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Accueil # Valeurs africaines # Contributions Valeurs africaines # L’impératif d’un retour aux
valeurs ancestrales en vue du développement de l’Afrique
Depuis plusieurs décennies déjà, l’Afrique est présentée comme l’une des zones du
monde qui connaissent un retard en termes de développement. Les organisations
internationales ainsi que leurs experts accrédités pointent du doigt plusieurs
phénomènes tels que les insuffisances démocratiques, le déficit de gouvernance, la
persistance des conflits et la corruption.
Aujourd’hui, l’on peut aisément constater que la mondialisation est loin d’être un
rapport « gagnant-gagnant » entre l’Afrique et le monde occidental. Elle apparaît
plutôt comme le fil conducteur de « la dépersonnalisation des Africains ou
désafricanisation » à travers un processus d’assimilation culturelle que dénonçaient
Cheikh Anta Diop, Frantz Fanon et l’auteur camerounais Engelbert Mveng.
Après la célébration massive des indépendances factices accordées tant bien que mal
aux nouveaux États africains, la réalité brutale s’est révélée au grand jour : L’Afrique
noire avait effectivement pris un mauvais départ, comme l’avait relevé l’auteur
français René Dumont. L’envahisseur n’avait décolonisé qu’en paroles. Il demeurait là
à travers l’héritage colonial : éducation occidentale institutionnalisée, langues
étrangères devenues nationales, modèle occidental de gestion sociopolitique.
Contraints de s’approprier ces nouvelles valeurs léguées par les puissances coloniales,
les Africains ont, par la même occasion, provoqué leur mort culturelle. D’après
Engelbert Mveng, « Le processus de mise à mort culturelle est en effet un processus
de désappropriation, d’expropriation, d’aliénation et d’annihilation culturelle. Il est
partout l’œuvre de la domination étrangère et du colonialisme ». C’est ce que l’on
appelle communément « acculturation » ou « déculturation ».
Ce processus de mise à mort culturelle a conduit à la perte d’une identité propre aux
Africains. Les valeurs prônées par les royaumes et empires précoloniaux,
prédécesseurs des chefferies actuelles, se sont vues reléguées au second plan parce
qu’ « on ne voit pas l’utilité de connaitre l’histoire, la géographie, les traditions de son
milieu ». Au prix d’un ultime sacrifice culturel, on veut devenir moderne – laquelle
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modernité consiste à devenir un occidental typique – ; mais l’on réussit simplement à
être un « clochard culturel » dont la subsistance repose sur la dépendance à une
culture autre que la sienne.
Dans l’esprit de cette créature défaitiste des temps modernes, la nécessité d’un retour
aux sources africaines se présente plus comme une réalisation impossible qu’un
mensonge car l’on est habitué à vivre selon les règles du voisin et changer ces
habitudes semble être un effort surhumain, surtout lorsqu’on est convaincu que des
fléaux tels que « la domination des hommes, la marginalisation des femmes, la non
prise en compte des droits de l’enfant (…) font partie de nos cultures et c’est grâce au
contact avec le reste du monde que nous nous sommes rendus compte de leur
barbarie » (Béfoune).
Ceux qui prennent pour argent comptant de telles considérations véhiculées par
l’intelligentsia dominante ignorent par exemple que le royaume du Dahomey avait
consacré le principe de parité homme-femme dans son fonctionnement bien avant le
mouvement féministe.
Parler de « valeurs africaines » ne revient pas à dire que l’Afrique est uniforme.
D’ailleurs, nous employons l’expression « sociétés africaines » pour montrer que
l’Afrique est diverse. Cependant, l’on peut relever des similarités dans l’organisation
sociopolitique des différents groupes ethniques qui la composent. Notamment, l’on
peut constater que cette organisation sociopolitique repose sur la primauté de la
communauté sur l’individu.
Par exemple, le système de gouvernance dans les sociétés précoloniales reposait sur
« l’arbre à palabres », une institution qui « constitue le vecteur essentiel du dialogue
social. Elle constitue un moyen d’adoption des décisions importantes et un mode de
résolution des conflits ». Dans son autobiographie, Nelson Mandela précise que tous
les citoyens y prenaient part sans distinction de classe sociale et de sexe. C’est à
travers elle que les individus s’exprimaient et participaient à la vie sociopolitique de
leurs communautés.
En outre, nous devons admettre qu’il est important de se défaire de certaines valeurs
qui nous confinent dans cette situation de sous-développement. Effectivement,
comme le précise la Charte africaine de la Jeunesse en son article 20, il est de notre
devoir d’ « éliminer toutes les pratiques traditionnelles qui portent atteinte à l’intégrité
physique et à la dignité de la femme » telles que l’excision. Toutefois, nous devons «
reconnaître et valoriser les croyances et les pratiques qui contribuent au
développement ». Nous disons qu’il est même impératif de placer ces valeurs
socioculturelles africaines au centre de notre vision du monde.
Nous disons qu’il est même impératif de placer ces
valeurs socioculturelles africaines au centre de notre
vision du monde.
L’afrocentricité est une théorie du changement social qui voit le jour dans les années
80 sous la plume de l’historien et philosophe afro-américain Molefi Kete Asante et qui
donne une réponse à la question suivante : « Si l’on est Africain, pourquoi devrait-on
percevoir la réalité autrement que du point de vue africain ? ». Elle est une
perspective qui permet à l’Africain de replacer l’Afrique au centre de sa vision du
monde et de se détacher ainsi du référentiel occidental. Comme l’affirme le professeur
originaire de la Guadeloupe Ama Mazama, « l’afrocentricité est l’une des réponses
forgées par les Africains afin de remédier à la situation de dépendance dans laquelle
nous nous trouvons, en dépit d’une indépendance nominale ».
Mais cet impératif nous invite à puiser au plus profond de nos traditions particulières
l’essence de notre développement. Selon l’écrivain américain Molefi Kete Asante, « Il
s’agit de l’Afrique qui s’affirme intellectuellement et psychologiquement, cassant les
chaînes de la domination occidentale sur nos esprits, afin que nous puissions nous
libérer dans tous les domaines ». La libération de cet esclavage mental nous
permettra de faire le tri dans nos échanges avec l’Occident et de mettre sur pied un
modèle de développement qui place l’Africain au centre de sa perspective.
L’Histoire nous montre que le processus d’évolution résulte d’un échange et d’un
partage d’idées comme ce fut le cas dans l’Antiquité lorsque les Grecs se sont inspirés
des Égyptiens. Elle nous montre également que l’impérialisme et la déshumanisation
d’un groupe par un autre à travers le processus d’aliénation culturelle a toujours
conduit à des dérives qui freinent la création d’un monde sain.
Alice Malongte
Alice Malongte est une Camerounaise dont la passion pour l’Afrique est
visible à travers son blog “L’Afrique, vue par Alice“. Elle est titulaire du
Master des Hautes études européennes et internationales obtenu au
Centre international de formation européenne (CIFE).
Sources :
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