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FR - 16/05/2020 11:29 | UNIVERSITE DE SAVOIE

Aux origines du droit public allemand contemporain *

Issu de Revue du droit public - n°3 - page 817


Date de parution : 01/05/2007
Id : RDP2007-3-008
Réf : RDP 2007, p. 817

Auteur :
Par Rainer Wahl, Professeur émérite à l'Université Albert-Ludwig de Fribourg-en-Brisgau (RFA)

SOMMAIRE

I. _ LE TEMPS DES FONDATIONS COMME RÉVOLUTION JURIDIQUE

A. _ Centralité de la Loi fondamentale

B. _ La phase de fondation d'une société post-dictatoriale

C. _ La subjectivité juridique et l'image de l'homme

D. _ Conséquences de la subjectivisation fondamentale du droit

E. _ L'exemple de l'interdiction sous réserve d'autorisation

F. _ Le rôle croissant de la jurisprudence

G. _ La diversité des rôles joués par la Constitution

II. _ LE TEMPS DES FONDATIONS ET LA FIXATION DES CARACTÈRES STRUCTURELS DU DROIT PUBLIC ALLEMAND

A. _ Aperçu des caractères essentiels du droit allemand

B. _ Un droit administratif dominé par les droits fondamentaux

C. _ Le rôle spécifique du droit administratif général comme instance de médiation entre le droit constitutionnel et le droit administratif spécial

D. _ Un droit administratif focalisé sur la jurisprudence

E. _ La juridicisation, un caractère général du droit public après 1949

Cette étude participe du projet plus large d'une « historisation » du droit public en vigueur. Il ne s'agit pas de décrire le développement des institutions
et des doctrines prises séparément. En effet, on ne peut comprendre le droit public allemand des dernières décennies que si l'on en a saisi le caractère
spécifique, son originalité propre. Une telle « historisation » doit aussi servir à se mieux connaître soi-même. Il ne s'agit pas seulement, dans cette
perspective, de suivre des lignes d'évolution qui relieraient le moment actuel à son passé mais, en sens inverse, de reconnaître les empreintes durables
que le droit actuel a reçu de l'époque initiale. S'agissant du droit public d'après 1949, la question est de savoir si les conditions de départ ont imprimé
une orientation et un visage au droit administratif, si elles ont pour ainsi dire fixé une loi sous l'empire de laquelle ce droit se tiendrait aujourd'hui
encore. Pour approcher le coeur d'une époque juridique ou ses racines, il faut en saisir les décisions fondamentales, c'est-à-dire les normes qui, parmi
toutes les règles de détail, doivent être considérées comme des moments décisifs. Ces moments décisifs fixent à un ordre juridique son chemin
d'évolution (Entwicklungspfad). L'historisation du droit positif rend alors attentif à ce que ce droit n'est pas né de discussions arbitraires sur la validité
ou l'opportunité de telles ou telles solutions juridiques, mais que le rôle décisif a été joué par une situation historique concrète et sous le sceau
intellectuel d'une époque donnée. Il y a des raisons pour lesquelles le droit allemand est marqué par une forte juridicisation et un haut niveau de
protection juridique, par l'encadrement strict de l'administration et l'intensité du contrôle juridictionnel. Mettre à jour ces raisons est une tâche
essentielle de la science juridique et de la formation des juristes, celle-ci socialisant les étudiants dans une certaine conception du droit et de la pensée
juridique.

Il est temps, désormais, de procéder à cette historisation du droit public de la République fédérale. Mais l'appartenance à la Communauté européenne
et aujourd'hui à l'Union européenne a modifié le droit allemand d'une manière considérable et sans précédent. Le droit public allemand est de ce fait
entré dans une seconde phase de son évolution. De façon de plus en plus prégnante, le droit est de plus en plus vécu par comparaison avec les autres
ordres juridiques. La comparaison permanente est devenue la situation normale. Et ce non pas seulement pour le comparatiste académique, mais
aussi pour le praticien. L'historisation de notre droit positif est un élément essentiel de ce dialogue nécessaire entre les ordres juridiques. Car pour entrer
dans ce dialogue, il ne suffit pas de savoir que le droit allemand, sur telles ou telles questions, apporte des solutions autres que le droit anglais ou le
droit français. Il faut avant tout savoir pourquoi le droit allemand est tel qu'il est. Seule l'historisation du droit positif peut permettre de l'expliquer. Ici,
l'on se bornera à explorer et comprendre la rupture que fut, pour la rénovation du droit allemand, l'adoption de la Loi fondamentale, à considérer
comment, après la dictature, cette rupture avec l'ancien droit public, celui du national-socialisme bien sûr, mais aussi celui de Weimar, fut rapide et
profonde. C'est donc la première phase du droit public allemand qu'on examinera2, en précisant ce que fut la révolution juridique accomplie durant la
phase de refondation après la dictature nazie (1), puis en considérant les caractéristiques structurelles du droit public allemand telles qu'elles furent
fixées durant cette première phase de son évolution (2).

I. _ LE TEMPS DES FONDATIONS COMME RÉVOLUTION JURIDIQUE

A. _ Centralité de la Loi fondamentale


L'entrée en vigueur de la Loi fondamentale constitua le coeur intellectuel et le moment décisif de la rénovation du droit après 19453. Réintroduction
d'anciens principes constitutionnels et formulation de principes nouveaux : il y avait des précédents immédiats au sein des Länder qui venaient d'être
constitués. C'est la Loi fondamentale, toutefois, qui devint déterminante et dont le rayonnement s'imposa même là où elle confirmait et renforçait les
développements des quatre premières années. Comme l'on sait, la Loi fondamentale acquit dès les années 50 une force singulière. On ne peut ici
évoquer dans leurs détails ces puissantes impulsions qu'imprima la Loi fondamentale à la rénovation du droit public. Il convient cependant de les

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rappeler à grands traits avant de traiter principalement des innovations qu'a connues le droit administratif.

La Loi fondamentale et son développement rapide, fruit d'une intense activité d'interprétation, jouèrent le premier rôle dans cette évolution du droit.
Les premiers travaux4 cherchaient à caractériser ce que la Loi fondamentale contenait de nouveau et, dans un premier temps, ce furent les règles
d'organisation de l'État qui occupèrent le devant de la scène5. Plus tard, on s'intéressa de manière privilégiée aux droits fondamentaux et
principalement à celui qui dominait tout, l'art. 1 LF6. À côté de l'interprétation axiologique des droits fondamentaux qui promettait d'apporter une
nouvelle base matérielle à la Loi fondamentale en général et à son titre 1 en particulier7, l'attention se fixa sur l'interprétation de la portée
constitutionnelle nouvelle que donnait l'art. 1, al. 3 LF aux droits fondamentaux. « De la légalité de l'administration à la constitutionnalité de la loi » : par
cette formule, on s'efforça de mettre en évidence l'étape importante qui avait été franchie par rapport à l'état du droit sous Weimar 8. Un autre saut
évolutif considérable, à savoir le développement et l'approfondissement sans précédent du principe de proportionnalité au niveau de la loi, peut être
décrit et compris au moyen d'une formule analogue. Le triomphe du principe de proportionnalité signifie une évolution qui va « de la réserve de loi à la
réserve de la loi proportionnée ». De plus, le débat autour des droits fondamentaux, qui amplifia considérablement le rôle de ces droits, et
l'interprétation de ceux-ci comme l'expression d'un système de valeurs (la dimension objective des droits fondamentaux) contribuèrent largement à
cette montée en puissance du droit constitutionnel. Mais, par-dessus tout, l'on ne saurait ignorer le triomphe de la juridiction constitutionnelle et de
son activité interprétative, avec l'enrichissement du droit constitutionnel qui s'ensuivit9.

B. _ La phase de fondation d'une société post-dictatoriale


De tels efforts d'appropriation de ce qu'il y avait de « neuf dans la Loi fondamentale », on peut les observer et les étudier non seulement dans la science
et la théorie du droit public, mais aussi dans la pratique juridique. Dans la législation comme, naturellement, dans la jurisprudence se manifestent les
exigences de l'époque nouvelle et ce pour une raison particulière : telle est la caractéristique des ordres juridiques après une dictature surmontée qu'ils
ont une phase nettement visible de fondation (ou de refondation)10. Bien sûr, dans la politique comme dans la vie juridique, il n'existe jamais de «
moment zéro » véritable, de réelle tabula rasa. On remarque plutôt une situation initiale complexe et mitigée, faite d'éléments radicalement nouveaux,
pris dans l'air du temps d'une part, et, d'autre part, d'éléments qui ont fait leurs preuves, repris à l'époque pré-dictatoriale. Après 1945, le nouvel ordre
juridique se donnait pour tâche de revenir à l'État de droit et, en conséquence, de détruire et remplacer le droit public national-socialiste, un droit
antilibéral et extrêmement interventionniste11. On peut qualifier la dimension négative de cette mission de rénovation comme un travail _
monumental _ de déblaiement. Il fallait réussir à transformer radicalement le droit établi par le régime national-socialiste avant et pendant la guerre en
un droit public conforme aux idées nouvelles d'ordre et de liberté. Il fallait déblayer les lois répressives, bien sûr, mais aussi les réglementations
générales, les habilitations excessivement étendues, les conditions vagues et imprécises, la discrétionnarité à peine limitée ainsi que l'abolition des
droits individuels.

Mais ces travaux de déblaiement et d'élimination, après 1945, ne visaient pas à un simple retour au statu quo ante, c'est-à-dire au début des années
1930. Sans doute y avait-il là, et notamment dans la science du droit administratif, dans les travaux de Fritz Fleiner et de Walter Jellinek, quelque chose
d'exemplaire et de suffisamment éprouvé. Mais ce retour visait en vérité encore beaucoup plus loin, jusqu'aux plus anciennes traditions de la pensée
juridique allemande. La volonté résolue d'un contre-programme opposé à la période nazie (et à certaines tendances de la doctrine weimarienne) ne
pouvait si puissamment s'enraciner que parce qu'elle était susceptible de se rattacher à une grande et ancienne tradition _ allemande et européenne _
de la juridicisation. L'histoire politique de l'Allemagne, qui fut globalement largement déterminée par les gouvernants, a assigné au droit un rôle
particulier et compensatoire. Si les sujets (Untertane), qui n'accédèrent que tardivement à la dignité de citoyens, ne pouvaient conquérir la réalité du
pouvoir politique, ils entendaient à tout le moins voir la sphère de leur liberté et de leur propriété protégée contre les ingérences arbitraires et
imprévisibles venues d'en haut. Aussi, lorsque l'idée centrale après 1945 devient celle de la position juridique de l'individu comme sujet et de la prise au
sérieux de cette subjectivité juridique, assiste-t-on à la reprise et au renforcement d'une longue tradition de la pensée juridique allemande qui remonte
jusqu'aux Lumières et au droit rationnel, ainsi qu'à l'insistance allemande sur l'État de droit.

Après une dictature, la situation est objectivement une césure ; subjectivement elle est encore davantage ressentie comme telle. La césure et la
conscience qu'on en a soulèvent bruyamment la question des nouvelles fondations. Après une césure, il faut la qualifier explicitement12. Que l'on ait
ainsi mis en avant et souligné les bases matérielles du droit constitutionnel, la dignité humaine et les valeurs qu'on retrouvait dans les droits
fondamentaux, cela est parfaitement compréhensible et il n'y a là rien d'étonnant. Mais ce qui allait de soi dans une telle situation fut poussé si loin au
cours des années qui suivirent 1945-1949 qu'on en vint, au total, à une véritable refondation du droit public qui peut aujourd'hui surprendre. Au bout du
compte, le droit public connut après 1949 une poussée évolutive spécifique, une refondation radicale (avec réappropriation et transformation de
traditions anciennes).

C. _ La subjectivité juridique et l'image de l'homme


La reconstruction était placée sous le signe de la Constitution nouvelle et de ses bases matérielles13. L'idée directrice de cette refondation peut être
facilement reformulée. Au point de départ on trouve l'image nouvelle de l'homme telle que l'établit la Loi fondamentale, qui exprimait et voulait
exprimer un rapport complètement transformé de l'individu à l'État. Après le mépris dans lequel fut tenu l'individu et son incorporation totale dans la
communauté, le nouvel ordre juridique ne pouvait reposer que sur la reconnaissance de l'individu comme sujet de droit. L'on sait que la formule de l'«
image de l'homme selon la Loi fondamentale » fut un topos souvent appliqué par la Cour constitutionnelle fédérale dans les années 1950, à la suite du
jugement Aide à l'investissement rendu en 195414. Dans cette décision, il s'agissait des limites imposées à l'autonomie de l'« individu autonome » au
nom du bien commun. À la volonté de développement des entreprises particulières fut opposée l'obligation née de leur appartenance à la
communauté et la restriction à leur liberté fut ainsi justifiée15. Cependant, du point de vue logique comme du point de vue de l'évolution effective des
choses, cette idée d'une limitation de la liberté présupposait la reconnaissance, précisément, de la liberté et de l'autonomie fondamentales de
l'individu. Cela aussi se produisit sous le signe de la nouvelle image de l'homme et, à vrai dire, dans sa version première, celle d'après laquelle s'était
forgée la conception rénovée de la relation de l'individu à l'État. L'« image de l'homme selon la Loi fondamentale » exprimait alors l'idée fondamentale
selon laquelle l'individu n'est plus objet de l'État, n'est plus exclusivement membre du tout (et pour ainsi dire complètement incorporé et soumis à
celui-ci). Au contraire, l'individu est le point de départ de toute pensée et toute construction politiques. Il est complètement et fondamentalement
sujet et, pour le droit dans son ensemble, « sujet de droit »16. Cette idée fondamentale se situe bien sûr dans une tradition ancienne et séculaire, celle
du droit rationnel et des Lumières. Dans le contexte de l'époque, après 1949, ce message fit l'effet d'une bombe, comme s'il venait d'être découvert.
L'esprit _ au sens littéral _ du temps donna à cette idée abstraite la forme d'un puissant adage de la langue ordinaire : « L'individu n'existe pas pour
l'État, mais l'État pour l'individu. » La formule introductive du projet de Herrenchiemsee17 fit impression, bien qu'elle ne devînt jamais juridiquement
obligatoire ; elle touchait le point sensible de l'époque et, du fait de sa simplicité, fut parfaitement comprise. Il est rare qu'un texte privé de toute force
obligatoire acquière un tel effet et développe une telle influence. L'esprit de la formule est devenu effectif dans la Loi fondamentale et, tout
particulièrement, à travers la place privilégiée qui y est accordée aux droits fondamentaux18.

Cette idée de la qualité de sujet des individus _ une idée qui paraît si simple aujourd'hui _ ouvrait pour ainsi dire la brèche dans le droit public tel qu'il
avait été légué. L'individu est sujet de droit dans l'ensemble de ses relations. Il doit pouvoir faire valoir ses prétentions puisqu'il ne saurait être placé
sous la dépendance du pouvoir discrétionnaire ni d'aucune liberté inconditionnée de décision accordés à l'administration, il ne saurait dépendre de
l'arbitraire de celle-ci. C'est cette image de l'homme comme sujet de droit et non pas, dans un premier temps, les droits fondamentaux qui a réussi la

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première percée dans le droit ancien. Cette image _ et cela surprend toujours lorsqu'on se penche à nouveau sur elle _ est d'une simplicité renversante,
d'une modestie pathétique. Sans doute convient-il de ne pas s'en étonner. En effet, cette simplicité et le pathos qui l'accompagne donnèrent à cette
pensée son caractère percutant et sa force de persuasion. L'image de l'homme et sa reformulation juridique dans le statut de sujet reconnu à l'individu
ainsi que la subjectivisation fondamentale de l'ordre juridique qui en résultait transformèrent de fond en comble le droit public et lui donnèrent une
base nouvelle et solide19. Elles poussèrent dans le sens de la juridicisation et d'une pensée juridique fondée sur la plus complète protection
juridique20. Ces fondations continuent aujourd'hui encore à entraîner le droit allemand sur la voie d'une juridicisation toujours croissante. C'est à juste
titre qu'on évoque à ce propos le tournant copernicien du droit public après 194921.

D. _ Conséquences de la subjectivisation fondamentale du droit


La mutation engagée par cette image de l'homme a touché le droit public dans son ensemble. Dans les années qui suivirent 1949, ce renversement se
traduisit par une série de figures nouvelles et fondamentales du droit public. Ainsi de la déduction d'un droit aux secours à partir de l'art. 1 LF22.
Traduction particulièrement forte encore dans la doctrine du droit public subjectif23 : l'expansion rapidement visible du droit public subjectif fut
animé par une sorte de mouvement de tenailles, avec l'idée matérielle de la subjectivisation d'un côté et la garantie complète de la protection
juridique de l'autre. Ces deux idées ne sont que les deux faces d'une même médaille. Ces deux données fondamentales furent aussi déterminantes pour
le développement d'une forte intensité de contrôle des actes par les tribunaux administratifs qui reste, aujourd'hui encore, une caractéristique du droit
allemand. Son fondement dogmatique le plus important est certainement la doctrine de l'unique interprétation juste dans l'application des notions
juridiques imprécises, une interprétation qui est réservée aux tribunaux.

Mais le plus grand triomphe de la subjectivisation du droit administratif peut être vu dans la pénétration de cette idée jusqu'au saint des saints du droit
administratif, jusque dans la doctrine du pouvoir discrétionnaire. Là où l'administration disposait d'une liberté de choix entre plusieurs solutions
alternatives et où l'individu _ ainsi le voulait du moins la doctrine traditionnelle _ ne pouvait opposer aucun droit à l'administration, là précisément une
brèche décisive fut ouverte dans la conception traditionnelle au moyen du droit subjectif formel à l'exercice non fautif du pouvoir discrétionnaire
(Recht auf fehlerfreie Ermessensausübung). Et le droit administratif allemand, à partir de là, a développé une sorte de phobie, riche de conséquences, à
l'encontre de toute liberté de décision qui pourrait être accordée à l'administration24. La mutation est claire et nette. L'emprise du droit subjectif, au-
delà encore, s'étend jusqu'à la reconnaissance d'un droit de l'individu à l'exercice par l'administration de son pouvoir de police25. On ne peut apprécier
correctement cette évolution que par contraste avec une tout autre conception qu'on voit à l'oeuvre dans d'autres ordres juridiques. Alors seulement, il
devient clair que cette conception allemande du pouvoir discrétionnaire de l'administration est tout sauf l'unique doctrine possible de ce pouvoir : elle
est au contraire une spécificité remarquable du droit public allemand.

E. _ L'exemple de l'interdiction sous réserve d'autorisation


On peut illustrer de manière exemplaire ce processus de transformation par la vénérable institution de l'interdiction sous réserve d'autorisation. En
effet, l'on voit précisément dans cette institution transversale qu'un nouveau droit administratif est né, placé dans une étroite et mutuelle relation avec
le droit constitutionnel26. On le constate d'abord au fait que, dans le droit des autorisations27, les conditions de la soumission du législateur aux droits
fondamentaux se trouvent passées en revue. Le droit des autorisations est un domaine pionnier pour le déploiement de cette idée fondamentale et a
réservé à la pratique du droit constitutionnel et du droit administratif quelques surprises. La pratique administrative dut apprendre que les règles
contenues dans la loi (par exemple l'obligation de vérifier l'existence d'un besoin) n'avaient plus le dernier mot puisqu'elles pouvaient être
inconstitutionnelles. Ainsi, le droit d'accès aux professions réglementées ne dépend plus seulement du texte de la loi et de la disposition qui,
éventuellement, ouvre une liberté de choix au profit de l'administration (Kann-Bestimmung), mais de la question constitutionnelle « préalable »
concernant la licéité même de l'existence d'un pouvoir discrétionnaire dans le champ protégé par l'art. 12 de la Loi fondamentale28. De même, le
législateur devait apprendre qu'il ne pouvait plus prévoir, purement et simplement, des dispositions relatives aux besoins, des restrictions objectives ou
subjectives. Ce n'est pas pour rien que nombre des décisions de principe concernant la soumission du législateur aux droits fondamentaux ont été
prises à propos de questions touchant à l'accès aux professions, à la réglementation des activités industrielles et commerciales, aux différentes formes
de contrôles exercés par la puissance publique.

Dans le même mouvement de soumission aux droits fondamentaux, les institutions du droit administratif _ et, au premier chef, l'interdiction _ furent
également revisitées. Elles prirent leurs véritables contours dès que la disposition législative ordinaire imposant à l'administration l'octroi de
l'autorisation, par exception à une interdiction de principe, ne fut plus seulement prise en elle-même et pour elle-même mais se retrouva subordonnée
aux exigences des droits fondamentaux. La loi, en effet, peut-elle imposer une interdiction de caractère répressif dès lors que la mesure plus douce
aurait un effet équivalent ? Qu'en est-il du pouvoir discrétionnaire dans le cas de l'interdiction, répressive ou préventive ? Et de façon générale le
nouveau droit administratif abaissa nettement le niveau de réglementation29. De plus, les exigences tirées du principe de l'État de droit et qui touchent
à la précision des normes s'imposèrent progressivement.

F. _ Le rôle croissant de la jurisprudence


À côté de la littérature, la jurisprudence entraîna ce mouvement de transformation et de refondation. Et il convient de ne pas sous-estimer la part prise
à ce processus par la juridiction administrative, car les tribunaux administratifs furent appelés à prononcer la nullité de nombreuses dispositions _
s'agissant de contrôler celles, notamment, qui faisaient dépendre une autorisation d'une condition d'existence d'un besoin _ contenues dans le droit «
pré-constitutionnel », c'est-à-dire le droit antérieur à l'entrée en vigueur de la Loi fondamentale. Et si la Cour constitutionnelle fédérale fut appelée à
parachever dans sa décision « Pharmacies » une oeuvre largement préfigurée par la jurisprudence administrative, c'est uniquement pour la raison que
la législation bavaroise en cause dans l'affaire avait été adoptée postérieurement à 194930. L'analyse du premier volume du Recueil des décisions de la
Cour administrative fédérale montre comment ce processus de mutation fut entamé31. C'est la conscience de la césure qui argumente dans ces arrêts,
de manière lapidaire, résolue et profonde. La césure forme le contexte qui explique le caractère décidé et fondamental de ces décisions qui,
aujourd'hui, nous semblent des plus classiques.

Le jugement connu et peut-être même le plus célèbre parmi ceux que la Cour administrative fédérale a rendus à ses débuts, celui du 24 juin 1954
(BVerwGE 1, 159), a complètement renversé, de la façon la plus spectaculaire, les principes du droit traditionnel de l'aide sociale de telle sorte qu'un droit
est désormais garanti à l'individu. Ce résultat _ la création d'un droit dans le domaine de l'administration de prestation _ n'a sans doute pas eu de suite,
mais la méthode selon laquelle la décision était motivée fut, pour sa part, riche de conséquences32. Des phrases décidées et simples furent
déterminantes :

« Il existe, dans le droit constitutionnel, certains principes généraux et certaines idées directrices (cf. BVerfGE 2, 380)... »

« Parmi ces idées directrices, il y a une certaine conception du rapport de l'être humain à l'État : l'individu est certes soumis à la puissance publique,
mais il n'y est pas assujetti (Untertan), il est citoyen. C'est pourquoi il ne saurait être simplement, en principe, l'objet de l'action publique. Au contraire, il
est reconnu comme une personnalité morale autonome et, en tant que telle, titulaire de droits et devoirs. Cette idée doit également valoir lorsqu'il est
question de ses conditions d'existence. »

« La dignité intangible de l'être humain, que la puissance publique a la charge de protéger, interdit de le considérer seulement comme l'objet de
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l'action publique, dans la mesure où il s'agit de la garantie de ses "besoins élémentaires", c'est-à-dire de son existence comme telle. »

Une phrase comme celle qui suit fut un véhicule propice à la juridicisation :

« Dans un État de droit (...) les relations de l'individu avec l'État sont fondamentalement des rapports de droit ; c'est pourquoi l'action de la puissance
publique envers l'individu est soumise au contrôle des juridictions. »

En 1954, la Cour administrative fédérale donnait congé à l'expression « Untertan », à l'« assujetti »33. Mais en tant que tel, il restait encore à l'éliminer ;
l'ancien usage linguistique ne disparut pas aussi facilement34.

La Cour administrative fédérale formula un autre de ces énoncés, pour ainsi dire gravés dans le marbre, à propos du droit applicable aux jardins ouvriers
_ un domaine qui eut plus tard encore son importance35. Il s'agissait de la reconnaissance d'utilité publique d'associations et entreprises lorsque les
conditions nécessaires sont remplies, une question qui dépassait largement le domaine considéré36 :

« L'État de droit aujourd'hui manifeste son essence et démontre sa valeur précisément en ce que, dans le doute, il reconnaît au citoyen la possibilité de
faire valoir des droits à l'encontre de la puissance publique » (BVerwGE 1, 321, 326 _ 1955).

La décision mérite attention, au-delà de ce passage central que l'on vient de citer.

Le § 5, al. 1 de la loi de 1919 applicable aux jardins ouvriers (KGO) avait supprimé l'institution du bailleur intermédiaire, qui s'était révélée socialement
inefficace, pour la remplacer par des entreprises reconnues d'utilité publique et destinées à promouvoir le système des jardins ouvriers. La Cour avait à
décider si une telle entreprise pouvait avoir un droit à la reconnaissance d'utilité publique. La décision est exemplaire de la pénétration du droit
constitutionnel dans une matière traditionnelle. Dès le début, la Cour précise : « D'un commun accord, les parties se sont placées sur le terrain du § 5
KGO. Cette circonstance ne rend toutefois pas sans objet la vérification de la conformité de ladite disposition avec la Loi fondamentale » (p. 322).
Suivent le contrôle approfondi de la constitutionnalité de l'« ingérence grave » dans la liberté contractuelle (p. 324) puis une interprétation détaillée,
qu'on appellerait aujourd'hui une « interprétation conforme à la Constitution », qui prend soigneusement en compte la genèse, la littérature et la
pratique administrative relatives à la disposition en cause. Puis intervient le passage de principe cité plus haut. Le juge poursuit : « Une réglementation
législative qui autorise l'administration à agir selon sa libre appréciation même lorsque toutes les conditions pour cette action sont remplies, doit dès
lors exprimer clairement la volonté qu'il en aille ainsi. Dans le cas contraire, il convient de présumer que la compétence de l'administration est liée. » Ce
passage est ensuite complété par référence aux droits fondamentaux _ et c'est ici que se situe la nouveauté pleine d'avenir : « Si l'on interprétait
autrement le § 5 KGO [de la loi de 1919 !], et si l'on refusait en conséquence aux entreprises de promotion des jardins ouvriers la possibilité de faire valoir
un droit à reconnaissance d'utilité publique, il en résulterait des doutes sérieux et même insurmontables quant à sa constitutionnalité, du point de vue
du principe d'égalité de l'art. 3 de la Loi fondamentale, un principe qui lie, conformément à l'art. 1 al. 3 de la Loi fondamentale, la législation,
l'administration et la juridiction. »

La même démarche se retrouve dans la critique que la Cour adresse à la loi sur les prix de 1948, une législation à l'époque très importante37. Son
reproche principal tient dans ce que la Cour appelle l'« absence de limites fixées à l'habilitation conférée à l'autorité administrative de contrôle des prix
». « Une telle absence de limites dans une disposition législative qui habilite l'ingérence de l'autorité administrative dans la liberté du citoyen
méconnaît la Loi fondamentale sous plusieurs points de vue38. »

Qui parle ainsi de façon apodictique devra plus tard se corriger ou préciser son propos. Il est remarquable de constater que, à la suite de ces décisions,
s'est engagé un processus commun d'apprentissage, associant la Cour administrative fédérale, la Cour constitutionnelle fédérale et la littérature _ avec,
à sa tête, Otto Bachof _ pour comprendre que des notions ouvertes et larges pouvaient être indispensables, spécialement dans le droit économique et
que, en conséquence, des habilitations étendues devaient être considérées comme licites. Au début était la fureur contre l'absence de limites ; plus
tard, l'on prit en compte la spécificité des différents domaines et l'on nuança davantage le propos.

Une histoire des « grandes » décisions dans le droit de la République fédérale reste encore à faire. Elle pourrait mettre en valeur un tableau détaillé et
pertinent des processus complexes d'interprétation, de formation et de concentration des résultats interprétatifs en figures et principes dogmatiques
et surtout, l'importante part prise par le droit prétorien au développement d'un ordre juridique allemand qui se conçoit lui-même tellement comme un
ordre codifié39.

G. _ La diversité des rôles joués par la Constitution


Le regard jeté sur cette époque de fondation fait comprendre ce que sont les différentes fonctions de la Constitution. Il est d'abord évident qu'une
Constitution qui doit mettre un terme à une dictature et établir un ordre libéral et démocratique joue un rôle plus important que celui qui lui revient
dans la vie ordinaire de l'État constitutionnel. Durant la phase de fondation, on n'a pas seulement affaire à des innovations juridiques importantes ; il
ne s'agit pas seulement de fixer les bases d'un effet puissant du droit constitutionnel dans l'ensemble du droit légiféré. La Constitution en tant que telle
exerce une autre fonction qui doit aller au-delà. Elle a la capacité de mettre en place un mode spécifique d'évolution. Elle est partie intégrante du
mouvement politique qui succède à une dictature et elle en est, en partie, le facteur impulsif. L'historien Ulrich Herbert parle du processus de
démocratisation et de libéralisation des années 195040. La prémisse évidente de cette thèse est que l'on peut constater durant cette décennie une
orientation dominante. En règle générale, c'est précisément cela qui est possible au cours des premières années qui suivent une rupture et qui ne l'est
plus par la suite.

Il faut se souvenir de l'une des discussions de fond qui se sont produites sous l'empire de la Loi fondamentale, à savoir la controverse qui opposa la
conception qui considérait la Constitution comme un « cadre » de l'ordre juridique global à celle qui y voyait l'ordre fondateur41, la matrice _ à
concrétiser _ de l'ordre juridique dans son ensemble. En vérité, ces conceptions qui s'opposent ne caractérisent peut-être que les différentes phases de
signification d'une Constitution. Au début, durant la phase de fondation, il est incontestable que la Constitution exerce une importante fonction
d'impulsion, qu'elle met en route une transformation de l'ordre juridique dans son ensemble et qu'elle en fixe les critères et la direction. Naturellement,
même dans les années 50, la Constitution n'a pas agi comme si elle contenait en germe tout l'ordre juridique. Mais la fixation des orientations, l'effet
d'impulsion et la fonction de modèle étaient alors évidents et importants si on les compare à la vie ordinaire de l'État constitutionnel telle qu'elle fut
établie à partir de la fin des années 50. Sans doute y eut-il, après 1960 encore, des étapes décisives, et il suffit de penser à la décision « Spiegel »42, à
l'élimination des « rapports spéciaux de sujétion » et à quelques autres sujets. Mais, entre-temps, l'ordre juridique ne pouvait plus être exclusivement
compris comme si le droit légiféré accomplissait, concrétisait la Constitution ou en développait le contenu. Plus le temps passe, et plus la Constitution
remplit une fonction d'encadrement de l'ordre juridique43.

Dans les premières années après la fin d'une dictature, la Constitution, qui incarne les idées nouvelles et bonnes, détermine fondamentalement
l'évolution du droit. Mais cette impulsion venue d'en haut, donnée par la magie des débuts, ne saurait être durable, ou bien il faudrait, à tout le moins,
que l'une des institutions les plus importantes du nouvel ordre constitutionnel, à savoir le Parlement, perde sa signification. Or, avec le temps,
apparaissent de nouveaux problèmes _ posés par des situations ou des domaines nouveaux ou par l'intégration supranationale _ qui imposent des
solutions qui ont certes un rapport avec l'ordre constitutionnel, mais ne sont plus fixées par lui. Ce sont des défis qui doivent trouver leurs solutions dans
le cadre de la Constitution.

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II. _ LE TEMPS DES FONDATIONS ET LA FIXATION DES CARACTÈRES STRUCTURELS DU DROIT PUBLIC
ALLEMAND

A. _ Aperçu des caractères essentiels du droit allemand


La phase de fondation de la première décennie qui suivit 1949 mérite son nom dans la mesure où elle a posé les bases solides et durables du droit
public nouveau, administratif et constitutionnel44. On en donnera ici un premier aperçu.

1) Au premier rang des innovations, on trouve la primauté de la Constitution et la dépendance du droit légiféré à l'égard de l'ordre constitutionnel. Dans
le droit administratif, cette dépendance fut traduite dans la formule célèbre du droit administratif comme « droit constitutionnel concrétisé »45. Cette
grande proximité entre les deux a en vérité conduit à un droit public intégrant les droits administratif et constitutionnel46. La dogmatique du droit
public positif se souvient volontiers de la différence entre les époques et particulièrement dans la forme rituelle par laquelle on rappelle le contraste
entre l'adage d'Otto Mayer (« Le droit constitutionnel passe, le droit administratif demeure »47) et la formule de Fritz Werner.

2) De l'histoire de la fulgurante ascension des droits fondamentaux48, on ne retiendra ici que le moment décisif : avec la découverte de la dimension
objective des droits fondamentaux, dans le jugement « Lüth »49, le droit allemand dans son ensemble a trouvé son fondement constitutionnel durable.
Cette découverte a entraîné et entraîne toujours le mouvement de constitutionnalisation du droit50. La doctrine de la dimension objective des droits
fondamentaux, telle qu'elle fut justifiée dans la décision « Lüth », peut être considérée comme l'innovation théorique la plus importante après 194951.
Le jugement « Lüth » est l'acte de naissance d'une pensée allemande originale des droits fondamentaux sous l'empire de la Loi fondamentale. Ces droits
furent augmentés d'une dimension52, ils devinrent les normes matérielles les plus hautes de l'ordre juridique et s'imposèrent non seulement à l'État
mais aussi à la société53.

Considérant les débuts de la République fédérale, on peut ainsi parler d'une (re)naissance de l'ordre juridique à partir de l'esprit des droits
fondamentaux54. Par ailleurs, ces droits, dont la signification a connu une expansion considérable, constituent la base matérielle sur laquelle a
triomphé la juridiction constitutionnelle allemande, une juridiction dotée de compétences sans équivalents à l'étranger. Enfin, cette dimension
objective a contribué largement à la forte juridicisation de la vie politique, à établir la présence et la prégnance du droit constitutionnel dans tout
l'ordre juridique. La découverte et la théorisation de la dimension objective des droits fondamentaux doivent être interprétées comme un moment
décisif de cette histoire juridique récente, ouvrant une voie originale du droit public allemand.

3) La soumission du législateur aux droits fondamentaux conduisait nécessairement à un droit administratif dominé par ces droits fondamentaux. Et,
en raison de cette soumission, le droit administratif en arriva à une grande proximité avec le droit constitutionnel. Dans son élaboration, dans sa validité
et dans son interprétation, le droit administratif est dans une situation de dépendance à l'égard de la Constitution. Ce n'est pas seulement l'application
de la loi (par l'administration), mais aussi son élaboration et son interprétation qui se trouvent déterminées par le principe de l'État de droit et les droits
fondamentaux. Jusqu'en 1933, « État de droit » signifiait la limitation de l'administration à l'occasion de l'application de la loi dans le cas concret. Après
1949, les droits fondamentaux et le principe de l'État de droit ont pris la loi pour « cible » et, au nom de leur primauté, entendent les déterminer.

4) La subjectivisation et la base matérielle qui la nourrit ont été efficacement renforcées et pleinement assurées par la garantie d'une complète
protection juridique. L'art. 19 al. 4 de la Loi fondamentale fut compris _ pour reprendre un mot de Richard Thoma _ comme un « alinéa audacieux » qui
« insère dans la voûte de l'État de droit sa clé »55. La base même de l'« État des voies de droit » (Rechtswegestaat), de l'« État de protection juridique »
(Rechtsschutzstaat) était ainsi posée. Abstraction faite de certaines critiques visant les phénomènes de « surchauffe » susceptibles d'être produits par le
système, la grande majorité des auteurs voient là le propre de l'ordre juridique allemand. La conséquence de cette expansion de la protection juridique
et de la domination d'une pensée déterminée par cette protection fut un droit public allemand focalisé sur la jurisprudence56. La juridiction
administrative développe une puissante « force de pénétration » qui conduit à un raffinement de l'interprétation dans l'ensemble des branches du
droit57. Le droit administratif, du fait d'un nombre considérable de décisions de justice, devient beaucoup plus riche et complexe, beaucoup plus
sophistiqué et prend, du fait de cette focalisation sur la jurisprudence et le cas individuel, un caractère ponctuel58. Quand deux ordres juridiques
disent (matériellement) la même chose, ils se distinguent cependant profondément quand l'un dispose d'un système complet de protection juridique
que l'autre n'a pas.

(5) La découverte et l'établissement stable du tiers en droit administratif ont également conduit à une extension durable des dimensions du droit
public. Et cette évolution elle aussi a été provoquée par l'idée du statut de sujet reconnu à l'individu, par l'interprétation des droits fondamentaux et par
l'effet de la garantie de la protection juridique. Elle a amené, pour ainsi dire, à un dédoublement des problèmes traités et résolus par le droit
administratif. Si, jusque dans les années 1960, on a classiquement lu les normes du droit administratif comme accordant à l'administration des
prérogatives à l'égard de leur destinataire, il découla de la nouvelle lecture, pour un nombre toujours plus grand de normes, que le tiers se trouva muni
de droits opposables à l'administration. Ce fut le résultat de l'extension du droit public subjectif au tiers et au voisin : les normes d'habilitation à l'égard
de l'administration furent de plus en plus interprétées comme des normes conférant des droits à des tiers, sans même que le texte de ces normes ait
été modifié par rapport à l'époque du droit administratif classique, et c'est là l'une des plus importantes performances de l'interprétation et du
développement du droit par la littérature et la jurisprudence.

Cette liste _ incomplète _ des éléments structurels du droit public sous l'empire de la Loi fondamentale illustre combien les principes du droit
constitutionnel et du droit administratif sont désormais intensément et systématiquement liés entre eux pour former ensemble un droit public
cohérent. Ils possèdent des fondations communes et puissantes, creusées dans la situation particulière de l'après-guerre, desquelles sont depuis
longtemps sortis d'importants édifices sans que la situation de départ existe encore ou même qu'on en ait gardé conscience. Il convient d'approfondir
et compléter ce qui vient d'être dit à propos de certains éléments structurels du droit administratif, un droit somme toute assez peu historisé.

B. _ Un droit administratif dominé par les droits fondamentaux


Après la dogmatique des droits fondamentaux, le droit administratif constitua le deuxième des champs d'expérimentation du nouveau droit public59.
Après 1949, le droit administratif fut renouvelé en ce qu'il devint un droit administratif conforme aux exigences d'un État de droit et, en même temps,
dominé par les droits fondamentaux. Pour l'administration, la loi n'est plus « prête à l'emploi », le point de départ insusceptible d'être mis en doute de
son action ; les lois doivent constamment être vérifiées quant à leur constitutionnalité, de la même manière que toute application au cas d'espèce est
soumise aux critères et au contrôle de constitutionnalité. Bref : le droit administratif porte en lui la pensée et les institutions du droit constitutionnel. Ce
rapport de proximité entre les droits constitutionnel et administratif est une particularité du droit allemand qui ne se retrouve pas, sous ce rapport aussi
étroit, dans les autres ordres juridiques européens en général. Ce rapport de proximité a d'ailleurs trouvé, dans le droit allemand, une pluralité de
formulations caractéristiques et appropriées, au premier rang desquelles celle, déjà évoquée, proposée par Fritz Werner, d'un droit administratif
comme « droit constitutionnel concrétisé »60. Mais d'autres formules parlent de la « prégnance » du droit constitutionnel sur le droit administratif ou
de la « dépendance » de celui-ci à l'égard de celui-là ou encore, plus récemment, de la constitutionnalisation de l'ordre juridique61. Cette relation se
trouve aussi exprimée dans la composition de la société scientifique concernée : l'Association des « Staatsrechtslehrer » allemands est aussi, comme si
cela allait de soi, l'association des administrativistes. Et l'on attend du Staatsrechtslehrer allemand qu'il ait aussi élu domicile dans le droit
administratif62.

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Au total, dans les années 1950, c'est un droit administratif de deuxième génération qui est né en Allemagne. Un droit de première génération, c'est-à-
dire un droit administratif qui intègre les exigences de l'État de droit au sens strict et spécifique, on le trouve pratiquement dans l'ensemble des ordres
juridiques européens de manière comparable63. Son objectif premier est la limitation et la canalisation des ingérences exécutives. Un tel droit
administratif régi par le principe de l'État de droit fait partie du décor normal de tous les États constitutionnels. Il s'agit d'un stade de développement
nécessaire. En revanche, un droit administratif qui, bien sûr, prend en charge les impératifs de l'État de droit mais est en outre directement façonné par
les droits fondamentaux, c'est dans une large mesure une spécificité allemande.

Ce droit doit sa naissance à la décision prise à l'art. 1, al. 3 de la Loi fondamentale, une disposition de grande portée : les droits fondamentaux ne lient
pas seulement l'administration, mais aussi et précisément le législateur qui édicte le droit administratif. Dans la mesure où le droit administratif
accueille en lui ces obligations constitutionnelles, il devient lui-même un droit déterminé par la Constitution et qui la concrétise. Ce rapport de
proximité n'existe pas seulement de manière initiale, c'est-à-dire au moment de l'édiction de la loi. En effet, celle-ci se trouve elle-même dans une
relation permanente de dérivation, de justification et de contrôle par rapport à la Constitution. Si, avant 1949, la loi était la pierre angulaire et le critère
de toute action administrative, on apprit, dans les années 50, que les dispositions relatives à l'accès aux professions, dans la loi sur la profession
pharmaceutique ou la loi relative à l'artisanat, pouvaient violer l'art. 12 LF ou devaient être interprétées conformément à la constitution. On peut décrire
ce changement dans le sillage d'un important principe : si seul le principe de légalité de l'administration s'appliquait autrefois, aujourd'hui s'applique
en outre celui de la constitutionnalité de la loi64. Si, autrefois, s'appliquait la « réserve de loi », aujourd'hui s'impose la réserve de la loi conforme à la
Constitution.

Les droits fondamentaux et le principe de l'État de droit, pour ne nommer qu'eux, demeurent, au niveau des lois intéressant l'administration, d'une
efficacité permanente et globale. L'interprétation des lois doit suivre les orientations constitutionnelles et le principe de l'interprétation conforme à la
constitution s'applique. Il en résulte que l'administrativiste, comme le juge administratif, est en quelque sorte obligé de constamment diriger son
attention vers le haut, c'est-à-dire vers la Loi fondamentale, son regard oscillant sans cesse entre les deux niveaux du droit. Le principe de
proportionnalité, qui s'étend au droit public dans son ensemble, gouverne aussi bien la loi générale et abstraite que les actes concrets d'application.

Le droit administratif de la Loi fondamentale se constitue de multiple manière comme un droit constitutionnel concrétisé. On attend au premier chef
cette qualité dans la législation où, durant la phase d'élaboration de la loi, les « données » et exigences constitutionnelles sont recensées et prises en
considération, où, dans l'exposé des motifs, ces données constitutionnelles sont précisées. Mais cette omniprésence du droit constitutionnel ne se
montre pas moins effective s'agissant de l'interprétation de la loi par la littérature et _ de façon singulièrement forte _ dans l'application des
dispositions législatives par la jurisprudence. Au-delà même des cas explicites et nombreux d'interprétation conforme à la Constitution, la prégnance
du droit constitutionnel se manifeste dans cette démarche méthodique qu'on appelle l'interprétation orientée d'après la Constitution
(verfassungsorientierte Auslegung)65. Celle-ci n'intervient pas seulement lorsque l'on constate une contradiction entre l'une des interprétations
possibles de la loi et la Constitution ; il s'agit de choisir d'emblée une variante qui résulte d'une interprétation orientée d'après les exigences ou les
valeurs constitutionnelles. L'une des variantes que l'on retrouve fréquemment tant dans la littérature que dans la jurisprudence est celle qui consiste en
ce qu'une disposition législative qui est manifestement conforme à la Constitution, se trouve confirmée et renforcée par la proposition supplémentaire
selon laquelle elle serait même, dans son contenu, imposée par la Constitution. Dans le droit public allemand, c'est une chose qui va de soi que certains
énoncés du droit ordinaire se trouvent renforcés au second niveau grâce au constat que la solution dégagée du droit ordinaire correspond en même
temps à une exigence constitutionnelle. Dans les domaines du droit administratif spécial, on voit comment cette pénétration par le droit
constitutionnel forme comme une ligne directrice fondamentale.

C. _ Le rôle spécifique du droit administratif général comme instance de médiation entre le droit constitutionnel et le
droit administratif spécial
Dans ce processus de pénétration du droit administratif par le droit constitutionnel, le droit administratif général a joué un rôle particulier, étant en
quelque sorte le commutateur et le transformateur des exigences constitutionnelles pour de nombreux domaines du droit administratif spécial66.
Dans l'édifice d'ensemble du droit public, dans son architecture si l'on veut, le droit administratif général constitue le centre et joue le rôle
d'intermédiaire entre le droit constitutionnel et les domaines du droit administratif spécial. Dans le droit administratif général, s'accomplissent des
processus qui vont à la fois du haut vers le bas _ du droit constitutionnel jusque dans la diversité des domaines du droit administratif spécial _ et du
bas vers le haut, remontant des conditions concrètes propres à chaque domaine particulier jusqu'au droit constitutionnel (par exemple l'importance de
la procédure ou le traitement du risque).

Ce rôle de transformateur des décisions constitutionnelles dans la multiplicité des lois relatives au droit administratif a marqué le droit administratif
général aussitôt après 1949. Il est facilement perceptible dans les longs passages consacrés par les manuels de droit administratif général au droit
constitutionnel. Mais il a trouvé sa réalité dans la discussion permanente qu'entretiennent les tribunaux administratifs avec les institutions du droit
constitutionnel. Depuis cette position centrale, entre le droit constitutionnel et le droit administratif spécial, la partie générale du droit administratif
remplit également une fonction de médiation dans la mesure où il fait suivre les solutions nouvelles, élaborées au niveau constitutionnel, jusque dans
l'ensemble des domaines spécialisés du droit administratif. Il suffit d'évoquer, à titre d'exemple, la réévaluation de toute la problématique de la
rétroactivité. Pour la doctrine traditionnelle, encore représentée par Ernst Forsthoff notamment, l'acte administratif illégal ne pouvait être que retiré
puisqu'il contrevenait à la loi. On justifiait la solution, non sans emphase, en considérant que l'État de droit se dissoudrait lui-même s'il n'éliminait pas
les actes illégaux. Le poids de l'argument devait être contrebalancé par le principe de protection de la confiance légitime, lui aussi de rang
constitutionnel et qu'Otto Bachof fonda en partie sur le principe de l'État de droit, en partie sur les droits fondamentaux. Au bout du compte, on arriva à
des solutions nouvelles et nuancées qui incorporèrent cette innovation à l'ensemble du droit administratif sous la forme de « principes du droit
administratif général » (qui devinrent plus tard des normes de la loi relative à la procédure administrative non contentieuse).

D. _ Un droit administratif focalisé sur la jurisprudence


Une nouveauté de 1949 eut un effet imprévisible ex ante mais considérable ex post. La garantie d'une protection juridique complète posée à l'art. 19, al.
4 de la Loi fondamentale et sa transposition dans la clause générale du § 40 du Code de la justice administrative constituent une modification
fondamentale de l'ordre juridique allemand67. Celui-ci, d'un droit essentiellement focalisé sur la fonction exécutive (et gouvernementale) dans sa
dimension administrative (un droit de l'administration) devint un droit focalisé sur la situation de l'individu et, en même temps, l'activité
jurisprudentielle68.

Le droit administratif n'était plus une matière destinée, au premier chef, à intéresser les fonctionnaires et les agents des ministères chargés de préparer
les projets de lois : désormais une profession juridique nouvelle et importante s'ajoutait, celle des juges administratifs, mais aussi, à la suite de la
multiplication rapide des procédures, celle des avocats en tant que groupe toujours actif de juristes. Les bénéficiaires de cette évolution furent les
individus qui, grâce aux possibilités de recours, se hissèrent face à l'administration sur un pied d'égalité. Pour parler de manière imagée, on peut dire
que la juridiction administrative remit un droit qui se jouait dans les hautes sphères de la puissance publique sur le terrain d'un droit se rapportant à la
relation entre l'administration et l'individu et qui est autant marqué par les droits subjectifs à protection et à prestation du particulier que par les
devoirs et limites imposés à l'agent. Le cercle des professions juridiques intéressées par le droit administratif s'est ainsi élargi. Il faut désormais compter
aussi un grand nombre de juges et d'avocats. La même chose vaut pour la littérature et certains de ses genres : on dispose maintenant, dans le

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domaine du droit administratif, de très nombreux commentaires. La littérature dans son ensemble devint beaucoup plus différenciée et,
quantitativement, proliféra à un point qu'on n'avait pas imaginé. La science du droit administratif, tendanciellement, abandonna l'exposé des grands
domaines pour se concentrer sur le commentaire et le traitement d'un « matériau » jurisprudentiel toujours plus important. Bref : la science du droit
administratif devint une science de la jurisprudence administrative.

On doit se borner à indiquer, sans approfondir, les changements matériels décisifs, la montée en puissance du droit subjectif, la complexification du
rapport de soumission au droit de l'administration. Le dialogue sur le droit administratif s'est intensifié et, dans ce seul fait, un pas important était
accompli sur la voie de la juridicisation. À la production intensive de lois par la Parlement, s'ajoutèrent l'approfondissement, le raffinement, la
complexification par le juge au moment de l'application de ces lois. Le droit administratif ainsi engendré après 1949 n'avait plus rien de comparable
avec son prédécesseur d'avant 1933. Il y a entre les deux un abîme quant au raffinement et à la pénétration dogmatique de ce droit, quant à sa
scientificité croissante, et quant à l'orientation sur la pratique administrative, par l'intermédiaire, il est vrai, d'un dialogue continu avec la juridiction
administrative. L'apport du droit à l'activité administrative s'est considérablement accru. La clause de compétence générale au profit de la juridiction
administrative, la montée en puissance de celle-ci, qui devient un partenaire pratique et théorique du droit administratif ont eu des effets qu'on ne
saurait suffisamment souligner. Leur histoire n'est pas encore écrite.

E. _ La juridicisation, un caractère général du droit public après 1949


La ligne directrice générale du chemin d'évolution du droit public allemand peut être définie comme juridicisation et judiciarisation progressives69.
Tout d'abord, le cercle des problèmes et conflits socio-politiques qui, en Allemagne, peuvent être appréciés en fonction de règles juridiques est
probablement plus large que dans tout autre pays. Ensuite, le cercle des problèmes socio-politiques susceptibles d'être soumis à la décision du juge est
probablement plus important que dans tout autre pays. Ces deux tendances majeures, la juridicisation matérielle d'une part, la judiciarisation d'autre
part, ont été si puissamment ancrées dans le droit public allemand, à partir de 1949, qu'elles ont acquis une sorte de dynamique autonome et sont
devenues des processus qui se développent d'eux-mêmes, notamment par le fait que les enseignants socialisent les étudiants dans cette idée. Ces
propriétés du système justifient que nous voyions dans ces caractères un chemin spécifique d'évolution.

Cette représentation fondamentale d'un certain chemin d'évolution est d'ailleurs associée à cette autre idée, qui en découle, à savoir celle d'une
dépendance à l'égard de cette voie. Parce que le droit public après 1949 fut si puissamment fondé sur quelques conceptions de base, il est fort
improbable que cette voie pourra être abandonnée d'un coup, pour ainsi dire à la première critique. Au contraire, on peut compter avec le fait que ces
conceptions fondamentales développent une résistance considérable au changement. Autrement dit : il ne s'agit pas seulement d'un chemin
d'évolution comme un autre mais, si l'on veut, d'une « voie particulière allemande », d'un Sonderweg allemand. L'expression Sonderweg a sans doute
une résonance provocatrice ; par son contenu, elle ne dit pas autre chose que ce lieu commun : toutes les évolutions sont, en dernière instance, des
singularités, des Sonderwege.

1 – * Traduit et adapté avec l'accord de l'auteur par Olivier Jouanjan.


2 – * NDT : Ce texte ne forme donc qu'une partie d'un projet plus large qui a été exposé dans les articles et contributions du professeur Rainer Wahl cités
ci-dessous, ainsi que dans son ouvrage : Herausforderungen und Antworten : Das Öffentliche Recht der letzten fünf Jahrzehnte, Berlin, De Gruyter,
2006.
3 – (1) M. Stolleis, « Verwaltungsrechtswissenschaft in der Bundesrepublik », Simon (dir.) Rechtswissenschaft in der Bonner Republik, 1994, p. 231. Dans
un premier temps on voulait un retour au droit administratif classique et l'on se méfiait de la Loi fondamentale. La situation devait bientôt changer.
4 – (2) Ipsen, « Das Grundgesetz in seiner Vorläufigkeit », Recht _ Staat _ Wirtschaft, II, p. 182 sq. ; W. Weber, Spannungen und Kräfte im westdeutschen
Verfassungssystem, 1951 ; Stolleis, précit. (note 1).
5 – (3) T. Maunz, Deutsches Staatsrecht, 1951 ; Giese, Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland vom 23. Mai 1949, 1949.
6 – (4) Stolleis, précit. (note 1), p. 236.
7 – (5) R. Wahl, « Die objektiv-rechtliche Dimension der Grundrechte im internationalen Vergleich », Merten/Papier (dir.), Handbuch der Grundrechte in
Deutschland und Europa, t. 1, 2004, § 19, no 14 sq.
8 – (6) Sous Weimar la soumission de la législation aux droits fondamentaux ne fut pas reconnue dans la pratique institutionnelle : H. Dreier, « Die
Zwischenkriegszeit », Merten/Papier (dir.), op. cit. (note 5), § 4 ; C. Gusy, « Die Grunrechte in der Weimarer Republik », Zeitschrift für neuere
Rechtsgeschichte, 15, 1993, p. 163 sq.
9 – (7) R. Wahl, « Elemente der Verfassungsstaatlichkeit », Juristische Schulung (JuS) 2001, p. 1041, 1042 sq. ; « Zwei Phasen des öffentlichen Rechts nach
1949 », du même, Verfassungsstaat, Europäisierung, Internationalisierung, 2003, p. 414 sq.
10 – (8) Selon Henne/Riedlinger (« Zur Historisierung der Rechtsprechung des Bundesverfassungsgerichts _ ein Programm und seine Folgen », des
mêmes (dir.), Das Lüth-Urteil aus (rechts-)historischer Sicht. Der Konflikt um Veit Harlan und die Grundrechtsjudikatur des Bundesverfassungsgerichts,
2005, p. 1), avec les décisions « Lüth » et « Pharmaciens » se termine « la première phase de la jurisprudence du Tribunal de Karlsruhe relative aux droits
fondamentaux ».
11 – (9) E.R. Huber, Wirtschaftsverwaltungsrecht, t. 1, 1953, p. 650 : entre 1933 et 1945, le principe gouvernant le rapport entre la liberté d'entreprise et le
contrôle de l'activité économique fut inversée ; F. Rittner, Wirtschaftsrecht, 2e éd., 1987, p. 5, note 8 et 3e éd., 2004.
12 – (10) Stolleis, précit. (note 1), p. 237 sq. à propos des idéaux jusnaturalistes, forts chez les Catholiques, moins puissants dans la culture protestante.
Voir aussi : Badura, « Grundrechte als Ordnung für Staat und Gesellsachft », Merten/Papier, op. cit. (note 5), § 20, n o 3 : dépassement du positivisme de
droit public par la « refonte » matérielle de la loi constitutionnelle et refondation de la fonction légitimatrice de l'État et organisatrice de la société
attribuée aux droits fondamentaux.
13 – (11) C'est l'innovation de la Loi fondamentale : R. Wahl, « Elemente der Verfassungstaatlichkeit », pécit. (note 7), p. 1041 ; Wahl/Rottmann, « Die
Bedeutung der Verfassung und der Verfassungsgerichtsbarkeit in der Bundesrepublik _ im Vergleich zum 19. Jahrhundert und zu Weimar »,
Conze/Lepsius (dir.), Sozialgeschichte der Bundesrepublik Deutschland. Beiträge zum Kontinuitätsproblem, 1983, p. 339.
re
14 – (12) BVerfGE 4, 7 (11). Pour une discussion générale de l'« image de l'homme » en droit : P. Häberle, Das Menschenbild im Verfassungsstaat, 1 éd.,
1988, 2e éd., 2001 ; E.-W. Böckenförde, Vom Wandel des Menschenbilds im Recht, 2001.
15 – (13) U. Becker, Das « Menschenbild des Grundgesetzes » in der Rechtsprechung des Bundesverfassungsgerichts, 1996, avec les réf. à la jurisprudence
de la Cour constitutionnelle fédérale et d'autres tribunaux (supérieurs) p. 17 sq.
16 – (14) L'autre variante, antérieure et plus profonde, est moins répandue en littérature : T. Schmidt, Die Subjektivierung des Verwaltungsrechts
dargestellt anhand der Entwicklung der Ermessensansprüche innerhalb der ersten zwei Nachkriegsjahrzehnte, 2006 ; Becker, op. cit. (note 13), p. 34 ;
Böckenförde, op. cit. (note 12), p. 24 sq.
17 – (15) Convention de Herrenchiemsee, art. 1 : « (1) L'État existe pour l'individu, non l'individu pour l'État. (2) La dignité de la personnalité humaine est
intangible. La puissance publique, dans toutes ses modalités, est obligée de la respecter et de la protéger. » Pour la discussion : von
Doemming/Füsslein/Matz, Entstehungsgeschichte der Artikel des Grundgesetzes, Jahrbuch des öffentlichen Rechts der Gegenwart, Neue Folge, t. 1 ; R.-
U. Kunze, « Reconsidered : Der Mensch ist nicht für den Staat, sondern der Staat für den Mensch da. Der Parlamentarische Rat und die Entstehung des
Grundgesetzes », Der Staat, 40, 2001, p. 383, 393 sq. ; Stern/Sachs, Das Staatsrecht der Bundesrepublik Deutschland, t. III/1, 1988, § 61 II 3c, p. 190-192.
18 – (16) Von Doemming/Füsslein/Matz, op. cit. (note 15), p. 47 : « Le fait que le catalogue des droits fondamentaux constitue la première partie de la Loi
fondamentale est justifié par le président de la Commission principale, le député Dr. Schmid (SPD) par les mots suivants : La Loi fondamentale
commence par le titre consacré aux droits fondamentaux. Ces droits sont, à la différence de la Constitution de Weimar, placés en tête de l'ensemble
parce qu'il fallait clairement faire savoir que les droits, dont l'individu a besoin s'il entend vivre dans la dignité et le respect de soi, doivent déterminer la

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réalité constitutionnelle. En dernière analyse, l'État existe pour établir l'ordre dont les hommes ont besoin afin de vivre ensemble sur la base de la
liberté de l'individu. En dernière analyse, c'est seulement de cette mission que découle la légitimité de l'exercice de sa puissance. »
19 – (17) F. Ossenbühl, « 40 Jahre Bundesverwaltungsgericht », DVBl. 1993, p. 753, 756 ; von Danwitz Verwaltungsrehtliches System und europäische
Integration, 1996, p. 1 ; « Zwei Phasen », précit. (note 7), p. 423.
20 – (18) Sur la signification prégnante dans le système de la subjectivisation du droit administratif : Ossenbühl, pécit. (note 17) ; du même, « Die
Weiterentwicklung der Verwaltungsrechtswissenschaft », Deutsche Verwaltungsgeschichte, t. 5, 1987, p. 1146 ; E. Schmidt-Aβmann, Das allgemeine
Verwaltungsrecht als Ordnungsidee, 2 e éd., 2004, p. 15 sq., 13 sq. ; U. Di Fabio, Risikoentscheidungen im Rechtsstaat : Zum Wandel der Dogmatik im
öffentlichen Recht, insb. im Arzneimittelrecht, 1994, p. 16 sq.
21 – (19) Wahl, « Zwei Phasen », précit. (note 7), p. 423.
22 – (20) Parce que l'individu, lorsqu'il est dans le besoin aussi, ne saurait être traité comme un simple objet : BVerwGE 1, 159.
23 – (21) Par rapport à l'ancienne doctrine de Bühler, les conditions de la reconnaissance de l'existence d'un droit subjectif public se sont réduites à
l'exigence du caractère protecteur à l'égard de certains individus de la norme applicable. [NDT : Ottmar Bühler, dans son livre : Die subjektiven
öffentlichen Rechte und ihr Schutz in der deutschen Verwaltungsrechtsprechung, 1914, énonçait trois conditions pour reconnaître qu'une norme
objective pouvait être créatrice d'un droit subjectif : ne laisser aucun pouvoir discrétionnaire à l'administration ; viser la satisfaction des intérêts
individuels de certaines personnes ou catégories de personnes ; être édictée en vue de permettre aux intéressés de l'invoquer pour exiger un certain
comportement de l'administration (p. 21). Aujourd'hui, les critères sont plus souples, voir, en français : H. Maurer, Droit administratif allemand, trad.
Fromont, 1994, p. 158 sq.]
24 – (22) H.H. Rupp (« Ermessensspielraum und Rechtsstaatlichkeit », Neue Juristische Wochenschrift 1969, p. 1273 sq., 1278) part du principe d'une
soumission complète de l'administration à la loi qui serait exigée par le droit constitutionnel, flanquée d'un contrôle juridictionnel sans lacunes, toute
la doctrine du pouvoir discrétionnaire devenant ainsi un reliquat du XIXe siècle contraire à l'État de droit. O. Bachof rejette cette vision des choses (« Die
Dogmatik des Verwaltungsrechts vor den Gegenwartsaufgaben der Verwaltung », Veröffentlichungen der Vereinigung der Deutschen
Staatsrechtslehrer, 30, 1972, p. 175 et la dispute entre Bachof et Rupp p. 339 et 175 avec la note 8). L'expression de Huber, qui voyait dans le pouvoir
discrétionnaire le « cheval de Troie » du droit administratif d'un État de droit, a exercé une profonde influence : « Niedergang des Rechts und Krise des
Rechtsstaats, Festschrift für Giacometti, 1953, p. 59, 66. M. Bullinger caractérise le pouvoir discrétionnaire, tel que le voit la doctrine dominante, comme
un « corps étranger dans un État de droit » : « Das Ermessen der öffentlichen Verwaltung », Juristische Zeitschrift 1984, p. 1001, 1003.
25 – (23) BVerwGE 11, 95 ; sur ce point : Schmidt, op. cit. (note 14).
26 – (24) Sur la doctrine weimarienne du droit administratif : Stolleis, « Verwaltungsrechtswissenschaft und Verwaltungslehre in der Weimarer Republik
», Jeserich/Pohl/von Unruh (dir.), Deutsche Verwaltungsgeschichte, t. 4, 1985, p. 77, 85 sq., 89 ; du même, Geschichte des öffentlichen Rechts in
Deutschland, t. 3, 1999, p. 234-241.
27 – (25) Sur l'idée d'un « droit des autorisations » : Wahl, « Das deutsche Genehmigungsrecht und Umweltrecht unter Anpassungsdruck », Festschrift
für die Gesellschaft für Umweltrecht, 2001, p. 237 sq.
28 – (26) Outre la décision « Aide sociale » (BVerwGE 1, 159), dont les données sont un peu différentes, voir : BVerwGE 1, 321 (reconnaissance des
associations dans le droit des petits baux ruraux) ; BVerwGE 2, 349 (nomination au poste de géomètre expert public) ; BVerwGE 3, 121 (droit à
diminution du prix d'un loyer) ; BVerwGE 3, 288 (droit à assistance éducative). Sur cette jurisprudence : O. Bachof, Verfassungsrecht, Verwaltungsrecht,
Verfahrensrecht in der Rechtsprechung des Bundesverwaltungsgerichts, 1963, p. 8 sq. (rééd. complétée de la revue de jurisprudence initialement
publiée dans Juristische Zeitung 1957, p. 1962 sq.).
29 – (27) Les fondements intellectuels du nouveau droit rejoignaient les orientations générales de la politique sociale et notamment le principe de
l'économie sociale de marché promu par Erhard.
30 – * NDT : Cette décision, rendue quelques mois après l'arrêt « Lüth » censure au nom du libre choix de la profession (art. 12 al. 1 LF) une disposition de
la loi bavaroise sur les activités pharmaceutiques. Elle développe la théorie des degrés. L'art. 12 autorise la réglementation de l'exercice des professions.
À travers une telle réglementation, la loi peut cependant toucher à l'accès à la profession. Plus une réglementation concerne, directement ou
indirectement, l'accès à une profession, plus le motif la justifiant doit être important. À la différence des conditions relatives à la qualification
personnelle des pharmaciens (formation et diplômes) qui visent directement à protéger la santé publique, les conditions « objectives » posées par la loi
visent essentiellement la viabilité économique et la protection des concurrents : l'autorisation d'ouverture est accordée lorsque « les conditions
économiques sont assurées » et que la viabilité économique des pharmacies avoisinantes n'est pas mise en péril de manière telle que les conditions
d'un exercice régulier de l'activité pharmaceutique ne sont plus garanties. Trop vagues et reposant sur des motifs insuffisamment impérieux de santé
publique, ces conditions « objectives » de la loi bavaroise sont déclarées contraires à l'art. 12 LF. Dans cette décision, c'est à la dimension protectrice et
subjective des droits fondamentaux que travaille la Cour constitutionnelle en fixant des limites strictes au pouvoir discrétionnaire du législateur : les
droits ne sont pas à sa disposition et le juge en est le gardien efficace.
31 – (28) C. Schönberger, « 'Verwaltungsrecht als konkretisiertes Verfassungsrecht'. Die Entstehung eines grundgesetzabhängigen Verwaltungsrechts in
der frühen Bundesrepublik », Stolleis (dir.), Das Bonner Grundgesetz _ Altes Recht und neue Verfassung in den ersten Jahrzehnten der Bundesrepublik
Deutschland (1949-1969), 2006.
32 – (29) BVerwGE 1, 159 (160). La Cour rappelle d'abord que, avant 1945, dans la littérature comme dans la jurisprudence, l'idée d'un droit à l'aide sociale
était rejetée de manière quasi unanime. « Ce refus ne se rattachait à aucune disposition expresse, mais reposait sur des idées sociales traditionnelles »
(je souligne). « L'ancien droit prussien était tacitement fondé sur le principe selon lequel l'aide sociale, qu'on appelait autrefois les 'secours aux pauvres',
était seulement accordée pour des motifs d'ordre public et non à raison des besoins de l'individu ». Le pas décisif est alors franchi : « ce principe fut
conservé ultérieurement sans être soumis à examen, alors même que les conditions économiques et sociales, les valeurs collectives s'étaient modifiées
(...) Avec l'entrée en vigueur de la Loi fondamentale, au plus tard, l'ancienne conception n'est plus acceptable. »
33 – (30) BVerwGE 1, 159 (161).
34 – (31) Conservation insistante de la notion d'Untertan chez Krüger, Allgemeine Staatslehre, 1964, p. 818 sq. (avec ce titre : « Puissance publique et
obéissance de l'Untertan »), § 38, p. 940 sq.
35 – (32) BVerwGE 2, 1 : décision relative aux jardins ouvriers.
36 – (33) BVerwGE 2, 349 (nomination d'un géomètre expert public) ; 3, 121 (droit à la diminution du prix d'un loyer). Dans la première de ces décisions
(BVerwGE 2, p. 351), la conscience de la césure s'exprime nettement : « Une organisation professionnelle qui ne garantit au candidat aucun droit à
admission, alors même qu'il remplit l'intégralité des conditions nécessaires, peut bien résulter des conceptions du système politique en vigueur à
l'époque ; elle contredit cependant les principes de l'État de droit aujourd'hui applicables et ne saurait donc prétendre à aucune validité (art. 123 LF), en
tant qu'elle refuse à tout candidat un droit à l'admission. » On retrouve cette idée également dans le principe no 2 de la décision.
37 – (34) Puisqu'il s'agissait d'une loi antérieure à l'entrée en vigueur de la Loi fondamentale, la Cour administrative fédérale était compétente pour en
assurer le contrôle.
38 – (35) BVerwGE 7, 54 (63) ; BVerfGE 8, 274, notes Weber, Die Öffentliche Verwaltung 1957, p. 33 sq., C.-U. Ule, Deutsches Verwaltungsblatt 1957, p. 177
sq. Sur l'ensemble de la question : Bachof, op. cit. (note 26), p. 104 sq.
39 – (36) Le recueil de Menzel (Verfassungsrechtsprechung, 2000), dans lequel 100 décisions de la Cour constitutionnelle fédérale sont présentées et
commentées, constitue une première.
40 – (37) U. Herbert (dir.), Wandlungsprozesse in Westdeutschland. Belastung, Integration, Liberalisierung 1945-1980, 2002 ; G. Metzler, Stabilisierung,
Normalisierung, Modernisierung : Die Bundesrepublik in den 1950er Jahren, Henne/Riedlinger, op. cit. (note 8), p. 25 sq.
41 – (38) R. Wahl, « Der Vorrang der Verfassung », Der Staat, 20, 1980, p. 485 sq. ; K. Hesse, Grundzüge des Verfassungsrechts der Bundesrepublik
Deutschland, 20e éd., 1999, § 2 III ; E.-W. Böckenförde, « Die Methoden der Verfassungsinterpretation. Bestandaufnahme und Kritik », Neue Juristische
Wochenschrift 1976, p. 2089, 2097, 2091 [NDT Trad. fr. : « Les méthodes d'interprétation de la constitution : un bilan critique », du même, Le droit, l'État

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et la constitution démocratique, Bruylant/LGDJ, 2000, p. 223] ; du même, « Grundrechte als Grundsatznormen », Der Staat, 29, 1990, p. 1, 23 sq., 30 sq. Et
la critique de Badura, précit. (note 10), § 20, no 9 sq.
42 – (39) BVerfGE 20, 162.
43 – (40) Cette divergence d'opinion recoupait une controverse d'écoles, entre les disciples de Carl Schmitt et ceux de Rudolf Smend. Une prise de
position sur la fonction de la constitution faisait normalement office de démonstration d'appartenance à l'une ou l'autre de ces deux écoles. Voir :
Stolleis, « Die Staatsrechtslehre der 50er Jahre », Henne/Riedlinger (dir.), op. cit. (note 8), p. 295, 297 sq. ; F. Günther, Denken vom Staat her. Die
bundesdeutsche Staatsrechtslehre zwischen Dezision und Integration 1949-1970, 2004 ; du même, « Ein Jahrzehnt der Rückbesinnung. Die
bundesdeutsche Staatsrechtslehre zwischen Dezision un Integration in der fünfziger Jahren », Henne/ Riedlinger (dir.), op. cit. (note 8), p. 301 sq. (p. 303
sq. sur l'école schmittienne, p. 307 sq. sur l'école de Smend).
44 – (41) R. Wahl, « Die zweite Phase des Öffentlichen Rechts in Deutschland. Die Europäisierung des Öffentlichen Rechts », Der Staat, 38, 1999, p. 496 sq.
; du même, « Zwei Phasen », précit. (note 7), p. 414 sq.
45 – (42) F. Werner, « Verwaltungsrecht als konkretisiertes Verfassungsrecht », Deutsches Verwaltungsblatt 1959, p. 527 (rep. in du meme, Recht und
Gericht in unserer Zeit, 1971, p. 212 sq. Voir : Stolleis, précit. (note 1), p. 227.
46 – (43) Bachof, op. cit. (note 26), p. 7, qui introduit ses deux revues de jurisprudence administrative par le droit constitutionnel. Il écrit plus loin : «
Jamais l'administration allemande n'a été comme aujourd'hui dépendante de la Constitution. Cela tient principalement à la soumission renforcée, du
point de vue matériel, de l'administration à la Constitution, à la rénovation des droits fondamentaux à travers la déclaration de leur caractère
immédiatement obligatoire (à l'art. 1 al. 3 LF, qui est un rejet de la théorie des droits fondamentaux comme simple programmes) ainsi qu'à l'extension
du contrôle juridictionnel. » (p. 122).
e
47 – (44) O. Mayer, Deutsches Verwaltungsrecht, 3 éd., 1924, t. 1, p. VI.
re
48 – (45) K. Hesse, « Bedeutung der Grundrechte », Benda/Maihofer/Vogel (dir.), Handbuch des Verfassungsrechts, 1 éd., 1985, p. 79-106 (contribution
e
très historique), et 2 éd., 1994, § 5, p. 127 sq. ; W. Schmidt, « Grundrechte _ Theorie und Dogmatik seit 1946 in Westdeutschland », Simon (dir.),
Rechtswissenschaft in der Bonner Republik, op. cit.(note 1), p. 188 sq. ; T. Henne, « Von 0 auf 'Lüth' in 6 1/2 Jahren. Zu den prägenden Faktoren der
Grundsatzentscheidung », Henne/Riedlinger, op. cit. (note 8), p. 197 ; Stolleis, ibid., p. 298 : de 1949 à 1972, la doctrine allemande du droit public fut
dominée par les thèmes de l'État de droit et des droits fondamentaux. Sur l'évolution des droits fondamentaux « de la division à l'unification de l'Europe
» : E. Klein, « Von der Spaltung zur Einigung Europas », Merten/Papier (dir.), op. cit. (note 5), § 5, no 4 sq. (et les réf. citées).
49 – (46) BVerfGE 7, 198. Sur le contexte historique et les conséquences de l'arrêt : Henne/Riedlinger, op. cit. (note 8). [NDT : L'arrêt « Lüth » est l'un des
plus célèbres de la Cour de Karlsruhe. Le requérant, responsable de l'Office de presse de Hambourg, avait été condamné pour avoir appelé au boycott
du dernier film réalisé par Veit Harlan, auteur en 1940 du film tristement célèbre « Le juif Süss ». La Cour constitutionnelle casse le jugement de
condamnation pour violation de la liberté d'expression du requérant (art. 5, al. 1 LF). Estimant que la Loi fondamentale n'est pas « neutre quant aux
valeurs », mais qu'elle pose, dans sa partie consacrée aux droits fondamentaux, un « ordre objectif de valeurs », la Cour en déduit, pour la première fois,
que les dispositions consacrant un droit fondamental n'ont pas seulement une dimension subjective, mais sont aussi des « normes objectives » dont le
contenu juridique « se déploie dans le droit privé » : « De même que le droit nouveau doit être conforme au système axiologique des droits
fondamentaux, de même le droit ancien existant doit être, dans son contenu, ajusté à ce système de valeurs ; de ce système découle un contenu
constitutionnel spécifique qui s'incorpore au droit ancien et détermine son interprétation » (BVerfGE 7, 198 [205]).]
50 – (47) R. Wahl, « Konstitutionalisierung _ Leitbegriff oder Allerweltsbegriff », Festschrfit für Brohm, 2002, p. 191 sq.
o
51 – (48) Wahl, « Die objektiv-rechtliche Dimension », précit. (note 5), § 19, n 1.
52 – (49) Dans ce sens H. Dreier, Dimensionen der Grundrechte, 1993, p. 11 (le jugement « Lüth » était « en toute conscience un arrêt de principe »).
53 – (50) D. Grimm, Die Zukunft der Verfassung, 1991, p. 408 sq.
o
54 – (51) Wahl, « Die objektiv-rechtliche Dimension », précit. (note 5), § 19, n 1.
55 – (52) R. Thoma, « Über die Grundrechte im Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland », Recht _ Staat _ Wirtshaft, III, 1951, p. 9 [NDT : la
position de Richard Thoma est d'autant plus intéressante qu'il fut l'un des principaux représentants du positivisme juridique sur la scène weimarienne
du droit public. Sur Thoma : O. Jouanjan, « Un positiviste dans la crise : Richard Thoma », Kervégan (dir.), Crise et pensée de la crise en droit, ENS
éditions, 2002, p. 13-54.]. Klein (« Tragweite der Generalklausel in Art. 19 Abs. 4 des Bonner Grundgesetzes », Veröffentlichungen der Vereinigung der
Deutschen Staatsrechtslehrer, 8, 1950, p. 67, 88) comprend l'art. 19 al. 4, rapproché du droit fondamental matériel qui découle de la combinaison des art.
1 al. 1 [NDT : dignité] et 2 al. 1 [NDT : libre épanouissement de la personnalité], comme le premier des droits fondamentaux formels.
56 – (53) Wahl, « Verwaltungsverfahren zwischen Verwaltungseffizienz und Rechtsschutzauftrag », Veröffentlichungen der Vereinigung der Deutschen
Staatsrechtslehrer, 41, 1983, p. 151, 156.
57 – (54) Après que, vers la fin des années 1960, l'action du voisin fut admise contre les permis d'urbanisme et que la protection des tiers fut étendue à
l'ensemble des domaines tels que les autorisations d'établissements classés, les décisions d'aménagement du territoire, les autorisations prises sur la
base de la législation protectrice de l'environnement, des parties entières du droit législatif devinrent enfin plus « mordantes » et développèrent leurs
effets juridiques.
58 – (55) Schmidt-Aβmann, Das allgemeine Verwaltungsrecht, op. cit. (note 18), p. 222.
59 – (56) Le changement n'est pas moins sensible que dans le droit constitutionnel. Il se remarque nettement quand l'on considère le contraste avec le
droit administratif antérieur. Et ce, même si le niveau du droit administratif pratiqué jusque 1933, sous la forme impressionnante du droit scientifique
développé par Otto Mayer et sa continuation sous Weimar (Fritz Fleiner, Walter Jellinek) était incontestablement très élevé, comparé aussi sur la scène
internationale.
o
60 – (57) Outre Schönberger, précit. (note 28) : Schmidt-Aβmann, op. cit. (note 18), p. 10 sq., n 18 sq. ; du même, « Das Allgemeine Verwaltungsrecht vor
der Herausforderungen neuerer europäischer Verfassungsstrukturen », Festschrift für Winkler, 1997, p. 999 : l'idée d'une concrétisation du droit
constitutionnel par le droit administratif serait le trait le plus important de l'évolution administrative sous l'empire de la Loi fondamentale.
61 – (58) Schuppert/Bumke, Die Konstitutionalisierung der Rechtsordnung, 2000 ; Wahl, « Konsitutionalisierung », précit. (note 47), p. 192.
62 – (59) À la différence des conceptions anglaise et française : M. Ruffert, « Die Methodik der Verwaltungsrechtswissenschaft in anderen Ländern der
Europäischen Union », Schmidt-Aβmann/Hofmann-Riem (dir.), Methoden der Verwaltungsrechtswissesnchaft, 2004, p. 165 sq.
63 – (60) Il n'y a évidemment pas de quoi s'étonner. Partout, l'économie moderne de marché et de libre circulation a besoin d'un cadre juridique. Les
limitations et régulations sont indispensables mais, en même temps, ces mêmes sociétés ont besoin de sécurité et prévisibilité juridiques : le droit
administratif conforme aux exigences de l'État de droit justifie et limite les prérogatives de la puissance publique.
o
64 – (61) Selon G. Dürig (Maunz/Dürig (dir.), Grundgesetz Kommentar, art. 1, n 106), l'ancien principe de « légalité de l'administration » serait devenu le
principe de la « constitutionnalité immédiate de l'administration ».
65 – (62) Stern, Staatsrecht, op. cit. (note 15), t. 1, 1977, § 4 III 8 d, qui distingue interprétation conforme à la constitution et interprétation orientée par la
Constitution.
66 – (63) Le texte reprend ici, pour l'essentiel : Wahl, « Die Aufgabenabhängigkeit von Verwaltung und Verwaltungsrecht », Hoffmann-Riem/Schmidt-
Aβmann/Schuppert (dir.), Reform des Allgemeinen Verwaltungsrechts, 1993, p. 177. Schmidt-Aβmann propose une conception personnelle du droit
administratif général comme « idée d'ordre » (op. cit. [note 18]).
67 – * NDT : Le § 40 du Code de la justice administrative dispose qu'un recours devant la juridiction administrative est ouvert pour le règlement de tout
litige de droit public qui n'a pas de nature constitutionnelle.
68 – (64) Bien sûr la juridiction administrative moderne, qui remonte à 1863, avait déjà enclenché ce processus. Les Cours administratives supérieures
des différents Länder, spécialement la Cour prussienne, jouaient déjà ce rôle pour les domaines de leur compétence avant 1933.
o
69 – (65) Wahl, « Die objektiv-rechtliche Dimension », précit. (note 5), n 27 ; du même, « Die zweite Phase », précit. (note 41), p. 496 sq.

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