2018-04-11 Intervent SG Les Pre-Requis Du Tribunal Numerique
2018-04-11 Intervent SG Les Pre-Requis Du Tribunal Numerique
2018-04-11 Intervent SG Les Pre-Requis Du Tribunal Numerique
Cette démarche s’appuie sur un effort sans précédent en France, dans le cadre de
la loi de programmation pour la Justice, qui sera débattue au printemps, et qui
consolidera les moyens de la Justice pour les 5 années à venir (2018-2022).
J’insisterai aujourd’hui sur les pré-requis de la Justice numérique, que
j’entendrai au sens des conditions de sa légitimité et de sa réussite, sous deux
angles :
‐ celui de la conduite du changement, associant étroitement toutes les
parties prenantes, car le développement d’une Justice numérique signifie,
au-delà de l’évolution des outils, une mutation profonde des métiers ;
‐ celui de l’impact du numérique sur la relation entre Justice et
justiciable et l’essence du travail juridictionnel, et aux moyens de
s’assurer qu’il reste au service d’une Justice irréductiblement humaine.
Au stade de la conception / développement des applications, elle exige :
‐ un travail partenarial étroit entre administration, juridictions, et
professionnels du droit ; nous remodelons en ce moment dans cet esprit la
gouvernance de nos systèmes d’information.
‐ des capacités de développement agile, associant étroitement les
utilisateurs, pour concevoir et adapter en permanence les outils offerts.
‐ une exigence de sécurité, pour protéger la confidentialité des procédures, et
garantir l’authenticité et la notification sécurisée des décisions de Justice.
Nous travaillons à un service public numérique de la Justice nativement
“accueillant” (« user friendly by design »), qui doit comprendre :
‐ une assistance en ligne, répondant aux exigences de l’usager numérique
‐ des outils de saisine « intelligents » voire interactifs (chatbots, assistance par
intelligence artificielle…) : nous travaillons à des applications qui guident le
justiciable, lui épargnent les questions de compétence, et facilitent la
constitution de dossiers complets et structurés et donc, in fine, le travail des
greffiers et magistrats) ;
‐ une attention aux justiciables les plus fragiles (ex : dématérialisation de la
gestion des demandes d’aide juridictionnelle, système d’information pour les
victimes d’attentats ou de catastrophes…) ;
‐ une capacité de dialogue entre applications différentes, au sein de la sphère
publique, mais aussi le cas échéant avec des services offerts en dehors de la
sphère publique, s’ils offrent les garanties nécessaires.
Le numérique doit aussi permettre de mieux cerner besoins et attentes des
justiciables, en facilitant leur expression, en analysant leurs démarches.
La perspective d’une « Justice numérique » suscite des craintes : crainte que les
échanges électroniques se substituent aux échanges en face à face (la Justice
sans audiences), ou crainte que les outils d’intelligence artificielle se substituent
au travail des juges (la Justice prédictive…), par exemple. Il faut répondre à ces
inquiétudes, sans se priver d’outils intéressants, mais en réaffirmant des
exigences fondamentales, que ce soit en matière d’échanges entre acteurs du
procès, de travail juridictionnel, ou d’open data et d’intelligence artificielle.
‐ La meilleure qualité des échanges peut faciliter le constat qu’une
audience n’est pas nécessaire ; mais ce constat, sous la responsabilité
du juge, n’est pas la conséquence du numérique : c’est, au regard de la
teneur du dossier et de l’utilité réelle d’une audience pour éclairer le
juge, le choix par ce dernier d’un calibrage des moyens proportionné
aux exigences d’une bonne Justice.
Ces outils, en effet, doivent demeurer des appuis, sans jamais se substituer
à la prééminence et à l’indépendance de l’intervention du juge lui-
même :
‐ ils fournissent des canevas, des référentiels, mais ne sauraient
remplacer l’application souveraine, par le juge, de la règle de droit aux
circonstances de fait dont il est saisi ;
‐ a fortiori, quelle que soit la puissance d’un algorithme, il est hors de
question, à nos yeux, qu’il se substitue au(x) juge(s).
Le juge sera cependant nécessairement confronté à l’usage de l’open data et des
algorithmes par d’autres acteurs du procès, et doit donc s’y préparer.
statistiques qui concerneront aussi l’activité du ministère de la Justice et des
juridictions, mais aussi pour les décisions de Justice elles-mêmes.
Cela représente d’une part un défi technique :
‐ il va falloir mettre à disposition, très probablement sous le contrôle des
cours suprêmes, un volume de décisions sans précédent, selon des
standards ouverts
‐ il faudra s’assurer du respect de la vie privée et prévenir les risques de
ré-identification des acteurs et des parties
‐ cela peut avoir un effet sur la construction même des décisions
(intégration de métadonnées…) et sur la conception des sites publics
(référencement, classement ou hiérarchisation des décisions mises en
ligne…)
D’autre part, et peut-être surtout, l’open data, favorisant une meilleure
diffusion et analyse des décisions, accroît l’exigence d’harmonisation de la
jurisprudence et du droit. Le débat sur la « discipline
jurisprudentielle » est certes épineux, mais n’est-il pas normal, si l’on se
place du point de vue du justiciable et de l’Etat de droit, que la règle de droit
soit partout interprétée de la même manière ?
L’intelligence artificielle est porteuse de potentialités considérables :
‐ saisine en langage « ordinaire » accessible aux non spécialistes ;
‐ aide à la structuration du dossier, identification des points de
divergence, enrichissement d’éléments de référence pertinents ;
‐ aide à la réflexion juridique plus globalement ;
‐ aide à l’évaluation des besoins et de l’efficacité des politiques
publiques dans le champ juridique et juridictionnel.
La puissance publique doit donc se doter des outils qui permettront aux juges et
à l’administration de la Justice de mettre à profit ces potentialités (capacités
propres, articulation avec les legal tech) ; ici aussi, l’ampleur du défi impose une
approche partenariale impliquant l’ensemble des acteurs concernés (ministère,
autorité judiciaire…)
de règlement des différends ou dans le cadre du travail juridictionnel, une
exigence : le recours aux algorithmes doit être transparent et non exclusif :
‐ transparent : le recours à un algorithme doit être connu des acteurs de
la procédure, et la qualité de cet algorithme doit être vérifiable ;
‐ non exclusif : il faut exclure tout automatisme intégral dans le
traitement d’un dossier, et écarter la perspective d’une « Justice
prédictive ».
Je vous remercie.