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Avis

du Conseil Economique, Social et Environnemental

Une approche intégrée pour résorber


l’économie informelle au Maroc

Auto-saisine

www.cese.ma
Avis
du Conseil Economique, Social et Environnemental

Une approche intégrée pour résorber


l’économie informelle au Maroc

Auto-saisine
Une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc

Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi organique n°128-12, le


Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) s’est autosaisi aux fins de
préparer un avis sur le sujet de l’informel. A cet égard, le Bureau du Conseil a confié
à la Commission chargée des affaires économiques et des projets stratégiques
l’élaboration dudit avis.
Lors de sa 123ème session ordinaire, tenue le 30 juin 2021, l’Assemblée Générale du
CESE a adopté à l’unanimité l’avis intitulé « une approche intégrée pour résorber
l’économie informelle au Maroc ».

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Une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc

SYNTHESE

L’économie informelle « au sens large » demeure un phénomène persistant et préoccupant,


pesant jusqu’à 30% du PIB selon les dernières données de BAM datant de 2018. Les institutions
nationales et internationales estiment qu’entre 60% à 80% de la population active occupée au
Maroc exercent une activité informelle.
Dans cet avis, le CESE confirme que l’économie informelle, dans son acceptation la plus large, est
plurielle étant donné la multiplicité des catégories qu’elle renferme. Il est à préciser, néanmoins,
que ce sont les formes "hors informel de subsistance" qui constituent la véritable menace pour
notre pays, à l’image de la contrebande, des activités souterraines des entreprises « formelles »
(sous-déclaration du chiffre d’affaires ou des employés, etc.), ainsi que l’informel « concurrentiel »
au niveau duquel les opérateurs se soustraient délibérément de leurs obligations bien qu’ils
disposent des ressources et des structures nécessaires pour s’en acquitter.
Les pouvoirs publics ont lancé plusieurs programmes favorisant directement ou indirectement
l’intégration du secteur informel. Toutefois, les impacts des actions entreprises demeurent n’ont
visiblement pas été suffisantes pour résorber l’économie informelle.
Plusieurs raisons peuvent expliquer la persistance de l’informel au Maroc, notamment : (1) le niveau
de qualification insuffisant qui exclut de nombreux actifs de l’économie formelle, (2) la faiblesse
des opportunités d’emploi en milieu rural, (3) les problèmes de représentation des opérateurs
informels et les lacunes en matière d’organisation des métiers qui entravent leur modernisation
et leur formalisation, (4) la faiblesse du faible caractère inclusif du système de protection
sociale et la politique du moins d’Etat dans certains services publics sociaux qui poussent les
acteurs informels à questionner l’intérêt de migrer vers le statut formel, (5) la persistance des
entraves réglementaires à la formalisation, (6) les difficultés d’accès au financement, au marchés
et au foncier adapté, ainsi qu’à l’appui et l’accompagnement non-financier adéquat vers la
formalisation, mais également (7) l’effectivité limitée de la loi et l’emprise de la corruption…
L’informalité permet, certes, à de larges franges de la population de subsister et d’échapper
au chômage, mais favorise en même temps la précarité sur le marché de l'emploi, exerce une
concurrence déloyale sur les entreprises formelles et pénalise l'économie nationale, avec un
manque à gagner significatif en matière de recettes fiscales.
Faute d’alternatives suffisamment impactantes, une sorte de tolérance vis-à-vis de l’informel s’est
installée, favorisant une certaine paix sociale, au demeurant fragile, au détriment de l’effectivité
de l’Etat de droit. Aussi est-il primordial et urgent d’adopter et mettre en œuvre les mesures
nécessaires permettant d’éviter que l’informel ne devienne un véritable facteur d’instabilité sur
les plans économique, social et sécuritaire.
Conscient du caractère critique de ce sujet, le CESE plaide, à travers cet avis, pour la mise en
place d’une stratégie intégrée de résorption de l’informel au Maroc.

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Cette stratégie devrait ramener progressivement le poids de l’emploi informel dans l’emploi
total à environ 20%, une moyenne proche du groupe de pays développés. La cible de 20%
concernerait surtout les activités de subsistance et les unités de production informelles à
capacités limitées. En revanche, un objectif de tolérance zéro est adossé aux activités illicites,
souterraines et celles relevant de l’informel concurrentiel.
Il est permis de mettre en avant, ci-après, un ensemble de mesures-phares proposées par le
CESE :
1. Supprimer les barrières réglementaires et administratives en procédant à l’identification et
la refonte des textes obsolètes ou inadaptés qui entravent la formalisation (exemple : en
améliorant l’attractivité du statut de l’auto-entrepreneur en élevant le seuil réglementaire
de chiffre d’affaires annuel maximal et en lui autorisant le recrutement d’un maximum de
2 ou 3 salariés) ;
2. Elaborer un programme pluriannuel d’organisation des métiers et établir des référentiels
ou des cahiers de charge qui définissent pour chaque profession les qualifications et
compétences indispensables à son exercice et ce, afin de moderniser ces métiers et faciliter
leur formalisation par la suite ;
3. Prévoir des zones d’activités économiques offrant des locaux aménagés, en mode location,
avec un loyer et des superficies adaptés aux besoins des micro-unités ;
4. Adapter, diversifier et faciliter l’accès aux moyens de financement notamment en élargissant
la liste des objectifs visés par le Fonds Mohammed VI pour l'investissement, à celui du
financement du processus d’intégration de l’économie informelle et en proposant des
offres de financement à des conditions plus avantageuses au profit des jeunes et femmes
souhaitant passer au formel;
5. Renforcer l’offre d’accompagnement en conseil et assistance en offrant des prestations
adaptées pour l’orientation des différents entrepreneurs informels souhaitant initier leur
intégration et en garantissant un accompagnement de bout en bout pour les entrepreneurs
souhaitant migrer vers le statut de SARL ;
6. Mettre en place une bourse de la co-traitance pour encourager les soumissions groupées
des auto-entrepreneurs et micro-entreprises aux marchés publics et distinguer, au niveau
de la commande publique, la part minimale de marchés à dédier aux autoentrepreneurs et
aux coopératives de celle accordée aux PME ;
7. Renforcer les contrôles et les inspections à différents niveaux (inspection du travail, CNSS,
contrôle de conformité technique, etc.) et veiller à ce que le niveau des sanctions soit
suffisamment dissuasif et proportionnel à la gravité du délit (concerne particulièrement le
gros informel et les pratiques souterraines des entreprises formelles).
Une opérationnalisation efficace de la stratégie intégrée de résorption de l’informel requiert,
selon le CESE, la mise en place d’une commission de suivi et d’évaluation sous forme de delivery unit.

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Une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc

Contexte de l’étude

L’économie informelle est un écosystème qui regroupe une grande diversité d’acteurs et
d’activités économiques très hétérogènes, mais ayant en commun le fait d’opérer, totalement
ou partiellement, en dehors de la réglementation en vigueur. Bien que l’économie informelle
soit une réalité à l’échelle mondiale, elle a tendance à avoir une présence plus prononcée dans
les pays en voie de développement, où elle évolue souvent sous les regards des autorités et
en constante interaction avec la sphère formelle. Le Maroc ne fait pas exception à cette règle
puisque l‘informalité reste une caractéristique structurelle de notre pays. En effet, l’économie
informelle représenterait jusqu’à 30% du PIB1 selon certaines estimations et engloberait une
part importante de l’emploi total qui varierait entre 60% et 80%2 en fonction des sources de
données utilisées. Faute d’alternatives suffisamment impactantes, une sorte de tolérance vis-
à-vis de l’informel s’est installée, favorisant une certaine paix sociale, au demeurant fragile, au
détriment de l’effectivité de l’Etat de droit.
Certes, la prolifération des activités informelles a permis jusqu’à présent à de larges franges de la
population de survivre et d’échapper au chômage, en particulier les actifs faiblement qualifiés.
Elle permet également de proposer une offre de biens et services dont les prix sont plus adaptés
au pouvoir d’achat des classes les plus défavorisées. Néanmoins, l’informel a surtout profité à
une minorité qui a engrangé des profits, tout en entretenant et en exploitant la vulnérabilité
et la précarité sociale de la majorité. L’informel contribue également à entretenir la dualité du
système productif et à ralentir le processus de transformation structurelle, ainsi qu’à fragiliser les
clauses du contrat social entre l’Etat et les différents opérateurs socio-économiques.
Eu égard à l’ampleur et la complexité des causes et des effets de l’écosystème informel sur
l’économie et la société marocaines, le CESE a décidé d’étudier de plus près ce phénomène de
manière approfondie et multidimensionnelle, afin d’apporter sa contribution à la réflexion et
au débat national sur le sujet. La présente auto-saisine a été lancée dans un timing où la crise
Covid-19 n’a fait qu’exacerber le niveau de précarité et le manque de résilience qui caractérisent
l’écosystème informel et la population qui en dépend au jour le jour.
A travers le présent avis, le CESE met l’accent sur le degré de priorité avec lequel les pouvoirs
publics devront traiter la problématique de l’informel au Maroc, surtout que la volonté politique
de s’y atteler a été clairement exprimée au plus haut sommet de l’Etat par Sa Majesté le Roi
Mohammed VI lors de son discours du 29 juillet 2020, en citant l’économie informelle comme
l’une des principales insuffisances exacerbées par la crise et en plaçant la généralisation de la
couverture sociale en tant que priorité et levier essentiel de l’insertion du secteur informel dans
le tissu économique national.

1 - Estimation de la dernière étude de Bank Al-Maghrib sur l’informel (2020).


2 - Les 60% correspondent aux chiffres d’un rapport de la banque africaine de développement en collaboration avec le BIT publié en 2021 sur
l’impact de la crise Covid sur les TPME au Maroc, tandis que les 80% sont issues des estimations du BIT. Certaines sources de données évoquent
un poids moins important mais n’ont pas été mentionnées à ce stade vu qu’elles ne concernent qu’une partie de l’emploi informel (non
agricole ou hors emploi informel dans le secteur formel…).

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

Dans le cadre de cette auto-saisine, le CESE tente de répondre à un certain nombre de questionnements
structurant les quatre parties du présent avis:
I. Quelle délimitation du périmètre de l’économie informelle dans le contexte marocain et
quelles en sont les grandes composantes ?
II. Quelle est l’ampleur de l’économie informelle au Maroc et quels en sont les effets socio-
économiques qui en font une question prioritaire au niveau national ?
III. Quels sont les différents facteurs qui ont favorisé la persistance de l’informel jusqu’
aujourd’hui au Maroc ?
IV. Qu’il y a –t-il lieu de faire pour résorber l’emprise de l’informel sur l’économie marocaine ?
Pour répondre à ces questions, le CESE s’est appuyé sur une approche participative en organisant
plusieurs auditions et ateliers thématiques avec des experts et académiciens, des représentants
d’institutions publiques, du secteur bancaire, d’associations professionnelles sectorielles et de
syndicats, ainsi que d’autres membres de la société civile. La méthodologie adoptée s’est basée
également sur un cadre d’analyse mettant en avant les multiples causes et effets de l’économie
informelle. Il convient de souligner, toutefois, que le processus d’élaboration du présent avis s’est
heurté à l’indisponibilité de données suffisamment détaillées et mises à jour sur l’écosystème
informel au Maroc.

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Une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc

I. Quelle délimitation du périmètre de l’économie informelle dans le


contexte marocain et quelles en sont les grandes composantes ?

A. Définition adoptée et champ de l’étude


La revue des principales définitions utilisées pour délimiter l’écosystème informel au Maroc,
montre qu’il existe des différences en termes de critères d’identification et de périmètre couvert
par l’informel, entre les diverses institutions impliquées (HCP, CGEM, DGI, ACAPS, Ministère
chargé du travail et de l’insertion professionnelle, etc.). Cette absence d’unanimité par rapport
à la définition de l’informel est observable également au niveau international. En plus, force
est de constater qu’aucune des définitions adoptées au niveau national ne couvre de manière
exhaustive les différentes facettes de l’écosystème informel « au sens large ». Enfin, les sources
d’information spécifiques à l’économie informelle au Maroc, en particulier les enquêtes,
demeurent particulièrement rares.
Le présent avis adopte le concept de « l’économie informelle » du Bureau International du
travail3 (BIT) qui englobe aussi bien les unités de production informelles (UPI) que l’emploi
informel, tout en étendant davantage le périmètre des activités couvertes pour aboutir à
une définition élargie de l’informel qui s’apparente plus au concept de « l’économie non-
observée ». En d’autres termes, le présent avis traite des (i) UPI et de l’emploi dans le secteur
informel, mais également des (ii) activités de l’économie souterraine (sous-facturation à
l’import/export et sous-déclaration du chiffre d’affaires et des employés), pour tenir compte de
l’emploi « informel » dans le secteur « formel », ainsi que de (iii) certaines activités illicites (en
particulier la contrebande)4.
Toutefois, l’étendue du champ couvert au regard de la définition adoptée exclut l’aspect
production des ménages pour leur usage propre. De même, et compte tenu de l’indisponibilité
d’accès aux données, les estimations utilisées dans le présent avis ne permettent pas de tenir
compte de certaines activités illicites comme le trafic de drogue, les réseaux de prostitution, etc.

B. Typologies retenues
Au-delà de la définition, traiter de l’économie informelle au Maroc requiert de tenir compte
de l’hétérogénéité des opérateurs informels et de la faire ressortir à travers une typologie
appropriée. La typologie adoptée dans le cadre de cet avis permet, en outre, de faire
apparaitre les composantes d’UPI et de travailleurs appartenant à la « zone grise » où les
frontières entre le formel et l’informel ne sont pas suffisamment étanches. Cet exercice de
catégorisation a permis de distinguer deux typologies, la première portant sur les UPI et
les types d’activités, tandis que la deuxième se base sur le statut dans l’emploi informel au
Maroc.

3 - Selon le BIT, l’économie informelle désigne « toute activité économique réalisée par des travailleurs ou des unités économiques qui n’est
pas couverte ou est insuffisamment couverte – selon la loi ou en pratique – par des dispositions officielles (sur la base de la CIT de 2002) ».
Elle exclut toutefois, « les activités illicites. L’économie informelle englobe deux composantes, à savoir le secteur informel et l’emploi informel.
«Economie informelle et travail décent : guide de ressources sur les politiques- chapitre 2», BIT, 2013.
4 - Voir définitions ci-dessous.

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■ La première typologie concernant les unités de production permet d’identifier les


catégories suivantes :

1. Les unités de production exerçant des activités illicites : Il s’agit des unités qui exercent des
activités sans en avoir l’autorisation ou qui offrent des biens et services illicites. Cette catégorie
regroupe des unités et réseaux opérant en tant que commerçants de gros spécialisés dans la
contrebande, les unités de contrefaçon, les activités de la finance illicite, etc.
2. Les unités de production relevant de l’informel concurrentiel5 (hors activités illicites) :
Cette catégorie renferme les petites unités considérées comme informelles selon la définition
du BIT, employant des salariés non déclarés dont certains sont permanents, produisant des
biens et services pouvant concurrencer le secteur formel, mais se soustrayant délibérément
à leurs obligations fiscales et réglementaires. Certaines d’entre elles réalisent un chiffre
d’affaires qui leur permettraient de supporter les éventuels frais de la formalisation. Bien
que cette catégorie reste minoritaire en nombre par rapport à la majorité des entreprises
informelles constituées des UPI de subsistance de taille très réduites6, elle exerce, toutefois,
une forte pression concurrentielle déloyale sur les entreprises formelles en règle.
3. Les unités de production informelles à capacités productives limitées et activités de
subsistance : cette catégorie englobe les indépendants travaillant pour leur propre compte
sans salariés et les micro-unités employant un nombre très limité de travailleurs occasionnels
rémunérés ou d’aides familiaux, réalisant une production à échelle réduite et un chiffre
d’affaires très modeste qui ne leur permettrait pas de s’acquitter totalement des obligations
de la formalisation. Cette catégorie renferme également des acteurs plus vulnérables, à très
faible revenu, dont l’activité ne nécessite pas ou très peu de capital, tels que les métiers de
réparation, les activités sans local, les commerçants ambulants, ainsi que les exploitants de
parcelles agricoles de moins de 5 hectares.
4. Les unités formelles pratiquant des activités souterraines (zone grise): Cette catégorie
renferme les entreprises « formelles » qui recourent à des pratiques souterraines telles que
la non-déclaration d’une partie des travailleurs, le non-respect du code du travail, la fraude
et la sous-déclaration fiscale, la sous-traitance à l’informel, la sous-facturation à l’import,
l’utilisation de locaux non conformes, etc.

■ La deuxième typologie portant sur le statut dans l’emploi informel distingue six types
d’emploi informel à savoir :

• Groupe 1 : emploi informel rémunéré dans des unités formelles


• Groupe 2 : emploi informel rémunéré dans des UPI relevant de l’informel concurrentiel
• Groupe 3 : emploi informel rémunéré dans des UPI à capacités productives limitées et les
activités de subsistance

5 - Inspiré du concept de l’informel concurrentiel de Penouil (1990). Ce concept se rapproche également de celui du « gros informel » présenté
par Benjamin et Mbaye (2012).
6 - Selon le HCP, plus de 97% des UPI ont une taille très réduite

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• Groupe 4 : emploi dans des activités illicites


• Groupe 5 : travailleurs domestiques rémunérés
• Groupe 6 : Aides et travailleurs non rémunérés
Globalement, et en dépit des fortes disparités existantes entre les chiffres sur l’emploi
informel au Maroc, issus des différentes sources (tableau ci-après), les chiffres estimatifs
donnés à titre d’illustration montrent que l’emploi informel, toute catégories confondues,
demeure élevé au niveau national.
Poids de l’emploi informel au Maroc selon différentes sources

Année
Approche Périmètre Poids
concernée
80% de
BIT (rapport 2018)7 2016 Emploi informel total
l’emploi total
HCP et banque mondiale 80% de
2015 Emploi informel total
(Rapport 2017)8 l’emploi total
Application de
l’approche du HCP et 76% de
2019 Emploi informel total
de la Banque mondiale l’emploi total
aux données de 2019
Emploi informel total, en
Banque africaine 60% de
procédant par élimination des
de développement 2014 l’emploi
personnes occupées non couvertes
(BAD) et BIT (2021) total privé
par la protection sociale

Emploi informel dans les UPI


36% de
HCP (enquête non agricoles et ne tient pas
2013/2014 l’emploi non
publiée en 2016) compte de l’emploi informel
agricole
hors secteur des UPI

Emploi informel hors secteur


41% de
primaire mais tient compte
CGEM (Etude l’emploi
2014 de l’emploi dans les unités
publiée en 2018) hors secteur
à pratiques souterraines et
primaire
certaines activités illicites
Source : BIT, HCP, Enquête CGEM, BAD

7 - BIT (2018), Women and men in the informal economy: A statistical picture.
8 - HCP et Banque Mondiale (2017), Le marché du travail au Maroc : défis et opportunités

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

II. Quelle est l’ampleur de l’économie informelle au Maroc et quels en


sont les effets socio-économiques qui en font une question prioritaire
au niveau national ?
D’un côté, l’informel au Maroc génère de l’activité économique, des revenus, crée des emplois
et assure une offre de biens et services à des prix adaptés au pouvoir d’achat des catégories à
revenu modeste, ce qui évite à de larges franges de la population de se retrouver en chômage
et sans moyen de subsistance. Toutefois, sur le terreau d’une certaine « tolérance » vis-à-vis du
phénomène, s’est développé un écosystème particulièrement vulnérable. De surcroit, certains
acteurs recourent à des pratiques frauduleuses, souterraines voire illicites, qui menacent les
principes de l’Etat de droit et génèrent des effets négatifs aussi bien sur les acteurs informels
eux-mêmes que sur la collectivité. Les principales répercussions de l’économie informelle au
Maroc peuvent être résumées dans les points suivants :
1. La persistance de l’économie informelle à des niveaux élevés (jusqu’à 30% du PIB en 20189)
ralentit le rythme de la transformation structurelle de l’économie, en raison de la faible
productivité de cette « économie ».
2. La hausse continue du nombre d’UPI reflète et fait persister la fragilité du tissu productif
national, dans le sens où la majorité sont de taille très réduite, sous-capitalisées et
extrêmement vulnérables aux chocs économiques et aux aléas de la vie.
3. Les UPI de l’informel concurrentiel et les entreprises formelles à pratiques souterraines
(zone grise) exercent, via une concurrence déloyale, une pression sur les entreprises
formelles en règle et menacent leur survie10.
4. Une imbrication entre l’informel, le formel privé et le secteur public au niveau de la chaine
de valeur qui complique la résorption de l’écosystème informel: les UPI s’approvisionnent
auprès du secteur privé formel à hauteur de 18,2%11, sans omettre les pratiques souterraines
des sous-traitants dans le cadre de la commande publique.
5. Un manque à gagner pour l’Etat qui affaiblit ses capacités de financement et d’offre de
services publics (manque à gagner estimé à près de 40 Mds DH en 2014)12.
6. La prédominance de l’emploi informel reflète l’incapacité de l’économie nationale
à valoriser sa jeunesse qui risque de rater l’opportunité de bénéficier de son dividende
démographique, dont la fenêtre pourrait se refermer dès 2038 (HCP).

9 - Kamal LAHLOU, Hicham DOGHMI and Friedrich SCHNEIDER, 2020, “The Size and Development of the Shadow Economy in Morocco”,
Document de travail – Bank Al-Maghrib.
10 - Le prix de vente moyen pratiqué par une entreprise formelle étant supérieur de 25% à 40% par rapport celui d’une UPI exerçant hors
activités illicites. Etude de la CGEM sur l’informel, 2014.
11 - HCP, Enquête sur les unités de production informelles, 2016 (les données portent sur 2013/2014).
12 - Etude de la CGEM sur l’informel, 2014

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Une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc

7. L’emploi informel fait perpétuer la précarité, les inégalités et les différentes formes
d’atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs : seulement 24,1% des actifs occupés
bénéficient d’une couverture médicale liée à leur emploi (HCP 2019), en plus des risques
majeurs en termes d’atteinte à la dignité et la sécurité physique des travailleurs, l’exploitation
et les risques de traite d’êtres humains (mineurs et migrants clandestins notamment de pays
de l’Afrique subsaharienne).
8. L’informalité entretient une dualité du marché du travail entre d’une part, un secteur
formel souvent considéré, au niveau des classements internationaux, comme étant rigide, et
d’autre part, un secteur informel extrêmement flexible employant une part majoritaire dans
l’emploi total, et fonctionnant en dehors de toute réglementation et faisant ainsi persister la
vulnérabilité des travailleurs informels.
9. Les inégalités de genre sont très apparentes au niveau de l’emploi informel : les femmes
ayant un emploi informel sont plus polarisées autour des activités de survie (travail à domicile,
aide familial, etc.), alors qu’elles demeurent très faiblement présentes en tant que chef d’UPI.
10. L’économie informelle pose le dilemme entre adaptabilité au pouvoir d’achat des
consommateurs et non-respect des normes sanitaires et sécuritaires des produits.
11. L’incapacité des politiques publiques engagées jusqu’à aujourd’hui à résorber
significativement l’économie informelle, en raison de leur caractère épars en l’absence
d’une stratégie nationale cohérente et intégrée :
• La plupart des mesures engagées dans le cadre de l’INDH, qui est une politique à caractère
transverse, visaient essentiellement la réduction de la pauvreté, la lutte contre l’exclusion
sociale et économique, ou encore la promotion des activités génératrices des revenus,
mais sans forcément encourager la transition vers la sphère formelle, à l’exception de
quelques actions qui ont concerné certaines catégories comme les marchands ambulants. 
• Malgré leur importance certaines politiques ne traitent que de certains aspects de la
problématique de l’informel : la Stratégie Nationale d’Inclusion Financière ou encore
le programme INTELAKA, à titre d’exemple, se concentrent davantage sur le volet
financement, épargne et réduction de la circulation de la monnaie financière.
• Certaines mesures comportent parfois des aspects réglementaires qui brident leur
impact potentiel en termes de résorption de l’informel. Il s’agit de l’exemple des limites
réglementaires imposées au statut de l’auto-entrepreneur.
• Parfois, des problèmes de synchronisation des actions des pouvoirs publics, à l’image
de la question de la fermeture des passages de Sebta et Melilia. Certes, la fermeture des
passages de contrebande est nécessaire mais ne devait-elle être mieux préparée par la
mise en place d’alternatives viables pour la main d’œuvre précaire qui en dépendait au
jour le jour.

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

III. Quels sont les différents facteurs qui ont favorisé la persistance de
l’informel jusqu’à aujourd’hui au Maroc ?
La problématique de l’économie informelle renvoie par sa complexité et la multiplicité des
acteurs qu’elle couvre et des parties prenantes avec lesquelles elle interagit, à la nécessité d’une
connaissance approfondie des causes qui peuvent en expliquer la persistance. Le développement
et la persistance de l’informel au Maroc peuvent ainsi être s’expliquer par la combinaison de trois
grandes catégories de facteurs, à savoir :
• Des insuffisances d’ordre structurel ;
• Des déficits par rapport aux exigences d’un « Etat social » ;
• Les barrières à l’entrée dans l’économie formelle et les facteurs agissant sur le coût
d’opportunité de la formalisation :
- Les facteurs qui facilitent l’accès à l’informel ou maintenant son attractivité ;
- Les facteurs qui entravent l’accès au statut formel ou réduisant son attractivité.

A. Les insuffisances d’ordre structurel ont trait notamment :


• aux lacunes en matière de développement rural et le manque d’opportunités pour les
jeunes ruraux. Ceci a favorisé l’exode de la main d’œuvre rurale excédentaire vers les villes où
elle trouve généralement refuge dans des activités informelles.
• à l’incapacité de l’économie à créer suffisamment d’emplois, comme en témoigne la
baisse continue du nombre d’emplois créés par point de croissance ( 18 193 postes nets par
point de croissance sur la période 2011-2019 contre 31 976 emplois additionnels nets par
point de croissance sur la période 1999-2006).
• au positionnement du Maroc sur des branches intensives en travail faiblement qualifié
(exemple: textile) où la concurrence est de plus en plus rude, ce qui est de nature à favoriser
le développement de l’informel et des pratiques souterraines : certains donneurs d’ordre
étrangers imposent aux PME nationales des conditions de coût très serrées difficiles à respecter,
les acculant à recourir à des pratiques souterraines (sous-déclaration de chiffre d’affaires, sous-
déclaration des effectifs, utilisation de locaux non-conformes à loyer réduit, etc.).
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Une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc

B. Les déficits par rapport aux exigences d’un « Etat social »


De larges franges de la population au Maroc ont toujours été en dehors de toute protection
sociale, avec une qualité des services publics laissant parfois à désirer, reflétant la faiblesse qui a
caractérisé certains aspects du rôle de l’Etat en lien avec le concept de « l’Etat social » 13.
Ce qui a contribué à la poursuite du développement de l’économie et des institutions informelles.
En revanche, l’initiation récente du chantier de la généralisation de la protection sociale, devrait
constituer un tournant significatif au niveau des choix de l’Etat vers un renforcement graduel de
certains aspects de « l’Etat social », sous la condition, toutefois, d’une amélioration notable de la
qualité de l’offre de services publics.

C. Les barrières à l’entrée dans l’économie formelle et les facteurs agissant sur le
coût d’opportunité de la formalisation

■ Les facteurs facilitant l’accès à l’informel ou maintenant son attractivité

• La tolérance envers l’informel et les problèmes d’effectivité de la loi entretiennent


l’informalité et menacent l’Etat de droit en permettant à des UPI relevant de l’informel
concurrentiel et à des entreprises exerçant des activités souterraines ou illicites de réaliser
des profits, tout en exploitant une main d’œuvre informelle précaire, en se soustrayant à
toute obligation et en exerçant une concurrence déloyale aux entreprises formelles.
• La corruption facilite le recours à l’informel et aux pratiques souterraines pour certaines
entreprises « formelles », tout en entravant la formalisation et en dissuadant la transition
vers le formel.
• Le poids important de l’utilisation de la monnaie fiduciaire dans les transactions au Maroc
est parmi les facteurs qui favorisent le développement des activités informelles et illicites
dans notre économie (blanchiment d’argent, contrebande, etc.). Néanmoins, la mise en
place de la Stratégie Nationale de l’Inclusion Financière devrait permettre à long terme de
résorber ce phénomène.
• L’informalité continue d’offrir pour certains plus de flexibilité et d’indépendance : près
de 75% de chefs d’UPI considèrent que l’exercice d’une activité informelle a des avantages :
42,5% évoquent la flexibilité des horaires comme principal avantage et 18% avancent le
motif d’indépendance.

■ Les facteurs entravant l’accès au statut formel ou réduisant son attractivité

• Le faible niveau de qualification fait que de larges franges de la population se trouvent


démunies du minimum de compétences requis par les emplois formels et trouvent ainsi
refuge dans l’informel.

13 - En dépit de l’absence d’un cadre théorique qui fait l’unanimité autour du concept de « l’Etat social », la définition adoptée dans le cadre
du présent rapport est celle proposée par C. Ramaux (2006, 2012) étant donné son exhaustivité. Selon Ramaux, l’Etat social est une conception
élargie de l’Etat qui repose sur quatre piliers aspirant à réaliser le bien-être social, au lieu d’être limitée à la seule protection sociale comme c’est
le cas pour le concept de l’Etat providence. Les quatre piliers de l’Etat social selon Ramaux sont la (i) protection sociale et (ii) le droit du travail,
mais aussi (iii) les services publics et (iv) les politiques macroéconomiques de soutien à l’activité et à l’emploi.

17
Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

• Les problèmes d’organisation des professions entravent leur modernisation et leur


formalisation.
• La faible représentation des opérateurs informels (employeurs), et parfois même la
multiplicité contreproductive des portes paroles dans certains secteurs, affaiblissent la
portée de leur voix auprès des pouvoirs publics ou entravent le dialogue entre les partenaires
sociaux.
• Une fiscalité perçue comme étant insuffisamment adaptée aux capacités de la plupart
des UPI, qui réduit l’attractivité des statuts formels : la pression fiscale est plus élevée au Maroc
que dans de nombreux pays à revenu intermédiaire, et inégalement répartie. En revanche, le
lancement en 2021 de la contribution professionnelle unique pourrait constituer un pas en
avant pour faciliter l’intégration des UPI.
• Une protection sociale qui a été faiblement inclusive et souvent jugée onéreuse par
rapport aux capacités de certains opérateurs informels, sans oublier la complexité des
processus de négociation avec chaque corps de métier. Toutefois, la mise en place des droits
complémentaires accompagnant la Contribution Professionnelle Unique (CPU) et le chantier
de généralisation de la couverture sociale lancé récemment devraient accélérer l’accès de
ces catégories à la protection sociale.
• Des problèmes d’accès au financement malgré les efforts déployés au cours de ces
dernières années: le secteur financier pointe du doigt la qualité parfois insuffisante des
projets. Il demeure que du côté des entrepreneurs informels, en particulier les indépendants
et artisans, et même pour les autoentrepreneurs et TPE formelles, l’accès au financement
bancaire a constamment figuré parmi les principaux facteurs de blocage14.
• Des efforts d’accompagnement non financier qui demeurent insuffisants pour faciliter la
transition vers le formel : en dépit des tentatives successives d’accompagnement (Maroc
PME, INDH, etc.), l’étendue du champ d’unités de production couvert par ces mesures
d’appui reste limitée. Quant aux actions les plus récentes portant sur l’accompagnement,
notamment via le programme Intelaka ou bien dans le cadre de la réforme des CRI, leur
évaluation à ce stade serait encore prématurée.
• Des difficultés d’accès à des locaux de production adaptés, en termes de superficie, aux
unités de production de petite taille : sur plus d’une vingtaine de zones industrielles et zones
d’Activités Économiques (ZAE) recensées (en excluant les plateaux de bureaux), seule une
minorité de zones semble abriter des lots de terrain à superficie minimale réduite (entre
96 m² et 400 m²), sans omettre la faiblesse des offres en mode location.
• Des difficultés d’accès au marché pour les UPI et petites unités formelles: ces obstacles
sont aussi bien d’ordre réglementaire (auto-entrepreneurs confondus avec les PME au
niveau du quota réglementaire d’accès aux marchés publics; difficultés pour les artisans
d’accéder aux marchés publics; vide juridique par rapport à la franchise à l’échelle nationale,
etc.) que logistique (insuffisance d’espaces de commercialisation aménagés pour les petits
commerces et micro-unités, bilan mitigé des marchés de proximité, éloignement des
marchés par rapport aux centres dynamiques au niveau des villes, etc.).

14 - Audition de l’UGEP organisée par le CESE lors de la préparation du rapport de la saisine sur les répercussions de la crise Covid-19 (2020).

18
Une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc

• Le manque d’information, l’insuffisance des efforts de communication sur les mesures


proposées par les pouvoirs publics pour intégrer l’informel ou l’inadaptabilité, parfois,
des canaux et supports de communication, font que de nombreux acteurs informels ne
connaissent pas en détail les avantages de la formalisation.

IV. Qu’il y a –t-il lieu de faire pour résorber l’emprise de l’informel de


l’économie marocaine ?
A la lumière du diagnostic effectué, le CESE propose les contours d’une stratégie nationale
intégrée pour répondre valablement à la question de l’intégration de l’informel sur le
moyen/long terme.

1- La vision et les orientations stratégiques


La vision retenue consiste à développer une économie plus productive et plus résiliente au
service d’une société plus équitable et plus inclusive où prime l’Etat de droit. La concrétisation
de cette vision devrait permettre de ramener progressivement le poids de l’emploi informel
dans l’emploi total à environ 20%15. La cible de 20% concernerait surtout les activités de
subsistance et les unités de production informelles à capacités limitées. En revanche, un objectif
de tolérance zéro est adossé aux activités illicites, souterraines et celles relevant de l’informel
concurrentiel.
L’atteinte de cet objectif nécessite la mise en œuvre d’une stratégie nationale intégrée sur
une période suffisamment longue pour tenir compte du caractère structurel du phénomène
de l’informalité au Maroc. Cette stratégie devrait reposer sur une approche participative qui
allie appui, accompagnement et incitation en faveur de l’intégration effective des acteurs de
l’informel de subsistance et des UPI à capacités limitées d’une part, et d’autre part le renforcement
des mesures coercitives, des contrôles et de l’application effective de la loi contre les activités
souterraine, les activités illicites et les pratiques de soustraction délibérées des obligations de la
part des UPI relevant de l’informel concurrentiel.

15 - Ce pourcentage a été retenu pour se rapprocher à terme de la moyenne affichée par le groupe de pays « développés » qui selon le BIT se
situerait à moins de 20%.

19
Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

La stratégie proposée comporte ainsi cinq orientations stratégiques, à savoir:


1. OS1 : Développer la connaissance de l’écosystème informel ;
2. OS2 : Impliquer fortement les opérateurs informels dans le processus décisionnel ;
3. OS3 : Renforcer l’attractivité et l’accessibilité du secteur formel ;
4. OS4 : Lutter contre les activités frauduleuses, souterraines et illicites ;
5. OS5 : Promouvoir l’employabilité des actifs informels et garantir leur protection des abus, de
l’exploitation et des aléas de l’activité.

2 - Les axes d’intervention de la stratégie et les actions recommandées :


Sept axes d’intervention sont proposés. Ils sont déclinés en sous-axes dont chacun comporte
un certain nombre d’actions à mettre en œuvre. Les axes répondent aux cinq orientations
stratégiques précitées et sont classés en fonction des catégories d’opérateurs informels les plus
concernés, en se référant aux typologies retenues dans le présent avis (figure ci-après):
• Les deux premiers axes d’intervention, à savoir le « développement du dispositif
informationnel » et « la mise en place des conditions de représentativité des opérateurs
informels et leur organisation », englobent des mesures de portée générale et matériellement
les deux premières orientations stratégiques.
• Les axes 3, 4 et 5 concernent l’abolition des barrières réglementaires et administratives,
l’accompagnement financier et non-financier à la formalisation, ainsi que l’amélioration
de l’accès au marché. Ils répondent à la troisième orientation stratégique et ciblent en
priorité les UPI à capacités productives limitées et les activités de subsistance, ainsi que les
unités formelles de taille réduite, à l’image des détenteurs du statut d’autoentrepreneur.
Ces catégories sont, en effet, celles qui éprouvent le plus le besoin d’un appui et d’un
accompagnement de bout en bout pour faciliter et accélérer leur processus d’intégration
dans l’économie formelle.
• L’axe 6 porte sur l’effectivité de la loi, le renforcement des contrôles et la lutte contre la
corruption et la fraude et répond à la quatrième orientation stratégique. Il ciblerait en priorité
les UPI relevant de l’informel concurrentiel qui se soustraient délibérément à leurs obligations
alors qu’elles disposent des structures et ressources nécessaires pour s’en acquitter, celles
exerçant des activités illicites, ainsi que les entreprises formelles recourant à des pratiques
souterraines.
• Enfin, l’axe 7 consacre le rôle d’un l’Etat-protecteur et vise à garantir les droits des travailleurs
informels, à sécuriser leur parcours, via une protection sociale généralisée et à renforcer leur
employabilité. Il concerne l’ensemble des travailleurs et indépendants informels et répond,
par conséquent, à la cinquième orientation stratégique.

20
Une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc

Contours de la stratégie proposée : articulations entre les orientations


stratégiques, les axes d’intervention et les catégories d’opérateurs informels
concernées

Actions de portée générale

Axe 1 : Développer le dispositif informationnel autour des activités informelles,


souterraines et illicites

• Initier une coordination plus poussée en matière de systèmes d’information entre les
différentes entités publiques impliquées ;
• Augmenter la fréquence de l’enquête nationale du HCP sur l’informel (tous les 3 ou 4 ans au
lieu de tous les 7 ans), tout en élargissant le périmètre des catégories d’acteurs et d’activités
couvertes ;
• Renforcer le niveau de couverture des recensements économiques des entreprises et
augmenter leur fréquence ;
• Publier annuellement des estimations intermédiaires de l’emploi informel total, en croisant
l’ensemble des critères pertinents disponibles au niveau de l’enquête annuelle sur l’emploi
du HCP ou bien en incorporant dans l’enquête en question de nouvelles rubriques dédiées
à l’informel ;
• Adopter une définition officielle commune et suffisamment élargie de l’écosystème informel
entre toutes les institutions publiques impliquées ;
• Renforcer les capacités de détection et de recensement des transactions et activités
informelles exercées via les plateformes digitales.

21
Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

Axe 2 : Instaurer les conditions à même de garantir la représentation des


opérateurs informels et favoriser l’organisation des professions

Volet représentativité des professions de l’informel :


• Institutionnaliser un dialogue social régulier entre l’Etat et les représentants des acteurs
informels. Ce dialogue pourra être renforcé par l’organisation régulière d’assises nationales
sur la résorption de l’économie informelle ;
• Appuyer la création d’associations pour les professions de l’informel puis leur regroupement
en fédérations sectorielles ;
• Renforcer les moyens financiers et humains des chambres professionnelles et professionnaliser
leur fonctionnement  ;
• Assurer une représentativité importante des femmes dans tous les organes représentatifs
dans la perspective de la parité et soutenir la création d’associations professionnelles ayant
pour objet la défense les droits des femmes entrepreneuses de l’informel.
Volet « représentation des travailleurs informels » :
• Accélérer la ratification de la convention N°87 de l’Organisation Internationale du Travail
relative à la liberté syndicale et assurer l’effectivité de la Convention N°98 ratifiée par notre
pays et portant sur le droit d›organisation et de négociation collective ;
• Promouvoir la syndicalisation des travailleurs informels, soit à travers l’affiliation des
associations de travailleurs informels aux centrales syndicales existantes, ou la création d’un
syndicat spécifique des travailleurs informels ou alors la création de syndicats sectoriels de
travailleurs informels ;
• Accorder une attention particulière au cas spécifique des travailleuses et travailleurs
domestiques (caractérisé par une forte présence des femmes), à travers la promotion de la
mise en place d’une association reconnue d’utilité publique pour représenter et défendre
leurs droits ;
• Promouvoir la formation des institutions représentatives des travailleurs (représentant des
salariés, bureaux syndicaux, comité d’hygiène et de sécurité au travail, etc.) pour mieux
répondre aux attentes des travailleurs informels, notamment au sein des entreprises
formelles (zone grise). A cet égard, les syndicats devraient conserver le lien avec leurs anciens
membres qui opèrent désormais dans l’informel en leur exhortant à rester adhérents, de
manière à mobiliser d’autres travailleurs informels. De même, les syndicats et les associations
professionnelles devraient privilégier une plus grande proximité vis-à vis des acteurs
informels et recourir à des canaux de communication plus adaptés pour mettre en avant les
avantages de l’affiliation à un syndicat.
Volet « Organisation des professions de l’informel » :
• Elaborer un programme pluriannuel d’organisation des métiers et établir des référentiels ou
des cahiers des charges qui définissent pour chaque métier les qualifications et compétences
indispensables à son exercice.

22
Une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc

Actions visant l’informel à capacités productives limitées et les


activités de subsistance et certaines micro-unités et TPE formelles

Axe 3 : Abolir les barrières réglementaires et administratives pour faciliter


l’intégration de l’informel

• Lever certaines limitations réglementaires imposées au statut de l’auto-entrepreneur pour


en améliorer l’attractivité, particulièrement :
- Elever le seuil de chiffre d’affaires annuel maximal que pourrait réaliser l’auto-entrepreneur
sans perdre son avantage fiscal ;
- Permettre à l’auto-entrepreneur de recruter un maximum de 2 ou 3 salariés ;
- Instaurer la possibilité de déductibilité de la TVA pour le statut d’auto-entrepreneur en
vue d’en accroitre l’attractivité.
• Etablir un état des lieux du cadre législatif et réglementaire concernant les entreprises et
procéder à l’identification et la refonte des lois et textes inadaptés ou inapplicables, dans le
but de supprimer les barrières juridiques à la formalisation ;
• Accélérer l’adaptation du cadre législatifs et réglementaire dans le sens d’accompagner les
évolutions technologiques dans les domaines de l’économie collaborative et l’économie de
plateformes et ce pour générer des activités génératrices de revenus dans un cadre formel
et transparent tout en veillant à leur assurer un encadrement adéquat ;
• Accélérer la mise en œuvre du processus de digitalisation des procédures administratives
qui concernent les entreprises et les nouveaux porteurs de projets de manière à supprimer
les entraves bureaucratiques à la formalisation et réduire drastiquement les risques de
corruption.

Axe 4 : Renforcer les moyens d’accompagnement financiers et non-financiers à


la formalisation

Des financements diversifiés plus adaptés et plus accessibles


• Elargir la liste des objectifs visés par le Fonds Mohammed VI pour l’investissement créé
récemment, à celui du financement du processus d’intégration de l’économie informelle ;
• Proposer des offres de financement à des conditions plus avantageuses au profit des jeunes
et femmes souhaitant passer au formel ;
• Mettre en place un produit de financement garanti par l’Etat dédié à l’acquisition des locaux
professionnels/commerciaux ;
• Prévoir des programmes de financement de la mise à niveau (montée en gamme et en valeur
ajoutée) ou la reconversion (changement de secteur) au profit des unités de production en
déclin, opérant dans les filières/secteurs intensifs en main d’œuvre peu qualifiée et qui sont
parfois forcées de recourir à des pratiques informelles pour rester sur le marché ;

23
Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

• Promouvoir l’installation de « banques coopératives ou mutualistes régionales » pour


favoriser le financement des petits projets locaux ;
• Accorder un caractère permanent et élargir le champ d’action du fonds de garantie des
associations de microcrédit dont l’accord-cadre a été signé en date du 12 novembre 2020,
au-delà des seuls crédits restructurés et additionnels accordés dans le cadre de la réponse
à la crise de la Covid-19. La mise en place par le système bancaire de ce mécanisme de
garantie des prêts accordés aux associations de microcrédit contribuerait à améliorer leur
accès aux liquidités nécessaires et à des coûts plus avantageux ;
• Mettre en place les subventions nécessaires pour éviter que les bénéficiaires des microcrédits,
généralement en situation précaire, ne supportent la totalité des coûts opérationnels
inhérents à l’activité des associations du microcrédit ;
• Réduire les délais de traitement des demandes de crédit pour les entreprises ;
• Mener des enquêtes auprès aussi bien du secteur financier que des entreprises, par une
entité indépendante aux fins d’évaluer l’efficacité des programmes de financement lancés
(Intelaka, autres produits de la CCG, etc.) et leur accessibilité effective sur le terrain, dans
le sens d’une meilleure adaptation aux besoins de financement des TPE, microentreprises,
petits commerçants, indépendants et coopératives ;
• Faire une évaluation du système du microcrédit au Maroc pour vérifier dans quelle mesure il
parvient à jouer son rôle de phase intermédiaire devant faciliter par la suite l’accès des unités
de production exclues du circuit bancaire.
Renforcer l’offre d’accompagnement en matière d’assistance technique et de conseil :
• Offrir, aux différents entrepreneurs informels souhaitant initier leur intégration, des prestations
adaptées en matière d’orientation et l de conseil ;
• Garantir un accompagnement de bout en bout pour les auto-entrepreneurs, entrepreneurs
individuels et autres profils souhaitant migrer vers le statut de SARL ;
• Prévoir des guichets dédiés aux TPE, micro-entreprises, indépendants, commerçants et
artisans pour les accompagner dans les procédures judiciaires, la résolution des litiges à
l’amiable, l‘arbitrage et la médiation ;
• Appuyer les TPE, auto-entrepreneurs et artisans dans la mise en place et la tenue d’une
comptabilité transparente en révisant le modèle des centres agréés de gestion et de
comptabilité (CECOGEC), via un élargissement de leur réseau et un renforcement de leur
ressources, pour une meilleure accessibilité sur tout le territoire  ;
• Renforcer les capacités d’appui et d’accompagnement aux coopératives agricoles et non-
agricoles pour favoriser le regroupement des petits producteurs, faciliter leur organisation,
renforcer le pouvoir de négociation et améliorer leur rentabilité, tout en réduisant leur
dépendance aux intermédiaires opérant sur le marché. Les initiatives récentes d’appui à la
création de « coopératives agricoles nouvelle génération » dans le cadre du Plan marocain «
Generation Green 2020 – 2030 », s’inscrivent dans ce sens ;

24
Une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc

• Renforcer les capacités et la réactivité des services publics d’assistance aux petites et micro
entreprises et auto-entrepreneurs en matière de contrôle de conformité de leurs locaux
et installations techniques aux normes de sécurité et d’hygiène en vigueur. Ces services
assureraient également l’accompagnement des unités de production concernées dans
leur mise à niveau technique en cas de non-conformité avérée. Cette prestation pourrait
également être déléguée à des unités techniques privées subventionnées par l’Etat.
• Mettre en place des banques régionales de projets en milieu urbain et rural, en se basant,
notamment, sur les modèles des UPI ayant réussi leur formalisation, dans le but de multiplier
les projets similaires.
Faciliter l’accès des petites unités de production à des locaux de production adaptés et à
un loyer accessible
• Prévoir des zones d’activité économique et zones industrielles offrant des locaux aménagés,
en mode location. Le loyer et les superficies doivent être plus adaptés aux besoins des micro
et petites unités de production ;
• Prévoir au sein de ces zones, la logistique nécessaire à même d’accroitre leur attractivité pour
les entreprises et les travailleurs (navettes gratuites de transport des travailleurs, espaces de
restauration et autres services à des tarifs subventionnés et extrêmement réduits) ;
• Accélérer la mise en œuvre des zones d’activité économique prévues au nord du pays pour
attirer, entre autres, les commerçants qui opéraient dans la distribution de produits de la
contrebande et les inciter à se lancer dans des activités commerciales légales.
Assurer un appui à la digitalisation au profit des UPI
• Mettre l’accent sur l’accompagnement des UPI en matière de formation à l’utilisation des
technologies digitales ;
• Prévoir des subventions et incitations à l’acquisition du matériel/logiciel requis pour la
digitalisation en faveur des UPI, notamment les commerçants de proximité.
Promouvoir l’innovation au niveau des unités de production :
• Accompagner les activités informelles qui ont un potentiel d’idées innovantes dans le
processus de formalisation et de normalisation de leurs métiers (procédés, produits, services,
etc.) pour améliorer leur compétitivité et leur productivité ;
• Promouvoir, au niveau régional, le développement de projets communs à caractère innovant
dans les domaines de l’économie sociale et solidaire, à travers la constitution de groupements
d’intérêt public (social, solidaire, environnemental) et de pôles de compétitivité (ou de «
clusters »). Ces structures peuvent être définies comme la combinaison, sur une région
donnée, d’acteurs de l’économie sociale et solidaire, d’acteurs institutionnels (représentants
des conseils régionaux), d’acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche16.
Améliorer les conditions d’approvisionnement en faveur des petits opérateurs
• Garantir un meilleur approvisionnement en intrants et produits en faveur des micro-unités de
production, des commerçants et artisans, en mettant en place des centrales d’achat dédiées.

16 - Auto-saisine n° 19/2015 - Economie Sociale et Solidaire : un levier pour une croissance inclusive, CESE.

25
Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

Axe 5 : Garantir un meilleur accès au marché

Abolir les obstacles réglementaires d’accès au marché :


• Mettre en place une bourse de la co-traitance pour encourager davantage les soumissions
groupées aux marchés publics  des auto-entrepreneurs et micro-entreprises;
• Distinguer, au niveau du cadre réglementaire de la commande publique, la part minimale de
marché à dédier aux auto-entrepreneurs et coopératives, de celle accordée aux PME ;
• Généraliser le déploiement des contrats d’agrégation aux différents secteurs d’activité ;
• Promouvoir la création d’enseignes et de franchises nationales et préparer le cadre
réglementaire y afférent.
Résorber les obstacles logistiques d’accès au marché :
• Effectuer, au niveau des territoires, un contrôle rigoureux de la mobilisation du foncier
commercial;
• Favoriser, lorsque le foncier n’est pas disponible, le développement des marchés mobiles au
profit des marchands ambulants ;
• Prioriser, autant que possible, le critère de la proximité des centres dynamiques de la ville lors
de la planification de l’aménagement des zones commerciales et marchés pour garantir aux
commerçants plus de visibilité et une meilleure proximité par rapport à la demande ;
• Attirer les UPI vers la formalisation, en leur proposant des espaces de stockage et de
commercialisation à prix abordables qui seraient organisés sous forme de “districts sectoriels” ;
• Prévoir des boutiques solidaires pour les produits des coopératives.
Actions visant les unités de l’informel concurrentiel, les
unités à activités illicites et les unités formelles procédant
délibérément à des pratiques frauduleuses et souterraines

Axe 6 : Renforcer les contrôles contre les pratiques souterraines et illicites, lutter
contre la corruption et veiller à une application rigoureuse et effective de la loi

Garantir l’efficacité des contrôles des activités souterraines et illicites, l’effectivité de la


loi et lutter contre toute forme d’impunité
• Renforcer les contrôles et les inspections à différents niveaux (inspection du travail, CNSS,
contrôle de conformité technique, etc.), en veillant à ce que le niveau des sanctions soit
suffisamment dissuasif et proportionnel à la gravité du délit ;
• Œuvrer pour une interconnexion plus poussée entre les bases de données des services
des douanes, des impôts, de la CNSS et de l’office des changes, pour une détection efficace
des sous-déclarations de marchandises, de chiffre d’affaires et de salariés ;
• Etablir des bases de références par secteur et localité qui donnent un cadre objectif
d’estimation et de contrôle de l’activité des entreprises et des chiffres associés (chiffre
d’affaires, effectifs, etc.) ;

26
Une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc

• Activer la traçabilité des transactions commerciales à travers la facturation électronique


et la centralisation de la numérotation des factures en y intégrant l’ICE Client pour les cas
applicables ;
• Identifier les acteurs influents qui n’adhèrent pas à la formalisation et appréhender finement
leurs motivations dans l’optique de formuler les réponses adéquates, dans le cadre de rounds
de dialogue spécifiques à chaque secteur/profession concerné ;
• Renforcer et adapter le cadre législatif, réglementaire et fiscal pour tenir compte valablement
de l’utilisation croissante des plateformes numériques, réseaux sociaux et autres outils du
digital pour à des fins commerciales et lucratives ;
• Diffuser les informations et les chiffres sur les infractions commises par les entreprises en
matière de fraude sociale et fiscale, sous-déclarations, activités souterraines, manquement
au code du travail, comme signal fort, de l’efficacité du système national de détection des
activités de l’économie souterraine et illicite.
Redoubler d’effort en matière de lutte contre la corruption :
La corruption et l’informalité évoluent selon une relation dialectique et la lutte contre la
corruption est un paramètre prioritaire pour résorber la prolifération de l’informel. Les pouvoirs
publics devraient dans ce sens:
• Adopter une attitude de tolérance zéro envers la corruption sous toutes ses formes et les
pratiques qui y sont liées.
• Prioriser les actions en s’attaquant d’abord à la grande corruption prédatrice pour donner
l’exemple et gagner la confiance de la société sur la base d’une stricte application de la loi;
• Garantir la traçabilité de toutes les opérations commerciales et financières et de transferts,
ainsi que les procédures judiciaires qui s’y prêtent, en s’appuyant sur une transformation
digitale profonde et une normalisation des transactions et des échanges.
L’adoption récente de la loi 46.19 relative à l’INPPLC est un pas important dans ce sens.
Actions visant les travailleurs et indépendants informels

Axe 7 : Garantir les droits des travailleurs informels, généraliser la protection


sociale et promouvoir l’accumulation et la valorisation des compétences

• Respecter strictement le calendrier et le cahier des charges de mise en œuvre du chantier de


la généralisation de la couverture sociale initiée par Sa Majesté le Roi, et adapter les prestations
aux besoins des catégories vulnérables, en veillant à élargir l’offre proposée, notamment à
la couverture contre les risques d’invalidité et les accidents de travail en particulier pour les
indépendants/auto-entrepreneurs/artisans/travailleurs domestiques, etc. ;
• Choisir, en matière d’indemnité pour perte d’emploi, une option optimale qui permettrait une
baisse du nombre minimal requis de jours de travail à respecter durant les 36 derniers mois
et ce, pour une meilleure adaptation aux profils des petits métiers et travailleurs précaires à
faible volume horaire. Il est également important de lever toute ambiguïté quant aux autres
critères d’éligibilité à l’IPE, notamment en clarifiant davantage la condition de disposer d’un
« emploi stable » évoquée dans la loi-cadre sur la protection sociale;

27
Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

• Instituer, dans le cadre d’un système contributif ouvrant droit à des allocations-chômage
dont l’accès est conditionné par une durée de cotisation préalable, un régime obligatoire
d’assurance-chômage des salariés, et un régime assurantiel distinct pour les travailleurs non-
salariés et les travailleurs indépendants. Il convient aussi d’associer à ce régime assurantiel un
régime assistanciel qui couvrirait les travailleurs ayant perdu leur emploi et ne remplissant
pas les conditions d’éligibilité à l’assurance chômage ou les personnes en fin de droit. 
• Réviser le mécanisme de la contribution professionnelle unique et des droits
complémentaires d’accès à la protection sociale de façon à indexer directement la cotisation
à la capacité de paiement de chacun et en introduisant de la progressivité au niveau des
barèmes (contrairement à la formule actuelle où la contribution varie plutôt en fonction des
groupes de professions) ;
• Renforcer l’effectif des inspecteurs du travail, accélérer et simplifier davantage les procédures
d’élaboration des procès-verbaux et de leur transmission aux autorités judiciaires
compétentes dans le sens d’une exécution plus rapide et garantir l’effectivité des sanctions
en cas de manquement au code du travail. Il est également proposé d’adapter les méthodes
d’inspection utilisées aux spécificités de la phase transitoire du secteur informel vers
l’informel;
• Renforcer les moyens et effectifs de la CNSS pour améliorer sa capacité de détection des
infractions en matière de déclaration des employés au niveau des entreprises ;
• Utiliser la solution des « chèques-emploi-service » pour favoriser la déclaration notamment
des travailleurs domestiques. D’un côté, le travailleur est assuré de bénéficier d’un contrat de
travail et des droits y afférents ainsi que d’une couverture sociale (chômage, maladie, retraite,
etc.). Pour sa part, l’employeur profite d’un avantage fiscal sous la forme d’un crédit d’impôt
pouvant atteindre jusqu’à 50% des sommes versées (salaires + cotisations sociales);
• Mettre en place des formations professionnelles sanctionnées par des certificats, pour
améliorer le niveau de qualification des entrepreneurs indépendants informels ;
• Accélérer le rythme et élargir le périmètre du programme de validation des acquis de
l’expérience professionnelle (VAEP), en y intégrant notamment les métiers issus de l’artisanat,
pour mieux valoriser l’expertise et le savoir-faire de ces derniers.

3 - Les conditions pour une mise en œuvre réussie de la stratégie nationale de


résorption de l’informel
Le succès de la mise en œuvre restera conditionné par la mise en place d’un certain nombre de
prérequis :
1. Garantir à tous, le droit à un accès équitable à des services publics de qualité comme signal
de renforcement du rôle de l’Etat, dont les prestations justifieraient les coûts éventuels de la
formalisation ;
2. Communiquer de manière ciblée et à travers les canaux adéquats et adaptés à la population-
cible, les avantages et les options de la formalisation et les différentes mesures prises ;

28
Une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc

3. Mettre en œuvre des actions cohérentes et synchrones au niveau des autres politiques
publiques. Il s’agit de:
• Mettre à niveau le capital humain en accélérant la réforme de l’éducation nationale, pour
une école publique de qualité, un accès équitable pour toutes les franges de la population ;
• Prévoir systématiquement au niveau des politiques sectorielles, des axes stratégiques en lien
direct avec l’intégration de l’informel ;
• Remédier en urgence aux déficits de développement accumulés dans le milieu rural afin de
limiter l’exode rural ;
• Accélérer la cadence d’utilisation du « mobile paiement » et des paiements électroniques, qui
figurent parmi les objectifs visés par la stratégie nationale de l’inclusion financière (SNIF). La
finalité poursuivie consiste à réduire le périmètre des transactions informelles qui s’appuient
sur le cash et augmenter la traçabilité des flux financiers pour resserrer l’étau autour des
pratiques de fraude, de sous-déclaration, etc. Ainsi, une accélération de la mise en œuvre des
objectifs de la SNIF est nécessaire, avec :
- des incitations adaptées pour promouvoir l’utilisation des transactions commerciales qui
passent par les m-wallets et moyens assimilés ;
- un appui financier et une assistance technique aux commerçants et petits services de
proximité pour une utilisation plus répandue du mobile paiement ou encore pour
l’installation à grande échelle de terminaux électroniques de paiement ou de caisses
enregistreuses au niveau des commerces ;
- une campagne de communication efficace auprès des commerçants pour les sensibiliser,
leur exposer les avantages escomptés de ces technologies et surtout les rassurer par
rapport à leur utilisation .
• Renforcer les capacités et ressources mobilisées pour la détection et la lutte contre les
pratiques de la finance informelle (hors tontines) et activité financières illicites.
4. Renforcer les valeurs du civisme en :
• Intégrant à tous les niveaux du système éducatif national et surtout à partir du primaire,
l’éducation au civisme économique, social et fiscal ;
• Engageant une politique de communication massive et multicanal autour des valeurs du
civisme économique, social et fiscal.
Par ailleurs, au niveau de la gouvernance et des aspects opérationnels et organisationnels :
• La durée de mise en œuvre de la stratégie en question devrait être répartie en un certain
nombre de phases intermédiaires durant lesquelles des rapports d’étape seront élaborés
pour identifier les points forts et détecter les blocages et proposer les mesures de rectification
nécessaires.
• Une commission de suivi et d’évaluation de l’avancement de la stratégie devra être mise en
place. Elle jouera le rôle d’une « delivery unit ». Sous la supervision du Chef du gouvernement,
elle comportera des membres issus de l’administration centrale, des territoires, du secteur
privé, des associations professionnelles et de représentants des salariés.

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

• La mise en œuvre de chaque volet de la stratégie en question devrait être attribuée à une
entité définie qui en assumerait la responsabilité, dans le cadre de la transparence et la
reddition des comptes.
• Une déclinaison territoriale de la stratégie est nécessaire dans le cadre des processus en
cours de déploiement de la régionalisation avancée et de la déconcentration, en dotant les
régions, provinces et communes des compétences et des ressources humaines et financières
nécessaires.
De même, dans le cadre de la gouvernance territoriale, la commune doit être responsabilisée
(moyennant des ressources dédiées) dans la prise en charge et l’accompagnement des
opérateurs informels dans leur processus de formalisation et d’organisation (accès aux locaux
de production, accès au marché, accès eau/électricité, etc.), en traitant ces opérateurs comme
des entrepreneurs avec un réel potentiel de création de valeur et d’emploi.
Il convient, par ailleurs, de mettre en place des contrats-programmes au niveau territorial, avec les
acteurs concernés (autorités, ministères, groupements professionnels, etc.) pour une meilleure
déclinaison territoriale des mesures de résorption de l’économie informelle.

30
Une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc

ANNEXES

Annexe 1 : Liste des organismes auditionnés


Le Conseil économique, social et environnemental tient à exprimer ses vifs remerciements
aux différents acteurs, organismes et institutions ayant participé aux auditions organisées par
le Conseil. Un remerciement particulier s’adresse à ceux qui ont envoyé des contributions
écrites. Leurs idées, contributions et propositions respectives ont été d’un grand apport dans
l’élaboration du présent avis.

Acteurs auditionnés
Ministère de la santé
Ministère de l'Aménagement du Territoire National, de
l'Urbanisme, de l'Habitat et de la Politique de la Ville
Ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration
Ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Économie Verte et Numérique
Ministère de l'Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural, des Eaux et Forêts
Ministère de l’Equipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau
Secrétariat Général du Gouvernement
Bank Al Maghreb
Haut-Commissariat au Plan
Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption
Agence Maroc PME
Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications
Observatoire Nationale du Développement Humain
Office de Développement de la Coopération
Caisse centrale de garantie
Caisse Interprofessionnelle Marocaine de Retraites
Caisse Nationale de Sécurité Sociale
OFPPT
Groupe Poste Maroc

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

Chambre de Commerce, d'Industrie et de Services de la


Région de Tanger-Tétouan- Al Hoceima
Fédération Marocaine des Sociétés d’Assurances et de Réassurance
Fédération Nationale des Associations de Micro-Crédit
GPBM
MAMDA
Union des Coopératives Al Amal
Conseil régional de l’Oriental
Conseil régional de Casablanca-Settat
Conseil de la Commune de Casablanca
Commune Urbaine Anfa
Commune Urbaine Mechouar
Commune Urbaine Sidi Bernoussi
Syndicat National des Commerçants et des Professionnels du Maroc
UMT
Association « Digital Act »
Réseau Marocain de l’Economie Sociale et Solidaire
Observatoire Marocain de la Très petite, Petite et Moyenne Entreprise
ESPOD

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Une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc

Annexe 2 : Liste des membres de la commission chargée des affaires économiques
et des projets stratégiques

Abbouh Ahmed
Aguizoul Tarik
Alaoui Mohammed
Azbane Belkady Khalida
Belarbi Larbi (Président de la commission)
Ben Seddik Fouad
Benlarbi Allal
Bensalah chaqroun Meriem
Benwakrim Latifa
Fikrat Mohammed
Foutat Abdelkarim
Mounir Alaoui Amine
Deguig Abdallah
Kettani Mouncef (Rapporteur de la thématique)
Ghannam Ali
Lahlimi Alami Ahmed
Mkika Karima
Mostaghfir Mohamed
Naji Hakima
Ouayach Ahmed
Rachdi Mohammed Bachir
Sijilmassi Tariq
Simou Najat
Ziani Moncef
Berrada Sounni Amine
Lotfi Boujendar

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

Annexe 3 : Experts ayant accompagné la commission

Karim El Mokri
Experts permanents au Conseil Mohamed Amine Charrar
Thanae Bennani

Traduction Youssef Satane

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Une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc

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Conseil Economique, Social et Environnemental
Conseil Economique, Social et Environnemental

1, angle rues Al Michmich et Addalbout, Secteur 10, Groupe 5


Hay Riad , 10 100 - Rabat - Maroc
Tél. : +212 (0) 538 01 03 00 Fax +212 (0) 538 01 03 50
Email : [email protected]

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