très actif en France auprès des grosses PME. Il s’est intéressé
à l’analyse du portefeuille d’activités de l’entreprise. Ce modèle prend en compte deux
dimensions : l’attractivité du secteur et la position concurrentielle de l’entreprise sur un
DAS. Pour définir ces deux dimensions, la matrice McKinsey utilise un modèle
qualitatif. Elle substitue à la logique de critères uniques adaptés à chacun des axes, un
ensemble de critères spécifiques correspondant aux situations en entreprises observées
(détermination d’axes de type multicritères intégrant des appréciations subjectives) :
La position concurrentielle mesure la force relative de l’entreprise en termes de
maîtrise des facteurs clés de succès du DAS. Elle repose sur plusieurs critères : la
qualité de l’outil de production, l’intégration amont-aval de la production, la
couverture géographique, l’image externe, la qualité de la distribution, la qualité
du service R & D, la structure de financement, la qualité de la gamme de
production.
L’attrait de l’activité mesure tout à la fois la valeur intrinsèque de l’activité
(activité en croissance rapide), et une valeur « extrinsèque » relative qui donne un
point de vue original de l’entreprise, en y apportant une tonalité subjective (intérêt
que l’activité représente pour une entreprise donnée). L’attrait de l’activité peut
ainsi être apprécié par plusieurs critères : le taux de croissance futur du DAS, le
niveau de prix, les risques de substitution des produits, la stabilité technologique
des process, le potentiel de gains de productivité, les barrières à l’entrée, la taille
du segment, la saisonnalité du marché, le degré de fidélisation des clients, la
fixation des prix. On peut également citer comme critères d’appréciation les
facteurs économiques, technologiques, politiques, sociaux et industriels.

Tableau 10.2 – La matrice McKinsey

L’attrait de l’activité

Forte Moyenne Faible

Maintenir la position Maintenir la position, Rentabiliser


Forte coûte que coûte suivre le développement l’investissement
(vache à lait)

Position Accroître les efforts, Rentabiliser avec Retraite sélective


concurrentielle Moyenne risque prudence
de marginalisation

Doubler la mise Retraite progressive et Poids morts


Faible ou abandonner sélective Désinvestissement

Les critères retenus pour chacun des deux axes peuvent donc être différents selon les
entreprises et modifiés dans le temps en fonction des évolutions de l’environnement et
de l’entreprise. D’où une vision dynamique de l’analyse stratégique.
Pour chaque segment stratégique, il existe trois principaux choix :
se maintenir en rentabilisant dans les zones moyennes ;
se développer dans les zones fortes ;
se retirer dans les zones faibles (logique de retrait).
La matrice McKinsey préconise une stratégie pour chacun des DAS identifiés,
répartis en 9 segments stratégiques. Elle présente l’avantage par rapport à la matrice
BCG d’être plus réaliste, de prendre en compte l’intérêt stratégique de la firme, et
notamment un ensemble important de variables qualitatives (culturelles,
organisationnelles, identitaires…) et donne un aperçu des synergies possibles entre
activités.
En revanche, elle s’appuie sur une méthode assez complexe à mettre en œuvre. De
plus, on peut souligner le risque de subjectivité lors de la sélection des critères, des
pondérations et de la notation. Il y a par conséquent un risque, si on n’y prend pas
garde, de validité au niveau des décisions.

La matrice AD Little
La matrice AD Little s’appuie sur deux principales dimensions :
La position concurrentielle de l’entreprise. Elle mesure la force relative de la firme
par rapport aux concurrents sur les principaux facteurs clés de succès de l’activité
analysée. La position concurrentielle est classée de dominante à marginale (les
évaluations intermédiaires étant fortes, favorables et défendables). Cette
évaluation repose sur deux principaux critères : les atouts de l’entreprise par
rapport à la concurrence (avantages significatifs et distinctifs) et la capacité de la
firme à maintenir durablement sa position (avantages durables).
Le degré de maturité de l’activité. Il est fondé sur les quatre phases du cycle de vie :
démarrage, croissance, maturité et déclin. Les indicateurs permettant d’apprécier
la maturité d’un secteur sont : le taux de croissance, le potentiel de croissance, la
gamme de produits, le nombre de concurrents, la distribution des parts de marché,
leur stabilité, la fidélité de la clientèle, la facilité d’accès au secteur et l’évolution
technologique.
Cette dimension permet de donner une indication sur le niveau de risque sectoriel
(critères : réglementation nouvelle, innovations technologiques, éclatement des
marchés) et ses conséquences sur le développement de l’activité (variations,
ruptures…). Cet axe établit ainsi un lien entre le cycle de vie des activités et les
liquidités générées, le besoin d’investissement et la rentabilité attendue.
Figure 10.1 – La matrice AD Little

Les recommandations stratégiques issues de l’analyse d’Arthur D. Little peuvent être


représentées sous la forme d’un graphique reprenant les deux axes pris en considération
par le modèle.

Figure 10.2 – La maturité du secteur

La matrice AD Little facilite l’établissement d’un lien étroit entre situation


stratégique et situation financière. On identifie alors 4 cas susceptibles d’éclairer la
prise de décision stratégique au regard des équilibres financiers. La matrice AD Little
préconise une stratégie pour chacun des segments stratégiques identifiés, répartis en 20
segments. Pour chaque segment, il existe trois principaux choix :
développement naturel ;
développement sélectif ;
retournement ou abandon.
L’analyse du modèle permet d’identifier ainsi quatre choix stratégiques : le
développement naturel (qui se traduit par la nécessité pour l’entreprise de suivre le
développement du marché), le développement sélectif (qui incite l’entreprise à se
focaliser sur sa gamme de production la plus compétitive), la réorientation des
activités (qui s’appuie sur les compétences détenues par l’entreprise) et l’abandon pur
et simple des activités. Il s’agit donc d’une matrice présentant une analyse stratégique
très développée, avec la prise en compte du cycle de vie des activités et l’étude des
différentes situations possibles.
Ce modèle a comme intérêt d’interpréter les conséquences de la position
concurrentielle d’une entreprise selon un arbitrage risque/rentabilité/croissance. Au
niveau de l’étude de la position concurrentielle, la matrice fait naturellement référence
à l’avantage coût (longuement développé par la matrice BCG), mais également à
d’autres avantages tels que le progrès technologique, la qualité ou la notoriété. La
matrice AD Little a ainsi le souci d’intégrer la dimension technologique à la stratégie
marketing de l’entreprise, en analysant l’impact des changements technologiques sur le
positionnement stratégique des activités.
Naturellement, il s’agit d’une méthode complexe à mettre en œuvre en raison de la
variété des situations analysées. Il y a également une subjectivité prononcée lors de la
sélection des critères, de la pondération et de la notation.

CE QUE L’ON DOIT RETENIR

Au-delà du caractère mécanique et simplificateur de ces outils d’analyse, la principale


critique à prendre en compte concerne la focalisation de ces matrices sur la notion de
diversification des activités et la faible prise en compte des moyens et possibilités d’actions
de l’entreprise.
Il serait néanmoins une erreur, sous prétexte que ces matrices d’analyse présentent des
limites indéniables (comme toute construction pratique) de les négliger dans une réflexion
stratégique. En effet, c’est davantage la manière d’utiliser ces matrices qui peut poser un
problème que le caractère subjectif et parfois réducteur de ces outils. On ne doit pas, il est
vrai, considérer ces matrices comme des outils de décision consistant à analyser, prévoir
et anticiper la situation stratégique de l’entreprise : elles n’ont pas comme fonction première
de dire quelles activités il convient de choisir ou de garder. Ceci relève avant tout du
décideur qui doit garder la maîtrise et le contrôle des décisions.
Il s’agit donc d’avoir le recul suffisant pour les considérer simplement comme des aides à la
réflexion (parmi d’autres) qui permettent à un moment donné de mieux formaliser les
perspectives de développement de l’entreprise, à travers un portefeuille d’activités équilibré
où risque, opportunité de croissance et allocation de ressources sont harmonieusement
dosés.
Car ces matrices peuvent potentiellement constituer des sources d’enseignement utiles
pour un décideur averti. Tout d’abord, elles nous montrent que les activités évoluent dans le
temps et qu’elles ne dégagent pas le même niveau de ressources et ne présentent pas le
même degré de risques. En effet, l’ensemble des activités de l’entreprise n’a pas
nécessairement le même attrait et demande par conséquent des stratégies d’allocation de
ressources spécifiques. L’entreprise, forte de ces résultats, a donc la possibilité
d’encourager certaines activités d’avenir en puisant sur les ressources dégagées dans des
activités plus matures. Les positions obtenues au niveau de chaque DAS peuvent de même
conduire l’entreprise à céder certaines activités sur lesquelles elle n’a aucune chance de se
développer ou d’acquérir un surplus de ressources. Enfin, elles nous invitent à veiller en
permanence à arbitrer entre court et long terme, entre acquisition de ressources et
perspectives de croissance.
Plus que l’utilisation même de ces matrices, ce sont donc les idées clés à la base du
développement de ces outils qu’il s’agit de retenir et de valoriser dans le cadre d’une
réflexion stratégique.

Tableau 10.3 – Tableau de synthèse sur les avantages et inconvénients


des matrices BCG, McKinsey et AD Little.

BCG1 McKinsey AD Little

Avantages et Simplicité, clarté, Multi-dimentionnalité de Richesse de l’analyse


intérêt des opérationnalité la réflexion, sur le plan
modèles Forte implication des
Support théorique solide interne et externe dirigeants
Aide à la décision Implication Souplesse dans l’analyse
intégrée (marketing et et engagement
des responsables Diversité des situations
finance) concurrentielles observées
Prise en compte des
effets de synergies Aspect dynamique lié à
l’utilisation du cycle de vie
Intégration des compétences
marketing/finance/technologie

Limites Approche réductrice liée Complexité technique Très complexe


des modèles au nombre limité de et illusion pseudo- Difficultés pour déterminer
dimensions utilisées (2) scientifique (évaluations, les différentes phases de
Illusion de précision notes, pondération) cycle de vie
Limites d’application de Absence théorique et Subjectivité prononcée
la courbe d’expérience expérimentale
Peu applicable
Non prise en compte Approche subjective
des économies Démarche peu
d’envergure opératoire et trop
Focalisation réflexive
sur le principal

Le portefeuille d’activités et la création de valeur


Les matrices précédentes permettent de positionner les différents segments stratégiques
d’une entreprise en fonction de l’attractivité des secteurs et du positionnement
concurrentiel des firmes. La matrice développée par le cabinet Marakon Associates
vise à proposer une analyse du portefeuille d’activités en fonction de la capacité de
création de valeur de chacune d’elle. Elle distingue les activités selon leur capacité à
créer (ou détruire) de la valeur et selon leur aptitude à gagner (ou perdre) des parts de
marché. La matrice proposée ci-dessous est donc riche d’enseignements et permet un
véritable pilotage opérationnel du portefeuille d’activités de l’entreprise.
La construction de cette matrice repose sur :
le taux de croissance de l’activité et sa comparaison avec le taux de croissance du
secteur dans son ensemble ;
la rentabilité économique de l’activité et sa comparaison avec le coût du capital
requis par les actionnaires.

Figure 10.3 – La matrice de création de valeur

La comparaison de la rentabilité économique avec le coût du capital indique si


l’activité crée ou détruit de la valeur. Comme nous l’avons déjà dit, la création de
valeur se définit conceptuellement comme la différence entre la rentabilité économique
observée et la rentabilité espérée des actionnaires, soit le coût du capital. Une
entreprise dont la rentabilité économique dépasse son coût du capital crée de la valeur
(au-dessus de la ligne horizontale en pointillé). Si la rentabilité économique égale le
coût du capital, il y a conservation de la valeur. En dessous, il y a destruction de valeur.
Il faut noter que le fait que l’entreprise maintienne sa valeur ne signifie pas qu’elle ne
soit pas rentable mais au contraire que la rentabilité observée correspond à la juste
rémunération du risque pris par les actionnaires. À long terme, la rentabilité
économique de toute entreprise viable devrait converger vers son coût du capital.
L’axe des abscisses repère le taux de croissance de l’activité. Si ce taux est
supérieur au taux de croissance du secteur, cela signifie que l’entreprise dans cette
activité gagne des parts de marché. À l’inverse, si le taux de croissance de l’activité est
inférieur au taux de croissance du secteur, cela signifie que cette dernière perd des parts
de marché.
Cette matrice permet par ailleurs d’introduire une « troisième » dimension,
l’utilisation nette ou la création de ressource. Cette dimension est mesurée par la
bissectrice qui permet de comparer la rentabilité économique de l’activité et son taux
de croissance. Lorsque la croissance est supérieure à la rentabilité économique, cela
signifie que l’activité de l’entreprise ne secrète pas assez de ressources pour
autofinancer son développement (elle consomme plus de ressources qu’elle n’en
génère). À l’inverse, si la rentabilité économique est supérieure au taux de croissance
de l’activité, alors l’entreprise crée de la ressource nette.
Cette matrice permet ainsi d’analyser la création de valeur, la conquête de parts de
marché et la création/consommation nette de ressources. Il s’agit d’une matrice très
utile pour analyser chaque activité. Moins stratégique que les matrices précédentes,
cette dernière peut toutefois s’avérer fort utile pour valider tel ou tel choix de
désengagement ou au contraire de consolidation.

L’évaluation des synergies entre segments stratégiques


Les matrices stratégiques évaluent la position concurrentielle d’un DAS et visent à
évaluer l’équilibre global du portefeuille d’activité et à apporter des réponses en terme
de consolidation, de développement ou de retrait. Si ces outils peuvent s’avérer utiles
dans bien des situations, ils présentent l’inconvénient majeur de ne pas prendre en
compte les interactions entre les différents DAS et en particulier les synergies entre les
différentes activités (décisions d’interconnexions stratégiques).
Parmi les synergies potentielles entre deux DAS, on peut distinguer :
les synergies de coûts liées au partage de ressources non spécifiques ;
les synergies de développement liées à la complémentarité de ressources
spécifiques2, comme par exemple le transfert de savoir faire entre DAS ou des
effets de gamme et d’image créateurs de richesse pour la firme.
Au niveau des synergies de coûts, on peut recenser comme interconnexions
possibles :
des interconnexions de capitaux : collecte de capitaux, utilisation réciproque de
trésorerie…
des interconnexions de structure : comptabilité, services juridiques, outils
informatiques, gestion du personnel, gestion des achats…
des interconnexions technologiques : recherche, développement de process ou
produits en commun, partage des coûts de financement, coopérations…
des interconnexions dans la production : logistique interne, fabrication en commun,
installations et localisations…
des interconnexions commerciales : publicité, relations presse, traitement groupé
des commandes, force de vente, transport, stockage, service après vente…
Au niveau des synergies de développement, on peut citer par exemple la gestion des
relations avec les pouvoirs publics, le transfert de nouvelles compétences, la
complémentarité de gamme ou encore la mise à disposition d’un réseau de vente ou de
distribution particulier.
Dans le cadre de relations possibles entre activités, il convient dans un premier
temps d’apprécier le gain attendu en matière de synergies avec les coûts de
l’interconnexion, afin de voir si cette décision peut s’avérer profitable pour
l’entreprise. Il importe également, avant de prendre ce type de décision, de bien
diagnostiquer les relations entre les activités. En particulier, il s’agit d’estimer, pour
les ressources partagées non spécifiques – services généraux, services administratifs,
infrastructures… – les ressources partagées qui demeureront inchangées et celles qui au
contraire pourront être réduites dans le cadre des interconnexions. Pour les ressources
complémentaires spécifiques, l’analyse devra essentiellement porter sur un ajustement
du niveau des ressources allouées mais surtout sur les risques de pertes croisées. Par
exemple, pour un réseau commercial, il faudra non seulement estimer les pertes liées à
l’abandon de la gestion autonome de l’activité (perte de réactivité) mais aussi celles
engendrées sur le développement d’autres activités (arrêt de ventes croisées ou en bloc,
perte d’avantage concurrentiel, perte de clients communs).

L’essentiel
►► Analyser la cohérence d’un portefeuille d’activités est particulièrement utile pour les
entreprises diversifiées. Ceci permet à l’entreprise de s’assurer qu’elle possède suffisamment de
couples produits/marchés rentables pour financer de nouvelles activités. L’analyse a par
conséquent comme objectif de trouver une solution équilibrée entre rentabilité, risque et croissance,
quitte pour cela à abandonner certaines activités.
►► Les matrices d’activités généralement utilisées résultent bien souvent d’analyses
internes et externes. Il s’agit à la fois d’analyser les forces et faiblesses de l’entreprise sur les
FCS du domaine étudié et les opportunités-menaces de l’environnement. Les matrices croisent par
conséquent deux dimensions : l’attrait des différentes activités et la position concurrentielle de
l’entreprise par activité.
►► Les différences entre les matrices tiennent à la façon d’évaluer ces deux dimensions.
Elles ont en revanche le même objectif, à savoir permettre une allocation optimale de ressources
entre les DAS pour acquérir une meilleure position concurrentielle globale. Si ces matrices sont
rarement appliquées en l’état, la démarche se révèle bien utile, dans la mesure où ceci permet de
s’interroger sur les domaines d’activités qu’il convient de maintenir sans investissement
supplémentaire, de développer ou au contraire d’abandonner.
Notes
1. Adapté de Allouche et Schmidt (1995).
2. Voir O. Meier et G. Schier, Fusions-Acquisitions : Stratégie, Finance,
Management, Dunod, 2016.
Chapitre 11

Construire un business model autour


de propositions de valeur fortes

Executive summary
►► Dans un diagnostic stratégique, la notion de business model est primordiale, dans la
mesure où elle permet de mieux saisir la cohérence et la viabilité stratégique du projet, en étudiant
ses perspectives de croissance et sa structure de coûts.
►► Pour ce faire, il convient de s’interroger sur les propositions de valeur, les avantages
durables et non imitables possibles, ainsi que sur le mode d’organisation et de relation entre les
différents acteurs.
►► Le business model est donc une aide précieuse en termes d’opérationnalisation de la
stratégie, en permettant de mieux rendre compte de la gestion des flux envisagés et des
perspectives en termes de création de valeur.

Une fois les étapes du diagnostic effectuées, il est dès lors possible de construire un
business model à partir de la stratégie retenue, pour voir de quelle manière
l’organisation et ses ressources peuvent traduire de façon opérationnelle les
propositions de valeur de l’entreprise.
La notion de business model est de plus en plus utilisée par les entreprises pour
expliciter leur activité économique. Elle leur permet de rassurer les actionnaires et
investisseurs sur la viabilité et la rentabilité de cette activité. C’est notamment le cas
pour les sociétés en voie de création désireuses de promouvoir leur activité auprès
d’investisseurs avant même de pouvoir générer des revenus.
Il s’agit ici de mettre en cohérence les orientations retenues (positionnement,
avantages concurrentiels, contraintes, opportunités) avec la réalité opérationnelle et
organisationnelle de l’entreprise. Valeur, Imitation et Périmètre constituent en effet ce
qu’il est convenu d’appeler le VIP de la stratégie. Toute décision qui entre dans ce
triangle d’or peut être considérée comme le cœur stratégique de la firme. Une stratégie
efficace et réaliste consiste ainsi à répondre à trois principales questions :
Quelle valeur spécifique proposer à ses clients ?
Quels sont les avantages concurrentiels qui permettent de disposer d’atouts distinctifs
par rapport aux concurrents ?
Quel est le dimensionnement et l’articulation des ressources nécessaires pour mener
à bien le positionnement souhaité, de façon cohérente et efficiente ?
Pour répondre à ces trois questions, on peut mobiliser tout un ensemble d’outils et de
concepts. Ces grilles d’analyse, ces schémas et ces matrices doivent servir à expliciter
les ambitions de l’entreprise de façon compréhensible par des investisseurs.

Quelle valeur proposée ?


Le premier enjeu de toute organisation consiste à apprécier quelle est la valeur marché
qu’elle entend proposer à ses clients et les raisons pour lesquelles ces derniers
l’accepteront. Ceci pose la question de la valeur de l’offre proposée, de la cible
choisie et des éléments de différenciation avec la concurrence. Proposer une valeur
spécifique, c’est donc répondre à trois principales questions : Quelle est mon offre ?
Quelle est ma cible ? Comment atteindre une performance supérieure à celle de mes
concurrents ?
De ce fait, la stratégie doit avoir comme finalité de dégager durablement un profit qui
permettra de financer la croissance de l’entreprise, de lancer des offres nouvelles et de
rémunérer les parties prenantes (partenaires, actionnaires, banquiers, fournisseurs…).
Or, la génération de profit implique que les clients valorisent l’offre proposée au-
delà de ce qu’elle coûte.
La stratégie consiste à créer dans l’esprit du client une valeur qui prenne en compte
le coût associé à l’offre, complété d’une marge bénéficiaire (grâce, par exemple, à
l’originalité et à la qualité de son offre, à son image et à son réseau de partenaires).

Quels avantages concurrentiels ?


La proposition de valeur accordée aux clients se doit d’être difficilement imitable et
conserver un caractère spécifique et inédit. Elle doit, à travers un ensemble spécifique
de produits/services, de systèmes (logistique, distribution, méthodes, outils, bases de
données…) ou de compétences (expertises, connaissances), répondre au problème du
client, à son besoin, avec des avantages perçus (praticité, efficacité, simplicité,
économie de coûts), en le rendant attractif. Il ne suffit donc pas de définir un bon
système de création de valeur. La valeur proposée doit éviter d’être facilement imitable
au risque de voir d’autres entreprises la copier.
En effet, la dotation en ressources et compétences doit nécessairement être difficile à
imiter, si l’on veut réellement consolider sa position sur les marchés. Si la concurrence
est capable de dupliquer aisément les ressources et compétences de l’entreprise, leur
avantage restera éphémère. Ceci explique pourquoi l’approche par les ressources donne
un poids déterminant à la notion d’imitation. On la retrouve notamment chez Peteraf
(1993) avec le concept de « mobilité imparfaite des ressources » et chez Grant (1991).
Barney (2006) fait même de la difficulté d’imitation un des piliers de ses modèles
successifs d’identification de ressources uniques et de compétences distinctives. C’est
donc la difficulté d’imitation qui sous-tend l’intérêt stratégique d’une ressource ou
d’une compétence.
Plusieurs facteurs peuvent rendre difficile l’imitation :
des conditions historiques particulières (situations, événements, circonstances) ;
le capital réputation de l’actif (image, notoriété, relation de proximité avec la
clientèle, confiance des partenaires) ;
l’aspect tacite de l’actif (absence de codification ou de règles formelles) ;
la complexité technique des ressources mobilisées (nombre de composants,
interactions entre les différents éléments dans le fonctionnement ou la création de
l’actif) ;
la spécificité de l’actif due au phénomène d’apprentissage dans des métiers
particuliers ou des équipes spécialisées, mais également aux conditions
particulières d’organisation et de production (localisation, modes d’équipements,
organisation logistique) ;
les coûts en termes de production, fabrication, distribution et logistique ;
le temps nécessaire pour créer l’actif ;
le contexte social et culturel (environnement favorable, dépendance à l’égard de
certains acteurs de l’organisation) ;
l’existence de brevets (protection juridique des actifs) ;
le refus des concurrents de supporter le coût de disparition de leur propre avantage
concurrentiel (changement de modèle économique, dilution de l’image,
modification de la culture organisationnelle, évolution des pratiques).
Il est donc indispensable que la stratégie de création de valeur retenue par
l’entreprise soit protégée de l’imitation. La société doit détenir un avantage
concurrentiel distinctif pour lui permettre d’ériger des barrières à l’entrée, d’attirer et
de fidéliser des clients ou encore de détenir des ressources spécifiques. La meilleure
stratégie consiste ici à proposer une valeur qui soit à la fois attractive pour les clients et
répulsive pour les concurrents.
Dans tous les cas, la stratégie consiste soit à faire quelque chose de différent de ce
que font les concurrents, soit à faire différemment la même chose qu’eux. Ainsi, une fois
la pertinence des ressources validée, il convient de séparer les ressources banalisées
de celles détenues par un petit nombre de concurrents. Selon cette logique, plus la
ressource est rare, plus elle sera considérée comme stratégique.
Mais ce qui importe avant tout, c’est de rechercher des ressources dont le contexte
d’utilisation et les spécificités techniques les rendent difficilement imitables. L’objectif
est ici de déterminer le caractère réel de l’avantage procuré par les ressources. Ainsi,
plus les ressources sont intangibles, ou plus les compétences sont tacites (absence de
codification/formalisation), moins elles sont visibles et donc imitables. La possibilité
de reproduction de la compétence dépend également du temps nécessaire à sa
constitution.
Une bonne stratégie consiste ainsi à miser sur des compétences qui sont
contextualisées et parfois longues à forger et qui sont de ce fait protégées des risques
d’imitation. Dans un souci de protection, les dirigeants peuvent également veiller à la
question de la transférabilité des ressources et au degré de contrôle exercé par
l’entreprise. En effet, une ressource idiosyncratique (c’est-à-dire difficilement
redéployable dans un autre contexte) rend problématique son transfert vers une autre
entité.
Enfin, pour s’assurer du caractère durable des ressources mobilisées, il peut s’avérer
important, au-delà du caractère ou non imitable et/ou transférable de l’avantage
concurrentiel, que les ressources stratégiques sur lesquelles l’entreprise investit n’aient
pas de substitut.
Il y a en effet toujours un risque qu’un concurrent puisse neutraliser cette source
d’avantage concurrentiel, en développant une compétence de substitution. Dans le cas
contraire, les stratégies de rupture mobilisées par un concurrent peuvent avoir des
conséquences graves sur les ressources stratégiques d’une entreprise, en les rendant très
vite obsolètes ou inadaptées, grâce à une modification des règles du jeu concurrentiel
(introduction de nouvelles normes).

Quel business model ?


Une fois défini un système de création de valeur original et difficilement imitable, il
convient pour l’entreprise de l’organiser sur un périmètre d’activité et un mode de
gestion et d’organisation pertinents, en veillant à la bonne articulation et au bon
dimensionnement des ressources, en fonction du positionnement choisi.
Ceci revient à s’interroger sur les choix et priorités en matière d’investissement :
quels investissements et domaines investir pour créer la valeur attendue ? Quels
marchés viser en priorité et sur quelles zones géographiques ? Quelle est la structure de
coûts compatible avec ces choix stratégiques ?
Le business model peut donc se voir avant tout comme un outil visant à fédérer
l’ensemble des parties prenantes autour d’un projet d’entreprise lors de la phase de
démarrage ou à favoriser la mise en œuvre d’innovations pour une entreprise déjà en
place.
De manière générale, la stratégie consiste à définir ce que l’on ne fera pas et à se
concentrer sur les ressources clés. Le business model assure, quant à lui, le lien entre la
stratégie et les processus opérationnels. Si la stratégie consiste à faire des choix, le
business model revient à les traduire en termes de modèle économique et de système
d’organisation.
Un business model décrit par conséquent la logique économique et organisationnelle
de l’entreprise, la façon dont elle va opérer en terme de création de valeur et assurer le
développement de l’activité. C’est en quelque sorte une représentation du « système
entreprise », une modélisation de la façon dont elle va s’organiser pour créer et
distribuer la proposition de valeur envers les clients ciblés.
Le business model comprend donc la chaîne de valeur de l’entreprise et la
constellation de valeur, c’est-à-dire l’ensemble des acteurs (clients, fournisseurs,
partenaires, institutionnels, opinion publique) qui contribuent à faire exister la
proposition de valeur. Contrairement à la stratégie qui définit les grands principes et
orientations, le business model1 explicite l’origine de la rentabilité économique de
l’entreprise et les mécanismes de création de valeur, sources de revenus. Il explique
comment l’entreprise va créer cette valeur pour ses clients (qualité, innovation, design,
services, nouveaux usages) et générer des flux de revenus dans un contexte donné
(économique, législatif, sociétal, écologique…).
Le business model correspond donc au modèle économique de l’entreprise et vise à
mieux cerner la manière dont l’entreprise va créer de la valeur, tant sur le plan
commercial (offre + cible + différenciation), que structurel (moyens et ressources clés)
et financier (répartition de la valeur, structure des coûts des activités et des ressources,
logique d’économies possibles).
Le business model se positionne en aval de la réflexion stratégique. C’est un
concept/outil intermédiaire qui sert la stratégie, en permettant de rassurer les
investisseurs et autres parties prenantes. Il établit par conséquent un lien entre la
stratégie et le management des opérations. Il constitue un outil central autour duquel
articuler l’analyse stratégique.
Le business model s’avère un outil précieux lors d’un diagnostic stratégique.
L’analyse de ses différentes composantes offre une grille de lecture permettant
d’apprécier la cohérence interne des décisions passées. Les entreprises ont toutes
besoin d’un business model, qu’il soit formulé ou non. En effet, le succès d’une
stratégie ne dépend pas seulement de sa formulation mais aussi de son
opérationnalisation.

Cas d’entreprise

BlaBlaCar
BlaBlaCar a construit son modèle économique autour de l’économie du partage, en créant une
société de covoiturage fondée sur plusieurs piliers. Le premier d’entre eux concerne la
dynamique cumulative des effets de réseaux d’utilisateurs, pour acquérir une masse critique
(nombre d’inscrits) et devenir ainsi la plateforme incontournable du covoiturage en France : plus
un nombre d’individus ira d’un point A à un point B, plus il y aura de choix quant à l’horaire d’un
trajet et à la précision d’un lieu de départ et d’arrivée. Le deuxième pilier porte sur la valorisation
de l’expérience utilisateur, autour d’une logique « fun and serious » et « think it, use it » en vue
de proposer des services simples et efficaces pour ses clients. Cette stratégie a été très tôt
généralisée aux marchés étrangers, en prenant en compte, dès le lancement du service en
France, les besoins d’expansion futurs dans les autres pays. Quant au modèle de paiement, la
plateforme est payante et prélève environ 10 % de la commission sur le prix de chaque trajet
réservé en ligne. Le conducteur est rémunéré par virement, à l’issue du trajet, via un bon de
paiement remis par le passager.

De manière générale, un business model est bien plus large qu’un modèle de revenus.
On limite souvent le modèle économique au modèle de revenus, en y intégrant les
questions d’abonnement, de paiement à l’achat, de gratuité, de freemium, de low cost…
Ceci conduit à considérer l’innovation de modèle économique comme une nouvelle
façon de mettre un prix sur un produit ou un service. Le modèle économique est certes
un modèle de revenus, mais il est surtout une synchronisation entre ce modèle, la
proposition de valeur offerte aux clients et l’organisation mise en place pour y parvenir.
L’innovation va donc au-delà de la formulation du prix. À l’instar des innovations
réalisées par Dell, Zara ou EasyJet, leur succès a bien plus concerné la proposition de
valeur (choisir sa configuration, changer les habitudes en matière d’habillement,
voyager à bas prix) et l’organisation (localiser la production près des zones de
consommation, augmenter le nombre de rotations quotidiennes d’un avion, fabriquer à la
demande) que la définition et formulation de leur prix.

Cas d’entreprise

Dell
Dell a construit son succès en établissant une stratégie de rupture avec le modèle dominant de
l’industrie du matériel informatique. L’entreprise a en effet proposé à ses clients une nouvelle
valeur d’usage, qui a modifié la perception et les pratiques du marché. Alors que l’industrie des
ordinateurs était structurée autour d’une offre standardisée, Dell propose à ses clients de définir
eux-mêmes la configuration qu’ils souhaitent lorsqu’ils achètent le produit. Dell entend par
conséquent proposer une stratégie sur mesure autour d’une offre personnalisée et d’une relation
one to one. Cette stratégie suppose un changement radical du modèle de production, de
distribution et de vente. Elle implique notamment un changement de la séquence (production et
vente, désormais vente et production) au sein de la chaîne de valeur. Alors que la règle de
l’industrie est de vendre une fois qu’on a produit en masse, Dell vend d’abord et assemble
ensuite. Cette évolution a de nombreux avantages pour le système en place. En termes de
cash, elle permet une amélioration du BFR (Dell encaisse avant de mobiliser les ressources
d’assemblage) ; en termes de chiffre d’affaires, elle augmente les ventes par une meilleure
satisfaction des attentes. Enfin, en termes de coûts, elle permet une réduction sensible des
invendus. Cette approche conduit également à supprimer les intermédiaires, via un système de
distribution en direct. En effet, elle se fait via le site Internet qui est pour la première fois utilisé
comme un canal de vente spécifique. Les distributeurs traditionnels se retrouvent ainsi hors du
jeu. Cette distribution directe permet aussi à Dell de capter une valeur supplémentaire à celle de
ses concurrents, compte tenu de l’absence d’intermédiaires. Cette stratégie a également un
impact sur les usines d’assemblage, qui se retrouvent désormais près des points de
consommation, ce qui permet de raccourcir les délais de livraison.

L’essentiel
►► Construire un business model permet de visualiser de quelle façon l’organisation et ses
ressources peuvent transposer de manière opérationnelle les propositions concrètes de l’entreprise
en termes de création de valeur.
►► Le business model décrit la logique économique et organisationnelle de l’entreprise et
comprend par conséquent sa chaîne de valeur et les relations avec les différentes parties
prenantes. Ceci vise à apprécier les flux de revenus générés en fonction de la valeur créée et des
coûts induits par les différentes actions mises en place.
Notes
1. Le business model ne doit pas être confondu avec le business plan. Le business
model est la manière dont l’entreprise va générer son profit et va s’organiser pour y
parvenir (positionnement au sein de la chaîne de valeur, relations avec les différentes
parties prenantes). Le business plan intervient après l’élaboration du business model. Il
traduit le mode d’organisation et la démarche retenue à travers une série d’actions à
mettre en place et précise les perspectives financières (besoins financiers, retour sur
investissement) dans un horizon temporel bien défini (calendrier).
Partie 3

Diagnostic stratégique : cas Bic

Nous présentons dans cette troisième partie un cas d’application à travers l’étude de
l’entreprise BIC. Le cas proposé n’a pas comme ambition d’étudier la situation actuelle
et prospective de l’entreprise, qui connaîtra comme toute de nombreux changements et
évolutions.
Il vise, à travers une période donnée (utilisée comme base de travail), à analyser, avec
différents outils, les facteurs qui ont fait la réussite de cette entreprise depuis son
origine et les pistes d’orientation et d’actions qui se profilent à l’époque des faits. Le
cas présenté s’inscrit par conséquent dans une démarche délibérément pédagogique et
explicative.

Cas de l’entreprise Bic


M. Barabel et O. Meier
Ce cas s’appuie sur différentes sources d’informations (entretiens, avis d’experts,
rapports annuels, études de marché, site de l’entreprise, articles de presse et ouvrages
spécialisés). Il montre l’utilité des outils de diagnostic, en structurant les informations
de manière objective, en vue de porter un jugement critique sur une organisation.
Les recommandations proposées sont donc à resituer au regard du contexte de
l’époque. Ce cas doit par conséquent se voir sur un plan essentiellement pédagogique à
titre d’illustration et d’application. Il s’agit, à partir d’une situation d’entreprise
donnée, d’élaborer un diagnostic argumenté et des axes de solutions en accord avec
l’analyse effectuée au moment des faits.
Ce diagnostic stratégique est issu d’un travail de réflexion mené dans le cadre de nos
formations en Master 2 à l’Université Paris Dauphine, en relation avec plusieurs
spécialistes et experts d’institutions financières réputées (Lazard Frères Gestion, la
compagnie financière E. de Rothschild, Lyxor, Exane BNP Paribas notamment). Ces
derniers ont bien voulu donner leurs avis et remarques sur ce diagnostic d’entreprise.
Dans le cadre de ce travail, l’accent a été mis sur les avantages concurrentiels du
Groupe BIC et sur les potentialités de développement qui s’offraient à cette entreprise
au niveau de ces principales activités : la papeterie, les rasoirs et les briquets.

QUESTIONS CLÉS

Comment définir la politique corporate de l’entreprise en termes de missions, métiers et


systèmes d’organisation ?
Quel diagnostic stratégique peut-on faire au niveau de chacune des activités ?
Construire la chaîne de valeur de l’une des activités du Groupe.
Établir le portefeuille d’activités de l’entreprise, en utilisant plusieurs outils d’analyse.
Réaliser les principaux diagnostics fonctionnels (finance, marketing,
organisation, etc.).
Quels sont les facteurs clés associés à la réussite des activités Papeterie, Rasoirs et
Briquets ?
Quelles sont les actions qui peuvent être engagées pour poursuivre le développement de
l’entreprise ?
Rétrospectivement, comment expliquer l’échec commercial des parfums BIC ?
Chapitre 12

Présentation de l’entreprise Bic

Historique de l’entreprise
En 1945, Marcel Bich, ancien directeur de production d’une fabrique d’encre, reprend
avec Édouard Buffard une usine à Clichy pour fabriquer des pièces détachées de stylos
plume et de portemines et créée la société PPA (Porte-plumes, Portemines et
Accessoires). Pour développer l’entreprise, ils achètent à l’entreprise Biro – une
société britannique – la licence d’un stylo à bille. Malheureusement, le procédé n’est
pas au point. Marcel Bich, qui croit à l’énorme potentiel de ce produit, décide de le
rendre fiable et en 1950, sa société lance un stylo à bille qu’il baptise « Bic », une
version raccourcie et facilement mémorisable de son propre nom. Il s’agit de créer un
produit d’utilisation courante, de qualité, jetable et pratique, à un prix accessible pour
tous.
De 1956 à 1965, face au potentiel de la production de stylos à bille, Marcel Bich
part à la conquête du marché mondial (ouverture d’une filiale au Brésil, rachat de
Waterman Pen Company en Amérique du Nord, développement des activités en
Afrique, au Moyen Orient et au Japon). Il s’appuie pour cela sur un concept commercial
cohérent autour d’une politique marketing efficace (idée simple et claire, maîtrise
technique, faibles coûts unitaires, actions publicitaires importantes). Le 15 novembre
1972, Bic est coté à la bourse de Paris et continue sa politique d’acquisition par le
rachat de Conté.
En 1973, Bic étend ses activités en lançant le briquet Bic à flamme réglable. Sa
fiabilité et sa qualité en font un succès immédiat. En 1975, non content de révolutionner
les habitudes d’écriture et d’allumage de millions de consommateurs à travers le
monde, Bic lance le rasoir Bic non rechargeable. Dès 1973, Bic est donc positionné sur
trois produits phares – le stylo, le briquet et le rasoir – qui restent aujourd’hui son cœur
de métier.
À partir de cette époque, les tentatives de diversification se sont soldées par des
résultats plus contrastés :
en 1973, le groupe Bic tente une diversification dans le secteur de l’habillement en
rachetant DIM en 1973 et le couturier Guy Laroche en 1979. Cette diversification
se solde par deux cessions en 1987 (vente de DIM à Sara Lee7) et en 2001 (vente
de Guy Laroche à Leman capital qui détient Georges Rech) ;
en 1978, Bic se lance dans la fabrication de planches à voile, où il acquiert une
position de leader mondial bien que la contribution de cette activité au chiffre
d’affaires ait toujours été marginale ;
en 1988, Bic lance une gamme de quatre parfums de qualité aux prix de vingt francs,
prix alors plus de dix fois moins cher que ceux des concurrents. Avec ce parfum de
qualité, accessible à tous (les prix des concurrents étaient alors autour de trois
cents francs), Bic entend démocratiser le luxe avec un contenu primant le
contenant. Car les parfums Bic prétendaient se comparer aux meilleurs et ils
avaient des atouts pour gagner un tel pari. Comble de l’audace, mais pure logique
marketing, les parfums Bic furent mis en vente dans les grandes surfaces, chez les
coiffeurs et les buralistes. Cette diversification se solde par un des échecs les plus
significatifs du groupe Bic.
Aujourd’hui, le Groupe Bic est présent dans plus de 160 pays et dispose d’une
vingtaine d’usines de fabrication à travers le monde. Il est l’un des leaders mondiaux
sur les articles de papeterie, de briquets et de rasoirs. Les produits sont distribués à
l’échelle mondiale dans différents réseaux de distribution, allant des libraires, des
débits de tabac, des magasins de proximité, des supermarchés et hypermarchés aux
grossistes et cash and carry.

Tableau 12.1 – Historique du groupe Bic (faits marquants)

Critères clés Éléments marquants (jusqu’en N+3)

Papeterie
1950 : Stylo à bille Bic cristal (succès mondial)
1954 : Création d’une première filiale en Italie
1957 : Acquisition de Biro Swan et entrée sur le marché britannique
1958 : Acquisition de Waterman Pen Company et entrée sur le marché Nord
américain. Expansion en Afrique et au Moyen-Orient
1959 : Acquisition de Ballograff et percée en Scandinavie
1961 : Nouvelle bille Bic avec pointe fine
1965 : Implantation au Japon et au Mexique
1979 : Acquisition de Conté
1982 : Le stylo Bic Biro, l’un des plus vendus aux E.U.
1988 : Fort développement des portemines aux E.U.
Histoire 1991 : Lancement des stylos fantaisie
1992 : Acquisition de White Out (stylos correcteurs US)
1995 : Implantation en Europe Centrale et en Europe de l’Est
1997 : Acquisition de Tipp Ex (leader des produits de correction) et Sheaffer
(fabricant et distributeur mondial d’instruments d’écriture haut de gamme)
2000 : Développement du roller à encre libre Bic. Ouverture de filiales et de joint-
ventures en Asie
2001 : Lancement de nouveaux produits de papeterie et renforcement de la
présence du groupe en Europe de l’Est, au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie.
Poursuite du programme de rationalisation
2002 : Renforcement des produits à valeur ajouté (Bic Cristal, Grip Roller, Conte
Evolution…)
2003 : Innovations produits (Bic cristal pocket scents, orange, grip et BU2…)

Briquet
1971 : Prise de contrôle de la Société Flaminaire, fabricant français de briquets
1973 : Lancement du premier briquet Bic à flamme réglable (succès commercial)
1985 : Lancement du briquet Bic Mini
1991 : Lancement du briquet à allumage électronique
Histoire 1998 : Lancement du mini-briquet Bic électronique Bic Spicy Mini aux couleurs
vives
2000 : Lancement des briquets utilitaires
2001 : Développement du briquet multi-usages
2002 : Les étuis à briquets Bic Styl’it
2002 : Le briquet multi-usages Bic Luminere

Rasoirs
1975 : Lancement du rasoir mono-lame et non rechargeable
1979 : Rasoir une-lame pour peau sensible : Bic Classique Orange
1988 : Rasoir une-lame avec barre de protection : Bic Metal
1994 : Rasoir bilame : Bic Twin Select et rasoir bilame pour femmes : Bic Twin
Lady
1998 : Lancement du rasoir Bic Plus
Histoire
1999 : Lancement du premier rasoir Bic haut de gamme, bilame avec bandes
lubrifiantes et tête pivotante, pour homme ou pour femme : Bic Softwin Lady et
Bic Softwin sur les marchés grecs et italiens
2000 : Poursuite du lancement du rasoir bilame Bic Softwin aux EU et en France
2001 : Renforcement du développement du bilame à tête fixe et bandes
lubrifiantes : Bic Comfort Twin en Europe de l’Est, au Moyen-Orient, en Afrique
et en Asie
2003 : Le rasoir trois lames : Bic® Comfort 3™

Autres dates clés


1972 : Bic est coté à la bourse de Paris
1981 : Diversification dans l’industrie du loisir avec la filiale Bic Sport spécialisée
dans les planches à voile
Histoire 1985 : Campagne publicitaire intensive sur les briquets et les stylos
1988 : Lancement du parfum Bic jetable
1991 : Abandon du parfum Bic jetable (échec commercial)
2000 : Réorganisation interne
2001 : Vente de l’activité prêt-à-porter Guy Laroche

L’une des caractéristiques du groupe est d’avoir réussi à assurer son développement
par autofinancement, sans recourir aux banquiers et à l’endettement. Ce principe permet
à l’entreprise d’éviter de prendre des risques démesurés, qui pourraient mettre en
danger la société lorsque les décisions s’avèrent négatives et de profiter pleinement des
profits en cas de succès. Il permet surtout de préserver le contrôle du groupe par
l’actionnariat familial.

Stratégie du Groupe

Définition de la mission de l’entreprise

On peut, en fonction des données à disposition, définir la mission de l’entreprise de la


manière suivante :
« Fabricant et distributeur d’articles de papeterie, de rasage et de briquets,
fonctionnels et pratiques, de qualité, à caractère universel, disposant d’un prix
accessible, destinés à simplifier la vie quotidienne de millions de consommateurs, en
s’appuyant sur une stratégie internationale de domination par les coûts (maîtrise du
processus de fabrication/stratégie de volume) et une politique de marketing efficace
(notoriété de la marque, distribution intensive en GMS et magasins de proximité). »
Il convient dans ce domaine d’éviter un contresens fréquent qui consiste à considérer
le caractère jetable des produits Bic comme de simples gadgets à forte dimension
symbolique. C’est en réalité tout le contraire. La philosophie d’affaire véhiculée par
Marcel Bich repose avant tout sur des principes différents, telles que la valeur d’usage,
la pérennité, la qualité et l’économie.

Caractéristiques de l’entreprise
L’entreprise Bic est une entreprise familiale d’envergure internationale (implantation à l’étranger depuis plus
de 50 ans, comité de direction composé de 9 personnes de 5 nationalités différentes, employés issus de
53 nationalités différentes). Elle dispose d’une marque mondiale parmi les plus reconnues et réputées
(troisième marque française la plus connue dans le monde). Elle est aujourd’hui présente sur 3 activités
historiques, la papeterie, les rasoirs et les briquets, sur lesquelles elle est devenue l’un des leaders
mondiaux. Chaque jour, le groupe vend 22 millions d’articles de papeterie, 4 millions de briquets et
11 millions de rasoirs.

Chiffres clés sur la période N–N+3


Entre N et N+3, le groupe Bic a traversé une période tendue (baisse constante du chiffre d’affaires et des
effectifs) due à une conjoncture difficile. Dans ce contexte, les résultats financiers affichent une forte
résistance (moindre recul de l’EBIT et de la marge d’exploitation) dans un environnement très concurrentiel.
En N+1, de nettes avancées ont été réalisées dans la mise en œuvre de la stratégie à long terme. Ces
avancées consistaient à soutenir la gamme de produits classiques et à stimuler la croissance grâce au
lancement d’innovations à forte valeur ajoutée dans le but de valoriser la marque Bic.

Tableau 12.2 – Chiffres clés consolidés1

En millions d’euros N+1* N+2 N+3

Chiffre d’affaires 1 533 1 492 1 360

Marge brute d’exploitation 862 830 743

Résultat d’exploitation 257 253 209

Résultat avant impôt 203 214 179

Impôt sur les bénéfices (74) (81) (68)

Résultat net de l’ensemble


129 132 111
consolidé

Résultat net part du Groupe 118 127 110

Investissements industriels 110 85 70

Liquidités de clôture 103 119 158

Effectifs 9 529 9 010 8 706

Métiers et domaines d’activités


Bic a comme principal métier celui de concevoir et fabriquer des articles de consommation courante,
caractérisés par leur caractère « jetable », leur simplicité d’utilisation et des prix accessibles pour tous. Ce
métier de concepteur et de fabricant s’exprime dans trois principaux domaines d’activités qui représentent
96 % du chiffre d’affaires de l’entreprise (cf. tableau 2) :
la papeterie (extension naturelle du stylo)2 ;
les briquets ;
les rasoirs.

Tableau 12.3 – Répartition du chiffre d’affaires par activité en N+3

Article de
Briquets Rasoirs Autres activités
papeterie

% du chiffre
52 % 25 % 19 % 4%
d’affaires

Bic est également présent sur le métier du sport avec Bic Sport, fondé en 1979 par le Baron Bich et
spécialisé dans les sports nautiques. Bic est notamment devenu le numéro 1 mondial dans la distribution
de planches à voile, de surf et de kayak, malgré des résultats financiers décevants. Ce domaine d’activité a
une faible contribution dans le chiffre d’affaires global de Bic, les sports de voiles n’étant pas un marché de
masse. Les principaux concurrents sont Jacobs, Fanatic, Mistral (grand public) et F2, Cobra, AHD (haut de
gamme).
Bien que cette activité soit marginale, il apparaît intéressant pour le Groupe de la conserver pour trois
principales raisons :
Bic a acquis une position de leader mondial sur ce marché en croissance ;
cette activité contribue à l’image de marque de l’entreprise notamment dans le cas des activités de
sponsoring ;
les produits associés à cette activité utilisent les mêmes matières premières (cf.plastique) que celles
employées dans les grands domaines d’activités. Ceci permet par conséquent d’optimiser l’appareil de
production et de renforcer l’expertise industrielle de Bic au niveau des procédés de fabrication.

Stratégies de développement

La stratégie du Groupe Bic s’appuie sur un certain nombre d’actions au cœur de la réussite de son
entreprise :
une stratégie de diversification en termes d’activités et de zones géographiques autour d’un
concept marketing performant (stratégie de marque, caractère jetable des produits, un mix marketing
efficace, la couleur comme élément d’identification et d’appartenance…), sans pour autant remettre en
cause son activité principale de papeterie que l’entreprise continue de renforcer (les articles de
papeterie représentent 52 % du CA total du groupe) ;
une politique de domination par les coûts (optimisation au niveau de la conception des produits,
rationalisation du processus de production, recours à la sous-traitance, délocalisation de production en
fonction des opportunités, utilisation de technologies propres, choix ciblé des canaux de distribution).
Bic a mis en place un processus de rationalisation permanent de ses activités qui permet au groupe
de générer une économie de l’ordre 20 millions d’euros par an. Cette stratégie permet à l’entreprise de
proposer des produits à prix attractifs pour le client dans un bon rapport qualité-prix ;
une politique de différenciation autour de la marque Bic appuyée historiquement par un réel effort
sur le plan publicitaire et sur des lancements de produits phares vendus à des millions d’exemplaires
et caractérisés par des attributs distinctifs (design, couleur, variété). Il en résulte une image
extrêmement forte de l’entreprise (taux de notoriété élevé du nom et de l’habillage des produits) ;
une politique produit autour d’articles à valeur ajoutée diffusés dans les différentes zones
géographiques.
Il est à noter que l’entreprise a également fait le choix de s’engager dans un code de conduite pour les
fabricants sous contrat pour limiter les risques pour l’environnement. En effet, Bic s’attache à intégrer
une gestion environnementale dans ses opérations quotidiennes, en limitant dans ses usines les risques
pour l’environnement et en prenant des initiatives pour réduire la consommation des ressources comme
l’eau ou l’électricité. Elle entend également limiter la quantité de matériaux utilisés pour les emballages. De
plus, Bic collabore avec les autorités, les organismes chargés de l’environnement et les spécialistes, pour
améliorer sa connaissance et sa compréhension des préoccupations et des attentes du public en cette
matière. Cette intégration et le souci de véhiculer une image moderne et universelle sont par conséquent au
cœur de la stratégie du groupe.

Modes de développement

L’entreprise se développe essentiellement par croissance interne avec des acquisitions ponctuelles qui
viennent renforcer le positionnement stratégique de l’entreprise. On peut donc distinguer :
un développement par croissance interne avec un budget de recherche et développement
relativement important (2 % du chiffre d’affaires), la création de ses propres filiales et la mise en place
d’une stratégie multicanaux autour d’une distribution de masse en Grandes et Moyennes Surfaces
mais aussi dans les magasins de proximité (tabac, stations service…). Cette stratégie s’accompagne
d’une optimisation permanente des procédés industriels développés en interne afin de diminuer les
coûts de production, garant d’une politique de produits à bas prix ;
un développement par croissance externe au moyen d’acquisitions stratégiques centrées sur des
logiques de marques, l’acquisition de nouvelles technologies et le développement géographique ;
un développement par croissance conjointe (joint-ventures, partenariats, alliance stratégique et co-
branding). Par exemple, Bic a développé un partenariat avec Disney en vue de toucher un segment de
clientèle très jeune, avec Citroën pour développer une voiture jeune et « branchée » (la Saxo Bic) ou
encore avec la marque Barbie au Brésil.

Le paradigme stratégique groupe BIC

Le paradigme stratégique s’articule autour de cinq principes :


une stratégie de volume affirmée (marché de masse, économie d’échelle et effet d’expérience) ;
des produits de qualité à bas prix ;
des produits jetables ;
l’alliance de produits historiques à succès et de produits innovants à forte valeur ajoutée ;
des produits disponibles partout dans le monde, dans différents lieux et à tout moment.

Les valeurs dominantes


Une analyse approfondie du système Bic permet d’identifier 7 valeurs fondamentales au cœur de la
stratégie du groupe :
la fonctionnalité, qui vise à simplifier la vie du consommateur en proposant des produits d’une grande
simplicité d’utilisation ;
l’accessibilité, grâce à des prix attractifs permettant de viser un marché de masse et mondial (présence
des produits dans le monde entier) ;
l’universalité, qui se décline, selon nous, par une focalisation sur une marque phare « Bic », ayant une
très forte notoriété dans le monde entier et qui couvre toutes les activités du groupe (stylos, briquets,
rasoirs et produits nautiques) ;
la créativité et l’innovation permanente : chaque année, 20 à 30 % du chiffre d’affaires sont réalisés
par des produits ayant moins d’un an d’existence. L’innovation porte aussi bien sur le design des
produits que sur la dimension technologique (type de matériaux utilisés, procédés de fabrication, etc.) ;
l’endurance et la qualité, qui confèrent au produit une durée de vie importante à un niveau de
performance et de sécurité élevé malgré le caractère jetable du produit. À titre d’illustration, les études
menées par Bic sur ses produits constatent qu’un briquet a une durée de vie équivalente à
3 000 allumages, qu’un stylo peut servir jusqu’à 3 km d’écriture et qu’un rasoir permet à un individu de
se raser pendant 7 jours ;
l’adaptabilité : une relation permanente avec les tendances du marché en vue d’adapter l’offre de
produits aux désirs de la clientèle ;
la diversité culturelle, grâce à la mise en place d’une culture managériale mettant en avant l’esprit
d’ouverture (respect mutuel, éthique, acceptation de la diversité), le management d’équipe et la
valorisation des différences.

Le système de pouvoir et de contrôle

L’étude du capital de Bic montre qu’il s’agit d’une entreprise familiale 3. On entend par entreprise familiale,
une entreprise caractérisée par la concentration du pouvoir et de la propriété entre les mains d’une famille,
dont les membres cherchent à maintenir des liens sociaux (réseau familial) et de l’influence au sein de
l’organisation (Liz, 1995)4. Ce type d’entreprises possède ainsi trois caractéristiques fondamentales, à
savoir la multiplicité des rôles joués par les membres de la famille, l’influence que peut exercer l’institution
familiale sur la vie de l’entreprise et l’intention de continuité intergénérationnelle.
Dans le cas de Bic, plusieurs éléments permettent de qualifier le Groupe dirigé par Bruno Bich d’entreprise
familiale, dans la mesure où :
la société est contrôlée par des personnes physiques dont l’essentiel des ressources est lié au
développement du Groupe. La famille Bich détient en effet plus de 40 % de son capital et plus de 50 %
des droits de vote. D’ailleurs, les membres de la famille actionnaires de l’entreprise et de ses filiales
sont nombreux avec la présence par exemple de Xavier, Édouard, Gonzalve, Charles, Guillaume Bich
dans l’actionnariat du groupe. La structure familiale de l’entreprise la place en position de prédateur
plutôt que de cible, le risque d’OPA (Offre Publique d’Achat) étant très faible. La famille semble
d’ailleurs accorder une importance primordiale au contrôle du groupe. Cela se traduit notamment par le
fait que toutes les filiales du groupe sont contrôlées directement ou indirectement à hauteur de 100 %,
ce qui empêche tout acteur d’accéder au capital et d’en prendre le contrôle. Enfin, depuis quelques
années, Bic a procédé à un plan de rachat et d’annulation d’actions qui a eu pour conséquence de
renforcer la structure du groupe par la famille Bich ;
la famille dirige dans les faits l’entreprise, puisque trois membres sur quatre de la Direction Générale sont
issus de la famille (Bruno Bich, Président ; François Bich, Directeur général délégué et en charge de
l’activité Briquets et Marie-Aimée Bich-Dufour, Directrice générale déléguée et responsable juridique).
De plus, d’autres membres de la famille siègent dans différents conseils (conseil de surveillance,
comité de pilotage…). Le système Bic se caractérise par conséquent par le maintien au sein de la
famille de la propriété du capital et de la direction du Groupe.
La Société Bic est donc confrontée aux problématiques classiques d’une entreprise familiale identifiées par
de nombreuses études, à savoir la difficulté de réussir son développement sur plusieurs générations.
D’ailleurs, seules 10 à 15 % des entreprises familiales arrivent à passer le cap de la troisième génération.
En effet, le départ du dirigeant principal, souvent fondateur et agent de liaison entre les membres du réseau,
peut remettre en cause la nature des relations qui unissaient les différents membres de la famille. La
succession du pouvoir peut notamment entraîner une lutte entre les acteurs sur le nom du successeur. Elle
peut aussi affaiblir la cohésion du réseau familial lorsqu’il y a compétition pour le poste entre membres de la
même famille5. Enfin, il peut arriver que la succession ne trouve pas parmi les descendants des fondateurs
des managers compétents et motivés par la fonction. Ceci contribue à faire de la période de succession
l’une des étapes les plus critiques dans le développement des entreprises familiales (risque de rupture).
Une entreprise familiale peut également générer certains comportements au niveau de la gestion de
l’entreprise, dans les orientations et les choix. En particulier, la peur de perdre le contrôle de l’entreprise et
une partie de son patrimoine incite nombre de dirigeants d’entreprise familiale à la prudence. Ceci se traduit
le plus souvent par une réticence à se lancer dans des opérations d’envergure par nature risquées. On
retrouve ce cas de figure chez Bic, où la Direction de l’entreprise s’est dans le passé résolue à renoncer à
des opérations de croissance externe (comme l’achat de la société Wilkinson dans l’activité Rasoir)
pouvant occasionner une dilution du capital.
En N+3, l’actionnariat du Groupe est réparti de la manière suivante :

Tableau 12.4 – Structure de l’actionnariat de Bic en N+3

Actionnariat N+3

Bich 37,50 %

Franklin Resources 7,70 %

AIM Funds Management 6,50 %

Oppenheimer Funds 5,30 %

CDC Ixis 5,90 %

Mme Édouard Buffard 3,80 %

Public 32,20 %

Autocontrôle 1,10 %

Source : Yahoofinance
Il est à noter que le système de contrôle mis en place dans l’entreprise s’appuie sur un reporting financier
strict. Il permet en particulier de fixer des objectifs à chaque entité du Groupe et de vérifier la conformité des
résultats par rapport aux objectifs définis.

La structure organisationnelle

L’entreprise est aujourd’hui organisée autour de ses trois pôles d’activités et de ses différentes zones
géographiques. La structure de Bic est donc de type « matricielle » (approche croisée régions
géographiques/gammes de produits). L’organisation permet ainsi de distinguer trois domaines d’activités
stratégiques (la papeterie, les rasoirs, les briquets) et dans les grandes zones géographiques (Europe
Occidentale, Amérique du Nord et centrale + Océanie, Amérique du Sud et Europe de l’Est, Moyen-Orient,
Asie et Afrique).
L’entreprise a choisi de développer à la fois une stratégie mondiale par DAS (outils de production, image de
marques…) et une approche continentale/régionale pour s’adapter aux besoins spécifiques des populations
locales considérées comme relativement homogènes en termes de besoins, d’attentes et de niveaux de
vie. L’entreprise cherche donc à bénéficier d’économies d’échelle sur de grandes zones géographiques
disposant de certaines similitudes en termes de facteurs clés de succès.
Ceci l’a d’ailleurs conduit à mettre en place une logique de distribution multicanale (kiosque, tabac,
supermarché, papeterie) différenciée selon les marchés visés, en ayant recours à un système de
distribution structuré sur les marchés développés (partenariats privilégiés avec WalMart en Amérique du
Nord) et assez éclaté sur les marchés émergents (existence d’une multitude de points de vente).

Les symboles

Le groupe Bic est associé à la couleur orange6 qui figure dans sa charte graphique et son logo. Cette
couleur du produit vedette de la gamme papeterie, le Bic cristal, symbolise les premiers succès mondiaux
du groupe et constitue un élément d’identification et d’appartenance fort. Ceci explique l’importance
accordée à l’histoire dans le développement de l’entreprise, qui a pour mission essentielle de rappeler les
facteurs clés de succès originels et d’orienter la stratégie et les comportements futurs du groupe. Cette
idée maîtresse dans le système culturel de Bic se traduit en particulier par le slogan « S’enrichir du passé
pour construire l’avenir » que l’on retrouve dans les nombreuses actions de communication institutionnelle
de l’entreprise (rapport annuel, site Internet, annonces de recrutement et campagnes publicitaires).

Les mythes et tabous

• Les mythes
Parmi les principaux mythes associés à l’entreprise Bic, on peut identifier en premier lieu la personnalité du
dirigeant fondateur, « le Baron Bich », qui semble avoir imprégné durablement l’histoire et la culture de
l’entreprise. Ce dernier est d’ailleurs à l’origine des principaux succès du groupe (les produits vedettes)
basés sur l’audace, l’esprit pionnier et l’innovation au service du plus grand nombre. En second lieu,
l’internationalisation précoce et réussie de l’entreprise reste aujourd’hui la marque de fabrique du groupe
(diversité culturelle, taux de notoriété de la marque à l’international de Bic).
• Les tabous
S’il est toujours difficile d’aborder les tabous d’une entreprise, le groupe Bic, comme toute autre, a connu et
connaît des accidents de parcours. On peut citer :
la difficulté pour l’entreprise de faire oublier le dirigeant charismatique qu’a été Marcel Bich, créateur et
développeur de l’entreprise ;
les résultats financiers en baisse depuis la fin de l’année N–1 (notamment le cours de Bourse et la
rentabilité) ;
le manque d’audace de l’entreprise, ces dernières années, qui a empêché de saisir des opportunités
stratégiques qui auraient permis de renforcer la position du groupe sur le marché des rasoirs
notamment (non rachat de l’entreprise américaine Wilkinson) ;
l’échec de la diversification dans les parfums ;
certaines acquisitions malheureuses à l’instar des rachats de Guy Laroche et de DIM.

Les rites et routines

L’entreprise a mis en place un certain nombre de rites qui permettent de rythmer la vie des salariés :
les programmes de formations proposées par la Bic University (université d’entreprise créée en N–2) qui
permettent d’assurer une certaine homogénéité culturelle des équipes ;
es formations aux meilleures pratiques commerciales (motivation, émulation, système de veille) ;
le Prix Bic créé en N+2 qui vise à récompenser la filiale-pays la plus performante au niveau global (sur
les trois familles de produits et sur les critères de croissance du CA et d’augmentation de la rentabilité)
et par catégories (papeterie, briquet ou rasoir) ;
la médiatisation autour du lancement permanent des nouveaux produits (plan média, communication
événementielle, concours, showroom, etc.).

Synthèse graphique adaptée du tissu culturel de Scholtes et Johnson

En utilisant le « tissu culturel » de Scholtes et Johnson, il est possible de représenter graphiquement les
différentes caractéristiques culturelles du groupe Bic.

Figure 12.1 – Le tissu culturel du groupe Bic


Notes
1. * Pro forma – Source Rapport Annuel 2003, Bic
2. Ces trois activités principales seront analysées de façon approfondie dans les
paragraphes suivants.
3. L’étude de Le Foll et De Pirey (2003) classe la société Bic dans la catégorie des
sociétés purement familiales (les autres catégories étant : les sociétés dirigées par leur
fondateur, les sociétés familiales à dirigeant salarié, les sociétés avec actionnaire à
logique patrimoniale et les sociétés purement managériales) au même titre que Bolloré,
Bouygues, Clarins, PSA, Hermes International, Jean-Claude Decaux, Michelin, Pernod
Ricard, Rémy Cointreau et Wendel Investissement.
4. Litz, R. A. 1995, The Family Business: Toward Definitional Clarity, Academy of
Management, Best Papers Proceedings, 100-104.
5. Arrègle et al. (2004), « Origines du capital social et avantages concurrentiels des
firmes familiales », M@n@gement, 7(1), p. 13-36.
6. Dans la papeterie, la couleur orange est aussi associée à un petit personnage
caractérisant une mine de stylo.
7. Selon certains experts interrogés, il aurait pu être préférable de conserver la marque
DIM (collant jetable, marque grand public complémentaire de la marque Bic) et de
céder plus tôt Guy Laroche dont la nature du métier est très éloignée de celle de Bic
(marché de la haute couture).
Chapitre 13

Analyse stratégique des activités

L’activité « papeterie »
L’activité Papeterie représente 54 % du CA et 48 % du ROP du groupe en N+2. La
société Bic est le numéro 2 mondial de ce marché estimé à 7 milliards d’euros, avec
une part de marché global de 8 %. Sur ce DAS, Bic connaît une progression constante
de son chiffre d’affaires depuis N–2 (début de la restructuration) parallèlement à une
augmentation de la marge due à une réorganisation de l’activité débutée fin 2001.

Tableau 13.1 – Chiffres d’affaires de l’activité Papeterie

Millions
N–29 N–1 N N+1 N+2

CA 644 678 784 800 791

Sur ce segment, Bic est la marque prédominante du groupe avec 76 % du CA N+1


effectué grâce à la vente de produits commercialisés sous le label Bic. Cependant, elle
dispose aussi d’autres marques ayant une forte notoriété comme Conté, Scheaffer,
Rondo ou Tipp-Ex.
Bic dispose de trois principales gammes de produits :
les stylos représentent le gros du marché de la papeterie avec 50 % du CA et 10 %
de PM mondiale. Sur ce marché, Bic a développé un double positionnement avec
d’une part les produits Bic caractérisés par un excellent rapport qualité-prix et,
d’autre part, les produits Schaeffer considérés comme plus sophistiqués (stylos
auto rechargeables) ;
les marqueurs qui représentent 15 % du CA avec 15 % de part de marché mondiale.
Sur ce marché, Bic est bien placé grâce aux marques Tipp-Ex (acquis en N–3) et
Wite-Out qui ont une position de leader et une très forte notoriété ;
enfin, Bic réalise aussi 15 % de son CA sur les crayons à papier et de coloriage sous
la marque Conté.
Le marché de la papeterie est en phase de croissance dans les pays en voie de
développement. En revanche, le développement de l’activité est assez modeste dans les
principaux pays industrialisés.
La stratégie de Bic est avant tout une stratégie de volume, ce qui lui permet de
proposer ses stylos très bon marché avec un prix d’entrée de gamme de 0,15 € pour le
Bic Cristal, stylo le plus vendu au monde.

Points clés de l’activité « Papeterie »

Restructuration et réorganisation de l’activité Papeterie

Bic restructure périodiquement son activité Papeterie pour garantir des prix compétitifs. En N–2, Bic a
procédé à la réorganisation de son activité Papeterie en Europe, conduisant à la construction de l’usine
ultramoderne de Marne-la-Vallée, à la réorganisation de la force de vente et à la mise en place d’un
système de logistique intégré. Fin N+1, Bic a annoncé une nouvelle réorganisation de la Papeterie, qui a
donné lieu à une prise de provision de 26 M€. Ce plan s’est notamment traduit par :
la fermeture de 3 usines (1 en Italie, 1 à Mexico, 1 en Malaisie) ;
la fermeture de 2 centres de distribution en Europe ;
le transfert de la production d’encre de 2 usines américaines vers la France ;
la création d’un bureau chargé de l’outscoring en Asie (15 % du CA est aujourd’hui sous-traité en
Papeterie).
Les économies de coûts ainsi générées ont atteint 13 M€ en N+2 et 20 M€ par an à compter de N+3. La
rationalisation des structures et des technologies (ex : utilisation d’une seule encre) tend à diminuer les
besoins de la division.

Élargissement de l’offre et montée en gamme

Parallèlement à la restructuration et à la réorganisation de ses activités Papeterie, Bic a mis en place une
stratégie visant à accélérer sa croissance et à améliorer sa compétitivité. Afin de stimuler les ventes dans
un marché dont la croissance est seulement de 1 à 2 % par an, Bic a procédé à l’élargissement de son
offre afin de proposer des produits adaptés à la demande et aux besoins des différentes zones
géographiques :
des produits classiques réactualisés, dont le Bic Cristal à encre gel, afin de soutenir l’activité et de limiter
la pression sur les prix ;
des produits à valeur ajoutée (20 % du CA) avec notamment des stylos développés en Asie dont le roller
Z4 à niveau d’encre visible qui constitue une offre aussi attractive que celle du produit équivalent chez
Pilot. L’introduction des produits à valeur ajoutée, notamment sous la marque Scheaffer, participe à
une évolution positive du marketing mix ;
des partenariats notamment avec Disney et Barbie permettant le lancement d’une gamme de produits
basés sur l’univers de ces entreprises afin de toucher les zones où Bic est peu développé, et en
particulier l’Asie et l’Amérique du Sud.
Par ailleurs, Bic a lancé une gamme de glues. Le marché de la glue représente 1 milliard €. Bic a mené des
enquêtes auprès de consommateurs qui se disent favorables à la commercialisation de ce type de produit
sous la marque Bic. De plus, les principaux acteurs de ce secteur sont implantés d’un point de vue régional
mais non global, ce qui permettrait à Bic d’exploiter son réseau de distribution et sa notoriété internationale.
Ce type de produits vise essentiellement les enfants et les entreprises de fournitures de bureau.

Prévisions

Bic prévoit une croissance du CA de 7 à 8 % par an à devises constantes (ce qui n’est pas sans
signification puisque Bic réalise plus de la moitié de son CA en zone dollar 1), soit une progression de 6 à
7 % supérieure à celle du marché. Concernant cet objectif, on peut s’interroger sur la capacité de sur-
performer le marché en volumes alors que la concurrence ne devrait pas rester inactive. Cette question se
pose d’autant plus que l’activité évolue dans un marché structurellement déflationniste.

Analyse des principaux concurrents


Le marché est dominé par six entreprises qui représentent un peu moins de 50 % des parts de marché
mondial. Nous présentons ci-après les deux principaux concurrents de Bic sur le marché.

Newell Rubbermaid : N° 1 avec 17 % de part de marché : le géant

Groupe américain basé à Freeport dans l’Illinois, présent dans la papeterie avec Sharpie Group et les
marques PaperMate, Sharpie, Goody, Parker, Waterman, Colorific, Sanford, Berol, Eberhard Faber, Rotring
et Reynolds, a réalisé en N+2 un chiffre d’affaires de 1 684 millions de dollars 2 soit près du double de Bic.
Son positionnement stratégique est comparable à celui de Bic avec une stratégie coût-volume et des points
forts similaires :
le groupe s’est renforcé grâce à une politique de fusion-acquisition (Sanford, Eberhard Faber, Berol,
Rotring et Paper Mater, Parker, Waterman et Liquid Paper) ;
le groupe dispose de marques de prestige, extrêmement célèbres ;
le groupe a mis en place une stratégie multicanal qui touche tous les consommateurs ;
la réduction des coûts est mise en avant : objectif de 5 % par an, ce qui permet à Newell Rubbermaid
d’augmenter ses marges de façon significative.
De plus, le groupe mise sur :
la publicité (budget de 40 millions de dollars pour N+1 et N+2) pour renforcer son image de marque et sa
notoriété ;
sa force de vente : Newell Rubbermaid a lancé le Phoenix Program qui a recruté 542 diplômés chargés
de la force de vente avec les missions de construire de solides relations avec les détaillants et
d’élaborer des techniques marketing innovantes.

Les performances de Newell Rubbermaid comparées à bic sont contrastées :


sur le plan du chiffre d’affaires, l’entreprise est en quasi-stagnation depuis N sur cette activité alors que
Bic continue à croître (augmentation de la part de marché relative) ;
sur le plan boursier, le cours de l’entreprise s’est accru de près de 30 % depuis N alors que celui de Bic
est en décroissance. Cependant, l’activité « articles de papeterie » dans les deux cas est loin
d’expliquer ce résultat.
On peut donc en conclure que les résultats opérationnels de Bic sont plus qu’honorables face au leader du
marché.

Pilot : N° 3 avec 7 % de part de marché : l’innovation


Groupe japonais introduit sur le marché français au début des années quatre-vingt-dix, il est devenu en
10 ans le troisième acteur en France, renforçant d’autant sa position mondiale. CA : 480 millions € (dont
55 millions en France). Pilot conçoit et fabrique l’ensemble de ses ventes, du stylo-plume au stylo jetable
(98 % CA). Pilot a misé sur une stratégie de différenciation haut de gamme grâce à des produits au design
attractif et à la technologie avancée, ce qui lui permet de vendre ses stylos 15 % plus chers que Bic. Pilot
justifie cet écart de prix par un coût de fabrication plus élevé (7 % du CA sont investis dans la R & D). Les
points forts de Pilot sont essentiellement :
la notoriété de la marque : image de modernité ;
la qualité des produits ;
le design ;
l’innovation : Pilot est notamment l’inventeur du régulateur d’encre, de la pointe en tungstène indéformable
(désormais utilisée par tous les fabricants), de l’encre liquide pour stylos jetables et de l’encre en gel.
Il est également le premier à avoir introduit des couleurs « originales » et à avoir osé lancer le stylo-
plume jetable.
Par rapport à Bic, le groupe Pilot connaît une augmentation plus rapide de son chiffre d’affaires. Cependant,
son positionnement est radicalement différent (prix élevé et produits design et innovants versus très bon
rapport qualité/produit pour Bic). Il témoigne néanmoins de l’engouement d’une partie des consommateurs
pour des produits à dimension symbolique plus forte (logique d’identification, appartenance sociale,
valorisation sociale) même pour des produits dits jetables.

Les autres concurrents

À côté de ces deux grands concurrents, les quatrième, cinquième et sixième places sont occupées
respectivement par Pentel (6 %), Mitsubishi (4 %) et Crayola (3 %). Le reste du marché est occupé par de
nombreux compétiteurs de taille très modeste qui représentent toutefois encore 50 % de la part de marché
mondial. Le marché est donc encore, en comparaison à d’autres secteurs, relativement atomisé
(concentration moyenne). Ces petites sociétés bien souvent nationales peuvent par conséquent constituer
des cibles intéressantes pour les leaders du secteur.

Étude des cinq forces de Porter dans le secteur


de la Papeterie

Le pouvoir de négociation des fournisseurs (3,5/5)

Les principales matières premières utilisées pour la fabrication des stylos Bic sont le plastique (pétrole), le
tungstène, le carbone, le nickel et le bois. Le contexte géopolitique incite à la plus grande prudence quant à
l’évolution du prix des matières premières essentielles à la fabrication des stylos Bic. D’un point de vue
général, et bien que les produits de papeterie soient en constante évolution technologique, rendant une
matière substituable par une autre, le pouvoir des fournisseurs est assez important.

Le pouvoir de négociation des clients (4/5)

Les clients de Bic sont essentiellement des centrales d’achat (50 % grandes surfaces et 50 % fournitures
de bureau). Ces clients ont bien entendu un pouvoir de négociation élevé, d’autant plus que le secteur de la
papeterie est un secteur concentré, avec la présence de géants internationaux comme l’américain Newell
Rubbermaid (Reynolds, Parker, Waterman) et le japonais Pilot qui se livrent à une forte concurrence.
Menace des produits de substitution (2/5)

Le développement de l’informatique et son accessibilité au plus grand nombre sont bien entendu une
menace bien réelle pour l’activité de la papeterie, mais qui reste cependant modérée à court terme.

Menace des entrants potentiels (2,5/5)

Le franchissement des barrières à l’entrée en terme d’investissement, d’expérience, et de marque, est un


élément clé de la réussite d’une entreprise dans ce domaine. Cependant, au vu du succès du japonais
Pilot, absent au début des années quatre-vingt-dix en France et désormais 3e du secteur, force est de
constater que la menace des entrants potentiels dans ce secteur est importante, d’autant plus que de
nombreux concurrents se répartissent les 55 % de part de marché laissées vacantes par les 6 leaders.

Intensité concurrentielle (4/5)

Le marché est très concurrentiel (cf. ci-dessus) notamment en ce qui concerne l’innovation, le marketing et
les prix. Cependant, malgré les opérations de fusions-acquisitions intervenues depuis les années quatre-
vingt-dix, le marché reste éclaté, ce qui génère d’importantes opportunités d’acquisition.

Pouvoir de l’état (1/5)

Outre les classiques normes de sécurité, l’État n’a pas de pouvoir significatif sur cette industrie.
Néanmoins, l’importance progressive des normes environnementales (cf. développement durable) aura à
terme une incidence forte sur les procédés de fabrication et les matières premières utilisées. En particulier,
les principes du développement durable peuvent nuire aux produits dits jetables (considérés comme plus
polluants).

Figure 13.1 – L’hexagone stratégique de la branche papeterie

Analyse de la position concurrentielle de Bic


L’analyse de la position concurrentielle de Bic peut se faire sur deux critères.

La qualité de la stratégie menée par le groupe

Bic vend une gamme limitée de stylos-billes à bas prix sur la quasi-totalité des principaux marchés de
consommation (détail, entreprises, promotionnel et cadeaux) via la quasi-totalité des canaux disponibles.
Toutes les activités « papeterie » s’appuient sur une stratégie de coûts bas. Cette stratégie est
extrêmement lisible, ce qui facilite l’adhésion des clients, des salariés et des actionnaires aux produits et
services proposés par l’entreprise. Bic s’appuie sur des démarches de marketing agressives (campagne
publicitaire intensive, force de ventes dynamique et nombreuse3, modification fréquente des emballages et
optimisation des présentoirs).
De plus, l’ensemble des activités de la chaîne de valeur est cohérent avec cette stratégie :
conception du produit permettant une facilité de production et donc de faible coût de production ;
réorganisation permanente des usines pour réduire les coûts ;
politique d’achats offensive afin de limiter les coûts de matières ;
production des composants en interne chaque fois que l’économie l’impose.
Sur le segment « Papeterie », la société apparaît donc en position de leader avec des avantages
concurrentiels importants comme l’indique le tableau ci-après.

Tableau 13.2 – Positionnement de Bic sur le marché de la papeterie

Critères 1 (fort) 2 3 4 5 (faible)

Portefeuille produit X

Politique de gamme X

Volume de ventes X

Part de marché X

Répartition géographique du CA X

Répartition par canaux de distribution du


X
CA

Politique de marge X

Image de marque X

Qualité des produits X

Qualité du service X

Politique de prix X
Fidélité des clients

Qualité du réseau de distribution X

Efficacité de la force de vente X

Efficacité de la publicité X

Compétitivité du mix X

L’attractivité de l’activité « papeterie »

Comme nous venons de le voir, Bic mène une stratégie cohérente pour attaquer ce marché. Le deuxième
critère proposé vise à étudier la pertinence pour l’entreprise d’investir sur ce DAS. Nous proposons d’utiliser
la grille de Strategor structurée autour de onze critères d’évaluation (cf. tableau suivant).
La valeur intrinsèque du secteur ressort à 19,5 sur 33, ce qui indique que le marché est plutôt attractif
notamment grâce à sa faible concentration. Le risque majeur est lié à l’informatisation de l’écriture (e-mail,
ordinateur, smartphone) qui peut sur le long terme se substituer au support stylo-papier.

Tableau 13.3 – Attractivité du DAS « papeterie »

Critères4 Intensité de la valeur

0 0,5 1 1,5 2 2,5 3

Taux de croissance Élevé Entre 5 et 10 % Assurée


prévisible (1,5/3) Faible 32 % Faible (besoin per)
Parts de marché Cycles < 5 ans Évidente
des leaders (2/3)
Moyenne
Stabilité des
technologies (2/3) Élasticité élevée
Risque de Reposant sur un savoir-faire
substitution produits
(1/3)
Barrières d’entrée
(1,5/3)
Niveau prix (1,5/3)
Marge de gains de
productivité (0,5/3)
Origine de la valeur
ajoutée (1,5/3)
Sécurité
d’approvisionnement
(2,5/3)
Saisonnalité (3/3)
Base de
développement
d’autres métiers
(2,5/3)

Axes de recommandations

7 principales recommandations peuvent être formulées.


Mener des acquisitions stratégiques pour renforcer la position concurrentielle du groupe dans les stylos
et développer de nouveaux segments de marchés d’articles de papeterie. Ces acquisitions peuvent
viser à renforcer la gamme de produits et améliorer la couverture géographique du groupe. Une
marque comme Stypen pourrait par exemple permettre au Groupe de se développer sur certains
marchés (marché des stylos à plume rechargeables).
Diversifier les activités au sein du métier de la papeterie : les consommateurs sont prêts à considérer la
marque Bic autrement que comme un fabricant de stylos.
Développer les actions de co-branding comme le partenariat Disney et le lancement de produits
« écolier », en évitant que la collaboration se fasse au détriment de la marque Bic.
Rester dans une stratégie de coût-volume sur les produits Bic en évitant de se positionner sur le marché
de Pilot (haut de gamme) qui dispose d’autres facteurs clés de succès, mais en poursuivant la montée
en gamme des produits comme Scheaffer, afin d’accompagner les nouveaux goûts des
consommateurs.
Assurer une meilleure couverture au niveau des devises et des matières premières, afin d’éviter une
incidence négative sur les résultats financiers du groupe.
S’implanter sur les marchés en expansion comme l’Asie et l’Europe de l’Est.
Conforter le développement en Amérique du Sud.

L’activité « rasoirs »
L’activité Rasoirs représente 15 % du CA et 17 % du ROE du groupe en N+2, pour une
part de marché mondial d’environ 5 %. Avec 9,5 millions de rasoirs vendus chaque
jour, Bic est le numéro 3 de ce marché ultra-concurrentiel. En 1975, Bic est le premier
à développer et lancer mondialement un nouveau système de rasoir non rechargeable,
facile d’utilisation et à un coût très raisonnable qui révolutionne ainsi les habitudes de
rasage. Aujourd’hui, Bic a plutôt une position de suiveur, les innovations majeures étant
développées par les no 1 et no 2 du marché, respectivement Gillette et Wilkinson.
Bic dispose d’une large gamme de produits de rasoirs jetables spécialement étudiés
pour satisfaire les exigences de rasage des différents types de peau et de poil. La
gamme est segmentée selon deux axes :
le nombre de lames avec les monolames, les bilames, les « trois lames » ;
le type de clientèle avec les rasoirs pour hommes et les rasoirs pour femmes.
Sur ce marché, Bic développe une stratégie de montée en gamme avec le lancement
du rasoir Comfort 3™, dans un premier temps en Europe de l’Ouest et aux États-Unis.
Cette action stratégique est une réaction sous la contrainte liée au lancement de produits
comparables les années passées par ses concurrents qui ont de fait capter une part
importante du marché au détriment de Bic.

Le cas des rasoirs pour femmes


Toutes les marques proposent des rasoirs pour femmes depuis le début des années 1990. Les
différences avec les rasoirs pour hommes ne sont pas flagrantes. Le concept plaît. Bic, avec son
Bic Lady affichait, en N–2, 23 % de croissance et une part de marché de 73 % sur le jetable
féminin.

Analyse des principaux concurrents


Le marché des rasoirs mécaniques est fortement concurrentiel, avec la présence de trois leaders : Gillette,
Bic et Schick-Wilkinson. La concurrence s’est accrue depuis le deuxième semestre N+1 avec l’adoption
par Gillette, dont les parts de marché diminuaient, d’une stratégie de défense de celles-ci : publicités, offres
promotionnelles, distribution d’échantillons. Bic a dû réagir pour préserver sa part de marché en réalisant le
même type d’offres. La concurrence est de plus en plus agressive en Amérique centrale et du Nord.

Gillette

Numéro un mondial du rasage mécanique, l’entreprise américaine Gillette applique depuis ses origines le
précepte de son fondateur, King Camp Gillette : « ce sont les lames et non les rasoirs qui fondent le succès
du produit ». Sa politique de développement consiste à commercialiser des produits de grande
consommation dans les domaines du rasage masculin et féminin, produits de toilette, hygiène bucco-
dentaire, énergie portable et petit électroménager. Sa part de marché dans le secteur des Rasoirs est de
60 % en N+1 (et près de 69 % en France en N+2) pour un chiffre d’affaires de 3,4 milliards d’euros. La
marque est présente dans 145 pays.
Le succès de l’entreprise repose sur une montée en gamme de l’offre autour d’investissements
publicitaires importants (à titre d’exemple, 17,5 millions d’euros, dont 75 % en télévision, avaient été investis
lors du lancement de Mach 3) et le développement d’innovations technologiques. Gillette bénéficie
également de synergies commerciales à travers ses différents domaines d’activité stratégiques (rasoirs,
mousse à raser, déodorants). Ces derniers correspondent aux mêmes marchés. Gillette peut ainsi
proposer une offre complète autour du rasoir. Si les technologies ou les produits diffèrent, les clients et les
réseaux de distribution peuvent être identiques. Gillette se positionne non seulement en tant que leader du
marché des rasoirs, mais il ne cesse d’augmenter sa part de marché grâce à sa politique permanente
d’innovation et ses investissements publicitaires massifs, mettant en difficulté Bic qui a du mal à défendre
un positionnement basé principalement sur la variable prix.

Schick-Wilkinson

Schick-Wilkinson (États-Unis) qui détient les marques Schick et Wilkinson, a une part de marché dans les
rasoirs de 11 % en N+1, avec un chiffre d’affaires de 627 millions d’euros. Présent dans 80 pays
(implantation massive en Europe, aux États-Unis et au Japon), il a développé plusieurs produits stars
comme Xtreme 3, Protector, Slim Twin and Silk Effects. Son développement repose avant tout sur un
marketing très poussé (plan de communication colossal) autour de partenariats et le lancement de produits
de haute qualité à forte innovation technologique. Malgré une stratégie d’innovation pertinente, Schick-
Wilkinson a du mal à progresser sur un marché largement dominé par Gillette.

Tableau 13.4 – Le positionnement prix des produits Bic par rapport à la concurrence 5

Prix (en euro) Concurrent Produit Catégorie

2,38 Gillette Mach3 turbo Système

2,13 Gillette Venus Système

1,88 Gillette Mach3 Système

1,83 Schick Xtreme 3 System Système

1,80 Gillette Sensor 3 Système

1,33 Gillette Sensor Excel Système

1,33 Schick Xtreme 3 One Système

1,18 Gillette Sensor Système

1,00 Gillette G II/Trac II Système

1,00 Bic Comfort 3 Jetable

0,63 Gillette Blue II Plus Slalom Système

0,55 Bic Softwin Jetable

0,53 Schick Schick Extra II/ST Jetable

0,50 Gillette Blue II/Good News Jetable

0,45 Bic Comfort Twin Jetable

0,40 Bic Twin Select Jetable

0,30 Bic Plus Jetable

0,20 Bic Classic Jetable

Le positionnement des prix des trois leaders reflète la stratégie de différenciation vers le bas mis en place
par Bic et sa focalisation sur le segment des « jetables ».

Étude des cinq forces de Porter dans le secteur


des rasoirs

Pouvoir de négociation des fournisseurs (4/5)

Les principales matières utilisées sont le plastique et l’acier. Toutes ces matières sont produites par des
fournisseurs fortement concentrés qui exercent un pouvoir important sur leurs clients. La dépendance aux
fournisseurs pourrait être accentuée par le contexte géopolitique international qui aurait pour conséquence
de renchérir le coût du plastique (pétrole). Cependant, les spécialistes du secteur indiquent que ces
situations ne devraient pas avoir de conséquences notables sur les prix.

Pouvoir de négociation des clients (3/5)

Les clients de Bic sont essentiellement des centrales d’achat. Ces clients ont un pouvoir de négociation
élevé en raison de l’intensité concurrentielle que se livrent les acteurs sur le marché des rasoirs (Gillette,
Bic et Schick-Wilkinson).

Menace des produits de substitution (2/5)

Le développement de plusieurs types de substituts au rasoir mécanique peut représenter une menace. On
peut citer les rasoirs électriques pour le segment masculin et les crèmes dépilatoires, les produits à base
de cire et les épilateurs électriques pour le segment féminin. Notons cependant que le marché des rasoirs
est principalement axé sur une clientèle masculine, ce qui relativise cette menace.

Menace des entrants potentiels (1/5)

Le risque d’entrée de nouveaux acteurs sur le marché des rasoirs est plutôt faible en raison notamment de
l’existence de barrières à l’entrée telles que la réputation, l’effet d’expérience ou encore la stratégie de
différenciation vers le bas proposée par Bic (stratégie d’épuration avec des prix réduits).

Intensité concurrentielle (4,5/5)

Elle est très importante. En effet, le marché est dominé par un poids lourd, Gillette, qui dispose de plus de
65 % de part de marché et de moyens colossaux, et un outsider ambitieux. Chacun tente de dominer l’autre
avec des politiques agressives. À ce titre, Bic mène une stratégie alternative avec le concept de rasoir
jetable et moins cher. De plus, les changements technologiques sont fréquents et augmentent la
concurrence. Enfin, il existe d’importantes barrières à la sortie (investissements non transférables par
exemple).

Pouvoir de l’État (1/5)

Outre les classiques normes de sécurité, l’État dispose d’un pouvoir sur cette industrie à travers la
réglementation (questions écologiques/recyclage).
Figure 13.2 – L’hexagone concurrentiel de l’activité rasoir

Analyse de la position concurrentielle de BIC

L’analyse de la position concurrentielle de Bic peut se faire sur deux critères.

La qualité de la stratégie menée par le groupe


Contrairement à la papeterie, Bic n’est pas en position de leader même s’il est numéro 3 mondial sur ce
marché. Sous la pression de Gillette et de Wilkinson, le marché est hautement concurrentiel et a changé de
nature ces dernières années. Le produit apparaît de plus en plus comme technologique avec une prime au
pionnier qui lance le premier une innovation capable d’améliorer la qualité du rasage (soin de la peau,
précision, efficacité, etc.). Le marché s’apparente au marché des cosmétiques (entreprise type comme
l’Oréal) avec un facteur clé de succès majeur : l’efficacité et l’intensité des campagnes publicitaires qui
doivent convaincre le consommateur de disposer du produit de dernière génération. Dans ce contexte, Bic
apparaît en situation difficile. En effet, le prix n’apparaît plus comme le premier critère d’achat dans les pays
développés. De plus, les efforts demandés en termes d’investissement en R & D et en publicité sont hors
de portés pour le groupe dont le prix de vente de ses produits ne permet pas de les amortir suffisamment.
La qualité de la stratégie menée apparaît donc en décalage (comme en témoigne le tableau ci-dessous) et
s’avère plus payante dans les pays émergents que dans les pays développés. Bic essaye cependant de
réagir en augmentant le nombre de produits par emballage et en travaillant le design de ce dernier et du
produit (jeux sur les couleurs, caractère ludique du produit, etc.).

Tableau 13.6 – Positionnement de Bic sur le marché des rasoirs

Critères 1 (fort) 2 3 4 5 (faible)

Portefeuille produit X

Politique de gamme X

Volume de ventes X
Part de marché X

Répartition géographique du CA X

Répartition par canaux de distribution du


X
CA

Politique de marge X

Image de marque X

Qualité des produits

Qualité du service X

Politique de prix X

Fidélité des clients X

Qualité du réseau de distribution X

Efficacité de la force de vente X

Efficacité de la publicité X

Compétitivité du mix X

L’attractivité de l’activité « rasoirs »


Bic dispose d’un positionnement moyen sur un marché faiblement attractif. En effet, comme l’indique le
tableau ci-dessous, la valeur intrinsèque du secteur ressort à une note 13 sur 33 possible.

Tableau 13.7 – Attractivité du DAS « rasoirs »

Critères6 Intensité de la valeur

0 0,5 1 1,5 2 2,5 3

Taux de croissance Entre 0 et 5 % Cycle < 2 ans


prévisible (0,5) > 85 % Moyen Faible
Parts de marché Guerre des prix Moyenne (besoin
des leaders (0,5) per)
Faible Reposant sur un savoir faire
Stabilité des
technologies (1) Moyenne
Risque de Difficile
substitution produits
(2)
Barrières d’entrée
(2)
Niveau prix (0,5)
Marge de gains de
productivité (0,5)
Origine de la
valeur ajoutée
(1,5)
Sécurité
d’approvisionnement
(1,5)
Saisonnalité (2,5)
Base de
développement
d’autres métiers
(0,5)

Axes de recommandations

Bic doit faire face à un choix stratégique difficile. Plusieurs options se présentent :

1re option : l’investissement


Pour améliorer sa position concurrentielle, l’entreprise doit rehausser la gamme des rasoirs une pièce par
des nouveaux produits à valeur ajoutée (lancement de Comfort 3), réaliser d’importants efforts publicitaires
et échantillonnages et engager des frais de R & D importants pour innover.
Cependant, ces actions sont coûteuses (risque de dégradation de la rentabilité) et ne sont pas certaines de
lui assurer des gains importants de part de marché (pression permanente exercée par Gillette et Wilkinson)
dans un marché peu attractif.

2e option : la cession
Bic peut envisager de se séparer de l’activité Rasoir mais cette dernière est indissociable de la marque et
est donc quasiment impossible (l’un des actifs principaux de la filiale réside dans la marque, un acheteur
trouverait peu d’intérêt à acheter cette activité sans la marque).

3e option : le déplacement
Bic peut décider de commercialiser ses produits dans les pays émergents où le critère prix est primordial
pour renforcer sa présence géographique. Ainsi, il sera en mesure de maintenir sa position de leader sur le
segment des « jetables » avec des produits basiques à prix bas (poursuite de la stratégie de « coût-
volume »).

4e option : stratégie intermédiaire


Bic peut décider de limiter les dégâts dans les pays développés en vendant à bas prix le confort 3 lames
(position de suiveur) et en commercialisant ses gammes de produits à bas prix dans les pays émergents.
Il nous semble que l’option 4 est aujourd’hui la plus vraisemblable.

L’activité « briquets »
L’activité Briquets représente 30 % du CA et 35 % du ROP du groupe en N+2. Avec
quatre millions de briquets vendus chaque jour, Bic est numéro 2 mondial avec 22 % de
part de marché. La gamme de briquets classiques proposée par Bic est aujourd’hui
assez large. Il existe ainsi trois tailles différentes de briquets (maxi, médium et mini),
deux systèmes d’allumage (classique ou électronique) et une grande variété de couleurs.

Tableau 13.8 – Chiffres clés de l’activité « briquets »

Activité Briquets N N+1 N+2

Variation du chiffre d’affaires +


– 5,3 % – 2,5 %
12,5 %

Variation du CA à devises constantes + 2,4 % – 4,3 % + 3,4 %

Variation en volume 0% – 7,1 % +1%

Marge d’exploitation 25 % 25,3 % 24,4 %

Analyse des principaux concurrents


Le marché du briquet comprend essentiellement deux principaux concurrents :

La société Tokai

Leader mondial très puissant, présent sur tous les créneaux, Tokai, filiale du groupe japonais Itochu,
développe une stratégie de volume mais sur des produits de qualité (innovation, sécurité…). Il détient 41 %
de part de marché en N+1.

La société Swedish Match

Swedish Match (Suède) se positionne sur des produits liés au tabac (tabac à priser, tabac à chiquer, tabac
pour pipe, allumettes, briquets…). L’entreprise est positionnée sur des articles de qualité. Elle possède 4 %
de part de marché en N+1. De plus, les producteurs asiatiques représentent un groupe d’acteurs important
avec 34 % de part de marché en N+1. Très nombreux, ils ont souvent recours à la contrefaçon 7 et
proposent des produits de piètre qualité. C’est une concurrence importante car ces producteurs
connaissent une croissance accrue de leur chiffre d’affaires et sont les principaux responsables de la
baisse des ventes de Bic sur ce marché.
De fait, le groupe Bic a, pour le moment, mis en place quatre types d’actions pour faire face durablement
aux importations massives de ces produits à bas prix :
le renforcement de sa politique de communication sur la qualité de ses produits ;
le rachat de ses principaux distributeurs afin de s’assurer qu’ils ne commercialisent pas ses
concurrents ;
l’édition de séries limitées autour de films, d’événements sportifs et de briquets utilitaires ;
l’innovation.

Étude des cinq forces de Porter dans le secteur


des briquets

Pouvoir de négociation des fournisseurs (2,5/5)

Les principales matières utilisées sont le plastique, l’acier et le gaz liquéfié. Toutes ces matières sont
produites par des fournisseurs fortement concentrés qui exercent un pouvoir important sur leurs clients. La
dépendance aux fournisseurs est encore accentuée par le contexte géopolitique international qui a pour
conséquence de renchérir le coût du plastique et du gaz liquéfié. Cependant, les spécialistes du secteur
indiquent que cette situation ne devrait pas avoir de conséquences notables sur les prix.

Pouvoir de négociation des clients (1,5/5)

Les clients de Bic sont essentiellement des centrales d’achat qui servent la grande distribution et les débits
de tabac. Leur pouvoir est relativement important bien que compensé par un faible nombre de producteurs
de briquets.

Menace des produits de substitution (2/5)

La concurrence des allumettes et des briquets à essence est réelle mais ne progresse pas au détriment
des briquets jetables dont le marché reste constant.

Menace des entrants potentiels (3/5)

La menace des entrants potentiels dans ce secteur est importante. Le briquet est un produit banalisé qui,
malgré l’existence de brevet, est confronté à d’importants problèmes de contrefaçons émanant des pays
d’Asie et d’Amérique Latine.

Intensité concurrentielle (2,5/5)

Le marché assez concentré avec 64 % des parts de marché contrôlé par 3 entreprises : Tokai, Bic et
Swedish Match.

Pouvoir de l’état (3,5/5)


Outre les classiques normes de sécurité, l’État dispose d’un pouvoir à travers les lois antitabac. Les
politiques menées récemment (campagnes antitabac agressives, forte augmentation du prix de vente des
cigarettes, affichage de la nocivité sur l’emballage du produit, interdiction de fumer dans certains lieux
publics) par les pouvoirs publics ont eu ces dernières années un impact négatif sur les consommateurs de
tabac. Cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir. Le briquet, étant en partie un produit
lié au tabac, risque donc de connaître une diminution non négligeable de ses ventes.

Figure 13.3 – L’hexagone stratégique de l’activité briquet

Analyse de la position concurrentielle de Bic


L’analyse de la position concurrentielle de Bic peut se faire sur deux critères.

La qualité de la stratégie menée par le groupe

La politique menée par l’entreprise est cohérente avec le segment (cf. tableau ci-après). La position de
leader de Bic semble ainsi légitime. L’entreprise est fragilisée par des entreprises ayant des pratiques
déloyales (non-respect des normes qualité, contrefaçon…).

Tableau 13.9 – Positionnement de Bic sur le marché des briquets

Critères Forces 2 3 4 Faibles

Portefeuille produit X

Politique de gamme X

Volume de ventes X

Part de marché X
Répartition géographique du CA X

Répartition par canaux de distribution du


X
CA

Politique de marge X

Image de marque X

Qualité des produits X

Qualité du service X

Politique de prix X

Fidélité des clients X

Qualité du réseau de distribution X

Efficacité de la force de vente X

Efficacité de la publicité X

Compétitivité du mix X

Tableau 13.10 – L’attractivité de l’activité Briquet

Critères8 Intensité de la valeur

0 0,5 1 1,5 2 2,5 3

Taux de croissance Taux < 5 % Moyen < 30 %


prévisible (0,5) Faible Moyen cycle
Parts de marché Reposant sur un savoir-faire > 5 ans
des leaders (2) Faible
Plausible
Stabilité des Assurée
technologies (2,5)
Faible
Risque de
substitution produits
(1,5)
Barrières d’entrée
(0,5)
Niveau prix (1)
Marge de gains de
productivité (1)
Origine de la valeur
ajoutée (1)
Sécurité
d’approvisionnement
(2)
Saisonnalité (2,5)
Base de
développement
d’autres métiers (1)

L’attractivité de l’activité briquet


Le secteur du Briquet se voit allouer une note intrinsèque de 15 sur 33. Ce marché est donc faiblement
attractif du fait de faibles barrières à l’entrée entraînant l’existence d’une multitude de fabricants asiatiques
proposant des produits à bas prix, ne respectant bien souvent pas les normes de sécurité.

Axes de recommandations

Aujourd’hui, l’activité Briquet est extrêmement rentable (marge opérationnelle de 25 %). De plus, Bic est
leader sur ce marché. Cependant, les évolutions sociétales et politiques concernant l’attitude face au tabac
doivent pousser l’entreprise à s’interroger sur la pérennité de cette activité à long terme (horizon 10-20 ans).
Ainsi, nous préconisons sur le court terme de mener 5 actions stratégiques pour tirer profit de la position
favorable de Bic sur le marché :
Poursuivre de l’expansion géographique en Amérique Latine et en Europe de l’Est.
Conquérir de nouveaux marchés : Asie et Europe de l’Est.
Promouvoir des articles utilitaires et des séries limitées.
Poursuivre la lutte contre la contrefaçon. L’exigence de qualité qui suffisait à développer l’activité sans
grande difficulté est aujourd’hui mise à mal par des concurrents de plus en plus agressifs au niveau
des prix. Il faut veiller à se démarquer des produits bas de gamme et faire des normes de sécurité une
protection « légale » face aux produits de moindre qualité (élévation des barrières à l’entrée via les
normes ISO/poursuites juridiques et lobbying dans les pays où sont produites les
contrefaçons/interdiction de certains articles défectueux).
Faire une campagne de communication sur la qualité des produits (sécurité/fiabilité) et la marque Bic.Le
groupe doit en effet renforcé sa politique marketing, en valorisant et rendant plus visible sa marque et
en accentuant sa différenciation notamment au niveau des logos en couleurs et du lancement de
nouveaux coloris de briquets.
Cependant, l’entreprise doit aussi penser au futur, en identifiant de nouveaux relais de croissance.

La chaîne de valeur de l’activité Papeterie


Il est proposé une illustration de la chaîne de valeur, à partir de l’étude de l’activité
papeterie.
Comme le montre le diagnostic réalisé précédemment, Bic est présent sur les étapes
2, 3 et 4 de la chaîne de valeur de l’activité papeterie. Nous développons ci-après les
caractéristiques spécifiques à chaque phase et le rôle que doit jouer l’entreprise Bic au
niveau de l’ensemble du processus de création de valeur de cette activité.
Pour gérer efficacement l’étape 1, Bic doit être capable d’acheter auprès de ses
fournisseurs les matières premières nécessaires le moins cher possible, en jouant sur
les effets volume et sa dimension de leader mondial. Il faut aussi se couvrir contre les
risques de change (maintien de la valeur du dollar pour éviter de surenchérir les
produits et de nuire aux marges) et assurer la sécurité des approvisionnements, avec une
gestion logistique optimisée et maîtrisée.
Les étapes 2 et 3 sont liées à l’excellence technologique dans la gestion des
processus de fabrication et à la qualité de sa recherche et développement.
Lors de l’étape 4, Bic doit être capable de livrer aussi bien des hypermarchés, c’est-
à-dire pouvoir livrer rapidement et en quantité les produits demandés à un prix
abordable sur plusieurs zones géographiques, que des magasins de proximité (pouvoir
livrer en petites quantités de multiples points de vente). Elle doit s’appuyer pour cela
sur la notoriété de sa marque, avec des dépenses marketing et la qualité de sa force de
vente.
Enfin l’étape 5 est liée aux compétences marketing du groupe (campagnes
publicitaires attractives, produits adaptés aux besoins des consommateurs, qualité du
merchandising et de l’achalandage…) et à la pertinence du rapport prix-qualité-
innovation perçu. On peut voir que Bic est relativement bien positionné sur la chaîne de
valeur et dispose d’atouts stratégiques forts pour exploiter au mieux son activité.

Tableau 13.11 – La chaîne de valeur de l’activité « papeterie »

Étape 1 Étape 5
Étape 2 Étape 3 Étape 4
Trouver des Vente au
Fabrication des Assemblage des Vente aux
matières consommateur
composants composants Distributeurs
premières

Plastique Maîtrise du Design des produitsVente aux Politique


(pétrole) façonnage des Emballage/packaging grandes multicanaux
Carbonne matières plastiques surfaces permettant au
Coloration (WalMart, client un accès
Nickel Programme de
recherche et Carrefour…) aisé aux
Bois développement et dans les produits
Tungstène grands papeterie Bic
Gestion de la chaîne magasins (proximité géo-
Encre/colorants de fabrication (Galeries graphique)
Lafayette, Création
Monoprix…) d’événements
Vente dans (sponsoring,
les sur-faces mécénats)
spécialisées
(papeterie,
équipements
de bureaux)
Vente aux
magasins de
proximité
(buralistes,
marchands
de journaux,
points
gares…)

Positionnement de
bic (Marge
Marges types 5 à 10 % 5 à 15 %
opérationnel de
15 % en N+2)

Moyen Faible Faible Moyen Moyen


Liés à la Accidents Qualité de la main- Mauvaise Déférencement
variation du industriels d’œuvre (politique de performance par un
dollar Gestion des formation) de la force distributeur
Nombre de déchets/dégradation de vente Nouveaux
Risques fournisseurs de l’environnement Problème de produits non
caractéristiques limités logistique conformes aux
Conflits attentes et
géopolitiques besoins
Dépréciation de
l’image de
marque

Maîtrise des Qualité des Adaptation des Prix abordable Prix accessible
risques composants et des produits à la Capacité à Campagne
politiques processus de demande locale livrer marketing
Apports élevés fabrication Design et créativité rapidement et (image de
en capitaux (démarche qualité) en quantité marque)
Capacité à lancer de
Capacité à Effets volume nouveaux produits les produits Qualité du
trouver et à Maîtrise des coûts demandés réseau de
Facteurs clés
exploiter des Présence distribution
gisements mondiale Innovations
naturels Capacités produit
logistiques Partenariat/co-
élevées branding
Qualité de la
force de vente
Le portefeuille des activités
Il est possible d’étudier le portefeuille d’activité de Bic à partir de deux matrices : la
matrice AD Little et la matrice BCG (cf. tableaux ci-après).

Tableau 13.12 – Le positionnement des DAS de Bic sur la matrice AD


Little

Maturité de l’activité

Démarrage Croissance Maturité Déclin

Dominante

Forte
Position
Favorable
concurrentielle
Faible

Marginale

Tableau 13.13 – Le positionnement des DAS de Bic sur la Matrice BCG

+ Étoiles Dilemmes

Poids morts

Croissance du
marché

Vaches à lait

+ –

Part de marche

L’analyse des deux matrices permet de mener une analyse contrastée du portefeuille
d’activité de Bic :
les trois principales activités sont arrivées à maturité (faible croissance ou
décroissance des marchés) alors que l’activité « sport » en croissance ne
représente qu’une faible contribution au chiffre d’affaires et aux marges du
groupe ;
les marchés de la papeterie et du rasoir sont fortement concurrentiels et Bic se
positionne respectivement en deuxième et troisième positions derrière des groupes
américains nettement plus puissants que lui ;
l’activité « rasoir » apparaît comme une activité dilemme voire un poids mort, du fait
d’un marché ultra concurrentiel, du lancement de nouveaux produits régulièrement
par Gillette, de la faible part de marché et d’un positionnement sur des produits en
perte de vitesse. Bic doit pour l’instant son salut sur ce marché aux pays émergents
mais l’article Rasoir est passé d’un statut de bien de consommation courant à un
produit courant « à contenu technologique fort » ;
l’activité « briquets » pourrait être considérée comme une activité vache à lait.
Cependant, la concurrence des pays asiatiques est forte et dangereuse malgré une
qualité des produits inférieure à ceux de Bic. De même, la pérennité de cette
activité liée au tabac n’est pas assurée sur le long terme.
Le marché de la papeterie semble le plus attractif pour la société, qui profite d’une
position forte, d’une excellente image de marque, d’une stratégie en adéquation avec le
marché, d’un marché relativement attractif et de la possibilité de renforcer sa position
via des acquisitions ciblées.
L’analyse du portefeuille d’activité conduit à s’interroger sur la capacité du groupe à
se maintenir en position concurrentielle forte sur ces trois segments stratégiques. Dans
le futur, Bic semble face à un vrai choix stratégique : doit-il concentrer l’ensemble de
ses efforts sur la papeterie (concentration des dépenses publicitaires, de R & D et des
acquisitions), sur deux marchés (papeterie et briquet) ou conserver ses trois activités
principales (quitte à adopter une stratégie de rentabilisation sur le marché des rasoirs) ?
Notes
1. Malgré la mise en place d’une politique de couverture des devises, l’entreprise reste
très sensible à la baisse du dollar, qui induit une diminution du chiffre d’affaires du
groupe. Les prévisions du groupe seront donc quasiment impossibles à tenir si le
marché des devises s’oriente vers une parité euro-dollar en faveur de l’euro.
2. Newell Rubbermaid est aussi présent dans d’autres secteurs tels que les articles
ménagers (notamment articles de cuisine et verrerie avec les marques Rubbermaid,
Curver et Pyrex) et les articles de décoration et de bricolage (notamment accessoires
pour rideaux et fenêtres, accessoires de peinture et matériel de rangement). Il réalise un
chiffre d’affaires groupe de près de 6,2 milliards de dollars dont environ 20 % dans les
instruments d’écriture.
3. L’animation des points de vente est l’un des points forts du groupe, qui gère mieux
cette activité que ses concurrents.
4. Chacun des critères donne lieu à une notation de 0 à 3 en fonction de l’intensité de sa
valeur. La somme des différentes notes permet une quantification de la valeur
intrinsèque du secteur.
5. Source Bic, site Internet bic.fr
6. Chacun des critères donne lieu à une notation de 0 à 3 en fonction de l’intensité de sa
valeur. La somme des différentes notes permet une quantification de la valeur
intrinsèque du secteur.
7. À titre d’illustration, en 2002, 17,5 millions d’instruments d’écriture, de briquets et
de rasoirs contrefaisant la marque Bic ont été saisis et plus d’une centaine d’actions
juridiques anticontrefaçons ont été menées.
8. Chacun des critères donne lieu à une notation de 0 à 3 en fonction de l’intensité de sa
valeur. La somme des différentes notes permet une quantification de la valeur
intrinsèque du secteur.
9. Source : Rapport annuel Bic N+2
Chapitre 14

Diagnostics interne et externe

En nous appuyant sur différentes grilles d’analyse, il est possible de réaliser des
diagnostics fonction par fonction du groupe Bic qui vont permettre de mieux cernés ses
atouts et faiblesses.

Le diagnostic interne

Le diagnostic financier

L’entreprise Bic bénéficie d’une structure financière solide et saine. Elle recourt peu à l’endettement
(endettement net négatif) et son bilan est sain. De plus, elle dispose d’une trésorerie disponible
conséquente (170 millions d’euros en N+2) et d’une marge opérationnelle sur l’ensemble de ses produits
relativement élevée (environ 15 % pour les activités écriture et rasoirs, 25 % pour les briquets).
En revanche, son cours de bourse et sa rentabilité se dégradent depuis N dans un contexte de conjoncture
difficile.
Il est à noter que la société Bic a mis en place :
plusieurs plans de rachats de ses actions ;
une politique de distribution de dividendes favorable à ses actionnaires.
Ces décisions peuvent être interprétées différemment. Elles peuvent dans un sens témoigner d’une
certaine frilosité visant à privilégier une logique
financière au détriment d’une politique d’investissements forte (absence de vision stratégique). À l’inverse,
elles peuvent également se voir comme une volonté de la Direction de renforcer son emprise sur le Groupe
et de mener une stratégie prudente en période d’instabilité (statut de valeur défensive ou de refuge).

Tableau 14.1 – Le positionnement de Bic sur différents critères d’un diagnostic financier

1 5
Critères 2 3 4
(fort) (faible)

Rentabilité X

Endettement à LMT X

Endettement à CT X

Solvabilité X
Trésorerie X

Stocks X

Créances clients X

Sources de financement X

Risque de rachat1 X

Cotation boursière X

Dettes fournisseurs X

Part des frais financiers dans le


X
CA

Flexibilité financière X

Politique dividendes X

Le diagnostic industriel
L’organisation de la production apparaît comme l’un des points forts du groupe Bic, qui la réorganise et la
restructure en permanence. Au niveau opérationnel, le groupe exerce en particulier une forte pression sur
les contrôles qualité de ses produits. Le groupe dispose en effet de l’ensemble des certifications et mène
de multiples contrôles sur les chaînes de fabrication. L’ensemble de ces actions contribue à assurer une
plus grande fiabilité et une sécurité aux différents produits.

Tableau 14.2 – Le diagnostic industriel de Bic

1 5
Critères 2 3 4
(fort) (faible)

Capacité de production X

Qualité de production X

Taux de sous-traitance X

Flexibilité de la production X

Délais de production X
Qualité des équipements X

Coût de production X

Localisation des usines X

Politiques d’innovation X2

Moyens affectés à la R & D X1

Adaptation au marché
X1
des innovations

Le diagnostic organisationnel
La politique RH de l’entreprise, qui compte près de 9 000 collaborateurs, est dynamique.
Le groupe ne connaît pas de difficultés de recrutement grâce à la collaboration avec des cabinets de
recrutement spécialisés de renommée internationale et le lancement de recrutements sur Internet.
Cependant, le poids de la famille Bich au niveau de la direction générale du groupe (3/4), peut rentre
l’entreprise peu attractive auprès de top managers talentueux dont le projet professionnel est de diriger à
court et moyen termes une grande entreprise. À ce titre, il est intéressant de constater que les principaux
concurrents du groupe sont pilotés par des managers externes de culture anglo-saxonne capables de
saisir plus facilement des opérations de croissance externe et d’opérer des changements stratégiques. La
dimension familiale est donc à la fois positive, avec un style de management humain, une gestion des
risques et des valeurs sociales affichées. Mais elle peut aussi limiter l’expansion du groupe et empêcher
l’intégration de talents externes, capables de révolutionner l’entreprise et d’instaurer de nouveaux
paradigmes stratégiques.
Le taux de turnover baisse régulièrement. Il est de 5 % en N+2 contre 7 % en N+1 et 9 % en N. De même,
le taux d’absentéisme est relativement faible (moyenne 2,95) s’expliquant principalement par les arrêts
maladie et maternité.
L’entreprise a développé une politique de mobilité et de promotion interne active, qui s’appuie sur des outils
de gestion de carrière (Plan de Développement Individuel, Plan de succession, accélérateurs de
talents, etc.) qui sont utilisés efficacement.
Le coût moyen annuel par employé (charges sociales incluses) est de 40 320 euros en N+2. Des
programmes de rémunérations variables encouragent la performance individuelle et la performance des
équipes de travail. En effet, les rémunérations variables liées à la performance représentent 15 % des
salaires de base bruts en moyenne de l’ensemble des cadres du Groupe.
La politique de formation chez Bic recouvre 3 758 jours en N+2. Les thématiques privilégiées sont la
Gestion de la Performance, la diversité culturelle les méthodes de travail Bic (Méthode, Précision,
Discipline), l’innovation et l’amélioration des vendeurs.
Sur chaque continent, les formations sont plus ciblées sur les nécessités locales. Il en ressort que le
positionnement de Bic sur les critères RH et organisationnels est très positif.

Tableau 14.3 – La grille d’évaluation de la politique RH

1 5
Critères 2 3 4
(fort) (faible)
Compétences des salariés X

Politique de rémunération X

Attractivité de l’entreprise X

Niveau de formation X

Adaptation de la structure à la
X
stratégie

Qualité du système d’information X

Qualité de la veille
X
environnementale

Flexibilité de l’organisation X

Qualité du processus
X
de production

Forces/faiblesses et opportunités/menaces
Pour étudier les Forces/Faiblesses et Opportunités/Menaces du groupe Bic, il est nécessaire au préalable
de définir les facteurs clés de succès des marchés sur lesquels il est présent. Quelles que soient les
différences constatées, il nous semble que quatre FCS sont communs aux trois DAS analysées :
les prix bas ;
l’injection de plastique (technologie) ;
le marketing (efforts publicitaires soutenus) ;
un réseau de distribution adapté (stratégie multicanaux).
De plus, sur le marché des rasoirs, l’innovation technologique est devenue le FCS dominant. En fonction de
ces FCS, il est possible de positionner l’entreprise au regard de ses qualités et de sa position au sein de
l’environnement (voir tableaux ci-dessous).
Pour des raisons de praticité, nous présentons une synthèse des forces-faiblesses-opportunités-menaces
pour les trois principales activités, même si naturellement il conviendra de réaliser cette étude sur chacun
des DAS pris séparément.

Tableau 14.4 – Les Forces-Faiblesses et Opportunités-Menaces3

Forces Faiblesses

Notoriété de la marque/renommée mondiale Perte de parts de marché dans les rasoirs et les
briquets
Ressources financières disponibles en vue
d’acquisitions futures Cours de bourse très bas
Diversification géographique accomplie
Large gamme sur les produits « jetables » Pas d’axes de développement clairement affichés
en dehors des activités existantes
Prix concurrentiel
Marque connotée « Premier Prix »
Positions concurrentielles fortes (no 2 ou 3
mondial) Potentiel de développement limité
Capacité de lancement de nouveaux produits Marché déflationniste
Renouvellement fréquent des emballages Suivi des concurrents (imitation) plus qu’innovation
produit
Cash disponible
Actionnariat verrouillé
Actionnariat verrouillé
Entreprise faiblement endettée alors que les taux
Stratégie de distribution intensive d’intérêt sont extrêmement bas (non utilisation de
Entreprise faiblement endettée l’effet de levier)
Organisation et gestion des usines Approche un peu attentiste (des possibilités de
Politique d’achat offensive rachats avortées au bénéfice des principaux
concurrents Waterman et Wilkinson)
Nombreux composants produits en interne
Concurrence accrue dotée d’avantages distinctifs
(notoriété, puissance financière, parts de marché,
Opportunités image de marque), en particulier sur le marché des
rasoirs.
Extension de gamme Papeterie
Taux de changes défavorables (forte dépendance
au dollar)4
Poursuite de l’expansion géographique
Réactualisation des produits classiques Activité briquet liée au tabac
Développement des produits à valeur ajoutée
Élévation de la qualité des produits Contrefaçon en croissance
Montée en gamme Stagnation de certaines activités
Développement par stratégies d’alliances et Renchérissement du coût des matières premières
partenariats Importation de produits asiatiques à bas prix
Possibilité de diversification concentrique avec Forte pression sur les marges
synergies de croissance (compatibilité en termes
Capacité des concurrents à lancer des produits
d’image et de positionnement)
innovants
Segment féminin dans le secteur des rasoirs
Image dégradée des produits jetables face aux
Acquisitions en papeterie objectifs du développement durable
Poursuite de la restructuration de la papeterie
Rachat et annulation d’actions

Synthèse et recommandations
Le groupe Bic dispose d’une image de marque extrêmement forte (première marque française à l’étranger).
L’entreprise a connu de nombreux succès depuis sa création dans les années 1950 qui lui ont permis
d’acquérir une position de no 2 sur les marchés de la papeterie et des briquets et une position de no 3 dans
le secteur des rasoirs jetables.
Aujourd’hui, l’entreprise se trouve face à un tournant de son histoire. Tout d’abord, elle apparaît en difficulté
sur le marché des rasoirs, compte tenu d’un changement de facteurs clés de succès (passage d’une
logique prix à une logique innovation et marketing fortement impulsée par l’entreprise Gillette). De plus,
l’entreprise Bic doit faire face à une évolution du comportement des consommateurs concernant le tabac
qui risque d’impacter fortement sur les ventes de briquets (logique de produits liés). Enfin, alors que Bic
avait mené une politique d’acquisitions pertinentes au cours des années quatre-vingt-dix sur le marché de
la papeterie, l’entreprise a laissé passer des opportunités de croissance importantes qui lui auraient permis
de se rapprocher du leader du marché, à savoir Newell-Rubermaid et s’est laissé distancer sur le volet
innovation par Pilot.
Face à cette situation nouvelle, l’entreprise semble pour l’instant maintenir la même stratégie qui repose
essentiellement sur une stratégie qualité-prix. Ceci contribue de fait à lui conférer une image attentiste
sanctionnée depuis quelques années par les investisseurs financiers (diminution importante du cours de
bourse depuis N).
Pour conclure, il nous semble important de proposer des recommandations à court terme par activités et
de poser les grands choix stratégiques qui s’offrent à l’entreprise sur le long terme.
En ce qui concerne l’horizon à court terme, nous suggérons les actions suivantes.

DANS LE SECTEUR PAPETERIE :

mener une politique d’acquisitions agressive, afin de tirer partie d’un marché encore peu concentré (les
leaders tenant moins de 50 % parts de marché au niveau mondial) à deux niveaux : accroissement ou
renforcement de la gamme de produits et extension géographique du portefeuille clientèle (Asie et
Europe de l’Est notamment) ;
conserver une politique de rapport qualité-prix optimum, pour acquérir une position de leader sur les
marchés en développement et capter une clientèle sensible au prix dans les pays développés ;
s’appuyer sur les marques haut de gamme du Groupe (Sheaffer par exemple) pour véhiculer de produits
innovants à forte valeur ajoutée (ce qui permettrait de concurrencer l’entreprise Pilot) ;
renforcer le poids des correcteurs, marqueurs, instruments de coloriage, crayons à papier, dont le taux
de croissance est aujourd’hui supérieur aux stylos.

DANS LE SECTEUR DES RASOIRS :

focaliser l’activité sur les pays émergents dont le premier facteur clé de succès demeure le prix ;
maintenir la stratégie « coût-volume » sur le segment des « jetables » ;
adopter une politique de suiveur (réussir à copier rapidement et à moindre coût certaines innovations clés
du leader Gillette, sans investir massivement en Recherche & développement et en communication) ;
privilégier, en termes de différenciation, le produit atypique (esthétisme, couleur, valeurs véhiculées) par
rapport aux démarches d’innovations technologiques souvent très coûteuses.

DANS LE SECTEUR DES BRIQUETS :

conquérir les marchés émergents : Asie et Europe de l’Est ;


promouvoir des utilitaires et des séries limitées ;
poursuivre la lutte contre la contrefaçon (valorisation de l’image de marque) ;
faire une campagne de communication sur la qualité et la sécurité des produits.
En ce qui concerne un horizon à plus long terme (> 3 ans), il nous semble que l’entreprise doit trouver un
relais de croissance, par le lancement ou l’acquisition d’une nouvelle activité, qui puisse à terme se
substituer aux activités briquet et rasoir, qui passent d’activités vaches à lait à poids morts et sont en perte
de vitesse – baisse de la consommation, accroissement des contraintes juridiques, intensité
concurrentielle très élevée. La famille Bich doit donc se préparer à faire preuve de la même audace qui a
permis dans l’histoire du groupe de lancer le stylo, le briquet ou le rasoir jetable. Une autre approche
alternative consisterait à devenir un leader mondial dans les articles de papeterie, en se positionnant sur
une gamme de produits complète et en devenant l’acteur incontournable des opérations de concentration
sur ce marché.
Notes
1. Le fait que l’entreprise soit fortement contrôlée par la famille Bich rend la valeur
peu spéculative (peu attractive pour les investisseurs), ce qui peut expliquer en partie
son cours de Bourse. En revanche, le sort de l’entreprise est soumis à la volonté des
membres de la famille de conserver ou non durablement leurs actions.
2. Si le montant de R&D et des innovations apparaît bien adapté aux DAS des briquets
et de la papeterie, il apparaît insuffisant sur le marché des rasoirs où Gillette et
Wilkinson investissent beaucoup plus en R&D.
3. Les principaux points (menaces les plus probables par exemple) sont indiqués en
italique.
4. Il est à noter en particulier que Bic est une valeur Dollar (60 % du CA réalisé en
Amérique du Nord et du Sud) et que ses résultats sont fortement affectés lorsque le
dollar américain est faible. Selon l’évolution des cours de change dans le futur, les
résultats de l’entreprise seront plus ou moins affectés.
Chapitre 15

Analyse rétrospective
de la diversification de Bic dans
les parfums

L’entreprise Bic a cherché pour se développer de nouveaux relais de croissance à


travers un élargissement naturel vers le secteur de la papeterie et une diversification
maîtrisée vers les briquets et les rasoirs1. En revanche, la stratégie de développement
de Bic a connu un échec sur certaines diversifications, à l’instar des parfums jetables.
Cet échec montre les facteurs clés du développement de l’entreprise et les limites
qu’elle ne doit pas franchir. Concernant l’échec des parfums Bic, on peut ranger les
facteurs d’échec en trois catégories.

L’inadéquation entre le réseau de distribution existant


et le produit générique visé
On peut penser que les choix de distribution ont été une erreur car les consommateurs
n’étaient pas prêts à acheter leur parfum avec leur paquet de cigarettes et leur briquet.
Néanmoins, il faut noter que les buralistes ne furent pas le circuit principal, les efforts
étant portés surtout dans les GMS et chez les coiffeurs, lors du re-lancement de 1990.
Les explications doivent donc être cherchées ailleurs, même si l’existence d’un
réseau clairement dédié à ce type de produits aurait permis d’asseoir le positionnement
des parfums Bic sur le marché.

L’inadéquation entre la marque Bic et le produit


générique visé
Contrairement aux autres produits Bic qui ont été des succès à leur lancement (stylos,
briquets et rasoirs), la révolution pour les parfums ne portait que sur les prix. Il
manquait un concept produit fort en termes d’innovation. Les produits étaient les mêmes
que ceux développés par la concurrence. La situation concurrentielle est donc différente
que pour les premiers produits Bic qui étaient par rapport aux concurrents de qualité
supérieure et moins chers.
En effet, la philosophie de base du Groupe repose sur l’innovation-produit, une
extrême fonctionnalité autour d’un prix très concurrentiel. Or le parfum est un produit
qui par nature n’est pas fonctionnel et qui est essentiellement orienté sur l’image et la
personnalité des individus (produit intimiste). L’extension de marque est donc
certainement une des causes majeures de l’échec des parfums Bic. Car si la marque Bic
a une très grande notoriété mondiale, elle connote des valeurs de qualité matérielle, de
fiabilité, de technique bien maîtrisée, de bas prix, mais ne crée pas en l’état un
imaginaire valorisant et personnel autour du rêve et du savoir-vivre.
La marque Bic est de ce fait une marque trop « utilitaire ». Vulgariser un produit de
rêve comme le parfum sous une telle marque pouvait risquer de le rendre banal et sans
« saveur ». De plus, proposer un très bas prix pose un risque supplémentaire de faire
apparaître le produit comme un article bas de gamme alors même qu’il était
d’excellente qualité. Alors que pour des articles tels que les stylos et les briquets, Bic
donne une image de bon rapport qualité-prix, pour des parfums Bic fait paradoxalement
« cheap ».

Une communication délicate


Au niveau de la communication, il ne s’agissait plus de promouvoir un produit simple,
bon marché et performant comme dans le cas de la pointe Bic, des rasoirs ou encore des
briquets. Ici, on devait changer profondément le comportement des consommateurs sur
des motivations plus subjectives liées à la personne et à ses aspirations profondes
(valeurs).
Mais la publicité ne peut pas transformer du jour au lendemain des marques aussi
fortes que Bic et des motivations aussi universelles et éternelles que celles qui
expliquent l’achat des produits de beauté. La publicité peut jouer avec ces motivations
mais elle ne les change pas fondamentalement.
D’ailleurs, certains publicitaires contactés ont conclu que la seule voie possible pour
Bic était de « bousculer » les consommateurs, c’est-à-dire de faire une publicité
subversive en dénonçant le prix des grandes marques et en appelant les consommateurs
à la raison.
Ceci est d’autant plus délicat que les parfums Bic apparaissaient comme des produits
de création simple ne présentant aucune innovation technique ni originalité de
conception par rapport à la concurrence.
Notes
1. Nous tenons à remercier l’équipe de consultants de Dever pour son apport à la
réflexion.
Chapitre 16

Évolution de l’entreprise Bic entre


N+4 et N+9

Depuis N+3, le chiffre d’affaires et le résultat net du groupe Bic sont relativement
stables comme le montre le tableau 14.1.
Ceci témoigne des efforts réalisés par le groupe pour conforter sa position
concurrentielle malgré un environnement toujours aussi difficile (forte concurrence,
augmentation du prix des matières premières6…).
En particulier, Bic semble avoir résisté à la crise financière montrant que son
business model (qualité à bas prix, stratégie de volume, fonctionnalité, simplicité…) a
la capacité de s’adapter à des contextes économiques extrêmes, voire d’en tirer
bénéfice grâce à une bonne adéquation avec les attentes des consommateurs.

Bic et la crise : le point de vue de Mario Guevara (Directeur général du groupe)


et de Bruno Bich (Directeur du conseil d’administration)
« Notre plus grande force est la marque Bic et l’excellent rapport qualité prix qu’elle offre au
consommateur. C’est un atout essentiel dans tout environnement économique, mais plus encore
dans le contexte de crise sans précédent que nous connaissons aujourd’hui. Les
consommateurs sont particulièrement attentifs à leurs dépenses et les distributeurs le sont
également. Aucune entreprise ne peut se prémunir face à de telles conditions économiques, mais
le positionnement de notre marque nous met en position plus forte pour répondre aux attentes des
consommateurs, à un moment où le rapport qualité prix est plus que jamais essentiel. »
« Nous avons toujours cherché à positionner notre marque comme “l’ami du consommateur”,
offrant en permanence un bon prix sans jamais transiger sur la qualité. Cette association forte
entre “qualité” et “prix” a été un facteur clé de notre succès, particulièrement dans les marchés
émergents où nos produits sont recherchés par des consommateurs au pouvoir d’achat plus
faible. Dans un contexte où les consommateurs ont moins à dépenser, je crois que Bic a le bon
positionnement pour les aider à traverser aujourd’hui cette période de grave crise économique. »
Source : Rapport Annuel N+8

Tableau 16.1 – Évolution des chiffres clés de Bic

Données financières du groupe Bic

N+9 N+9
EXERCICE N+8 N+7 N+6 N+5 N+4 N+3
(est.) (9 mois)
CA 1,493 1,120 1 420 1 456 1 448 1 380 1 264 1 360

Résultat net 158 119 145 173 170 156 114 110

En millions d’euros
En N+8, la structure du chiffre d’affaires de Bic reste très proche de celle analysée
dans le cadre du diagnostic et se répartit de la manière suivante :
DAS Papeterie (51 % du chiffre d’affaires) ;
DAS Briquet (27 % du CA) ;
DAS Rasoir (18 % du CA) ;
Autres produits (Bic Sport notamment : 4 % du CA).
Au sein du portefeuille d’activité, l’activité Rasoir continue d’être une activité
dilemme compte tenu de la forte concurrence exercée par Gillette et Wilkinson, qui
nécessite des investissements industriels et marketing importants pesant sur la
rentabilité globale. Inversement, on peut noter que l’activité papeterie reste l’activité
vedette du groupe avec de bonnes perspectives de croissance alors que le redressement
de l’activité Briquet en fait plutôt une activité Vache à lait (50 % du résultat
d’exploitation).
De même, le groupe reste principalement implanté sur deux marchés (américain et
européen) même s’il continue de se développer en Amérique latine et en Asie.
En particulier, Bic a ouvert une nouvelle unité de production d’instruments d’écriture
en Chine en novembre N+5. L’objectif est de développer des produits spécifiques pour
l’Asie afin d’y accroître le chiffre d’affaires du groupe. On constate un rééquilibrage du
chiffre d’affaires (40 % en Amérique du Nord contre 46 % en N+5, 33 % en Europe
contre 30 %, 20 % contre 18 % en Amérique latine) au profit de l’Europe et de
l’Amérique du Sud.

(Source : Rapport annuel)

Figure 16.1 – Le chiffre d’affaires de Bic par zone géographique


Les dates clés
Les années N+4–N+9 sont marquées par de nombreux événements et notamment plusieurs opérations
d’acquisition d’entreprises pour renforcer le leadership de Bic dans la papeterie et ses activités dans le
domaine promotionnel.

Tableau 16.2 – Événements clés (N+4–N+9)

Lancement de produits Opérations externes Opérations internes

3-lames féminin BIC Soleil®. Stypen SA Lancement de la gamme de


N+4 Partenariat Disney produits de coloriages « Magic
Artist Bic »

Bic Comfort 3® Advance™


N+5
Bic Soleil® Scent™

Bic Comfort 3® à tête pivotante Pimaco au Brésil Dissociation des fonctions de


vert Président et de DG. Mario
N+6 Bic Soleil® Scent™ Guevara est nommé DG et
Bruno Bich reste président du
CA

Bic Soleil® à tête rechargeable Atchison Products,


N+7
Inc.

Bic phone1 en France


Lancement d’une gamme
N+8 développement durable
Bic Graphic leader sur le marché
de produits promotionnels

Lancement de nombreux produits Antalis Promotional


Products (APP)
Produits promotionnels
N+9
Cello Pens no 1 en Inde
des instruments
d’écriture

En interne, l’un des évènements marquants de la période étudiée est le changement en


N+6 de la structure de gouvernance du groupe qui dissocie la fonction de président
(conservé par Bruno Bich) et de Directeur général qui a été confié à Mario Guevara,
membre extérieur à la famille, qui était dans le groupe depuis 1992 (successivement
directeur financier Bic Mexique, Directeur Amérique du Nord et du Sud, DGA en
charge des opérations).
Figure 16.2 – La structure organisationnelle du groupe

Ainsi, l’entreprise a adopté une nouvelle structure (cf. figure ci-dessous) où la


famille reste fortement représentée (Bruno et François Bich) avec un conseil
d’administration qui reste faiblement internationalisé.
Ce changement s’est accompagné d’une évolution de la structure du capital (favorisée
par le programme de rachat d’actions par le Groupe), avec le renforcement du contrôle
de la Famille Bich (passage de 37,5 % en N+3 à 44,2 % en N+8) et l’avènement de
deux actionnaires institutionnels importants, le fonds d’investissement Silchester
International Investors avec 14,8 % et le groupe Arnhold LLC avec 6,8 %, 28,8 % des
actions étant aux mains du public contre 40 % en N+5.
Cette évolution permet à la famille Bich de détenir 54,3 % des droits de vote du
groupe et ainsi d’avoir un fort contrôle sur l’entreprise (cf. graphique ci-dessous).
Par ailleurs, le Groupe renforce sa communication envers ses actionnaires
individuels avec la mise en place de divers outils de dialogue : lettre aux actionnaires
bisannuelle, des réunions d’information actionnaires partout dans le monde, espace
dédié pour les actionnaires sur le site Internet du Groupe (www.bicworld.com),
adresse e-mail spécifique (actionnaires @bicworld.com), ainsi qu’un Numéro Vert
(0800 10 12 14).

Source : Rapport Annuel

Figure 16.3 – La répartition des droits de vote au sein de l’entreprise

Évolution par activité

L’activité papeterie

Les fondamentaux de l’activité papeterie restent les mêmes qu’en N+2 avec une stratégie de croissance
interne basée sur l’élargissement de l’offre (ex. : cristal pocket et cristal gel en N+3) et la montée en gamme
des produits 2(ex : stylos 2 en 1, Bic Sélect…). Bic est particulièrement attentif aux nouvelles attentes des
consommateurs :
multi-usage des produits (produits de bureau, produits pour le domicile…) ;
utilisation d’un produit pour une utilisation spécifique (marquer, surligner…) ;
recherche de nouvelles sensations (confort d’utilisation, diversité des coloris, aspect ludique, plaisir
d’écrire…). Il est cependant à noter que l’entreprise a aussi réalisé trois acquisitions stratégiques :
celle du fabricant français d’instruments d’écriture Stypen (17 millions de CA en N+3) ;
la société brésilienne Pimaco (20 millions d’euros en N+5), leader des étiquettes adhésives au
Brésil, afin de se renforcer sur le marché en Amérique latine (croissance géographique) ;
la société Cello Pens en N+9 (no 1 en Inde des instruments d’écriture) qui permet de se renforcer en
Asie.
Ainsi, Bic a renforcé sa couverture géographique et affiche une position de leader sur quasiment tous ses
marchés.
Figure 16.4 – La position concurrentielle de Bic sur le marché de l’écriture

Source : Rapport Annuel

Tableau 16.3 – Chiffres clés du DAS papeterie

Chiffre d’affaires Résultat d’exploitation


Années Marge d’exploitation
(en millions d’euros) (en millions d’euros)

N+3 711 99 13,9 %

N+4 675 71 10,5 %

N+5 718 104 14,4 %

N+6 738 106 14,4 %

N+7 750 108 14,4 %

N+8 673 95,2 14,1 %

L’acquisition de Stypen a notamment permis à l’entreprise de se développer sur de nouveaux segments du


marché des articles de papeterie, en se positionnant sur celui des « stylos plume scolaires
rechargeables », l’un des plus importants segments des instruments d’écriture où Stypen détient 10 % de
PM en France.
À noter aussi que Bic fédère ses produits autour des marques les plus porteuses comme le montre le
transfert en N+4 des produits de coloriage Conte® vers la marque Bic® Kids jugée plus attractive.
De fait, Bic propose aujourd’hui une large gamme de produits segmentée par deux dimensions :
l’âge : on peut distinguer 3 principaux segments de marché :
les moins de 5 ans (par ex. Bic Kids, Bic Disney Magic Artist…) ;
les 5-15 ans (par ex. Roller Z4, Bic Cristal…) ;
les adultes (par ex., Bic Select, Atlantis…).
le type d’usage : les produits Bic se positionnent sur trois grands créneaux :
les produits du quotidien (par ex : stylos 4 couleurs, Bic Orange, Velleda…) avec des produits de
qualité à faible prix ;
les produits sophistiqués (par ex : Roller Fluo Intensity Gel…) ;
les produits ludiques (par ex. Sheaffer…).
L’objectif du Groupe dans le domaine des articles de papeterie est de conjuguer croissance des ventes et
amélioration de la rentabilité. La réussite de cet objectif repose sur une stratégie claire :
une présence des produits la plus large possible dans tous les canaux de distribution ;
le développement des produits classiques par une amélioration constante de leur qualité (introduction de
nouvelles encres, nouveaux grips), et le recours fréquent à des extensions de lignes de produits ;
la poursuite de l’innovation avec le lancement de nouveaux produits à plus forte valeur ajoutée.
Parallèlement à ces évolutions, BIC a lancé une gamme de produits Bic Ecolutions conçus à partir de
matériaux recyclés qui respectent l’environnement. Cette gamme respecte le cahier des charges de la
norme ISO 14021. Chaque produit possède au minimum 50 % de matériaux recyclés (pourcentage du
poids total du produit), à l’exception des fluides correcteurs. De manière générale, les principes de
responsabilité sociale de l’entreprise prennent de l’ampleur et sont un axe stratégique majeur de
l’entreprise.

L’activité briquet

Comme nous l’avons montré dans le diagnostic antérieur, Bic est confronté sur le marché des briquets à la
concurrence exacerbée des fabricants chinois qui proposent des produits à un prix de 30 % inférieur aux
produits Bic. Cela s’explique par deux facteurs principaux :
les produits reçoivent souvent des subventions cachées de l’État chinois qui leur permet de vendre à un
prix inférieur au prix de revient sans subir des taxes douanières dans les pays occidentaux (absence
de taxes antidumping…) ;
les produits sont souvent de moindre qualité (qualité du plastique, contrôles de sécurité…).
Ainsi, les importations asiatiques ont-elles longtemps connu des taux de croissance importants sur les
marchés américains et européens (par exemple, la part de marché de Bic est passée de 44 à 34 % aux
États-Unis entre N–4 et N+2).
Pour inverser cette tendance, Bic a mis en place depuis N+2 une stratégie cohérente centrée autour de
sept axes :
une activité de lobbying qui a conduit les fabricants européens de briquets à se doter d’une norme de
sécurité volontaire ISO 9994 (instauration de nouvelles barrières à l’entrée) repris à leur compte par les
pouvoirs publics notamment en Europe3 ;
une activité de lobbying auprès des distributeurs 4 en sensibilisant les détaillants sur les risques de
procès au cas où un de leurs clients aurait un accident avec un briquet non sécurisé ;
un renforcement de l’identité visuelle des produits à travers l’affichage sur la partie plastique du briquet du
logo Bic, facteur d’attractivité pour les consommateurs ;
une différenciation accrue des produits (nouveaux coloris) et le lancement de licences spécifiques (ex :
licence Terminator 3). Chaque année, le groupe français renouvelle les « décors » de ses briquets,
une vingtaine environ. Il les habille aussi de petits étuis et signe des accords de licence avec des
Fédération sportives ou des créateurs (Agatha Ruiz de la Prada, Chantal Thomas). En N+5, le briquet
BIC® Maxi entre dans les collections permanentes du Musée d’Art Moderne de New York (MOMA), au
Département Architecture et Design ;
le lancement de nouveaux produits au sein de la gamme briquet (positionnement sur le haut de gamme
avec des marges plus importantes, nouvelles fonctions du produit) pour diversifier les usages du
briquet. Ainsi, Bic a lancé les « mega lighter » (des briquets grand format pour les barbecues et
gazinières) et les allumes-bougies ;
un programme d’incitation à la vente auprès des distributeurs qui se voient proposer des points
cumulables donnant lieu à des cadeaux à chaque fois qu’ils vendent un produit Bic ;
la valorisation de la qualité des produits : Bic insiste sur le fait que les procédés de fabrications sont
sécurisés (50 contrôles automatiques) et renforcent l’efficacité des produits (les briquets Bic grâce à la
qualité des plastiques, contiennent deux fois plus de gaz, ce qui permet deux fois plus d’allumages
qu’un briquet importé de même taille) ;
Bic s’attache également à rendre sa marque encore plus visible (marquage du logo sur le corps même
du briquet en 3 couleurs) et a développé sa gamme de produits à valeur ajoutée en particulier les étuis
à briquet et les séries décorées ;
l’association des produits Bic à de grands événements : par exemple lors du festival musical en France
des « Veilles charrues » en juin N+9, la distribution gratuite de cendrier de poches et la vente d’une
édition limitée de briquet « music » ont permis de faire parler de la marque.
Ainsi, la gamme de briquets proposée par Bic est aujourd’hui très large pour satisfaire les besoins
spécifiques du plus grand nombre d’utilisateurs possible. Elle comporte trois tailles différentes de briquets
(maxi, médium et mini), deux systèmes d’allumage (classique ou électronique) et une grande variété de
couleurs de corps.
Bien que cette stratégie ait un coût (augmentation du produit unitaire du briquet), elle s’est avérée payante.
Sur un marché mondial annuel des briquets de poche non rechargeables estimé en volume à 7,2 milliards
d’unités, Bic, avec plus d’un milliard d’unités vendues par an, reste le premier fabricant mondial de briquets
de poche de marque.

Tableau 16.4 – Chiffres clés de l’activité Briquet de N+4 à N+8

N+4 N+5 N+6 N+7 N+8

VA en millions d’E 322 373 395 390 377

Marge
29,70 % 32,30 % 32,50 % 32,10 % 29,20 %
d’exploitation

Ainsi, au regard du niveau de marge du DAS Briquet et de son taux de croissance, la stratégie de Bic est
confortée.

L’activité rasoir

L’activité Rasoir reste extrêmement concurrentielle (poids de Gillette et Schick-Wilkinson). En N+8, le


marché mondial du rasage est estimé à 7,9 milliards d’euros dont 37 % pour les rasoirs « non-
rechargeables ». Sur ce marché, Bic reste le second intervenant mondial en volume (10 millions de rasoirs
vendus chaque jour dans le monde avec environ 30 % de parts de marché aux États-Unis et en Europe), et
en valeur (avec environ 20 % de parts de marché).
Bic est obligé de lancer régulièrement de nouveaux produits (les 3 lames par exemple5) et de lancer des
campagnes publicitaires attractives et originales pour se démarquer. Par exemple, Bic mise sur une
stratégie de marketing sur Internet (marketing viral) pour lancer ses nouveaux produits. Ainsi, pour le
lancement du rasoir Bic Comfort 3 Advance, l’entreprise a :
envoyé son nouveau rasoir à quelque 200 bloggeurs influents afin qu’ils le testent ;
créé un blog coopératif (www.3fineslames.com), mis en place afin de recueillir les avis des internautes
utilisateurs ;
investi pour acquérir des bannières publicitaires sur des sites populaires.
De plus, en N+7, Bic s’est aussi lancé dans le rasoir « système » au États-Unis et au Royaume-Uni (Bic
Soleil® System/Clic™, Soleil® Citron/Pivot™) montrant une inflexion de sa stratégie « tout jetable ». En
effet, les rasoirs systèmes représentent le segment le plus important du marché du rasage mécanique et
bénéficient de marges plus élevées que les rasoirs non rechargeables. Cependant, la concurrence est très
forte sur ce segment où Bic est perçu comme un nouvel entrant.
De manière générale, la demande des consommateurs évolue de plus en plus vers des produits à plus
forte valeur ajoutée. Le déclin des ventes du 1-lame, et plus récemment du 2-lames, s’opère au profit des
ventes des rasoirs 3-lames dans les pays occidentaux.
La stratégie mise en place par Bic a entraîné une augmentation du chiffre d’affaires relativement constante
depuis N+4 sauf en N+8 où malgré la crise le chiffre d’affaires est quasi stable. En revanche, elle a pesé
sur les marges et le résultat d’exploitation en N+7 et N+8 dans la mesure où elle a nécessité de lourds
investissements en R & D et marketing (cf. tableau 16.5).

Tableau 16.5 – Évolution des chiffres clés du DAS Rasoir

N+4 N+5 N+6 N+7 N+8

VA en millions d’E 214 239 254 267 264

Marge
4,50 % 8,50 % 9,50 % 8,20 % 4,10 %
d’exploitation

Les autres activités

Bic continue à développer le DAS « sport » qui reste faiblement contributif au chiffre d’affaires du groupe
(4 % comme en N+4). L’activité de Bic Sport est toutefois rentable. Bic Sport conçoit et fabrique à Vannes
(France) la majeure partie des produits qu’il distribue. Son activité s’organise autour de quatre familles de
produits : la planche à voile, le surf, le kite et le kayak. Leader mondial dans la planche de surf, et un des
leaders mondiaux en planche à voile, Bic Sport est majoritairement présent en Europe et en Amérique du
Nord. Son réseau de distribution est homogène et essentiellement constitué de magasins spécialisés et de
grandes surfaces de sport. Bic Sport concentre son développement sur le marché nord-américain et sur
les gammes les plus « tendance » de la glisse d’eau, le surf et le kayak.
De plus, l’activité Bic Graphic est devenue un axe de développement important du groupe. Il s’agit de
proposer aux clients de personnaliser une gamme dédiée de produits Bic comme support de leur propre
communication (apposition du logo de l’entreprise cliente sur les produits). Ainsi, Bic a récemment
(septembre N+7) fait l’acquisition d’une petite société américaine, Atchison Products Inc., qui vend des
sacs à usage promotionnel (sacs, sacs à dos, sacs isothermes et besaces : 15 millions de dollars de
chiffre d’affaires en N+6), afin de renforcer les positions du groupe sur le marché porteur des produits
promotionnels.

La politique de développement durable du groupe BIC


Bic a mis en place une politique de développement durable basé sur :
une charte d’éthique s’engageant sur le respect des droits humains fondamentaux, le
respect de l’égalité, l’écoute et le dialogue, l’engagement professionnel, les
relations avec leurs parties prenantes ainsi que le respect de l’environnement ;
une politique en matière de Santé, Sécurité, Environnement s’appliquant également à
ses fournisseurs ;
une amélioration continue de la performance environnementale de ses sites
industriels ;
un code de bonne conduite ;
un projet de formation sur le développement durable, conçu par la Bic University ;
un programme de réduction des consommations de matières premières et d’énergie ;
le lancement de la gamme Ecolutions (fabriqué en bioplastique permettant de limiter
l’utilisation de ressources naturelles non renouvelables). Par exemple, le rasoir
Ecolutions a un manche fabriqué en bioplastique et maïs, des colorants d’origine
végétale, un emballage plus léger (carton 100 % recyclé et imprimé à partir
d’encres végétales). Les émissions de carbone dans son cycle de vie complet sont
moindres qu’un rasoir classique 3 lames produit à base de pétrole ;
la mise en place d’indicateurs pour mesurer les impacts en matière de pollution de
l’entreprise (« Eco-indicateur 99 »).

Conclusion
Tout en s’adaptant aux nouveaux besoins et aux envies des consommateurs, les produits
Bic continuent de remplir leur mission dans le respect de leurs trois valeurs
fondamentales, fonctionnalité, accessibilité et qualité.
La force du Groupe reste de comprendre les besoins et de trouver les solutions
techniques permettant d’offrir un vrai bénéfice à un prix juste pour les consommateurs.
L’objectif de Bic est d’assurer la pérennité de ses produits classiques en les améliorant
continuellement et en adaptant l’offre aux besoins des différents marchés, tout en
proposant sans cesse de nouveaux produits à plus forte valeur ajoutée.
En N+7, les nouveaux produits et les extensions de gamme ont représenté 24 % des
ventes du Groupe, témoignant de l’importance accordée à l’innovation continue des
produits. Bic investit ainsi chaque année environ 2 % de son chiffre d’affaires dans la
Recherche et Développement.
Celle-ci permet non seulement de maintenir les positions concurrentielles du Groupe
dans ses trois activités, mais aussi de renforcer sa position sur des marchés de grande
consommation aux rythmes de croissance « organique » faibles.
Un autre axe stratégique du Groupe est d’améliorer en permanence sa compétitivité
sur des marchés mondiaux et très concurrentiels.
Le Groupe a ainsi réduit son nombre d’unités de production de 46 en N–3 à 23 à
l’issue du 1er trimestre N+8. La modernisation et la rationalisation continue des outils de
production permettent à Bic de maintenir sa compétitivité mondiale au plus haut niveau,
et de pérenniser son positionnement : un produit de qualité à un prix juste et de réaliser
une économie d’environ 20M€ par an pour maintenir sa compétitivité.
L’analyse de la période N+4–N+9 montre que le Groupe Bic a su renforcer sa
position concurrentielle en restant le leader mondial dans les secteurs de la Papeterie et
des Briquets. Il a su concilier une stratégie de domination par les coûts avec une
politique de différenciation autour de produits ludiques et attractifs, tout en maintenant
les fondamentaux du groupe : excellent rapport qualité-prix, maîtrise des processus de
production, fonctionnalité des produits.
Malgré les efforts d’investissements réalisés dans les domaines de la recherche et du
développement et du marketing, l’activité Rasoir reste le domaine le plus délicat à
développer du fait de la forte intensité concurrentielle.
Notes
1. Le Bic® phone est un téléphone prêt à l’emploi disposant d’une heure de
communication (sim intégré, batterie chargée, chargeur et kit piéton) simple et
accessible pour tous. Pour 49 euros, l’utilisateur peut bénéficier de 60 minutes de
communication dans les deux mois suivant l’achat. Existant en deux coloris, orange et
vert il est distribué dans les tabac/presse, les gares, les aéroports, GMS… Ce portable,
à contre-courant du marché actuel, découle d’un partenariat entre Bic et Orange, mais la
fabrication est effectuée par Alcatel. Contrairement aux idées reçues, ce portable est
non-jetable par opposition au Hop-on qui existe aux États-Unis. L’utilisateur a la
possibilité de recharger son Bic Phone avec les recharges présentes sur le marché.
2. Des modifications simples ont été apportées au design des produits classiques afin
de répondre aux attentes et aux demandes des consommateurs.
3. La Commission européenne a publié le 11 mai N+6 une Décision sur la sécurité des
briquets. Celle-ci rend obligatoire la norme de sécurité ISO 9994, et précise également
qu’à partir du 11 mars N+8, tous les briquets vendus aux consommateurs devront être
munis d’une « sécurité enfants » et que, depuis le 11 mars N+7, il est interdit d’importer
ou de produire pour le marché européen des briquets non munis d’une « sécurité
enfants ». Par ailleurs, les briquets fantaisie, même équipés d’un système de « sécurité
enfants », seront interdits à la vente dans les mêmes délais.
4. Ainsi Bic a convaincu WalMart, le numéro un mondial de la grande distribution, de
cesser de vendre des briquets chinois aux États-Unis dans ses magasins.
5. Sur le premier semestre N+7, les produits 3 lames représentent 41 % des ventes
totales de rasoirs.
6. Environ 40 % des coûts des produits Bic sont des coûts de matières, dont la moitié
provient à elle seule des plastiques. Bic est donc sensible à la hausse des cours du
pétrole qui a fortement augmenté ces dernières années notamment en 2006 et 2007.
Conclusion

Le diagnostic d’entreprise constitue une base essentielle pour analyser et positionner


une organisation dans son environnement et lui assurer un développement efficace et
performant. Au-delà des méthodes et outils à disposition, il s’agit avant tout d’une
démarche, d’un état d’esprit permettant à tout responsable d’approfondir sa réflexion,
en se dotant de grilles de lectures précises pour décider dans de bonnes conditions.
Naturellement, les approches et méthodes utilisées demandent de la part de l’analyste
une certaine prudence et modestie, si l’on veut éviter des erreurs d’interprétation. En
effet, toute démarche, au-delà de sa pertinence théorique, ne permet pas toujours
d’aboutir à des résultats fiables et réalistes. Elle demande d’être préparée et abordée
comme un outil au service du dirigeant ou responsable qui doit, pour l’utiliser, faire une
analyse critique de la situation, en resituant les informations en fonction de la réalité du
terrain et de ses propres intuitions. Un effort certain est de ce fait indispensable pour
éviter que la méthode ne se substitue à la gestion opérationnelle des activités et crée
une coupure entre la stratégie et le management.
Les outils stratégiques doivent par conséquent se voir avant tout comme des outils au
service des décideurs qui doivent conserver leurs propres jugements et libre arbitre.
Pour y parvenir efficacement, il importe donc de bien connaître les concepts et outils
utilisés dans le cadre d’un diagnostic, afin de mieux savoir « quand » et « comment »
réaliser un diagnostic. Tel est l’objet principal de cet ouvrage.
Diagnostic d’entreprise donne une vision synthétique de la démarche stratégique pour
les étudiants en gestion, et un support méthodologique utile pour les praticiens en
entreprise.
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Index

Acteurs institutionnels 1
Actionnaires 1
Alliances stratégiques 1, 2
Avantage concurrentiel 1
Business strategy 1
Capacités managériales 1
Centralisation 1
Chaîne de valeur 1
Compétences clés 1
Compétitivité 1, 2
commerciale 1
financière 1
sociale 1
technique 1
Coopération 1
Coordination 1
Corporate strategy 1
Courbe en S 1
Croissance
externe 1
interne 1
Culture d’entreprise 1
Cycle de vie 1
Décentralisation 1
Décisions stratégiques 1, 2
Démarche
marketing 1
stratégique 1
Développement international 1
Diagnostic stratégique 1, 2
Dirigeants 1
Diversification 1, 2
Dynamique sectorielle 1
Environnement 1
Équilibres financiers 1
Facteurs clés de succès 1
Flexibilité 1
Forces concurrentielles 1
Formalisation 1
Groupe stratégique 1
Hexagone sectoriel 1
Innovation 1, 2, 3
Intégration verticale 1, 2
Intensité concurrentielle 1
Internationalisation 1, 2
Liquidité 1
Matrice
AD Little 1
BCG 1
de création de valeur 1
Mc Kinsey 1
Menaces 1
Métier 1
Mission 1
Modèle
PEST 1
VRIO 1
Nouveaux entrants 1
Objectif stratégique 1
Opportunités 1
Partenariat 1
Parties prenantes 1, 2
Pérennité 1
Politique
de spécialisation 1, 2
financière 1
Portefeuille
d’activités 1, 2
technologique 1
Position concurrentielle 1
Pouvoir de négociation 1, 2
Productivité 1
Produits de substitution 1
Qualité 1
Regroupement 1
Rentabilité 1
Réorganisation 1
Responsabilité sociale 1, 2
Restructuration 1
Rupture 1
Sécurité 1
Segmentation
marketing 1
stratégique 1
Solvabilité 1
Sous-traitance 1
Spécialisation fonctionnelle 1
Standardisation 1
Stratégie(s)
concurrentielles 1, 2, 3
de différenciation 1
de focalisation 1
Synergies 1
Système(s)
concurrentiels 1
d’activités 1
Technologies 1, 2, 3
Time-Based Competition 1
Tissu culturel 1
Valeur
actionnariale 1
client 1
salarié 1
Viabilité 1

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