DJC Analyse
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HUGO
I. P O U R Q U O I É T U D I E R
LE DERNIER JOUR D’UN
CONDAMNÉ
EN CLASSE DE SECONDE ?
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III. D É R O U L E M E N T DE LA SÉQUENCE
SÉANCE 1
INTRODUCTION À LA LECTURE DU ROMAN
• La couverture de l’édition
On ouvrira la séquence par le commentaire de la couver-
ture de l’édition GF, en demandant aux élèves les réflexions
que celle-ci leur inspire et ce que ses détails laissent augurer
de l’œuvre.
Le titre du livre permet tout d’abord de déterminer le
genre littéraire auquel il appartient : l’ultime journée d’un
homme condamné porte à penser que va être mené le récit des
instants d’existence qui restent à vivre à un individu promis à
la mort ; à ce stade, on ignore encore qui en sera le narrateur ;
les élèves, qui n’ont pas encore effectué la lecture intégrale,
peuvent alors pencher pour une narration à la troisième per-
sonne dans la mesure où, en toute logique, un homme mort ne
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• Étude du paratexte
On poursuivra par la consultation de la chronologie située
en fin de volume (p. 177-182) : cela permettra de rappeler la
date de l’abolition de la peine de mort en France, le 9 octobre
1981, et de montrer combien cette cause tourna presque à
l’obsession chez l’écrivain en son temps. Dans cette optique,
on fera se reporter la classe à la reproduction du dessin de
Hugo intitulé Le Bourreau (p. 175) : ce portrait qui figure
dans une série de croquis rassemblés sous le titre Le Poème
de la sorcière – œuvre picturale qui donne à voir les juges et
les tortionnaires d’une jeune femme accusée de sorcellerie
sous l’Inquisition et exécutée pour cette raison – ne manque
pas, par son caractère bestial, de frapper l’imagination de
celui qui le regarde ; il traduit aussi une vision sombre qui
hante l’écrivain, et que l’on retrouve dans d’autres croquis
(voir ci-après, p. 29).
Enfin, on complétera le lancement de la séquence par la lec-
ture de la Présentation du texte par Marieke Stein (p. 7-26),
notamment les sections « Le Dernier Jour d’un condamné,
roman d’analyse et drame intérieur » (p. 9-15) et « Victor
Hugo à la torture » (p. 15-18), en faisant le lien avec les
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SÉANCE 2
LEÇON SUR LA PRÉFACE DE 1832
• Questionnaire de lecture
Afin d’identifier les enjeux de la préface et ceux de l’œuvre
à laquelle elle introduit, on soumettra, après lecture, les ques-
tions suivantes à la classe. On proposera aux élèves de se
reporter préalablement à la partie de la Présentation consacrée
à ce texte liminaire, « De l’obsession personnelle au texte de
combat : ce que disent les trois préfaces » (p. 18-24).
1. Qu’est-ce qu’une préface ? Pourquoi peut-on dire que
celle du Dernier Jour d’un condamné est double ? Que nous
apprend-elle sur la publication de l’œuvre et sur les volontés
littéraires de son auteur ?
2. Étudiez l’énonciation : qui parle ? à qui ? où ? quand ?
comment ? pourquoi ?
3. Quelle est la thèse défendue par l’auteur dans son texte ?
À quelle position s’oppose-t-elle ? Quels sont les arguments
mobilisés pour défendre celle-là ou réfuter celle-ci ? Vous
paraissent-ils s’adresser à la raison du lecteur ou à ses
sentiments ?
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SÉANCE 3
LECTURE ANALYTIQUE DE L’INCIPIT
• Questionnaire de lecture
1. Étudiez l’énonciation. En quoi diffère-t-elle de celle de
la préface ? Que traduit l’emploi de la modalité exclamative ?
Quelle est la valeur du présent ?
2. Montrez que le chapitre repose sur une opposition entre
« autrefois » et « aujourd’hui ». Repérez ce qui relève respec-
tivement de ces deux moments de la temporalité. Comment
interprétez-vous leur confrontation ?
3. Étudiez les moyens par lesquels Victor Hugo parvient à
faire entrer le lecteur dans l’intimité de la situation et des pen-
sées du condamné.
4. Identifiez le thème majeur de cet incipit : en quoi décide-
t-il de l’orientation de l’argumentation ?
5. Quel est l’effet produit par ce début de récit ?
• Éléments de réponse
L’étude de l’énonciation doit faire émerger la dimension
indirecte que prend l’argumentation par opposition à celle,
directe, qui avait cours dans la préface. Le « je » ne renvoie
plus à l’auteur mais à un condamné à mort dont le lecteur
ignore tout encore. Le présent d’énonciation (« Je suis cap-
tif », p. 67) fait coïncider temps du récit et temps de l’his-
toire. La forme du récit, assimilé à un monologue intérieur à
la première personne, donne la parole à un être que l’enfer-
mement a réduit de fait au silence. Par ce tour de force, Victor
Hugo immerge le lecteur dans l’univers du narrateur-person-
nage jusqu’à provoquer l’identification du premier au second.
Cette assimilation est encore favorisée par l’immixtion dans
la rêverie du personnage, marquée au sceau de l’épouvante
(p. 68). La réactivation des souvenirs de l’homme libre
(p. 67), dont la force et la valeur se trouvent renforcées par la
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SÉANCE 4
ÉCRITURE DE TRANSFORMATION
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• Travail préparatoire
Pour préparer le travail d’écriture, on demandera aux
élèves de lire les chapitres VI et VII (p. 75-77). En classe, on
reviendra sur les principaux enjeux de ces pages pour vérifier
qu’elles ont bien été comprises.
• Exercice
On proposera le sujet suivant : Imaginez la lettre qu’un
juge lisant les lignes du condamné lui écrirait pour le
conforter dans la démarche qu’il a choisie. Pour ce faire,
vous mobiliserez trois arguments distincts relevant respecti-
vement de la démonstration, de la conviction et de la
persuasion ; chacun sera assorti d’un exemple emprunté au
Dernier Jour d’un condamné.
SÉANCE 5
SYNTHÈSE SUR LES REGISTRES
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• Le registre dramatique
Le chapitre VIII verse dans le registre dramatique avec des
références multiples aux événements : « Trois jours de délai »
(p. 77), « Huit jours d’oubli », « Quinze jours d’attente »,
« classement, numérotage, enregistrement », « Quinze jours
pour veiller à ce qu’il ne vous soit pas fait de passe-droit »,
« Trois jours » (p. 78). Les faits s’enchaînent ici sur un
rythme soutenu qui accroît la tension de l’attente et précipite
l’issue fatale pour le condamné, grâce notamment à l’abon-
dance de phrases nominales. Le chapitre se teinte simultané-
ment d’ironie avec l’évocation des raisons des lenteurs
administratives : « car la guillotine est encombrée, et chacun
ne doit passer qu’à son tour », « passe-droit », « le substitut
du procureur général se dit, en mettant sa cravate […] », « si
le substitut du greffier n’a pas quelque déjeuner d’amis »
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• Le registre pathétique
• Le registre réaliste
Le registre réaliste apparaît nettement dans les cha-
pitre X et XI : la minutie avec laquelle est menée la descrip-
tion du cachot (p. 79-80) et la précision qui préside à la resti-
tution des inscriptions portées sur les murs de la cellule signe
la volonté de Victor Hugo de produire des effets de réel ;
ceux-ci contribuent à l’impression de resserrement et à celle
d’angoisse, qui lui est conjointe. Tout concourt à enfermer le
lecteur avec le condamné dans ce qui apparaît comme la pré-
figuration d’un tombeau.
• Le registre fantastique
Au chapitre XII, le registre fantastique se fait jour : parce
que le condamné prend conscience des crimes de ceux qui
l’ont précédé dans la cellule (p. 82), il verse dans une forme
d’hallucination ; il croit voir les lettres de leur nom inscrit sur
le mur se mouvoir et les assassins surgir face à lui (p. 83),
leur tête dans la main. Le motif de l’araignée associé à cette
macabre procession dessine une représentation infernale,
dont le lecteur devient le témoin.
• Le registre lyrique
Le registre lyrique se trouve convoqué au chapitre XXXIII :
le condamné fait advenir sous sa plume des souvenirs de jeu-
nesse « doux, calmes, riants, comme des îles de fleurs sur ce
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• Le registre tragique
Les chapitres XXXIV et XXXVI puisent dans les ressources
du registre tragique : la montée du tragique, dans ces cha-
pitres, se fait inexorable, qui enferme les réflexions du
condamné dans la conscience de sa mort imminente. Espace
tragique, les tours de « Notre-Dame » (p. 124) symbolisent la
destinée d’un homme isolé de la communauté des vivants,
qui n’a comme issue que le vide et qui est voué irrémédia-
blement à disparaître. Dimension essentielle de toute tra-
gédie, le temps travaille le récit du condamné en profondeur :
le passé n’est plus que de l’ordre du souvenir ; le présent lui
est en quelque sorte étranger comme le suggère le cha-
pitre XXXV où il est fait mention de l’activité des hommes
libres indifférents à son sort (p. 123) ; le futur lui est inattei-
gnable, ce que souligne l’emploi des temps lorsqu’il envisage
qu’on découvre un jour son récit : « Si on lit un jour mon his-
toire, après tant d’années d’innocence et de bonheur, on ne
voudra pas croire à cette année exécrable, qui s’ouvre par un
crime et se clôt par un supplice : elle aura l’air dépareillée. Et
pourtant, misérables lois et misérables hommes, je n’étais pas
un méchant ! » (p. 123).
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SÉANCE 6
LECTURE ANALYTIQUE :
LE FERRAGE DES FORÇATS
• Questionnaire de lecture
1. Quel est l’épisode raconté au chapitre XIII ? Montrez que
le récit emprunte son modèle aux formes dramatiques (comé-
die, tragédie).
2. Quel sens faut-il donner au renversement de situation
pour le condamné qui, de spectateur, devient lui-même objet
de spectacle ?
3. Par quels moyens Victor Hugo condamne-t-il la prison
et le bagne ?
4. Quelle est la fonction de l’argot dans le texte ? Quels
sentiments et impressions l’auteur cherche-t-il à produire à
l’endroit de l’univers carcéral et de ceux qui le peuplent ?
• Éléments de réponse
Au travers de ces questions, il s’agit de mettre en évidence
les emprunts du récit aux modèles du théâtre comique ou tra-
gique et de voir comment l’observateur de la scène devient
subrepticement observé. Ce retournement de situation équi-
vaut pour le condamné à un retour sur lui-même et à sa condi-
tion marquée au sceau de la fatalité et de la mort. Cette spé-
cularité invite aussi le lecteur à une réflexion sur la danse
macabre à laquelle il est convié. L’immersion dans l’univers
de la prison semble donc avoir pour fonction d’entraîner,
chez lui, une prise de conscience qu’encouragent encore la
pitié mêlée de répulsion que Victor Hugo fait éprouver pour
les forçats.
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SÉANCE 7
LECTURE ANALYTIQUE :
LA FIN DU ROMAN
• Questionnaire de lecture
1. Montrez que le temps de la narration coïncide dans ce
passage avec le temps de l’action. Quel est l’effet ainsi créé ?
2. Quelle image l’auteur cherche-t-il à donner du
condamné à mort ? du bourreau ? de la foule qui s’amasse
pour contempler le « spectacle » ? Cherche-t-il à faire
prendre parti au lecteur ?
3. Étudiez les images successivement convoquées dans le
texte. Quelle est leur fonction ?
4. Quels éléments fondent la vraisemblance de cet ultime
épisode ?
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SÉANCE 8
TRAVAIL SUR UN CORPUS
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Un juge mécontent
Voir ci-contre.
Le Pendu
Le gibet de potence représenté dans le célèbre lavis Le
Pendu (1854) apparaît moins comme une illustration de ce
qu’était la peine de mort avant l’invention de la guillotine qu’il
ne révèle une conception de l’écriture. Pour Victor Hugo, il
s’agit de penser une langue qui soit comme un dessin, dont la
signification ne relève pas de l’intelligible mais du sensible,
qui se donne à voir pour rompre l’accoutumance, compagne
des idées reçues, des préjugés, de l’idéologie, de sorte qu’elle
soit dès lors une langue qui donne à penser. Au discours inef-
ficace et compromis sur la peine de mort, l’artiste substitue un
langage conçu comme un signe, dont la violence bat en brèche
et abîme radicalement tout raisonnement justificatif. C’est
mettre en avant l’obscurcissement du discours par l’idéologie
et la nécessité de chercher une autre forme d’évidence. On
comprend alors l’effet de clair-obscur très net sur le dessin : il
faut d’abord voiler, noircir pour qu’ensuite la vérité se révèle
éclatante. On clora l’étude en interrogeant la classe sur l’effica-
cité du plaidoyer hugolien qui met le lecteur face à l’horreur
évidente de la peine de mort.
SÉANCE 9
ÉVALUATION
© Photo RMN/Bulloz
Un juge mécontent
de Victor Hugo
Paris, musée Victor Hugo
« Pas content d’entendre clabauder contre la peine de mort.
Qu’est ce que c’est que toutes ces déclamations-là ! »
Cette caricature donne à voir un juge dont l’allure générale – bras croi-
sés, lèvres grimaçantes, regard dissimulé par les lunettes, air renfrogné –
suggère le mécontentement, mais aussi l’absence totale de compassion.
Quoique réalisée par Victor Hugo dans les années 1860, elle semble faire
écho à la préface Une comédie à propos d’une tragédie qui accompa-
gnait la troisième édition du Dernier Jour d’un condamné en 1829. Ce
texte, qui prend la forme d’une conversation mondaine portant sur le
Dernier Jour, met notamment en scène un « gros monsieur » et un
« monsieur maigre », qui n’ont de cesse de critiquer le roman de Hugo,
et dont on apprend qu’ils sont respectivement juge et procureur du roi…
Les répliques qui leur sont attribuées, de fait, semblent annoncer la
légende de ce portrait à charge : « La peine de mort ! à quoi bon
s’occuper de cela ? Qu’est-ce que cela vous fait, la peine de mort ? Il faut
que cet auteur soit bien mal né, de venir nous donner le cauchemar à ce
sujet avec son livre ! » (p. 61).
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• Éléments de correction
La forme du journal est rendue par les scènes récurrentes
dans le film où l’on voit le condamné écrire, et par les gros
plans sur les réalités de l’écriture (feuille blanche, plume,
encre, ratures, biffures…). S’il reprend le mode de narration, le
réalisateur procède à des coupes dans le texte de Victor Hugo :
absence de la scène du ferrage des forçats, suppression du
détail de l’araignée, omission de la rencontre entre le
condamné et sa fille sont les plus significatifs. Ces coupes
s’expliquent sans doute pour des raisons matérielles ou tech-
niques mais peut-être s’agit-il de centrer tout l’intérêt du spec-
tateur sur la personne du prisonnier. En revanche, au début in
medias res du livre, le réalisateur préfère une forme d’introduc-
tion (pour mettre le spectateur en condition ?) et donne l’ini-
tiale « K. » au protagoniste, en référence à Kafka. L’univers
carcéral est filmé en noir et blanc, alors que les scènes qui font
référence au monde libre sont en couleurs ; cette opposition
donne l’impression que ces dernières sont hors champ, qu’elles
relèvent du seul imaginaire du condamné. Les plans rappro-
chés dominent, qui placent le spectateur dans une sorte d’inti-
mité avec le personnage ; la caméra, le plus souvent fixe, opère
des mouvements lents qui matérialisent la lenteur des dernières
heures de l’homme voué à la mort et son impuissance à agir
face à l’inéluctabilité de la peine qu’il encourt.
IV . O R I E N T A T I O N S BIBLIOGRAPHIQUES
Hélène BERNARD