1860 Ganiage

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La population de la Tunisie vers 1860.

Essai d'évaluation d'après les registres


fiscaux

Jean Ganiage

Population (French Edition), 21e Année, No. 5. (Sep. - Oct., 1966), pp. 857-886.

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Sat Jan 5 16:50:44 2008
LA POPULATION DE LA TUNISIE

VERS 1860

Essai d'évaluation d'après les registres fiscaux

Dans de nombreux pays, les historiens se sont eforcés de


reconstituer la population d'époques passées en s'appuyant
sur les documents jîscaux (par exemple sur les redevables de
la taille en France). Malgré la double incertitude sur les sources
elles-mêmes et sur leur utilisation à des jîns démographiques,
de nombreux résultats intéressants ont été ainsi obtenus pour
diverses régions errropéennes.
Beaucoup plus rares sont les travaux de cegenre hors d'Europe.
De ce fait, les recherches de M . Jean GANIAGEsur la Tunisie
attirent l'attention. Il présente ici les résultats de nouveaux
travaux assis sur le rendement de la mejba avant le protectorat ( l ) .

Le premier recensement général remonte seulement à 1921. A l'époque,


le gouvernement du bey ne se souciait guère de démographie. Il n'était
pas plus d'état civil que de statistiques. Quant aux estimations des contem-
porains, les plus sérieuses variaient du simple au double. Pour l'ensemble
du pays, en 1853, Pellissier de Reynaud ( 2 ) avance le chiffre de 800.000 habi-
tants, Cubisol (31, celui de deux millions. Le baron von Maltzan (4) se rallie
à un million et demi; Fallot ( 5 ) hésite entre douze et quinze cent mille; Duvey-
rier (6) ne conclut pas.

1) Du même auteur, 1'I.N.E.D. a pubiié : Trois villages d'lle-de-France a u XVIIIe


s~ècle.Étude démographique, cahier no 40, 1963. On peut consulter aussi : La population
européenne de Tunis a u milieu d u X I X e siècle. P.U.F., 1960.
( 2 ' E. PELLISSIER DE REYNAUD, Description de la Régence de Tunis, Paris, 1853, p. 329.
L'auteur avait été plusieurs années vice-consul à Sousse. Son ouvrage apparaît de loin comme
le plus détaillé et le mieux informé de son époque.
' 3 ) Charles CUBISOL, vice-consul à La Goulette, Notices abrégées sur la Régence de T u n ~ s ,
Bône, 1867, p. 17.
(a Heinrich V O N RIALTZAN, Reise i n den Regenschaften Tunis und Tr~polis,Leipzig,
1870, vol. 2, p. 413.
( 5 ' Ernest FALLOT, Notice géographique, administratizse et économique sur la Tunisie,
Tunis, 1888, p. 46.
( 6 J Le recensement de l'Empire ottoman de 1844, note-t-il, attribue à la Tunisie 950.000
habitants. «Les dernières évaluations officielles tunisiennes qui remontent à 1867 ou 1868,
portent 1.007.200 habitants, donnée que VON M A L T Z ~estime N être beaucoup trop faible ...
Il est probable que la population de la Tunisie atteint, si elle ne dépasse pas, un million d'habi-
tants. » La Tunisie, Paris, 1881, p. 2-3.
En ce domaine comme tant d'autres, les auteurs de relations de voyages
se recopiaient sans la moindre pudeur.
Les premières évaluations officielles du Protectorat ne font que souligner
l'ignorance des autorités. Par la suite, l'information se fait plus précise, mais
les statistiques continuent de surestimer la population indigène, les premiers
recensements en témoignent (1). De toute façon, les documents contempo-
rains demeurent inutilisables, faute de points de repère. A un demi-siècle
de distance, comment spéculer sur une population qui, du chemin de fer à
l'automobile, a subi le bouleversement de deux révolutions des transports?
A défaut de dénombrements ou d'évaluations officielles, nous pouvons
faire appel aux documents fiscaux de l'ancienne administration beylicale.
Les archives tunisiennes de Dar el Bey conservent en effet les registres d'une
capitation tardivement instituée par la dynastie husseinite, la mejba. Il était
possible d'en tirer le même parti que des rôles de taille de la France d'Ancien
Régime. Mais, en pays d'Islam, la notion de capitation pose bien des pro-
blèmes; les agents du bey avaient affaire à des nomades autant qu'à des
populations sédentaires. Question de langue mise à part, l'interprétation
des registres fiscaux soulève plus de difficultés qu'en Europe occidentale.

LA MEJBA

La mejba apparaît comme un impôt de type nouveau, institué en juillet 1856


par le bey Mohammed (21, afin de remplacer un certain nombre de taxes datant
de l'époque turque. Cette taxe personnelle, officiellement ihâna, aide ou contri-
bution, prenait la forme d'une capitation annuelle de 36 piastres (31, payable
mois par mois. Elle pesait sur tous les Tunisiens mâles et pubères, à l'excep-
tion des habitants de Tunis, de Kairouan, Sousse, Sfax et Monastir, assujettis
à d'autres impositions (4). Étaient exemptés également agents du bey, cheikhs,

(1) Le fait est surtout typique pour les grandes villes : Tunis, dont on estimait k population
en 1906 à 204.500, dont 61.500 Européens et où l'on ne recensait que 171.676 habitants en 1921,
dont 73.472 Européens; Sfax, où les chiffres passent de 69.000 à 28.000 (mais la question de
la baniieue y est pour quelque chose); Sousse enfin, où l'écart est moindre : 20.800-19.700.
( 2 ) Mohammed Bey (1855-1859), I l e prince de la dynastie husseinite. Il avait succédé à
son cousin, le bey Ahmed (1837-1855).
(31 A l'époque, le cours de k piastre oscibit entre 12 et 13 sous.
( 4 ) NOUSn'avons pu retrouver l'original du décret de 1856. La copie que nous avons eue
à notre disposition - et qui se trouve en tête d'un registre de Bgerte pour 1272 (1855-1856) -
ne signale aucune des exemptions qui apparaissent dans les dossiers. Mais les consuls y faisaient
anusion dans leur correspondance. Un décret du 25 mai 1871, consacré aux exemptions de
la mejba, devait d'ailieurs reprendre ces dispositions. Nous en donnons ici les principales
stipulations : « Est exempt de la mejba :
e 1 0 Tout individu originaire des villes suivantes : Tunis, Kairouan, Sousse et Sfax, soit
qu'il réside dans sa ville ou dans l'une des villes ci-dessus; mais s'il est établi auprès d'une
tribu ou dans une autre ville ou bourg, dont les habitants sont soumis au payement de la medjba,
il sera considéré comme les habitants de l'endroit où il s'est établi ...;
khalifas et caïds, dignitaires religieux, étudiants, soldats et vétérans. A ces
exemptions légales devaient s'ajouter des exemptions de fait. Même mensuel,
le paiement de la mejba représentait une lourde charge. Un peu partout, il
fallut accorder des dispenses aux indigents, tolérer, sur les confins, l'évasion
plus ou moins régulière de groupes de nomades, consentir des forfaits, des
abonnements aux tribus réticentes. Le bey en avait tenu compte en partie,
d'ailleurs, en prévoyant un abattement de 4 % sur la matière imposable,
que doublait un nouvel abattement de 4 0/,, destiné à rémunérer les agents
de perception du caidat. En dépit de toutes ces restrictions, la mejba allait
devenir désormais la plus grosse source de revenus du Trésor. En 1277
(1860-1861), d'après les pièces officielles du ministère des Finances, elle pro-
duisait 7.386.000 piastres, deux fois autant que tous les impôts sur la récolte,
les deux cinquièmes d'un budget de 17 millions et demi (1).
La mejba étant impopulaire, sa perception n'allait pas sans difficultés,
surtout les mauvaises années. Néanmoins, à la fin de 1861, le gouvernement en
décida le doublement, pour essayer de rétablir des finances délabrées par une
politique de dilapidation et d'emprunts onéreux. Un soulèvement général, au
printemps de 1864, contraignit le bey à renoncer à son projet; en avril, la
mejba fut ramenée à son taux ancien. La révolte matée, on n'en revint pas
au statu quo, cependant. Une série de mesures de détail amenèrent la trans-
formation de l'impôt en une taxe de taux variable, selon ies ressources des
contribuables. Transformation de courte durée, car, après la terrible crise
de 1867-1868, il fallut alléger le poids fiscal. On revint à un taux uniforme
de 40 piastres par tête (21, afin de réduire, dans la mesure du possible, les
abus d'une perception oppressive (octobre 1869).

« 20 Tout individu qui pourra justifier d'être né, élevé et constamment établi dans l'une des
viües ci-dessus indiquées ;
0 3 O Les étudiants de Tunis munis d'un décret d'exemption comme étant entièrement
consacrés à l'étude des livres religieux ...;
« 40 Les officiers... et les soldats inscrits sur les rôles de leurs régiments respectifs ...,les
invalides touchant une pension, et enfin les officiers et soldats ... de la police et de la gendar-
merie ;
« 50 Tout infirme sans moyens et ne pouvant point travailier. » (Paul ZEYS, Code annoté
de la Tunisie, 1901, no 900, p. 597. Également Arch. tun., carton 93, doss. 94 et 95).
i l 1 Exactement 7.386.984 piastres sur un total de 17.564.406 piastres (42,05 %), alors
qu'ensemble, ïachour et le canoun des oliviers et des dattiers ne produisaient que 3.948.759
piastres, les impôts indirects faisant le reste (Arch. tun., carton 92, doss. 82). L'année 1277 de
l'Hégire courait du 20 juillet 1860 au 8 juillet 1861.
( 2 ) « NOUSfixons cet impôt à quarante piastres par an, payables par chaque contribuable,
sans en excepter que les invafdes qui ne peuvent pas travailler pour subvenir aux besoins de
leur vie.
11 Cet impôt en lui-même n'est point lourd; néanmoins, prenant en considération ... ia
situation difficile dans laquelle se trouvent les contribuables ... nous avons décidé de leur
faciiiter le payement de cet impôt par une nouvelle réduction qui irait en diminuant progres-
sivement pendant quatre années. .. Ainsi, à la première année, il ne sera exigé que 25 piastres;
à la deuxième année, 30 piastres; à la troisième, 35 et à la quatrième, 40 piastres, qui sont la
limite extrême à iaquelle doit s'arrêter le montant de cet impôt )I (P. ZESS, op. cit., no 898,
décret du 4 octobre 1869, art. le', p. 595-596).
Assiette de l'impôt. Grâce aux registres des caïds, conservés pour la
plupart à Dar el Bey, nous pouvons nous faire une
idée de la façon dont l'impôt était assis. Le soin de procéder au recensement
de la population était confié aux cheikhs et aux khalifas, théoriquement
sous le contrôle des cadis. Ces documents se présentent sous la forme de
gros volumes, généralement reliés, où sont enregistrées, dans un ordre qui
parfois nous échappe, des listes d'individus désignés par un prénom, un
sobriquet, l'indication d'une filiation plus ou moins développée, parfois
celle d'un lieu d'origine.
Chez les sédentaires, on distingue aisément les différents villages, frac-
tionnés ou non en cheikl-iats; chez les nomades, ce sont des douars ou des
familles groupées sous des vocables souvent difficiles à interpréter, lors-
qu'on ignore à quelle tribu peut se rattacher tel groupe de tentes isolées.
Mais, partout, on prend bien soin d'isoler les Juifs, ainsi que les nègres,
communément désignés sous le nom de chaouachine. Nombre d'indications
ou de corrections marginales montrent que ces registres ont servi, pendant
plusieurs années, au calcul des réévaluations successives. E n fin de registre,
apparaît une récapitulation globale, suivie d'une totalisation authentifiée
par le cachet du caïd, parfois aussi ceux des cheikhs et des cadis qui ont pro-
cédé au recensement.
D'une région à l'autre, la présentation des registres peut varier.
Elle n'en présente pas moins un certain caractère d'unité. Rlais, d'une
façon générale, les registres des caïdats de l'intérieur apparaissent beau-
coup plus mal tenus que ceux des régions peuplées de sédentaires. L'écri-
ture devient peu lisible; taches et ratures se multiplient, ainsi que les
erreurs d'addition facilitées par une graphie incommode (1). Dans le Sahel,
nous avons la chance de retrouver, à côté d~ la liste des imposables, village
par village, l'énumération des militaires ou des vétérans qui jouissaient
d'exemptions légales, le décompte des individus ayant échappé à l'impôt,
indigents, émigrés, invalides ou faibles d'esprit, ainsi que les morts de l'année.
A Bizerte, la liste des enfants, celle des indigents figurent longtemps en
regard de celle des imposables, rangés quartier par quartier dans un détaii
minutieux.
A partir de 1865, la présentation des registres change. C'est que la mejba
a cessé d'être une capitation uniforme pour se muer en une sorte de taille
tarifée. A la sécheresse des listes nominatives succède l'énumération des
ressources des familles, nombre de pieds d'oliviers, de têtes de bétail, pro-

1 ) On a peine à distinguer les 2 des 3 et même des 6. Les points de séparation se confondent
parfois avec des zéros (.), ce qui engendre des erreurs de dizaines qui se répercutent alors sur
plusieurs pages à la faveur de totaux cumulatifs. Dans bien des cas également, la récapitulation
ne correspond pas exactement au détail des totaux partiels présentés par les listes nominatives.
priété bâtie, contenance des terres emblavées (1). La mejba n'avait pas fait
disparaître l'achour ni le canoun, mais elle semblait se greffer sur ces
taxes plus anciennes, pour devenir une sorte d'impôt sur le revenu.

Évaluation de la population. A partir de ces éléments, il semblait possible


de procéder à une évaluation, au moins
grossière, de la population de la Régence. Pour les contemporains, en effet,
le nombre des imposables à la mejba représentait environ le quart de la
population totale. Nombre d'évaluations n'ont pas été faites autrement
dans les premières années du protectorat, le procédé valant bien celui qui
consistait à convertir en habitants le nombre de fusils ou de cavaliers dont
telle tribu pouvait disposer. Étant donné la répartition par âges au sein de
cette population, un taux de quatre pour un peut sembjer acceptable de prime
abord ( 2 ) . Encore faut-il être assuré de bien connaître le nombre des indi-
vidus exemptés à un titre ou un autre. Même dans ce cas, la marge d'erreur
demeure assez grande et nous retrouvons les mêmes difficultés que pour
l'évaluation de la population française d'Ancien Régime, à partir de la nomen-
clature des feux taillables. Selon que l'on adopte un taux de conversion de
4 ou de 4',5, c'est à une variation de l'ordre de 12 % que l'on s'expose.
Toutefois, il est une justification : le détail d'un recensement retrouvé
récemment dans les archives de Dar el Bey, celui de l'ensemble de la popu-
lation sédentaire mâle du cap Bon, document dont, à notre connaissance, il
n'existe pas d'équivalent et qui, précisément, servit de base à l'établissement
de la melba. Pour la même époque, en effet, nous trouvons, dans le cap Bon,
6.024 imposables, 6.265 avec les dispenses, en regard de 12.489 personnes
d0r.t les âges, certainement très approximatifs, s'échelonnent entre cent ans
et quelques jours ( 3 ' . C'est la même proportion que nous offre le caïdat

1 Ainsi, à Kalaa Kebira, gros village di1 riord du Sahel, dans le caidat de Sousse, Abder-
razak ben hhmed Abid et son fils Ahmed qui disposaient de deux cent cinquante oliviers et
d'une terre dont la semence était d'un caffi et demi, qui possédaient en outre deux maisons,
deux jardins, quatre vaches, une jument et soixante-dix moutons étaient-ils taxés à 490 piastres,
tandis que Fredj ben Ali devait payer 20 piastres pour cinquante oliviers, une maison, une
\ache et une partie d'un jardin. Dans le village voisin de Kalaa Srira, Fredj ben Ahmed payait
300 piastres pour une maison et demie, une huilerie, quatre greniers, cent oliviers, trois jardins
arrosés, trois chameaux, six vaches, cinquante moutons, un cheval et deux ânes. llansour
Dallèche et Mansour ben Gacem Amara étaient imposés chacun à 43 piastres, l'un pour un quart
de maison, dix oliviers, un âne, l'autre pour un huitième de maison, vingt oliviers et un âne
(hrch. tun., reg. 996. Registre de 1285 pour la mejba de 1284 : mai 1867-avril 1868).
( 2 ) Reste toujours l'incertitude des âges. La puberté n'était pas prise au sens biologique du
terme. Ii s'agissait plutôt de L'âge à partir duquel un garçon était capable de gagner sa vie,
14 ou 15 ans en g$néral. Dans son étude (La mejba, impôt de capitation tunisien ..., Tunis, 19-
104 p.), M . CHERELindique l'âge de 15 ans environ, p. 50.
( 3 ) Le dossier de mejba correspond aux impositions de 1276. Il est authentifié par le sceau
beylical apposé le 28 chaoual 1277 : 9 mai 1861. Le recensement nominatif est de 1277, proba-
blement du second semestre de 1860. Les garçons de O à 14 ans représentaient 48 010 de la
population masculine, ceux de O à 1.5 ans, un peu plus de la moitié. Cette répartition apporte
une justification de plus à notre évaluation.
>si
Figure 1. - Le registre du cap Bon

Le cliché donne une idée de la présentation des registres; le nom de la localité, ici Soliman, se
détache avec netteté. Suivent les noms des individus avec les âges en regard. Ainsi trouvons-
nous successivement Mohammed ben Khalifa el Hanefi, 65 ans (lre ligne), ses fils, Maham-
med, 25 ans, Chedli, 22 ans, Ali, 15 ans, son frère El Hadj Mahmoud, 48 ans (5e ligne). Son
fils Mohammed, un an et demi.
Parmi les suivants, lignes 7 et 12, nous relevons deux noms de mamelouks. La plupart des
sobriquets indiquent une origine, Trabelsi = Tripolitain, Kourbi = originaire de Korba.
Ainsi, Hassan ben Mohammed el Amouri el Kourbi (avant-demière ligne). Comme pour la
correspondance habituelle, les secrétaires usaient de la plume de roseau, l'encre était séchée
au sable.
de Bizerte en 1860 : 2.053 imposables pour 2.269 non imposables, fonction-
naires, indigents, invalides ou enfants (1). Si la moitié des hommes étaient
ou auraient dû être des contribuables virtuels, on peut sans grand risque
d'erreur considérer que les listes d'imposition et de dispense correspondent
bien au quart de L population.

Valeur des sources. Mais, que peuvent valoir ces listes elles-mêmes? Il s'agit
là de documents fiscaux, donc de sources toujours un
peu suspectes. Caïds et cheikhs n'avaient-ils pas intérêt à minimiser le nombre
de leurs administrés vis-à-vis du pouvoir central? La tentation était évi-
dente dans un pays où les agents recenseurs étaient en même temps des
agents de perception, un pays où l'usage des quittances d'impôts demeura
longtemps inconnu.
A cet égard, les listes d'imposition elles-mêmes sont éloquentes. Entre 1856
et 1863 (années 1273 à 1279 de l'Hégire), donc pendant une période de relative
prospérité, dans la plupart des circonscriptions, nous voyons les effectifs
enregistrés se réduire d'année en année. De 3.474 en 1273, chez les Ouled
Ali des Frèchich, le nombre des imposables tombe à 3.408 en 1274, 3.371
en 1275, 3.282 en 1276, 3.271 l'année suivante. De 2.272 en 1274, il se réduit
à 1.752 en 1278 chez les Ouled Naji, autre fraction des Frèchich. En deux
ans, les Majeur semblent perdre 600 imposables, le caïdat de Sousse, près
de 4 0 ( 2 ) . Pendant la même période, le district de Monastir aurait vu sa
population diminuer du cinquième. On peut considérer comme des excep-
tions les différents caïdats des Zlass, chez qui nous voyons le nombre des
imposables s'accroître de quelques dizaines d'âmes entre 1274 et 1277 ( 3 ) .
Chaque année disparaissent quelques cotes, des morts, des indigents que ne
venait point compenser, l'inscription des adolescents parvenus à l'âge de
virilité. Le détail des registres particuliers le montre assez clairement : les
épidémies n'étaient pour rien dans la diminution des contribuables.

(1) Arch. tun., reg. 718 : iiste établie en moharrem 1277 (juillet-août 1860) pour Yimpo-
sition de 1276 (1859-1860), détail par localité et, pour Bizerte, par quartier.
Il n'est pas possible d'opposer partout adultes et enfants. Dans certains quartiers, ceux-ci
ont été décomptés à part; ailleurs, ils ont été rangés avec des adultes sous ia rubrique commune
u non imposables ».Dans la même région, les Estes pour 1272 (reg. 629) nous offrent un totd
de 4.708 noms, 1.992 jeunes, 149 indigents et 2.567 imposables, soit 54,5 O / o (47,5 O / o en 1276).
Les fonctionnaires, il est vrai, semblent avoir été classés dans cette dernière catégorie.
( 2 ) 9.801 imposables chez les Majeur en mars 1857, 9.231 en juiiiet 1859 (reg. 648), 6.324
dans le caïdat de Sousse, ville non comprise, en juin 1863; 5.942 en juin 1865 (reg. 925 et 950).
(3) Ibid. Doss. 653-656. Toutefois, dans les registres des Ouled Yacoub et ceux de Djerba,
il est fait mention d'individus désignés comme arrivant à fâge de raison ou de responsabilité
(le mot takhil ayant ce double sens). Iis sont 36 chez les Ouled Mahdi, à la fm de 1861,25 chez
les Ouled Hamda (reg. 887) [imposition de O. Yacoub] ; 119 à Djerba (reg. 647). A Bizerte, d'une
année sur l'autre, les employés procèdent à une double opération. Ils retranchent les individus
partis, décédés ou nouvellement exemptés, ils en ajoutent d'autres qui ne sont pas autrement
désignés. Mais, sauf pour la période de a juin » 1274-juin 1275, les effectifs de la circonscription
accusent une diminution continue.
Pour ces raisons, nous n'aurions souhaité retenir que les registres des
toutes premières années, ceux de 1856 ou 1857, établis à partir de dénom-
brements plus ou moins méthodiques et qui, à en juger par les ratures, les
notations marginales, étaient devenus des instruments de travail commodes
pour les secrétaires du caïd ou du khalifa. Malheureusement, la collection
des documents est passablement disparate. Les circonscriptions sur lesquelles
nous ne savons rien sont assez nombreuses (1). Par la force des choses,
nous avons été amené à élargir notre enquête. Si nous avons laissé de côté,
comme trop tardifs, les documents postérieurs à 1863, nous avons retenu
tous ceux des huit années précédentes. Il était impossible en effet de ne pas
exploiter un document de grand intérêt, le tableau général des impositions
du beylik pour 1277, liste par circonscription, qui figure dans le premier
budget régulier de la Régence, présenté pour l'année fiscale 1860-1861 ( 2 ) .
Ce tableau de 1277, qui semblait le plus propice à une évaluation globale
de la population, se révèle en définitive peu utilisable. Il réunit parfois,
des chiffres difficiles à comparer ' 3 ) ; il laisse de côté la masse des exemptions
dont l'omission pèse lourdement sur l'ensemble. Enfin, comme il corres-
pond déjà à la cinquième année de perception de l'impôt, il présente des
listes passablement réduites par rapport aux premiers recensements. En
définitive, il nous a fallu multiplier les confrontations, les recoupements,
sans parier des conversions ( 4 ) . C'est ainsi que nous avons pu évaluer la
population des principales régions du pays.

LA POPULATION DE LA RÉGENCE

La marge d'appréciation reste assez grande, on le devine, d'autant que


nos documents ne peuvent nous apporter de renseignements sur les Khrou-
mirs, non plus que sur les trois plus grandes villes de la Régence, Tunis,
Kairouan et Sfax. En accordant 110.000 habitants à celles-ci, auxquels il
faudrait ajouter les 10.000 réguliers du bey, l'entourage du prince, on peut
chiffrer la population sédentaire à près d'un demi-million, les nomades étant
probablement un peu plus de 600.000.

(1) M. Béchir Ghailousi, le conservateur actuel, a bien voulu nous guider dans le dédale
du fonds ancien de Dar el Bey. Mais certains documents mal classés ont pu nous échapper.
( 2 ) C'était une des conséquences de la mise en vigueur de la constitution de 1861. Sur
cette question, voir notre ouvrage sur Les origines du protectorat français en Tunisie, p. 107-
110. Le tableau général des impositions à la mejba figure parmi les documents présentés en
annexe.
( 3 ) On pourrait s'attendre à ne trouver que les listes d'imposés effectifs. Mais parfois,
comme dans le Djérid, le chiffre avancé englobe aussi les indigents.
(4) En règle générale, nous avons retenu le taux de quatre habitants pour un imposé à la
mejba, toutes dispenses comprises. Nous avons marqué plus d'indécision cependant, lorsque
nous ne disposioiis pas de registres antérieurs à 1277 ou 1278.
Avec 1.100.000 habitants à peine, notre estimation se range parmi les plus
faibles pour l'époque (1).
Les Européens, hors de cette évaluation ( 2 ) étaient si peu nombreux que,
sauf à Tunis et à La Goulette, ils pouvaient être considérés comme quantité
négligeable. En fait, grâce aux registres paroissiaux, autant qu'aux statistiques
consulaires, nous les connaissons beaucoup mieux que la masse des musul-
mans ( 3 ) . Un recensement de 1856, dû aux Capucins de la mission apostolique,
nous donne leur implantation. Tous ensemble, les catholiques étaient alors
12.064 dans la Régence. Compte tenu des Grecs orthodoxes, d'une poignée
de protestants, c'est à moins de 12.500 que l'on peut évaluer le nombre des
Européens.
Nous sommes beaucoup moins bien renseignés sur la colonie israélite (4).
Dans l'état de notre information, il nous est impossible de proposer une éva-
luation satisfaisante. Les chiffres de 40 et 50.000 que l'on retrouve dans la
plupart des ouvrages de l'époque sont manifestement exagérés ( 5 ) . Mais
quel chiffre adopter? 30.000, 25.000, moins peut-être... Dans les villes de
la côte, dans le sud, même à Djerba, les listes d'imposition ne dénombrent
que des communautés insignifiantes. Ils n'étaient pas plus de 8.000 au total,
8.500 peut-être, en tenant compte des omissioiis possibles. Mais c'est à Tunis
que vivait la colonie de beaucoup la plus nombreuse. Nous l'avons estimée
naguère à 15.000 habitants. Nous ne sommes pas en mesure de préciser
autrement cette évaluation (6).

(1) Si nous admettons que la population musulmane tunisienne a, comme celle de l'Algérie,
presque doublé de 1056 à 1921 (les mêmes crises ont affecté en même temps Tunisie et Algérie
orientale), on trouverait un million d'habitants dans la Régence vers 1860. Le procédé est
simpliste, mais ses résultats ne s'éloignent guère de ceux que nous avons tirés des registres
de mejba.
( 2 ) De par le régime des Capitulations, ils étaient administrés par leurs consuls et n'étaient
assujettis à aucune des impositions locales.
( 3 ) A ce sujet, voir notre thèse complémentaire : La population européenne de Tunis au
milieu du XIXe siècle, parue aux Presses Universitaires de France en 1960.
(41 Un certain nombre d'Israélites d'origine livournaise, les Grana, étaient devenus ou
redevenus sujets italiens. Les co~suiatsde France et d'Angleterre avaient également leurs
sujets, leurs protégés. Mais, à l'époque, la masse de la population israélite n'avait pas encore
essayé de se soustraire à la juridiction beylicale.
: j ) Ainsi CUBISOL (op. cit., p. 5 et 17) fait-il état de 45.000 Juifs, dont 20.000 pour la ville
de Tunis. La population israélite de la capitale était estimée à 30.000 âmes par von M.~LTz.~N
(op. cit., vol. 1, p. 82) et JUSSERAND (Arch. M . étrang., Mém. et doc., vol. 9, Note sur la
Tunisie, l m l ) et 35.000 par DE FLAUX(La Régence de Tunis au XIXe siècle, Paris, 1865,
p. 50) et même à prBs de 40.000 par DUVANT (Notice sur la Régence de Tunis, Genève, 1858,
p. 229). Toutefois le capitaine DAUMAS ne l'évaluait qu'à 15 ou 18.000 âmes (Quatre ans à
Tunis, Alger, 1857, p. 45).
( 6 ) Les origines du protectorat français en Tunisie, p. 152. Dans l'étude sociologique de
SEBAG et ATTALsur la Hara de Tunis, parue en 1959, un chapitre est consacré à l'évolution
historique du ghetto, mais il n'apporte guère d'éléments nouveaux. En ce qui concerne le
xlxe siècle, les auteurs se bornent à reprendre, citations comprises, les développements que
nous avions consacrés à la question. Les chiffres de 1956,11.528 habitants, donnent au quartier
une densité de 900 à l'hectare; mais la hara, devenue un ghetto de la misère, voit refluer de
plus en plus des Musulmans et même des Européens pauvres. Réduits à 7.638 en 1956, les
Juifs ne formaient pius que les deux tiers de la population de la hara.
Répartition par âge. Ces ombres et ces lumières, nous les retrouverons
dans l'étude régionale. A défaut d'une véritable analyse
démographique, nous pouvons, grâce au dénombrement opéré dans le cap
Bon, nous faire une idée de la répartition des âges dans une région peuplée
de sédentaires. Ces âges sont incertains. Pour les vieillards, les gens d'âge
mûr, ils n'ont probablement qu'un rapport lointain avec la réalité (1). Ils
nous apportent néanmoins un témoignage de qualité. La pyramide des âges
souligne en effet l'extraordinaire jeunesse de cette population où les moins
de vingt ans étaient plus de 55 %, les adultes un peu plus du tiers et les
vieillards réduits à 10 % de l'ensemble ( 2 ) .

Figure 2. - Pyramide des âges


On devine la vigueur de la natalité, le taux élevé de la mortalité.
L'accroissement naturel devait être périodiquement freiné par la brutalité
des crises, alimentaires ou épidémiques. Dans un pays de météorologie aussi
irrégulière, sédentaires et nomades étaient à la merci d'une sécheresse pro-
longée ou d'une invasion de sauterelles. (( Quand a! terre a soif )), dit le
proverbe, (( le fellah a faim ». La misère, la sous-alimentation étaient si
habituelles que les contemporains signalaient seulement les crises les plus
graves. Choléra et typhus, toujours à l'état endémique, faisaient alors leurs
ravages dans une population affaiblie ( 3 ) .

(1) Visiblement, la plupart des habitants connaissaient beaucoup moins bien leur âge que
les paysans français du X V I I I ~siècle. La constatation n'a pas lieu de nous surprendre dans un
pays où l'on continue de manifester la plus grande indifférence à ce sujet. Rien de plus typique
à cet égard que cette attraction décimale dont nous trouvons la trace dans toutes les localités
du cap Bon. Passé 20 ou 30 ans, selon les lieux, la plupart des âges s'échelonnent de 5 en 5 ans,
avec une préférence très marquée pour les dizaines. Chez les vieillards, à quelques exceptions
près, les indications se réduisent à celles de (c vieux r ou cc très vieux n, 60 et 80 ans ici, 70 et 90
ailleurs. Les trois centenaires que nous avons retrouvés ne sauraient en aucune façon nous
apporter un témoignage de longévité.
(2) Voir, en annexe, le tableau no 2.
( 3 ) L'épidémie de 1856 fut considérée comme moins grave que celle de 1850, dont le chro-
niqueur Ben Dhiaf a décrit les ravages autour de la capitale. De Djerba, elle avait cependant
La crise des années 60. Après 1860, commence la série des mauvaises
années. La répression qui suivit la révolte générale
de 1864 s'abattit brutalement sur les sédentaire;. Les populations du nord-
ouest furent durement traitées, mais, plus encore, les villageois du Sahel.
La récolte de 1866 ne fut pas bonne, celle de 1867 fut pire. Au début de l'été,
le choléra se répandait dans le Sahel, puis dans l'intérieur, gagnait Tunis
où, vers la mi-juillet, il enlevait 150 personnes par jour. L'épidémie s'apaisa
ensuite. En deux mois et demi, selon les rapports consulaires, elle avait fait
5.000 victimes à Tunis, 18.000 à 20.000 dans le reste de la Régence (1). Mais,
à l'automne, la disette tournait à la famine. En ville, presque chaque jour,
on ramassait plusieurs cadavres de Bédouins morts d'inanition ( 2 ) . L'hiver
paesé, c'était au tour de typhus de faire son apparition, tandis que des épizoo-
ties décimaient les troupeaux. La crise allait se prolonger jusqu'en 1869.
En trois ans, la Tunisie aurait-elle perdu le quart ou le cinquième de sa popu-
lation? On ne pourrait l'affirmer. La crise fut assez grave en tout cas pour
avoir vivement frappé les contemporains.
Après les années noires, revinrent des périodes plus heureuses, comme
celle qui marqua l'administration de Khérédine, aux alentours de 1875.
Mais ce n'est certes pas un pays prospère, une population en plein essor.

atteint successivement toutes les vilies de la côte jusqu'à Tunis où on lui attribuait 6.000 décès
(Arch. Rés. dép. comm., no 14-16,22 juillet, 19 août, 9 septembre 1856; Arch. Londres, F. O.,
102151, juillet-septembre 1856, passim). Grâce aux registres paroissiaux, nous pouvons évaluer
de façon précise k mortaiité des Européens : 119 décès à Tunis dans l'été 1850, 46 en 1856;
32 à Sousse, Monastir et Sfax en 1850, 14 seulement en 1856 (décès dus au choléra). Depuis
l'épidémie de 1836 existait un conseil sanitaire, mais pratiquement dépourvu d'autorité.
A côté des épidémies, les médecins de l'époque rangeaient la syphilis parmi les « plus graves
fléaux de la Régence ». « L e relâchement des mœurs »,écrit le docteur Cotton, a le défaut
absolu d'inspection sanitaire sur les filies publiques sont causes du développement et de l'ex-
tension effrayante des maladies vénériennes parmi les populations musulmanes » (Arch. Rés.
Annexe dép. pol. 62, Tunis, 29 novembre 1867).
(1) Arch. Résidence. Consulats, no 12. Tunis, 29 août. 1867. Nous n'avons pas les moyens
de contrôler ces chiEres. Mais, pendant la crise, la mortalité des Européens apparaît particu-
iièrement élevée. D'une moyenne de 168 par an à Tunis, entre 1862 et 1866, les décès passent
à 352 en 1867, à 531 en 1868. 114 de ces décès étaient dus au choléra de l'été 1867, 217 au
typhus de 1868 (Reg. par. Sainte-Croix).
La Régence n'était pas seule atteinte. Les mêmes fléaux s'abattaient également suri'Aigérie
voisine. L'étude d'A. N O ~ S C H I la crise économique de 1866 à 1869 dans le Constantinois
sur
(Hespéris, 1959) apporte de nombreux détails sur le développement de l'épidémie et i'aggra-
vation de la misère. Dans sa grande thèse sur la colonisation des plaines du ChéliA X . YACONO
décrit de façon saisissante la grande famine et le choléra de 1867-1868, qui enlevèrent à la région
le tiers de sa population indigène (t. 2, p. 120-122). Le Maroc n'était pas épargné, tous les témoi-
gnages contemporains concordent à ce sujet (BEAUMIER, « L e choléra au Maroc n, Bull. Soc.
Géo., 1872, p. 287-305; MIEGE,Le Maroc et l'Europe, 3, p. 145-148).
( 2 ) « Des bandes d'Arabes... parcourent [le pays], cherchant à manger pour eux et pour
leurs troupeaux ... La récolte d'huiie manque en entier, celle des grains a à peine couvert les
semailies; la sécheresse, l'épidémie ont broché sur le tout 1) (Arch. Rés. De Botmiiiau, consul
de France, au marquis de Moustier. Tunis, 6 septembre 1867). Une semaine plus tard, de Bot-
&u signalait qu'on avait trouvé dans Tunis trois Arabes morts de faim, la bouche encore
pleine d'herbe. « C'était la volonté d ' f i h ! *, se serait borné à déclarer le premier ministre
(Ibid. Du même au même, 13 septembre 1867).
LES POPULATIONS SÉDENTAIRES

Passant à la répartition régionale, nous sommes frappés par la rnédio-


crité du peuplement urbain. Sans doute, les villes les plus importantes sont-
elles exclues de notre enquête. Mais est-il possible d'accorder beaucoup
plus de 80.000 habitants à Tunis, plus de 15.000 à Kairouan (l)? Sousse
avait 8.000 âmes, Bizerte 5.000, autant ou moins que bien des villages du
Sahel. Toutefois, si l'on songe qu'en un siècle la population du pays a presque
quadruplé, on ne peut manquer de souligner les ressemblances entre la
Tunisie actuelle et la Régence du bey Mohammed. Les genres de vie ont
changé; des nomades se sont fixés, des villes se sont créées, tandis que d'autres
prenaient leur essor. Mais le gonflement de la capitale mis à part, on n'assiste
à aucun bouleversement dans la répartition de la population. Comme dans
la France du début du xlxe siècle, la Tunisie, demeurée agricole, voyait
s'accroître la population de ses campagnes grâce à une natalité exubérante.
Dans la Tunisie de 1860, nous retrouvons l'opposition entre sédentaires
et nomades, mais, numériquement les premiers ne l'avaient pas encore emporte
sur les autres.

Place des populations sédentaires. Montagnards mis à part, les sédentaires


se groupaient essentiellement dans les
plaines de la Tunisie orientale, formant une frange de peuplement discontinue,
des bords de La Medjerda à l'orée du golfe de Gabès.
Au nord-ouest, dans ces plaines du Bagradas, un des greniers de la Rome
impériale, la population, peu nombreuse, était assez mal fixée. Elle se dis-
persait dans des douars, misérables autant qu'instables, sur les deux rives du
fleuve. Une demi-douzaine de caidats, aux limites assez incertaines, se parta-
geaient la région. Si l'on en juge d'après les imposés à la mejba, leur popula-

(1) Comme pour la population de la Régence, les évaluations des contemporains variaient
du simple au double. PELLISSIER DE REYNAUD (op. cit., 1853, p. 50) et FINOTTI(La Reggenza
di %nisi, Malte, 1856, p. 368) avançaient le chiffre de 70.000 habitants, CUBISOL,celui de
100.000 (op. cit., 1867, p. 5). Selon le consul d'Angleterre, Wood, Tunis comptait de 100 à
120.000 âmes (Arch. M. étr. Tunis, Mém. et doc., vol. 9, nu 52 : rapport de 1875),
125.000 selon VON MALTZAN (op. cit., 1870, vol. 2, p. 413), dont 80 à 85.000 Musulmans. FALLOT
allait même jusqu'à 150.000 habitants (op. cit., 1888, p. 46).
L'administration française devait évaluer la population musulmane de Tunis à 80.000 âmes
à la fm du xlxe siècle, à 100.000 en 1906. Mais le premier recensement, celui de 1921, ne dénom-
brait que 79.200 Alusulmans dans la capitale. Les chiffres les plus faibles étaient probablement
les plus proches de la réafté. Tunis n'avait sans doute pas plus de 80 à 90.000 habitants ver5
1860. Les Européens étaient moins de 10.000. Si les Juifs étaient 15.000, les Musulmans devaient
être 60.000 environ.
A Kairouan, les recensements français de 1921 et 1926 ne devaient dénombrer que 18.000
indigènes. La stagnation de la viiie laisse à penser qu'elle pouvait avoir à peu près le même
nombre d'habitants soixante ans plus tôt. En 1829, Filippi estimait sa population à 20.000 âmes.
Pellissier, toutefois, ne lui en accordait que 12.000 en 1853.
tion ne devait guère excéder 80.000 âmes (l). La plupart des chefs-lieux,
Tebourba, Teboursouk, Mateur ou Béja, n'étaient, il est vrai, que des marchés
agricoles dépourvus de toute fonction urbaine. Mais, de la cité, ils conser-
vaient les attributs traditionnels, des mosquées, des bains publics, les ves-
tiges croulants d'une kasbah flanquée par une enceinte en ruines. Leur popu-
lation avait beau se réduire à 2.000 ou 3.000 âmes, toutes ces bourgades
demeuraient encore officiellement des villes ( 2 ) .
Au fond de sa lagune envasée, Porto-Farina n'avait pu devenir le port
de guerre rêvé par le bey Ahmed. Bizerte avait plus d'importance; mais elle
n'était qu'un port de pêche en même temps qu'un marché régional.
Sur la ville même, nous sommes bien renseignés. Les registres nous
apportent en effet le détail, quartier par quartier, de tous les hommes, rangés
par confession en trois catégories fiscales, jeunes, indigents et imposables.
Banlieue comprise, Bizerte apparaissait ainsi comme une ville de 5.000 habi-
tants (:'). L'élément israélite y était représenté par plus de 400 personnes;
mais, dans la ville, il ne semble pas y avoir eu de ghetto, car les Juifs se dis-
persaient dans plusieurs quartiers ( 4 ) .

Le Cap Bon. Comme aujourd'hui, la population sédentaire se concentrait


à la base de la péninsule, sur une bande allongée entre les
golfes de Tunis et de Hammamet, en bordure de la route de Sousse. D'un
côté, Soliman, chef-lieu du caïdat, les gros villages de Menzel bou Zelfa
et de Beni Khdled; plus au sud, Korba, Beni Khiar, Hammamet et surtout
les importantes agglomérations de Nabeul et Dar Chabane, peuplées d'arti-
sans. Hormis une tache de peuplement secondaire autour de Kelibia et de
Menzel Temime, le reste de la presqu'ile, l'intérieur et surtout la côte nord

(1) Il est difficile de comparer les circonscriptions territoriales créées par la France, après
le protectorat, aux caïdats ethniques, en grande partie, de l'ancienne administration beylicale.
Relevons cependant le iiombre des imposés à la mejba dans sept caidats de la région en 1899 :
51.306 (Béja, Bizerte, Mateur, Medjez el Bab, Tebourba, Tebourdouk et Djendouba) [ZEYS,
op. cit.].
( 2 ) Sur la décadence de Testour au xlxe siècle, voir GUÉRIN(Voyage archéologique dans la
Régence de Tunss, Paris, 1862, t. 2, p. 159), et LATHAM (Towards a study of Andalusian immi-
gration and its place in Tunisian history, in Cahiers de Tunisie, 1937, p. 213). Tebourba,
Mateur, Porto-Farina avaient également été repeupl6es par des Andalous, deux siècles et demi
plus tôt.
( 3 ) Pour l'année 1272 de l'Hégire (septembre 1855-août 1856), le nombre des hommes est
le suivant : Musulmans, 2.368 (imposables, 1.354; indigents, 51; jeunes, 963); Israélites, 218
(imposables, 107; indigents, 4 ; jeunes, 107). La répartition des habitants selon les quartiers
pourrait être intéressante si le découpage des circonscriptions était resté identique d'un recen-
sement à l'autre. En 1272, en effet, on en distingue onze (reg. 629); à partir de 1276, on n'en
trouve plus que huit (reg. 718 et 805). Certains quartiers ont été seulement regroupés, mais
d'autres semblent avoir été découpés différemment. Parmi les plus peuplés, signalons seulement
le quartier des chérifs, celui du caid et celui des Andalous.
Au bord du lac, Memel Abderrahman et Ksiba, qui n'était pas encore devenue F e r r y d e ,
demeuraient de minces bourgades. Seule, avec ses 1.300 habitants, Memel D j e d avait quelque
importance.
(4) Sur 218 hommes, 100 vivaient dans le quartier de Robâa, 44 et 35 dans les quartiers
voisins de Sidi Kâaka et des menuisiers.
demeuraient le domaine de groupes de nomades ou de semi-nomades. Au total,
25.000 sédentaires concentrés dans le tiers du pays et quelque 10.000 Bédouins.
Soliman n'avait guère plus de 1.600 âmes, hameaux compris, moins
que Menzel bou Zelfa, Hammamet, 2.000, Dar Chabane, près de 2.500.
Nabeul, la ville des potiers, faisait déjà figure de petite capitale régionale
avec près de 4.000 habitants, dont un dixième de Juifs (1). En revanche, la
plupart des villages de l'intérieur demeuraient des bourgades insignifiantes.
Turki avait 200 habitants, Grombalia, le futur chef-lieu de contrôle civil,
n'en avait pas 700 (2). Ce n'était certes pas le voisinage de la piste de Tunis
à Sousse qui pouvait leur valoir quelque activité à f époque.

0 4 0 0 0 habitants
2 000 habitants
a u t r e s localités

Figure 3. - Le cap Bon. Lire : Soliman (S.), Beni Khailed (B. K.), Grombalia (G.),
Beni Khiar (près de Nabeul), Memel Temime (M. T.), et Kéiibia (K.)

(1) Recensement des habitants mâles de tous âges : Soiiman, 881, dont 77 habitant Tunis;
Menzel bou Zelfa, 971; Beni Khalled, 532; Korha, 1.008; Beni Khiar, 925, dont 89 habitant
Tunis et 68 La Manouba; Hammamet, 1.039, dont 18 habitant Tunis; Dar Chabane et Zaouiet
el Fehn, 1.251, dont 84 habitant Tunis; Nabeul, 1.938. Ces chiffres rejoignent, pour la piupart,
les évaluations de PELLISSIER, dont ils permettent d'apprécier l'information. Toutefois, l'auteur
n'attribue pas plus de 21.000 habitants à l'ensemble du cap Bon (op. cit., p. 77). Sans doute
laissait-il de côté les nomades.
( 2 ) Pour les localités de cette région, l'évaluation de la population à partir du seul nombre
des imposés à la mejba serait particulièrement trompeuse. Grombalia, où l'on recensait 347
individus du sexe masculin, ne comptait que 50 imposables; Belli, 20 seulement. C'est que les
dispenses étaient nombreuses : 152 dans un village, 20 dans l'autre. Ces exemptions étaient
liées en général à des servitudes militaires ou paramilitaires, logement des gens de guerre,
charrois, transport de courrier entre Tunis et Sousse.
A deux siècles de distance, le souvenir de la colonisation andalouse demeu-
rait encore vivace, notamment à Soliman et Grombalia. Malgré l'anonymat
des prénoms, toujours décevant en pays musulman, de loin en loin apparaît
un nom, un sobriquet qui évoque une lointaine origine espagnole (1). Mais
on ne saurait mesurer l'influence andalouse à ces maigres indices.

Le Sahel. Du cap Bon au Sahel, l'hiatus était brutal. En effet, les plaines
en bordure du golfe de Hammamet étaient le domaine de par-
cours des Ouled Saïd, une tribu peu nombreuse, mais remuante. Les oliviers
ne réapparaissaient qu'à Hergla; ils ne commençaient à former de peuple-
ments continus qu'à partir de Sidi bou Ali, 20 kilomètres au nord de Sousse.
Sur la carte, il est facile de suivre l'extension de l'olivette. Les registres de
mejba concordent avec ceux du canoun ( 2 ) . Dans les caïdats de Sousse et
Monastir, ce sont les mêmes noms que nous retrouvons, ceux de cinquante
villages serrés au milieu de leurs arbres, à peu de distance du littoral ( 3 ) ,
« la région la plus riche, la plus vivante et la plus riante de la Régence de
Tunis » (4).
Le Sahel, avait été partagé en deux, puis en trois districts (51, mais le
bey en reconstuait l'unité en confiant les deux charges au même caïd (6).
On pourrait penser que c'est dans le Sahel que l'évaluation de la popu-
lation poserait le moins de problèmes. Mais, si les registres d'impôts étaient
bien tenus, il n'est pas toujours facile d'en tirer parti. Pour le caïdat de Sousse,
nous disposons de trois séries, celles des années 1276, 1280 et 1282 de f Hégire,
de trois également pour celui de Monastir, mais mieux groupées, 1276, 1278
et 1279. Comme pour les autres circonscriptions, nous connaissons le nombre
global de contribuables par caïdat pour l'année 1277. D'un exercice budgé-

( 1 ) Le plus banal, le plus répandu aussi, était celui d'El Andleuss, l'Andalou. Turki, Beili,
Sianou, peut-être Nabeul et les deux Menzel pouvaient être considérées comme des localités
en partie andalouses.
( 2 ) Le canoun des oliviers était un impôt qui pesait sur l'arbre. D'après les registres offi-
ciels, dans les deux caïdats, on pouvait dénombrer 4.300.000 oliviers imposés (doss. 101, car-
ton 93). Comme la révision des listes n'avait lieu que tous les vingt ans, il est probable que
ce chiffre était inférieur à la réalité. Les contemporains estimaient alors l'olivette sahélienne à
5.000.000 de pieds.
( 3 ) Vingt-trois viüages dans le caïdat de Sousse, auxquels il faut ajouter ceux de Zriba,
Djeradou et Takrouna, localités sans oliviers, extérieures au Sahel, mais rattachées à ia cir-
conscription; deux viiles et vingt-neuf villages dans le caïdat de Monastir, plus le petit canton
d'Amira dont la population n'était que sédentaire.
(4' Jean DESPOIS(Tunisie orientale, p. 183), auquel il faut toujours se référer lorsqu'on
veut étudier le Sahel.
( 5 ' Le caïdat de Mahdia fut créé en 1862 aux dépens de celui tle Monastir, mais il se réduisait
à la ville et sa banlieue. L a tribu voisine des MetheHith lui était rattachée.
i e > hlamelouk d'origine grecque, né à Cos en 1810, hIohammed Khaznadar sut se maintenir

pandant cinquante ans à un poste ou un autre, au service de cinq beys. Nommé caïd de Sousse
et Monastir en 1838, il conserva ses fonctions jusqu'en février 1865, pour les recouvrer en
décembre 1869. Son administration, relativement modérée, avait laissé un bon souvenir dans
le pays.
L,E SAIIEL

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Akouda
W L A A KERII<Aeee H. sousse

d e 3 à 4 000 habitants
a u t r e s localités
....... limites d e caïdat

Figure 4. - Le Sahel

taire sur l'autre, on peut suivre la chute rapide des effectifs, conséquence
de l'évasion fiscale. Mais, pour avoir une idée de la réalité, on ne peut se
contenter d'étudier les premiers registres en laissant de côté les suivants.
Il nous faut en effet tenir compte des exemptions pour infirmités, pour indi-
gence ou tout autre motif, et surtout de la conscription qui enlevait dans
le Sahel toutes les recrues dell'armée régulière. Soldats du bey et vétérans
étaient également dispensés de'la mejba. Comme il y avait 1.200 à 1.300 cons-
crits par an pour chacun des caïdats, il est évidemment impossible de les
négliger. Malheureusement, faute des listes d'exemption, année par année,
en même temps que des registres d'imposition, il nous faut donc interpoler,
opération qui devient trop hasardeuse lorsqu'il s'agit de petites localités.
Pour 20.000 imposés dans les deux caïdats en 1276, il pouvait y avoir
500 ou 600 exemptions à titre civil, 2.500 à titre militaire (1). Compte tenu
de la situation particulière de Sousse et de Monastir, on arrive à une évalua-
tion légèremelit inférieure à 100.000 habitants. Même en retenant ce dernier
chiffre, nous sommes loin des 14,û.OOO âmes attribuées aux deux caïdats
par le vice-consul de France, Espina ( 2 ) .

(1) En 1899, le nombre des imposés à la mejba dans les quatre caïdats de Sousse, Monastir,
Mahdia et Djemmai était de 37.070 (P. ZEYS, op. cit.).
(2) Arch. Rés. Espina à Duchesne de Beilecourt, Sousse, le' mars 1865. Ce long rapport,
dans lequel sont consignés les nombres d'imposés à la n~ejba,vinage par village, en 1276, a
été publié par P. GRANDCHAMP en 1935, La révolution (le 1864 en Tunisie, vol. 2: p. 148-167.
Il est difficile d'évaluer la population de chaque localité. Néanmoins, une
impression d'ensemble se dégage, l'importance du peuplement rural, la
densité de quelques cantons littoraux, au nord, autour des deux Kalaa;
au centre, avec Msaken; au sud, entre Monastir et Mahdia. Ce sont bien les
gros villages qu'ont décrits les voyageurs du xlxe siècle. Moknine devait
avoir 5.000 habitants, Kalaa Kebira, 7.000, plus que Monastir ou Mahdia.
Les dimensions de Msaken étonnaient déjà les contemporains. Pellissier lui
attribuait 10.000 habitants (1); d'après nos calculs, nous pouvons en tout
cas lui en-accorder au moins 9.000.
Akouda, Hamman Sousse, Kalaa Srira et Djemmal, dans le caïdat de
Sousse, Ksour es-Saf, Bekalta, Ksar Hellal et Teboulba, dans le caïdat de
Monastir, comptaient sans doute entre 3.000 et 4.000 habitants. Les autres
villages avaient un minier d'âmes pour la plupart; bien rares ceux qui tom-
baient au-dessous de 200 ou 300. Une exception : le minuscule Menzel Harb
ne comptait que 15 imposables en 1276.
Par leurs fonctions, les trois ports du Sahel, Sousse, Monastir et Mahdia
méritaient assurément leur titre de cité. De la ville, elles avaient d'ailleurs
tous les attributs traditionnels. Mais l'exportation saisonnière des huiles ne
pouvait suffire à l'activité d'un port. Monastir et Mahdia n'avaient pas su
pallier l'insuffisance de leur arrière-pays. Malgré leur bourgeoisie locale,
elles s'assoupissaient dans la somnolence d'une existence plus qu'à demi
rurale. De son ancienne grandeur, Mahdia n'avait conservé que l'originalité
de son peuplement, la présence de familles d'origine turque dont les noms
se sont perpétués jusqu'à nos jours. Réduites à 4.000 habitants l'une et l'autre,
Monastir et Mahdia tendaient à se confondre de plus en plus avec les gros
villages du Sahel ( 2 ) .
Sousse avait plus d'allure et surtout plus d'activité. Aux ressources du
commerce, elle joignait celles d'un artisanat actif. A tous égards, elle faisait
figure de capitale régionale. Mais, garnison mise à part (31, sa population
se réduisait encore à 8.000 habitants, parmi lesquels 1.800 Juifs et 600 Euro-
péens, Maltais pour la plupart (4). Toute la population vivait à l'intérieur
de l'enceinte où plus d'un espace demeurait encore vacant. Les Juifs avaient

1 Description de la RPgence de Tunis, p. 86. De même, PEI.I.ISSIEK attribuait près de


7.000 habitants à Kalaa Kebira. plus de 6.000 à Moknine. Il cite au total neuf villages de 3 à
7.000 âmes (p. 86-97). Selon ses évaluations, le Sahel pouvait être peuplé de 100.000 habitants
environ.
(2' Reg. 852,900 et 905. En 1276, il y avait à Mahdia 810 imposés à la medjba, en 1278,615,
auxquels il faut ajouter 185 exemptés à des titres divers. La ville ne figure pas sur les registres
de 1279, Mahdia ayant été érigée en chef-lieu d'un nouveau caidat.
3 ' Depuis la création d'une armée régulihre par Ahmed Bey, le 2e Régiment d'infanterie
tenait garnison dans la kasbah de Sousse. Mais les effectifs avaient fondu dès la fin du règne.
Le même sort avait été réservé au 3e Régiment stationné à Monastir.
14) Arch. Rési,l., dossier de l'agence conculaire de France à Sousse : 600 Européens en
1856, 640 en 1870. On peut tirer d ~ i.va1uationç
s de même ordre des registres paroissiaux
conservés aujourd'hui à l'archevêché de Tunis. Quant aux Juifs, ils étaient 275 imposés à la
mejba, parmi lesquels 20 fixes à Tunis, sans compter 171 indigents (reg. 925 pour 1280).
- - . A
Figure 5. - Les tribus tunisiennes au milieu du xlxe siècle
été relégués dans les bas quartiers. Les premiers Européens étaient venus
les y rejoindre à partir de 1825. Assez nombreux pour constituer une paroisse,
ils avaient été autorisés à construire une église à l'intérieur de la cité.
On aimerait comparer Sousse à sa grande rivale du sud, Sfax. Malheureu-
sement, les documents fiscaux font défaut et force est de nous contenter
des évaiuations traditionnelles (1).

(1) En 1853, PELLISSIER accordait 10.000 hdbitaatc à Sfax, 13.000 avec sa banlieue de
jardins (op. cit., p. 108); Mattei, l'agent consulaire français, plus de 9.000 en 1867, dont 2.500
Israélites et Européens (hrcli. Résid. Comm. no 29 : rapport sur les agence.; consulaires, 9 d6-
cembre 1867). Ces derniers étzient évaiil6s à 500 en 1856, presque tous .Ilaltais, à 720 en 1870.
J.eç trois premières famifies chrétiennes s'&aient fixées à Sfax entre 1830 et 1835. Vers 1860,
il naissait chaque année une vingtaine d'enfants clans la colonie européenne (reg. par. Sfax).
Djerba, En revanche, pour Djerba, non seulement le détail des contri-
buables nous est donné cheikhat par cheikhat, mais nous connais-
sons même les noms des absents, ainsi que leur résidence, ce qui ouvre des
aperçus nouveaux sur l'émigration traditionnelle des insulaires.
Les listes pour 1273 aboutissent, indigents compris, à un total de 5.698 indi-
vidus. Compte tenu des absents, vers 1860 la population de l'île pouvait être
évaluée à 22.000 habitants (l), soit le tiers du chiffre actuel. Parmi eux,
encore quelques nomades, les uns qualifiés de Hachache, les autres de Nefousa.
Tous les autres étaient des sédentaires. Aucune agglomération d'importance,
pas même à Guellala, le village des potiers. Quelques familles maltaises
s'étaient fixées dans l'île, nous le savons par d'autres sources. Quant aux Juifs,
ils étaient moins de 800 dans leurs deux hara. Avaient-ils souffert des der-
nières épidémies de choléra? On peut s'étonner, en tout cas, de leur petit
nombre vu l'antiquité de leur installation ( 2 ) .
Mais l'importance de l'émigration souligne l'originalité de cette popula-
tion. Djerba était encore loin d'être surpeuplée que les Djerbiens cherchaient
à l'extérieur d'autres ressources. Selon les registres de capitation, ils étaient
585 à vivre sur le continent en 1857, ce qui représentait, peut être un millier
d'individus, près du dixième de la population musulmane. Autant d'épiciers,
nous le devinons, qui se dispersaient par trois ou quatre, pour l'exploitation,
à tour de rôle, d'une boutique familiale. Le tableau de 1273 nous permet
de suivre leur colonisation. Ils étaient 279 adultes dans le Sahel, 106 dans
le cap Bon : à Sousse, à Monastir, à Mahdia, ils formaient des groupes impor-
tants, mais ils étaient présents dans tous les gros villages. Les autres s'égail-
laient plus au nord, dans la région de Bizerte, au Kef, à Kairouan. Pas un
seul à Sfax, ce qui est logique, mais quatre seulement à Tunis ( 3 ) .

LES NOMADES

Tout l'intérieur du pays, de la Medjerda aux confins de la Tripolitaine,


servait de parcours aux tribus nomades d'origine variée. Les unes descen-
daient des bandes arabes qui avaient envahi l'vrikia à partir du XI^ siècle;

il' Reg. 647 (6.077 imposés en 1899).


:2' 118 imposables dans la Hara Kebira, 74 dans la Hara Srira, ce qui pourrait correspondre
à 300 habitants dans un village, 470 à 475 dans l'autre. Parmi ces 192 imposables, 154 seulement
avaient été invités à payer; un mokkadem et quatre rabbins avaient été dispensés, ainsi qu'une
trentaine d'indigents. Rappelons que, lors du recensement de 1946, les Juifs de Djerba étaient
4.294 sur un total de 59.300 habitants.
( 3 ) Les Sfaxiens, dont les aptitudes commerciales sont bien connues, se flattent volontiers
de no- jours de n'avoir jamais laissb un seul Djerbien s'instalier dans leur vilie. hlais, à Tunis,
si tous les épiciers ne sont pas originaires de Djerba, la colonie des insulaires est aussi nombreuse
qu'anciennement installée. L'interprétation des chiffres de mej6a pose un problhme. L'immi-
gration des Djerbiens n'avait-elle pas commencé encore dans la capitale, ou faut-il admettre
que les Djerbiens de Tunis payaient leur mejba sur place et non, comme ceux de Sousse ou
de Kairouan, dans leur caïdat d'origine? Il est diificde de conclure.
Entre ces tribus, les occasions de querelle ne manquaient pas. Razzias de
troupeaux ou contestations de pâturages entretenaient des inimitiés séculaires
qui s'exaspéraient en période de sécheresse. Chaque tribu, chaque fraction
avait ses adversaires, mais aussi ses alliés. D'alliances en coalitions,
on retrouvait un groupement en deux sofs, husseinistes contre pachistes,
deux partis dont le nom perpétuait le souvenir des guerres civiles du X V I I I ~siè-
cle (1). L'hostilité des sofs commandait la géographie politique de la steppe,
mais cette opposition y maintenait une stabilité relative, les deux partis
étant de forces sensiblement égales.
Sur le plan démographique, nous trouvons confirmation de cet équilibre,
dans la mesure où les registres de mejba nous permettent de l'apprécier.
Les carnets conservés à Dar el Bey sont en effet loin d'offrir la belle présen-
tation des registres du Sahel. Plusieurs séries ont disparu. Celles qui restent
nous permettent cependant de nous faire une idée de la répartition de la.
population.
Au nord-ouest du pays, le morcellement des tribus était de règle. La
plupart d'entre elles se réduisaient à 5.000 ou 6.000 têtes. La ligue des Ounifa,
qui fédérait une demi-douzaine de tribus, ne devait pas grouper plus de
35.000 personnes. Entre ces populations querelleuses, les batailles ne pou-
vaient être que des escarmouches. Aux difficultés rencontrées pour réduire
les rébellions, on mesure toute la faiblesse du pouvoir beylical. La seule
ville de la région était Le Kef, une bourgade de 3.000 âmes au plus ( 2 ) .
Vers le centre, les tribus prenaient plus d'importance. Les Ouled Aoun,
du sof husseiniste, étaient une douzaine de mille, deux fois moins que les
Ouled Ayar, du clan opposé. Mais, avec ses fractions éparses, la grande tribu
de service des Drid, une des plus fidèles à la dynastie, devait compter près
de 50.000 têtes, compte tenu des Arab Majour qui nomadisaient avec eux ( 3 ) .
Majeur et Frèchich, du clan pachiste, adversaires déclarés des Zlass et des
Hammama, campaient sur le versant méridional de la dorsale, les Majeur
au nord-est, les Frèchich plus au sud, jusque sur les confins algériens. Les
Majeur étaient divisés en trois fractions, ou brada, Fouad, Chaktma et Ouled
Mehenna, qui, toutes ensemble, devaient rassembler près de 40.000 indivi-
dus (4).Les Frèchich étaient un peu plus nombreux : Ouled Ali, Ouled Naji

(1' Lutte entre le bey Hussein, fondateur de la dynastie, et son neveu, Ali Pacha. Dan.: les
textes du xlxe siècle étaient régulièrement employés les termes de Husseinia et de Bachia,
transcription de pluriels arabes, qui, pour le lecteur occidental, évoquent assez mal l'idée de
partisans.
( 2 ) 762 imposés en 1273 au Kef ville, dont 24 nègres et 64 Juifs; 3.363 dans la circonscrip-
tion (reg. 635); 631 et 3.219 en 1276 (reg. 712). Nous devons ces chiffres à I'amabilitC de II.Ghcll-
lousi, qui a bien voulu nous adresser la photocopie des documents.
i 3 ) 11.131 imposés chez les Drid, 1.944 chez les Arab Majour, d'après le budget de 1277

(carton 92, dossier 82).


( 4 1 9.801 imposables en mars 1833 (plus 25 non imposables, Tripoiitains et autres), 9.292
en août 1858,9.231 en juillet 1859 (reg. 6!48), 9.240 en juillet 1861 (biitlget de 1277). Le domaine
des Majeur s'étendait essentieiieme~itde Thaia à Djilma.
et Ouled Ouzzaz, auxquels on pouvait adjoindre le groupe des Ouled Sidi
Tlil qui vivaient avec eux, devaient être 46 OU 47.000 en 1857 (1).
Zlass et Hammama tenaient toute la haute steppe. Les premiers campaient
aux alentours de Kairouan, les seconds plus au sud, jusqu'au voisinage du
Djérid. Les Zlass se partageaient en quatre fractions ( z ) , Kooub et Gouazine,
Ouled Khalifa, Ouled Sendassen et Ouled Iddir, les plus nombreux. Sur
la foi des listes de mejba, on peut leur attribuer plus de 60.000 têtes entre 1858
et 1861, ce qui faisait de leur tribu la plus importante de la Régence (3'.
De leur côté, les Hammama, leurs alliés habituels, étaient 50.000 (4). A ces
chiffres, on peut mesurer toute la puissance de ces tribus guerrières, la pression
qu'elles pouvaient exercer sur les populations sédentaires du voisinage.
Dans la basse steppe, en revanche, les nomades étaient généralement
moins puissants et moins belliqueux. Nous ne savons combien étaient les
Riah qui menaient une existence pacifique au sud de Zaghouan ( 5 ) . Les
Souassi, qui campaient en bordure du Sahel, étaient 20.000; les Methellith,
leurs voisins du sud, un peu plus de 25.000 ( 6 ) . Mais, dans la Tunisie beylicale,
l'importance d'une tribu ne se mesurait pas toujours à sa population. Témoins,
les Ouled Said et les Neffat, 5.000 à 6.000 individus au plus, dont les bri-
gandages entretenaient l'insécurité au nord et au sud du pays. Il est vrai que
les uns tenaient la route de Sousse, tandis que les autres contrôlaient les
abords du golfe de Gabès.

LE SUD

Avec ses 22.000 contribuables, l'Aradh apparaissait en 1860 comme la plus


importante circonscription fiscale de la Régence, au moins dans le domaine
de la mejba ( 7 ) . Il est vrai que le caïdat s'étendait sur les deux cinquièmes
du pays. En dépit de toutes les incertitudes, les registres de lYAradh, du
Djérid et du Nefzaoua soulignent l'opposition classique entre sédentaires
des oasis et grands nomades du désert.
Les principaux groupes d'oasis apparaissent avec netteté. Au nord-ouest,

(1) Doss. 743-748, 829-833, carton 92, doss. 82.


L ~ Trois seulement, si l'on considère les Kooub comme un rameau détaché des Ouled
'

Sendassen. Les Ouled Iddir campaient au nord de Kairouan, les Ouled Khalifa et les Ouled
Sendassen au sud et au sud-ouest. Quant aux Kooub, ils se tenaient généralement entre la
Kessera et le djebel Ousselct.
3 ) Doss. 653-656, carton 92, doss. 82.
$ 4 ) COSS.1793-1796, carton 92, doss. 82. Nous sommes loin des chiffres de PeEssier qui
accorde 50.000 têtes à l'ensemble de ces quatre tribus en comptant, note-t-il, cinq individus
pour un guerrier » (p. 128). En dehors des régions peuplées de sédentaires qu'il connaissait
fort bien, les estimations du vice-consul à Sousse apparaissent dénuées de fondement, en par.
ticulier pour le centre et le sud du pays.
( 5 ) Ils étaient engiobés dans la circonscription Riali, Testour, Zaghouan, Medjez el Bab,
sur laquene nous n'avons pas de détails.
6 ) Nos seules informations sont celles que nous avons tirées du budget de 1277.
$ 7 ) En 1899, les quatre wïdats de l'Aradh, du Nefzaoua, des Ouerghamma et des Matmata
ne comptaient ensemble que 21.000 contribuables. Mais, chez les Ouerghamma notamment,
on signalait de nombreux abonnements (P. ZEYS,op. cit.).
le bled el D~érid,le pays des palmes : 4.294 contribuables en 1860, 4.471 si
l'on y inclut les habitants de Tamerza, Midès et Chebika, minuscules oasis
de montagne traditionnellement rattachées à la circonscription de Tozeur (1).
De l'ouest à l'est, l'importance des agglomérations allait diminuant. Dans
son oasis, Nefta devait grouper 8.000 âmes ( 2 ) , autant que Tozeur, où le
caïd recensait en 1860 une population mâle de 1.818 personnes, imposables
ou non ( 3 ) . El Hamma ne comptait que 201 contribuables, Degache, Kriz,
Seddada et les petites oasis groupées sous le nom d'El Oudiane, 848 (4).
Au total, il ne devait pas y avoir plus de 20.000 à 22.000 habitants dans
tout le Djérid.
La région de Gafsa appartenait incontestablement au sud. Mais Gafsa
n'avait pas l'importance de Tozeur. La ville elle-même n'avait guère plus
de 3.000 habitants, 4.000 ou 4.500 si l'on y adjoignait le centre d'El Ksar.
El Guettar, de son côté, pouvait en compter 2.000. En tenant compte des
nomades installés dans les oasis, le caidat de Gafsa devait grouper une douzaine
de milliers d'âmes ( 5 ) .
Au sud du chott, le Nefzaoua était nettement moins peuplé. Dans le
cordon d'oasis qui, par Douz et Kébili, s'ordonnent en équ&re'dY~iFaouar
à Fatnassa, la palmeraie était plus maigre qu'au Djérid, les habitants dispersés
en une poussière de hameaux. Sur place, on distinguait deux cantons,
Outhan Cheddad et Outhan Youssef (6), 891 contribuables au total, sans
doute pas beaucoup plus de 3.500 habitants.
L'oasis de Gabès était plus importante. Porte du désert. elle com-
mandait les principales routes commerciales du sud. C'était à la fois le
chef-lieu d'une maiche frontaiière, un lieu d'échanges longtemps des plus
actifs. Cependant, les trois agglomérations entre lesquels se partageait la
population de l'oasis n'étaitnt que de gros villages. Djara devait compter plus
de 2.500 âmes; sa voisine, Menzel, 2.000; Chenini, près d'un millier. Mais

(1' Tamerza : 121 contribuables, dont 37 pauvres et 4 cheikhs; hlidès : 17, dont 15 aisés
et 2 pauvres; Chebika : 39, dont 30 aisés et 9 pauvres (reg. W, année fiscale 1277). Ces oasis
sont situées sur ia frontière algérienne, à 65 kiiomètres au nord de Tozeur.
(2) Nombre de mâles adultes : 2.040, dont 94 à Tunis et 91 à Tozeur, y compris 10 Juifs.
Exemptés 208 invdides. Restent : 1.832 (reg. 881, année 1277). A noter que ia récapitulation
générale pour i'ensembie de ia Tunisie, dans cette même année 1277, fait état de 2.041 individus
et non de 1.832. La différence d'une unité (2.041 au lieu de 2.M0) ne soulève aucune difficulté.
Eile est d'aiiieurs compensée par une différence en sens inverse en ce qui concerne ia circonscrip-
tion de Tozeur (carton 92, doss. 82 : budget de 1277).
(3) Etaient exemptés les 613 étrangers, le khalifa et 14 cheikhs, 328 individus n ayant
regagné leurs tribus j), au totai 956 personnes sur 1.818 (reg. 882, année 1277). Le budget de
1277 fait état de 1.204 contribuabies (carton 92, doss. 82).
(4) Zbid.
(5) 2.892 imposables en 1273, 2.253 ou 2.354 en 1277, selon les sources (reg. M5 et 888,
carton 92, doss. 82). Dans ces chiffres, nous avons inclus les individus coniptés à part comme
ayant versé h mejba entre ies mains des cheikhs de leur tribu d'origine, Hammama, Frèchich,
O. Yacoub et autres.
(6) NOUS ne connaissons pas i'origine de ces appeuations. Il est nécessaire de faire remarquer
cependant que, dans le sud tunisien, les noms de Youssef et de Cheddad rempiaçaient ceux
de Husseinia et de Bachia dans la ddésignation des sofs.
alentour, il était d'autres palmeraies. Methouia était plus peuplée que MenzeL
En revanche Teboulbou, Bou Chemma, Rhennouche et même Oudref n'étaient
que des hameaux (1).
S'il y avait 10.000 habitants dans les oasis voisines de l'oued Gabès, 3.500
dans le Nefzaoua, 20.000 dans le Djérid, ces 33 ou 35.000 sédentaires représen-
taient néanmoins les dernières agglomérations importantes en bordure du désert.
Au sud, il n'était plus d'habitat permanent, pas même sur les pistes
menant v p s Tripoli ou les lointaines oasis du Fezzan (a).Seule exception,
mais d'importance, la chaîne des viilages berbères des Matmata, accrochés
au revers du dahar. Pauvres villages, d'ailleurs, que ces agglomérations
de troglodytes. La plupart comptaient moins de 200 imposables, certaines
même moins de 50. Toutefois, Hachache, Tamezred et Toujane au nord,
Chenini au sud groupaient entre 1.200 et 1.800 cents habitants chacune.
Sur leurs pitons désolés, 10.000 à 11.000 montagnards vivaient ainsi dans
des conditions d'existence dont la précarité peut nousiétonner encore ( 3 ) .
Peut-être faudrait-il leur ajouter Ghoumrassen, Douiret et Beni Barka, ainsi
que d'autres groupes d'ouderna aujourd'hui sédentarisés, qui ne devaient
pas mener un genre de vie très différent de celui des villageois.
Partout ailleurs, c'est l'émiettement des fractions et des douars, des
groupes de cent à deux cents, rarement de plus de 500 personnes. On
retrouve les Accara près de Zarzis, les Ouled Yacoub au sud du chott,
quelques Neffat, des Hazem, des Hamerna dans la plaine entre Gabès et
Mareth. Mais ce sont les innombrables divisions des Ouerghamma qui
occupent la majeure partie des registres de 1'Aradh (4. On a peine à
retrouver le classement méticuleux réalisé par les officiers des Affaires
indigènes (5) dans le désordre des listes caïdales, décourageantes par la
sécheresse de leur énumération.
Plus homogènes ou mieux fixés, sans doute, les différents groupes des
Ouderna, Jlidet, Ouled Selim ou montagnards, apparaissent plus faciles à
délimiter que les autres tribus des Ouerghamma : Khzour, Touazine et

(1) Djara : 639 imposables; hlenzel et Naha1 : 517; Chenini :228; Methouia : 569; Oudref :
287; Rhennouche : 52; Teboulbou : 28; Bou Chemma : 18. On peut y joindre Zarat (80)
déjà plus éloignée. Les registres signalent 7 nègres à Chenini, esclaves ou libérés de fraîche
date probablement, 68 Juifs à Menzel et 13 à Djara, ce qui pourrait correspondre à une popu-
lation israélite de 325 à 350 personnes (reg. 694, année 1276).
( 2 1 A peine est-il fait mention d'habitants de Mareth, 70 imposables à la rnejba perdus
dans la longue énumération des fractions et des douars des Hamerna (reg. 694).
i 3 ) Hachache : 439 imposés; Techine : 75, dont 7 Juifs; Beni Aissa : 170; Kalaa des Beni
h s s a : 178; Taoujout : 88, dont 1 nègre; Zeraoua : 161, dont 3 nègres; Tamezred : 401, dont
5 Juifs et 8 nègres; Beni Zelten : 183, dont 6 nègres; Toujane : 302, dont 5 habitant Tunis et
7 nègres; Zmerten de Toujane : 32 ; N'toufa : 11 ; Chenini Djebel : 291 ; Ghermessa : 122, dont
10 nègres; Meharzn : 21; soit un total de 2.574 imposables, parmi lesquels 12 juifs et 35 nègres
(reg. 695, année 1276). Dans cette énumération, nous avons suivi l'ordre du registre, dix vil-
lages, puis quatre, entre lesquels s'intercalent les Ghoumrassen et les Douiret, fractions d'Ou-
derna nommément désignées comme tribus.
(4) Reg. 693,694 (région de Gabès,) 695 (hlatmata), année 1276. Le registre 887 est consacré
aux Ouled Yacoub.
i5) Nomenclature et répartition des tribus de la Tunisie, Chalon-sur-Saône, 1901, passim.
Accara. Néanmoins, avec ses cinq miiie imposés à la mejba, la confédération
des Ouerghamma était de loin la plus importante de l'Aradh (1). Faut-il
lui attribuer 20, 22 ou 25.000 âmes, contre 4 ou 5.000 aux Ouled Yacoub,
5 ou 6.000 aux Hamerna? On sent trop ie caractère aventureux de telles
déductions dans une région où la frontière était bien proche et bien précaire
l'autorité du gouvernement (2'. Combien d'abonnements, de forfaits n'avait-il
pas fallu accorder, après maint palabre, en guise de recensement, combien
de douars n'échappaient-ils pas sans recours à la fiscalité du bey ?

Au Sahara, plus qu'ailleurs, on peut douter de la vertu des statistiques


fiscales. En matière de population, elles ne peuvent nous donner que des
indications générales, un ordre de grandeur, plus que des chiffres précis.
On ne peut ignorer les limites, les incertitudes de certaines déductions. Mais
fallait-il négliger pour autant les seuls éléments qui nous permettaient d'appré-
cier ou d'approcher les problèmes démographiques? Des études de détail
pourraient corriger, ici ou là, telle ou telle évaluation. Les conditions d'exis-
tence, la composition de la population n'étaient pas les mêmes au nord et
au sud de la Régence, dans la steppe ou dans les viiiages du Sahel. Mais,
pour cette période, il ne peut être d'étude régionale sans recours aux documents
fiscaux. A côté des registres de mejba, il est encore toute la série des dossiers
du canoun et de l'achour. Les Estes d'oiiviers, de dattiers, i'ériumération des
surfaces ensemencées permettent de retracer l'évolution économique et sociale
du pays. La confrontation de toutes ces données permettrait aussi de serrer
de plus près les problèmes humains. Sans doute ies sédentaires seraient-ils
plus faciles à étudier que les nomades; mais combien de régions attendent
encore leur première monographie! L'histoire intérieure de la Tunisie bey-
licale reste à faire en grande partie. C'est dans les caves de Dar el Bey, dans
la masse des registres fiscaux que se trouvent les meilleurs éléments de cette
histoire.
Jean GANIAGE.

(1) La tribu des Ouderna, la plus importante de la confédération des Ouerghamma, comptait,
en 1276, 1.851 imposés à la mejba. Parmi eux, les montagnards ou djebelia étaient 836 (651
Douiret, 65 Beni Barka, 77 Ouled Cedra et 43 Beni Khezra), les Ouled Hamid, 381 Ouled
Selim et autres faisant le reste. Les trois autres tribus sembiaient moins importantes puisque,
toutes ensemble, elles ne comptaient guère plus de 3.200 imposables. Les Accara n'étaient que
595. Chez les Khzour, nous avons trouvb 713 Ghoumrassen, au moins 354 Haouia, 180 Maz-
toura, 1.683 contribuables au total, avec les R'benten et les O. Aoun. Les Touazine devaient
être 837 au minimum avec les groupes qui les suivaient. Nous n'avons pas trouvé trace, il est
vrai, d'aucune fraction des Ouled bou Zid.
On peut relever également 712 imposés chez les I-lazem, 1.389 chez ies Hamerna, 934 chez
les O. Yacoub, 1.060 avec ceux qui étaient installés au Djérid et à Gafsa.
! 2 ) Nos évaluations sont bien éloignées de celles des officiers français des Affaires indigènes,
un quart de siècle plus tard. En 1884, la population des trois villages de l'oasis de Gabès était
estimée à 7.291 habitants, celle du Nefzaoua à 12 ou 15.000 âmes. Pour les Ouerghamma, c'est
un chiffre de 40.938 individus qui est avancé en 1886, presque le double de notre estimation
(André MARTEL, Les con$ns saharo-tripolitains de la Tunisie, 1966, t. 1, p. 68-98). Sans doute
faut-il faire ia part des exagérations inhérentes à ce genre d'évaluations. Von Maltzan n'accordait
que 25.000 têtes aux Ouerghamma en 1868. Mais est-il possible de conclure?
ANNEXE No l

Les impositions à la mejba (d'après ie budget de 1277)


Aradh . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21.938 Uejaoua . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.425

Sousse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9.417 Kabtna et Ayaclie . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.917

Sfax . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.909 Ariana . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348

Monastir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0.003 Mekta Tihfa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

Outhan el Kabli . ' J . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.501 Kalaat es-Senam . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157

Le Kef . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.219 Ouled Khiar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 266

Béja . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.227 Mornag, Radès. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

Tribus de Uéja . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.723 Arouch aghàt de Kairouaii !" . . . . . . 1.216

Kooub et Gouazine !'J . . . . . . . . . . . . . . 1.765 Chaktma !'" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.844

Ouled Khalifa i" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.618 El Ksour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143

Ouled Iddir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.242 Ouled Abdallah . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

Gafsa. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.354 Ghammadia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348

Tozeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.204 Ksar Kiya . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143

Nefta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.041 Arouch es sandjak de Kairouan i l 3 ) .. 518

El 0 u d i a n e 3 . . . . . . . . . . . . . . . . 848 Aiali, Testour, nfedjez el Bab, Za-

EI Hainma . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201 ghouan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.078

T ~ chebika~ .'i . . . . .~. . . . . . . ~ . . . . 177~ Bizerte, ,Porto-Farina ..............


~ 3.612

Nefzaoua . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 891 Rekba . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.000

o u i z i . . . . . . 3.847 La Kessera . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 408

.
ouled ~
Beit ech-Chéria
~
.
ouled ~~d~~~~~ j . . ................ 5.132
~ .~. . . . ~. . . . .~. . . .~. . 3.334
.................
ouled ~ l i f . . .l . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.000
.
51
j
0 ManAs
. Djerba
.
-
................
."
Ousseltia . . . . . . . . . . . . . . 2.6'13

.
..
. . . . . .... . 5.381
Ouied Sendassen . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.081
Arouch er Aekkak .................. 4.1C8
Ouled Aoun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.769
ouled sidi Abid ;8i . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.500
ouled ouzzaz(0, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.774 Ouergha 1'" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.430

ouled ~ l .$Ii. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.211 Ouled hou Ghanem i"'.


. . . . . . . . . . . . 2.930

ouled ~ ~. ? Jj .... .i .
. . . . . . . . . . . . . . . . 2.012 g h l n .121....................... 1.393

ouled &lehanna . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 - 3 0 Khainemsa et Doufane . . . . . . . . . . . . . 2.200

O , . . . . . . . . . . . 2.616 Ouled Yacoub (12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 563

ouled yahia 1 1 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343 Ouled Saïd . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.185

jendouba. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.674 Trabelsia !'" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.883

oule& b. s a l e m . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.040 Ouled Ayar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.797

(hartane ........................ 3. 953 Nefiat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.287

Caren 1 . . . 2.164 Dfid . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.131

~ ~ S . . . . . .~. . . . . . . .~. . . . . . . . .b. . 751


i Arab
~ Majour~ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.944
souas.i . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.955 LahIarsa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 408
~ ~. . . . . . .~. . . . . . . .~. . . . . . .~. . . .
522h Troud
~ .
e t. Siline "l . . . . . . . . . . . . . . . . . . 673
Metbellith ......................... 6.411 Tebourba . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 500
Mateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.541 Algériens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247
Teboursouk . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.032 TOTAL . . . . . . . . . . . . . . . . . 221.664
i l : Nom traditionnel du district du cap Bon .
Pl Tribu des Zlass .
131 Groupe d'oasis du Djerid, à l'est de Tozeur .
(Pl Petites oasis de montagne situées à la frontière, à 65 km a u nord (le T ~ n e i i r .
l31 Tribu des Hammama .
i61 Tribu installée aux alentours de Gafsa .
1'1 Ouled Sidi Tlil, groupe rattaché aux FrBchich .
IBiTribu nomadisant au nord du Djeriù, eiitre Tozeur et Tainrrzn .
isi Tribu des Frhchich .
(''1 Tribu des Majeur .
("1 Tribu rattachée au caîdat de la Kessera .
( ' * Tribus d u nord-ouest, faisant partie de la ligue des Ounifn .
i l 3 ) Tribu de service .
( l a i Tripolitairis fixés dans la basse vallée de la Medjerda .
LA POPULATION DE LA TUNISIE VERS 1860

ANNEXE No 2

RECENSEMENT
DES HOMMES DU CAP BON

Dar Chabane Zaouia Sidi Hammamet


habitant Ahmed el Fehri ( a ) habitant
Ages Nabeul Korba

0 ........... 79 28 1 10 3 46 54

1-4 . . . . . . . . . 321 147 12 57 25 222 - 216

5-9 . . . . . . . . . 290 83 7 45 28 173 1 160

10-14. . . . . . . 166 43 7 26 7 131 1 75

15-19 . . . . . . . 130 46 8 34 13 77 2 52

20-24 ....... 106 51 6 il 2 76 3 49

25-29 ....... 134 38 8 19 5 60 2 96

S 3 4 ....... 101 32 9 24 4 25 1 67

35-39 . . . . . . . 87 26 7 32 6 29 3 45

40-44 . . . . . . . 6'5 21 6 11 2 23 - 36

45-40 . . . . . . . 44 11 1 7 5 17 - 22

50-54 . . . . . . . 83 25 5 11 6 31 2 34

5559 . . . . . . . 33 3 - 11 4 28 - 21

60-64 . . . . . . . 107 11 5 15 6 22 1 35

65-69 . . . . . . . 66 24 1 4 4 28 1 13

7C-74 . . . . . . . 68 22 1 1 8 19 - 19

75-79 . . . . . . . 27 5 - 1 - 4 - 5

80-84 . . . . . . . 15 - - 3 - 4 1 3

85-89 . . . . . . . 7 1 - - - 2 - 2

90 + . . . . . . . . 11 - - - - 4 - 4

0-19 . . . . . . . . 986 347 35 172 76 649 4 557

20-59 . . . . . . . 651 207 42 126 34 289 11 370

60 + . . . . . . . . 301 63 7 24 18 83 3 81

TOTAL.. 1.938 . 617 84 322 12s i.n2i 1s 1.008


i i

( a ) Quartier de Dar Chabane dont une partie des habitants seulement étaient considérés
comme a Fehri r (colonne 1) et, B ce titre, pouvaient participer aux répartitions de revenus de
la zaouia.

Nous avons jugé fastidieux de donner le détail de la population des plus


petites localités. En voici le total, par ordre décroissant : Somâa (4443, El
Haouaria (368), Grombalia (347)' Maamoura (299)' Tazerka (174), NN' ianou
(117), Beni Aïchoun (107), Turki (100)' Zaouiet ej-Jdidi (94),Belli (86)'
Khaouine (G), Sidi Dher (36), Zaouiet Cheikh Toumi (19), Cheikh Ali
Zakri (14).
Dans le registre, les villages sont rangés par ordre géographique, de
Soliman à Hammamet et de Nabeul à Kélibia, en faisant le tour du cap Bon.
Nous avons corrigé deux erreurs d'addition par défaut, à El Haouaria (368
au lieu de 363) et à Khaouine (45 au lieu de 4).Le total généra1 a été porté
ainsi à 12.4439 hommes au lieu de 12.479.
A N N E X E No 2

(Suite)

Ages
1 Meniel

IDou Zeffa/
1 Kelibia (b)

1 1
Beni
Beni Khiar
habitant

Pa-1
Soliman (c)
habitant blenzei Beni

Ternine Khalled
(1) (2) j (3) Khiar Tunis / nouba

33 5 -
96 18 3
106 22 10
62 7 4
43 5 4

60-64. 60 31 1 3 23 4 28 6 5 24 14

-11
65-69. 4 9 1 1 22 14 2 1 12 7
1
70-74. 15 7 3 2 23 - 20 1 4 34 6
75-79. 2 2 - 1 9 - - 4 - 2 19 13
80-89. 9 6 4 - 7 - - 12 3 2 17 11
90 +.. 1 - - - 2 - - 2 1 - 3 1
?..... - 1 - 2 - - - 1 - - - -
0-19.. 533 450 73 27 381 30 27 340 57 21 473 367
20-59. 337 273 35 20 301 54 36 265 49 42 259 113
60 +.. 101 58 9 7 86 5 5 80 13 14 109 52
1.. ... - 1 - 2 - - - - - - - -

TOTAL. 971 782 117 56 768 89 68 685 119 77 841 532

(b) Kelibia centre (1); Hammam Laghzen (2); Dar 1'Aouèche (3).
(c) Écarts de Soiiman : Brij (52); Douma (20); Hammam (26); Bou Youssef (9 hab.); sans
compter 12 abid, sans doute des nègres.
ANNEXE No 2

RECENSEMENT
DES HOMMES DU CAP BON

(Fin)

Toutes localités

Effectifs

60-M .....................................

65-69 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

70-74 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

75-79

8&89 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

90 e t plus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

?.......................................

l-
0-19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.913 (55,36 %)

20-59. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.279 (34,27 %)

60 et plus.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.294 (10,36 %)

.......................

TOTAL.. 1 12.486 + 3 d'age inconnu.


LA POPULATION DE LA TUNISIE VERS 1860

A N N E X E NO 3

LES IMPOSITIONS A LA MEJBA DANS LE CA~DATDE MONASTIR

(Années 1278-1279 = 1861-1863)


Soldats
Imposés Imposes
Localités et infirmes
en 1278 en 1279
en 1278
.
..
Mahdia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 615 161 (1)

Moknine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 882 177 844

Ksour es-Saf . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 771 143 746

E l Djem . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 567 81 543

Bekalta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 611 137 571

Ksar Hellal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 517 152 505

Teboulba . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 552 109 500

Sayada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244 34 242

Lemta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130 12 122

Bou Hajar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 7 58

Ksiba . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210 72 210

Bennane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186 13 153

Boudher . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 5 42

Touza . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 16 118

Beni Hassan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176 30 178

Zeramdine ...................................................
Bou Merdas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
290
70
28
9
297

68

Sidi Alouane ............................................. 79 5 68

Rejiche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 16 90

Sidien-NaXja ............................................ 43 9 41

Chaouacliine à El Bahar (2). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 - 30


Khnis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158 14 151
Bembla ................................................... 240 64 238
Menara ................................................... 36 2 33
Damous . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 12 72
hlasdour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 7 45
Sidibou Othman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Menzel Khir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Menzel Harb ..............................................
I 36
12
4
5
35

12

Mesjed Aissa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 8 39

Maatmeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63 7 59

Amira . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 806 - 783

Amira (3). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178 - 168

. ....................................
TOTAL 7.966 (4) 1.339 7.091

(1) Érigée en caIdat ind8pendant .-


(2) Groupe de negres probablement (3) Partie nord .-
du district peuplée de nomades .-
(4) 9.003 en 1277, 9.875 en 1276 Monastir compris . . I

En dehors de ces listes. il faut tenir compte des individus ayant « atteint
l'âge requis mais qui ne sont pas inscrits en raison de leur u incapacité » en
1278. 10 exemptés. 49 expatriés. 116 indigents et 135 morts; en 1279.
4 exemptés. 67 expatriés. 184 indigents et 114 morts Il faudrait ainsi ajouter .
17 adultes à Moknine en 1278. 22 en 1279. 13 à Ksour es-Saf en 1278. 23
l'année suivante. 24 A Mahdia. compte non tenu des morts et des émigrants
.
(Reg 852 et 905) .

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