Annales-Algériennes Pellissier
Annales-Algériennes Pellissier
Annales-Algériennes Pellissier
ALGÉRIENNES,
PAR
E. PELLISSIER,
CAPITAINE D’ÉTAT-MAJOR, CHEF DU BUREAU DES ARABES À ALGER
EN 1833 ET 1834
Tome premier.
PARIS,
ANSELIN ET GAULTIER — LAGUIONIE,
LIBRAIRES POUR L’ART MILITAIRE,
Rue Dauphine, n° 36, dans le Passage Dauphine.
ALGER,
CHEZ PHILIPPE, LIBRAIRE.
MARSEILLE,
CHEZ CAMONI, LIBRAIRE.
1836
Livre numérisé en mode texte par :
Alain Spenatto.
1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC.
http://www.algerie-ancienne.com
PREMIÈRE PARTIE.
LIVRE I.
Aperçu géographique, historique et politique sur
la régence d’Alger, — Cause de la guerre de la France
contre Alger. — Blocus. — Préparatifs de l’expédition.
— Départ de l’armée d’expédition.
Pièces de 24 30
Pièces de 16 20
ARTILLERIE de Pièces de 12 12
SIÉGE Mortiers de 10 pouces 8
Obusiers de 8 pouces 12
TOTAL....82 bouches à feu.
Pièces de 8 16.
ARTILLERIE de Obusiers de 24 8.
CAMPAGNE Obusiers de montagne 6.
TOTAL...30 bouches à feu.
elle s’est affaiblie, la faute n’en est qu’à ceux qui ont si
étrangement gouverné une population si facile à l’être.
Le peu de relations individuelles qui s’établirent
d’abord entre les vainqueurs et les vaincus, si toutefois
on peut donner ce nom aux Maures qui avaient à peine
soutenu de leurs vœux le gouvernement turc, furent en
général favorables à la domination française. Sans haine
et sans préventions contre les habitants de la Régence,
nos soldats y déployaient une aménité et une bienveillan-
ce qui sympathisaient avec le’ caractère doux et socia-
ble des Algériens. Les impressions qui en résultèrent ne
purent être entièrement effacées par quelques désordres
partiels, ni par les fautes de l’administration, causes pre-
mières de ces désordres ; et aujourd’hui encore, après
une suite d’actes peu faits pour honorer notre gouverne-
ment aux yeux des Indigènes, le nom de Français n’ex-
cite pas, chez eux, plus de sentiments de répulsion que
celui de tout autre peuple chrétien.
Les premiers jours de la conquête furent signalés par
le respect le plus absolu des conventions. Les personnes,
les propriétés privées, les mosquées, furent religieuse-
ment respectées ; une seule maison fut abandonnée au
pillage, et, il faut bien, le dire, ce fut celle qu’occupait
le général en chef, la fameuse Casbah. Mais hâtons-nous
d’ajouter que ce pillage, qui du reste a été beaucoup exa-
géré, fut plutôt l’effet de la négligence qu’un calcul de la
cupidité. Par l’imprévoyance du commandant du quar-
tier général, chacun put entrer dans la Casbah, et en em-
porter ce que bon lui semblait. Beaucoup se contentaient
du moindre chiffon, comme objet de curiosité ; d’autres
LIVRE III. 77
chances de réussite.
Par suite de l’évacuation de Médéah, les affaires de
la province d’Alger se trouvèrent ramenées à peu près
au même point où le général Clauzel les avait prises;
nous avions des postes avancés à la Ferme-Modèle et à
la Maison-Carrée, au lieu d’être resserrés entre la Vigie
et Mustapha-Pacha. Mais c’était toute l’amélioration ob-
tenue ; au-delà de ces avant-postes, notre autorité était
tout aussi méconnue que dans le temps de M. de Bour-
mont. Quelques hommes d’ordre et de paix se ralliaient
seuls à nos Kaïds, par ces habitudes de soumission au
pouvoir si naturelles aux gens paisibles ; mais comme
ces mêmes hommes ne sont malheureusement pas les
plus énergiques, l’autorité n’avait en eux qu’un bien fai-
ble appui. Les masses se livraient avec délice à la joie in-
sensée d’être délivrées de tout frein, même de celui des
lois conservatrices de toute société ; mais bientôt leurs
propres excès retombèrent sur elles-mêmes, et par une
juste et rationnelle réaction, elles éprouvèrent à leur tour
le besoin d’être gouvernées. Peu de personnes ont voulu
observer cette marche des idées parmi les Arabes: elle
devait cependant rendre bien plus facile la tâche de ceux
qui ont exercé le pouvoir à Alger.
Au moment où M. le général Clauzel avait le moins
d’action sur les Arabes, il fit paraître un arrêté qui sup-
primait tous les droits que les Beys et les Kaïds avaient
coutume de percevoir pour leur compte dans certaines
circonstances, et qui leur allouait en échange un traite-
ment annuel. Cet arrêté, qui est du 18 février, conservait
cependant ceux de ces droits qui, par
LIVRE VI. 167
le budget des dépenses civiles fut réglé par eux sur les re-
cettes locales, et il est indubitable que l’indemnité aurait
continué à y figurer. Lorsque le ministre voulut faire ren-
trer Alger dans le droit commun financier, il aurait dû ne
pas avoir deux poids et deux mesures, et ne pas laisser
les indigènes dans l’exception, lorsqu’elle leur était dé-
savantageuse, en même temps qu’il les en faisait sortir en
ce qu’elle avait de profitable pour eux. C’est cependant
ce qui a eu lieu ; car, si, d’un côté, la législation financière
ne permettait pas, en s’appliquant à la rigueur, de laisser
subsister les dispositions de l’arrêté du 26 octobre 1830,
de l’autre, notre loi fondamentale défend de dépouiller un
propriétaire sans une juste et préalable indemnité. Mal-
gré cette violation des lois de l’équité et de la logique, il
ne faut pas croire que l’on soit dans les bureaux ennemi
systématique des Maures. Bien au contraire, par une inex-
plicable contradiction, les mêmes hommes qui ont causé
la ruine de tant de familles musulmanes, accueillent avec
empressement tous les intrigants qui leur arrivent d’Al-
ger. Ils les comblent de faveurs, de décorations et de pen-
sions ; heureux quand ils ne s’en servent pas pour créer
des embarras à l’administration locale !
La question de l’indemnité touche de près à celle
du séquestre, nous avons dit que M. le général Clauzel
avait ordonné la réunion au domaine de tous les biens
des Turcs déportés. Cette confiscation fut convertie en
séquestre par un arrêté du 10 juin 1831, rendu d’après
une décision ministérielle du 27 mai. Ce séquestre pèse
encore sur les biens des Turcs, et l’on ne voit pas trop
quel en sera le terme. Je ne sais si le gouvernement attend
184 PREMIÈRE PARTIE
que la propriété de tous ces biens ait passé entre les mains
des Européens, ou s’il est embarrassé de les rendre, parce
que lui-même en occupe plusieurs qui sont nécessaires à
divers services publics.
Les dispositions de l’arrêté du 10 juin ayant été
souvent appliquées, soit par erreur, soit par une fausse
interprétation, à des Turcs non déportés, il y a eu quel-
ques levées de séquestre partielles. Elles étaient d’abord
prononcées par la commission administrative ; mais le
ministre se les est ensuite réservées. Ainsi, des Turcs de
la garnison de Mostaganem qui étaient à notre service,
n’ont pu rentrer dans leurs biens qu’en vertu d’une dé-
cision ministérielle, quoique le séquestre qui les avait
atteints, fut évidemment le résultat d’une erreur non sus-
ceptible de supporter la discussion. Cette obligation de
recourir à Paris pour des choses aussi simples, diminue
aux yeux des indigènes l’importance de celui qui com-
mande à Alger, ce qui est un très grand mal; le pouvoir a
besoin d’y être fort, et d’y jouir d’une indépendance au
moins apparente(1).
Cependant les Européens que l’espérance avait con-
duits en Afrique y faisaient chaque jour des acquisitions.
Le 21 juin, un arrêté soumit à l’obligation de l’enregis-
trement tous les actes translatifs de propriété et de jouis-
sance. Le 21 juillet suivant, le droit d’enregistrement
fut fixé à 2 % pour les actes d’aliénationt définitive ou
____________________
(1) J’ai réuni une collection de faits qui pourraient faire connaî-
tre pourquoi on veut que ce soit à Paris que se règlent les questions de
séquestre et d’indemnité ; mais il n’entre pas dans mes convenances
personnelles de les publier en ce moment.
LIVRE VII. 185
sent fait croître sur le sol Algérien. Tous les postes exté-
rieurs furent obligés de se replier sur la Ferme, excepté
celui d’un blockhaus que les Kbaïles ne purent forcer.
L’ennemi s’étant emparé des hauteurs qui dominent cet
édifice du côté du nord, plongeait dans son intérieur et
commençait à mettre la garnison dans une position assez
critique, lorsque des secours arrivèrent, ce qui l’obligea
de repasser la rivière et de se retirer dans son camp.
Le lendemain l’attaque recommença, mais au pre-
mier coup de canon le général Berthezène partit d’Alger
avec 6 bataillons, toute la cavalerie et 2 pièces de cam-
pagne, et se dirigea par Kouba et la route de Constantine
entre la maison Carrée et la Ferme. Arrivé sur la crête
des hauteurs en face de Sidi-Arzine, il dirigea le feu de
son artillerie sur le camp des Kbaïles. En même temps,
le colonel d’Arlanges, du 30e de ligne, qui comman-
dait le poste de la Ferme, fit une sortie contre ceux qu’il
avait en face, les rejeta de l’autre côté de la rivière, passa
l’Aratch après eux et se dirigea sur le camp. Le général
Berthezène s’y porta aussi avec toutes ses troupes ; mais
l’ennemi n’attendit pas un choc aussi formidable. Il leva
le camp avec précipitation, prit en toute hâte le chemin
des montagnes. La cavalerie se mit à sa poursuite; mais
elle ne put l’atteindre. Elle mit alors le feu à un Houch
de Beni-Mouça, dont les habitants avaient pris les armes
contre nous. Le général en chef rentra le même jour à
Alger, croyant en avoir fini avec l’insurrection.
Malgré le succès de cette journée et la dispersion des
troupes de Ben-Zamoun, les voitures de l’artillerie, qui
rentraient le soir à Alger, sous l’escorte de 2 compagnies,
220 PREMIÈRE PARTIE
leur pays à leur grande satisfaction, car ils étaient las de-
puis longtemps de leur position équivoque.
Peu de jours après l’arrivée du général Boyer, Mu-
ley-Aly, parent de l’empereur de Maroc et commandant
des troupes que ce prince avait envoyées dans la pro-
vince d’Oran, vint avec quelques centaines de cavaliers
tournoyer autour de la place ; après deux ou trois jours
de vaines et puériles démonstrations il disparut ; mais
les environs de la ville restèrent peu sûrs. Les Arabes ve-
naient en enfants perdus tirer de loin sur les sentinelles,
comme pour protester contre notre présence à Oran par
ces actes d’hostilités sans résultats ; cela n’empêchait
pas d’autres Arabes de fréquenter notre marché ; et, il
est même arrivé plus d’une fois que des indigènes, après
avoir vendu leurs denrées à Oran, s’amusaient, en s’en
retournant, à décharger leurs fusils contre les remparts.
Cet état équivoque, qui n’était ni la paix ni la guerre,
dura, avec quelques légères variations, pendant toute
l’année 1831.
Le général Boyer était arrivé dans son commande-
ment précédé d’une grande réputation de sévérité, qui lui
avait acquis en Espagne le surnom de Cruel, dont il était
le seul à s’honorer. C’était, du reste, un homme d’esprit
et de capacité, instruit et ami des arts, doux et affable
dans son intérieur, et pourvu enfin d’une foule de qua-
lités estimables, qui contrastaient singulièrement avec
sa terrible réputation justifiée par ses actes. Il se mon-
tra à, Oran impitoyable envers des Maures soupçonnés
d’entretenir des intelligences avec l’empereur de Maroc.
Plusieurs furent exécutés sans jugement, et quelques uns
234 PREMIÈRE PARTIE
____________________
(1) Dans un pays où rien ne s’imprime, il est fort difficile d’avoir
des documents géographiques et statistiques très positifs ; ceux que l’on
obtient de vive voix sont souvent fautifs et contradictoires.
242 PREMIÈRE PARTIE
I.
____________________
(1) Léon l’Africain était un savant Maure de Grenade qui se con-
vertit au Christianisme, et qui a beaucoup écrit sur l’Afrique. Il vivait
dans le 16e siècle.
DEUXIÈME PARTIE, I. 249
____________________
(1) Les premiers dans l’ordre de la composition, car dans la dis-
position matérielle du Coran ils figurent dans le 96e chapitre.
266 DEUXIÈME PARTIE, II.
Pacha. Baba Aly étau assez fort pour ne pas craindre les
suites de cette démarche. Il avait su, au reste, se créer
à Constantinople des amis qui déterminèrent l’empe-
reur à sanctionner ce changement dans le gouvernement
d’Alger, lequel se trouva dès lors organisé tel que nous
l’avons raconté dans la première partie de ce volume.
III
____________________
(1) En 1834, le Cadi reçut une demande de séparation d’une fem-
me qui se plaignait que l’organisation de son mari lui rendait trop dou-
loureuse la soumission aux devoirs conjugaux ; le compatissant Cadi,
après s’être assuré qu’en effet les formes gigantesques du mari étaient
peu en harmonie avec la complexion faible et délicate de la femme, qui
n’avait que quatorze ans, prononça le divorce.
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DEUXIÈME PARTIE, III. 299
Alger.
un peu plus large que les autres. C’est celle qui, du bas de
la ville, conduit à la Casbah, d’où elle a pris son nom.
En général l’aspect matériel de la ville est repous-
sant. Les maisons, qui n’ont presque point d’ouvertures
extérieures, sont tellement rapprochées qu’elles se tou-
chent presque par le haut, et que les étroits passages que
l’on appelle des rues, ne sont, à vrai dire, que des boyaux
sombres que l’on pourrait prendre pour des égouts. Mais
au bout de quelques jours les yeux se familiarisent avec
cette construction, dont la chaleur du climat démontre
du reste bientôt les avantages. On n’est plus alors frappé
que du prodigieux mouvement qui règne dans cette ville,
dont les rues sont sans cesse encombrées d’une foule bi-
garrée et hétérogène, qui, par la diversité du costume et
des habitudes, présente le spectacle le plus varié et lé
plus attachant.
Le grand désir que nous avons eu de faire d’Alger
une, ville européenne, nous a porté à élargir et redresser
les principales rues, très souvent outre mesure, ce qui a
nécessité de nombreuses démolitions. L’administration,
qui avait mis de côté toutes ses formalités pour détruire,
se les est rappelées lorsqu’il s’est agi des reconstructions,
et a opposé les lenteurs de ses décisions à l’activité des
particuliers qui tendait à remplacer, par des bâtiments à
l’européenne, les édifices mauresques que détruisait le
marteau administratif ; il en est résulté que pendant quatre
ans on a détruit sans reconstruire. Mais enfin, depuis un
an, une partie des obstacles ont, été levés, et un Alger nou-
veau commence à sortir des ruines de l’ancien. Il est seu-
lement à regretter que l’on abandonne totalement l’archi-
DEUXIÈME PARTIE, V. 337
Bélida.
Coléah.
Dellys,
Cherchel.
Outhan de Beni-Khalil.
Outhan de Beni-Moussa.
Outhan de Khachna.
Outlzan d’Isser,
Outhan de Sébaou.
Outhan de Hamza.
Outhan d’Arib.
Outhan de Beni-Djéad.
Outhan de Beni-Khalifa.
Outhan d’El-Sebt.
direction du pays des Chrétiens avec une extrême rapidité, et formant une
colonne d’une longueur indéfinie, semblable à plusieurs vols d’étour-
neaux. Ben-Cassem voyait toutes ces richesses passer au-dessus de sa
tête. Il sautait le plus qu’il pouvait, et cherchait avec ses mains d’en sai-
sir quelques faibles parties : après s’être épuisé ainsi en vains efforts, il
s’avisa d’ôter son bournous, et de le jeter le plus haut possible. Cet expé-
dient lui réussit, et il parvint à faire tomber à ses pieds une vingtaine de
pièces d’or et une centaine de pièces d’argent ; mais à peine ces pièces
eurent-elles touché le sol, qu’il ne sortit plus de pièces nouvelles, et que
tout rentra dans l’ordre ordinaire. Ben-Cassem ne parla qu’à quelques
amis de ce qui lui était arrivé. Cependant, cette, aventure extraordinaire
parvint à la connaissance du Pacha, qui envoya des ouvriers pour dé-
molir le Koubar-Roumia, afin de s’emparer des richesses qu’il renfer-
mait encore. Ceux-ci se mirent à l’ouvrage avec beaucoup d’ardeur ;
mais aux premiers coups de marteau, un fantôme, sous la forme d’une
femme, parut au haut du tombeau, et s’écria : Aoula, Aloula(1), viens à
mon secours ou viens enlever tes trésors. Aussitôt des cousins énormes,
aussi gros que des rats, sortirent du lac, et mirent en fuite les ouvriers
par leurs cruelles piqûres. Depuis ce temps là, toutes les tentatives que
l’on a faites pour ouvrir le Koubar-Roumia ont été infructueuses, et les
savants ont déclaré qu’il n’y a qu’un Chrétien qui puisse s’emparer des
richesses qu’il renferme.
___________________
(1) C’est le nom d’un lac qui est auprès du Koubar-Roumia.
362 DEUXIÈME PARTIE, V.
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(1) Cette note ne fut pas publiée à l’époque où elle fut rédigée,
parce qu’elle fut envoyée au Spectateur Militaire par une autre voie que
celle de la presse, et ne parvint pas à son adresse. Je la donne ici comme
renseignement sur les dispositions de l’Armée d’Afrique au commen-
cement de la révolution de 1830.
364 DEUXIÈME PARTIE, VI.
PREMIÈRE PARTIE.
DEUXIÈME PARTIE.