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L’ENTREPRISE MAROCAINE A L’EPREUVE DE LA RSE : CAS D’UNE PME DU SECTEUR TEXTILE

L’ENTREPRISE MAROCAINE A L’EPREUVE DE LA RSE : CAS D’UNE


PME DU SECTEUR TEXTILE

THE MOROCCAN COMPANYCHALLENGED BY CSR: A CASE STUDY OF


TEXTILE SME

HIND MOUSTADRAF
Enseignante à la Faculté des sciences de l’éducation, Université
Mohammed V de Rabat, Maroc
[email protected]

Date de soumission : 01/01/2019


Date d’acceptation : 02/05/2019

DOI : https://doi.org/10.5281/zenodo.3679467

Revue Marocaine de recherche en management et marketing, N°19, Janvier-Juin 2019 Page 259
L’ENTREPRISE MAROCAINE A L’EPREUVE DE LA RSE : CAS D’UNE PME DU SECTEUR TEXTILE

RESUME
Le Maroc se trouve désormais confronté à la mondialisation qui lui
impose l’ouverture de ses frontières économiques. Ce nouveau
contexte économique a fondé un ordre marqué par un marché
concurrentiel dans lequel la pérennité et la compétitivité des
entreprises dépend de l’innovation technologique et
organisationnelle. Au Maroc comme partout ailleurs dans le monde,
Les PME représentent plus de 95 % du tissu économique. Ces
entreprises sont contraintes de se conformer aux normes sociales et
environnementales malgré leurs particularités et les contraintes
auxquelles elles font face.
Dans cet article, Nous tenterons à travers une étude de cas d’une
entreprise PME du secteur textile de comprendre les formes
d’engagement RSE et d’en expliquer les motivations.

MOTS CLES : PME, Motivations, RSE, Parties prenantes, Engagement


sociétal

ABSTRACT
Morocco is now facing the globalization trend which imposes the
opening of its economy. This new economic context, has established
an order marked by a competitive market in which the sustainability
and competitiveness of businesses depends on technological and
organizational innovation. In Morocco, as elsewhere in the world,
SMEs represent more than 95% of the economic fabric. These
companies are forced to comply with social and environmental
standards despite their particularities and the constraints they face.
In this article, we will try through a case study of an SME company in
the textile sector to understand the forms of CSR commitment and to
explain the motivations.

KEY WORDS: SME, Motivations, CSR, Stakeholders, societal


commitment

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1) INTRODUCTION
Dans son livre vert intitulé ‘Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des
entreprises’, la commission européenne considère que « Être socialement responsable
signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais
aussi aller au-delà et investir "davantage" dans le capital humain, l'environnement et les
relations avec les parties prenantes.
Au-delà, des questions de création de richesse et d’emploi, la pression est de plus en plus
pesante sur les entreprises, quelle que soit leur taille ou leur secteur d’activité, de se
préoccuper des questions d’éthique, de respect de l’environnement (pollution, émissions,
recyclage…) et surtout d’adopter des comportements plus responsables.
Le paysage économique et industriel ne peut être dissocié de celui des PME qui constituent
environ 95% de son tissu productif. Ces entreprises constituent pour plusieurs régions la plus
importante source d’emplois et de développement économique (Julien, 2002). Pourtant,
elles sont contraintes de se mettre à niveau malgré leurs modes de fonctionnement et de
gestion spécifiques, qui rendent souvent difficilement transposables chez elles les méthodes
et outils élaborés pour les grandes entreprises.
Plusieurs moteurs peuvent pousser les PME à s’investir dans des pratiques RSE : la nécessité
de répondre à la pression exercée par leurs parties prenantes (les donneurs d’ordre, les
clients, la société civile…), ou simplement les perceptions et les convictions éthiques de leur
dirigeant (Oueghlissi, 2013 ; Brodhag, 2012).
Ainsi, Nous nous intéressons dans cet article à explorer les pratiques de la RSE chez les PME
exportatrices du secteur textile-habillement considéré comme premier employeur industriel
du pays avec 27% des emplois industriels nationaux et un des meilleurs atouts de
développement du pays. Les questions fondamentales que nous nous posons à ce sujet sont
les suivantes :
• Quelle est la place accordée à la RSE dans les initiatives gouvernementales et privées
au Maroc ?
• Quelles sont les formes de l’engagement RSE chez les PME exportatrices du secteur
textile au Maroc ?
• Dans quelle mesure les pratiques managériales actuelles intègrent-elles des aspects
de responsabilité sociale ?

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2) SITUATION DE LA RESPONSABILITE SOCIETALE DES ENTREPRISES (RSE) AU MAROC


L’adoption, ces dernières années, de certaines normes basées sur les conventions de
l’Organisation Internationale du Travail, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et
la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (rapport du BIT, Décembre
2004), de même que les réformes juridiques et institutionnelles, ont contribué à fournir un
cadre propice au développement de la Responsabilité sociétale des entreprises au Maroc.
Plus récemment, l’entrée massive d’un certain nombre de grandes multinationales (Suez,
Vivendi, Altadis, Lafarge,…), la signature d’accords de libre-échange avec les principaux
partenaires du Maroc et la mise en place d’un nouveau code du travail (Juin 2004), ont attiré
l’attention des parties prenantes concernées sur l’éthique et la transparence des politiques
et des procédures de gouvernance d’entreprise. En réaction à cela et, dans certains cas, par
anticipation de la situation actuelle, un nombre d’organismes du secteur privé a adopté une
attitude responsable, sur les plans économique, social et environnemental, trois piliers de la
responsabilité sociale des entreprises (RSE).
En effet, de nombreux actes permettent d’affirmer que la RSE bénéficie d’un contexte
général favorable qui est porté par des réformes juridiques et institutionnelles convergentes.
En particulier, les Intégrales de l’investissement organisées par la Direction des
investissements extérieurs, en Octobre 2005 ont exprimé clairement l’adhésion de l’Etat aux
valeurs de la RSE.
« Le message royal livré aux participants constitue un précieux capital symbolique à ce titre.
Le souverain y a affirmé que sa « conviction première est que l'investissement constitue,
d'abord et avant tout, un moyen qui doit trouver sa finalité dans le progrès et la justice
sociale, dans l'émancipation et le bien-être des femmes et des hommes, dans la cohésion
sociale, la protection du milieu naturel, et le respect des droits et des intérêts des
générations futures (…) que le développement humain et la sauvegarde de l'environnement
doivent être les critères cardinaux tant des investissements que de nos politiques
économiques et de nos stratégies de croissance ». Il y souligne aussi le lien entre la RSE et la
lutte contre la pauvreté, en ces termes : « C'est justement dans cet esprit que Nous avons
choisi, d'impulser et de promouvoir, de façon ferme et résolue, les chantiers de
développement social et de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, dans le cadre de
l'Initiative Nationale de Développement Humain que Nous avons lancée et que Nous avons
érigée en chantier de notre Règne ». C’est pourquoi, conclut-il, « la responsabilité sociale des

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investisseurs a pour pendant et pour condition la responsabilité sociale des entreprises. A


cet égard, Nous suivons avec intérêt et satisfaction l'action des entreprises marocaines qui
se sont volontairement engagées dans cette voie ».
C’est ainsi que des portefeuilles d’initiatives et de projets ont été élaborés mettant les
problèmes environnementaux au centre des préoccupations du royaume, les plus
emblématiques sont :
La charte RSE de la CGEM qui est structurée autour de 9 axes d’engagement, et dont les
objectifs sont en phase avec les orientations et les lignes directrices de la norme ISO 26 000 ;
l’adhésion du Maroc au réseau Pacte mondial de L’ONU entraînant dans son sillage près de
88 000 entreprises marocaines ; Le Plan d’Action National pour l’Environnement (PANE) qui
vise la protection à l'échelle nationale de différentes composantes de l'environnement
marocain, en intégrant les préoccupations environnementales au sein de la politique socio-
économique du pays ; La signature de plusieurs accords internationaux pour la protection de
la couche d’ozone (ex. le protocole Kyoto en 2002) ;
La Stratégie Nationale pour la Protection de l’Environnement et le Développement Durable
en Juillet 2009 représente un grand tournant en la matière et qui a pour objectif de définir
les orientations et les grands axes de la politique nationale de l’environnement. Pour la mise
en œuvre de cette politique, le Département de l’Environnement a initié des axes
stratégiques d’action basés sur une approche globale et intégrée, qui fait intervenir tous les
départements ministériels et tous les acteurs concernés y compris le groupe cible qu’est le
citoyen marocain.
Par ailleurs, le Maroc vit un mouvement normalisation en pleine émergence. Le Ministère de
l’industrie du Commerce et de la Mise à Niveau de l’économie confirme une grande
demande du marché en la matière. De ce fait, plusieurs normes marocaines sont donc
établies et concernent particulièrement le management des aspects sociaux dans
l’entreprise à travers la norme NM00.5.600 (Système de Management des aspects sociaux
dans l’entreprise). Cette norme tient compte de la réglementation locale et du code du
travail, ainsi, on la voit compatible avec les autres systèmes de management (qualité,
environnement et sécurité). De même, elle spécifie les orientations générales pour la mise
en place et la gestion d’un système d’audit social.
Cela s’explique par, la signature d’un Accord d’Association avec l’union européenne qui s’est
concrétisé par l’ouverture des frontières économiques à partir du 1er Mars 2012 a donné

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lieu à une concurrence accrue entre les entreprises européennes et les entreprises locales
sur leurs propres marchés. Un vaste choix s’offre alors au consommateur marocain pas au
niveau des prix mais au niveau de la qualité des produits et des services. Ce qui veut dire que
les entreprises marocaines qui pourront franchir le cap devront se soumettre aux normes
environnementales et sociales en vigueur afin d’être plus compétitives sur le marché.
Notamment, les entreprises exportatrices, dont une majorité est en sous-traitance et qui
doivent se conformer aux codes de conduite de leurs donneurs d’ordre ainsi qu’aux normes
sociales et environnementales dans le pays de leurs clients potentiels à travers des labels,
des certifications et des audits de tout genre, à ce titre, nous citons l’exemple des
entreprises du secteur textile qui se voient dans l’obligation d’investir dans une certification
pour accéder à des marchés ou maintenir des clients. (Hattabou & Louitri, 2011).
Dans ce sens, et afin de préserver la part du secteur textile habillement marocain dans le
marché de l’approvisionnement mondial en produits textiles, l’Association Marocaine des
Industries du Textile et de l’Habillement (AMITH) a perçu la nécessité de concevoir et de
mettre en place un programme de mise en conformité sociale dit « Fibre Citoyenne ». Ce
Label distingue les entreprises du secteur textile - habillement respectant la réglementation
marocaine en matière de gestion des ressources humaines et conditions de travail.
3) CADRE THEORIQUE
3.1 CARACTERISTIQUES DE LA PME
Le terme PME désigne un groupe hétérogène d’entreprises, allant de la microentreprise
locale de quelques artisans à des entreprises très spécialisées positionnées sur des niches
mondiales, en passant par l’entreprise familiale traditionnelle. De ce fait, il n’existe aucune
définition universelle et unifiée de la PME.
Nous pouvons définir la PME selon deux logiques : quantitative et qualitative.
L’approche quantitative s’appuie sur une classification à travers des indicateurs mesurables
(chiffre d’affaire, l’effectif, total bilan …) qui varie d’un pays à l’autre en fonction du contexte
économique des pays ainsi que des choix de politique économique et industrielle des
gouvernements.
Au Maroc, La définition de la Petite et moyenne entreprise a connu une évolution allant de
la procédure simplifiée et accélérée (PSA) établie en 1972, à la charte de la PME en 2002 qui
l’a défini comme suit : « toute entreprise gérée et/ou administrée directement par les
personnes physiques qui en sont les propriétaires, copropriétaires ou actionnaires, et qui

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n'est pas détenue à plus de 25% du capital ou des droits de vote par une entreprise ou
conjointement par plusieurs entreprises ne correspondant pas à la définition de la PME ».
Désormais, la version finale de la définition de la PME au Maroc proposée conjointement par
les Ministères de l'Industrie et du Commerce, des Finances, l'Agence nationale pour la
promotion des PME (ANPME) et la Confédération générale des entreprises du Maroc
(CGEM), ne retient comme critère de différenciation que le chiffre d'affaire et fait
abstraction du nombre de ses employés.
Tableau 1 : Répartition du chiffre d’affaire par type d’entreprise au Maroc
TPE PE PME GE
Moins de 3 millions de Entre 3 et 10 millions de Entre 10 et 175 Plus de 175 millions
DH DH millions de DH de DH
Source : ANPME

Néanmoins, la définition quantitative se révèle insatisfaisante lorsque l’on s’intéresse aux


modes de gestion de ces organisations. Il apparait dès lors préférable de retenir une
approche qualitative des PME, autrement dit s’attacher aux particularités de gestion qui la
différencie des grandes firmes.
La première caractéristique de la PME est sa surmortalité. Au Maroc, il est à noter l’absence
de statistiques officielles couvrant l’ensemble du territoire marocain, à l’exception d’une
étude menée en 2017 par le centre régional d’investissement (CRI) de Casablanca-Settat,
traitant de la mortalité des entreprises et qui a conclu qu’une entreprise sur trois ne dépasse
pas le seuil de 5 ans d’existence. Ce qui témoigne de la vulnérabilité de la PME dont les
ressources, qu’elles soient financières, humaines, techniques, voire de notoriété et d’image,
sont manquantes.
Le mode de gestion, et la centralisation autour du dirigeant-propriétaire est une spécificité
typique de la PME. Elle est plus dépendante des représentations et de l’implication
personnelle du dirigeant (Courrent, 2012) ; celui-ci étant en plus grande fusion avec
l’entreprise, il peut impliquer son personnel en fonction de ses propres valeurs. Cela se
traduit par une personnalisation de prise de décision, ce qui veut dire que sa propre
conception de la RSE conditionne les formes et le degré de son engagement (Courrent,
2012). Il en résulte ainsi, des stratégies informelles (très liées à la personnalité du dirigeant),
des modes de gestion quelquefois flous, non fondée sur règles impersonnelles ou des doxa
gestionnaires importées, et « faiblement appareillés en instruments de l’action à distance »

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(Boltanski, Thévenot, 1991, p. 206-207), ainsi que des méthodes de fonctionnelles


essentiellement réactives, répondant à des circonstances de marché.
La PME est ainsi considérée comme un mix proximité (Torrès, 2007) (voir tableau 2). « Les
proximités hiérarchiques, fonctionnelles, temporelles, spatiales …, forment un cadre
d’ensemble cohérent qui créé les conditions nécessaires à l’action et à la réflexion dans une
organisation centralisée, faiblement spécialisée, dotée de systèmes d’information interne et
externe simples et privilégiant des stratégies intuitives et peu formalisées (Torrès, 2007)
Tableau 2 : La PME comme mix de proximité
D’une spécificité de gestion … …à une gestion de PROXIMITE
Petite taille Proximité spatiale
Centralisation de la gestion Proximité hiérarchique
Faible Proximité fonctionnelle
Spécialisation Coordination de proximité
Systèmes d’information informels et Systèmes d’information de proximité
simples
Stratégies intuitive ou peu formalisée Proximité temporelle
Source : Torrès, 2002
3.2 LA RSE DANS LA PME EXPORTATRICE : UNE FORME DE « CONTAGION POSITIVE »
De nombreuses recherches s’intéressent à la responsabilité sociale et à l’engagement des
entreprises pour le développement durable. Mais ce mouvement concerne essentiellement
les grandes entreprises, principalement les firmes internationales ; ce qui n’étonne guère ;
du fait qu’elles assurent la plus grande part de production et des échanges économiques.
Leur pouvoir est de plus en plus exorbitant tant au niveau de leur puissance économique
(citons le cas de General Motors qui a un chiffre d’affaire supérieur au PIB de la Pologne) que
de leurs activités qui affectent énormément les sociétés où elles s’implantent.
Face à la concurrence mondiale accrue et à la pression des marchés financiers, de nombreux
acteurs de la société civile (ONGs, associations, consommateurs …) ont dénoncé le
« supercapitalisme » et les stratégies de ces grands groupes pour leur prédation des espaces
naturels et humains. L’engagement des grandes entreprises à s’engager dans la
responsabilité sociétale, en respectant les principes liés aux droits humains, à la préservation
de l’environnement, aux conditions décentes de travail a pour but principal de redorer leur
blason et améliorer leur réputation.
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La multinationale est alors soumise à une « cascade de responsabilités ». Elle devient non
seulement responsable de l’activité de ses filières mais elle est également responsable de
l’activité de ses sous-traitants.
En effet, Une entreprise globale est tenue d’offrir une grande transparence sur ses
productions délocalisées. Elle a le devoir de contrôler, au minimum, les conditions de travail.
Un manquement à ce niveau peut nuire gravement à l’image de marque et avoir des
implications sur la vie de l’entreprise (TOTAL et NIKE…).
Ainsi, un certain nombre d’entreprises marocaines (Lafarge, La RAM, holcim…) ont
commencé à intégrer l’environnement dans leur gestion et à mettre en place un système de
management environnemental respectueux des normes internationales en vigueur.
Les pressions sur les multinationales s’exercent rétroactivement sur les PME qui travaillent
pour elles. Ces dernières se conforment à ce modèle et subissent par transitivité la pression
des donneurs d’ordre, investisseurs, consommateurs et groupes d’opinion, car elles sont
fournisseurs de produits et de services pour les grandes entreprises.
Il s’ensuit qu’elles sont confrontées de manière croissante à la nécessité de répondre à un
cahier de charge sinon à prouver qu’elles opèrent selon certains critères de responsabilité.
En termes de modes d’action, ces P.M.E., mettent en œuvre et préconisent : la création
d’emplois, l’amélioration des conditions de travail, les possibilités de formation, la mise au
point d’une politique de rémunération équitable et transparente et la participation des
employés au résultat.
Il est cependant important de noter qu’il revient à chaque entreprise de définir les valeurs et
principes qu’elle défend, c’est-à-dire, de fixer son propre « nord magnétique », selon
l’expression consacrée du W.B.C.S.D. (World Business Council for Sustainable Development).
Et ceci puisque la notion de RSE est variable en fonction de l’époque, de l’évolution des
besoins et surtout du secteur d’activité de l’entreprise. Plusieurs recherches (Vives, 2006 ;
Ellerup Nielsen & Thomsen, 2009 ; Russo &Tencati, 2009) constatent que la RSE au sein des
PME se déclinent selon trois grands types de thématiques : (a) les thématiques internes
telles que les ressources humaines e les conditions de travail ; (b) les thématiques externes
tel que l’engagement dans la communauté ; et (c) les thématiques environnementales
comme la réduction de la consommation d’énergie, la réduction et le recyclage des déchets.

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Afin d’expliquer les motivations des PME à s’engager dans la RSE, nous allons nous appuyer
sur la synthèse proposée par (Suman, 2011) dans sa thèse sur la RSE dans les PME (Voir
tableau3)
Tableau 3 : Les motivations des PME à la RSE (source : Sauman, 2011)
Auteur Motivations pour la RSE
(Mankelow, 2003) Survie à long terme, amélioration du moral
des employés, marketing, fidélisation de la
clientèle, réputation de l’entreprise,
altruisme, caractère et valeurs du
Propriétaire/Dirigeant, reconnaissance,
attentes de la communauté, etc.
(Spence et al., 2003) Philanthropie, caractère et valeurs du
propriétaire/Dirigeant, l’entreprise,
réputation, survie à long terme, création d’un
réseau.
(Murillo & Lozano, 2006) Caractère et valeurs du propriétaire, modèle
social/économique du dirigeant, concurrence,
possibilités d’innovation, base de
différenciation, réglementation, la vision/ la
mission de l’entreprise.
(Williamson et al., 2006) Conformité légale, performance économique.
(Jenkins, 2006) Philanthropie, concurrence, accès aux
ressources (employés), raisons morales et
éthiques, image de l’entreprise, améliorer le
moral des employés.
(Russo & Perrini, 2009) Accroître la confiance, réputation de
l’entreprise, légitimité de parties prenantes
spécifiques (fournisseurs, clients, employés et
communautés locales), influences externes
(culturelles, institutionnelles et politiques).
(Sauman, 2011) Image de l’entreprise, philanthropie, éthique

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du dirigeant, accès aux ressources, altruisme,


volonté des propriétaires, légitimité de partie
prenante interne employés).
Source : (Saumon, 2011) et complété par l’auteur
Cette synthèse fait ressortir 3 facteurs pouvant inciter une PME à devenir « socialement
responsable » :
- Les motivations volontaristes liées aux valeurs et eux convictions du dirigeant
- Les motivations utilitaristes et stratégiques
- Les motivations d’ordre éthique
Les motivations volontaristes
Ce sont les motivations guidées par les valeurs et les convictions du dirigeant qui font la
spécificité du comportement de la PME par rapport aux grandes firmes. Compte tenu de
l’étroitesse des liens entre le patron/dirigeant et ses salariés, la vision du dirigeant définit le
plus souvent l’orientation stratégique de son entreprise. La forte centralisation se traduit par
une personnalisation de prise de décision, conditionnant ainsi les formes et le degré de son
engagement à la RSE. De ce fait, la PME est dépendante des représentations et de
l’implication personnelle du dirigeant (Courrent, 2012). Ce dernier est le principal
déterminant avec ses motivations, ses valeurs éthiques et sociales ainsi que sa perception de
l’impact de la RSE sur la gestion de l’entreprise (Santos, 2011)
Les motivations utilitaristes et stratégiques
Ces motivations s’inscrivent dans la vision économique classique de l’entreprise considérant
que l’objectif de l’entreprise est de maximiser ses profits. Friedman le père fondateur de ce
mouvement affirme que « La responsabilité sociale de l’entreprise c’est d’accroître ses
profits ». Par conséquent, les dirigeants des PME ne s‘engagent dans la RSE, que si cette
dernière rapporte des bénéfices à travers la différenciation (la PME a une part de marché
réduite et une difficulté à adopter une stratégie de domination par les coûts), l’amélioration
de l’image et donc de la réputation avec pour conséquences une motivation et fidélisation
des salariés et des clients et enfin l'amélioration ou le maintien d'un avantage concurrentiel
basé sur un renforcement des ressources et compétences des organisations, notamment en
termes d’innovation.
L’analyse de ce type de structures met en avant la théorie de la dépendance à l’égard des
apporteurs de ressources qui s’inscrit dans la prise en compte des attentes de certaines

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parties prenantes, dans le cadre des finalités économiques de l’entreprise (Quairel &
Auberger, 2005). Compte tenu du manque de ressources chez la PME, cette dernière dépend
fortement des acteurs de son environnement ainsi que de son attitude à gérer des
demandes de groupes différents, en particulier ceux dont les ressources et le soutien sont
déterminants pour sa survie (Pfeffer et Salancik, 1978).
Les motivations éthiques
Selon cette optique, la responsabilité sociétale se concentre sur des principes éthiques qui
renforcent les relations entre les entreprises et la société. De ce fait, les motivations d’ordre
éthique sont concernées par la bonne chose à faire ou les exigences nécessaires pour
atteindre une bonne société (Garriga et Mele, 2004). En créant des richesses, en se
positionnant en tant qu’entreprise citoyenne, en créant des espaces verts, en soutenant les
actions sportives, caritatives et culturelles, en luttant contre le chômage, en contribuant à la
solidarité, à l’insertion professionnelle, à l’aménagement du territoire et au développement
local, la PME semble tout aussi disposée à participer à l’amélioration du bien-être collectif
que les grandes entreprises (Mathieu & Reynaud, 2005).
4) ETUDE EMPIRIQUE : CAS D’UNE PME EXPORTATRICE MAROCAINE DU SECTEUR
TEXTILE-HABILLEMENT

4.1METHODOLOGIE ET PRESENTATION DU CAS


L’entreprise Y est une PME familiale du secteur textile-habillement spécialisée dans la
fabrication de vêtements pour femmes et enfants, en particulier, les robes, jupes,
chemisiers, pantalons et shorts. Elle a été créée par son actuel PDG et actionnaire en 1991.
L’entreprise Y a une capacité de production allant jusqu’à 30 000 pièces par semaine
destinées exclusivement à l’exportation. Elle compte aujourd’hui près de 250 employés et un
chiffre d’affaire de plus de 80 millions de dirhams. Sa clientèle est composée principalement
des grandes marques et chaines spécialisées dans l’habillement en Europe : Angleterre,
France, Italie, Espagne.
Dans le cadre de cette étude, nous avons mené des entretiens semi-directifs avec le
directeur général, un responsable production ainsi que 2 ouvrières. Au cours de cet
entretien, ont été abordées les questions relatives à l’engagement sociétal de l’entreprise et
aux pratiques managériales afin de mesurer l’engagement de l’entreprise Y sur trois

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dimensions de la RSE : Relations avec les employés, relations avec la communauté, ainsi que
les pratiques environnementales.
4.2 DISCUSSION DES RESULTATS
Dans un premier lieu, nous nous sommes intéressées aux pratiques de la GRH, à la formation
ainsi qu’aux conditions générales du milieu de travail dont la sécurité qui suscitent les
principales préoccupations en matière de Responsabilité sociale dans le secteur textile.
Tout d’abord, nous avons pu constater qu’il n’y a pas une structure chargée de la gestion des
ressources humaines dans cette entreprise. Pour ce qui est de la gestion des effectifs, il n’y a
pas de planification pour le recrutement car la totalité des engagements se fait par bouche à
oreilles. Il n’existe donc aucun processus de recrutement formel qui respecte les différentes
étapes de sélection. Dans cette entreprise, ce sont les responsables production qui décident
des personnes à recruter.
En effet, plusieurs critères de discrimination cités dans la littérature comme l’âge, le
handicap, le genre, l’origine, les convictions religieuses ou politiques ou encore les
orientations sexuelles (Gavand, 2006 ; Sabeg et Charloin, 2006 ; Amadieu, 2004, 2006) sont
absents, ce qui fait de la phase de recrutement et de sélection une des premiers lieux ou des
discriminations peuvent effectivement avoir lieu (Cornet et Warland, 2008). Quant à
l’application des dites procédures, elles restent fortement influencées par le caractère
informel et intuitif.
Pour ce qui est de la rémunération, nous constatons que l’entreprise ne respecte pas le code
du travail quant aux heures supplémentaires. Selon l’article 196 du code du travail « Lorsque
les entreprises doivent faire face à des travaux d'intérêt national ou à des surcroîts
exceptionnels de travail, les salariés desdites entreprises peuvent être employés au-delà de
la durée normale de travail dans les conditions fixées par voie réglementaire, à condition
qu'ils perçoivent, en sus de leurs salaires, des indemnisations pour les heures
supplémentaires. ». Or, l’entreprise Y ne paie pas aux ouvriers les heures supplémentaires
travaillées « Notre patron nous fait travailler en cadences accélérées quand l’entreprise
reçoit une grande commande (le samedi toute la journée et les soirs) et ne paie pas nos
heures supplémentaires comme il se doit », une autre ouvrière ajoute que « le salaire
n’assure pas notre survie et reste faible par rapport à l’effort qu’on fournit »
Dans cette entreprise, nous notons également une discrimination salariale à l’égard des
femmes (Joekes, 1985 et Belghazi, 1995). La discrimination de genre prend souvent la forme

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d’une ségrégation, avec une concentration des femmes dans des emplois peu rémunérés,
non qualifiés, et des écarts de salaire défavorables (Anker, 1997 ; Birdsall et Sabot, 1991).
Dans cette entreprise, les hommes sont surtout présents dans les ateliers de découpe alors
que les femmes travaillent principalement sur des ateliers comme l’assemblage à l’aide des
machines à coudre, la finition ou encore le repassage ou l’emballage (emploi peu rémunéré
par rapport à la découpe). Selon le responsable de production, cet écart est expliqué par
l’efficacité et la rapidité des hommes à exécuter certaines tâches. D’après les ouvrières
interviewées les salaires des hommes dans la découpe atteignent 3500DH Net/mois alors
que celui des femmes dans l’assemblage, la finition, le control, le repassage ou l’emballage
dépasse rarement les 2000DH Net/mois.
En ce qui concerne le volet formation, les responsables interviewés déclarent dispenser des
formations au profit de leurs ouvriers, Néanmoins, le choix des sujets de ces formations
émane du directeur générale et aucune étude de besoins n’est faite au préalable.
Nous remarquons également que le contenu de ces formations est focalisé sur les règles de
sécurité, les méthodes de travail en interne, ou sur l’amélioration des produits et des
services et l’absence de démarche visant le bien être des ouvriers, la gestion du stress, la
gestion des carrières, la conciliation entre vie privée et vie professionnelle ou encore
l’alphabétisation en sachant qu’une partie des ouvriers est analphabètes.
Une première formation sur « les règles de sécurité de l’entreprise, les locaux, les choses à
faire et à ne pas faire » est systématique pour chaque nouvelle recrue – ceux qui ont de
l’expérience reçoivent une courte formation sur nos produits et méthodes de travail en
interne et ceux qui ne connaissent pas le métier ou ne sont pas du domaine : on leur fait une
formation de 3 ou 4mois dans notre centre de formation par apprentissage (CFA) ou ils
suivent des cours ( Travailler sur la machine à coudre, la coupe et sur la façon de travailler
avec la machine ) et font une application sur le terrain en parallèle, à l’issue de cette
formation on leur donne un diplôme et on les recrute officiellement dans notre société .
(Directeur général de l’entreprise)
Nous constatons qu’aucune mesure n’est déployée pour encourager l’engagement ou la
prise d’initiative des employés, nous avons même noté l’absence de réunions visant à
collecter les retours et avis des employés, afin d’identifier les aspects de l'environnement de
travail qui leur plaisent et ce qui devrait être amélioré. Nous sommes clairement dans une

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entreprise qui prône le management directif, hiérarchisé qui consiste à donner des directives
claires, « les choses à faire et à ne pas faire » aux employés qui devraient exécuter.
L’un des aspects sociaux de la RSE se traduit par l’intervention poussée du chef d’entreprise
sur la vie privée de ses salariés (ex. accorder un congé aux femmes qui veulent s’occuper de
leurs enfants malades, proposer du covoiturage, garde des enfants, incitation pour arrêter
de fumer) Or, Nous notons une absence de proximité du dirigeant, qui délègue cette tâche
aux responsables production. Le directeur se préoccupe de l’échange et de la négociation
avec les clients et a rarement le temps de vérifier ce qui se passe dans ses ateliers.
Quant aux mesures de sécurité et d’hygiène, l’entreprise Y affirme que toutes les normes de
sécurité sont respectées. « On respecte les normes de sécurité, on a des Extincteurs,
détecteurs de fumées bris glace, issues de secours bien renseignées en cas d’incendie ou de
sinistre. On certifie également les outils qui peuvent présenter un risque comme les
chaudières, les monte-charges, ascenseurs … » (Responsable production). Il convient
cependant de signaler qu’à ce stade, il s’agit d’un ensemble de pratiques obligatoires qui
s’inscrivent dans le code de travail marocain.
Sur le plan environnemental, l’entreprise déclare prendre des mesures afin de réduire son
impact énergétique et procède au recyclage de ses déchets en tissu, papier et en carton.
« On commence à faire ça. On n’utilise pas de matières nocives, de carburant gasoil, on n’a
pas beaucoup d’émissions mais on a un système de suivi de notre consommation énergétique
surtout l’électricité, campagnes pour réduire notre impact énergétique dont la
consommation est assez élevée. On vient de faire un audit environnemental, nous attendons
les résultats pour avoir une idée du risque /impact de notre activité sur l’environnement nous
verrons ce que ça va donner
Pour les déchets nous avons des contrats avec des entreprises qui ramassent nos déchets
(cartons/Papier /emballages, et tissus) pour le recyclage, il s’agit de quelques entreprises
locales qui vont broyer le tissu pour fabriquer des coussins, ils font également un triage des
cartons (Directeur général de l’entreprise) »
En 1990, L’entreprise Y décroche une certification ISO 9001. Cette norme repose sur un
certain nombre de principes de management de la qualité, notamment une forte orientation
client, la motivation et l’engagement de la direction, l’approche processus et l’amélioration
continue. Pour les autres certifications relatives à la RSE comme la SA8000 ou encore la

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ISO14001, le directeur déclare que de plus en plus de donneurs d’ordres exigent ces normes
dans leurs cahiers de charge.
« Pour Iso 9001, on l’a fait dans les années 1990 plus pour nous, pour bien nous structurer.
ISO 14001 on ne l’a pas encore fait mais de plus en plus de clients nous demandent de le
faire. »
Ainsi, Nous récapitulons les pratiques RSE du cas étudié dans le tableau ci-dessous (tableau
4)
Tableau 4 : Pratiques responsables de la PME étudiée
Pratiques sociales internes Pratiques sociétales Pratiques environnementales
- Accès aux vestiaires Dons en vêtements en faveur -Recyclage des déchets en tissu,
/Toilettes d’associations papier et en carton
- Formations aux risques liés -Réduction de la consommation
au poste de travail en mettant énergétique en électricité
à leur disposition des outils de
protection si nécessaire
- Formations aux premiers
soins 1 fois tous les 2ans
- tests d’évacuation
- Certification des outils
pouvant présenter un risque
comme les chaudières, les
monte-charges, ascenseurs …
- des Extincteurs, détecteurs
de fumées bris glace, issues de
secours bien renseignées en
cas d’incendie ou de sinistre

Pour ce qui est des motivations de cette PME, Les responsables interviewés évoquent la
pression des donneurs d’ordres dans toutes leurs pratiques RSE comme motivation première
à leur engagement dans cette démarche :
« Chaque année, on fait des audits sociaux RSE, chaque donneur d’ordre nous donne un
barème et il nous impose de faire un audit social de sécurité et d’hygiène. Les donneurs
d’ordre font leur contrôle et s’ils voient qu’il y a une volonté de l’entreprise de s’améliorer, ils
font un planning sur 2ans ou 3ans pour se mettre à niveau » (Directeur général)
« Dans le textile, La plupart des entreprises sont poussées à mettre en place un système RSE
parce que c’est imposé par le donneur d’ordre » (Responsable production)
Au vu des données obtenues, nous pensons que la motivation de cette entreprise pour la
RSE est purement et uniquement d’ordre stratégique. En effet, le manque de ressources

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chez les PME les oblige à s’adapter à l’environnement plus qu’elles ne peuvent prétendre le
modifier (Courrent, 2012).
« Si on veut évoluer il faut qu’on se mette à niveau, se mettre aux normes pour que même les
employés restent aussi » (Directeur général). En interne, l’entreprise dépend des ressources
de ses employés et de la main d’œuvre qualifiée (compétences) et pour les acquérir, elle est
contrainte de mettre en place des pratiques responsables pour créer un cadre de travail
convivial. En externe, l’entreprise a un besoin permanent en termes d’informations, de
ressources financières et matérielles (Aka & Labelle, 2010 ; Vives, 2006)
Malgré l’importante place qu’elle occupe comme déterminant de l’adhésion des PME dans la
RSE, les motivations éthiques semblent avoir le moins d’implications sur le comportement
réellement « responsables » des PME. Les initiatives de l’entreprise Y sur le plan caritatif
prennent la forme de dons en vêtements à des associations et ne sont pas intégrées dans la
stratégie de l’entreprise : « De temps en temps on est sollicités par des associations, soit
pour des dons en nature vêtements ou en argent ». En Effet, ces actions restent ponctuelles
et visent, avant tout, à renforcer les liens avec la communauté locale et à améliorer l’image
de marque et la réputation auprès de son environnement lui rapportant ainsi une légitimité
auprès des employés et des acteurs des réseaux locaux.

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5) CONCLUSION

Cette étude nous a permis d’identifier les formes d’engagement RSE spécifiques aux
entreprises de textile ainsi que leurs motivations, et ce, sur les trois volets : social, sociétal et
environnemental.
A l’heure actuelle, nul ne peut ignorer la question de la responsabilité sociétale des
entreprises. Que ce soit sur le plan social (l’entreprise est insérée dans un environnement
social donné, institutionnellement structuré, à partir duquel elle tire ses ressources et crée
des marchés) ou économique (pour être performante l’entreprise doit réduire ses coûts), la
RSE est une réalité incontestable, le nouvel « isomorphisme normatif » (DiMaggio et Powel,
1991). Si la RSE est une innovation qui est née dans les grandes firmes, les PME du secteur
textile ne peuventpas l’ignorer car elles se trouvent dans la sphère d’influence des grands
groupes qui sont leurs donneurs d’ordre ; soucieux de leur image de marque et des
conséquences néfastes qu’auraient des pratiques irresponsables de leurs sous-traitants,
ceux-ci sont souvent à l’origine des pratiques RSE des PME ; ainsi les contraignent-ils,
notamment dans les pays émergents, en leur imposant des procédures de certification
sociale.
Ainsi, nous pouvons conclure que la RSE au sein de cette PME est purement utilitariste dans
le sens où, à travers son engagement sociétal, cette entreprise cherche une performance
économique et une légitimité vis-à-vis des parties prenantes dont les ressources et le
soutien sont déterminants pour sa survie (Pleffer et Salancik, 1978).

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