Les Murs de Couronnement
Les Murs de Couronnement
Les Murs de Couronnement
de dimensionnement
2
10
CETMEF 495
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
SOMMAIRE du Chapitre 5
496 CETMEF
Sommaire
498 CETMEF
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
NOTE : le processus de conception est itératif. Le lecteur est invité à se référer au Chapitre 2 tout
au long du cycle de vie de l'ouvrage pour se remémorer les problématiques importantes. 4
Cet organigramme indique où trouver l'information dans ce chapitre et les liens avec les autres
chapitres. Il peut être utilisé en parallèle aux sommaires et à l'index pour naviguer dans le guide.
5.3
Modélisation des interactions hydrauliques et de la réponse 8
Modélisation physique, modélisation numérique
9 Construction
10 Surveillance, inspection,
maintenance et réparation 10
CETMEF 499
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
NOTE : l’utilisateur doit être au fait non seulement de la dispersion autour des tendances généra-
les des données expérimentales, mais également du domaine de validité de chaque formule, qui
dépend souvent de la qualité et de la quantité des données sur lesquelles est basée la formule.
Pour le dimensionnement précis des ouvrages en enrochement, il est recommandé de limiter les
incertitudes. Dans bien des cas, on y parvient en effectuant les essais appropriés sur les enroche-
ments, une étude de sol, une analyse géotechnique très pointue et des essais sur modèles physi-
ques. Par ailleurs, les données hydrauliques, telles que la houle et les courants, sont également
incertaines, c’est pourquoi les paramètres de dimensionnement devraient être basés sur l’analyse
de données recueillies sur le long terme et sur une approche probabiliste.
Les phénomènes étudiés dans ce chapitre concernent l'enrochement naturel et les matériaux de
noyau (et également, dans une certaine mesure, l'enrochement artificiel) soumis aux actions
hydrauliques et liées à la glace. En plus du logigramme de début de chapitre, qui illustre les inter-
actions du Chapitre 5 avec les autres chapitres, un deuxième logigramme, Figure 5.1 montre l'or-
ganisation des informations de ce chapitre.
Le Chapitre 4 fournit des informations sur les conditions aux limites et sur les conditions du site
d’implantation (« sans ouvrage ») - Voir la partie supérieure de la Figure 5.1. La performance
hydraulique et la réponse structurelle sont présentées dans ce chapitre, sur la base de paramètres
hydrauliques, structurels et liés à la glace. Ces paramètres permettent d’obtenir les sollicitations
ainsi que la réponse des ouvrages en enrochement, du sous-sol et du fond marin alentour. Les
Chapitres 6, 7 et 8 proposent des recommandations sur la façon dont les outils d’études prélimi-
naires du Chapitre 5 peuvent servir à concevoir des ouvrages, par exemple sur la façon de dimen-
sionner les sections transversales des ouvrages et de déterminer les dispositions constructives
relatives à chaque type d’ouvrages.
Le Chapitre 4 donne des informations sur les valeurs à utiliser dans les outils d’études prélimi-
naires. Elles incluent les conditions de site (houle, courants, glace et caractéristiques géotechni-
ques) qui ne peuvent en général pas être modifiées par le concepteur. Pour évaluer les données
relatives à la performance hydraulique et à la réponse structurelle, on a recours à des paramètres
hydrauliques, géotechniques et structurels (voir la Figure 5.1) :
• les paramètres hydrauliques qui représentent l’action de la houle et des courants sur l’ouvrage
(réponse hydraulique) sont énumérés aux Sections 5.1.1 et 5.1.2. Les principales réponses
hydrauliques à la houle sont le run-up, le franchissement, la transmission et la réflexion
(Section 5.1.1). Les principaux paramètres exprimant les réponses hydrauliques aux courants
sont les contraintes de cisaillement de fond et les distributions de vitesses (Section 5.1.2) ;
• les paramètres géotechniques sont essentiellement liés aux pressions interstitielles, aux
contraintes effectives et aux réponses telles que le tassement, la liquéfaction ou les gradients
dynamiques, présentés aux Sections 4.4 et 5.4 ;
• les paramètres structurels incluent la pente du talus, la hauteur de crête, le type de carapace,
la masse de l’enrochement et la masse volumique de la roche, la forme de l’enrochement, la
perméabilité ainsi que les dimensions et la section de l’ouvrage. Les paramètres structurels liés
à la réponse structurelle, également appelée stabilité hydraulique, figurent à la Section 5.2.1.
500 CETMEF
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
• la réponse structurelle est elle aussi souvent liée à la houle (Section 5.2.2) et aux courants
(Section 5.2.3) mais également, dans certaines zones, à la glace (Section 5.2.4) et, très souvent,
aux aspects géotechniques (Section 5.4). 2
Les actions exercées par les tsunamis, par les séismes, les autres actions dynamiques ou les actions
spécifiques à la phase de construction ne sont pas abordées aux Sections 5.1 et 5.2. Les tsunamis
sont abordés à la Section 4.2.2. La réponse des ouvrages aux actions dynamiques et aux séismes
fait l’objet de la Section 5.4 et les actions spéciales qui apparaissent en phase de construction sont
abordées au Chapitre 9.
3
La modélisation de l’interaction hydraulique et de la réponse structurelle est présentée à la
Section 5.3, subdivisée en techniques de modélisation réduite (physique) et techniques de modé-
lisation numérique.
5
Chapitre 5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Section 5.1.1 : houle : run-up, Section 5.2.2 : houle : stabilité des talus en 7
franchissement, enrochement, ouvrage à
transmission crête abaissée, talus arrière,
Section 5.1.2 : courant : écoulement butée de pied, filtre, musoir
interne, hydraulique des Section 5.2.3 : courant : stabilité des
barrages protections de fond et de
talus, barrage en
enrochement
Section 5.2.4 : stabilité liée à la glace des 8
talus en enrochement
Section 5.4 : stabilité géotechnique
Cette section traite de l’interaction hydraulique entre la houle et les ouvrages. Les aspects sui-
vants sont traités :
• franchissement de la houle ;
• transmission de la houle ;
• réflexion de la houle.
Ces différents types de performance hydraulique ont fait l’objet de multiples recherches, qui ont
débouché sur une grande variété de relations hautement empiriques, utilisant malheureusement
souvent des paramètres adimensionnels différents.
Les méthodes d'estimation ainsi obtenues et présentées dans ce guide sont données avec (dans la
mesure du possible) les limites de leur applicabilité. Eu égard à ce qui précède, les méthodes ne
sont généralement applicables qu’à un nombre limité de cas standard, soit parce que les essais
n’ont été menés que pour un nombre limité de conditions de houle, soit parce que la géométrie
de l’ouvrage testé est une simplification d'ouvrages réels. Il sera donc nécessaire d’évaluer la per-
formance en situation réelle à partir des estimations faites sur des configurations d’ouvrages
apparentées (mais pas identiques). Si cela est impossible, ou si des estimations plus précises sont
requises, il faudra effectuer des essais sur modèles physiques.
NOTE : les formules de run-up et de franchissement de la houle présentées dans cette section sont
principalement basées sur des données relatives à des ouvrages disposant d’un talus imperméa-
ble. Leur extension au run-up et au franchissement pour des talus en enrochement faisant partie
d’un ouvrage perméable est quelque peu hypothétique dans certaines situations. Toutefois, des
recommandations figurent dans les sections traitant du run-up et du franchissement d’ouvrages à
talus (en enrochement) perméable. Ces recommandations sont basées sur les résultats de deux
projets de recherche de l’UE : CLASH et DELOS. Néanmoins, d’autres validations sont nécessai-
res si ces formules doivent être utilisées à des fins autres que des estimations préliminaires.
Dans cette section, différentes approches sont données pour calculer les niveaux de run-up et les
débits franchissants de la houle pour différents ouvrages à talus standard. Il est conseillé à l’utili-
sateur de formules résultant de ces approches d’en vérifier tout d’abord la validité dans le cadre
de l’application désirée. Les domaines de validité et les principales différences sont donnés pour
chacune des approches présentées dans cette section ; aucune préférence n’est accordée à une
quelconque formule. Si plus d’une formule sont considérées comme valides, il est conseillé d’ef-
fectuer une analyse de sensibilité sur le choix de la formule. La formule doit être choisie selon
que, pour une application particulière, il est nécessaire d’avoir une estimation sécuritaire ou opti-
male (une moyenne).
La Section 5.1.1.1 présente les différents types de performance hydraulique liée à la houle, ainsi
que les paramètres qui les régissent. Ils sont détaillés aux Sections 5.1.1.2 à 5.1.1.5.
Du point de vue du concepteur, les principales interactions hydrauliques entre la houle et les
ouvrages hydrauliques sont le run-up, le run-down, le franchissement, la transmission et la
réflexion de la houle, qui sont illustrés à la Figure 5.2. Cette section présente ces interactions
hydrauliques avec leurs paramètres dimensionnants.
502 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
(5.1)
Le paramètre le plus utile pour décrire l’action de la houle sur un talus, ainsi que certains de ses
effets, est le paramètre de déferlement, ξ (-), également connu sous le nom de nombre
4
d’Iribarren, obtenu par l’Équation 5.2.
(5.2)
où α est l’angle du talus de l’ouvrage (°) ; voir la Figure 5.2 et également l’Équation 4.44.
5
Le paramètre de déferlement a souvent été utilisé pour décrire la forme de la houle qui déferle
sur une plage ou sur un ouvrage (voir la Section 4.2.4.3 et la Figure 5.3).
NOTE : différentes versions du paramètre de déferlement, ξ, sont utilisées dans ce guide. Par
exemple, on peut obtenir des valeurs de s et de ξ très différentes selon que l’on utilise la hauteur
de la houle locale ou au large (p. ex. Hs ou Hso) et/ou des périodes de houle particulières (p. ex.
Tm, Tm-1,0 ou Tp). En ce qui concerne la hauteur de la houle, on utilise soit la hauteur significa-
tive issue de l’analyse dans le domaine temporel (Hs = H1/3) soit la hauteur significative calcu-
lée à partir du spectre (Hs = Hm0). La cambrure (nominale), s (-), et le paramètre de déferlement,
ξ (-), doivent comporter des indices qui indiquent quelle hauteur locale et quelle période de la
houle ont servi dans le calcul :
• som et ξm, lorsque Hs (m) (d'après un enregistrement de houle) et la période moyenne, Tm (s),
sont utilisés ;
• sop et ξp, lorsque Hs (m) (d'après un enregistrement de houle) et la période de pic, Tp (s), sont
utilisés ;
• sm-1,0 et ξm-1,0, lorsque Hm0 (m) et la période énergétique, Tm-1,0 (s), déterminées à partir du
spectre, sont utilisés ;
• sp, pour signifier la cambrure réelle au pied de l'ouvrage, c’est-à-dire le rapport entre Hs
d'après un enregistrement et la longueur d'onde locale, Lp (m), associée à la période de pic,
Tp (s).
L’analyse spectrale de la houle est abordée à la Section 4.2.4. Il est possible d’utiliser l’Équation
5.3 pour la conversion d’une période de pic donnée, Tp (s), en une période spectrale pour un spec-
tre à pic unique, Tm-1,0 (s), en eau relativement profonde (c’est-à-dire h/Hs-en pied > 3, où h est la
hauteur d’eau en pied d’ouvrage (m)).
(5.3)
Le rapport entre la période de pic et la période moyenne de la houle, Tp/Tm, est généralement
compris entre 1.1 et 1.25. Pour plus de renseignements sur les différents ratios de périodes de la
houle, se reporter à la Section 4.2.4.5.
Dans la plupart des formules présentées dans cette section, la hauteur de la houle, H, et la période
de la houle, T, sont définies au pied de l’ouvrage. Si ce sont les paramètres de houle au large qui
sont utilisés, cela est clairement signalé.
504 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
Franchissement de la houle
Si les niveaux extremums de run-up dépassent le niveau de crête, l’ouvrage va être franchi. Ceci 3
peut se produire pour un nombre relativement faible de vagues pendant la tempête de dimen-
sionnement et un faible taux de franchissement peut souvent être accepté sans que cela n’en-
traîne de graves conséquences pour l’ouvrage ou pour la zone protégée. Lors de la conception
d’ouvrages hydrauliques, le franchissement sert souvent à déterminer le niveau de crête et la géo-
métrie de la section en garantissant que le débit franchissant moyen spécifique, q (m3/s par mètre
linéaire de crête), reste inférieur à des limites acceptables dans les conditions de dimensionne- 4
ment. On utilise également souvent le volume franchissant maximum, Vmax (m3/s par mètre
linéaire de crête), comme paramètre de dimensionnement.
Transmission de la houle
Les digues dont la crête est relativement basse peuvent être franchies avec suffisamment de sévé- 5
rité pour que cela donne naissance à une houle derrière l’ouvrage. Si la digue est construite avec
des matériaux relativement perméables, de longues périodes de houle peuvent entraîner la trans-
mission de l’énergie de la houle à travers l’ouvrage. Dans certains cas, les deux types de réponses
peuvent se combiner. La quantification de la transmission de la houle est importante lors de la
conception de digues à crête abaissée, destinées à protéger les plages ou le littoral, et lors de la
conception de digues portuaires, pour lesquelles la transmission de la houle (longue) pourrait
causer des mouvements de navires.
6
Le résultat de la transmission est exprimé par le coefficient de transmission, Ct (-) (voir l’Équa-
tion 5.4), défini comme étant le rapport entre la hauteur de la houle transmise, Ht, et la hauteur
de la houle incidente, Hi :
(5.4)
7
Réflexion de la houle
La réflexion de la houle est importante sur les côtes, à l’entrée et à l’intérieur des ports.
L’interaction entre la houle incidente et la houle réfléchie entraîne souvent un état de mer confus
devant l’ouvrage et des vagues occasionnellement cambrées et instables pouvant compliquer les 8
manœuvres de navigation. À l’intérieur des ports, la réflexion de la houle, plutôt que sa dissipation
sur les ouvrages, peut également gêner les bateaux amarrés et affecter des zones portuaires qui
étaient auparavant protégées de l’action de la houle. La réflexion entraîne un accroissement de la
vitesse orbitale de pic et augmente la probabilité de mouvement des sédiments du fond et des pla-
ges. En cas de houle oblique, la réflexion accentuera le courant littoral et de fait le transport sédi-
mentaire local. Tous les ouvrages côtiers réfléchissent une partie de l’énergie de la houle incidente. 9
La réflexion de la houle est exprimée par un coefficient de réflexion, Cr (-), (voir l’Équation 5.5),
défini comme étant le rapport entre la hauteur de la houle réfléchie, Hr, et la hauteur de la houle
incidente, Hi :
(5.5) 10
CETMEF 505
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Le run-up de la houle est défini comme le niveau maximal que l’eau atteint sur le talus d’un
ouvrage du fait de l’action de la houle. L'estimation de run-up, Ru, peut reposer sur des équations
empiriques simples obtenues à partir des résultats d’essais effectués sur des modèles physiques, ou
sur des modèles numériques d’interaction houle/ouvrage. Chacune des méthodes de calcul exige
que les paramètres soient définis avec précision. Le run-up est défini verticalement par rapport au
niveau de l’eau au repos et sera positif s’il dépasse ce niveau, comme l’illustre la Figure 5.2. Le run-
up et le run-down sont souvent donnés sous forme adimensionnelle en divisant leur valeur par la
hauteur significative de la houle à l’ouvrage, par exemple Run%/Hs et Rdn%/Hs, où l’indice supplé-
mentaire « n » sert à exprimer le niveau de dépassement considéré, par exemple 2 %. Ce niveau
de dépassement est lié au nombre de vagues incidentes.
Contrairement à la houle régulière, pour laquelle il n’existe qu’une seule valeur maximale de run-
up, la houle irrégulière engendre une distribution du run-up. Il est par conséquent nécessaire que
les formules de run-up déterminent un paramètre représentatif de cette distribution. À l’heure
actuelle, le paramètre de run-up de la houle irrégulière le plus communément utilisé est Ru2% (m).
Cette section est consacrée principalement au run-up de la houle. Toutefois, l’Encadré 5.1 situé à
la fin de la section propose des informations sur le run-down.
Approche fondamentale
La plupart des concepts actuels de run-up consistent en une formule de base qui est une fonction
linéaire plutôt simple du paramètre de déferlement, ξ (-), défini par l’Équation 5.2. L’Équation
5.6 exprime la relation générale qui existe entre le run-up dépassé par 2 % des vagues, Ru2% (m),
la pente du talus, la hauteur et la période de la houle (à travers ξ).
(5.6)
Les ouvrages hydrauliques peuvent être classés selon la rugosité de leur talus et selon leur per-
méabilité. La plupart des données disponibles sur le run-up de la houle concernent des talus
imperméables et essentiellement lisses, bien que quelques mesures en laboratoire aient été faites
sur des talus en enrochement et perméables.
Dans le contexte de ce guide, on s’intéresse explicitement aux talus en enrochement pour lesquels
des méthodes spécifiques ont été mises au point. Les méthodes réservées aux talus lisses pourront
cependant être utilisées pour les talus en enrochements intégralement liés au béton ou au bitume.
Dans certains cas, les méthodes d'estimation élaborées pour les talus lisses peuvent servir pour
les talus rugueux, en appliquant un facteur de correction de rugosité. Des facteurs de correction
peuvent également être utilisés pour prendre en compte des éléments qui rendent la situation
plus complexe, tels qu’une houle oblique, une eau peu profonde et des talus à berme. Toutefois, à
la place des facteurs de correction, quelques formules explicites ont été mises au point pour les
talus rugueux et perméables et pour des conditions particulières telles que les vagues induites par
la navigation.
Les différentes méthodes de calcul du run-up de la houle sont illustrées à la Figure 5.4. Une
méthode de calcul de la vitesse du run-up et de l’épaisseur de la lame d’eau est présentée à
l’Encadré 5.5 de la Section 5.1.1.3.
506 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
Talus lisses :
• Ahrens (1981)
• Allsop et al. (1985) 2
• TAW (2002a)
NOTE : il existe différentes approches pour calculer le run-up. Il est conseillé à l’utilisateur d’une
formule d’en vérifier tout d’abord la validité dans le domaine de l’application désirée. Les domai-
5
nes de validité et les principales différences sont donnés pour chacune des approches proposées ;
aucune préférence n’est accordée à l’une ou l’autre des formules. Si plus d’une formule est consi-
dérée comme valide, il est conseillé d’effectuer une analyse de sensibilité sur le choix de la for-
mule. Celle-ci doit être choisie selon que, pour une application spécifique, il est nécessaire d’avoir
une estimation sécuritaire ou optimale (une moyenne).
6
Talus lisses
Sur la base de mesures, Ahrens (1981) a élaboré une courbe d'estimation correspondant à l’Équa-
tion 5.6 pour le run-up dépassé par 2 % des vagues, en utilisant ξp, avec les coefficients A = 1.6 et
B = 0 pour ξp < 2.5. Pour des valeurs du paramètre de déferlement plus importantes (c’est-à-dire
ξp > 2.5), les coefficients A et B de la courbe deviennent alors A = - 0.2 et B = 4.5. 7
Allsop et al. (1985) ont également mis au point une courbe d'estimation correspondant à l’Équa-
tion 5.6 pour des valeurs du paramètre de déferlement, ξp, comprises entre 2.8 et 6. Pour estimer
le run-up dépassé par 2 % des vagues, les coefficients suivants sont suggérés (marges de sécurité
exclues) : A = - 0.21 et B = 3.39.
8
Pour les courbes de prédiction d’Ahrens (1981) et d’Allsop et al. (1985), des facteurs de correc-
tion peuvent être utilisés pour prendre en compte l’influence des bermes, γb, de la rugosité du
talus, γf, de l'obliquité de la houle, γβ, et de l'eau peu profonde, γh, voir l’Équation 5.7. Ces facteurs
de correction seront présentés plus tard dans cette section. Pour des talus lisses et de pente
constante avec une houle perpendiculaire et en eau profonde, ces facteurs sont tous égaux à 1.0.
(5.7)
9
Une courbe d'estimation élaborée aux Pays-Bas et présentée dans un rapport du TAW intitulé
Technical Report on Wave Run-up and Overtopping at Dikes (Rapport technique sur le run-up et
le franchissement de la houle sur les digues) (TAW, 2002a), utilise le paramètre de déferlement
ξm-1,0, déterminé d’après la hauteur significative spectrale de la houle (Hs = Hm0) et de la période
moyenne énergétique de la houle, Tm-1,0, au lieu de la hauteur significative de la houle calculée
10
CETMEF 507
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
par analyse dans le domaine temporel (Hs = H1/3) et de la période de pic, Tp, comme le faisaient
les méthodes d’Ahrens (1981) et d’Allsop et al. (1985). La période moyenne énergétique de la
houle, Tm-1,0, rend compte de l’influence de la forme du spectre et de l'eau peu profonde (Van
Gent, 2001 et 2002). L’analyse spectrale de la houle est abordée à la Section 4.2.4. Une règle sim-
ple d’estimation de Tm-1,0 est donnée à la Section 5.1.1.1.
Le TAW (2002a) propose les Équations 5.8 et 5.9 pour la détermination du run-up de la houle :
(5.8)
avec une limite maximale ou supérieure pour les valeurs de ξm-1,0 les plus élevées (voir la Figure
5.5) de :
(5.9)
Cette courbe d'estimation, représentée à la Figure 5.5, est valable pour 0.5 < γb ξm-1,0 < 8 à 10. Le
coefficient de réduction en présence d’une berme, γb, le coefficient de réduction en cas de talus
rugueux, γf, et le coefficient de réduction en présence de houle oblique, γβ, seront présentés un
peu plus loin dans cette section. Dans le cas d'un talus de pente constante et lisse en houle per-
pendiculaire, ces facteurs sont tous égaux à un. Des valeurs ont été calculées pour les coefficients
A, B et C des Équations 5.8 et 5.9, qui représentent la tendance moyenne, μ, dans la totalité des
données utilisées dans les calculs probabilistes. Pour les calculs déterministes, il est suggéré d’uti-
liser des valeurs qui intègrent une marge de sécurité d’un écart type, σ. Le Tableau 5.1 présente
les deux valeurs pour chacun des trois coefficients A, B et C. Pour plus de renseignements sur
cette méthode, consulter le TAW (2002a).
A 1.75 1.65
B 4.3 4.0
C 1.6 1.5
Talus rugueux
Pour calculer le run-up de la houle sur les talus rugueux, il est possible d’utiliser soit des facteurs
de correction de la rugosité soit des formules explicitement calculées. À titre de première estima-
tion, il est possible d’utiliser l’approximation suivante : Ru2%/Hs < 2.3.
Le calcul du run-up sur des talus rugueux imperméables peut être basé sur les méthodes réser-
vées aux talus lisses énoncées ci-dessus en appliquant un facteur de réduction, γf, qui vient multi-
plier le run-up obtenu sur un talus lisse. Étant donné qu’il existe des différences entre les métho-
des consacrées aux talus lisses (p. ex. la définition de la période de la houle), les limites d’utilisa-
tion de ce facteur diffèrent pour les méthodes d'estimation d’Ahrens (1981) et d’Allsop et al.
(1985), par rapport à la méthode du TAW (2002a). À ce propos, se reporter à la note en dessous
du Tableau 5.2. Les coefficients de rugosité qui figurent au Tableau 5.2 sont extraits du Technical
Report on Wave Run-up and Overtopping at Dikes du TAW (2002a).
Le Tableau 5.10 de la Section 5.1.1.3 présente les coefficients de correction de rugosité pour des
talus en enrochement artificiel. Ils ont été déterminés pour les calculs de franchissement et
conviennent également pour une première estimation du run-up de la houle.
508 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
Notes :
1. Dans les méthodes utilisant l’Équation 5.7, le coefficient de rugosité, γf, n’est applicable que pour de petites 3
valeurs du paramètre de déferlement : ξp < 3 à 4, car aucune donnée n’est disponible pour des valeurs de ξp plus
grandes.
2. Dans la méthode du TAW, qui utilise les Équations 5.8 et 5.9, le coefficient de rugosité, γf, n’est applicable que
pour γbξm-1,0 < 1.8. Pour des valeurs plus importantes, ce coefficient augmente de façon linéaire jusqu’à 1 pour
γbξm-1,0 = 10 et reste égal à un pour des valeurs plus grandes.
4
• Talus rugueux - formules explicites
Plutôt que d’utiliser les facteurs de correction de rugosité, des formules explicites ont été éta-
blies à partir d’essais sur des talus rugueux en enrochement avec des noyaux perméables et
imperméables.
5
Pour la plupart des conditions de houle et des pentes d'ouvrages, un talus en enrochement dissipe
bien plus d’énergie de la houle qu’un talus équivalent lisse ou imperméable. En règle générale, le
run-up est donc réduit. Cette réduction dépend de la perméabilité de la carapace, du filtre et des
sous-couches, ainsi que de la cambrure de la houle, s (-). Pour obtenir une variante à l’utilisation
d’un facteur de correction de rugosité, le run-up a été mesuré sur des talus recouverts d’enroche-
ment naturel ou de rip-rap lors d'essais en laboratoire, en houle régulière ou aléatoire. Dans de
nombreux cas, on a opté pour un noyau relativement perméable. Les essais présentent donc sou-
6
vent une vaste gamme de résultats au sein de laquelle le concepteur doit interpoler.
L’analyse des résultats des essais effectués par Van der Meer et Stam (1992) a permis de détermi-
ner des formules d'estimation (Équations 5.10 et 5.11) pour des talus à carapace en enrochement
naturel avec un noyau imperméable, caractérisé par un coefficient de perméabilité nominale P
= 0.1 et pour des talus perméables d’une perméabilité relativement élevée, pour lesquelles P = 0.5
7
et 0.6. Le coefficient de perméabilité nominale, P (-), est présenté aux Sections 5.2.1.2 et 5.2.2.2.
Il faut noter que cette analyse repose sur ξm.
Le run-up pour des ouvrages perméables (P > 0.4) est limité à un maximum, donné par l’Équation 5.12: 9
(5.12)
Les valeurs des coefficients a, b, c et d des Équations 5.10 à 5.12 ont été déterminées pour diffé-
rents niveaux de dépassement du run-up. Elles sont présentées au Tableau 5.3. La dispersion
expérimentale de d est de l’ordre de 0.07. 10
CETMEF 509
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Run-up dépassé
a b c d
par n % des vagues
Les Équations 5.10 et 5.11 utilisent la période moyenne de la houle, Tm, alors que pour les talus
lisses, il s’agissait de la période moyenne énergétique de la houle, Tm-1,0 (Équations 5.8 et 5.9).
Les recherches du programme CLASH de l’UE ont démontré que pour de petites valeurs du
paramètre de déferlement, il y aurait une différence entre les valeurs de Ru,2% dans le cas de sous-
couches perméables et dans le cas de sous-couches imperméables. C’est pour cette raison que les
données initiales de Van der Meer et Stam (1992) ont été réanalysées, ce qui a conduit aux cour-
bes d'estimation présentées à la Figure 5.5.
La Figure 5.5 présente les résultats pour trois talus avec noyau imperméable et trois talus avec
noyau perméable ; chacun de ces noyaux est représenté par une courbe de prédiction. Par ailleurs,
une troisième courbe d'estimation a été ajoutée pour les talus lisses. La courbe correspondant à
un noyau imperméable est basée sur γf = 0.55 et la courbe correspondant à un noyau perméable
sur γf = 0.4 (voir également le Tableau 5.10). À partir de ξm-1,0 = 1.8, le coefficient de correction
de rugosité augmente de manière linéaire jusqu’à 1 pour ξm-1,0 = 10, puis il reste égal à 1 pour des
valeurs supérieures. Toutefois, dans le cas d’un noyau perméable, un maximum de Ru2%/Hs = 1.97
(voir le Tableau 5.1) est atteint.
Figure 5.5 Run-up relatif sur des talus en enrochement en fonction de la perméabilité du noyau,
déterminé à l’aide du paramètre de déferlement calculé à partir des valeurs spectrales
de la houle, ξm-1,0, et des Équations 5.8, 5.9 et 5.12.
510 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
Conditions particulières 1
Les effets de la houle oblique (au moyen du facteur de correction, γβ), de l'eau peu profonde (au
moyen du coefficient de réduction, γh), des talus à berme (au moyen du facteur de correction γb)
et des vagues induites par la navigation (avec des formules explicites) sur le run-up de la houle
sont présentés dans ce qui suit.
• Houle oblique
2
En cas de houle oblique, l’angle d’incidence de la houle, β (°), est défini comme l’angle formé par
la direction de propagation de la houle et l’axe perpendiculaire à l’ouvrage (pour une attaque
normale, β = 0°).
NOTE : l’angle d’incidence de la houle est l’angle obtenu après tout changement de direction de la
3
houle due à la réfraction sur les fonds en avant de l'ouvrage.
La plupart des recherches effectuées sur l’influence de l’incidence de la houle concerne des cas
de houle longue qui n’a pas de distribution directionnelle. Toutefois, dans la nature, la houle est
courte (seule la houle océanique peut être considérée comme longue), ce qui signifie que les crê-
tes des vagues ont une longueur finie et que la houle a une direction d’incidence moyenne. Cette 4
dispersion directionnelle de la houle courte affecte le run-up et les franchissements.
Les conclusions concernant la prise en compte de la houle oblique dans le calcul du run-up -
applicables à toutes les méthodes présentées - sont les suivantes :
• le run-up (et le franchissement) de la houle courte est maximal pour une incidence normale
de la houle ;
5
• le coefficient de réduction du run-up pour des angles d'incidence importants de la houle
courte n’est pas inférieur à 0.8, par rapport à un angle d’incidence nul.
L’Équation 5.13 donne le facteur de correction γβ pour les différentes méthodes de calcul du run-
up d’une houle courte oblique :
6
pour 0° ≤⏐β⏐≤80° (5.13)
Pour les angles d’incidence β > 80°, le calcul est effectué avec β = 80°.
NOTE : une houle oblique a une influence légèrement moins importante sur le run-up que sur les
franchissements. Voir les Équations 5.37 à 5.39. 7
• Eau peu profonde
En eau peu profonde, généralement définie par h/Hs-en pied < 3, où h est la profondeur d’eau au
pied de l’ouvrage (m), la distribution des hauteurs de la houle et le spectre énergétique de la
houle changent. La distribution des hauteurs de la houle, par exemple, s’écarte de la distribution 8
de Rayleigh (voir la Section 4.2.4). Il en résulte que H2%/Hs peut être inférieur à 1.4 (Rayleigh),
avec des valeurs habituellement comprises entre 1.1 et 1.4. Dans l’Équation 5.7, l’influence du
changement de distribution de la hauteur des vagues sur le run-up peut être exprimée par un
coefficient de réduction de profondeur, γh (-), calculé à partir de H2% et Hs au pied de l'ouvrage
selon l’Équation 5.14.
9
(5.14)
Les Équations 5.8 et 5.9 présentées par le TAW (2002a) sont basées sur des essais incluant des
essais en eau peu profonde. Cette méthode d'estimation est donc également applicable dans ce
domaine sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à un coefficient de réduction. Les effets de la
profondeur d'eau sur le run-up sont abordés par Van Gent (2001), par exemple.
• Talus à berme
Le TAW (2002a) propose une méthode pour prendre en compte l’influence des talus à berme sur
le run-up (et sur le franchissement) de la houle. Cette méthode est divisée en deux étapes :
NOTE : le facteur de correction, γb, est valide pour les méthodes d'Arhens (1981), Allsop et al.
(1985) et également pour la méthode du TAW (2002a).
La Figure 5.6 et l’Équation 5.15 montrent comment obtenir l’angle de talus représentatif, α, qui
est utilisé dans le calcul du paramètre de déferlement, nécessaire pour déterminer le run-up de la
houle (voir l’Équation 5.8).
Figure 5.6 Définition d’un angle de talus représentatif, désigné par tan α
(5.15)
NOTE : étant donné que l’Équation 5.15 contient le run-up Ru2%, qui est inconnu à ce stade, cette
valeur doit être déterminée à l’aide d’une approche itérative. La procédure standard est de com-
mencer par une valeur de Ru2% égale à 1.5Hm0 ou 2Hm0. Après avoir déterminé le paramètre de
déferlement ξm-1,0 = tanα/ sm-1,0 et par la suite le run-up grâce à l’Équation 5.8, il est nécessaire
de vérifier si l’écart par rapport à l’hypothèse de valeur initiale est acceptable ou pas.
Cette méthode est valable pour les bermes dont la largeur reste inférieure au quart de la longueur
d’onde de la houle au large, Lo (m), calculée dans cette méthode avec Tm-1, 0. Elle n’est également
valable que pour le calcul de l’influence des bermes dont la pente reste inférieure à 15/1, et les
bermes inclinées dans cet ordre de grandeur doivent être définies comme équivalentes à une
berme horizontale (Baprès = BB dans l’Équation 5.17), tel que présenté à la Figure 5.7. Si la pente
de la berme est supérieure à 15/1, il est suggéré de calculer le run-up (et le franchissement) de la
houle par interpolation entre la berme la plus raide (15/1) et un talus régulier (8/1), ou par inter-
polation entre les résultats pour une berme la plus longue possible (Lo/4) et les résultats prenant
en compte une eau peu profonde.
512 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
2
Figure 5.7 Définition de la largeur de berme, B, utilisée dans l’Équation 5.17, et de la hauteur d’eau au-
dessus de la berme, hB
Le facteur d’influence de la largeur de berme, kB, est calculé à l'aide de l’Équation 5.17, la lon-
gueur de berme, Lberme (m), est montrée à la Figure 5.8 : 3
(5.17)
5
Figure 5.8 Talus à berme
Avec l’approche du TAW (2002a), une berme positionnée au niveau de l’eau au repos est parti-
culièrement efficace. L’influence de la berme disparaît lorsqu’elle est située au-dessus du run-up,
Ru2%, ou lorsqu’elle se trouve à plus de 2Hm0 en dessous du niveau de l’eau au repos. L’influence
de la position de la berme peut être déterminée au moyen d’une fonction cosinus, dans laquelle 6
le cosinus est donné en radians, par l’Équation 5.18 :
(5.18)
où
x = Ru2% si la berme est au-dessus du niveau de l’eau au repos, soit 0 < hB < Ru2% ;
7
x = 2Hm0 si la berme est en dessous du niveau de l’eau au repos, soit 0 ≤ hB < 2Hm0 ;
kh = 1 si la berme est en dehors de la zone d’influence, soit hB ≤ -Ru2% ou hB ≥ 2Hm0.
NOTE : dans le cas où une berme se trouve au-dessus du niveau de l’eau au repos, il faut adopter
une approche itérative pour calculer la valeur finale du run-up de la houle, étant donné que ce 8
paramètre fait partie de l’Équation 5.16 (à travers l’Équation 5.18), pour déterminer le coefficient
de réduction en présence d’une berme, γb. La procédure standard est de commencer par une
valeur de Ru2%, égale à 1.5Hm0 ou 2Hm0, puis de vérifier le résultat du calcul afin de déterminer
si l’écart est acceptable ou pas. Pour plus de renseignements sur cette méthode, consulter le rap-
port du TAW (2002a).
9
• Vagues induites par la navigation
L’ensemble des relations empiriques suivantes a été élaboré pour le run-up des vagues induites
par la navigation (pour la définition des mouvements d'eau induits par la navigation, H et Hi, se
reporter à la Section 4.3.4). Les formules ont été calibrées pour des navires traditionnels circulant
sur les voies navigables intérieures néerlandaises et doivent être considérées comme spécifiques
à ce cas particulier (voir AIPCN, 1987). Des paramètres pour les vagues induites par la naviga-
10
CETMEF 513
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
tion similaires à ceux de la houle soulevée par le vent ont été utilisés. Le run-up des vagues indui-
tes par la navigation, Ru′, est exprimé en fonction d'un paramètre de déferlement, ξ, par les Équa-
tions 5.19 à 5.21 :
où ξ = tan α/ Hi /Li et Li est la longueur d’onde (m) égale à : 4/3 π Vs2/g (voir les Sections 4.3.4.2
et 5.2.2.2).
Étant donné le caractère spécifique des formules ci-dessus, leur fiabilité pour un cas arbitraire
peut être limitée.
Le run-up est maximal pour les crêtes d’interférences ou les ondes secondaires induites par la
navigation avec un angle d’incidence, β (°). Il peut être estimé à l’aide de l’Équation 5.22.
(5.22)
Cette Équation 5.22 est valable pour les talus de pente constante et lisse. Ainsi, pour obtenir le
run-up réel, il faut le multiplier par un coefficient de correction de rugosité, γf, et, le cas échéant,
par un coefficient de réduction en présence d’une berme, γb. Les valeurs classiques du coefficient
de correction de rugosité, γf, sont présentées au Tableau 5.2.
Run-down de la houle
Le niveau d’eau le plus bas atteint par la houle sur un talus est appelé run-down de la houle, Rd.
Celui-ci est défini verticalement par rapport au niveau de l’eau au repos et sera positif s’il est infé-
rieur au niveau de l’eau au repos, comme le montre la Figure 5.2. L’Encadré 5.1 contient des
informations sur le run-down de la houle.
Le run-down sur des talus lisses et de pente constante peut être calculé au moyen des Équations 5.23 et 5.24
pour ξp ≥ 4 (5.24)
Le run-down sur des talus perméables en enrochement est influencé par la perméabilité de l’ouvrage et
par le paramètre de déferlement. Pour une carapace en enrochement à granulométrie étalée ou pour un rip-
rap sur un talus imperméable, une expression simple (voir l’Équation 5.25) du run-down maximal, considéré
comme étant celui dépassé par 1 % des vagues, a été établie à partir d’essais menés par Thompson et
Shuttler (1975) :
(5.25)
L’analyse du run-down par Van der Meer (1988b) a donné une relation (Équation 5.26) qui inclut les effets de
la perméabilité de l’ouvrage, P (-), de l’angle du talus, α (°), et de la cambrure nominale de la houle, som (-) :
(5.26)
514 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
Le Tableau 5.4 présente également les volumes franchissants maximums critiques, Vmax (m3 par
mètre linéaire), qui peuvent avoir une importance bien plus grande que les débits critiques dans 3
certaines circonstances. Toutefois, sur la base d’hypothèses ou d’études spécifiques, le volume
franchissant maximal peut généralement être défini par le débit franchissant moyen. Les métho-
des d'estimation des volumes franchissants associés à des vagues individuelles, de même que les
informations sur les vitesses et l’épaisseur des lames d’eau au moment du run-up et du franchis-
sement de la houle sont relativement récentes. Quelques suggestions figurent à la fin de cette sec-
tion et à l’Encadré 5.4. 4
10
CETMEF 515
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
q Vmax
Débit franchissant moyen Volume franchissant
(m3/s par m) maximum (m3/m)
Piétons
Véhicules
Marinas
Dégâts importants sur de plus grands bateaux, voire naufrage q > 0.05 Vmax > 5 - 50
Bâtiments
Dégâts mineurs sur les installations etc. 1·10-6 < q < 3·10-5
Digues à talus
Dégâts si le talus arrière n’est pas protégé 0.02 < q < 0.05
516 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
Approche fondamentale 1
Les méthodes de calcul du franchissement de la houle reposent généralement sur des formules
de type exponentiel dans lesquelles le débit franchissant spécifique moyen, q (m3/s par m) est
donné par l’Équation 5.27 :
(5.27)
2
Dans cette équation, les coefficients A et B dépendent, selon la méthode employée, de paramè-
tres qui se rapportent à l’ouvrage, tels que l’angle du talus, la largeur de la berme, etc. Le franchis-
sement est également fonction de la revanche de la crête, Rc, définie comme la hauteur de la crête
au-dessus du niveau de l’eau au repos considéré.
NOTE : dans la littérature, on utilise également le symbole Q pour représenter le débit franchis-
3
sant ; dans ce guide, Q désigne le débit total (m3/s) et q le débit spécifique (m3/s par m).
Comme pour le run-up de la houle, il existe différentes méthodes pour prédire le franchissement
en fonction des types d’ouvrages hydrauliques (talus lisses ou rugueux, perméables ou imperméa-
bles), basées sur l’Équation 5.27. Il est également possible de prendre en compte des situations
plus complexes, telles qu'une houle oblique, une eau peu profonde ou une berme dans le talus, 4
soit en utilisant des facteurs de correction soit par le biais de formules explicites. Ces différentes
méthodes d'estimation du franchissement sont liées, comme l’indique la Figure 5.9.
Il est conseillé à l’utilisateur des formules de franchissement présentées dans cette section d’en
vérifier tout d’abord la validité dans le domaine de l’application désirée. Si plus d’une formule est
considérée comme valide, il est conseillé d’effectuer une analyse de sensibilité sur le choix de la 5
formule. Celle-ci doit être choisie selon que, pour une application spécifique, il est nécessaire
d’avoir une estimation sécuritaire ou optimale (une moyenne).
6
Talus lisses :
7
Talus rugueux avec mur de
Talus rugueux – facteurs de
couronnement – formules
correction
explicites
8
Conditions spéciales – facteur de correction Conditions spéciales – formules explicites
• houle oblique – Besley (1999), TAW (2002,a) • digues à berme reprofilable – Lissey (1993)
• talus à berme (p. ex. pour la méthode TAW)
• houle océanique – méthode d'Owen
(Hawkes et al., 1998)
9
Figure 5.9 Méthodes de calcul du franchissement de la houle
NOTE : en dehors des méthodes analytiques présentées à la Figure 5.9 et développées ultérieure-
ment, il est également possible de faire appel à des réseaux neuronaux, qui sont l’un des résultats
du projet de recherche CLASH de l’UE. L’Encadré 5.2 contient plus d’informations à ce sujet. 10
CETMEF 517
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Encadré 5.2 Approche particulière : utilisation des résultats d'une modélisation par réseau neuronal
En dehors des méthodes d'estimation générales pour des ouvrages types, il est possible d'utiliser les outils
de modélisation par réseau neuronal développés dans le cadre du projet de recherche européen CLASH.
Ceci s'applique en particulier aux ouvrages non-standard, voir Pozueta et al. (2004). Le nombre important de
paramètres influençant le franchissement des ouvrages côtiers complique la description des principaux
effets. Pour de tels phénomènes où les interrelations entre les paramètres ne sont pas claires, la modélisa-
tion par réseau neuronal peut être une alternative adéquate. Les réseaux neuronaux sont des techniques
d'analyse ou d'assimilation de données communément utilisées en intelligence artificielle. Les réseaux neu-
ronaux sont souvent utilisés comme des techniques de régression généralisées pour la modélisation des rela-
tions de cause à effet. Cette technique a souvent été mise en œuvre avec succès dans le passé pour résou-
dre des problèmes de modélisation complexes dans les domaines scientifique et technique.
Un réseau neuronal a été établi à partir d'une base de données comprenant plus de 10 000 résultats d'essais
sur le franchissement. L'utilisateur peut également estimer le franchissement d'ouvrages côtiers non-standard
– voir Van der Meer et al. (2005).
Talus lisses
Pour calculer le franchissement de talus lisses et imperméables, deux méthodes d'estimation sont
présentées ici : 1) la méthode proposée par Owen (1980) et 2) la méthode de Van der Meer, expo-
sée dans le rapport du TAW (2002a). La principale différence entre ces deux méthodes réside
dans le domaine de validité relatif à la cambrure de la houle et au paramètre de déferlement, ce
qui est précisé plus loin. Ces méthodes ont été établies pour des débits franchissant spécifiques,
q, variant de 0.1 l/s/ml à 10 l/s/ml environ. En cas de débit moindre, Hedges et Reis (1998) ont éla-
boré un modèle basé sur la théorie de franchissement en houle régulière.
Pour calculer le débit franchissant moyenné sur le temps pour des talus lisses, la revanche adi-
mensionnelle, R* (-), et le débit franchissant spécifique adimensionnel, Q* (-), ont été déterminés
par Owen (1980) grâce aux Équations 5.28 et 5.29 et en utilisant la période moyenne de la houle,
Tm (s), et la hauteur significative de la houle, Hs (m), au pied de l'ouvrage :
(5.28)
(5.29)
L’Équation 5.30 donne la relation entre les paramètres adimensionnels définis dans les Équations
5.28 et 5.29.
(5.30)
où a et b sont des coefficients calculés de manière empirique qui dépendent de la section de l'ou-
vrage, et γf est un facteur de correction de rugosité, similaire à celui utilisé pour calculer le run-
up de la houle (voir la Section 5.1.1.2).
L’influence d’une berme n’est pas prise en compte en utilisant un facteur de correction (comme
dans le cas du run-up), mais au moyen de coefficients a et b appropriés (voir le Tableau 5.6) ; et
l'influence d'une houle oblique n'est pas considérée en utilisant un facteur de correction comme
cela est le cas pour le run-up, mais par le biais d'un rapport de franchissement, qβ /q (voir les
Équations 5.37 et 5.38). L’introduction du facteur de correction γf ≤ 1, implique dans la pratique
une réduction de la revanche requise, Rc (m). Pour les talus lisses soumis à une incidence normale
de la houle et en eau profonde, le facteur de correction γf est égal à 1.0.
518 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
NOTE : l’Équation 5.28 est valable pour 0.05 < R* < 0.30 et pour des variations limitées de cam- 1
brure de la houle : 0.035 < som < 0.055, où som = 2πHs/(gTm2), voir Hawkes et al. (1998). De récents
résultats d’essais, rapportés par Le Fur et al. (2005), indiquent que le domaine de validité de la
méthode d’Owen peut être étendu à : 0.05 < R* < 0.60.
Owen (1980) a appliqué l’Équation 5.30 à des talus lisses et de pente constante et à des talus lis-
ses à berme.
2
Pour les talus lisses et de pente constante, les valeurs de a et b à utiliser dans l’Équation 5.30 sont
données au Tableau 5.5. Ces valeurs ont été légèrement revues depuis l’époque où Owen les avait
recommandées, après la publication de nouveaux résultats d'essais dans le Manual on
Overtopping of Seawalls (guide sur le franchissement des ouvrages de haut de plage) de l’Agence
britannique de l’environnement (Besley, 1999).
3
Pour étendre le domaine d'application de la méthode d’Owen, Le Fur et al. (2005) ont calculé des
coefficients pour des talus de pente 6/1, 8/1, 10/1 et 15/1 (voir le Tableau 5.5). Étant donné que ces
coefficients ont un plus haut degré d’incertitude, leur utilisation est déconseillée pour des calculs
précis, mais ils peuvent convenir à une estimation préliminaire.
Il a été découvert que la méthode de prédiction pour les talus de pente 10/1 et 15/1 pouvait être 4
améliorée lorsque la hauteur de la houle incidente était corrigée en hauteur de la houle en zone de
shoaling avant déferlement. Une propagation linéaire a été appliquée à la houle incidente
jusqu’au point de déferlement, mais pas au-delà (voir la Section 4.2.4.7). Cette hauteur de houle
ajustée a ensuite été utilisée pour déterminer Q* et R* à l’aide de la méthode d’Owen et des coef-
ficients du Tableau 5.5.
5
Pour calculer cet ajustement, on suppose que les vagues doivent parcourir jusqu’à 80 % de la lon-
gueur d’onde de la houle locale, L, avant d’achever leur processus de déferlement. Si la distance
horizontale depuis le pied de l’ouvrage jusqu’à la surface de l’eau au repos sur le talus de l’ou-
vrage est supérieure à 0.8 L, la hauteur de la houle incidente doit alors être ajustée par un coef-
ficient de shoaling approprié jusqu’à cette position avant que R* ne soit calculé.
Pente a b
1/1 7.94·10 -3 20.1
3/2 8.84·10 -3 19.9 7
2/1 9.39·10-3 21.6
5/2 1.03·10-2 24.5
3/1 1.09·10-2 28.7
7/2 -2 34.1
1.12·10
4/1 1.16·10 -2 41.0 8
9/2 -2 47.7
1.20·10
5/1 1.31·10-2 55.6
6/1*) 1.0·10-2 65
8/1*) 1.0·10-2 86
10/1*) 1.0·10 -2 108 9
15/1*) 1.0·10 -2 162
Note : les valeurs signalées par *) présentent un degré d’incertitude supérieur à celui des autres, voir Le Fur et al. (2005)
10
CETMEF 519
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Figure 5.10 Débits franchissant pour des talus lisses et de pente constante, en utilisant Q* et R*
Owen (1980) a également ajusté l’Équation 5.30, toujours en utilisant la période moyenne de la
houle, Tm, aux profils lisses à berme figurant à la Figure 5.11. Le Tableau 5.6 présente les valeurs
correspondantes de a et de b pour une série de combinaisons de pentes, de hauteurs d’eau au-des-
sus de la berme, hB, et de largeurs de berme, BB, comme l’a rapporté Besley (1999).
NOTE : il est fortement déconseillé d’essayer d’utiliser ces valeurs pour des géométries d’ouvrages
autres que celles qui sont indiquées à la Figure 5.11. Même pour les configurations de bermes
données, ces valeurs ne doivent être utilisées que pour des estimations préliminaires.
NOTE : la méthode du TAW, abordée plus loin dans cette section, peut également être utilisée pour
calculer le franchissement de talus à berme.
520 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
Tableau 5.6 Valeurs des coefficients a et b de l’Équation 5.30 pour les talus lisses à berme 1
(voir également la Figure 5.11)
(5.31)
Il a été découvert que la méthode d’Owen (Équations 5.28 à 5.30) n'était strictement applicable
qu'aux vagues plongeantes, définies par Hawkes et al. (1998) comme étant caractérisées par ξm 8
< 2.5. Dans d’autres conditions, on peut prédire le débit franchissant en le corrigeant au moyen
du facteur d’ajustement, F (-), dont des valeurs indicatives sont données au Tableau 5.7.
Tableau 5.7 Facteur d’ajustement dans des conditions de faible cambrure de la houle
Dans le rapport du TAW (2002a), le franchissement est exprimé par deux formules développées
par Van der Meer : l’une pour les vagues déferlantes (γb ξm-1,0 < ≈ 2), pour lesquelles le franchis-
sement de la houle augmente avec l’accroissement du paramètre de déferlement, et l’autre pour
les vagues non-déferlantes (γb ξm-1,0 > ≈ 2), pour lesquelles le franchissement maximal est atteint.
Les relations complètes entre le débit franchissant spécifique moyen adimensionnel, q (m3/s par
m), et les paramètres hydrauliques et structurels dimensionnant sont données aux Équations 5.32
et 5.33. Ces formules sont applicables à une vaste gamme de conditions de houle.
(5.32)
avec un maximum (pour la houle non-déferlante, généralement atteint lorsque γb ξm-1,0 > ≈ 2) :
(5.33)
où γb, γf et γβ sont des facteurs de correction pour prendre en compte la présence de berme, de la
rugosité du talus et de l'angle d'incidence de la houle, et ξm-1,0 est le paramètre de déferlement
local calculé à partir de la hauteur significative spectrale, Hm0, et de la période énergétique
moyenne, Tm-1,0, toutes deux issues du spectre de la houle en pied d'ouvrage.
De la même manière que pour la méthode de calcul du run-up par le TAW (voir la Section
5.1.1.2), les valeurs des coefficients A, B, C et D des Équations 5.32 et 5.33 ont été calculées, ils
représentent la tendance moyenne de la totalité des données utilisées dans les calculs probabilis-
tes. D’autres valeurs (pour les paramètres B et D), incluant une marge de sécurité de 1σ, sont sug-
gérées à des fins déterministes. Ces valeurs sont présentées au Tableau 5.8. Pour plus de rensei-
gnements sur cette méthode, consulter le rapport du TAW (2002a).
Tableau 5.8 Valeurs des coefficients A, B, C et D dans les Équations 5.32 et 5.33
Coefficients Valeurs avec marge de sécurité Valeurs sans marge de sécurité - tendance
des Eqs 5.32 et 5.33 (μ-σ) - calculs déterministes moyenne/calculs probabilistes
A 0.067 0.067
B 4.30 4.75
C 0.20 0.20
D 2.30 2.60
NOTE : la méthode du TAW utilise la hauteur significative spectrale de la houle, Hm0, et la période
énergétique moyenne de la houle, Tm-1,0 (déduite du spectre de la houle en pied d'ouvrage), sur
la base des recherches de Van Gent (2001, 2002). Cette période de la houle est utilisée dans le cal-
cul du nombre d’Iribarren, ξm-1,0. L’analyse spectrale de la houle est abordée à la Section 4.2.4 et
une règle simple d’estimation de Tm-1,0 est donnée à la Section 5.1.1.1.
Comme pour l’équation d’Owen, des facteurs de correction sont utilisés dans la méthode du TAW
(Équations 5.32 et 5.33) afin de tenir compte de diverses situations plus complexes. Ces facteurs,
représentés par le symbole γ, sont définis plus loin dans cette section lorsque les conditions qui
les concernent sont abordées.
L’Encadré 5.3 donne un exemple de calcul du débit franchissant de la houle moyenné sur le
temps à l’aide de la méthode du TAW.
L’Encadré 5.4 compare la méthode d’Owen et la méthode du TAW grâce à un exemple de calcul.
522 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
4
Figure 5.12 Franchissement de la houle en fonction du paramètre de déferlement (talus de pente 3/1)
Encadré 5.4 Comparaison entre la méthode d’Owen (1980) et la méthode du TAW (2002a) pour le
franchissement
5
Par exemle, pour un talus à berme dont les parties supérieure et inférieure sont lisses et de pente 4/1, les deux
méthodes de calcul du débit franchissant moyenné sur le temps, q (m3/s par m) sont présentées ci-dessous.
Les données hydrauliques de base sont les suivantes : incidence normale de la houle, eau relativement pro-
fonde : H1/3 = 2.0 m ; Hm0 = 2.1 m ; Tm = 6 s ; Tm-1,0 = 6.5 s (typique d’une mer de vent). Les données structu-
relles sont les suivantes : Rc = 4 m ; largeur de berme, BB = 10 m ; hauteur d’eau au-dessus de la berme, hB
= 1 m (c’est-à-dire berme au-dessous du niveau de l’eau au repos) ; tan α = 1/4 (pentes supérieure et infé-
rieure) ; hauteur d’eau devant l’ouvrage, hs = 4 m. 6
Méthode d’Owen Méthode du TAW
Q* = a exp(-b R*) = 2·10-6 (voir l’Équation 5.30) Facteur A = 0.067 ; facteur B = 4.3 (voir le Tableau 5.8)
q = 118 Q* = 0.2 l/s par m (voir l’Équation 5.29) q = 0.15 l/s par m (voir l’Équation 5.32) 8
La différence entre les résultats des calculs du débit franchissant spécifique pour chacune des deux métho-
des est minime. Ceci est principalement dû au fait que cet exemple entre bien dans le domaine de validité de
la méthode d’Owen. C’est surtout pour des valeurs de ξ plus importantes que les différences seront plus mar-
quées. Les deux méthodes ont des domaines d’application qui se chevauchent, mais elles ont également
leurs propres domaines de validité, qui doivent être pris en compte lorsqu’on les utilise.
NOTE : pour des configurations du talus avant différentes, en particulier en présence d'enrochement naturel
9
de blocométrie standard ou de d'autres types de carapace (avec ou sans couronnement), le calcul s'appuyant
sur les méthodes d'Owen ou du TAW est similaire à celui exposé ci-dessus pour les talus lisses. Les effets de
la rugosité du talus et de la perméabilité de l'ouvrage sont couverts par un facteur de correction, γf (voir les
Équations 5.30 pour Owen et 5.32 pour le TAW). La même méthode s'applique à l'influence de l'incidence de
la houle : soit le facteur de correction (γβ pour la méthode du TAW) ou le rapport de franchissement (pour la
méthode d'Owen). L'influence du mur du couronnement est couverte par l'application d'un coefficient spécifi-
que (pour la méthode d'Owen, voir le Tableau 5.11). 10
CETMEF 523
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Le TAW (2002a) propose une formule distincte pour estimer le franchissement en eau peu ou très
peu profonde, car ces conditions peuvent induire des valeurs importantes du paramètre de défer-
lement pour lesquelles le franchissement de la houle sera supérieur à celui qui a été calculé au
moyen des Équations 5.32 et 5.33. La formule du franchissement de la houle en eau peu ou très
peu profonde, avec ξm-1,0 > 7, est donnée par l’Équation 5.34.
(5.34)
NOTE : dans cette Équation 5.34, il est également fait usage de la hauteur significative spectrale de
la houle, Hm0 (m), et de la période énergétique moyenne de la houle, Tm-1,0 (s), pour calculer le
paramètre de déferlement ξm-1,0.
Les Équations 5.32 et 5.33 sont valables pour des conditions allant jusqu’à ξm-1,0 ≅ 5. Lorsque
5 < ξm-1,0 < 7, il est suggéré d’interpoler entre les résultats obtenus avec les Équations 5.32 ou 5.33
et les résultats obtenus avec l’Équation 5.34.
NOTE : il est possible de rencontrer des valeurs supérieures du paramètre de déferlement en cas de
talus très raide (2/1 ou plus) en eau relativement profonde – à vérifier avec le rapport
profondeur/hauteur de la houle : h > 3 Hs-en pied. Dans ce cas, les Équations 5.32 et 5.33 peuvent être
utilisées.
Talus rugueux
Dans le cas de talus rugueux imperméables, la méthode d’Owen (1980) et celle du TAW (2002a)
pour les talus lisses peuvent toutes deux être utilisées pour calculer le franchissement, en y inté-
grant un facteur de correction tenant compte de la rugosité du talus. Des valeurs légèrement dif-
férentes ont été rapportées pour le coefficient de correction de rugosité, γf, par Besley (1999) et
par le TAW (2002a), pour les méthodes d’Owen et du TAW, respectivement. Le Tableau 5.9 pré-
sente les deux séries de coefficients de rugosité. Les valeurs du TAW sont également applicables
524 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
au run-up de la houle et sont identiques aux valeurs énumérées dans le Tableau 5.2. Les valeurs 1
du coefficient de rugosité ont été calculées à l’origine pour des talus simples, mais elles peuvent
également être appliquées de façon sécuritaire à la méthode d’Owen portant sur les talus à
berme.
Tableau 5.9 Valeurs du coefficient de réduction de rugosité, γf selon Besley (1999) et TAW (2002a)
2
γf selon la γf selon la
Type d’ouvrage méthode Type d’ouvrage méthode de
d’Owen TAW
10
CETMEF 525
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Tableau 5.10 Valeurs du coefficient de réduction de rugosité, γf, pour les ouvrages perméables
(Pearson et al., 2004)
Cube 2 0.47
Cube 1 0.50
HARO 2 0.47
Tétrapode 2 0.38
Dolos 2 0.43
ACCROPODE 1 0.46
CORE-LOC 1 0.44
Xbloc 1 0.45
Seabee 1 0.50
Shed 1 0.50
Note : pour la méthode du TAW, le coefficient de réduction de rugosité, γf, n’est applicable que pour γbξm-1,0 < ≈ 2.
Pour des valeurs plus grandes, ce coefficient croît de manière linéaire jusqu’à 1 pour γbξm-1,0 = 10 puis reste égal à
1 pour des valeurs supérieures.
Stewart et al. (2003) ont également effectué des essais pour étudier le franchissement des talus en
enrochement perméables. Pour la méthode d’Owen, ils sont arrivés à des valeurs de γf = 0.54 et
0.48 pour des carapaces en enrochement en simple et double couche, respectivement, placées sur
des ouvrages au noyau perméable. Ces valeurs sont légèrement en dessous des limites inférieures
données au Tableau 5.9, ce qui indique que les valeurs du Tableau 5.9 peuvent être appliquées de
façon sécuritaire aux estimations de franchissement sur des ouvrages perméables. Les résultats
ont également été comparés à la méthode d'estimation du TAW, pour laquelle le Tableau 5.10
donne des valeurs dans le cas de carapaces en double couche. Dans cette analyse, des valeurs de
γf = 0.50 et 0.43 ont été trouvées pour des carapaces en simple et double couche, respectivement,
placées sur des ouvrages au noyau perméable, avec γbξm-1,0 < ≈ 2. Ces résultats ont été obtenus à
partir d’essais effectués sur des modèles de talus de pente 3/2, 2/1 et 3/1 ; ils sont raisonnablement
comparables aux données du Tableau 5.10.
Il est souvent impossible de construire un talus à carapace sans ouvrage de crête ou de mur de cou-
ronnement destiné à retenir la carapace, ce qui peut à son tour modifier les résultats de franchis-
sement. Pozueta et al. (2005) décrivent un outil à réseau neuronal qui peut servir à estimer le débit
franchissant sur ces ouvrages - y compris ceux dont la configuration est complexe (voir également
l’Encadré 5.2). Les prochaines versions des guides sur le franchissement du TAW et de l’Agence
britannique de l’environnement donneront plus de précisions sur ces méthodes complexes.
Dans cette section, quelques formules explicites simples sont données pour différentes coupes d'ou-
vrage avec des éléments de crête spécifiques. Des informations sur les facteurs de correction rela-
tifs aux éléments de crête sont disponibles dans Besley (1999) et dans le rapport du TAW (2002a).
Pour les murs de couronnement bas, les résultats des essais de Bradbury et al. (1988) peuvent être
utilisés pour obtenir des estimations sur l’influence des conditions de houle et de la revanche rela-
tive, Rc /Hs (-). Les résultats des essais ont été utilisés pour déterminer les valeurs des coefficients
526 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
d'une relation empirique. Pour affiner l'ajustement, Bradbury et al. (1988) ont réexaminé le para- 1
mètre d’Owen R* qui a été remplacé par F* (-), au moyen de l’Équation 5.35 suivante :
(5.35)
Le Tableau 5.11 donne les valeurs des coefficients a et b (-) pour les coupes présentées à la Figure
5.13. Là encore, il convient de prendre toutes les précautions nécessaires lors de l’utilisation des
valeurs de a et b pour les ouvrages qui diffèrent de ceux qui sont présentés à la Figure 5.13.
3
Tableau 5.11 Coefficients a et b dans l’Équation 5.36 pour les coupes de la Figure 5.13
Profil Pente a b
Figure 5.13 Ouvrages en enrochement avec mur de couronnement peu élevé franchis par la houle
Goda (2000) a présenté des données complètes sur le franchissement des ouvrages mixtes. Il a
montré que, outre les conditions de houle, la largeur, Ba, de la crête en enrochement naturel et 8
surtout la revanche, Rc, du mur de couronnement (Figure 5.14) sont des paramètres majeurs dans
la détermination du débit franchissant.
Les essais menés par Bradbury et al. (1988) et par Aminti et Franco (1989) ont servi à détermi-
ner les valeurs des coefficients a et b utilisés dans l’Équation 5.36, pour les coupes présentées à
la Figure 5.14. Bien que les deux études se basent sur des géométries d’ouvrages légèrement dif- 9
férentes, leurs résultats ont été combinés pour donner les coefficients du Tableau 5.12. En ce qui
concerne les valeurs de débit associées, il faut noter que les données in situ indiquent des varia-
tions considérables en termes de débit adimensionnel, Q* (Goda, 2000). Exprimée sous forme de
coefficient, cette amplitude de variation peut être approximativement décrite comme allant de
0.1 à 5, mais est plus importante (0.05 à 10) pour les petits débits, par exemple Q* < 1.0·10-4. Ceci
confirme la faible fiabilité des coefficients ajustés dans ce type de relation. 10
CETMEF 527
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Tableau 5.12 Coefficients a et b de l’Équation 5.36 pour les profils de la Figure 5.14
Note : ces valeurs doivent être utilisées avec précaution. La comparaison avec les données in situ montre un fort
degré de variabilité.
Figure 5.14 Profils testés par Aminti et Franco (1989) et Bradbury et al. (1988)
Conditions particulières
Les effets de la houle oblique (au moyen du facteur de correction, γβ), des talus à berme (au
moyen du facteur de correction, γb) et des digues à berme reprofilables (avec une formule expli-
cite) sur le franchissement de la houle sont brièvement présentés dans ce qui suit.
• Houle oblique
L’influence de l’incidence de la houle sur les débits franchissants diffère légèrement de celle sur
le run-up. Des méthodes différentes de calcul du coefficient de réduction en présence de houle
oblique sont applicables : par le biais du rapport de franchissement, qβ /q, comme rapporté par
Besley (1999) et par le biais du facteur de correction, γβ, comme rapporté par le TAW (2002a)
pour les méthodes d’Owen et du TAW, respectivement.
528 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
Méthode d’Owen : les formules suivantes (Besley, 1999) expriment ce coefficient de réduction 1
applicable au franchissement par Owen. L’Équation 5.37 est valable pour les talus sans berme et
l’Équation 5.38 a été mise au point pour les profils à berme.
2
pour talus à berme et 0° ≤⎥β⎥≤ 60° (5.38)
Pour les angles supérieurs à 60°, il est suggéré d’utiliser les résultats des Équations 5.37 et 5.38
pour β = 60°. Après avoir estimé le débit franchissant spécifique moyen, q (m3/s par m) pour une
incidence normale de la houle, le débit franchissant en houle oblique, qβ (m3/s par m), est calculé 3
en utilisant les Équations 5.37 ou 5.38.
Méthode du TAW : une expression similaire (voir l’Équation 5.39) du coefficient de réduction en
présence de houle oblique est proposée par le TAW (2002a). Elle est applicable aux formules de
franchissement du TAW (Équations 5.32 à 5.34) :
4
pour 0° ≤⎥β⎥≤ 80° (5.39)
Pour les angles d’incidence supérieurs à 80°, il est possible d’appliquer le résultat obtenu avec
β = 80°.
NOTE : une houle oblique a une influence légèrement plus importante sur les débits franchissants
5
que sur le run-up (voir l’Équation 5.13).
• Talus à berme
Pour la méthode d’Owen (1980), des valeurs particulières des coefficients a et b de l’Équation
5.30 ont été calculées pour les talus lisses à berme. Ces valeurs sont données au Tableau 5.6. 6
Pour inclure les talus à berme dans la méthode de calcul du franchissement donnée par le TAW
(2002a), il est possible d’utiliser la même méthode que celle qui a été présentée dans le cas du
run-up (voir la Section 5.1.1.2).
(5.40) 8
NOTE : pour estimer les franchissements des digues à berme reprofilables, il existe une autre appro-
che qui consiste à appliquer le coefficient de réduction de rugosité, γf (Tableau 5.10), associé à la
méthode du TAW pour le calcul du franchissement.
(5.41) 10
CETMEF 529
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
où P(V) = P(V < V) est la probabilité qu’un certain volume V n'excédera pas un volume donné
V (m3 par m), a un coefficient d’échelle (m3 par m) et b un coefficient de forme (-).
Le volume franchissant maximal critique, Vmax (m3 par m), au cours d’une séquence de N vagues
incidentes, est donné par l’Équation 5.42. Il est à noter que la durée de la tempête ou de la
période étudiée est Tr = NTm, où Tm est la période moyenne de la houle (s).
(5.42)
où Nov est le nombre de vagues franchissantes (-), sur un total de N vagues incidentes au cours
d’une période étudiée donnée NTm (s).
Besley (1999) propose des valeurs pour les coefficients a et b des Équations 5.41 et 5.42 applica-
bles aux ouvrages de défense contre la mer, en utilisant le débit franchissant moyen calculé à
l’aide de la méthode d’Owen. Les Équations 5.43 et 5.44 présentent la relation entre le coefficient
a et les paramètres à prendre en compte : période de la houle, débit spécifique et proportion des
vagues qui franchissent l'ouvrage. Les valeurs de a et de b dépendent de la cambrure réelle de la
houle, sop. Pour des valeurs de cambrure de la houle comprises entre 0.02 et 0.04, il est suggéré
d’interpoler entre ces résultats.
où sop est, dans ce cas particulier, la cambrure réelle au large (-), calculée à partir de la hauteur signi-
ficative de la houle au large, Hso (m), et la période de pic, Tp (s), sop = Hso/Lop = 2πHso/(gTp2) ; Lop
est la longueur d'onde au large associée à la période de pic (m).
Dans Besley (1999), la proportion de vagues franchissant une digue - ou la probabilité de fran-
chissement par vague - est donnée par l’Équation 5.45, valable pour 0.05 < R* < 0.3 :
(5.45)
où
R* = revanche adimensionnelle, voir l’Équation 5.28 ;
γf = coefficient de rugosité (-), voir le Tableau 5.9 ;
C = coefficient dépendant de la pente du talus ; C = 38 pour 2/1 et C = 110 pour 4/1, voir
Besley (1999) pour plus de détails.
Le TAW (2002a) suggère une valeur de b = 0.75 pour le coefficient de forme et pour le coefficient
d’échelle, a, l'Équation 5.46, utilisant le débit franchissant moyen calculé par la méthode du TAW :
(5.46)
(5.47)
L’Équation 5.47 est valable pour des situations dans lesquelles la distribution du run-up de la
houle suit la distribution de Rayleigh. Dans ce cas, le run-up dépassé par 2 % des vagues, Ru2%,
peut être calculé au moyen des Équations 5.8 et 5.9.
530 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
Encadré 5.5 Vitesses et épaisseur des lames d’eau et volumes franchissant par vague
2
Van Gent (2003) et Schuttrümpf et Van Gent (2004) proposent les Équations 5.48 et 5.49 pour le run-up de
la houle, en tenant compte d’une transition continue entre le déferlement plongeant et le déferlement frontal.
ξs-1,0 ≥ p
pour (5.49)
3
où Hs est la hauteur significative de la houle (c’est-à-dire H1/3 d’après l’analyse dans le domaine temporel) en
pied d’ouvrage ; c0 et c1 sont des coefficients (-) qui dépendent du run-up (voir le Tableau 5.13),
ξs-1,0 = tan α /√ 2 π Hs /(gTm-1,02), p est une valeur de transition explicitée ci-dessous et γ (= γf γβ) est un coef-
ficient de réduction (-) qui tient compte des effets de l’incidence oblique de la houle, γβ, et de la rugosité du
talus, γf.
Une analyse mathématique (c’est-à-dire la continuité de Ru2% et son calcul par rapport à ξs-1,0) permet de
déterminer les valeurs relatives des autres coefficients : c2 = 0.25 c12/c0 et p = 0.5 c1/c0. Le Tableau 5.13 donne
les valeurs des coefficients c0 et c1 pour divers niveaux de dépassement.
4
Tableau 5.13 Coefficients utilisés dans les estimations de run-up utilisant Hs et Tm-1,0
(Équations 5.48 et 5.49)
Run-up c0 c1
L’Équation 5.50, déterminée par Schüttrumpf et Van Gent (2004) donne la relation entre la vitesse du run-
up, u (m/s), et le run-up, Ru2% (m), la hauteur significative de la houle Hs et la rugosité du talus, γf (-).
L’Équation 5.51 donne la relation entre l’épaisseur de la lame d’eau, h (m), et les mêmes paramètres de la 6
houle et rugosité du talus.
(5.50)
7
(5.51)
où z est la position (hauteur verticale) sur le talus côté mer par rapport au niveau de l’eau au repos (m). Les
coefficients utilisés dans les Équations 5.50 et 5.51 ont été déterminés par différents essais sur modèle ;
ca,u′ = 1.37 et ca,h′ = 0.33 sont tirés des travaux de Schüttrumpf et ca,u′ = 1.30 et ca,h′ = 0.15 ont été établis par
Van Gent (2003). Les écarts entre les résultats s’expliquent par différentes configurations de modélisation et
différents programmes d’essais. 8
Schüttrumpf et al. (2003), Van Gent (2003) et Schüttrumpf et Van Gent (2004) utilisent les Équations 5.52 et
5.53 pour estimer les vitesses, u2%, et l’épaisseur des lames d’eau, h2%, à la crête :
(5.52)
9
(5.53)
où les coefficients proposés cc,u′ = 1.37 et cc,u′′ = 0.50 sont basés sur les travaux de Schüttrumpf et al. (2003)
et cc,u′ = 1.30 et cc,u′′ = 0.5 sur ceux de Van Gent (2003). Dans l’Équation 5.53, cc,h′= 0.33 et cc,h′′ = 0.89 sont
basés sur les travaux de Schüttrumpf et al. (2003) et cc,h′ = 0.15 et cc,h′′ = 0.40 sur ceux de Van Gent (2003).
10
CETMEF 531
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Encadré 5.5 Vitesses et épaisseur des lames d’eau et volumes franchissant par vague (suite)
Les mêmes coefficients peuvent être utilisés pour prédire la vitesse et l’épaisseur dépassées par 1 % ou 10 %
des vagues en utilisant les run-up correspondant dans ces formules. Les coefficients proposés par Van Gent
(2003) donnent dans la plupart des cas des estimations plus sécuritaires des vitesses côté terre de la crête
que les coefficients proposés par Schüttrumpf et al. (2003). Les coefficients proposés par Schüttrumpf et al.
(2003) pour l’épaisseur des lames d’eau donnent dans la plupart des cas les estimations les plus sécuritaires.
Dans les Équations 5.52 et 5.53, la position sur la crête de la digue est représentée par le paramètre de posi-
tion, x (m), qui est égal à 0 du côté mer de la crête. La largeur de la crête est notée B (m) et fc est le coeffi-
cient de frottement de la crête (-), variant entre fc = 0.02 pour une surface lisse (Van Gent, 1995) et fc = 0.6
pour une surface rugueuse (Cornett et Mansard, 1995).
Van Gent (2003) et Schüttrumpf et Van Gent (2004) ont proposé les Équations 5.54 et 5.55 pour exprimer les
vitesses, u (m/s), et l’épaisseur des lames d’eau, h (m), sur le talus arrière :
(5.54)
(5.55)
(5.56)
où cv′ est un coefficient égal à 1.0 (-) et γf-c est le coefficient de réduction de rugosité sur la crête (-).
Les formules présentées dans cet encadré ont été principalement calculées pour des ouvrages imperméa-
bles avec des talus lisses et des talus rugueux. Toutefois, ces équations peuvent également être utilisées
comme estimations préliminaires des coefficients pour les talus en enrochement.
Les domaines de validité des formules de cet encadré sont limités à :
Franchissement sur prototype par rapport aux résultats des formules de calcul
L’Encadré 5.6 contient des informations sur la comparaison entre les résultats des formules de
franchissement présentées dans cette section et les résultats sur des ouvrages existants, en tenant
compte des effets de modèle et d’échelle, ainsi que de l’impact des vents. Pour plus de renseigne-
ments sur la modélisation physique, se reporter à la Section 5.3.
Les photographies de la Figure 5.15 montrent que le franchissement peut être dangereux pour le
public, en particulier sur les ouvrages de haut de plage. Un franchissement significatif des digues
portuaires extérieures, par exemple, entraîne une transmission de la houle qui peut constituer un
risque pour l’exploitation, mais pas nécessairement un danger direct pour le public.
532 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
(b)
4
Figure 5.15
Franchissement : (a) d’un ouvrage de haut de plage : danger
direct pour le public et (b) de la digue extérieure de l’entrée du
port d’Ijmuiden, ce qui se traduit essentiellement par une trans-
(a) mission de la houle à l'intérieur du port
5
5.1.1.4 Transmission de la houle
Les ouvrages tels que les digues à crête abaissée (ouvrages immergés ou semi-émergés) transmet-
tent l’énergie de la houle dans la zone qui se trouve derrière eux. L’importance de la transmission
de la houle est quantifiée par le coefficient de transmission, Ct, défini par l’Équation 5.57, en ter-
mes de hauteurs de la houle incidente, Hi, et de la houle transmise, Ht, ou d’énergies de la houle 6
incidente, Ei, et de la houle transmise, Et :
(5.57)
où E est l’énergie totale moyenne de la houle par unité de surface (J/m2), égale à 1/8 ρwgH2 (en
houle régulière), où ρw est la masse volumique de l’eau (kg/m3). 7
La transmission des digues portuaires continues à crête abaissée dépend de la géométrie de l’ou-
vrage, principalement de la revanche de la crête, Rc, de la largeur de la crête, B, et de la hauteur
d’eau, h, mais également de la perméabilité, P, et des conditions de houle, principalement la période
de la houle, habituellement incluse dans le paramètre de déferlement, ξ, (voir la Figure 5.16).
Figure 5.16 Coupe transversale illustrant les paramètres qui influencent la transmission de la houle
10
CETMEF 533
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
La première édition du présent guide (CUR/CIRIA, 1991) comportait une réanalyse de diffé-
rents résultats d’essais sur la transmission de la houle. Une méthode d'estimation en avait été
déduite, qui liait la revanche relative de la crête, Rc /Hs, au coefficient de transmission, Ct. La
Figure 5.17 présente graphiquement les données et la relation ajustée, qui peut être résumée par
les Équations 5.58 à 5.60 :
(5.58)
(5.59)
(5.60)
Cette relation donne une description très simpliste, mais elle peut parfois être suffisante pour une
estimation préliminaire de la performance. Les limites supérieures et inférieures des données étu-
diées sont matérialisées par les courbes à ± 0.15 par rapport à l’ajustement moyen basé sur les
Équations 5.58 à 5.60. Ceci correspond à un intervalle de confiance de 90 % (l’écart type des don-
nées est σ = 0.09).
Notes
1. Les points pour lesquels Rc /Hs > 1 et Ct > 0.15 correspondent à de faibles hauteurs de crête, par rapport au dia-
mètre de l’enrochement (Hs /Dn50 ≈ 1). La houle faible peut se propager à travers la crête en enrochement natu-
rel. Dans ce cas, on peut obtenir des coefficients de transmission de 0.5. Toutefois, un ouvrage soumis aux tem-
pêtes de dimensionnement (en ce qui concerne la stabilité), avec Rc /Hs > 1, présente toujours des coefficients de
transmission inférieurs à 0.1.
2. Il faut en outre noter que les limites physiques de la transmission due au franchissement sont Ct = 1 et Ct = 0,
pour des revanches Rc /Hs << -2 et Rc /Hs >> 2, respectivement. Toutefois, certaines transmissions peuvent
demeurer uniformes pour Rc /Hs > 2, à cause de la transmission à travers les ouvrages dont le noyau est suffi-
samment perméable.
3. La dispersion de la Figure 5.17 peut s’expliquer entre autres par les contributions différentes de transmission à
travers le noyau. Une autre raison peut être l’influence de la période de la houle. Des périodes plus longues don-
nent toujours des coefficients de transmission plus élevés, effet qui n’est pas inclus dans les Équations 5.58 à 5.60.
Figure 5.17 Transmission de la houle au-dessus et à travers les ouvrages à crête abaissée
534 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
(5.62)
3
où At = surface totale de la section (m2), Lp = longueur d’onde de la houle locale, déterminée à
partir de la période de pic (m) et Dn50 = diamètre nominal médian de l'enrochement.
À partir d'une base de données importantes sur la transmission de la houle (recueillies dans le
cadre du projet européen DELOS) une formule a été établie (Van der Meer et al., 2004) pour des
4
ouvrages lisses à crête abaissée, elle inclut également l'influence d'une houle oblique. Cette for-
mule, reposant sur la hauteur significative de la houle en pied d'ouvrage et sur la période de pic
au large, est donnée par l'Équation 5.63 :
(5.63) 5
avec des valeurs minimale et maximale de Ct = 0.075 et Ct = 0.8, respectivement, et les limites sui-
vantes : 1 < ξp < 3 ; 0° ≤ β ≤ 70° ; 1 < B/Hs < 4 où B représente la largeur de la crête (m).
En ce qui concerne la transmission de la houle oblique sur des ouvrages lisses à crête abaissée,
les recherches ont conclu que, pour des angles d’incidence allant jusqu’à 45°, la houle transmise
et la houle incidente avaient des directions similaires. Pour des angles supérieurs à 45°, l’angle de
6
la houle transmise reste de 45° (voir les Équations 5.64 et 5.65).
Briganti et al. (2004) ont utilisé la base de données du projet européen DELOS pour calibrer une
relation élaborée par d’Angremond et al. (1997). Il en a résulté deux formules différentes - les Équa-
tions 5.66 et 5.67 - pour les digues à talus immergées relativement étroites et larges, respectivement :
8
Pour les ouvrages étroits, B/Hi < 10 :
(5.66)
(5.67)
10
CETMEF 535
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
avec une valeur minimale de Ct = 0.05 et une valeur maximale qui dépend de la largeur de la
crête, B (m), de l’ouvrage. L’Équation 5.68 donne ce maximum :
(5.68)
Les résultats de ces formules ont été évalués par rapport à la base de données. L’Équation 5.66
présente un écart type de σ = 0.05. Pour les Équations 5.67 et 5.68, l’écart type est de σ = 0.06.
En ce qui concerne la houle oblique, il a été découvert que les Équations 5.66 à 5.68 formulées
pour une incidence normale de la houle pouvaient également être utilisées pour une incidence de
la houle allant jusqu’à 70°.
(5.69)
La houle est réfléchie par la plupart des ouvrages à talus. Pour les ouvrages présentant des faces
imperméables très inclinées soumises à une houle non-déferlante, près de 100 % de l’énergie de
la houle incidente peuvent être réfléchis. Les talus en enrochement sont souvent utilisés en génie
portuaire et côtier dans le but d’absorber l'énergie de la houle. Ce type de talus réfléchit généra-
lement beaucoup moins que des talus équivalents imperméables ou lisses.
La réflexion de la houle est exprimée à l’aide du coefficient de réflexion, Cr, défini par l’Équa-
tion 5.70, en termes de hauteur de houle incidente et de houle réfléchie, Hi et Hr, respective-
ment, ou d’énergie de la houle incidente et de la houle réfléchie, Ei et Er, respectivement :
(5.70)
En houle aléatoire, les valeurs de Cr peuvent être déterminées en utilisant les hauteurs significa-
tives de la houle incidente et de la houle réfléchie, représentatives de l’énergie de la houle inci-
dente et de la houle réfléchie.
Bien que certains des phénomènes d’écoulement soient différents, il est pratique de calculer Cr
pour les talus en enrochement en utilisant le même type de formules empiriques que dans le cas
moins complexe d’un talus lisse, sans berme et imperméable. Pour les autres cas, il est possible
d’utiliser d’autres valeurs des coefficients empiriques afin de prendre en compte les caractéristi-
ques hydrauliques propres à l’ouvrage étudié.
Approches fondamentales
(5.71)
Seelig et Ahrens (1981) ont présenté une formule différente (Équation 5.72), également liée au
paramètre de déferlement, et basée à l’origine sur une houle régulière :
(5.72)
Les coefficients a, b, c et d des Équations 5.71 et 5.72 sont donnés dans les sections suivantes
consacrées aux talus lisses et aux talus rugueux, de même que d’autres concepts qui ne sont pas
directement liés au paramètre de déferlement (p. ex. voir l’Équation 5.73).
536 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
NOTE : les méthodes de calcul de la réflexion de la houle présentées dans cette section sont basées 1
sur des ouvrages non-franchis. Des recommandations concernant la prédiction de la réflexion sur
des ouvrages à crête abaissée sont incluses dans les publications du projet européen DELOS.
Talus lisses
Battjes (1974) a établi l’Équation 5.71 pour des talus lisses et imperméables, avec les valeurs de
coefficients suivantes : a = 0.1 et b = 2.0.
2
Pour les talus lisses et imperméables en houle régulière, Seelig et Ahrens (1981) ont déterminé
pour l’Équation 5.72 les valeurs c = 1.0 et d = 5.5.
Dans Allsop (1990), les résultats des essais en houle aléatoire menés par Allsop et Channell
(1989) ont été analysés par rapport à l’Équation 5.72, en utilisant ξm comme paramètre de défer- 3
lement. Pour les talus lisses, les valeurs suivantes ont été trouvées : c = 0.96 et d = 4.80 (voir éga-
lement le Tableau 5.14).
Postma (1989) a analysé les données de Van der Meer (1988b) concernant les talus rugueux et 4
perméables. En utilisant le concept de l’Équation 5.71 avec ξp, les valeurs ajustées de a et b à tou-
tes les données sont : a = 0.14, b = 0.73 et σ = 0.055.
Postma (1989) propose également une réanalyse des données établies par Allsop et Channell
(1989), à nouveau au moyen de l’Équation de base 5.71, avec a = 0.125 et b = 0.73. Les données
présentent un écart type de σ = 0.060. 5
Pour les talus rugueux en houle régulière, Seelig et Ahrens (1981) ont proposé les valeurs suivan-
tes pour l’Équation 5.72, basée sur une houle régulière : c = 0.6 et d = 6.6.
Les résultats des essais pour les talus rugueux en houle aléatoire menés par Allsop et Channell
(1989) ont été analysés par Allsop (1990) (en utilisant ξm au lieu de ξp) pour donner les valeurs 6
des coefficients c et d de l’Équation 5.72 (voir le Tableau 5.14). Dans ces essais, la carapace en
enrochement (les essais portaient sur des carapaces en simple et double couche) était placée sur
un talus imperméable recouvert d’une sous-couche en enrochement (porosité nominale, P = 0.1).
Les résultats peuvent être utilisés pour les conditions de houle suivantes : 0.004 < sm < 0.052 et 0.6
< Hs/(ΔDn50) < 1.9. Le Tableau 5.14 présente également les valeurs pour des enrochements artifi-
ciels (avec ξp), comme cela a été rapporté par Allsop et Hettiararchi (1989).
7
Tableau 5.14 Valeurs des coefficients c et d de l’Équation 5.72
Postma (1989) a également proposé une autre équation, basée sur l’idée que le paramètre de
déferlement, ξ, ne rendait pas suffisamment compte de l’influence combinée de l'angle du talus,
α, et de la cambrure de la houle, s. Par conséquent, l’angle du talus et la cambrure de la houle ont
été traités séparément, ce qui a eu pour résultat la relation empirique suivante (Équation 5.73) : 10
CETMEF 537
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
(5.73)
L'écart type des données par rapport à l’Équation 5.73 est σ = 0.040, ce qui représente une
diminution considérable par rapport à σ = 0.055 et σ = 0.060, déterminés avec les valeurs ajus-
tées de a et b de l’Équation 5.71.
À la Figure 5.18, les données de Van der Meer (1988b) et d’Allsop et Channell (1989) sont pré-
sentées, ainsi que les Équations 5.71 et 5.72. Pour les talus rugueux, la Figure 5.18 inclut les deux
ajustements suggérés par Postma (1989) et les prédictions de Seelig et Ahrens (1981) en houle
régulière. Pour les talus lisses, la Figure 5.18 présente les Équations 5.71 et 5.72 avec les coeffi-
cients suggérés par Battjes (1974) et Seelig et Ahrens (1981).
Figure 5.18 Comparaison de données sur des talus en enrochement avec les formules de réflexion
correspondantes
NOTE : les prédictions basées sur l’Équation 5.71 ne peuvent pas être extrapolées sans risque aux
grandes valeurs du paramètre de déferlement, c’est-à-dire ξ > 10, et, pour les talus lisses, même
aux valeurs du paramètre de déferlement moins élevées (voir la Figure 5.18). Il en va de même
pour l’Équation 5.73, qui n’est pas mentionnée à la Figure 5.18. Il est donc recommandé de limi-
ter leur utilisation à un paramètre de déferlement ξ < 10. L’Équation 5.72, avec les coefficients
proposés au Tableau 5.14 devrait donner des estimations plus réalistes pour de très grandes
valeurs du paramètre de déferlement.
Pour les cas où le paramètre de déferlement est important, il est recommandé d’avoir recours à
l’Équation 5.75, proposée par Davidson et al. (1996), qui a été calculée à partir de données por-
tant sur des talus à pente relativement forte et des conditions hydrauliques qui intègrent la houle
océanique. Des mesures à échelle réelle de la réflexion de la houle par un talus en enrochement,
avec des surfaces de réflexion locales dont tan α = 1/1.55 et 1/0.82 ont été effectuées. Il a été
découvert que les méthodes d'estimation existantes accentuent les effets de la hauteur de la houle
incidente, Hi, et de la pente de l’ouvrage, tan α, par rapport à la longueur d’onde, L. Une analyse
à régression multiple a conduit à un nouvel indice de réflexion adimensionnel, qui réajuste les
pondérations relatives des facteurs physiques utilisés dans le paramètre de déferlement (Équa-
tion 5.2) et dans le critère de Miche (voir l’Équation 4.100 à l’Encadré 4.7).
L’Équation 5.74 donne l’expression de cet indice de réflexion adimensionnel, R (-), qui inclut éga-
lement la hauteur d’eau locale en pied d’ouvrage, h (m), et le diamètre nominal médian de l'en-
rochement naturel, Dn50 (m) :
538 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
1
(5.74)
Sur la base de l’indice de réflexion donné par l’Équation 5.74, Davidson et al. (1996) proposent
l’Équation 5.75 comme relation empirique pour le calcul du coefficient de réflexion de la houle,
Cr (-) :
2
(5.75)
Il n’existe pas de données générales fiables sur les performances des talus rugueux et imperméa-
bles en matière de réflexion. En règle générale, on peut s’attendre à une légère réduction de la 3
réflexion comparée aux talus lisses, semblable à ce qui se passe pour le run-up (voir la Section
5.1.1.2). Les facteurs de réduction n’ont toutefois pas été calculés à partir d’essais. Il est par consé-
quent recommandé de ne pas utiliser de valeurs de Cr inférieures aux valeurs utilisées pour des
talus lisses équivalents, à moins qu’elles ne soient étayées par des résultats d’essais physiques.
Talus à berme 4
Certains ouvrages peuvent intégrer une marche ou une berme dans le talus en enrochement, au
niveau ou proche du niveau de l’eau au repos. La largeur de cette berme, BB, peut entraîner une
réduction supplémentaire de Cr. Peu de données sont disponibles pour ce type de configurations.
Des exemples des résultats d’Allsop et Channell (1989) sont présentés à la Figure 5.19, en termes
de largeur de berme relative, BB/Lm, où la longueur d’onde basée sur la période moyenne, Lm (m), 5
est calculée pour la hauteur d’eau, hs (m), devant l’ouvrage.
En environnement fluvial, l’attaque du courant est la cause de l’instabilité des fonds et des ber-
ges, ainsi que de tout système de protection conçu dans le but de minimiser l’érosion potentielle.
Ceci est particulièrement évident en présence d’ouvrages hydrauliques, dans la mesure où les
ouvrages modifient les profils des vitesses localement, ce qui peut souvent s’accompagner d’un
accroissement de la turbulence. Les piles de ponts, les aménagements fluviaux et les barrages de
fermeture (en enrochement) sont des exemples de ce type d’ouvrages. Ils sont analysés plus pré-
cisément aux Chapitres 7 et 8.
Dans cette section, il n’est fait qu’une rapide description des actions hydrauliques (c’est-à-dire
des paramètres dimensionnants) qui existent en environnement fluvial. Ces concepts ont été pré-
sentés de manière exhaustive à la Section 4.3 du Chapitre 4. Les interactions hydrauliques liées à
la houle sont traitées à la Section 5.1.1.
Cette section contient des informations détaillées sur les paramètres hydrauliques à prendre en
compte dans la conception de barrages de fermeture en enrochement, car ces ouvrages exigent
que l’on tienne compte de paramètres spécifiques qui ne sont pas couverts par le Chapitre 4.
Le débit spécifique
Ce débit spécifique, q, est mesuré par unité de longueur ou de largeur (m3/s par m, c’est-à-dire le
long de la crête d’un ouvrage ou de la section transversale d’une rivière). Les débits totaux sont
symbolisés par Q (m3/s).
Les courants sont entraînés par et calculés (sans tenir compte de l'action hydrodynamique,
U2/(2 g)) à partir des différences de charges hydrauliques ou de niveaux d’eau. Les niveaux d’eau
sont généralement symbolisés par h (m). Différents niveaux d’eau peuvent être nécessaires pour
le dimensionnement de l’ouvrage, par exemple les niveaux correspondant à différentes périodes
de retour ou à différents niveaux de marées (voir les Sections 4.2.2 et 4.3.3).
Selon l’ouvrage considéré, il peut être nécessaire de déterminer une gamme de vitesses pour le
dimensionnement. Par exemple, en cas de marée, l’inversion du sens de la vitesse d’écoulement doit
être prise en compte, notamment pour garantir la stabilité au niveau des limites des protections en
enrochement. En règle générale, les vitesses du courant moyennées sur la profondeur ou sur la sec-
tion sont symbolisées par U et les vitesses locales par u (m/s) (voir également la Section 4.3.2.3).
La turbulence
Les paramètres ci-dessus applicables aux eaux intérieures sont expliqués de manière plus détail-
lée à la Section 4.3. Les informations relatives à l’environnement marin figurent à la Section 4.2.
540 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
Plusieurs chercheurs ont proposé des formules de calcul de la vitesse moyenne d’écoulement à
travers les vides, valables pour les écoulements internes turbulents. Il a été établi que ce type de
régime d’écoulement se produit habituellement pour des valeurs du nombre de Reynolds supé- 3
rieures à 300 (pour les écoulements à travers les vides, voir également l’Encadré 5.7). L’Équation
5.76, proposée par Martins et Escarameia (1989b), est un exemple de ce type de formules. Elle
peut être utilisée pour déterminer la vitesse moyenne dans les vides entre les blocs d’enroche-
ment, Uv (m/s), et, ce qui est plus important, le débit d’écoulement auquel on peut s’attendre à
travers un ouvrage en enrochement.
4
(5.76)
où
K = coefficient qui dépend de la forme des enrochements (-) ; K = 0.56 pour des enro-
chements anguleux ; K = 0.75 pour des enrochements arrondis ;
CU = coefficient d’uniformité défini par D60/D10 (-) ; 5
e = indice des vides défini comme le rapport entre le volume des vides et le volume
d’enrochement total, ce qui est égal à : nv/(1-nv), où nv est la porosité de couche (-)
(voir la Section 3.4.4.3) ;
D50 = diamètre médian (taille de tamis) de l'enrochement (m) ;
i = gradient hydraulique (-). 6
Le débit, Q (m3/s), à travers l’enrochement peut ensuite être calculé au moyen de l’Équation 5.77 :
(5.77)
où A est la surface totale de la section transversale (m2) et nv est la porosité de couche (-) du 7
milieu considéré.
10
CETMEF 541
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
À l’origine, le nombre de Reynolds, Re, a été déterminé pour caractériser l’écoulement dans les conduites. La
loi fondamentale de mécanique des fluides présentée à l’Équation 5.78 permet de différencier le régime lami-
naire ou turbulent d’un écoulement de fluide. En règle générale, la transition pour l’eau se situe à Re ≈ 1000,
les valeurs inférieures correspondant à un écoulement laminaire et les valeurs supérieures à un écoulement
turbulent. La même Équation 5.78 est valable pour les écoulements à surface libre mais, dans ce cas, on uti-
lise à la place le rayon hydraulique, R.
(5.78)
où Dp = diamètre de la conduite (m) ; U = vitesse moyennée sur la section transversale ou sur la profondeur
(m/s) et ν = viscosité cinématique (m2/s) ; pour l’eau, cette valeur est habituellement : ν = 10-6 m2/s.
Les applications spécifiques du nombre de Reynolds sont :
• le nombre de Reynolds, Re* (-), basé sur la vitesse de cisaillement critique : Re* = u*cr D/ν (voir la Section
5.2.1.2) ;
• le nombre de Reynolds applicable aux écoulements internes à travers les vides de l’enrochement. Ce Re
est le même que celui de l’Équation 5.78 avec R = Rm, où Rm est le rayon hydraulique moyen des vides
(m). Ce rayon hydraulique moyen a été défini comme Rm = eD50/c, où e = indice des vides (-), D50 = dia-
mètre médian de l’enrochement (taille du tamis), et c = coefficient (c = 6.3 pour des enrochements arron-
dis et c = 8.5 pour des enrochements anguleux).
L’Équation 5.79 définit le nombre de Reynolds, Rev (-), pour un écoulement turbulent à travers les vides de
l’enrochement.
(5.79)
où e est l’indice des vides (-) et Uv est la vitesse à travers les vides (m/s).
Étant donné la nature plus complexe de l’interaction hydraulique associée aux barrages de fer-
meture en enrochement et aux batardeaux, cette section se concentre sur ces deux types d’ouvra-
ges, par opposition aux barrages en enrochement construits à sec.
Un barrage en enrochement de fermeture d'une rivière ou d'un estuaire peut être construit selon
une méthode de fermeture verticale ou horizontale ou selon une combinaison des deux (voir la
Section 7.2.3). La méthode verticale est définie comme la construction du barrage de fermeture
à partir du fond jusqu’au-dessus de la surface de l’eau sur toute sa longueur, tandis que la
méthode horizontale consiste à faire progresser les musoirs du barrage en enrochement d’une ou
des deux berges de la rivière ou de l’estuaire. Dans tous les cas, le champ d’écoulement subira des
modifications au cours de la construction, du fait de la réduction de la passe à fermer, soit verti-
calement, soit horizontalement, et du fait de possibles changements bathymétriques dus à l’af-
fouillement du fond, lui-même causé par la construction partielle des ouvrages. Selon que les
conditions aux limites sont connues à une grande distance (p. ex. amplitude de marée au large)
ou localement (p. ex. niveaux de l’eau près du site de construction), il peut être nécessaire de pro-
céder à une modélisation supplémentaire pour parvenir à des différences de hauteurs d’eau loca-
les de part et d’autre de la passe de fermeture.
Les caractéristiques d’adduction, pour une géométrie donnée, telles que la forme, l’ouverture etc.
sont décrites par les relations hauteur-débit, qui peuvent différer en fonction du régime d’écou-
lement. Ces différentes relations donnent la capacité de débit de l’ouvrage et incluent un coeffi-
cient de débit qui rend compte des effets de contraction et des pertes d’énergie dus à l’augmen-
tation de l’écoulement et à la rugosité du fond.
Les principaux phénomènes qui jouent un rôle dans l’hydraulique des barrages de fermeture en
enrochement sont : le débit, Q (m3/s), ou le débit spécifique, q (m3/s par m), la vitesse d’écoule-
ment, U (m/s), et les différents niveaux d’eau, définis à la Section 5.2.1.2. Les principaux paramè-
tres pertinents dans le cadre de ces phénomènes (voir également les Figures 5.20 à 5.24) sont les
suivants :
542 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
• la hauteur d’eau en amont, par rapport à la crête du barrage (pour les fermetures verticales), 1
H (m) (ou charge amont) ;
• le niveau d’eau amont (ou aval) par rapport au niveau de la crête du barrage, hb (m) ;
• la densité relative déjaugée des enrochements, Δ = ρr /ρw – 1 (-), où ρr = ρapp (kg/m3) ; voir la
Section 3.3.3.2. ;
Types d’écoulements
Les barrages perméables permettent l’écoulement à travers l’ouvrage, en plus d’un éventuel écou- 4
lement au-dessus de la crête. Pour des hauteurs d’eau en amont au-dessous de la crête (H < 0), seul
un écoulement à travers l’ouvrage est possible. Outre ces deux principaux éléments que sont
l’écoulement et le débit du barrage, les régimes d’écoulement par-dessus la crête sont distingués
en fonction de trois critères :
1. Le coefficient aval, hb/(ΔDn50) (-), également appelé hauteur d’eau aval adimensionnelle ou 5
relative.
Le premier critère, le coefficient aval, hb/(ΔDn50) (-), est basé sur les valeurs de la hauteur d’eau 6
aval relative, hb (m). Les régimes d’écoulement qui peuvent être distingués selon la hauteur d’eau
(H et hb) sont présentés à la Figure 5.20.
NOTE : lorsque l’on utilise le critère hb/(ΔDn50) (-), une estimation du diamètre nominal médian,
Dn50 (m), de l'enrochement est requise au préalable pour déterminer le régime d’écoulement réel.
Les différents paramètres de la section du barrage et des hauteurs d’eau sont présentés aux
7
Figures 5.21 et 5.22. En fonction du régime d’écoulement donné en termes de hb/(ΔDn50) (-), des
critères empiriques et spécifiques de stabilité ont été établis pour l’enrochement utilisé comme
matériau de construction (Section 5.2.3.5).
Figure 5.20
Régimes d’écoulement classiques (pour les paramè-
tres, se reporter au corps de texte ci-dessus)
10
CETMEF 543
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Le deuxième critère est basé sur le nombre de Froude, Fr (-). Il a un fondement physique clair et
fait une distinction selon que l’écoulement de crête est physiquement régi par des conditions aux
limites en amont (Fr > 1) ou en aval (Fr < 1). L’Équation 5.80 donne le nombre de Froude tel qu’il
est défini de façon générale.
(5.80)
Si on utilise les valeurs locales de la vitesse, u (m/s), et de la hauteur, h (m), le nombre de Froude
présentera des variations dans le sens du courant. La valeur réelle de Fr ou la vitesse d’écoule-
ment, u, au-dessus de la crête détermine si le régime de l’écoulement est fluvial (Fr < 1) ou tor-
rentiel (Fr > 1). Pour Fr = 1, le régime est dit critique (selon une terminologie moins stricte, « cri-
tique » est employé pour Fr ≥ 1).
Toutefois, l’application du critère de Froude exige que la valeur de u soit connue à l’avance, ce
qui entraîne une procédure itérative. Par conséquent, une autre solution moins précise mais plus
pratique consiste à comparer la hauteur d’eau aval, hb (m), avec la hauteur d’eau critique au
niveau de la crête (les deux étant mesurées par rapport au niveau de la crête). Cette hauteur
d’eau critique, hcr (m), peut, à l’exception des cas de vitesses d’écoulement élevées en amont, être
approximée par l’Équation 5.81 :
(5.81)
où H est le niveau d’eau amont, également mesuré à partir du niveau de la crête (m).
Le critère peut alors être exprimé à l’aide des Équations 5.82 et 5.83 (chacune utilisant deux for-
mules équivalentes) :
Le recours au critère de Froude acquiert une importance particulière lorsque les notions de débit,
de vitesse ou de cisaillement sont utilisées comme paramètres de dimensionnement pour l’enro-
chement naturel (voir la Section 5.2.1). Il faut donc commencer par déterminer les débits et/ou
les vitesses à travers le barrage.
Le troisième critère qui permet de définir le type d’écoulement fait la distinction entre les barra-
ges à crête épaisse et les barrages à crête mince. Habituellement, un barrage à crête épaisse est
défini par H/B < 0.5 tandis qu’un barrage à crête mince est défini par H/B > 0.5. Physiquement,
la différence réside dans la possibilité, ou non, de négliger le cisaillement sur la crête - cela est le
cas pour les barrages à crête mince.
544 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
où
4
H = hauteur d’eau à l’amont d’un barrage, au-dessus du niveau de la crête (m) ;
hb = hauteur d’eau à l’aval d’un barrage, par rapport au niveau de la crête (m) ;
μ = coefficient de débit (-) ; voir la sous-section consacrée à celui-ci et le Tableau 5.15 ;
h1 = hauteur d’eau amont (m) ;
h3 = hauteur d’eau aval (m) ; 5
C′ = facteur de résistance (type particulier de coefficient de débit) (-).
NOTE : les valeurs de h1 et h3 doivent être mesurées par rapport au fond avant travaux pour une
fermeture verticale (voir Figure 5.21) et par rapport au seuil pour une fermeture combinée (voir
la Figure 5.24).
6
En ce qui concerne l’écoulement à travers l’ouvrage, le facteur de résistance C′ est calculé à par-
tir du coefficient de résistance, C (-), et de la longueur effective de l’ouvrage, Ls (m), dans le sens
de l’écoulement. Ls peut être déterminée grâce à l’Équation 5.87 :
(5.87)
7
qui est ensuite utilisée pour calculer le facteur de résistance, C′ (-), au moyen de l’Équation 5.88 :
(5.88)
où nv = porosité de couche (-), Dn50 = diamètre nominal médian de l'enrochement (m) et C = coef-
ficient de résistance à l’écoulement traversant l’ouvrage (-), où C = f(Re), sa valeur moyenne et ses 8
variations sont incluses dans le Tableau 5.15. Pour la définition des autres termes, se reporter à la
Figure 5.22.
Pour un débit spécifique donné, q, au-dessus d’un barrage immergé, calculé au moyen des Équa-
tions 5.84 et 5.85, la vitesse maximale d’écoulement moyennée sur la profondeur correspondante,
U0 (m/s), peut être déterminée à l’aide de l’Équation 5.89.
(5.89)
Il est possible de déterminer une approximation de U0, en combinant l’Équation 5.89 avec les
Équations 5.84 et 5.85, en remplaçant, dans l’Équation 5.89, h0 par hb et en prenant hcr = 2/3 H,
respectivement.
En régime noyé, l’approximation de la hauteur d’eau minimale, h0 (m), par la hauteur d’eau
aval, hb (m), requiert une correction à l’aide d’un coefficient de débit μ (-), avec μ = 1 seule-
ment si h0 = hb.
Les Équations 5.90 et 5.91 - pour le régime noyé et dénoyé, respectivement - donnent les approxi-
mations de U0 résultantes.
À l’Équation 5.91, on a supposé a priori que μ = 1, ce qui revient à supposer que h0 = hcr.
D’autres situations sont évoquées à la Figure 5.28, qui donne des valeurs du coefficient de débit,
μ, différentes.
Les formules de débit, Équations 5.84 et 5.85, ont été calculées pour des seuils, mais elles s’appli-
quent également aux fermetures verticales. Dans la mesure où l’on manque de données similai-
res sur les débits à travers des étranglements horizontaux, on adapte simplement ces formules aux
fermetures horizontales. Les principales différences physiques par rapport à la fermeture verti-
cale sont représentées par le caractère tridimensionnel de l’écoulement. Ceci peut être constaté
par une contraction de l’écoulement juste en aval de la passe et, en pratique, on l’intègre par le
biais de coefficients de débit (3D), μ.
Pour une fermeture horizontale (croquis explicatif de la Figure 5.23), le débit total, Q (m3/s), à tra-
vers la largeur totale, b (m), de la passe, peut également être calculé grâce à la formule Q = U0 b h,
avec U0 (m/s) correspondant à une formule basée sur l’Équation 5.90. Des corrections qui rendent
compte de l’influence du régime noyé et du régime dénoyé en 3D doivent être incluses grâce à des
coefficients de débit, μ (-). Le résultat est exprimé par l’Équation 5.92 :
(5.92)
où
μ = coefficient de débit (-) prenant en compte le régime noyé et le régime dénoyé 3D ;
h1 = hauteur d’eau à l’amont (m) ;
b = largeur moyenne de la passe (m), égale à : bt + h2 cot α ; à noter que α = angle du
talus des deux musoirs des barrages (voir la Figure 5.24) ;
bt = largeur de la passe (m) entre les deux pieds des musoirs des barrages (voir la Figure 5.24);
h2 = h3 (= hauteur d’eau à l’aval) pour un régime noyé (m) ;
= hcon (= hauteur de contrôle) pour un régime dénoyé (m), définie par l’Équation 5.93 :
546 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
(5.93)
1
où p = coefficient de largeur de la passe (-), égal à bt /(2 h1 cot α) (voir les Figures 5.23 et 5.24).
En règle générale, μ ≅ 0.9, avec des valeurs réelles comprises entre 0.75 et 1.1. Il faut noter qu’en
cas d’approche plus précise, les effets et les incertitudes liés à la 3D, inclus ici dans μ, peuvent être
quantifiés de manière explicite, par exemple à l’aide d’un modèle numérique (voir les Sections 2
4.2.3.3, 4.3.5.2 et 5.3.3.2). Les valeurs du coefficient de débit sont données au Tableau 5.15.
NOTE : les équations présentées ci-dessus peuvent être appliquées à une fermeture horizontale
jusqu’à une perte d’énergie relative à travers le barrage d’environ 5 à 10 %. La perte d’énergie
peut être définie comme (H-hb)/H à la Figure 5.21 ou comme (h1-h3)/h1 aux Figures 5.23 et 5.24.
Si la perte d’énergie est inférieure, le phénomène de frottement ne peut pas être négligé et il est 3
possible d’utiliser l’équation de Chézy pour un écoulement uniforme, U = C Ri (voir la Section
4.3.2.3), pour calculer le débit Q.
Dans le cas d’une fermeture horizontale et pour un débit, Q (m3/s), et une largeur de la passe, b
(m), donnés, la vitesse d’écoulement moyennée sur la section de la passe, Ug (m/s), est estimée au
moyen de l’Équation 5.94 (pour les définitions, se reporter à la Figure 5.23). 4
(5.94)
8
Figure 5.24 Croquis explicatif pour une fermeture combinée
Les principales différences entre les fermetures verticales et les fermetures horizontales - en ce
9
qui concerne les vitesses d’écoulement - sont données et illustrées à l’Encadré 5.8.
10
CETMEF 547
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
La Figure 5.25 matérialise les vitesses du courant lors des étapes successives de la construction d’une fer-
meture donnée. Pour les principales méthodes de fermeture, la vitesse maximale d’écoulement, U (m/s), est
liée aux dimensions relatives de la passe à fermer (c’est-à-dire la largeur, b (m) et la hauteur, d (m)) et dépend
en outre des valeurs de H-hb ou de H pour une fermeture verticale (voir les Équations 5.92 et 5.93) et de la
valeur de h1-h2 pour une fermeture horizontale (voir l’Équation 5.94). La principale différence entre les deux
méthodes est le « moment » relatif d’apparition de la vitesse maximale : ce moment est proche de la fin du
processus pour une fermeture horizontale (voir la Figure 5.25 - à droite), tandis qu’il se situe à un quart de la
hauteur totale du barrage dans le cas d’un processus de fermeture verticale.
Figure 5.25 Exemple de vitesses maximales d’écoulement pour différentes méthodes de fermeture ;
pour une fermeture verticale, vitesse max. = U0 et pour une fermeture horizontale,
vitesse max. = Ug.
Des recommandations pour l’application de l’une ou l’autre des méthodes dans certaines conditions sont pré-
sentées à la Section 7.2 pour les fermetures d’estuaires et à la Section 7.3 pour les fermetures de rivières.
Coefficients de débit
Cette section donne les coefficients de débit, μ, pour les différentes méthodes de fermeture. Les
coefficients présentés sont basés sur des essais sur modèles physiques pour des géométries de bar-
rages particulières. Le Tableau 5.15 propose des valeurs indicatives moyennes pour les méthodes
de fermeture verticale et horizontale ainsi que pour les écoulements qui se produisent au travers
de l’ouvrage. La fiabilité de ces valeurs est donnée par un intervalle de variation, qui correspond
approximativement à 2 à 3 fois les écarts-types des données issues des essais. En règle générale,
les coefficients de débit μ sont nécessaires pour compenser la schématisation (p. ex. les formules
de débit) - parfois simplifiée - d’un champ d’écoulement complexe. Par conséquent, dans un cas
particulier, deux options doivent être étudiées :
Option 1 : essais sur modèles physiques pour déterminer les valeurs réelles du coefficient de
débit, μ.
NOTE : pour les fermetures verticale et horizontale, les coefficients sont obtenus à partir de q et Q,
respectivement. Par conséquent, le dernier cas inclut les effets 3D, tels que la contraction de
l’écoulement, la largeur réelle de l’ouverture et la pente du musoir du barrage.
Le coefficient de débit des barrages immergés dépend de la géométrie du seuil (largeur, angle du
talus, etc.), de la perméabilité, de la hauteur d’eau relative au-dessus du seuil et de la charge
hydraulique. Le Tableau 5.15 propose des valeurs indicatives de μ. Pour les situations cruciales, il
est nécessaire de déterminer le coefficient de débit à l’aide d’études sur des modèles physiques.
Des résultats des essais sur modèles physiques sont présentés aux Figures 5.26 et 5.27 pour le
régime noyé et à la Figure 5.28 pour le régime dénoyé. La variation des données issues des essais
incluse à chaque figure donne une indication de la validité de ces valeurs. Pour résumer, les carac-
téristiques les plus remarquables sont les suivantes :
548 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
• l’influence de la largeur de la crête, B (m), sur le coefficient de débit, μ (-), est démontrée à la 1
Figure 5.26 pour huit angles de talus, α, et deux vitesses amont adimensionnelles, u1/ ghb, et
pour une hauteur relative de barrage unique d/hb = 1. On peut constater que la valeur du coef-
ficient de débit, μ (-), augmente pour des valeurs croissantes de la largeur de la crête, B, et de
l’angle du talus, α ;
• pour un barrage perméable, soit Dn50 /d ≅ 0.07, l’influence de la largeur relative de la crête B/H
(-), sur le coefficient de débit, μ, peut être observée à la Figure 5.28. On ne constate aucune
3
influence de B/H pour l’écoulement intermédiaire, mais pour l’écoulement de type « barrage
haut », elle est significative. Toutefois, si le noyau est imperméable, cette influence n’est obser-
vée ni pour un écoulement de type « barrage haut », ni pour un écoulement intermédiaire.
Figure 5.26
Influence de la largeur de la crête et de la pente du talus sur
5
les coefficients de débit pour un régime noyé au-dessus d’un
barrage lisse dont la crête se trouve à mi-hauteur d’eau
Figure 5.27
Influence de la hauteur d’eau sur la crête,
de la largeur de la crête et de la porosité de
7
couche sur les coefficients de débit pour un
régime noyé au-dessus d’un barrage
rugueux et à la limite de la stabilité des
enrochements
Figure 5.28
Influence de la largeur de la
crête et de la porosité de 9
couche sur les coefficients
de débit pour un régime
dénoyé et un écoulement
intermédiaire
10
CETMEF 549
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Le Tableau 5.15 donne également des valeurs indicatives des coefficients de débit, μ, pour la
méthode de fermeture horizontale. b0 est la largeur (initiale) de la passe avant que ne se produise
une quelconque contraction de l’écoulement. En réalité, b et b0 sont des valeurs moyennées sur
la profondeur puisque, pour des musoirs de barrage inclinés, cette largeur a un minimum, bt (m),
au pied du barrage (voir la Figure 5.24) et un maximum à la surface de l’eau.
La Figure 5.29 présente les résultats des essais sur modèles physiques menés par Naylor et
Thomas (1976). Le coefficient de débit, μ, est présenté comme une fonction de la largeur instan-
tanée relative de la passe, b/b0 (-), pour le régime fluvial comme pour le régime torrentiel. La dis-
persion pour les deux régimes d’écoulement est large, il peut donc être approprié de procéder à
une vérification à l’aide d’un modèle (physique).
Figure 5.29 Coefficients de débit pour une fermeture horizontale, en fonction de la largeur relative de la
passe, pour un régime noyé et pour un régime dénoyé (Naylor et Thomas, 1976)
550 CETMEF
5.1 Performance hydraulique
Le débit spécifique, q (m3/s par m), peut être estimé par exemple à l’aide de l’Équation 5.86,
2
comme une fonction de la géométrie du barrage, avec comme paramètres la largeur de la crête,
B, la hauteur de l’ouvrage, d, et le coefficient de débit spécifique, C′, du diamètre de l'enroche-
ment, Dn50, de la porosité du barrage, nv, et des hauteurs d’eau h1 ou h3, de part et d’autre du bar-
rage (voir également les Équations 5.87 et 5.88). La valeur donnée du coefficient de résistance à
l’écoulement traversant l’ouvrage, C, au Tableau 5.15, est basée sur l’analyse des données de débit
de Prajapati (1968) et Cohen de Lara (1955). 3
• Résumé des coefficients de débit des fermetures
l’ouvrage
à travers
10
CETMEF 551
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Les méthodes de dimensionnement classiques ont pour objectif d’éviter le début de mouvement
des gros éléments et des particules fines en définissant des conditions-seuils. Ces conditions,
exprimées sous forme de valeurs critiques en matière de contrainte de cisaillement, de vitesse, de
hauteur de la houle ou de débit, font l’objet de la présente section.
En règle générale, la dispersion expérimentale autour du point de début de mouvement est consi-
dérable, par exemple la valeur critique du paramètre de la contrainte de cisaillement, ψcr (voir la
Section 5.2.1.3), ou la vitesse critique, Ucr (voir la Section 5.2.1.4). Le concepteur peut tirer parti
d’une approche probabiliste (voir les Sections 2.3.3 et 5.2.2.2) pour tenir compte de ces paramè-
tres et d’autres incertitudes éventuelles. Outre l’incertitude qui concerne la résistance (p. ex. sur
la valeur critique de la contrainte de cisaillement, ψcr), un certain dommage peut être accepté.
Ceci implique que le mouvement est autorisé, mais uniquement jusqu’à des limites prédéfinies de
déplacement (enrochement naturel et artificiel) ou d’affouillement (sable, galets). Ces seuils peu-
vent être définis, par exemple, comme suit :
• une quantité maximale d’enrochements naturels ou artificiels déplacés (par unité de temps et
unité de surface) ;
La tolérance d'un dommage en deçà d’une limite donnée est le concept le plus fréquent dans le
dimensionnement des ouvrages hydrauliques constitués d’enrochement naturel ou d’ouvrages
dont la carapace est constituée d’enrochement artificiel.
Le dépassement des conditions-seuils mentionnées ci-dessus entraîne une instabilité des matériaux
lâches, qui vont du sable aux enrochements. La houle, la vitesse des courants et les différences de
hauteurs d’eau, qui agissent toutes par le biais de contraintes de cisaillement (et/ou de forces de
portance), peuvent être considérées comme étant les principales actions hydrauliques. Les princi-
pales forces de stabilisation ou de résistance sont la gravité (poids déjaugé) et la cohésion. La cohé-
sion n’est pertinente que pour les sédiments argileux ou limoneux (D < 5 μm et D < 50 μm, respec-
tivement) ou de sable fin (D < 250 mm) avec une teneur sensible en limon. À cet égard, il convient
de classer les matériaux qui constituent les couches ou les sous-sols érodables comme suit :
552 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
La résistance à l’érosion des matériaux non-cohésifs est abordée dans cette section, tandis que
certaines données empiriques sur la résistance à l’érosion des sédiments cohésifs sont présentées
à la Section 5.2.3.1.
2
Les principes fondamentaux d’une analyse de la stabilité hydraulique sont les mêmes pour les
sédiments fins et grossiers. Toutefois, dans le cas des sédiments grossiers, il est possible de négli-
ger les forces de viscosité à la surface des particules, ce qui permet d’établir des formules plus
générales.
3
Les réponses structurelles (mouvements, déplacements) des enrochements aux charges hydrauli-
ques (houle, courants), dans les digues, les ouvrages de défense contre la mer, les berges de riviè-
res et les barrages en enrochement, peuvent être décrites de façon pratique à l’aide de l’un - ou
de plusieurs - des variables et coefficients des actions hydrauliques suivants :
• (les différences de) hauteur d’eau, h, ou la charge hydraulique H, ou H-h, par exemple de part 5
et d’autre d’un barrage (m) ;
• la hauteur de la houle, H, par exemple la hauteur significative de la houle, Hs, devant une
digue (m).
Les variables de résistance les plus importantes en ce qui concerne la stabilité sont :
6
• la taille de tamis, D (m), ou le diamètre nominal, Dn (m), des enrochements, ou la masse, M
(kg) (voir également l’Équation 5.95) ;
Dans une moindre mesure, la porosité de couche, nv (-), ou la masse volumique de la couche d'en-
rochement en place, ρb (kg/m3) (voir la Section 3.5), ainsi que la perméabilité de l’ouvrage en
7
enrochement sont également des paramètres de résistance qui jouent un rôle dans la réponse de
l’ouvrage à la houle et aux courants.
Les variables et les paramètres des actions et des résistances (Sections 5.2.2 et 5.2.3) sont souvent
associés pour donner des nombres adimensionnels (p. ex. le nombre de stabilité, le paramètre de
Shields, le paramètre d’Isbash) qui seront utilisés comme paramètres dans le dimensionnement 8
d’ouvrages tels que des carapaces en enrochement (Section 5.2.2.2), des berges de rivières
(Section 5.2.3.1) ou des barrages de fermeture en enrochement (Section 5.2.3.5). Les paramètres
liés aux caractéristiques de la roche, à la section transversale de l’ouvrage ou à la réponse de l'ou-
vrage à l’attaque de la houle ou des courants sont également utilisés dans le dimensionnement
d’ouvrages hydrauliques en enrochement.
9
Les valeurs critiques ou admissibles de ces paramètres sont ensuite déterminées par des formu-
les de calcul ou données de manière explicite. Si la condition de dimensionnement est le début de
mouvement des blocs d’enrochement naturel ou artificiel, la formule de calcul est une formule de
stabilité. Il existe plusieurs relations de transfert : on utilise, par exemple, des formules de débit
pour les barrages de fermeture en enrochement (Section 5.2.3.4), afin de transformer les différen-
ces de hauteurs d’eau, h, en débits, q, ou en vitesses, U. 10
CETMEF 553
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Il existe deux concepts ou procédés fondamentaux pour évaluer la stabilité hydraulique d’un
ouvrage en enrochement : le concept de contrainte de cisaillement critique et le concept de vitesse
critique. Dans la pratique, d’autres critères peuvent être déduits de ces deux procédés, dans le
domaine de la mobilité et de la stabilité. Par exemple, la hauteur critique de la houle peut être
déduite de la vitesse critique, en utilisant la vitesse orbitale près du fond, u0 = f {H, …} (Équation
4.49). Voici un résumé des méthodes en ce qui concerne les paramètres de dimensionnement et
les paramètres dimensionnants, ainsi que le nombre de stabilité adimensionnel associé :
Une vue d’ensemble des différentes méthodes ainsi que de leurs champs d’application est propo-
sée à la suite de l’analyse de ces différents concepts de stabilité (voir la Section 5.2.1.8).
Le Tableau 5.16 donne une vue d’ensemble des différents concepts de stabilité évoqués dans cette
Section 5.2.1, ainsi que de leur relation avec les divers outils de dimensionnement permettant
d’évaluer la stabilité, abordés dans d’autres sections de ce chapitre.
Tableau 5.16 Les différents concepts de stabilité et leur relation avec les types d’ouvrages et les
formules de stabilité utilisées pour le dimensionnement
Concept de
Paramètre de stabilité Section Type d’ouvrage Section
stabilité
L’utilisation d’un critère de vitesse, bien qu’elle soit la méthode la plus simple et la plus directe,
peut présenter des difficultés lorsqu’il faut déterminer une vitesse représentative. La valeur
nécessaire est souvent locale et non-moyennée sur la profondeur.
Les contraintes de cisaillement au niveau du fond incluent la mécanique fondamentale des par-
ticules et sont de ce fait applicables dans la plupart des cas. Toutefois, le profil de vitesse verti-
554 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
cale doit être préalablement connu et, par la suite, ce profil de vitesse doit être transféré de 1
manière fiable dans la contrainte de cisaillement. Certaines approches ne sont pas basées exclu-
sivement sur la mécanique des particules, mais plutôt sur des essais sur modèles et sur une ana-
lyse dimensionnelle.
• les principes du concept de cisaillement sont analysés à la Section 5.2.1.3, sur la base du para- 4
mètre de stabilité de Shields, bien connu, concernant le cisaillement, présenté à la Section
5.2.1.2. Quelques applications spécifiques (p. ex. la formule de Pilarczyk) sont abordées à la
Section 5.2.3. La méthode du cisaillement critique est également applicable à l’écoulement
oscillatoire (houle uniquement), ainsi qu’à une combinaison du courant et de la houle (voir la
Section 5.2.1.3) ;
• la méthode de la vitesse critique ou admissible est abordée à la Section 5.2.1.4, sur la base du
5
paramètre de stabilité d’Isbash, bien connu, concernant la vitesse, présenté à la Section 5.2.1.2.
Certaines applications spécifiques sont présentées à la Section 5.2.3 ;
• l’utilisation du critère de stabilité à la houle, H/(ΔD), est présentée dans la Section 5.2.1.5 et
ses différentes applications à la Section 5.2.2 ;
Les formules qui servent à transférer certains paramètres de stabilité dans d’autres font l’objet de 7
la Section 5.2.1.8. Enfin, la Section 5.2.1.9 donne une vue d’ensemble des formules de dimension-
nement générales.
Certains des paramètres qui servent à évaluer la stabilité hydraulique des ouvrages en enroche-
ment sont des combinaisons de paramètres hydrauliques (action) et de paramètres des matériaux
8
(résistance). Les paramètres pertinents dans le cadre de la stabilité structurelle peuvent être
répartis en quatre catégories, analysées ci-dessous :
• réponse de l’ouvrage.
10
CETMEF 555
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Attaque de la houle
Dans le cas de l’attaque de la houle sur un talus, le paramètre le plus important, qui donne une
relation (voir l’Équation 5.95) entre l’ouvrage et les conditions de houle, est le nombre de sta-
bilité, Ns (-) :
(5.95)
où
H = hauteur de la houle (m). Il s’agit habituellement de la hauteur significative de la
houle, Hs, définie soit par la moyenne des hauteurs du tiers supérieur des hauteurs
de vagues au cours d’un enregistrement (= H1/3) ou par 4√m0, la hauteur significa-
tive spectrale de la houle, Hm0 (voir la Section 4.2.4). En eau profonde, les deux
définitions donnent plus ou moins la même hauteur de la houle. En eau peu pro-
fonde, en revanche, il peut exister des différences sensibles, allant jusqu’à H1/3 = 1.3
Hm0 (voir la Section 4.2.4) ;
Δ = densité relative déjaugée (-), donnée par l’Équation 5.96 ;
D = dimension ou diamètre caractéristique (m), selon le type d’ouvrages (voir la Section
5.2.2.1). Le diamètre utilisé pour l’enrochement naturel est le diamètre nominal
médian, Dn50 (m), défini comme la taille du cube équivalent de masse, M50 (kg) ; la
relation entre ces deux paramètres est : Dn50 = (M50/ρr)1/3 (voir la Section 3.4.2).
Pour l’enrochement artificiel, le diamètre utilisé est Dn (m), qui dépend de la forme
du bloc (voir la Section 3.12).
(5.96)
où ρr est la masse volumique apparente de la roche (kg/m3), égale à ρapp (voir la Section 3.3.3) et
ρw est la masse volumique de l’eau (kg/m3). Dans le cas des carapaces en enrochement artificiel,
la masse volumique du béton, ρc (kg/m3), remplace la masse volumique de l’enrochement natu-
rel, ρr (kg/m3).
Un autre paramètre structurel important est le paramètre de déferlement, ξ, qui relie l’angle du
talus de l’ouvrage ou de la plage, α (°), à la cambrure nominale de la houle, so (-), et qui permet
de classer les types de déferlement. Ce guide propose différentes versions de ce paramètre,
ξ = tan α/ so (voir la Section 5.1.1), selon la hauteur spécifiée (soit la hauteur significative basée
sur l’analyse dans le domaine temporel, Hs = H1/3, soit la hauteur de la houle calculée à partir du
spectre, Hs = Hm0) et selon la période spécifiée (soit la période moyenne, Tm, soit la période de
pic, Tp, soit la période énergétique moyenne, Tm-1,0) qui sont utilisées. En résumé :
Les principaux paramètres qui servent à décrire la réponse structurelle aux courants sont des
combinaisons de paramètres hydrauliques (action) et de paramètres des matériaux (résistance).
556 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Les barrages de fermeture sont classés et conçus à l’aide (entre autres paramètres) du paramètre 1
de hauteur critique ou paramètre de hauteur de franchissement, H/(ΔD), où H est un équivalent
de la hauteur de la houle, utilisé pour le nombre de stabilité défini ci-dessus dans le cas de l’atta-
que de la houle. Dans le cas de l’attaque des courants, H est la hauteur ou le niveau de l’eau à
l’amont par rapport au niveau de la crête du barrage. Par ailleurs, le paramètre à l’aval, hb/(ΔD),
sert à déterminer les régimes d’écoulement (voir la Section 5.1.2.3), où hb est la hauteur d’eau à
l’aval par rapport au niveau de crête du barrage. On peut également utiliser un paramètre de
débit adimensionnel, q/ g(ΔD)3.
2
Parmi les autres paramètres utilisés dans l’évaluation de la réponse des enrochements et des sédi-
ments grossiers - par exemple en rivière et en canal - on trouve :
• le paramètre de vitesse, U2/(2gΔD) (-), que l’on trouve dans les travaux d’Isbash et
Khaldre (1970) ; 3
• le paramètre de la contrainte de cisaillement, ψ (-), connu sous le nom de paramètre de Shields
(Shields, 1936) et défini par l’Équation 5.97 comme étant le ratio entre la contrainte de cisail-
lement d’une part, et le poids volumique déjaugé et la dimension caractéristique du matériau
d’autre part :
4
(5.97)
La vitesse locale, c’est-à-dire la vitesse près de l’ouvrage ou près du fond, ub (m/s), et les paramè- 5
tres qui décrivent le champ des vitesses et les conditions de turbulence sont également utilisés
dans les applications fluviales.
Les principaux paramètres qui caractérisent l’enrochement naturel du point de vue de la stabi- 6
lité sont :
• la masse volumique apparente, ρapp (kg/m3), une propriété intrinsèque à la roche (voir les
Sections 3.2 et 3.3.3) dépendante de la quantité d'eau présente dans les interstices de la roche ;
• la distribution blocométrique, définie par les limites nominales inférieure et supérieure, appe-
lées NLL et NUL, respectivement, et les exigences standard sur les passants pour différentes
7
tailles (voir la Section 3.4.3). Ceci contrôle à la fois la taille médiane, c’est-à-dire la masse, M50
(kg), et (avec la masse volumique apparente) le diamètre nominal Dn50 (m) et la gradation,
D85/D15, où D85 et D15 sont les valeurs de la courbe granulométrique à 85 % et à 15 %, respec-
tivement. Le Tableau 5.17 et la Section 3.4.3 présentent des exemples de blocométrie.
• la forme des enrochements, caractérisée par exemple par l’élancement ou par le « blockiness » 8
(voir la Section 3.4.1).
La qualité et la durabilité de la roche peuvent affecter la blocométrie au cours du cycle de vie et,
par conséquent, la stabilité. Ces aspects doivent donc faire l’objet d’une étude le cas échéant (voir
les Sections 3.3.5 et 3.6).
9
10
CETMEF 557
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
D85/D15 < 1.5 1.5 < D85/D15 < 2.5 D85/D15 > 2.5
3 – 6 t *) 1.3 10 – 60 kg *) 1.8
1 – 3 t *) 1.4
0.3 – 1 t *) 1.5
Note : les *) désignent une blocométrie standard conforme à la norme EN 13383 (Voir la Section 3.4.3)
Les paramètres structurels liés à la section transversale de l’ouvrage peuvent être divisés en deux
catégories : les paramètres structurels liés à la géométrie de la section et les paramètres structu-
rels liés aux exigences induites par la construction de l'ouvrage.
La Figure 5.30 présente un récapitulatif des paramètres liés à la géométrie d’une section de digue
portuaire, bien que certains d’entre eux s’appliquent également à d’autres types d’ouvrages. Ces
paramètres sont énumérés ci-dessous et sont tous exprimés en mètres, sauf mention contraire :
• largeur de l’ouvrage B
Les Chapitres 6, 7 et 8 proposent des recommandations spécifiques aux différents types d’ouvrages.
558 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
3
Figure 5.30 Paramètres dimensionnnants liés à la section de l’ouvrage (digue portuaire)
En ce qui concerne les propriétés de l’ouvrage, il est possible de définir les paramètres suivants :
• la porosité de la carapace, nv ; 4
• la perméabilité de la carapace, du filtre et du noyau ;
La porosité de couche des carapaces en enrochement naturel, nv (-), est définie à la Section 3.5.
Ce paramètre dépend principalement de la forme et de la blocométrie de l'enrochement, ainsi 5
que de la méthode de pose des blocs d’enrochement sur le talus. Les Sections 3.5 et 9.9 proposent
d’autres informations sur la détermination de la porosité des carapaces en enrochement.
La porosité de couche des carapaces en enrochement artificiel, nv (%), peut être estimée à l’aide
de l’Équation 5.98 :
6
(5.98)
où
N = nombre de blocs d’enrochement par unité de surface (1/m2), voir l’Équation 5.99 ;
La perméabilité de l’ouvrage n’est pas définie de manière classique, comme par exemple à l’aide 9
des travaux de Darcy (voir la Section 5.4.4.4), mais est plutôt donnée sous forme d’un indice qui
représente la perméabilité globale de l’ouvrage, ou sous forme d’un ratio de dimensions d’enro-
chements. Il s’agit d’un paramètre important pour la stabilité des carapaces soumises à la houle.
La perméabilité dépend des dimensions des couches filtres et du noyau et peut par exemple être
exprimée par un coefficient de perméabilité nominale, P. La Figure 5.39 de la Section 5.2.2.2
donne des exemples de P, sur la base des travaux de Van der Meer (1988). Une approche plus
simple qui permet de prendre en considération l’influence de la perméabilité sur la stabilité des
10
CETMEF 559
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
talus en enrochement soumis aux courants ou à la houle consiste à utiliser le ratio entre les dia-
mètres des matériaux du noyau et les diamètres des matériaux de la carapace.
Pour mesurer concrètement la perméabilité des barrages (en se référant à l’ouvrage plutôt qu’aux
matériaux) soumis aux courants, on dispose du ratio d/Dn50 (-), entre la hauteur du barrage, d (m),
et le diamètre nominal médian de l'enrochement, Dn50 (m). Ce ratio peut être interprété comme
une mesure du nombre d’enrochements (et des vides associés).
La densité de pose est un paramètre directement lié au plan de pose de la carapace. Ce terme
s’applique principalement aux blocs dans la carapace. L’influence de ce plan de pose sur la stabi-
lité de l’ouvrage est analysée à la Section 5.2.2.3. L’Équation 5.99 donne l’estimation du nombre
de blocs d’enrochement par unité de surface, N (1/m2), utilisé aux Sections 3.5.1 et 3.12.
(5.99)
où
ta = épaisseur de la carapace (m), définie par ta = nktDn50 (voir également la Section 3.5) ;
NOTE : la densité de pose des carapaces en enrochement artificiel est la même que celle qui est
définie dans l’Équation 5.99 ci-dessus, à l’exception du diamètre nominal, Dn, à utiliser à la place
de Dn50. La densité de pose est alors N = φ/Dn2, où φ = coefficient de densité de pose (-) (voir éga-
lement la Section 3.12).
Le terme densité de pose (défini par l’Équation 5.99) est assez fréquemment désigné dans les
publications spécialisées par le symbole φ, alors que ce dernier représente en réalité le coefficient
de densité de pose.
Le comportement de l’ouvrage peut être décrit par une série de paramètres qui dépendent du type
d’ouvrage. Les ouvrages statiquement stables sont décrits par le nombre de blocs déplacés ou par
l’évolution du dommage, c’est-à-dire les différences observées de profil avant et après les tempêtes.
Le dommage subi par la carapace en enrochement peut être exprimé comme un pourcentage
d’enrochements déplacés par rapport à une zone donnée, par exemple l’intégralité ou une partie
seulement de la carapace. Le pourcentage de dommage, D (%) est à l’origine défini dans le Shore
Protection Manual (CERC, 1984) comme suit :
« Volume normalisé érodé dans la zone active, depuis le milieu de la crête jusqu’à 1Hs au-dessous
du niveau de l’eau au repos. »
Ceci est par exemple utilisé dans le critère de dommage nul de la formule d’Hudson permettant
d’évaluer la stabilité des carapaces en enrochement (voir la Section 5.2.2.2).
Dans ce cas, toutefois, il est difficile de comparer divers ouvrages, car les chiffres concernant le
dommage correspondent à des totaux différents pour chaque ouvrage. Une autre possibilité
consiste à décrire le dommage par la zone d’érosion autour du niveau de l’eau au repos. Lorsque
cette zone d’érosion est liée à la taille des enrochements, il est possible de calculer un niveau de
dommage adimensionnel, indépendant de l’angle de talus, de la longueur et de la hauteur de l’ou-
vrage. Ce niveau de dommage adimensionnel, Sd (-) (p. ex. voir Broderick, 1983), est défini par
l’Équation 5.100.
560 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
(5.100) 1
où Ae est la surface érodée autour du niveau de l’eau au repos (m2).
La Figure 5.31 représente le profil d’un ouvrage endommagé. Le niveau de dommage tient
compte des tassements et des déplacements verticaux, mais pas des tassements ou des glissements
parallèles au talus. Le dommage, Sd, peut être décrit physiquement par le nombre de carrés de 2
côté Dn50 qui entrent dans la surface érodée, ou le nombre d’enrochements cubiques de côté Dn50
perdus dans une bande de l’ouvrage ayant une largeur de Dn50. Le nombre réel d’enrochements
perdus au sein de cette bande peut différer de Sd, en fonction de la porosité, de la blocométrie de
l’enrochement et de la forme des enrochements. En règle générale, le nombre réel d’enroche-
ments perdus dans une bande de largeur Dn50 est inférieur à la valeur de Sd (jusqu’à 0.7 Sd), du
fait des facteurs exposés ci-dessus. 3
5
Figure 5.31 Dommage, Sd, sur la base d’une zone érodée, Ae
Le coefficient de dommage, Sd, est moins approprié dans le cas de blocs artificiels complexes, à
cause de la difficulté à définir un profil de surface. Dans ce cas, le dommage peut être exprimé sous
la forme d’un nombre de blocs déplacés, Nod (-), ou sous la forme d’un pourcentage de dommage,
Nd (%). Le nombre de blocs déplacés dans une bande de largeur Dn est défini par l’Équation 5.101 :
7
(5.101)
Le pourcentage de dommage (ou déplacement relatif dans une zone donnée) est déterminé par
l’Équation 5.102. Il s’agit du rapport entre le nombre de blocs déplacés et le nombre total de blocs 8
initialement présents dans la carapace.
(5.102)
La zone de référence doit être définie soit comme étant la totalité de la carapace, soit comme 9
étant la zone entre deux niveaux, par exemple de la crête à 1Hs en dessous du niveau de l’eau au
repos (m), sur une certaine largeur (m). À des fins de dimensionnement, le pourcentage de dom-
mage et le nombre de blocs déplacés pour différents types de blocs d’enrochement sont analysés
plus en détail à la Section 5.2.2.3.
fil devient presque stable. Les ouvrages dynamiquement stables sont caractérisés par un profil de
dimensionnement - à atteindre après une certaine période d’adaptation - plutôt que par le profil
après construction. Ce type d’ouvrage est décrit à la Section 5.2.2.6.
Ce critère exprime essentiellement la valeur critique du ratio entre les forces des fluides déstabi-
lisantes (qui tendent à déplacer la particule) et les forces stabilisatrices qui agissent sur la parti-
cule. Les forces qui tendent à déplacer les particules du fond sont liées à la contrainte de cisaille-
ment maximale exercée sur le fond par le liquide en mouvement ; les forces stabilisatrices sont
liées au poids déjaugé de la particule. Lorsque le ratio entre les deux forces, exprimé par le para-
mètre de Shields, ψ, dépasse une valeur critique ψcr, un mouvement est initié. Le critère de Shields
pour un écoulement régulier et uniforme est exprimé dans les Équations 5.103 et 5.104. La Figure
5.32 représente la courbe de Shields.
Notes :
L’Équation 5.103 permet de calculer le paramètre de Shields, ψcr, fonction de la valeur critique de
la vitesse de cisaillement, u*cr, et des paramètres structurels.
(5.103)
(5.104)
562 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
où 1
τ cr = valeur critique de la contrainte de cisaillement au niveau du fond induite par le
fluide, à laquelle les enrochements commencent à se déplacer (N/m2) ;
D = taille de tamis de l'enrochement (m) ; le diamètre de tamis médian, D50, est souvent
utilisé comme valeur caractéristique ;
Re* = nombre de Reynolds, basé sur la vitesse de cisaillement (Re* = u*cr D/ν) (-) ;
Le transport initial d’enrochements peut exiger une analyse probabiliste (voir la Section 2.3.2) 6
pour évaluer le dommage et la maintenance nécessaire (Section 10.1).
Pour optimiser le dimensionnement, on peut avoir recours à des méthodes probabilistes (Section
2.3) et/ou devoir accepter un certain niveau de dommage ou d’affouillement (voir l’introduction
8
de la Section 5.2) pour régler le problème de l’incertitude liée à ψcr.
Pour des tailles de tamis de sédiments et d’enrochement données, D50, les valeurs de ψcr peuvent
être calculées approximativement à l’aide d’un ensemble de formules, où ψcr est fonction d’une 10
CETMEF 563
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
taille de particules adimensionnelle, D* (-). L’Équation 5.105 présente la forme générale de cette
approximation :
(5.105)
où A et B sont des coefficients (-) (voir Tableau 5.18) et D* est la taille de particules adimension-
nelle, qui peut être déterminée à l’aide de l’Équation 5.106 :
(5.106)
où ν est la viscosité cinématique de l’eau (m2/s) et D50 est la taille de tamis médiane (m) ; la vis-
cosité cinématique de l’eau à une température de 20° C est ν = 1.0.10-6 m2/s.
Les coefficients A et B (-) de l’approximation donnée ci-dessus sous la forme de l’Équation 5.105,
sont énumérés du Tableau 5.18. Les valeurs de A diffèrent selon que ψcr = 0.03 ou ψcr = 0.055 est
choisi comme référence.
Note : les valeurs des coefficients sont valables pour des enrochements pour lesquelles Δ = 1.6.
Le critère de Shields pour le début de mouvement a été établi à l’origine pour des écoulements
unidimensionnels et uniformes au-dessus d’un fond horizontal. Dans la prochaine section, la
contrainte de cisaillement due au courant, τc, qui agit sur le fond, est présentée pour un écoule-
ment unidirectionnel. Dans le cas des écoulements oscillatoires, des écoulements à la fois unidi-
rectionnels et oscillatoires, des ouvrages à talus ou d’une turbulence excessive, plusieurs facteurs
(p. ex. le coefficient de frottement ou le coefficient de turbulence) sont nécessaires pour pouvoir
appliquer le critère de Shields. Ces cas, ainsi que les coefficients à utiliser, sont également présen-
tés ci-dessous et analysés plus en détail à la Section 5.2.3, où figurent les diverses formules de
dimensionnement.
Écoulement unidirectionnel
En cas d’écoulement uniforme, la contrainte de cisaillement induite par le courant, τc (N/m2), qui
agit sur le fond, peut être calculée à l’aide de l’Équation 5.107, sur la base de l’équation de rugo-
sité de Chézy :
(5.107)
Dans la mesure où la rugosité, ks, est un paramètre dimensionnant du coefficient de Chézy, C, et,
en conséquence, de ψ, il est nécessaire d’estimer correctement sa valeur à l’aide des recomman-
dations données à la Section 4.3.2.3 en ce qui concerne les sédiments, les galets et l’enrochement
564 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
naturel. Dans le cas du rip-rap, on applique d’autres valeurs de la rugosité hydraulique (voir la 1
Section 5.2.3.1). À l’aide de l’Équation 5.97, il est possible d’exprimer τc sous une forme adimen-
sionnelle, ψ, à comparer avec la valeur critique (de dimensionnement), ψcr. La Section 4.3.2.3
contient également l’analyse d’une formule légèrement modifiée, l’Équation 4.133, qui implique
l’introduction d’une hauteur d’eau supplémentaire de ks/12. Cette modification est particulière-
ment utile pour les faibles hauteurs d’eau relatives, h/ks (-).
Écoulement oscillatoire
3
Le critère de Shields pour le début de mouvement a été établi à partir d’observations expérimen-
tales des écoulements unidirectionnels et uniformes. Pour les écoulements à variations lentes,
comme les courants de marée en eau peu profonde, l’écoulement peut raisonnablement être
considéré comme quasi-uniforme. Pour des périodes d’oscillation plus brèves, comme pour les
mers de vent ou la houle océanique dont la période est comprise entre 5 et 20 secondes, l’appro-
che quasi-uniforme ci-dessus n’est plus justifiée. Différents chercheurs se sont intéressés au phé- 4
nomène de début de mouvement sous l’action de la houle. Madsen et Grant (1975) et Komar et
Miller (1975) ont démontré, indépendamment les uns des autres, que les résultats obtenus pour
le début de mouvement en cas d’écoulement irrégulier étaient raisonnablement en accord avec
la courbe de Shields concernant l’écoulement unidirectionnel si la contrainte de cisaillement était
calculée en introduisant le concept de coefficient de frottement de la houle selon Jonsson (1966).
L’Équation 5.108 donne la relation entre cette contrainte de cisaillement maximale en cas d’écou- 5
lement oscillatoire, τˆ w(N/m2), et les paramètres hydrauliques correspondants.
(5.108)
où fw = coefficient de frottement (-) et uo = vitesse orbitale maximale au fond (m/s2), dont une pre-
mière approximation peut être calculée à l’aide de la théorie de la houle linéaire (Équation 4.49).
6
Soulsby (1997) a présenté l’Équation 5.109 comme la relation empirique pour le coefficient de
frottement du fond, fw, applicable en cas d’écoulement irrégulier et turbulent. Swart (1977) a pro-
posé une valeur constante de fw = 0.3 pour des valeurs du ratio ao/z0 inférieures à 19.1.
L’Équation 5.107 peut être reformulée en utilisant z0 = ks/30 (voir la Section 4.3.2.4), ce qui donne
l’Équation 5.111 :
Lorsque la contrainte de cisaillement critique est basée sur la contrainte de cisaillement moyenne
en écoulement oscillatoire, (⏐τ-w⏐= 1/2 ˆτw) le paramètre de Shields doit avoir une valeur de ψcr
= 0.03 pour être conforme aux résultats de Rance et Warren (1968).
Les publications spécialisées suggèrent qu’en cas de houle et de courant régulier concomitants, la
contrainte de cisaillement effective pour le début de mouvement doit être la somme des compo-
santes oscillatoires et uniformes de la contrainte de cisaillement. Bijker (1967) a proposé une for-
mulation pour la contrainte de cisaillement au niveau du fond qui résulte de l’action combinée de
la houle et des courants, qui est largement mise en application en ingénierie. D’autres informa-
tions générales concernant cette approche sont disponibles chez Sleath (1984), Herbich et al.
(1984) et Van der Velden (1990). Selon Bijker, la contrainte de cisaillement résultante, τcw, peut
être calculée par somme vectorielle des vitesses de cisaillement de la houle et des courants. Basée
sur la contrainte de cisaillement moyennée sur le temps pour la houle et pour des courants régu-
liers quel que soit l’angle, l’Équation 5.112 peut être appliquée pour estimer la contrainte de
cisaillement effective moyenne au fond due à l’action combinée de la houle et des courants, τ-cw,
en ce qui concerne les conditions de début de mouvement et pour comparaison avec les valeurs
critiques ψcr :
pour (5.112)
où les Équations 5.107 et 5.108 doivent être utilisées pour calculer τc et ˆτw, respectivement.
Comme cela a été évoqué auparavant, pour déterminer la taille médiane des particules D50 qui
seront stables, le paramètre de Shields doit avoir une valeur ψcr = 0.03 pour être en accord avec
les résultats de Rance et Warren (1968).
(5.113)
NOTE : l’approche ci-dessus n’est pas très utile en cas de vagues relativement fortes combinées à
des courants faibles (c’est-à-dire τw > 2.5τc), car l’Équation 5.113 mènerait à des valeurs élevées
du coefficient d’amplification, kw, non-conformes à la réalité. Dans ce cas, le concept plus général
mais légèrement plus complexe mis au point par Soulsby et al. (1993) est recommandé. Un
résumé pratique est disponible dans les travaux de Soulsby (1997).
Talus de l’ouvrage
(5.114)
où ψ est l’angle formé par l’écoulement par rapport à la direction ascendante de la pente (°) et β
est l’angle du talus par rapport à l’horizontale (°) (voir la Figure 5.33).
566 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
(5.116) 3
NOTE : dans le cas d’un écoulement le long du talus (ψ = 90 °), β est noté α.
5
Figure 5.33 Définition des angles
L'angle de frottement interne, ϕ′, est utilisé en géo-mécanique alors que dans les modèles mentionnés ci-
dessus, par exemple l'Équation 5.115, c'est l'angle de repos, φ, qui est utilisé. L'angle de repos n'est pas une
propriété spécifique au matériau tel que l'est l'angle de frottement interne, qui dépend du niveau de contrainte
6
effective. L'angle de repos, φ, est souvent défini comme étant l'angle maximal que peut prendre la pente d'un
talus avant perte de la stabilité de la pente, sans sollicitation externe. La valeur de l'angle de repos peut être
égale ou supérieure à la valeur de l'angle de frottement interne. Il existe une relation empirique entre ces deux
paramètres, comme l'angle de frottement interne décroît quand la contrainte effective, σ′, augmente : τcr = c
+ σ′ tan ϕ′, τcr est la contrainte de cisaillement critique et c la cohésion, pour plus de détails voir la Section
5.4.4.5. Pour un monticule d'enrochement sans sollicitation externe, l'angle de frottement est égal à l'angle
de repos. 7
L'angle de repos, φ, est généralement compris entre 30°-35° pour du sable grossier et 45° pour des maté-
riaux angulaires.
Run-down : (5.118)
où α est l’angle du talus (°) et f un coefficient de frottement (-), que l’on peut estimer approxi- 9
mativement égal à tan φ pour le rip-rap et l’enrochement naturel.
Les réductions données ci-dessus s’appliquent également aux vitesses critiques (voir la Section
5.2.1.4). Toutefois, étant donné que la contrainte de cisaillement, τ, est proportionnelle à U2, il faut
utiliser la racine carrée des valeurs résultant des formules et des nombres donnés, pour l’applica-
tion de ces réductions aux vitesses critiques. 10
CETMEF 567
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Excès de turbulence
En phase de prédimensionnement, on estime que les effets de la turbulence (Section 4.2.5.8) peu-
vent être pris en compte grâce à un facteur de turbulence, kt (en supposant que r = 0.1 à 0.15 ou
10 à 15 % pour une turbulence normale). L’Équation 5.119 donne la relation entre ce facteur et
l’intensité relative la turbulence, r (-).
(5.119)
Ce facteur d’amplification en cas de turbulence, kt, est appliqué aux vitesses, U, et de ce fait kt
peut entraîner un accroissement significatif de la taille des enrochements nécessaire. Par exem-
ple, si r = 0.3 (ou 30 %), kt = 1.4 ou kt2 ≅ 2, la taille des enrochements double, puisque D est une
fonction de (kt U)2 (voir la Section 5.2.3.1).
Remarques supplémentaires
Outre l’approche générale présentée dans cette section, d’autres relations qui s’appliquent spéci-
fiquement aux berges et aux barrages en enrochement sont données à la Section 5.2.3.5.
Selon la méthode de la vitesse admissible, avec comme critère soit U2/(2gΔD) soit simplement la
vitesse d’écoulement, U, le début du mouvement des matériaux se produit lorsque la vitesse cri-
tique ou admissible est dépassée. Les critères de stabilité basés sur les vitesses ont l’avantage
d’être simples. Toutefois, il est essentiel de choisir une vitesse suffisamment représentative afin de
garantir une application fiable de ces critères. Habituellement, on applique la vitesse d’écoule-
ment moyennée sur la profondeur, U (m/s). Elle est plutôt pratique dans le cadre du dimension-
nement, bien que ce soient les conditions de vitesse au fond qui déterminent le début de mouve-
ment et l’érosion. Le Tableau 5.19 présente des valeurs typiques de vitesses critiques, U1 (m/s),
pour des matériaux non-cohésifs et une hauteur d’eau h = 1.0 m. Les vitesses critiques, Ucr (m/s),
pour des hauteurs d’eau comprises entre 0.3 et 3 m, peuvent être obtenues en multipliant les
vitesses critiques du Tableau 5.19 par les coefficients de correction K1 donnés au Tableau 5.20.
568 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Tableau 5.19 Vitesses critiques moyennées sur la profondeur, U1, pour des matériaux 1
granulaires lâches avec une hauteur d’eau de 1 m
Encadré 5.10 Critère de stabilité basé sur la vitesse dans le cas d’enrochements sur un seuil
7
Isbash et Khaldre (1970) ont présenté un exemple bien connu de critère de stabilité basé sur la vitesse. Leurs
formules empiriques calculées pour des enrochements exposés et encastrés sur un seuil sont données par
les Équations 5.120 et 5.121, respectivement.
NOTE : Isbash et Khladre (1970) ont défini ub comme la vitesse critique de mouvement des enrochements
(m/s), qui peut être interprétée comme la vitesse près des enrochements et non comme la vitesse d’écoule-
ment moyennée sur la profondeur, U (m/s).
8
Enrochements exposés : (5.120)
Une autre méthode (quasi-) basée sur des vitesses implique a priori l’hypothèse d’une contrainte
de cisaillement critique ψcr, puis d’un transfert de cette contrainte de cisaillement critique en une
vitesse critique. La méthode, basée sur des profils de vitesses logarithmiques totalement dévelop-
pés (Section 4.3.2.4), est abordée à la Section 5.2.1.8.
Dans le cas complexe d’un profil de vitesse non-complètement développé, la vitesse maximale
locale près du fond doit être mesurée (ou estimée en supposant un profil de vitesse raisonnable,
Section 4.3.2.4). Cette vitesse est alors utilisée dans les Équations 5.104 et 5.123.
À l’origine, les coefficients de correction introduits dans cette section et à la Section 5.2.1.3, ren-
voient tous, à l’exception de kt, aux contraintes de cisaillement, τ ou ψ. Le coefficient de turbu-
lence, kt, renvoie aux vitesses, U.
La résistance d’un fond est représentée par la contrainte de cisaillement, τcr ou ψcr, ou par la
vitesse, Ucr, tandis que l'action réelle peut être exprimée par τ ou ψ (contrainte de cisaillement)
ou U (vitesse).
La relation générale entre la contrainte de cisaillement et la vitesse peut être exprimée par :
U∝ τ ou τ∝U2. Il en résulte que, dans certaines formules de stabilité (voir la Section 5.2.3.1), les
coefficients k apparaissent en principe sous la forme de combinaisons kτ, kψ ou kU, à l’excep-
tion de kt, qui apparaît sous la forme kt2τ, kt2ψ ou ktU.
NOTE : en ce qui concerne le reste des paramètres hydrauliques qui peuvent être utilisés dans
cette analyse de stabilité (H et q, décrits au début de cette Section 5.2.1), il faut noter que H∝U2
et q ∝U. Les coefficients de correction, k, doivent donc être appliqués en conséquence : pour les
coefficients de réduction de la résistance (liés à la pente), par exemple ksl, appliqués à un quel-
conque paramètre de dimensionnement hydraulique, par exemple τcr ou Ucr2, en général ksl ≤ 1,
tandis que pour les coefficients d’amplification des actions (kw, kt), k ≥ 1.
Les analyses de stabilité des ouvrages soumis à l’attaque de la houle sont habituellement basées
sur le nombre de stabilité Ns = H/(ΔD), dans lequel H et D sont la hauteur caractéristique de la
houle et la taille des enrochements, respectivement. Le non-dépassement du seuil d’instabilité ou
l’acceptation d’un certain niveau de dommage peut être exprimé(e) de façon générale par
l’Équation 5.122 (USACE, 2003) :
(5.122)
où les coefficients K1a, etc. dépendent tous des autres paramètres qui influencent la stabilité (voir
la Section 5.2.1.2).
La partie droite de l’Équation 5.122 a été largement étudiée (p. ex. Iribarren, Hudson, etc.), ce qui
a permis de déterminer plusieurs relations empiriques décrivant les interactions structurelles
(c’est-à-dire l’équilibre des forces qui agissent sur l’enrochement du talus avant des ouvrages) en
fonction de ce nombre de stabilité. Pour d’autres parties d’ouvrages intégrant de l’enrochement,
des formules de stabilité ont également été déterminées à partir de l’Équation de base 5.122. Pour
certaines parties d’ouvrage spécifiques, la stabilité est plutôt évaluée à l’aide d’un paramètre de
mobilité θ = u2/(gΔDn50), basé sur la vitesse orbitale. Cette approche, qui concerne les éléments
proches du fond, est directement comparable au concept de vitesse critique, analysé à la Section
5.2.1.4. Ces relations empiriques sont toutes abordées à la Section 5.2.2.
Les analyses de stabilité basées sur une différence de charge hydraulique, par exemple H – hb
(voir la Figure 5.21 à la Section 5.1.2.3), ou sur la hauteur de franchissement, H, ont l’avantage
570 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
d’être faciles à obtenir à partir d’essais en laboratoire, étant donné que la mesure de H et/ou de 1
hb est relativement simple. H représente une charge hydraulique (différence) ou une hauteur de
franchissement, mesurée habituellement par rapport à un niveau clairement déterminé sur l’ou-
vrage. Le concept de charge hydraulique, avec H/(ΔD) comme nombre de stabilité, est souvent
utilisé dans ce sens pour évaluer la stabilité des barrages et des seuils pour lesquels le niveau de
crête est le niveau de référence. Les relations d’origine pour U et/ou q peuvent être transférées
dans un critère en H. Les formules empiriques utilisées pour l’évaluation de la stabilité des bar-
rages sont données à la Section 5.2.3.5.
2
5.2.1.7 Méthode du débit critique
(5.123) 7
où D50 est le diamètre de tamis médian (m) et C le coefficient de Chézy (m1/2/s).
Le coefficient C2/(2g) de l’Équation 5.123 décrit l’influence de la hauteur d’eau relative h/D50. En 8
renvoyant à l’Équation 4.132 et à la description du profil vertical de vitesse présentée à la Section
4.3.2.4, ce coefficient peut être défini comme un coefficient de profondeur ou un coefficient de
profil de vitesse : Λh. L’inverse, 1/Λh, est également connu comme le coefficient de frottement
général applicable aux courants, fc = 2g/C2 (voir la Section 5.2.1.3). Le critère de vitesse peut alors
être exprimé par l’Équation 5.124.
9
(5.124)
(5.125)
Pour de faibles hauteurs d’eau relatives h/ks (-), en utilisant à la place l’Équation 4.133, l’expres-
sion de Λh peut être modifiée en Λh = 182/(2g) log2(1 + 12h/ks).
Il est alors possible d’introduire une relation entre le coefficient de rugosité ks (m), et la taille des
particules (Section 4.3.2.3). Pour les sédiments et les galets (mais non l’enrochement naturel, voir la
note ci-dessous), une approximation raisonnable est ks = 2D90 ou ≈ 4D50 qui, après substitution dans
l’Équation 5.125 donne l’Équation 5.126 comme expression du coefficient de profondeur, Λh (-).
(5.126)
NOTE : l’approximation donnée ci-dessus pour ks (m) n’est pas valable pour le rip-rap et pour l’en-
rochement naturel. Selon la situation (voir la Section 5.2.3.1) la rugosité est ks = 1 à 3Dn50 (m).
En réalité, en remplaçant les valeurs de Λh et de ψcr, l’Équation 5.124 est utilisée comme critère
de vitesse. Remplacer la valeur de ψcr revient à lui assigner le rôle de paramètre de dommage (voir
la Section 5.2.1.2).
Pour le transfert d’une hauteur critique de la houle, H, en une vitesse critique et inversement, une
fonction de transfert générale est donnée par l’Équation 5.127, dans laquelle la vitesse orbitale,
uo (m/s), est définie par l’Équation 4.49.
(5.127)
où
H = hauteur caractéristique de la houle (m) ;
so = cambrure nominale de la houle (-), so = 2πH/(gT2) ;
Λw = coefficient de profondeur appliqué à la houle (-), qui, selon la théorie de la houle
linéaire, est défini par l’Équation 5.128.
(5.128)
La Figure 5.34 donne un aperçu des concepts de stabilité avec les différents critères à suivre, ainsi
que les paramètres de stabilité correspondants et leurs domaines d’application.
572 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
kw
générales
Équation 5.113 écoulement à
7
kt Équation 5.119 = 0.5-1.5 : travers l'ouvrage
ksl Équation 5.114 Section 5.2.1.7 : méthode du
débit critique
Débit (adimentionnelle) : Applications : barrage haut,
talus arrière des
protections
contre la mer
8
ucr = 3-4 m/s : D ≈ 0.1-0.2 m
10
CETMEF 573
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Dans les sections précédentes, il a été démontré que le transfert du paramètre d’Isbash en para-
mètre de Shields donne un critère pour lequel ψcr est le paramètre de dommage. On obtient ainsi
la formule de stabilité fondamentale de l’Équation 5.124, valable pour des courants uniformes
avec une turbulence normale au-dessus d’un fond horizontal. L’introduction de divers facteurs de
correction, présentés et analysés à la Section 5.2.1.3, donne l’Équation 5.129, qui est la formule
généralement applicable pour obtenir la vitesse critique moyennée sur la profondeur, U.
(5.129)
où
D = dimension caractéristique des enrochements, soit la taille de tamis, D (m), soit le
diamètre nominal, Dn (m), ce qui est spécifié dans la formule de dimensionnement
utilisée (voir la Section 5.2.3) ;
ksl = facteur de réduction lié à la pente (-) ; ksl ≤ 1 (voir la Section 5.2.1.3) ;
Λh = coefficient de profondeur ou de profil de vitesse (-) (voir la Section 5.2.1.8) ; en
ingénierie hydraulique, on utilise habituellement une distribution logarithmique
des vitesses ; d’autres types de distributions de vitesses sont abordés à la Section
5.2.3.1 ;
kt = facteur d’amplification en cas de turbulence (-) ; kt ≥ 1 (voir la Section 5.2.1.3) ;
kw = facteur d’amplification en cas de houle (-) ; kw ≥ 1 (voir la Section 5.2.1.3), limité à :
τw < 2.5τc.
Il est à noter que puisque ksl est un facteur de réduction de la résistance, alors ksl < 1, tandis que
kt ≥ 1 et kw ≥ 1, puisqu’il s’agit de facteurs d’amplification de l'action.
En combinant les facteurs d’amplification en un seul facteur K′ = kw-1 kt-2, l’Équation 5.129
devient l’Équation 5.130, qui exprime la vitesse critique moyennée sur la profondeur, U.
(5.130)
Une formulation similaire peut être choisie, basée sur le concept que la stabilité est déterminée par
une vitesse effective locale, exprimée par KU, plutôt que par la vitesse moyennée sur la profondeur,
U. K est alors le facteur d’amplification de la vitesse général ou « facteur K », égal à kt √kw.
L’Équation 5.131 donne la relation entre ladite vitesse effective locale, les paramètres structurels
et divers coefficients.
(5.131)
Les facteurs généraux K′ ou K des Équations 5.130 et 5.131, respectivement (noter que K′ = 1/K2)
peuvent être obtenus de façon pratique à partir d’essais sur modèles. La Section 7.2.6 présente un
exemple de conception d’une protection de fond. Toutefois, les résultats de ces essais ne donnent
aucune information sur les facteurs k pris séparément. Ceux-ci peuvent être évalués à l’aide des
formules données à la Section 5.2.1.3. Dans le cas d’un fond horizontal (ksl = 1) et en l’absence de
houle (kw = 1), toute valeur de K obtenue à partir d’essais sur modèles ne peut qu’être le résultat
de déviations locales par rapport au profil des vitesses (exprimé par Λh) et d’un état de turbulence
inhabituel (r ≠ 0.1). Dans des conditions particulières, où l’on peut s’attendre à des déviations par
rapport aux profils de vitesses habituels, les valeurs de K doivent être vérifiées au moins en procé-
dant à des essais sur modèles. Pour ce qui est des facteurs K et Λh, deux remarques s’imposent :
• l’utilisation du facteur K ci-dessus pour définir KU comme une « vitesse effective » locale est
semblable à l’utilisation du paramètre d’affouillement, α, pour lier le phénomène d’affouille-
ment à une vitesse d’affouillement locale, pratique courante dans les publications traitant de
l’affouillement (p. ex. Hofmans et Verheij, 1997) ;
574 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
• étant donné que Λh = 1/fc et si l’on ne tient pas compte des facteurs de correction k, la valeur 1
seuil du paramètre d’Isbash, U2/(2gΔD), est généralement de l’ordre du ratio entre le paramè-
tre de Shields et le coefficient de frottement réel, ψcr/fc.
Dans les Équations 5.130 et 5.131, ψcr peut être utilisé comme paramètre de dommage ; ψcr = 0.03
à 0.035 représentant un dommage nul ou aucun mouvement, et ψcr = 0.05 à 0.055 représentant
quelques mouvements (voir la Section 5.2.1.3).
2
Différentes formules de stabilité peuvent être établies à partir de l’un ou l’autre des concepts
énoncés ci-dessus, pour des applications particulières telles que pour les berges de rivière et les
barrages. La Section 5.2.3 présente quelques exemples de ces relations de stabilité particulières.
La Figure 5.35 montre à nouveau la coupe d’une digue portuaire classique, ainsi que les diverses 5
parties de l’ouvrage qui seront décrites dans les prochaines sections.
Figure 5.35 Éléments constitutifs de l’ouvrage étudiés dans la présente Section 5.2.2
Les éléments des ouvrages en enrochement pour lesquels la réponse structurelle à l’attaque de la
8
houle doit être analysée comprennent :
Cette section présente des recommandations pour le dimensionnement des carapaces, des butées
de pied, des couches filtres et des murs de couronnement. Elle traite également des aspects tridi-
mensionnels qui affectent les musoirs de digues. Le Chapitre 6 contient des informations supplé-
mentaires sur des ouvrages maritimes particuliers. 10
CETMEF 575
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Les ouvrages côtiers exposés à l’attaque de la houle peuvent être classés en fonction du nombre
de stabilité, Ns = H/(ΔD) (voir la Section 5.2.1.2). Les faibles valeurs de Ns correspondent à des
ouvrages dont les blocs d’enrochement sont de grande taille et les grandes valeurs de Ns corres-
pondent, par exemple, à des talus dynamiques composés d’enrochement naturel plus petit, les
deux étant exposés à la même hauteur de houle.
En termes de stabilité statique et dynamique, les ouvrages peuvent être classés selon qu’ils sont
statiquement stables ou dynamiquement stables (reprofilables) :
• les ouvrages statiquement stables sont des structures pour lesquelles aucun dommage – si
minime soit-il – n’est toléré dans les conditions de dimensionnement. Le dommage subi par la
carapace est défini comme le déplacement des blocs d’enrochement. La masse de chaque bloc
doit être suffisamment importante pour résister à la force de la houle des événements de
dimensionnement. Les digues de conception traditionnelle appartiennent au groupe des ouvra-
ges statiquement stables. Ces ouvrages ont des nombres de stabilité, Ns, compris entre 1 et 4 ;
• les ouvrages dynamiquement stables (reprofilables) sont des structures que l’attaque de la
houle peut reprofiler, ce qui entraîne une évolution de leur profil. Leurs éléments constitutifs
(enrochements ou galets) sont déplacés sous l’action de la houle jusqu’à ce que la capacité de
transport le long du profil soit réduite à un niveau si bas que le profil est considéré comme
étant presque statique. Même si les matériaux proches du niveau de l’eau au repos sont conti-
nuellement en mouvement pendant chaque run-up et chaque run-down de la houle, la capa-
cité nette de transport peut être nulle si le profil a atteint son équilibre. La stabilité dynami-
que d’un ouvrage est caractérisée par un profil de projet. Les ouvrages dynamiquement sta-
bles ont des nombres de stabilité de l’ordre de Ns > 6. Pour ces ouvrages, qui couvrent une
vaste gamme de valeurs de Hs/(ΔDn50), le profil dynamique peut être décrit à l’aide d’un para-
mètre qui associe les effets de la hauteur et de la période de la houle. Ce paramètre, défini par
l’Équation 5.132, est le nombre de stabilité dynamique, HoTo, où Ho est un autre symbole du
nombre de stabilité (statique) Ns = Hs/(ΔDn50) et To est le coefficient de période de la houle :
(-).
(5.132)
La relation entre Hs/(ΔDn50) et le nombre de stabilité dynamique, HoTo, (parfois symbolisé par
« Nsd ») est présentée dans le Tableau 5.21.
Tableau 5.21 Relation entre le nombre de stabilité statique et le nombre de stabilité dynamique
Note : les plages de galets ne sont pas abordées dans ce guide. Les données présentées ici ont un caractère pure-
ment informatif.
Ce guide porte principalement sur les digues à talus et les talus en enrochement naturel, ainsi que
sur les digues à bermes, dont les nombres de stabilité Ns sont compris entre 1 et 20. Pour qu’une
analyse finale de stabilité fasse la distinction, par exemple, entre stabilité statique et dynamique,
il est nécessaire de définir explicitement le mouvement (acceptable).
576 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Une classification approximative de ces ouvrages, basée sur la valeur du nombre de stabilité, est 1
proposée ci-dessous :
Ces ouvrages fixes ne tolèrent aucun dommage. La dimension caractéristique, D, peut être la hau-
teur ou la largeur de l’ouvrage.
2
• Ns = H/(ΔD) = 1 à 4 : digues statiquement stables
Les talus globalement uniformes sont recouverts de gros enrochements naturels ou artificiels.
Seul un dommage (déplacement d'enrochements) limité est autorisé en scénario de dimension-
nement extrême. La dimension, D, est le diamètre caractéristique du bloc ou le diamètre nomi-
nal médian de l’enrochement, Dn50 (m). La digue à berme islandaise est un type particulier de 3
digue portuaire statiquement stable, dont le nombre de stabilité présente généralement des
valeurs de Hs/(ΔDn50) = 2 à 2.5 (voir la Section 5.2.2.6).
Ces ouvrages sont caractérisés par des talus plus raides au-dessus et au-dessous du niveau de 4
l’eau au repos, et par une inclinaison plus modérée entre les deux. Cette partie à inclinaison
modérée réduit les forces exercées par la houle sur les blocs d’enrochement. Les ouvrages repro-
filables sont souvent conçus avec une pente très raide côté mer et une berme horizontale juste
au-dessus du niveau de l’eau au repos (de dimensionnement). Les premières tempêtes adoucis-
sent ce profil qui reste stable par la suite. Il faut s’attendre à des changements de profil impor-
tants. La houle oblique peut causer un début de transport longitudinal. 5
• Ns = H/(ΔD) = 6 à 20 : talus en enrochement dynamiques
Le diamètre des enrochements est relativement petit et ne peut résister à une attaque extrême de
la houle sans que des matériaux ne soient déplacés. Le paramètre de dimensionnement est le pro-
fil qui se forme en présence de différentes conditions aux limites de houle. La houle oblique peut 6
entraîner un transport longitudinal.
La Figure 5.36 présente une vue d’ensemble des types d’ouvrages décrits ci-dessus, accompagnés
des différentes valeurs de H/(ΔD). Un résumé des nombres de stabilité statique et dynamique
pour ces ouvrages a été donné au Tableau 5.21.
7
Ce guide porte plus précisément sur les trois derniers types d’ouvrages présentés à la Figure 5.36 :
les digues et les talus statiquement stables, les digues et les talus dynamiques/reprofilables. Seules 10
les fondations en enrochement des digues en caisson sont étudiées.
CETMEF 577
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Dans cette section, il est fait une distinction entre différents types d’ouvrages (voir la Figure 5.37).
Les ouvrages non-franchis ou légèrement franchis sont des ouvrages à crête haute qui ne sont fran-
chis que dans des conditions de houle extrêmes. L’attaque de la houle sur le talus côté mer est plus
haute que pour les ouvrages à crête abaissée. Dans les conditions de dimensionnement, il peut se
produire un certain franchissement. L’arrière de l’ouvrage doit être constitué de matériaux suffi-
samment gros, mais leur dimension peut être inférieure à celle requise pour les ouvrages à crête
abaissée. La Figure 5.37 montre des situations où il n’y a pas d’eau à l’arrière de ces ouvrages. Il
existe également des cas où il y a de l’eau à l’arrière jusqu’à différents niveaux. Les ouvrages non-
franchis ou légèrement franchis font l’objet des Sections 5.2.2.2, 5.2.2.3 et 5.2.2.11 pour les ouvra-
ges statiquement stables et de la Section 5.2.2.6 pour les ouvrages dynamiquement stables.
Les ouvrages à crête abaissée sont divisés en ouvrages semi-émergés (le niveau de la crête est au-
dessus de l’eau) et ouvrages immergés, leur crête se trouve en dessous du niveau de l’eau au repos
mais la profondeur d’immersion de ces ouvrages est suffisamment faible pour que le déferlement
de la houle affecte la stabilité. Les ouvrages immergés sont franchis par toutes les vagues et la sta-
bilité augmente fortement si la profondeur de la crête augmente.
Les ouvrages semi-émergés sont des ouvrages dont le niveau de crête est bas, si bien qu’il se pro-
duit un franchissement important. Ce franchissement de la houle réduit la dimension requise de
l’enrochement sur le talus côté mer parce qu’une partie de l’énergie de la houle passe par-dessus
la digue. À l’arrière, toutefois, la présence de matériaux d’une dimension supérieure par rapport
à des ouvrages qui ne subissent qu’un franchissement mineur est nécessaire.
Les ouvrages à crête abaissée peuvent être à la fois des ouvrages reprofilables dynamiquement
stables (p. ex. des digues-récifs) et des ouvrages statiquement stables. Une digue-récif dynamique-
ment stable est un entassement homogène d’enrochement dont la crête est peu élevée, qui ne
comporte pas de couche filtre ou de noyau, et qui peut être reprofilé par la houle. La hauteur
d’équilibre de la crête et la transmission et/ou le franchissement de la houle correspondant(e)(s)
sont les principaux paramètres de dimensionnement. La transmission de la houle est traitée à la
Section 5.1.1.4 et le franchissement à la Section 5.1.1.3. Une digue-récif peut à l’origine être un
ouvrage semi-émergé qui, une fois reprofilé, devient un ouvrage immergé.
• Ouvrages de fond
Les ouvrages en enrochement peu élevés par rapport au fond sont des ouvrages immergés à crête
relativement basse par rapport à la hauteur d’eau. La profondeur d’immersion de ces ouvrages
est suffisante pour supposer que le déferlement de la houle n’affecte pas de manière significative
l’hydrodynamique autour de l’ouvrage. Ce type d’ouvrages est décrit à la Section 5.2.2.5 (et à la
Section 5.2.3.2). Pour ce type d’ouvrages, on accepte souvent des nombres de stabilité élevés.
578 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
8
Figure 5.37 Classification des ouvrages
10
CETMEF 579
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Cette section porte sur la stabilité des carapaces en enrochement naturel côté mer des ouvrages
soumis à l’attaque de la houle, tels que les protections côtières et les digues portuaires. Les ouvra-
ges en question ont une hauteur de crête telle que la stabilité du talus avant n’est pas affectée ni
par une transmission forte, ni par un important franchissement de la houle, ni par un dommage
considérable sur la crête ou à l’arrière de l’ouvrage (comme cela peut être le cas pour des ouvra-
ges à crête abaissée). Les ouvrages à crête abaissée sont abordés séparément à la Section 5.2.2.4.
Les dommages au niveau de la crête et à l’arrière des ouvrages à crête relativement élevée sont
abordés séparément à la Section 5.2.2.11. Se reporter à la Section 5.2.2.10 pour des indications
concernant la définition de la granulométrie des matériaux des sous-couches.
• l’influence des fonds peu profonds et à faible inclinaison sur la performance hydraulique est
un sujet qui requiert une attention particulière du fait des phénomènes complexes en jeu, mais
d’autres effets peuvent également modifier la réponse structurelle (la stabilité), comme l’in-
fluence de fonds d’approche pentus sur le shoaling et le déferlement de la houle. En règle
générale, dans ce cas, la stabilité de la carapace est inférieure à la stabilité en situation nor-
male. Des études complémentaires doivent être menées afin de vérifier ces effets, de préfé-
rence via des essais sur modèles physiques ;
• plusieurs formules de stabilité sont présentées dans cette section, chacune étant assortie de
son propre domaine de validité et d’un champ d’application spécifique. Le concepteur doit
s’assurer que les formules sont considérées comme valables pour l’application qu’il en fait. À
cause de la dispersion importante des données sur lesquelles reposent ces équations, ainsi que
de leurs imprécisions, il est recommandé de procéder systématiquement à une analyse de sen-
sibilité, ou à un calcul probabiliste, qui donnera des informations sur la principale source d’in-
certitude dans les calculs et indiquera le degré de sécurité requis pour le dimensionnement ;
• les effets de l’incidence oblique de la houle sur la stabilité de la carapace n’ont pas encore été
suffisamment quantifiés au moment de la rédaction de ce guide. Des essais effectués dans le
cadre du programme européen de science et de technologie (MAST) semblaient indiquer une
réduction relativement limitée du dommage pour les talus en enrochement naturel soumis à
des angles d’incidence de la houle allant jusqu’à 60°, par rapport à une houle d’incidence nor-
male (Allsop, 1995). La stabilité d’un talus en enrochement exposé à une attaque oblique de
la houle doit être confirmée à l’aide d’essais sur modèles physiques ;
• les formules présentées ici doivent être utilisées pour les études préliminaires de digues en
enrochement, de revêtements et d’ouvrages de protection du littoral. Les dimensionnements
préliminaires doivent être confirmés et optimisés à l’aide d’essais sur modèles physiques ;
580 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
• la forme des enrochements est un autre facteur qui influence la stabilité : si elle s’écarte des 1
formes angulaires grossières standard qui ont servi à l’élaboration des formules de stabilité (p.
ex. si les enrochements sont plus arrondis ou plus plats), la stabilité peut également être affec-
tée. Les effets de la porosité et de la forme des blocs sur la stabilité de la carapace sont analy-
sés plus en détail après les recommandations générales de dimensionnement applicables aux
situations standard ;
• l’effet de la densité de la roche est directement inclus dans les formules de stabilité. Toutes 2
les formules présentées dans cette section ont pour résultat une certaine valeur du nombre
de stabilité, Ns = Hs/(ΔDn50), défini à la Section 5.2.1.2. Le recours à une roche d’une densité
élevée entraîne une diminution du volume requis de chaque bloc d’enrochement naturel et,
de fait, une réduction de l’épaisseur de la couche. En général, les formules présentées dans
cette section sont considérées comme valables jusqu’à des valeurs élevées de la densité rela-
tive déjaugée, c’est-à-dire Δ ≅ 2. Même pour des valeurs plus élevées de la densité relative 3
déjaugée de la roche, c’est-à-dire allant jusqu’à Δ ≅ 3.5, Helgason et Burcharth (2005) ont
montré dans leur étude – qui consistait à analyser les publications existantes et à mener de
nouvelles recherches avec des essais sur modèles physiques à petite et grande échelle – que
pour des talus de pente tels que cot α ≥ 2, les formules de stabilité généralement acceptées,
traitées dans la présente section, sont considérées comme valables. Cette étude a également
permis de conclure que pour des talus de pente supérieure à 3/2, la relation entre le nombre
de stabilité Ns = Hs/(ΔDn50) et les différents facteurs K1 à Kn, prenant en compte l’influence
4
de l’angle du talus, de la période de la houle, du niveau de dommage, et du nombre de vagues
etc., n’est pas linéaire. En d’autres termes, Hs/(ΔDn50) = f {K1 à Kn, Δx}, avec x = 2/3 pour des
talus pentus. Pour les talus pour lesquels cot α ≥ 2, x = 1. Pour les matériaux dont la densité
relative déjaugée est faible (Δ < 1.4), certains éléments laissent à penser que les formules de
stabilité présentées dans cette section seraient également valables (jusqu’à Δ = 1). Toutefois,
il faut noter que la résistance de la roche (p. ex. la sensibilité à la rupture et à l’abrasion) exige
5
souvent une attention supplémentaire pour des matériaux de densité aussi faible, dans la
mesure où les formules de stabilité ne tiennent pas compte des effets de la rupture et de
l’abrasion. Les recherches ont confirmé l’effet de la masse volumique apparente de l’enro-
chement : selon leur position par rapport au niveau de l’eau au repos, les enrochements peu-
vent contenir de l’eau dans leurs pores (voir la Section 3.3.3.3).
6
Vue d'ensemble des sujets traités et des conditions prises en compte dans cette section
Les méthodes disponibles pour estimer la stabilité des carapaces en enrochement naturel d'ou-
vrages non-franchis sont dépendantes des conditions hydrauliques et des paramètres structurels
spécifiques en jeu. L'approche fondamentale (ou la situation classique) est d'estimer la stabilité
des talus recouverts d'enrochement naturel de forme anguleuse et rugueux, placé en deux cou- 7
ches sur une couche filtre d'enrochement naturel.
NOTE : la méthode développée par Hudson (traitée ci-dessous) couvre à la fois les conditions d'eau
profonde et peu profonde (cette dernière correspondant à des conditions de houle limitée par la
profondeur et déferlant sur les fonds devant l'ouvrage), et est seulement applicable aux ouvrages
(digue) perméables. La méthode développée par Van der Meer (1988b) couvre seulement les 8
conditions en eau profonde, mais est applicable à une grande variété de conditions structurelles
et hydrauliques. L'eau profonde est définie par h > 3Hs-en pied, où h est la hauteur d'eau en pied
d'ouvrage (m) et Hs-en pied est la hauteur significative de la houle en pied d'ouvrage (m).
Les effets des autres conditions et paramètres structuraux sont évalués soit par l'utilisation de
coefficients de correction ou par des formules explicites, elles sont traitées à la suite des recom-
mandations concernant la situation classique exposée ci-dessus. Les sujets traités dans cette sec-
9
tion sont listés dans le diagramme ci-dessous.
10
CETMEF 581
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
• Formule d'Hudson (1959) • Houle non déferlante en avant de l'ouvrage (eau profonde)
• Houle déferlante en avant de l'ouvrage (houle limitée par la profondeur)
• Formule de Van der Meer • Houle en eau profonde (non limitée par la profondeur)
(1988b)
• Eau peu profonde et fond en avant de l'ouvrage • Eau très peu profonde – Van Gent et al. (2004),
peu incliné – formules de Van der Meer modifiées expérimental, pas de mise en pratique
(2004)
• Fond en avant de l'ouvrage très pentu – fDn50 ≥ 1.1, • Vagues induites par la navigation – Boeters et al.
méthode empirique (1993)
• Effet de la gradation de l'enrochement
• Blocs d'enrochement de forme non-standard
• Pose et placement de l'enrochement
Formule de Hudson
Hudson (1953, 1959) a mis au point l’Équation 5.133, qui repose sur des essais sur modèles dans
des conditions de houle régulière sur des ouvrages en enrochement non-franchis et à noyau per-
méable. Elle donne la relation entre le poids médian de l’enrochement, W50 (N), la hauteur de la
houle en pied d’ouvrage, H (m), et les différents paramètres structurels pertinents. Cette formule
de stabilité, bien connue sous le nom de formule de Hudson, est présentée ici en unités SI, qui ont
remplacé les unités d’origine et symboles associés.
(5.133)
À des fins de dimensionnement, il est acceptable que 0 à 5 % des enrochements situés entre la
crête et le niveau d’une hauteur de vague en dessous du niveau de l’eau au repos soient dépla-
cées de cette zone. Les valeurs de KD proposées pour le dimensionnement correspondent à cette
condition de dommage nul. Dans le Shore Protection Manual (SPM) (CERC, 1977), les valeurs
de KD données pour un enrochement rugueux, angulaire et placé aléatoirement en deux couches
sur la section courante d’une digue étaient KD = 3.5 pour des vagues déferlant en avant de l’ou-
vrage et KD = 4 pour des vagues ne déferlant pas en avant l’ouvrage. Dans le premier cas le défer-
lement des vagues en avant de l’ouvrage est causé par la profondeur. Il ne s’agit pas d’un défer-
lement dû au talus de l’ouvrage proprement dit. La hauteur de la houle à utiliser dans ce cas est
alors la hauteur de la houle de dimensionnement. Bien qu’aucun essai n’ait été effectué en pré-
sence d’une houle aléatoire, il a été initialement suggéré dans le SPM (CERC, 1977) d’utiliser Hs
dans l’Équation 5.133.
Dans le SPM (CERC, 1984), il a été conseillé d’utiliser H1/10 (= 1.27 Hs) comme hauteur de la
houle de dimensionnement dans l’Équation 5.133. Par ailleurs, la valeur de KD pour les vagues
déferlantes a été revue et diminuée de 3.5 à 2, tandis que pour les vagues non-déferlantes en
avant de l’ouvrage, elle a été maintenue à 4. Cela signifie que l’application de la formule de
Hudson selon le SPM (CERC, 1984) induit un poids d’enrochement largement plus élevé qu’en
se référant au SPM (CERC, 1977).
582 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Le principal avantage de la formule de Hudson est sa simplicité, ainsi que la vaste gamme d’en- 1
rochement et de configurations pour lesquelles des valeurs de KD ont été calculées. Cette formule
a cependant des limites :
• elle ne s’applique qu’à une houle régulière ;
• elle ne tient pas compte de la période de la houle et ni de la durée de la tempête ;
• elle n’intègre aucune description du niveau de dommage ; 2
• elle ne s’applique qu’à des ouvrages non-franchis et perméables.
NOTE : dans la pratique, les problèmes qui risquent de survenir du fait de ces limites peuvent être
résolus en utilisant diverses valeurs particulières du coefficient de stabilité (ou de dommage), KD.
Cela s’applique tout particulièrement à la perméabilité de l’ouvrage et à une houle irrégulière.
3
Ces limites sont à l’origine d’écarts relativement importants observés entre les estimations et la
situation réelle, ce qu’illustre la Figure 5.38.
La formule originale de Hudson, l’Équation 5.133, peut être reformulée en utilisant H1/10 = 1.27
Hs et en fonction du nombre de stabilité Ns = Hs/(ΔDn50). L’Équation 5.134 donne la relation
entre ce nombre de stabilité, le talus de l’ouvrage et le coefficient de stabilité, KD. On a utilisé la 4
relation entre le diamètre nominal médian, Dn50, et la masse médiane de l'enrochement (voir
Section 3.4.2).
(5.134)
La taille de l’enrochement peut être calculée à l’aide de l’Équation 5.134, mais seulement en uti- 5
lisant les valeurs de KD calculées pour une utilisation avec H1/10 (KD = 2 pour une houle défer-
lante et KD = 4 pour une houle non-déferlante), correspondant à un niveau de dommage de 0 à
5 %, D = 0 à 5 %. Des pourcentages de dommage plus élevés ont été définis en fonction de la
hauteur de la houle pour différents types de carapaces. Le Tableau 5.22 présente Hs /Hs ; D=0 en
fonction du pourcentage de dommage, D (%). Hs est la hauteur significative de la houle corres-
pondant au dommage D et Hs ; D=0 est la hauteur de la houle de dimensionnement correspondant
à un dommage de 0 à 5 %, que l’on appelle généralement la condition de dommage nul.
6
Tableau 5.22 Valeurs de Hs /Hs ; D=0 en fonction du dommage subi par la carapace et du type
d’enrochement
Enrochement
Hs /Hs;D=0 1.00 1.08 1.14 1.20 1.29 1.41 1.54
lisse3)
Enrochement
anguleux3)
Hs /Hs;D=0 1.00 1.08 1.19 1.27 1.37 1.47 1.562)
8
Notes :
1) Toutes les valeurs correspondent à des sections courantes de digues, à un enrochement disposé aléatoire-
ment en deux couches et à de la houle non-déferlante
2) Valeur extrapolée
3) « Lisse » ou arrondi est défini par PR < 0.01 (voir Section 3.4.1.4) et « anguleux » est défini par PR > 0.011. 9
L’utilisation de l’Équation 5.134 est valable dans des situations où le niveau de dommage est fixe,
à savoir lorsque 0 à 5 % des blocs d’enrochement sont déplacés dans la zone d’attaque principale
de la houle. Cette utilisation peut être étendue à d’autres pourcentages de dommage avec le
Tableau 5.22. Il est également possible d’appliquer l’Équation 5.134 pour les niveaux de dom-
mage donnés par le paramètre, Sd, (voir la Section 5.2.1.2). Van der Meer (1988b) a proposé d’uti-
liser l’Équation 5.135 comme expression du nombre de stabilité, Ns.
10
CETMEF 583
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
(5.135)
La Figure 5.38 présente toutes les données réunies par Van der Meer (1988b) ainsi que les don-
nées utilisées par Van Gent et al. (2004), comparées à l’Équation 5.135 (reformulée) appliquée à
trois valeurs de KD. Ces données incluent des conditions de houle déferlante et de houle non-
déferlante en avant de l’ouvrage. Pour les ouvrages dont le noyau est imperméable, la précision
est nettement inférieure à celle obtenue pour les ouvrages dont le noyau est perméable, ce qui
était prévisible dans la mesure où la formule de Hudson avait été établie pour des ouvrages à
noyau perméable. On distingue trois courbes : KD = 1, KD = 4 et KD = 8. Cette figure présente une
grande dispersion. Pour les ouvrages à noyau imperméable (conditions d’environ 400 essais), on
peut utiliser KD = 4 pour représenter la tendance générale à travers les données ; avec KD = 1, il
n’y a presque aucune sous-estimation du dommage ou, si l’on part d’un niveau de dommage
donné, il n’y a presque aucune sous-estimation de la taille de l'enrochement requise. Pour les
ouvrages à noyau perméable (conditions d’environ 400 essais également), on peut utiliser KD = 8
pour représenter la tendance générale à travers les données ; avec KD = 4, il n’y a presque aucune
sous-estimation. On peut en conclure que l’Équation 5.135, basée sur les travaux de Hudson
(1953, 1959), peut être utilisée à des fins de dimensionnement pour KD = 4 si l’ouvrage a un noyau
perméable. Néanmoins, cette approche peut, dans des conditions spécifiques, mener à des diamè-
tres de blocs bien plus grands que nécessaire. Il est par conséquent recommandé d’étudier quel
est le diamètre requis de l'enrochement donné par d’autres formules de stabilité et de vérifier les
estimations à l’aide d’essais sur modèles physiques spécifiques à l’ouvrage à concevoir. Si l’on
accepte qu’environ 5 % des données mènent à un dommage plus important que prévu par la for-
mule de stabilité, il est recommandé d’utiliser les valeurs de KD suivantes dans l'Équation 5.135
(d’après les travaux de Hudson (1953, 1959)) – que cela concerne, ou non, des conditions de houle
déferlante en avant de l’ouvrage :
Les ouvrages équipés d’un filtre géotextile plutôt que granulaire entre la carapace et le noyau
sont considérés comme des ouvrages à noyau imperméable.
Figure 5.38 Illustration de la précision de la formule de stabilité (Équation 5.135), d’après les travaux
de Hudson (1953, 1959) pour trois valeurs de KD ; les points correspondent à des ouvrages
avec noyaux perméables et imperméables.
584 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Pour les deux types d’ouvrages, l’écart-type est très important entre les valeurs de Sd mesurées et 1
les valeurs estimées par l’Équation 5.135. Selon Van der Meer (1988b), le coefficient de variabi-
lité (soit l’écart-type σ, divisé par la valeur moyenne, μ) pour les valeurs de KD est de l’ordre de
18 %. Cette valeur est nécessaire pour les calculs probabilistes.
Pour les conditions en eau profonde, Van der Meer (1988b) a élaboré des formules d'estimation
2
de la stabilité des enrochements sur des talus uniformes (sans berme) en enrochement dont les
crêtes dépassent le niveau maximal de run-up. Ces formules (Équations 5.136 et 5.137) étaient
basées, entre autres, sur les travaux précédents de Thompson et Shuttler (1975) et sur une grande
quantité d’essais sur modèles, dont la majorité avait été effectuée en eau relativement profonde
par rapport au pied, soit hen pied > 3 Hs-en pied. Ces formules de stabilité sont plus complexes que
la formule de Hudson mais – et c’est un grand avantage – elles incluent les effets de la durée de 3
la tempête, de la période de la houle, de la perméabilité de l’ouvrage ainsi qu’un niveau de dom-
mage clairement défini. Les formules distinguent le déferlement plongeant et le déferlement gon-
flant (voir également la Figure 5.3 à la Section 5.1.1.1) :
(5.137) 5
où
N = nombre de vagues incidentes (-), qui dépend de la durée de l’état de mer ;
Hs = hauteur significative de la houle, H1/3 de la houle incidente en pied d’ouvrage (m) ;
ξm = paramètre de déferlement calculé à partir de la période moyenne de la houle, Tm
6
(s), par analyse dans le domaine temporel ; ;
α = angle du talus (°) ;
Δ = densité relative déjaugée, ρr/ρw-1 (-) ;
P = paramètre de perméabilité nominale de l'ouvrage (-) ; la valeur de ce paramètre
doit être comprise entre : 0.1 ≤ P ≤ 0.6 (voir la Figure 5.39) ;
7
NOTE : l’utilisation d’un géotextile réduit la perméabilité, ce qui peut entraîner la
nécessité de mettre en place des blocs plus gros qu’en l’absence de géotextile.
cpl = 6.2 (avec un écart-type de σ = 0.4 ; voir également le Tableau 5.25) ;
cs = 1.0 (avec un écart-type de σ = 0.08).
8
La transition entre un déferlement plongeant et un déferlement gonflant est calculée à partir de
la pente du talus de l’ouvrage (et non pas de l’inclinaison du fond marin devant l’ouvrage) et peut
être déterminée à l’aide de l’Équation 5.138, en utilisant une valeur critique du paramètre de
déferlement ξcr :
(5.138)
9
Pour ξm < ξcr le déferlement est plongeant et l'Équation 5.136 s'applique.
Pour ξm ≥ ξcr le déferlement est gonflant et l'Équation 5.137 s'applique.
NOTE : pour les angles de talus moins raides que 4/1 (cot α ≥ 4), seule l’Équation 5.136 (pour le
déferlement plongeant) doit être utilisée, que le paramètre de déferlement ξm, soit inférieur ou
10
supérieur à la valeur de transition ξcr.
CETMEF 585
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Figure 5.39 Paramètre de perméabilité nominale P pour la formule de Van der Meer (1988b) ; pour des
ouvrages comprenant un géotextile, P = 0.1 est recommandé.
NOTE : les Équations 5.136 et 5.137 sont limitées à un seul événement de tempête. Melby et
Kobayashi (1999) ont étudié le phénomène de dommage progressif dû à plusieurs tempêtes suc-
cessives. Leurs travaux ont donné une relation de stabilité intégrant la répétition des tempêtes.
Melby (2001) a présenté une méthode d'estimation du dommage pour une série de tempêtes au
cours de l’existence d’un ouvrage en enrochement, destinée à l’origine à être utilisée dans le
cadre d’une analyse du cycle de vie (voir l’Équation 5.142 dans cette section sous le titre « Évo-
lution du dommage »). On y présente également une méthode plus directe basée sur les travaux
de Van der Meer (1988b, 2000). Pour de plus amples informations sur la gestion du cycle de vie,
se reporter aux Sections 2.4 et 10.1.
• dommage intermédiaire ;
• rupture, correspondant au reprofilage de la carapace de telle manière que la couche filtre sous
l’enrochement en double couche est visible.
586 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
1.5 2 3–5 8
2 2 4–6 8 2
3 2 6–9 12
4 3 8 – 12 17
6 3 8 – 12 17
Note : une valeur de Sd < 1 ne signifie rien, et doit être considérée comme un dommage nul ; dans ce cas, on ne peut
3
s’attendre qu’à un léger tassement. Une certaine valeur-seuil de la hauteur de la houle est nécessaire pour initier un
réel mouvement et par conséquent causer un dommage.
Bien que l’on utilise souvent un niveau de dommage Sd = 2 ou 3 à des fins de dimensionnement,
dans certains cas il peut être possible d’appliquer des niveaux de dommage plus élevés de Sd = 4
à 5. Ceci peut dépendre du cycle de vie souhaité de l’ouvrage. La gestion du cycle de vie est trai- 4
tée séparément à la Section 10.1.
Le Tableau 5.24 présente les domaines de validité des formules de stabilité de Van der Meer
(1988b). Ces formules sont valables en eau profonde avec des spectres énergétiques classiques à
pic unique de la houle en pied d’ouvrage. Pour que ces formules soient valables, l’eau profonde
est définie comme suit : la hauteur d’eau en pied d’ouvrage est supérieure à trois fois la hauteur 5
significative de la houle en pied d’ouvrage : hen pied > 3 Hs-en pied (voir également la section intitu-
lée « Formules de Van der Meer – eau peu profonde » au-dessous). L’estimation de la valeur de
Hs-en pied peut être faite à l’aide d’un modèle numérique de propagation de la houle, tel
qu’ENDEC ou SWAN (voir la Section 4.2.4.10).
Le nombre maximum de vagues, N, à entrer dans les Équations 5.136 et 5.137 est 7 500. Au-delà, 6
on considère que la carapace a atteint un équilibre. Il est possible d’envisager des conditions où
le nombre de vagues est plus élevé, mais le nombre maximal à utiliser est N = 7 500.
L’évolution du dommage Sd semble, pour les petits nombres de vagues (N < 1 000), être linéaire
par rapport à N plutôt que proportionnelle à la racine carrée de N. Cette caractéristique peut
7
s’avérer pertinente pour le dimensionnement de talus en enrochement dans des situations où le
niveau de l’eau varie rapidement et de manière significative. Le dommage réel observé est infé-
rieur aux estimations basées sur Sd ∝ N (voir les Équations 5.136 et 5.137). Dans ce type de cas,
la méthode d’évaluation de la stabilité, c’est-à-dire la méthode d’évaluation de la valeur requise
du paramètre de stabilité Hs /(ΔDn50), consiste à utiliser un nombre de vagues équivalent (infé-
rieur) Neq, dans les Équations 5.136 et 5.137, égal à Neq = N2/1 000. Ce nombre de vagues inférieur
8
Neq engendre un nombre de stabilité légèrement supérieur et par conséquent une dimension
d'enrochement légèrement plus petite.
La méthode d’évaluation du dommage réel, Sd, applicable à ces cas consiste à estimer le dom-
mage pour N = 1 000 et à réduire cette valeur Sd-1000 à l’aide du facteur N/1 000 (et ce, du fait de
la relation linéaire entre Sd et N). La méthodologie de détermination du niveau de dommage Sd- 9
1000 est fondamentalement la même que la méthodologie de détermination de la stabilité, c’est-à-
dire à l’aide des Équations 5.136 et 5.137, reformulées avec Sd/ N = f {Ns, P, α, ξm}.
Tableau 5.24 Domaine de validité des paramètres dans les formules de Van der Meer (1988b)
en eau profonde
Notes :
1) Pour des valeurs plus élevées de la densité relative déjaugée (jusqu’à Δ ≅ 3.5), la validité des formules de sta-
bilité est limitée aux ouvrages dont les talus avant sont caractérisés par cot α ≥ 2 (voir Helgason et
Burcharth, 2005).
2) Le domaine de validité (eau profonde) peut également être approximativement défini par Hs-en pied > 0.9Hso
(c’est-à-dire que pratiquement aucun déferlement/aucune dissipation d’énergie n’a encore eu lieu entre le
large et l’ouvrage). Pour plus d'informations, voir les Tableaux 5.28 et 5.29.
NOTE : l’approche déterministe de dimensionnement doit être accompagnée d’une analyse de sen-
sibilité. Dans ce type d’analyse, la sensibilité des paramètres d’entrée hydrauliques et structurels
(tels que Hs et P) doit être étudiée, de même que la sensibilité des constantes de la formule elle-
même. Il est également possible de faire des calculs probabilistes.
Pour étudier la sensibilité des coefficients, cpl et cs, dans les Équations 5.136 et 5.137, respective-
ment, on peut inclure la limite inférieure à 5 % de ces coefficients (c'est-à-dire 5 % des données
ont conduit à des coefficients inférieurs). En supposant une distribution normale de la valeur du
coefficient, cette valeur peut être calculée en multipliant l’écart-type, σ, par un facteur de 1.64. Le
Tableau 5.25 montre ces valeurs.
Tableau 5.25 Valeurs moyennes et valeurs dépassées à 95 % des coefficients des Équations 5.136 et
5.137 (eau profonde)
588 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Encadré 5.12 Influence de l’angle du talus sur la relation entre la hauteur de la houle et le niveau
de dommage
La Figure 5.41 présente deux courbes obtenues à partir des Équations 5.136 et 5.137 : une courbe pour un 6
talus tel quel cot α = 2 et une cambrure nominale de la houle som = 0.02, et une autre pour un talus tel que
cot α = 3 et une cambrure nominale de la houle som = 0.05. Si l’on connaît l’état de mer extrême, des graphi-
ques tels que celui de cet encadré sont très utiles pour déterminer la stabilité de la carapace de l’ouvrage. Le
graphique fait également apparaître les intervalles de confiance à 90 %, qui donnent une bonne indication des
variations éventuelles de la stabilité. Les deux limites de l’intervalle de confiance à 90 % peuvent être déter-
minées à l’aide des valeurs de σ appropriées (σ = 0.4 pour les déferlements plongeants et 0.08 pour les défer-
lements gonflants) multipliées par 1.64 (voir également le Tableau 5.25). Cette variation doit être prise en
compte par le concepteur de l’ouvrage.
7
Encadré 5.13 Méthodologie de dimensionnement avec les formules de Van der Meer
En conclusion, dans ce cas de figure, c’est l’hypothèse de la période de retour de 100 ans qui dimensionne
l’enrochement.
590 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
D’après l’exemple de l’Encadré 5.13, dans le cas d’une période de retour de 100 ans, la probabilité de rup-
ture de cet ouvrage (dont l’enrochement a une masse M50 = 5.5 tonnes) est de 50 %. Rupture ne signifie pas 3
que l’ouvrage s'effondre réellement. Il s’agit dans ce cas d’un terme de probabilité correspondant à un dom-
mage supérieur à Sd = 5, d’après les données de l’Encadré 5.13. La relation entre le niveau de dommage et
les conditions de houle de dimensionnement est également illustrée dans l’exemple de l’Encadré 5.12. Selon
le niveau de confiance (ou de « sécurité ») requis, un certain niveau de dommage, Sd, peut être déterminé
sur la base d’une valeur donnée de Hs.
Lorsque les exigences de dimensionnement sont que, avec une hypothèse d’une période de retour de 100
ans, la probabilité de rupture, c’est-à-dire la probabilité que Sd > 5, soit inférieure ou égale à 5 %, la valeur
de cpl à utiliser dans l’Équation 5.136 doit être de 5.5. Cela donne Hs/(ΔDn50) = 2.2 ; taille minimale de l’enro- 4
chement Dn50 = 1.42 m, ce qui correspond à une masse médiane M50 = 7.9 tonnes.
Plutôt que d’effectuer une analyse de sensibilité, on peut procéder à des calculs probabilistes, qui
peuvent être faits à différents niveaux :
• Niveau 1 5
À l’aide de coefficients de sécurité partiels. Cette méthode est présentée en détail (avec tous
les coefficients adéquats) dans la publication MarCom12 de l’AIPCN, Analyse des digues à
talus, (AIPCN, 1993).
• Niveau 2
• Niveau 3
7
En effectuant une intégration complète, habituellement à l’aide d’une approche de Monte-
Carlo. Différents progiciels sont disponibles pour cette approche. Pour chaque paramètre, la
distribution statistique et l’écart-type doivent être définis. Pour les constantes de la formule de
Van der Meer, une distribution normale est recommandée avec les moyennes données ci-des-
sus et les écarts-types donnés au Tableau 5.25. 8
Dans les calculs probabilistes, toutes les variables doivent être statistiquement indépendantes.
Cela implique qu’il est impossible d’utiliser à la fois la hauteur et la période de la houle comme
paramètres d’entrée dans un calcul probabiliste (les vagues plus hautes ont tendance à avoir une
période T plus élevée). Ceci peut être résolu en utilisant la hauteur et la cambrure de la houle
comme paramètres d’entrée, puisque ces deux paramètres sont statistiquement indépendants. 9
Formules de Van der Meer – eau peu profonde
Les formules de Van der Meer ont été largement utilisées et testées depuis 1988. La plupart des
recherches sur la stabilité des carapaces en enrochement sont allées dans le sens des tendances
générales des formules de Van der Meer, bien que quelques extensions ou modifications aient été
effectuées afin d’évaluer l’influence de d’autres paramètres, tels que la forme des blocs (Bradbury
10
CETMEF 591
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
et al., 1991) et les densités de pose (Stewart et al., 2003a) qui s’écartent des conditions des essais.
Les densités de pose sont abordées à la fin de la Section 5.2.2.2.
L’effet de l'eau peu profonde avec une houle limitée par la profondeur a été abordé dans une cer-
taine mesure dans les travaux initiaux de Van der Meer (1988b) et, plus récemment, par les recher-
ches complémentaires de Van Gent et al. (2004). La définition d'eau peu profonde est importante
pour la limite du domaine de validité des formules de Van der Meer élaborées pour l'eau pro-
fonde, c’est-à-dire pour les Équations 5.136 et 5.137. Certains chercheurs définissent la transition
entre eau profonde et eau peu profonde autour d’une hauteur d’eau hen pied = 3 Hs-en pied. D’autres
chercheurs, ayant étudié les conditions en eau très peu profonde, ont défini l'eau très peu profonde
(où se produit une grande quantité de déferlement) comme la condition à laquelle Hs-en pied < 70 %
de la hauteur de la houle au large, Hso (voir Van Gent, 2005). Cette transition est basée sur l’expé-
rience tirée de plusieurs dimensionnements récents. La zone intermédiaire, où se produit le shoa-
ling ainsi qu’un déferlement limité, peut ainsi être définie comme de l'eau peu profonde.
En eau peu profonde, l’action de la houle change. La distribution des hauteurs des vagues s'écarte
de la distribution de Rayleigh – troncation de la courbe due au déferlement de la houle (voir la
Section 4.2.4.4), la forme du spectre change et son pic devient plus fin et asymétrique.Afin de pren-
dre en compte l’effet de cette nouvelle distribution des hauteurs de la houle, la stabilité de la cara-
pace serait mieux exprimée, dans ces conditions limitées par la profondeur, en utilisant la hauteur
de la houle à 2 %, H2 %, plutôt que la hauteur significative de la houle, Hs (Van der Meer, 1988b).
Avec le ratio connu de H2 % /Hs = 1.4 en eau profonde, les formules de Van der Meer applicables
aux eaux profondes (Équations 5.136 et 5.137) peuvent simplement être reformulées pour parve-
nir à des formules de stabilité applicables aux distributions de la houle en eau peu profonde, c’est-
à-dire que les valeurs des coefficients cpl et cs doivent être augmentées pour atteindre cpl = 8.7 et
cs = 1.4, respectivement. La méthode de Battjes et Groenendijk (2000) peut être utilisée pour obte-
nir des estimations de H2 % (voir la Section 4.2.4.4). Pour le déferlement plongeant, la formule de
stabilité est alors : H2 %/(ΔDn50) = 8.7f {Sd, N, P, ξm}. Noter que H2 % < 1.4Hs en eau peu profonde.
Ainsi, si l’on utilise encore la hauteur significative de la houle et les formules applicables à l'eau
profonde, avec des valeurs de cpl = 6.2 et cs = 1.0, le résultat en termes de taille requise des enro-
chements est plus sécuritaire que lorsque l’on utilise la valeur réelle de H2 % avec les formules
adaptées. Cette approche implique donc un certain coefficient de sécurité. Les Tableaux 5.28 et
5.29 donnent des indications supplémentaires sur le champ d’application (en eau peu profonde).
Il ne faut cependant jamais négliger la finesse du pic spectral (voir Section 4.2.4.5) et l’asymétrie
de la houle en eau très peu profonde. L’asymétrie de la houle est un phénomène qui se produit
quand les vagues sont fortement cambrées, caractérisé par un moment non nul, c’est-à-dire une
asymétrie telle que (η-μη)3/ση3 > 0 où η = η(x,t) est l’élévation de la surface (m), μη sa valeur
moyenne (m) et ση son écart-type (m).
Sur la base de l’analyse de la stabilité des talus en enrochement dans de nombreuses conditions
de dimensionnement (eau peu profonde, essentiellement), Van Gent et al. (2004) ont proposé de
modifier les formules de Van der Meer (1988b) afin d’étendre leur champ d’application. L’une des
modifications apportées aux formules de dimensionnement d’origine est d’utiliser une période de
la houle différente pour tenir compte de l’influence de la forme du spectre énergétique de la
houle, c’est-à-dire d’utiliser la période spectrale de la houle, Tm-1,0, plutôt que la période moyenne
de la houle calculée par analyse dans le domaine temporel, Tm. Pour un spectre de Jonswap stan-
dard en eau profonde (avec une relation fixe entre Tm et Tm-1,0), cela implique que les coefficients
cpl et cs doivent être ajustés. Il n’est pas possible de calculer cpl et cs, parce que la finesse du pic
spectral et l’aspect asymétrique de la houle changent également lors du déplacement en eau peu
profonde. Ces coefficients doivent donc être déterminés à l’aide d’essais en eau peu profonde. Sur
la base des essais de Van Gent et al. (2004), les coefficients cpl et cs ont été déterminés à l’aide
d’une analyse de régression. Il en résulte des formules de stabilité modifiées, données ici par les
Équations 5.139 et 5.140. Pour la méthodologie de dimensionnement utilisant ces équations, se
reporter à l’Encadré 5.15.
592 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
où
cpl = 8.4 (-), avec un écart-type de σ = 0.7 (voir également le Tableau 5.27) ;
cs = 1.3 (-), avec un écart-type de σ = 0.15 ; 3
H2 % = hauteur dépassée par 2 % des hauteurs des vagues incidentes au pied de l’ouvrage (m) ;
ξs-1,0 = paramètre de déferlement (-), calculé à partir de la période énergétique de la houle
Tm-1,0 (-) ; , où Hs = H1/3 d’après l’analyse dans le
domaine temporel (m) ;
Tm-1,0 = période spectrale de la houle, également appelée période énergétique de la houle (s) ;
4
Tm-1,0 = m-1/m0 (voir la Section 4.2.4).
7
Notes :
1. Pour obtenir ce graphique, les données de Van der Meer (1988b) concernant l'eau profonde ont été recal-
culées à l’aide d’une relation fixe : Tp = 1.07 Tm-1,0 et H2 % = 1.4Hs
2. Les valeurs de Sd ont également été utilisées pour tracer les valeurs de Sd/√N qui sont très supérieures 8
aux valeurs du niveau de dommage, Sd, acceptables pour le dimensionnement (voir Tableau 5.23)
Figure 5.42 Formules de Van der Meer modifiées pour les cas de l'eau peu profonde (Équations 5.139 et
5.140) par rapport aux mesures effectuées pour un déferlement plongeant (a) et gonflant (b)
La Figure 5.42 présente les données mesurées en eau peu profonde (Van Gent et al., 2004) et en 9
eau profonde (Van der Meer, 1988b), par rapport aux formules modifiées de Van der Meer pour
l'eau peu profonde (Équations 5.139 et 5.140). La courbe moyenne et la courbe de dépassement
à 5 % sont toutes deux représentées. On peut déduire de la Figure 5.42 que dans le cas de spec-
tres égaux en pied d’ouvrage (et par conséquent de valeurs égales de Hs et Tm-1,0), les ouvrages
en eau peu profonde soumis à un déferlement plongeant (points carrés dans la Figure 5.42a) ont
généralement besoin d’un enrochement plus gros que les ouvrages situés en eau profonde, si le 10
même niveau de dommage est appliqué (voir Encadré 5.15).
CETMEF 593
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
NOTES :
1. Les remarques faites sur les formules d’origine de Van der Meer concernant l’application
– pente du talus inférieur à 4/1, une seule tempête et P = 0.1 pour des ouvrages équipés
d’un géotextile – sont également valables pour les Équations 5.139 et 5.140.
2. Les facteurs de conversion donnés permettant de transformer Hs en H2 % et Tm en Tm-1,0
ne sont valables qu'en eau profonde et dans le cas de spectres énergétiques de la houle
classique. Lors de l’application des Équations 5.139 et 5.140, il faut utiliser les valeurs
locales de H2 % et Tm-1,0 ; un modèle numérique de propagation de la houle – SWAN ou
du type Boussinesq – peut être utilisé à cette fin (voir la Section 4.2.4.10).
Le Tableau 5.26 présente le domaine de validité des différents paramètres utilisés dans les Équa-
tions 5.139 et 5.140.
Tableau 5.26 Domaine de validité des paramètres des formules de Van der Meer en eau peu profonde
Note : pour plus de renseignements sur le champ d’application par rapport aux hauteurs d’eau, voir la présentation
générale donnée dans les Tableaux 5.28 et 5.29.
Pour illustrer l'utilisation des formules de Van der Meer en eau peu profonde un exemple est
donné à l'Encadré 5.15. Les données de l'exemple de l'Encadré 5.13 sont reprises pour montrer
les différences entre une eau profonde et une eau peu profonde.
Encadré 5.15 Méthodologie de dimensionnement pour les formules de Van der Meer en eau (très) peu profonde
Dans le cas où il faut dimensionner des enrochements pour la situation de l’exemple de l’Encadré 5.13, mais dés-
ormais dans une profondeur d’eau limitée, la procédure est la suivante:
1. Définir les conditions de dimensionnement de la houle en pied d’ouvrage. Les valeurs de H2% et la/les valeur(s)
de Tm-1,0 en pied d’ouvrage sont déterminées à partir des conditions de dimensionnement en eau profonde à
l'aide d'un modèle numérique de propagation de la houle et/ou de la méthode de Battjes et Groenendijk (voir
la Section 4.2.4.4).
2. Suivre les grandes lignes de la procédure décrite à l’Encadré 5.13, mais remplacer l’Équation 5.136 par l’Équa-
tion 5.139 et l’Équation 5.137 par l’Équation 5.140. De plus, le paramètre de déferlement ξs-1,0 doit être appli-
qué à la place de ξm.
Exemple:
La profondeur d’eau en pied d’ouvrage est donnée comme étant h = 8 m. En utilisant un modèle spectral de pro-
pagation de la houle (dans ce cas en commençant par les valeurs en eau profonde Hso = 5 m et Tm = 10 s de l’exem-
ple de l’Encadré 5.13) avec une bathymétrie donnée, on peut obtenir les données suivantes au pied de l'ouvrage:
Hs = 4 m, Tm = 9.5 s et Tm-1,0 = 11.5 s, ce qui donne ξs-1,0 = 2.39. La méthode de Battjes et Groenendijk mène à
une valeur de H2% = 4.95 m. Les valeurs des autres paramètres sont P = 0.4, tan α = 0.33, Δ = 1.6 et Sd = 2.
L’application de la formule en eau profonde (Équation 5.136) en utilisant Tm, donnera dans cette situation (tempête
de six heures, c’est-à-dire N = 6×3600/9.5 = 2273): Dn50 = 1.27 m et M50 = 5.4 t.
En utilisant la formule en eau peu profonde (Équation 5.139), avec de nouveau N = 6×3600/9.5 = 2273, on obtient
Hs /(ΔDn50) = 1.7, ce qui donne Dn50 = 1.4 m et M50 = 7.2 t.
Conclusion: la stabilité des talus en enrochement en eaux très peu profondes exige une attention particulière.
Dans cet exemple, la masse médiane minimale de l’enrochement est 30 % plus importante que les prévisions
basées sur la formule en eau profonde.
Note : dans cet exemple, les valeurs calculées de Hs = 4 m et Tm-1,0 = 11.5 s sont plutôt extrêmes. Pour la plu-
part des profils côtiers, un calcul numérique des conditions de houle avec h = 8 m mènera à des valeurs quel-
que peu inférieures.
594 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Analyse de sensibilité 1
Pour étudier la sensibilité des coefficients cpl et cs des Équations 5.139 et 5.140, respectivement, la
limite inférieure à 5 % de ces coefficients peut être utilisée. En supposant une distribution normale
de la valeur du coefficient, cette valeur peut être calculée en multipliant l’écart-type, σ, par un fac-
teur de 1.64. Le Tableau 5.27 présente ces valeurs pour les formules de Van der Meer modifiées.
Tableau 5.27 Valeurs moyennes et valeurs dépassées à 95 % des coefficients des Équations 5.139 et
2
5.140 en eau peu profonde
Pour les applications reposant sur ces formules, il est souhaitable d’effectuer une analyse de sen-
sibilité ou un calcul probabiliste. Il faut noter que la méthode utilisant les coefficients de sécurité
partiels (AIPCN, 1993) n’est pas utilisable en eau peu profonde. Dans la mesure où la hauteur de
la houle dépend fortement de la hauteur d’eau en eau peu profonde avec de fortes surcotes, la
4
hauteur de la houle est en réalité une variable dépendante (elle dépend du niveau d’eau). Pour
les calculs probabilistes, il est recommandé dans ce type de cas d’utiliser le niveau d’eau comme
variable statistiquement indépendante (suivant, p. ex., une distribution de Weibull). La hauteur
de la houle peut alors être définie comme une fonction de la profondeur (via H = γ d, où d = pro-
fondeur de l’eau (m) et γ = coefficient de déferlement dont la valeur moyenne est γ = 0.5 et
l’écart-type σγ = 0.15). 5
Évolutions récentes
Les données présentées par Van Gent et al. (2004) portent principalement des conditions d'eau
peu profonde (soit 1.25 < hen pied/Hs-en pied ≤ 3) et un fond devant l’ouvrage à faible pente (pente
de 30/1 ou moins). Ces données ont également été utilisées pour obtenir une formule de stabilité 6
plus simple, puisqu’il semble que l’influence de la période de la houle diminue notablement en
eau très peu profonde. Cette formule peut être utilisée comme première estimation si aucune
information n’est disponible au sujet des paramètres d’entrée (ou si les informations dont on dis-
pose ne sont pas assez précises), en particulier la période énergétique de la houle, Tm-1,0. Cette
formule est présentée à l’Encadré 5.16.
7
10
CETMEF 595
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
La formule de stabilité simplifiée calculée par Van Gent et al. (2004) est présentée ci-dessous par l’Équation
5.141.
(5.141)
L’influence de la perméabilité de l’ouvrage est intégrée à l’aide du ratio Dn50 noyau/Dn50, qui est le ratio entre le
diamètre nominal médian du matériau du noyau et celui de l’enrochement utilisé en carapace. L’influence des
filtres n’est pas prise en compte dans ce ratio, ce qui signifie que l’on suppose l’absence de filtre ou la pré-
sence d’un filtre plutôt classique de 2 à 3 couches d’épaisseur. Il est à noter que l’utilisation d’un géotextile
réduit la perméabilité, ce qui peut signifier qu’il faudra des blocs d’enrochement de taille plus importante qu’en
l’absence de géotextile. Lorsque le noyau est constitué d’enrochement naturel à granulométrie très étendue,
il est recommandé d’utiliser Dn15 noyau (qui, dans la plupart des cas, correspond assez bien à la limite inférieure
nominale (NLL) de la granulométrie, voir la Section 3.4.3) plutôt que la valeur médiane Dn50 noyau. Si l’on uti-
lise un géotextile sous la couche filtre, le diamètre nominal du matériau du noyau doit être fixé à Dn50 noyau = 0.
Le domaine de validité de l’Équation 5.141 est le même que celui des formules de Van der Meer pour l'eau
peu profonde. Il figure au Tableau 5.26. Pour plus d’informations et une analyse de cette formule de stabilité,
se reporter également aux travaux de Van Gent (2005).
Notes :
1. La courbe moyenne et la courbe de dépassement à 5 % (en pointillés) sont toutes les deux représentées.
2. Les points correspondants à Van der Meer (1988b) représentent des données en eau profonde, tandis que
les données de Van Gent et al. (2004) repose en grande partie sur des essais en eau peu profonde, c’est-
à-dire hen pied < 3 Hs-en pied.
3. Les valeurs de Sd qui ont été utilisées pour tracer les valeurs de Sd / N (points carrés sur le graphique)
sont bien supérieures aux valeurs acceptables du niveau de dommage, Sd, utilisées pour le dimensionne-
ment (voir Tableau 5.23).
Figure 5.43 Données de Van der Meer et de Van Gent comparées à la formule de Van Gent
(Équation 5.141)
L’Équation 5.141 engendre plus ou moins la même précision que les Équations 5.139 et 5.140, en utilisant la
période énergétique de la houle, Tm-1,0 ; voir également la Figure 5.43. Ainsi, et surtout si aucune information
précise n’est disponible sur la période de la houle Tm-1,0 et sur le ratio H2%/Hs, l’Équation 5.141 est une alter-
native aux Équations 5.139 et 5.140, en particulier pour les ouvrages dont le noyau est perméable.
596 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Tableau 5.28 Aperçu du champ d’application des différentes formules de stabilité des carapaces en 3
enrochement naturel
Infos requises sur la période de la houle ? Non Oui (Tm) Oui (Tm-1,0) Non 6
Infos requises sur la hauteur de la houle
Non Non Oui Non
H2% ?
Tableau 5.29 Aperçu du champ d’application des formules de stabilité de Van der Meer
Paramètre :
Hauteur d’eau relative en pied :
hen pied /Hs-en pied ≈1.5 – ≈ 2 <3 >3
Formules de stabilité :
Van der Meer - eau profonde
Équations n° 5.136 et 5.137
Van der Meer - eau peu profonde
Équations n° 5.139 et 5.140 10
CETMEF 597
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Les équations ci-dessus sont toutes basées sur un dommage se produisant au paroxysme d’une
tempête unique. Il est parfois nécessaire, en particulier pour la maintenance, de déterminer le
dommage cumulé sur plusieurs tempêtes. Melby (2001) propose une méthode pour cela. Le dom-
mage cumulé, Sd (-), peut être calculé grâce à l’Équation 5.142. L’Encadré 5.17 illustre un exem-
ple d’évaluation du dommage cumulé.
(5.142)
où
Ns = Hs /(ΔDn50), le nombre de stabilité (-), basé sur la hauteur significative de la houle,
Hs = H1/3 (m) ;
Tm = période moyenne de la houle (s) ;
tn = durée de la/des tempête(s) supplémentaire(s) ;
t0 = durée de la tempête avant d’atteindre un dommage Sd(t0) (s) ;
Sd(tn) = dommage à l'instant tn ;
Sd(t0) = dommage à l'instant t0 ;
n = indice chronologique (-) ;
b = coefficient déterminé d’après des essais (-), égal à 0.25.
NOTE : pour le calcul du dommage causé par un événement unique (ou par le premier d’une série),
t0, et Sd (t0) sont tous les deux égaux à 0.
La formule de Melby (Équation 5.142) repose sur des essais en laboratoire dont le domaine de
validité est limité :
• les conditions de houle, caractérisées par une profondeur limitée, sont relativement constan-
tes pendant les tempêtes suivantes ;
• la pente du talus de l’ouvrage est de 2/1 et le paramètre de déferlement, ξm, est compris
entre 2 et 4 ;
• il s’agit d’ouvrages en enrochement dont le noyau est relativement imperméable, ce qui peut
s’exprimer par des valeurs du coefficient de perméabilité nominale P≤ 0.4 (voir la Figure 5.39) ;
Étant donné une hauteur de houle Hs = 2.1 m, une période moyenne Tm = 10.8 s, une taille d’enrochements
Dn50 = 0.78 m et une densité relative déjaugée Δ = 1.65, le nombre de stabilité a une valeur de : Ns = Hs/(ΔDn50)
= 2.1/(1.65×0.78) = 1.6. Le dommage après une première tempête de 4 heures (= 14 400 s), déterminé à
l’aide de l’Équation 5.142, s’élève à :
On suppose que cette tempête soit suivie d’une seconde tempête d’une durée de 4 heures également, caracté-
risée par : Hs = 2.4 m et Tm = 10.8 s (à nouveau). Le nombre de stabilité devient alors : Ns = 2.4/(1.65×0.78) = 1.86.
Le dommage cumulé, calculé là encore à l’aide de l’Équation 5.142, devient :
La conclusion de cet exemple est que le dommage après la première tempête est négligeable et que la
seconde tempête l’aggrave. Lorsque l’on applique les formules de Van der Meer pour la première tempête (en
supposant une valeur de perméabilité P convenable, etc.), on peut également obtenir un dommage Sd = 1.58.
En appliquant les mêmes paramètres à la seconde tempête uniquement, les formules de Van der Meer don-
nent une valeur de Sd plus élevée uniquement pour la seconde tempête qu’avec la méthode de Melby. Les
différences existent donc bien, mais elles sont minimes dans le cas considéré ici.
598 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Encadré 5.18 Détermination du dommage cumulé à l’aide de l’approche de Van der Meer (1988b, 2000)
2
La méthode d’estimation du dommage cumulé causé par des tempêtes consécutives est la suivante :
• calculer le dommage, Sd1, pour les premières conditions de houle, en utilisant l’Équation 5.136 ou 5.137,
selon le cas ;
• pour les deuxièmes conditions de houle, calculer combien de vagues seraient nécessaires pour causer un
dommage équivalent à celui qu’ont entraîné les premières conditions de houle. Ce nombre est noté N1′
(voir également la Figure 5.44) ;
• ajouter ce nombre de vagues N1′ au nombre de vagues des deuxièmes conditions de houle : Nt = N2 + N1′ 3
(voir la Figure 5.44) ;
• calculer le dommage Sd2t dans les deuxièmes conditions de houle avec ce nombre accru de vagues, en
utilisant là encore la formule de stabilité appropriée, à savoir l’Équation 5.136 ou 5.137 ;
• pour les troisièmes conditions de houle, calculer combien de vagues seraient nécessaires pour causer un
dommage équivalent à celui qu’ont entraîné les deuxièmes conditions de houle etc.
6
Figure 5.44 Illustration de la méthode d’évaluation du dommage cumulé induit
par deux tempêtes consécutives
Matériau du filtre
7
Les digues et les revêtements sont généralement constitués d’une carapace (d’une épaisseur d’en-
viron 2ktDn50), d’une ou plusieurs sous-couche(s) ou filtre(s) granulaires et d’un noyau. Un géo-
textile peut être placé entre le noyau et les sous-couches granulaires (en particulier en présence
d’un matériau fin tel que du sable). Les particules de petite taille qui se trouvent sous le filtre ne
doivent pas être emportées à travers la couche filtre et les enrochements du filtre ne doivent pas
être emportés à travers la carapace. Les règles relatives au filtre sont traitées aux Sections 5.2.2.10
et 5.4.3.6.
8
Il y a deux avantages à ce que les enrochements de la sous-couche soient de taille relativement
importante. En premier lieu, la surface de la sous-couche est moins lisse avec des enrochements
plus gros, ce qui augmente le phénomène de frottement entre la carapace et la sous-couche. En
second lieu, une sous-couche grossière donne plus de perméabilité à l’ouvrage et accroît de fait
la stabilité du matériau constitutif de la carapace. 9
L’utilisation de géotextiles sous le matériau du filtre peut faire diminuer la perméabilité de l’ou-
vrage, ce qui réduit la stabilité de la carapace. Ainsi, on peut s’attendre à un dommage supérieur
en présence de géotextiles sous la sous-couche. Dans la formule de stabilité de Hudson, il faut uti-
liser KD = 1 en présence d’un géotextile sous la couche filtre. Dans les formules de stabilité de
Van der Meer, et dans la version modifiée de ces formules pour les eaux peu profondes, le para- 10
mètre de perméabilité doit être fixé à P = 0.1.
CETMEF 599
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Peu d'informations sont disponibles sur l'effet des fonds devant l'ouvrage pentus combinés à de
la houle limitée par la profondeur sur la stabilité des carapaces en enrochement naturel.
Cependant des exemples de dommage dans ces conditions spéciales montrent qu'il faut appliquer
un coefficient de sécurité sur la taille de l'enrochement requise déterminée lors des études préli-
minaires. Au moment de la rédaction de ce guide, de nombreuses recherches portant sur ce sujet
sont en cours mais des recommandations ne sont pas encore disponibles. Comme règle empiri-
que, on peut augmenter de 10 % la taille de l'enrochement que l'on obtient en situation normale
d'eau profonde avec le même spectre de la houle en pied d'ouvrage. Ce facteur doit être appli-
qué à la valeur du diamètre nominal médian, Dn50, soit fDn50 ≥ 1.1.
La stabilité d’un enrochement de granulométrie (très) étendue a été étudiée par Allsop (1990).
Des essais en modèle réduit sur un talus de pente 2/1 doté d’un noyau imperméable ont été effec-
tués pour déterminer si l’utilisation d'un enrochement ayant une gradation supérieure à D85/D15
= 2.25 modifie de manière substantielle la performance de l’enrochement par rapport à celle cal-
culée à l’aide des formules de Van der Meer (1988b)(Équations 5.136 et 5.137). Les résultats des
essais ont confirmé la validité de ces équations pour les enrochements de granulométrie étroite
(D85/D15 < 2.25). Les granulométries très étalées, telles que D85/D15 = 4, peuvent en général subir
un dommage légèrement supérieur à celui qui est estimé pour les granulométries étroites. Quel
que soit l’ouvrage, les variations locales de taille des blocs dans la carapace seront plus importan-
tes que pour les granulométries étroites. Ce phénomène augmentera les variations spatiales du
dommage, accroissant la probabilité d’un dommage local important. En outre, les essais ont mon-
tré que le début de mouvement concernait d’abord les blocs de petites tailles puis les blocs plus
importants. Des informations complémentaires sont disponibles dans les références mentionnées
ci-dessus et dans Allsop (1995). À partir de ces informations, il est recommandé que l’application
des formules en eau profonde de Van der Meer (Équations 5.136 et 5.137), de la version de ces
formules modifiées par Van Gent et al. (2004) pour l'eau peu profonde (Équations 5.139 et 5.140),
ainsi que de la formule de stabilité simple proposée par Van Gent et al. (2004) pour l'eau peu pro-
fonde, soit limitée aux granulométries pour lesquelles Dn85/Dn15 < 2.25.
Les effets de la forme de l’enrochement sur la stabilité ont été décrits par Latham et al. (1988).
Ils ont testé la stabilité des talus en enrochement présentant différentes formes d’enrochement,
parmi lesquelles les formes semi-arrondie, très arrondie et tabulaire. On a constaté que les enro-
chements très arrondis subissaient un dommage plus important que les enrochements standard
(c'est-à-dire rugueux et anguleux). Les blocs tabulaires présentaient, à la surprise générale, une
meilleure stabilité que les enrochements standard. L’influence des formes d’enrochement non-
classiques peut être prise en compte en multipliant le diamètre réel de l’enrochement, Dn50, par
le facteur donné dans la dernière colonne du Tableau 5.30. Pour les formules de Van der Meer
(1988b), que ce soit en eau profonde (c’est-à-dire les Équations 5.136 et 5.137) ou peu profonde
(c’est-à-dire les Équations 5.139 et 5.140), il est possible de faire une distinction entre les condi-
tions de déferlements plongeants et gonflants. L’influence de formes non-classiques peut être
prise en compte en ajustant les coefficients cpl et cs en les multipliant par les facteurs donnés dans
la deuxième et dans la troisième colonne du Tableau 5.30.
NOTE : la forme du bloc d’enrochement découle de la structure de la masse rocheuse ; elle est donc
difficilement ajustable par les techniques de production (voir la Section 3.4.1).
Tableau 5.30 Facteurs correspondant à des formes d’enrochement non-classiques, à appliquer aux coefficients
des formules de stabilité de Van der Meer ou à Dn50 pour les autres formules de stabilité
600 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Les effets de la pose des enrochements sur les propriétés des carapaces ont été étudiés par
Stewart et al. (2003a et 2003b). L’étude a consisté à soumettre des modèles réduits de carapaces 3
constituées de blocs d’enrochement soigneusement agencés, à l’attaque de la houle et a étudié le
dommage ainsi produit. Les résultats des essais ont été comparés aux formules de stabilité de Van
der Meer (1988b), c’est-à-dire aux Équations 5.136 et 5.137 pour des couches d’enrochement à
disposition aléatoire. On a découvert que la stabilité des couches soigneusement disposées dépas-
sait, en règle générale, celle des couches disposées de manière aléatoire.
4
Cependant, il a été démontré que la stabilité des carapaces est extrêmement sensible au degré de
savoir-faire (ou à la qualité d'exécution), avec lequel la couche a été agencée. Ce paramètre est à
la fois difficile à quantifier et à contrôler, il a donc été décidé que les conclusions de l’étude
devaient être appliquées avec précaution. Il a également été établi que la forme des enrochements
était un facteur d’importance. Les blocs d’enrochement de nature plutôt massive sont plus enclins
à une pose compacte et de fait à une stabilité accrue, que les blocs arrondis. La Section 3.4.1 ana- 5
lyse la quantification de la forme des enrochements et inclut une définition du « blockiness ».
Suite à cette étude, une relation a été proposée entre la stabilité de la carapace et la porosité de
couche. Bien que les résultats aient présenté une très grande dispersion, principalement (c’est du
moins ce que l’on croit) du fait des difficultés à contrôler la qualité d’exécution, l’amélioration de
la stabilité de l’enrochement est généralement associée à une faible porosité de couche. La stabi-
lité de plusieurs carapaces a été quantifiée en déterminant des valeurs alternatives aux coeffi-
6
cients cpl et cs à la place des valeurs de 6.2 et 1.0 des Équations 5.136 et 5.137. Dans le cas de cou-
ches bien denses sur des ouvrages perméables (d’une perméabilité nominale P = 0.5, voir la
Figure 5.39), les valeurs suivantes ont été proposées pour ces coefficients :
Les Figures 5.45 et 5.46 montrent que ces carapaces sont capables de résister à des vagues plus
7
hautes de 35 % et de 60 %, dans la zone de déferlement plongeant et dans la zone de déferlement
gonflant, respectivement, par rapport à des couches placées de manière aléatoire. Les essais
menés sur des ouvrages à noyau imperméable (P = 0.1) ont également montré que les carapaces
à disposition dense avaient en règle générale des performances supérieures à celles des couches
placées de manière aléatoire, bien que les données ne soient pas suffisamment nombreuses pour
que l’on puisse déterminer une relation. 8
Pour qu’une carapace soit considérée comme dense, elle doit remplir – au minimum – les critè-
res suivants :
• chaque enrochement doit avoir une orientation convenablement contrôlée et être placée au-
dessus de l’eau. Dans la pratique, cela signifie que les enrochements doivent être disposés à 9
l’aide d’un grappin – et non pas déversés. Une grue munie d’une élingue ne garantit pas un
contrôle suffisant ;
• les enrochements ne doivent pas être arrondis ni semi-arrondis. Si les valeurs de blockiness
sont connues, il ne doit pas y avoir d’enrochements (ou peu) dont le coefficient de blockiness
est inférieur à 50 %.
10
CETMEF 601
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Les conclusions de l’étude suggèrent également que les formules de stabilité élaborées pour des
couches disposées de manière aléatoire peuvent être appliquées, de façon sécuritaire, à des cou-
ches placées individuellement, et que les ouvrages constitués de blocs agencés de façon dense dis-
poseront probablement d’une résistance de réserve supérieure à celle qui est estimée par les for-
mules classiques.
L’influence des vagues induites par la navigation sur la stabilité des talus en enrochement a été
étudiée par Boeters et al. (1993). L’applicabilité d’une première estimation basée sur la formule
de Van der Meer (1988b) pour un déferlement plongeant en eau peu profonde a été analysée. La
relation de stabilité ainsi obtenue est exprimée par l’Équation 5.143.
602 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
1
(5.143)
Bien que la mer de vent et les vagues induites par la navigation présentent de nombreux points
communs, le problème réside principalement dans la définition des valeurs de N, H et ξ adéquats
pour les vagues induites par la navigation. Ainsi, pour le nombre de vagues, égal au nombre de
passages de navires, N (-), le cycle de vie total (p. ex. environ 20 ans) doit être pris en compte de 2
même que le type de navires (les principaux types suffisent), ce qui donne généralement un nom-
bre de navires, par exemple d’environ 2 000, par conséquent N = 2 000. Pour ce qui est de H, la
houle induite par la navigation est définie comme équivalente à H2 % (m). Il est en outre impor-
tant de noter que les dommages dus à différentes vagues peuvent être superposés et que les subs-
titutions et remarques suivantes s’appliquent :
3
• H2 % est le maximum des crêtes d’interférence, Hi (m), défini par l'Équation 5.144 :
(5.144)
où
αi = coefficient qui dépend du type de navire (-) : αi = 1 pour les remorqueurs, les 4
bateaux de plaisance et les convois ordinaires chargés, αi = 0.35 pour les navires
ordinaires vides, αi = 0.5 pour les convois poussés vides ;
h = hauteur d’eau (m) ;
Vs = vitesse du navire (m/s) (voir la Section 4.3.4) ;
ys = distance par rapport à la rive, perpendiculaire à la ligne de navigation (m).
5
• ξ est basé sur Hi et Li, et la longueur d’onde, Li (m), est estimée à l’aide de l’Équation 5.145 :
(5.145)
En plus de l’approche présentée ci-dessus, l’Équation 5.146 donne une relation plus simple per- 6
mettant d’évaluer la stabilité d’une carapace en enrochement lors des crêtes d’interférence :
(5.146)
où β est l’angle des crêtes des vagues incidentes par rapport à la rive (°). Pour les crêtes d’inter- 7
férence ou les ondes secondaires : β ≅ 55 ° pour les navires normaux, tandis que cet angle est beau-
coup plus aigu pour les navires à grande vitesse.
NOTE : l’Équation 5.146 a été calculée à partir de la taille de tamis, D50 (-). Le même principe s’ap-
plique à l’Équation 5.147 ci-dessous. En règle générale, on peut utiliser Dn50 ≅ 0.84D50 pour l’en-
rochement naturel. En outre, l’Équation 5.146 a été calculée pour des ouvrages présentant un 8
angle de talus tel que cot α ≅ 3.
Dans le cas des ondes transversales de poupe, l’Équation 5.147 donne la relation de stabilité entre
la hauteur de l’onde de poupe, zmax (m), et les paramètres structurels. 9
(5.147)
À des fins de dimensionnement, zmax/(ΔDn50) doit être compris entre 2 et 3. La Section 4.3.4
contient des informations sur la façon de déterminer la valeur de zmax.
10
CETMEF 603
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Dans des conditions de houle de dimensionnement modérées et sur des sites où la qualité, la taille
et la quantité d’enrochements naturels sont suffisantes, le premier choix de carapace est donc
dans la plupart des cas l’enrochement naturel, pour des raisons économiques et éventuellement
esthétiques. L’enrochement artificiel peut être nécessaire dans des conditions de dimensionne-
ment plus extrêmes ou sur des sites où l’on ne dispose pas d’enrochement naturel de taille, de
qualité et en quantité suffisantes. La Section 3.12 présente quelques critères pour sélectionner le
type d’enrochement le plus approprié : on y trouve une analyse des propriétés, des conditions de
placement des couches et de la fabrication d’enrochement artificiel. La stabilité hydraulique de
l'enrochement artificiel est abordée dans la présente section.
Différentes approches ont été mises au point pour garantir la stabilité hydraulique des carapaces
en enrochement artificiel :
• la première approche est basée sur des blocs artificiels dont la résistance est principalement
due à leur poids ;
• la deuxième approche repose sur des carapaces constituées d’enrochements artificiels présen-
tant une imbrication considérable avec les blocs adjacents ;
• la troisième approche est basée sur des carapaces dont les blocs sont disposés de manière uni-
forme, et pour lesquels une grande partie de la résistance est obtenue par frottement entre les
différents blocs. On peut inclure dans cette dernière classe les revêtements constitués de blocs
préfabriqués de revêtement, étudiés par Klein Breteler et Bezuijen (1991), McConnell (1998),
Pilarczyk (1998) et Turk et Melby (2002).
Le Tableau 5.31 donne un aperçu des principaux types de blocs d’enrochement artificiel.
Tableau 5.31 Classification des blocs d’enrochement en fonction de leur forme, de leur disposition
et du facteur de stabilité
Puisque la stabilité peut varier pour différentes raisons, il est recommandé d’avoir recours à des
essais sur modèles physiques pour tous les blocs d’enrochement artificiel complexes. Il est à noter
604 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
que ces essais sont plus complexes que les essais sur carapace en enrochement naturel traditionnelle 1
et qu’ils exigent par conséquent une expérience dans le domaine de la modélisation physique.
On utilise pour la plupart des enrochements artificiels un béton dont la masse volumique est plu-
tôt classique, comprise par exemple entre 2 200 kg/m3 et 2 600 kg/m3 (Δ ≅ 1.2-1.6). Les Cubes (y
compris les cubes Antifer) ont parfois une masse volumique beaucoup plus élevée, par exemple
2
3 000 kg/m3 (Δ ≅ 2), bien que cela soit rarement le cas pour des blocs complexes. Des recherches
menées sur des blocs cubiques de densité encore plus élevée (de 4 000 kg/m3, p. ex., soit Δ ≅ 3),
effectuées à partir de granulats lourds, indiquent que le béton à densité élevée peut être utile et
que le dommage, comme pour les blocs Cubes de densité normale, peut être exprimé par le para-
mètre de stabilité Ns = Hs /(ΔDn) (Van Gent et al., 2002). L’utilisation de blocs artificiels à densité
élevée signifie que le volume de chaque bloc est réduit et donc que la couche a une épaisseur 3
moindre. Contrairement aux blocs tels que les Cubes, qui tirent la majeure partie de leur résis-
tance de leur masse, il n’existe pas assez d’informations sur les enrochements artificiels à imbri-
cation pour déterminer si le dommage subi par des blocs imbriqués à densité élevée peut être
exprimé uniquement par le paramètre de stabilité Hs /(ΔDn). Si ce type de blocs est envisagé, il
est nécessaire d’étudier en détail les performances hydrauliques et structurelles en portant une
attention particulière aux effets que peut avoir une densité du béton non-standard. 4
Dimensionnement de blocs creux placés uniformément
La stabilité de blocs artificiels creux placés de manière uniforme repose sur le phénomène de frot-
tement entre blocs adjacents et dépend principalement de l’épaisseur de la couche et partiellement
du poids des blocs. Le phénomène de frottement entre les blocs disposés de manière uniforme
varie beaucoup moins que pour des blocs imbriqués placés aléatoirement. La résistance d’une
5
carapace à blocs frottants est par conséquent plus homogène que celle d’une carapace à blocs
imbriqués. Les carapaces à blocs frottants sont très stables. Des coefficients de stabilité KD > 100
(Formule de Hudson, voir la Section 5.2.2.2) ont été déterminés au cours d’essais sur modèles. Les
marges de sécurité requises pour le dimensionnement hydraulique de carapaces constituées de
blocs creux sont moins importantes que pour les carapaces à blocs imbriqués. Parmi les autres
avantages des blocs creux figurent la disposition en couche simple, des tailles de blocs relativement 6
petites, le placement simultané de blocs et une porosité de la carapace relativement élevée (p. ex.
de 60 %), ce qui permet d’économiser le béton et d’accroître la performance hydraulique.
La disposition de blocs artificiels creux sur des talus à géométrie complexe (bermes, talus concou-
rants, musoirs de digues, etc.) peut exiger des blocs spéciaux ou des cales. Le placement des blocs
creux sous l’eau nécessite un placement final par des plongeurs et s’effectue généralement contre 7
une butée de pied en béton préfabriqué. Si l’environnement est agité, il sera pratiquement impos-
sible d’agencer avec précision ces blocs sous l’eau.
Le procédé de dimensionnement des blocs creux est totalement différent de celui d’une carapace
traditionnelle. L’application d'une carapace constituée de blocs creux requiert des conseils de
dimensionnement de la part des développeurs du bloc, dans la mesure du possible (voir le
Tableau 5.32), ou de la part de concepteurs aguerris à l’utilisation des blocs en question. Peu de
8
formules de stabilité ont été déterminées pour ce type de blocs. Leur dimensionnement repose en
règle générale sur la connaissance du site et sur des essais sur modèles physiques.
On a utilisé des blocs Cob et Shed de taille unique (Ma = 2 t et Dn = 1.3 m) dans des conditions
de houle comprises entre Hs = 2 m et Hs = 4 m. En deçà de la limite inférieure de cette fourchette
de hauteurs de houle, il peut être plus économique d’utiliser des blocs de plus petites tailles, bien
que certains avantages apparaîtront avec l’utilisation de blocs de grandes dimensions par rapport
à la hauteur de la houle qui de fait permet la réduction du nombre d’opérations nécessaires pour
couvrir la surface donnée. Allsop et Herbert (1991) ont remarqué que le début du mouvement de
ces blocs se produit lorsque Hs /(ΔDn) = 4.8. Pour de plus amples informations sur les carapaces
en blocs Cob et Shed, se reporter également aux travaux d’Allsop et Jones (1996).
Les Seabees sont dimensionnés à l’aide d’une méthode établie par Brown (1983 et 1988), parfois
surnommée théorie de la couche, qui, pour des blocs placés suivant un motif particulier, implique
une forte dépendance de la masse du bloc, Ma (kg), et de la hauteur de la houle, Hs (m), comme
l’expriment les Équations 5.148 et 5.149 :
(5.148)
(5.149)
où
D = hauteur du bloc Seabee (m) ; dans ce cas égale à ta = épaisseur de la couche (m) ;
nv = porosité de couche de la carapace (-), à peu près égale à : n = porosité du bloc (-) ;
CB = coefficient de stabilité hydraulique (-) ;
Fα = fonction de l’angle du talus (-), approximée par : Fα = (cot α)1/3 ;
Ag = surface brute du bloc prismatique projeté sur le talus (m2) ;
ρc = masse volumique du béton (kg/m3) ;
Δ = densité relative déjaugée (-).
NOTE : l’Équation 5.148 peut être reformulée afin d’obtenir une expression basée sur le paramè-
tre de stabilité Ns : Hs/(ΔD) = (1-nv)CB(cot α)1/3.
La valeur de CB varie en fonction de la position sur le talus par rapport au niveau de l’eau. À des
fins de dimensionnement, une valeur de CB est déterminée pour la zone de la carapace soumise
à la tempête, puis les tailles des blocs sur le reste de la digue pourront, si désiré, être réduites pro-
gressivement (jusqu’à environ 60 % de la valeur de la zone soumise à la tempête). Pour le dimen-
sionnement, on utilise habituellement la valeur CB = 5. On peut faire varier la porosité des
Seabees, n (-), pour satisfaire les exigences de performance hydraulique, de résistance, de fabrica-
tion, d’esthétisme ou de facilité de circulation. La porosité des Seabees est habituellement com-
prise entre n = 30 et n = 50 %. Lors de l’utilisation de l’Équation 5.149, il est possible de choisir
la valeur de la masse des blocs (pour des raisons de fabrication ou de manutention), permettant
ainsi de déterminer la surface du bloc requise.
Les résultats des essais sur modèles hydrauliques sont présentés par Barber et Lloyd (1984) et
montrent une grande stabilité par rapport à la taille des blocs. Les dimensions d’origine d’un bloc
Diode étaient de 1.5 m de long sur 1.1 m de hauteur, pour une utilisation sur un talus de pente
1.9/1 et une hauteur de houle de dimensionnement fixée à Hs = 3.3 m.
Le HARO a été testé en couche simple et double avec un placement à motif sur des talus de
pente 3/2 et 2/1 (De Rouck et al., 1987 et 1994). La stabilité a été analysée selon la formule de
606 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Hudson (voir la Section 5.2.2.2) qui a donné des valeurs de KD de 12 pour des blocs Haro placés 1
en double couche sur des sections courantes et exposés à une houle non-déferlante. En utilisant
le nombre de stabilité Hs/(ΔDn) pour définir le dommage constaté, les valeurs approximatives de
Hs/(ΔDn) suivantes ont été obtenues : 2.2 pour l’état de dommage nul et 3.7 pour un dommage
important dans le cas de blocs Haro disposés en deux couches sur un talus de pente 3/2.
Le système traditionnel en deux couches est utilisé depuis des années et reste très populaire. Les
blocs ont un degré d’imbrication plus ou moins important, selon leur forme. Dans l’ensemble, la
stabilité de ce type de carapace dépend principalement de la stabilité de chaque bloc. Si un dom- 3
mage apparaît, il s’accentuera avec l’augmentation de la hauteur de la houle. Le problème avec
les plus grandes tailles de blocs (nécessaires si les conditions de houle sont importantes) est que
le placement et le balancement des blocs peuvent entraîner des ruptures de blocs, du fait de l’in-
tensification des contraintes locales, et par conséquent endommager l’ouvrage. Les blocs Dolos
et Tétrapode, généralement placés en deux couches, sont assez sujets à la rupture si leurs dimen-
sions sont trop importantes (voir la Section 3.12), car il s’agit de blocs plutôt élancés. Dans le cas 4
de blocs placés en double couche, la rupture critique ne se produit que lorsque les deux couches
sont déplacées et que les sous-couches sont érodées. Cela nécessite parfois le déplacement d'un
grand nombre de blocs.
Dans les systèmes à simple couche, les blocs de type ACCROPODE, CORE-LOC et Xbloc sont
placés suivant un plan ou une densité de pose donnée. L’orientation de certains rangs peut être 5
prédéfinie ou aléatoire. Le comportement de ces blocs soumis à l’attaque de la houle peut diffé-
rer de celui des systèmes à double couche traditionnels. Les premières attaques de la houle après
construction induisent souvent un tassement de la carapace, ce qui peut augmenter le contact
entre les blocs adjacents. Les tempêtes ultérieures se heurtent alors à cette imbrication accrue.
Par contre les blocs disposés en simple couche peuvent présenter une résistance de réserve infé-
rieure à celle des blocs disposés en double couche dans la mesure où : 6
• une fois que le dommage s’est produit, la sous-couche est plus exposée à l’action de la houle
si l’enrochement est disposé en une couche que s’il est à deux couches ;
• l’enrochement disposé en simple couche est plus enclin à une progression soudaine de la rup-
ture que l’enrochement disposé en double couche.
Les carapaces à imbrication et à une couche sont de ce fait habituellement conçues pour un dom-
7
mage nul ; même les faibles niveaux de dommage (moins de 5 %) ne sont pas tolérés. Pour garan-
tir le fonctionnement de la carapace même lors d’une tempête de dimensionnement, le dimen-
sionnement hydraulique d’un enrochement artificiel à une couche utilise une marge de sécurité
relativement grande du coefficient de stabilité (KD ou Hs/(ΔDn), p. ex.). Dans les conditions de
dimensionnement, l’enrochement à une couche ne doit donc présenter aucun dommage et seule-
ment des balancements mineurs. La carapace doit en outre être capable de résister à une sur-
8
charge de 20 % environ (dépassement de 20 % de la hauteur de houle de dimensionnement) sans
subir de dommage considérable. Ce comportement présente des avantages par rapport au sys-
tème à deux couches, auquel on applique des marges de sécurité habituellement plus réduites et
pour lequel on peut donc s’attendre à un dommage indésirable plus important en cas de dépas-
sement de la hauteur de la houle de dimensionnement.
9
Le dommage causé aux carapaces composées de blocs artificiels à placement aléatoire peut être
quantifié par les nombres de blocs déplacés Nd et Nod (voir également la Section 5.2.1 et
l’Encadré 5.19) :
• Nod est le nombre de blocs déplacés dans une bande du talus d’une largeur Dn (diamètre nomi-
nal d’un bloc d’enrochement, défini comme la dimension du cube équivalent) ;
10
CETMEF 607
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
• Nd est le nombre de blocs déplacés exprimé comme pourcentage du nombre total de blocs pla-
cés dans une certaine zone autour du niveau d’eau de dimensionnement (on prend générale-
ment un intervalle de ±1.5 Hd (hauteur de la houle de dimensionnement)).
L’évaluation du dommage subi par les carapaces en enrochement artificiel repose habituellement sur le nom-
bre réel de blocs, soit Nod = nombre de blocs déplacés dans une bande de talus de largeur Dn, soit Nd = pour-
centage de dommage liant le nombre de blocs déplacés et le nombre total de blocs initialement présents dans
la carapace. Pour un dommage donné, les pourcentages de dommage varient en fonction des sections ou
des ouvrages. Par exemple, dans le cas d’une section d’une largeur Dn sur une longueur de talus égale à
20.Dn, soumise à un dommage de Nod = 0.5, le pourcentage de dommage est de Nd = 0.5/20×100 % = 2.5 %.
Une section plus courte, constituée par exemple de 10 blocs, donne un dommage de 5 %.
Dans la mesure où Nod exprime le dommage réel, par opposition à Nd qui donne un pourcentage exprimé par
rapport à l’ouvrage réel, on préfère généralement utiliser Nod.
La définition de Nod est comparable à la définition de Sd utilisée pour indiquer le niveau du dommage subi par
les carapaces en enrochement naturel (voir la Section 5.2.1). Bien que Sd inclut l’effet du déplacement et du
tassement, il ne tient pas compte de la porosité nv de la carapace. L’Équation 5.150 permet d’exprimer
approximativement – c’est-à-dire sans tenir compte du tassement – la relation entre Nod et Sd (USACE, 2003) :
(5.150)
où G = facteur de gradation (-) qui dépend de la gradation de l'enrochement, G = 1 pour les blocs artificiels.
En règle générale, comme nv = 45 à 55 % pour l'enrochement artificiel habituellement utilisé, à l’exception
des cubes disposés en une seule couche (voir la Section 3.12.2.5), la valeur de Sd est environ deux fois supé-
rieure à la valeur de Nod.
Les valeurs classiques de Nod et de Nd pour certains niveaux de dommage sont énumérées au
Tableau 5.33. Certaines valeurs de début du dommage sont légèrement modifiées par rapport aux
précédentes recommandations de Van der Meer (1988b) et peuvent être considérées comme des
valeurs de dimensionnement. Noter que l’utilisation de valeurs de Nod = 0 implique un dimen-
sionnement sécuritaire, équivalent à un dommage Nd = 0 %.
NOTE : il est en outre crucial que l’intégrité structurelle de chaque bloc d’enrochement soit garan-
tie, soit en sélectionnant des blocs artificiels de forme compacte, soit en empêchant le balance-
ment des blocs.
Tableau 5.33 Niveaux de dommages caractéristiques pour différents types d’enrochement artificiel
Cube – 4% –
Dolos Nd 0%–2% – ≥ 15 %
ACCROPODE 0% 1%–5% ≥ 10 %
Note : les valeurs inférieures données pour le début de dommage dans le cas des Cubes et des Tétrapodes sont légè-
rement plus conservatrices que les valeurs supérieures.
La taille requise des blocs artificiels d’une carapace en deux couches peut être évaluée par une
formule de stabilité telle que celle de Hudson (1953, 1959), voir également la Section 5.2.2.2.
Pour les blocs artificiels, la formule de Hudson peut être réécrite de la manière présentée dans
l’Équation 5.151, en utilisant la hauteur significative de la houle, Hs (m), et le diamètre nomi-
nal du bloc, Dn (m),
(5.151)
608 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Le Tableau 5.34 donne des indications sur les valeurs de KD pour les blocs artificiels en deux cou- 1
ches les plus communément utilisés. Il faut noter que dans le Tableau 5.34, houle déferlante fait
référence à un déferlement en avant de l’ouvrage, et non à un déferlement sur l’ouvrage lui-
même ; houle non-déferlante désigne les situations sans déferlement en avant de l’ouvrage. Plus
d’informations sont disponibles dans le CEM (USACE, 2003), la norme BS6349 : 7 (1991), le SPM
(CERC, 1977 et 1984) et auprès de détenteur de la licence d’utilisation du bloc en question.
Les valeurs de KD dans la formule de stabilité de Hudson pour les blocs artificiels en couche sim-
2
ple sont présentées au Tableau 5.35 (entre parenthèses), où figurent également les valeurs de
dimensionnement du nombre de stabilité Hs /(ΔDn).
NOTE : certains types de blocs artificiels en une couche présentent un problème important, à
savoir que leur stabilité décroît sur des talus moins inclinés. Ce phénomène n’est pas pris en
compte par l’équation de Hudson et les valeurs de KD ne correspondent qu’à un talus de pente 3
4/3. Pour les blocs artificiels en simple couche, il est par conséquent recommandé d’utiliser une
valeur réduite du nombre de stabilité (comme cela est présenté au Tableau 5.35) pour des talus
de pente inférieure à 2/1.
Tableau 5.34 Stabilité hydraulique de l’enrochement artificiel en double couche, déterminée avec KD
4
Valeurs de KD dans la formule de stabilité de Hudson
Note : plus de valeurs sont disponibles dans le CEM (USACE, 2003), la norme BS6349-7 (1991), le SPM (CERC,
1977 et 1984) et auprès de détenteur de la licence d’utilisation du bloc en question.
Pour des Cubes disposés en double couche sur un talus de pente 3/2 avec 3 < ξm < 6, l’Équation
5.152, établie par Van der Meer (1988a), basée sur des conditions de houle non-limitées par la
profondeur, donne la relation entre le nombre de stabilité, le niveau de dommage, Nod (-), les
conditions de houle et les paramètres structurels. 9
(5.152)
où N = nombre de vagues (-) et som = cambrure nominale de la houle = 2πHs/(gTm2) (-), calculée
à partir de Tm, la période moyenne de la houle (s). 10
CETMEF 609
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Tétrapode
Van der Meer (1988a) propose la formule de stabilité suivante, donnée par l’Équation 5.153, pour
les Tétrapodes disposés en double couche sur un talus de pente 3/2 avec 3.5 < ξm < 6 et dans des
conditions de houle non-limitées par la profondeur :
(5.153)
Selon les Équations 5.152 et 5.153, la stabilité décroît lorsque la cambrure de la houle croît. Il en
va de même pour les carapaces en enrochement naturel situées dans la zone de déferlement gon-
flant, avec habituellement ξm > 3 (voir la Figure 5.40 de l’Encadré 5.11). Dans la mesure où les pen-
tes utilisées dans les essais étaient raides, aucune transition n’a initialement été trouvée avec un
déferlement plongeant. De Jong (1996) a analysé plus de données concernant les Tétrapodes et a
remarqué une transition entre le déferlement gonflant et le déferlement plongeant similaire à celle
des carapaces en enrochement naturel (voir également les Sections 5.1.1.1 et 5.2.2.2). La formule
proposée par De Jong pour le déferlement plongeant (Équation 5.154) doit par conséquent être
examinée avec l’Équation 5.153 qui ne sert désormais que pour le déferlement gonflant.
Le coefficient de densité de pose, φ (-), présenté à la Section 3.12.1.3, est lié au coefficient d’épais-
seur de couche, kt, par la relation φ = nkt(1-nv), où n est le nombre de couches. Les valeurs nor-
males du coefficient d’épaisseur de couche, kt, se situent autour de 1.02 pour les Tétrapodes. On
a utilisé des valeurs plus basses dans des essais, qui ont permis d’établir l’Équation 5.155 comme
formule de stabilité pour les Tétrapodes dans des conditions de déferlement plongeant. Elle
inclut également le facteur d’influence de la revanche de la crête, Rc /Dn (-).
(5.155)
Pour de plus amples renseignements sur l’influence de la revanche et de la densité de pose dans
le cas de Tétrapodes, se reporter également à Van der Meer (2000) et à Pilarczyk (1998).
Dolos
Burcharth et Liu (1993) ont proposé l’Équation 5.156 comme formule de stabilité pour des Dolos
sur un talus non-franchi de pente 3/1 (avec : 0.32 < r < 0.42 et 0.61 < φ < 1) :
(5.156)
où r = ratio central (-), le diamètre de la section centrale sur la hauteur du bloc (voir la Section
3.12.2.3 pour plus de détails) et N = nombre de vagues ; pour N ≥ 3 000, utiliser N = 3 000 dans
l’Équation 5.156.
610 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Holtzhausen (1996) a proposé l’Équation 5.157 pour les Dolos. Cette équation est valable pour 1
des densités de pose dont le coefficient φ est compris entre 0.83 et 1.15 :
(5.157)
L’Équation 5.157 implique, puisque la densité de pose diminue, que le nombre de blocs déplacés
(dommage) diminue également. Ceci signifierait que les carapaces présentant des densités de
2
pose inférieures sont plus stables que celles dont les densités de pose sont supérieures, dans les
limites de validité de l'équation. Sur le plan physique, on explique cette caractéristique de l’Équa-
tion 5.157 par le fait que les densités de pose élevées ne permettent pas une imbrication optimale.
Si l’on diminue la densité de pose, la stabilité de réserve diminue. Holtzhausen (1996) a proposé
l’Équation 5.158 pour déterminer de manière approximative le nombre de Dolos déplacés à la 3
rupture Nod_ f (pour φ < 1.15).
(5.158)
NOTE : la masse d’un Dolos ne doit pas excéder 30 t. Les nombres de stabilité typiques pour une
carapace à base de Dolos d’un talus de pente 2/1 avec un niveau de dommage de 2 % environ 4
(début du dommage) sont présentés au Tableau 5.35. Une durée de tempête accrue de 3 000
vagues (au lieu de 1 000) peut réduire le nombre de stabilité d’environ 10 %. La forme des Dolos
peut varier avec leur taille. Le ratio central, r (-), est généralement de 0.32 pour les Dolos. Pour
les blocs de plus grande taille, il est recommandé que le ratio central soit plus élevé (0.34 pour les
blocs de 20 t et 0.36 pour les blocs de 30 t). Des informations complémentaires sur la forme des
Dolos sont disponibles dans le SPM (CERC, 1984). Le nombre de stabilité d’une carapace en
Dolos diminue de manière quasi-linéaire lorsque le ratio central augmente (voir le Tableau 5.35).
5
ACCROPODE
Van der Meer (1988a) a étudié les blocs ACCROPODE et a découvert que la durée de la tem-
pête et la période de la houle n’avaient aucune influence sur la stabilité hydraulique. Il a égale-
ment été déterminé que les critères de dommage nul et de rupture pour les blocs ACCROPODE
6
étaient très proches. Les essais ont été effectués dans des conditions de houle non-déferlante sur
un talus de pente 4/3, mais on peut s’attendre à un comportement similaire sur un talus de pente
3/2. La stabilité des carapaces en blocs ACCROPODE peut donc être exprimée par deux formu-
les simples – l’Équation 5.159 pour le début de dommage et l’Équation 5.160 pour la rupture -
basées sur un nombre de stabilité fixe. Il faut noter qu’il s’agit de données empiriques qui repo-
sent sur des essais sur modèles – qui ne sont donc pas applicables au dimensionnement sans appli- 7
cation préalable d’un coefficient de sécurité.
10
CETMEF 611
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
CORE-LOC et Xbloc
Il a été établi que les blocs artificiels à simple couche mis au point plus récemment, tels que le
CORE-LOC et le Xbloc (voir la Section 3.12) avaient un comportement similaire à celui de
l'ACCROPODE. La stabilité hydraulique des blocs CORE-LOC est meilleure que celle des
blocs ACCROPODE, toutefois les nombres de stabilité recommandés pour le dimensionnement
avec des blocs CORE-LOC et Xbloc (qui incluent une marge de sécurité) sont proches de ceux
des blocs ACCROPODE (voir le Tableau 5.35). Il est à noter que l’intégrité structurelle du
CORE-LOC peut être inférieure à celle de l'ACCROPODE.
NOTE sur la stabilité hydraulique des blocs ACCROPODE, CORE-LOC et Xbloc. La stabilité de
ces blocs n’augmente pas sur des talus dont la pente est inférieure à 2/1. Il est recommandé de
diminuer davantage les nombres de stabilité dans des situations de hauteurs de houle limitées par
la profondeur associées à des fonds devant l’ouvrage fortement pentus. La réduction est d’envi-
ron 10 %, ce qui est similaire aux réductions recommandées pour les musoirs et pour la houle
déferlante. Les carapaces doivent en outre être capables de résister à une surcharge de 20 % sans
dommage. Aucun balancement (ou seulement des balancements limités) n’est autorisé dans les
conditions de dimensionnement.
L’utilisation des Cubes en une couche a fait l’objet des travaux d’Angremond et al. (1999) et de
Van Gent et al. (2000 et 2002). Leurs résultats montrent qu’il peut y avoir des avantages par rap-
port à une carapace à double couche dans certains cas. La stabilité hydraulique déterminée dans
les essais sur modèles peut être exprimée par l’Équation 5.161 pour le début de dommage et par
l’Équation 5.162 pour la rupture.
L’expérience de dimensionnement avec une couche de Cubes est très limitée. Il est recommandé
par Van Gent et al. (2000 et 2002) d’utiliser une densité de pose correspondant à une porosité, nv,
comprise entre 0.25 et 0.3, et de placer l’un des côtés du cube à plat sur la sous-couche. Les
niveaux de dommage acceptables pour des Cubes en une couche sont largement inférieurs à ceux
des doubles couches (Nod = 2 pour des Cubes en double couche correspond à peu près à Nod = 0.2
pour des Cubes en une couche). Cela s’explique par le fait que la différence entre le début de
dommage et la rupture est infime. En outre, étant donné qu’il n’y a aucune seconde couche pou-
vant constituer une protection de réserve, tout dommage subi par la carapace aura immédiate-
ment pour résultat l’exposition de la sous-couche à l’attaque directe de la houle. Il est donc
recommandé d’avoir recours à un coefficient de sécurité dans les Équations 5.161 et 5.162
(comme pour les autres blocs artificiels en une couche), ce qui conduit à des valeurs du nombre
de stabilité pour les Cubes en une couche utilisées pour le prédimensionnement d’être proches
de celles des Cubes en double couche (voir le Tableau 5.35).
NOTE : l’utilisation de Cube en une couche sur une crête requiert une attention particulière, car la
stabilité semble mauvaise lorsque l’on utilise la même taille que sur le talus avant. Au moment de
la rédaction de ce guide, ce sujet n’avait pas encore été résolu à un degré suffisant pour qu’il y
soit intégré des recommandations pour le dimensionnement.
La Figure 5.47 illustre la stabilité hydraulique déterminée par les essais sur modèles, exprimée par
le nombre de stabilité Hs/(ΔDn) pour trois blocs artificiels, en représentant les limites du début du
dommage et de la rupture (pour les Cubes, Nod = 0.5 et 2, pour les Tétrapodes, Nod = 0.5 et 1.5 et
pour les blocs ACCROPODE, Nod = 0 et 0.5, respectivement – voir le Tableau 5.33) par rapport
à la cambrure nominale de la houle, som (-), pour une durée de tempête de N = 1 000 vagues.
612 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
NOTE : la courbe présentée à la Figure 5.47 n’est pas une courbe de dimensionnement ; les valeurs 1
du nombre de stabilité avec un coefficient de sécurité pour les blocs en une couche qui sont uti-
lisées pour un prédimensionnement sont données au Tableau 5.35.
4
Figure 5.47 Nombre de stabilité en fonction de la cambrure de la houle – résultat des essais
sur modèles pour les limites de début de dommage et de rupture
(N = 1 000 vagues et talus latéral de pente 3/2)
La Figure 5.48 présente les courbes de dommage basées sur les Équations 5.151 à 5.153 pour des
Cubes et Tétrapodes en double couche (avec som = 0.03 et N = 1 000 vagues) et sur les Équations 5
5.159 et 5.160 pour les blocs ACCROPODE. Les valeurs de dimensionnement pour le début du
dommage pour les blocs ACCROPODE et les Cubes en une couche, Nod = 0 (voir le Tableau 5.35)
sont incluses à la Figure 5.48 pour illustrer la façon dont le dommage évolue avec des blocs en
double couche par rapport aux blocs en une couche (p. ex. ACCROPODE). La valeur de dimen-
sionnement du nombre de stabilité, Ns, est moins critique pour les systèmes en deux couches que
pour les systèmes en une couche à cause de l’évolution linéaire du dommage (voir la Figure 5.48).
La valeur de Ns proposée pour le dimensionnement des Cubes en double couche (avec Nod = 0.5)
6
coïncide avec la valeur du nombre de stabilité utilisée pour le prédimensionnement de Cubes en
une couche lorsque l’on applique un coefficient de sécurité de 1.5 par rapport à la valeur du début
du dommage déterminée dans les essais.
9
Figure 5.48 Courbes de dommage depuis le début du dommage jusqu’à la rupture
(som = 0.03 et N = 1 000 vagues). Noter que la valeur de dimensionnement du nombre de
stabilité pour les blocs ACCROPODE (Ns = 2.5) est environ 2/3 de la valeur de début de
dommage, Ns = 3.7, issue des essais.
10
CETMEF 613
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
La Figure 5.49 présente un aperçu des variations des nombres de stabilité Ns proposées à des fins
d’étude préliminaire pour : les Cubes (en une couche et en double couche), les Tétrapodes, les
Dolos et les blocs ACCROPODE, CORE-LOC et Xbloc.
Figure 5.49 Intervalles des nombres de stabilité proposés pour l’étude préliminaire
Sur la base des Équations 5.151 à 5.161 et de la littérature, le Tableau 5.35 propose des valeurs de
dimensionnement pour le nombre de stabilité Hs/(ΔDn) correspondant à différents types de blocs
artificiels utilisés pour une étude préliminaire. Il est conseillé de se reporter aussi aux formules
de dimensionnement et aux références présentées dans cette section.
614 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Tableau 5.35 Stabilité hydraulique des blocs artificiels, symbolisée par Hs/(ΔDn) 1
Nombre de stabilité Hs /ΔDn
Type
Niveau de Section courante Musoir
d’enroche- Références/remarques
dommage
ment
Houle non- Houle Houle non- Houle
déferlante déferlante déferlante déferlante
2
0% 1.8 – 2.0 –
Brorsen et al. (1975)
talus de pente 3/2 et 2/1
4% 2.3 – 2.6 –
Cube 2.3)
0 % (Nod = 0) 2.2 – 2.3 – Van Gent et al. (2000)
4
(1 couche)
ACCROPODE 0 % (Nod = 0) 2.7 (15) 2.5 (12) 2.5 (11.5) 2.3 (9.5) Sogreah (2000) 7.8)
CORE-LOC 0 % (Nod = 0) 2.8 (16) 2.6 (13) Melby et Turk (1997) 7.8)
7
Xbloc 0 % (Nod = 0) 2.8 (16) 2.6 (13) DMC (2003) 7.8)
Notes :
Généralités : le niveau de dommage admissible n’est pas le même pour tous les blocs (5 % peuvent être un pour- 8
centage acceptable pour certains blocs et non pour d’autres).
1. Durée de la tempête N = 1 000 – 3 000 vagues ; cambrure nominale de la houle, som = 0.01 à 0.06.
2. En supposant un coefficient de sécurité d’environ 1.5 (contre une rupture soudaine), similaire à celui des blocs
ACCROPODE.
3. À pose dense, nv = 0.25 pour une surface plutôt lisse, c’est-à-dire des Cubes ayant un côté plat sur la sous-couche.
4. r = ratio central, = ratio entre le diamètre de la section centrale et la hauteur totale du bloc.
9
5. Coefficient de densité de pose φ = 0.83 ; durée de la tempête N = 1 000 vagues.
6. Coefficient de densité de pose φ = 0.83.
7. Entre parenthèses : coefficient de Hudson KD correspondant, pour un talus de pente 4/3.
8. La stabilité n’augmente pas sur des talus à pente plus douce que 2/1, une réduction supplémentaire de 10 % des
nombres de stabilité est recommandée dans les situations où la hauteur de la houle est limitée par la profon- 10
deur et où les fonds devant l’ouvrage sont pentus.
CETMEF 615
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
De nombreux types de blocs artificiels sont protégés par des brevets et les détenteurs des licen-
ces ont mis au point des principes d’utilisation et ont accumulé un savoir-faire qui leur permet de
proposer une assistance lors des phases de conception et de suivi de la construction. Il est par
conséquent possible d’obtenir des informations plus récentes ou plus exhaustives auprès de ces
détenteurs de licences.
Les blocs artificiels ne peuvent pas fournir une protection efficace et robuste si les blocs présen-
tent des défaillances structurelles. Les blocs ne doivent donc être utilisés que dans leur domaine
d’application. La résistance structurelle des blocs artificiels est abordée à la Section 3.12, qui
contient des informations et des références supplémentaires.
Les blocs artificiels exigent que la sous-couche ait une dimension spécifique afin de garantir un
transfert satisfaisant des charges, d’obtenir une perméabilité suffisante et d’empêcher le mouve-
ment des particules fines vers l’extérieur. De même que pour l’enrochement naturel, il convient
d’utiliser pour la sous-couche un matériau rocheux à granulométrie relativement étroite pour des
raisons de perméabilité. Dans la mesure où une perméabilité réduite induit souvent une diminu-
tion de la stabilité de la carapace, il est important que le matériau de la sous-couche ne soit pas
trop petit et que sa granulométrie ne soit pas trop étalée. Les valeurs empiriques suivantes sont
applicables à la plupart des blocs artificiels :
• la masse médiane de l’enrochement qui constitue la sous-couche, M50 (kg), doit être d’environ
1/10 de la masse du bloc artificiel ;
• le ratio entre la limite supérieure nominale (NUL) et la limite inférieure nominale (NLL) de
la distribution blocométrique doit être compris entre 2 et 3, ainsi que cela a été défini dans la
norme européenne relative aux enrochements EN 13383-1 (voir la Section 3.4.3 pour plus de
renseignements). Cette exigence est respectée par toutes les blocométries de la norme EN
13383 dont les valeurs de NLL sont supérieures à 1 tonne ;
• la NLL de la sous-couche ne doit pas être inférieure à 5 % de la masse du bloc artificiel, afin
d’éviter que l’enrochement naturel ne soit emporté à travers les vides de la carapace ;
• pour les blocs artificiels imbriqués en une couche (ACCROPODE, CORE-LOC et Xbloc), les
limites nominales de l’enrochement naturel de la sous-couche doivent se situer entre 7 % et
14 % de la masse du bloc artificiel ;
• pour les Cubes en une couche dont la porosité est de nv = 0.25, une sous-couche dont le maté-
riau a une masse comprise entre 5 % et 10 % de la masse du bloc artificiel offre les meilleurs
résultats.
Tableau 5.36 Masses proposées pour l’enrochement constitutif d’une sous-couche supportant des blocs
artificiels
Blocs imbriqués en une couche M50,u = 0.1 Ma Mmin,u ≥ 0.07 Ma Mmax,u ≤ 0.14 Ma
Note : Ma = masse du bloc artificiel (kg) ; Mu = masse de l’enrochement naturel de la sous-couche (kg)
616 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Les concepteurs des blocs artificiels et les détenteurs des licences sont en mesure de fournir des 1
indications précises sur les sous-couches.
Pour ce qui est de la fonction du filtre de la sous-couche, se reporter à la Section 5.4.5.3, dans
laquelle sont également présentées les règles concernant les filtres géotechniques. Les ouvrages
côtiers font appel à des règles modifiées concernant les filtres, comme indiqué ci-dessus et à la
Section 5.2.2.10.
2
L’utilisation d’un géotextile sous le matériau de la sous-couche peut entraîner une diminution de
la perméabilité de l’ouvrage, ce qui réduit la stabilité de la carapace (voir la Section 5.2.2.2). Il
faut noter que si l’on a recours à des géotextiles, les valeurs de la stabilité hydraulique des blocs
artificiels données dans cette section pourraient présenter un risque, c’est-à-dire que l’on pour-
rait s’attendre à un dommage plus grand qu’en l’absence de géotextile sous la sous-couche.
3
5.2.2.4 Ouvrages à crête abaissée
Les ouvrages à crête abaissée sont définis comme des ouvrages franchis par la houle et dont le
niveau de crête est à peu près au niveau de l’eau au repos. Ces ouvrages peuvent être divisés en :
• ouvrages semi-émergés dont le niveau de crête est supérieur au niveau de l’eau au repos : Rc > 0 ; 4
• ouvrages immergés dont le niveau de crête est inférieur au niveau de l’eau au repos : Rc < 0.
Cette définition peut entraîner une situation dans laquelle un ouvrage est parfois immergé et par-
fois semi-émergé, suivant les différents niveaux d'eau fixés pour le dimensionnement. Il existe des
méthodes de calcul de la masse ou des tailles de l'enrochement dans cette zone de transition (où
Rc ≈ 0). Toutefois, les méthodes ne mènent pas toutes à la même masse d’enrochement. Il est
recommandé d’utiliser les approches les plus sécuritaires.
5
La distinction est faite entre les ouvrages à crête abaissée statiquement stables et dynamiquement
stables, également appelés digues-récifs.
Dans le cas des ouvrages semi-émergés, une partie de l’énergie de la houle peut passer par-des-
sus la digue (voir également la Section 5.2.2.1). Par conséquent, la taille ou la masse du matériau
6
présent sur le talus avant de ce type d’ouvrage peu(ven)t être plus petite(s) que sur un ouvrage
non-franchi. La crête des ouvrages immergés se trouve sous l’eau, mais la profondeur d’immer-
sion de ces ouvrages est telle que le déferlement de la houle affecte leur stabilité. Les ouvrages
immergés sont franchis par toutes les vagues et leur stabilité s’accroît considérablement avec
l’augmentation de la profondeur d’immersion (voir également la Section 5.2.2.1). Dans le cas
d’ouvrages non-franchis, la houle affecte principalement la stabilité du talus avant, tandis que 7
dans le cas des ouvrages franchis, la houle affecte non seulement la stabilité du talus avant, mais
également celle de la crête et du talus arrière. La taille de l'enrochement présent à ces endroits
est donc plus cruciale pour un ouvrage franchi que pour un ouvrage non-franchi. La stabilité du
talus arrière des ouvrages légèrement franchis est traitée à la Section 5.2.2.11.
La carapace d’une digue à crête abaissée peut être divisée en différentes parties. La Figure 5.50 8
en montre un exemple : talus avant (I), crête (II) et talus arrière (III).
Les digues immergées statiquement stables peuvent être conçues avec une large crête ; elles sont
également appelées récifs artificiels. Dans les lieux soumis aux marées et lorsqu’il se produit de
fréquentes surcotes, les digues immergées à crête étroite perdent de leur efficacité à réduire la
hauteur de la houle transmise. On peut envisager comme alternative des digues à crête large plus
onéreuses (voir la Figure 5.51). En ce qui concerne les récifs longitudinaux à large crête, le lec-
teur peut se référer à Goda (1996).
Figure 5.51 Coupe et vue du dessus d’une digue-récif à large crête (récif artificiel) selon Pilarczyk (2003)
Powell et Allsop (1985) ont analysé les données réunies par Allsop (1983) sur des ouvrages semi-
émergés et ont proposé l’Équation 5.163 comme relation entre le nombre de stabilité
Ns = Hs/(ΔDn50) pour l’enrochement naturel, les paramètres structurels et hydrauliques corres-
pondants, ainsi que le niveau de dommage, exprimé par le rapport Nod/Na, admissible.
(5.163)
où Nod est le nombre de blocs déplacés hors de la carapace par bande de largeur Dn50 sur toute
la carapace et Na est le nombre total de blocs d’enrochement dans la même zone. Les valeurs des
coefficients empiriques a et b sont données dans le Tableau 5.37 en fonction de la revanche rela-
tive de la crête, Rc /h, où h est la hauteur d’eau (m) devant l’ouvrage.
Rc /h a b sop = Hs /Lop *)
Note : sop est la cambrure nominale de la houle, fonction de Tp, sop = 2πHs/(gTp2)
Il est possible d’établir un lien entre la stabilité de l’enrochement naturel sur le talus avant d’un
ouvrage semi-émergé et la stabilité d’un ouvrage non-franchi. Ceci s’obtient en calculant tout
d’abord le diamètre nominal requis de l’enrochement à l’aide de l’une des formules de dimen-
sionnement présentées à la Section 5.2.2.2 pour les carapaces en enrochement naturel, puis en
appliquant un coefficient de réduction à ce diamètre nominal Dn50. Il est recommandé de faire
très attention lorsque l’on réduit la taille de l’enrochement d’une digue à crête abaissée.
618 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Cette approche a été adoptée par Van der Meer (1990a). Il a remarqué que les formules de stabi- 1
lité applicables aux carapaces en enrochement naturel (Van der Meer, 1988b ; voir la Section
5.2.2.2) pouvaient être utilisées en remplaçant Dn50 par rDDn50. Le coefficient de réduction, rD (-),
qui s’applique à la taille des enrochements requise, est donné par l’Équation 5.164 :
(5.164)
2
où Rc est la revanche de l'ouvrage (m), et sop la cambrure nominale de la houle (-), calculée à par-
tir de la période de pic de la houle, Tp (s). Noter que le facteur est égal à la revan-
che adimensionnelle d’Owen, R* (voir l’Équation 5.28 à la Section 5.1.1.3).
L’Encadré 5.20 présente des abaques du coefficient rD. Les limites de l’Équation 5.164 sont don-
nées par l’Équation 5.165 : 3
(5.165)
NOTE : l’Équation 5.164 donne une estimation du diamètre de l'enrochement requis sur le talus
avant. Pour la crête et le talus arrière, il peut être nécessaire d’utiliser un matériau de taille simi- 4
laire ou supérieure.
L’Équation 5.166 peut être utilisée pour obtenir une première estimation de la taille de l'enro-
chement, Dn50 (m), lors de la phase d’études préliminaires d’ouvrages semi-émergés (Kramer et 5
Burcharth, 2004) dans des conditions de houle limitées par la profondeur, c’est-à-dire avec une
houle déferlant avant d'atteindre l’ouvrage.
(5.166)
où Hs est la hauteur significative de la houle en pied d’ouvrage (m), h est la hauteur d’eau en pied
6
d’ouvrage (m) et αs est l’angle de la pente du fond devant l’ouvrage (°).
NOTE : d’autres valeurs de Hs/h, cot αs et Δ peuvent conduire à des valeurs très différentes de la
taille de l’enrochement requise.
10
CETMEF 619
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Encadré 5.20 Courbes de dimensionnement pour les ouvrages (semi-émergés) à crête abaissée
Comme le montre la Figure 5.52, la réduction de la taille de l’enrochement requise sur le talus avant est de
80 % si la crête se situe au niveau de l’eau au repos (Rc/HS = 0), où la taille de référence est déterminée pour
des ouvrages dont la crête se trouve à un niveau tel qu’il n’y a pas (ou peu) de franchissement. Pour des
valeurs supérieures de la revanche, la valeur du coefficient de réduction dépend de la cambrure de la houle
sop (voir la Figure 5.52). La masse de l'enrochement requise sur le talus avant atteint donc (0.8)3 M50 ≅ 0.5 M50,
où M50 est la masse requise pour les ouvrages non (ou légèrement) franchis, comme cela a été analysé à la
Section 5.2.2.2.
Figure 5.52 Courbes de dimensionnement des ouvrages semi-émergés à crête abaissée, Rc > 0
(Van der Meer, 1990a)
Vidal et al. (1995) ont élaboré une formule de stabilité pour les ouvrages en enrochement natu-
rel à crête abaissée statiquement stables (semi-émergés ou immergés). Ils ont divisé la couche
supérieure de la carapace de la digue en plusieurs zones : le talus avant, la crête, le talus arrière et
la section totale et ont utilisé les quatre niveaux de dommage suivants : début du dommage (ID),
dommage d’Iribarren (IR), début de la destruction (SD) et destruction (D). Ces niveaux peuvent
être approximativement exprimés par un niveau de dommage, Sd (-), défini à la Section 5.2.1,
conformément au Tableau 5.38.
Tableau 5.38 Valeurs approximatives de Sd pour différents niveaux de dommage sur différents segments
d’une digue
La Figure 5.53 montre un exemple du dommage subi par une digue en enrochement immergée
après attaque de la houle. Cette figure illustre également l’intérêt qu’il y a à faire une distinction
entre le talus avant, la crête et le talus arrière.
620 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Figure 5.53
Exemple de coupe d’une digue immer-
2
gée ; la ligne pointillée (en haut) repré-
sente le profil initial et la ligne continue
représente le profil après action de la
houle.
Grâce à l’Équation 5.167, il est possible de déterminer la stabilité de la carapace du talus avant 3
en fonction de la revanche relative (calculée à partir du ratio Rc /Dn50) :
(5.167)
NOTE : l'Équation 5.167 représente la tendance générale des données. Vida et al. (1995) n'ont pas
fourni d'information sur la dispersion autour des résultats que donnent l'Équation 5.167.
5
Tableau 5.39 Coefficients d’ajustement des courbes de stabilité pour le début de dommage
Segment A B C
Ces coefficients sont considérés comme valables dans les conditions expérimentales des essais
données au Tableau 5.40. Ce tableau montre que l’Équation 5.167 peut s’appliquer à des ouvra-
ges statiquement stables semi-émergés ou immergés. 7
Tableau 5.40 Conditions expérimentales des essais effectués par Vidal et al. (1995)
10
CETMEF 621
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Burger (1995) a procédé à une nouvelle analyse des données expérimentales de Van der Meer
(1988b) (voir le Tableau 5.41) et de Vidal et al. (1995) (voir le Tableau 5.40). La carapace a été
divisée en trois zones : talus avant, crête et talus arrière, voir la Figure 5.50. La section a également
été étudiée dans son intégralité. Burger (1995) a élaboré une courbe qui représente la stabilité
d’ouvrages à crête abaissée (et des zones de ceux-ci) au début du dommage, voir la Figure 5.54.
Tableau 5.41 Conditions opératoires des essais effectués par Burger (1995)
Note : ce graphique doit être utilisé avec précaution, dans la mesure où les courbes sont en partie basées sur une
extrapolation des résultats issus des essais (Tableaux 5.40 et 5.41), qui reposaient sur des données comprises dans
l’intervalle suivant : -2.9 < Rc/Dn50 < 3.0.
Figure 5.54 Graphique relatif aux ouvrages avec talus en enrochement à crête abaissée, représentant le
début du dommage sur différents segments : talus avant, crête, talus arrière et ouvrage dans
son intégralité, d’après Burger (1995)
NOTE : la Figure 5.54 présente la tendance générale des données issues des essais. Aucune infor-
mation n’est donnée sur la dispersion autour des courbes.
Burger (1995) a conclu que le dommage sur le talus avant est presque toujours dimensionnant
dans le cas d’ouvrages semi-émergés (Rc > 0) ou dont la crête se situe au niveau de l’eau au repos.
La crête n’est la zone la moins stable que dans le cas d’un ouvrage immergé (Rc < 0) et si le dom-
mage est important. En ce qui concerne l’ouvrage dans son ensemble, l’influence de la période de
la houle est moins importante que l’influence de la revanche. Dans la plupart des cas, ce sont des
vagues relativement plus courtes qui prédominent. Toutefois, dans le cas de zones dimensionnan-
tes avec une revanche négative, ce sont les vagues plus longues qui prédominent. Pour l’ouvrage
dans son ensemble, ce type de houle est également prédominant.
622 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
En cas de franchissement significatif, les courbes de la Figure 5.54 peuvent servir à obtenir une 1
première estimation. Ce graphique montre que, pour les ouvrages immergés, il est possible de
réduire de manière significative la taille de l’enrochement, par rapport à des ouvrages non-fran-
chis. Dans le cas des ouvrages semi-émergés, cette réduction serait négligeable.
Il est recommandé d’appliquer une largeur minimale de la crête égale à 3 ou 4 fois le diamètre
nominal médian, Dn50, de l’enrochement utilisé sur le talus avant.
2
Kramer et Burcharth (2004) ont calibré les coefficients de l’Équation 5.167 à partir d’essais sur
modèles physiques tridimensionnels : A = 1.36, B = -0.23 et C = 0.06, en se basant sur la zone la
moins stable de l’ouvrage. Il n’y a aucune information disponible sur la dispersion autour des esti-
mations qui reposent sur ces coefficients. Le domaine de validité de l’Équation 5.167 est donné
au Tableau 5.42.
3
Tableau 5.42 Domaine de validité de l’Équation 5.167 avec A = 1.36, B = - 0.23 et C = 0.06
Il existe différentes formules de stabilité qui permettent d’évaluer la stabilité des ouvrages à crête
abaissée. Le concepteur devra vérifier que les formules présentées ici sont bien valables pour 7
l’application qu'il en fait (voir les domaines de validité figurant aux Tableaux 5.40, 5.41 et 5.42).
Si tous les paramètres d’entrée sont disponibles (et suffisamment précis) et que plus d’une for-
mule est considérée comme valable, il faut procéder à une analyse de sensibilité. Il faut alors choi-
sir la formule selon que l’on exige, pour cette application, une estimation sécuritaire ou optimale
(une moyenne).
8
La Figure 5.55 présente les formules de dimensionnement de Vidal et al. (1995), Burger (1995)
et Kramer et Burcharth (2004) pour le début du dommage. La figure montre que les formules
suivent toutes approximativement la même tendance : une diminution de la revanche relative
(Rc /Dn50 < 0) laisse prévoir une augmentation de la stabilité, tandis que si la revanche relative
augmente (Rc /Dn50 > 0), la stabilité du talus avant et de la digue dans son ensemble reste plus
ou moins constante. Pour une revanche relative telle que -3 < Rc /Dn50 < -1, la méthode de Burger
(1995) donne les estimations les plus sécuritaires (c’est-à-dire début du dommage à la hauteur
9
de houle la plus basse pour un diamètre d'enrochement et une revanche donnés), et dans l’in-
tervalle approximatif de -1 < Rc /Dn50 < 1.5, c’est la méthode de Kramer et Burcharth (2004) qui
fournit les estimations les plus sécuritaires.
10
CETMEF 623
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
L’Équation 5.168 – empirique – peut servir à obtenir une première estimation du diamètre nomi-
nal médian des enrochements, Dn50 (m), pendant la phase d’étude préliminaire d’ouvrages
immergés dans des conditions de houle limitées par la profondeur, c’est-à-dire avec une houle
déferlante en avant de l’ouvrage (Kramer et Burcharth, 2004 ; Lamberti, 2005) :
(5.168)
où h est la hauteur d’eau en pied d’ouvrage (m), d la hauteur de l’ouvrage par rapport au fond de
la mer (m) et αs la pente des fonds devant l’ouvrage (°).
NOTE : d’autres valeurs de Hs /h, cot αs et Δ peuvent mener à des valeurs très différentes de la taille
d'enrochement requise.
Les ouvrages dynamiquement stables sont des structures de type récifs constituées d’empile-
ments d’enrochements homogènes sans couche filtre ni noyau, pour lesquels un certain degré de
reprofilage par la houle est toléré. La hauteur d’équilibre de la crête et la transmission de la houle
correspondante sont les principaux paramètres de dimensionnement. La transmission de la houle
est traitée à la Section 5.1.1.4. Dans la plupart des situations, la crête des ouvrages de type récifs
est immergée suite au reprofilage.
L’analyse de la stabilité de ces ouvrages par Ahrens (1987) et Van der Meer (1990a) s’est concen-
trée sur la variation de hauteur de la crête due à l’action de la houle. Ahrens (1987) a défini plu-
sieurs paramètres adimensionnels afin de décrire le comportement de l’ouvrage à partir d’essais
sur modèles physiques. Son principal paramètre adimensionnel était le coefficient de réduction
de la hauteur de la crête relative (d/d0), soit le ratio entre la hauteur de la crête une fois l’essai
terminé (d) et sa hauteur au début de l'essai (d0). Ce ratio est naturellement borné par 0 et 1.
Ahrens (1987) a établi qu’il y avait un déplacement de matériaux plus important pour des pério-
des de la houle longues que des périodes courtes. Il a donc introduit le nombre de stabilité spec-
tral (ou modifié), Ns*, défini par l’Équation 5.169.
(5.169)
où Ns = nombre de stabilité (-) et Lp = longueur d’onde locale (m), calculée à l’aide de la théo-
rie de la houle linéaire à partir de Tp (s) et de la hauteur d’eau en pied d’ouvrage (voir la
Section 4.2.4.2).
624 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
La hauteur de la crête, d (m), peut alors être exprimée à l’aide de l’Équation 5.170 : 1
(5.170)
où
C0 = pente de réponse conforme à la construction, C0 = At /d02 (-) ;
d0 = hauteur de crête conforme à la construction (m) ; 3
h = hauteur d’eau en pied d’ouvrage (m) ;
Nb = nombre de blocs équivalent (-), Nb = At /Dn502.
Si l’Équation 5.170 entraîne d > d0, alors d doit être maintenu égal à d0. L’Encadré 5.21 présente
un exemple des résultats du calcul de la (réduction de la) hauteur de la crête, d. 4
Le domaine de validité des Équations 5.170 et 5.171 est présenté au Tableau 5.43.
Figure 5.56 Exemple de calcul de la hauteur de crête d’un ouvrage reprofilable dynamiquement
stable de type récif en fonction du nombre de stabilité modifié Ns* (Van der Meer, 1990a) 10
CETMEF 625
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Les ouvrages en enrochement de fond sont des structures immergées dont la crête est relative-
ment basse, ce qui fait que le déferlement de la houle n’a qu’une influence limitée sur ce type
d'ouvrage. Parmi les exemples d’application de ce type d’ouvrages, on peut citer les épis de riviè-
res, les protections de conduites et les ouvrages de prise et de rejet d’eau situés à proximité des
installations électriques et de dessalinisation. La Figure 5.57 présente le schéma d’un ouvrage de
fond et les principaux paramètres qui influencent la stabilité.
Figure 5.57
Schéma représentatif d’un ouvrage à
talus en enrochement de fond
Les actions hydrauliques qui s’exercent sur les ouvrages de fond incluent la houle, les courants ou
une combinaison de houle et de courants. On dispose de peu d’informations sur la stabilité des
ouvrages de fond soumis à une houle ou à des courants d’incidence oblique.
Cette section traite plus particulièrement de la stabilité des ouvrages de fond soumis à de la houle
ou de la houle concomitante à un courant arrière (c’est-à-dire un courant allant dans la même
direction que celle de la houle). Cette méthode ne doit pas être appliquée en dehors de son
domaine de validité, en particulier si la houle approche l’ouvrage sous un angle différent de celui
des courants, car cela pourrait entraîner une sous-estimation du niveau de dommage. Dans cette
méthode, l’influence de la houle est supérieure à celle des courants. La Section 5.2.3.2 aborde la
stabilité des ouvrages de fond soumis à la seule action des courants. On ne sait pas encore exac-
tement comment aborder une situation caractérisée par des courants forts et une houle plutôt fai-
ble. La Section 5.2.1.9 propose une approche possible.
• hauteur significative de la houle, Hs (m), et période moyenne de la houle, Tm (s) calculée par
analyse dans le domaine temporel ;
626 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Pour déterminer la quantité de dommage, on utilise un paramètre de mobilité, θ (-), défini par 1
l’Équation 5.172 :
(5.172)
(5.173)
3
où k est le nombre d’onde, k = 2π/Lm (1/m) et hc la hauteur d’eau au-dessus de la crête de l’ou-
vrage (m).
La méthode d'estimation est le résultat de la tendance générale des données présentées à la Figure
5.58. Les Équations 5.174 et 5.175 donnent la relation entre le paramètre de mobilité, θ (-), le
niveau de dommage, Sd (-), et le nombre de vagues, N.
4
(5.174)
ou :
5
(5.175)
où u est la vitesse locale caractéristique (m/s), égale à u0, vitesse orbitale maximale induite par la
houle (m/s).
Aucun paramètre dans l’Équation 5.174 n’exprime l’influence des courants. Bien que ces derniers
6
aient un impact sur le niveau de dommage, les données disponibles montrent que cette influence
est négligeable à la condition suivante : U/uo < 2.2 où U = vitesse du courant moyennée sur la pro-
fondeur (m/s) et pour les valeurs suivantes du paramètre de mobilité : 0.15 < uo2/(gΔDn50) < 3.5.
Il n’y a en revanche aucune raison de négliger les effets des courants lorsque l'on se trouve en
dehors de ces limites (d’après les analyses de 154 conditions par Wallast et Van Gent (2003), 7
incluant les données de Lomónaco (1994)).
Figure 5.58 Illustration de la dispersion autour de l’Équation 5.174 pour la stabilité des ouvrages de fond 10
CETMEF 627
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
L’Équation 5.174 constitue la tendance générale des valeurs mesurées à l’occasion des essais sur
modèles. Il existe une dispersion autour des valeurs estimées, comme l’illustre la Figure 5.58. Les
différences entre les estimations de Sd/ N et les données existantes sont caractérisées par un
écart-type de σ = 1.54 pour des conditions de houle seule et de σ = 1.58 pour des conditions de
houle associée à des courants. Le Tableau 5.44 présente le domaine de validité de l’Équation
5.175. Pour tenir compte de la dispersion des données à des fins de dimensionnement, il suffit
d’utiliser un coefficient supplémentaire, a = 3, dans l’Équation 5.174, ce qui donne Sd/ N = 0.6θ3 ;
et dans l’Équation 5.175, ce qui donne θ = (5/3 Sd/ N)1/3.
NOTE : ce coefficient a = 3 est légèrement supérieur à celui utilisé pour indiquer le niveau de
dépassement à 5 % : 1.64 σ, en supposant une distribution normale. Ceci est principalement dû au
fait que la dispersion est relativement large pour les petites valeurs de Sd/ N (voir la Figure 5.58).
À l’heure de la rédaction de ce guide, on ignore encore comment traiter les cas où la houle et/ ou
les courants n’approchent pas l’ouvrage de manière perpendiculaire. Il est donc recommandé
d’effectuer des essais sur modèles physiques afin d’étudier les effets de la houle ou des courants
d’incidence oblique sur la quantité de dommage. Les essais sur modèles physiques sont également
conseillés pour étudier les effets de la houle et des courants qui se trouvent en dehors des domai-
nes de validité présentés au Tableau 5.44.
Cette section analyse les règles de dimensionnement des carapaces des digues à berme. Ces
ouvrages peuvent – conformément aux recommandations de l’AIPCN (2003a) – être répartis en
trois groupes :
2. Ouvrages statiquement stables reprofilés : dans ce cas, le profil peut être reprofilé en un pro-
fil stable dans lequel chaque bloc est également stable.
3. Ouvrages dynamiquement stables reprofilables : dans ce cas, le profil est reprofilé en un pro-
fil stable mais chaque bloc peut encore se déplacer sur le talus.
Les digues à berme en enrochement reprofilables (types 2 et 3 ci-dessus) diffèrent des digues à
talus classiques, comme l’indique la Figure 5.59. Une digue à talus conventionnelle doit être pres-
que statiquement stable dans les conditions de houle de dimensionnement, tandis qu’une digue à
berme peut être reprofilée, dans les conditions de houle de dimensionnement, en un profil stati-
quement ou dynamiquement stable.
628 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Stabilité et reprofilage 6
Les ouvrages en enrochement statiquement stables peuvent être décrits par le paramètre de dom-
mage, Sd, exposé à la Section 5.2.1. Les ouvrages dynamiquement stables peuvent être décrits par
leur profil ou plutôt par l’évolution de leur profil dans le temps, voir la Figure 5.60. La partie prin-
cipale des profils est toujours la même. La pente initiale (raide ou douce) détermine si le matériau
sera déplacé vers le haut ou vers le bas, entraînant une érosion autour du niveau de l’eau au repos.
7
Figure 5.60
Profils dynamiquement stables pour
différentes pentes initiales 10
CETMEF 629
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Les paramètres importants pour le reprofilage et la stabilité des digues à berme sont : le nombre
de stabilité (statique), Ho (= Ns), et le nombre de stabilité dynamique, HoTo (voir l'Équation
5.132 à la Section 5.2.2.1), où , paramètre de la période de la houle (-).
Lamberti et al. (1995), Lamberti et Tomasicchio (1997) et Archetti et Lamberti (1999) ont mené
de vastes recherches afin de collecter des informations détaillées sur le mouvement des blocs
d’enrochement le long du profil développé d’une digue reprofilée, pour une mobilité classique :
1.5 < Ho < 4.5. Leurs principales conclusions ont été les suivantes :
• les blocs sur une digue à berme commencent à se déplacer lorsque Ho = ~1.5 – 2 ;
• lorsque Ho >~ 2.7, la digue à berme sera reprofilée en un profil dynamiquement stable.
Tableau 5.45 Critère de mobilité pour un faible angle d’incidence de la houle (β = +/- 20º) *)
Régime Ns = Ho HoTo
Note :*) ce critère dépend dans une certaine mesure de la gradation de l'enrochement.
La première étape du dimensionnement préliminaire des ouvrages et des digues à berme repro-
filables consiste à sélectionner un certain niveau de mobilité via, par exemple, le nombre de sta-
bilité Ns ≡ Ho = Hs /(ΔDn50). On peut, par exemple, commencer par Ho = 2.7 pour la carapace
d’une digue à berme qui doit être statiquement stable et non-reprofilable.
Van der Meer (1988b) a établi des relations entre les paramètres caractéristiques des sections
transversales et les paramètres structurels et hydrauliques. Ces relations ont servi à élaborer le
logiciel de calcul BREAKWAT, qui donne simplement un tracé du nouveau profil par rapport au
profil initial. Les conditions limites de fonctionnement de ce modèle sont les suivantes :
• calcul d’une séquence de tempêtes (et/ou de marées) établie (ou supposée) en utilisant le pro-
fil précédemment calculé comme profil initial.
Les paramètres d’entrée du modèle (concernant les enrochements) sont le diamètre nominal
médian, Dn50, la gradation, D85/D15 et la densité relative déjaugée, Δ. Les paramètres d’entrée
décrivant les conditions de houle sont la hauteur significative, Hs, la période moyenne, Tm, le
nombre de vagues ou la durée de la tempête, N, la hauteur d’eau en pied d’ouvrage, h, et l’angle
d’incidence de la houle, β (°). Le profil initial est représenté par un ensemble de points (x, y) reliés
par des lignes droites. Un deuxième calcul peut être fait à partir du même profil initial ou à par-
tir du profil calculé.
630 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
La Figure 5.61 présente les résultats des calculs concernant une digue à berme, avec la liste des 1
paramètres d’entrée. Le modèle peut être appliqué au dimensionnement de talus en enrochement
et de digues à berme, ainsi qu’à l’étude du comportement du noyau et des couches filtres au cours
de la construction. Le logiciel de calcul peut être utilisé de la même manière que l’approche de
dimensionnement déterministe des talus en enrochement statiquement stables présentée à la
Section 5.2.2.2.
2
Les aspects suivants doivent, par exemple, être pris en considération dans le dimensionnement 5
d’une digue à berme :
Figure 5.62 Exemple de l’influence du climat de la houle sur le profil d’une digue à berme
9
Les informations concernant le reprofilage de la berme peuvent être obtenues en appliquant les
méthodes élaborées par Van der Meer (1992), Van Gent (1997) et Archetti et Lamberti (1996).
D’autres solutions plus simples que le modèle BREAKWAT permettent d’effectuer une estima-
tion préliminaire du profil.
10
CETMEF 631
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Hall et Kao (1991) ont proposé des règles de dimensionnement pour les digues à berme, établies
à partir des résultats d’une vaste série d’essais sur modèles effectués à la Queen’s University (au
Canada). Ces recommandations portent sur un type particulier de profil initial, présenté à la
Figure 5.63, mais elles sont considérées comme utiles dans la mesure où ce profil est largement
adopté, convenant à la fois à la production classique des carrières dédiées à un projet et aux talus
en enrochement naturel. Le talus supérieur est une exception flagrante : la pente est, de nos jours,
généralement comprise entre 3/2 et 2/1. Les résultats sont valables pour : 2 < Hs /(ΔDn50) < 5.
Figure 5.64 Schéma explicatif des paramètres du profil avant de la digue à berme
L’Équation 5.176 (Hall et Kao, 1991) relie le principal paramètre de dimensionnement BB = Rec
(m), au climat de houle, à la taille et à la gradation de l'enrochement et à la forme des enroche-
ments. Les valeurs de A et L (voir la Figure 5.64) doivent être déterminées en appliquant les tra-
vaux de Hall et Kao (1991) ; ces valeurs doivent être considérées comme le minimum à garantir
lors du dimensionnement. Il a été établi que la période de pic, Tp, le coefficient de groupe, GF
(défini comme le degré d’occurrence de brèves séries de vagues plus élevées suivies de brèves
séries de vagues moins élevées – voir la Section 4.2.4.4), et la cambrure de la houle, s, n’avaient
aucune influence significative sur le profil stable des digues à berme.
(5.176)
L’Équation 5.176 initiale est reformulée pour donner l’Équation 5.177 de façon à exprimer le
paramètre Rec (m) en fonction des diamètres nominaux, Dn (m), plutôt que des diamètres de
632 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
tamis, D (m). Cette conversion est faite à partir du ratio Dn /D ≅ 0.84 présenté à la Section 3.4. La 1
valeur proposée correspond à 3 000 vagues ; elle est suivie d’une correction, dans l’Équation 5.178,
pour d’autres durées de tempêtes, exprimées par le nombre de vagues, N.
(5.177)
2
Le coefficient de correction temporel – Équation 5.178 – pour la durée (nombre de vagues, N) est
défini en fonction du nombre relatif de vagues (N/3 000) et s’exprime comme suit :
(5.178)
Hall et Kao (1991) ont remarqué une bonne concordance entre les estimations données par ces 3
équations et les résultats obtenus à partir des digues à berme réelles.
Tørum (1999), Tørum et al. (2000) et Tørum et al. (2003) ont, dans une certaine mesure, suivi l’ap-
proche de Hall et Kao (1991). Comme illustré à la Figure 5.65, le recul de la berme, Rec (m), a été 4
analysé à partir d’essais sur modèles. Il a été remarqué que pour une digue à berme donnée, tous
les profils modifiés recoupaient la berme d’origine en un point quasi-fixe A, situé à une distance
hf (m) au-dessous du niveau de l’eau au repos (voir la Figure 5.65).
La relation entre le recul de la berme adimensionnelle, Rec/Dn50 (-), le nombre de stabilité dyna-
mique, HoTo (-), la gradation de l’enrochement, fg (-), et la hauteur d’eau, h (m), a été détermi-
née par un groupe de chercheurs, parmi lesquels Menze (2000) et Tørum et al. (2003). Cette rela-
tion est donnée ici sous la forme de l’Équation 5.180 (voir également la Figure 5.66). 8
(5.180)
Note: la « formule » correspond à celle de Tørum (1999), = Équation 5.180 sans correction de la profondeur et avec fg = 1.8.
Figure 5.66 Recul adimensionnel de la berme en fonction du nombre de stabilité dynamique, HoTo
La plupart des travaux de recherche portant sur la stabilité et sur le reprofilage des digues à
berme ont été effectués sur des ouvrages homogènes. Plus récemment, cependant, quelques
recherches ont été faites sur la stabilité et le reprofilage de digues à berme multicouches. Le prin-
cipe de ce type de digues en matière de stabilité hydraulique est que, dans les conditions de houle
de dimensionnement, l’ouvrage est statiquement stable ; ce n’est que dans des conditions plus
extrêmes qu’un reprofilage ou un recul de la berme est autorisé dans une certaine mesure. La
digue à berme multicouches permet une meilleure rentabilisation de la production de la carrière
que les digues à talus conventionnelles. La Figure 5.67 propose un exemple de digue à berme
constituée d’une carapace multicouches près du niveau de l’eau au repos. La recommandation
générale en matière de dimensionnement pour les digues à berme non-reprofilables et statique-
ment stables est la suivante : les données relatives au recul de la berme et le nombre de stabilité
dynamique HoTo sont calculés à partir de la valeur de Dn50 correspondant à la taille de l'enro-
chement le plus gros.
Ce type spécifique de digue à berme est analysé plus en détail à la Section 6.1.4.3.
634 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
NOTE : la stabilité du talus arrière d'une digue à berme est très importante pour la stabilité globale. 1
En cas de dommages modérés à importants sur le talus arrière, le risque de rupture totale de la
crête et du talus avant est très élevé. Van der Meer et Veldman (1992) proposent d'utiliser les
valeurs suivantes comme paramètre global de dimensionnement (voir aussi AIPNC, 2003a) :
début de dommage ;
2
dommage limité ;
dommage important ;
où Rc est la revanche (m) et sop la cambrure nominale (-) calculée à partir de la période de pic, Tp.
3
5.2.2.7 Systèmes composites – enrochements liés ou gabions
La stabilité d’enrochements déversés de manière aléatoire peut parfois être améliorée à l’aide de
gabions contenant des enrochements (voir la Section 3.14) ou en liaisonnant les enrochements au
ciment ou au bitume (voir la Section 3.15). Cette section présente un critère de stabilité (indica-
tif) approximatif qui permet au concepteur de comparer ces systèmes à un enrochement consti- 4
tué de blocs disposés de manière aléatoire.
où
φu = coefficient d’amélioration de la stabilité (empirique) selon le système (-) ; φu = 1
pour le rip-rap et φu > 1 pour les autres systèmes ;
6
φsw = coefficient de stabilité lié à la houle (-), défini à ξp = 1, avec les valeurs limites sui-
vantes : φsw = 2.25 pour le début de mouvement des blocs et 3 pour le mouvement
maximal acceptable des blocs ;
b = exposant empirique (0.5 ≤ b < 1 ; enrochement : b = 0.5, autres systèmes : b = 2/3) ;
D = taille ou épaisseur caractéristique de l'élément de protection, spécifique au système (m);
7
Δ = densité relative déjaugée du bloc du système (-) ;
α = angle du talus de la protection.
Pour un dimensionnement préliminaire, ces impératifs peuvent faire l’objet d’une évaluation à l’aide
des Équations 5.184 et 5.185 (Pilarczyk, 1998). Ces équations sont tirées de l’Équation 5.183 et sont
considérées comme valables pour Hs ≤ 1.5 m (ou Hs ≤ 2 m pour des vagues moins fréquentes).
1. Stabilité statique des éléments, d'épaisseur, D′ : vérifier la stabilité statique (nombre de stabi-
lité, Hs/(Δ′D′) = 1 à 4) avec l’Équation 5.184, avec F = φuφsw ≤ 7, la densité relative déjaugée
d’un élément, Δ′≅ 1 (-), et D′ ≥ 1.8Dn50 (m) :
(5.184)
(5.185)
Dans tous les cas, la taille de l'enrochement doit être supérieure à la taille des mailles de la cage
(ce qui définit la taille minimale).
Dans des gabions ou des matelas à plusieurs couches (plus de deux), il est préférable d’utiliser des
enrochements plus petits sous la première couche (c’est-à-dire jusqu’à 0.2Dn50) pour créer un
meilleur filtre et pour diminuer les gradients hydrauliques à la surface du sous-sol sous-jacent
(Sections 5.2.2.10 et 5.4.5.3). Dans tous les cas, il est important que le sous-sol et les enrochements
à l’intérieur du gabion ou du matelas soient convenablement compactés. Dans les conditions de
dimensionnement où Hs > 1, il est souhaitable de placer une fine sous-couche granulaire (d’envi-
ron 0.2 m d’épaisseur) entre les gabions ou le matelas et le sous-sol. Dans les autres conditions, il
suffit de placer le matelas directement sur le géotextile et sur le sous-sol compacté. Pour des rai-
sons pratiques, l’épaisseur minimale des matelas est fixée à 0.15 m environ.
Enrochements liés
Des revêtements en enrochements intégralement liés sont conçus pour résister à l’impact de la
houle. Le graphique de la Figure 5.68 peut servir à calculer l’épaisseur requise de la couche. Ce
graphique de dimensionnement a été établi pour les conditions hydrauliques et climatiques pro-
pres aux Pays-Bas et donne l’épaisseur requise de la couche pour différents angles de talus et
types de matériaux constitutifs du noyau (sable et argile), en fonction de la hauteur significative
de la houle, Hs.
L’épaisseur minimale de la couche requise dans la zone d’impact de la houle est également déter-
minée par le diamètre de l'enrochement, Dn50. Pour que la pénétration du coulis dans le revête-
ment soit convenablement réalisée, l’épaisseur doit être supérieure à 1.5 Dn50. Une blocométrie
de 5 à 40 kg convient généralement à une pénétration intégrale bien que l’on puisse, si nécessaire,
avoir recours à une blocométrie de 10 à 60 kg. À partir d’une masse volumique apparente de la
roche de ρr = 2 650 kg/m3, on obtient une épaisseur de couche de 0.30 m pour une blocométrie de
5 à 40 kg et de 0.35 m pour une blocométrie de 10 à 60 kg.
Si la blocométrie est supérieure à 10 à 60 kg, les vides entre les blocs seront trop importants, ce
qui entraînera un écoulement du coulis bitumineux à travers le revêtement. Ce phénomène peut
être limité en utilisant un mélange moins visqueux ou en ajoutant au coulis bitumineux des galets
ou des granulats. Si l’on a recours à des enrochements de granulométrie plus faible (50/150 mm
636 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
ou 80/200 mm), par exemple une nouvelle couche au-dessus d’un revêtement existant, il convient 1
d’utiliser un mastic bitumineux plutôt qu’un coulis bitumineux, car il est plus visqueux et péné-
trera plus aisément dans les vides.
Si l’on applique un revêtement intégralement lié dans la zone de marnage, celui-ci devra être
conçu pour résister à la pression de l’eau. Pour plus d’informations à ce sujet, se reporter au
Technical report on the use of asphalt in water defences (Rapport Technique sur l’utilisation du
bitume dans les ouvrages de défense) (TAW, 2002a).
2
5
Note : l'épaisseur de couche doit être au minimum de 1.5 Dn50.
En ce qui concerne les revêtements à pénétration partielle selon un motif spécifique (par exem- 6
ple suivant un motif de plots ou de bandes), on a recours à la même méthode de dimensionne-
ment que pour les enrochements libres ; l’épaisseur de la couche est déterminée par les dimen-
sions de l’enrochement. Toutefois, il est possible d’appliquer un coefficient de réduction en fonc-
tion du degré de pénétration du liant, sur la base de l’Équation 5.183. Si les vides sont remplis
jusqu’à 60 % environ, on peut utiliser une valeur du coefficient d’amélioration de φu = 1.5. Pour
une granulométrie étroite (homogène), et dès lors qu’un suivi attentif est effectué pendant la 7
construction, cette valeur peut aller jusqu’à φu = 2. Pour le paramètre de stabilité, on peut utiliser
φsw = 2.25, toutefois, selon le nombre de vagues et le coefficient de sécurité requis, cette valeur
devra éventuellement être modifiée. Le paramètre b de l’Équation 5.183 dépend de l’interaction
entre la houle et le revêtement. Dans le cas d'une pénétration à motifs, on recommande b = 0.5,
et pour une pénétration superficielle, b = 2/3 est une valeur classique. Dans le cas de pénétration
à motifs, de bons résultats ont été obtenus avec des valeurs de la hauteur significative de la houle 8
allant jusqu’à 3 à 4 mètres. Le TAW (2002a) propose un complément d’information sur les revê-
tements en enrochement lié.
Les formules de stabilité énoncées à la Section 5.2.2.2 s’appliquent à des talus uniformes. Parfois,
les ouvrages sont constitués d’une combinaison de talus (talus composés) et/ou présentent une
9
berme horizontale sous le niveau de l’eau (talus en escaliers). Les courbes de dimensionnement
proposées dans cette section correspondent à trois types d’ouvrages.Vermeer (1986) s’est intéressé
aux talus en escaliers et Van der Meer (1990a) aux talus composés. Les résultats sont présentés aux
Figures 5.69 à 5.71. On prend toujours pour référence, dans le cas de talus en escaliers ou compo-
sés, la stabilité d’un talus uniforme, définie à la Section 5.2.2.2. La stabilité du talus en escaliers ou
composé est alors exprimée en augmentant le facteur de stabilité par rapport à un talus similaire
10
CETMEF 637
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
mais uniforme. Cet accroissement de la stabilité est exprimé par un coefficient, fi, dont la valeur est
1 si la stabilité du talus en escaliers ou composé est identique à celle du talus uniforme. fi > 1 lors-
que les escaliers ou les transitions dans le talus ont un effet positif sur la stabilité. Les courbes des
Figures 5.69 à 5.71 sont données pour une valeur de début du dommage, Sd = 2 à 3.
• calculer le Dn50 requis pour la partie du talus en escaliers ou composé correspondant à un talus
uniforme, comme cela est expliqué à la Section 5.2.2.2 ; puis
• déterminer la valeur réduite de Dn50 en divisant la valeur de Dn50 calculée ci-dessus par la valeur
du coefficient d’accroissement de la stabilité, fi (-), obtenue à partir des Figures 5.69 à 5.71.
Vermeer (1986) et Van der Meer (1990a) ont étudié trois types d’ouvrages :
1. Un talus en escaliers avec une berme horizontale au niveau ou en dessous du niveau de l’eau
au repos avec une pente de talus supérieur à 3/1 et une pente de talus inférieur à 6/1 (le
domaine d’application possible des courbes de dimensionnement données à la Figure 5.69
peut donc être de 2/1 à 4/1 pour la pente du talus supérieur et de 5/1 à 7/1 pour la pente du
talus inférieur).
2. Un talus en enrochement naturel composé avec un talus supérieur de pente 3/1, un talus infé-
rieur de pente 6/1 et la transition au niveau ou en dessous du niveau de l’eau au repos (le
domaine d’application possible des courbes de dimensionnement données à la Figure 5.70
peut donc être de 2/1 à 4/1 pour le talus supérieur et de 5/1 à 7/1 pour le talus inférieur).
3. Un talus composé avec un talus supérieur de pente 3/1 ou 6/1 en enrochement naturel et un
talus supérieur lisse de pente 3/1 (revêtement bitumineux ou d'enrochement appareillé, p. ex.)
(le domaine d’application possible des courbes de dimensionnement données à la Figure 5.71
peut donc être de 2/1 à 4/1 pour le talus supérieur et de 2/1 à 7/1 pour le talus inférieur).
Figure 5.69
Coefficients d’accroissement de la
stabilité, fi, pour des talus en enroche-
ment en escaliers ou à berme
Figure 5.70
Coefficients d’accroissement de la
stabilité, fi, pour des talus en enroche-
ment naturel composés
638 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
5
Note : ht (m) est la hauteur de la transition par rapport au niveau de l’eau au repos ; ht est positive si la transition se
trouve sous le niveau de l’eau.
Figure 5.71 Coefficients d’accroissement de la stabilité, fi, pour les talus inférieurs en enrochement si
le talus supérieur est lisse
• les trois figures ci-dessus (Figures 5.69 à 5.71) montrent que la stabilité du talus inférieur aug-
mente lorsque le niveau de l’eau au repos est au-dessus de la transition ;
7
• la stabilité du talus supérieur des talus composés augmente lorsque le niveau de l’eau au repos
est inférieur à 6Dn50 (m) au-dessus de la zone de transition (voir la Figure 5.70) ;
• lorsque la transition d’un talus en escaliers se trouve bien au-dessous du niveau de l’eau au
repos, la stabilité du talus inférieur peut également être déterminée à l’aide des recommanda-
tions applicables à la butée de pied d’un ouvrage (voir la Section 5.2.2.9).
8
5.2.2.9 Butée de pied et protection anti-affouillement
Dans la plupart des cas, la carapace côté mer d’une digue en enrochement ou d’autres ouvrages
à carapace en enrochement est protégée près du fond par une butée de pied (voir la Figure 5.72).
9
10
Figure 5.72 Coupe classique de digue à talus avec une butée de pied
CETMEF 639
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
On suppose parfois une relation de stabilité entre Hs /(ΔDn50) et ht /Hs, ce qui indique qu’une
valeur plus basse de ht /Hs (niveau plus élevé de la butée de pied) entraîne un dommage plus
important. Gravesen et Sørensen (1977) ont montré qu’une forte cambrure de la houle (corres-
pondant à une courte période de la houle) endommage plus fortement la butée de pied qu’une
faible cambrure de la houle. Toutefois, cette hypothèse n’était basée que sur un petit nombre de
données. Cette conclusion n’a pas pu être confirmée par le rapport du CIAD (1985) consacré à
l’évaluation assistée par ordinateur. Aucune relation n’a été découverte entre Hs/(ΔDn50) et ht /Hs,
probablement à cause de la présence de Hs dans les deux paramètres. Une valeur moyenne de
Ns = Hs/(ΔDn50) a été donnée : μNs = 4 pour un dommage nul et μNs = 5 pour une rupture.
Cependant, la dispersion est large : σNs -4 = σNs -5 = 0.8.
Une étude plus approfondie a été menée dans le cadre de l’édition 1995 de ce guide ; voir Van der
Meer (1993). Les résultats présentés dans le rapport du CIAD (1985) ont été analysés à nouveau
et comparés avec d’autres données (voir la Figure 5.73). Les niveaux de dommage Sd étaient de
0 à 3 %, de 3 à 10 % et > 20 à 30 %. Dans ce cas :
• 3 à 10 % signifie que la butée de pied s’est légèrement aplanie mais qu’elle était encore en état
de fonctionner (c’est-à-dire de soutenir la carapace), avec un niveau de dommage acceptable ;
• un dommage supérieur à 20 à 30 % est considéré comme une rupture, ce qui signifie que la
butée de pied n’assurait plus sa fonction, du fait d’un niveau de dommage inacceptable.
Dans presque tous les cas, l’ouvrage est soumis à la houle dans des conditions plus ou moins limi-
tées par la profondeur, ce qui signifie que la valeur de Hs/h est plutôt proche de 0.5. C’est égale-
ment la raison pour laquelle on admet que la profondeur de la butée de pied, ht, soit liée à la hau-
teur d’eau h. Ceci ne serait pas acceptable dans le cas de digues construites en très grande pro-
fondeur d’eau (h > 20 à 25 m). Les résultats présentés sont donc valables pour des situations de
profondeur limitée, exclusivement.
Figure 5.73
Stabilité de la butée de pied en
fonction de ht /h
640 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
La Figure 5.73 montre que si la butée de pied se trouve très au-dessus du fond (petit ratio ht/h), 1
la stabilité est bien moindre que dans le cas où le pied est proche du fond. Une courbe de dimen-
sionnement est suggérée à la Figure 5.73 (voir également le Tableau 5.46). De manière générale,
on peut en déduire que la profondeur du pied sous le niveau de l’eau est un paramètre impor-
tant. Si le pied est proche du fond, le diamètre de l'enrochement peut être inférieur à la moitié de
la taille requise lorsque le pied se trouve à mi-chemin entre le fond et le niveau de l’eau. Les
valeurs de dimensionnement pour un dommage faible ou acceptable (de 0 à 10 %) et dans des
situations de profondeur limitée sont résumées au Tableau 5.46.
2
Tableau 5.46 Stabilité de la butée de pied
ht /h Hs / (ΔDn50)
0.5 3.3
3
0.6 4.5
0.7 5.4
0.8 6.5 4
Les valeurs du Tableau 5.46 ne présentent aucun risque pour ht /h > 0.5. Pour des valeurs de ht /h
moins élevées, il faut utiliser les formules de stabilité consacrées aux carapaces, comme les pré-
sente la Section 5.2.2.2.
Van der Meer et al. (1995) ont proposé une approche plus générique. Le niveau de dommage y 5
est tout d’abord mieux défini : il n’est plus exprimé par Sd, mais par Nod, défini comme le nombre
réel de blocs d’enrochement déplacés dans une bande de largeur Dn50 dans le sens de la longueur
(voir également la Section 5.2.1 et l’Encadré 5.19 de la Section 5.2.2.3). Nod = 0.5 représente le
début du dommage (= une valeur de dimensionnement sécuritaire) ; Nod = 2 signifie qu’il se pro-
duit un léger aplanissement ; et Nod = 4 signifie que le pied s’est complètement aplani. Ces don-
nées s’appliquent à une butée de pied de géométrie standard d’une largeur de 3 à 5 blocs et d’une
épaisseur de 2 à 3 blocs. Les butées de pied plus larges tolèrent un niveau de dommage supérieur.
6
L’une des conclusions de ces travaux est que la cambrure nominale de la houle, so = 2πH/(gT2),
n’a aucune influence sur la stabilité. D’après des recherches antérieures, l’Équation 5.186 peut
être considérée comme la relation entre la hauteur significative critique de la houle et le niveau
de dommage Nod (-).
(5.186)
7
où b = coefficient ou fonction des paramètres structurels, voir ci-dessous.
Les formules améliorées permettant de déterminer la stabilité de la butée de pied (voir égale-
ment la Figure 5.74), dans lesquelles la profondeur adimensionnelle de la butée de pied est expri-
mée de deux manières différentes (ht /Dn50 et ht /h) sont données ici par les Équations 5.187 et
5.188, respectivement (voir également Pilarczyk, 1998) :
8
(5.187)
et 9
(5.188)
10
CETMEF 641
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Une butée de pied d’un niveau relativement élevé, comme ht /h < 0.4, est assez comparable à une
berme et, de fait, sa stabilité est proche de celle de la carapace avant (voir la Section 5.2.2.2). Ces
carapaces en enrochement ont des nombres de stabilité proches de Hs /(ΔDn50) = 2. C’est la rai-
son pour laquelle, si on la prolongeait, la courbe représentant l’Équation 5.187 (voir la Figure
5.74) ne partirait pas de l’origine, mais de Hs /(ΔDn50) = 2 pour ht /h = 0. Les Équations 5.187 et
5.188 s’appliquent pour : 0.4 < ht /h < 0.9 et 3 < ht /Dn50 < 25.
Figure 5.74 Stabilité de la butée de pied en fonction de ht /Dn50 et ht /h (les zones grisées représentent
les mesures)
NOTE : le lecteur doit comprendre que l’Équation 5.187 ne repose que sur des essais pour lesquels
le ratio ht /h est compris entre 0.7 et 0.9. L’Équation 5.187 ne doit pas être extrapolée. Lorsque la
profondeur d’eau atteint une valeur supérieure à environ trois fois la hauteur de la houle, cette for-
mule donne des résultats non-conformes à la réalité (voire négatifs !) en termes de tailles requises
de l’enrochement de la butée de pied. Pour cette équation, une limite sécuritaire est ht /Hs < 2.
Butée de pied dans le cas de fonds devant l’ouvrage peu profonds et en pente douce
Lorsqu’on utilise de l’enrochement pour protéger le pied d’un ouvrage situé en eau très peu pro-
fonde avec des fonds en pente douce (ht /h = 0 à 0.2), la taille de l'enrochement n’est pas nécessai-
rement aussi importante que pour les butées de pied situées en eau plus profonde ou pour l’ou-
vrage lui-même. Dans ces conditions spécifiques, les règles de dimensionnement reposent sur une
évaluation des méthodes décrites à la Section 5.2.2.8 – talus en escaliers et talus composés, et de la
méthode décrite ci-dessus pour les butées de pied des digues (Équations 5.187 et 5.188). Ces condi-
tions particulières surviennent habituellement le long des rives de lacs et d’estuaires de grande
envergure et relativement peu profonds, ainsi que pour les berges des rivières (voir la Figure 5.75).
Le paramètre dimensionnant – la hauteur de la houle – est limité par la profondeur. Le Tableau
5.47 donne des approximations utilisables pour le prédimensionnement de l’enrochement pour ce
type de butée de pied. Il est à noter que la période de la houle, bien qu’elle ne soit pas un paramè-
tre dimensionnant de la stabilité, doit être inférieure à 8 s. Cette approche simple (TAW, 2002b)
repose sur une comparaison qualitative entre les règles de dimensionnement existantes pour les
butées de pied de digues et celles qui concernent les talus en escaliers. Plutôt que de donner une
relation de stabilité pour des conditions structurelles spécifiques, elle donne une relation directe
entre la hauteur significative de la houle, Hs, et la blocométrie requise de l’enrochement.
642 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Figure 5.75 Butée de pied (ou berme au niveau de l’eau au repos) d’une digue fluviale
(source : Rijkswaterstaat)
5
Pour le dimensionnement final, il est judicieux d’effectuer des essais sur modèles réduits, en par-
ticulier lorsqu’il s’agit d’un projet de grande envergure. Dans ce cas, l’optimisation (c’est-à-dire
éventuellement une blocométrie inférieure à celle indiquée) peut permettre une réduction de
coûts considérable.
Tableau 5.47 Blocométrie de l’enrochement pour des butées de pied en eau peu profonde et pour des 6
fonds devant l’ouvrage en pente douce
Niveau de dommage
1 m ≤ Hs 2 m ≤ Hs 1.5 m ≤ Hs 2.5 m ≤ Hs
Butée de pied avec crête Hs ≤ 1 m
en pente douce au
≤2m ≤3m ≤ 2.5 m ≤ 3.5 m 8
niveau/juste en dessous
du niveau de l’eau au
10 – 60 kg 40 – 200 kg 60 – 300 kg 40 – 200 kg 60 – 300 kg
repos
Dans le cas de blocs de carapace disposés de manière aléatoire en une couche (p. ex. ACCRO-
PODE, CORE-LOC et Xbloc), il est recommandé que la butée de pied soit constituée d’une dou-
ble rangée de ces blocs si l’ouvrage se trouve en eau peu profonde (houle limitée par la profon-
deur). Les blocs artificiels doivent être placés sur une couche filtre afin d’empêcher l’érosion du
fond de la mer.
Il faut également disposer une protection anti-affouillement constituée d’une couche d’enroche-
ment naturel (d’une largeur minimale de 3 diamètres d’enrochement) et une couche filtre, afin de
garantir que l'enrochement artificiel du pied reste en place. La Section 6.1 donne des précisions
à ce sujet.
La présence d’ouvrages verticaux entraîne une augmentation de la vitesse des particules d’eau à
proximité du fond, à cause de la réflexion de la houle. Le dimensionnement d’une protection en
enrochement devant un ouvrage de ce type requiert donc que les nombres de stabilité Hs /(ΔDn50)
(ou Ns) de la protection de pied soient plus faibles que ceux d'un talus en enrochement. Les cour-
bes de Brebner et Donnelly (1962), présentées dans le SPM (CERC, 1984) et mentionnées précé-
demment, peuvent être utilisées dans ces situations, mais présentent l’inconvénient d’avoir été éla-
borées à partir d’essais en conditions de houle monochromatique, et non aléatoire. Se pose alors
le problème de la détermination d’une valeur appropriée de la hauteur de la houle, par exemple
H1/10, correspondant à la hauteur de la houle monochromatique, H. Pour un dimensionnement pré-
liminaire, il est donc plutôt suggéré d’utiliser, en suivant les indications ci-dessous, les résultats des
essais de modélisation effectués au Japon par Tanimoto et al. (1983) et Takahashi et al. (1990) sur
des digues en caisson soumises à l’attaque d’une houle aléatoire. Dans le cas des fondations en
enrochement de digues en caisson classiques, ces essais sur modèles montrent que, pour garantir
la stabilité, Hs /(ΔDn50) ne doit pas dépasser une valeur de 2 environ. Dans le cas de digues en cais-
son mixtes verticalement, les essais japonais donnent des valeurs de Hs /(ΔDn50) identiques à cel-
les de l’Équation 5.189, qui s’applique à la carapace en enrochement de la fondation :
(5.189)
où
a = (1-κ)/κ1/3 (-) ;
κ = κ1 κ2 (-) ;
κ1 = 2kh′/sinh(2kh′) (-) ;
κ2 = max{0.45sin2β cos2(kBB cosβ), cos2β sin2(kBB cosβ)} (-) ;
k = nombre d’onde (-) ; k = 2π/Lp (-) ;
h′ = profondeur de la berme de crête de la sous-couche (m) ;
BB = largeur de la berme (m) ;
β = angle d’incidence de la houle (°), pour une houle normale : β = 0°.
Dans la pratique, les valeurs de Hs /(ΔDn50) sont très proches de 2, soit la valeur de stabilité des
fondations de digues à caisson classiques. L’Encadré 5.22 en donne un exemple.
NOTE : contrairement aux méthodes d’évaluation de la stabilité des pieds d’ouvrages à talus en
enrochement, présentées plus haut, la méthode Tanimoto/Takahashi utilise la profondeur h′ du
matériau de fondation situé sous l’enrochement de protection, comme l’illustre la Figure 5.76.
Plus récemment, Madrigal et Valdés (1995) ont présenté les résultats d’essais de stabilité effec-
tués sur les fondations en enrochement d’une digue verticale mixte dans le cadre du projet euro-
péen MAST II / MCS. La Figure 5.76 en présente la configuration de base.
644 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Figure 5.76 Schéma explicatif du type d’ouvrage soumis aux essais de stabilité de Madrigal et Valdés (1995)
3
L’Équation 5.190 donne la relation entre le nombre de stabilité, Hs /(ΔDn50), et les paramètres
structurels (hauteur d’eau et profondeur de la fondation), en fonction du nombre de dommage
Nod (choisi).
(5.190)
4
où h′/hm = profondeur relative de la fondation (-), h′ = profondeur de la crête de la fondation (m),
et hm = profondeur d'eau (peu profonde) devant l’ouvrage (m).
Le domaine de validité de l’Équation 5.190 est : 0.5 < h′/hm < 0.8 ou : 7.5 < h′/Dn50 < 17.5.
NOTE : contrairement à la méthode d’évaluation de la stabilité des butées de pied des talus en
enrochement présentée plus haut, ce principe de Madrigal utilise la profondeur, h′ (m), du maté-
riau de fondation situé sous l’enrochement de la carapace, dont la taille Dn50 (m) est déterminée
grâce à l’Équation 5.190. La hauteur du matériau de fondation est : hm - h′ (m). La profondeur de
7
la berme de la carapace recouvrant la fondation, ht (m), est définie par : ht = h′ - 2ktDn50.
La taille requise pour l'enrochement naturel peut être déterminée par la méthode de Tanimoto/Takahashi ou
par la méthode Madrigal/Valdès. Les valeurs suivantes sont prises : le niveau de dommage Nod = 0.5 (-) (pas 8
de dommage), la profondeur adimensionnelle de la fondation, h'/hm = 0.6, l'angle d'incidence de la houle
β = 0°, la hauteur de la houle de dimensionnement Hs = 2 m, la profondeur de la fondation h' = 3 m, la lar-
geur de la berme BB = 4 m, le nombre d'onde k = 0.1 (1/m) et la densité relative déjaugée de l'enrochement
Δ = 1.65 (-) :
• en appliquant l'Équation 5.189 de la méthode de Tanimoto/Takahashi, les données géométriques et
hydrauliques donnent : a = 1.65 et Ns = 3.2. La taille de l'enrochement est de Dn50 ≈ 0.4 m ;
• en appliquant l'Équation 5.190 de la méthode Madrigal/Valdès, les données géométriques et hydrauliques 9
donnent : Ns = 2.6, soit Dn50 ≈ 0.5 m.
Conclusion : bien qu'il y ait une différence de taille d'enrochement entre les deux méthodes, celle-ci est fai-
ble. L'utilisateur doit examiner les domaines de validité respectifs des différents paramètres.
10
CETMEF 645
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Bien que ce soit de manière indirecte, l’affouillement peut constituer un problème majeur au
cours de la conception des ouvrages (en enrochement). En premier lieu, il peut se produire une
rupture géotechnique sous forme de grand glissement, liée à la formation de fosses d’affouille-
ment à proximité de l’ouvrage. En second lieu, l’augmentation des profondeurs d’eau due au phé-
nomène d’affouillement peut entraîner un accroissement de l'action hydraulique (dont le signe le
plus évident est la houle).
L’affouillement est un phénomène soit naturel, soit lié à l’influence d’ouvrages qui perturbent
l’écoulement. L’affouillement naturel est très courant si les sédiments présentent un risque d’éro-
sion, lorsque des matériaux fins (sable) ou grossiers (galets, graviers) sont soumis à la houle et/ou
aux courants. Selon son étendue spatiale, l’affouillement peut entraîner un approfondissement
généralisé du fond ou être à l’origine de fosses d’affouillement localisées.
Cette section ne présente qu’un bref aperçu des mesures possibles de lutte contre l’affouillement
et de prévention de celui-ci. Pour obtenir des informations générales sur le phénomène d’affouil-
lement et sur les méthodes d'estimation utilisées à l’heure actuelle, le lecteur est invité à se réfé-
rer aux guides traitant de l’affouillement, tels que les travaux d’Hoffmans et Verheij (1997),
Sumer et Fredsoe (2002) et Whitehouse (1998).
De nombreuses digues ou ouvrages de défense contre la mer reposent sur du sable ou sur des
galets. Lorsque les effets combinés de la houle et des courants dépassent un niveau seuil, le
matériau constitutif du fond peut subir une érosion à partir des zones soumises à une forte
contrainte de cisaillement locale. Près de l’ouvrage, les vitesses de la houle et des courants sont
souvent multipliées du fait de la présence de l’ouvrage, ce qui entraîne un mouvement accru du
matériau du fond à cet endroit. Ceci se manifeste généralement sous la forme d’un affouillement
local devant ou le long de l’ouvrage, qui peut à son tour aggraver les dégradations générales
éventuelles du niveau des plages. Au Royaume-Uni, des études ont révélé qu’environ 34 % des
ruptures de digues proviennent directement de l’érosion des matériaux constitutifs des plages ou
des fondations, et que l’affouillement est partiellement responsable de 14 % supplémentaires
des ruptures (CIRIA, 1986). Par conséquent, la prévention contre l’affouillement local ou la
prise en compte de ce phénomène dans le dimensionnement doit constituer un objectif d’une
importance majeure.
Il faut tenir compte du fait que le principal phénomène qui se produit pendant l’affouillement est
toujours un transport sédimentaire naturel. Ce phénomène peut entraîner des cycles d’érosion et
de dépôt naturels, quelle que soit la position ou la configuration de l’ouvrage. De tels change-
ments ont toutefois souvent été attribués exclusivement à la présence de l’ouvrage, et la distinc-
tion entre affouillement local et mouvement normal de la plage a souvent été confuse. Dean
(1987) a montré la différence entre un mouvement global de plage d’origine naturelle et l’in-
fluence de la présence d’un mur artificiel en termes de phénomènes de transport dans le profil
(vers la côte ou vers le large). La Figure 5.77 montre le profil normal d’une plage et ce profil en
conditions de tempête sans (a) et avec (b) une digue verticale. Dean (1987) explique simplement
que l’affouillement local provient du fait que la digue empêche la mer d’accéder aux sources
naturelles de sédiments qui entrent dans la formation des barres.
646 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
3
Figure 5.77
Affouillement sup-
plémentaire devant
un mur, causé par
les tempêtes
(Dean, 1987) 4
Pour estimer avec précision les différents phénomènes qui se produisent sur une plage, y compris
l’affouillement, il faut une description détaillée de l’hydrodynamique des eaux littorales, ainsi que
des différentes réponses de la plage. Ces phénomènes ne font pas partie du champ d’étude de ce
guide, qui ne les abordera donc pas directement. Si l’expérience locale laisse supposer qu’un
affouillement est possible, ou que ses conséquences pourraient être particulièrement graves, il 5
faut utiliser des méthodes de modélisation physique et/ou numérique afin d’en quantifier les
effets. Ces méthodes ne seront pas expliquées ici. Toutefois, il est possible de faire des estimations
simples de la probabilité et de l'étendue éventuelle de l’affouillement en évaluant l’influence de
l’ouvrage sur l’hydrodynamique locale. Les principaux effets d’un ouvrage sont :
• une augmentation des vitesses orbitales maximales locales (voir la Section 4.2.4) devant l’ou-
vrage, liée à l'action combinée de la houle incidente et de la réflexion de la houle ; 6
• une concentration de la houle et des courants de marée le long ou à proximité de l’ouvrage.
En règle générale, l’augmentation des vitesses orbitales et l’affouillement qui en résulte peuvent
être liés au coefficient de réflexion, Cr, de l’ouvrage. L'estimation de la réflexion a fait l’objet de
la Section 5.1.1. Les effets de l’ouvrage sur les courants locaux ne peuvent pas être généralisés de
la même manière, et il peut être nécessaire de procéder à des études spécifiques à chaque site.
7
Lorsque l’on s’attend à un phénomène d’affouillement ou d’érosion, il faut prêter une attention
particulière au risque que l’érosion locale ne contourne l’ouvrage de protection. Sur les digues et
les revêtements côtiers, les effets de l’érosion sont souvent plus graves aux extrémités de la pro-
tection. Si on ne la surveille pas, cette érosion peut se poursuivre autour des extrémités de l’ou-
vrage. Une solution courante consiste à étendre la protection bien au-delà de la zone d’érosion
8
prévue. Comme mesure complémentaire, il est souvent recommandé d’ancrer les extrémités à des
sols plus élevés ou plus solides.
Méthodes d'estimation
L’affouillement au niveau du pied est un phénomène d’érosion localisée qui se produit au plus 9
près de l’ouvrage côté mer. La profondeur d’affouillement, ys, peut être définie comme la profon-
deur maximale d’affouillement par rapport au niveau initial du fond. Les méthodes d'estimation
simples qui existent lient la profondeur d’affouillement aux caractéristiques de la houle incidente
(p. ex. hauteur de la houle, Hs), à la hauteur d’eau locale, hs, et à la géométrie de l’ouvrage et/ou
au coefficient de réflexion, Cr. Ces méthodes ne tiennent pas compte des effets d’une incidence
oblique de la houle, des courants de marée ou des courants induits par la houle. Bien que peu de 10
CETMEF 647
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
méthodes intègrent la taille des sédiments, la plupart ont été adaptées pour les granulométries
propres au sable. Les méthodes d'estimation de l’affouillement peuvent être classées comme suit :
• méthodes d’approximation ;
Le CEM (USACE, 2003) suggère (voir l’Équation 5.191) que, pour ce qui est de l’affouillement
induit par la seule action de la houle, la profondeur maximale d’affouillement, ymax, (m) sous le
niveau naturel du fond est approximativement égale à la hauteur de la houle maximale avant
déferlement, ymax (m), qui peut exister en présence d’une hauteur d’eau initiale, hs (m), en pied
d’ouvrage.
(5.191)
Ceci s’applique vraisemblablement à des ouvrages verticaux ou à forte pente. Toutefois, Powell
(1987) a remarqué que les vitesses orbitales induites par la houle au fond de ce type de fosse d’af-
fouillement restent supérieures à celles qui se produisent sur le fond en l’absence d’ouvrage, ce
qui suggère que cette règle simple pourrait sous-estimer l’affouillement dans certains cas.
L’analyse de d’autres études consacrées au même sujet permet d’identifier les règles générales
suivantes :
1. Pour 0.02 < som < 0.04, la profondeur d’affouillement est approximativement égale à la hau-
teur de la houle incidente avant déferlement, là encore vraisemblablement dans le cas d’ou-
vrages verticaux.
1. Réduction des forces par réduction de la réflexion, voir la Section 5.1.1.5. Ceci peut se faire en
concevant ou en rendant le talus du revêtement moins raide et/ou en utilisant un revêtement
648 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
dissipateur d’énergie, par exemple un enrochement rugueux plutôt que des enrochements 1
arrondis ou des blocs de revêtement lisses.
2. Isolation de la zone à risque située près de l’ouvrage en plaçant un soubassement qui permet
de contrôler l’affouillement. Il peut s’agir de tapis préfabriqués flexibles ou de matelas de
gabion remplis d’enrochement (voir également la Section 3.14).
Les ouvrages en enrochement sont généralement dotés d’une carapace en enrochement (souvent
une double couche de 2ktDn50 d’épaisseur, où kt est le coefficient d’épaisseur de couche (-), voir 4
la Section 3.5.1), d’une ou plusieurs sous-couche(s) ou couche(s) filtre(s) granulaire(s) et d’un
noyau constitué d’un matériau généralement plus fin. Ce noyau peut être en matériau rocheux
(tout-venant d’abattage), en argile ou en sable. Un filtre géotextile peut être placé entre le noyau
et les couches granulaires.
Le SPM (CERC, 1984) recommande, pour le ratio entre la masse de l’enrochement naturel de la 5
sous-couche M50u (t) et celle de l’enrochement naturel de la carapace M50a (t), une valeur donnée
par l’Équation 5.192 :
(5.192)
6
Ce critère est plus strict que les règles relatives aux filtres géotechniques énoncées à la Section
5.4.5.3. Il donne, pour le ratio entre le diamètre nominal de l'enrochement naturel de la carapace,
Dn50a (m), et le diamètre nominal de l'enrochement naturel de la sous-couche, Dn50u (m), les
valeurs de l’Équation 5.193 :
(5.193) 7
Il y a deux avantages à ce que la taille de l'enrochement de la sous-couche soit relativement
importante. En premier lieu, la surface de la sous-couche est moins lisse lorsqu’elle est constituée
de blocs de grande taille, ce qui permet une meilleure imbrication avec la carapace. Ceci est par-
ticulièrement vrai lorsque la carapace est constituée d’enrochement artificiel. En second lieu, une
sous-couche de grandes dimensions permet à l’ouvrage d’être plus perméable, ce qui influence 8
fortement la stabilité ou la masse requise de la carapace. L’influence de la perméabilité sur la sta-
bilité a été décrite aux Sections 5.2.1 et 5.2.2.2.
Les sous-couches et les couches filtres doivent être conçues pour éviter le transport de matériaux
fins, mais ne doivent pas entraver l’écoulement de l’eau. La Section 5.4.5.3 contient une analyse
complète des critères applicables aux filtres pour assurer leur stabilité. 9
5.2.2.11 Talus arrière et crête des ouvrages peu franchis
L’un des éléments essentiels du dimensionnement des ouvrages côtiers et maritimes est la stabi-
lité de la crête et du talus arrière de l’ouvrage, ainsi que le dommage potentiel qu’ils peuvent
subir à cause du franchissement de la houle. Tant que les ouvrages sont suffisamment élevés pour 10
éviter le franchissement, l’enrochement de la crête et du talus arrière peut être de dimensions
CETMEF 649
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
(bien) inférieures à celles de l'enrochement de la face avant. Toutefois, la plupart des ouvrages
sont conçus pour supporter un franchissement léger ou extrême dans les conditions de dimen-
sionnement. Certains ouvrages sont si bas qu’ils sont franchis même dans les conditions de ser-
vice normal. Plus la crête d’un ouvrage est basse, plus la quantité d’énergie de la houle qui passe
par-dessus l’ouvrage est importante, ce qui exerce des charges sur la crête et sur l’arrière. Dans le
cas d'ouvrages peu élevés, le matériau constitutif de la crête et du talus arrière devra peut-être
avoir les mêmes dimensions que le matériau placé côté mer. Cette section propose des indications
qui permettent de déterminer la taille du matériau nécessaire sur la crête et sur la face arrière.
La Section 5.2.2.4 porte sur les ouvrages à crête abaissée (semi-émergés ou immergés). Ces
ouvrages peuvent être sujets à l’érosion à la fois du talus avant, de la crête et du talus arrière. Les
exigences de stabilité présentées dans ces sous-sections portent principalement sur la détermina-
tion de la variation de la hauteur de crête due à l’attaque de la houle pour des ouvrages reprofi-
lables par la houle, ou de la taille de l’enrochement nécessaire pour résister à l’attaque de la
houle. La taille de l’enrochement est estimée à l’aide d’un coefficient de réduction appliqué à la
taille de l'enrochement requise dans le cas d’un ouvrage non-franchi. Pour tous ces ouvrages, la
stabilité du talus arrière dépend directement de la stabilité du talus côté mer et de la crête.
La présente section porte principalement sur des ouvrages pour lesquels la stabilité du talus
arrière n’est pas influencée par la stabilité du talus avant ou de la crête. Des recommandations
sont données pour la détermination de l'enrochement à mettre en place sur la crête et le talus
arrière des ouvrages peu franchis.
Talus arrière
La taille requise de l'enrochement, Dn50 (m), sur le talus arrière des ouvrages côtiers et maritimes
pour un niveau donné de dommage acceptable, Sd, peut être estimée à l’aide de l’Équation 5.194,
déterminée par Van Gent et Pozueta (2005) :
(5.194)
où
Sd = coefficient de dommage (-) ; Sd = Ae /Dn502, avec Ae = surface érodée (m2) (voir la
Figure 5.31) ;
N = nombre de vagues (-) ;
Hs = hauteur significative de la houle (soit H1/3) incidente en pied d’ouvrage (m) ;
Tm-1,0 = période énergétique de la houle (s) (voir la Section 4.2.4 pour plus de précisions) ;
αarrière = angle du talus arrière (°) ;
Rc,arrière = revanche de la crête par rapport au niveau de l’eau à l’arrière de la crête (m) ;
Ru1% = vitesse maximum (moyennée sur la profondeur) à l’arrière de la crête (m/s) au
cours d’un franchissement dépassé par 1 % des vagues incidentes (Van Gent, 2003),
donnée par l’Équation 5.195 :
650 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
1
(5.195)
où
B = largeur de la crête (m) ;
Rc = revanche de la crête par rapport au niveau de l’eau au repos du côté mer de la
crête (m) ; 2
γf = rugosité du talus côté mer (-) ; γf = 0.55 pour un talus en enrochement rugueux et
γf = 1 pour les talus imperméables lisses ;
γf-c = rugosité de la crête (-) ; γf-c = 0.55 pour les crêtes en enrochement et γf-c = 1 pour les
crêtes imperméables lisses ;
Ru1% = hauteur fictive du run-up dépassée par 1 % des vagues incidentes (m). 3
La vitesse maximum, u1% (m/s), est liée à l’arrière de la crête lorsque Ru1% ≥ Rc, où le run-up (fic-
tif), Ru1% (m), est obtenu à l’aide de l’Équation 5.196 ou 5.197 (Van Gent, 2003). L’Encadré 5.5
de la Section 5.1.1.3 donne également plus d’informations à ce sujet.
La Figure 5.79 présente les résultats des essais sur modèles effectués dans différentes conditions 6
hydrauliques et structurelles. Elle fait apparaître la dispersion autour de la tendance générale, qui
peut être exprimée à partir de l’Équation 5.194. Les données incluent les résultats des essais effec-
tués avec des talus côté mer perméables ou imperméables, différents angles de talus arrière, diffé-
rentes dimensions d’enrochement à l’arrière et plusieurs revanches relatives arrière, Rc, arrière /Hs.
Figure 5.79 Dommage à l’arrière de l’ouvrage en fonction de la vitesse maximale à l’arrière de la crête u1%
10
CETMEF 651
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Il faut noter que l’Équation 5.194 présentée à la Figure 5.79 est le résultat de la tendance géné-
rale des valeurs du dommage, Sd, mesurées au cours d’essais sur modèles, et qu’il existe une dis-
persion autour des valeurs du dommage, Sd, estimées. Pour mesurer la dispersion autour des esti-
mations, il est possible d’appliquer un écart-type, σ = 0.3, déterminé à partir des différences entre
les valeurs de Sd / N mesurées et les valeurs calculées par l’Équation 5.194. Cette dispersion est
assez étendue, parce que les essais ont été effectués dans des conditions hydrauliques plutôt
extrêmes. Toutefois, lorsque Sd < 10, la dispersion se réduit à σ = 0.1.
Bien que cela n’ait pas été vérifié pour des ouvrages comprenant de l’enrochement artificiel sur
le talus côté mer et sur la crête, il est probable que, si l’on applique le bon coefficient de frotte-
ment dans l’Équation 5.195 (γf et γf-c = 0.45) pour tenir compte de l’influence des blocs artificiels,
l’Équation 5.194 peut en principe également être utilisée pour calculer l'enrochement naturel du
talus arrière lorsque le talus côté mer et la crête sont constitués d'enrochement artificiel.
Toutefois, faute de validation, cette démarche ne doit être utilisée que pour une première estima-
tion qui devra être vérifiée à partir des essais en modèles physiques.
Domaines de validité
Les domaines de validité des différents paramètres de l’Équation 5.194 sont résumés dans le
Tableau 5.48. La densité relative déjaugée, Δ (-), n’a été soumise à aucune variation lors des essais
sur modèles et sa valeur est restée fixe à Δ = 1.65.
La Figure 5.80 montre la réduction de la taille du matériau du talus arrière de l’ouvrage par rap-
port à celle du matériau du talus côté mer. Dans ce graphique, les dimensions du matériau côté
mer sont calculées à partir de la formule donnée dans l’Encadré 5.16 de la Section 5.2.2.2. Les
niveaux de dommage, Sd, pour différents talus correspondent à un dommage intermédiaire. La
Figure 5.80 montre que pour des niveaux de crête relativement élevés, la taille requise du maté-
riau à l'arrière est plus petite ; cette réduction est plus importante pour les talus arrière moins
inclinés. La Figure 5.80 présente une courbe correspondant à un talus de pente 3/2, bien que cela
ne fasse pas partie du domaine de validité de la formule. Néanmoins, cette courbe montre que la
formule donne des différences relativement faibles par rapport aux talus de pente 2/1.
652 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Notes : 4
1. Cette figure se rapporte à un type d’ouvrages donné (ouvrage à talus avec un noyau perméable) pour une cam-
brure nominale de la houle de sm-1,0 = 0.03. D’autres conditions de houle ou géométries d’ouvrage donnent des
courbes différentes.
2. Cette figure est basée sur des estimations moyennes qui ne tiennent pas compte des incertitudes.
Figure 5.80 Réduction de la taille de l’enrochement à l’arrière par rapport à la taille de l’enrochement 5
côté mer
Crête
Normalement, le matériau utilisé sur la crête des ouvrages est le même que celui qui sert à la cara-
pace du talus côté mer. Dans certains cas, toutefois, ce matériau est placé en une couche même si 6
le talus côté mer est généralement constitué d’une double couche d’enrochement. La largeur de
la crête est habituellement déterminée par les méthodes de construction employées (accès des
camions ou des grues au-dessus du noyau) ou par les exigences d’exploitation (route ou mur de
couronnement au sommet). S’il est possible que la crête soit de largeur réduite, il est néanmoins
nécessaire de garantir une largeur minimale Bmin égale à (3 à 4)Dn50 (m).
Dans le cas des revêtements situés à l'avant d'un terre-plein, il faut déterminer la largeur de la
zone protégée (voir la Figure 5.81). Cox et Machemehl (1986) ont proposé une méthode permet-
tant d’estimer la largeur de la zone sur laquelle il faut appliquer le même matériau que sur le talus
côté mer. L’équation proposée (voir l’Équation 5.198) donne la relation entre la longueur de
8
cette zone de projections d’eau, Ls (m), et les paramètres hydrauliques et structurels :
(5.198)
où
ψ = facteur lié à l’importance de l’ouvrage (-) : coefficient laissé au jugement du concep-
9
teur, compris dans l’intervalle suivant : 1 < ψ < 2, la limite supérieure s’appliquant
aux crêtes horizontales larges, par exemple un terre-plein ;
T = période de la houle (s), la période moyenne énergétique Tm-1,0 (s) peut être utilisée
(voir la Section 4.2.4) ;
Ru = run-up de la houle (m), l’Équation 5.6 (Section 5.1.1) peut être utilisée pour le calculer ; 10
Rc = revanche de la crête par rapport au niveau de l’eau au repos (m).
CETMEF 653
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
En dehors de la zone protégée Ls d’un minimum de (3 à 4)Dn50 (m), la protection peut être pro-
longée avec un matériau plus fin. Pilarczyk (1990) a proposé d’utiliser U2/(gΔDn50) = 2 à 2.7 pour
estimer les dimensions requises du matériau sur la crête d’un terre-plein (horizontale), avec une
valeur de 2 pour l’enrochement naturel et de 2.7 pour des enrochements encastrés ou appareil-
lés. Cette méthode peut servir à estimer la taille du matériau placé côté terre de la zone de pro-
jections d’eau à protéger, Ls. L’Équation 5.195, dans laquelle B = Ls, peut permettre d’obtenir une
estimation de la vitesse U. Cette méthode peut servir à fournir des estimations pour l’étude pré-
liminaire. Pour des applications spécifiques, il est cependant recommandé d’avoir recours à des
études sur modèles physiques.
Figure 5.81 Zone de projections d’eau dans laquelle le matériau (Dn50) est le même que pour le talus ;
côté terre, il est possible d’utiliser des matériaux plus petits
NOTE : risque de dommage sur les talus arrière des ouvrages franchissables
Situation : si les vagues franchissantes peuvent heurter la dalle du mur de couronnement ou même attein-
dre la carapace du talus arrière de l'ouvrage (p. ex. Figures 5.83, 5.85 et le croquis ci-dessous), ceci est dan-
gereux. Des dommages importants, dans la partie haute du talus arrière, peuvent se produire, résultant en la
sape du mur de couronnement, débutant par l'arrière. Ce phénomène est courant sur les ouvrages franchis-
sables avec mur de couronnement : les vagues montant la face avant se brisent non seulement sur le mur de
couronnement mais le franchissent en un jet, ce qui induit un fort risque d'instabilité pour le talus arrière et,
plus important, pour le mur de couronnement, voir le croquis.
Critères de stabilité
L’action de la houle sur les murs de couronnement dépend des caractéristiques de la houle inci-
dente, mais aussi fortement de la géométrie précise de l’enrochement de la crête et du mur de
654 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
couronnement lui-même. La principale action s’exerce sur la face avant. Un deuxième effet est la 1
sous-pression qui agit sous le mur de couronnement. Le poids du mur de couronnement ainsi que
de la force de frottement mobilisée entre le mur de couronnement et la couche en enrochement
sur laquelle il repose opposent les forces dues à la houle.
Les modes de rupture des murs de couronnement peuvent être divisés en deux groupes : ceux qui
dépendent de la résistance de la superstructure (comme la rupture) et ceux qui dépendent de l’in-
teraction avec l’ouvrage sous-jacent (comme le glissement et le renversement). La stabilité des
2
murs de couronnement vis-à-vis du glissement et du renversement peut être évaluée à l’aide des
critères définis par les Équations 5.199 et 5.200, respectivement :
où 3
FG = poids (déjaugé selon le cas) de l’élément du mur de couronnement (N), = (Mcw –
Vcw ρw)g, où Mcw et Vcw sont respectivement la masse et le volume du mur de cou-
ronnement ;
FU = force de sous-pression induite par la houle (N) ;
FH = force horizontale induite par la houle (N) ; 4
f = coefficient de frottement (-).
où
MG = moment stabilisateur dû à la masse du mur de couronnement (Nm) ; 5
MU = moment induit par la houle dû à la force de sous-pression (Nm) ;
MH = moment induit par la houle dû à la force horizontale (Nm).
De manière générale, on suppose que la valeur du coefficient de frottement, f (-), se situe autour
de 0.5. Si le mur de couronnement comporte une bêche, on peut supposer que cette valeur est 6
plus élevée. Ces valeurs sous-entendent que le mur de couronnement est coulé sur place directe-
ment sur une sous-couche ou sur un matériau de noyau préparé. Les éléments préfabriqués, ou
les éléments coulés sur place sur un matériau plus fin, donneront des valeurs de f moins élevées.
Il est recommandé d’effectuer des essais à grande échelle ou à échelle réelle, afin d’établir des
estimations plus précises de f lorsque celles-ci sont capitales pour le dimensionnement.
Des données issues des essais sur modèles sont disponibles pour quelques exemples de murs de
couronnement, d’après les études de Jensen (1984) et Bradbury et al. (1988). Une relation empi-
rique a été adaptée aux résultats des essais pour les configurations d’ouvrages présentées à la
Figure 5.82.
(5.201)
où
Hs = hauteur significative de la houle (m) ;
Lop = longueur d’onde de la houle au large, correspondant à la période de pic de la
houle (m) ;
dc = hauteur de la face avant du mur de couronnement (m) ;
Rca = revanche de la crête en enrochement (m), voir la Figure 5.30 à la Section 5.2.1.2 ;
a, b = coefficients empiriques (-), donnés au Tableau 5.49.
Dans le cas des sections présentées à la Figure 5.82, les valeurs des coefficients a et b ont été résu-
mées par Burcharth (1993), voir le Tableau 5.49. Ces valeurs correspondent à la force dépassée
par 0.1 % des vagues, FH 0.1% (N).
Tableau 5.49 Coefficients empiriques a et b servant à calculer les forces exercées par la houle sur les
murs de couronnement, pour les coupes A à E représentées à la Figure 5.82
Il existe beaucoup moins de données relatives à la force de sous-pression, FU, ou sur les formes
de distribution de la pression sur l’avant ou sous le mur de couronnement. Il est possible d’ob-
tenir une estimation relativement sûre de la force en supposant que la distribution des pressions
horizontales, pH, est rectangulaire (pH = FH/dc) et que les pressions verticales, pU, passent de pU
= pH à l’avant à 0 à l’arrière. La force de sous-pression, FU (N), est dans ce cas donnée par
l’Équation 5.202 :
(5.202)
où Bc = largeur de la base du mur de couronnement (m), voir la Figure 5.30 à la Section 5.2.1.2.
656 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Figure 5.82 Sections des murs de couronnement des essais de Jensen (1984) et de Bradbury et al. (1988) 7
Pedersen (1996)
Pedersen (1996) suppose que l’eau se brise perpendiculairement sur la face avant du mur avec une
vitesse uniforme et égale à celle du run-up mesurée au bord de la crête. La distribution de la pres-
sion est représentée à la Figure 5.83, avec la lame hypothétique de run-up utilisée pour le calcul. 8
(5.203)
où Rca = revanche de la berme supérieure de la carapace (m) ; Ru,0.1% = run-up dépassé par
0.1 % des vagues (m) selon Van der Meer et Stam (1992), voir les Équations 5.10 et 5.11 à la
Section 5.1.1.2.
Les valeurs de l’épaisseur de la lame, y (m), avec un minimum de y = 0, peuvent être déterminées
à l’aide de l’Équation 5.204 :
(5.204)
La hauteur effective de la zone d’impact, yeff (m), est déterminée à l’aide de l’Équation 5.205 :
(5.205)
L’Équation 5.206 peut servir à calculer la force horizontale totale avec une probabilité de dépas-
sement de 0.1 %, FH, 0.1% (N). Elle tient compte de l’influence de la berme :
(5.206)
où
Lom = longueur d’onde de la houle au large, déterminée à partir de la période moyenne
de la houle (m) ;
Ba = largeur de la berme supérieure de la carapace devant le mur (m) ;
dc,prot = hauteur de la partie du mur de couronnement protégée par la carapace (m) ;
V = min{V2/V1, 1}, où V1 et V2 sont les surfaces représentées à la Figure 5.83 (m2).
Pedersen (1996) a également proposé des formules (voir les Équations 5.207 et 5.208) pour cal-
culer le moment de renversement induit par la houle, MH,0.1% (Nm), et la pression verticale de
la houle, pU0.1% (N/m2), respectivement, qui correspondent tous deux à une probabilité de dépas-
sement de 0.1 % :
(5.207)
(5.208)
La validité des équations proposées par Pedersen est limitée aux paramètres appartenant aux
intervalles du Tableau 5.50.
658 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Martin (1999)
3
Martin (1999) propose une méthode globale de calcul des forces de la houle sur des murs de cou-
ronnement de digues. En se basant sur le cas spécifique où les vagues frappant le mur de couron-
nement ont déjà déferlé, il a déterminé que la distribution temporelle de la pression sur l’élément
de couronnement présentait deux pics. Le premier pic (pression d’impact) est occasionné par le
changement brutal de direction du front de la vague à cause du mur de couronnement, tandis que 4
le second pic (pression d'effondrement), induit par la masse d’eau qui redescend du mur à grande
vitesse, se produit après que le niveau maximal de run-up ait été atteint.
NOTE : la méthode proposée par Martin (1999) ne s’intéresse pas à l’impact de la houle qui déferle
sur le mur de couronnement. Son domaine de validité est donc limité aux vagues qui parviennent
sur l’ouvrage après avoir déferlé et à du déferlement à effondrement ou gonflant sur le talus de 5
la digue (ξ > 3). Dans les autres cas, la Figure 5.84 définit les situations d’impact et de non-impact
en fonction de la largeur relative de la berme et de la hauteur relative de la crête.
Figure 5.84 Définition empirique des situations d’impact et de non-impact, Martin (1999)
9
Martin (1999) prend pour hypothèse la distribution des pressions illustrée à la Figure 5.85.
10
CETMEF 659
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Pour calculer la pression d’impact, pi (N/m2), sur la zone non-protégée de la face avant du mur de
couronnement (au-dessus du niveau Rca, voir la Figure 5.85), on utilise les Équations 5.209 à 5.211 :
(5.209)
où So est le run-up maximal (m), sur le bord de la crête côté mer, défini par :
(5.210)
et cw1 est un coefficient (-) qui permet de déterminer la pression horizontale d’impact :
(5.211)
(5.212)
(5.213)
Pour déterminer le run-up de la houle, Ru (m), qui apparaît dans l’Équation 5.210, la méthode de
Martin utilise l’Équation 5.214 proposée par Losada et al. (1981), qui repose sur des travaux en
houle monochromatique. La Figure 5.86 donne les valeurs des coefficients de run-up Au et Bu.
(5.214)
où ξ est le paramètre de déferlement (-), défini par tanα/ H/Lo, où H est la hauteur de dimen-
sionnement de la houle au pied de l’ouvrage et Lo est la longueur d’onde au large, égale à
gT2/(2π).
660 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
(5.215)
(5.217)
Le Tableau 5.51 donne les valeurs des coefficients empiriques a, b et c ; Dn50 est le diamètre nomi-
6
nal médian de l'enrochement qui constitue la berme supérieure de la carapace.
Tableau 5.51 Coefficients empiriques entrant dans le calcul des pressions d'effondrement
Bu /Dn50 a b c 7
1 0.446 0.068 259.0
Note : pour les valeurs du coefficient de run-up Bu (-), voir la Figure 5.86
8
Martin (1999) propose également des relations pour la distribution de la pression verticale. Sur
le bord côté mer, la pression d’impact et la pression d'effondrement sous l’ouvrage sont toutes
deux égales à la pression horizontale à la base de la face avant.
10
CETMEF 661
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Côté intérieur du mur de couronnement, la pression verticale d’impact est considérée comme
négligeable. La pression d'effondrement côté intérieur peut être calculée à l’aide de la Figure
5.87, en utilisant la porosité, nv, du matériau sur lequel reposent le mur de couronnement et la
pression côté mer, pre.
5.2.2.13 Musoirs
Les musoirs des digues font appel à un phénomène physique spécifique, dans la mesure où le
déferlement de la houle sur les musoirs engendre d’importantes vitesses et forces hydrodynami-
ques. Pour une trajectoire donnée de la houle, seule une zone limitée du musoir est exposée à une
forte attaque des vagues. Cette zone, proche du niveau de l’eau au repos, à environ 120 à 150 ° de
la trajectoire de la houle et par conséquent sur le côté arrière du musoir, est représentée à la
Figure 5.88. Pour obtenir la même stabilité que pour la section courante, il est possible d’accroî-
tre la masse de l’enrochement (avec des blocs plus gros et/ou une masse volumique plus élevée)
et/ou d’adoucir la pente du musoir.
La Figure 5.88, tirée des travaux de Jensen (1984), donne un exemple de stabilité d’un musoir de
digue, comparée à celle de la section courante, et montre l’emplacement du dommage tel qu’il a
été évoqué ci-dessus. Le nombre de stabilité Ns (=Hs/(ΔDn)) des Tétrapodes est lié à celui de la
section courante. Le nombre de stabilité d’une section de musoir est inférieur à celui d’une sec-
tion courante dans les mêmes conditions de houle et pour le même niveau de dommage. Ceci
s’applique également au coefficient de stabilité de Hudson KD dans : Ns = (KD cot α)1/3 (voir la
Section 5.2.2.2).
Il n’existe aucune règle particulière applicable aux musoirs de digues à talus. Pour l'enrochement
artificiel particulier, l’augmentation de masse, M (kg), requise peut être exprimée par un coeffi-
cient compris entre 1 et 4 (ou 1 et 1.3 s’il s’agit de la taille, Dn), selon le type de bloc (voir ci-des-
sous). Les musoirs en enrochement sont, dans la plupart des cas, conçus avec un talus latéral α
moins raide que celui de la section courante. La masse de l'enrochement requise dans la section
du musoir peut être déterminée à l’aide des règles de dimensionnement de ce guide à des fins de
dimensionnement préliminaire uniquement. Pour une conception plus précise, il faudra recourir
à une modélisation en 3D, afin d’étudier de manière approfondie les effets tridimensionnels qui
se produisent sur le musoir et tout autour.
662 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
4
Figure 5.88 Stabilité d’un musoir de digue dont l’enrochement est constitué de Tétrapodes (Jensen, 1984)
Les données présentées dans le SPM (CERC, 1984) qui concernent les valeurs de KD à appliquer
dans la formule de Hudson et basées sur H = H1/10 (voir la Section 5.2.2.2), sont incluses dans le
Tableau 5.52, pour des ouvrages construits avec des enrochements naturels anguleux rugueux et 5
des blocs Tétrapodes.
Tableau 5.52 Coefficients de stabilité de Hudson pour un dommage nul et un franchissement léger
Notes :
1. Les valeurs de KD en italique ne sont pas étayées par des résultats d’essais et ne doivent servir qu’à un dimen-
sionnement préliminaire.
2. Les valeurs de KD peuvent être utilisées dans l’Équation 5.134 de la Section 5.2.2.2. 8
Carver et Heimbaugh (1989) ont testé la stabilité de différents musoirs (avec enrochement natu-
rel et blocs Dolos) dans des conditions de houle déferlante et non-déferlante et pour différents
angles d’incidence de la houle (β = 45 ° à 135 °, avec β = 0 ° correspondant à la situation où les crê-
tes des vagues sont perpendiculaires à la section courante de la digue). Les résultats sont donnés
par l’Équation 5.218, qui représente la relation entre le nombre de stabilité Ns = Hs/(ΔDn50) et les 9
différents paramètres (structurels) :
(5.218)
NOTE 1 : les courbes qui donnent la tendance générale des données ont été abaissées de deux
écart-types, pour donner une enveloppe inférieure sécuritaire des résultats de stabilité.
NOTE 2 : un nombre limité d’essais en houle irrégulière ont donné des résultats équivalents dans les-
quels Tp équivaut à la période monochromatique et Hm0 à la hauteur monochromatique de la houle.
L’Encadré 5.23 illustre un exemple de cette approche : la relation entre le nombre de stabilité et
le paramètre de déferlement.
On s’intéresse à un ouvrage en enrochement avec talus latéral de pente 2/1 afin de déterminer la taille de
l’enrochement requise pour le musoir. La relation entre Ns et le paramètre de déferlement, ξp, est illustrée à
la Figure 5.89.
Jensen (1984) a évoqué un autre aspect des musoirs : la courbe de dommage – le dommage, Sd,
étant une fonction de l'action hydraulique, par exemple, Hs /(ΔDn50) – est souvent plus pentue pour
le musoir que pour une section courante, ce qui signifie que la progression du dommage est plus
rapide. Cela signifie que si le musoir et la section courante sont tous deux conçus pour un même
niveau (bas) de dommage, une augmentation (non prévue) de la hauteur de la houle peut entraî-
ner une rupture de tout ou d’une partie du musoir, tandis que la section courante ne présente
encore qu’un niveau de dommage acceptable. Cet aspect est moins prononcé pour les musoirs
dont l’enrochement est naturel que pour ceux dont l’enrochement est constitué de blocs artificiels.
664 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
• le musoir de la digue se trouve généralement face à des eaux plus profondes et subit de fait
des houles de dimensionnement plus grandes que les autres parties de la digue. Certaines par-
ties du musoir sont exposées à un franchissement important. La section la plus critique du 2
musoir se situe à un angle de 135° environ par rapport à la direction d’incidence de la houle ;
• les blocs artificiels disposés de manière aléatoire sont généralement placés sur un maillage
défini, afin de garantir une imbrication suffisante. Pourtant, au niveau du musoir de la digue,
le plan de pose s’écarte fortement d’un maillage régulier. À cet endroit, la disposition des blocs
est caractérisée par des distances variables entre les blocs d’enrochement, par des densités de
pose différentes et surtout par des ouvertures plus larges dans la carapace. La forme convexe
3
de la sous-couche réduit davantage l’imbrication au niveau du musoir.
Le rayon du musoir, mesuré au niveau d’eau de dimensionnement dans le cas de blocs artificiels
en double couche (p. ex. Cubes ou Tétrapodes) peut être calculé à partir de l’expérience accumu-
lée et des essais sur modèles, ainsi que de certains aspects spécifiques. Plus la stabilité hydrauli-
que du bloc artificiel dépend de l’imbrication, plus le rayon doit être grand : il peut même aller 4
jusqu’à 3 fois la hauteur de la houle fixée pour le dimensionnement. Les blocs artificiels dont la
stabilité est assurée par leur poids (plus que par leur imbrication), comme les cubes, peuvent être
utilisés sur des musoirs de rayon plus faible, à savoir 1.5 à 2 fois la hauteur de dimensionnement
de la houle. Dans ce dernier cas, on se trouve alors dans une situation comparable à la configura-
tion des musoirs en enrochement naturel. La Figure 5.90 présente un exemple-type d’agencement
d’un musoir composé de blocs artificiels. Le point central du musoir est déplacé vers le côté 5
arrière, ce qui donne la forme circulaire illustrée par la Figure 5.90.
Le rayon du musoir mesuré au niveau d'eau de dimensionnement ne doit pas être inférieur à trois
fois la hauteur de la houle de dimensionnement pour des blocs artificiels en une couche, comme
les blocs ACCROPODE ou CORE-LOC, afin de limiter la convexité de la sous-couche et d’évi-
ter une réduction significative de l’imbrication. 6
9
Figure 5.90 Plan classique d’un musoir de digue constitué de blocs Tétrapodes (Ashdod)
10
CETMEF 665
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Le musoir d’une digue à berme est toujours particulièrement intéressant, dans la mesure où il est
exposé à des écoulements en 3D. Le principal problème causé par la déformation au niveau d’un
musoir de digue à berme est la possibilité d’une perte d’enrochements par transport hors du pro-
fil. Contrairement au phénomène de recul de la section courante de la digue, où le reprofilage
finira par créer un profil d’équilibre, les enrochements du musoir peuvent s’accumuler à l’arrière
du musoir et éventuellement bloquer en partie les chenaux de navigation. Une fois déposés der-
rière le musoir, les enrochements ne seront pas remis en mouvement par la houle pour retourner
à leur position d’origine. Le mouvement des enrochements au niveau du musoir doit par consé-
quent être limité. Lors des essais effectués sur la digue à berme de Sirevåg, rapportés par Menze
(2000), les valeurs maximales de HoTo (nombre de stabilité dynamique, se reporter également à
la Section 5.2.2.6) pour deux configurations d'essais étaient de 72 et 97, respectivement. Des
valeurs de HoTo > 70 signifient que la structure est reprofilable et dynamiquement stable, avec
une valeur de Ho > ∼2.7. Le reprofilage du musoir dans la configuration 1 était bien moins impor-
tant que celui de la configuration 2, bien que les musoirs n’aient présenté aucun dommage réel
dans les deux cas de figure. Le seul problème était qu’il y avait plus d'enrochements rejetés dans
la zone arrière de la digue dans la configuration 2 que dans la configuration 1.
En comparant les résultats des essais effectués par Van der Meer et Veldman (1992) avec ceux de
Tørum (1999), on peut conclure que si une digue à berme est conçue comme reprofilable et sta-
tiquement stable (HoTo < 70), il semble qu’en utilisant le même profil sur le musoir que sur la
section courante, le musoir sera stable, sans mouvement excessif des enrochements vers la zone
située à l’arrière de la digue.
Burcharth et Frigaard (1987) ont analysé le phénomène de transport longitudinal ainsi que la sta-
bilité des digues à berme dans le cadre d’une brève étude de base. La Figure 5.91 en donne une
illustration. L’une des premières conclusions empiriques concernant la stabilité de l’enrochement
naturel d’un musoir est que Hs /(ΔDn50) doit être inférieur à 3.
666 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Ouvrages de fermeture
3
Courants dans la passe de ferme- Concepts généraux de stabilité,
(barrages, barrages-
ture, franchissement et écoulement Section 5.2.1
réservoirs, seuils, etc.)
à travers l'ouvrage, Section 5.1.2.3 Formules empiriques, Section 5.2.3
Chapitre 7
Une analyse de stabilité (statique) requiert une condition-seuil qui peut être exprimée sous la
forme d’une valeur critique de cisaillement au fond, de vitesse, de différence de niveau d'eau ou
5
de débit (Section 5.2.1). Le dépassement de ce critère induit des déplacements et des mouve-
ments de blocs qui, à ce stade, peuvent encore être quantifiés en termes d'enrochements indivi-
duels. Lorsque le nombre d'enrochements en mouvement ou lorsque la fréquence et le déplace-
ment associés à ces mouvements augmentent, il est plus facile d’exprimer la réponse sous la forme
d’un taux de transport global. Le transport de matériaux grossiers tels que les galets ou les enro-
chements peut être estimé à l’aide des formules permettant de calculer le charriage (Meyer-Peter 6
et Muller, Paintal, Einstein-Brown, p. ex. – voir également Raudkivi, 1990). Les profondeurs d’af-
fouillement peuvent être calculées par exemple à l’aide des travaux de Raudkivi (1990),
Hoffmans et Verheij (1997) ou May et al. (2002).
Dans les eaux intérieures, les courants peuvent être associés à d’autres actions hydrauliques, tel-
les que les vagues soulevées par le vent ou induites par la navigation. Dans ces cas, l'état de mer 7
est généralement calme à modéré (il est peu probable que la hauteur significative de la houle
dépasse 0.5 à 1 m), et certaines formules ont été recommandées pour le dimensionnement du rip-
rap et des gabions dans ces conditions particulières (voir Hemphill et Bramley, 1989). Escarameia
(1998) propose un résumé des formules utilisables pour le dimensionnement de systèmes de pro-
tection du fond et des talus dans les rivières et les canaux. Pour les conditions de houle plus extrê-
mes, il convient de se référer à la Section 5.2.2. 8
Dans la présente section, les réponses structurelles liées à l’attaque des courants sont classées
comme suit :
• ouvrages de fond ; 9
• protection de pied et protection anti-affouillement ;
• filtres et géotextiles ;
• barrages en enrochement.
Pour compenser les différences de détails dans l’analyse de ces points (Sections 5.2.3.1 à 5.2.3.5), 10
il sera fait référence à des publications utiles.
CETMEF 667
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Il est parfois nécessaire de protéger les rives des plans d’eau lorsqu’elles sont soumises aux cou-
rants, afin d’éviter l'érosion et de préserver leur forme et leur but ou fonction final(e). Ceci peut
être fait en construisant des dispositifs de protection en enrochement dont la fonction première
est de réduire l'action hydraulique qui s’exerce sur le terrain. Ils peuvent revêtir la totalité du
plan d’eau ou juste son fond ou ses berges, ou bien être construits à des endroits précis. La pro-
tection de fond et de berge peut avoir d’autres objectifs, tels que la réduction des pertes par infil-
tration dans les canaux d’irrigation ou le maintien d’une bonne qualité de l’eau dans les réseaux
d’approvisionnement.
Différents matériaux à base d'enrochement peuvent être utilisés sur les fonds et sur les talus
pour assurer la protection nécessaire face aux courants : rip-rap et enrochement naturel, enro-
chement appareillé à la main, enrochement lié, gabions (gabions classiques, matelas de gabion,
sacs de gabions) et matériaux bitumineux (voir le Chapitre 3). Il est à noter que ce guide
n’aborde pas de manière approfondie les enrochements appareillés à la main. Des indications
relatives au domaine d’application des différents types de matériaux dans des conditions carac-
térisées principalement par l’attaque des courants sont disponibles dans les travaux
d’Escarameia (1998), par exemple.
Pour les granulats (D > 4 mm) et les enrochements (D > 64 mm) soumis à l’attaque des courants,
on peut appliquer les critères généraux définis par Shields (contrainte de cisaillement) et par
Isbash (vitesse) – voir la Section 5.2.1 – ou une combinaison de ces deux méthodes (voir la
Section 5.2.1.8).
Les formules générales avec les différents coefficients, qui expriment l’influence d’un fond
incliné, de la houle, de la turbulence et de la rugosité relative, sont données par l’Équation 5.129
ou par les Équations 5.130 ou 5.131 équivalentes, qui figurent à la Section 5.2.1.9. Les ouvrages
sont habituellement conçus pour un dommage nul, mais il faut savoir que l’acceptation d’un dom-
mage partiel peut s’avérer dans certains cas plus économique en termes financiers sur la totalité
du cycle de vie.
De nombreuses formules de stabilité ont été proposées par différents auteurs, mais la plupart
d’entre elles ne conviennent qu’au dimensionnement de protection en rip-rap, et elles tendent à
donner des résultats très disparates pour ce qui est de la taille de l'enrochement requise. Parmi
l’ensemble des formules disponibles (p. ex. voir Thorne et al., 1995), les suivantes ont été large-
ment utilisées dans le cas d’attaque du courant et sont présentées dans cette section : Pilarczyk
(1995), Escarameia et May (1992) et Maynord (1993). Après l’analyse de ces trois approches,
l’Encadré 5.24 présente une comparaison de ces équations de stabilité.
668 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
deur d’affouillement critique a été mise au point et appliquée avec succès par De Groot et al. 1
(1998), mais on sait peu de choses sur d’autres applications réussies.
NOTE : au vu de l’hétérogénéité des résultats, il peut être recommandé dans la plupart des cas d’es-
sayer plusieurs formules de dimensionnement pour évaluer la taille de l'enrochement requise et
de se fier au jugement de l’ingénieur pour la sélection finale (voir également l’Encadré 5.24).
NOTE : les formules de dimensionnement données ci-dessous sont avant tout destinées aux phases
2
de dimensionnement préliminaire et des études sur modèles physiques peuvent être nécessaires
dans de nombreux cas.
Pilarczyk
Pilarczyk (1995) a proposé une relation unique entre la taille requise de l'enrochement et les 3
paramètres hydrauliques et structurels, résultat du regroupement de différentes formules de
dimensionnement. Des facteurs et coefficients spécifiques ont été ajoutés à la formule
d’Isbash/Shields pour parvenir à l’Équation 5.219. Cette formule de dimensionnement permet
une évaluation préliminaire du rip-rap et d’autres éléments de protection destinés à résister à l’at-
taque des courants.
4
(5.219)
où
D = taille caractéristique de l’élément de protection, Dn50 pour l'enrochement naturel (m) ;
φsc = coefficient de correction de la stabilité (-) ;
5
Δ = densité relative déjaugée de l’élément de protection (-) ;
ψcr = paramètre de mobilité de l’élément de protection (-) ;
kt = facteur de turbulence (-), pour plus de détails, se reporter également à la Section 5.2.1.3 ;
kh = facteur du profil de vitesse (-) ;
ksl = facteur du talus latéral (-), pour plus de détails, se reporter également à la Section 5.2.1.3; 6
U = vitesse d’écoulement moyennée sur la profondeur (m/s).
Les relations permettant de déterminer la stabilité hydraulique des éléments de protection repo-
sent sur l’hypothèse de couches continues. Toutefois, dans la pratique, l’enrochement n’est pas
placé sous la forme d’une couche infiniment continue et il existe des transitions, par exemple aux
extrémités ou entre les gabions. Inclure le coefficient de correction de la stabilité permet de tenir 8
compte de l’influence de la géométrie des transitions – et des différentes actions hydrauliques
associées. Les valeurs énoncées dans le Tableau 5.54 sont des valeurs indicatives qui peuvent être
appliquées pour obtenir un prédimensionnement. Pour des systèmes moins stables qu’une cou-
che d’enrochement continue, φsc > 1.
Le facteur du profil de vitesse, kh (-), est lié au coefficient de profondeur, Λh (-), présenté dans la
Section 5.2.1.8. La relation est donnée par l’Équation 5.220.
(5.220)
En règle générale, le coefficient de profondeur, Λh (-), est défini par l’Équation 5.125 (Section
5.2.1.8), mais pour des cas où, par exemple, l’ouvrage en enrochement est relativement court
(près des transitions) le profil de vitesse logarithmique n’est pas complètement développé, ce qui
entraîne des vitesses plus élevées près du fond. Le Tableau 5.54 présente les formules pour un
profil de vitesse complètement développé et pour un profil partiellement développé, c’est-à-dire
pour les Équations 5.221 et 5.222, respectivement.
Tableau 5.54 Règles de dimensionnement pour les paramètres de la formule de Pilarczyk (Équation 5.219)
(5.221)
où h = hauteur d’eau (m) et ks = rugosité (m) ; ks = 1 à 3Dn50 pour le rip-rap et
l’enrochement naturel ; pour les écoulements turbulents superficiels (h/D < 5),
on peut appliquer kh ≅ 1
• Profil de vitesse partiellement développé :
(5.222)
Facteur de réduction lié à la Le facteur de réduction lié à la pente est défini comme le produit de deux ter-
pente ksl mes : un facteur lié à la pente perpendiculaire à la direction de l’écoulement kd,
et un facteur lié à la pente parallèle à la direction de l’écoulement kl :
ksl = kd kl
où kd = (1 - (sin2α/sin2φ))0.5 et kl = sin(φ -β) / (sinφ) ; α est l’angle du talus (°),
φ est l’angle de repos de l'enrochement (°) et β est l’angle dans le sens longi-
tudinal (°), voir également la Section 5.2.1.3.
Escarameia et May
Escarameia et May (1992) ont proposé une équation du type de celle d’Isbash (voir la Section
5.1.2.4), dans laquelle les effets de la turbulence de l’écoulement sont intégralement quantifiés.
Cela peut être particulièrement utile dans des situations où les niveaux de turbulence sont plus
élevés que la normale (voir la Section 4.3.2.5) : près des aménagements fluviaux, autour des piles
de ponts, des batardeaux et des caissons, en aval des ouvrages hydrauliques (vannes, barrages
mobiles, déversoirs, galeries), aux endroits où le niveau du fond varie ou lors de brusques chan-
gements de sens de l’écoulement. L’Équation 5.223 donne la relation entre la taille médiane de
670 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
l'enrochement, Dn50, et les paramètres hydrauliques et structurels ; elle fournit une enveloppe 1
pour les données expérimentales utilisées dans son calcul et est valable pour des fonds plats et
des talus dont la pente n’excède pas 2H/1V. Les données obtenues en laboratoire ont été vérifiées
par rapport aux mesures réelles du niveau de turbulence de la Tamise avec des hauteurs d’eau
comprises entre 1 et 4 m.
(5.223) 2
où cT = coefficient de turbulence (-) et ub = vitesse près du fond, c’est-à-dire à 10 % de la hauteur
d'eau au-dessus du fond (m/s).
Le Tableau 5.55 indique comment utiliser l’Équation 5.223. Dans le Tableau 5.56 figurent certai-
nes valeurs particulières de l’intensité de la turbulence, que l’on peut prendre en compte en l’ab- 3
sence d’informations propres au site. Pour plus d’informations sur l’élaboration et l’utilisation de
cette équation, se reporter à Escarameia et May (1995) et à Escarameia (1998).
8
Maynord
(5.224)
10
CETMEF 671
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
où
fg = facteur de gradation de l'enrochement, = D85/D15 ;
Sf = coefficient de sécurité (-) ;
Cst = coefficient de stabilité (-) ;
Cv = coefficient de distribution de la vitesse (-) ;
CT = coefficient d’épaisseur du tapis (-) ;
h = hauteur d’eau locale (m) ;
Δ = densité relative déjaugée de l'enrochement (-) ;
U = vitesse du courant moyennée sur la profondeur (m/s) ;
ksl = facteur de réduction lié à la pente (-).
Le facteur de distribution de la vitesse est un coefficient empirique qui permet de tenir compte
des effets du profil de vitesse.
Le facteur de réduction lié à la pente est normalement défini par la relation donnée dans la
Section 5.2.1.3 (cette définition est, p. ex., utilisée dans la formule de Pilarczyk – Équation 5.219).
Les résultats indiquent que l’utilisation de ce facteur dans l’Équation 5.224 est sécuritaire,
Maynord recommande donc une autre relation, donnée ici par l’Équation 5.225.
Tableau 5.57 Règles de dimensionnement pour les paramètres de l’Équation 5.224 de Maynord
672 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
L’Encadré 5.24 présente une comparaison des trois formules de stabilité abordées ci-dessus, pour 1
une hauteur d’eau fixe de 4 m. Pour des niveaux de turbulence normaux, les différences entre les
résultats des trois formules de dimensionnement sont plutôt minimes. Pour un niveau de turbu-
lence plus élevé, la méthode proposée par Escarameia et May (Équation 5.223) tend à donner des
tailles d'enrochement plus grandes que les deux autres méthodes de Pilarczyk (Équation 5.219)
et Maynord (Équation 5.224). Pour une analyse complémentaire, voir l’Encadré 5.24.
Encadré 5.24 Comparaison des formules de stabilité de Pilarczyk, Escarameia et May et Maynord
2
Les trois formules de stabilité analysées ci-dessus sont comparées pour une hauteur d’eau h = 4 m, avec
pour objectif d’illustrer dans quelle mesure, et pour quelles conditions, les résultats de ces trois méthodes dif-
fèrent. Les trois équations de stabilité sont les suivantes : Pilarczyk : Équation 5.219 ; Escarameia et May :
Équation 5.223 ; Maynord : Équation 5.224.
Niveau de turbulence normal (voir la Figure 5.93) : 3
Lorsque la turbulence est normale (biefs de rivière rectilignes, coudes peu marqués), les trois équations don-
nent des résultats assez comparables, les éventuelles différences étant essentiellement liées aux coefficients
de sécurité intégrés dans les équations. Par exemple, l’équation de Maynord fait appel à une valeur constante
du coefficient de sécurité (Sf = 1.1), tandis que la méthode de dimensionnement d’Escarameia et May (Équa-
tion 5.223) repose sur l’enveloppe de toutes les données expérimentales.
Figure 5.93 Stabilité du rip-rap soumis à l’attaque des courants dans des conditions de turbulence 6
normale ; kt2 = 1 dans l’Eq. 5.219 ; r = 0.12 dans l’Eq. 5.223 et Cv = 1.0 dans l’Eq 5.224
Figure 5.94 Stabilité du rip-rap soumis à l’attaque des courants dans des conditions de turbulence
accrue ; kt2 = 1.5 dans l’Eq. 5.219 ; r = 0.2 dans l’Eq. 5.223 et Cv = 1.25 dans l’Eq. 5.224 10
CETMEF 673
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
L’action d’un vent fort soutenu sur des plans d’eau peut entraîner la formation de courants et de
vagues. Comme cela a été mentionné à la Section 4.3, les courants induits par le vent sont géné-
ralement négligeables lors du dimensionnement d’une protection en enrochement. Les condi-
tions aux limites hydrauliques liées à la houle sont analysées à la Section 4.2.4, tandis que les
interactions hydrauliques qui en découlent, y compris les paramètres dimensionnant, sont abor-
dées à la Section 5.1.1.
Les mouvements d’eau induits par la navigation sont à l’origine d’un type d'actions qui s’exerce
fréquemment sur les berges des rivières et des canaux. Les vitesses et les hauteurs de vagues
résultant des courants de retour, des abaissements de niveaux d’eau, des ondes de poupe trans-
versales, des crêtes d’interférence (ou d'ondes secondaires induites par la navigation) et des jets
des hélices, déterminent la taille requise des éléments protecteurs. Les conditions aux limites liées
aux mouvements des navires peuvent être déterminées grâce aux outils présentés à la Section
4.3.4. À l’aide de ces conditions aux limites, il est possible d’évaluer la stabilité des éléments de la
carapace d’une protection de berge avec un ensemble de relations de stabilité spécifiques, qui
sont données ici. À des fins de comparaison, certaines données propres à d’autres systèmes sont
également incluses.
La stabilité du rip-rap soumis à l’attaque des courants induits par la navigation d'une vitesse
moyennée sur la profondeur, U′ (m/s), peut être vérifiée à l’aide d’une formule purement empi-
rique (basée sur les travaux d’Isbash), présentée ici sous la forme de l’Équation 5.226 :
(5.226)
où D50 est le diamètre médian de l'enrochement (m), ksl le coefficient lié à la pente (-) et kt2 le
facteur de turbulence (-) ; ces deux facteurs sont définis à la Section 5.2.1.3.
La vitesse moyennée sur la profondeur, U′, peut être remplacée par Ur pour les courants de
retour et par up pour les jets d'hélices. Les courants de retour peuvent être calculés à l’aide des
formules données à la Section 4.3.4.1. Dans l’Équation 5.226, la valeur kt2 = 1.4 à 1.6 équivaut à
un facteur de turbulence.
Les vitesses des jets d'hélices peuvent être calculées à l’aide des Équations 4.187 à 4.190, qui figu-
rent à la Section 4.3.4.3. Pour les situations normales dans lesquelles les navires ne sont pas tota-
lement chargés et où la position d’accostage n’est pas toujours la même, on peut utiliser la valeur
kt2 = 5.2 dans l’Équation 5.226. Pour les situations dans lesquelles l’impact maximal des jets d'hé-
lices est fréquent et se produit toujours au même endroit, on recommande une valeur plus élevée
de kt2 = 6.
NOTE : ces valeurs du facteur de turbulence sont liées aux valeurs empiriques recommandées à la
Section 4.3.4.3 pour le calcul des vitesses des jets d'hélices.
Les formules d’évaluation de la stabilité des talus en enrochement vis-à-vis des vagues induites
par la navigation sont présentées à la Section 5.2.2.2. La stabilité des revêtements constitués de
gabions et d’enrochements liés face aux vagues induites par la navigation est abordée à la Section
5.2.2.7. Les rapports des groupes de travail 4 et 22 de l'AIPCN (respectivement 1987 et 1997)
donnent de plus amples informations sur le dimensionnement des protections de berges contre
les sollicitations induites par la navigation. Aux Pays Bas, le logiciel DIPRO (DImensioning
PROtections) a été développé pour la conception de revêtements résistant aux actions hydrauli-
ques induites par la navigation.
674 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Les actions qui s’exercent sur les ouvrages de fond proviennent de la houle, des courants ou d’une 5
combinaison de houle et de courants. On dispose de peu d’informations relatives à la stabilité des
ouvrages de fond dans des situations où l’approche de la houle ou des courants se fait sous un
angle autre que perpendiculaire.
Cette section porte principalement sur la stabilité des ouvrages de fond soumis à la seule action
des courants. La stabilité des ouvrages de fond soumis à l’action de la houle ou de la houle asso-
ciée à un courant arrière (c’est-à-dire un courant allant dans la même direction que la houle) est
6
traitée à la Section 5.2.2.5.
La vitesse du courant moyennée sur la profondeur, U (m/s), au-dessus d’un ouvrage de fond peut
être calculée à l’aide de l’Équation 5.227 :
7
(5.227)
où
q = débit spécifique (m3/s par m) ; 8
hc = hauteur d’eau au-dessus de la crête (m) ;
μ = coefficient de débit (-) ;
h = hauteur d’eau à l’aval par rapport au fond (m), h = hb + d, où d = hauteur de
l’ouvrage (m) ;
hb = hauteur d’eau à l’aval par rapport à la crête immergée du barrage (m), voir égale- 9
ment la Section 5.1.2.3 ;
H = niveau d’énergie à l’amont (m), où H = h1 + Uup2/(2g), où h1 est la hauteur d’eau à
l’amont (m), Uup est la vitesse du courant à l’amont moyennée sur la profondeur,
= q/h1 (m/s).
La valeur de μ varie entre 0.9 et 1.1. L’Équation 5.227 est valable dans des conditions de régime
fluvial. Cela est généralement le cas si la hauteur relative de l’ouvrage d/h est inférieure à 0.33,
10
où d = hauteur de l’ouvrage (m).
CETMEF 675
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Concernant la stabilité des enrochements d'un ouvrage de fond soumis à la seule action des cou-
rants, le début du mouvement des enrochements est un critère de dimensionnement important.
Dans la mesure où l'action des courants sur l’ouvrage s’exerce à un niveau plus ou moins
constant, en particulier si on la compare à celle de la houle, il ne faut pas dépasser une certaine
vitesse critique. Les formules d’Hoffmans et Akkerman (1999) reposent sur le paramètre de
Shields calculé à partir d’une vitesse U de ce type (voir l’Équation 5.227). L’Équation 5.228 donne
la relation entre le diamètre de tamis requis de l’enrochement, D50 (m), et les paramètres hydrau-
liques et structurels correspondants :
(5.228)
où ψcr = paramètre de Shields (-) et r0 = intensité de la turbulence (-) ; r0 = σ /u, où σ est l’écart-
type de la vitesse du courant moyennée sur le temps u (m/s), défini plus précisément par
l’Équation 5.229 :
(5.229)
où C est le coefficient de Chézy (m1/2/s) (voir les Équations 4.131 à 4.133 à la Section 4.3.2, ainsi
que la Section 5.2.1.8 pour les relations de transfert), et cs un coefficient lié à l’ouvrage (-), défini
par l’Équation 5.230 :
(5.230)
où ck est le coefficient de turbulence lié à l’ouvrage (-) et d la hauteur de l’ouvrage (m). Pour les
valeurs de ck (donc de cs), se reporter aux paragraphes ci-dessous.
Les Équations 5.228 à 5.230 établies par Hoffmans et Akkerman (1999) tiennent compte de la
turbulence. Ces formules empiriques conviennent très bien aux conditions d’écoulement unifor-
mes ou non-uniformes, bien que le facteur de 0.7 dans l’Équation 5.228 ne puisse être obtenu que
de manière théorique dans des conditions d’écoulement uniforme.
Dans le cas d’un écoulement uniforme, le paramètre (1.45 g/C2) est d’environ 0.01, ce qui donne
r0 = 0.1, une valeur bien connue. À proximité des ouvrages, les conditions d’écoulement sont non-
uniformes et la turbulence est plus forte. C’est pourquoi le paramètre cs a été introduit ; il dépend
de la hauteur relative de l’ouvrage et de ck. La valeur de ce dernier dépend du type d’ouvrage.
Les essais effectués permettent de recommander une valeur de ck = 0.025. Pour d/h = 0.33 (hau-
teur maximale de l'ouvrage), la valeur de cs devient environ 0.056 et, par conséquent, la valeur de
r0 devient environ 0.26. Pour le dimensionnement, il est recommandé de ne pas dépasser une
valeur du paramètre de Shields de ψ = 0.035.
Une protection adéquate de pied d’un talus ou d’une berge est essentielle pour sa stabilité, dans
la mesure où de nombreux mécanismes de rupture résultent d’une perte de résistance à la base
du talus (voir la Section 5.4). Si la protection du fond et des berges n’est pas continue, il existe
deux façons de garantir la protection du pied : en plaçant assez de matériaux à une profondeur
suffisante pour prendre en considération la profondeur d’affouillement maximale prévue, ou en
installant un revêtement flexible (comme le rip-rap) qui continuera à protéger le pied pendant
l’évolution de la fosse d’affouillement. Au vu de ce qui précède, il est évident que l’estimation de
l’affouillement peut constituer une étape importante dans le dimensionnement d’ouvrages en
enrochement stables.
Les équations de stabilité utilisées pour le dimensionnement des revêtements de fond et de talus
sont également applicables au dimensionnement de la protection de pied, les éventuelles diffé-
rences étant principalement dues à des considérations de construction telles que l’épaisseur de la
676 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Sédiments cohésifs
L’interaction physico-chimique entre les particules joue un rôle important dans la résistance
hydraulique (érodabilité) des sédiments cohésifs. Pour l’instant, la détermination de la vitesse cri- 5
tique repose encore largement sur des données empiriques issues de différentes expériences et
observations in situ. Les connaissances dont on dispose sur la corrélation entre ψcr (facteur de sta-
bilité de type Shields) et / ou de la vitesse du courant critique, Ucr, et les propriétés mécaniques
du sol (teneur en limon, indice de plasticité, cohésion au scissomètre, etc.) sont encore insuffisan-
tes pour permettre de déterminer une approche générale. Les matériaux cohésifs tels que l’argile
présentent habituellement une résistance à l’érosion supérieure à celle des matériaux non-cohé-
sifs. À titre indicatif, les valeurs de Ucr suivantes peuvent être utilisées :
6
• argile assez compacte (indice des vides e = 0.5) Ucr = 0.8 m/s ;
Ces valeurs donnent une première approximation de la résistance à l’érosion des différents sous-
sols. Pour les projets de grande envergure, il est recommandé soit de vérifier l’estimation de
vitesse en laboratoire, soit de construire une section-test. D’autres informations sont disponibles
8
dans Ven te Chow (1959), Sleath (1984), Huis in’t Veld (1987), Hoffmans et Verheij (1997) et
Pilarczyk (1998). Les consignes néerlandaises concernant l’application d’argile pour la construc-
tion et la protection des digues (incluant des matelas d’herbe), (TAW, 1996) et les publications du
CIRIA sur les déversoirs enherbés (Whitehead, 1976 et Hewlett et al., 1987) peuvent également
constituer des sources utiles pour résoudre certains problèmes pratiques.
9
5.2.3.4 Filtres et géotextiles
Bien que la carapace d’une protection de berge ou de talus soit directement exposée aux courants
et aux forces de traînée, de portance et d’abrasion qui en résultent, certaines des conditions les
plus critiques se produisent au niveau de l’interface entre la carapace et le sol sous-jacent. Ces
conditions sont influencées par les relations entre les propriétés du sol sur lequel reposent l’ou- 10
CETMEF 677
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
vrage et celles de la carapace, à savoir la perméabilité et la taille des éléments. Si l’on ne tient pas
correctement compte de la nécessité de placer une transition entre la carapace et les particules
du sol plus fines, on risque d’être confronté à une rupture de berge. La transition prend généra-
lement la forme d’un filtre granulaire ou d’un géotextile.
Les filtres ont deux fonctions principales : éviter la migration des particules fines à travers la cou-
che en enrochement et permettre l’écoulement de l’eau depuis le fond ou la berge vers le plan
d’eau (et inversement, dans certains cas), par les interstices présents entre les éléments. Ils peu-
vent également avoir d’autres fonctions importantes telles que celle de séparer les couches ou de
régler le sol sur lequel repose l’ouvrage, ce qui permet de placer la carapace de manière plus aisée
et plus régulière. Ils peuvent également constituer un chemin d'écoulement préférentiel. Dans ce
cas, il est essentiel de prendre des mesures adéquates favorisant l’écoulement de l’eau à travers
des ouvertures suffisamment larges dans la carapace ou via des barbacanes dans le cas de cara-
paces imperméables.
La Section 5.4.3.6 contient des informations concernant le dimensionnement des filtres granulai-
res et des géotextiles.
Cette section traite de la stabilité hydraulique des ouvrages en enrochement vis-à-vis de l’attaque
des courants. L’hydraulique associée à ce type d’ouvrages est analysée à la Section 5.1.2.3.
Les deux méthodes de fermeture (verticale et horizontale) sont évaluées ci-après. La structure et
le contenu de cette section peuvent se résumer comme suit : après le passage en revue des paramè-
tres de dimensionnement hydrauliques et structurels concernés, des règles de dimensionnement
sont données pour différents aspects et propriétés liés à la stabilité des barrages en enrochement :
• méthode de fermeture horizontale, avec une attention particulière portée à la relation entre la
stabilité et la perte de matériaux ;
• problèmes liés à la fermeture, tels que la protection de l’aval, les effets tridimensionnels, etc.
La stabilité hydraulique de l’enrochement soumis aux courants est évaluée à l’aide des valeurs
critiques des paramètres de dimensionnement (voir la Section 5.2.1). Pour des raisons pratiques,
les nombres adimensionnels correspondants sont à nouveau énoncés ci-après.
NOTE : dans cette section, D doit s’entendre comme D = Dn50 à moins que d’autres définitions ne
soient explicitement données (voir également la Figure 5.96) :
débit critique
678 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
5
Figure 5.96 Schéma explicatif
Il faut savoir que lors de la construction d’un barrage en enrochement, le régime d’écoulement ins-
tantané dépend du type de barrage (franchissement ou à travers le barrage, voir la Figure 5.20), de
la hauteur de crête et bien entendu des conditions aux limites hydrauliques (H et hb). C’est pour-
quoi le concepteur doit étudier les différentes étapes de la construction et identifier toutes les 6
situations critiques lors du processus de fermeture afin d’établir la stabilité de l’enrochement.
La stabilité de l’enrochement dans le cas d’une fermeture verticale doit être évaluée à l’aide des
quatre régimes d’écoulement définis à la Section 5.1.2.3 en fonction du paramètre à l’aval 7
hb/(ΔDn50). Ceci implique que hb/(ΔDn50) est le paramètre indépendant, auquel sont liés les para-
mètres de stabilité (hb est défini par rapport à la crête du barrage, voir la Figure 5.96). La valeur
réelle de hb/(ΔDn50) détermine quel est le régime d’écoulement type qui convient à un moment
donné (voir la Figure 5.20). Selon le régime, le débit spécifique, q, les vitesses, U, ou la contrainte
de cisaillement de Shields, ψ, doivent être comparés à leurs valeurs critiques respectives. q, U et
ψ peuvent être calculés à l’aide des méthodes présentées à la Section 5.1.2.3. 8
Dans le cadre de l’application de la méthode de fermeture verticale, divers concepts de stabilité
et critères de stabilité hydraulique ont déjà été présentés à la Section 5.1.2.3, sur la base d’un
concept lié soit au débit (Knauss, 1979 ; Olivier et Carlier, 1986), soit à la vitesse (Isbash, 1959),
soit au cisaillement. L’évaluation de 34 fermetures de rivières par Olivier et Carlier (1986) mon-
tre que la fermeture finale s’est déroulée dans des conditions qui peuvent – en moyenne – être
exprimées par H/(ΔDn50) = 2, U2/(2gΔDn50) = 1 et = 1.8. Chaque cas pris isolément
9
montre toutefois des différences considérables par rapport à ces valeurs.
En ce qui concerne la méthode de fermeture verticale, on donnera tout d’abord des relations
générales puis des formules de dimensionnement applicables à chacun des quatre principaux
régimes d’écoulement (voir également le résumé du Tableau 5.58).
10
CETMEF 679
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Tableau 5.58 Résumé des critères de dimensionnement dans le cas des fermetures verticales
Écoulement de • (H-hb) au lieu de H Figure 5.99 • ajustement moyen (q) Figure 5.98
type « barrage
bas » Crête anguleuse : • U 2/(2gΔDn50) 0.7 à 1.4
hb/(ΔDn50) > 4 hb/(ΔDn50) < 10 3 avec U = q/h0
hb/(ΔDn50) > 10 2 et hb dans C
Crête : C de l’Équation 4.132
mince/épaisse 1.5 à 2
arrondie 2
très épaisse 2à3 • ψcr (Shields) Figure 5.32
Écoulement inter- • ajustement moyen (H) Figure 5.97 • ajustement moyen (q) Figure 5.98
médiaire
-1 < hb/(ΔDn50) < 4 • (H-hb) au lieu de H Figure 5.99
Écoulement de • ajustement moyen (H) Figure 5.97 • ajustement moyen (q) Figure 5.98
type « barrage
haut »
• (H-hb) au lieu de H Figure 5.99 • Knauss 1.18 + 0.5φp
hb/(ΔDn50) < -1 -1.87 sinα
• Knauss 1.51/μ0.67 (1.49 – Talus : tanα = 1/3 à 1/2
1.87 sinα)0.67
de q → H • ajustement moyen (q) Figure 5.100
à l’aide de l’Équation 5.85 courbe prévisionnelle
μ des Équations 5.232 et pour les talus
5.233 tanα = 1/12 à 1/2
influence de Dn50/d
Les relations de stabilité générales ont été établies pour des conceptions indicatives de barrages
en enrochement, à la fois pour le critère en H et pour le critère en q (Figures 5.97 et 5.98). Ces
relations fournissent des critères de dimensionnement pratiques pour tous les régimes d’écoule-
ment et pour une grande variété de barrages, quelle que soit la spécificité de leur section. Les
courbes de dimensionnement reposent sur toutes les données issues des essais menés à Delft
Hydraulics. Les ajustements polynomiaux correspondants de H/(ΔDn50) et par
rapport à hb/(ΔDn50) sont également donnés.
Les critères de dimensionnement présentés au Tableau 5.58 tiennent compte du régime d'écou-
lement. Des critères de stabilité plus spécifiques, pour les régimes d’écoulement successifs au
cours de la construction, sont définis ci-dessous. Des formules spécifiques, ayant pour objectif un
dimensionnement plus détaillé de sections particulières (également étudiées ci-dessous) n’ont
pas, à ce jour, donné de résultats plus fiables.
680 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
5
Il faut en outre noter que la précision des relations varie en fonction des régimes d’écoulement.
Le critère en q est plus précis pour les barrages de type « bas » (phase initiale de la construction
du barrage), tandis que le critère en H est plus précis pour les barrages de type « haut » (phases
finales de la construction). L’Encadré 5.25 traite de manière plus exhaustive de l’applicabilité de
ces critères.
10
CETMEF 681
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Étant donné que H-hb ∝ U2 (voir les Équations 5.90 et 5.91 dans la Section 5.1.2.3), on pourrait
conclure des données de la Figure 5.99 qu’il est possible d’utiliser, pour le calcul de la stabilité
avec un écoulement de type « barrage bas », un critère de vitesse U2/(2gΔDn50) qui augmente légè-
rement de 2 pour hb /(ΔDn50) = 0 à 3 pour hb /(ΔDn50) = 20.
On peut également revenir à la Figure 5.99. En supposant que, pour hb /(ΔDn50) < 0, le régime est
dénoyé, le gradient de la courbe est -3/4 et la valeur d’intersection est 2. Avec Y = -3/4 X + 2, pour
X = hb /(ΔDn50) = 0, la Figure 5.99 implique que U2/(2gΔDn50) ≅ 2/3, ce qui coïncide pratiquement
avec le critère d’Isbash pour les blocs exposés (Équation 5.120 dans la Section 5.2.1.4).
NOTE : l’utilisation du critère d’Isbash pour des enrochements fortement encastrés (Équation
5.121 applicable uniquement aux barrages à crête épaisse) peut être à l’origine d’une sous-esti-
mation de la vitesse d’écoulement critique, lorsqu’on l’applique aux cas suivants :
Toutefois, lorsque, au lieu d’utiliser Uc, on remplace U par une valeur calculée à partir du ratio
entre le débit théorique, , et la hauteur d’eau réelle à l’aval, hb, on peut com-
penser dans une certaine mesure la sous-estimation de la vitesse réelle d’écoulement, à condition
d’ajouter une correction de la hauteur d’eau (pratique) égale à Dn50 (remplacer hb par hb + Dn50)
pour tenir compte de la pénétration de l’écoulement. Le même principe s’applique à la transfor-
mation du critère d’Isbash en critère de débit, lorsque l’on remplace q par Uhb.
682 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
où φp = coefficient de densité de pose (-) ; pour l’enrochement naturel déversé : φp ≅ 0.6 et pour
les enrochements placés individuellement : φp = 1.1. 4
Dans l’Équation 5.231, q est le débit total (par-dessus et à travers le barrage, voir la Figure 5.100).
L’Équation 5.231, basée sur un talus de pente comprise entre 2/1 et 3/1, semble constituer une
approche trop conservatrice pour les pentes de talus plus raides. Le critère en q peut être trans-
formé en un critère en H à l’aide de l’Équation 5.85 (voir la Section 5.1.2.3), où les coefficients
de débit, μ (-), doivent être remplacés par les valeurs de μ suivantes, qui proviennent des Équa-
tions 5.232 et 5.233 pour des crêtes épaisses et minces, respectivement :
5
pour une crête épaisse : B/Dn50 > 10 (5.232)
La détermination des caractéristiques de débit est importante dans cette zone d’écoulement de
type « barrage haut », à cause de l’influence prépondérante de la porosité (Dn50/d). Une méthode
de calcul simple engendre souvent trop d’écarts pour être utile dans la pratique. Il faut envisager
la possibilité de mesurer le débit à l’aide d’une modélisation à échelle réduite, pour le dimension-
nement de certains types de barrages.
La situation d’écoulement à travers l’ouvrage est normalement stable, si le talus intérieur n’est
pas trop raide, du fait de la forte réduction du débit (pas de franchissement). Dans le cas d’un bar-
rage dont le talus est très abrupt, présentant par exemple un angle de talus proche de l'angle de
repos φ, environ 1.25H/1V, les résultats expérimentaux de Prajapati (1981) ont permis d’obtenir
un critère de stabilité. La relation empirique entre le débit adimensionnel et les paramètres
hydrauliques et structurels est donnée par l’Équation 5.234 :
(5.234)
Dans la mesure où l’Équation 5.234 fait référence à des essais spécifiques (avec une pente cot α
= 1.25 ou α = 39° et φ ≅ 40°), une remarque s’impose concernant son applicabilité à d’autres pen-
tes de talus. En règle générale, on considère que des débits, q, plus élevés peuvent être autorisés
sur des talus moins raides (valeurs de tan α moins élevées). Pour une première approximation
dans le cas de talus de l’ordre de 20° < α < 39° (2.75 < cotα < 1.25), on peut supposer l’applica-
tion d’un coefficient de correction, kqα (-), qui varie linéairement entre α = 20° et 39°. Dans le cas
d’un débit acceptable d’environ 20 fois la valeur donnée par l’Équation 5.234 pour un talus de 20°
(cot α = 2.75), le coefficient de correction kqα (≥ 1) de l’Équation 5.234 peut être exprimé sous la
forme de l’Équation 5.235 :
(5.235)
La Figure 5.102 (pour hb/(ΔDn50) < -4) représente un tracé du critère de charge hydraulique en
H, qui inclut les résultats des essais. Il est à noter que, pour hb/(ΔDn50) > -1, la courbe de la Figure
5.97 est incluse pour montrer la transition pour H = 0. La courbe ajustée pour hb/(ΔDn50) < -4 est
exprimée par l’Équation 5.236, qui peut être reformulée en fonction de la différence de charge
hydraulique (H-hb).
(5.236)
684 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Figure 5.102 Critère de stabilité H étendu à des conditions d’écoulement à travers l’ouvrage
L’hypothèse, d’après la loi de Darcy, q = k i (voir la Section 5.4.4.4), selon laquelle l’écoulement
à travers l’ouvrage est proportionnel à i = (H-hb)/(-hb), étaye le principe fondamental des formu- 4
les ci-dessus. Celles-ci indiquent que, pour une différence de hauteur constante, la stabilité aug-
mente lorsque la hauteur d’eau à l’aval, hb, est moins élevée.
Les deux critères en q et H sont valables pour des valeurs du diamètre relatif des enrochements
Dn50/d comprises entre 0.02 et 0.05, ce qui implique qu’ils sont tous les deux valables pour des bar-
rages constitués de matériaux relativement fins. 5
Comparaison des différentes formules de dimensionnement pour la méthode de fermeture verticale
Les différentes formules de dimensionnement sont résumées au Tableau 5.57. Les domaines d’es-
sais de ces formules empiriques constituent une source d’incertitude considérable lors du choix
d’une formule de stabilité spécifique, voir par exemple Abt et Johnson (1991), Hartung et
Scheuerlein (1970), Knauss (1979), Olivier (1967) et Stephenson (1979). Si plusieurs paramètres
6
entrent en ligne de compte, notamment, il est probable que les conditions des essais ne corres-
pondent pas parfaitement au problème qui se pose. De plus, il n’est pas tenu compte des effets
des profils des vitesses non-développés (p. ex. en cas de contractions locales de l’écoulement) et/
ou d’une turbulence excessive. Quelques tendances générales et caractéristiques classiques tirées
des exemples de calcul sont énumérées ci-dessous.
7
Le cisaillement ou critère en ψ (Shields) dépend fortement de l’exactitude des calculs du coeffi-
cient de résistance, C, par exemple d’après Chézy, Strickler ou Manning (voir la Section 4.3.2).
Ces coefficients dépendent eux-mêmes largement de la pertinence du choix de la rugosité rela-
tive ks/Dn50 (voir la Section 4.3.2.3). Lorsque, par exemple, C est calculé grâce à la formule C = 18
log(12h/ks) (Équation 4.132) avec ks /Dn50 = 4, le résultat en termes de taille de l'enrochement,
Dn50, peut en grande partie être décrit comme suit : 8
• régime de type « barrage bas » (hb/(ΔDn50) > 4) : fiable et meilleur que les critères de vitesse
• régime intermédiaire positif (0 < hb/(ΔDn50) < 4) : fiable, pas d’écart notable par rapport aux
résultats moyens obtenus avec le critère en U
• régime intermédiaire négatif (-1 < hb/(ΔDn50) < 0) : généralement environ 50 % plus important 9
que les résultats moyens obtenus avec le critère en U
• régime de type « barrage haut » (hb/(ΔDn50) <-1) : toujours fiable pour -2 < hb/(ΔDn50) <-1,
valeurs pour lesquelles les résultats sont comparables à certains de ceux obtenus à l’aide du
critère en q. N’est plus fiable pour hb/(ΔDn50) <-2, intervalle pour lequel Dn50 est largement
surdimensionné.
10
CETMEF 685
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Le surdimensionnement de Dn50 dans le cas d’un écoulement de barrage « haut » est inhérent à
la description de C selon les Équations 4.132 et 4.133, et est susceptible de se produire lorsque le
critère de Shields est appliqué à de faibles hauteurs d’eau relatives (ici hb/(ΔDn50)).
Le critère de Shields est supérieur pour les écoulements de type « barrage bas », à condition que
l’on se serve de la vitesse locale. Les cas typiques sont un écoulement non-uniforme et une tur-
bulence, pour lesquels seul un critère de vitesse ou de Shields peut, dans une certaine mesure,
donner une estimation raisonnable grâce à des facteurs de corrections appropriés (voir l’Équa-
tion 5.219 à la Section 5.2.3.1). Cette même section explique également comment régler – dans
une certaine mesure – les problèmes qui surviennent lors de l’utilisation de l’Équation 5.219 en
cas de faibles profondeurs.
Les valeurs attribuées au critère en U d’Isbash (Équations 5.120 et 5.121) fournissent une pre-
mière indication fiable de la taille de l'enrochement à utiliser, en particulier pour les écoulements
intermédiaires positifs. L’examen plus approfondi des critères en H (Figure 5.97, p. ex.) corrobore
cette constatation, en particulier pour les hauteurs d’eau proches de hb/(ΔDn50) = 0. Les critères
en U ne fonctionnent pas pour un écoulement de type « barrage haut » ; dans ces conditions, leur
utilisation est fortement déconseillée.
La plupart des critères en q, par exemple ceux de Knauss (donnés ici par l’Équation 5.234),
Olivier (1967), Stephenson (1979) ou Abt et Jonsson (1991) ont été calculés pour des régimes
d’écoulement de type « barrage haut », d'écoulement intermédiaire et, en tant que tels, ils ne doi-
vent pas être utilisés en cas d’écoulement de type « barrage bas ». Pour de nombreuses valeurs
de hb/(ΔDn50), le critère en q de la Figure 5.98 donne des valeurs fiables des dimensions requi-
ses de l'enrochement.
686 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Figure 5.103 Comparaison des critères en U Figure 5.104 Comparaison des critères en q 4
et du critère de Shields
À partir d’une évaluation des fermetures de rivière (Olivier et Carlier, 1986), on peut conclure que les
conditions lors de la fermeture finale peuvent être exprimées en fonction d’une valeur équivalente de
U2/(2gΔDn50). Lorsqu’on distingue les fermetures « sans » et « avec » perte de matériau importante,
les conditions associées semblent être approximativement U2/(2gΔDn50) = 1 et 2, respectivement.
L’Encadré 5.26 présente les données issues d’essais sur modèles applicables à la fermeture hori-
zontale, ainsi qu’une formule ajustée pour ces données.
Encadré 5.26 Stabilité des enrochements de protection d'un talus – utilisation du critère en U
La formule ajustée, proposée ci-dessous, avec les données de la Figure 5.106 peut être reformulée selon la
formule de stabilité générale donnée par l’Équation 5.123 (Section 5.2.1.8), en utilisant :
• U = Ug, vitesse dans la passe de fermeture, dans la zone de dommage prévue (m/s) ;
• ψcr = 0.03 (-), pour la rugosité (dans C), on prend ks = 4D (m) ;
• pour la hauteur d’eau h, on prend la hauteur d’eau locale h2 (m) dans la passe de fermeture.
Les définitions sont disponibles à la Section 5.1.2.3 et aux Figures 5.23 et 5.24. Lorsque l’on connaît la lar-
geur de la passe, b (m), ainsi que le débit total, Q (m3/s), à travers la passe, la vitesse, Ug (m/s), à ce même
endroit est calculée selon le principe de l’Équation 5.94 : . Pour la largeur, b, on prend la
largeur moyennée sur la profondeur de la section transversale la plus avancée (bt est la largeur minimale au
pied) et, comme hauteur d’eau locale, on prend une hauteur « moyenne pondérée » z (m) au niveau de la
zone de dommage prévue. La valeur de z est calculée à partir de la hauteur d’eau à l’amont, h1, qui inclut les
effets de remous, et la hauteur d’eau locale, h2 (m), dans la passe, à l’aide de l’Équation 5.238 :
(5.238)
La hauteur d’eau locale, h2 (m), est soit la hauteur d’eau à l’aval, h3, soit la hauteur de contrôle, hcon, d’après
l’Équation 5.93. Pour compléter l’analyse de la Section 5.1.2.3 sur le coefficient de débit, μ (-), la valeur de
celui-ci peut également être utilisée en association avec la hauteur de contrôle, hcon (m), afin d’évaluer le débit
total, Q (m3/s), d’après l’Équation 5.239.
(5.239)
où μ3 sert à prendre en compte les effets tridimensionnels. La valeur de μ3 pour les données de Naylor (voir
la Figure 5.29 dans la Section 5.1.2.3) est comprise entre μ3 = 0.75 et μ3 = 1.09, avec une valeur moyenne
de μ3 = 0.90.
688 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Au premier abord, ces données montrent que l’on peut utiliser un critère de dimensionnement 1
= 1 à 2 pour la méthode de fermeture horizontale ce qui, en fonction du critère géné-
ral en U (voir la Section 5.2.1.4) correspond à l’Équation 5.237 :
(5.237)
On peut remarquer que ceci étend légèrement le domaine donné par les Équations 5.120 et 5.121
(Section 5.2.1.4). À cause de la méthode de calcul itérative et des problèmes relatifs à la défini-
tion de la hauteur d’eau locale dans la section transversale, une méthode de dimensionnement
2
basée sur la formule de l’Encadré 5.26 peut s’avérer assez peu pratique.
h1 = hauteur d’eau directement en amont du barrage (m), pour les fermetures de riviè-
res, incluant un éventuel effet de surélévation ou de remous (voir la Figure 5.107) ; 4
b0 = largeur totale (initiale) de la passe de fermeture (m) ;
Fro = nombre de Froude de l’écoulement dans le chenal d’approche (-), défini par
5
, où Uo est la vitesse d’écoulement moyenne à l’amont (non-pertur-
bée) (m/s), et ho est la hauteur d’eau à l’amont (m).
La taille de l'enrochement ainsi obtenue est, pour des valeurs données de m et Fro, la taille nomi-
nale médiane adimensionnelle, Dn50/h1, voir la Figure 5.107. L’Encadré 5.27 contient deux cour-
bes qui illustrent les conséquences de l’acceptation d’un certain degré de perte de matériaux. La
6
comparaison des données de Das avec les résultats des essais obtenus par Delft Hydraulics fait
état d’une bonne concordance.
NOTE : les courbes sont tracées avec un nombre de Froude dans le chenal d’approche, Fro, constant
Encadré 5.27 Influence de l’efficacité du déversement sur la taille de l'enrochement dans le cas d’une
fermeture horizontale
Du fait de la force des courants dans la passe de fermeture, une partie du matériau déversé sera transpor-
tée par l’écoulement en dehors de la zone de déversement prévue. Cette partie du matériau est qualifiée
de « perte » et il est possible de définir une efficacité de déversement, ηd, comme le ratio (en masse) entre
la perte et la quantité totale de matériau déversé (mesurées sur des périodes de même durée). Le profil
obtenu et l’attaque correspondante des courants affectent la stabilité des enrochements, comme cela appa-
raît dans la comparaison des courbes de dimensionnement établies pour ηd = 0.8 et ηd = 0.9. Cette der-
nière valeur peut être considérée comme valeur de référence pratique marquant le début de pertes consi-
dérables, et s’applique également à la Figure 5.107. La comparaison montre qu’une augmentation de l’effi-
cacité ηd de 0.8 à 0.9 ne peut se produire qu’au prix d’une augmentation de la taille de l'enrochement de
25 à 100 %. Les valeurs réelles dépendent de la phase relative de la fermeture et du nombre de Froude
calculé en amont de l'ouvrage, Fro (voir la Figure 5.108).
• Stabilité des ouvrages de fermeture en enrochement dans les zones soumises à la marée
Les approches de dimensionnement mentionnées ci-dessus sont avant tout valables pour les
ouvrages de fermeture en enrochement construits en rivière. Dans les estuaires, il faut tenir
compte de l’influence et des effets horizontaux (courants) et verticaux (niveaux d'eau) de la
marée lors de la conception et de la construction de ces ouvrages. Tant que la face avant n’est sou-
mise à aucune déformation causée par une attaque unilatérale des courants pendant une moitié
du cycle des marées, il est possible d’en évaluer la stabilité à l’aide de l’une des équations de
dimensionnement évoquées ci-dessus. La condition critique en termes de débit, de différence de
niveau ou de vitesse doit être évaluée, quel que soit le sens de l’écoulement. S’il advient cepen-
dant que la face avant du barrage se déforme, des mesures spécifiques s’imposent, dans la mesure
où l’on peut également s’attendre à une érosion du fond. En l’absence de protection de fond,
cette situation peut entraîner une forte érosion locale et des pertes considérables de matériaux
près du parement du barrage, au moment des courants contraires.
Le Chapitre 7 développe plus en détail le sujet spécifique de la stabilité du parement des barra-
ges dans des conditions de marée.
• Protection aval
Dans un environnement alluvial, une protection de fond est nécessaire des deux côtés du barrage
de fermeture pour éviter qu'il ne soit miné. Une fosse d’affouillement se creusera à l’aval de la
690 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
protection de fond. Pour garantir la stabilité de l'ouvrage, cette fosse d’affouillement doit être 1
maintenue à une distance suffisante du barrage. Pour obtenir des précisions concernant l’appari-
tion de la fosse d’affouillement et la longueur de la protection de fond nécessaire, il convient de
se reporter aux publications spécialisées, telles que le Scour Manual (guide sur l’affouillement,
Hoffmans et Verheij, 1997).
La protection du fond doit, quant à elle, empêcher que les matériaux constitutifs du fond ne
soient emportés (rôle de filtre). La Section 5.4.3.6 présente les critères de dimensionnement per-
2
mettant d’assurer cette fonction de filtre. Dans la présente section, seul le dimensionnement de
la couche supérieure de la protection du fond est abordé (Figure 5.109).
4
Figure 5.109 Schéma explicatif d’une protection de fond
Pour analyser la stabilité de manière pratique, il est possible d’utiliser le critère général en U de
l’Équation 5.129 à la Section 5.2.1.9. Avec une protection de fond horizontale (ksl = 1) et en l’ab-
sence de houle (kw = 1), il ne reste que les effets de la turbulence à prendre en compte. Hormis
6
la détermination (précise) des vitesses locales, U, le principal problème consiste à définir une
valeur du facteur de turbulence (ou de perturbation) kt.
NOTE : pour ce qui est de la dimension requise de l'enrochement, on considère que Dn50 ∝ kt2 (voir
la Section 5.2.1.3). Le facteur kt dépend de la configuration spécifique de l’écoulement, ce qui, dans
la pratique, signifie que, lors des essais sur modèles, kt peut être déterminé en fonction de la dis-
7
tance à l’aval, x (m), ou adimensionnelle, x/d (-), et de la géométrie de l’ouvrage, d/h (-), b/b0 (-).
À l’aide des résultats de ces essais sur modèles sur une fermeture mixte (diminution progressive
de la distance séparant deux musoirs de barrage sur un seuil), on a déterminé différentes valeurs
indicatives de kt. Les définitions de h, b et b0 se trouvent à la Figure 5.109 ainsi qu'aux Figures
5.23 et 5.24 de la Section 5.1.2.3. Les phases de construction étudiées étaient : d/h = 30 % à 300 % 8
(seuil ; fermeture verticale) et : 1-b/b0 = 0 % à 75 % (musoirs ; fermeture horizontale). Les valeurs
de kt tendent à augmenter de kt = 1.7 pour les seuils les plus bas (d/h ≅ 30 %) à kt = 2.2 pour les
seuils plus élevés (d/h ≅ 90 %). Il est surprenant de constater que l’effet de la phase horizontale
de la fermeture (rapprochement des musoirs) sur la stabilité de la protection de fond est minime.
Les écarts par rapport aux valeurs de kt mentionnés ci-dessus étaient inférieurs ou égaux à 10 %.
Pour les barrages plus élevés (d/h > 100 %), toutefois, la dispersion augmente considérablement 9
et on constate même des valeurs de kt < 1 (pour une phase de fermeture horizontale de 75 %).
En ce qui concerne les variations de kt à l’aval, il a été découvert que la stabilité augmente
effectivement lorsque la distance (adimensionnelle) x/d s’accroît. À une distance de x/d ≅ 15, la
stabilité (en fonction de la hauteur à l’amont H/(ΔDn50)) augmente de 10 % environ, pour d/h
= 30 %, à 100 %, pour d/h = 90 %. Dans la mesure où kt est lié à H (voir la Section 5.2.1.6), 10
on peut supposer que ces pourcentages correspondent à une diminution de la valeur de kt d’un
CETMEF 691
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
facteur de 0.95 et 0.70 pour d/h = 30 % et 90 %, respectivement, par rapport à la valeur mesu-
rée juste à l’arrière du barrage.
Les essais en laboratoires ont donné une indication de la stabilité de la protection de fond par
rapport à celle du barrage. Si la même taille d'enrochement est utilisée pour le fond et pour le
barrage, on définit un coefficient de débit, Fq (-), donné par l’Équation 5.240.
(5.240)
Pour les configurations d’écoulement spécifiques (écoulement concentré du type jets), il faudra
peut-être vérifier les estimations préliminaires basées sur les informations données ci-dessus par
des essais sur modèles.
• Effets 3D
Comme on peut le constater sur les sections transversales de fermeture verticale présentées à la
Figure 5.110, il n’existe pas de situation purement bidimensionnelle dans la pratique. Il faut en
revanche prendre en compte les effets tridimensionnels, par exemple dus à l’influence d’appro-
ches convergentes, de culées, d’extrémités adjacentes de couches d’enrochement non-horizonta-
les, etc. En règle générale, on peut dire que la résistance à l’érosion diminuera du fait de l’aug-
mentation des vitesses locales et de la turbulence. À partir des mesures effectuées par Delft
Hydraulics (Akkerman, 1982), il a été conclu que les effets 3D qui se produisent sont mineurs.
Aucune influence négative n’a été observée sur la stabilité de l’enrochement de la fermeture hori-
zontale en progression ou de la crête de la fermeture verticale (voir la Figure 5.111). À partir
d’une étude sur une fermeture horizontale classique (Naylor, 1976) et de mesures de résistance
autour d’un cylindre vertical (Hjorth, 1975), on a conclu que la zone de dommage potentiel due
à une fermeture horizontale en progression ou à une obstruction de l’écoulement se trouve en
amont du rétrécissement. La Figure 5.111 montre que, dans le cas des études menées par Delft
Hydraulics, la zone de dommage réelle est située sur la ligne de crête à l’aval ou sur le talus inté-
rieur. On peut s’attendre à ce que, pour des hauteurs d’eau relativement plus importantes, par
exemple pour hb/(ΔDn50) > 4 (écoulement de type « barrage bas »), les effets 3D ne soient plus
négligeables. Ils peuvent être prépondérants dans le cas de fermeture mixte ou dans la situation
classique de fermeture horizontale.
Figure 5.110
Exemple de fermeture verti-
cale en conditions réelles
692 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
2
Figure 5.111 Effets 3D mineurs
En cas de dépassement du seuil de stabilité de la protection de fond (p. ex. Ucr, ψcr), cette structure
commence à s’éroder. L’évolution de la profondeur d’érosion peut être décrite en définissant une 3
vitesse d’affouillement, α U (m/s) ; voir également la Section 5.2.1.9 et Hoffmans et Verheij (1997).
Si l’on se reporte à l’Équation 5.131 (Section 5.2.1.9), on peut raisonnablement s’attendre à une
certaine correspondance entre α et le facteur K (-), qui apparaît dans K U (m/s). En réalité, α et
K transforment tous deux la vitesse d’approche moyenne, U (m/s), en « vitesse effective » α U ou
K U (m/s). Il faut également remarquer que le facteur de turbulence, kt, est une composante 4
majeure du facteur K.
Les relations concernant trois types de structures (fermetures horizontales partielles) entourées
d’une protection de fond, ont fait l’objet d’une étude (Ariëns, 1993) :
L’évaluation des résultats des essais a montré que l’utilisation des vitesses locales (Ug dans la
passe d’une fermeture horizontale, p. ex.) combinée à un facteur K (local) donne des valeurs de
K relativement cohérentes. La vitesse locale peut être obtenue en appliquant simplement le prin- 6
cipe de continuité de l’écoulement entre la zone amont et la fermeture. Bien que les valeurs
déterminées pour K fassent apparaître la dispersion expérimentale habituelle (en partie due aux
différences de paramètres tels que la taille des particules, les dimensions de l’ouvrage, la hauteur
d’eau, etc.), il est possible d’identifier certaines variations (voir le Tableau 5.59).
NOTE : lorsque le principe de l’Équation 5.131 est appliqué avec la vitesse d’approche non-pertur- 7
bée, U (m/s), « sans ouvrage », les valeurs trouvées pour K et α sont parfois considérablement plus
élevées et toujours plus dispersées. Il semble donc préférable d’utiliser les vitesses locales (si cel-
les-ci peuvent être déterminées).
Batardeau 15 2 3.5 à 5
10
CETMEF 693
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
5.2.4.1 Introduction
Dans les zones froides situées au large des côtes, les ouvrages maritimes doivent résister à la glace
qui exerce généralement des actions souvent aussi importantes – voire plus – que celles de la
houle et des courants. Pendant de nombreuses années, les ouvrages les plus usuels construits dans
les eaux envahies par les glaces étaient des ponts. Depuis la découverte de pétrole en Alaska dans
les années 1960, l’intérêt pour les questions liées à la glace, ainsi que l’expérience dans ce
domaine, ont fortement progressé. De nombreuses îles artificielles ont été bâties avec succès et il
est très probable que de nouvelles évolutions verront le jour dans les zones froides situées au
large des côtes.
Outre les îles artificielles, il est possible de bâtir d’autres types d’ouvrages tels que des murs de
quais, des digues portuaires, des caissons, des phares, des éoliennes etc. Cette section abordera
principalement les ouvrages à talus de grande taille, construits en enrochement.
L’enrochement utilisé dans les environnements marins froids doit être capable de résister aux for-
ces induites à la fois par la houle et par la glace. Le dimensionnement de revêtements et de digues
en enrochement capables de résister à l’action de la houle ou des courants est plutôt bien maî-
trisé. Bien que l’enrochement naturel ait été utilisé avec succès dans l’Arctique pendant des
années, les conditions environnementales et les forces de la glace qui s’appliquent sur chaque bloc
d'enrochement protecteur sont moins bien comprises que les forces induites par la houle.
Dans cette section, les recommandations sont présentées sous forme d’exemples et reposent sur
des publications et des codes qui ont été établis et utilisés au cours des dernières décennies. Le
contenu du présent guide ne peut pas être suffisamment détaillé pour couvrir intégralement le
sujet des actions dues à la glace. Pour obtenir des règles de dimensionnement supplémentaires, il
est donc souhaitable de consulter des experts en interactions entre les ouvrages et la glace.
L’un des problèmes majeurs qui se posent au cours du dimensionnement d’ouvrages situés au
large des côtes dans des eaux envahies par les glaces est la détermination des différents cas de
charges dues à la glace (voir la Section 4.5). La glace apparaît sous de nombreuses formes : glace
de première année ou glace cristallique, glace empilée, moellon de glace, iceberg, petite plaque de
glace flottante. Chaque forme ou chaque combinaison de formes exerce une action différente sur
l’ouvrage. Les mécanismes de rupture de l’ouvrage varient en fonction de l’interaction qui se pro-
duit entre la glace et l'ouvrage. La glace, quant à elle, peut se briser de différentes manières : écra-
sement, flexion, flambage et cisaillement.
Il existe trois mécanismes de base suivant lesquels la poussée des glaces peut s’exercer sur un
ouvrage :
La force d’écrasement du champ proche est appelée « approche de la charge-limite » tandis que
la force de rupture du champ éloigné est appelée « approche de la force motrice-limite ». La force
réelle exercée sur l’ouvrage et associée à l’impact de glace quasi-statique ou en mouvement très
lent ne dépassera pas la moindre des deux. Au cours de la saison des eaux libres, il faut prendre
en considération l’influence des grandes plaques de glace flottante. En cas d’impact, cette éner-
gie peut être dissipée via plusieurs mécanismes : rupture de la glace, énergie potentielle, rotation
et translation, etc. Ces mécanismes ne sont pas nécessairement exclusifs et peuvent se produire
simultanément. Pour les calculs de la force motrice-limite et du mouvement-limite, se reporter à
Gerwick (1990).
694 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Les algorithmes relatifs aux actions dues à la glace contiennent toujours un paramètre de « résis- 1
tance ». Trois modes de rupture s’appliquent à l’interaction entre la glace cristallique et les ouvra-
ges de grande envergure : la flexion, l’écrasement et l’amoncellement de moellons de glace. À la
base, l'action de la glace dépend des imperfections locales (fissures), du rapport de la largeur de
l’ouvrage à l’épaisseur de la glace, du volume d’eau fortement salée, de la température et de la
vitesse de déformation. Les résistances de la glace sont habituellement les suivantes : résistance à
la flexion : 0.1 à 1 MN/m2, résistance à l’écrasement : 1 à 10 MN/m2 et l’amoncellement de moellons
de glace est associé à des valeurs intermédiaires. Pour tout renseignement concernant les derniè-
2
res évolutions dans les calculs des résistances de la glace, se reporter au code du CSA (CSA, 2004).
Force d’écrasement
Sur les ouvrages verticaux, la glace se brise en s’écrasant, c’est donc la résistance à la compres-
sion de la glace qui prédomine. La force par mètre de largeur FS ; H ; écrasement (kN/m) sur de grands 3
ouvrages situés au large des côtes, exercée par l’écrasement de la glace est calculé à l’aide de
l’Équation 5.241 :
(5.241)
où tglace = épaisseur de la glace (m) et p = pression d’écrasement effective (kN/m2), voir API (1995).
4
Pour le dimensionnement, la force divisée par la surface apparente définit la pression d’écrase-
ment effective p (kN/m2). Les mesures in situ de Masterson (1993) – entre autres – ont permis
d’obtenir une courbe représentant la pression en fonction de la surface, illustrée à la Figure 5.112.
7
Note : la courbe inférieure donne la moyenne de toutes les données et la courbe supérieure est une courbe de
dimensionnement classique (Masterson, 1993)
Lorsque de la glace en mouvement rencontre un ouvrage à talus, elle se brise en fléchissant pen-
dant la première interaction. Les forces de la glace qui s’exercent au cours de ce processus indui-
sent des forces verticales et des forces horizontales sur l’ouvrage. Croasdale et al. (1994) ont pro-
posé un récapitulatif très complet d’une méthode en 2D simple et en 3D améliorée permettant
9
de calculer les forces dues à la glace sur des ouvrages à talus. Allyn (1982) a suggéré que si l’on
empêche la rupture vers le bas, la force motrice locale est limitée par un écrasement au sommet
de la couche de glace, associé à des forces de flexion et des forces axiales. Pour cette situation,
Allyn a proposé une expression simple (voir l’Équation 5.242) pour la force horizontale par
mètre de largeur FS ; H ; flexion (kN/m) :
10
CETMEF 695
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
(5.242)
Les ouvrages étroits tels que les pieux tendent à avoir de faibles rapports de longueur et, par
conséquent, des pressions globales plus élevées. Pour ce qui est des rapports de longueur de B/dc
< 10 (où B est la largeur (m) et dc est la hauteur de la surface de contact (m)), la pression
moyenne de la glace dépend principalement de la surface de contact, A (m2). Les ouvrages lar-
ges, telles que les digues portuaires, ont généralement des rapports de longueur élevés et la pres-
sion de la glace qui en résulte (à l’origine des amoncellements de moellons de glace) dépend du
rapport de longueur et de la surface de contact. Sanderson (1986) a présenté des données d'une
telle pression d’indentation comme fonction de la surface de contact uniquement (Figure 5.113).
Les données incluent tous les types de pressions de rupture de la glace obtenues à partir d’essais
en laboratoire, d'essais in situ et de modélisations. La Figure 5.113 indique une tendance à la dimi-
nution de la pression lorsque la surface de contact, A (m2), augmente. Cette tendance a été attri-
buée à une rupture non-simultanée. On peut concevoir que différents mécanismes de rupture,
comme la flexion, peuvent contribuer à cette tendance décroissante de la courbe représentant la
pression en fonction de la surface. L’Équation 5.243 donne la relation entre la force d’amoncel-
lement-limite supérieure par mètre de largeur FS ; H ; moellons (kN/m) et la surface A (m2).
(5.243)
Figure 5.113 Tendance générale de la pression de rupture de la glace en fonction de la surface de contact
relative ; voir Sanderson (1986). A : zone des données obtenues à partir des essais en labo-
ratoire ; B : essais in situ à moyenne échelle ; C : îles et ouvrages à échelle réelle dans
l’Arctique, D : modèles à échelle mésoscopique
696 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Les trois points ci-dessus sont illustrés par la Figure 5.114 (voir Croasdale et al., 1988). Pour ce qui
est de la réponse structurelle à la glace des revêtements et des digues en enrochement, on peut
identifier plusieurs mécanismes de rupture :
• rupture de l’arête ;
3
• rupture globale active ;
• décapitation.
4
Figure 5.114 6
Problèmes liés à la glace, qui
affectent la protection des
talus et le dimensionnement
des rives dans l’Arctique ;
voir Croasdale (1988)
7
La stabilité du talus et de l’ouvrage peut être décrite par l’Équation 5.244 :
(5.244)
Rupture de l’arête
9
La rupture de l’arête est souvent une rupture locale de quelques blocs d'enrochements indivi-
duels. Les charges locales peuvent être bien plus élevées que les charges globales et peuvent être
aggravées par l’hétérogénéité de certains talus. Les charges sont alors déterminées par la taille
des blocs, le gradient et la rugosité du talus, l’épaisseur et la résistance à la flexion de la glace. La
rupture de l’arête peut être induite par des forces résultant de la montée de la glace sur le talus
ou des forces de flexion (voir Croasdale, 1994 ; et Allyn, 1982). 10
CETMEF 697
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
La résistance du talus en enrochement FR ; H ; arête (kN/m) peut être calculée à l’aide de l’Équa-
tion 5.245, qui donne la relation entre cette résistance et la résistance passive de la carapace de
l’ouvrage :
(5.245)
Le coefficient de résistance passive est une fonction de l’angle de frottement interne de l'enro-
chement et de la raideur du talus. Sa valeur réelle peut être calculée à partir d’équations analyti-
ques ; elle est de l’ordre de 20. En cas d’imbrication des blocs, la résistance passive s’accroît. Pour
les digues à crête abaissée, la résistance passive est limitée. Si l’on souhaite que la résistance pas-
sive soit maximale, il faut que la revanche de la crête Rc soit au moins égale à deux fois l’épais-
seur nominale de la glace au-dessus du niveau des hautes eaux, et l’épaisseur de la carapace pri-
maire doit être supérieure à l’épaisseur nominale de la glace tglace (voir la Figure 5.115).
Figure 5.115 Revanche minimale de la crête liée à une rupture de l’arête ; voir Lengkeek (2003)
La rupture globale active peut être comparée à la rupture de stabilité du talus d’une digue de pro-
tection. Du fait d’une combinaison de charges verticales et horizontales, le plan de rupture part
de la ligne de glace et s’étend jusqu’au pied à l’arrière de la digue. La rupture se manifeste géné-
ralement sur au moins la largeur du profil en travers de la digue. Dans ce cas de figure, la force
horizontale peut être calculée à partir de la Figure 5.113. La résistance peut être calculée en
déterminant le poids du corps effectuant un glissement ainsi que le frottement et l’imbrication le
long des cercles ou des plans de glissement. Ce calcul est toutefois assez complexe. Il est donc
recommandé de procéder à une analyse par éléments finis (FEM), dont l’Encadré 5.28 (Figure
5.116) propose un exemple.
Lorsque de nombreux moellons de glace se sont accumulés devant la digue, la charge due à la glace
est répartie sur le talus. Associé à un fond marin médiocre, le plan de glissement se trouve juste
sous la digue. La rupture se produit normalement sur une longueur d'ouvrage au moins supérieure
à la largeur du profil en travers de la digue. Ceci est dû à la distribution des charges et de la résis-
tance au cisaillement des côtés adjacents. À un stade ultime, la glace finit par pousser la digue dans
son intégralité. Dans ce cas, la force horizontale peut être calculée à partir de la Figure 5.113. La
résistance FR ; H ; glissement (kN/m) peut être calculée en déterminant le produit du poids total de la
digue par la résistance mobilisable du matériau de fondation (Équation 5.246) ou en procédant à
une analyse par éléments finis, dont l’Encadré 5.28 (Figure 5.117) propose un exemple.
Pour un sous-sol non cohésif, la résistance FR ; H ; glissement (kN/m) peut être déterminée en prenant
le produit du poids (m3/ml) de la partie de l’ouvrage sur laquelle la glace exerce une charge par
le frottement du sous-sol/du fond marin, soit tan ϕ sol (-).
698 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
Pour un sous-sol composé de particules fines cohésives, il faut déterminer la résistance du sol non- 1
drainé FR ; H ; glissement (kN/m). Il s’agit du produit entre l’aire de l'empreinte (m2/ml) et la cohésion
non-drainé du sous-sol sous l’ouvrage cu (kN/m2).
(5.246)
2
où
ρb = densité du système d'enrochements à sec de l’ouvrage (t/m3), = ρr (1-nv) ;
ρr = masse volumique apparente de l’enrochement (t/m3) ;
ρw = masse volumique de l’eau de mer (t/m3) ;
nv = porosité de la couche (-) ; 3
Asup = surface du profil en travers de la partie supérieure sèche de l’ouvrage, volume de la
partie supérieure de la digue par mètre linéaire (m3/ml) ;
Aim = surface du profil en travers de la partie immergée de l’ouvrage (m3/ml) ;
B = aire de l'empreinte (m2/ml) ;
ϕsol = angle de frottement interne du sol/du fond marin (°) ; 4
cu = cohésion non-drainé du sous-sol sous l’ouvrage.
Encadré 5.28 Exemples d’évaluation de la stabilité en cas de charges dues à la glace, à l’aide d’une
analyse par éléments finis
5
L’évaluation des actions dues à la glace sur les revêtements et les digues en enrochement peut être effec-
tuée à l’aide d’un modèle numérique, tel que la méthode aux éléments finis (FEM). Ci-dessous, les Figures
5.116 et 5.117 présentent les résultats de deux exemples de calculs ; le premier concerne une force horizon-
tale associée à une force verticale et le second une force horizontale associée à un amoncellement impor-
tant de moellons de glace.
7
Figure 5.116 Exemple de modélisation aux éléments finis servant à calculer
la résistance d’une digue à une force horizontale et verticale des
glaces, à l’origine d’une rupture globale active ; voir Lengkeek (2003).
9
Figure 5.117 Exemple de modélisation aux éléments finis servant à calculer la
résistance d’une digue à une force horizontale et à un amoncellement
important de moellons de glace sur le talus, illustrant une rupture globale
active ; voir Lengkeek (2003)
10
CETMEF 699
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Décapitation
La décapitation de l’ouvrage peut se produire sur des digues à crête abaissée dont la crête est
gelée lors des hivers rigoureux. Dans ce cas, la force horizontale peut être calculée à partir de la
Figure 5.113. La résistance peut être déterminée grâce au poids de la crête en glissement ainsi
qu’au frottement et à l’imbrication des blocs le long du plan de glissement. La localisation exacte
du plan de glissement peut être définie à l’aide d’analyses de pénétration du gel. La décapitation
n’est susceptible de se produire que lorsque la crête est très fortement rigidifiée par le gel au-des-
sous du niveau moyen de l’eau.
La principale différence en matière de protection de talus dans les zones froides situées au large
des côtes est la présence de glace. Celle-ci a des effets positifs et des effets négatifs. D’un côté, la
présence de glace limite le climat de la houle et l’érosion. De l’autre, la glace peut endommager
la protection du talus et peut y monter et endommager les installations de surface. Les digues
conçues pour résister à l’attaque de la houle sont souvent capables de résister aux actions de la
glace. Toutefois, l’équilibre est délicat à obtenir entre la faible rugosité requise pour favoriser la
flexion de la glace (afin de minimiser l'action de la glace et le mouvement des enrochements indi-
viduels) et la forte rugosité requise pour dissiper l’énergie de la houle.
Jusqu’à la rédaction du présent guide (2005), les constructions au large dans la zone Arctique
étaient principalement situées en eau peu profonde. Les ouvrages les plus rentables sont consti-
tués de matériaux granulaires protégés par un enrochement naturel, des blocs de béton préfabri-
qués, des matelas de blocs de béton et des sacs de sable.
À la surface, l’enrochement peut être soumis à des contraintes normales et de cisaillement. Ces
contraintes engendrent une rotation qui déloge les blocs d'enrochement. Il est donc souhaitable
que la surface de l’enrochement soit relativement lisse et que la couche d'enrochement soit bien
ancrée. Les enrochements anguleux tendent à se rapprocher les uns des autres et à s’imbriquer.
Le coefficient de frottement de la glace sur les talus en enrochement est compris entre 0.1 et 0.5.
Il est évident que des surfaces en enrochement plus lisses réduisent la contrainte de cisaillement.
Un autre inconvénient des talus rugueux présentant une surface relativement importante de blocs
individuels est le risque que de la glace très rigide détache l’enrochement et l’éloigne du site.
• la surface de l’enrochement doit être relativement lisse et la couche en enrochement doit être
fermement ancrée ;
• pour une glace d’environ 0.7 m d’épaisseur, il faut utiliser une blocométrie lourde standard de
300 à 1 000 kg ou plus ;
• en règle générale, s’il y a des variations importantes du niveau de l’eau et si l’on s’inquiète de la
possibilité que certains enrochements individuels soient arrachés, la taille médiane nominale des
enrochements Dn50 (m) doit être supérieure à l’épaisseur maximale de la glace tglace ; max (m) ;
• le talus de la carapace doit être inférieur à 30° afin de minimiser la contrainte de cisaillement ;
• les talus situés sous la surface de l’eau doivent être moins raides que les talus au-dessus de la
surface de l’eau, afin de favoriser l’amoncellement de moellons de glace et d’éviter la remon-
tée de la glace sur le talus.
700 CETMEF
5.2 Réponse structurelle aux actions hydrauliques
L’expérience avec les blocs d’enrochement en béton préfabriqué a démontré qu’une surface 1
rugueuse et poreuse est préférable pour la dissipation de l’énergie de la houle. Elle minimise le
run-up et, en général, le volume de béton nécessaire. Dans un environnement froid situé au large
des côtes, d’autres formes de rupture de la carapace sont possibles. Le mouvement d’épaisses pla-
ques de glaces induit un risque de « fragmentation » des blocs d’enrochement (rupture progres-
sive de l’arête). La réponse initiale à ce problème de fragmentation serait d’essayer de rendre la
surface plus lisse en utilisant des blocs imbricables ancrés, plutôt que des Dolos ou des
Tétrapodes, etc. Collins (1988) a effectué une analyse de la performance des grands blocs en
2
béton préfabriqués.
Les matelas de blocs de béton, constitués de blocs de béton préfabriqués reliés entre eux, ont été
utilisés dans la Mer de Beaufort (Alaska). Leur performance à ce jour indique qu’une carapace-
matelas est un moyen efficace d’assurer la protection des talus et du pied dans un environnement
froid situé au large des côtes. Parmi les avantages potentiels, on peut citer : 3
1. Faible poids par unité de surface.
2. Résistance à la glace.
5.2.4.5 Codes
Les codes qui s’appliquent aux ouvrages dans des zones froides situées au large des côtes présen-
tent d’importantes différences dans leurs méthodes et dans leurs contenus. Quatre pays disposent 7
actuellement de codes relatifs à la zone arctique : le Canada (ACN), les États-Unis (API), la
Russie (SNIP, VSN) et la Norvège (code norvégien). Le code ACN a récemment été révisé (ACN
2004) et, à l’heure de la rédaction de ce guide (2005), un nouveau code ISO est en préparation.
Les codes ACN et API ont été mis au point et appliqués, au cours des précédentes décennies, pour
le dimensionnement et la construction d’ouvrages situés au large des côtes. Les codes énumèrent
une vaste gamme de modèles modernes permettant de calculer la charge due à la glace à partir
8
de tous types d’éléments de glace. Ils suivent la méthode de dimensionnement par états-limites.
Les facteurs de charge et de résistance ont été calibrés pour un niveau de fiabilité explicite. En
comparaison, les codes SNIP et VSN semblent faire peu de propositions de dimensionnement en
présence de glace.
10
CETMEF 701
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
La modélisation en tant qu’outil de dimensionnement peut être définie comme une représentation
de la réalité sous une forme qui permet d’effectuer une observation et/ou des mesures précise(s)
de phénomènes présentant un intérêt pour la performance de l’ouvrage et de son environnement.
Les modèles réduits ou physiques représentent le phénomène physique dans une situation actuelle
ou future à une échelle inférieure à la réalité. Le facteur d’échelle, n, d’un paramètre X se définit
comme le rapport entre sa valeur réelle (= prototype) et sa valeur dans le modèle : nX = Xp/Xm.
Dans la plupart des modèles, on utilise de l’eau et du matériau rocheux pour simuler la réalité,
mais les exigences spécifiques d’échelle ayant trait à la densité du matériau employé peuvent
conduire à utiliser d’autres matériaux, tels que du polystyrène, du béton ou du fer, pour représen-
ter le sable ou les enrochements naturels, par exemple. En règle générale, les modèles réduits ne
permettent de représenter que certains phénomènes de façon satisfaisante, les autres ne pouvant
être reproduits correctement, ce qui induit des effets d’échelle. On choisit généralement l’échelle
du modèle de façon à minimiser les effets d’échelle sur le phénomène concernant directement le
dimensionnement de l'ouvrage, afin que le modèle réduit puisse fournir des informations précises.
La modélisation à échelle réduite n’en est pas moins complexe, nécessite un équipement sophisti-
qué et une mise en place expérimentale. Il faut ainsi veiller à réaliser les essais appropriés (p. ex.
techniques de génération de la houle, méthodes de réduction des effets d’échelle, techniques
d’analyse), mais aussi à analyser et interpréter correctement les résultats obtenus pour en extraire
les informations nécessaires.
Modèles numériques
Les modèles numériques reposent sur la description des phénomènes physiques à l’aide (de sys-
tèmes) d’équations mathématiques. Celles-ci sont ensuite résolues numériquement, pour chaque
paramètre étudié, par un programme informatique.
702 CETMEF
5.3 Modélisation des interactions hydrauliques et de la réponse structurelle
Toute erreur dans la schématisation ou le choix des maillages de calcul risque de s’accompagner
d’effets numériques. Si certains sont faciles à identifier, d’autres peuvent s’avérer difficiles à repé-
rer. Ainsi les problèmes d’instabilité sont évidents et peuvent être corrigés en ajustant le maillage
et/ou l’intervalle de temps. Les inexactitudes du modèle peuvent être mises en évidence en modi- 3
fiant les conditions aux limites, par exemple, ou par comparaison avec d’autres cas similaires, mais
cela nécessite généralement le savoir-faire d’un spécialiste.
En règle générale, un modèle numérique ne prend en compte qu’un nombre limité de phénomè-
nes (marée, courant, houle, run-up, franchissement de la houle et morphologie). Seul le respect
des critères suivants permet d’obtenir des résultats fiables : 4
• la description mathématique des phénomènes étudiés (équations, géométrie, bathymétrie, para-
mètres physiques, conditions initiales, conditions aux limites) doit être suffisamment précise ;
• la précision numérique doit être suffisante (pour limiter les différences entre les équations
mathématiques et les équations discrétisées) ;
Il existe une grande variété de modèles numériques présentant des degrés de qualité très divers. La
mise au point d’un modèle numérique fiable est une tâche complexe qui nécessite un savoir-faire
6
dans différents domaines. Il faut savoir que les processus de dimensionnement s’appuient parfois
sur des modèles numériques ayant fait l’objet d’une validation insuffisante, ou que des modèles vali-
dés de façon adéquate sont appliqués au-delà de leur domaine de validité. Il faut veiller à analyser
et interpréter correctement les résultats obtenus pour extraire les informations appropriées.
Les avantages que présentent les modèles réduits sont notamment la possibilité d’une observa-
tion directe, d’un enregistrement (audio-) visuel, la présence d’effets 3D, des effets de schémati-
sation relativement limités et une modélisation précise de la stabilité des talus en enrochement
(plus précise que pour les modèles numériques). Parmi les avantages que présentent les modèles
numériques figurent la possibilité de modéliser des zones plus étendues, l’absence d’effets
10
CETMEF 703
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
d’échelle, et la possibilité d'effectuer de nombreux calculs pour différentes situations. Dans les
deux types de modélisation, l’interprétation des résultats est d’une importance capitale car elle
en assure l’utilisation adéquate. Cela nécessite de connaître les processus en jeu, les hypothèses
retenues, les techniques utilisées (expérimentales, mathématiques et numériques) ainsi que les
questions auxquelles il faut répondre.
Figure 5.118 Utilisation d'un modèle spectral de la houle pour obtenir le climat de houle sur le site de
projet (à gauche). Les climats de houle déterminés par calcul peuvent servir de conditions
aux limites dans une modélisation physique 3D (à droite).
Les modèles réduits comme les modèles numériques nécessitent également de tester la précision
d'une manière ou d'une autre, afin d’améliorer la fiabilité des prédictions. Il faut faire une nette
distinction entre le calibrage et la validation d’un modèle numérique :
Calibrer un modèle numérique signifie l’ajuster (p. ex. au moyen de paramètres de réglage) de
sorte que les données du modèle recoupent suffisamment les données du prototype ou celles
obtenues à partir des mesures effectuées sur modèle réduit. Le modèle reproduit ainsi correcte-
ment une situation donnée spécifique du prototype ou du modèle réduit. Il faut veiller à ne pas
utiliser le modèle calibré au-delà de son domaine de validité, déterminé d’après la théorie ou une
connaissance empirique.
Valider un modèle numérique signifie reconstituer une autre situation connue sans ajuster davan-
tage les paramètres du modèle. La validation est essentielle puisqu’à lui seul, le calibrage n’est pas
une garantie de fiabilité suffisante.
Un modèle numérique calibré et validé peut être considéré comme apte à fournir des prévisions
relatives aux variations futures des conditions hydrauliques. Néanmoins, ce modèle ne représen-
tera jamais exactement tous les phénomènes physiques, mais seulement leurs principaux aspects,
sélectionnés par le concepteur.
Il incombe donc à celui-ci de choisir le modèle adapté au problème à résoudre. Le fait de dispo-
ser de données in situ précises joue également un rôle dans le processus de sélection finale d’un
modèle. Le choix s’effectue selon les critères suivants (qui doivent donc être connus) :
• phénomènes à quantifier (y compris les éventuelles interactions entre l’ouvrage et les phéno-
mènes étudiés) ;
• limites et précision des outils disponibles, allant des simples formules de dimensionnement aux
modèles existants (domaine de validité et incertitudes qu’ils comportent) ;
Enfin, le concepteur doit être capable d’interpréter de façon appropriée les résultats provenant
du modèle, qui seront utilisées lors du dimensionnement.
704 CETMEF
5.3 Modélisation des interactions hydrauliques et de la réponse structurelle
Les modèles physiques sont des modèles représentant la réalité, souvent désignés par le terme
« prototype ». On observe des effets de modélisation et d’échelle, et les méthodes expérimenta- 4
les sont susceptibles d’introduire des inexactitudes. Il est donc nécessaire que les essais soient
effectués par des personnes expérimentées, capables d’éviter les écueils courants, tant lors de la
réalisation des essais que pendant l’analyse des mesures. Il ne faut pas omettre de tenir compte
des limites éventuelles des modèles réduits et des techniques de mesure.
La plupart des modèles réduits sont conçus pour des protections côtières subissant les assauts de 5
la houle, telles que des digues ou des perrés. Les coûts induits par ces ouvrages imposants sont
généralement si élevés que la modélisation physique en devient rentable. C’est la raison pour
laquelle la majeure partie de cette section est consacrée à la modélisation des ouvrages côtiers.
Les paragraphes suivants traitent de modèles consacrés principalement aux courants.
Figure 5.119 À gauche : modèle physique 3D d’un projet de protection côtière complexe destiné au
District Central de Beyrouth, comprenant notamment une digue immergée et des caissons. 10
À droite : détail des capteurs de pression installés sur l’un des caissons.
CETMEF 705
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Lors de la conception d’un modèle de ce type, il est primordial d’identifier clairement les phéno-
mènes ou les réponses à modéliser, et ceux qui ne le seront pas ou présenteront des erreurs ou
des approximations. Les phénomènes les plus fréquemment mesurés dans ce type de modèles
sont les suivants :
• actions hydrauliques exercées sur l’ouvrage (c'est-à-dire la hauteur de la houle devant celui-ci) ;
Houle
Une modélisation précise de la houle est indispensable. Il faut appliquer à l’ouvrage une action
de la houle réaliste, qui représente le champ de houle réel. Il existe pour cela certaines techniques
de génération de la houle pointues.
Il faut tout d’abord appliquer une distribution spectrale adaptée de la houle aléatoire, par exem-
ple un spectre JONSWAP, un spectre TMA ou tout autre spectre énergétique de la houle (voir
la Section 4.2.4).
Ensuite, pour s’assurer que l'action exercée sur l’ouvrage est réaliste, la totalité de la houle que
l’ouvrage réfléchit en direction du batteur à houle doit être absorbée précisément par celui-ci
(réflexion de la houle sur le batteur inférieur à 5 %). Sans cette absorption, la houle réfléchie par
l’ouvrage est ensuite réfléchie de nouveau par le batteur et se propage une fois de plus en direc-
tion de l’ouvrage, alors que dans la réalité cette houle réfléchie est redirigée vers le large. Cela se
traduit par un accroissement de l’énergie de la houle au niveau de l’ouvrage par rapport aux
niveaux énergétiques observés en réalité. En outre, il se produit parfois à l’intérieur des canaux
et des bassins à houle des phénomènes de résonance non-conformes à la réalité et dus à l’ineffi-
cacité du système d’absorption, ce qui empêche le champ de houle de ressembler à la réalité. On
considère de nos jours que les canaux à houle dénués de système d’absorption de la houle ne sont
pas appropriés pour l’étude de la performance hydraulique des digues et des ouvrages de haut de
plage. L’absorption de la houle (également connue sous le nom de « compensation active de la
réflexion ») est réalisée lorsqu’un batteur à houle détecte le niveau d’eau juste devant lui, et rec-
tifie sa position de façon à obtenir le niveau d’eau nécessaire, absorbant ainsi la totalité de la
houle incidente. Le système d’absorption de la houle doit réagir rapidement, sinon le batteur
répondra trop tard à la houle réfléchie, les vagues à compenser se propageront déjà en direction
de l’ouvrage, faussant ainsi les mesures. Un système de sondes doit être installé au pied de l’ou-
vrage pour obtenir les caractéristiques de la houle incidente à partir des niveaux d’eau mesurés,
en éliminant la houle réfléchie par l’ouvrage.
Enfin, il est important de savoir si les techniques de génération de la houle utilisées sont du 1er
ordre ou 2nd ordre. Les techniques du 1er ordre génèrent une houle sinusoïdale. Les vagues for-
mées dans la réalité ou dans les canaux et les bassins à houle ne sont pas sinusoïdales, et la for-
mation de houle de ce type peut occasionner certaines perturbations indésirables de la houle. Il
est possible de réduire ce risque en utilisant des techniques de génération de la houle du 2nd ordre,
qui non seulement génèrent des vagues de forme non-sinusoïdale (forme de Stokes), mais garan-
tissent également que les groupes de vagues sont produits correctement, de façon à ce qu’aucune
vague longue indésirable n’apparaisse dans le bassin ou le canal à houle.
L’étude de l'agitation à l’intérieur d'un port nécessite une modélisation précise des musoirs en
enrochement des digues. Les houles dans la réalité sont généralement courtes plutôt que longues
(voir les définitions à la Section 4.2.4.2.). Il est donc capital, pour ce type d’études, de pouvoir
générer une certaine distribution directionnelle afin de reproduire ce type de houle courte. Le
batteur à houle doit donc être capable de produire de la houle courte pour de telles études.
706 CETMEF
5.3 Modélisation des interactions hydrauliques et de la réponse structurelle
Pour obtenir une modélisation correcte de la houle au pied de l'ouvrage, il est souvent nécessaire 1
de modéliser une partie de la bathymétrie devant l'ouvrage, comprise entre les eaux relativement
profondes et le pied de l’ouvrage côtier. Cette modélisation peut être effectuée avec un fond fixe.
Dans des conditions de déferlement de la houle devant l'ouvrage, le fond devant l'ouvrage doit
être modélisé précisément sur au moins une longueur d’onde à partir du pied de l’ouvrage et en
direction du large. En conditions d’eau profonde un fond horizontal fixe est souvent considéré
comme suffisant pour obtenir les conditions de houle adéquates au pied de l’ouvrage.
2
Choix de l’échelle
L’ouvrage que l’on teste doit, de toute évidence, ressembler au prototype. L’échelle de réduction
d’ouvrages côtiers se situe généralement entre 1/2 et 1/60ème. Néanmoins, ce n’est pas l’échelle de
réduction qui détermine l’étendue des effets d’échelle, mais plutôt la hauteur de la houle et le dia-
mètre des enrochements dans le modèle. On évalue généralement la stabilité des carapaces des 3
ouvrages côtiers à l’aide de hauteurs significatives de la houle supérieures à Hs = 0.05 m, avec une
houle de dimensionnement de préférence supérieure à Hs = 0.1 m. Des hauteurs de houle plus
réduites induisent généralement des effets d’échelle indésirables. Aucune distorsion spatiale du
modèle (échelles verticales et horizontales différentes) n’est autorisée puisque la stabilité des
enrochements dépend directement de la pente du talus de l’ouvrage. C’est souvent l’espace dis-
ponible qui détermine la limite supérieure des échelles spatiales. La modélisation de la propaga- 4
tion de la houle, du large à la côte, nécessite un espace suffisant. Il faut respecter certaines règles
de réduction pour modéliser les phénomènes physiques de façon adéquate. L'échelle de réduc-
tion des longueurs, notamment, est fixe du fait de ces contraintes, et l'échelle de réduction géo-
métrique nL se situe généralement dans une fourchette de 2 à 60. D’après la condition de Froude,
à savoir que le nombre de Froude Fr = U/ gh du modèle doit être égal à celui du prototype, on
détermine l'échelle de réduction du temps (voir la Section 5.3.1.) comme suit : nT = nL. Cette
relation est nécessaire pour comparer les périodes de houle du modèle et du prototype. Le para-
5
mètre de stabilité, Hs /(ΔDn), doit également présenter des valeurs identiques dans le modèle et
dans le prototype. Cela permet d’obtenir l'échelle de réduction applicable à la masse M des blocs
d’enrochement, nM. L’Équation 5.247 présente la relation suivante :
(5.247)
6
où ρa,m et ρa,p sont les masses volumiques du bloc d’enrochement naturel ou préfabriqué du
modèle et du prototype, respectivement, et Δp et Δm représentent les densités relatives déjaugées
du bloc d’enrochement du prototype et du modèle, respectivement.
Il faut veiller à ce que la disposition des blocs de carapace (enrochement naturel ou artificiel) du
modèle soit la plus représentative possible de la réalité/du chantier. Ce point est particulièrement 7
important dans le cas de blocs artificiels imbriqués. Lors des essais sur une carapace, la structure
du pied et la perméabilité du noyau doivent également être identiques à celles du prototype. Le
matériau du noyau étant généralement relativement petit dans les essais à échelle réduite, l’écou-
lement dans le noyau du modèle risque de devenir un écoulement interstitiel laminaire tandis
qu’il s’agit, dans la réalité, d’un écoulement interstitiel turbulent. Il faut ajuster le diamètre du
matériau de noyau pour obtenir les gradients hydrauliques désirés à l’intérieur de l’ouvrage, 8
notamment dans les cas où la transmission de la houle à travers le noyau est importante. On peut
par exemple utiliser dans le modèle un matériau de noyau légèrement plus gros que celui qui a
été calculé d’après l'échelle de réduction géométrique, nL, ou choisir une granulométrie diffé-
rente pour le matériau de noyau avec une teneur plus réduite en matériau de faible diamètre dans
le modèle (p. ex. voir Hughes, 1993).
Dommage
9
Il existe plusieurs façons de mesurer le dommage. Le nombre de blocs d'enrochement artificiel ou
naturel déplacés peut être obtenu visuellement, généralement à l’aide de techniques photographi-
ques. Le pourcentage de blocs d’enrochement déplacés qui effectivement ont changé de place peut
être déterminé par l’Équation 5.102 (voir la Section 5.2.1.2) : Ndéplacé/Nt × 100%, où Nt = nombre
de blocs d’enrochement. Cette méthode est souvent plus facile si l’on peint des bandes colorées 10
d’une certaine largeur (p. ex. de 2 à 4 fois supérieure à Dn50) sur le modèle.
CETMEF 707
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
On peut également mesurer le profil du talus avant et après chaque essai. La différence détermine
le niveau de dommage (Sd = Ae /Dn502, où Ae = zone érodée du talus, voir la Section 5.2.1.2).
La première méthode s’utilise généralement pour les blocs d’enrochement artificiel, tandis que les
deux techniques peuvent être employées dans le cas des blocs d’enrochement naturel, avec toute-
fois une préférence pour la seconde. L’inconvénient de la première méthode est que la quantité
totale de blocs est plus importante pour un talus long (eaux profondes ou crête élevée) que pour
un talus court. À nombre égal de blocs déplacés, le talus long présente un niveau de dommage rela-
tivement faible par rapport au talus court, alors qu’en réalité le dommage autour du niveau de
l’eau est identique dans les deux cas. Afin de minimiser cet effet, on évalue généralement le dom-
mage dans une zone spécifique située autour du niveau de l’eau au repos. Un dommage de l’ordre
de 5 % est souvent considéré comme acceptable pour les talus en enrochement naturel. Dans tous
les cas, on considère généralement comme inacceptable une situation dans laquelle la couche fil-
tre est exposée à l’action de la houle du fait de blocs d’enrochement déplacés.
Étant donné l’importance de la butée de pied de l’ouvrage comme support de la carapace, les dom-
mages subis par la butée de pied font souvent partie intégrante des programmes d'essais. L’analyse
de la butée de pied s’effectue généralement avec un niveau d’eau inférieur à celui de la carapace.
L’analyse de la résistance structurelle des blocs d’enrochement individuels ne peut être effectuée
au moyen d'essais à échelle réduite, car la résistance du béton, qui n’est pas ramenée à l’échelle,
est bien supérieure à la réalité. Cela signifie que les blocs déplacés ou présentant un balancement
peuvent se briser dans la réalité, alors qu’ils restent intacts dans le modèle. La résistance des blocs
d’enrochement artificiel, en particulier des blocs imbriqués, doit être analysée suivant des métho-
des autres que les modèles à échelle réduite. Les blocs artificiels se balançant ou déplacés dans
un modèle réduit indiquent néanmoins que la résistance structurelle des blocs individuels néces-
site une attention particulière.
Instruments de mesure
Lors des essais effectués sur les digues en enrochement, on mesure au minimum la hauteur de la
houle incidente au pied de l’ouvrage (niveau de la surface de l'eau) ainsi que la quantité de blocs
d’enrochement qui ont bougé. Ces deux aspects représentent l'action et le dommage subis par
l’ouvrage, respectivement. La quantité d'enrochements déplacés est souvent mise en évidence en
colorant les blocs d’enrochement de façon à ce qu’ils forment des bandes de couleur spécifique,
ce qui permet d’identifier facilement tout mouvement de blocs. La largeur des bandes colorées a
une incidence sur le nombre d’éléments détectés, certains mouvements d'enrochements risquant
de passer inaperçus si on utilise de larges bandes. On utilise généralement des bandes d’une lar-
geur allant de 2 à 4 éléments.
708 CETMEF
5.3 Modélisation des interactions hydrauliques et de la réponse structurelle
Des essais effectués à plusieurs reprises dans des conditions de houle parfaitement identiques
peuvent déboucher sur des résultats légèrement différents, ayant trait notamment à la mesure des
débits de franchissement de la houle et/ou du nombre de blocs déplacés. Cela s’explique souvent 3
par de faibles disparités observables au niveau de la carapace, étant donné que la position et
l’orientation de chaque bloc ne peuvent être identiques d’un essai à l’autre. C’est également le
cas dans la réalité. C’est la raison pour laquelle les résultats doivent être interprétés par des ingé-
nieurs expérimentés en ouvrages côtiers, au fait des facteurs à l’origine de cette dispersion des
résultats et capables de prendre en compte, lors du dimensionnement, les incertitudes relatives à
ces aspects. De ce fait, l’équipe chargée de la modélisation physique et les concepteurs doivent 4
tous prendre part aux essais effectués sur les modèles physiques et à l’analyse précédant l’étape
finale de dimensionnement.
La stabilité du pied, c'est-à-dire du fond situé juste devant l’ouvrage, doit être évaluée à l’aide
d’un modèle à fond mobile, étant donné que le matériau constitutif du fond présente générale-
ment un diamètre bien inférieur à celui de l’enrochement (voir plus loin sous le titre « Modèles 5
à fond mobile »).
Les principales actions exercées sur les ouvrages fluviaux sont généralement dues aux courants
plutôt qu’à la houle. On applique généralement un courant uniforme représentant des conditions 6
extrêmes telles qu’une marée de vive-eau ou une surcote. Les ouvrages modélisés sont par exem-
ple les barrages mobiles, les piles de pont, les épis, les barrages anti-tempête ou les ouvrages de
fermeture à différents stades de construction.
• réponse structurelle des ouvrages (p. ex. vibration d’une vanne de vidange) ; 7
• stabilité d’un fond ou d’une protection de talus (voir la Figure 5.120 à titre d’illustration) ;
Bien des aspects relatifs à la modélisation physique des problèmes liés au courant sont compara- 8
bles à ceux des ouvrages côtiers subissant les assauts de la houle. Les principales différences sont
indiquées ci-dessous.
Choix de l’échelle
Dans les cas où le courant est fort, l’écoulement est toujours turbulent dans la réalité (prototype). 9
C’est la raison pour laquelle le nombre de Reynolds, Re (-), doit être suffisamment élevé pour
assurer la turbulence de l’écoulement dans le modèle, soit approximativement Re = Uh/ν > 1000,
où U est la vitesse du courant moyennée sur la profondeur (m/s), h est la hauteur d’eau (m) et ν
est la viscosité cinématique (m2/s). Le plus souvent, le fond est rugueux, donc le nombre de
Reynolds des particules doit être lui aussi suffisamment élevé Re* = u*D/ν > 100, où u* représente
la vitesse de cisaillement (m/s) et D désigne le diamètre de rugosité ou le diamètre caractéristique 10
du matériau de fond (m). Lorsque les élévations de la surface libre sont importantes, c'est-à-dire
CETMEF 709
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
lorsque le nombre de Froude est grand, celui-ci doit présenter la même valeur dans
le modèle et dans le prototype. Si le nombre de Froude du prototype est inférieur à 0.2, par exem-
ple (p. ex. surface libre plane), celui du modèle doit lui aussi être inférieur à 0.2. Pour représenter le
profil vertical du courant, il faut que la rugosité (c’est-à-dire le nombre de Chézy, voir les Équations
4.131 à 4.133) présente la même valeur dans le modèle et dans le prototype. Il est généralement pré-
férable d’éviter toute distorsion des modèles pour effectuer des analyses précises de l’écoulement.
Si la simulation d’un objet en condition d’écoulement très fort nécessite un profil logarithmique
du courant bien défini (voir la Section 4.3.2.4 pour la description et la définition), il faut s’assurer
que le canal n’est pas trop étroit. L’écoulement s’accompagne toujours de courants secondaires.
Ceux-ci deviennent relativement faibles au centre des canaux d’une largeur environ 5 fois supé-
rieure à la hauteur d’eau. Le fetch amont doit être au moins 40 fois supérieur à la hauteur d’eau
pour que le profil logarithmique puisse se développer.
Mesures
Les mesures non-intrusives peuvent être effectuées à l’aide de techniques plus sophistiquées. La
Vélocimétrie à Laser Doppler permet de réaliser des mesures très précises avec des hautes fré-
quences. Avec la Vélocimétrie par Imagerie de Particules, il est possible d’obtenir des champs
d’écoulement entiers. Il peut s’agir de champs d’écoulement de surface, dans lesquels les traceurs
sont appliqués à la surface de l’eau, ou de coupes du champ d’écoulement, dans lesquelles une illu-
mination intense par nappe Laser permet de visualiser les particules de poussières dans l’écoule-
ment.
Lorsqu’on mesure le dommage subi par un fond ou par une protection de talus, des bandes com-
710 CETMEF
5.3 Modélisation des interactions hydrauliques et de la réponse structurelle
posées d'enrochements colorés permettent, comme dans le cas des ouvrages côtiers, d’observer 1
les déplacements des enrochements. Ces bandes sont souvent très larges (environ dix fois le dia-
mètre, ou plus). Il ne faut pas oublier que plus elles sont larges, plus les mouvements du matériau
du fond risquent de passer inaperçus.
L’étude des profondeurs d’affouillement nécessite parfois de recourir à un modèle à fond mobile.
2
Il s’agit d’un modèle nécessitant des moyens humains importants et relativement difficiles à met-
tre en œuvre. Les modèles à fond mobile doivent avoir une durée de mise en œuvre relativement
longue (p. ex. un ou plusieurs jours) pour laisser au fond le temps de s’adapter à l’écoulement. En
outre, le choix de l’échelle de réduction des sédiments est une tâche complexe. Le paramètre de
mobilité, θ = u*2/(ΔgD) où D = diamètre médian des grains, doit être le même dans le modèle et
dans le prototype. Ceci est contraire à la similitude de Froude. C’est la raison pour laquelle les vites- 3
ses d’écoulement (et les variations des niveaux de la surface libre) devront être plus importantes
dans le modèle que dans le prototype. Si seul un charriage de fond est observé, il est plus facile
d’obtenir des résultats raisonnables qu’en présence supplémentaire de matériaux en suspension.
À cause des effets d’échelle, les essais réalisés sur des modèles à fond mobile ne permettent géné-
ralement pas d’obtenir de bons résultats quantitatifs. Néanmoins, la turbulence y est souvent 4
mieux modélisée que dans un modèle numérique. C’est la raison pour laquelle ces modèles à fond
mobile peuvent s’utiliser dans le cadre d’études comparatives, par exemple, pour déterminer
quelle configuration permettra d’obtenir la profondeur d’affouillement la plus réduite possible.
Il convient tout d’abord de noter que, pour être utile, tout exercice visant à évaluer les caractéris- 6
tiques de la houle en vue d’un dimensionnement doit être précédé d’un ajustement adéquat du
niveau d’eau associé (voir les Sections 4.2.2 et 4.2.5) et éventuellement des courants marins (voir
la Section 4.2.3).
Il faut ensuite distinguer deux grands types de modélisation de la houle : les modèles à phases
moyennées et les modèles avec résolution de phases, qui font l’objet d’une brève description à la 7
Section 4.2.4.10.
Les paragraphes suivants mettent en évidence deux problèmes de natures différentes : la modé-
lisation de la transformation de la houle du large au pied de l’ouvrage, et la modélisation des
interactions entre la houle et l’ouvrage.
Seuls les modèles avec résolution de phases peuvent être utilisés pour modéliser les interactions
entre la houle et l’ouvrage (run-up et run-down des vagues sur une digue, déferlement sur le talus
en enrochement, franchissement, calcul du débit et de la pression à l’intérieur de la carapace, des
sous-couches et du noyau, etc.). 10
CETMEF 711
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Depuis le début des années 1990 et jusqu’à la rédaction du présent guide, des progrès considéra-
bles ont été observés dans le domaine des modèles numériques utilisés pour représenter les inter-
actions entre la houle et les ouvrages maritimes, bien que la plupart de ces modèles restent des
modèles de recherche, uniquement applicables aux cas bidimensionnels dans le plan vertical
(2DV). De récentes publications dans le domaine de la R&D ont favorisé l’émergence de plu-
sieurs approches de modélisation ; pour une typologie détaillée, voir notamment Losada (2001) :
• les modèles basés sur des équations moyennées sur la profondeur : ces modèles permettent de
résoudre les équations non-linéaires en eaux peu profondes ou les équations étendues de type
Boussinesq sur un maillage de calcul fixe. Le mécanisme de déferlement ne peut être résolu
par ce type d’équations intégrées sur la profondeur, mais les principaux effets du déferlement
de la houle peuvent être inclus à l’aide de termes supplémentaires appropriés ayant trait à la
dissipation de l’énergie. Ces modèles peuvent servir à représenter le run-up de la houle sur les
talus et à obtenir une estimation des taux de franchissement. L’écoulement à l’intérieur de la
digue perméable peut également être calculé à l’aide d’équations modifiées tenant compte de
la porosité du milieu (p. ex. voir Van Gent (1994) ou Cruz et al. (1997)) ;
• les modèles basés sur les équations non-hydrostatiques d’Euler ou de Navier-Stokes : les publi-
cations spécialisées proposent deux principales méthodes de réalisation de cette approche. La
première consiste à résoudre les équations relatives à l’étendue d’eau étudiée, en prenant pour
hypothèse que la surface libre peut être décrite au moyen d’une fonction à valeur unique des
coordonnées horizontales. Comme les modèles moyennés sur la profondeur, ceux-ci ne per-
mettent pas de représenter la houle en phase de pré-déferlement, mais il est possible d’inclure
les effets du phénomène de déferlement. Les modèles basés sur les équations non-hydrostati-
ques apportent quelques améliorations à la résolution de la dépendance verticale de l’écoule-
ment par rapport aux modèles moyennés sur la profondeur, mais au prix d’un accroissement
de la durée de calcul nécessaire. La seconde approche consiste à travailler sur un maillage de
calcul (généralement) fixe couvrant à la fois l’étendue d’eau et une couche d’air située au-des-
sus de la surface de l’eau. Les équations relatives au mouvement de l’eau sont résolues. Dans
chaque cellule du maillage, on utilise une variable, appelée volume de fluide (Volume of fluid,
VOF), qui décrit la quantité d’eau. On résout une équation de transport pour faire en sorte que
le VOF se déplace avec l’écoulement. Combinée à des procédés de traçage de la surface libre,
cette technique permet une modélisation précise des phénomènes de pré-déferlement et de
déferlement de la houle, y compris certaines formes d’entraînement d’air, d'éclaboussures, etc.
(Lin et Liu, 1999). Il est également possible de modéliser les jets et les lames d’eau franchissant
(séparés du plan d’eau principal). On peut citer parmi les modèles de type VOF : SKYLLA
(Van Gent et al., 1994, Van Gent, 1995), VOFbreak (Troch et de Rouck, 1999) et COBRAS (Liu
et al., 2000). La Figure 5.121 montre un exemple d’application de ce type de modèle ;
Figure 5.121
Déferlement de houle sur un talus, cal-
culé à l’aide de SKYLLA
(d’après Doorn et Van Gent, 2004).
• les modèles basés sur une approche lagrangienne : ces modèles sont eux aussi capables de
résoudre les équations d’Euler ou de Navier-Stokes, mais dans un contexte purement lagran-
gien. L’étendue d’eau est représentée comme un ensemble de particules, et les équations sont
exprimées sous la forme de forces d’interaction entre ces particules. Il n’est pas nécessaire
712 CETMEF
5.3 Modélisation des interactions hydrauliques et de la réponse structurelle
d’utiliser un maillage de calcul. Cette technique est appelée Smoothed Particle Hydrodynamics 1
(SPH). Comme le procédé VOF, la méthode SPH permet de modéliser des situations très com-
plexes (jets, déferlement de houle, franchissement, etc.). La communauté scientifique mani-
feste un intérêt grandissant pour ce procédé, et il existe à présent des applications consacrées
aux interactions entre la houle et les ouvrages ; voir p. ex. Hayashi et al. (2001), Monaghan et al.
(2003) et Gotoh et al. (2004). La plupart de ces modèles sont encore à l’étude. Au moment de
la rédaction de ce guide, ils doivent être considérés comme un complément aux essais effectués
sur des modèles physiques, plutôt que comme une solution alternative.
2
Autres modèles numériques
Lorsqu’un phénomène est trop complexe pour être schématisé sous la forme d’un système
d’équations utilisables, susceptibles d’être formulées et résolues, on dispose d’alternatives prati-
ques telles qu’un modèle empirico-numérique ou un modèle à réseau neuronal basé sur des don- 3
nées empiriques. Les modèles empirico-numériques sont conçus autour d’une ou plusieurs for-
mule(s) empirique(s) établissant un lien entre les paramètres d’entrée connus et le paramètre de
dimensionnement désiré. Les modèles à réseau neuronal reposent sur une interpolation sophisti-
quée au sein des données sur lesquelles ils se fondent. Cet ensemble doit être utilisé avec précau-
tion pour éviter une extrapolation excessive au-delà du domaine de validité des données sur les-
quelles se fonde le réseau neuronal, tandis que la qualité des résultats obtenus dépend largement 4
de celle des données de départ (p. ex. voir Mase et al. (1995), Van Gent et Van den Boogaard
(1999) ou Pozueta et al. (2005) pour connaître certaines applications de cette technique dans le
domaine du génie côtier).
Si l’on applique les formules à un intervalle de valeurs d’entrée, ces modèles peuvent constituer
un substitut pratique aux modèles mathématiques classiques. Un exemple est le modèle BREAK- 5
WAT, basé sur les formules empiriques relatives à la stabilité statique et dynamique des enroche-
ments subissant l’action de la houle (Section 5.2.2.6).
Deux principaux types de modèles numériques peuvent être utilisés lors du dimensionnement 6
des ouvrages en enrochement. Les modèles à grande échelle peuvent permettre d’obtenir les
valeurs moyennes d’écoulement (p. ex. vitesse moyenne d’écoulement U et hauteur d’eau h) sur
une couche d’enrochement, par exemple dans la passe de fermeture d’un estuaire, ou entre deux
culées de pont. Généralement, dans ces modèles, une dimension spatiale au moins n’est pas réso-
lue (modèles 2D ou 1D). L’écoulement observé à proximité directe des ouvrages est très com-
plexe, et il peut être nécessaire d’utiliser des modèles 3D précis si l’on ne dispose d’aucune for-
mule empirique exacte. À l’heure actuelle, on préfère encore avoir recours aux essais réalisés sur
7
modèles physiques. La modélisation numérique présente néanmoins certains avantages :
• les valeurs calculées sont connues d’un bout à l’autre du domaine de calcul ;
• le coût induit par les calculs est généralement plus faible que celui des essais sur modèles
physiques.
8
Ainsi, avec l’accroissement des capacités de calcul et les progrès des techniques numériques, il est
désormais plus facile de calculer ces écoulements complexes. La fin de cette section décrit briè-
vement certains procédés de pointe utilisables pour le calcul de ces écoulements complexes.
Selon le type de modèle utilisé (1D, 2D ou 3D), les résultats obtenus par modélisation numérique
de l’écoulement sont généralement les suivants : 9
• débits, Q (m3/s) ou q (m2/s) ;
• vitesse d’écoulement moyennée sur la profondeur, U (m/s), ou locale, u (m/s) ;
• hauteurs d’eau, h (m) ;
• contrainte de cisaillement (au niveau du fond), τ (kN/m2) ;
• composantes variables de la vitesse en régime turbulent, u′ (m/s).
10
CETMEF 713
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Les besoins du concepteur dépendront de l’application. Ainsi, à titre de valeurs d’entrée d’une
formule empirique relative à l’affouillement observé au niveau d’une pile de pont circulaire sur
un fond plat (Section 5.2.3), seules les valeurs U et h sont nécessaires, alors que l'étude de la sta-
bilité des enrochements derrière le musoir d’un épi (Sections 5.2.1 et 5.2.3) peut également néces-
siter une évaluation de u′ et de la variation de u sur la hauteur (Section 4.3.2.5). En outre, il est
souvent essentiel de connaître la vitesse et la hauteur d’eau pendant la phase de construction des
ouvrages en enrochement (conditions de travail, détermination de l’endroit où les blocs déversés
atteignent le fond).
On peut utiliser des modèles numériques couvrant de vastes étendues pour obtenir les conditions
générales d’écoulement (U et h) à proximité des ouvrages en enrochement. Les conditions aux
limites éloignées du site de construction sont généralement les mêmes avant et après la construc-
tion d’un ouvrage ; c’est pourquoi un modèle calibré sur la situation d’écoulement avant la
construction peut permettre de savoir ce que deviendra l’écoulement près de l’ouvrage une fois
la construction achevée. Les différences entre les modèles numériques appliqués aux rivières et
ceux conçus pour les estuaires sont en principe limitées. À titre d’exemple, on peut citer le mode
de détermination du mouvement des marées pendant les différents stades de construction des
ouvrages de fermeture dans un estuaire ; voir la Figure 4.18 à la Section 4.2.3.3 et la Section 7.2.2.
L’ordre présenté ci-dessous explique la façon dont il faut considérer un problème donné. Il
convient tout d’abord de déterminer s’il est possible de répondre à la question à l’aide d’un
modèle simple (0D ou 1D). Le recours à des modèles plus sophistiqués et nécessitant davantage
de temps (modèles 2D ou 3D) est à envisager uniquement si le modèle simple ne permet pas
d’obtenir une réponse suffisamment précise. Tous les modèles mentionnés dans cette section uti-
lisent un modèle de turbulence qui permet de calculer l’écoulement moyen sans résoudre les
variations de l’écoulement dues à la turbulence. Le modèle de turbulence permet toutefois d’ob-
tenir une estimation de l’intensité de la turbulence.
• modèle 2D ;
• modèle 3D.
Les modèles de conservation de la masse sont les plus simples ; ils sont basés sur la résolution du
mouvement à l’entrée de l’estuaire (embouchure), sans tenir compte des termes d’inertie et en
prenant pour hypothèse que la surface de l’eau dans l’estuaire est horizontale. Ce type de modèle
ne s’applique qu’aux estuaires courts (par rapport à la longueur d’onde). Les conditions aux limi-
tes sont la marée en mer, la surface de l’estuaire (qui dépend du niveau de l’eau), ainsi qu’une
estimation du coefficient de débit. Les principaux résultats obtenus sont la courbe des marées
(hauteur d’eau) dans l’estuaire et la courbe de débit à l’embouchure (voir la Section 4.2.3.3).
Le champ d’application des modèles en réseau n’est, quant à lui, pas limité aux estuaires courts,
et comprend également les rivières (à marées). Les voies d'eau sont schématisées sous la forme
d’un réseau de biefs (représentant les tronçons qui conduisent l’écoulement) et de hauts-fonds ou
bancs et de plaines d’inondation qui sont traités comme des zones de stockage. Ces modèles
reproduisent également les ondes de marée, ainsi que les réflexions, ce qui permet d’obtenir les
courbes de niveau h et de débit Q des différents tronçons (voies d’eau, hauts-fonds/plaines
d’inondation). SOBEK et WAQUA sont des exemples de ces modèles 1D de l’écoulement en
rivière et en estuaire. Les modèles 1D peuvent être utilisés pour les zones d’une longueur supé-
rieure ou égale à 1 km (mesurant jusqu’à 1 000 km). La taille de maille est généralement de 100 m
714 CETMEF
5.3 Modélisation des interactions hydrauliques et de la réponse structurelle
ou plus. Ces modèles ne s’appliquent qu’aux estuaires dans lesquels la dilution de l’eau de mer 1
dans l’eau douce est homogène (voir la Section 4.2.3.3), bien que l’on admette parfois des diffé-
rences de densité longitudinale.
Les situations caractérisées par des conditions d’écoulement complexes (non-uniformes) néces-
sitent absolument l’usage d’un modèle 2D ou 3D précis. Bien souvent néanmoins, le concepteur
devra faire appel au jugement de l’ingénieur pour interpréter les résultats d’un modèle 1D. Il
pourra, notamment, réaliser une estimation du coefficient de débit de la passe de fermeture aux
2
différents stades de construction d’un barrage de fermeture (voir les Sections 5.1.2.3 et 7.2.2).
Il faut avoir recours aux modèles 2D dans les cas où il est nécessaire d’inclure les distributions
verticales ou horizontales des niveaux d’eau, la structure et/ou la direction du courant. Il s’agit
soit de modèles 2DV (calcul du plan vertical dans le sens du courant, en règle générale) soit de
modèles 2DH (plan horizontal). Dans un modèle 2DH, la surface d’un estuaire, par exemple, est 3
divisée en un certain nombre de mailles qui, ensemble, couvrent la géométrie globale. Il peut
s’agir d’un maillage orthogonal (présence éventuelle de mailles tronquées au niveau des limites),
curvilinéaire ou non-structuré. Le modèle permet d’obtenir les hauteurs d’eau et les vecteurs de
vitesse moyennée sur la profondeur pour les différentes mailles. La taille de maille des modèles
2DH est déterminée dans une large mesure par les variations géométriques de l’étendue d’eau
étudiée. On peut utiliser, dans ces modèles, des tailles de maille relativement grandes (400 m pour 4
les mers côtières, p. ex.). Il convient néanmoins, pour les autres applications (à proximité d’une
passe de fermeture, p. ex.), que la taille des mailles soit comprise entre 1 et 10 m.
Les modèles 2DV s’utilisent lorsque les principales variations se produisent dans le plan vertical
(écoulement au-dessus d’une tranchée ou d’une carapace de conduite, p. ex.). Si le nombre de
Froude est bas, la surface de l’eau peut parfois être fixe (hypothèse du « rigid lid »). La résolution 5
spatiale horizontale doit être de l’ordre de la hauteur d’eau.
Il est nécessaire d’utiliser des modèles 3D en présence de gradients de vitesse (ou autres) 3D éle-
vés et de variations directionnelles, observés dans les deux plans d’écoulement, et qui doivent être
résolus. Pour minimiser la durée de calcul nécessaire, on suppose généralement que la distribution
de pression est hydrostatique (c’est le cas dans les progiciels Delft3D et MIKE 3, notamment).
Cela signifie que les accélérations verticales sont, par convention, négligeables. Ces modèles sont
6
donc toujours incapables de résoudre de très fortes variations géométriques, puisque les accéléra-
tions verticales auront un rôle à jouer. Les distributions de salinité ou les ralentissements de l’écou-
lement seront néanmoins résolus. On utilise généralement entre 10 et 50 couches verticales envi-
ron, ce qui signifie que la largeur des mailles 3D est d’ordinaire bien supérieure à la hauteur.
Le premier point fait notamment référence à des composantes de l’écoulement importantes (non- 9
conformes à la réalité) induites au niveau des limites par des écarts (p. ex. de l’ordre de 10-2 m)
entre des niveaux d’eau voisins liés à l’imprécision des relevés effectués. Les limites doivent donc
être suffisamment éloignées de la zone étudiée pour que ces composantes de l’écoulement devien-
nent minimes (p. ex. sous l’effet de la dissipation présente dans le système). Les modèles emboîtés
(Section 4.3.5) permettent d’éviter les incohérences au niveau des conditions aux limites. Pour des
frontières forcées par la marée, les conditions aux limites peuvent être données en termes de com- 10
posantes harmoniques (p. ex. O1 ou M2, voir la Section 4.2.2).
CETMEF 715
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Les modèles mentionnés ci-dessus permettent de réaliser une estimation du courant moyenné sur
la profondeur près d’un ouvrage. Néanmoins, la structure de l’écoulement peut devenir très com-
plexe à proximité immédiate d’un ouvrage (c.-à-d. au niveau de la protection du fond ou des ber-
ges). Il se produit des mouvements en spirale et des accélérations, la turbulence n’est pas en équi-
libre, et la surface libre ainsi que la géométrie peuvent présenter des gradients élevés. C’est la rai-
son pour laquelle on utilise encore souvent des règles de dimensionnement empiriques pour
l’évaluation finale de la stabilité des couches de protection en enrochement (p. ex. facteurs kt et
kh de la formule de Pilarczyk, voir la Section 5.2.3.1). Il est bien souvent impossible de détermi-
ner avec précision l’action de l’écoulement. Il faut donc calculer avec précision l’écoulement près
des ouvrages en vue du dimensionnement des fonds ou des talus en enrochement. En matière
d’écoulement à surface libre à proximité des ouvrages, les accélérations verticales et la turbulence
jouent un rôle majeur. Il faut pour cela résoudre l’intégralité des équations 3D sans l’hypothèse
de la pression hydrostatique, ce qui nécessite des outils de calcul sophistiqués. Il faut également
faire un autre choix fondamental : déterminer si la turbulence est modélisée et l’écoulement
moyen calculé (p. ex. à l’aide d’un modèle k-∑), ou si la turbulence est (partiellement) résolue, ce
qui fait l'objet des paragraphes suivants.
À l’heure actuelle, les modèles totalement 3D sans hypothèses de pression hydrostatique sont
encore peu utilisés dans la pratique du génie civil, bien qu’ils se répandent à mesure que les capa-
cités de calcul augmentent. Des progiciels capables de résoudre l’écoulement et de modéliser la
turbulence en 3D ont été développés pour des applications industrielles, principalement pour des
situations d’écoulement confiné sans surface libre. CFX, PHOENIX et FLUENT en sont des
exemples. Calibrés correctement, les modèles présentent une ressemblance satisfaisante avec
l’écoulement moyen et fournissent une estimation de l’énergie cinétique de la turbulence. Ces
progiciels proposent une option de surface libre qui peut devenir instable.
La simulation des grandes échelles (Large Eddy Simulation - LES) permet de résoudre la turbu-
lence à grande échelle dans le temps et dans les trois dimensions spatiales. On peut donc obtenir
les caractéristiques de la turbulence (et de l’écoulement moyen) avec un degré de précision accru,
au prix de durées de calcul encore plus longues et d’une réduction des domaines. À l’heure
actuelle, la LES s’utilise principalement dans le cadre de la recherche. Il est généralement impos-
sible d’appliquer cette technique aux situations réelles en raison de la complexité de la géométrie
des applications existantes. Cela pourrait néanmoins être amené à changer dans un futur proche,
du fait de l’augmentation des vitesses de calcul.
716 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Dans certains écoulements (peu profonds), de grands tourbillons plats se détachent des obstacles 1
(p. ex. épis et digues). Ce phénomène joue parfois un rôle essentiel dans le développement de
l’écoulement moyen et de la turbulence. Il est alors possible de recourir à une combinaison entre
un modèle 2DH et un modèle de LES 3D : la LES horizontale (« HLES »). Ce type de modélisa-
tion ne résout que la turbulence en 2D horizontal avec des échelles de longueur supérieures à la
hauteur d’eau. Pour les variations sur la hauteur, on prend pour hypothèse un profil de vitesse
logarithmique. Ces modèles sont déjà employés dans certaines applications de génie civil (p. ex.
Delft3D). Les calculs peuvent être effectués pour des domaines de la taille de deux champs d’épis.
2
Cette section est consacrée à la conception des ouvrages hydrauliques comportant des enroche-
ments. Le lecteur pourra, s’il souhaite accéder aux principales données de base, se reporter à cer-
tains ouvrages pédagogiques tels que Soil mechanics (La mécanique des sols) (Craig, 2004) ; A guide
to soil mechanics (Mieux comprendre la mécanique des sols) (Bolton, 1979) ; Soil mechanics in engi-
5
neering practice (La mécanique des sols dans la pratique du génie civil) (Terzaghi et al., 1996).
Les ouvrages hydrauliques présentant une partie spécifique en béton ou en acier (p. ex. mur de
couronnement en béton) nécessitent également d’effectuer des études géotechniques, hydrauli-
ques et structurelles. Cette section n’aborde que le volet géotechnique. Des données géotechni-
ques pertinentes doivent être utilisées lors des analyses hydrauliques et structurelles. 6
NOTE : cette section repose sur les recommandations formulées dans les Eurocodes. Dans le cas
des projets élaborés dans des régions situées hors de l’Europe, il sera nécessaire de se référer aux
normes et aux prescriptions nationales. Par ailleurs, même au sein de l’Union européenne, les
recommandations données dans les Eurocodes doivent être complétées par les normes nationa-
les, lorsque celles-ci s’appliquent. 7
Les études géotechniques sont nécessaires pour éviter la rupture ou les déformations excessives
de l’ouvrage ou de ses fondations. La conception géotechnique doit être effectuée par des ingé-
nieurs qualifiés et expérimentés. La Section 5.4.1 énumère les risques géotechniques à prendre en
compte. La Section 5.4.2 présente les principes de la conception géotechnique. La Section 5.4.3
analyse les états-limites ultimes et les états-limites de service, qui doivent être étudiés lors de la 8
conception des ouvrages hydrauliques. Les méthodes d’analyse et de calcul de la stabilité et du
tassement en présence d'actions statiques et sismiques sont ensuite passées en revue, de même
que les conditions liées à la maîtrise de l’érosion et au dimensionnement du filtre. La Section 5.4.4
est consacrée aux propriétés géotechniques des sols, des enrochements et des remblais, utilisées
lors de la conception. Les spécificités de la réponse en termes de pressions interstitielles aux
actions hydrauliques font l'objet de la Section 5.4.5. Les informations qui doivent être archivées
à l’issue du processus de conception géotechnique sont énumérées à la Section 5.4.6.
9
La Figure 5.122 illustre l’ensemble des aspects géotechniques traités dans cette section, et fait
également apparaître l’interdépendance entre ces différents aspects. En outre, les liens existants
entre la présente section et d’autres sections de ce guide sont indiqués dans le logigramme de la
Figure 5.122.
10
CETMEF 717
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Propriétés géotechniques
des sol et de la roche Pressions interstitielles
et écoulement interne
Section 5.4.4
Section 5.4.5
• sol vs matériaux rocheux
• actions stationnaires
• perméabilité
• actions non-stationnaires
• résistance au cisaillement
• résistance aux déformations
Mal conçus, les ouvrages hydrauliques peuvent subir des ruptures, des tassements excessifs ou une
érosion induite par l’écoulement ou la houle. Ces phénomènes sont parfois dus à la résistance
insuffisante du sol ou de l’ouvrage en enrochement, à leur déformabilité, à de mauvaises condi-
tions de circulation interne de l'eau ou encore à des actions extérieures agressives.
Les différents types d’ouvrages présentés dans ce guide sont soumis à des actions de natures
diverses, et seront donc confrontés à des problèmes spécifiques. Les risques géotechniques peu-
vent néanmoins être résumés comme suit pour tous les types d’ouvrages :
• rupture du talus induite par les actions hydrauliques (houle, courant, différence de charge et
gravité) ;
718 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
• érosion des particules fines induite par l'action hydraulique dans le cas d’un fonctionnement 1
insuffisant du filtre, ce qui risque d’entraîner une rupture du talus (grand glissement) ou le tas-
sement de celui-ci ;
Les ouvrages maritimes et côtiers (digues portuaires, protections de haut de plage, brise-lames, 3
revêtements, épis) peuvent subir des ruptures en cours de construction (ou même en service),
notamment sur des sols vaseux et mous caractérisés par une faible capacité portante, ou des tas-
sements généralisés, localisés ou différentiels excessifs. Il faut donc procéder, lors de la concep-
tion, aux vérifications suivantes :
• analyse de la stabilité du sol sur lequel reposent les fondations et de l’ouvrage aux différentes
phases de la construction, en tenant compte des mécanismes de rupture connus (rupture par
4
dépassement de la capacité portante et rupture le long d'une surface de glissement) ;
Le tassement estimé devra être compensé par une augmentation de la hauteur de l'ouvrage.
6
Ces vérifications doivent également être effectuées pour tous types d’ouvrages de fermeture et
de barrages-réservoirs, ainsi que pour les ouvrages des voies navigables intérieures, tels que les
digues contre les crues, notamment.
Les protections de berges faites d’enrochement naturel ou de gabions peuvent présenter des
déformations excessives, des instabilités locales, des tassements différentiels, une rupture par
manque de capacité portante, des ruptures par glissement du talus, un glissement plan sur la base
7
(Degoutte et Royet, 1999 ; Royet et al., 1992). Elles doivent donc être conçues avec soin, selon les
formules de stabilité et les méthodes de calcul du tassement applicables.
La situation finale de l’ouvrage n’est pas nécessairement la plus critique, et il faut prêter une
attention particulière à l’identification et à la description de l’ensemble des situations critiques,
susceptibles de survenir au cours des travaux de construction décrits à l’Encadré 5.29. L’analyse 8
des situations transitoires de l’ouvrage s’inscrit pleinement dans la procédure de conception géo-
technique standard.
10
CETMEF 719
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Encadré 5.29 Exemples des états-limites à étudier à chaque stade de la construction d’une digue portuaire
La Figure 5.123 présente les phases successives de la construction d’une digue portuaire en enrochement
(les quatre premières apparaissent dans la colonne de gauche, et les trois dernières dans la colonne de
droite), chacune étant accompagnée des situations critiques caractéristiques en termes de risques géotech-
niques – il s’agit des états-limites à analyser.
Figure 5.123 Différents états-limites à étudier en vue de la construction d’une digue portuaire en
enrochement
Notes :
1. ELU = état-limite ultime, qui désigne le comportement en conditions extrêmes, et définit généralement la
capacité de l’ouvrage à résister à des actions extrêmes (voir la Section 5.4.2.3) ;
2. ELS = état-limite de service, qui fait référence à la performance de l’ouvrage en conditions normales, et
représente habituellement la fonction que ce dernier est censé assurer (voir la Section 5.4.2.3) ;
3. La notion de « stabilité des sols » comprend la capacité portante, la liquéfaction, etc. ; il faut prêter atten-
tion non seulement au comportement à court terme de l’ouvrage (p. ex. pendant la mise en place des
matériaux), mais également à son comportement à long terme ;
4. Le terme « stabilité des talus » recouvre les ruptures localisées et généralisées survenant au niveau des
talus, telles que les grands glissements, les parties de la carapace qui glissent et la rupture de l’ouvrage
et/ou de son talus.
La conception géotechnique des ouvrages hydrauliques en enrochement repose sur une analyse
de la stabilité et sur une étude des déformations visant à limiter les risques énumérés à la Section
720 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
5.4.1. Ces analyses se fondent sur la mise en œuvre de l’approche dite aux états-limites, élaborée 1
à la fin du 20ème siècle pour harmoniser le dimensionnement des structures de bâtiments et de
ponts au niveau européen. Cette approche devrait à l'avenir influencer l'évolution du processus
de conception géotechnique de tous les types d’ouvrages. Le nouveau format du système de vali-
dation n’a pas modifié les bases de la conception géotechnique, les méthodes de calcul et le mode
d'évaluation des paramètres du sol et de la roche.
5.4.2.1 Généralités
3
Il faut procéder à une analyse géotechnique pour toutes les situations critiques, définies comme
des situations de calcul (voir la Section 5.4.2.2). Pour chaque situation de calcul, il faut identifier
et déterminer les types et l’intensité des actions ainsi que les propriétés physiques et mécaniques
des sols et de la roche à prendre en compte. Ces paramètres diffèrent généralement pour les
états-limites de service (ELS) et pour les états-limites ultimes (ELU) (voir la Section 5.4.2.3).
4
La stabilité et/ou l’acceptabilité des mouvements estimés ou de déformations estimées du sol et
de l’ouvrage sont ensuite évalué(e)s pour chaque situation de calcul. La stabilité est vérifiée en
comparant les actions à la résistance. Les mouvements et les déformations sont comparés aux
valeurs limites liées à l’exploitation de l’ouvrage. Les calculs sont basés sur les valeurs de calcul
des actions et des propriétés des sols et de la roche, déterminées à partir des valeurs caractéristi-
ques (voir la Section 5.4.2.4). La sécurité de l’ouvrage est garantie en comparant les valeurs aug- 5
mentées des actions et les valeurs diminuées des résistances (voir la Section 5.4.2.5).
Définitions et exemple
6
La situation de calcul géotechnique est définie par la géométrie du sol et de l’ouvrage, les valeurs
des paramètres mécaniques et physiques des sols et de la roche, et les valeurs des actions.
Le choix des différentes situations de calcul pour un projet donné est lié à l'enchaînement des
phases de construction et aux événements susceptibles de se produire au cours de la durée de ser-
vice de l’ouvrage. L’Encadré 5.29 donne un exemple des situations de calcul identifiées lors de la
construction d’une digue. En règle générale, lors des travaux, les situations géométriques les plus
7
critiques se produisent à la fin de chaque étape de construction, par exemple lorsque le fond
d’une excavation est atteint, au moment de l’achèvement d’un remblai. Il n’est pas nécessaire de
vérifier toutes les situations critiques. Il arrive que certaines analyses soient couvertes par d’au-
tres : l’expérience a par exemple montré que c’est durant la construction que la stabilité d’un
ouvrage bâti sur sol mou est la plus critique.
8
Propriétés des sols et des matériaux rocheux
Les paramètres géotechniques du sol et des matériaux rocheux sont déterminés à partir des dif-
férentes reconnaissances géotechniques (voir la Section 4.4) et, pour les enrochements, à partir
des reconnaissances en carrière (Chapitre 3 et Section 5.4.4). Leurs valeurs mesurées sont géné-
ralement dispersées et ne peuvent être utilisées directement dans les calculs. On a alors recours 9
à des estimations sécuritaires des valeurs moyennes. La méthode utilisée pour déterminer ces
valeurs moyennes dépend du type et de la géométrie de l’ouvrage à l’étude.
La Section 5.4.4 propose des informations sur les paramètres géotechniques. La Section 5.4.3 pré-
sente quant à elle les méthodes d’analyses utilisées.
10
CETMEF 721
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
• actions permanentes (p. ex. poids propre, hauteur moyenne du niveau d’eau) ;
• actions variables (actions limitées dans le temps liées à l’exploitation de l’ouvrage telles que
la charge de circulation, les variations de la hauteur d’eau induites par la marée, la baisse du
niveau d’eau dans un tronçon de canal lors de travaux de maintenance, la pression de la glace
dans les régions froides) ;
• actions accidentelles (p. ex. choc de navires, tsunami, changement brusque de la hauteur d’eau
due à une rupture de barrage, pression de la glace dans les régions tempérées) ;
Les actions peuvent être soit des actions géotechniques, qui proviennent directement de ou sont
transmises à travers les sols ou les matériaux rocheux, soit des actions directement exercées sur un
ouvrage en acier ou en béton, sans aucune interférence du comportement du sol ou des matériaux
rocheux. Différentes actions peuvent s’exercer sur un ouvrage de façon simultanée ou en combi-
naisons spécifiques, qui doivent être spécifiées par des règlements ou par le maître d'ouvrage.
Les actions de nature non-géotechnique sont définies aux Sections 4.1 à 4.3. Les actions géotech-
niques sont évaluées d’après des calculs spécifiques basés sur les propriétés des sols et des maté-
riaux rocheux, tel que l’expliquent les Sections 5.4.2.4, 5.4.2.5 et 5.4.4.
Pour un ouvrage et un site donnés, il faut évaluer la probabilité que se produisent les différentes
actions introduites dans chaque combinaison, et limiter l’analyse aux combinaisons d’événements
présentant une probabilité d’occurrence suffisamment élevée. Ainsi, la combinaison d’un impact
de navire et de conditions de houle extrêmes est certainement impossible en termes d’ELS, mais
peut être envisagée dans le cadre des ELU.
Au cours de leur durée de vie, les ouvrages hydrauliques doivent satisfaire à une série de condi-
tions rassemblées sous le nom état-limite de service. Ces critères garantissent que l’ouvrage fonc-
tionne conformément aux attentes du client ; ils comprennent :
• la stabilité de l’ouvrage ;
Figure 5.124 Exemple d’ELS : le tassement de la crête d’une digue induit, certains jours de l’année, un
franchissement de la houle excessif
722 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Figure 5.125 Exemple d’ELU : rupture du talus aval à forte pente entraînant la rupture de tout le barrage,
suite à une variation extrême du niveau d’eau.
La Section 5.4.3.1 fournit des précisions concernant les ELS et les ELU.
6
5.4.2.4 Valeurs caractéristiques et valeurs de calcul
On ne connaît généralement pas précisément la valeur des actions Fi et des propriétés physiques
et mécaniques des sols et des matériaux rocheux Xj pour des situations de calcul données. Les
actions peuvent être induites par des phénomènes naturels variants stochastiquement, tels que les
7
effets du vent ou de la houle, ou par des actions variables de service variables. Les propriétés des
sols et des matériaux rocheux doivent être déterminées avec un degré de fiabilité approprié en se
basant sur les reconnaissances géotechniques effectuées sur site.
Le dimensionnement s’intéresse aux valeurs représentatives des actions et des propriétés des
matériaux, appelées valeurs caractéristiques. Celles-ci sont généralement obtenues en procédant 8
à une estimation sécuritaire des valeurs moyennes des propriétés des sols et des matériaux
rocheux. La détermination des moyennes est effectuée dans un volume ou une surface dépendant
du mécanisme de rupture ou de la fondation de l’ouvrage. On utilise les notations suivantes :
CETMEF 723
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
La majeure partie des données géotechniques utilisées dans le dimensionnement des ouvrages
hydrauliques provient des résultats des essais correspondant à un volume limité de sol. Ce
volume peut être très réduit ou au contraire relativement important par rapport à la masse de sol
impliquée dans l’interaction entre le sol et l’ouvrage. Lorsque le volume de sol testé est réduit,
des variations de ces paramètres peuvent exister dans la masse de sol impliquée dans le compor-
tement de l’ouvrage. Dans ce cas, la valeur significative de ce paramètre est sa valeur moyenne à
l’échelle de l’ouvrage. À l’inverse, lorsque le volume testé est important par rapport aux phéno-
mènes géotechniques impliqués dans l’interaction entre le sol et l’ouvrage, les variations des
valeurs mesurées ont un impact important pour le projet, et la valeur caractéristique doit être
évaluée directement à partir des résultats des essais.
La détermination des valeurs caractéristiques des paramètres géotechniques doit tenir compte de
la dimension des essais et des ouvrages, mais le mode d’évaluation de la valeur caractéristique
dépend du type et de la quantité de données disponibles. L’Eurocode 7 mentionne deux appro-
ches distinctes : les valeurs caractéristiques peuvent soit être évaluées directement, soit être obte-
nues par analyse statistique :
• la seconde approche est une analyse statistique, réalisable dès lors que l’on dispose de suffi-
samment de données pour qu’une analyse statistique soit possible. Baguelin et Kovarik (2001)
suggèrent d’utiliser une approche simplifiée basée sur le fait que la valeur caractéristique est
nécessairement supérieure à la valeur la plus basse du paramètre et inférieure à sa valeur
moyenne. La valeur caractéristique est égale à la valeur la plus basse lorsque le comportement
de l’ouvrage dépend d’une valeur locale (vis-à-vis de la taille de la zone testée) de ce paramè-
tre. Elle est égale à la moyenne lorsque l’ouvrage est très grand comparé à la taille de la zone
testée et à l’échelle de variabilité du sol. Il est donc suggéré de déterminer tout d’abord la
valeur minimale et la valeur moyenne du paramètre de sol, puis de tenir compte de la varia-
bilité spatiale du sol à l’échelle de l’ouvrage. Cette approche est retenue dans ROSA 2000
(CETMEF, 2001) pour déterminer les valeurs caractéristiques des paramètres géotechniques
utilisés pour le dimensionnement des digues, berges et protections de talus des fleuves et des
voies d’eau, et le dimensionnement des protections de talus sous certains ouvrages de quai.
L’Encadré 5.30 présente les méthodes et les paramètres servant à déterminer les valeurs carac-
téristiques des propriétés du sol.
Étant donné que les dimensions des ouvrages en enrochement sont souvent très imposantes, il est
essentiel de tenir compte des variations éventuelles des propriétés du sol dans l'emprise de la
zone concernée par la construction.
724 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Encadré 5.30 Détermination des valeurs caractéristiques des paramètres de sol par analyse statistique 1
Un coefficient d’incertitude statistique, lié au nombre d’observations effectuées à l’aide de la distribution de
Student, est utilisé pour calculer les deux fractiles de la distribution des résultats des essais (fractile à 0 %
pour la valeur la plus basse et fractile de 50 % pour la valeur moyenne). Baguelin et Kovarik (2001) suggè-
rent d’évaluer la valeur moyenne inférieure Xm25 % à 25 % de risque (de non-dépassement) à l’aide des valeurs
du coefficient d’incertitude kα (-) données au Tableau 5.60.
Tableau 5.60 Valeurs de kα en fonction du nombre de résultats de tests 2
Nombre de résultats de tests 2 3 4 5 6 8 10 20 30 100
Valeur de kα 0.71 0.47 0.39 0.33 0.30 0.25 0.22 0.15 0.12 0.07
L’estimation de moyenne désirée est ensuite calculée d’après la valeur moyenne μx et de l’écart-type σx
observés sur l'échantillon de données, à l’aide de l’Équation 5.248 :
3
(5.248)
Baguelin et Kovarik (2001) proposent d’évaluer la valeur basse Xb5 % à 5 % de risque (de non dépassement)
en suivant la même méthode, à l’exception des valeurs du coefficient d’incertitude ; ces valeurs kβ sont don-
nées au Tableau 5.61.
Tableau 5.61 Valeurs de kβ en fonction du nombre de résultats de tests
4
Nombre de résultats de tests 2 3 4 5 6 8 10 20 30 100
Valeur de kβ 7.73 3.37 2.63 2.33 2.18 2.00 1.92 1.76 1.73 1.64
La valeur la plus basse à 5 % de risque est ensuite déterminée à l’aide de l’Équation 5.249.
(5.249)
5
Pour tenir compte de la variabilité spatiale des propriétés du sol, on utilise le principe de réduction de l'écart-
type. Des études théoriques ont montré que l’effet de l’auto corrélation spatiale des propriétés du sol peut être
modélisé par une réduction de l'écart type des données issues des essais, comme fonction des dimensions
de l’ouvrage et de l’importance du volume de sol testé lors de chaque essai. Baguelin et Kovarik (2001) sug-
gèrent que le coefficient de réduction de l’écart-type doit être pris en tant que racine carrée de l’estimation du
ratio de la distance d’auto corrélation à la valeur de l'aire ou du volume impliquée dans l’interaction entre le
sol et l’ouvrage ou dans le mécanisme de rupture. Le Tableau 5.62 donne des valeurs-types de la distance 6
d’auto corrélation.
Tableau 5.62 Distances d’auto corrélation types
Élevé 15 m 2m
Normal 10 m 1m
7
Faible 5m 0.5 m
(5.250)
9
Il existe deux méthodes permettant de déterminer les valeurs de calcul des effets des actions Ei ; d
et des résistances Rj ; d de l’Équation 5.250 d’après les valeurs caractéristiques des actions Fi ; k et
des propriétés des matériaux (sol et roche) Xj ; k, respectivement.
10
CETMEF 725
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
La première méthode introduit la sécurité au niveau de F (valeur des actions) et de X (valeur des
propriétés des matériaux) en appliquant des coefficients de sécurité partiels, γF et γX, aux valeurs
caractéristiques des actions et des propriétés des matériaux, respectivement. Ces relations sont
présentées dans les Équations 5.251 et 5.252.
(5.251)
(5.252)
Les effets des actions et les résistances sont ensuite calculés à l’aide des méthodes standard (voir
la Section 5.4.3), ce qui est représenté en termes généraux par les Équations 5.253 et 5.254.
(5.253)
(5.254)
(5.255)
(5.256)
Les valeurs de calcul de l'effet des actions et des résistances sont ensuite déterminées à partir de
leurs valeurs caractéristiques en utilisant γE et γR. Les Équations 5.257 et 5.258 présentent les
relations entre les valeurs de calcul et les valeurs caractéristiques respectives des actions et des
résistances.
(5.257)
(5.258)
Les valeurs des coefficients partiels γF, γX, γE et γR dépendent des actions ou des paramètres du
sol/de la roche, et font l’objet de la Section 5.4.2.7. L’utilisateur est libre de choisir l’une ou l’au-
tre de ces méthodes. Il faut noter que ce choix peut également dépendre des normes nationales ;
ainsi en Europe il devra respecter l’Eurocode adéquat.
La seconde méthode consiste à utiliser les valeurs caractéristiques (représentatives) des paramètres
dans la totalité des calculs de stabilité. La sécurité est donc regroupée dans l’Équation finale 5.259.
ou (5.259)
Dans les cas simples, où l'effet résultant d’une action (une force ou un moment) est comparé à une
résistance (une force ou un moment), l’Équation 5.259 peut être transformée en l’Équation 5.260 :
ou (5.260)
726 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Il est nécessaire de procéder à une analyse du tassement ou une analyse action-déformation pour
2
vérifier directement les critères de déplacements et de déformations à respecter. Ces calculs se
basent sur les valeurs caractéristiques des actions (en ELS) et des propriétés de déformation des
matériaux (tous les coefficients partiels étant égaux à 1).
Si les estimations des déformations sont impossibles ou trop difficiles à effectuer pour l’ouvrage
à l’étude, le recours à une autre approche est considéré comme acceptable pour limiter les tasse- 3
ments ou les déformations du sol ou de l’ouvrage ; cette alternative consiste à réduire les actions
exercées sur l’ouvrage à une fraction de la charge de rupture estimée dans l'analyse de stabilité.
Dans la pratique, les analyses de stabilité sont effectuées à l’aide de coefficients de mobilisation,
et non de coefficients de sécurité. La valeur de ces coefficients de mobilisation est supérieure à
celle des facteurs partiels employés pour l’analyse de la stabilité en ELU.
4
NOTE : ces analyses utilisent les combinaisons des actions propres aux ELS, qui peuvent différer
de celles utilisées pour les analyses en ELU. La Section 5.4.2.7 ci-dessous propose des valeurs de
coefficients de mobilisation.
L’EN 1997-1 définit deux cadres pour l’analyse des ELU : le premier comporte une double véri-
fication des conditions de sécurité (approche 1) tandis que le second ne repose que sur une seule
7
série de vérifications, que l’on peut effectuer de deux façons différentes (approches 2 et 3).
La différence entre les approches 2 et 3 est liée à la façon dont les coefficients partiels sont appli-
qués aux résistances : soit au niveau des paramètres du sol tels que la cohésion, c (kPa), l’angle de
frottement interne, ϕ (°), et d’autres résultats d’essais effectués in situ et en laboratoire (voir la
Section 4.4 ; ces paramètres sont également présentés à la Section 5.4.4 ou dans les guides de réfé- 8
rence), soit au niveau des résistances obtenues par calcul, telles que la force de butée du sol exer-
cée sur un ouvrage de soutènement, la résistance de fût ou la capacité portante en pointe ou en
frottement des pieux, la résistance au cisaillement totale sur une surface de glissement poten-
tielle, etc. Pour chaque situation de calcul et chaque équation de stabilité, on majore ensuite les
effets des actions et on minore les résistances correspondantes avant de comparer les valeurs
ainsi obtenues. En règle générale, on augmente de 10 % les actions permanentes défavorables 9
tout en baissant de 10 % les actions permanentes favorables pour vérifier l’équilibre statique de
l’ouvrage, considéré comme une structure rigide. Pour les ELU structurels ou géotechniques, on
augmente de 35 % les actions permanentes défavorables et on applique aux valeurs caractéristi-
ques des actions permanentes favorables un coefficient partiel égal à 1. Les coefficients partiels
utilisés pour la solidité et les résistances sont ajustés en conséquence pour obtenir le niveau habi-
tuel de sécurité propre à chaque type d’ouvrage. 10
CETMEF 727
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
L’analyse visant à limiter le tassement des fondations superficielles constitue le seul cas où les
coefficients de mobilisation sont couramment utilisés. Dans de nombreux pays l’usage courant est
généralement de prendre un coefficient de mobilisation d’une valeur de 3 afin d’obtenir des
valeurs de tassement limitées. Pour les autres types d’ouvrages, moins sensibles aux déformations,
il est possible d’utiliser des valeurs plus réduites, dès lors que celles-ci sont basées sur une expé-
rience locale comparable.
En France, les Recommandations pour le calcul des Ouvrages en Site Aquatique (ROSA 2000)
(CETMEF, 2001) proposent également des ensembles de coefficients de sécurité partiels et de
coefficients de mobilisation applicables à certains types d’ouvrages en enrochement. Ces recom-
mandations se basent sur les versions précédentes des Eurocodes (normes « ENV »).
Au lieu de l’approche semi-probabiliste présentée aux Sections 5.4.2.4 à 5.4.2.7, il est possible
d’appliquer une analyse probabiliste qui introduit les fonctions de distributions statiques relati-
ves aux propriétés des matériaux, aux actions et aux modèles de calcul. Cette analyse permet la
détermination d’un risque statistique de dépassement de chaque état-limite. Voir la Section
2.3.3.3 ainsi que les références suivantes :
L’extrême diversité de la nature et de l’état des sols et de la roche de la croûte terrestre, ainsi que
la multiplicité des types d’ouvrages construits à partir du sol et de la roche, au-dessus ou à l’inté-
rieur des sols et de la roche ont donné naissance à un ensemble de méthodes d’analyse complé-
mentaires ou concurrentes, généralement basées sur des modèles et des paramètres physiques,
mécaniques ou hydrauliques spécifiques. Le choix du modèle ou de la méthode d’analyse, qui
dépend du type d’ouvrage étudié et du niveau de précision désiré, a un impact sur la façon dont
les conditions géotechniques doivent être décrites. Les modèles géotechniques doivent notam-
ment être adaptés aux méthodes de dimensionnement utilisées, c'est-à-dire au type d’ouvrage, de
fondations, etc. Le dimensionnement géotechnique des ouvrages hydrauliques comprenant des
matériaux rocheux, constitue donc un processus combiné de caractérisation du site et d’analyses
mécaniques et hydrauliques.
Un modèle géotechnique inclut les données concernant le site et la géométrie de l’ouvrage, le sol
et les matériaux rocheux ayant une incidence sur le projet, leur emprise dans le sol et leurs pro-
priétés, exprimées conformément aux besoins associés à la méthode d’analyse choisie. Ces infor-
mations sont obtenues à partir des reconnaissances géotechniques (voir la Section 4.4). Le
modèle géotechnique intègre les valeurs caractéristiques des propriétés physiques, mécaniques et
hydrauliques du sol, des matériaux rocheux et des matériaux de remplissage, qui ont un impact
sur le comportement du site et de l’ouvrage. Les différents types d’ouvrages existants sont, pour
la plupart, utilisés depuis longtemps, ce qui a permis de capitaliser de nombreuses expériences
quant à leur comportement et leur mode de vieillissement, de détérioration, voire de destruction.
Afin de contrôler ces phénomènes et de concevoir des ouvrages résistants, sûrs et durables, des
règles ou des modèles de calcul efficaces, et néanmoins simples, ont été mis au point, ils tiennent
728 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
compte des modes de déformations et de ruptures observés ainsi que des propriétés géotechni- 1
ques des sols et des matériaux rocheux qui interviennent dans ces phénomènes. Ces règles ou
modèles de calcul sont présentés aux Sections 5.4.3.2 à 5.4.3.7, tandis que les propriétés fonda-
mentales du sol et des matériaux rocheux sont passées en revue à la Section 5.4.4.
États-limites ultimes
2
Les États-limites ultimes se répartissent généralement en 5 catégories :
3. Perte d’équilibre de l’ouvrage ou du sol due à une sous-pression causée par la charge hydrauli-
que ou à d’autres actions verticales ou horizontales induites par l'effet de la circulation de l'eau 4
interstitielle, par exemple sous-pression d’un barrage lors du remplissage du bassin de retenue.
4. Soulèvement hydraulique, renard, instabilité du filtre ou érosion interne due aux gradients
hydrauliques, à l’érosion du noyau de l’ouvrage du fait d’une différence de niveau d’eau (voir
la Section 5.4.3.6).
5. Perte d’équilibre statique du sol et/ou de l’ouvrage, considéré comme un ensemble rigide. 5
Parfois, le phénomène de rupture concerne à la fois le sol et l’ouvrage, par exemple dans le cas
d’une rupture de talus (grand glissement) se produisant à la fois à l'intérieur de l’ouvrage et dans
le sol de fondation. Les pressions hydrauliques ont une influence décisive sur la stabilité de nom-
breux ouvrages hydrauliques (voir la Section 5.4.5).
États-limites de service
6
Les états-limites de service (ELS) désignent généralement les types de déplacements et de défor-
mations suivants :
Figure 5.126 Rotation d'un ouvrage induite par une action excentrée
10
CETMEF 729
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
5.4.3.2 Rupture de talus (grand glissement) induite par les actions hydrauliques et par la gravité
La protection du talus est généralement constituée d’une ou plusieurs couches parallèles à la sur-
face du talus. Il peut se produire un glissement le long de l’une des interfaces séparant les cou-
ches lorsque les pressions interstitielles au niveau de ces interfaces sont supérieures aux pressions
hydrauliques au niveau de la surface du talus. Ce phénomène peut notamment se produire au
niveau de l’interface séparant un sous-sol ou une couche relativement perméable et une carapace
relativement imperméable (voir les Figures 5.127 et 5.128).
L’analyse du glissement de la protection du talus sous l’effet des vagues levées par le vent ou
induites par la navigation doit couvrir les aspects suivants :
• l'estimation du run-down moyenné sur le revêtement qui, en présence d'un clapot, est infé-
rieur au run-down local maximal (voir les Sections 5.1.1 et 5.1.2) ;
• l'estimation de la pression interstitielle juste en dessous de chaque interface, qui peut être
influencée par la surélévation du niveau piézométrique interne (voir la Figure 5.152 et
l’Encadré 5.39) ;
Le glissement d’une protection de talus sous l'effet des vagues levées par le vent ou induites par
la navigation peut également être observé le long d’une surface de glissement peu profonde dans
du sable, si du gaz est présent dans les interstices en cas de stockage élastique (phénomène illus-
tré à l’Encadré 5.42). Klein-Breteler et Bezuijen (1998) présentent un cas pratique d’approche de
dimensionnement pour ce type de situation.
Figure 5.127
Vagues levées par le vent à
l’origine d’un glissement de la
protection reposant sur la
butée de pied
Figure 5.128
Vagues induites par la naviga-
tion à l’origine d’un glissement
de la protection ancrée en
haut du talus
730 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Les règles de calcul peuvent varier d’un pays à l’autre. Il convient donc de se référer à l’Eurocode
7 et à ses annexes nationales ou aux règles nationales qui spécifient les méthodes de calcul de la 4
capacité portante et les coefficients de sécurité associés à utiliser.
Lorsque l'action exercée sur le sol par l’ouvrage n’est pas perpendiculaire à la surface de contact
entre le sol et l’ouvrage (caissons soumis aux actions de la houle, ouvrage en enrochement bâti sur
une pente, etc.), il faut évaluer la stabilité vis-à-vis du glissement au niveau de la base de l’ouvrage.
Il faut en outre s’assurer qu'aucune rupture d'élément de l'ouvrage ne se produit sous l'effet du
5
mouvement de ses fondations.
NOTE : bien que le dimensionnement des fondations en ELS repose sur une analyse du tassement
et de la déformation, il est possible d’appliquer à la capacité portante un coefficient de mobilisa-
tion lorsque l’on ne peut procéder à une analyse fiable du tassement (voir la Section 5.4.3.7).
6
5.4.3.4 Réponse dynamique induite par l’impact de la houle
La réponse dynamique due à l’impact de la houle ne concerne que les ouvrages dotés de grands
murs plats tels que des digues en caissons. Ce type d’ouvrages est généralement conçu de façon à
éviter toute action significative liée à l’impact de la houle. Oumeraci et al. (2001) traitent ce type
de dimensionnement. 7
5.4.3.5 Dimensionnement parasismique
• tassements excessifs ;
1. Lorsque les sols sableux saturés se situent à une profondeur élevée (généralement plus de
15 m sous la surface du sol dans le cas d’un bâtiment).
2. Lorsque a S < 0.15, où a = l’accélération relative du sol (m/s2) et S = un coefficient défini dans
l’EN 1998-1, et lorsque, simultanément, au moins l'une des conditions suivantes est remplie :
• le sable présente une teneur en argile supérieure à 20 % avec un indice de plasticité Ip > 10
(où Ip (%) est défini comme la différence entre la limite de liquidité et la limite de plasticité),
• le sable présente une teneur en limon supérieure à 35 % avec, et dans le même temps, un nom-
bre de coups normalisé à l'essai SPT, N1(60) > 20 (pour la définition, voir l’Équation 5.261),
Analyse de la liquéfaction
L’évaluation du potentiel de liquéfaction doit être effectuée pour le niveau de la surface du sol et
au niveau hydrostatique moyen estimé pendant la durée de vie de l'ouvrage. La méthode de réfé-
rence consiste à utiliser les résultats des essais de pénétration standards (SPT) et des essais de
pénétration au cône (CPT) réalisés in situ ; pour plus d’informations concernant les essais de
pénétration SPT et CPT, voir la Section 4.4. D'après les travaux de Seed et Idriss (1971), Seed et
Arango (1983) et Seed (1983), l'EN 1998-5 exprime le critère de liquéfaction sous la forme de la
série de courbes présentées à la Figure 5.129, qui définissent les valeurs limites du rapport de la
contrainte de cisaillement cyclique d’origine sismique τe (kPa) sur la contrainte verticale effective
σ′v0 (kPa). Ces courbes dépendent de la valeur normalisée du nombre de coups à l'essai SPT,
N1(60), définie par l’Équation 5.261.
(5.261)
où NSPT = nombre de coups mesurés lors de l'essai au SPT, exprimé en coups par 300 mm d'en-
foncement ; 100 = pression géostatique (kPa), σ′v0 = contrainte verticale effective initiale à la pro-
fondeur et au moment où ont été réalisés les essais SPT (kPa) ; et ER = rapport énergétique (%),
spécifique aux appareils d'essais utilisés.
La valeur du coefficient (100/σ′v0)1/2 dans l’Équation 5.261 est comprise entre 0.5 et 2, ce qui signi-
fie que σ′v0 peut varier de 25 à 400 kPa. Il faut par ailleurs noter que pour des profondeurs infé-
rieures à 3 m, il faut réduire de 25 % les valeurs de NSPT. Des courbes similaires ont été tracées
pour les essais de type CPT.
Figure 5.129 Relation entre les contraintes à l’origine de la liquéfaction et N1(60) ; valeurs applicables
aux sables propres et aux sables limoneux pour une magnitude M = 7.5 (échelle de Richter)
732 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Ces courbes peuvent être utilisées pour d’autres magnitudes en multipliant la valeur en abscisse 1
N1(60) par le coefficient de correction de la magnitude CM (-) donné au Tableau 5.63.
M CM
5.5 2.86 2
6 2.2
6.5 1.69
7 1.3
8 0.67
3
Lorsque les sols sont susceptibles de se liquéfier, il est nécessaire d'effectuer des calculs pour pré-
dire les surpressions interstitielles. L’analyse de la rupture mécanique du sol et/ou de l’ouvrage
doit prendre en compte les résultats obtenus (voir ci-dessous).
4
La méthode utilisée pour déterminer le potentiel de liquéfaction prend essentiellement comme
hypothèse des conditions de sol non-drainées. L’éventuelle influence favorable de la dissipation
de la pression interstitielle est donc totalement négligée. Cette hypothèse est correcte dans le cas
de couches de limon ou de sable fin en raison des capacités de drainages limitées. Dans le cas de
sable propre grossier ou de graviers, en revanche, la réduction de la surpression interstitielle sera
sensible si un drainage libre peut être effectué vers la surface. 5
Des méthodes de calcul numérique unidimensionnel tenant compte de l’effet de la dissipation de
la pression interstitielle montrent qu'il est très peu probable d'observer une liquéfaction au
niveau d'une couche supérieure d'une épaisseur maximale (tc = 10 m) constituée de petits gra-
viers d’une densité moyenne. Cette conclusion peut également être valable pour les couches fines
de sable grossier avec un drainage libre. Cela signifie que l’on peut exclure l’éventualité d’une
surpression interstitielle dans le cas d’un barrage constitué de matériaux rocheux grossiers.
6
Néanmoins, il faut toujours évaluer la stabilité le long d'éventuels plans de glissement profonds
traversant des couches de sable fin naturel.
Enfin, une remarque s’impose concernant l’effet de la stratification. Les sols naturels présentant
souvent un fort degré de stratification, la résistance à la liquéfaction peut varier considérable-
ment en fonction de la profondeur. Cela signifie que la vitesse de formation de la pression inter-
7
stitielle évolue au fil des couches. De toute évidence, l’analyse de la stabilité du talus en présence
de sols stratifiés ou hétérogènes de ce type est donc bien plus compliquée que ne le suggère la
méthode simple présentée ci-dessus. Il sera alors nécessaire d’avoir recours, pour la plupart des
problèmes pratiques, à une analyse numérique des cercles de glissement tenant compte des sur-
pressions interstitielles internes.
8
Mesures correctives
Lorsque les sols sont susceptibles de se liquéfier et que cela risque d’affecter la capacité portante
ou la stabilité des fondations d’un ouvrage, il est possible d’assurer un niveau de sécurité suffisant
à l’aide de méthodes d’amélioration du sol adaptées et/ou en optant pour des fondations sur
pieux, qui permettent de transférer les actions sur des couches de sol inférieures ne présentant 9
pas de risque de liquéfaction. Les principales techniques d'amélioration des sols liquéfiables
consistent à les compacter pour augmenter leur densité et accroître leur résistance à la pénétra-
tion au-delà de l'intervalle de risque, ou à avoir recours au drainage pour réduire la surpression
interstitielle générée par les vibrations sismiques du sol. La faisabilité du compactage dépend
principalement de la teneur en particules fines du sol et de la profondeur.
10
CETMEF 733
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
La densification provoquée par les séismes peut être plus marquée que la densification liée au
poids propre ou aux actions hydrauliques (voir la Section 5.4.3.7), par exemple égale à 5 % de
l’épaisseur du matériau rocheux de remplissage ou de l’épaisseur d’une couche. Lors des trem-
blements de terre, il peut notamment se produire une rupture par cisaillement interne ou du
moins une déformation par cisaillement importante, du fait de la prépondérance de la compo-
sante horizontale de l’accélération. Ce type de déformation peut se traduire par un tassement
plus marqué que celui induit par une densification unidimensionnelle. Les forts impacts de la
houle ont parfois un effet comparable.
Le potentiel de densification et de tassement de ces sols doit être évalué à l’aide des méthodes que
propose l'ingénierie géotechnique, notamment d'essais de laboratoire statiques et cycliques réali-
sés sur des échantillons représentatifs des matériaux étudiés. Si les tassements induits par la den-
sification ou la dégradation cyclique risquent d’affecter la stabilité d’un ouvrage ou de ses fonda-
tions, il faut envisager d’avoir recours aux techniques d’amélioration du sol mentionnées ci-dessus.
L’EN 1998-5 stipule que « la réponse des pentes au séisme de projet doit être calculée soit au
moyen des méthodes classiques de l’analyse dynamique, telles que les méthodes de type éléments
finis ou les modèles à blocs rigides, soit à l’aide de méthodes pseudo-statiques simplifiées ». Il
existe trois approches différentes. Au besoin, chacune de ces trois approches doit être combinée
à l’analyse de liquéfaction des sols mentionnée ci-dessus et appliquée aux couches de sable et de
limon étudiées, avec pour conséquence une diminution de la résistance effective au cisaillement
et/ou de la rigidité de ces couches.
La stabilité des pentes soumises aux séismes est couramment simplifiée en introduisant une
force d’inertie supplémentaire. La valeur de cette force est déterminée comme étant égale au
produit de la masse, Ms, de la tranche de sol à analyser par l’accélération de pic, as (m/s2), au
niveau de la surface du sol, décomposée en deux éléments distincts : l’accélération horizontale,
ah (m/s2), et l’accélération verticale, av (m/s2). Pour des masses de sol d’échelle courante, on
suppose que ah (m/s2) est constante et agit simultanément dans l'intégralité de la tranche ou
de l'ouvrage à analyser. Les accélérations verticales sont proportionnelles aux accélérations
horizontales (av = ± 0.5ah ou 0.33ah selon la valeur de as).
Les forces d’inertie associées à ah et av peuvent ensuite être intégrées à une analyse de stabi-
lité de pente de type Bishop (voir la Section 5.4.3.2). Dans le cas de séismes présentant des
valeurs de ah très réduites, il s’agit là d’une approche sécuritaire, car aucun déplacement lié au
glissement n'est toléré. Par ailleurs, ce type de déplacement peut être limité en raison de la
courte durée d’accélération alors que les excitations sont très improbables. L'effet de celles-ci
est négligeable, non seulement en raison du nombre limité des accélérations les plus fortes
(l’apparition des excitations nécessite du temps), mais aussi du fait de l’amortissement consi-
dérable dû aux déformations essentiellement non-élastiques qui surviennent largement avant
que la limite de stabilité ne soit atteinte.
Une description plus réaliste nécessite un modèle numérique 2D, voire 3D, plus sophistiqué,
qui tienne au moins compte des effets de l’inertie.
734 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Le sol et les matériaux rocheux constituant l'ouvrage doivent être modélisés à l’aide d’un
modèle élastoplastique (non-linéaire). Comme pour le modèle à blocs rigides, cette analyse
débouche sur un déplacement permanent de certaines parties de l’ouvrage, que l’on doit com-
parer à la déformation acceptable. 5
Méthodologie de l’analyse sismique
Souvent, la réponse géotechnique aux séismes n’est pas seulement dynamique, mais peut égale-
ment consister en une perte de résistance du sol (non-drainé) due principalement à deux types de
réponses. D'une part, une surpression interstitielle peut être générée dans du sable, du gravier ou 6
de l’enrochement à faible granulométrie lâche et saturé du fait de la dilatance/contractance de
ces matériaux, et de la liquéfaction causée par le séisme. D'autre part, les argiles sensibles peu-
vent perdre une partie de leur résistance non-drainée. Ces réponses ont lieu en partie simultané-
ment. L'action maximale vis-à-vis de la réponse dynamique se produit aux environs de la moitié
du séisme, tandis que la perte maximale de résistance du sol est généralement observée à la fin
du tremblement de terre, ce qui signifie que le moment le plus critique susceptible de déclencher 7
une instabilité dans la seconde moitié du séisme.
À titre d’exemple, on décrit la stabilité d'une pente infinie (d’angle α) en fonction de la surpres-
sion interstitielle (relative), p*, définie par l’Équation 5.263. Le séisme ajoute une accélération
purement horizontale, ah. Aucune prédiction de la valeur de la surpression interstitielle n'est ici
réalisée. Les plans de glissement parallèles au talus (infini) de pente tan α peuvent être considé-
rés comme un cas particulier d’analyse des cercles de glissement appliquée à un problème réel
8
avec une hauteur de talus limitée car dans la plupart des cas pratiques, les plans de rupture linéai-
res constituent une hypothèse sécuritaire. On considère à présent la stabilité d’un sol ou d’un élé-
ment de la couche en matériaux rocheux de hauteur, Δz (m) (Figure 5.130).
10
Figure 5.130 Action sismique exercée sur une pente infinie
CETMEF 735
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
L’Équation 5.262 présente la condition d’équilibre dans un plan parallèle au talus et situé à une
profondeur z (m).
(5.262)
Le pourcentage de surpression interstitielle relative, p* (-), est défini (voir l’Équation 5.263)
comme la surpression interstitielle interne, Δp (kPa), par rapport au poids déjaugé de la couche
de sol (ou de roche), Δz (m) (voir la Figure 5.130).
(5.263)
où ρ = masse volumique du matériau - roche ou sol - (t/m3), incluant l’eau; ρ = ρb + ρw(1 - nv), où ρb
= masse volumique à sec de la couche de matériaux rocheux (t/m3) et nv = porosité de la couche (-).
(5.264)
où l’angle de frottement réellement mobilisé, ϕm (°), est lié à la contrainte de cisaillement, τ (kPa),
et à la contrainte normale effective, σ′ (kPa).
Le Tableau 5.64 présente les valeurs de Fmin (-) obtenues par calcul pour quatre valeurs de pente
d'ouvrage (tan α), quatre valeurs de surpression interstitielle relative, p*, et trois niveaux d’accé-
lération relative, ah/g (-). L’angle de frottement interne des matériaux constituant le talus est sup-
posé égal à : ϕ′ = 35 °.
736 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Les valeurs de Fmin ≥ 1 indiquant une réponse du talus au-delà des limites minimales de sécurité 1
(stabilité de l'ouvrage vérifiée), on en conclut que les pentes avec une inclinaison tan α ≤ 1/3
seront stables à la fin du séisme (ah = 0 m/s2) pour des surpressions interstitielles inférieures ou
égales à 50 %. Cependant, des déplacements et des tassements des pentes peuvent survenir au
cours des courtes périodes pendant lesquelles ah > ah,cr, où ah,cr (m/s2) est l’accélération horizon-
tale critique, qui peut être définie comme la valeur de ah pour laquelle Fmin = 1, quand τ/σ′ = tan
ϕm. Les valeurs de ah,cr peuvent être estimées par interpolation à partir du Tableau 5.64.
2
À présent il est possible d’évaluer les déplacements résultants d'un séisme en appliquant le prin-
cipe d’inertie à la suraccélération instantanée, aex (m/s2), définie par : aex = ah - ah,cr (m/s2). Les
mouvements (m/s) et déplacements (m) s’obtiennent en intégrant aex sur les périodes Δt durant
lesquelles aex > 0. En principe, au cours de la durée restante du tremblement de terre, on a aex < 0.
Dans la pratique, on peut supposer que aex = 0, et donc les contributions aux mouvements et aux
déplacements sont également nulles. Cette procédure est illustrée aux Figures 5.131 et 5.132. 3
NOTE : en ingénierie géotechnique, il est courant d’utiliser une accélération équivalente, aeq (m/s2),
à la place de ah. La valeur de aeq est alors prise égale à aeq = 0.65 ah.
Estimer l'état des surpressions interstitielles dans l'ouvrage (voir les Sections 5.4.5 et 5.4.3.8)
5
6
Déterminer l'accélération critique, ah,cr (m/s2), à partir de laquelle il y a début de mouvement. Cette valeur
correspond à la valeur de ah pour laquelle Fmin = 1. Le Tableau 5.63 peut être utilisé (par interpolation
entre les valeurs de ah)
7
Trouver les intervalles de temps, Δt, pour lesquels ah > ah,cr (ou aex > 0) en utilisant la variation en fonction
du temps des accélérations ah(t) (voir Figure 5.132)
Intégrer aex (m/s2) deux fois par rapport au temps sur la durée du séisme pour obtenir les
déformations (m/s) et les déplacements (m)
8
9
Figure 5.131 Procédure de détermination des déplacements induits par un séisme donné
10
CETMEF 737
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Figure 5.132
Intégration des variations des accélérations en
fonction du temps pour déterminer les déplacements
La procédure présentée ci-dessus pour l’évaluation des déplacements résiduels (voir la Figure 5.131) est réa-
lisée pour un séisme ayant les caractéristiques de base suivantes :
• nombre d’excitations : Ne = 15 (cycles sinusoïdaux)
• période d’excitation : T = 0.5 s
• accélération de pic : ah/g = 0.25 ou ah = 2.5 m/s2
La durée du séisme Te (s) déduite de Te = NeT est égale à : Te = 7.5 s. En outre dans cet exemple, l’état de
surpression interstitielle (relative) est caractérisé par p* = 50 %. Ce niveau de pression est supposé constant
au cours de la durée du séisme Te = 7.5 s. Ces conditions peuvent correspondre, par exemple, à une mag-
nitude sismique de M = 7 (échelle de Richter), ou légèrement plus élevée.
Les résultats obtenus sont présentés au Tableau 5.65. Les données de la deuxième colonne ont été calcu-
lées à partir du Tableau 5.64 par interpolation de ah. Les déplacements résiduels obtenus Δx positifs sont diri-
gés vers le bas de la pente.
Tableau 5.65 Déplacement résiduel Δx pour des talus d’ouvrages types (ϕ′ = 35°, p* = 50 %) à la suite
d’un séisme caractérisé par : ah/g = 0.25, T = 0.5 s et Ne = 15
Talus Accélération-seuil relative Durée d’accélération effective (ah > ah,cr) Déplacement résiduel
tan α
ah,cr /g (-) Δt (s) Δx (m)
Ces résultats indiquent que les déplacements résiduels totaux observés le long des talus et considérés au
Tableau 5.65 sont plutôt limités tant que le niveau de surpression interstitielle relatif est inférieur ou égal à
50 %. Du fait des hypothèses formulées durant l’analyse, les déplacements présentés peuvent être considé-
rés comme « prudents ». Si l’on se base sur le Tableau 5.64, à la fin du séisme, lorsque ah = 0, on a Fmin ≥ 1
pour les talus dont la pente n’excède pas 3/1. Cela signifie que le déplacement atteint son maximum immé-
diatement après la fin des secousses.
Il faut enfin souligner que dans l’évaluation réalisée, la principale incertitude concerne le pourcentage de sur-
pression interstitielle, p* (-), qui peut être généré et doit être utilisé comme paramètre dans l’analyse. Dans
le cas de sable lâche et fin, le pourcentage de surpression interstitielle peut facilement dépasser 50 % au
cours d’un séisme caractérisé par une magnitude M = 7, avec ah/g = 0.25. L’un des aspects particuliers du
comportement du sable soumis à une action cyclique est que la pression interstitielle – en tant que réponse
– devient très sensible à l’augmentation du nombre de cycles d'actions dès que p* atteint un niveau de 50 %.
Cela signifie qu'une liquéfaction totale risque alors de se produire assez facilement.
Avec un talus de pente 3/1, et pour des surpressions interstitielles largement supérieures à p* = 50 %, le
coefficient de sécurité est Fmin < 1 à la fin du séisme et ce, jusqu’à ce que la pression interstitielle soit dissi-
pée (jusqu'à ce que la valeur critique associée à Fmin = 1 soit de nouveau atteinte). Il est évident qu’en raison
des déformations supplémentaires survenant après le séisme (pouvant être considérées comme une réponse
indirecte), le déplacement résiduel induit peut être bien supérieur à la réponse initiale donnée au Tableau
5.64. Il se produit, dans le pire des cas, une rupture totale ou un écoulement des matériaux constituants le
talus par liquéfaction.
738 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
La norme EN 1998-5 établit des règles spécifiques concernant la vérification de la stabilité des 1
fondations et des éléments de soutènement soumis à ou affectés par les séismes.
Bien que la carapace de protection de berge ou de talus soit directement exposée à l’attaque de
la houle et des courants qui génèrent des forces de traînée, de portance ou d'abrasion, certains
2
états parmi les plus critiques se produisent à l’interface entre le sol de base (ou les matériaux de
remplissage) et la carapace. Des ruptures d'ouvrage peuvent résulter de la mauvaise prise en
compte du besoin d'introduire une couche de transition entre la carapace et les couches inférieu-
res réalisées au moyen d'un filtre granulaire.
• instabilité d’interface avec les filtres granulaires : les particules d’une couche de base migrent
à travers les pores situés entre les particules d’une autre couche filtre (généralement la couche 5
supérieure) ;
• instabilité d’interface avec les filtres géotextiles : les particules de la couche de base migrent à
travers les pores situés dans un filtre géotextile.
Les filtres doivent donc empêcher l’érosion des particules fines. Le critère de dimensionnement
classique est dit géométriquement étroit (ou fermé), ce qui implique des tailles des vides (filtre
6
granulaire) ou d'ouvertures (filtres en géotextiles) suffisamment petites pour que les particules
fines ne les traversent pas. Ces filtres sont relativement simples à concevoir : il suffit de connaître
les distributions des tailles des particules et les distributions des tailles de vides ou d'ouvertures
du filtre. Cependant, l’application de ces critères nécessite souvent un nombre élevé de couches
filtrantes, ce qui alourdit les coûts. Il est important de noter qu'une approche flexible doit être
adoptée pour la spécification des filtres granulaires, afin de tenir compte des éventuelles limites 7
de capacité de production des carrières locales.
Des critères moins stricts ont été développés pour des filtres géométriquement ouverts, qui, dans
bien des cas, permettent de limiter les coûts de ce type de dimensionnement. Les deux types de
critères sont résumés ci-dessous pour les filtres granulaires. L’utilisation des critères applicables
aux filtres géométriquement ouverts se base sur le principe selon lequel l'action hydraulique doit 8
être suffisamment faible pour ne pas induire une érosion des matériaux de base (fins). Ces critè-
res nécessitent cependant une connaissance approfondie des actions hydrauliques qui s’exercent
sur les filtres, ces actions sont dues au mouvement de l’eau sur et dans l’ouvrage.
Les deux types de filtres doivent empêcher le transport des particules fines du sol à travers le filtre,
tout en laissant passer l’eau. Ils ont donc deux fonctions. La première concerne la stabilité du filtre : 9
il faut empêcher le transport des particules fines. Il faut noter à ce sujet que la taille de vide carac-
téristique d’un milieu granulaire en termes de dimensions est d’environ 0.2 D15 (Kenney et Lau,
1985). La seconde exigence fonctionnelle est la suivante : un filtre doit laisser passer l'eau, principa-
lement pour éviter toute surpression interstitielle. Cette fonction est appelée perméabilité du filtre.
En plus des données présentées dans cette section, il existe deux sources utiles d’informations
plus détaillées concernant les filtres (CUR, 1993) et les géotextiles (Van Herpen, 1995) en ingé-
10
CETMEF 739
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Kenney et Lau (1985) ont formulé un bon critère géométriquement étroit (ou fermé) (Équa-
tion 5.265) :
(5.265)
où F4D et FD sont deux caractéristiques – liées entre elles – de la courbe de distribution des tail-
les des particules (masse cumulée en %) définie à la Figure 5.133. Lorsqu’on suit la courbe, les
valeurs de [F4D/FD - 1] varient et la valeur minimale de [F4D/FD - 1] se situe au niveau de la par-
tie la plus plate de la courbe.
Des règles de calcul plus pratiques ont été élaborées d’après l’Équation 5.265 (Équations
5.266 à 5.269).
NOTE : les valeurs des diamètres (de tamis) respectifs, D (m), s’obtiennent d’après les courbes de
distribution granulométrique du matériau du filtre.
(5.266)
(5.267)
(5.268)
(5.269)
Pilarczyk (1998) propose un critère similaire pour l’évaluation de la stabilité interne des filtres
géométriquement étroits. Ce critère est donné ici sous la forme de l’Équation 5.270 :
(5.270)
Dans le cas d'actions hydrauliques importantes (c.-à-d. d’un gradient hydraulique, i, relativement
élevé), il est encore préférable d’avoir recours au critère géométriquement étroit. Néanmoins, si
i < 1, il est possible d’utiliser le critère géométriquement ouvert suivant (den Adel et al., 1988),
qui définit un gradient critique – la résistance, icr (-) – qui doit être comparé au gradient hydrau-
lique réel – l'action, i (-). Cette relation est représentée par l’Équation 5.271 :
(5.271)
La stabilité est garantie tant que i < icr (action < résistance). La définition des gradients hydrau-
liques réels pose néanmoins toujours un problème, puisqu'il peut être nécessaire d'effectuer des
mesures directes à l'aide de tubes piézométriques.
740 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Figure 5.133
2
Caractéristiques de la distribution granulomé-
trique pour le calcul de la stabilité interne
La stabilité d'un filtre au niveau de l’interface entre deux matériaux granulaires différents est 3
appelée stabilité d’interface (voir la Figure 5.134). Le plus fin des deux matériaux est appelé base,
et le plus grossier filtre.
Le critère géométriquement étroit (ou fermé) peut être appliqué si les deux matériaux ont une
granulométrie sans discontinuité et vérifient le critère de stabilité interne, D60/D10<10.
4
(5.272)
où les indices « b » et « f » correspondent aux matériaux de la couche de base et de la couche fil-
tre respectivement et le nombre en indice se réfère au passant de la distribution granulométrique.
NOTE : lorsque le filtre est la carapace, la couche de base est la sous-couche ou la couche filtre.
5
Lorsque pour une distribution granulométrie donnée, il y a peu de particules situées dans la classe
de granulométrie intermédiaire (c.-à-d. entre une dimension de tamis relativement petite, p. ex.
D15, et une dimension relativement grande, p. ex. D85), on parle de distribution à granulométrie 8
discontinue. La courbe associée se caractérise ainsi par sa forme concave comportant une partie
relativement plate au niveau de la classe intermédiaire. Une courbe de distribution granulomé-
trique concave peut être caractérisée par l’Équation 5.273 :
(5.273)
Le critère ci-dessus (Équation 5.272) peut être étendu aux matériaux à granulométrie disconti- 9
nue à condition de suivre la procédure suivante. Ce matériau peut être considéré comme un
mélange de deux sous-ensembles aux classes granulométriques très différentes. Lorsque la base
présente une granulométrie discontinue, il faut remplacer la valeur de D85b dans l’Équation 5.272
par la dimension D85 (m) du plus petit des deux sous-ensembles granulométriques. Lafleur et al.
(1992) suggèrent que cette dimension peut correspondre plus ou moins à la dimension D30b du
matériau de base dans son ensemble, et que la dimension D85b de l’Équation 5.272 peut donc être 10
remplacée par D30b.
CETMEF 741
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
D’après l’hypothèse selon laquelle l'action hydraulique la plus élevée est liée à la couche supé-
rieure, et qu’il n’est pas nécessaire que la couche filtre soit plus résistante que la couche supé-
rieure, Bakker et al. (1994) ont développé une formule de calcul applicable aux filtres géométri-
quement ouverts pour la protection de fond. L’Équation 5.274 donne cette formule sous une
forme simplifiée.
(5.274)
La présence du diamètre médian des enrochements D50t (m), dans l’Équation 5.274 peut s'expli-
quer par le fait qu'elle représente l'action hydraulique par le biais d’une formule de type Shields
(p. ex. voir les Sections 5.2.3.1 et 5.2.1.2 – Équation 5.99). Plus la vitesse du courant, U (m/s), est
élevée, plus la valeur de D50t (m) augmente et plus la valeur de D15f (m) doit être réduite pour
pouvoir protéger un matériau de base ayant une valeur de D50b (m) donnée.
• une carapace et une couche filtre sont placées sur le sous-sol non-cohérent existant ;
• une carapace et au moins deux couches filtres sont placées sur le sous-sol non-cohérent existant.
742 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
La valeur de l'Équation 5.274 est particulièrement importante dans le premier cas de figure – une 1
carapace placée directement sur le sous-sol non-cohésif. Les indices « t » et « f » désignent dans
ce cas le même matériau (couche supérieure) et « b » désigne le sous-sol existant.
Dans le second cas (carapace – couche filtre – sous-sol non-cohésif), les indices « t » et « f » dési-
gnent là encore tous deux le matériau de la carapace, lorsque l’on évalue la stabilité de l’interface.
Ici, néanmoins, l’indice « b » désigne le matériau du filtre. Dans ce cas, lors de l’évaluation de la
stabilité de l’interface entre le filtre et le sous-sol, tous les indices désignent différemment les cou-
2
ches ou matériaux : « t » la carapace, « f » le filtre et « b » le matériau de la base ou du sous-sol.
La circulation ou le drainage de l’eau constitue l’autre fonction principale d’un filtre. Il est néces-
saire d’effectuer une analyse particulière pour les filtres dont la principale fonction est d’assurer 3
le drainage de l’eau dans une direction longitudinale (parallèle à l'interface) (filtres situés sous
des revêtements faits de bitume ou de blocs, par exemple (voir les Figures 5.127 et 5.128). Ce sujet
dépasse cependant la portée de la présente section. Pour les autres types de filtres, l'exigence
concerne la perméabilité dans le cas d’un écoulement perpendiculaire à l’interface. Il s’agit entre
autres des filtres utilisés pour les canalisations d’assainissement, les puits d’eau potables, etc.,
pour lesquels ont été élaborées la plupart des règles présentées dans les publications spécialisées. 4
La présente section concerne essentiellement les filtres placés dans les ouvrages en enrochement.
L’exigence générale de perméabilité applicable à ces filtres est la suivante : la résistance à l’écou-
lement doit être suffisamment réduite pour empêcher la formation de pressions interstitielles à
l’origine de l’instabilité de l’ouvrage (voir les Sections 5.4.5 et 5.4.3.2). Ce critère est automati-
quement satisfait si la stabilité est déterminée de la façon décrite dans les sections auxquelles il
est fait référence, c'est-à-dire en tenant compte d’éventuelles surpressions interstitielles Δp (kPa), 5
ou de charge piézométrique (m), et de leurs effets sur les contraintes σ′ et τ (kPa), et/ou de l'ac-
tion, c'est-à-dire le gradient hydraulique, i = ∂p/∂xi (-), où p = hauteur équivalente de la charge
piézométrique interstitielle (m) et xi = distance dans la direction du gradient (m).
Cette exigence correspond à la nécessité que la perméabilité du filtre, kf (m/s), soit nettement
supérieure à celle de la base kb (m/s). Dans les cas d’écoulement laminaire, observés notamment
en présence d’un matériau de base sablonneux (voir la Figure 5.139), cela correspond à l’expres- 7
sion donnée ici sous la forme de l’Équation 5.276 :
(5.276)
Le critère de perméabilité donné ci-dessus par l’Équation 5.275 et illustré à la Figure 5.134 est un
critère très sécuritaire pour tous types de filtres, tels que ceux utilisés dans les conduites d’assai-
nissement, les puits d’eau potable, etc., et s’obtient généralement facilement en effectuant un 8
choix approprié de matériau à granulométrie uniforme pour la (les) couche(s) filtre(s). Lorsque
le matériau utilisé comme filtre dans le type d’ouvrages dont traite ce guide présente une granu-
lométrie, alors ce critère peut être assoupli et prendre la forme de l’Équation 5.277 ci-dessous, qui
correspond à l’exigence kf > kb :
(5.277) 9
Le critère de l’Équation 5.277 peut être assoupli davantage si le calcul de l’écoulement intersti-
tiel prouve qu’une perméabilité moindre du filtre ne compromet pas la stabilité de l’ouvrage.
Le critère assurant la stabilité d’interface d’un filtre géotextile est quasiment toujours formulé 10
selon le principe géométriquement étroit. L’Équation 5.278 exprime un critère général :
CETMEF 743
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
(5.278)
(5.279)
Dans le cas où un filtre géotextile est utilisé dans un ouvrage maritime ou une protection de ber-
ges sous une couche de matériau granulaire, cette norme donne pour une courbe de distribution
uniforme, définie par CU < 5, avec CU = D60b/D10b (-), un coefficient d’uniformité : C = 0.4 pour
un sol lâche ou C = 0.6 pour un sol compact.
Dans le cas de sols non-cohésifs ayant un coefficient d’uniformité, CU (-), supérieur à 5, il est pos-
sible d’utiliser d’autres critères.
Giroud (1988) propose deux relations entre le diamètre indicatif, DI (m), le coefficient d’unifor-
mité, CU (-), et la dimension caractéristique du matériau de base (voir l’Équation 5.280), en fonc-
tion de la densité du sol (voir l’Équation 5.309 pour la définition de l’indice de densité ID) :
(5.280)
Lafleur et al. (1996) proposent également deux formules (voir l’Équation 5.281), établissant cette
fois une relation entre le diamètre indicatif et la dimension caractéristique du matériau de base,
en fonction de la forme de la courbe de distribution :
(5.281)
Pour les sols à granulométrie discontinue, il faut appliquer les critères décrits ci-dessus sous le
titre « Stabilité d’interface d’un filtre granulaire », en utilisant le D85f de la fraction la plus fine.
Dans le cas de sols cohérents, il faut appliquer les critères précédents. Si les résultats sont infé-
rieurs à 80 μm, la norme NF G38061 suggère de retenir une valeur minimale de DI = 80 μm.
Pour améliorer la stabilité d’interface, il est possible d’introduire une couche de matériaux gra-
nulaires entre la carapace et le filtre géotextile (filtre composite). Cette couche granulaire a pour
fonction de réduire le gradient hydraulique lié à la circulation d'eau dans le sol de base, mais a
aussi d'autres fonctions bénéfiques. Elle protège le géotextile lors de la mise en place d’une cara-
pace constituée de gros enrochements ; son épaisseur doit être au moins cinq fois supérieure à la
taille moyenne des matériaux constituants cette couche granulaire ; de plus, elle protège le géo-
textile en cas de dommage local subi par la carapace. La carapace doit être conçue comme un fil-
tre vis-à-vis de cette couche granulaire. On peut également utiliser des filtres géotextiles compo-
sites à deux couches.
Le filtre granulaire doit présenter une perméabilité supérieure à celle du sol de base et du géo-
textile, ainsi qu’une masse par unité de surface relativement plus élevée.
Pour de plus amples informations concernant le dimensionnement des filtres géotextiles, voir par
exemple AIPCN (1987), Pilarczyk (2000) ou Giroud (1996). Ce dernier compare la conception
des filtres granulaires et des filtres géotextiles. Il introduit également un nouveau critère applica-
ble à l’efficacité de filtration à long terme des filtres géotextiles non-tissés, à savoir le nombre de
744 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
constrictions, mc (-), mesuré par exemple selon la norme NF G38030. Ce critère est : 25 ≤ mc ≤ 40 1
(Giroud et al., 1998).
Les exigences générales applicables à un filtre géotextile sont identiques aux exigences relatives
à un filtre granulaire (voir ci-dessus sous le titre « Exigences relatives à la perméabilité d’un fil-
tre granulaire »). Cependant, dans la plupart des publications, elles sont réduites aux critères 2
applicables au ratio kf /kb donnés ici.
Les valeurs des coefficients proposés par Giroud et le BAW dans le cas de sols limoneux sont bien
supérieures aux coefficients 16 à 25 de l’Équation 5.276. Cela s’explique par le fait que kf peut
diminuer considérablement au cours de la durée de vie de l’ouvrage du fait de bouchons et/ou
4
d’un colmatage, notamment en présence de sols limoneux (voir Pilarczyk, 2000), et au fait que la
résistance à l’écoulement du géotextile et du sol combinés peut présenter une valeur différente
de la somme des résistances à l’écoulement respectives de ces deux matériaux. Il est essentiel de
tenir compte du fait que la valeur de la perméabilité du filtre, kf (m/s), est réduite sur le long
terme, et de déterminer cette valeur conformément à l’usage international.
5
La propriété caractéristique associée, mesurée sur les filtres géotextiles conformément à la norme
EN ISO 11058, est l’indice de vitesse VI50 (m/s), pour une perte de charge de 50 mm : VI50
= 0.05(kf /tg), où tg = épaisseur du géotextile (m). Les critères précédents peuvent donc être expri-
més par l’Équation 5.282 :
(5.282) 6
La résistance totale à l’écoulement d’un géotextile, c’est-à-dire le rapport entre son épaisseur et
sa perméabilité tg/kf (s), est plus pertinente que la perméabilité seule. C’est la raison pour laquelle
le critère kf >> kb peut être remplacé par le critère (voir l’Équation 5.283) selon lequel la résis-
tance à l’écoulement du géotextile est inférieure à la résistance à l’écoulement d’une couche de
matériau de la base d’une épaisseur de 0.1 m : 7
(5.283)
où tg = épaisseur de géotextile (m).
La valeur de kf réduite à long terme doit être appliquée dans l’Équation 5.283 ci-dessus.
CETMEF 745
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Soulèvement hydraulique
La stabilité du sol vis-à-vis du soulèvement hydraulique doit être évaluée en appliquant soit
l’Équation 5.284, soit l'Équation 5.285 pour chaque colonne de sol concernée. L’Équation 5.284
exprime la condition de stabilité en fonction de la pression interstitielle déstabilisante, udst (kPa),
et de la contrainte verticale totale stabilisante, σv,stb (kPa).
(5.284)
L’Équation 5.285 exprime la même condition en fonction de la force d’infiltration verticale, Fhyd
(kN), et du poids déjaugé, W′ (kN).
ou (5.285)
L’Équation 5.285 peut également être exprimée (voir l’Équation 5.286) en fonction du gradient
hydraulique vertical, i (-), et du poids volumique déjaugé γ′ = γ - γw (kN/m3) :
ou (5.286)
ou (5.287)
où ck = coefficient de fluage (-) (Lane, 1935) (Bligh, 1912) ; voir le Tableau 5.66.
Bligh définit la longueur d’écoulement par la somme des longueurs de l’écoulement horizontal et
de l’écoulement vertical (Lk = Lkv + Lkh). Lane, quant à lui, indique qu’elle peut être calculée en
additionnant la longueur de l’écoulement vertical et un tiers de la longueur de l’écoulement hori-
zontal : Lk = Lkv + Lkh /3.
À l’origine, l’Équation 5.287 était conçue pour des ouvrages tels que des barrages, mais elle a éga-
lement été appliquée aux couches (de sable) perméables recouvertes par des matériaux imper-
méables (p. ex. argile) utilisées pour construire des digues fluviales. Il faut noter qu’il existe des
modèles plus sophistiqués, par exemple, voir Weijers et Sellmeijer (1993).
746 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Tableau 5.66 Valeurs du coefficient de fluage, ck (-), selon Bligh (1912) et Lane (1935) 1
Type de sol ck (Lane) ck (Bligh)
Sable fin 7 15
Graviers grossiers 3 –
Argile 2à3 – 3
5.4.3.7 Tassement ou déformation lié(e) aux actions hydrauliques ou à la gravité
Dans certains cas, le tassement de l’enrochement sous l'effet de la gravité, des actions hydrauli-
ques et des actions sismiques (voir également la Section 5.4.3.5) constitue un paramètre de
conception essentiel. Si des glissements ou des déformations importantes par cisaillement ne sont 4
pas attendus, le tassement est principalement lié à un phénomène de densification. La valeur du
tassement dépend de la densité initiale et de la qualité des matériaux constituant l'ouvrage. Si la
densification se produit pendant la construction, ce phénomène sera très limité une fois les tra-
vaux terminés. Si cela n’est pas le cas, le tassement lié à l'effet de la pesanteur et aux actions
hydrauliques peut être égal à 1 ou 2 % de l’épaisseur du remblai pour un matériau de bonne ou
d’excellente qualité, mais la majeure partie du tassement se produit durant la construction. 5
Ce type de tassement peut être calculé avec précision à l’aide d’une analyse des éléments finis
reposant sur une modélisation élastoplastique appropriée des matériaux rocheux si les paramè-
tres de déformation peuvent être déterminés avec un degré suffisant de précision. Il peut être
nécessaire de réaliser des essais à grande échelle pour établir ces paramètres. Touïleb et al. (2000)
ainsi qu’Anthiniac et al. (1999) proposent une analyse du comportement des matériaux rocheux 6
et de la modélisation de ce milieu par éléments finis.
Le tassement du sous-sol sous la base de l’ouvrage est souvent au moins aussi important que celui
des matériaux constituants l'ouvrage (CIRIA, 1983). Ainsi une approche unidimensionnelle,
selon laquelle le tassement varie en fonction de la hauteur locale de l'ouvrage, assure générale-
ment une précision suffisante si aucune déformation importante par cisaillement n'est à prévoir.
Dans les autres cas, il faut avoir recours à un calcul bidimensionnel, par exemple à l’aide d’un
7
modèle de type éléments finis.
Le tassement des couches d’argile et d’autres matériaux de sol présentant une faible perméabi-
lité se produit au fil du temps et nécessite une modélisation du phénomène de consolidation. Là
encore, une approche 1D est souvent suffisante. La vitesse de consolidation est un facteur déter-
minant pour la capacité portante du sol, puisque la résistance augmente avec le degré de conso- 8
lidation. Par conséquent, les sols argileux très mous ne peuvent servir de sols de fondation que si
la durée de construction est suffisamment longue, ou si des mesures spéciales (p. ex. drainage ver-
tical) sont adoptées pour accélérer la consolidation.
CETMEF 747
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
effets d'échelle, difficiles à surmonter (de la même façon que dans les modèles à échelle réduite
habituels de la mécanique des fluides) en centrifugeuses. Puisque ces questions font toujours l’ob-
jet de travaux de R & D, la modélisation ne sera traitée ici que de façon générale. Le lecteur peut
se référer aux publications spécialisées pour avoir un aperçu récent des possibilités offertes à
l'heure actuelle par la modélisation.
La modélisation des phénomènes hydrauliques et/ou géotechniques doit satisfaire trois séries
d’exigences :
1. La première vise à s'assurer que le modèle est correctement défini (définition des limites du
modèle, des conditions aux limites relatives à toutes les inconnues, des conditions d'interface
en présence de matériaux de natures différentes, des équations générales à résoudre (statiques
ou dynamiques)).
2. La deuxième concerne le choix des modèles mécaniques et hydrauliques pour tous les maté-
riaux utilisés : élasticité linéaire ou non-linéaire, plasticité, viscosité linéaire ou non-linéaire,
modèle à grandes ou à petites déformations, modèle à contrainte effective ou à contrainte
totale, sol saturé ou non-saturé (milieu poreux), etc.
3. La troisième concerne les méthodes analytiques ou numériques utilisées pour résoudre les
équations déduites des principes de la mécanique des milieux continus et des lois de
contrainte-déformation, c'est-à-dire des relations σ-ε.
Lorsqu’il est impossible de coupler les phénomènes hydrauliques et géotechniques, leur modéli-
sation s’effectue séparément, comme l’indique la Figure 5.136.
Figure 5.136
Modélisation sépa-
rée des phénomè-
nes hydrauliques et
géotechniques
748 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Les modèles aux éléments finis peuvent être utilisés pour simuler le comportement dynamique non-linéaire
d’un ouvrage et du sol avoisinant à deux phases. Le programme SATURN, développé aux Pays-Bas et basé
sur une approche de type Darcy-Biot, est un exemple de ce type de modèle. SATURN sert à modéliser l’in-
teraction entre l’eau et le sol. L’interaction entre le sol et l’ouvrage intègre les phénomènes de glissement et
3
de fissuration. On peut appliquer une loi de frottement générale au niveau de l’interface.
Les équations d’équilibre sont résolues à l’aide d’une intégration temporelle explicite pour la propagation
dynamique de la houle, tandis que l’on a recours à des techniques implicites pour le mouvement irrégulier.
Une mise à jour régulière des positions spatiales des éléments permet de tenir compte des effets des gran-
des déformations. Le problème de l’état initial lié au comportement non-linéaire est généré implicitement pour
assurer la compatibilité du problème dynamique non-linéaire. Les modèles de sol disponibles sont : Von-
Mises, Drucker-Prager, Mohr-Coulomb, Critical State ou encore Double Hardening. L’eau interstitielle est com- 4
pressible.
Le code a été entièrement testé et appliqué à différents problèmes dynamiques complexes (Barends et al.,
1983). La Figure 5.137 présente pour un ouvrage (coupe en haut à droite) et pour un chargement variant dans
le temps (graphique en haut à gauche) donnés, la pression interstitielle calculée au point B et le déplacement
calculé en crête d'ouvrage en fonction du temps.
Un modèle a été développé aux Pays-Bas (MBREAK/ODIFLOCS), il décrit le mouvement vertical de l’eau en
2D sur un ouvrage en enrochement soumis à l’attaque de la houle en intégrant les effets de la turbulence, de
l’inertie, de l’irrégularité de l’écoulement et de la hauteur d’eau devant l'ouvrage (voir la Section 5.4.5). Les
conditions aux limites sont le run-up de la houle et les pressions de la houle sur le talus, qui doivent être
déterminées à partir d’essais. Le programme effectue les calculs relatifs à la nappe phréatique à l’aide de la
méthode des différences finies, puis ceux relatifs au champ d’écoulement interstitiel à l’aide d’un modèle à
éléments finis. On obtient ainsi une pression et un champ des vitesses dans des conditions de variations de
la nappe phréatique à l’intérieur de l’ouvrage. Les aspects importants sont l’endroit où se situent des écoule-
ments internes importants, ainsi que l'importance de la surélévation de la nappe interne. Ce modèle peut ser-
vir à analyser la transmission de la houle. La Figure 5.138 présente les calculs relatifs à la nappe phréatique
à différents moments.
5.4.4.1 Généralités
L’application des principes énoncés aux Sections 5.4.2 et 5.4.3.1 au dimensionnement géotechni-
que nécessite :
• une description fiable des sols, des enrochements et des autres matériaux du projet (objet de
la présente section) ;
Ce que l’on nomme propriétés des sols et de la roche ne consistent pas, en général, en une des-
cription directe de leur structure et de leur comportement, mais ne sont qu’une partie d’un
modèle, qui se limite à certaines de leurs caractéristiques. La plupart des modèles ont été validés
par l’expérience, mais certains événements inattendus peuvent toutefois se produire du fait des
écarts entre les phénomènes naturels et les modèles couramment utilisés. Il est donc fortement
recommandé d’avoir une connaissance géotechnique de la conception d’ouvrages et des projets.
Tous les sols et les matériaux rocheux sont des matériaux géologiques correspondant à différents
stades du cycle de transformation de la croûte terrestre. Les sols sont des matériaux granulaires
lâches qui se densifient au fil du temps, tandis que les roches sont des matériaux continus et rigi-
des qui, progressivement, se fendent, s’érodent, se dissolvent et se transforment en sol. Les pro-
priétés des sols et des roches peuvent varier entre des bornes très écartées (coefficient pouvant
atteindre 1010) et il est essentiel d’identifier correctement les sols et les matériaux rocheux pré-
sents sur le site du projet. Par conséquent, la connaissance de l’histoire géologique du site ou de
la région peut faciliter une définition précise des propriétés du sol et des matériaux rocheux.
750 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
La mécanique des sols établit une distinction nette entre les sols fins et les sols grossiers, la dimen- 1
sion-limite des particules se situant à 60-63 ou 80 μm, en fonction des normes nationales. Les sols
fins sont faits de particules de faible dimension (jusqu’à 1 μm pour les argiles colloïdales), sépa-
rées par des vides de petite taille, mais le volume total peut fortement varier entre l’état le plus
lâche (sol mou) et l’état le plus dense (sol dur). Les sols grossiers, au contraire, sont faits de par-
ticules plus grosses (jusqu’à 200 mm pour les pierres et 1 m pour les enrochements), séparées par
des vides de taille supérieure, mais le volume total des vides varie de façon plus réduite entre
l’état le plus lâche et l’état le plus dense.
2
La nature des particules de sol a une influence considérable sur leur comportement : les particu-
les argileuses ont un contact visqueux et interagissent avec l'eau interstitielle et les particules plus
grossières, tandis que les particules grossières, moins sensibles à l’eau, peuvent évoluer de diffé-
rentes façons en fonction de leur nature minéralogique (siliceuse, calcaire, marneuse).
3
La taille et la nature des particules de sol, associées à la densité de l’assemblage de ces particules,
déterminent l’ensemble des propriétés de tout sol naturel ou matériau de remplissage. La faible
perméabilité des sols fins est responsable du comportement « non-drainé » à court terme de ces
sols, tandis que le volume total de leurs vides constitue la principale origine des tassements. La
viscosité de toutes les argiles entraîne des tassements à long terme et des mouvements horizon-
taux. Les argiles molles sensibles ont une densité naturelle qui ne correspond pas à la salinité de 4
l’eau qui s’infiltre dans leurs vides. Le sable et les graviers sont perméables, et peuvent générale-
ment subir des déformations limitées quand ils sont soumis à une action. Le sable et les graviers
lâches peuvent subir des déformations plus importantes (diminution de volume) lorsqu’ils sont
soumis à des actions cycliques, tandis que le sable et les graviers compacts sont sujets à la dila-
tance (accroissement de volume dû au cisaillement pur).
5
La mécanique des roches distingue la matrice rocheuse et les propriétés de la roche, des proprié-
tés de la masse rocheuse. Les masses rocheuses continues et non altérées par les intempéries ne
se trouvent généralement pas au niveau de la surface du sol. Elles sont le plus souvent fissurées
et divisées en blocs de dimensions plus réduites, voire en pierres du fait de réseaux de fissures
parallèles (voir la Section 3.3). La relation entre les résultats des essais effectués sur de petits
échantillons de la matrice rocheuse et le comportement global de la masse rocheuse est donc de
première importance. Le même problème se pose pour les ouvrages en enrochement dans les-
6
quels les propriétés mécaniques de la couche d'enrochements ou du remblai en matériaux
rocheux ou de carrière doivent être évaluées à partir de sources d’informations indirectes.
Comme pour les sols, la nature minéralogique des roches a une influence considérable sur la
durabilité et l’évolution sur la durée des propriétés de la matrice rocheuse et donc sur celles de
la masse rocheuse. Il faut donc en tenir compte lors de l’évaluation du comportement à long
7
terme d’un ouvrage.
Les paramètres utilisés pour décrire et dimensionner les ouvrages en enrochement et le sol se
rapportent à quelques modèles de base de l’ouvrage, du sol et des enrochements :
• une description moyenne de la structure du sol et de son état réel, comprenant sa porosité (ou 8
indice des vides), sa teneur en eau et son degré de saturation, de la masse ou du poids volumi-
que du sol pris globalement, du sol sec, des particules solides et de l’eau interstitielle ;
• une description moyenne de la nature et des dimensions des particules (distribution granulomé-
trique, limites de consistance des argiles, teneur en matières organiques, teneur en calcaire, etc.) ;
• une description moyenne de la densité réelle par rapport aux différentes densités possibles 9
(indice de densité, optimum Proctor normal ou modifié) ;
• l’application de la mécanique des solides pour certaines analyses de la résistance des masses
de sol et pour l’étude de la résistance et de la déformation des masses rocheuses. 10
CETMEF 751
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Voici les modèles couramment utilisés pour analyser la résistance et la déformation du sol et des
matériaux rocheux :
• l’élasticité linéaire et non-linéaire et l’élastoplasticité pour les sols et les masses rocheuses.
NOTE : aucun de ces modèles n’inclut les éventuelles variations des propriétés du sol dans le
temps ; la prise en compte de ces évolutions doit se faire manuellement en modifiant les valeurs
des paramètres correspondants.
NOTE : l’angle de frottement interne ϕ′ est utilisé dans les modèles mentionnés ci-dessus. Le terme
angle de repos s’emploie également en géomécanique ; on le note φ. Cependant, ce paramètre n’est
pas une propriété typique des matériaux, à l’inverse de l’angle de frottement interne, qui dépend
du niveau de contrainte effective. L’angle de repos φ est généralement défini comme l’inclinaison
la plus raide que peut avoir un empilement de matériaux sans altérer la stabilité de la pente, en
l’absence d'action extérieure. La valeur de l’angle de repos peut être supérieure ou égale à celle
de l’angle de frottement interne (voir également l’Encadré 5.9 dans la Section 5.2.1.3).
5.4.4.3 Détermination des propriétés géotechniques des sols et des matériaux rocheux
Les paramètres géotechniques décrivant les propriétés des sols du site de réalisation de l'ouvrage
doivent être déterminés à partir des reconnaissances géotechniques (voir la Section 4.4). Une
méthode pratique de détermination de plusieurs de ces paramètres consiste à procéder de façon
indirecte, par des corrélations entre les paramètres et les résultats de ces reconnaissances ; ainsi,
la résistance au cisaillement des sols non-drainés est souvent calculée à partir de la résistance au
cône, établie par des essais in situ. La précision est toujours limitée. La détermination des para-
mètres nécessite un savoir-faire poussé. Elle doit être réalisée en accord avec les recommanda-
tions reconnues de tous, telles que celles que décrivent les guides de mécanique des sols, comme
par exemple Terzaghi et al. (1996). Ces aspects ne sont pas traités dans le présent guide.
Les moyens dont on dispose pour déterminer les paramètres géotechniques décrivant les proprié-
tés des matériaux rocheux sont plus limités, car de nombreux essais standard effectués en labora-
toire, tels que les essais de perméabilité, les tests triaxiaux et les essais à l’œdomètre, utilisés pour
les sols, ne sont pas applicables aux matériaux rocheux. La plupart de ces paramètres doivent être
calculés indirectement à partir des essais décrits au Chapitre 3. Les paragraphes ci-dessous pro-
posent des modes de détermination des paramètres liés à trois propriétés importantes. Au cours
de la durée de vie de l’ouvrage, les caractéristiques des matériaux rocheux constitutifs peuvent
changer. Les variations des caractéristiques des matériaux rocheux peuvent survenir lors de la
construction ou pendant la durée de service de l’ouvrage (p. ex. en présence d’une contrainte
effective élevée, ou d’une action forte et répétitive) ; ce dernier type d’évolution concerne notam-
ment les ouvrages comportant des matériaux rocheux de qualité moyenne ou basse. Les change-
ments mesurables des caractéristiques des matériaux rocheux sont analysés à la Section 3.6. Ces
variations doivent être prises en compte dans le dimensionnement (p. ex. en vérifiant l'ouvrage
avec les caractéristiques des matériaux estimées à différents stades de la vie de l'ouvrage) et lors
de la détermination des propriétés géotechniques de la roche.
752 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
(5.290) 4
(5.291)
où αFor ≅ 1 000 à 2 000 (-) ; βFor ≅ 1 à 1.5 (-), au moins pour les matériaux assez uniformes ; et νw 5
= viscosité cinématique de l’eau, ≈ 10-6 m2/s.
(5.292)
Le Tableau 5.67 donne un certain nombre de valeurs de perméabilité qui en résulte, k ou keq.
La Figure 5.139 présente les résultats expérimentaux obtenus pour différents types de matériaux
granulaires, allant du bloc d'enrochement au sable très fin.
10
CETMEF 753
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Type de particules Intervalle de diamètre (D) (mm) Perméabilité 1), k ou keq (m/s)
Notes :
1) ces valeurs sont approximatives (l’ordre de grandeur est donné)
2) pour un pourcentage de sable > 10 %
Figure 5.139 Perméabilité, k (m/s), en fonction de la taille des grains ou de l'enrochement, D50 (m)
À de faibles niveaux de contraintes, les matériaux granulaires (matériaux rocheux, graviers, sable)
ont un critère de rupture linéaire passant par l’origine des coordonnées, ce qui signifie qu’ils n’ont
aucune cohésion. Cela signifie que leur résistance au cisaillement peut être représentée par un
paramètre unique, l’angle de frottement interne. Il peut être pratique, dans certains calculs, de
donner une valeur non-nulle à la cohésion. L’angle de frottement interne, ϕ′ est une propriété des
matériaux. Pour le sable et les graviers, la valeur de ϕ′ se situe normalement dans un intervalle de
30 à 45 ° (voir le Tableau 5.68, qui présente l’influence de la densité et de l’angularité sur l’ordre
de grandeur de ϕ′). À des niveaux supérieurs de contraintes, le critère de rupture est non-linéaire :
lorsqu'il est linéarisé, la courbe contrainte normale/contrainte de cisaillement coupe l'axe des
valeurs de cisaillement avec une valeur non nulle (cohésion non nulle).
754 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Tableau 5.68 Angle de frottement interne, ϕ′, des matériaux granulaires (°), d’après Leonards (1962) 1
Particules rondes, Particules angulaires,
Type de matériau Compacité
granulométrie uniforme granulométrie continue
lâche 28 à 30 32 à 34
Sable et gravier
4
Pour les enrochements naturels utilisés dans les carapaces placées en eau peu profonde, c’est-à-dire
h < 1, l’angle de frottement interne du matériau rocheux peut être pris égal à ϕ′ = 55 °.
Les matériaux non-cohésifs déversés ou lâchés dans l’eau présentent un état lâche. Pour les enro-
chements ou les matériaux rocheux, l’angle de frottement réel peut varier entre 25 et 55° en fonc-
tion des différentes caractéristiques du matériau et du niveau réel de contrainte effective, comme
5
expliqué ci-dessous. Dans un squelette granulaire de bloc d'enrochements ou de matériaux
rocheux, il peut apparaître des forces locales importantes et la roche peut se briser au niveau des
points de contact. Les valeurs réelles de ϕ′ sont affectées par ce phénomène. Barton et Kjarernli
(1981) ont proposé une formule empirique permettant d’évaluer les valeurs réelles de ϕ′ à l’aide
de l’Équation 5.294 :
6
(5.294)
où
ϕ0 = angle de frottement des surfaces lisses de la roche intacte (°) ;
R′ = paramètre de rugosité, fonction de la forme des particules (-) ;
7
S′ = résistance équivalente normalisée de la roche granulaire (kPa) ;
σ′ = contrainte effective normale en place (kPa).
Les valeurs de ϕ0 se situent généralement dans la plage : 25° < ϕ0 < 35°.
8
Les valeurs du paramètre de rugosité, R′ (-), sont données à la Figure 5.140 à l’aide de la poro-
sité, nv (-), et d’une description qualitative de la rugosité des particules. Le paramètre de forme,
PR (la Figure 3.15 dans la Section 3.4.1.4 en donne un exemple), également connu sous le nom
de rugosité d'aspérité de Fourier, peut également servir à déterminer R′ de façon plus précise.
La valeur de la résistance équivalente normalisée, S′ (kPa), s’obtient à l’aide de la Figure 5.141,
avec la dimension des particules, D50 (mm), et la résistance compression uniaxiale de la roche 9
intacte, σc (kPa), qui peut être obtenue à partir d’un essai direct ou à indice, tel que l’indice
Franklin, Is(50) (voir la Section 3.8.5). Les champs de déformation triaxiale et plane font l’objet
de courbes distinctes.
10
CETMEF 755
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Enfin, la contrainte effective, σ′, peut être déterminée à l’aide de méthodes standard reposant sur
des modèles de stabilité ou de déformation. Du fait des variations spatiales de la contrainte en
place dans un ouvrage en enrochement, l’angle de frottement local, ϕ′, varie lui aussi. Cette varia-
tion peut facilement être intégrée à une analyse standard de stabilité des pentes. Il peut se pro-
duire des changements au fil du temps si l'enrochement est de mauvaise qualité, ce qui entraîne
un ramollissement des points de contact de la roche lié aux intempéries, par exemple.
Figure 5.141 Résistance équivalente S′ (kPa). Pour déterminer Is(50) (indice Franklin),
voir ISRM (1985)
Au niveau de l’interface entre deux couches de sol ou de matériaux rocheux, la surface de glisse-
ment est normalement située dans le matériau le moins résistant. L’angle de frottement doit alors
être défini comme étant le plus petit des angles de frottement des deux matériaux.
756 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Lorsque le sol ou le matériau rocheux est en contact avec des matériaux de synthèse tels que des 1
géotextiles, du béton ou des éléments de renforcement métalliques, l’angle de frottement à l'in-
terface est généralement inférieur à l'angle de frottement interne de la masse de sol ou du maté-
riau rocheux. La valeur réelle de cet angle de frottement doit être déterminée par des essais.
Pour les surfaces de contact entre les matériaux rocheux et le béton, l'angle de frottement entre
les deux matériaux, δ, est souvent très proche de la valeur de ϕ0 présentée ci-dessus. Cela signifie
que sa valeur peut être bien inférieure à celle de ϕ′. Dans une approche sécuritaire, l’angle de
2
frottement de l’interface, δ, peut être déterminé comme étant une fraction de l’angle de frotte-
ment interne du matériau rocheux ou du sol, ϕ′, tel que δ = 2/3ϕ′ (Tableau 5.67).
Rigidité du sol
3
Les sols soumis à des actions croissantes présentent tout d’abord une déformation quasi-élasti-
que et linéaire, suivie d’une phase plastique ("vierge") (voir la Figure 5.142). Dans le cas d’un
cycle chargement/déchargement, la dérivée moyenne de la courbe σ-ε est proche de la dérivée
initiale. La répétition des cycles chargement/déchargement induit des déformations (plastiques)
supplémentaires et irréversibles, qui s’accompagnent d’une diminution de la dérivée moyenne de 4
la courbe σ-ε. L'incrément de déformation plastique diminue avec le nombre de chargement et
la dérivée moyenne tend vers une limite. En règle générale, plus le matériau est lâche et le niveau
de charge élevé, plus les déformations sont importantes.
Les paramètres de rigidité élastique linéaire, tels que K, G, E et vp, sont souvent utilisés pour
décrire les différentes portions de la courbe de la Figure 5.142 : le module tangent initial, Et ; initial, 5
le module chargement/déchargement, Er, le module tangent correspondant à un niveau donné de
déformation, Et ; ε, et le module cyclique, Ei, au ième cycle peuvent être définis. Pour la courbe
vierge, il existe une façon plus conventionnelle d’exprimer la rigidité, consistant à utiliser les para-
mètres œdométriques, tels que l’indice de compression, Cc, et le coefficient de changement de
volume, mv, désigné par mve dans le domaine élastique.
6
Figure 5.142 Déformation du sol induite par la charge, par un cycle chargement/déchargement puis par
de nombreux cycles chargement/déchargement
10
CETMEF 757
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
On ne dispose que de données très limitées sur les paramètres de rigidité des matériaux rocheux. Les
valeurs pour le premier chargement et pour le chargement cyclique dépendent largement du poten-
tiel d’écrasement des grains. Le sable siliceux (à base de quartz) présente généralement un potentiel
d’écrasement réduit pour l'intervalle de contraintes effectives qui s’exercent généralement sur les
ouvrages en enrochement. Il en va de même pour les enrochements d’excellente qualité. Ainsi, les
paramètres relatifs à l’enrochement d’excellente qualité se situent probablement dans la même
gamme que ceux applicables au sable siliceux ou aux graviers (voir le Tableau 5.68).
Les matériaux rocheux de qualité moindre sont largement plus compressibles, notamment à des
niveaux élevés de contraintes effectives et en présence d'actions cycliques et répétitives élevées
(p. ex. séismes). L’utilisation de matériaux rocheux de qualité moindre peut être acceptable dans
un certain nombre de cas, à condition que les déformations survenant pendant et après la construc-
tion ne soient pas trop importantes. La meilleure façon d’obtenir de bonnes estimations des para-
mètres respectifs est de réaliser des essais oedométriques et de cisaillement à grande échelle (avec
des échantillons de grandes dimensions) avec ou sans actions répétitives. Les résultats des essais
doivent être corrélés aux variations de distribution des tailles de grains modélisées à la Section 3.6
et aux résultats des essais présentés dans cette même section et servant à décrire la qualité.
Coefficient de Poisson νp (-) (3K – 2G)/(6K + 2G) 0.25 – 0.35 0.2 – 0.4
Parmi les valeurs ci-dessus, les plus élevées correspondent à du sable dense, et les plus basses à
du sable très lâche. Les valeurs de tous les paramètres dépendent de celle de la contrainte effec-
tive moyenne, σ′ (kPa) ; soit l’approximation suivante :
• pour σ′ ≤ ≈ 1 MPa : les valeurs des paramètres données au Tableau 5.69 sont proportionnelles
à σ′ ou σ′ ;
• pour σ′ > ≈ 1 MPa : elles cessent d’augmenter avec σ′ du fait de l’écrasement des particules.
Sawicki et Swidzinski (1989) proposent des valeurs-types de la variation volumétrique liée à des
déformations répétitives. Ces valeurs sont différentes pour les autres types de sable (p. ex. sable
de carbonate).
758 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
5.4.5.1 Généralités
Les pressions interstitielles et l’écoulement à travers les vides ou le sol sont deux aspects du
2
même phénomène, et ces termes sont synonymes. Le sol est constitué d’un squelette granulaire
et contient un fluide dans ses pores (fluide interstitiel), ce fluide étant le plus souvent de l'eau.
Les actions qui s'exercent à l'extérieur de l'ouvrage peuvent induire un écoulement interne et des
variations de pression interstitielle à l’intérieur de l’ouvrage ou du sous-sol. Ces effets peuvent
être considérés comme des réactions internes du sol aux actions externes, influençant la résis-
tance du sol. Il s’agit là d’une approche pratique lorsque l’on étudie un sol cohérent soumis à des 3
actions qui varient relativement rapidement. En présence de sable ou de limon, il peut être pra-
tique d'utiliser cette même approche ; on utilise alors souvent le terme liquéfaction. Cependant,
dans de nombreux cas, il est plus pratique de considérer les pressions interstitielles et l’écoule-
ment interne comme des actions externes, notamment avec les matériaux rocheux. C’est l'appro-
che qui a été retenue dans la présente section.
4
De nombreux mécanismes de rupture sont fortement influencés par les pressions interstitielles
ou l’écoulement à travers le sol qui leur est associé :
• la stabilité face au glissement dépend largement de la contrainte effective, σ′. Par conséquent,
les fortes pressions interstitielles réduisent donc ce type de stabilité ;
• l’érosion des grains fins est déterminée par le gradient des pressions interstitielles ; 5
• enfin, les pressions interstitielles déterminent la vitesse de phénomènes de tassement et ce
d'autant plus qu'elle influe sur la consolidation.
2. Les actions non-stationnaires dues à des actions externes à variations relativement rapides, tel-
les qu’une mer de vent ou des effets d'un séisme.
Les actions quasi-stationnaires se distinguent des actions non-stationnaires si l'on compare les
échelles temporelles ou périodes caractéristiques des actions par rapport aux échelles temporel-
les ou périodes caractéristiques associées aux phénomènes non-stationnaires tels que le stockage 9
phréatique, le stockage élastique ou la déformation volumétrique plastique, qui seront expliqués
dans la prochaine section. Le phénomène de consolidation peut interférer avec les périodes
caractéristiques citées plus haut.
Dans des conditions de sol totalement drainé, le champ des pressions interstitielles dépend uni-
quement des conditions aux limites externes et de la perméabilité des différentes couches, et non
de la rigidité du sol ou du comportement dilatant du squelette granulaire. Le champ des pressions
10
CETMEF 759
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
interstitielles peut être déterminé en analysant l’écoulement interne. À l’intérieur des matériaux
rocheux, l’écoulement n’est généralement pas du type Darcy (c.-à-d. l'écoulement est non lami-
naire comme c'est le cas dans les matériaux plus fins), mais au contraire turbulent dans la plupart
des cas (voir la Section 5.4.4.4). Cela signifie qu’il existe une relation non-linéaire entre le gra-
dient de pression et la résistance à l’écoulement, ce qui rend l’analyse plus complexe.
Dans des conditions de sol totalement drainé, les contraintes effectives peuvent être calculées ou
estimées sans avoir à utiliser un modèle couplé diphasique (voir la Section 5.4.3.8). Il faut néan-
moins tenir compte des effets du champ des pressions interstitielles constantes sur le champ des
contraintes effectives (σ′ = σ-p). En règle générale, l’analyse de l’écoulement souterrain permet
d’obtenir les gradients aux interfaces entre les couches. Ces gradients doivent être examinés en
termes d’érosion (stabilité du filtre ; voir la Section 5.4.3.6).
La détermination de la distribution des pressions interstitielles peut être compliquée non seule-
ment par la résistance à l’écoulement non-linéaire, mais aussi du fait des facteurs suivants :
• il faut tenir compte de l’influence sur la distribution des pressions des parties imperméables
de l'ouvrage, tels que les murs de couronnement (voir la Section 6.1) ou les fondations (voir
la Section 8.4) ;
• il peut être difficile de déterminer la distribution des charges hydrauliques le long des limites
de l'ouvrage à partir de l'écoulement externe ;
Ces effets sont illustrés par les exemples présentés aux Encadrés 5.34 à 5.37.
Encadré 5.34 Distribution stationnaire des hauteurs d’eau le long des parties imperméables de l’ouvrage
Les Figures 5.143 à 5.145 montrent l’influence des parties imperméables de l’ouvrage sur la distribution
de la charge hydraulique, c'est-à-dire sur les gradients longitudinaux, ip (-), mettant en évidence le danger que
peut représenter ce type de distribution pour la stabilité d’un barrage (Figures 5.143 et 5.144) et pour une
protection de fond imperméable (Figure 5.145). La résistance non-linéaire entraîne une perte de charge sup-
plémentaire aux endroits où la vitesse d'écoulement est maximale.
Figure 5.143 Gradient de la charge hydraulique constant sous une partie d’ouvrage imperméable
Figure 5.144 Variations du gradient de charge hydraulique sous une partie d’ouvrage imperméable
760 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Encadré 5.34 Distribution stationnaire des hauteurs d’eau le long des parties imperméables de l’ouvrage 1
(suite)
3
Figure 5.145 Charge hydraulique au-dessus et en dessous d’une protection de fond imperméable
placée autour d’une pile de pont
Encadré 5.35 Influence des différences de perméabilité sur une distribution quasi-stationnaire des 4
charges hydrauliques
La Figure 5.146 se rapporte à un barrage en enrochement chargé par une différence de charge hydraulique
ΔH (m). Le niveau piézométrique est distribué de façon quasi-linéaire si le barrage est constitué d’un seul
matériau à granulométrie donnée. En revanche, si un matériau plus fin est utilisé pour le noyau, le niveau pié-
zométrique est fortement incurvé. Le gradient le plus élevé est égal à l’angle du talus (voir la Figure 5.147).
Cette situation est fréquente si la hauteur d’eau externe baisse (lentement).
5
Figure 5.146 Niveaux piézométriques dans un barrage en enrochement avec et sans matériau 7
spécifique (plus fin) pour le noyau
9
Figure 5.147 Gradient maximal à l’interface entre deux matériaux lorsque la couche externe présente
une perméabilité supérieure à celle de la couche interne
10
CETMEF 761
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Encadré 5.36 Distribution quasi-stationnaire de la charge hydraulique sous l'effet de l’action de la houle
sur un talus
L’influence d’une carapace semi-perméable placée au-dessus d'une couche filtre perméable, telle que celles
utilisées dans les revêtements ou les protections du fond soumis à l'action de la houle, est illustrée par la
Figure 5.148. La réponse piézométrique du filtre à la distribution des charges hydrauliques externes dépend
de la distance de drainage, λ (m), définie par l’Équation 5.295 :
(5.295)
Figure 5.148 Distribution des charges piézométriques dans la couche filtre située sous une cara-
pace semi-perméable ; ip = gradient hydraulique dans le filtre parallèle à la surface/à
l’interface
La Figure 5.149 indique la façon dont la charge hydraulique externe pénètre dans une couche (épaisse) d’en-
rochement.
Figure 5.149 Pénétration d’une variation de charge hydraulique dans une couche d’enrochement ;
in = gradient hydraulique dans la carapace perpendiculaire à la surface
762 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Figure 5.150 Distribution de la charge hydraulique le long du fond d’un canal due à un écoulement
turbulent
5
Les glissements par liquéfaction se produisent lorsque des actions (quasi-) stationnaires induisent
des surpressions interstitielles non-stationnaires. La liquéfaction peut se produire soudainement
dans un talus de sable lâche saturé suite à une légère variation de son chargement. Le sable de ce
type de talus est dans un état dit « métastable » dans lequel toute variation des actions, si légère
soit-elle, induit une brusque surpression interstitielle du fait d’une forte tendance à la contrac-
tance du squelette granulaire. À l’état ultime de contractance la continuité du squelette granu-
6
laire disparaît, les surpressions interstitielles positives réduisant la contrainte effective à zéro. Les
particules ne sont plus en contact les unes avec les autres, et la masse de sol entre dans un état de
liquéfaction avant de s'écouler, avec pour conséquence une pente au repos (après écoulement)
très plate (p. ex. 10/1 ou 20/1) après re-sédimentation du matériau granulaire.
Un modèle mathématique a été développé pour prédire les risques de glissement par liquéfaction
7
en fonction des caractéristiques du sable et de la géométrie du talus (De Groot et al., 1995 et
Stoutjesdijk et al., 1998).
Les actions non-stationnaires sont des actions qui varient rapidement dans le temps, telles que 8
la houle ou les séismes. Ces actions génèrent à l’intérieur de l’ouvrage des pressions interstitiel-
les, p, qui varient dans le temps et, tant que l’équilibre est maintenu, sont donc à l'origine de
contraintes effectives, σ′ (kPa), qui varient avec le temps. L'ampleur de la différence de la
réponse de la pression interstitielle dans le cas non stationnaire par rapport au cas stationnaire
dépend de trois phénomènes :
Les paragraphes ci-dessous décrivent ces trois phénomènes séparément. Cependant, il ne faut pas
perdre de vue que dans la pratique ces processus peuvent se produire simultanément, mais qu’il
n’est le plus souvent pas nécessaire de les quantifier tous. Les phénomènes à prendre en compte
sont ceux dont la période caractéristique présente les valeurs les plus élevées.
Les pressions externes variables telles que celles exercées par les marées ou la houle sont à l’ori-
gine d’une alternance de hausses et de baisses du niveau piézométrique dans le matériau granu-
laire, ce qui implique que l’écoulement d’eau doit entrer et sortir de la nappe phréatique. Ce phé-
nomène s’accompagne d’un retard de phase lors de la propagation de l'onde de pression externe
pénétrant dans la masse granulaire et par un amortissement simultané de cette onde. Bien que le
processus de stockage phréatique ajoute une composante majeure et plutôt complexe au compor-
tement interne du matériau granulaire, il ne s’accompagne pas, à la différence de la consolidation,
d’une réelle interaction entre la pression interstitielle et les contraintes effectives. Il est toutefois
possible de traiter ce problème comme une situation de sol totalement drainé, et il n’est pas
nécessaire d’utiliser un modèle de sol diphasique.
Figure 5.151 Schéma d’une situation de stockage phréatique en présence d’une action générée par la houle
Cette section analyse quelques cas caractérisés par une influence prépondérante du stockage
phréatique. La Figure 5.151 présente une situation – type de digue portuaire ou maritime (sché-
matisée) sous l'effet de la houle. L’expression de la période caractéristique, Tph (s), et de la lon-
gueur caractéristique, Lph (m), associée peut soit être calculée à partir de modèles analytiques,
soit être déterminée à l’aide des Équations 5.296 et 5.297 :
(5.296)
(5.297)
où
B = largeur de l’ouvrage (m) ;
nv = porosité de couche de l’ouvrage (-) ;
T = période de la houle (s) ;
h = hauteur d’eau ou hauteur moyenne immergée de l’ouvrage (m) ;
k = coefficient de perméabilité de Darcy (linéarisé) (m/s).
La signification de Tph et de Lph dans les cas où le stockage phréatique exerce une influence pré-
pondérante peut être expliquée comme suit : Tph (s) est la durée nécessaire pour que le front
d'onde d'une action à variation harmonique à l'avant de l'ouvrage pénètre sur une distance, B (m),
tandis que Lph (m) est la distance entre l’avant et l’intérieur de l’ouvrage sur laquelle l’amplitude
de l'action (hauteur de la houle) est considérablement amortie. Lorsque x représente la distance
(m) à l’intérieur de l’ouvrage tandis que H0 et Hx représentent respectivement les hauteurs loca-
les de la houle (m) à l'avant et à une distance x à l'intérieur de l'ouvrage, le ratio d’amortissement
peut être exprimé par une fonction exponentielle négative, donné dans l’Équation 5.298 :
764 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
1
(5.298)
la partie de l’ouvrage située à une distance relative x/Lph = 1 à 3 de la surface à l’intérieur de l’ou-
vrage. Les variations de l'action à la surface exposée de l'ouvrage ne sont pas observées de l'au-
tre côté (côté protégé ou côté port) et la largeur B (m) de l'ouvrage n’a aucune influence sur le
phénomène. 3
L’Encadré 5.38 propose trois exemples de pression interstitielle instantanée liée principalement
au stockage phréatique.
Encadré 5.38 Exemples de pressions interstitielles instantanées liées principalement au stockage phréatique
4
Trois exemples de digue de protection côtière adossée à un petit lac ou à un petit canal sont donnés :
1. Digue en enrochement moyen subissant l'effet de la marée
La géométrie (schématisée) de l’ouvrage présente une largeur B = 30 m et une hauteur h = 10 m (voir la
Figure 5.151). En outre, la porosité nv = 0.4, le coefficient de perméabilité k = 0.1 m/s et la période de marée
(de la houle) T = 45 000 s. En utilisant ces données et les Équations 5.296 et 5.297, on obtient Tph = 1 100 s
et Lph = 190 m. Par conséquent :
5
D’après ce résultat, on peut conclure que le niveau piézométrique à l’intérieur de l’ouvrage et la hauteur d’eau
côté terre sont toujours pratiquement égaux au niveau coté mer.
2. Digue en sable subissant l'effet de la marée
Dans ce cas, les mêmes hypothèses que dans le cas 1) sont utilisées, à l’exception de la perméabilité, prise
égale à k = 10-3 m/s. En introduisant cette nouvelle valeur dans les Équations 5.296 et 5.297, on obtient Tph
6
= 105 s et Lph = 6 m. Par conséquent :
ce qui signifie que le niveau piézométrique à l’intérieur de la digue ne varie pas de façon sensible dans la
moitié de l'ouvrage côté mer, et que les mouvements de marée n’entraînent qu’une variation minime du
7
niveau dans la voie d’eau ou le lac situé à l’arrière de la digue (coté terre).
3. Digue en matériau grossier subissant les actions exercées par des vagues (courtes) soulevées par
le vent
La seule différence par rapport au premier exemple est la période de la houle, ici prise égale à T = 4.5 s. Les
résultats obtenus sont donc : Tph = 1 100 s et Lph = 1.9 m. Par conséquent, Tph/T = (B/Lph)2 = 250 >> 1. On
peut donc en conclure que le niveau piézométrique à l’intérieur de la digue ne présente une variation nota-
ble que sur les quelques mètres à l’extérieur (coté mer), et que les mouvements de houle n’entraînent qu’une 8
variation minime de la hauteur dans la voie d’eau située ou le lac situé à l’arrière de la digue (coté terre).
Cette approche analytique peut permettre d’obtenir une première estimation des variations du
niveau piézométrique. Dans la pratique cependant, plusieurs phénomènes non représentés par les
modèles existants peuvent se produire :
• la présence d’un talus (ou d'une pente) entraîne une surélévation du niveau interne (analysée
ci-dessous à l’aide des exemples de l’Encadré 5.39) ;
• la présence de parties imperméables dans l’ouvrage, telles qu’un mur de couronnement, ris-
que d’empêcher localement le stockage phréatique (voir l'Encadré 5.40).
10
CETMEF 765
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
La quantification de ces phénomènes nécessite d’utiliser des modèles numériques plus sophisti-
qués pour l’écoulement en 2D avec une résistance à l'écoulement (ou une perméabilité) non-
linéaire. Seul l’écoulement interstitiel doit être modélisé : il n’est donc pas nécessaire d’utiliser un
modèle diphasique. Un exemple de modèle 2D utilisable est le code MBREAK ou ODIFLOCS
(De Groot et al., 1994), qui a été développé à partir du code HADEER (Hannoura, 1978) dans
le cadre du programme MAST de l’UE (Voir également l’Encadré 5.33).
La présence d’un talus (ou d'une pente) entraîne une certaine surélévation du niveau piézomé-
trique interne, également appelée surélévation du niveau interne. Ce phénomène s’explique par le
fait que la surface d'entrée de l'eau le long du talus au moment où le niveau d’eau est élevé est
supérieure à la surface de sortie de l'eau le long du talus au moment où le niveau est bas, et que
le chemin moyen emprunté par l’écoulement entrant est plus court que celui que suit l’écoule-
ment sortant. Dès lors, au cours des variations cycliques de la hauteur d’eau, le volume d’eau qui
pénètre dans l’ouvrage est supérieur à celui qui sort de l’ouvrage. Enfin, la compensation de l’ex-
cès d’eau interne par un écoulement sortant prend la forme d’une surélévation du niveau interne
moyen et des gradients d'écoulement sortants associés. L’Encadré 5.39 donne quelques exemples.
Les Équations 5.299 et 5.300 peuvent servir à déterminer la surélévation du niveau interne maxi-
male, zs,max (m), donnée dans ICE (1988) :
(5.299)
(5.300)
où
h = hauteur d’eau (m) ;
δw = paramètre d'amplitude de la houle (-) ;
c = constante dépendant de l’entraînement d’air et du run-up/run-down (c > 1) (-) ;
Hs = hauteur significative de la houle au niveau du talus (m) ;
Lph = longueur de stockage phréatique (m) (voir l’Équation 5.297) ;
α = angle du talus (ou de la pente) (°) ;
F(B/Lph)= fonction présentée à la Figure 5.152 (axe vertical) pour deux cas donnés.
Les deux cas auxquels correspond la fonction F(B/Lph) sont : (1) talus arrière fermé (et plein)
comme dans le cas d'un barrage en enrochement par exemple (voir la Figure 5.153) et (2) talus
arrière ouvert, comme dans le cas d’une digue protégeant un port par exemple (p. ex. voir
l’Encadré 5.39).
La surélévation du niveau interne est particulièrement forte (jusqu’à 5 fois la hauteur de houle), si
le drainage (évacuation de l'eau) n'est possible que sur la face exposée. Cela se produit lorsque Lph
<< B ou que face arrière de l’ouvrage en enrochement est fermé sur le plan hydraulique, par exem-
ple en présence d’un remblai de sable à l’arrière d’une digue portuaire ou maritime (Figure 5.153).
Figure 5.152
Diagramme représentant la surélévation
du niveau interne liée à un talus
(ou à une pente)
766 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
La valeur du module de compressibilité Kwa peut varier entre 1 MPa (eau contenant 10 % d’air)
et 100 MPa (eau contenant 0.1 % d’air). La valeur du coefficient de changement de volume élas- 9
tique, mve, peut quant à elle varier entre 1/1 000 et 1/30 (avec l’unité 1/Mpa, puisque mve ≈ 1/K)
dans le cas de sable et de matériaux rocheux à quelques mètres en dessous de la surface.
10
CETMEF 767
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Comme le stockage phréatique, le stockage élastique s’accompagne également d’un retard de phase
et d'un amortissement lors de la propagation des phénomènes cycliques dans le milieu granulaire.
Une analyse simplifiée a permis d’exprimer la période caractéristique du stockage élastique, Tel (s),
et la longueur caractéristique du stockage élastique, Lel (m), par les Équations 5.301 et 5.302 :
(5.301)
(5.302)
où B = largeur de l’ouvrage (m), T = période des vagues induites par le vent ou les marées exerçant
une action (s), cv = coefficient de consolidation (m2/s), couramment défini par l’Équation 5.303 :
(5.303)
En se référant au Tableau 5.68, pour les valeurs indiquées de Kwa et mve, on peut appliquer les
valeurs de cv suivantes : pour du sable fin, cv peut varier entre 10-3 et 0.1 m2/s, tandis que pour du
gros enrochement, cv est compris entre 100 et 10 000 m2/s.
En appliquant l’Équation 5.301, B doit être pris égal à la largeur de l’ouvrage ou à l’épaisseur de
la couche concernée, ou encore comme toute autre dimension caractéristique de l’ouvrage.
Le sens physique de Tel et Lel pour les situations dans lesquelles l’influence du stockage élastique
est prépondérante peut-être défini (à l'instar de Tph et Lph) comme suit : Tel est la durée nécessaire
pour qu’une action à variation harmonique au niveau de la limite pénètre dans la masse granulaire
sur une distance x = B, tandis que Lel est la distance de la surface au point où l'effet de la variation
de l'action est considérablement amorti. Dans ce cas également, il est possible de schématiser le
phénomène d’amortissement (ratio entre les hauteurs de houle Hx et H0 (m), où les indices 0 et x
désignent respectivement la surface exposée et un point x à l’intérieur de l’ouvrage, voir la Figure
5.155) sous la forme d’une fonction exponentielle négative donnée par l’Équation 5.304 :
(5.304)
De même, si le ratio Tel/T = B/Lel << 1, le phénomène de stockage élastique a une influence limi-
tée et l'action peut être considérée comme quasi-stationnaire. En revanche, si Tel/T = B/Lel >>1,
le stockage élastique a une influence non négligeable et aucune variation des actions n’est obser-
vée au niveau de la limite au-delà d’une distance x = B, par conséquent la largeur B n’influence
plus le phénomène. Quatre exemples sont présentés ci-dessous : le premier concerne le stockage
phréatique et le stockage élastique autour d’un caisson (Encadré 5.40), tandis que les trois sui-
vants sont consacrés au stockage élastique dans le sable (Encadrés 5.41 à 5.43).
768 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
4
Figure 5.154 Une partie imperméable de l’ouvrage empêche le stockage phréatique
Dans ce contexte, une bonne illustration de l’effet du stockage phréatique sur la stabilité de l’enrochement de
protection d'une digue maritime est donnée. Pour ce type d’ouvrages, l’effet du stockage phréatique sur la
réponse hydraulique (voir la Section 5.2.2.2) est inclus dans l’analyse par l’intermédiaire d’un facteur de poro-
sité nominale P. Ce dernier a un impact considérable sur la stabilité hydraulique et augmente avec le drai-
nage dans l’ouvrage (Lph, 1/Tph). Cependant, aucune relation quantitative fiable n’a encore pu être établie.
Pression interstitielle dans le soubassement granulaire d’un caisson
5
7
Figure 5.155 Stockage élastique dans un soubassement en matériaux granulaires situé sous un caisson
Dans le cas de l’ouvrage présenté à la Figure 5.154, on suppose que la base située sous le caisson est consti-
tuée d'éléments rocheux de grandes dimensions. En prenant B = 30 m, T = 3 s et, pour cv appartenant à l'in-
tervalle donné ci-dessus pour les éléments rocheux de grande taille, Tel est compris entre 0.3 et 100 s. Il en
résulte que Tel /T << 1, ce qui signifie que le stockage élastique n’a quasiment aucune influence. Si, toutefois,
on utilise des graviers fins peu compactés avec les valeurs (plus basses) de cv données ci-dessus, Tel ≈ 30 s.
Par conséquent, avec des graviers, la valeur du ratio devient Tel /T >> 1, ce qui signifie que désormais le 8
stockage élastique a alors probablement une influence non négligeable. Les variations de la charge piézo-
métrique ne pénétreraient sous la totalité du caisson, mais seulement sur une distance d’un ordre de grandeur
de x = Lel = 1 à 10 m (voir la Figure 5.155).
10
CETMEF 769
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Encadré 5.41 Exemple de stockage élastique induit par la houle sur un fond sablonneux
La variation de pression interstitielle dans un fond marin granulaire soumis à l’action d’une mer de vent (cla-
pot) (Figure 5.156) est un exemple de pression interstitielle instantanée induite par la houle générée par un
stockage élastique. Yamamoto et al. (1978) et Verruijt (1982) proposent une solution analytique. Dans ce cas,
la dimension caractéristique B (m) dans l’Équation 5.301 doit être remplacée par la plus petite des deux
valeurs suivantes : soit L/(2π), où L = longueur d’onde (m), soit par l’épaisseur de la couche granulaire concer-
née t (m). Si l’eau interstitielle ne contient pratiquement pas d’air et si la couche est plutôt perméable alors
Tel << T, par exemple, pour une protection de fond constituée d’enrochement ou de graviers. La profondeur
de pénétration de la variation de niveau L/(2π) ou B (m) est quasiment identique à celle qui est déterminée à
l’aide d’une méthode de calcul stationnaire.
Pour un fond sablonneux, toutefois, la situation est totalement différente : il est courant que Tel/T >> 1 et la
profondeur de pénétration est d’un ordre de grandeur de Lel = 0.1m voir même Lel < 0.1m. De cette manière,
des gradients ascendants importants sont induits sous le creux de la houle, accompagnés de contraintes
effectives fortement réduites. Il peut même se produire une liquéfaction dans des conditions extrêmes
(Nakata et al., 1991).
Figure 5.156 Gradients ascendants dans le fond de la mer dus au stockage élastique
Plus d'informations sur les pressions interstitielles dans un fond de la mer sous l’influence pré-
pondérante du stockage élastique sont disponibles dans Jeng (2003), qui a passé en revue les
publications existantes de manière très exhaustive. Deux numéros spéciaux du Journal of
Waterways, Port, Coastal & Ocean Engineering, de Juillet/Août 2006 et de Janvier/Février 2007,
ont été consacrés aux résultats du projet de recherche européen « LIMAS » (acronyme de
LIquefaction around MArine Structures – Liquéfaction autour des ouvrages maritimes).
770 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
Encadré 5.42 Stockage élastique induit par la houle sous une protection de talus
1
Le risque d’une forte réduction des contraintes effectives est souvent plus élevé – et plus dangereux – le long
d’un talus aux alentours du niveau de l’eau, où l’on peut s’attendre à ce que la teneur en air dans l’eau inter-
stitielle soit plus élevée. Il peut en résulter un glissement de la protection du talus (Schulz et Köhler, 1989) ;
voir la Figure 5.157.
Dans la situation ci-dessous où le sable contient une nappe phréatique, il est nécessaire de se demander si
c’est l’influence du stockage élastique dans le sable qui prédomine sur celle du stockage phréatique, ou
l’inverse. Il est possible d’étudier le problème en calculant le ratio entre les échelles de réponse phréatique 2
et élastique Tel /Tph (-), puisque la réponse dont l’échelle temporelle est la plus grande domine l’autre (prin-
cipe présenté dans l’introduction de cette section). En combinant les Équations 5.296, 5.297, 5.301 et 5.302,
on peut calculer le ratio Tel /Tph (-) ; il est donné ici sous la forme de l’Équation 5.305 :
(5.305)
où h = hauteur d’eau (m), k = perméabilité (m/s), nv = porosité de couche (-), et cv = coefficient de consolida-
3
tion (m2/s), défini dans l’Équation 5.303.
En s’appuyant sur le résultat de l’Équation 5.305, on obtient deux cas de figure :
1.Tel /Tph ou Lph /Lel << 1: dans ce cas, le stockage élastique domine le stockage phréatique, du moins dans
une couche d’une épaisseur relative tc /Lel = 1 à 3, les gradients les plus importants au niveau de l’interface
entre le sable et la protection du talus sont causés par le stockage élastique.
2.Tel /Tph ou Lph /Lel = 1 : en prenant pour hauteur immergée de l’ouvrage h = 1 m, k = 4•10-5 m/s, Kwa = 1 MPa
(10 % d’air), nv = 0.4 ; le coefficient de consolidation peut être estimé à l’aide de l’Équation 5.303 : cv = 0.01
4
m2/s. Si l’on reporte ces valeurs dans l’Équation 5.305, le rapport devient Tel /Tph = 1, ce qui signifie que, près
de la nappe phréatique, le stockage phréatique est aussi important que le stockage élastique.
Figure 5.157 Plan de glissement dû au stockage élastique dans le sable sous une protection de talus
7
10
CETMEF 771
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Encadré 5.43 Pression interstitielle dans le soubassement en enrochement d’un caisson soumis à des
actions externes
Cet exemple concerne le stockage élastique, engendré ou affecté par les contraintes totales, σ (kPa), varia-
bles exercées au niveau de la limite externe, plutôt que par une variation de la charge hydraulique, de la pres-
sion ou de pression interstitielle, p, au niveau des limites extérieures de l'ouvrage, comme dans les exemples
présentés aux Encadrés 5.41 et 5.42.
On suppose un fond sablonneux sous le coin côté terre (face arrière) d’une digue en caissons soumise à l'ac-
tion de la houle, reposant sur un lit de graviers (voir la Figure 5.157). Le squelette granulaire du sable est
comprimé au moment où le niveau de l’eau est maximal côté mer, sous l'effet du moment résultant exercé
sur le caisson. L’eau contenue dans les pores est donc expulsée avec un gradient ascendant dans le sable,
ce qui entraîne une réduction des contraintes effectives, σ′, un effet qui s’étend au sable du côté arrière (pro-
tégé), où l'action externe exercée par le caisson n'est pas appliquée.
Souvent, Tel /T >> 1 et Lel /B <<1. Dans ces cas, les pressions interstitielles dans une partie du sous-sol, carac-
térisée par une largeur et une profondeur de l’ordre de 0.1B (m), peuvent être estimées à l’aide de la solu-
tion analytique donnée par Verruijt (1982).
À cause du filtre en graviers (poreux), la charge hydraulique dans les graviers et sur la partie supérieure de
la couche du sable n’est pas affectée par la charge externe. Cette charge hydraulique reste constamment
égale (ou proche) au niveau stationnaire de l’eau du côté protégé du caisson (côté port). Toutefois, à des pro-
fondeurs plus élevées, les pressions interstitielles augmentent de la même valeur pex (kPa) que la contrainte
verticale externe σv-ex (kPa) transmise par le caisson au sous-sol (sable) via les graviers, donc pex = σv-ex
(kPa). En réalité, le caisson n’induit pas de pressions interstitielles mais transmet une contrainte totale à la
surface du sous-sol sablonneux. Il en résulte que le gradient hydraulique maximal dans le sable se produit à
proximité de l’interface entre le sable et les graviers. La valeur de ce gradient peut être définie approximati-
vement comme pex/Lel (kN/m). Lorsque le sable est soumis à un tel gradient, il peut se produire une érosion
si les graviers ne remplissent les règles (ou conditions) de filtre. Ce mécanisme de rupture fait l’objet de la
Section 5.4.3.6.
Il est évident que le stockage élastique doit être étudié avec attention dans des circonstances spécifiques.
Contrairement au stockage phréatique, un problème lié au stockage élastique est causé par la compression
du squelette granulaire et doit être analysé à l’aide d’un modèle diphasique du fait de l’interaction considéra-
ble entre la pression interstitielle et la contrainte effective. Si l’on souhaite adopter une approche sécuritaire
dans le cas de sols fins moins perméables (sable fin, limon et argile), on peut également procéder à une ana-
lyse non-drainée (en contraintes totales). On peut supposer que le comportement du sol face à la contrainte-
déformation est élastique, mais il doit alors souvent être soumis à une analyse de stabilité distincte. Il est éga-
lement possible d’effectuer une analyse plus poussée par éléments finis à l’aide d’un modèle de sol élasto-
plastique, afin de déterminer la répartition des contraintes et d'examiner simultanément la stabilité.
Figure 5.158 Stockage élastique induit par des gradients ascendants sous une digue en caisson
Les variations du volume des pores peuvent également être causées par la dilatance ou la
contractance du sol. Une contrainte de cisaillement cyclique dans des matériaux lâches favorise
une tendance continue à la densification (contractance). Comme dans le cas du stockage élasti-
que, cette densification peut être (partiellement) limitée par le fluide présent dans les pores dans
772 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
les cas où la perméabilité, k (m/s), et la compressibilité de l’eau interstitielle, Kwa (MPa), sont trop 1
petites par rapport à la période de l'action externe, par exemple la période de la houle, T (s). Il
en résulte une surpression de l’eau interstitielle dans la masse granulaire, qui augmente avec cha-
que cycle de chargement. Dans des conditions particulièrement défavorables, la surpression inter-
stitielle peut augmenter à tel point qu’elle entraîne une perte de stabilité et une liquéfaction. On
qualifie parfois ce phénomène de surpression interstitielle résiduelle pour faire la distinction avec
une surpression interstitielle oscillatoire, instantanée ou momentanée due au stockage élastique.
2
La déformation plastique et la génération de pression interstitielle se produisent toujours paral-
lèlement au stockage élastique. C’est la raison pour laquelle les impératifs en matière d’analyse
du stockage élastique mentionnés plus haut sont également valables pour la déformation plasti-
que. Des modèles de calcul 1D (disponibles exclusivement pour une application pratique), dans
lesquels on procède à la fois à une simulation diphasique de la consolidation et de la génération
de surpression interstitielle dans un matériau granulaire (Seed et Rahman, 1978 ; Ishihara et 3
Yamazaki, 1984 ; de Groot et al., 1991 ; Sassa et Sekiguchi, 1999) existent. Là encore, il est néces-
saire de procéder par la suite à une analyse de stabilité séparée à l’aide des valeurs réelles des
pressions interstitielles, (obtenues par calcul).
Les échelles caractéristiques de temps et de longueur Tpl (s) et Lpl (m) sont respectivement défi-
nies par les Équations 5.306 et 5.307 : 4
(5.306)
(5.307)
5
où
d = profondeur ou longueur sur laquelle la contrainte de cisaillement agit le plus forte-
ment (m) ;
N = nombre de cycles de chargement requis pour que se produise une liquéfaction dans
des conditions de sol non-drainé (-) ;
cv* = coefficient de consolidation du squelette du sol (m2/s), défini par l’Équation 5.308 ;
6
T = période caractéristique de la / des action(s) externe(s).
De la même manière que le coefficient cv pour un sol contenant de l’eau et de l’air (voir l’Équa-
tion 5.303), le coefficient de consolidation du seul squelette granulaire cv* (m2/s) est défini par
l’Équation 5.308. 7
(5.308)
où γb = poids volumique du sol sec (kN/m3) et mve = coefficient de changement de volume élasti-
que (1/kPa) (voir la Section 5.4.4.6 et le Tableau 5.68).
En outre, N peut être déterminé à l’aide d'essais en laboratoire comme une fonction du ratio de
8
la contrainte de cisaillement et de l’indice de densité, ID (-), défini par l’Équation 5.309.
(5.309)
où emin et emax sont les indices des vides minimal et maximal, respectivement (-).
9
Le ratio de contrainte de cisaillement est défini comme le rapport entre l’amplitude de la
contrainte de cisaillement, τ (kPa), et la contrainte effective moyenne, σ′. Pour des ratios de
contrainte de cisaillement τ/σ′ élevés, la valeur du nombre de cycles de chargement, N (-), peut
être comprise entre 1 et 10 pour du sable lâche et des graviers, mais peut atteindre 1 000 ou plus
pour un matériau granulaire dense. L’Encadré 5.44 en présente un exemple. 10
CETMEF 773
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
Encadré 5.44 Déformation volumétrique plastique induite par la houle dans le sable au pied d’une digue
La pénétration de la pression de la houle dans un sol de sable fin et lâche au pied d’une digue (voir la Figure
5.159) constitue un exemple dans lequel l'accumulation de pression interstitielle due à une déformation plas-
tique est importante. Les échelles de temps et de longueur Tpl et Lpl, peuvent être estimées en supposant que
la contrainte de cisaillement pénètre sur une profondeur d = L/(2π) dans le fond de la mer. Pour les autres
données, on suppose que : T = 10 s, d = 10 m, N = 10 et cv* = 0.01 m2/s (voir l’Équation 5.308), les échelles
caractéristiques étant alors : Tpl = 1 000 s et Lpl = 1 m.
Il découle clairement de ces résultats que Tpl /T >> 1 et par conséquent que le phénomène de déformation
plastique est important.
Figure 5.159 Surpressions interstitielles au pied d’une digue, causées par une déformation volumétri-
que plastique induite par la houle
L'enrochement moyen soumis à l’action d’une mer de vent est assez peu sensible à une déforma-
tion volumétrique plastique. Si l’on considère que, pour un matériau grossier, le coefficient de
consolidation du squelette seul cv* > 10 m2/s s’applique, on peut en conclure qu’il en résulte, de
manière générale, que Tpl /T << 1, c’est-à-dire qu’aucun stockage plastique significatif ne peut se
produire pour un matériau granulaire grossier soumis à l’action de la houle.
Lors des séismes, toutefois, dont l'échelle de temps caractéristique est de l’ordre de T = 0.1 s, ce
phénomène peut devenir important même pour les matériaux grossiers.
Dans de nombreuses régions du monde, les séismes sont des phénomènes cycliques récurrents et
le niveau des secousses peut être très élevé. La probabilité d’une liquéfaction d’origine sismique
est généralement plus élevée que la probabilité d’une liquéfaction induite par l'action de la houle,
du fait des éléments suivants :
• la profondeur d'influence peut être très importante (pas d’amortissement géométrique en rai-
son du fait que les séismes proviennent des couches les plus profondes).
774 CETMEF
5.4 Conception géotechnique
• description de l’ouvrage envisagé, y compris des valeurs caractéristiques des actions exercées
sur celui-ci ;
3
• valeurs caractéristiques et de calcul des propriétés du sol, des matériaux rocheux et des enro-
chements, y compris les éléments les justifiant ;
• les parties de l’ouvrage qui doivent être surveillées et l’emplacement des observations à
effectuer ;
7
• la fréquence des observations et des mesures ;
• le cas échéant, la période pendant laquelle la surveillance doit être poursuivie une fois la
construction achevée ;
10
CETMEF 775
5 Phénomènes physiques et outils de dimensionnement
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perméabilité à l'eau normalement au plan, sans contrainte mécanique
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