ILUNGA 2017 Article 14

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LA PORTÉE DE L’ARTICLE 14 BIS DU CODE DE


PROCÉDURE PÉNALE CONGOLAIS TEL QUE MODIFIÉ
ET COMPLÉTÉ PAR LA LOI N° 06/019 DU 20 JUILLET 2006

ILUNGA KAKENKE Rado


Assistant à l’Université de Kolwezi et Juge de paix

Pour citer cet article : ILUNGA KAKENKE Rado, (2015), « La portée de l’article 14 bis
du Code de procédure pénale congolais tel que modifié et complété par la loi n°
06/019 du 20 juillet 2006 », in Ilunga Kakenke Rado, La complexité du droit judiciaire
congolais, Editions du Centre de Recherche Universitaire du Kivu, Bukavu, pp. 15-50.

Résumé : Au regard de l’article 14 bis, la réquisition à médecin ou au psychologue permet de


prendre en charge médicalement et psychologiquement la victime des violences sexuelles. Et le
rapport établi par eux permet d’évaluer la gravité des violences et de l’état psychologique de
la victime. Il est ainsi une base pouvant servir le tribunal d’allouer les dommages-intérêts et
d’aggraver la peine ; un élément qui n’est pas nécessairement une preuve du viol (une preuve
qui montre qu’il y a eu viol mais qui ne détermine pas son auteur compte tenu du niveau
technique et des matériels dont disposent les médecins dans notre pays, d’ailleurs un domaine
de la biologie criminelle).

Introduction
Par la loi n° 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 06 août
1959 portant Code de procédure pénale, le législateur a ajouté quelques dispositions
à ce code dont l’article 14 bis. Cet article dispose : « Conformément aux articles 48 et
49 ci-dessous, l’officier du ministère public ou le juge requiert d’office un médecin et
un psychologue, afin d’apprécier l’état de la victime des violences sexuelles et de
déterminer les soins appropriés ainsi que d’évaluer l’importance du préjudice subi
par celle-ci et son aggravation ultérieure ». Cette disposition a été ajoutée suite à la
judiciarisation de certains comportements sexuels consacrés par la loi n° 06/018 du 20
juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal
congolais. C’est dans l’objectif de rendre effective la loi n° 06/018 que certaines
dispositions du Code de procédure pénale avaient mérité d’être modifiées et d’autres
y ont été ajoutées en vue d’assurer la célérité dans la répression, de sauvegarder la
dignité de la victime et de garantir à celle-ci une assistance judiciaire1.
Son introduction dans l’ensemble du Code de procédure pénale fait objet de
plusieurs interprétations de la part des plaideurs devant le prétoire. Ces
interprétations reposent sur l’obligation que cet article fait au magistrat saisi d’un cas

1 Ceci ressort de l’exposé des motifs de la loi n° 06/19 du 20 juillet 2006 modifiant et
complétant le Décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale congolais.
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de violences sexuelles de requérir d’office un médecin et un psychologue. Certains


plaideurs évoquent l’absence du rapport médico-légal dans un dossier judiciaire, en
se fondant sur cette disposition, pour demander l’acquittement du prévenu. D’autres
soutiennent dans la même logique que le rapport médico-légal est une preuve par
excellence en matière de violences sexuelles. C’est ainsi que les magistrats du
ministère public, dans le souci de respecter cette obligation légale, requiert le
médecin même quelques mois après la commission de viol, sollicitant à ce dernier de
déterminer s’il y a eu un rapport sexuel. Ceci nous a amené à nous poser plusieurs
questions dont celles de savoir quel est le bien fondé de requérir un médecin et un
psychologue en cas de violences sexuelles ? Quel est l’utilité de ce rapport médico-
légal dans un procès pénal ? Le rapport du médecin est-il une preuve de violence
sexuelle ? Son absence dans le dossier judiciaire, peut-il constituer un doute de la
commission du viol et conduire le tribunal à l’acquittement du prévenu ?
Notre souci n’est pas celui de répondre à ces différentes questions. Nous voulons
tout simplement qu’à l’issue du commentaire2 de cette disposition légale, tout un
chacun puisse comprendre la volonté du législateur en introduisant cette disposition
dans le Code de procédure pénale. Pour y parvenir, nous avons mobilisé la méthode
du but social qui part de l’idée que la portée d’une loi se détermine à partir de deux
éléments : sa formule littérale et le but social poursuivi lors de son élaboration. (Grua
et Cayrol, 2011 : 10-11). Toutefois, notre commentaire ira dans une approche
positiviste qui (…) repose sur une analyse des besoins sociaux à l’origine de la
norme, sur le diagnostic du problème à résoudre et sur la définition d’une
prescription légale (Lascoumes, 1990 : 151-153). Cependant, notre orientation sera
juste l’analyse des besoins sociaux à l’origine de l’article 14 bis et des problèmes à
résoudre en l’insérant au Code de procédure pénale.
Pour commenter cette disposition, nous l’avons décomposée en autant des points
suivants : 1) les prescrits des articles 48 et 49 ; 2) l’Officier du Ministère public ou le
juge requiert d’office un médecin et un psychologue ; 3) apprécier l’état de la victime
des violences sexuelles et déterminer les soins appropriés ; 4) évaluer l’importance
du préjudice subi par la victime ; 5) pronostiquer l’aggravation ultérieure.

1. Prescrits des articles 48 et 49 du Code de procédure pénale


Il s’agit ici de connaître les prescrits des articles 48 et 49 du Code de procédure
pénale auxquels l’article 14 bis fait allusion en disposant comme suit :
« Conformément aux articles 48 et 49 (…) ». L’article 48 dispose que toute personne,
qui en est légalement requise par un officier du ministère public ou par un juge, est
tenue de prêter son ministère comme interprète, traducteur, expert ou médecin.
Tandis que l’article 49 prévoit qu’avant de procéder aux actes de leur ministère, les
experts et médecins prêtent le serment de les accomplir et de faire leur rapport en
honneur et conscience.

2 La démarche intellectuelle du commentaire est l’inverse de celle de la dissertation. Le


commentaire est un travail d’analyse, la dissertation un travail de synthèse. Disserter, c’est
composer. Commenter, c’est décomposer (Grua et Cayrol, 2011 : 33).
3

A la lecture de ces deux articles, il ressort que l’officier du ministère public ou le juge
doit requérir le médecin et le psychologue dans la forme légale ; le médecin et le
psychologue ont l’obligation de prêter leur ministère, de prêter le serment ainsi que
de faire rapport.

1.1. Requérir dans la forme légale le médecin et le psychologue


Le Code de procédure pénale n’a pas déterminé la forme dans laquelle le médecin et
le psychologue doivent être requis. Il est tout de même connu que cela doit se faire
par une réquisition à médecin ou à expert quand il s’agit de l’officier du ministère
public et par un jugement avant dire droit quand il s’agit du juge.
Toutefois, l’article 123, alinéa 1er, de l’arrêté d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20
août 1979 portant règlement intérieur des cours, tribunaux et parquets dispose (…)
que les réquisitions à experts sont rédigées en termes précis et clairs. Ceci laisse
entrevoir que la réquisition doit être écrite.
Au regard de l’article 14 bis, les devoirs3 ou les missions à ordonner sont donc – 1)
apprécier l’état de la victime des violences sexuelles – 2) déterminer les soins
appropriés – 3) évaluer l’importance du préjudice subi du fait de violences sexuelles
et son aggravation ultérieure. Toutefois, le ministère public comme le juge peut
ordonner d’autres devoirs dans le but de rechercher à établir ou non la culpabilité du
prévenu.
Ces devoirs qui seront requis au médecin dans l’objectif d’établir ou non la
culpabilité consisteront à confirmer s’il y a eu un contact sexuel récent (pour le cas de
viol flagrant quand le prévenu nie les faits), à récolter, si possible, les informations
qui pourraient contribuer à identifier l’agresseur. Ces éléments seront collectés
principalement sur le corps de la victime, sur le corps de l’agent et sur le lieu de
l’infraction. Il peut s’agir du sperme, de taches de sang, de la sueur, de la salive, de
poils, de cheveux, de morceaux d’ongles, de préservatifs, de sous-vêtements, etc.
L’examen de ces objets est souvent de nature à révéler des renseignements
importants et déterminants pour l’issue du procès.
Il est important de rappeler que, pour permettre à l’expert de réaliser un travail
réellement utile à l’instruction, la réquisition à médecin ou à expert doit être rédigée
en des termes aussi précis que possible ; autrement dit, les devoirs auxquels sera
commis le médecin et le psychologue doivent être définis avec soin, de telle sorte que
le rapport médico-légal ou psychologique permette au juge de se faire une juste
opinion sur l’un ou l’autre élément constitutif de l’infraction, mais aussi sur
l’importance du préjudice souffert, en vue d’une réparation intégrale.

1.2. Obligation pour le médecin et le psychologue de prêter le serment


Avant d’accomplir sa mission, le médecin ou le psychologue régulièrement requis
doit, aux termes de l’article 49 du Code procédure pénale, prêter le serment suivant :
« je jure d’accomplir les actes de mon ministère et de faire rapport en honneur et

3 Tshomba et Muela considèrent que les devoirs 1 et 3 cadrent mieux avec la mission
d’expertise, tandis que le 2è devoir par contre relève plutôt du médecin traitant.
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conscience ». La prestation de serment peut être faite aussi entre les mains de celui
qui le désigne. Dans ce cas un procès-verbal de prestation de serment est dressé.
Selon Luzolo (2011 : 234) et même le prescrit de la procédure pénale, l’essentiel est
que le serment soit prêté avant d’accomplir la mission. C’est ainsi que la Cour
suprême de justice avait jugé que « l’expertise où la prestation de serment est faite
après son établissement viole le prescrit de l’article 49 du Code de procédure pénale
qui exige le serment préalable, elle est irrégulière en la forme » (C.S.J., RP 161, 18
mars 1975, B. A., 1976 : 90). Cependant, la même Cour précise que « si l’omission par
l’expert de prêter serment avant l’établissement de son rapport rend l’expertise
irrégulière ; ce rapport peut néanmoins servir d’indication et éclairer la religion du
juge sans devoir être nécessairement rejeté purement et simplement (Kin, 22 janvier
1970, RJC. 1971, n° 3, p. 234 note de Katwala, 2006 : 28). Toutefois, en droit belge
enseigne Michiels et Falque (2014 : 332-333), la nullité d’un élément de preuve obtenu
irrégulièrement n’est décidée que si - le respect des conditions formelles concernées
est prescrit à peine de nullité, ou ; - l’irrégularité commise a entaché la fiabilité de la
preuve, ou ; - l’usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable. Nous
estimons que sur pied du droit comparé, ces principes peuvent être mobilisés par le
juge congolais dans l’appréciation de la régularité de la preuve.

Par ailleurs, il convient de signaler qu’au regard de l’article 52 du Code de procédure


pénale, le refus pour un médecin ou l’expert (le psychologue) régulièrement requis
de prêter serment l’expose aux poursuites judiciaires, qui peuvent lui coûter la peine
de servitude pénale d’un mois au maximum et une amende, ou de l’une de ces
peines seulement. Et l’alinéa 3 du même article précise que cette infraction résultant
du refus d’obtempérer à la réquisition ou de prêter serment sera recherchée,
poursuivie et jugée conformément aux règles ordinaires de compétence et de
procédure. Ainsi, le ministère public n’a donc pas le pouvoir de sanctionner l’expert,
comme il en a au sujet du témoin récalcitrant.

1.3. Obligation pour le médecin et le psychologue de faire rapport


Cette obligation découle de celle de l’expert (médecin et le psychologue) de prêter
leur ministère. Prêter son ministère, c’est répondre aux devoirs que le magistrat a
ordonnés dans sa réquisition ou dans son jugement avant dire droit. C’est donc la
réponse afin d’éclairer la « religion » du ministère public ou du juge. Le fait de ne pas
prêter son ministère constitue l’infraction de refus d’obtempérer à la réquisition
(article 52 du Code de procédure pénale).
Hondo et Difunda (2011 : 53) considèrent que le rapport médico-légal, établi sur
réquisition du magistrat instructeur, est un témoignage écrit, d’ordre médical
concernant un fait (…). Il est d’une grande importance puisqu’il inspire largement et
parfois exclusivement les décisions de justice dans le but de servir la vérité. Les
mêmes auteurs précisent qu’il y a lieu de ne pas confondre le rapport médico-légal
aboutissement de l’expertise médico-légale ordonnée par une réquisition et le
rapport médical simple qui n’est que le résumé du tableau clinique du patient,
comportant les plaintes principales, l’examen clinique, les examens para cliniques, le
diagnostic, le traitement et le pronostic.
5

Le rapport représente la conclusion de toute investigation médico-légale ou


psychologique, élément capital dans l’instruction d’une affaire de mœurs, dans la
recherche et pour le triomphe de la vérité. Il ne peut être remis qu’au magistrat qui
l’a requis et jamais à la victime, ni à son conseil, encore moins à l’inculpé.
C’est ainsi qu’après avoir accompli les devoirs, le médecin ou le psychologue doit
rédiger le rapport médico-légal ou psychologique, selon le cas, qui est une réponse à
la réquisition de l’officier du ministère public ou au jugement avant dire droit du
juge. Cependant, la loi n’est pas explicite sur le délai que doit observer le médecin ou
le psychologue quand ils sont requis. Toutefois, le médecin ou le psychologue doit
avoir à l’esprit que l’instruction préparatoire est d’un mois. Comme la matière de
violences sexuelles requiert célérité, toute personne requise doit ainsi y répondre
avec célérité de peur se voir appliquer les prescrits de l’article 52 du Code de
procédure pénale.
Il convient de signaler que le rapport doit être rédigé et comporter les mentions
relatives à la date de la désignation, à l’autorité judiciaire commettante, au rappel des
questions posées, à la relation des faits examinés et aux conclusions des opérations
effectuées. Ainsi, dit Kilala (2012 : 211), le rapport doit être écrit puisque l’enquête est
menée dans une phase inquisitoriale où tous les actes y afférents doivent revêtir un
caractère écrit.
Mais le médecin comme l’expert n’est pas seulement requis à la phase
préparatoire disons-nous ; il peut l’être aussi lors de l’instruction juridictionnelle par
le juge. Dans ce cas, le rapport sera-t-il toujours écrit ? Comme les questions pour
lesquelles ils sont requis demandent un travail de laboratoire, à notre avis, il n’est pas
important qu’ils viennent faire le rapport oralement à l’audience. C’est ainsi qu’un
rapport écrit paraît important. Toutefois, le tribunal peut l’inviter à venir expliciter
certains éléments du rapport qui lui restent incompréhensibles du fait de leur
caractère technique.
Revenons pour dire que la mention de l’autorité requérante dans le rapport permet
de vérifier la qualité et la compétence de cette autorité, tandis que le rappel des
questions posées permet de fixer l’expert sur la portée et le domaine de sa mission
ainsi qu’à l’autorité commettante de vérifier l’accomplissement de la mission
impartie à l’expert. La relation des faits qui est la description des opérations
effectuées par l’expert et qui rend, éventuellement compte des méthodes utilisées par
lui, est aussi un point important du rapport d’expertise étant donné que certains
indices de l’infraction commise peuvent déjà être perçus à ce niveau par l’autorité
judiciaire commettante. Enfin, les conclusions de l’expert sont aussi très
fondamentales, car c’est ici où se situe le résumé de la décision technique de l’expert
requis sur les points indiqués par l’autorité requérante.
Dans la rédaction du rapport, la même exigence de rigueur et de précision s’impose
également au médecin et au psychologue qui ne doivent pas se contenter de termes
vagues, imprécis et finalement équivoques. Rangeon (2007 : 336) a d’ailleurs souligné
que « le choix des mots par l’expert est parfois même déterminant : si le rapport
d’expertise psychiatrique conclut à ‘’l’altération du jugement’’ du prévenu au
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moment des faits, celui-ci pourra être déclaré responsable et jugé, ce qui n’est pas le
cas si le rapport conclut à ‘’l’abolition de son discernement’’ ».

2. Officier du Ministère Public ou le juge requiert d’office un médecin


et un psychologue
Les interrogations que soulève ce point sont celles de savoir si l’officier du ministère
public ou le juge sont seuls compétents pour requérir le médecin et le psychologue.
Un OPJ peut-il aussi requérir un médecin et un psychologue en cas de violences
sexuelles ? Que veut le législateur lorsqu’il dit : l’officier du ministère public ou le
juge requiert d’office (le but)? Aussi faut-il qu’à défaut du médecin requérir un
infirmier ? A qui revient la qualité du psychologue ? C’est autour de ces
interrogations que s’articule ce point.

2.1. Autorité compétente pour requérir le médecin et le psychologue en


matière de violence sexuelle
En matière de violences sexuelles, l’article sous examen dispose : « (…) l’officier du
ministère public ou le juge requiert d’office un médecin et un psychologue (…) ». A
la simple lecture, cet article 14 bis semble conféré aux seuls officiers du ministère
public et aux juges la compétence de requérir l’expertise médicale et psychologique
en matière de violences sexuelles. Il n’en est pas ainsi, car l’article 5 du Code de
procédure pénale dispose que : en cas d'infraction flagrante ou réputée flagrante passible
d'une peine de servitude pénale de six mois au moins, l'officier de police judiciaire à
compétence générale le plus proche se transporte sur les lieux sans aucun retard, aux fins de
constater l'infraction et de rechercher les circonstances dans lesquelles elle a été commise.
A ces fins, l'officier de police judiciaire peut appeler à son procès-verbal toutes personnes
présumées en état de donner des éclaircissements et les astreindre à déposer sous serment,
dans les conditions prévues aux articles 16 à 18. Il peut aussi défendre à toute personne de
s'éloigner des lieux qu'il détermine jusqu'à clôture de son procès-verbal et, au besoin, l'y
contraindre. Les infractions à ces dispositions seront punies des peines prévues à l'article 19
et conformément aux articles 19 et 20.
Il peut requérir toute personne de lui prêter son ministère comme interprète, traducteur,
médecin ou expert, dans les conditions et sous les sanctions prévues aux articles 48 à 52 (…).
A la lecture de cet article 5, son alinéa 3 donne le pouvoir de requérir à l’officier de
police judiciaire à compétence générale en cas d’infraction flagrante ou réputée
flagrante passible d'une peine de servitude pénale de six mois au moins. Dans cette
circonstance l’officier de police judiciaire à compétence générale a le pouvoir de
poser certains actes qui relèvent de la compétence du ministère public. Et comme les
infractions relatives aux violences sexuelles sont ajoutées aux infractions
intentionnelles flagrantes4 et sont punies de 20 ans de servitude pénale au maximum,
l’officier de police judiciaire à compétence générale a donc la compétence de requérir
le médecin et le psychologue en application de l’article 14 bis.

4 Lire exposé des motifs et l’article 10 de la loi n° n°06/19 du 20 juillet 2006 modifiant et
complétant le Décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale congolais.
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Il convient ensuite de signaler que l’alinéa 3 de l’article 5 du Code de procédure


pénale n’énerve en rien l’article 14 bis de la loi n° 06/019 du 20 juillet 2006. Celle-ci
n’a ni modifié ni abrogé l’alinéa 3 de l’article 5 du Code de procédure pénale et par
conséquent, la disposition de l’alinéa 3 de l’article 5 du Code de procédure pénale
demeure donc applicable même en matière de violences sexuelles d’autant plus que
ces incriminations sont assimilées aux infractions intentionnelles flagrantes. Ainsi,
l’expertise médicale et psychologique en matière de violences sexuelles garde la
même valeur qu’elle soit requise par un officier de police judiciaire à compétence
générale, un officier du ministère public ou un juge.

Et d’ailleurs, la réquisition à médecin ou à expert (psychologue) est catégorisée parmi


les pouvoirs du ministère public susceptibles de délégation aux officiers de police
judiciaire. Et cela ressort aussi de l’article 100 de l’ordonnance n° 78/289 du 3 juillet
1978 relative à l’exercice des attributions d’officier et agent de police judiciaire près
les juridictions de commun.

2.2. Faut-il requérir un infirmier en matière de violence sexuelle ?


A certains endroits du pays, il y a absence des médecins auxquels on peut s’adresser
en cas des violences sexuelles. Vu cette absence, faut-il requérir un infirmier en cas de
violences sexuelles ? Si nous restons dans le strict sens d’interprétation de l’article 14
bis, un infirmier ne peut être requis en matière de violences sexuelles. Aussi dans
l’ensemble du Code procédure pénale pour tout ministère qui nécessite une expertise
médicale, la loi ne cite explicitement que le médecin. C’est donc le médecin qui a
acquis une grande formation et a une qualification adaptée et une compétence basée
sur sa formation pour pouvoir répondre aux questions médicales qui doivent éclairer
la justice. Les connaissances médicales qu’il a acquises lui permettent d’affiner
l’appréciation des faits.

Cependant, quand nous nous situons dans le but social initialement poursuivi par le
législateur en légiférant sur l’article 14 bis, il n’y a aucun problème de requérir un
infirmier en cas des violences sexuelles. En exigeant aux professionnels de la justice
de requérir d’office le médecin et le psychologue en cas des violences sexuelles, le
législateur voulait que la victime soit prise en charge médicalement et
psychologiquement afin d’éviter selon le cas, la contamination ou la propagation des
infections sexuellement transmissibles et la dépression de la victime.

L’infirmier étant capable de recevoir une plainte d’un patient et d’administrer les
soins primaires, le professionnel de la justice ainsi saisi d’un cas des violences
sexuelles peut le requérir dans un premier temps. Le but de recourir au professionnel
de la santé ressort dans l’article 14 bis ; lorsque le législateur dit « (…) afin
d’apprécier l’état de la victime des violences sexuelles et de déterminer les soins
appropriés (…) ». L’infirmier pourra ainsi être requis dans le but d’apprécier l’état de
la victime et d’apporter les soins appropriés. La période de l’élaboration de cette loi
sur les violences sexuelles, correspond par ailleurs à la période à laquelle notre pays
s’engageait activement dans la lutte contre le Sida. Le but social de cette disposition
8

est donc la prise en charge médicale et psychologique de la victime des violences


sexuelles.

Ainsi, le rapport médico-légal établi par l’infirmier à la suite d’une réquisition lui
adressée par un professionnel de la justice doit être pris en compte dans le débat
judiciaire. Il ne doit pas être rejeté au motif d’avoir été établi par une personne qui
n’est pas médecin ou qui n’a pas qualité. C’est un élément important qui constitue un
commencement de preuve des violences sexuelles.
Cependant, Bosly (1992 : 121-128), dans son étude sur la régularité de la preuve en
matière pénale, relève les limites au principe de la liberté d’administration de la
preuve. L’auteur envisage que les preuves doivent avoir été obtenues légalement et
régulièrement. Par ailleurs, Michiels et Falque (2014 : 332-333), se fondant sur l’article
32 du Code de procédure pénale belge, envisagent que la nullité d’un élément de
preuve obtenu irrégulièrement n’est décidée que si - le respect des conditions
formelles concernées est prescrit à peine de nullité, ou ; - l’irrégularité commise a
entaché la fiabilité de la preuve, ou ; - l’usage de la preuve est contraire au droit à un
procès équitable. Nous estimons que sur pied du droit comparé, étant donné que la
position de l’auteur relève du droit belge, ces principes peuvent être mobilisés par le
juge congolais dans l’appréciation du rapport médico-légal.

2.3. A qui revient la qualité de psychologue ?


A qui revient la qualité de psychologue qui doit être requis par l’officier du ministère
public ou le juge ? Il convient d’abord de rappeler qu’un psychologue est un
professionnel de la psychologie ; discipline complexe qui regroupe de nombreux
courants théoriques et pratiques notamment la psychologie clinique, cognitive,
comportementale, développementale, sociale, du travail, animale, différentielle,
expérimentale. Ces différents champs d’application se rassemblent autour de cette
étude scientifique des faits psychiques qu’est la psychologie. Le psychologue, qui est
spécialisé dans un courant scientifique spécifique, peut donc être un professionnel du
fonctionnement psychique et des psychopathologies, du comportement humain, de
la personnalité et ou même des relations interpersonnelles.

Par ailleurs, d’après le Dictionnaire Littré « psychologue se dit de celui qui connaît
intuitivement et empiriquement les sentiments d’autrui. Se dit plus spécialement du
clinicien, du thérapeute spécialiste de la psychologie ».
Dans le cadre des violences sexuelles, le psychologue qui nous semble utile d’être
requis est celui dit clinicien. En effet, le psychologue clinicien est un praticien qui
étudie le fonctionnement psychique sain ou pathologique, pour en donner une
définition en termes de capacités, de caractéristiques cognitives ou affectives, ou
encore de diagnostic (dans ce dernier cas, il est assimilé à un psychopathologiste,
c'est le cas du psychologue clinicien).
9

En outre, le psychologue clinicien exerce des activités de conseil et de psychothérapie


(de soutien ou spécifique)5.

2.4. Requérir d’office


Requérir d’office, c’est une obligation faite aux magistrats de recourir au médecin et
au psychologue dès qu’ils sont saisis d’un cas de violences sexuelles. C'est-à-dire,
sans désemparer les magistrats doivent les requérir dès qu’ils sont saisis. Cependant,
il y a des questions qu’on se pose souvent, celles de savoir si les magistrats doivent-
ils toujours, même pour le cas des violences sexuelles commis il y a au moins une
semaine, requérir le médecin et le psychologue ? Est-ce que les magistrats doivent
requérir le médecin et le psychologue dans tous les cas de figure des violences
sexuelles ?

Il résulte de l’article 14 bis sous examen, que les magistrats doivent les requérir quel
que soit le temps écoulé entre la commission des faits et leur saisine. Le fait pour le
législateur d’utiliser l’expression « requiert d’office » est une imposition faite aux
magistrats de recourir au médecin et au psychologue pour que la victime soit prise
en charge. Le but social de cette obligation faite aux magistrats est, en dehors de la
prise en charge judiciaire, que les victimes des violences sexuelles soient prises en
charge médicalement et psychologiquement. Bien entendu, il sera difficile après
quelques jours du viol, par exemple, de trouver des éléments qui serviront d’établir
la culpabilité.

Les docteurs Hondo et Difunda (2011 : 25) précisent à ce sujet que les délais de
réalisation des prélèvements varient en fonction des sites. C’est ainsi que le délai de
prélèvement de sperme au vagin est de 72 à 96 heures, à l’anus il est de 72 heures,
dans bouche de 48 heures et sur la peau de 24 heures.

Et d’autres prélèvements d’éléments, qui peuvent servir d’établir ou non la


culpabilité, ne peuvent se faire qu’avant que la victime n’ait fait sa toilette. C’est ainsi
que la réquisition faite au médecin, pour les devoirs autres que ceux prévus à l’article
14 bis, pour le cas d’un viol dont on est saisi après l’écoulement du délai normal de
prélèvement et d’examen, ne produira que des réponses qui peuvent conduire le juge
à prononcer l’acquittement.

Mais, d’une manière générale, les magistrats ont l’obligation de requérir le médecin
et le psychologue en matière des violences sexuelles. Cependant, il convient de
signaler que les violences sexuelles constituent une mosaïque d’infractions regroupée
sous ce vocable dans le Code pénale livre deux. A partir de leur diversité, il résulte la
question de savoir si pour chacune de ces infractions l’officier du ministère public
et/ou le juge doivent requérir le médecin et le psychologue.

5Telle est la considération de Daniel Lagache, Qu’est-ce qu’un psychologue clinicien, in


http://psychologuepsychotherapeute.emonsite.com/pages/le-metier-de-psy/qu-est-ce-qu-un-
psychologue-clinicien.html, consulté le 5 janvier 2013.
10

L’analyse minutieuse démontre bien que l’attentat à la pudeur et le harcèlement


sexuel n’exigent pas un contact sexuel. C’est ainsi qu’il est inconcevable de requérir
un médecin en cas du harcèlement sexuel, d’attentat à la pudeur ou de tentative de
commission de l’une des formes de violences sexuelles en se fondant sur l’article 14
bis. Le ministère public et/ou le juge dans ce cas ne doivent recourir qu’au
psychologue. C’est ainsi que, malgré que c’est une obligation faite aux magistrats de
requérir d’office quand ils sont saisis d’un cas de violences sexuelles, ils doivent alors
examiner dans chaque cas d’espèce si le recours au médecin et au psychologue rentre
dans les devoirs repris à l’article 14 bis.

Donc les magistrats demeurent souverains pour apprécier l’opportunité d’une


mesure d’expertise pour les incriminations liées aux violences sexuelles. C’est-à-dire
pour chaque cas d’espèce, le magistrat devra analyser les circonstances de
commission pour apprécier si cela nécessite une prise en charge médicale de la
victime. Sinon il ne pourra recourir qu’au psychologue.

3. Apprécier l’état de la victime des violences sexuelles et déterminer


les soins appropriés
« Apprécier l’état de la victime et déterminer les soins appropriés » sont deux devoirs
que l’autorité requérante doit ordonner au médecin et au psychologue d’accomplir
en cas des violences sexuelles.
Apprécier l’état de la victime des violences sexuelles revient à déterminer son état
sanitaire pour le médecin et son état mental ou émotionnel pour le psychologue. Le
médecin doit procéder à l’examen clinique et para clinique, traiter les blessures,
traumatismes et infections imputables au viol, effectuer un dépistage et traiter de
manière préventive ou curative les infections sexuellement transmissibles (IST) et le
VIH/SIDA, et prévenir une grossesse non désirée le cas échéant. L’examen médical
porte, alors comme le dit Cedile (2008 : 388), « sur l’état de santé actuel de la
personne, et tend à formuler un pronostic sur les modifications et amélioration
possibles, tant du point de vue physique que physiologique ».
Ainsi l’état de santé de la victime des violences sexuelles sera bien apprécié sur base
des résultats des examens cliniques et para cliniques qui détermineront la présence
des infections imputables aux violences sexuelles. Aussi les soins à apporter à la
victime des violences sexuelles en dépendront.
Par ailleurs, le psychologue aura pour tâche d’évaluer l’état mental de la personne et
de proposer une réflexion sur un diagnostic au moyen d’entretien, de tests, etc. Il
veillera à l’état émotionnel de la victime. Il doit proposer et/ou assurer une prise en
charge selon une approche théorique spécifique : orientation psychanalytique,
systémique, comportementale, centrée sur la personne, etc. Il aura en outre pour
tâche de préserver, de maintenir ou d’améliorer le bien-être ou la qualité de la vie de
la personne victime de violences sexuelles et sa santé psychique ou favoriser son
intégration sociale.
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Cependant, Coutanceau (2010 : 50) souligne que l’évaluation psychologique


recherchera également une sémiologie (anxiété, traits névrotiques, axe de
psychorigidité parfois à tonalité paranoïaque, impulsivité-physique, bris d’objets,
instabilité, dysthymie). A un niveau plus existentiel, l’évaluation psychologique
recherchera des vécus émotionnels significatifs (frustrations, tensions internes, vécus
dépressifs, conflits relationnels). On s’attachera également à rechercher certains
éprouvés d’animosité (rage, haine, vengeance) ainsi que tous les éléments psycho-
émotionnels.
L’auteur souligne ensuite que l’expertise médicopsychologique a pour triple objet : la
description de la personnalité, la recherche d’un retentissement clinique ou
psychologique, l’appréciation de la crédibilité.

4. Evaluer l’importance du préjudice subi par la victime


C’est aussi un devoir qui doit être requis au médecin et au psychologue en cas des
violences sexuelles. Le médecin et le psychologue requis doivent apprécier les
préjudices subis par la victime. Evaluer le préjudice pour le médecin et le
psychologue revient, pour l’un comme pour l’autre, à déterminer le dommage
corporel et moral subi par la victime à l’issue de violences sexuelles. Il s’agit de
savoir, pour le médecin, si les violences sexuelles ont laissé des lésions ou de
séquelles physiques graves ou pas sur la victime. Et pour le psychologue, il s’agit
d’apprécier la dépression mentale de la victime. Il s’agit donc pour le médecin et le
psychologue de préciser si les violences sexuelles ont laissé ou pas de séquelles
physiques et/ou psychologiques graves.
Par ailleurs, les docteurs Hondo et Difunda (2011 : 40) précisent que l’évaluation des
préjudices par le médecin doit prendre en considération deux éléments : l’intensité
de la douleur et sa durée. La méthode de quantification habituellement utilisée est
une échelle à 7 échelons : soit mathématique : 1/7, 2/7, 3/7, 4/7, 5/7, 6/7, 7/7 ; soit
qualitative : « très léger, léger, modéré, moyen, important, très important,
considérable ». Par exemple, on estimera la douleur à 4/7 pendant deux mois, 3/7
pendant un mois, 2/7 pendant 15 jours et 1/7 pendant 15 jours… Il est évidemment
souhaitable, ajoutent-ils, que le médecin détaille les éléments d’appréciation qui
justifient le niveau choisi dans l’échelle ; ces éléments sont multiples : nature de la
douleur, localisation de la blessure, nature des traitements généraux, nature du
traitement spécifique pour alléger cette douleur (sédatifs banaux ou drogues
majeures), sensibilité du sujet, etc.
Et les mêmes auteurs, (Hondo et Difunda, 2011 : 41- 44) dans leur étude, ont
catégorisé les préjudices, dont voici quelques-uns à titre illustratif : préjudice
agrément, préjudice affectif, préjudice esthétique, préjudice sexuel.

4.1. Préjudice agrément


Le préjudice d’agrément est le préjudice dû à l’impossibilité pour la victime de
s’adonner à certaines activités culturelles, sportives ou de loisir. Le rôle du médecin
dans l’appréciation de ce préjudice consiste à informer le juge en lui apportant des
éléments probants circonstanciés : preuve de la pratique de l’activité d’agrément (par
12

exemple, carte d’affiliation à un club…) ; niveau de cette activité (occasionnelle ou


habituelle) ; lien de causalité entre la séquelle anatomo-fonctionnelle et la gêne dans
l’activité d’agrément. Finalement, au vu des éléments apportés, le juge appréciera si
le préjudice peut être réparé.

4.2. Préjudice affectif


Le préjudice affectif est l’atteinte affective causée par tous les autres préjudices réunis
(c’est-à-dire : ce qui reste à dédommager lorsqu’on a réparé tous les autres
préjudices) : par exemple, la modification des conditions d’exercice d’une profession,
l’obligation de changer de lieu de résidence et donc d’environnement social. Ici aussi,
le médecin, après un interrogatoire fouillé, détaillera les parties constitutives de ce
dommage et fournira ainsi au magistrat les indications utiles à l’appréciation : le
juge, ainsi éclairé, en fixera le « pretium ». Une autre manière, assez simple, de
résoudre le problème consiste à fixer le préjudice affectif en fonction du taux retenu
de l’incapacité ou de l’invalidité.

4.3. Préjudice esthétique


Le préjudice esthétique est le préjudice dû aux lésions susceptibles de porter atteinte
à l’esthétique : déformations, mutilations, cicatrices. L’importance de l’indemnité
allouée sera fonction du sexe, de l’âge et de la profession. Comment le médecin-
expert peut-il éclairer le juge ? Hondo et Difunda précisent que c’est en établissant
une description aussi satisfaisante que possible des lésions ; en faisant comprendre ce
que représente réellement pour la victime, l’atteinte à son image (par exemple les
cicatrices dus à l’accouchement par césarienne d’une grossesse issu du viol) ; en
indiquant les conséquences du préjudice (par ex., « ces cicatrices des genoux
imposent le port de jupes longues, de bas opaques ou de pantalons ») ; en prenant
des photographies objectives des cicatrices ; le cas échéant, en indiquant les
possibilités raisonnables de la chirurgie réparatrice.

4.4. Préjudice sexuel


L’expression de « préjudice sexuel » désigne successivement le dommage
traumatique aux organes sexuels primaires et secondaires empêchant d’avoir des
relations sexuelles ; le dommage à l’acte sexuel qui dépend de facteurs anatomiques,
neurologiques, hormonaux et psychiques : privation ou réduction du plaisir ; atteinte
à la procréation ; dommage plus subtil et composite, celui qui consiste en la
réduction, du fait des troubles sexuels, de la confiance en soi, du pouvoir de
séduction, de l’imaginaire du sujet.
Lors de l’évaluation des séquelles, le médecin doit aller plus loin en expliquant,
d’une part, le contenu du préjudice sexuel dans chaque cas particulier, d’autre part,
ce qu’il a et ce qu’il n’a pas inclus dans le taux d’incapacité permanente partielle chez
le même sujet.

5. Aggravation ultérieure
Les préjudices peuvent être déterminés le jour que le médecin et le psychologue sont
requis à un niveau bien déterminé. Cependant, il peut arriver que ces préjudices ne
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soient pas statiques et peuvent avoir une aggravation dans le prochain jour. C’est
dans ce cas où il est demandé au médecin et au psychologue après qu’ils aient évalué
l’importance du dommage subi par la victime, de préciser si ce préjudice aura une
aggravation aux jours avenirs.
A titre illustratif, en dehors des lésions constatées le jour de l’agression sexuelle, la
victime peut ne pas avoir la possibilité de concevoir suite aux violences sexuelles.
C’est que les docteurs Hondo et Difunda nomment comme préjudice sexuel. Ainsi le
médecin devra préciser toutes les conséquences possibles qui peuvent résulter des
violences sexuelles sur base des préjudices subis par la victime à l’avenir. C’est
comme aussi le psychologue, il est tenu de préciser si la victime peut avoir à l’avenir
à détester les hommes ou les femmes, pas même d’envie de se marier, une nervosité
persistante.
Cependant, la question qui revient est celle de savoir si les dommages-intérêts
alloués sur base des aggravations ultérieures relevées dans un rapport médico-légal
du fait des violences sexuelles, reposent sur le préjudice futur ? Il faut noter que pour
être réparé, le préjudice doit être actuel et certain. Ce qui exclut le préjudice futur du
droit à être réparé. Les aggravations ultérieures sont les conséquences d’une situation
préjudiciable actuelle dont la production dans l’avenir est certaine. C’est par exemple
l’examen médical fait sur une jeune mineure d’âge victime d’un viol collectif qui
atteste que la maladie sexuellement transmissible contracté par elle aura une
aggravation à tel point que la fille ne pourra pas concevoir à l’âge adulte.

Conclusion
A l’issue du commentaire des différents éléments de l’article 14 bis, il se révèle, notre
avis, que le rapport du médecin constitue un acte d’évaluation de la gravité des
violences et de l’état psychologique de la victime pour celui du psychologue ; une
preuve pouvant servir à l’allocation des dommages-intérêts et à l’aggravation de la
peine. Mais il n’est pas nécessairement une preuve du viol (une preuve qui montre
qu’il y a eu viol mais qui ne détermine pas son auteur compte tenu de la formation
technique dans notre pays du médecin et des matériels appropriés à sa disposition).
La réquisition à médecin ou au psychologue permet de prendre en charge
médicalement et psychologiquement la victime.
La prise en charge médicale consistera à apporter à la victime les soins qui
conviennent à la lumière de l’examen médical. Tandis que la prise en charge
psychologique « consistera à faire disparaître les séquelles psychologiques, les
traumas et la dépression de la victime et à proposer une réparation psychologique à
la manière d’une thérapie de nature permettre à la victime de dépasser les
conséquences psychologiques » de l’acte de violence sexuelle (Cesoni et Rechtman,
2005 : 158).
Le rapport du médecin et du psychologue est un élément important pour les juges
dans l’évaluation les dommages-intérêts à allouer à la victime. Se référant à ces
rapports, le jugement allouant les dommages-intérêts est bien motivé. Et d’ailleurs, il
a été jugé que viole les droits de la défense, le jugement qui n’est pas motivé sur un
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chef relatif à l’allocation des dommages-intérêts accordés à une partie (C.S.J., RP 72, 6
février 1974, B.A., 1975 : 26). Ainsi en tant qu’instrument probatoire, l’expertise
constitue un instrument de légitimation (Génique, 2007 : 316) de la décision de
justice. C’est pourquoi Rangeon (2007 : 335) souligne que « la qualité de l’expertise
contribue directement à la qualité de la justice, alors qu’inversement une expertise
mal conduite peut déboucher sur de tragiques erreurs judiciaires ».
En dehors de cet aspect d’intérêts civils de la victime, le rapport médical et ou du
psychologue qui démontre que le rapport sexuel imposé a causé à la victime une
altération grave de sa santé et/ou a laissé de séquelles physiques et/ou
psychologiques graves, permet au juge de doubler le minimum de la peine. Et ceci
découle des articles 171 bis, point 8 du CPL II et 170 alinéa 2 point 3 de la loi portant
protection de l’enfant.
Le rapport du médecin et du psychologue étant un élément important dans
l’appréciation de la peine à appliquer et des dommages intérêts à allouer, les
magistrats ne demeurent plus souverains pour apprécier l’opportunité de les
requérir, bien entendu que le législateur en fait un devoir. Cependant, ce n’est pas
dans tous les cas de violences sexuelles que tous seront requis.
Par ailleurs, un rapport médico-légal établi sur base des devoirs requis à l’article 14
bis n’est pas un élément pouvant servir de culpabilité dans tous les cas. Car le but
visé est que la victime d’une agression sexuelle doit faire l’objet d’une prise en charge
médico-psychologique destinée à apprécier l’importance et la nature du préjudice et
à établir si celui-ci rend nécessaires des traitements ou des soins appropriés.

Bibliographie
Textes légaux et règlementaires

1. Arrêté d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement


intérieur des cours, tribunaux et parquets.

2. Loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier


1940 portant code pénal congolais, Journal Officiel 1er août 2006, n° 15.

3. Loi n° 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 06 août 1959


portant code de procédure pénale congolais, Journal Officiel 1er août 2006, n° 15.

4. Ordonnance n° 78/289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des attributions


d’officier et agent de police judiciaire près les juridictions de commun, Journal
Officiel du 1er août 1978, n° 15.

Jurisprudence

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la Cour suprême de justice, Kinshasa.
15

6. C.S.J., (1976), Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, Année 1975, Editions de
la Cour suprême de justice, Kinshasa.

Ouvrages et articles

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victimes », in SENON, J. et al., Psycho-Criminologie, Dunod, Paris, pp. 387-396.

9. CESONI, M., et RECHTMAN, R., (2005), « La ‘’réparation psychologique’’ de la


victime : une nouvelle fonction de la peine ? », in Revue de droit pénal et criminologie,
85ème année, n°2, pp. 133-158.

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11. GRUA, F. et CAYROL, N., (2011), Méthode des études de droit. Conseils pour le cas
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droit.

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pénale, Kinshasa, Presses Universitaires du Congo.

13. MICHIELS, O et FALQUE, G, (2013-2014) Procédure pénale, 2è édition, Notes


sommaires, Faculté de droit, Université de Liège.

14. RANGEON, F., (2007), « Sociologie des experts judiciaires : Nouveaux éclairages
sur un milieu mal connu », in Edwige Rude-Antoine (dir), Le procès, enjeu de droit,
enjeu de vérité, Paris, Presses Universitaire de France, pp. 323-339.

15. TSHOMBA HONDO et MUELA DIFUNDA, Guide d’expertise médico-légale en


matière de violences sexuelles, in http://www.cnom-rdc.org, consulté le 21 juillet
2012.

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