La Face Cachée de L'Onu

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Michel Schooyans

Professeur émérite
de l'Université de Louvain

LA FACE CACHÉE
DE L'ONU

Le Sarment
Paris - 2000
Liste des sigles

AMI
Accord Multilatéral sur les Investissements
CPI
Cour pénale internationale
ECOSOC
Conseil économique et social des Nations Unies (New York)
FAO
Food and Agricultural Organization (Rome)
FNUAP
Fonds des Nations Unies pour la Population (New York)
ILO
Organisation internationale du Travail (Genève)
IPPF
International Planned Parenthood Federation (Londres)
NAMBLA
North American Man/Boy Love Association
OCDE
Organisation de Coopération et de Développement Économique (Paris)
OMS
Organisation mondiale de la santé (Genève)
ONG
Organisations non gouvernementales
ONU
Organisation des Nations Unies (New York)
PNUD
Programme des Nations Unies pour le Développement (New York)
UNESCO
Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture (Paris)
UNICEF
Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (New York)
UNIDO
Organisation des Nations Unies pour le Développement industriel
Table des matières
Liste des sigles

Introduction - L'ONU et ses « Lumières »

D'un despotisme à l'autre


Quels Droits de l'Homme ?
Les « Lumières » de l'ONU

Première partie

L'EMPIRE DU CONSENSUS

Chapitre I - Droits de l'Homme et démocratie


La démocratie formelle
L'étude comparée des institutions
Un autre débat

Les Droits de l'Homme dans la tradition réaliste


L'apport médiéval
Le service des personnes
L'apport moderne

Le patrimoine commun de l'humanité


Universalité et cohésion
La part de l'historicité

Une « culture des Droits de l'Homme »


Solidarité et efficacité
Un aiguillon puissant aujourd'hui contesté

Chapitre II - Consensus et majorité, ou d'une tyrannie à


l'autre
La « tyrannie du consensus »
Kant et l'Illuminisme
Le consensus : une escroquerie sémantique
La « tyrannie de la majorité »
La « sainteté » civile des lois
Le paradoxe de la majorité

La vision holistique du monde et de l'homme


La cohésion précaire
Le naufrage des devoirs
L'homme dans la réalité du tout

Chapitre III - L'ONU confrontée à ses origines


Gardienne des Droits de l'homme ?
Passer à la vitesse supérieure ?
La démocratie impossible
Nations et États : débilités
Les passions comme valeurs
De la violence individuelle à la violence institutionnelle

Chapitre IV - La Charte de la Terre et l'impératif écologique


L'origine de la Charte
Un accouchement laborieux
Un nouveau dialogue

Extraits du brouillon
Préambule
Principes

L'idéologie de la Charte
Un « remake » de l'évolutionnisme
Le blanc-seing de l'ONU

Chapitre V - Les droits contre le Droit


De l'individualisme à l'absolutisme
Quelle Cour criminelle internationale ?
La Déclaration des défenseurs des « nouveaux droits »
AMI, vraiment ?

Chapitre VI - De la tolérance à l'inquisition laïque


Tolérance et violence
De la tolérance doctrinale à l'intolérance civile

Un rationalisme anti-chrétien
Chapitre VII - Pékin+5 : Une histoire de grain de sable
Les acteurs en présence
Délégués et fonctionnaires
Les féministes radicales
Opposants au « colonialisme sexuel »
Le Saint-Siège : réalisme et vérité

Un bilan prometteur ?
Quelles surprises ?
La force de la prière et de la vérité
La guerre continue

Chapitre VIII - Le Millenium de tous les périls


Le rapport Nous, les Peuples
Un document programmatique
L'incorporation au système légal international

Le Forum du Millenium

Le Pacte mondial
L'appel au secteur privé
Vers une « coalition globale »

Le Sommet des leaders spirituels et religieux

Le Sommet du Millenium
Des activités parallèles fébriles
Le Sommet des chefs d'État

Vers une concentration de pouvoir sans précédent

Chapitre IX - L'Europe arnaquée et fière de l'être


La « terreur blanche »
L'Europe, complice et victime
Une arnaque idéologique

Le radicalisme européen
La grogne bruxelloise
La Charte des Droits fondamentaux
Avis aux récalcitrants
Le messianisme internationaliste

Chapitre X - Le Droit, « légitimation » de la violence


L'auto-libération de l'homme

Le refus de la finitude
La mort et la guerre
Le vertige de l'autodestruction

Deuxième partie

VERS LA GOUVERNANCE MONDIALE

Chapitre XI - Kelsen à l'ONU


La théorie « pure »
Un rationalisme intégral
Réduction et dissolution
La norme
La coutume et le consensus

La Pyramide de l'ordre juridique


Un système de normes
Le symbolisme pyramidal
La norme fondamentale

Chapitre XII - Le droit étatique et le droit international


Vers l'État mondial
Inversion du principe de subsidiarité
La dissolution de l'État

Chapitre XIII - Un système de contrôle mondial


Une théorie du pouvoir
Pas de place pour les Droits de l'Homme
Un totalitarisme sans visage

Un système policier
Jurisprudence et bureaucratie
Détournement de sens
La maîtrise de la vie

Chapitre XIV - La vengeance du réel


Les États satellisés
Une entourloupette sophistique
Un manifeste anti-nations

Troisième partie

LE DISSENTIMENT CHRETIEN

Chapitre XV - L'ONU : quelle estime pour la vérité ?


La contagion mimétique
Imiter la violence
L'innocent coupable

L'ONU contre l'Église


Les droits négociés ?
Vers l'agnosticisme intolérant

Les jours comptés du totalitarisme laïc


Bâtie sur le sable : l'ONU
Un écran pour les échecs ?
La conversion à la vérité

Chapitre XVI - L'ONU contre la famille


Présentation de la famille
Une réalité sociale nouvelle
Amour et fécondité
Dissocier procréation et union ?

La famille à l'épreuve de l'État


Quelques causes
Du « désengagement » de l'État à l'exclusion
Flash sur les « fragilités nouvelles »

La famille à l'épreuve de l'ONU


Le piège des soi-disant « nouveaux droits »
Une culture anti-famille

Chapitre XVII - La famille : un gisement de valeurs


La plus petite démocratie
Contrôler l'affectivité
De la fraternité à la solidarité
Une réalité naturelle qui persiste à s'affirmer

La famille et le capital humain

Le devoir et l'intérêt de l'État


Protéger la famille
Une valeur d'avenir

Chapitre XVIII - L'Église : signe de division


La liberté inventive de l'amour
Face à l'imposture, le témoignage efficace

Annexes

Annexe I : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948


Annexe II : Un texte de René Cassin
Annexe III : Figures triangulaires
Annexe IV : Charte des Droits fondamentaux de l'Union européenne

Bibliographie

Liste des sites électroniques

Remerciements

Ouvrages du même auteur


Introduction

L'ONU et ses « Lumières »

Toutes les grandes révolutions se sont faites contre le pouvoir absolu,


arbitraire et tyrannique. Toutes se sont faites au nom de la dignité de
l'homme, que des puissances despotiques bafouaient.

Tous les grands documents déclarant les droits de l'homme sont le


fruit d'une prise de conscience progressive de la dignité inaliénable de
tous les hommes et tous, cependant, sont nés au prix de beaucoup de
souffrances et de beaucoup de larmes.

D'un despotisme à l'autre

Ainsi, l'histoire moderne a connu le despotisme éclairé. Le despote


prétendait avoir le privilège de jouir des lumières de la Raison,
inaccessibles au commun des mortels. Sa volonté était la source de la
loi. Son pouvoir était absolu : il n'avait point de compte à rendre au
peuple.

Héritières misérables de ces despotismes sont certaines dictatures


dérisoires qui fleurissent à l'époque contemporaine. Elles règnent par
la terreur simple, la corruption, la concentration de tous les pouvoirs,
le cynisme et la brutalité. Despotisme précaire que celui-ci, puisqu'il
peut à tout moment être renversé.

Le despotisme survit aussi dans les régimes autoritaires. Dans ceux-ci,


le « despote » — concrètement : un individu ou une minorité — a la
hantise de sa sécurité face à un ennemi désigné. Quelques havres de
liberté subsistent parfois dans la vie économique, plus rarement dans
la vie intellectuelle et culturelle, mais il est interdit d'exprimer une
quelconque opposition politique. Le régime autoritaire favorise
l'hypocrisie : dans votre for intérieur, vous pouvez penser ce que vous
voulez ; il suffit de ne pas être opposant, d'avoir l'échine souple. Bref,
ce qui est requis c'est la soumission extérieure.

Dictatoriaux ou autoritaires, ces régimes despotiques ne


s'embarrassent guère de constructions idéologiques compliquées pour
se justifier. Pourvu qu'ils aient la force, qu'ils ne regardent pas aux
moyens, qu'ils n'hésitent pas à recourir à la violence, qu'ils aient une
police efficace, ils n'ont guère besoin de se fabriquer des légitimations.
Toute coquetterie idéologique est ici pratiquement superflue.

Au XXe siècle, le totalitarisme a poussé le despotisme classique —


dictatorial ou autoritaire — à son point d'incandescence. Ce qui n'était
que despotisme minable ou artisanal, et donc souvent éphémère, cède
la place à un despotisme d'un professionnalisme haut de gamme.

Les trois premiers totalitarismes du XXe siècle — communisme,


fascisme, nazisme — ont dès à présent pris place au panthéon des
classiques de la perversité. Bien sûr, on recueille les recettes du passé :
abus de pouvoir en tout genre, violence, goulags, terreur, répression,
suspicion, corruption, etc. Quelque chose de plus est cependant ajouté.
Non un simple ingrédient supplémentaire, mais quelque chose
d'essentiel.

Le totalitarisme résulte du funeste concours, de la convergence entre


la tendance quasi générale à accepter volontairement la servitude et
l'offre de produits idéologiques du meilleur effet domesticateur. La
dictature, l'autoritarisme : on les supporte, on s'y oppose ; le cas
échéant, on s'insurge contre eux. Le totalitarisme, lui, anesthésie le
moi, subjugue les corps, colonise les esprits et fait scintiller les
charmes de l'esclavage consenti. L'idéologie est la drogue qui tue la
capacité de discerner le vrai du faux, le bien du mal, et qui inocule un
ersatz de vérité, habituellement sous forme d'utopie.

Quels Droits de l'Homme ?

Au terme d'une triple expérience totalitaire, les hommes ont eu la


sagesse de se ressaisir. Ils ont posé la question essentielle : pourquoi ?
Pourquoi tant de violence, de méchanceté, de larmes ? La réponse fut
donnée en 1948 dans la Déclaration universelle des Droits de
l'Homme. Pour éviter de tels désastres, les hommes devaient
reconnaître qu'ils étaient tous égaux en dignité, qu'ils avaient tous les
mêmes droits, et que ces droits devaient être promus et protégés par
les États et par la Communauté internationale. C'est sur cette base que
se trouvent définies la responsabilité de l'ONU en matière de droits de
l'homme, ainsi que sa mission de paix et de développement.
Il est cependant surprenant de constater que, depuis quelque
cinquante ans, l'ONU s'est progressivement éloignée de l'esprit de ses
origines et de la mission qui lui avait été confiée. Cette évolution s'est
faite, en partie, sous l'influence de la Charte de San Francisco (1945).
Parfois sur des points essentiels, mais trop rarement relevés, ce
document fondateur de l'ONU diffère de la Déclaration de 1948. Pour
faire bref : la Charte de 1945 doit beaucoup au positivisme juridique :
seules valent les règles du droit positif, émanant de la volonté du
législateur ; la Déclaration de 1948 se fonde, elle, sur des principes
généraux reposant à leur tour sur la nature des choses. Ces principes,
métajuridiques, sont connus par la raison et permettent de critiquer la
loi positive. Sous l'influence de cette dualité d'inspiration, mais aussi
sous celle de nombreux autres facteurs, la Déclaration de 1948 tend
imperceptiblement à être réduite à un document ringard et dépassé.
Cette Déclaration, et les législations particulières que celle-ci a
inspirées, sont de plus en plus coiffées par d'étranges « nouveaux
droits de l'homme ». L'ONU et certaines de ses agences se comportent
en effet de plus en plus ouvertement comme si elles avaient reçu
mandat pour élaborer une conception des droits de l'homme
radicalement différente de celle qui s'exprimait en 1948.

La Déclaration universelle était anthropocentrique. Elle reconnaît


qu'au centre du monde et au cœur du temps il y a l'homme,
raisonnable, libre, responsable, capable de solidarité et d'amour.
Désormais — selon l'ONU — l'homme est une parcelle éphémère dans
le cosmos. Il n'est plus au cœur d'un temps ouvert à un au- delà ; il est
le produit d'une évolution ; il est fait pour la mort. Il n'est plus une
personne, mais un individu plus ou moins utile et en quête de plaisirs.
Les hommes ne sont plus capables de reconnaître la vérité et d'y
accorder leur conduite ; ils négocient, décident selon une arithmétique
des intérêts et des jouissances. Triomphe éphémère de consensus
toujours renégociables et dès lors perpétuellement en sursis.

Telle est la source principale des soi-disant « nouveaux droits de


l'homme ». Ils ne sont plus reconnus ou déclarés ; ils sont négociés ou
imposés. Marchandés. Ils sont l'expression de la volonté des plus forts.
Les valeurs elles-mêmes sont le simple reflet des préférences, de la
fréquence des choix.

L'idéologie nouvelle qui sous-tend ces soi-disant « nouveaux droits »


est holistique. Tout est dans tout : l'homme n'a de réalité qu'en raison
de son insertion dans la Terre-Mère, Gaïa, qu'il devra révérer.
L'homme doit donc accepter les contraintes que lui impose un
écosystème qui le transcende. Il faudra qu'il accepte une technocratie
supranationale qui, s'inventant des Lumières, dictera aux États ce
qu'ils doivent faire, et aux individus ce qu'ils doivent penser.

Dans ce bric-à-brac holistique hallucinant, chaque thème renvoie à


tous les autres comme dans un jeu de miroir. Qu'on en juge : lorsqu'on
parle de pauvreté, on est renvoyé à la population, et de là au «
développement durable », de là à l'environnement, de là à la sécurité
alimentaire, de là à la « santé publique » où la santé du corps social
l'emporte sur celle des personnes, de là à l'euthanasie, de là à de
nouvelles formes d'eugénisme, de là au féminisme radical, de là au «
genre », de là à la famille, de là à la « santé reproductive », de là à
l'avortement, de là aux soins de santé primaires, de là à l'éducation
sexuelle, de là aux « nouveaux droits de l'homme », de là à
l'homosexualité, de là au désamorçage des objections pouvant émaner
de gouvernements nationaux divergents, de là à la dénonciation des «
nouvelles formes d'intolérance », de là à de nouveaux tribunaux, de là
au renforcement du rôle et des pouvoirs de l'ONU, de là aux
changements des législations nationales, de là à l'augmentation des
moyens dont disposent les agences internationales, de là au
conditionnement de l' » aide », de là à l'association de certaines ONG
aux programmes des agences de l'ONU, de là à la consolidation du
consensus, de là à la nécessité d'urger le « respect des engagements »,
de là à l'occultation des nombreuses réserves émises par les
participants aux conférences, de là à la nécessité d'un groupe de travail
qui coordonnera partout les actions sur le terrain, de là à la mise sous
tutelle d'États souverains sous prétexte de lutter contre la pauvreté et
en fait pour contrôler la croissance de la population, etc. : nous
sommes au rouet. C'est comme dans le Canon de Pachelbel ou dans la
Lambada : on peut y entrer à n'importe quel moment et par n'importe
quelle porte. Le maillon que l'on choisit pour s'engager dans cette
chaîne n'a pas plus d'importance que l'ordre selon lequel les modules
sont disposés ; les thèmes s'enchevêtrent comme des ensembles et des
sous-ensembles. Holisme oblige : vraiment, tout est dans tout.

Les « Lumières » de l'ONU

Nous allons entrer dans ce bazar par la porte des soi-disant «


nouveaux droits de l'homme ». Nous serons vite amenés à constater
que, par ce thème, l'ONU est en train de subvertir les communautés
nationales et internationales. Plus grave encore : elle veut
déprogrammer l'homme et le reprogrammer. Convaincue d'être
porteuse de nouvelles Lumières, l'ONU a pris la tête d'une entreprise
de domestication idéologique sans précédent. L'agent principal de
cette entreprise insidieuse, c'est le Fonds des Nations Unies pour la
Population (FNUAP) dont le cynisme communicatif déteint sur toute
l'Organisation[1]. Cette agence entraîne toute la machine onusienne
dans l'entreprise totalitaire la plus délirante de l'histoire.

Dans son rapport annuel sur L'État de la Population mondiale 1998[2],


cette agence funeste doit bien concéder que la fécondité tend à chuter
partout. Cela ne l'empêche cependant pas de réchauffer son fricot
habituel selon lequel il y a trop de Noirs, trop de Jaunes, trop de
Latino-Américains, trop de pauvres inutiles, et qu'au nom des soi-
disant « nouveaux droits de l'homme » il faut mettre bon ordre à tout
ça. Si rien n'est fait, de tels programmes de discrimination manifeste
finiront tôt ou tard par entraîner l'ONU à sa confusion et à sa perte.
Nous avons déjà consacré plusieurs travaux aux thèmes ici abordés. La
particularité de la publication que voici est de montrer comment tous
ces thèmes s'articulent autour de deux pôles : le holisme, qui entend
faire échec à l'anthropocentrisme traditionnel, et les soi-disant «
nouveaux droits de l'homme », issus par consensus d'une arithmétique
individualiste des intérêts et des plaisirs. Cet accouplement du holisme
et de l'individualisme donne lieu à la formation, sous nos yeux, d'une
idéologie hybride monstrueuse. Le holisme, en effet, pousse à son
paroxysme la dérive totalitaire du socialisme. Quant à
l'individualisme, il pousse à son paroxysme la dérive totalitaire du
libéralisme.

Le drame, c'est que cette subversion, à la fois anthropologique, morale


et politique, ne soit guère perçue. Le premier objectif du présent
ouvrage est d'ouvrir les yeux face à ce totalitarisme sournois, qui,
procédant à petit pas, est déjà solidement implanté et entend
s'imposer à l'horizon du nouveau millénaire. Le deuxième objectif est
de proposer une parade à cet abus de pouvoir, à cette démesure de
l'ONU. Dans cette parade, un rôle primordial échoit à la famille. Cible
de choix des idéologues des soi-disant « nouveaux droits de l'homme
», la famille brille ainsi comme un signe d'espérance dans un monde
qui décidément a besoin de réapprendre à aimer.
Première partie

L'EMPIRE DU CONSENSUS
Chapitre I

Droits de l'Homme et démocratie

L'année 1998 a été marquée par le cinquantième anniversaire de la


Déclaration universelle des Droits de l'Homme, adoptée et proclamée
à Paris le 10 décembre 1948. Pour bien comprendre l'importance de ce
document, il faut le situer dans la tradition dont il est le plus beau
fleuron, dégager la signification et la portée des principes qui y sont
énoncés, dévoiler les détournements de sens mettant en péril ce texte
majeur et enfin alerter sur les conséquences dramatiques auxquelles
peut conduire la conception des « nouveaux droits de l'homme »
présentés sous la bannière de l'ONU.

Dans cette analyse, nous nous placerons avant tout du point de vue de
la philosophie politique.

Avant de développer ces points, rappelons qu'au niveau européen, la


Déclaration a donné lieu, dès le 4 novembre 1950, à la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Ce texte reprend
des droits fondamentaux déclarés en 1948, y compris ceux relatifs à la
famille. Mais il s'agit à présent d'un document de droit positif, que la
Cour européenne des droits de l'homme, dont le siège est à Strasbourg,
est appelé à faire respecter[3].
LA DÉMOCRATIE FORMELLE

L'étude comparée des institutions

Les études sur la démocratie sont fréquemment caractérisées par le


souci de comparer les mérites de différents régimes. Selon des critères
variables, on établit des typologies et on ébauche un palmarès
couronnant les régimes censés être plus démocratiques que d'autres.
Pour arriver à établir cette classification, on recourt à certains
paramètres qu'on analyse et que l'on jauge. On distingue par exemple
démocratie directe ou indirecte, présidentielle ou parlementaire. On
tient compte de l'origine du pouvoir, de la définition de l'électeur et de
l'extension de cette notion, du type de suffrage, du mode d'élection, de
la représentation des élus, de la constitution, du mode de désignation
des gouvernants, des contrôles exercés sur eux, de la façon de rendre
la justice, du choix et de l'indépendance des juges, du poids de
l'opinion publique ou des groupes de pression, du respect des
minorités, de la séparation des pouvoirs, de la liberté d'expression et
de mouvement, etc.

Tous les manuels décrivant la société et les institutions grecques


mentionnent certes l'esclavage mais s'empressent aussitôt de célébrer
la démocratie athénienne. Jusqu'à l'époque contemporaine, des
régimes incontestablement totalitaires se sont efforcés de se donner
des constitutions ou des lois répondant à certains critères de la
démocratie formelle.

Un autre débat

Cependant, ainsi que Marx et Tocqueville l'ont remarqué — chacun à


sa façon, il est vrai — la démocratie formelle, coulée dans des
institutions, ne permet pas de préjuger de l'aloi démocratique d'une
société, même là où, à la fois par pléonasme et par antiphrase, cette
même société s'auto-qualifie de démocratie populaire.

L'étude comparée des institutions est donc utile et indispensable, mais


elle présente un intérêt limité pour l'analyse de ce qui est essentiel à la
démocratie. Il en va du reste de même dans d'autres domaines :
l'analyse comparée des législations sociales ne permet pas de préjuger
des services sociaux effectivement disponibles dans les sociétés que
l'on compare.
Ces études comparées portant sur les modèles institutionnels de
démocraties continuent, à juste titre, à passionner les chercheurs.
Cependant, un débat peut en cacher un autre. Sans toujours être
mesuré à sa juste importance, un débat nouveau, considérable, se
déroule actuellement ; il porte sur les rapports entre démocratie et
droits de l'homme. Ce débat se reflète surtout dans la pratique
politique, diplomatique et juridique, à l'intérieur des nations et plus
encore sur la scène internationale. Il donne lieu également à une
thématisation discrète, peu perçue dans le grand public, mais dont les
enjeux sont capitaux.

Les droits de l’homme dans la tradition réaliste

Dans sa forme contemporaine, ce débat est issu de la Seconde Guerre


mondiale. La Charte de San Francisco (1945), dans une mesure
réduite[4], et très nettement, la Déclaration universelle des Droits de
l'Homme (1948), ont voulu bâtir la paix intérieure des nations, la paix
mondiale et le développement sur du roc.

Ces documents sont largement tributaires des héritages aristotélicien


et stoïcien, qui soulignent le rapport entre l'amitié et la justice, et de
l'héritage romain, qui distingue le licite et l'honnête[5]. Ce n'est pas le
lieu d'évoquer dans le détail ce long parcours historique. Cependant, il
convient de souligner que la Déclaration de 1948 s'inscrit dans le droit
fil de cette riche tradition. Rappelons que, très tôt, les juristes romains
ont admis une distinction nette entre les hommes et les choses.
Curieusement, là aussi, c'est la réflexion sur l'expérience de la guerre
qui fait progresser le droit. En effet, dans la mesure où l'esclavage est
considéré comme un produit de la guerre, l'esclave tend à être reconnu
comme un être humain : nul ne naît esclave. On relève ici l'influence
du stoïcisme, qui considérait que les hommes sont libres et égaux[6].

En outre, la Déclaration de 1948 a surtout réactivé les meilleurs acquis


de la tradition du Droit naturel. Cette tradition, déjà honorée par
Cicéron[7], comporte deux contributions majeures et successives :
l'une, médiévale, l'autre, moderne. Ces deux traditions se caractérisent
par un réalisme commun : l'homme ne se prouve pas ; il existe et est
sujet de droits antérieurement aux institutions politiques et
juridiques[8].

L'apport médiéval

Selon la tradition médiévale, ces droits sont liés à la nature de


l'homme, être unique dans le monde, puisqu'il est le seul être créé à
participer à l'existence de Dieu sur le mode de la personne. Qu'il soit
une personne signifie qu'il est un être individuel, subsistant doué
naturellement de raison et de volonté libre, capable d'activité réflexive.
Cette conception de la personne colle tellement à la réalité de l'homme
qu'elle sera reprise, par-delà la tradition médiévale, par Descartes et
par Locke.

C'est de sa dignité intrinsèque que l'homme tire ses droits


fondamentaux à la vie, au jugement personnel, à la décision libre, à la
propriété, à la liberté de s'exprimer, de s'associer, de fonder une
famille, etc. La sociabilité humaine n'est pas simplement utilitaire ni
encore moins purement instinctive ; elle n'est pas réductible à une
simple complémentarité. Elle est la conséquence naturelle du fait
qu'étant tous doués de raison et de volonté, les hommes peuvent
discerner le vrai du faux, le bien du mal, s'entendre, dialoguer,
délibérer, coopérer : « Préférer la parole à la guerre », comme devait
écrire Levinas[9]. Les hommes sont capables de découvrir ensemble
certaines vérités concernant leur vie et leur mort, et d'en tenir compte
dans leur conduite. Ils sont capables de vivre vertueusement, et en
particulier de pratiquer la vertu de justice. Celle-ci est essentielle dans
les relations entre les personnes, et dans les relations entre les
personnes et la société. Bref, si les hommes ont des droits et des
devoirs, ce n'est pas en raison du fait qu'ils sont des individus ; c'est en
raison du fait qu'ils sont tous des personnes[10].

Dans cette vision éminemment réaliste, les droits de l'homme ont donc
d'emblée une portée universelle : dès qu'un être humain existe, il a
droit à ce que lui soit reconnue la même dignité que celle de tous les
autres êtres humains.

Le service des personnes


Cette conception du fondement des droits de l'homme est consolidée
par la doctrine complémentaire de la destination universelle des biens.
Les biens du monde sont à la disposition de toute la communauté
humaine. Le droit de propriété privée a donc ses limites. L'affamé qui
chipe un pain ou la pauvresse qui chaparde un médicament pour son
enfant mourant ne doivent pas être excusés de voler, car ils ne volent
pas ; ils exercent le droit primordial à la vie, droit qui l'emporte sur le
droit d'autrui à l'appropriation privée. Ce dernier droit est en effet
limité et surplombé par le droit de tous les hommes à la vie. Il y a donc
une hiérarchie dans les droits de l'homme ; la clé de voûte de cet
ensemble structuré et indivisible, c'est le droit à la vie, le droit de
disposer de soi.

De ces prémisses découle une conception précise de la société


politique. Celle- ci doit être au service des personnes et des
communautés de personnes ; son rôle doit être « subsidiaire »[11]. Elle
doit aider les personnes à s'épanouir, ce qui ne peut se faire sans le
respect des familles — premier lieu de socialisation — , des corps
intermédiaires et notamment de la nation. Cette dernière, en
particulier, doit être respectée, car la nation est un creuset privilégié
où s'édifient des cultures dont se nourrissent les personnes et les
familles.

Un des premiers à tirer parti de la conception médiévale du droit


naturel et de l'universalité des droits de l'homme fut Francisco de
Victoria ; il en fit, dès le XVIe siècle, la base de l'internationalisme.
Hélas, sa conception n'était pas à l'abri de toute critique. Car
précisément Victoria inversait l'ordre naturel des choses. À force de
vouloir légitimer la colonisation espagnole, et de le faire à partir de la
destination universelle des biens, il oubliait que le droit à
l'appropriation des biens, par les Espagnols, était subordonné aux
droits primordiaux des Indiens à la vie et à la liberté.

On observe donc un paradoxe. Stimulés par la conception chrétienne


de la personne, les théoriciens médiévaux du droit naturel avaient
dégagé de façon flamboyante le fondement des droits de l'homme, leur
caractère inaliénable, leur extension universelle. Mais ils l'ont fait dans
un contexte où les institutions ne répondaient guère aux critères de la
démocratie formelle. À l'inverse, Athènes, qui répugnait au modèle
spartiate, s'était donné des institutions formellement démocratiques.
Mais, paralysée par une anthropologie déficiente (en raison de sa
subalternation à la cosmologie), elle échoua à élaborer une conception
valable de la personne, à dégager les droits inaliénables de celle-ci, à
montrer qu'elle s'étendait aux esclaves aussi bien qu'aux maîtres.

L'apport moderne

À l'époque moderne, la réflexion sur les droits de l'homme est reprise


pas les jusnaturalistes, tels Grotius et Pufendorf. Pour eux, l'homme
n'est pas l'individu autonome tel qu'il était conçu par Hobbes et
qu'exaltera l'Illuminisme. Même si les jusnaturalistes les plus célèbres
ouvrent la voie à l'absolutisme éclairé, ils considèrent encore que
l'homme est une personne, un être raisonnable certes, mais dont la
liberté individuelle est limitée par les droits des autres personnes.

Cependant, lassés par les Guerres de Religions, déçus par la décadence


d'une certaine scolastique mais ignorant l'existence de la riche
philosophie politique espagnole, impressionnés enfin par les méthodes
nouvelles mises en œuvre par les savants physiciens, les
jusnaturalistes, tels Grotius et surtout Pufendorf, veulent la raison
pour seul maître. Ils observent la société ; ils analysent la nature de
l'homme, confirment son appetitus societatis, sa sociabilité naturelle.
La raison leur permet de connaître le droit naturel, d'en faire la base
de l'internationalisme chez Grotius ; la base du droit civil chez
Pufendorf. Locke, qui se démarque d'eux à plus d'un égard,
proclamera qu'en entrant en société civile l'homme ne perd pas les
droits, inaliénables, qu'il avait dans la société de nature.

Cette conception moderne du droit naturel et, avec celui-ci, des droits
de l'homme, présente donc une réelle parenté avec la conception
médiévale. Cette parenté est même illustrée par la fidélité
fondamentale de Descartes, de Locke et même de Barbeyrac à la
conception traditionnelle de la personne : l'homme est conscient de
soi, raisonnable, libre au sens de doué de libre arbitre[12].

Cette conception du droit naturel et des droits de l'homme se détache


cependant de la conception traditionnelle sur un point essentiel.
Constatant, après Jean Bodin, que les références à Dieu étaient
sources de guerres, Grotius et, dans sa foulée, Pufendorf sèvrent le
droit naturel, et par conséquent les droits de l'homme, de tout lien à
Dieu. On sait que cette lecture est retenue par la Déclaration de
1948[13]. Chez d'autres auteurs, ce lien sera maintenu — parfois, il est
vrai, du bout des lèvres — mais Dieu n'aura plus d'impact réel dans
la réflexion sur les droits. Grotius et d'autres croiront trouver dans la
mise entre parenthèses méthodique de Dieu la meilleure sauvegarde
pour la paix civile et la paix entre les nations.

Il n'en reste pas moins qu'en dépit de cette divergence, les deux Écoles
du droit naturel, la médiévale et la moderne, vont alimenter toutes les
grandes déclarations de droits et, par là, toutes les démocraties
libérales modernes puis contemporaines. Cette double tradition a
imposé l'idée selon laquelle les droits de l'homme doivent être
proclamés et que cette proclamation est le pré-requis logique de toute
société démocratique[14].
LE PATRIMOINE COMMUN DE L’HUMANITÉ

Universalité et cohésion

La Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948 est le point


d'aboutissement le plus remarquable de cette évolution, qui passe
entre autres par l'Habeas corpus (1628, 1679), le Bill of Rights (1689),
par la Déclaration d'Indépendance (1776), par la Déclaration des
Droits de l'Homme et du Citoyen (1789). Mais ce qui, à ces époques
anciennes, était perçu comme la conquête de sociétés particulières, est
désormais reconnu comme le patrimoine commun de toute
l'humanité[15]. Quant à la mise en œuvre de ces droits, elle est perçue
comme la meilleure parade contre le retour de la barbarie.

On observe aussi une amplification dans les différentes déclarations.


Les premières dégagent les droits de groupes limités : barons,
bourgeois, propriétaires, citoyens puis citoyennes, enfin tous les
membres de la communauté humaine sans exception, même les
apatrides.

Désormais est faite une découverte majeure : les droits de l'homme


sont universels. Cela signifie qu'ils transcendent les régimes, les
Nations, les États, les gouvernements, les partis, les corps
intermédiaires, les individus. Bien plus, c'est par leur universalité que
les droits de l'homme procurent l'unité à la société — jusques et y
compris mondiale — et en assurent ainsi la cohésion et la durée. Ce
sont les droits de l'homme qui font de ce qui pourrait n'être qu'une
société d'intérêts une communauté de personnes de même dignité.

La part de l'historicité

En outre, les documents déclarant les droits de l'homme ne sont plus


seulement le résultat de la réflexion des philosophes, des théologiens,
des juristes. Ils sont aussi le fruit d'expériences historiques réalisées
dans des contextes divers. Ces expériences font peu à peu l'objet d'une
thématisation systématique, c'est-à-dire d'une réflexion, par les
philosophes, les théologiens, les juristes. Que ces droits de l'homme
soient universels, voilà qui apparaît comme une découverte,
historique, certes, mais qui s'impose d'emblée comme un acquis
définitif pour toute l'humanité[16].

Cette historicité des droits de l'homme ne signifie donc pas que ceux-ci
soient relatifs à une situation ou à une culture particulières. Cela
signifie qu'il s'agit, dans l'ordre moral, juridique et politique, d'une
découverte surgissant, bien sûr, dans le temps et l'espace, mais offerte
d'emblée à tous[17]. De ce point de vue, cette découverte peut se
comparer à la découverte du feu ou de l'électricité, dans les domaines
technique et scientifique, ou, dans le domaine esthétique, à la
découverte du beau, que ce soit à Borobudur ou dans l'œuvre de
Chopin. Tous ces acquis sont, d'emblée et définitivement, offerts à
l'ensemble de la communauté humaine.

Les sociétés où les droits de l'homme ont surgi d'abord ne sauraient


tirer argument de cette antériorité historique pour prétendre que ces
mêmes droits sont en quelque sorte leur propriété particulière. Nulle
communauté politique n'est fondée à occulter l'universalité de ces
droits comme nulle communauté n'est fondée à se réserver le savoir ou
le beau.
UNE « CULTURE DES DROITS DE L’HOMME »

Solidarité et efficacité

L'influence des divers documents que nous avons mentionnés, et tout


particulièrement de la Déclaration de 1948, est profonde et nous nous
bornerons à relever deux points. D'une part, dans leur quasi-totalité,
des articles de la Déclaration de 1948 mettent en relief la sociabilité
des hommes[18]. Mais cette sociabilité n'est pas présentée comme
purement utilitaire. La Déclaration considère que l'homme est
naturellement doué d'une capacité relationnelle avec ses semblables,
que l'inclination à la sociabilité et à la solidarité communautaire fait
partie de sa constitution.

C'est précisément la sociabilité de l'homme qui suscite la naissance de


la société civile, où les personnes, en se reconnaissant mutuellement,
se reconnaissent comme sujets de droit. La société politique apparaît
ici comme un instrument technique au service de la société civile, de
ses institutions — dont la famille — et de ses membres. Cette
antériorité de la société civile par rapport à la société politique est la
condition nécessaire à l'instauration d'une société politique
démocratique. Sous peine de conduire à l'étatisme, le pouvoir de l'État
doit être caractérisé par la subsidiarité : l'État est au service de la
société civile, de ses institutions et de ses membres. C'est pour limiter
l'emprise abusive de l'État, ou des institutions politiques
supraétatiques, qu'il faut s'en tenir fermement à la distinction et à la
séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire). Lorsque
disparaît ou qu'est gommée cette référence à la société civile, la société
politique — concrètement l'État, la plupart du temps — met la main
sur tout l'espace de la société civile et finit par s'arroger le « droit »
d'exprimer et d'interpréter la « volonté générale »[19]. Or la légitimité
de l'État ne peut venir de lui-même ; elle ne peut venir que de la
société civile qui se donne l'organisation politique la plus apte à
favoriser la sociabilité et la solidarité entre les parties constituantes de
cette société civile elle-même.

Cette solidarité est fortement soulignée dans la Déclaration, qui met


en valeur les formes fondamentales de la subsidiarité : famille,
syndicats, groupes religieux, nations. La démocratie et la paix
requièrent l'apport de toutes les personnes et de tous les corps
intermédiaires en vue de construire le bien commun.

D'autre part, l'influence des grandes déclarations, dont celle de 1948,


est aussi due au fait que ces documents ont une valeur essentiellement
morale, alors que les droits qu'elles proclament ont, par leur nature
même, une force exécutoire. Une valeur qu'ont ces documents
précisément parce qu'ils ne sont point des documents législatifs, ce qui
les réexposerait incessamment aux périls des réécritures et des
herméneutiques politiciennes. Cependant, qu'elles soient antérieures
aux lois insinue déjà que ces déclarations doivent être traduites dans
des lois. C'est ce qu'on veut dire lorsqu'on affirme qu'elles sont d'ordre
métajuridiques : elles sous-tendent en effet les lois. Les États sont ici
appelés à promouvoir une culture de la justice, à instaurer une société
juste en jouant pleinement leur rôle subsidiaire, au sens le plus riche
du terme. En l'occurrence, ce rôle consiste à assurer le service des
droits de tous les hommes dans le cadre précis et concret d'un
environnement politique particulier, national par exemple.

Un aiguillon puissant aujourd'hui contesté

Il faut reconnaître que cette Déclaration, ainsi que les conventions et


pactes qui l'ont suivie, a, depuis cinquante ans, donné des fruits
souvent remarquables. Ces documents ont prévenu des conflits. Grâce
à eux, ceux-là même qui avaient plongé le monde dans le sang et les
larmes ont pu, sans perdre la face, rejoindre tous les hommes de
bonne volonté qui voulaient verrouiller la paix.

La Déclaration a également été l'aiguillon de la décolonisation, le


moteur de la liquidation de la Guerre froide et du développement
politique, économique et social. Il est piquant de constater à ce propos
que les dictatures totalitaires et les technocraties militaires se sont
réservé le triste privilège de présenter les droits de l'homme comme
des obstacles au développement.

En proclamant que les droits de l'homme s'étendaient à tous les êtres


humains sans exception, la Déclaration ouvrait grande la voie qui
permettrait à tous les colonisés de reconnaître leur dignité, de
découvrir qu'étant sujets de droits inaliénables, ils pouvaient aussi
devenir sujets de leur histoire.
En outre, ces mêmes documents ont instauré ce qu'on a appelé à juste
titre une « culture des droits de l'homme », et c'est par là qu'ils
favorisent la cohésion et la paix dans les sociétés particulières et entre
les nations. Presque partout dans le monde, ces documents ont
imposé, dans la pratique politique, l'idée qu'il y a un lien essentiel
entre démocratie et droits de l'homme et que, du respect de ce lien,
dépendent, avec le développement, la paix intérieure des nations et la
paix entre les nations.

Enfin, une des plus grandes originalités de la Déclaration de 1948 est


précisément d'avoir voulu fonder l'ordre international nouveau sur la
reconnaissance universelle des droits de l'homme, et non plus
simplement sur des bases précaires de nature pragmatique ou
d'inspiration purement positiviste.

Aujourd'hui cependant est battu en brèche l'héritage prestigieux qui


trouve sa dernière expression solennelle dans la Déclaration de 1948.
Nous allons analyser cette mise en question radicale en montrant
successivement la réinterprétation perverse des droits de l'homme qui
s'opère sous l'influence du volontarisme et du holisme ; la
contestation, opérée par l'ONU, des États souverains ; l'instauration
d'une inquisition laïque sous couvert de tolérance ; l'utilisation du
droit pour « légitimer » la violence.

Chapitre II

Consensus et majorité,
ou d'une tyrannie à l'autre

Pour comprendre comment on en est venu à la mise en question


radicale de la Déclaration de 1948, nous devons remonter à
Grotius[20]. En effet, la tendance à la sécularisation de la pensée
politique observée chez lui allait peu à peu être radicalisée sous
l'influence de trois facteurs, que la Réforme contribuera à accentuer à
cause de son fondamentalisme scripturaire et du mépris luthérien
pour toute philosophie.

Le premier de ces facteurs et le plus évident, c'est l'exaltation de


l'individu, de sa raison propre comme lieu ultime de vérité, de sa totale
autonomie ; c'est l'héritage typique de la Renaissance qui conduira
l'homme à choisir sa vérité. Le second, c'est la tendance au scepticisme
et même à l'agnosticisme. Ces deux tendances fleuriront chez Hume et
surtout chez Kant, qui y ajoutera le volontarisme.

Cependant, pour comprendre la gravité de la mise en question de la


Déclaration de 1948, il est indispensable d'examiner aussi l'évolution
du mot consensus ainsi que les ambiguïtés affectant ce terme[21].
LA « TYRANNIE DU CONSENSUS »

Kant et l'Illuminisme

Kant — commençons par lui — s'interdit évidemment de fonder les


droits de l'homme sur une référence à la métaphysique, puisqu'il a
déclaré celle-ci impossible.

Il tente alors de sauver ces droits en faisant appel à la volonté. Exposé


dans les Fondements de la métaphysique des mœurs (1785),
l'impératif catégorique pourvoira, selon lui, à ce fondement : « Agis de
telle façon que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que
dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une
fin, et jamais simplement comme un moyen »[22]. On remarquera que
Kant considère ce principe fondateur de la morale comme ayant une
portée universelle, alors même qu'il est impossible de lui reconnaître
quelque fondement métaphysique. Dans son Projet de Paix
perpétuelle[23] (1795), il montrera que cette exigence d'universalité,
posée en éthique en vertu de l'impératif catégorique, se retrouve en
politique et plus précisément dans les relations internationales. En
dernière analyse, la paix n'est possible que si les États, comme avant
eux les individus, acceptent le principe d'universalité compris dans
l'impératif catégorique. À certains égards, Kant apparaît ici à la
charnière, d'une part, entre les conceptions traditionnelle et moderne
et, d'autre part, la relecture volontariste contemporaine des droits de
l'homme.

La combinaison des éléments que nous venons de repérer —


individualisme, agnosticisme, volontarisme — va être consommée par
l'illuminisme. Chacun de nous est totalement libre de choisir sa vérité
et d'agir selon sa conscience. Il n'y a que des individus, plus ou moins
doués, plus ou moins forts, non plus des personnes participant à la
même nature. Comme, entre les individus, il n'y a plus de nature
commune, il n'y a plus de sociabilité ni de solidarité naturelles. La
signification des mots qui donnent sens à la vie — droit, famille,
valeur, vérité, fidélité, bonheur, etc. — dépend des définitions
consensuelles que chacun veut bien en donner.
Ce qui caractérise cette nouvelle vision, inversée et perverse, des droits
de l'homme, c'est la primauté donnée à la volonté du « dieu mortel »
plutôt qu'à la raison. Cette caractéristique est déjà annoncée dans
l'œuvre de Hobbes. La raison peut être efficace dans les sciences de la
nature, mais les questions de métaphysique sont hors de sa portée ou
sans intérêt. Face à cette disqualification sélective de la raison, il
faudra tenter de trouver d'autres bases pour fonder les droits de
l'homme et la démocratie.

La nouvelle voie qui est retenue aujourd'hui dans ce double but détruit
dans ses fondements la conception des droits de l'homme, et donc de
la démocratie, qui sous-tend les grands documents contemporains
depuis 1948. C'est ce que confirme l'analyse du mot consensus.

Le consensus : une escroquerie sémantique

Le passage de la conception classique des droits de l'homme à la


nouvelle conception que veut divulguer l'ONU apparaît également
dans les deux significations auxquelles se rattachent les mots
consentement et consensus.

Aujourd'hui, il est vrai, le second mot est plus utilisé que l'autre.
Comme le mot consensus apparaît très fréquemment dans les
documents de l'ONU, des ONG, et dans les milieux politiques en
général, nous devons en examiner de plus près la signification.

La réflexion sur le consensus ou le consentement a été explorée dès


l'Antiquité dans le cadre des recherches philosophiques sur la liberté.
Chez les Stoïciens, le terme sunkatathesis signifie assentiment, accord
de l'esprit. Au Moyen Âge, le même thème est exploré, et dans le même
contexte, par Richard de Saint-Victor (v. 1110-1173). Les
Occasionalistes de l'époque moderne, à commencer par Malebranche,
se demandent si la liberté de l'homme ne consiste pas à consentir ou à
refuser de consentir aux interventions divines.

Actuellement, le mot consentement est quelque peu éclipsé par son


synonyme, le mot consensus. Ces deux mots, pratiquement
interchangeables, sont pris dans des acceptions différentes qui nous
intéressent directement[24]. En un premier sens, considéré comme
vieilli, consentement et consensus signifient l'adhésion à une
affirmation. Le métaphysicien Aimé Forest parlait, par exemple, du «
consentement à l'être » : on donne son assentiment à l'affirmation de
l'existence de l'être. En ce sens, on parle de « consentement universel
» portant, par exemple, sur la validité des principes métaphysiques,
logiques ou moraux, ou sur la validité des principes du droit naturel.
Dans cette acception, consentement ou consensus signifient le «
jugement concordant des hommes, par lequel on affirme la vérité de
certaines propositions »[25].

L'usage de ces termes en ce premier sens se justifie toujours dans


certains cas. Dans ces pages, nous éviterons cependant de nous référer
à ce premier sens, pour la simple raison que ce n'est pas en ce premier
sens que le mot consensus est généralement employé dans les
documents actuels de l'ONU.

Ce qui nous intéresse davantage, c'est le deuxième sens, donné


actuellement à ce mot, en particulier dans les documents de l'ONU.
Consensus, ou plus rarement consentement, signifie alors l'«
acquiescement donné à un projet » ; la « décision de ne pas s'y
opposer » (Robert). Foulquié est encore plus précis : « Acte par lequel
quelqu'un donne à une décision dont un autre a eu l'initiative
l'adhésion personnelle nécessaire pour passer à l'exécution ».

Alors qu'au premier sens, l'accent est mis sur l'assentiment de l'esprit
à une réalité qui est affirmée, dans le deuxième sens, l'accent est mis
sur l'entente entre des personnes en vue d'un projet d'action. Pour
faire bref : accord général des intelligences dans le premier cas ;
accord de volontés individuelles dans le second.

Dans l'usage qui en est fait aujourd'hui, le mot consensus est donc un
terme très ambigu puisque l'on glisse facilement de la deuxième
signification à la première. Le terme donne faussement à penser que
l'on renvoie à des propositions à la vérité desquelles on marque son
assentiment, alors qu'il renvoie à l'adhésion à des décisions
volontaires dont le rapport à la vérité n'est nullement pris en compte.

Cette ambiguïté est constamment exploitée dans les documents


récents de l'ONU. Pour les jusnaturalistes, y compris pour Grotius, il y
a « certains principes de la droite raison, qui nous font connaître
qu'une action est moralement honnête ou déshonnête »[26]. Il y a des
principes qui sont objet de connaissance et la raison s'incline devant
leur vérité.

Les « nouveaux droits de l'homme », eux, sont le fruit de décisions


volontaires auxquelles on adhère. Mais on feint d'imputer à ces
décisions le même statut de vérité que celui qui était reconnu aux
principes ayant déjà fait l'objet d'un assentiment. Cette escroquerie
sémantique permet de faire des droits de l'homme de la tradition
classique un usage idéologique visant à légitimer des programmes
d'action inadmissibles. Cette escroquerie, qui instaure la tyrannie du
consensus, est consommée par le rôle démesuré aujourd'hui accordé,
le cas échéant, à la majorité.
LA « TYRANNIE DE LA MAJORITE »

La « sainteté » civile des lois

Depuis Rousseau et spécialement ses grandes théories du Contrat


social[27], la société politique est considérée comme issue du vouloir
des individus qui renoncent, totalement ou partiellement selon les
théoriciens, à leur volonté individuelle. Ils consentent librement à
obéir au peuple souverain et à ses lois, expression infaillible de la
volonté générale, laquelle s'exprime à la majorité. Il y a donc une «
religion civile » qui commande l'obéissance aux lois, lesquelles sont
gratifiées d'une sainteté civile[28]. Au regard de la religion civile, celui
qui ne respecte pas ces lois est coupable et doit être châtié
impitoyablement. Rousseau prétendait qu'en obéissant aux lois,
l'individu n'obéissait finalement qu'à lui-même. Mais cette
entourloupette n'a jamais abusé personne sur la nature
irrémédiablement totalitaire de son utopie, qui signale le naufrage de
la personne et même de l'individu au profit du peuple souverain.

À beaucoup d'égards, l'œuvre de John Rawls, philosophe


contemporain, a contribué à raviver l'influence de Rousseau et
d'ailleurs celle de Kant[29]. Il est vain de vouloir s'entendre sur
quelques vérités fondamentales, sur quelques normes morales
universelles. Les nécessités de la pratique sont cependant là : nous
devons agir « justement ». Et pour agir justement nous devons
engager une procédure au cours de laquelle nous, qui devons décider,
ferons attention courtoisement aux positions de chacun, puis nous
trancherons, nous déciderons[30]. La décision sera juste, non parce
qu'elle honore des droits de l'homme que l'on aurait reconnus et que
l'on respecterait, mais parce qu'elle est l'expression d'un consensus,
acquis éventuellement au terme d'un vote majoritaire. C'est ce que
certains appellent, dans l'esprit de Tocqueville, « la tyrannie du
consensus ».

Différente à bien des égards de celle de Rawls, la pensée de Jürgen


Habermas contribue, comme celle du philosophe américain, à avaliser
la « tyrannie du consensus »[31]. Sans doute, après avoir annoncé —
comme il est d'usage — la destruction des fondements de la
philosophie traditionnelle, le philosophe allemand entend-il dépasser
l'utilitarisme. Il admet même la possibilité de reconnaître des normes
universelles. Cependant, ces normes sont toujours subordonnées au
consensus qui conclut, le cas échéant, l' « agir communicationnel ».
Pourtant, la position de Habermas fait problème en raison de son
formalisme : on ne saurait en effet oublier que la liberté d'expression,
le respect de l'opinion d'autrui, la fairness dans la communication ne
suffisent pas à fonder des normes ou des valeurs — Rawls lui-même en
conviendrait probablement : ce ne sont que des préalables à cette
fondation.

Le paradoxe de la majorité

Le recours à la majorité mérite une attention spéciale, car aujourd'hui


beaucoup veulent faire passer la règle de la majorité comme la
caractéristique essentielle de la démocratie. Tocqueville parlait, à ce
propos, de la « tyrannie de la majorité »[32]. On abandonne donc, dans
ce cas, l'idée fondatrice selon laquelle la démocratie repose sur l'égale
dignité de tous, sur la liberté de pensée, d'expression, d'association.

Cependant, lorsque la règle de la majorité cesse d'être une règle de


fonctionnement, elle s'absolutise en quelque sorte et devient la source
ultime du droit. C'est ce qui arrive lors des procédures consensuelles ;
c'est ce qui se passe habituellement dans les comités d'éthique. Certes,
au point de départ on tend vers le consensus, et il est entendu que
chacun s'efforce avec fair play d'y arriver. Cependant, avant même que
ne soit mise en branle la procédure consensuelle relative à tel ou tel
cas appelant une décision, les parties appelées à décider ce qui est
juste dans tel cas ont souscrit un accord unanime. Cet accord préalable
est passé « derrière un voile d'ignorance » ; il porte qu'en cas
d'impossibilité d'accord procédural, la règle de la majorité prévaudra
et sera appliquée. Cette règle, qui est admise a priori, c'est-à-dire de
façon purement formelle, fait en sorte que les valeurs caractéristiques
de la démocratie varient au gré des majorités et qu'elles dérivent en fin
de compte de la majorité des voix, puisque le respect de celle-ci est la
norme suprême.

Il s'ensuit que, tant en raison des aléas inévitables de la procédure


consensuelle qu'en raison de l'impératif purement formel de la règle
de la majorité, aucune valeur n'a la moindre chance d'être reconnue
comme universelle. D'où le paradoxe : la démocratie repose sur
l'égalité de tous, sur la liberté de pensée, d'expression, d'association,
etc. ; mais, lorsqu'elle est absolutisée, la règle de la majorité fait que
les « valeurs » de la démocratie dérivent de la prépondérance de
certaines voix. Par conséquent, les valeurs ainsi définies n'ont aucune
chance d'être jamais acceptées comme universelles, alors qu'elles ont
la prétention de s'imposer à tous au nom d'une fiction : la volonté
générale, censée s'exprimer à la majorité des voix.

En conséquence, la règle de la majorité, dans son interprétation


abrupte, est non seulement insuffisante mais dangereuse, si elle n'est
pas surplombée par des références morales et assortie de ces correctifs
essentiels que sont la vérité et la solidarité (ou sociabilité). La règle
formelle de la majorité « légitime » a priori la tyrannie des plus
nombreux et de leurs meneurs. Cette même règle implique même une
indifférence de principe face à la vérité et face au bien. En soi, rien ne
garantit que la procédure consensuelle ni la règle de la majorité
n'aboutiront à la vérité ou au bien. Bien plus, dans la procédure
préalable à la décision consensuelle, s'il devait arriver que quelqu'un
ait raison parce qu'il est dans la vérité, rien ne dit a priori qu'il serait
suivi ni que la vérité en question serait reconnue. Et que se passerait-il
si la minorité avait raison ? Elle aurait tort d'avoir raison. Et si la
majorité avait tort ? La réponse nous est donnée par Le Chat de
Philippe Gelluck : « La majorité aurait raison d'avoir tort ».

Le rôle accordé à la majorité explique la fonction essentielle


abandonné à l'opinion et aux sentiments, qu'il faut travailler et
manipuler[33]. De plus, comme la majorité est censée refléter l'opinion
générale, il faut qu'elle appelle à l'existence un tribunal permanent
chargé de désigner la dissidence et de la condamner.

En somme, l'indifférence méthodique vis-à-vis de la question de la


vérité engendre fatalement l'aveuglement vis-à-vis du bien comme du
mal ; elle est une des causes principales de la facilité avec laquelle les
idéologies totalitaires ont été introjectées au XXe siècle.

Il importe cependant de remarquer qu'il n'y a pas de liberté possible


dans un milieu où chacun peut choisir « sa » vérité. En effet, dans un
tel milieu, je voudrai nécessairement imposer « ma » vérité à la liberté
d'autrui. L'universalité est ici prise en relais par l'intolérance. La voie
est alors ouverte aux idéologies imposées, fournissant un ersatz de
vérité, paralysant la raison, étranglant le dissentiment, ruinant la
solidarité.

Il faut donc savoir quelle société nous voulons construire et quel


héritage nous voulons léguer à nos successeurs. Nous ne pouvons nous
limiter à expérimenter des valeurs au seul plan individuel. La valeur
s'offre au partage et scelle la solidarité. En Europe occidentale, nous
sommes héritiers d'une culture qui honore les droits de l'homme.
LA VISION HOLISTIQUE DU MONDE ET DE L'HOMME

La cohésion précaire

La célébration du consensus laisse donc ouverte la question de la


cohésion de la société. Dès l'Antiquité, le problème est posé. Ainsi, on
sait combien est forte, dans la République de Platon, la hantise de
l'unité. La démocratie athénienne n'admet pas l'opposition, au sens où
nous l'entendons. Elle voulait que les dissidents fussent frappés
d'ostracisme, car la divergence est perçue comme une menace pour
l'unité de la Cité, et par là pour l'harmonie du Cosmos. Afin de
maintenir sa cohésion, la société démocratique devait même recourir,
le cas échéant, à la dénonciation ou éliminer les fauteurs de trouble.
Socrate, par exemple, avait le tort de montrer que cette unité de la Cité
était une unité de façade. Comme le dit la chanson de Guy Béart : « Il a
dit la vérité : il doit être exécuté ».

La conception humaniste traditionnelle des droits de l'homme concilie


l'exigence de l'unité de la société avec le respect de la dignité de chaque
membre. C'est l'extension universelle des droits qui assure la cohésion
de la société.

Or, à partir du moment où est balayée la référence unifiante aux droits


de l'homme proclamés dans les grandes déclarations, l'éventuelle
source de l'unité ne peut plus être cherchée que dans le consensus.
Cependant, en raison de son essence volontariste, le consensus est
toujours menacé ou en instance de l'être. Il n'offre qu'une unité
précaire, qu'une cohésion en sursis. Les procédures qu'il utilise
peuvent sans cesse être remises en cause. Les voix qui, d'aventure,
veulent émettre des réserves, exprimer leur singularité, signifier leurs
divergences, sont nécessairement désignées comme rompant l'unité si
difficilement acquise, issue de la procédure ayant arrêté le consensus.
Le dissentiment est donc toujours coupable.

Le naufrage des devoirs

Au terme de la relecture volontariste et « consensuelle » des droits de


l'homme, on arrive à un dernier constat particulièrement troublant. La
nouvelle conception, inversée, des droits de l'homme signale en effet le
naufrage de la conception traditionnelle de devoir : personne n'a plus
à répondre de personne. Les parents eux-mêmes n'ont plus à répondre
de leurs enfants, dont les « nouveaux droits » — au plaisir sexuel
notamment — doivent être soustraits à tout droit de regard des
parents[34].

Résidu de la notion de devoir : celle de responsabilité, exposée par


Jonas et suggestive à plus d'un égard[35]. Cependant, l'« éthique du
futur », développée par ce philosophe, est fréquemment récupérée par
le courant écologiste. Selon les tenants de ce dernier, la « vulnérabilité
de la nature » justifie que soient prises, aujourd'hui, des mesures pour
contenir le développement dans les limites du durable et de
l'admissible (sustainable development). Il ne s'agit pas tellement, ici,
de demander aux hommes d'aujourd'hui de se sacrifier pour que
puisse éclore l'utopie d'un avenir radieux. Au nom des générations
futures, des mesures draconiennes doivent être prises sans délai pour
contenir les méfaits des interventions humaines sur la planète.
Récupérant cette « éthique du futur », des écologistes, fortement
imprégnés du New Age, exalteront le culte de Gaïa[36]. Ils concluront
que les droits de la Terre-Mère l'emportent sur les droits de ces êtres
éphémères que sont les hommes[37].

L'homme dans la réalité du tout

La réinterprétation, inversée et volontariste, des droits de l'homme


conduit donc à l'exaltation de la Terre-Mère, de l'environnement, de
l'écosystème. Une nouvelle technocratie, dépositaire des nouvelles «
Lumières », veillera à leurs intérêts. Le paradigme anthropocentrique
annoncé par Protagoras, proclamé par le christianisme, célébré par la
Renaissance, illustré par la science newtonienne, est rejeté : non,
l'homme n'est plus le centre du monde[38]. Il n'a pas à exercer son
emprise sur la nature ; transformer celle-ci, c'est l'abîmer ; à terme,
c'est la détruire. L'homme doit se résigner à être immanent au monde.
Cela signifie que le monde n'est pas constitué par les composants
ayant une réalité propre, voire — dans le cas de l'homme — une dignité
intrinsèque, « personnelle ». La perspective est ici holiste : le monde
est envisagé comme un monisme matérialiste, comme une réalité
matérielle unique, dans laquelle tout est imbriqué. L'homme lui-même
est intérieur au monde ; il n'a pas de réalité distincte de lui. Cette
immanence de l'homme au monde est même — précise-t-on — le point
d'aboutissement actuel de l'histoire cosmique. D'où le regain d'intérêt
pour les thèses évolutionnistes et le succès de l'éthologie, qui entend
éclairer le comportement des hommes à partir du comportement des
animaux.

Certains esprits intrépides affinent ce rejet de l'anthropocentrisme et


prétendent même que les droits d'un animal robuste l'emportent sur
les droits d'un homme faible.[39]

De cette vision pour ainsi dire panthéiste du Tout cosmique, il découle


que l'homme doit révérer ce Tout hors duquel il n'est rien.
On est donc aux antipodes de l'anthropocentrisme auquel Sartre
donnait encore des expressions claironnantes : « L'homme est l'être
dont l'apparition fait qu'un monde existe »[40]. Le monde n'est même
plus cette Nature donnée à l'homme, à laquelle celui-ci confère un
sens. Si l'expression n'était quelque peu galvaudée, on parlerait de
nouvelle révolution copernicienne : c'est le tout qui donne réalité et
sens à la partie, en l'occurrence à l'homme. Il ne s'agit donc pas
simplement pour l'homme de respecter la nature au motif que, ce
faisant, il détériorerait son biotope ; il ne s'agit même pas de
discipliner les comportements et les techniques qui risquent de griller
le milieu ambiant. Il s'agit, beaucoup plus radicalement, d'admettre
que la réalité de l'homme est la réalité même du tout. De ce tout,
l'homme n'est qu'une partie ; il ne doit donc point prétendre être le «
centre du monde », sujet de droits personnels et inaliénables, libre de
transformer le monde et d'en faire le socle de son action.
Chapitre III

L'ONU
confrontée à ses origines

Parmi les mérites de la Déclaration de 1948, il en est un auquel nous


devons porter une attention spéciale : ce document offre des
références permettant de poser un jugement sur l'action menée par
l'ONU elle-même depuis ses origines. Par sa nature, la Déclaration
appelait certes des traductions concrètes au niveau de chaque État.
Mais par sa nature aussi, la Déclaration appelait l'ONU à s'engager —
tout en respectant la subsidiarité — dans des actions concrétisant les
droits qu'elle avait solennellement proclamés.

Gardienne des
Droits de l'Homme ?

Il est à craindre que l'ONU d'aujourd'hui préfère éviter cette


confrontation avec l'esprit et la lettre de ses origines. Elle a pourtant
des comptes à rendre à propos de ce qu'elle fait pour lutter contre la
pauvreté[41]. Que fait-elle, par exemple, pour que le droit de tous à
l'alimentation ou à l'instruction soit assorti de la possibilité offerte à
tous d'accéder à l'alimentation et à l'instruction ?

Un bilan loyal (et provisoire) de son action permettrait à l'ONU de


redéfinir les objectifs prioritaires qu'elle doit inscrire aujourd'hui à son
programme, dans la fidélité à ses origines. L'ONU n'est en effet point
la simple gardienne de droits formels. Les droits proclamés ont une
force exécutoire qui interpelle l'ONU elle- même, toujours, cependant,
dans le respect de la subsidiarité. À ce niveau, le bilan auquel l'ONU
doit procéder sans retard mettra certes en lumière des lacunes, mais il
mettra en évidence la voie sur laquelle l'ONU doit s'engager.

Passer à la vitesse supérieure ?

L'audit auquel l'ONU devrait procéder déboucherait en effet sur un


programme d'action prolongeant celui qui a été exécuté, avec des
fortunes diverses, depuis 1945. Après avoir mis l'accent sur la
Déclaration des droits de l'homme et avoir invité la communauté
internationale à les reconnaître, l'ONU pourrait passer à la vitesse
supérieure en urgeant la traduction de ces mêmes droits dans les faits.
Elle dispose des agences nécessaires pour procéder à cette adaptation.

L'adaptation ici évoquée n'appartient pas au monde de l'utopie. Elle ne


peut cependant se faire sans un réexamen approfondi de l'affectation
des ressources disponibles, actuellement engloutis par les frais de
fonctionnement et appliquées à des programmes qui sont la négation
même de la Déclaration de 1948.

Ainsi l'ONU est aujourd'hui confrontée à un dilemme. Ou bien elle


s'investit davantage dans des engagements concrets en faveur des
droits de l'homme tels qu'ils sont conçus traditionnellement. Ou bien,
voulant peut-être masquer ses échecs, ses omissions et ses errances,
elle cautionne une nouvelle conception — inadmissible — de soi-disant
« droits » de l'homme. Une manœuvre de diversion qui lui permettrait
d'atermoyer et de se dérober aux engagements nécessaires. C'est ce
que nous devons examiner de plus près.

La démocratie impossible

Il suffit d'observer les discussions contemporaines sur des questions


vitales comme l'euthanasie, l'avortement, la stérilisation en masse,
l'homosexualité, etc. pour constater combien l'interprétation inversée
et perverse des droits de l'homme s'est insinuée partout. Cette
réinterprétation fait florès dans les comités d'éthique, où l'opinion
dominante, objet de consensus, prend en relais la doxa antique. «
Renonçons à chercher la vérité ; contentons-nous de l'opinion
commune ». Cette tournure de pensée a surtout été accueillie et
divulguée par les grandes organisations internationales, au premier
rang desquelles il faut citer l'ONU et plusieurs de ses agences. Sur ce
point fondamental, l'ONU des origines est méconnaissable dans l'ONU
d'aujourd'hui.

La société internationale n'est plus guère fondée sur la conception des


droits de l'homme déclarés en 1948. Désormais, cette société apparaît
de plus en plus comme le projet volontariste de technocrates de l'ONU.
En effet, le recours au consensus, et donc au relativisme, est
systématique dans les grandes conférences internationales : au Caire
en 1994, à Pékin en 1995, à New York en 2000, pour ne citer que
celles-là. Les réserves émises par des participants sont
systématiquement occultées. Ce consensus est constamment invoqué,
mais de façon spécieuse, pour surplomber les législations nationales
qui, elles, continuent dans la plupart des cas à se référer à l'objectivité
des droits de l'homme, typiques de la tradition classique. Les
législations nationales sont donc de plus en plus en porte à faux par
rapport à ces « conclusions », « agendas » et autres « plans d'action »,
qui reposent sur d'autres principes généraux du droit, ou plus
exactement qui ne reposent plus sur aucun principe général ou
métajuridique. Gouvernants et juges nationaux sont ainsi intimidés et
tendent à être déconsidérés.

La communauté mondiale et les nations signataires de la Charte de


1945 et de la Déclaration de 1948 sont en train de basculer dans une
forme inversée des droits de l'homme qui n'a plus rien à voir avec les
documents fondateurs de l'ONU. Cette forme, qui tend à s'imposer
sournoisement, prélude à l'impossibilité d'une société démocratique.
Ceci mérite un mot d'explication.

Nations et États : débilités

Ce qui est grave dans la situation actuelle, c'est d'abord que l'ONU
débilite les nations de multiples façons. Le consensus est obtenu dans
les assemblées internationales avec le concours d'ONG « sûres »,
faisant du travail de lobbying. Dans ce registre, la palme revient à la
Fédération internationale pour la planification familiale[42] (IPPF).
Ensuite, ce consensus est invoqué pour faire pression sur les nations
afin que celles-ci, « pour être cohérentes avec elles-mêmes », signent
pactes ou conventions portant sur les matières et des programmes
d'action ayant fait l'objet d'un consensus. Une fois ratifiés, ces
instruments juridiques auront force de loi dans les nations
participantes. Par ce biais, il est aisé de faire tomber progressivement
en désuétude : d'abord, dans son esprit et dans sa lettre, la Déclaration
de 1948 ; ensuite, les législations nationales[43]. En plus et surtout, il
est aisé de faire passer comme « nouveaux droits de l'homme » ce qui
n'est que le produit d'un consensus, lequel donne lieu à des
conventions, etc. : nous voilà repartis[44] !

Plusieurs conflits ont déjà surgi entre les législations nationales


d'États souverains et les conventions de l'ONU. On peut citer, à titre
d'exemple, les pressions exercées par l'UNICEF sur le gouvernement
australien à propos des lois nationales réglementant
l'emprisonnement des mineurs, à propos des aborigènes, des
immigrants, etc. La question est donc de savoir ce qui resterait de
l'autonomie des nations souveraines si ces mêmes nations étaient
régies par les conventions de l'ONU. Un autre exemple est fourni par
la Grande Bretagne. La législation nationale reconnaît le droit des
parents à décider si leurs enfants peuvent ou non fréquenter les cours
d'initiation sexuelle. Mais on oppose à ce droit des parents le respect
du traité de l'ONU sur les droits de l'enfant[45].

La distinction si importante, d'une part entre les droits de l'homme


proclamés dans la Déclaration, et d'autre part les législations
nationales qui en concrétisent l'expression, est ici totalement abolie.
Seuls subsistent des textes « juridiques », produits à l'initiative d'une
organisation qui excède de plus en plus son mandat. Faut-il préciser
que de tels textes sont approuvés par des assemblées à représentativité
suspecte, moyennant les voix de mandataires frappés d'aphasie et
exposés aux formes les plus subtiles de la corruption, de la séduction
et de la coercition ?

À terme donc, ce qui est en jeu, c'est l'existence même des États et des
nations, lesquels en seront réduits, si cette dérive n'est pas contenue, à
ne plus être que des chambres d'entérinement (pour les parlements),
des exécutants privés de toute responsabilité (pour les
gouvernements) ou des juges dont la tâche principale sera d'exténuer
la force de la législation nationale. Ce même travail de sape est
d'ailleurs déjà bien engagé dans les relations économiques
internationales, où les nations sont de plus en plus traitées comme des
unités de production devant s'intégrer dans un projet « global » qui les
dépasse.

Cette conception inversée, purement « positiviste » ou volontariste,


des droits de l'homme ruine évidemment le principe de subsidiarité,
pré-requis de toute société internationale et clé de voûte de toute
pensée démocratique. À condition d'ouvrir les yeux, nous voyons
émerger un Système de Pensée Unique, totalitaire dans son
inspiration, dans ses moyens et dans ses buts. Un système qui ruine la
vie politique, détruit en sa racine tous les corps intermédiaires, musèle
la société civile, intronise un volontarisme juridique totalitaire
d'extension mondiale. Si les droits de l'homme tels qu'ils sont
proclamés en 1945 et en 1948 sont essentiels à toute démocratie et à la
paix entre les nations, en revanche, tels qu'ils sont présentés
aujourd'hui dans les assemblées internationales, ces mêmes « droits »
sont annonciateurs d'un nouveau totalitarisme mis en place par ceux
qui ont les coudées franches pour manipuler les institutions
internationales et modeler l'opinion publique.

Les passions comme valeurs

À l'origine de la nouvelle conception des droits de l'homme se trouve


une conception réductrice de l'homme. Le climat hyperlibéral actuel
pousse l'individualisme au paroxysme. Nous sommes en train de vivre
une révolution anthropologique : l'homme n'est plus une personne, un
être ouvert à autrui et à la transcendance ; il est un individu, voué à se
choisir des vérités, à se choisir une éthique ; il est une unité de force,
d'intérêt et de jouissance.

Cette anthropologie, foncièrement matérialiste, entraîne aussitôt une


conception purement empirique de la valeur. Il ne pourrait plus y
avoir de place pour des normes morales objectives, communes à tous
les hommes ; il n'est plus question de valeurs qui s'imposeraient à
l'homme parce qu'elles sont désirables en soi. Il n'est plus question,
par exemple, de s'incliner devant la dignité de tout homme, quel qu'il
soit. Désormais, les nouvelles valeurs, que Gérard-François Dumont
appelle des valeurs inversées[46], sont le résultat de calculs utilitaires
réglés par consensus. Ces valeurs inversées s'expriment dans la
fréquence des choix que l'on observe entre les individus. Les valeurs,
c'est finalement ce qui fait plaisir aux individus. Or ces valeurs-là ne
peuvent que diviser les hommes, car par mimétisme je désirerai ce que
l'autre désire[47]. Cette conception de la valeur est donc, à terme, non
seulement destructrice du tissu social mais elle constitue également les
prolégomènes à une nouvelle barbarie.

Avec une telle conception de l'homme et de la valeur, les droits de


l'homme finissent par être réduits à un catalogue mouvant de
revendications ponctuelles des individus, obtenus par consensus
successifs et reflets d'une arithmétique des intérêts. Puisqu'il n'y a plus
de valeurs objectives, et que de toute façon la raison n'est pas capable
de les connaître, la valeur, dans sa version inversée, c'est en fin de
compte ce qui satisfait les passions de l'homme. En somme, le droit
fondamental de l'homme, c'est le droit de satisfaire ses passions
individuelles et c'est cela que devrait entériner le droit positif.

Le bonheur ne dépend plus du bien commun, puisqu'il n'y a plus de


bien que particulier. Nous voilà à l'opposé de l'humanisme
traditionnel, selon lequel le bonheur dépend du bien commun, grâce
auquel la Cité, soucieuse de justice générale, s'efforce d'offrir à tous et
à chacun de ses membres les meilleures conditions d'épanouissement
personnel[48]. Avec la ruine de l'universalité des droits de l'homme, le
bonheur en est réduit à être le résidu du plaisir, et même des plaisirs
individuels.

De la violence individuelle
à la violence institutionnelle

Il s'ensuit qu'il en va du consensus comme de la volonté générale : il


est revêtu d'une « sainteté civile » ; ceux qui ne le révèrent pas sont
coupables d'impiété civile et doivent être châtiés pour ne s'y être point
soumis[49]. C'est pourquoi, chaque fois qu'au nom d'une conception
inversée des droits de l'homme, on fait passer de « nouveaux droits »
individuels et non plus personnels — droit à l'homosexualité, à
l'avortement, à l'euthanasie, à la suppression de toute tutelle parentale
sur les enfants, à l'inceste, à la pédophilie, à la répudiation, à la
prostitution etc. — on avance d'un cran dans la marche conduisant à la
sacralisation civile de la violence[50]. À cette avancée contribuent non
seulement les décideurs politiques ou les médias, mais aussi des
chrétiens trop empressés de saisir la main que leur tend, aujourd'hui
encore, l'ange des ténèbres.

Cependant, pour faire bonne mesure, au terme de ce parcours néo-


nietzschéen, le droit à la violence individuelle devra être protégé et
garanti par la violence des institutions. Cette violence-ci sera d'ailleurs
double : elle portera, certes, sur les corps, devenus « disponibles ».
Mais elle portera surtout sur le moi psychologique des individus. Car
la meilleure façon de juguler la contestation et la déviance, c'est de les
prévenir en imposant à l'universalité des hommes la même « nouvelle
éthique » consignée dans des conventions ayant force de loi[51]. Par sa
nature même, cette « nouvelle éthique » sera donc intolérante, sans
quoi elle ne pourrait procurer aucune uniformisation sociale ni aucune
unidimensionnalisation des individus. Elle appellera donc une
inquisition civile dont la Cour pénale internationale, créée le 18 juillet
1998, pourrait devenir le principal tribunal[52]. Aussi bien, un des
problèmes qui se posent à propos de cette Cour, c'est la séparation des
pouvoirs. La question est de savoir si cette Cour aura assez
d'indépendance pour ne pas être un instrument au service de la
machine onusienne. Sera-t-elle habilitée à exercer un contrôle
juridique sur l'Organisation ?

Ainsi, tranche par tranche, comme dans la tactique du salami, les soi-
disant « nouveaux droits » de l'homme édictés captieusement par une
ONU décidément dévoyée de ses origines, se révèlent être une
construction froidement calculée qui se dote dès à présent
d'instruments d'application à la mesure du monde.
Chapitre IV

La Charte de la Terre
et l'impératif écologique

Les égarements de l'ONU en matière de droits de l'homme peuvent


être illustrés par un autre exemple qui appelle une grande vigilance.
En voie avancée d'élaboration, la Charte de la Terre confirme que
l'ONU est déterminée à déifier la Terre et à désacraliser l'homme[53].
L'ORIGINE DE LA CHARTE

Un accouchement laborieux

L'origine de cette Charte remonte à la Conférence des Nations Unies


tenue à Stockholm en 1972. Cette conférence était consacrée à
l'environnement[54]. Les travaux de cette conférence se sont poursuivis
dans des groupes de travail. Profitant de ces travaux, la Commission
Brundtland souligna en 1987 qu'il était urgent de créer une nouvelle
charte consacrée à la place de l'homme dans le développement
durable. Présidente de la Commission portant son nom, Mme Go
Harlem Brundtland fut choisie comme Présidente du Sommet de la
Terre tenu à Rio de Janeiro en 1992. Elle devait être désignée
Directrice générale de l'Organisation mondiale de la santé en juillet
1998.

À Rio, c'est sous l'impulsion de Gustave Speth, Secrétaire général du


Sommet — et devenu ultérieurement administrateur du PNUD —,
que s'est constitué, fin 1992, le Conseil de la Terre, ONG dont le siège
est au Costa Rica[55]. Le Conseil est devenu le Secrétariat chargé de la
préparation du « brouillon » demandé par la Commission de la Charte
de la Terre. Le Conseil travaille au projet de charte avec une autre
ONG, la Croix Verte internationale, fondée en 1993 par M.
Gorbatchev.

Diverses réunions ont été organisées ou sont prévues pour poursuivre


l'élaboration de ce brouillon. Si l'on en juge d'après la lenteur des
travaux, le nombre des réunions ad hoc, la modicité des résultats
publiés, les ressources investies, il faut reconnaître que
l'accouchement est anormalement laborieux. En soi, ce seul fait
suggère que la divulgation d'un texte final devra s'inscrire dans une
séquence d'événements obéissant à un calendrier déjà défini.

Parmi les réunions consacrées à la rédaction du brouillon de la Charte


figurent la réunion de La Haye en 1995 ainsi que celle de Rio en 1997,
qui était destinée à célébrer le cinquième anniversaire du Sommet de
la Terre[56]. En septembre 1998, le Conseil de la Terre a organisé à
Cuiaba (Brésil), avec l'appui de l'UNESCO, la Conferência Continental
das Américas. Cette conférence avait pour objectif la préparation, au
niveau américain, de la Charte. Il était à ce moment question de
proclamer cette Charte en janvier 2000, ce qui ne fut pas fait.
Plusieurs fois annoncée, cette proclamation fut plusieurs fois reportée.
Décidément infatigables, les rédacteurs de cet interminable brouillon
se sont encore réunis à Paris, au siège de l'UNESCO, du 12 au 14 mars
2000[57]. Quant au Conseil de la Terre, il s'est à nouveau réuni du 24
au 29 juin 2000, à San José de Costa Rica.

Un nouveau dialogue

Actuellement un groupe de quelque vingt-cinq membres s'affairent à


la préparation de la Charte. Ce groupe comprend des personnalités
aussi célèbres que Toumani Toure, Kamla Chowdry, Mercedes Sosa, la
Princesse Basma Bint Talal, Rund Lubbers, Mikhail Gorbatchev. Au
terme de la réunion au siège de l'UNESCO en mars 2000, M.
Gorbatchev souhaitait que la Charte devienne le « décalogue de la
nouvelle éthique globale ». Le chef de ce groupe est un vétéran de
l'ONU : Maurice Strong[58]. Il souhaite et espère que la Charte de la
Terre sera accueillie comme l'a été la Déclaration de 1948. Cette charte
devrait donner lieu à un Code universel de conduite et devrait
remplacer les codes moraux des religions traditionnelles et les valeurs
actuellement reconnues. Excusez du peu...

Les rédacteurs du « brouillon de référence » de la Charte travaillent


actuellement sous la direction du Professeur Steven Rockefeller,
monté au créneau pour la circonstance. Ils espèrent pouvoir faire
adopter le produit de leurs efforts par l'ONU en 2002, à l'occasion du
dixième anniversaire du Sommet de la Terre.

Une réunion de travail a encore eu lieu fin juin 2000, à La Haye.


L'intérêt que porte le gouvernement des Pays-Bas à la Charte a été
confirmé par la présence de plusieurs personnalités hollandaises :
outre Ruud Lubbers, déjà cité, intervinrent Laurens J. Brinkhorst,
Phon van den Biesen, Anne Lie van der Stoel, W.J. Deetman, etc. Sa
Majesté la reine Beatrix de Hollande a estimé devoir faire acte de
présence à cette réunion[59].
EXTRAITS DU BROUILLON

Le projet de Charte, tel qu'il apparaît dans le brouillon de l'an 2000,


comporte évidemment des dispositions particulières intéressantes. En
revanche, ce qui justifie les plus grandes appréhensions, c'est
l'abandon de l'anthropocentrisme. L'homme n'émerge plus du monde
ambiant ; il n'en est qu'un fragment. Le titre du document projeté doit
être pris au pied de la lettre : il s'agit d'une charte qui consacre la
prééminence du monde ambiant par rapport aux êtres qui en
procèdent par évolution et lui sont subordonnés. Le mot anglais
sustainable (ainsi que le mot espagnol sostenible) — qu'on traduit
habituellement, mais maladroitement, en français par le mot durable
— apparaît à une vingtaine de reprises dans le texte. Il signifie que le
critère ultime de tout programme politique, économique, social, etc.
est imposé par ce que l'on présente comme des contraintes
déterminées, nécessaires, imposées par la Terre à tout ce qui s'y
trouve[60]. Voici quelques extraits révélateurs épinglés dans ce
brouillon[61].

Préambule

« Nous sommes à un moment critique de l'histoire de la Terre, le


moment de choisir son avenir... Nous devons nous unir pour fonder
une société globale durable, fondée sur le respect de la nature, les
droits humains universels, la justice économique et la culture de la
paix...

« L'humanité est une partie d'un vaste univers évolutif... Le milieu


ambiant global, avec ses ressources finies, est une préoccupation
commune pour tous les peuples. La protection de la vitalité, de la
diversité et de la beauté de la Terre est un devoir sacré...

« Les modèles dominants de production et de consommation causent


la dévastation de l'environnement, l'épuisement des ressources et une
extinction massive d'espèces... Une augmentation sans précédent de la
population humaine a surchargé les systèmes économiques et
sociaux...
« Voici notre choix : former une société globale pour prendre soin de
la Terre et prendre soin les uns des autres ou nous exposer au risque
de nous détruire nous-mêmes et de détruire la diversité de la vie.

« Nous avons besoin d'urgence d'une vision partagée sur les valeurs de
base qui offrent un fondement éthique à la communauté mondiale
émergente. Pour cela, ensemble et avec une grande espérance, nous
affirmons les principes suivants, qui sont interdépendants, pour une
forme de vie durable, comme un fondement commun au moyen
duquel il faudra guider et évaluer la conduite des personnes,
organisations, entreprises, gouvernements et institutions
transnationales. »

Principes

« Reconnaître que tous les êtres sont interdépendants et que toute


forme de vie indépendamment de son utilité, a valeur pour les êtres
humains...

« Assurer l'accès universel au soin de santé qui favorise la santé


reproductive et la reproduction responsable...

« Assurer que l'information d'importance vitale pour la santé humaine


et la protection de l'environnement, incluant l'information génétique,
soit disponible dans le domaine public.

« Affirmer l'égalité et l'équité de genre comme pré-requis pour le


développement durable et assurer l'accès universel à l'éducation, le
soin de la santé et l'opportunité économique.

« Assurer les droits humains des femmes et des filles et mettre un


terme à toute la violence contre elles.

« Fortifier les familles et garantir la sécurité et l'éducation amoureuse


de tous ses membres...

« Éliminer la discrimination en toutes ses formes, telles que celles qui


sont basées sur la race, la couleur, le genre, l'orientation sexuelle, la
religion, la langue et l'origine nationale, ethnique ou sociale...

« Démilitariser les systèmes nationaux de sécurité au niveau d'une


posture de défense non provocatrice et employer les ressources
militaires à des fins pacifiques, incluant la restauration écologique...

« Reconnaître que la paix est l'intégrité créée par des relations


correctes avec soi-même, d'autres personnes, d'autres cultures,
d'autres formes de vie, la Terre et avec le tout plus grand, dont nous
sommes parties... »
L'IDEOLOGIE DE LA CHARTE

Un « remake » de l'évolutionnisme

À la lecture de ces brefs extraits, et plus encore à la lecture de


l'ensemble du texte, il saute aux yeux que la Charte de la Terre est
imprégnée de tous les stéréotypes divulgués par le Nouvel Âge[62]. On
remarque, en particulier, la place centrale accordée au thème du
holisme : le grand tout du monde ambiant a plus de réalité que les
éléments qui en procèdent et qui en font partie[63]. Nous allons
expliquer ce que la Charte doit aux courants évolutionnistes
contemporains.

La Charte de la Terre reflète fidèlement, quoique en les simplifiant, les


versions contemporaines du scientisme évolutionniste. Ces versions
sont actuellement portées par une nouvelle vague, surtout dans les
milieux anglo-saxons[64]. Selon cet évolutionnisme, l'homme
appartient au monde vivant, dont le code génétique est universel. On
en conclut aussitôt que l'homme n'a aucune spécificité biologique qui
lui permettrait de prétendre émerger biologiquement du reste du
monde vivant. Comme tous les vivants, l'homme est le produit d'une
évolution s'étendant sur quelques milliards d'années et remontant en
fin de compte à la matière[65]. C'est au nom de ce scientisme
biologique qu'est rejeté l'anthropocentrisme tel qu'il apparaît dans la
tradition occidentale et dans la tradition judéo-chrétienne. Tout l'«
humanisme » de ces derniers courants doit être rejeté comme «
pré¬scientifique »[66].

Cette vision pour le moins sommaire de l'évolution a besoin de


méconnaître un fait qui, pourtant, appartient lui aussi au processus de
l'évolution, à savoir l'apparition chez l'homme de sa capacité de
s'étonner, de s'interroger sur le sens des choses et sur le sens de son
existence, sur le sens de la vie et sur le sens de la mort, sur la nécessité
et la liberté.

Comme ce courant évolutionniste radical rapporte tout, en fin de


compte, à la matière, cela n'a plus de sens de parler de dignité de
l'homme ni de ses droits. Au contraire, il faut que l'homme accepte sa
situation éphémère dans l'évolution de l'univers matériel. Il doit,
comme l'y invite le brouillon de la Charte, considérer que « la
protection de la vitalité, de la diversité et de la beauté de la Terre est
un devoir sacré » (nous soulignons). L'homme doit donc reconnaître
non seulement les droits de la Terre en général, mais aussi le droit des
êtres vivants, dont les animaux. Bref, l'homme doit accepter d'être
soumis à l'impératif écologique[67].

En cautionnant la Charte de la Terre, l'ONU cautionne ce remake —


cette nouvelle mouture — du scientisme darwinien complété par
l'eugénisme de Galton. La Charte est en effet traversée par l'idée de
sélection : non seulement la sélection naturelle telle que la
présentaient Malthus et Darwin, mais aussi la sélection artificielle
recommandée par Galton. Selon l'idéologie de la Charte, une gestion
respectueuse de la Terre, par l'homme, exige la prise en compte de
critères de qualité. La biologie et la génétique fournissent, en même
temps que ces critères, les instruments qui en permettent l'application.

Le blanc-seing de l'ONU

La Charte de la Terre prétend ainsi trancher d'autorité un débat qui a


agité les milieux intellectuels depuis le XIXe siècle. Malheureusement,
elle ignore totalement la complexité de ce débat, et qu'il est plus que
jamais ouvert. Elle ne tient nullement compte de l'évolutionnisme
spiritualiste, illustré notamment par Bergson en philosophie et par
une pléiade d'autres philosophes ou par des biologistes de réputation
mondiale.

En raison de la précarité de ses fondements, la Charte risque même


d'être mort-née parce qu'elle laisse entre parenthèses les discussions
actuelles concernant les thèmes auxquels elle se réfère. Nulle part il n'y
est fait allusion au retour en force du finalisme[68]. Ce finalisme
accueille la question de savoir pour quoi les choses sont faites. En
philosophie des sciences, l'influence de causes finales est de plus en
plus admise pour expliquer l'ordre du monde. La Charte de la Terre
considère pour acquis que le débat est clos entre, d'une part,
l'évolutionnisme matérialiste et, d'autre part, l'évolutionnisme
spiritualiste et le finalisme.
Ainsi se révèle le caractère idéologique du document qui utilise un
langage à prétention scientifique pour faire passer une vision du
monde et de l'homme totalement fermée à la transcendance. Plus
précisément, la Charte veut faire accepter comme seul valable le
paradigme holistique, strictement mécaniciste et immanentiste, et les
« valeurs » purement utilitaires qui en sont le corollaire. Il y a des
séries de phénomènes qui se déterminent au fil du temps et dans le
monde. À l'homme de se soumettre à ces déterminismes.

Reste une dernière question. Au nom de quoi et en vertu de quel


mandat, deux ONG, le Conseil de la Terre et la Croix Verte, se sont-
elles donné pour mission de préparer cette Charte ? Dans le système
onusien, la représentativité de ces deux ONG est nulle. En rigueur, ce
document ne devrait engager que ceux qui l'ont rédigé. Et ce n'est pas
la mention de quelques noms célébrés par les médias, ni l'évocation de
« larges consultations » qui permettront de doper ce texte d'une
quelconque légitimité.

Enfin, on se demande au nom de quoi l'ONU s'estime autorisée à


conférer à cette initiative un blanc-seing qui, en toute logique, doit la
conduire à désactiver la conception réaliste des droits de l'homme.
Chapitre V

Les droits contre le Droit

Nous avons vu jusqu'à présent que l'ONU a adopté et veut à présent


imposer au monde entier une interprétation à la fois inversée,
volontariste et holistique des droits de l'homme. Par touches
successives, comme l'exige la tactique du salami, elle répudie
sournoisement la conception traditionnelle des droits de l'homme. En
mesurant les mots, nous devons constater que le mouvement dont
l'ONU a pris la tête ne peut conduire qu'à l'abîme. C'est ce que nous
allons montrer.

De l'individualisme à l'absolutisme

Pour répondre aux revendications utilitaristes et hédonistes des


individus, il est éclairant de se souvenir de la démarche de Hobbes. Il
faut voir dans le Léviathan une vision prémonitoire de ce qui se
déroule sous nos yeux. Comme l'avait pressenti l'auteur du Léviathan,
pour être cohérent avec lui-même, l'hyper-individualisme appelle non
seulement un absolutisme éclairé, mais un totalitarisme « éclairé »[69].
Le nouveau Léviathan trouve son incarnation dans une technocratie
dictant aux individus quelles sont, pour eux, les voies de la justice et
du bonheur.

Telle est la dérive vers laquelle se précipite inévitablement l'ONU dans


la mesure où elle a pris le parti de désactiver les références
anthropologiques et morales qui ont justifié sa naissance et légitimé sa
mission de paix et de développement.

Certes, pour le moment, le directoire mondial qui se met en place sous


son égide n'est pas encore un gouvernement de juges. C'est plutôt un
gouvernement d'administrateurs qui veulent régenter la planète en
détruisant les législations nationales qui les gênent et en neutralisant
les discordants. De fait, comme nous l'avons déjà relevé, la plupart de
ces législations nationales honorent les droits de l'homme tels qu'ils
ont été proclamés en 1948. Alors, les bureaucrates onusiens essayent
de se doter d'instruments juridiques échappant au contrôle des
nations.[70]

Avec le concours de certaines ONG gorgées de ressources, et qui se


sont organisées en forum permanent, le droit propre aux nations tend
à être vidé de lui-même et le pouvoir politique de ces mêmes nations
souveraines tend à être réduit comme une peau de chagrin. Une fois
que le droit des nations aura été vidé de sa substance et que le pouvoir
politique de celles-ci aura été ruiné, ou acheté, ces nations se
trouveront privées du rempart contre le totalitarisme que constituait,
précisément, leur droit traditionnel. Les « nouveaux droits » contre le
Droit, en quelque sorte.

Le précédent de Kelsen mérite d'être rappelé1 : le triomphe du


positivisme juridique échafaudé par cet auteur a privé l'Autriche et
l'Allemagne d'un droit d'inspiration classique qui eût été une arme
puissante pour prévenir et combattre le nazisme.

Quelle Cour pénale internationale ?

Ici apparaît le bien-fondé des craintes liées à la création, le 18 juillet


1998, de la Cour Pénale Internationale[71] (CPI). Sans doute, cette
Cour, voulue depuis longtemps par l'ONU, comble-t-elle une lacune
grave puisqu'elle vise à réprimer les crimes de guerre, les crimes
contre l'humanité et les génocides ; elle aura aussi un rôle dissuasif de
grande importance. Il faut aussi relever que, bien que tardive, la
création de cette Cour s'inscrit dans le droit fil de la conception
traditionnelle des droits de l'homme, au nom desquels ont été menés
les deux procès de Nuremberg : celui des dirigeants d'organisations
nazies (du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946), et celui des
médecins nazis (du 9 décembre 1946 au 20 juillet 1947).

Or sous la pression de certains lobbies, notamment féministes


radicaux et/ ou homosexuels, la compétence de cette Cour pourrait
s'étendre aux « crimes » concernant les soi-disant « nouveaux droits
de l'homme » obtenus selon la procédure « consensuelle », protégés
par des conventions et fluctuant au gré de la jurisprudence ou des
forces en présence. La conception des droits de l'homme à laquelle la
Cour pénale internationale devra se référer apparaît donc d'ores et
déjà comme hybride, puisqu'elle oscille entre la conception réaliste des
droits de l'homme et la conception consensuelle qui s'exprime dans les
soi-disant « nouveaux droits ». Cette faille risque d'hypothéquer le
crédit de cette Cour et expose celle-ci à des manipulations en tout
genre.

Ainsi — après l'approbation de nouveaux instruments comme la


Déclaration des défenseurs ou la Charte de la Terre[72] — des crimes
contre les « nouveaux droits de l'homme » pourraient être jugés par
cette cour. Exemple : dans la mesure où l'avortement et
l'homosexualité seraient reconnus comme de « nouveaux droits de
l'homme », les opposants à l'avortement, à l'homosexualité, à
l'euthanasie, etc. pourraient être jugés par la Cour pénale
internationale[73].

À ce premier motif de crainte s'ajoute le fait que les États-Unis — non


plus que la Chine — n'ont pas adopté le Traité. Ils craignent en effet
que certains de leurs citoyens, entre autres les militaires, ne soient
traduits directement devant cette juridiction. Ce qui est ici en question
c'est, une fois de plus, la souveraineté des États, et plus précisément la
« compétence nationale[74] ». Comment un État peut-il admettre qu'un
de ses ressortissants soit cité directement à comparaître devant la CPI
sans voir, dans cette citation, une entorse limitant sa souveraineté ?

On peut enfin craindre que cette Cour criminelle internationale suive


une évolution comparable à celle de la Cour Suprême des États-Unis.
On sait que cette dernière joue de fait un rôle exorbitant en matière
législative, rôle que la Constitution ne lui reconnaît pas. On sait aussi
que cette même Cour Suprême affaiblit la juridiction des États
fédéraux[75].

La Déclaration des défenseurs des « nouveaux droits »

D'autres motifs d'inquiétude surgissent à propos de la Déclaration sur


les défenseurs des droits de l'homme. Le 26 avril 2000, la Commission
des Droits de l'homme de l'ONU, siégeant à Genève, adoptait par 50
voix sur 53, la résolution créant le poste de Représentant spécial du
Secrétaire général de l'ONU chargé de la protection des défenseurs des
droits de l'homme[76]. L'intitulé de ce texte, dans sa version divulguée
le 8 mars 2000, est ainsi libellé : « Déclaration sur le droit et la
responsabilité des individus, groupes et organes de société pour
promouvoir et protéger les droits de l'homme universellement
reconnus et des libertés fondamentales[77] ».

Le projet de Déclaration avait d'abord été discuté en mai 1998, déjà à


la Commission des Droits de l'homme de l'ONU, réunie à Genève.
Cette déclaration devait être recommandée par l'ECOSOC (Conseil
Économique et Social des Nations Unies) au cours de sa session d'été
1998 (fin juillet-début août) ; elle devait être approuvée mi-septembre
de la même année par l'Assemblée générale de l'ONU. Selon cette
Déclaration, les « nouveaux droits de l'homme » devraient être
activement promus et rapidement inscrits dans les législations
nationales. Alors que les agents travaillant pour ces « nouveaux droits
» (« Human Rights Workers ») devraient être protégés, les opposants
à ces « nouveaux droits » devraient être poursuivis et punis. Ces
opposants pourraient être des États, des groupes ou des particuliers.

Cette Déclaration vise d'abord à mettre les « défenseurs » les plus


radicaux des « nouveaux droits de l'homme » à l'abri de toute
opposition ou poursuite. Ces « défenseurs » devront donc bénéficier
de la protection de l'ONU et des États. Ainsi, même les lois nationales
réprimant les perversions sexuelles pourront finir par être abolies. Ni
les États, ni les particuliers ne pourront s'opposer à ces pratiques, dès
lors que celles-ci auront reçu le label de « nouveaux droits de l'homme
» (cf. art. 7 de la Déclaration sur les défenseurs)[78]. Dans sa dernière
formulation, cet article 7 porte : « Individuellement ou en association
avec d'autres, chacun a le droit de développer et de discuter de
nouveaux droits de l'homme, idées et principes, et de revendiquer
(advocate) leur acceptation ». Les agents-défenseurs des droits de
l'homme pourraient donc déclarer de « nouveaux droits » qui
n'auraient même pas été « négociés ». En outre, ils bénéficieraient,
pour faire respecter ces « nouveaux droits », de l'aval que leur assure
la Déclaration. Celle-ci garantit en effet non seulement le privilège de
l'initiative mais aussi celui de l'immunité.

Il s'ensuit que, dans la mesure où la Déclaration universelle de 1948


est en opposition avec les prérogatives des agents-défenseurs des
droits de l'homme, cette même Déclaration de 1948 devra être
considérée comme discriminatoire et traitée comme telle.
Particulièrement explicite est l'article 9 du texte de la Déclaration sur
les défenseurs, qui prévoit que les individus et associations s'opposant
à ces soi-disant « nouveaux droits » pourront — et même devront —
être poursuivis en justice. Quant à l'article 12, il prévoit que les États
devront protéger les défenseurs des « nouveaux droits », contenir et
même punir ceux qui s'y opposeront.

Ces poursuites seront de la compétence des juridictions nationales,


mais il ne fait aucun doute qu'elles seront également du ressort de la
Cour pénale internationale (CPI). L'association NAMBLA (North
American Man/Boy Love Association) a déjà fait savoir qu'elle espérait
bénéficier de la protection que la Déclaration devrait offrir, selon elle,
aux militants de la pédophilie[79]. Aussi, bien des voix se sont déjà
élevées pour réclamer la « majorité sexuelle » à 10 ans!

AMII, vraiment ?

L'influence de cette nouvelle conception, intégralement positiviste, du


droit est même perceptible hors des strictes limites de l'ONU. À
l'OCDE, et dans une discrétion suspecte, les principaux pays
industrialisés discutent un Accord Multilatéral sur les
Investissements, appelé par antiphrase AMI[80]. Si les 29 pays
concernés arrivent à un « consensus », les droits que les investisseurs
se seront définis et attribués l'emporteront sur les droits de tous les
autres pays. Les droits des populations pauvres à l'alimentation, à la
santé, à l'instruction, à la vie même, leur droit à disposer d'eux-
mêmes, leur souveraineté : tous ces droits seront subordonnés à la
volonté discrétionnaire de l'oligopole issu de l'AMI.

En outre, selon un schéma analogue à celui que nous avons relevé à


l'ONU, pour être efficace, cet AMI devra pouvoir compter sur une
juridiction appropriée. Les multinationales exerceront ici la pression
exercée ailleurs par les ONG. Elles pourront éventuellement traduire
en justice les États récalcitrants qui s'opposeront aux intérêts des
signataires de l'AMI.

Tout au long de cette revue, une question s'est imposée avec une
netteté croissante. L'Europe, plus précisément l'Union Européenne,
souscrit-elle à cette vision onusienne des « nouveaux droits » ? N'est-
ce pas d'elle que peut surgir une impulsion libératrice ? C'est ce que
nous devrons examiner ultérieurement[81].
Chapitre VI

De la tolérance à l'inquisition laïque

Que les « nouveaux droits » de l'homme par l'ONU soient porteurs


d'un nouveau totalitarisme, c'est ce que confirme le recours incessant
et captieux à la tolérance. Nous allons montrer d'abord que l'usage de
ce mot masque un relativisme prêt à tout accepter, y compris le pire.
Ensuite nous montrerons que cette tolérance est utilisée par le
laïcisme international pour imposer un rationalisme inexorablement
anti-chrétien.
TOLERANCE ET VIOLENCE

De la tolérance doctrinale à l'intolérance civile

À l'occasion des guerres de Religion et sous l'impulsion de Jean Bodin,


le thème de la tolérance a été fort développé depuis le XVIe siècle. Peu
à peu, l'illuminisme traite ce thème pour lui-même. Ces
développements résultent de l'affirmation de plus en plus claire de
l'autonomie des individus, de leur prétendue liberté de pensée, du «
rejet de tout dogme » (entendez de toute vérité révélée, y compris de la
possibilité de celle-ci), de toute autorité. Il résulte également du
scepticisme ou de l'agnosticisme philosophique : à partir du moment
où nul n'est en mesure de connaître le vrai et le bien, chacun doit
respecter les opinions et les décisions des autres. La tolérance ainsi
conçue implique évidemment un relativisme moral, dont l'individu
peut sortir en choisissant — « en totale liberté » — ce qui lui plaît, ce
qui lui est utile.

Cette tolérance, qu'on peut appeler « doctrinale », doit cependant être


distinguée de la véritable tolérance, la tolérance « civile » : celle-ci a
pour objet, non des positions philosophiques ou morales, mais des
hommes et des femmes concrets. Ces hommes et ces femmes, je dois
les respecter quelles que soient leurs opinions[82].

À première vue, la distinction entre ces deux formes de tolérance est


claire et nette. Je puis par exemple respecter parfaitement M. Dupont,
même s'il ne partage pas mes opinions philosophiques. Cependant, en
réalité, les choses sont souvent bien plus complexes. Tel est justement
le cas dès que sont mis en question les droits de l'homme et la
démocratie. En effet, si je pose en principe que la société en général, la
société politique en particulier, doit être totalement tolérante
doctrinalement, c'est-à- dire indifférente face à toutes les questions
relatives à la vérité, au bien, au mal, etc., cette même société se trouve
évidemment dans l'incapacité totale de dire ce que sont les droits de
l'homme. Ce vide de références reconnues comme vraies plonge la
société dans une inconnaissance, et même une inconoscibilité, de ce
qui est bon ou mauvais pour l'homme et pour la société.
En raison même de l'agnosticisme qu'elle implique, la tolérance
doctrinale, avec son relativisme intégral, finit donc tôt ou tard par
déboucher sur l'intolérance civile. En effet, si, selon ma conception de
la morale, je puis exploiter, exclure ou éliminer autrui, les autres
doivent faire preuve de tolérance à mon égard et admettre que
j'exploite autrui. Il n'y a plus de repères, puisqu'il n'y a plus de bases ;
il n'y a plus d'interdits, puisqu'il n'y a plus rien à transgresser ; il n'y a
plus de prescrits, puisqu'il n'y a plus de devoirs. Prétendre que la
tolérance civile est possible là où toutes les affirmations sont aussi
vraies, ou fausses, les unes que les autres, c'est faire fort peu de cas de
l'homme ; c'est nier sa sociabilité et, à bref délai, le renvoyer dans la
jungle.

Or, précisément parce que les théoriciens de la tolérance doctrinale


posent au principe que « toutes les idées se valent » et que, dès lors,
les spectres de la jungle ou de l'anarchie ne sont pas loin, il faut
trouver une issue à cette aporie, à ce chemin sans issue. On sait ce qui
se passe alors. En une première démarche, il s'agit de vider de sa
substance la Déclaration de 1948 et les autres documents appartenant
à la même tradition humaniste. On commence par introduire des
dérogations. La loi Veil de 1975, légalisant l'avortement en France,
déroge au droit fondamental de tout être humain à la vie, qu'elle a
pourtant affirmé dans la première phrase de son article premier. Dès
la seconde phrase de ce même article, la dérogation est introduite et
elle est légalisée dans les articles suivants.

La dérogation est par elle-même révélatrice de la gêne, de la honte,


voire de la mauvaise foi du législateur : dans les conditions que celui-ci
définit, le législateur permet ou autorise qu'il soit porté atteinte à la vie
humaine ; l'idée d'un mal que l'on admet est encore sous-jacente. Or
les dérogations sont bientôt érigées en « nouveaux droits ». Il n'est
plus question de considérer que l'homme et ses droits sont des donnés
premiers. La tolérance civile, qui pousserait à reconnaître que
l'homme est le sujet de ces droits, est ici disqualifiée au nom du
relativisme subjectif et de la tolérance doctrinale. Alors, pour sortir de
cette aporie, de cette impasse, on échafaude une nouvelle conception
des droits de l'homme, qui n'a rien à voir, ni dans sa source ni dans
son contenu, avec la conception humaniste traditionnelle, ainsi que
nous l'avons déjà expliqué ci-dessus dans notre analyse du
consensus[83].
UN RATIONALISME ANTI-CHRETIEN

En pratique, le thème de la tolérance est un paravent utilisé par le


laïcisme international pour masquer sa volonté d'imposer et de
généraliser une pensée rationaliste fondamentalement anti-
chrétienne.

Par laïcisme, on entend d'une part une doctrine intégralement


rationaliste qui lutte pour l'élimination de toute croyance chrétienne et
religieuse en général. Cette doctrine donne lieu à des programmes
d'action. Par laïcisme, on entend alors des mouvements d'action
militant pour faire triompher ce rationalisme anti-religieux chez les
individus et dans la société. Il est bien connu que la franc-maçonnerie
est l'un des principaux vecteurs du laïcisme, entendu dans les deux
acceptions qui viennent d'être rappelées[84].

Or, ce laïcisme se présente comme le gardien de la tolérance, mais


d'une tolérance qui est piégée, ainsi que nous l'avons expliqué. En fait,
au nom de cette tolérance, ce que veut ce laïcisme, c'est étouffer la voix
de l'Église, sous prétexte que celle-ci serait « intolérante » en raison du
fait qu'elle annonce un message vrai, et qu'elle admet l'ouverture à la
Révélation de Dieu dans le temps.

Le laïcisme remonte par là le cours du temps. Il reproche à l'Église


d'aujourd'hui de vouloir intervenir intempestivement dans les affaires
politiques au nom de sa doctrine et de sa morale. Il s'agit là d'une
situation qui s'est sans doute produite dans l'histoire de l'Église mais
qui ne se vérifie plus. Depuis longtemps, toute volonté théocratique a
disparu de l'Église ; elle subsiste encore cependant dans des religions
non chrétiennes comme l'Islam.

En revanche, ce même laïcisme dont nous parlons veut restaurer à son


seul profit un césaropapisme totalement sécularisé où César, c'est-à-
dire le pouvoir politique, veut gouverner la société et les consciences
au nom de la religion que lui- même institue. Le césaropapisme
nouveau consiste à imposer le rationalisme intégral à la société et aux
consciences, en utilisant le label de la tolérance. Or, comme nous
l'avons vu, de par sa nature, cette conception de la tolérance justifie et
même requiert l'exclusion des « dissidents », de ceux qui revendiquent
le droit à la différence, de ceux qui refusent ce rationalisme et restent
ouverts à la Révélation. Cette soi-disant tolérance donne lieu à une
religion séculière. Elle devient religion civile, système de pensée
unique. Elle est censée légitimer le pouvoir politique et implique, pour
se protéger, une inquisition séculière impitoyable.

L'histoire contemporaine est riche en enseignements sur ce genre de


césaropapisme. Le communisme, tant dans sa forme soviétique que
chinoise, montre bien qu'un régime radicalement « laïciste », pour
rester cohérent avec lui-même, se doit d'être intolérant ; il a besoin de
se doter d'un magistère laïque et d'instruments de répression de la
déviance.

C'est vers la restauration d'un césaropapisme de ce genre que conduit


la conception de la tolérance actuellement développée à l'ONU,
patronnée et généralisée par elle. L'obstination dont elle témoigne
pour imposer ses « nouveaux droits de l'homme » révèle que l'ONU a
l'ambition de se poser en église sécularisée, prétendant imposer son
rationalisme à la société humaine et à l'universalité des consciences.

L'attelage entre le laïcisme et la tolérance, entendus au sens que nous


venons d'expliquer, n'a rien de surprenant. Tous deux considèrent
comme un fait démontré que le christianisme est un danger pour la
société politique. Plus précisément, le laïcisme considère que le
christianisme est intolérable parce qu'il mettrait en danger la laïcité,
c'est-à-dire la distinction et la séparation de la société politique et de
l'Église.

Or que comporte exactement cette séparation, caractéristique centrale


de la laïcité ? Elle comporte que le pouvoir politique n'empiète pas sur
le pouvoir religieux, ni le pouvoir religieux sur le pouvoir politique. Or
on sait qu'actuellement, la séparation des deux sphères, politique et
religieuse, ne fait pas problème dans les pays démocratiques. Si donc,
au nom du laïcisme, on y revendique la laïcité, c'est-à- dire la
séparation de la société politique d'avec l'Église, on ne fait qu'enfoncer
une porte ouverte. En revanche, dans les sociétés ou les institutions
où, au nom de la pseudo-tolérance, le laïcisme veut imposer un
système de pensée unique, il ne respecte pas la nécessaire distinction
entre les deux plans.
Il s'ensuit que si, au nom du laïcisme, on attend des institutions
politiques — nationales, internationales ou supranationales — qu'elles
donnent leur caution à un rationalisme radical, rejetant a priori la
possibilité même d'une Révélation, alors on en revient à une situation
semblable à celle qui existait avant que ne fût admise la laïcité. César,
c'est-à-dire le pouvoir politique, est aussi « pape », c'est-à-dire chef de
la religion civile. Il impose son rationalisme radical, sa religion
séculière, comme principe exclusif d'intégration sociale. Toute
référence à d'autres principes est vouée à être déclarée irrationnelle et
est frappée d'exclusion.

Sous couvert de liberté et de tolérance, on voit ainsi se profiler les


structures d'une société où seul subsiste un acte de liberté : consentir à
la servitude.

Voilà où aboutit la lecture onusienne du libéralisme de Hobbes, revu et


complété par le socialisme de Rousseau.
Chapitre VII

Pékin+5 :
une histoire de grain de sable

Du 5 au 10 juin 2000 s'est tenue à New York la conférence de l'ONU


célébrant le cinquième anniversaire de la Conférence de Pékin[85]. Il
s'agissait de dresser un bilan : le plan d'action défini en 1995 a-t-il été
exécuté ? A-t-il rencontré des obstacles ? Que faut-il faire pour aller
plus avant ? La réunion de juin était désignée officiellement sous le
titre ; « Women 2000 : Gender Equity, Development and Peace for the
21st Century »[86]. Quelque 8000 participants représentaient 180 pays
et 2000 ONG avaient envoyé leurs délégués.

Malgré ce déploiement d'artillerie lourde, malgré de nombreuses


réunions préparatoires, cette Conférence s'est achevée « sans grands
résultats » selon l'expression euphémique du journal Le Monde[87].
LES ACTEURS EN PRESENCE

Délégués et fonctionnaires

Divers acteurs étaient en présence. Particulièrement déterminé se


détache le groupe des pays riches appuyés — faut-il le dire ? — par les
fonctionnaires de l'ONU. Tous étaient bien décidés à faire adopter, ou
à accélérer le processus menant à adopter, les « nouveaux droits de
l'homme » selon l'ONU.

Rappelons ces droits, qui se regroupent autour des « droits sexuels » :

- Perspective du « gender » : les différences de rôle entre l'homme


et la femme dans la société ne sont pas naturelles ; elles sont
culturelles.

- « Orientation sexuelle » : chacun est libre de choisir son sexe ou


d'en changer ; unions homosexuelles avec « droit » d'adoption.

- Multiples « modèles » de « familles » : famille naturelle :


monogamique et hétérosexuelle ; « familles » monoparentales, unions
de personnes du même sexe. « Droit » de répudiation du conjoint ou
partenaire.

- « Services de santé » pour les femmes, entendant par là l'accès


légalisé et facile à la contraception sous toutes ses formes et à
l'avortement.

- Éducation sexuelle obligatoire des adolescents dans la


perspective du « gender » et de l'« orientation sexuelle » ; liberté
sexuelle, soustraite au contrôle des parents, pour les adolescents. Cette
rubrique comporte l'accès facile et discret à la contraception et à
l'avortement, dispensaires ou « cliniques » ad hoc dans les écoles.
Certains vont jusqu'à réclamer la « majorité sexuelle » à partir de 10
ans ; d'autres revendiquent le droit à la pédophilie.

- Droits des « sex workers », poussant les USA à refuser de


condamner la prostitution ; attitude complaisante de plusieurs pays
vis-à-vis de la pornographie, etc.
Comme on peut le constater, il s'agit là des « nouveaux droits de
l'homme » propagés par l'ONU et/ ou martelés par les représentants
des pays riches : USA, Canada, Union européenne.

Les féministes radicales

Ces mêmes « droits sexuels » sont appuyés bruyamment, et souvent


avec une violence verbale atterrante, par diverses ONG féministes
radicales. À Beijing+5, elles sont revenues en force avec leurs vieilles
lunes. Le catalogue comprend, cela va de soi, les « droits sexuels »
qu'on vient de rappeler et, en plus, le thème de la discrimination, celui
des opportunités d'emploi. On n'a pas échappé à la ritournelle
habituelle des auto-nommées « Catholics for Free Choice », selon
lesquelles « le Vatican s'oppose à la libération de la femme »[88].

Opposants au « colonialisme sexuel »

La Conférence « Women 2000 » se distingue des autres conférences


du même genre par l'affirmation de plus en plus claire du dissentiment
de certains pays. Plusieurs pays du Moyen-Orient, d'Afrique,
d'Amérique latine ont introduit un grain de sable dans la belle
mécanique. Ils ont rejeté la vulgate onusienne concernant les « droits
sexuels » et l'« orientation sexuelle ». Mention spéciale doit être faite
des positions prises dans ces domaines surtout par le Sénégal et le
Nicaragua, mais aussi par l'Égypte, la Libye, le Pakistan et le Soudan.
La Pologne elle-même ne s'est pas laissé méduser par le chantage à la
marginalisation dans la Communauté européenne, au cas où elle ne
s'alignerait pas sur le fameux « consensus[89] ».

On a remarqué en outre le rôle accru joué par le Groupe des 77, qui, en
fait, regroupe actuellement 138 pays en développement. La plupart de
ces pays ont une conscience de plus en plus nette des dangers que
représente pour eux l'idéologie des « nouveaux droits de l'homme ».
Ils savent en particulier que cette idéologie a notamment pour but de
donner un semblant de « légitimation » aux programmes visant à
juguler la croissance démographique de leur population[90]. Selon une
expression qui a fait fortune à cette réunion, la plupart de ces pays
rejettent le « colonialisme sexuel » de l'ONU et des pays riches.
Malheureusement, au sein de ce « Groupe des 77 » des divisions se
sont manifestées. La vieille recette « diviser pour régner » a été utilisée
par les pays riches. Certaines délégations ont cédé aux charmes de la
récupération monnayée. Il ne s'agit sans doute là que d'un phénomène
résiduel. Si en effet quelques délégués sont sensibles aux dessous-de-
tables, tous sont unanimes à reconnaître, en privé et en public, que
l'acceptation des « nouveaux droits de l'homme » consoliderait les
mécanismes les maintenant dans l'humiliation coloniale.

Le Saint-Siège : réalisme et vérité

Dans cette Conférence, comme dans les autres, le Saint-Siège,


représenté par le nonce Renato Martino, a joué un rôle majeur[91]. Une
fois de plus, il a mis son point d'honneur à proclamer la vérité. Il l'a
fait par la bouche de Kathryn Hauwa Hoomkwap. Chargée du discours
officiel de la délégation pontificale, cette Nigérienne a ramené le débat,
avec beaucoup de justesse, sur le terrain qu'il n'aurait jamais dû
quitter : celui du réalisme et de la vérité. Prenant à contre-pied les
idéologues du sexe, la porte-parole du Saint-Siège a rappelé que les
femmes avaient besoin d'eau potable, de nourriture, de scolarité, de
travail, de protection contre les maladies de la pauvreté, de respect.
Comment ces pays en développement, qui ont préservé leur bon sens
et leur réalisme, ne souscriraient-ils pas massivement à un programme
aussi concret ?
UN BILAN PROMETTEUR ?

Quelles surprises ?

Après ce tableau contrasté, on ne s'étonnera pas d'apprendre que la


rédaction du document final a réservé des surprises, bonnes pour les
uns, décevantes pour les autres. Les passages sur les « droits sexuels »
et les « orientations sexuelles » ont été passés à la moulinette ; la
famille traditionnelle, c'est-à-dire naturelle, n'a pas été dépréciée.
Observateur permanent au Saint-Siège à l'ONU, le nonce Renato
Martino avait toutes les raisons de manifester sa satisfaction à l'issue
des travaux. Il n'était pas le seul à le faire.

On comprendra pourtant que ses sentiments n'aient pas été partagés


par Patricia Flore, leader remuante de la délégation allemande.
Terrassée par son désaveu, celle-ci abandonnait le navire avant même
la conclusion des travaux. La déception des délégués européens était
pratiquement générale[92]. Pour Madame Nafis Sadik, qui espérait
terminer sa carrière en apothéose, c'était pour ainsi dire l'échec de
toute une vie. Elle ne put contenir ni ses larmes, ni sa hargne, tançant
les délégués qui avaient fait voler en éclat le consensus pré-imposé et
consommant son dérapage final en pressant les personnels médicaux
d'apprendre à faire des avortements, même si c'est contre leur
conscience! Étonnante façon de tirer sa révérence...

La force de la prière et de la vérité

Ce qui s'est passé à la Conférence « Women 2000 » justifie néanmoins


un certain optimisme. Pour la première fois depuis des années, le
réalisme est revenu en force. Ce retour à la vérité des situations, ainsi
qu'à la vérité des droits de l'homme et de la femme, a activé, dans et en
dehors des milieux chrétiens, des sources de courage que la force
irrésistible d'une voix fraternelle et prophétique suffisait à dynamiser.

Ce regain d'intérêt pour la vérité et la justice a encore été favorisé par


le sentiment, tout à fait justifié, d'inefficacité totale laissé par la série
pléthorique des réunions précédentes. Les pays les plus concernés par
le développement éprouvent un sentiment de lassitude de plus en plus
intolérable face à des « programmes » et autres « plans d'actions »
dont ils ne sont pas dupes, puisque l'idéologie qui les inspire donne
des signes d'essoufflement et fait entendre des craquements
prémonitoires, comparables à ceux qui ont précédé l'implosion du
système soviétique.

« Women 2000 » est, en particulier, plein d'enseignements pour les


chrétiens. La Conférence a révélé avec une évidence fulgurante
l'efficacité de la prière et la force de la vérité. Car, ne l'oublions pas,
Goliath était bien décidé à foncer sur David.

Il est vrai que les chrétiens s'étaient bien préparés et bien organisés, et
leur exemple mérite de faire école. « Women 2000 » appelle en effet
un suivi. Il est urgent qu'aux niveaux national et local, les chrétiens se
forment et s'organisent comme ils le font au plan international, pour
qu'ils puissent approcher leurs représentants, leurs gouvernants et
leurs délégués, ainsi que les médias de tout niveau, afin de leur ouvrir
les yeux sur le terrain miné où ils ont à évoluer[93].

La guerre continue

Mais cet optimisme doit rester très modéré et la circonspection


s'impose. Sans doute, les pays riches harcelés (idéologiquement
s'entend) par les féministes radicales, ont-ils commis une erreur
stratégique majeure en prétendant modifier substantiellement le plan
d'action arrêté à Pékin. Or la manipulation a des limites : le plan
d'action ne pouvait être altéré[94]. Il est vrai cependant que le
document final ne se prive pas d'insister pour que soit signé l'Optional
Protocol concernant la Convention pour l'élimination de toute forme
de discrimination vis-à-vis de la femme. Adopté le 12 mars 1999, ce
Protocole prévoit des poursuites en cas de « violations graves ou
systématiques des droits de la femme ». Il prête le flanc à des
interprétations dépassant ce qui a été arrêté à Pékin en 1995[95].

Mais la force d'inertie d'un paquebot comme l'ONU est telle que même
si un changement de cap soudain et radical y était décidé, il ne
pourrait se faire qu'au prix d'immenses difficultés et au bout d'un long
délai. Et, pour l'establishment onusien, en se déjugeant. La raison en
est à chercher dans le fait que tous les rouages de l'ONU sont
imprégnés de l'idéologie du « gender » et des « nouveaux droits de
l'homme ».
C'est ce qui se passe sous nos yeux, avec le déclin, souvent alarmant,
de la fécondité. L'ONU, qui reconnaît ce phénomène, continue
imperturbablement à financer des campagnes pour l'alimenter! À
défaut de pouvoir être recyclée, toute une génération de technocrates
devrait être remplacée par des fonctionnaires d'esprit libre, apportant
du sang neuf afin que la purification idéologique puisse se produire.

Tout porte donc à croire que si une bataille a été gagnée, la lutte
continue. À n'en point douter, ceux qui ont été désavoués en juin à
New York sont prêts à rebondir sans tarder, et avec une détermination
redoublée. Une autre grande conférence sur la femme devrait avoir
lieu en 2005. Comme toutes les autres, elle sera précédée d'une
kyrielle de « réunions préparatoires ». La conférence de 2005 devrait
être organisée en Europe centrale ou orientale. C'est dans ces régions
que — selon les vœux ardents des « promoteurs » du gender — il serait
le plus urgent de faire accepter les « droits sexuels »...

Signe évident que la guerre continue, même si le front se déplace :


l'Union européenne est en train de peaufiner une Charte des droits
fondamentaux, qui reflète à s'y méprendre l'idéologie onusienne des «
nouveaux droits de l'homme ». Une Charte que, sans aucun doute,
l'Europe s'appliquera à imposer chez elle et à exporter partout où elle
trouvera des candidats réceptifs à l'arnaque idéologique[96].
Chapitre VIII

Le Millenium de tous les périls

En raison de son retentissement particulier et de ses enjeux, la


Conférence Pékin+5 méritait qu'on lui consacre l'exposé distinct qui
apparaît au chapitre précédent. Cette conférence sur la femme ne
saurait toutefois éclipser d'autres événements qui ont jalonné jusqu'à
présent l'année 2000. Nous allons examiner quelques-uns d'entre eux
en donnant un relief spécial aux initiatives dont s'est chargé, ou dont a
été chargé, M. Kofi Annan, Secrétaire général de l'ONU. Au terme de
cette revue, il apparaîtra que se précisent tous les motifs de
préoccupation que nous avons relevés jusqu'à présent. Nous
concentrerons notre attention sur le projet de globalisation, déjà
connu, mais confirmé par de multiples initiatives convergentes. Notre
attention se focalisera plutôt sur les projets économique, religieux et
politique[97].
LE RAPPORT NOUS LES PEUPLES

Un document programmatique

En vue du Sommet et de la 55e Assemblée générale, tenus à New York


en septembre 2000, le Secrétaire général avait préparé un Rapport du
Millénaire, intitulé Nous, les Peuples, sur le rôle des Nations Unies.
Rendu public le 3 avril 2000, ce rapport se garde de toute référence
fondatrice à la Déclaration de 1948. Il est fondé sur les valeurs
reflétant l'esprit de la Charte de 1945: équité, solidarité, tolérance,
non-violence, respect de la nature, responsabilité partagée. Ce
document programmatique comporte différentes rubriques :

- Nouveau siècle, nouveaux défis ;


- Mondialisation et gouvernance ;
- Vivre à l'abri du besoin ;
- Un monde libéré de la peur ;
- Pour un avenir viable ;
- Rénover l'Organisation des Nations Unies.

Nous épinglerons certaines thèses exposées dans ces pages, en


renvoyant aux numéros figurant dans le rapport.
Il faut redoubler d'efforts pour agir notamment au niveau de la
population mondiale, car la croissance de celle-ci, important surtout
dans les pays en développement (93), risque d'accentuer la pauvreté et
les inégalités (72). Tel est le fil conducteur du rapport.

« La démographie, assure le rapport, n'est pas une fatalité, mais c'est


un problème majeur, tant en raison du nombre qu'à cause de la
pauvreté et du dénuement auxquels les populations seront vouées si
nous n'intervenons pas dès à présent de manière décisive. » (94)

Le rapport lance également un appel en faveur de l'instruction des


filles : on ne peut certes qu'y souscrire. Mais on s'étonne des
motivations avancées, qui ne manquent pas d'une certaine ambiguïté.
L'objectif, c'est d'offrir aux femmes un vaste choix d'emplois, afin de
leur donner plus de possibilités dans la vie. « Ainsi, elles peuvent
choisir de se marier plus tard, ce qui fait baisser le taux de fécondité.
» (82 s.).
La centralité du droit international et le rôle de la Cour pénale
internationale sont également réaffirmés (211). Comme l'homme est
supposé être le grand prédateur de la planète, des mesures doivent
être prises pour que les dégâts soient limités. D'après le rapport, c'est
plus à cause du nombre d'hommes que l'environnement se dégrade,
qu'à cause de leur comportement irresponsable:

« Au cours des 100 dernières années, notre milieu naturel a eu à


supporter les pressions découlant de l'accroissement de la population
humaines, qui a quadruplé, et de la production économique
mondiale, qui a été multipliée par 18. Selon les estimations, la
population mondiale, qui est actuellement de 6 milliards d'habitants,
atteindra près de 9 milliards d'individus d'ici à 2050. Le risque de
causer des ravages irréparables à l'environnement existe donc bel et
bien. » (256).

L'incorporation au système légal international

Le 15 mai, Kofi Annan réinsistait sur la centralité du droit


international. Dans une lettre adressée aux participants invités au
Sommet de septembre, il demandait instamment à ceux-ci de profiter
de cette rencontre pour signer les traités et conventions dont le
Secrétaire général est dépositaire[98]. Il s'agissait pour les invités « de
saisir cette occasion unique d'exprimer leur appui, afin qu'ils puissent
s'incorporer au système légal international ». Parmi les vingt-cinq
traités ou conventions multilatéraux que les participants accrédités
étaient invités à signer figuraient la Convention internationale sur les
droits économiques, sociaux et culturels; la Convention internationale
sur les droits civils et politiques; le second Protocole optionnel de la
Convention internationale sur les droits civils et politiques; la
Convention pour l'élimination de toute forme de discrimination vis-à-
vis de la femme (CEDAW): le Protocole optionnel de la Convention sur
l'élimination de toute forme de discrimination vis-à-vis de la femme;
la Convention sur les droits de l'enfant; le Statut de la Cour pénale
internationale. Signe de l'importance qu'il accorde à ces signatures, M.
Kofi Annan est revenu à charge à plusieurs reprises au cours de
séances ultérieures.
LE FORUM DU MILLENIUM

Comme d'habitude, les ONG ont été étroitement associées aux


célébrations regroupées sous l'étiquette du Millenium. Mention
spéciale doit être faite du Forum qui, une fois de plus, les a réunies à
New York, du 22 au 26 mai 2000. Venus d'une centaine de pays, 1350
délégués représentaient des ONG accréditées avec vigilance.

Lors de la cérémonie d'ouverture, M. Kofi Annan a prononcé un


discours très révélateur de ce que le Secrétaire général attend de
l'ONU. Les ONG, relève M. Annan, « ont fait pression sur les
gouvernements et ont travaillé avec eux. » [... ] « La révolution des
ONG est une des conséquences les plus heureuses de [... ] la
mondialisation. » Le Secrétaire remarque à ce propos que « ce ne sont
pas seulement les peuples et les nations qui sont interdépendants, ce
sont aussi les problèmes. » La mondialisation ne concerne pas
seulement les « marchés plus vastes » ; pour qu'elle soit « une
réussite, nous devons apprendre à mieux gouverner ensemble. » [... ]
Et il avertit : « Que votre action porte sur la promotion de la femme
ou l'éducation, l'aide humanitaire ou la santé, elle ne pourra aboutir
que si les bienfaits de la mondialisation sont répartis plus
équitablement. » Évoquant ensuite son Rapport du Millénaire, que
nous venons de présenter, M. Annan se fait aussi solennel
qu'inquiétant:

« Aujourd'hui, je vous demande, à vous ONG, d'être à la fois des chefs


de file et des partenaires : quand il le faut, en guidant les
gouvernements et en les incitant à se montrer à la hauteur de vos
idéaux et, quand il le faut, en travaillant avec eux à la réalisation de
leurs objectifs. »

Après avoir demandé aux ONG de soutenir le Pacte mondial (dont


nous traitons ci-dessous), et abordé la question des transferts de
technologie, de l'éducation des filles, de la guerre, du sida, Kofi Annan
se fait particulièrement pressant:

« Vous pouvez, en faisant pression sur les gouvernements pour qu'ils


signent et ratifient les traités et les conventions internationales,
continuer sur la lancée des campagnes mondiales que vous avez déjà
menées avec succès en faveur du renforcement des normes
multilatérales et de la mise en place de régimes juridiques. Une fois
ces traités et conventions ratifiés, vous pouvez aider à les faire
appliquer. Depuis la création de l'ONU, plus de 500 conventions
multilatérales ont été adoptées ; ensemble elles constituent un vaste
cadre juridique qui pose les bases d'un monde meilleur. » [...] «
J'attends de vous que vous fassiez ce que vous savez si bien faire :
pousser les gouvernements à l'action en exigeant que la raison d'État
cède le pas aux aspirations des peuples. »

Enfin, ne lésinant décidément pas sur la flatterie, le Secrétaire lance


cette envolée:

« Vous deviendrez à coup sûr la nouvelle superpuissance. Je ferai,


quant à moi, tout ce que je peux pour que nos autres partenaires de la
communauté internationale vous écoutent très attentivement. »[99]
On voit donc réapparaître ici quelques-uns des thèmes centraux
développés par l'ONU : la mondialisation et le holisme qui l'inspire, et
surtout la mise sur pied d'un ordre juridique international. Les ONG
sont appelées à répercuter les orientations de l'ONU, en pressionnant,
voire en contournant s'il le faut les gouvernements et les parlements
nationaux.
LE PACTE MONDIAL

L'appel au secteur privé

Dans l'allocution qu'il devait prononcer lors de l'ouverture du Forum


du Millénaire (voir ci-dessus), M. Kofi Annan se rappelait la
proposition qu'il avait faite en 1999 aux hommes d'affaires réunis au
Forum économique de Davos. Il s'agissait de proposer aux parties
intéressées l'adhésion à « certaines valeurs essentielles dans les
domaines des normes du travail, des droits de l'homme et de
l'environnement. » Ce serait là, de l'avis de M. Annan, une façon de
réduire les effets négatifs de la globalisation. Selon lui, pour combler le
fossé séparant le Nord, riche, du Sud, pauvre, l'ONU doit faire
largement appel au secteur privé. Il s'agirait d'obtenir l'adhésion à ce
pacte d'un grand nombre d'acteurs économiques et sociaux :
compagnies, hommes d'affaire, syndicats, ONG.[100] Ce Global
Compact ou Pacte mondial serait une nécessité pour réguler les
marchés mondiaux, pour élargir l'accès aux technologies vitales, pour
distribuer l'information, pour divulguer les soins de base en matière
de santé, etc. Plusieurs multinationales, couvrant l'ensemble des
secteurs de l'activité scientifique, technique et industrielle, auraient
déjà souscrit, dont la Deutsche Bank, Dupont de Nemours, BASF,
Daimler-Chrysler, BP Amoco, Shell, Unilever, Volvo, etc. Parmi les
ONG figurent Amnesty International et le World Wide Fund for
Nature. Des personnalités du monde des affaires appuient également
ce pacte : Ted Turner, patron de CNN, Bill Gates, Monsieur Microsoft,
Georges Soros, milliardaire conquérant, auraient déjà adhéré à ce
pacte. Mikhaïl Gorbatchev lui- même s'est prononcé en faveur de ce
projet au cours d'une conférence donnée dans le cadre d'un dîner à
500 dollars le couvert : une façon originale de déclarer la guerre à la
faim. Ce qui surprend davantage, c'est que plusieurs organisations
syndicales internationales aient également adhéré.

Déjà présentés à Davos, neuf principes — pas très explicites, il est vrai
— doivent inspirer ce Pacte mondial. Mentionnons quelques exemples
: le premier recommande d'appuyer et de respecter les droits
internationaux dans leur sphère d'influence ; le troisième demande la
liberté d'association et le droit de négocier (bargaining)
collectivement. Les trois derniers portent sur l'environnement, par
quoi il faut entendre, entre autres, la population.

Vers une "Coalition globale"

Le 26 juillet 2000 s'est tenue à New York une réunion de haut niveau
consacrée à ce Pacte mondial. Parmi les conclusions figure
l'engagement des compagnies

« à s'associer aux Nations Unies dans des projets de partenariat, soit


au niveau de la définition d'une politique [...], soit au niveau
opérationnel. [... ] Tous les participants sont également tombés
d'accord pour impliquer des acteurs supplémentaires et pour
atteindre, endéans trois ans, l'objectif d'ajouter à la Coalition globale
100 grandes corporations transnationales et 1000 compagnies du
monde entier. [...] Des associations d'entrepreneurs se sont
également engagées à commencer des plans concrets en vue de faire
progresser les objectifs du Pacte. »

Le Pacte mondial suscite, on s'en doute, de graves interrogations.


Peut-on compter sur les grandes compagnies mondiales pour résoudre
des problèmes qu'elles auraient pu contribuer à résoudre depuis
longtemps si elles l'avaient voulu ? La multiplication des échanges
économiques internationaux justifie-t-elle l'instauration progressive
d'une autorité appelée à régenter l'activité économique mondiale ? De
quelle liberté jouiront encore les travailleurs de tout niveau, et les
organisations syndicales, si les législations travaillistes, incorporées au
droit international, doivent se soumettre aux « impératifs »
économiques « globaux » ? De quel pouvoir d'intervention les
gouvernements des États souverains jouiront-ils encore pour
intervenir, au nom de la justice, dans les questions économiques et
sociales ? On voit par là combien ce Pacte est de nature à exténuer les
droits de l'homme proclamés en 1948, et combien il risque de
précipiter la fragilisation des États souverains. Plus grave encore :
comme l'ONU frôle toujours la faillite, elle risque d'être victime d'une
OPA de la part d'un consortium de grandes compagnies mondiales,
ravies à l'idée de disposer d'un formidable levier politique et juridique.
L'empressement montré par ces compagnies à adhérer au Pacte, loin
de réjouir, devrait inquiéter.
LE SOMMET DES
LEADERS SPIRITUELS ET RELIGIEUX

A l'invitation de l'ONU, ce Sommet spécial pour la paix a rassemblé


quelque 1000 leaders religieux venus du monde entier. Le Saint-Siège
y était représenté par le Cardinal Francis Arinze, Président du Conseil
pontifical pour le Dialogue interreligieux. Ce Sommet révèle la volonté
de l'ONU de ratisser très large et d'étendre ses interventions dans des
domaines échappant jusqu'à présent à sa sollicitude empressée.
Désormais, l'ONU ne fait plus mystère de son désir de franchir le seuil
réservé des consciences. C'est ainsi qu'a surgi une curieuse "Initiative
unie des Religions", ayant pour objectifs la paix, la santé de la Terre et
celle de tous les êtres vivants[101]. Cette Initiative a été fondée en 1995
par un évêque épiscopalien, William E. Swing. Fort mâtinée de Nouvel
Âge, cette initiative aurait le projet de créer une religion mondiale[102],
qui impliquerait aussitôt l'interdiction, pour toute autre religion, de
faire du prosélytisme. Dans la perspective qui est la sienne, la pieuvre
onusienne aurait intérêt à appuyer ce projet, car la globalisation ne
doit pas concerner les seules sphères de l'économie, de la politique, du
droit, etc. ; elle doit concerner l'âme globale. On rêve, dans ces
milieux, d'une « nouvelle éthique planétaire »[103]. Nous retrouvons ici
le thème du holisme dans sa forme clairement panthéiste. Les idées de
l'« Initiative Unie des Religions » devraient, entre autres, être
divulguées à travers des « Cercles de Coopération », composés de
quelques personnes, et qui ressemblent, à s'y méprendre, aux «
réseaux » du Nouvel Âge.

L'absence du Dalaï-Lama a fait planer un certain malaise dès le début


de cette réunion. Le leader spirituel du bouddhisme tibétain, qui vit en
exil en Inde, n'avait pas été invité à ce Sommet, pour ne pas indisposer
les autorités chinoises... Il n'y a pas qu'en Chine que la liberté
religieuse a ses limites.

Les discussions de cette assemblée devaient porter sur la paix, le


désarmement, et l'apport des religions à ces deux objectifs
éminemment louables. En revanche, on a vu réapparaître les vieilles
rengaines sur la tolérance mal comprise[104]. En définitive, ce «
sommet spécial » s'est terminée d'une façon si décevante qu'elle
n'augure rien de bon pour l'avenir de l'« Initiative », et moins encore
pour l'usage qui sera fait de celle-ci. Il est en effet paradoxal qu'une
réunion de leaders religieux se termine par un éloge de la tolérance
mal comprise, de l'agnosticisme, du relativisme radical. Il était
impensable que le Cardinal Arinze signe une déclaration finale
affirmant que toutes les religions se valent.
LE SOMMET DU MILLENIUM

L'ONU a voulu marquer l'entrée dans le nouveau Millénaire en


organisant un nombre pour ainsi dire incalculable de réunions, de
réunions préparatoires aux réunions, et de réunions faisant le bilan
des réunions précédentes. Des réunions ont pour ainsi dire lieu en
permanence. Pour l'an 2001, trois réunions annoncées sont «
importantes » : sur les enfants; sur l'habitat, sur le racisme. Nul doute
qu'au cours de ce réunions seront abordées des questions telles que les
droits des enfants, leur liberté par rapport à leurs parents; les unions
de fait, le développement durable, la perspective du genre,
l'orientation sexuelle, le droit international, etc.

En attendant, le calendrier onusien de l'an 2000 a atteint son climax


dans le Sommet des chefs d'État et de gouvernement, qui s'est tenu à
New York du 6 au 8 septembre. Ce Sommet devait être suivi par
l'Assemblée générale. Celle-ci s'est tenue du 12 au 16 et du 18 au 22
septembre.

Chose vraiment étonnante : autant le Sommet a été médiatisé de façon


tapageuse, autant l'Assemblée générale a pour ainsi dire été passée
sous silence, du moins dans les jours qui l'on suivie[105]

Des activités parallèles fébriles

À l'occasion du Sommet, plusieurs réunions étaient programmées et se


sont déroulées dans une atmosphère fébrile. Nous n'en mentionnerons
que quelques- unes, celles citées par Mme Louise Fréchette,
conseillère du Secrétaire général, lors de sa conférence de presse du 24
août :

1. Réunion du Conseil de Sécurité, le 7 septembre. Il a été


consacré, on s'en doute, au maintien de la paix et à la sécurité, et aux
réformes nécessaires pour mieux assurer ces objectifs. Il devait être
aussi question de la désignation des membres de ce Conseil, et du
statut des « membres permanents ».
2. Réunion du Conseil économique et social, sur le transfert de
technologie et le développement.
3. Réunion des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité.
4. Forum de l'éducation des filles, organisé par l'UNICEF à
l'initiative de Mme Annan.
5. Rencontre Dialogue et Civilisations, organisé par l'UNESCO à
l'initiative du Président Khatami, de l'Iran.
6. Conférences d'ONG avec le Département d'Information
publique de l'ONU.
7. Conférence des présidents des parlements nationaux.
8. Rencontre des femmes parlementaires.
9. Forum de l'état du monde: Forum 2000.
10. Sommet mondial des Leaders spirituels et religieux pour la
paix[106].
11. Septième conférence annuelle des jeunes hommes d'affaires.

Le Sommet des Chefs d'État

Beaucoup retiendront de l'année 2000 qu'elle aura été l'année Du


Sommet réunissant à New York quelque 170 chefs d'État ou de
gouvernement, du 6 au 8 septembre. Couverte par près de 6000
journalistes, cette brillante cavalcade était prévue depuis trois ans. Elle
devait être fortement médiatisée, grâce, notamment, à la présence de
personnalités à certains égards aussi contrastées que MM. Fidel Castro
et Bill Clinton.

Cette réunion s'est caractérisée par un flot de discours d'où s'est


d'abord dégagée une touchante unanimité. Tous étaient d'accord pour
affirmer la nécessité de lutter contre les maladies, la pauvreté,
l'ignorance, la violence, la pollution de l'eau, la dégradation de
l'environnement. Tous étaient en faveur de la paix : c'est toutefois ici
que des nuances commençaient à apparaître. Russes et Chinois
redoutaient des ingérences dans leurs affaires intérieures, au nom des
droits de l'homme. En revanche, au nom de ceux-ci, Nord-américains
et Anglais inclinaient à relativiser quelque peu la souveraineté
nationale des autres. D'autres divergences se sont également
exprimées concernant la globalisation de l'économie mondiale. Si M.
Clinton a stigmatisé l'insuffisance de moyens dont dispose l'ONU, par
exemple pour maintenir la paix, il s'est bien gardé d'annoncer que les
USA paieraient les 1.700 millions de dollars que son pays doit à
l'Organisation. Le même M. Clinton n'a pas davantage annoncé que les
États-Unis allaient signer le Protocole de Kyoto (1997) sur la
protection de l'environnent.

Au cœur de cette réunion, le Cardinal Angelo Sodano, Secrétaire


d'État, a profité de cette circonstance exceptionnelle pour remettre les
pendules à l'heure[107]. Il a réitéré l'appui du Saint-Siège à l'ONU, dans
la mesure où celle-ci œuvre à la paix, au développement, aux droits de
l'homme, et qu'elle respecte l'égalité des membres. Il a rappelé les
réserves du Saint-Siège à propos du contrôle démographique, des
unions de fait, des confusions concernant la famille.

Comme convenu d'avance, l'Assemblée, debout, a approuvé, en une


vibrante et sincère acclamation, une déclaration glorieusement
intitulée Nous, chefs d'État et de gouvernement. Cette déclaration du 8
septembre entérine le catalogue des bonnes intentions que nous avons
énumérées ci-dessus. Elle y ajoute la volonté de promouvoir la liberté
et la tolérance, l'égalité, la solidarité, la coresponsabilité, les droits de
l'homme et la démocratie. Elle réclame plus de moyens pour garantir
la paix. Elle proclame la volonté d'éradiquer la grande pauvreté avant
2015, et, à la même échéance, de réduire de plus de la moitié la
mortalité maternelle et infantile.

Au regard d'événements moins répercutés dans les médias, le Sommet


du Millenium a été une gigantesque entreprise de diversion, dans les
deux sens ce terme. Il s'est agi, bien sûr, d'un happening tape-à-l'œil,
destiné à délasser les invités en donnant à beaucoup l'illusion flatteuse
qu'ils allaient engager, pour mille ans, le sort de l'humanité. Mais il
s'est également agi d'une entreprise déviant l'attention que méritaient
d'autres événements nettement plus importants.

Nous devons également mentionner que le Sommet et l'Assemblée


générale du Millenium, ainsi que le bouquet de réunions programmées
à cette occasion, ont fait l'objet de 91 manifestations de contestation
dans les rues de New York[108].
VERS UNE
CONCENTRATION DE
POUVOIR SANS PRECEDENT

La revue à laquelle nous venons de procéder ne porte que sur


quelques-uns des moments forts qui jalonnent l'année du Millenium.
Une première constatation s'impose avec force. Agissant de son propre
chef, ou, plus probablement, très entouré au moment de prendre des
décisions, le Secrétaire général s'applique à ériger l'ONU en vivier
d'une « élite » mondiale souveraine, et à la transformer en lieu d'une
concentration de pouvoir sans précédent dans l'histoire. Déjà les
théoriciens de la guerre totale distinguaient les facteurs qui, réunis en
faisceaux, donnaient la mesure de la puissance des nations
antagoniques[109]. Classiquement, ces facteurs sont au nombre de
quatre : politique, économique, militaire et psychosocial. Ce dernier
facteur comporte les médias, le savoir, les techniques, l'idéologie, le
droit, la religion. Sous couvert de « responsabilité partagée », de
développement durable, d'« incorporation au système légal
international », l'ONU est en train de mettre sur pied un contrôle
super-centralisé des quatre facteurs, non pour faire face à quelque défi
qui lui viendrait d'une coalition de nations, mais tout simplement pour
régenter le monde et pour s'imposer à lui comme centre incontesté
gouvernant tous les facteurs de pouvoir.

Ainsi, elle accroît son pouvoir politique en exténuant la souveraineté


des nations et en s'efforçant d'imposer la primauté du droit
international tel qu'elle le conçoit; elle ne laisse aux gouvernements et
aux parlements qu'un rôle résiduel. L'ONU s'assure le partenariat des
acteurs économiques les plus puissants de la planète. Annonciatrice
d'un libéralisme autoritaire, cette alliance facilite le contrôle de
l'environnement, ainsi que la mainmise sur le droit commercial et sur
le droit du travail ; même les syndicats sont en bonne voie de «
récupération ». L'ONU entend également se donner des moyens
militaires renforcés dont on voudrait qu'ils ne puissent servir qu'au
maintien de la paix. Mais qui empêchera que les droits de l'homme
soient invoqués pour « justifier » des ingérences abusives ? L'emprise
de l'ONU s'étend également dans les domaines regroupés autour du
psychosocial. Qu'il s'agisse du contrôle de l'information, de
l'acquisition et de la transmission du savoir, de l'accès aux nouvelles
technologies, ou encore des traités et conventions internationaux qui
coiffent les droits étatiques, de la Cour pénale internationale, etc. : la
tendance est toujours la même et vise la concentration du pouvoir.

Dans une perspective sensiblement plus théorique, nous reprendrons,


dans notre deuxième partie, l'examen de cette concentration sans
précédent. Bornons-nous pour l'instant à constater que le Millenium
est utilisé par l'ONU comme une nouvelle occasion de réaffirmer ses
objectifs habituels : développement durable ; contrôle de la
population, de la santé, du savoir, des ressources, des échanges
internationaux, du droit et des droits de l'homme. Le « partage de
responsabilité » est une nouvelle expression piégée qui signifie l'ONU
ne se satisfait plus de jouer une rôle subsidiaire[110]. Elle entend se
poser en centre de pouvoir mondial et se dote, peu à peu, de tous les
appareils de contrôle dont elle a besoin pour exercer ce qu'elle estime
être sa mission au cours du nouveau Millénaire.
Chapitre IX

L'Europe arnaquée et fière de l'être

Il est bien connu que les USA usent et abusent de l'ONU pour faire
prévaloir leurs intérêts. Ils le font parfois avec un cynisme confondant.
L'opération « Tempête du Désert », menée contre l'Irak en décembre
1998, a montré le mépris dans lequel les États-Unis pouvaient tenir
l'ONU lorsque celle-ci gênait leurs convenances. C'est une des raisons
pour lesquelles les USA ont refusé de signer le traité créant la Cour
pénale internationale. En revanche, chaque fois que cela leur convient,
c'est-à-dire fréquemment, les États-Unis se servent de l'ONU comme
d'un gigantesque instrument au service de leur projet hégémonique
mondial à peine camouflé sous l'étiquette de la « mondialisation ».[111]
LA « TERREUR BLANCHE »

Le risque réel qui apparaît ici, c'est l'extension et la généralisation, à


l'échelle mondiale, du modèle juridique nord-américain d'inspiration
anglo-saxonne, au détriment des modèles de tradition latine. Ce
modèle anglo-saxon, si accueillant à la coutume et à la jurisprudence,
se prête aisément à une utilisation du droit positif comme levier du
pouvoir. Tout au long de cet ouvrage, nous avons vu comment ce
modèle s'était installé à l'ONU à l'occasion de la promotion des «
nouveaux droits de l'homme »[112].

L'Europe, complice et victime

Cependant, pour transformer l'ONU en machine de colonisation «


globale », les USA avaient besoin de la complicité des autres pays
riches ; pour des motifs obvies, celle du Canada ne pose guère de
difficultés. Il est plus étonnant qu'ils aient obtenu sans peine celle de
l'Europe, qui a consenti à être la première communauté de nations à
tomber dans la nasse[113]. Cette neutralisation de l'Europe a été
indolore et elle le restera sans doute encore un certain temps :
jusqu'au moment d'un dur réveil. Il est donc nécessaire que nous
examinions le cas de l'Europe avec une attention spéciale.

Naguère, l'Europe a accepté de baisser sa garde en se désarmant,


psychologiquement et militairement, face au péril communiste,
pourtant persistant[114]. Elle manque encore davantage de vigilance
face aux périls venus de New York et de Washington, qui menacent
aujourd'hui son identité morale, politique, culturelle et religieuse. En
dépit de la divergence d'intérêts économiques et même politiques,
l'Union européenne se laisse domestiquer par les USA dans la mesure
où elle renonce à la conception réaliste des droits de l'homme, née
chez elle, certes, mais dont la portée universelle a été reconnue.
Beaucoup de ses dirigeants et leaders d'opinions ont intériorisé la
conception nord-américaine — consensuelle — de ces droits et du
droit. Car, comme l'a montré magistralement le célèbre professeur de
Harvard mentionné ci-dessus, les USA sont le laboratoire de cette
nouvelle conception des droits de l'homme et des instruments
d'application qu'ils appellent[115]. Selon la logique de leurs leaders
actuels, les USA doivent démanteler la conception traditionnelle des
droits de l'homme afin de pouvoir consolider, en leur faveur, l'«
éthique de la responsabilité »[116], elle-même servie par un positivisme
juridique approprié.

L'Europe est ainsi devenue à la fois première victime et complice d'un


projet hégémonique mondial, dont le fer de lance n'est plus la
puissance militaire, ni même la puissance économique, mais plutôt le
droit positif. L'Union européenne se trouve actuellement fort mal
armée pour démasquer la nouvelle conception du droit concoctée aux
USA et répercutée par l'ONU[117]. Car les soi-disant « nouveaux droits
de l'homme », et plus fondamentalement la nouvelle conception du
droit et des droits de l'homme, que l'ONU tente d'imposer à toutes les
nations et à tous les hommes, a pour référence le modèle nord-
américain. Dans ce modèle, les juges, pressionnés par des lobbies
féministes et homosexuels, ou par des loges maçonniques violemment
anti-chrétiennes[118], ne se privent pas d'inventer de soi-disant «
nouveaux droits » individuels, totalement fragmentés, privés de toute
référence à la personne et à l'homme comme être de relation.

Une arnaque idéologique

Au terme de cette nouvelle logique juridique, l'instrument veillant à


l'application de ces soi-disant « nouveaux droits » ne peut être, à
terme, qu'un gouvernement de juges discrétionnaires, puisque eux-
mêmes privés de repères qui leur permettraient de discerner le bien ou
le mal, le juste ou l'injuste, le vrai du faux. Leur rôle, et le rôle de la
Cour Pénale internationale, pourrait donc consister à vérifier si les soi-
disant « nouveaux droits » sont respectés, et s'il n'y est pas fait
obstacle au nom de l'ancienne conception des droits de l'homme —
celle, réaliste, de 1948.

À cause de l'ONU et de la complicité coupable de ses membres les plus


riches et les plus influents, cette conception démentielle du droit est en
train d'étendre ses ramifications à l'échelle mondiale. On comprend les
pays du tiers-monde, en particulier ceux du Groupe des 77, qui voient
dans ces soi-disant « nouveaux droits de l'homme » l'instrument le
plus sophistiqué de la domination du Nord sur les pays en
développement[119]. Même si ceux-ci ont tort de subodorer le même
piège dans la Déclaration de 1948, on ne saurait trop les inciter à se
rebeller contre les soi-disant « nouveaux droits de l'homme », chef-
d'œuvre d'arnaque idéologique. Aussi bien, à terme, cette conception
du droit, produit de l'oligarchie argentée, contribuera puissamment au
déclin des USA et de l'Europe, mais auparavant, elle aura implanté ce
qu'on a appelé la « terreur blanche » et semé la mort, partout dans le
monde.
LE RADICALISME EUROPEEN

La grogne bruxelloise

Lors de la Conférence Pékin+5, tenue du 5 au 10 juin 2000, des


positions prises par les délégués de l'Union européenne ont frappé par
leur radicalité[120]. Ces positions étaient parfois plus radicales que
celles affichées par le Canada ou les USA. On sait que les pays riches
n'ont guère été suivis lors de cette conférence, et cet échec n'a pas été
du goût des délégués de l'Union[121].

La grogne de l'Union européenne s'est fait entendre à Bruxelles


immédiatement après la Conférence[122]. Rendant compte de leur
participation, plusieurs déléguées et délégués n'ont pas caché leur vive
hostilité vis-à-vis des religions, qui ont été entendues à New York.
Cible de choix habituelle : la religion catholique. Dans un bel exercice
d'amalgame, christianisme et islamisme étaient fustigés pour leur «
intégrisme » et leur « fondamentalisme ». Un amalgame qui suppose
soit une immense ignorance de la nature de chacune de ces deux
religions, soit une mauvaise foi qui, il est vrai, n'étonne guère de la
part de ceux qui font peu de cas de la vérité.

Tout porte à croire que la prochaine conférence, ainsi que les réunions
préparatoires, seront le théâtre de nouvelles attaques en règle contre
l'Église catholique et contre le Saint-Siège qui en assure la visibilité au
plan international.

La Charte des Droits fondamentaux

Pour parer à l'échec relatif de « Women 2000 », la Charte européenne


des Droits fondamentaux va venir à point nommé. On sait que cette
Charte arrive au terme de son processus d'élaboration[123]. Or certains
rédacteurs de cette Charte s'efforcent d'incorporer à celle-ci les «
nouveaux droits de l'homme » propagés par l'ONU. En cela, leur
travail est rendu relativement aisé en vertu de certaines dispositions
du Traité d'Amsterdam[124].
Remarquons d'abord qu'à la demande de la France, la référence au
patrimoine religieux de l'Europe a été supprimée dans le Préambule.
Relevons ensuite que l'article 2, alinéa 1 de cette Charte porte que «
Toute personne a droit à la vie ». Dans sa rédaction actuelle, cet article
clé est tout simplement inacceptable. Outre qu'il expose la notion de
personne aux interprétations les plus délirantes, cet article devrait
préciser que ce droit à la vie s'entend de la conception à la mort
naturelle. Le texte passe en particulier sous silence le neuvième
Considérant de la Convention des Nations Unies sur les droits de
l'enfant (1989) qui, en son neuvième Considérant, prévoit pour ce
dernier « une protection spéciale [...] avant comme après sa naissance
». Il n'est donc pas étonnant que ce texte porte « l'interdiction du
clonage reproductif des êtres humains » (article 3 § 2), mais qu'il reste
muet sur le clonage thérapeutique.

De plus, l'article 13 du Traité d'Amsterdam, portant sur les


discriminations, ouvre la voie à l'article 21 § 1 de la Charte. Ce
paragraphe « interdit toute discrimination » fondée sur différents
critères, dont l'« orientation sexuelle ». On réserve ainsi une
protection juridique aux homosexuels[125]. Cette conception de l'«
orientation sexuelle » déteint forcément sur la conception du mariage
et de la famille. Annoncé par l'article 7, l'article 9 porte que « Le droit
de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis selon les
lois nationales qui en régissent l'exercice » (nous soulignons).
Autrement dit, comme l'article 21 § 1 prévoit le choix de « l'orientation
sexuelle », les lois nationales devront incorporer le droit des
homosexuels à « se marier » et à « fonder une famille ». Les unions les
plus inattendues pourront donc, si les lois nationales le permettent,
jouir des mêmes droits que la famille, laquelle est issue du mariage
monogamique et hétérosexuel. Le texte inquiète aussi par ses
dispositions sur l'éducation des enfants. Outre l'article 14 § 3, d'une
obscurité étudiée, est proposé l'article 24 § 3, consacré à la protection
des enfants : cet article ne mentionne même pas les devoirs des
parents ! L'article 10 § 1 stipule que « le droit à l'objection de
conscience est reconnu selon les lois nationales qui en régissent
l'exercice » (nous soulignons). La Charte souscrit aussi à l'habituel «
principe du développement durable » (article 37), dont on sait qu'il
comporte le contrôle des populations. Enfin, à défaut de mentionner la
Déclaration de 1948, le texte fait allégeance au droit et aux
conventions internationaux : « Aucune disposition de la présente
Charte ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux
droits de l'homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur
champ d'application respectif, par le droit de l'Union, le droit
international et les conventions internationales auxquelles sont partie
l'Union [...] » (art. 53).

En raison de son contenu et des chausse-trappes qui la jalonnent, on


voit difficilement comment un tel texte pourrait être reçu sans être
aussitôt contesté. Il pourra cependant être invoqué pour faire pression
sur les récalcitrants qui n'ont pas introjecté les « Lumières » de l'ONU.

Avis aux récalcitrants

Ainsi, parmi les admonestations dont la Pologne est la cible, celle de


Lowe Dybkjær mérite d'être citée en raison de sa clarté :

« Le rôle de la famille dans la vie des femmes constitue un élément


fondamental dans le contexte de l'égalité. La perception de la
responsabilité à l'égard des enfants est essentielle pour déterminer le
statut des femmes dans la société. Dans nombre de pays candidats, le
modèle traditionnel des femmes dont le rôle est essentiellement d'être
au foyer est certes en grande partie un héritage de l'époque
communiste, mais il est de nos jours souvent renforcé par l'Église
d'État, en particulier en Pologne. Dans le passé, les pouvoirs publics
encourageaient les femmes à travailler, sans pour autant négliger
leurs devoirs familiaux, si bien que, pour ces dernières, les semaines
de travail pouvaient atteindre 70 heures. Une telle situation n'est pas
non plus acceptable dans une économie sociale de marché moderne.
L'exercice de "screening" mené à bien en Pologne a fait apparaître un
certain nombre de carences dans le domaine de l'égalité des chances,
notamment l'absence de dispositions législatives en la matière, des
lois interdisant l'avortement, des allocations de chômage versées
uniquement à l'élément masculin du foyer, etc. »[126].

Enfin, pour bien montrer à l'Univers que la promotion des « nouveaux


droits de l'homme » demande encore un effort, l'Europe voit surgir çà
et là des ballons d'essai préconisant la légalisation de ce qui se
pratique déjà : l'infanticide des individus qui demandent trop de soins
dans les unités de néonatalogie[127].
Le messianisme internationaliste

Que le « messianisme » européen, anti-famille et anti-vie, ait des


ambitions mondiales, c'est ce que déclarait M. Romano Prodi. Le
Président de la Commission, reconnaît avec modestie que « le modèle
d'intégration européen [... ] est un gisement à exploiter pour la
gouvernance mondiale ». Pour pouvoir jouer ce rôle exemplaire,
précise M. Prodi, la Commission devra « se concentrer davantage sur
les fonctions fondamentales ». Il en énumère un certain nombre, les
plus importants. Le Parlement devra s'exprimer d'une seule voie sur la
scène mondiale, se donner une Constitution, et de toute façon une
Charte, contraignante, des droits fondamentaux.

Une telle Charte et de tels propos signifient que l'Europe s'entête à


programmer son propre déclin, déjà lisible dans son effondrement
démographique[128]. Un crash devant permettre aux États-Unis — qui
renouvellent leur population — , d'envisager l'avenir avec sérénité,
puisque, avec son indice de fécondité de 1,4, la population de l'Europe
vieillit, ne se renouvelle pas et décline[129].

Aussi bien, ce crash démographique de l'Europe se confirme, puisque


dès 2006 on prévoit que la capitale de l'Europe, Bruxelles, comptera
une population dont 50 % seront d'origine étrangère, et que le même
pourcentage sera atteint en 2015 dans les quatre villes les plus
importantes de Hollande : Amsterdam, La Haye, Rotterdam et Utrecht
— les autres grandes villes d'Europe devant atteindre de tels niveaux à
la même époque[130].

En attendant cette échéance, le prosélytisme anti-famille et anti-vie de


l'Europe, arnaquée et fière de l'être, aura acquis à celle-ci une hostilité
générale de la part des pays pauvres. En effet, si ceux-ci, notamment
avec le Groupe des 77, continuent à rejeter les programmes
malthusiens que l'ONU présente sous l'étiquette des « nouveaux droits
», ils rejetteront encore avec plus de vigueur ces programmes lorsqu'il
sera patent qu'ils reçoivent la caution et l'appui de ceux qui auraient
dû être les premiers à les dénoncer. L'Europe, cocufiée, pourra mourir
en paix ; elle aura poussé jusqu'au bout la mission funèbre qu'elle s'est
assignée. Elle aura dégagé la voie pour la consolidation de l'Empire et
pour le projet mondialiste d'Internationale.
Chapitre X

Le Droit,
« légitimation » de la violence

La relecture onusienne des droits de l'homme conduit à faire du droit


un instrument visant à « légitimer » la violence et le « don » de la
mort. C'est ce que nous allons expliquer pour conclure cette partie et
faire la transition avec la deuxième.
L'AUTO-LIBERATION DE L'HOMME

Nous avons vu qu'à la racine de la conception des droits de l'homme


actuellement prêchée par l'ONU, on trouve une forte exaltation de
l'individu. Cependant, selon ce que Hobbes avait prévu, ces droits des
individus doivent être validés par le Léviathan. Ainsi que nous le
verrons bientôt, c'est dans cette direction que Kelsen va développer sa
théorie. La société doit être construite à partir de ces individus
totalement autonomes, c'est-à-dire ne devant rien aux autres, n'ayant
aucun devoir ni aucune responsabilité vis-à-vis des autres. Ces
individus n'ont pas davantage besoin de se référer à un quelconque
Être transcendant. Ce libéralisme outrancier déifie l'homme et, dans
sa critique de l'aliénation religieuse, Feuerbach mettra à nu cette
vision matérialiste de l'homme qui, pour se libérer, doit s'approprier la
divinité. L'homme se libère tout seul, et la première expression de
cette auto-libération se traduit dans le fait que, se donnant à lui-même
les lois de son propre agir, il peut modifier ces lois à son gré.

L'influence de la tradition nominaliste, si vivace dans les milieux


anglo-saxons, va potentialiser cet apport germanique de Feuerbach.
Selon cette tradition, les hommes n'ont somme toute rien en commun,
ni nature, ni valeurs. Ils sont singuliers, individuels.

Élaboré par les philosophes, cet individualisme s'est d'abord exprimé


concrètement dans le domaine économique. Sous l'influence d'une
certaine lecture de la réalité naturelle qu'est le marché va s'élaborer
une vision réductrice de l'homme. Sans doute doit-on admettre que le
marché est le lieu des échanges, de la compétition et de la
concurrence. Où les choses commencent à prendre une tournure
inquiétante, c'est lorsque le marché devient le lieu où s'opère une
sélection des individus, dont on retient qu'ils sont essentiellement
producteurs-consommateurs. Par là l'individualisme libéral ouvre la
voie à l'idéologie marxiste : l'infrastructure économique rend compte
de tout l'homme et de toute la société.

Cette vision économiciste de l'homme déteint dès lors sur toute


l'anthropologie, c'est-à-dire sur la conception générale de l'homme.
Puisque la logique libérale est individualiste, elle gèle la sociabilité, et
si elle gêne la sociabilité, elle ne peut qu'être anti-famille. Malthus ne
s'intéresse à la famille que parce que celle-ci comporte des agents
économiques plus ou moins utiles dans le système de production-
consommation. Dans la logique malthusienne, il n'y a pas de place
pour ce qu'on appelle aujourd'hui les « personnes dépendantes »,
c'est-à-dire les enfants et les vieillards. Pour les mêmes raisons,
toujours dans sa logique, il n'y a pas de place pour les pauvres.
LE REFUS DE LA FINITUDE

La mort et la guerre

L'individualisme libéral conduit ainsi l'homme au refus de ses limites,


au refus de la finitude et de la mort. L'autre est perçu comme une
limitation du moi individualiste. Il est un obstacle à l'affirmation de ce
moi. De même dans l'ordre de l'avoir : ce que l'autre a, j'en suis privé,
et cette privation fait obstacle à mon existence, à la qualité de mon
existence. Il faut donc écarter tout ce qui semble faire obstacle à mon
être, à mon avoir, à ma vie. Rien ne doit être négligé de ce qui
contribue à maîtriser ma mort.

C'est en particulier pour cela que certaines décisions actuelles de


recherches biologiques de pointe reflètent l'idéologie libéraliste
ambiante. La manipulation des cellules et des tissus devrait procurer
une victoire de l'homme sur la mort et assurer, en rappelant le mythe
de l'éternel retour, une parodie d'immortalité.

En fait, le double refus de la finitude et de la mort « légitime » la


violence implacable de l'individu. Violence vis-à-vis des choses, que
l'individu peut détruire à son gré dans la consommation. Violence
sexuelle de l'homme vis-à-vis de la femme, qu'il faut captiver et
assujettir ; mais aussi, théorisé par les féministes radicales, empire de
la femme exerçant sa puissance sexuelle sur l'homme, qu'il faut
séduire et subjuguer, et dont il faut se venger en triomphant du «
machisme ». Violence générale vis-à-vis des autres, que l'individu fort
peut réduire en esclavage ou à qui il peut donner la mort. Violence
enfin de l'individu vis-à-vis de lui-même, s'il estime que c'est dans le
suicide qu'il trouve l'expression la plus élevée de sa liberté individuelle
—une façon paradoxale de nier sa finitude.

L'intérêt de la dialectique du Maître et de l'Esclave exposée par


Hegel[131] réside dans le fait que le célèbre philosophe allemand voit
dans le maître le prototype de l'individu triomphant : le bourgeois
libéral, maître de la vie et de la mort. Toutefois, le philosophe d'Iena
ne tarda pas à étendre cette conception « seigneuriale », c'est-à- dire
caractéristique du seigneur et du maître, des relations entre les
hommes aux relations entre les sociétés. Par la guerre, la nation la plus
puissante s'impose aux autres nations. Et cette nation, un moment
victorieuse et dominatrice, doit accepter, en un moment ultérieur, de
se retirer de l'avant-scène de l'histoire. Le droit doit entériner cette
vision guerrière des relations internationales.

On remarquera qu'ici se confère une fois de plus l'observation de


Soljénitsyne, selon qui, dans notre société, le droit tend à phagocyter la
morale[132]. En effet, à partir d'une morale individualiste,
caractéristique du libéralisme originaire, la violence s'insinue dans le
droit et s'y inscrit. En un premier stade, la violence se manifeste dans
le domaine économique, où la « libre concurrence » déréglementée se
charge de marginaliser les compétiteurs malheureux. Mais déjà chez
Malthus, puis chez Darwin et Galton, la « libre concurrence » déborde
le domaine économique. Elle envahit la sphère de l'existence des
individus, devient « sélection naturelle » puis « artificielle », avec
élimination des moins aptes. Il faut en outre admettre le même
processus sélectif et éliminatoire entre les nations. C'est ce qui ressort
déjà de la pensée de Hegel et que Spencer va développer. Le droit
apparaît ici comme la superstructure légitimant non seulement la
violence de tous les rapports, mais aussi le don de la mort, corollaire
essentiel du droit à la violence.

Le vertige de l'autodestruction

On est donc face à une situation paradoxale. D'une part, le droit,


gardien de l'égalité, et qui pourrait être le rempart contre les outrances
de l'individualisme, chasse ici toute considération morale et donne sa
justification à la force. Mais d'autre part, la force est la source du droit.

Sous nos yeux, cette évolution atteint son paroxysme. Le droit a


actuellement la prétention démesurée de reconnaître la légitimité du
don de la mort. C'est ce qui se produit dans l'avortement et dans
l'euthanasie. Dans ce dernier cas, le droit en arrive à susciter le désir
de suicide assisté. Le droit libéralise l'homicide de certains
individus[133]. Il n'y aurait de mort digne que de mort donnée. L'acte «
seigneurial » par excellence c'est le don de la mort ; la liberté
souveraine triomphe dans l'autodestruction déléguée. Il ne s'agit plus
tellement de justifier l'euthanasie par des considérations sur la
compassion, les souffrances intolérables ; il ne s'agit même plus de
l'euthanasie pour des raisons sociales et économiques. L'euthanasie
apparaît ici comme l'expression hautaine d'une conception
philosophique de l'homme dominée par la fascination de la mort et par
le vertige de l'autodestruction[134].

Il n'est pas étonnant qu'une société qui accepte un droit aussi pervers
passe de la destruction programmée des individus à la destruction
programmée d'elle-même. Cette double volonté d'autodestruction,
cette pulsion de mort est, à n'en point douter, la cause principale du
crash démographique de l'Europe occidentale.
Deuxième partie

VERS LA
GOUVERNANCE MONDIALE
Chapitre XI

Kelsen à l'ONU

La Charte des Nations Unies, signée à San Francisco en 1945, présente


une dualité d'inspiration qui ne manque pas de frapper. D'une part,
référence est faite aux droits de l'homme. Ceux-ci sont évoqués dans le
Préambule, ainsi qu'aux articles 1, 3 ; 13, 1 b ; 55 c ; 62, 2 ; 76 c ; il y est
fait allusion dans d'autres articles. Cette référence avait été
recommandée avec insistance par plusieurs personnalités ou
institutions parmi les plus prestigieuses de l'époque[135]. Sous ce
rapport, la Charte ouvrait la voie à la Déclaration universelle de 1948.

D'autre part, à l'origine même de l'ONU, apparaît le rôle et le statut


prépondérant du Conseil de Sécurité, où les cinq grandes puissances
d'alors siègent de droit, de façon permanente et chacune avec droit de
veto. À l'ONU, c'est du Conseil que dépendent toutes les décisions
concernant la paix. Face au Conseil, l'Assemblée générale réunit les
représentants des États « souverains », et l'« égalité » de ces États se
reflète dans le fait qu'ils ont chacun une voix. Cependant, comparés à
ceux du Conseil de Sécurité, les pouvoirs de l'Assemblée et de ses
membres sont limités[136]. Les changements ultérieurs n'ont pas
modifié fondamentalement cette structure générale.

C'est ici que se trouve la source du projet actuel d'instauration d'un


système de gouvernement mondial. La langue anglaise utilise à ce
propos le mot governance, que nous rendons par le mot français
quelque peu vieilli de gouvernance.
LA THEORIE « PURE »

Nous allons montrer dans cette partie que ce projet de gouvernance


trouve ses bases théoriques dans la philosophie du droit développée
par Hans Kelsen (1881-1973), dans son système de normes, dans sa
conception pyramidale du droit[137]. Nous allons donc suivre les
principales étapes de la Théorie pure. Il n'est pas exagéré d'affirmer
que les conceptions onusiennes des « nouveaux droits de l'homme »,
du consensus, de l'internationalisme et de la plupart des autres thèmes
que nous avons rencontrés trouvent leur source dans cette théorie du
droit intégralement rationaliste et positiviste. Bien entendu, Kelsen n'a
probablement pas eu connaissance de cet usage pervers qui était fait
de sa pensée dans les milieux de l'ONU. Tout au plus a-t- il pu
envisager cette possibilité. Il n'en reste pas moins que l'ouvrage capital
de Kelsen, dont l'influence continue à s'exercer sur les juristes du
monde entier, est un guide incontournable pour comprendre les
dérives actuelles de l'ONU. Cela est d'autant plus patent qu'on sait que
le professeur viennois de Berkeley a influencé la rédaction de la
Charte.

Dans les pages qui suivent, nous nous baserons exclusivement sur le
dernier état de la Théorie pure. La traduction française a reçu de
Kelsen lui-même « les plus vifs et cordiaux remerciements » (p. 1).
Comme l'explique l'auteur, la première esquisse de cet ouvrage
remonte à 1911. La première édition de la Théorie date de 1934. La
seconde édition date de 1960 et la traduction d'Eisenmann a été
publiée pour la première fois en 1962. Le texte de cette traduction
présente donc le dernier état de la Théorie pure. C'est la raison pour
laquelle nous utilisons cette version. Nous en utilisons l'édition de
1999. Le texte traduit a bénéficié de nombreux changements et ajouts,
apparaissant surtout sous forme de notes, dus à Kelsen lui-même. Les
amateurs de thèses pourront étudier l'influence de Kelsen à l'ONU en
explorant les autres écrits nombreux où le maître expose sa conception
du droit et en particulier du droit international.

Un rationalisme intégral

Comme tous les novateurs, Kelsen est confronté avec les positions de
ses prédécesseurs. Sans doute ne consacre-t-il nul développement
important à les exposer ou à les discuter. Il ne s'attarde pas à épiloguer
sur Cicéron, Victoria, Grotius, Hobbes ou Locke. Même Hegel n'est pas
vraiment discuté. Esprit brillant, froid et prolixe, Kelsen rappelle
quelque peu le rationalisme de Spinoza, la clarté en plus. Il n'a qu'un
seul souci : exposer la seule théorie scientifique du droit, la sienne.
Toutes les autres théories sont dénoncées comme pré-scientifiques :
elles confondent droit et morale, droit et politique, droit et histoire,
etc. Kelsen débusque les sophismes qui n'ont qu'une apparence
logique (p. 334), les glissements de l'antériorité historique à
l'antériorité logique (p. 327). Il peut ainsi faire table rase de l'histoire
de l'internationalisme. Les auteurs qui sont honorés d'une mention
sont très rares. L'histoire politique et diplomatique n'est nullement
prise en compte.

Quant à la référence à une anthropologie quelconque, ou à l'histoire —


en particulier celle des droits de l'homme —, ou à la morale —
notamment à une théorie de la justice — , ou à la religion — pensons à
son message de fraternité — , ou à la psychologie — si éclairante, par
exemple, pour les questions de responsabilité —, etc. on n'en trouve
pas la moindre trace. Tout se passe comme si ce faisceau de facteurs
n'avait exercé, ni n'exerçait, ni ne devait exercer la moindre influence
sur le droit. Le droit est une construction purement formelle, sans
égard aucun pour les questions de contenu. « Le droit [règle[ la
procédure par laquelle il est lui-même créé. » (p. 60). Seul intéresse
Kelsen le système de production des normes, leur validité, les
obligations qui s'ensuivent. « Il faut rejeter toute définition du droit
qui ne le caractérise pas comme un ordre de contrainte » (p. 60). Tel
est le prix à payer pour en arriver, enfin, à une théorie du droit d'une
pureté scientifique irréprochable[138].

Réduction et dissolution

Bien plus, poursuivant sa réduction jusqu'au bout, Kelsen vide a priori


le droit subjectif de toute pertinence. La théorie pure du droit élimine
le dualisme entre le droit entendu au sens subjectif, c'est-à-dire le sujet
de droit (personne physique ou juridique, avec leurs droits et leurs
obligations) et le droit entendu au sens objectif, c'est-à-dire l'ordre
juridique, à savoir un système de norme (cf. p. 190). Ce droit subjectif
n'est qu'une retombée de la norme, qui, sous peine de sanction, oblige
l'individu à se comporter selon la norme (cf. pp. 173-175). En outre,
après avoir rappelé la distinction faite par la doctrine traditionnelle
entre la personne physique, personne « naturelle », et la personne
juridique, personne « artificielle », Kelsen conclut que « c'est en
réalité la "personne physique" qui est, elle aussi, une construction
artificielle de la science du droit, qu'elle n'est, elle aussi, qu'une
personne "juridique" » (p. 173). Conséquent avec lui-même, Kelsen va
même jusqu'à affirmer que « la théorie pure du droit [... ] dissout le
concept de personne, parce qu'elle montre qu'il répond simplement à
la personnification d'un complexe de normes juridiques » (p. 190).

On remarquera tout de suite que cette conception de la personne


physique ruine totalement, jusqu'en sa racine, toute possibilité
d'invoquer ces droits de l'homme, qui auraient été déclarés réels. Le
formalisme kelsénien rend de telles déclarations impensables. Le
concept de personne étant dissous, seul l'État peut décider de
personnifier. Il le fera « artificiellement », par « complexe de normes
juridiques contraignantes ». L'homme ne peut exister que comme
personne artificielle par la grâce de l'ordre juridique, contraignant,
s'identifiant à l'État.

C'est ainsi que selon le positivisme juridique strict issu de Kelsen, des
normes peuvent être édictées, soumettant la vie et la mort dans leur
définition même à des actes de droit[139]. Kelsen lui-même illustre
son propos. Il envisage la possibilité d'esclaves « qui n'auraient pas de
personnalité juridique » (p. 173). Non seulement il n'y a plus de place
pour la reconnaissance, par l'État, d'un droit inaliénable de tout être
humain à la vie, mais en outre la dignité de l'être humain variera
suivant les normes, ruinant ainsi a priori les idées d'universalité et
celle d'égale dignité des hommes. De même pour la famille : « La
famille aussi est, en tant que collectivité juridique, plus ancienne que
l'État qui comprend plusieurs familles, qui est centralisé ; et cependant
c'est bien sur l'ordre étatique que repose aujourd'hui la validité de
l'ordre juridique familial » (p. 327).

On constatera que Kelsen offre par là des bases théoriques que ne se


privent pas d'utiliser les partisans de l'avortement et de l'euthanasie.
Des bases auxquelles se réfèrent aussi les idéologues de l'orientation
sexuelle, des unions entre personnes de même sexe, des « familles
monoparentales », etc.
La norme

La question de la norme est centrale dans la Théorie pure. Le droit


ordonne des normes : il est une question de commandement, d'ordre,
de volonté.

« La norme exprime [...] qu'un homme doit se conduire d'une certaine


façon » (p. 13). » « Dire qu'une norme objectivement valable ordonne
à un homme un certain comportement équivaut à affirmer que cet
homme est obligé au comportement en question. [...] S'il adopte une
conduite contraire, il "viole" la norme, ou — c'est tout un — son
obligation » (p. 23). « La norme considérée comme objectivement
valable joue le rôle d'étalon de valeur pour les conduites effectives »
(p. 25).

La question de la vérité fondatrice de la norme n'a ici aucune


pertinence :

« Pour une théorie scientifique des valeurs, seules entrent en ligne de


compte des normes posées par des actes de volonté humaine et des
valeurs fondées par elles » (p. 26). « Les normes [...] ne sont ni vraies
ni fausses ; elles sont seulement valables ou non-valables » (p. 27).

Le non-respect des normes exige des actes de contrainte, seuls


légitimes, qu'il appartiendra à l'État d'exécuter parce qu'il représente
l'ordre juridique (pp. 41, 43). Il doit dans ce but disposer de tribunaux
et d'organes exécutifs :

« La sécurité collective atteint son degré maximal lorsque l'ordre


juridique institue à cet effet des tribunaux à compétence obligatoire et
des organes exécutifs centraux qui disposent des moyens de
contrainte nécessaires dans une mesure telle que normalement toute
résistance est vaine » (pp. 45 s.).

D'ores et déjà, il apparaît que les cours de justice et les agences


peuvent poser des actes de volonté donnant lieu à des obligations et à
des actes légitimes de contrainte.

« La validité objective d'une norme selon laquelle un homme doit se


conduire conformément à la signification subjective de l'acte de
volonté d'un autre homme concernant sa conduite ne résulte [...] pas
du fait positif, réel, qu'est cet acte de volonté ; elle résulte, elle ne peut
résulter que d'une autre norme » (p. 17).

La coutume et le consensus

Kelsen ajoute aussitôt que « des normes par lesquelles une conduite
est déclarée obligatoire [...] peuvent être posées par des actes qui
constituent la coutume » (p. 17). Voilà qui permet de comprendre
pourquoi, dans les milieux de l'ONU, on attribue tant d'importance au
consensus.

Rappelons-nous ce que nous avons vu à propos de la


transgression[140]. Un médecin, par exemple, procède à un avortement.
Il se rend coupable d'une transgression du droit à la vie, proclamé
dans l'article 3 de la Déclaration de 1948 et codifié dans la plupart des
législations étatiques. Les juges doivent donc connaître de cette
transgression, de ce délit ou de ce crime ; ils doivent décider :
sanctionner. Mais les cas de transgression se multiplient ; il y a
surenchère à la provocation. Les médias travaillent l'opinion publique
; les pressions se multiplient. Les ONG donnent de la voix ; leur rôle
dans la vie publique va croissant. Les juges poursuivent de moins en
moins. Procédant tranche par tranche, la pratique délictueuse est
tolérée et bientôt admise. Un précédent se crée : les juges ne
poursuivent plus. Un consensus naît dans l'opinion publique. « C'est
entré dans les mœurs ».

Dans les pays de tradition latine, où la loi est source de droit, il


faudrait poursuivre. Mais comme dans ces pays, la coutume est aussi
source, quoique secondaire, de droit, ce qui se fait, selon le schéma
évoqué ci-dessus, est de plus en plus invoqué non seulement pour
juger un cas d'espèce, mais pour réclamer un changement de la loi. De
fait, les parlements finissent par dépénaliser, libéraliser. Sur la
question fondamentale de la source du droit, la coutume l'emporte sur
la loi qui codifiait le droit inaliénable à la vie. Le changement ainsi
opéré introduit une altération quasi imperceptible mais cependant
radicale dans la nature du droit législatif. En effet, selon cette
conception du droit, la coutume peut être à l'origine d'une règle
juridique, mais à condition toutefois qu'elle n'aille pas à l'encontre de
la loi codifiée.
Dans les pays de tradition anglo-saxonne, les choses sont en quelque
sorte plus simples : la common law, qui n'est pas codifiée, laisse un
large espace ouvert à l'interprétation subjective des juges et à
l'appréciation, par ceux-ci, des motivations subjectives dans les causes
où ils ont à trancher. Dans ces pays, l'influence de la coutume dans la
formation des normes générales est encore plus grande. L'absence de
lois codifiées, comme origine des normes, fait que

« Le système du droit coutumier est particulièrement favorable à la


formation d'une jurisprudence précédentielle. Aussi est-il
compréhensible que celle-ci se soit développée particulièrement dans
le domaine de la common law anglo-américaine, qui est, pour
l'essentiel, du droit coutumier » (p. 253).

Sur ce point, Kelsen n'hésite pas à s'approcher de la conception


sociologique du droit. La norme devrait refléter ce que font les
membres du groupe. Le consensus est l'expression de la volonté
générale. Kelsen offre même, avant la lettre, une légitimation à la «
contagion mimétique »[141].

« Initialement, les actes qui constituent le fait de la coutume n'ont pas


signification subjective de Sollen. C'est seulement quand ces actes se
sont répétés pendant un certain temps que naît chez l'individu pris
isolément la représentation qu'il doit se conduire comme les membres
de la communauté ont l'habitude de le faire, et la volonté que les
autres membres du groupe adoptent cette même conduite. Si un
membre du groupe ne le fait pas, sa conduite est blâmée par les autres,
parce qu'il ne se conduit pas comme ceux-ci le veulent. C'est ainsi que
le fait de la coutume devient une volonté collective ayant la
signification subjective de Sollen. Mais cette signification subjective
des actes qui fondent la coutume ne peut être interprétée comme une
norme objective valable que si la norme supérieure institue la coutume
comme fait créateur de normes » (p. 17).

Les thèmes de Kelsen sur la coutume et sur la norme tendent à


généraliser la coutume, c'est-à-dire des usages généralisés et répétés
dans le temps, comme source exclusive du droit. Celle-ci donne origine
à des normes qui devront être validées par d'autres normes, de degré
supérieur. Par son acharnement à rechercher le consensus,
spécialement dans le domaine des « nouveaux droits de l'homme »,
l'ONU tend à faire de même. Et elle attend des Conventions qu'elles
garantissent leur validité. C'est pourquoi, dans pareil système, le
respect de la norme s'accompagne d'obligations et le non-respect de la
norme appelle des sanctions.
LA PYRAMIDE
DE L'ORDRE JURIDIQUE

Dans le système de Kelsen, l'État et le droit sont non seulement


inséparables mais identiques (cf. pp. 281-310). La souveraineté est
inhérente à l'État qui, seul, dit le droit (cf. 235). L'État a, seul, le
pouvoir de la contrainte légitime (p. 61). L'État est de droit ; il est le
droit. L'État s'identifie au droit parce qu'il est ordre et commandement
dans la société ; il doit régler l'usage de la force dans les relations
humaines (cf. 12, 41-46).

Un système de normes

Notamment par ses tribunaux et par son administration, l'État est


l'origine de normes assorties d'obligations. Les normes sont
l'expression juridique de la volonté de l'État. Celui-ci organise ces
normes juridiques en un système. À ce stade de notre analyse, le mot
système ne doit pas être pris au sens concret que nous trouverons
ultérieurement[142]. Par système, il faut entendre ici un ensemble de
propositions juridiques considéré dans sa cohérence rationnelle plutôt
que dans sa correspondance avec la réalité. C'est ce qui pousse Kelsen
à écarter les faits, les contenus, les doctrines dans la mesure où celles-
ci ne s'accordent pas à sa théorie. Ce que recherche Kelsen, c'est la
solidarité logique des normes[143]. Celles-ci sont reliées entre elles
logiquement et ordonnées de façon pyramidale. En vertu de cette
conception pyramidale des normes, Kelsen affirme l'existence de
différents niveaux de normes[144]. Voici ce qu'il écrit à ce sujet :

« En accord avec le caractère dynamique de l'unité des ordres


juridiques, une norme est valable si et parce qu'elle a été créée d'une
certaine façon, celle que détermine une autre norme ; cette dernière
constitue ainsi le fondement immédiat de la validité de la première.
Pour exprimer la relation en question, on peut utiliser l'image
spatiale de la hiérarchie, du rapport de supériorité-subordination. La
norme qui règle la création est la norme supérieure, la norme créée
conformément à ses dispositions est la norme inférieure. L'ordre
juridique n'est pas un système de normes juridiques placées toutes au
même rang, mais un édifice à étages superposés, une pyramide ou
hiérarchie formée (pour ainsi dire) d'un certain nombre d'étages ou
couches de normes juridiques. Son unité résulte de la connexion entre
éléments [...]. Cette démarche régressive débouche finalement sur la
norme fondamentale, — norme supposée. La norme fondamentale
hypothétique — en ce sens — est par conséquent le fondement de la
validité suprême, qui fonde et scelle l'unité de ce système de création
» (p. 224).

Le symbolisme pyramidal

L'image de la pyramide utilisée par Kelsen est à la fois fascinante et


troublante. Cette image peut être entendue en deux sens. Elle peut
évoquer le type de construction architecturale dont les plus célèbres se
trouvent en Égypte. La pyramide classique est alors un solide composé
d'une base carrée et de quatre triangles convergeant vers un sommet
commun. Cette pyramide comporte plusieurs degrés, plusieurs étages.
Elle évoque la puissance se concentrant de la base au sommet.

D'autre part, les spéculations sur la pyramide ont fleuri dans la


tradition pythagoricienne. Selon celle-ci, la tetraktys, c'est le nombre
parfait 10, nombre quaternaire formé par l'addition des quatre
premiers nombres : 1+2+3+4. Pour cette tradition, c'est le fondement
de toute chose[145].

Cette tetraktys peut se représenter de deux façons. Tout d'abord


comme une figure géométrique plane, formant un triangle équilatéral
dont les côtés représentent le nombre 4. Ensuite, partant de la base
pour aller vers le sommet, on a la représentation du nombre 3, puis à
l'étage suivant, le nombre 2, et enfin, au sommet, le nombre 1.
L'ensemble constitue donc la totalité, la perfection. Celle-ci est donc
composée de trois étages superposés.

Toutefois, la tetraktys peut aussi faire l'objet d'une représentation


dans l'espace. Elle évoque alors un tétraèdre régulier, c'est-à-dire un
solide délimité par quatre triangles équilatéraux égaux. Un de ces
triangles est cependant toujours invisible, caché. Il forme la base de la
pyramide et évoque l'entrée vers la connaissance du fond des
choses[146].

Kelsen ne s'est pas expliqué sur les raisons pour lesquelles il avait fait
appel à l'image de la pyramide pour exposer sa théorie. Cependant,
quelle que soit l'interprétation à laquelle on recoure, toutes convergent
vers les mêmes conclusions : les normes ne sont pas toutes de même
degré, elles sont hiérarchisées ; de degré en degré, elles expriment la
puissance qui se concentre en un sommet, et cette concentration
indique le super-État, l'État mondial unique vers lequel nous entraîne
sa théorie pure.

Rien n'interdit en tout cas de penser qu'en évoquant la pyramide,


Kelsen ait fait un clin d'œil, et peut-être même davantage, à un
symbolisme maçonnique connu[147]. Certaines loges, dit-on, se
rattacheraient aux mystères de l'Égypte ancienne ; d'autres accueillent
des spéculations pythagoriciennes sur les nombres. Dans tous les cas,
on sait que la figure du triangle, caractéristique de la pyramide, est
classique dans le symbolisme des loges.

Quel que soit le niveau auquel on considère la pyramide, la norme


juridique n'y est pas obligatoire en raison de son contenu, ou parce
qu'elle serait conforme à la justice, ou encore parce qu'elle serait
référée aux droits de l'homme. Elle est obligatoire en fonction de sa
cohérence logique avec la procédure de production des normes
juridiques. Or la règle fondamentale de cette production, c'est que ces
normes procèdent du droit étatique, celui-ci du droit international, et
ce dernier de la norme fondamentale suprême. Ce formalisme intégral
de Kelsen est donc susceptible de légaliser, et de légaliser a priori,
n'importe quel contenu.

« Une norme juridique n'est pas valable parce qu'elle a un certain


contenu, c'est-à-dire parce que son contenu peut être déduit par voie
de raisonnement logique d'une norme fondamentale supposée, elle est
valable parce qu'elle est créée [...] d'une façon qui est déterminée par
une norme fondamentale, norme supposée. [...] Il suit de là que
n'importe quel contenu peut être droit. Il n'existe pas de conduite
humaine qui serait exclue, comme telle, en raison de son fond, de la
possibilité de devenir le contenu d'une norme juridique » [...] (pp. 197
s.).

La norme fondamentale

Une fois que Kelsen conçoit le droit comme un système pyramidal de


normes, il est confronté à la question : « Qu'est-ce qui fonde l'unité
d'une pluralité de normes ? » (p. 193). « Pourquoi une norme fait-elle
partie d'un ordre déterminé ? [...] Pourquoi une certaine norme est-
elle valable ? » (p. 194). La réponse de Kelsen, d'inspiration clairement
kantienne, est à première vue surprenante. Mais, en raison de ses
propres prémisses, il ne pouvait y couper :

« La norme qui constitue le fondement de la validité d'une autre


norme est, par rapport à celle-ci, une norme supérieure. Mais il est
impossible que la quête du fondement de la validité d'une norme se
poursuive à l'infini [...]. Elle doit nécessairement prendre fin avec une
norme que l'on supposera dernière et suprême. En tant que norme
suprême, il est impossible que cette norme soit posée. [...] La norme
suprême ne peut donc être que supposée. [...] Le fondement de sa
validité ne peut plus faire l'objet d'une question ». [...] « Toutes les
normes dont la validité peut être rapportée à une seule et même
norme fondamentale forment un système de normes, un ordre
normatif. La norme fondamentale est la source commune de la
validité de toutes les normes » [...] (pp. 194 s. ; cf. p. 235).

La norme s'impose donc en raison de la validité que lui confère une


norme d'ordre supérieur. Selon les cas, elle doit être obéie par les
individus ou par les corporations, la désobéissance pouvant entraîner
des sanctions. Seul « le droit, entendu comme simple "idéologie" »
peut considérer le Sollen sans signification. Le droit a en effet le
pouvoir d'exiger des devoirs. Kelsen développe à ce propos une
variation sécularisée sur le thème luthérien du Beruf, du devoir, de
l'appel à servir, qui fonde l'obéissance aveugle, à la façon de l'impératif
kantien qui fonde le devoir sur le devoir. Kelsen ajoute cependant que
la norme, plus précisément l'ordre normatif, fonde l'État.

« En tant qu'organisation politique, l'État est un ordre juridique. [...]


relativement centralisé » (p. 281). [...] « L'État est une corporation,
c'est-à-dire une collectivité qui est fondée par un ordre normatif ; [...]
L'ordre qui fonde cette collectivité est l'ordre juridique qui est qualifié
d'ordre juridique national ou étatique, par opposition à l'ordre
juridique international » (p. 285).

Finalement, en raison de la place de la pyramide dans la symbolique


maçonnique, il n'est pas exclu que cette architecture ait été retenue
pour suggérer la concentration du pouvoir au profit de la franc-
maçonnerie[148]. Pour la deuxième fois dans l'histoire contemporaine,
l'œuvre de Kelsen prendrait alors une dimension inquiétante : elle
pourrait être interprétée comme offrant un fondement théorique à la
prise de pouvoir mondial par la franc-maçonnerie[149].
Chapitre XII

Le droit étatique
et le droit international

La question de la norme fondamentale, touchée au chapitre précédent,


se pose d'abord au niveau du droit étatique, mais elle se pose
également au niveau du rapport entre le droit étatique et le droit
international.

Vers l'État mondial

Deux écoles sont ici en présence. D'abord celle qui donne la primauté à
l'ordre juridique étatique. Selon cette théorie, « la validité du droit se
trouve dans la norme fondamentale supposée qui se rapporte à une
Constitution étatique efficace ». Le droit international est dans ce cas
« une fraction de cet ordre juridique étatique que l'on se représente
comme souverain » (p. 217).

Selon l'autre théorie, qui a la faveur de Kelsen, « le droit international


est un ordre juridique supérieur à tous les ordres juridiques étatiques,
qui délimite leur domaine de validité respectif, qui seul est souverain,
— c'est la théorie de la primauté de l'ordre juridique international.
Effectivement, ce droit international contient une norme qui constitue
le fondement de la validité des ordres juridiques étatiques » (p. 217).

Kelsen pousse cependant plus loin l'analyse de cette distinction.

« Le droit international se compose de normes qui ont été initialement


créées par des actes d'États [... ] pour régler les relations inter-
étatiques, et cela par voie de coutume (p. 314). Ce sont les normes du
droit international dit général parce qu'il oblige et habilite tous les
États. L'une d'entre ces normes présente une particulière importance
[...] Pacta sunt servanda (Les pactes doivent être respectés). [...] C'est
le droit international conventionnel. Actuellement, [... ] ce droit a le
caractère de droit simplement particulier : les normes qui le
composent valent [... ] seulement soit pour deux États, soit un groupe
d'États.
« Il faut observer à cet égard que le droit international conventionnel
et particulier et le droit international coutumier et général ne doivent
pas être considérés comme des groupes de normes coordonnées, c'est-
à-dire de rang et valeur égaux : la base du premier groupe est une
norme du second groupe ; c'est-à-dire que le second constitue un étage
ou degré supérieur au premier.

« Et si l'on prend en considération les normes juridiques qui sont


créées par les tribunaux internationaux et par d'autres organes
internationaux créés par traité, alors apparaît dans la structure du
droit international un troisième étage ou degré. Car les fonctions de
tels organes créateurs de normes de droit international ont leur base
dans un traité international, c'est-à-dire sur des normes qui
appartiennent au deuxième degré de la pyramide du droit
international. Mais étant donné que celui-ci — le droit
international conventionnel créé par voie de traité entre États —
repose sur une norme du droit international coutumier général, qui
constitue la couche relativement la plus élevée, il faut nécessairement
admettre [...] que la norme fondamentale supposée d'un droit
international est une norme qui fait de la coutume fondée par la
conduite mutuelle des États un mode de création du droit » (pp. 314
s.).

On remarquera ici que le rôle attribué à la coutume dans la formation


du droit étatique est étendu à la création du droit international.
Autrement dit, si le consensus est origine du droit étatique, il l'est
aussi du droit international. Les tribunaux internationaux et les
fonctionnaires internationaux sont, eux aussi, origine de droit.
L'efficacité de ce droit international s'exprimera dans les obligations
qu'il requerra et dans les sanctions qu'il imposera et fera appliquer.

« Le droit international accuse [...] en tant qu'ordre de contrainte, le


même caractère que le droit étatique ; mais il se distingue néanmoins
de celui-ci, et il présente une certaine analogie avec le droit des
sociétés primitives par le fait que, tout au moins en tant que droit
général obligeant tous les États, il n'institue pas d'organe spécialisé
pour la création et l'application de ses normes. Il se trouve encore en
un état de décentralisation extrêmement poussé. Il en est seulement
au début d'une évolution que le droit étatique a derrière lui depuis des
siècles. Les normes générales sont créées par voie de coutume et par
traité » (pp. 313 s.).
Inversion du principe de subsidiarité

Cette conception du droit international entraîne la subalternation du


droit étatique au droit international. Elle comporte donc une
limitation stricte de la souveraineté des États, par exemple dans le
cadre d'une fédération mondiale, ou encore la dissolution de cette
souveraineté dans le cadre d'un super-État mondial unique auquel
seul serait attachée la souveraineté :

« ... Le "droit international" sera véritablement un droit s'il est un


ordre de contrainte de la conduite humaine supposé souverain — s'il
attache à la condition de faits déterminés par lui la conséquence
d'actes de contraintes définis par lui, et si par suite il peut être décrit
en propositions de droit, de même que le droit étatique » (p. 311).

La conception de la norme fondamentale selon Kelsen désigne cet État


mondial comme un horizon vers lequel il faut tendre nécessairement.
C'est là une nécessité logique postulée par l'identité même de l'État et
du droit. Ce dernier apparaît donc comme l'instrument de l'unification
et de la centralisation d'une société globale moins caractérisée par son
internationalisme que par son supranationalisme. Kelsen s'exprime à
ce sujet avec une clarté totale :

« Toutes les transformations de technique juridique que l'on vient


d'évoquer tendent, en dernière analyse, à estomper puis effacer la
ligne-frontière qui sépare le droit international et le droit étatique, en
sorte que la fin ultime de l'évolution du droit, qui va vers la
centralisation croissante, apparaît être l'unité organique d'une
communauté universelle ou mondiale, fondée sur un ordre juridique,
ou, en d'autres termes, la formation d'un État mondial » (p. 318).

Nous nous trouvons ici non seulement en présence d'un accaparement


de la souveraineté par le super-État, mais, en plus d'une inversion
perverse du principe de subsidiarité. Ce n'est pas le super-État qui
joue un rôle subsidiaire vis-à-vis des États particuliers, ce sont ceux-ci
qui jouent ce rôle vis-à-vis du premier. En dehors de l'ONU, tel était
déjà un des problèmes majeurs posés par le Traité de Maastricht
(1992) ; ce problème est encore devenu beaucoup plus préoccupant
depuis le Traité d'Amsterdam (1997)[150]. Si l'on part, comme le veut
Kelsen, de la validité du droit international, le fondement de la validité
de l'ordre juridique étatique doit nécessairement être trouvé dans
l'ordre juridique international. Et Kelsen, que nous venons de
paraphraser, conclut :

« Les ordres juridiques étatiques doivent être conçus comme des


ordres juridiques partiels, délégués par le droit international et par là
même subordonnés ou inférieurs à lui » (p. 325).

De là suit que les tribunaux internationaux auront nécessairement un


pouvoir supérieur à celui des tribunaux étatiques. Voici comment,
selon Kelsen, les juges doivent collaborer, avec les fonctionnaires, à
l'affirmation du super-État :

« La "contrariété à une norme" ne signifie pas un conflit entre la


norme inférieure et la norme suprême, mais signifie seulement que la
norme inférieure est annulable ou qu'un organe responsable de son
édiction est punissable » (p. 320).

Le cas de la Pologne, qui a été évoqué ailleurs[151], fournit un bel


exemple de ce que requiert le super-État kelsénien. Une société
étatique qui refuse de libéraliser l'avortement ébranle le consensus
international, indispensable à la formation du droit coutumier. Alors,
il ne suffit pas de menacer l'État particulier — dans notre exemple, la
Pologne — d'être mis au ban du super-État (celui-ci fût-il simplement
en formation). Il faut déjà affirmer la souveraineté de ce super-État et
manifester son efficacité en agitant la menace de sanctions contre
l'État « dissident » et en s'ingérant dans ses affaires internes.

Des instruments mis au point pour exercer ces sanctions et pour dire
aux États particuliers — comme aux personnes — quel est leur droit,
existent déjà. On les reconnaît dans la Cour pénale internationale[152]
ou dans la Déclaration en faveur des défenseurs des droits de
l'homme[153].

« Si l'on part de la validité du droit international, qui ne demande


aucune reconnaissance de la part de l'État, une telle disposition ne
signifie pas la mise en vigueur du droit international pour l'État
considéré ; elle signifie sa transformation en droit étatique par une
clause générale ». [...] « Une telle transformation est nécessaire si,
d'après la Constitution, les organes de l'État, en particulier les
tribunaux, ne sont habilités à appliquer que le droit étatique, et par
suite ne peuvent appliquer le droit international que si et lorsque son
contenu a été revêtu d'une forme de droit étatique [...] c'est-à-dire
transformé en droit étatique » (p. 325).

La dissolution de l'État

Comme nous l'avons vu précédemment[154], la théorie pure aboutit, de


l'aveu même de Kelsen, à la dissolution de la personne. Nous pouvons
constater maintenant qu'en raison de sa conception du droit
international, cette même théorie aboutit à la dissolution de l'État.
Tout d'abord, l'État n'a d'existence qu'en raison de son inhérence à
l'ordre juridique international :

« L'État apparaît comme déterminé dans son existence juridique par le


droit international [...] ; il apparaît donc comme un ordre juridique
délégué par l'ordre juridique international. [...] Seul l'ordre juridique
international est souverain ; aucun ordre étatique ne l'est. [...] La
validité de l'ordre des États-membres repose sur la Constitution de
l'État fédéral » (p. 327).

L'État ne survit que d'une existence qui lui est pour ainsi dire procurée
ou déléguée par l'ordre juridique international. Cet ordre se réserve de
déléguer ou non les prérogatives caractéristiques de l'État et de la
souveraineté qui y est attachée habituellement.

« Le droit international règle la conduite des États. [...] Il établit en


outre que le territoire de cet État [...] s'étend jusqu'au point où l'ordre
(juridique étatique) est efficace d'une façon durable. [...] Il réglemente
également la succession des États dans le temps. [...] Le droit
international est d'importance également quant au domaine de
validité matériel de l'ordre juridique étatique » (p. 326).

Bien plus, l'ordre juridique international ne se borne pas à limiter la


souveraineté de l'État. Comme il lui délègue cette souveraineté, l'ordre
juridique international finit par aliéner l'État de toute souveraineté :

« Les États [... ] ne conservent de compétence (pour établir des


normes sur n'importe quel objet) que dans la mesure où le droit
international ne s'empare pas d'un objet, l'enlevant ainsi à une libre
réglementation par l'ordre étatique. [... ] « Si l'on admet que le droit
international est un ordre juridique supra-étatique, les ordres
étatiques n'ont plus la souveraineté en matière de compétence » (p.
324).

Nous sommes ainsi ramenés à la question de la norme fondamentale.


Celle-ci, nous a dit Kelsen, a un caractère hypothétique. Paraphrasant
Kant, on pourrait dire qu'elle est un postulat de la raison juridique,
dont Kelsen a besoin pour cimenter la cohésion de la pyramide. Cette
norme, hypothétique, doit être supposée pour que soient assurées non
seulement la validité des normes de moindre degré, mais surtout la
validité de l'ordre juridique international lui-même.

Surgit alors la question de la norme fondamentale du droit


international et de sa validité.

« Cette norme fondamentale devient [...] le fondement immédiat de la


validité de l'ordre étatique. En tant que véritable norme fondamentale,
elle n'est point, on le sait, une norme posée mais supposée. Elle
représente l'hypothèse moyennant laquelle le "droit international
général" — c'est-à-dire les norme efficaces [...] qui règlent la conduite
mutuelle des États peuvent être considérées comme des normes
juridiques obligatoires liant les États » (p. 218).
Chapitre XIII

Un système de contrôle mondial

Dans le système purement logique de Kelsen, il n'y a aucune place


pour des « droits de l'homme » qui seraient antérieurs à l'État. La
reconnaissance de tels droits conduirait, dans la logique de cette
théorie, à la subsidiarisation de l'État. Mais plus fondamentalement
encore, cette reconnaissance conduirait à la contestation de l'État
mondial et de l'ordre juridique qui lui correspond. Dans ce système,
peut-être chacun est-il libre de penser, par-devers soi, ce qu'il veut ;
mais tous doivent accorder leur conduite aux obligations et aux
sanctions dont les normes sont assorties. L'individu doit obéir au droit
parce qu'il est le droit, parce que celui-ci s'identifie à l'État, et non
parce qu'il serait raisonnable d'obéir à une loi juste issue, par exemple,
de la raison, de la nature ou de Dieu.
UNE THEORIE DU POUVOIR

Pas de place pour


les Droits de l'Homme

La théorie de Kelsen, parce qu'elle est à la fois une théorie de l'État et


une théorie du droit, est donc aussi une théorie du pouvoir. Le rôle
donné par Kelsen à l'efficacité est révélateur d'une parenté réelle entre
lui et Machiavel. De même que les États particuliers doivent tendre
vers l'État mondial et unique, de même que l'ordre juridique mondial
doit devenir l'ordre juridique suprême, ainsi le Pouvoir doit être
concentré au plan mondial. En rigueur, le rôle de l'État mondial ne
doit pas coordonner la conduite des États ; s'il le faisait ce ne serait
qu'à titre précaire et transitoire. L'État mondial doit en effet
subordonner, au sens littéral, les États particuliers et même, à terme,
les dissoudre.

La théorie pure du droit postule donc un système juridique unique où


la validation des droits étatiques dépendra d'un État unique, dont la
souveraineté et l'autorité seront illimitées. Cet État unique, appelé État
mondial, procurera l'unité juridique et politique du monde, l'essence
du politique étant finalement niée à la faveur de l'assimilation de l'État
au droit.
L'État mondial recevra sa validation de l'ordre juridique pyramidal,
exigé du reste pour la validité des droits étatiques eux- mêmes. Cette
conception pyramidale du droit postule donc une concentration
extrême du pouvoir. Il n'y a plus de place ici pour la séparation
classique des pouvoirs. Le pouvoir est ici absolu, au sens littéral de ce
mot : il est coupé de toute référence à un corps politique, aux corps
intermédiaires et finalement aux personnes de chair et d'os
constituant ces corps.

En outre, contestant radialement la souveraineté des États


particuliers, le système kelsénien ruine les droits de l'homme dont,
d'après la Déclaration de 1948, l'État particulier devait être le premier
promoteur et protecteur.

Ainsi, en vertu de sa subordination à la norme de degré supérieur, le


droit étatique était déjà mis dans l'impossibilité de se soucier
prioritairement des droits des personnes. En vertu de la norme
suprême, le droit international doit s'interdire de protéger la
souveraineté des États. Cette double démobilisation, des personnes et
des États, ainsi que la désactivation finale de leurs droits respectifs,
exclut tout pouvoir modérateur ; elle exclut la distinction des pouvoirs
; elle laisse le champ totalement libre aux projets impériaux et
hégémoniques. Bref, le système pyramidal de Kelsen est holistique : le
super-État et l'ordre juridique qui valide celui-ci constituent la réalité
unique hors de laquelle rien ni personne n'a de valeur.

La théorie de Kelsen repose donc sur une forme de monisme radical


juridico- politique. Toute l'organisation de la société obéit à une
architecture mettant d'abord les individus dans l'obligation d'obéir aux
normes juridiques des droits étatiques particuliers, et mettant ensuite
les États particuliers dans l'obligation d'obéir à la norme fondamentale
décidée en fin de compte par le droit international.
Un totalitarisme sans visage

Quel que soit le niveau auquel on considère la pyramide, la norme


juridique tire son efficacité de sa cohérence logique avec la procédure
de production des normes. La procédure ne diffère pas
substantiellement de celle qui, selon John Rawls, aboutit à des
décisions « justes »[155]. Ici, la règle fondamentale de production des
normes, c'est que toutes dérivent, en fin de compte, de la norme
fondamentale supérieure, hypothétique.

Kelsen a besoin de cette base — ou de ce sommet, c'est selon — pour


fonder sa théorie, qui est sous-tendue par un projet de monisme
juridique totalement immanent. La subordination des individus aux
États et des États à un centre de commandement mondial, caractérisé
par une souveraineté indiscutable, ordonné par un droit international,
est une nécessité logique induite par sa théorie du droit. Cette
conception du droit légitime nécessairement un État mondial et à
terme un pouvoir mondial, sujet exclusif de souveraineté et d'autorité
illimitée. L'universalité doit venir du sommet de la pyramide et non de
l'assentiment que donneraient à des vérités fondatrices les vouloirs
libres et convergents des membres de la communauté humaine, des
corps intermédiaires, des nations ou des États[156].

Or précisément parce que cette norme fondamentale ultime est


hypothétique, c'est l'État mondial qui, de fait, en recueille et en exerce
les fonctions. Cette concentration extrême du pouvoir est déjà en train
de se faire sous nos yeux incrédules. Le super-État en train d'émerger
sera un directoire anonyme, dont les rouages seront légion[157]. Les
totalitarismes « classiques » du XXe siècle avaient des dictateurs
parfaitement visibles, et leurs régimes se donnaient des institutions
qu'il était loisible de décrire. Le nouveau totalitarisme qui est en train
de se mettre en place au nom de l'ordre juridique international est un
totalitarisme collectif, anonyme, sans visage. C'est un totalitarisme
dont la puissance illimitée se diffracte dans des Tribunaux, ainsi que
nous l'avons déjà relevé souvent, mais aussi dans la Déclaration sur les
défenseurs des droits de l'homme[158], dans l'AMI[159], dans des ONG,
dans les réseaux médiatiques mondiaux, dans des organisations
régionales enfin, comme l'Union Européenne. Tous font pression pour
accélérer le processus de centralisation mondiale.
UN SYSTEME POLICIER

Jurisprudence et bureaucratie

La structure originelle de l'ONU portait déjà la marque de la théorie de


Kelsen ; à présent, au sein de l'Organisation, cette influence est de plus
en plus nette.

La prépondérance du Conseil de Sécurité, le pouvoir d'initiative du


Conseil économique et social (art. 62-71 de la Charte), la nomination
du Secrétaire par l'Assemblée sur recommandation du Conseil de
Sécurité (art. 97), les compétences du secrétariat illustrent de façon
remarquable la structure pyramidale et kelsénienne de cette
Organisation internationale. Les droits étatiques, visant au maintien
de l'ordre, sont pris en compte (art. 2, 7), mais sont subsumés sous le
droit international, c'est-à- dire surplombés par l'Organisation
internationale dont la force est au service du maintien de l'ordre
international (art. 12). Les articles consacrés aux territoires autonomes
(art. 73 s.) ou au régime international de tutelle (art. 75-85)
confirment cette « vocation » de l'ONU à décider du droit
international sans que soit faite mention précise d'un contenu auquel
elle devrait se référer, ni de la compétence des États dans la
codification de ce droit. Dans ce contexte, qui majore
considérablement le rôle juridique de l'Organisation, l'évocation des
droits de l'homme eux-mêmes ne peut renvoyer qu'à une conception
volontariste de ces droits.

Selon cette logique, il n'est donc ni nécessaire ni souhaitable que


l'Assemblée générale soit une véritable assemblée délibérative et
moins encore législative, puisque, en présence d'une organisation où
s'identifient l'unique appareil d'État international et le droit, le droit a
son origine dans la coutume et le consensus, et il s'énonce dans la
jurisprudence validée par le système pyramidal des normes. Il faut
toutefois remarquer que cette jurisprudence n'est pas l'interprétation
autorisée, selon les principes généraux du droit, de la coutume ou
même d'une loi émanant d'une assemblée législative distincte du
pouvoir exécutif — interprétation qui ne vaut d'ailleurs, en principe,
que pour tel cas particulier considéré. Dans le cas de l'Organisation, la
jurisprudence reçoit sa validité, en dernière instance, de la volonté de
l'État unique.

C'est ce qui explique le rôle dévolu au Tribunal pénal international.


Comme il n'y a plus moyen d'identifier des principes généraux du
droit, il appartiendra au Tribunal de révéler le sens des textes
juridiques, des décisions consensuelles, de dire quelle en est
l'interprétation valable. Les divergences dans l'interprétation sont dès
lors intolérables car elles ruinent l'ordre juridique et par conséquent
l'État supranational. Au terme de ce procédé, il ne reste guère à
l'Assemblée générale que de consentir aux décisions déjà prises par le
centre de pouvoir suprême, fondé, pour cette raison même, à dire le
droit.

Les conventions et les pactes apparaissent ici non comme des accords
passés librement entre États particuliers et souverains, mais comme
un maillon juridique émanant du vouloir de l'Organisation
internationale requérant l'obéissance des États. D'où — on y revient
toujours — la hantise du consensus. Quant aux législations nationales,
elles ne peuvent subsister que si elles s'insèrent, à titre subordonné,
dans l'édifice qu'on a appelé « grandiose » du droit international
kelsénien, entendu ici comme expression des décisions prises par
l'Organisation internationale, ou par les satellites qui agissent pour
celles-ci au titre de la vicariance. Le droit des États se transforme ainsi
en un réseau dont le droit international ne se prive pas de disposer
pour étendre ses propres ramifications à l'échelle planétaire.

Ces satellites sont des agences onusiennes où une fourmilière de


fonctionnaires incarnent la bureaucratie wébérienne. L'organisation
rationaliste de l'État mondial exige en effet une administration dont
les fonctionnaires participent au pouvoir et peuvent être source de
droit. L'administration n'est plus ici un moyen, au service d'un projet
qu'elle ne décide pas ; elle agit par délégation et sous contrôle. L'anti-
subsidiarité réapparaît ici : la bureaucratie devient source de droit,
énonce des normes, oblige et contraint. Non pas dans un seul
domaine, mais dans tous les domaines où il est utile de dire le droit.
De cette dérive que l'on observe, Kelsen lui- même suggère[160] qu'elle
trouve un précédent dans la bureaucratie stalinienne.

Détournement de sens
On comprend ainsi que le « normativisme » soit la théorie du droit
convenant parfaitement au Nouvel Âge et à ses réseaux. Ce même
normativisme s'accommode également fort bien de l'érosion,
fréquemment observée, de la souveraineté. Une érosion qui se
manifeste surtout de deux façons. Tout d'abord, dans les tendances
centrifuges et séparatistes que l'on observe en maintes régions ou dans
de nombreux États-Nations. Ces tendances sont évidemment de
nature à débiliter la capacité des États à s'opposer au projet de
concentration pyramidale du pouvoir. Ensuite le pouvoir des États est
court-circuité par une pléthore d'ONG acquises au normativisme
onusien.

À partir d'une étonnante théorie du droit, nous sommes donc en


présence d'un processus de concentration pyramidale du pouvoir
absolument sans précédent dans l'histoire. « Justifiée » par cette
théorie du droit, cette concentration du pouvoir postule l'existence
d'un État de droit supranational, c'est-à-dire d'une entité politique
décidant du droit, titulaire exclusif de la souveraineté et de l'autorité
suprême, fondé à obliger tous les États particuliers, fondé aussi à
interpréter authentiquement le droit que lui-même produit.

En somme, tous les instruments juridiques actuels, nationaux et


internationaux, sont l'objet d'un détournement de sens : au lieu d'être
au service des droits de l'homme réel, celui de la « base », ils servent
de relais à l'édifice logique échafaudé au profit d'un droit
international, lui-même expression d'une volonté hégémonique,
absolue et totalitaire, puisque, selon la logique du système, aucune
réalité, aucune valeur, ne peut lui être opposée.

Une telle conception du droit est évidemment de nature à fasciner les


libéraux les plus radicaux, et ceci pour deux raisons au moins. Tout
d'abord parce que le droit reste exclu de tous les domaines où l'État,
international ou particulier, ne veut pas exercer le droit. Il est même
dans la stricte logique de cette conception du droit que, comme chez
Hobbes, l'individu puisse faire absolument tout ce qu'il a intérêt à
faire, tout ce qui lui fait plaisir, pourvu que l'État ne lui impose ni
obéissance, ni obligation, ni interdiction concernant tel ou tel acte qu'il
lui plairait d'accomplir.

Ensuite, parce que le droit ainsi conçu peut faire main-basse sur les
domaines extra-juridiques les plus divers. Au profit de l'État
international, il peut alors définir des obligations ou des interdits
portant sur n'importe quel domaine, par exemple scientifique,
technique, monétaire, économique, biomédical, etc.

La maîtrise de la vie

Si l'on veut prêter un tant soi peu attention aux plans d'action,
recommandations, décisions consensuelles et autres conventions
émanant du FNUAP, de l'OMS, de l'UNICEF, de la Banque Mondiale,
du PNUD, etc., on constatera aussitôt que les « nouveaux droits de
l'homme » sont simplement les nouvelles normes, produites, à leur
niveau pyramidal, par les agences considérées. On constatera
également que ces normes reçoivent leur validité de l'ordre juridique
mondial et de l'État mondial en voie d'édification par palier.

On constate alors que l'ordre juridique mondial qui est en train de se


construire n'est pas au service d'un projet impérial ou hégémonique de
type classique. Il est au service du contrôle de la vie. La norme
suprême est ici la maîtrise de la vie pour en arriver, par là, à la
domination des hommes[161] et à celle des choses. « La vie, qui avec les
Déclarations des droits de l'homme, était devenue le fondement de la
souveraineté, devient désormais le sujet-objet de la politique étatique
(qui se présente ainsi toujours plus clairement comme "police") »[162].
Toute une casuistique bioéthique a actuellement pour objectif
d'alimenter la coutume, de rallier le consensus le plus large, d'aboutir
à des conventions, règlements et autres plans d'action. Le tout
émanant en dernier ressort de la norme hypothétique cautionnant
l'ensemble du système : normatif, contraignant, répressif. Et, pourquoi
pas, policier.
Chapitre XIV

La vengeance du réel

Les États satellisés

Au terme de cette analyse, force est de reconnaître que le mot système


a acquis une signification différente de celle que nous avions observée
au point de départ[163]. Le mot système, qui s'appliquait aux normes,
s'applique maintenant aux organisations. Ce mot désigne désormais,
comme en mécanique, une machine ou un appareil, ou même un
ensemble d'appareils produisant un effet déterminé. On parle d'un
système téléphonique ingénieux, d'un système de chauffage
économique, d'un système de freins efficace. Le système pyramidal de
normes, que l'ONU a adopté, a transformé cette Organisation en une
formidable machine dont la fonction est de contrôler la vie, et donc les
individus, les familles et les États.

L'ONU est même devenue système en un autre sens : au sens que ce


mot reçoit dans des expressions comme système solaire ou système
planétaire. De même que les planètes tournent autour du soleil, les
États particuliers doivent accepter — avant d'être engloutis — d'être
des satellites de l'État mondial.

L'ONU tend ainsi à devenir une immense machine faisant un usage


idéologique du droit, peut-être dans le vain espoir de légitimer le
pouvoir du triangle invisible.

Une entourloupette sophistique

En dernière analyse, le droit phagocyte l'essence du politique dans la


mesure où, ignorant méthodiquement le fait politique, il ne peut
qu'ignorer également les références métajuridiques qui balisent de fait
cette dimension de l'existence humaine. Pour Kelsen, le droit ne se
borne pas à légaliser ce que l'État décide ; il le légitime. Le régime, que
Kelsen lui-même avait dû fuir, était ainsi cautionné par une de ses
victimes. Bien plus, Kelsen apportait d'avance une théorie avalisant les
systèmes juridiques futurs qui invoqueraient le droit pour légitimer
l'injustice.

En résumé, la théorie de Kelsen extrapole, au profit d'un centre


souverain de pouvoir mondial, la logique totalitaire que Hobbes
développait au profit de l'État particulier. Quoiqu'elle s'en défende, la
théorie de Kelsen a toutes les caractéristiques d'une construction
idéologique coupée à tous égards de la réalité. Kelsen s'interdit même
de pouvoir avancer, à la façon de Spinoza, que « l'ordre des idées est le
même que l'ordre des choses ». C'est au réel — si réel il devait y avoir
— qu'il appartiendrait de se lover dans cette construction radicalement
rationaliste qui prétend le (re)construire et le mouler dans des droits
eux-mêmes imbriqués dans un réseau de concaténations.

Or ces enchaînements en cascade, ces droits encastrés comme des


poupées russes, ne peuvent même pas revendiquer le statut d'une
construction purement formelle, d'une architecture strictement
logique, qui serait, pour ces motifs, à l'abri des intérêts particuliers et
des passions. Kant s'était déjà heurté à un problème analogue : on a
beau suspendre tout assentiment au réel, celui-ci finit toujours par se
venger. Il finit toujours par rebondir, par exemple sous la forme
honteuse du postulat dont il faut tôt ou tard concéder la réalité. Kelsen
n'est guère plus heureux que son maître et il n'échappe pas à une
entourloupette sophistique, puisque la validité de toute sa
construction pyramidale est suspendue, paradoxalement, à la réalité
de la norme fondamentale ultime, dont il assure sans broncher qu'elle
est hypothétique.

Peu attentif à la réalité du totalitarisme auquel sa théorie avait offert


une caution « juridique » involontaire, Kelsen — dans la mesure
considérable de son influence — a mis le droit dans l'impossibilité
d'être ce qu'il avait pourtant largement été traditionnellement : un
rempart contre l'arbitraire, un instrument sans pareil au service des
droits de l'homme et de la justice. Avec Kelsen, le droit devenait objet
de pouvoir et le pouvoir objet de droit. Avec l'acharnement de tous les
idéologues qui s'évertuent à bricoler un réel conforme à leurs utopies,
et invoquant jusqu'à leurs bévues pour conforter leurs positions,
Kelsen écrivait encore, dix ans avant sa mort, survenue en 1973 :

« Du point de vue de la science juridique le droit établi par le régime


nazi est du droit. Nous pouvons le regretter, mais nous ne pouvons pas
nier qu'il s'agit d'un droit. Le droit de l'Union soviétique est du droit!
Nous pouvons l'exécrer comme nous avons horreur d'un serpent
venimeux, mais nous ne pouvons pas nier qu'il existe, ce qui veut dire
qu'il vaut »[164].

Cette monstruosité juridique est en train d'étendre ses tentacules à


l'échelle internationale. D'une certaine façon, la prise de pouvoir
mondial a déjà eu lieu. Dans la mesure où l'ONU change radicalement
la source du droit, c'est-à-dire qu'elle abandonne le réalisme
traditionnel pour introniser le rationalisme normativiste de Kelsen,
elle est en train d'imposer à la société humaine une structure
pyramidale de pouvoir et manipule à cette fin le droit international.
Après tout, même des auteurs d'une stature comparable à celle de
Hegel peuvent servir plusieurs fois dans l'histoire.

Un manifeste anti-nations

Au plan pratique et institutionnel, les idées internationalistes de


Kelsen, déjà présentes, comme nous l'avons vu, dans la plupart des
structures institutionnelles, inspirent différents projets dont il faut
mesurer les enjeux. Il ne suffit pas de faire échec aux droits
inaliénables de l'homme en exténuant la Déclaration de 1948. Ce but
ne saurait être lui-même atteint si les États nationaux n'étaient pressés
de s'effacer au profit du sommet de la « pyramide ». C'est ce que
préconise le projet centralisateur de gouvernance mondiale.

Le projet de transformer l'ONU en système de gouvernement mondial


remonte à un groupe de travail réuni en 1990 par le Chancelier Willy
Brandt[165]. Il s'agissait, pour réconcilier les deux blocs antagonistes de
l'Ouest et de l'Est, de reconstruire les relations internationales au
lendemain de la liquidation de la guerre froide. Cette démarche
excluait cependant toute hypothèse d'implosion du système soviétique,
et elle s'accommodait de la pérennité de ce totalitarisme.

De là sont nées différentes initiatives ambiguës concernant la sécurité


mondiale. De là est née aussi une ONG appelée la Commission on
Global Governance (Commission sur la gouvernance mondiale). Cette
commission a fait l'objet d'une communication de James Gustave
Speth, le 18 mars 1997, lors de la Conférence de Rio[166]. Dans son
intervention, M. Speth lie étroitement « Global Governance » et «
Sustainable Development »[167]. Ce projet était déjà exposé dans The
Report of the Commission on Global Governance, intitulé Our Global
Neighbourhood[168].

Il s'agit d'un projet gigantesque, qui a l'ambition de réaliser l'utopie de


Kelsen, en visant à « légitimer » et à mettre sur pied un gouvernement
mondial unique, dont les agences de l'ONU pourraient devenir des
ministères. Tous les thèmes habituels répondent à l'appel. Un relief
spécial est toutefois donné à l'environnement, à la nécessité de créer
un nouvel ordre légal et à l'urgence de trouver des fonds pour réaliser
ce projet.

Cette gouvernance globale avait déjà fait l'objet d'un encadré dans le
Rapport du PNUD en 1994. Ce texte encadré, rédigé à la demande du
PNUD par Jan Tinbergen, prix Nobel d'Économie (1969), a toutes les
allures d'un manifeste commandé par et pour l'ONU. En voici un
extrait[169].

« Les problèmes de l'humanité ne peuvent plus être résolus par les


gouvernements nationaux. Ce dont on a besoin, c'est d'un
gouvernement mondial.

« La meilleure façon d'y arriver, c'est de renforcer le système des


Nations Unies. Dans certains cas, cela signifierait qu'il faut changer le
rôle d'agences des Nations Unies et que de consultatives elles
deviennent exécutives. Ainsi, la FAO deviendrait le ministère mondial
de l'Agriculture, UNIDO deviendrait le ministère mondial de
l'Industrie, et ILO le ministère mondial des Affaires sociales.

« Dans d'autres cas, des institutions complètement neuves seraient


nécessaires. Celles-ci pourraient comporter, par exemple, une Police
mondiale permanente qui pourrait citer des nations à comparaître
devant la Cour internationale de Justice, ou devant d'autres cours
spécialement créées. Si les nations ne respectaient pas les arrêts de la
Cour, il serait possible d'appliquer des sanctions, tant non militaires
que militaires. »

Sans doute, tant qu'elles existent et qu'elles accomplissent bien leur


rôle, les nations protègent-elles les citoyens ; elles font respecter les
droits de l'homme et utilisent dans ce but les moyens appropriés. Dans
les milieux de l'ONU, la destruction des nations apparaît donc comme
un objectif à rechercher si l'on veut étouffer définitivement la
conception anthropocentrique des droits de l'homme. En en finissant
avec ce corps intermédiaire qu'est l'État national, on en finirait avec la
subsidiarité puisque serait mis en place un État mondial centralisé. La
route serait alors dégagée pour l'arrivée de technocrates et autres
aspirants à la gouvernance mondiale totalitaire.
Troisième partie

LE DISSENTIMENT CHRETIEN
Chapitre XV

L'ONU :
quelle estime pour la vérité ?

Dans les discussions qui ont eu lieu lors de l'Assemblée de Pékin+5


(New York, 5-9 juin 2000), de même que dans celles qui ont précédé,
on a remarqué la présence d'une peur obsessionnelle de la différence
et de la dissidence[170]. Ce qui tend à s'imposer, c'est toujours l'empire
du consensus. L'Assemblée du Millenium a encore confirmé cette
tendance.
LA CONTAGION MIMETIQUE

Imiter la violence

Le thème des « nouveaux droits » a, bien entendu, été l'un des points
centraux de ces réunions et, comme prévu, de grands efforts ont été
déployés — sans grand succès, il est vrai — pour inclure l'avortement
parmi ces « nouveaux droits ». On a remarqué à cette occasion que les
propagateurs des « nouveaux droits » exploitent ce que le philosophe
français René Girard a appelé le « mécanisme de la contagion
mimétique », c'est-à-dire la tendance à imiter la violence à laquelle
cèdent les autres[171].

Les « nouveaux droits » doivent mouler les mœurs, imprégner les «


valeurs » qui inspirent les conduites. Résultat de procédures
consensuelles, les « nouvelles valeurs » induisent des conduites
mimétiques. Tous les hommes devraient en arriver à imiter les
comportements élevés à la dignité de « nouveaux droits » et à
souscrire aux nouvelles « valeurs » que ces « nouveaux droits » sont
censés concrétiser. Les médias se chargent de propager cette tendance
imitative à l'ensemble de la société.

Quand on examine de plus près la question des « nouveaux droits »,


on constate que le désir d'imiter les autres se manifeste dans la
contagion fulgurante avec laquelle se divulgue le non-respect de la vie
humaine. La transgression provocatrice de quelques-uns déclenche
l'accélération de la conduite imitative. Les pionniers de l'avortement
illégal sont imités, fêtés, félicités pour leur « courage ». L'avortement
est dépénalisé ; bientôt il est légalisé ; finalement, il devrait devenir un
« nouveau droit » de l'homme, admis universellement. De même que
les autres « nouveaux droits ».

Cette contagion imitative ou mimétique est aujourd'hui l'un des plus


importants signes des temps qui interpelle les chrétiens et tous les
hommes de bonne volonté. C'est trop peu de dire que le droit
fondamental de l'être humain à la vie devient de plus en plus fragile ; il
faut ajouter que ce droit est de plus en plus difficile à défendre. Ce
droit est mis en pièces par un consensus imitatif galopant.
L'innocent coupable

Le cas dramatique de l'avortement (on avance le nombre de plus de 50


millions par an dans le monde) est beaucoup plus qu'un exemple
illustratif parmi beaucoup d'autres. En réalité, l'avortement est le cas
principal qui illustre la tendance imitative en train de dériver vers la
violence érigée en droit, vers le don de la mort comme expression de la
volonté souveraine.

De fait, dans le cas de l'avortement, l'innocent absolu est déclaré


coupable. Il est le mal de la contraception ratée ; l'obstacle à la carrière
et au confort ; l'entrave inadmissible s'opposant à ma liberté ; il est le
frein à l'enrichissement et au développement. À l'innocence totale doit
correspondre la violence absolue. L'innocent doit être lynché. Par
conséquent, il doit être désigné comme victime, comme bouc
émissaire, et même comme victime coupable, et il doit être traité
comme tel, avec la violence qui le fera taire et disparaître.

On tiendra d'ailleurs un discours analogue concernant les pauvres du


tiers- monde, qu'on stérilise ; les déficients mentaux ou malades en
stade terminal, que l'on euthanasie ; les mendiants et les gamins de
rue, que l'on tire comme des lapins. Notre siècle rétablit la catégorie de
l'homo sacer. Au nom des « nouveaux droits de l'homme », des
catégories entières d'êtres humains peuvent être mis à mort sans que
soit commis d'homicide. Ces êtres sont dépourvus de tout droit ; ils
échappent totalement à toute protection juridique[172].

Finalement, le langage populaire reflète bien la tendance à l'imitation,


cette contagion mimétique : on dit que l'avortement, la stérilisation
des pauvres, l'euthanasie, etc. « sont entrés dans les mœurs ».

La tâche la plus noble et la plus fondamentale qui s'impose à tous


aujourd'hui, c'est la défense unanime et inconditionnelle de la vie
humaine à tous les stades, à toutes les étapes de son déroulement.
Voilà ce qui requiert des engagements individuels et politiques. Nous
devons dénoncer ces refus du droit fondamental à la vie et à l'intégrité
physique, qui crient vengeance au ciel. Si nous ne le faisons pas, nous
serons bientôt requis pour être artisans de la mort.
La démocratie a commencé le jour où l'Innocent a crié son innocence,
et où ce cri a été entendu. Cela s'est produit le Vendredi saint et s'est
répété souvent au cours de l'histoire. Cela s'est répété en particulier le
13 mai 1981 : « Pourquoi m'ont-ils fait ça ? » demandait Jean-Paul II
quelques instants après son attentat. Tel est le cri de la victime
innocente, que la contagion mimétique voudrait faire passer pour
coupable.

« Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits, qui sont mes
frères, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25, 40).

Telle est la Magna Carta du chrétien engagé au service de la vie.


Aujourd'hui, il faut refuser la tendance à imiter la violence qui cherche
une légitimation dans les « nouveaux droits ». Nous devons rejeter la
violence mimétique, le lynchage des victimes innocentes. Toutes les
ressources que nous utilisons dans notre action n'ont de sens que dans
la mesure où elles sont appliquées à la défense de la vie à toutes ses
phases. C'est ce qu'ont fait beaucoup de saints au fil des siècles. Ils
l'ont fait simplement en suivant l'exemple du Christ, qui a rendu la
dignité à toutes les victimes innocentes. Comme le fit le Bon
Samaritain, c'est à ces victimes que nous devons donner la priorité.
C'est pour elles et avec elles que nous devons construire une société de
communion et de solidarité.
L'ONU CONTRE L'ÉGLISE

Les droits négociés ?

En conséquence d'une évolution sur laquelle on insiste généralement


trop peu, l'ONU d'aujourd'hui considère que les droits de l'homme
sont le produit d'une négociation perpétuelle, puisqu'il n'est plus
possible — dit-on — d'accéder ensemble à la vérité sur l'homme et sur
sa valeur. Désormais, par exemple, la norme morale traditionnelle «
Tu ne tueras pas! » doit être modulée. Le droit à la vie doit être
relativisé, selon les situations particulières et au gré de la sensibilité de
ceux qui participent au processus de décision. Dorénavant, les droits
de l'homme s'imposent parce qu'ils procèdent de la volonté de ceux
qui adhèrent au consensus, c'est-à-dire, en fin de compte, parce qu'ils
procèdent de la majorité.

Vers l'agnosticisme intolérant

Cette situation explique la campagne actuelle d'attaques contre la


présence de l'Observateur permanent du Saint-Siège à l'ONU[173].
Disons tout de suite que cette campagne, appelée « See Change », a
rencontré opposition et réserves de la part de nombreux hommes
politiques, et de groupes religieux protestants et musulmans.

Le Saint-Siège ne demande pas d'argent à l'ONU ; il ne lui doit aucune


faveur. Alors, pour faire pression sur lui, il faut recourir à d'autres
moyens que ceux utilisés pour les représentants que l'on veut
neutraliser, rallier ou acheter. C'est pourquoi, faisant preuve d'une
complaisance sans précédent, les autorités de l'ONU laissent les
coudées franches à des ONG comme la Catholic for Free Choice. Cette
ONG, violemment anti-chrétienne, est en réalité une entreprise
d'escroquerie aux ramifications variées. Cette organisation usurpe le
label catholique pour abuser les âmes simples ou celles qui veulent
donner l'impression de l'être.

Par ce biais, on essaye d'intimider les nations qui appuient


l'Observateur permanent dans les assemblées de l'ONU[174]. Plus
radicalement, il faut tenter de réduire le Saint-Siège au silence,
puisque sa position ne se fonde sur aucune forme de consensus, ni
encore moins sur les votes de la majorité. La position du Saint-Siège se
fonde sur la vérité. Une vérité reconnue et proclamée par l'ONU de
1948, mais que l'ONU du XXIe siècle est en train d'abandonner pour
laisser le champ libre à la volonté des plus forts.

Un autre signe de l'animosité vis-à-vis de l'Église est fourni par


l'Initiative unie des Religions (United Religions Initiative, URI), dont
l'acte de fondation a été signé le 26 juin 2000 à Pittsburgh —
cinquante-cinq ans après la signature de la Charte des Nations Unies.
Cette Initiative s'oppose à l'évangélisation et aux dogmes ; elle fait
campagne pour la vénération de la Terre et milite pour les « nouveaux
droits de l'homme[175].

La présence chrétienne dérange l'ONU actuelle, parce que, dans le


domaine de l'anthropologie, cette ONU a rejeté toute référence à la
vérité. Aujourd'hui, appuyée par des pays courageux, le Saint-Siège
met en question le rôle exorbitant attribué au consensus dans
l'enceinte de l'ONU. Celle-ci voudrait amener la communauté
mondiale à marquer son consensus et à ratifier les « nouveaux droits »
que l'on sait. Il saute cependant aux yeux que l'Église ne peut admettre
que soit chassée toute référence à la vérité, comme si l'homme était
incapable de déclarer quelque chose de vrai sur lui-même, ou même
comme si cela lui était interdit.

Comme la tradition politique et juridique pré-chrétienne, l'Église


considère que l'homme est la valeur par excellence qui s'impose à
l'homme. D'où les pressions téléguidées et financées par le laïcisme en
vue de mettre l'Église et les chrétiens au ban de la communauté
mondiale. Ces milieux veulent que, grâce au mécanisme de la
contagion mimétique, triomphe l'agnosticisme intolérant et la
violence.
LES JOURS COMPTES
DU TOTALITARISME LAÏC

Bâtie sur le sable : l'ONU

Mais à cette ONU-là, il faut dire solennellement « Attention! Vous êtes


en train d'installer une nouvelle religion totalement sécularisée et
paganisée. Vous êtes en train de mettre en place un magistère qui
prétend produire et imposer une Pensée Unique. Vous êtes occupés à
organiser de nouveaux tribunaux inquisitoriaux pour poursuivre ceux
qui seront considérés comme "politiquement incorrects". Vous êtes en
train d'étouffer et de détruire tous les foyers de résistance faisant
obstacle à vos prétentions et à vos plans d'action : la personne, la
famille, la Nation et l'État, les religions. Vous installez un nouveau
totalitarisme, en déprogrammant les hommes, en les aliénant de la
vérité concernant leur propre dignité, et en les reprogrammant à partir
de principes mensongers pour lesquels vous faites miroiter l'étiquette
de "nouveaux droits de l'homme". Vous êtes occupés à installer une
nouvelle Internationale, à la fois socialiste et libérale : au service d'une
conception perverse de la mondialisation et de la globalisation, qui, au
moyen d'une compétition impitoyable, élimine les plus faibles ».

Cependant, comme tout système qui tend vers le totalitarisme, le


système d'une certaine ONU souffre d'un vice incurable : il manque de
vérité. Cette ONU refuse de reconnaître pleinement la dignité de
l'homme, la famille, la société civile, les Nations, les États. Cette ONU
veut modéliser l'humanité dans sa totalité, la conformer à son utopie
idéologique.

Mais avec cette ONU-là va se passer ce qui s'est passé avec tous les
régimes funestes du siècle dernier. Ses jours sont comptés parce que
son édifice est construit sur le sable. Ses jours sont comptés parce que
cette ONU est déjà divisée, comme l'est déjà le règne de Satan. Ses
jours sont comptés parce qu'elle s'est laissé défigurer par des ONG
sans scrupule, qui lui imposent leurs diktats au lieu de l'aider à réaliser
sa mission de paix, de justice et de développement[176]. Ses jours sont
comptés parce que cette ONU ne respecte pas les êtres humains les
plus vulnérables. Ses jours sont comptés, parce que cette ONU-là est
fondée sur une structure de péché.

L'ONU, qui compte tant d'hommes de bonne volonté parmi ses


fonctionnaires, qui a fait et continue de faire tant de bonnes choses, a
besoin d'urgence de procéder à un examen de conscience, et de se
soumettre à un audit. Cette évaluation est urgente parce que le mal et
les mensonges que propagent certaines de ses agences principales,
appuyées par l'IPPF et d'autres ONG, ruinent la crédibilité de
l'ensemble et minent la légitimité de l'institution.

Un écran pour les échecs ?

Si prompte à demander des comptes à ses membres, l'ONU a elle-


même des comptes à rendre pour quelque cinquante ans de succès
pour le moins limités dans bon nombre de domaines.

Présentant à Rome, le 5 juillet 2000, le projet de réorganisation de la


FAO, Jacques Diouf, directeur de celle-ci, reconnaissait que cette
institution n'a pas réussi à relever le défi de la faim. Il constatait
qu'avec un budget de 157 millions de dollars, la FAO disposait d'un
budget très inférieur à celui d'autres agences de l'ONU. Dans son
analyse de la situation alimentaire mondiale au seuil du IIIe
millénaire, la même FAO relève l'accroissement de la production
alimentaire dans les pays en voie de développement, mais constate
qu'en raison de l'incurie de beaucoup de gouvernements, 800 millions
d'hommes sont toujours sous-alimentés[177].

Le même constat avait été fait le 29 juin à propos du PNUD par Mark
Malloch Brown, son administrateur[178]. Le rapport du PNUD divulgué
en juin 2000 à l'occasion de la session extraordinaire de l'Assemblée
générale des Nations Unies, tenue à Genève, fait certes un pas dans la
bonne direction. L'ONU elle-même reconnaît que sa lutte contre la
pauvreté est un grand échec. Celui-ci se résume en peu de mots : la
pauvreté extrême frappe plus d'un milliard trois cents millions d'être
humains. Toutefois, comme le soulignait le Pape Jean-Paul II en
commentant ce rapport, « la nourriture, l'assistance sanitaire,
l'éducation, le travail ne constituent pas seulement des objectifs de
développement ; ce sont des droits fondamentaux qui par malheur
sont encore refusés à des millions d'êtres humains[179] ».
Telle est en effet l'erreur de perspective qui fausse souvent le
diagnostic de l'ONU et qui, par conséquent, aboutit à la prescription
de remèdes inadaptés : le développement ne peut être réduit à un
faisceau d'objectifs économiques. Il est essentiellement lié à la
reconnaissance effective de l'égale dignité de tous les hommes. La
conception des droits de l'homme actuellement promue par l'ONU ne
satisfait plus à cette requête. Elle devient donc un frein au
développement. Avec sa conception actuelle des droits de l'homme et
les ventilations budgétaires qui s'ensuivent, l'ONU d'aujourd'hui ne
peut qu'être une machine à fabriquer des pauvres.

On ne remédie pas à l'erreur de diagnostic qui est à l'origine de cette


situation en échafaudant des plans de croissance économique d'une
inefficacité confirmée, parce que ceux-ci accordent plus d'importance
au capital physique qu'au capital humain.

En outre, la vulgate des « nouveaux droits de l'homme » ne peut servir


à jeter un voile sur une gabegie chronique et légendaire, qui du reste
s'étale sans vergogne dans les dizaines de réunions onéreuses et dont
le financement reste trop souvent obscur. En outre, les « nouveaux
droits » ne peuvent servir d'écran dissimulant d'autres échecs honteux
: par exemple dans les domaines de l'éducation, des soins élémentaires
de santé, de la recherche sur les maladies de la pauvreté.

Il faut aussi que l'ONU rende des comptes à propos de ses échecs dans
la protection ou le rétablissement de la paix. Car les gens ont de la
mémoire. Échecs — pour nous limiter à des exemples récents — en
Bosnie, en Somalie, en Angola, au Cambodge, au Tibet, au Sierra
Leone, à Kaboul, au Rwanda, au Zimbabwe, au Kosovo, à Timor, en
Tchétchénie, aux Moluques[180].

Alors, avec quelle autorité peut-on parler de « nouveaux droits de


l'homme », si l'on comprend par là les « droits » de détruire la famille
et de donner la mort ?

La conversion à la vérité

À cette ONU, il faut dire qu'elle est discréditée par le mépris qu'elle
affiche pour la personne humaine, pour les familles, pour les
minorités, pour les nations. Il est urgent que cette ONU-là se
convertisse à la vérité. À la vérité de l'homme, de sa dignité, de son
intégrité physique et spirituelle. À la vérité de la valeur de la femme,
qui, par sa nature propre, fait prévaloir la tendresse sur la force. À la
vérité de la famille, qui est monogamique et hétérosexuelle, où se vit la
plénitude de l'amour humain, où la vie est accueillie, où se forme
primordialement la personnalité du nouvel être humain. À la vérité de
la société civile, qui se fonde aussi bien sur la sociabilité de l'être
humain que sur les valeurs reconnues librement par tous et non pas
imposées d'en haut. À la vérité de la société politique, librement
choisie par les citoyens et autonome tant dans son organisation que
dans ses lois. À la vérité de la subsidiarité, qui limite le pouvoir
d'intervention des États, et a fortiori des organisations internationales,
pour stimuler la créativité des organisations intermédiaires et des
particuliers.

Tant que l'ONU n'aura pas opéré cette conversion, elle ne pourra
compter sur l'appui des chrétiens que dans la mesure où ses décisions
seront en pleine harmonie avec la dignité de l'être humain. Et sur leur
résistance dans le cas contraire.

Parce qu'elle a abandonné ses références fondatrices, l'édifice de


l'ONU est aujourd'hui fissuré et le danger de son implosion n'échappe
pas à l'observateur attentif. L'ONU qui rejette subrepticement les
valeurs déclarées de 1948 n'a aucun avenir. Pour se sauver, pour
survivre, l'ONU a besoin de la vérité. La vérité qui était dévoilée en
1948. La vérité que l'Église offre sur l'homme, son origine divine, sa
destinée — qui est le bonheur définitif. L'ONU a besoin des chrétiens,
qui sont disposés à mobiliser leur immense potentiel mondial pour
appuyer des institutions qui respectent et promeuvent la dignité
intégrale de l'homme.

Plus encore : l'ONU a besoin de l'Église et des chrétiens parce qu'elle a


besoin de se libérer du mensonge et de la violence. Il faut cesser
d'étouffer la vérité! Cesser de déprécier la famille! Cesser d'interférer
dans l'intimité des couples pour « administrer » leur pouvoir
inaliénable de transmettre la vie! Cesser d'écraser les êtres humains
les plus faibles! Cesser de limiter la souveraineté des nations! Cesser
d'installer une globalisation qui, contrôlant l'économie mondiale,
contrôlera les hommes! Cesser la construction insidieuse d'un
gouvernement mondial échappant aux hommes et aux Nations! Cesser
de vouloir imposer à l'humanité un système de domestication
idéologique à travers le contrôle des médias! Cesser de vouloir
dominer le monde en se servant d'une conception perverse du droit!
Chapitre XVI

L'ONU contre la famille

La famille fait aujourd'hui l'objet de nombreuses mises en question. À


s'en tenir à ce qu'en disent la plupart des médias, la famille serait une
réalité dépassée et même, selon certains, vouée à disparaître[181]. Nous
allons essayer de faire le point sur ce débat. Pour cela, nous
commencerons par rappeler brièvement la réalité de la famille telle
qu'elle apparaît dans l'histoire. Nous verrons ensuite comment la
famille est contestée aujourd'hui. C'est cependant la troisième partie
qui retiendra le plus notre attention. En effet, au moment même où
elle est radicalement contestée, l'importance naturelle de la famille est
soulignée par des savants contemporains de premier ordre. Leurs
regards scientifiques sont des signes d'espérance, et c'est pourquoi ils
méritent d'être portés sans délai à la connaissance du grand public
ainsi qu'à celle des décideurs. Au terme de notre démarche, il
apparaîtra que la famille est la meilleure parade face au totalitarisme
éclairé concocté par l'ONU et ses ONG.
PRESENTATION DE LA FAMILLE

Une réalité sociale nouvelle

L'histoire et l'anthropologie nous apprennent que la famille fondée sur


le mariage monogamique est une institution « naturelle » très
ancienne, dont les historiens de la préhistoire constatent déjà la
réalité. La famille est le groupe issu, par filiation, des conjoints unis
dans le mariage[182]. La famille est donc une institution fondée sur
l'union conjugale, sur le mariage. Comme le mariage, la famille est une
réalité publique ; elle est distincte de la réalité de chacun des membres
qui la composent ; elle est l'interface entre le privé et le public ; elle est
reconnue dans et par la société ; elle joue un rôle dans la société. C'est
pourquoi la famille est sujet de droits, et des politiques spécifiques lui
sont consacrées.

Lorsqu'on dit que la famille est une institution naturelle, on signifie


aussi que ce n'est pas la société politique qui crée la famille, ou encore
que la famille n'est pas une création des juristes. La famille est
antérieure à la société politique. Aristote écrivait qu'elle est la cellule
de base de la société politique : « L'amour entre mari et femme semble
être bien conforme à la nature, car l'homme est un être naturellement
enclin à former un couple, plus même qu'à former une société
politique, dans la mesure où la famille est quelque chose d'antérieur à
la Cité et de plus nécessaire qu'elle, et la procréation des enfants une
chose plus commune aux êtres vivants »[183].

Dès les premiers pas des États de droit, cette réalité naturelle est
régulée par les juristes : la famille fait l'objet de législations variant
suivant les sociétés. Le droit de la famille, ainsi que le droit
patrimonial qui lui est intimement lié, est un des piliers du droit civil.
Le droit positif organise donc la réalité naturelle qu'est la famille, mais
ce n'est pas lui qui en suscite l'existence.

La Pira, qui, avant d'être homme politique, était brillant juriste et


spécialiste du droit romain, montre même, dans une étude largement
commentée par Pierangelo Catalano[184] (lui-même brillant
romaniste), la « diversité structurelle existant entre le contrat par
consentement du droit privé et l'acte matrimonial bilatéral ». Ce
dernier « sort de l'espace du droit privé et se situe dans l'espace du
droit public ». Et La Pira d'expliquer : « C'est un acte bilatéral (du
mari et de la femme), consensuel [...], qui crée [...] un organisme, un
être nouveau, une unité (ontologique) sociale nouvelle ».

Chaque mariage est donc l'origine d'une réalité sociale nouvelle, la


famille. Il fonde une société nouvelle où les Romains voyaient déjà le
principium urbis, l'origine de la Cité, le seminarium rei publicae, le
germoir de la société civile, la pusilla res publica, le condensé de la
république, la pierre fondamentale de la civitas et de toute la société
humaine.

Amour et fécondité

Traditionnellement, deux fonctions sont reconnues à la famille. La


première est procréative : c'est dans le cadre de la famille fondé sur le
mariage que se transmet la vie, que se renouvellent les générations.
Par sa fonction procréative, la famille permet à la société de durer,
c'est-à-dire de continuer à exister, à agir, à s'affirmer. La procréation
présente donc deux facettes. Elle procède de la tendance naturelle des
conjoints à la communication de la vie, à sa conservation, mais elle
correspond également à la nécessité de survivre, caractéristique de
toute société dynamique. La contestation actuelle de la finalité
procréative de la famille entraîne donc non seulement les
répercussions que l'on sait au niveau de la famille proprement dite ;
elle met aussi en péril la survivance de la société.

La procréation humaine comporte l'éducation des enfants, la


formation, à tous les niveaux, d'un nouvel être humain. L'éducation
reçue dans la famille n'est pas simplement la base de toute éducation
ultérieure. En famille, l'éducation est offerte par le père, par la mère et
par le couple lui-même. L'éducation reçue dans la famille est le point
de départ de toute éducation et de toute socialisation. Dès sa
naissance, l'enfant est accueilli dans sa différence et, progressivement,
il reconnaît et accueille lui-même les autres dans leurs différences.
L'éducation reçue dans la famille prépare donc l'enfant à son insertion
dans une société démocratique, où il sera reconnu et où il reconnaîtra
les autres dans leurs différences[185].
La seconde fonction de la famille est souvent appelée unitive : les
époux s'unissent sur le long terme, ils se manifestent durablement leur
amour. Ici apparaît la spécificité de la sexualité humaine, qui n'est pas
réductible à un processus physiologique. Lorsque les époux s'unissent,
ils se manifestent de la tendresse, de l'affection, des sentiments
profondément humains. Les époux forment pour ainsi dire « un seul
être, une seule vie ». Cette union matrimoniale qui s'épanouit dans la
famille était saluée à Rome par des expressions pour ainsi dire
lyriques, qui surprennent dans le vocabulaire austère du droit :
conjunctio maris et feminae (l'union du mari et de la femme),
consortium omnis vitae (un engagement à partager toute la vie), etc.
[186]. Entre les conjoints, il y a interdépendance, plus encore :
solidarité. Et cette solidarité s'étend à l'ensemble de la famille.

Des études contemporaines célèbres ont montré que deux règles,


universellement observées, visent à protéger la famille. L'une concerne
l'exogamie : il faut chercher son conjoint dans un autre groupe que
celui d'où l'on procède soi- même. L'autre concerne l'inceste : celui-ci
interdit les relations sexuelles entre proches parents[187].

La famille peut relever de différents types d'organisation. L'Antiquité


romaine, par exemple, a abandonné peu à peu la famille agnatique,
basée sur la parenté par les mâles, pour lui préférer la famille
cognatique, basée sur les liens du sang et spécialement sur la parenté
par les femmes. Actuellement encore, on considère que la famille est
patriarcale quand le chef de famille y exerce l'autorité et quand elle
préserve un patrimoine. Elle est nucléaire quand elle s'articule autour
du noyau constitué par le père, la mère et leurs enfants.

Issue du mariage, la famille est donc une réalité naturelle qui se vit
dans la longue durée. C'est une union à la fois féconde et stable. Une
expression devenue courante résume les caractères essentiels de cette
union : amour et fécondité.

L'Église accueille la réalité naturelle de la famille ; elle en révèle en


outre la dimension propre dans le plan de Dieu. La famille est le lieu
par excellence où les époux participent activement à l'amour créateur
et sanctificateur de Dieu. La famille n'est pas seulement la cellule de
base de la société ; elle est une Église en miniature, une ecclesiola.
Selon l'heureuse expression de Jean-Paul II, elle est la « communauté
ecclésiale de base »[188].

Pour ces diverses raisons, l'Église recommande que soit pris en


compte le principe de subsidiarité en faveur de la famille. L'autorité
politique doit protéger celle-ci et l'aider à réaliser sa double mission :
d'une part, assurer le renouvellement des générations, ce qui inclut
l'éducation des enfants ; d'autre part, respecter l'intimité des conjoints
et les aider dans la recherche du bonheur.

Dissocier procréation et union ?

L'histoire et l'anthropologie révèlent aussi que la famille a été


contestée. La façon habituelle de contester la famille consiste à en
dissocier ce qu'on appelle traditionnellement les deux fins :
procréative et unitive, et à briser ce qu'on appelle aujourd'hui la
connexion entre le « lien conjugal » et le « lien de filiation ». Dans la
foulée, ce qui est menacé, ce sont les liens entre générations et les liens
de parenté, donc les solidarités familiales.

Platon, par exemple, voulait que la Cité contrôlât strictement le


nombre de ses habitants ainsi que l'éducation donnée aux enfants. De
leur côté, les épicuriens développaient une morale hédoniste, c'est-à-
dire exaltant le plaisir individuel. De part et d'autre, il y a séparation
des deux fins traditionnelles du mariage et de la famille. Pour Platon,
seule importe vraiment la production des enfants ; pour les épicuriens,
le plaisir.

Plus près de nous, la famille a été contestée par exemple par Léon
Blum dans son ouvrage traitant Du mariage (1907), large apologie de
l'amour libre. Les régimes totalitaires du XXe siècle ont également
voulu faire échec à la famille. Dès le début de la Révolution soviétique
est lancée une législation visant à la destruction de la famille. Puis, le
régime soviétique ne parvenant pas à instaurer un collectivisme total,
il entreprend de subordonner la famille aux intérêts de l'État tels que
les définit le Parti, et dispose que les conjoints pourront être séparés si
l'État le requiert[189]. Le nazisme n'est pas en reste. Ce qui l'intéresse,
c'est que la famille produise des enfants de qualité raciale
irréprochable, et en nombre suffisant pour les besoins de l'État, de sa
production et de ses conquêtes.
Dans les deux cas, la famille est totalement subordonnée aux intérêts
de l'État. Ainsi que nous le verrons plus loin, les totalitarismes de tous
les temps ont — dans leur logique — des raisons de suspecter la
famille, de la contester et de la détruire si ce devait être nécessaire à
leur cause.

Sur ce point, le totalitarisme éclairé, objet de notre attention, ne


diffère point de ses prédécesseurs. Dans sa logique, avant de fabriquer
des hommes, il faut détruire la famille.
LA FAMILLE A L'EPREUVE DE L'ETAT

Tout le monde s'accorde à reconnaître qu'aujourd'hui la famille est en


difficulté, même si elle conserve une place essentielle dans le
monde[190]. Il suffit de regarder autour de soi pour constater le
nombre de foyers détruits. Aucun milieu n'est épargné. L'institution
familiale comme telle est même mise radicalement en question. Nous
allons examiner quelques-unes des causes de cette crise ; ensuite nous
en examinerons les conséquences.

Quelques causes

Il faut d'abord mentionner ce qui est le plus évident : des mesures


anti-famille. On songe ici d'abord à la réduction des aides publiques à
la famille, notamment des allocations familiales ; aux politiques de
logement qui discriminent les familles avec enfants ; aux régimes
fiscaux qui prévoient parfois des taux d'imposition progressifs selon le
nombre d'enfants ; à de nouveaux impôts qui ne tiennent pas compte
de la capacité contributive de la famille. À part de remarquables
exceptions — nous y reviendrons — les économistes ne s'intéressent
guère à la réalité de la famille[191] ; ils s'intéressent aux ménages,
généralement considérés comme unités de logement et de
consommation[192].

On est également frappé par le climat général défavorable à la famille.


La chute de la nuptialité est un des déterminants de la chute de la
fécondité. Non seulement les couples se marient moins et, s'ils se
marient, se marient plus tard[193], mais en outre ils tendent à avoir
moins d'enfants. La famille en est directement affectée puisqu'elle se
contracte. Cette tendance se reflète dans la diminution rapide du
nombre des familles de 3 enfants ou plus. Les familles de 5 enfants ou
plus représentaient, en France, 3,66 % des familles en 1968 ; elles n'en
représentaient plus que 0,88 % en 1990[194].

Inversement, les couples mariés divorcent et, le cas échéant, se «


remarient » avec une facilité déconcertante. Les lois en la matière sont
de moins en moins dissuasives. D'où ce qu'on appelle la famille «
recomposée ».

L'avortement et la contraception précipitent également la crise de la


famille en disjoignant les deux finalités de l'union conjugale.
L'avortement supprime carrément l'enfant procréé ; la contraception
chimique bloque l'ouverture à la procréation, inscrite dans l'union des
conjoints. La contraception prédispose donc non seulement à la
cohabitation, mais aussi à la multiplicité des relations sexuelles pré- et
extra-matrimoniales.

À cette première rubrique, il faut hélas rattacher la dévalorisation de la


maternité. Les femmes n'ont guère de vraie liberté de choix[195]. La
pression sociale tend à les culpabiliser si elles n'exercent pas une
profession rémunérée et si elles ne contribuent pas, par leur travail,
aux recettes fiscales, au service des pensions, des mutuelles et autres
caisses de chômage. Faisant écho à cette pression rampante, les
pouvoirs publics n'honorent ni la maternité, ni la paternité. Cette
double omission est préjudiciable à la famille, au sein de laquelle la
mère est appelée à jouer un rôle central et irremplaçable, qui n'exclut
évidemment pas le rôle également essentiel du père.

Du « désengagement » de l'État à l'exclusion

Excessivement interventionniste dans de multiples domaines, l'État


tend à se distancer, voire même à se désintéresser de l'institution
familiale. Claude Martin a analysé le « désengagement » juridique de
l'État vis-à-vis de l'institution matrimoniale et familiale[196]. Dans ce
domaine, l'État tend à ne connaître et à ne reconnaître que des
individus. En conséquence, il affaiblit les dispositions juridiques qui,
traditionnellement, protégeaient l'institution familiale. Dans le même
temps, il fait une place de plus en plus grande aux vouloirs individuels.
Entre ces vouloirs individuels s'établissent des consensus dont l'État
doit se borner à prendre acte puisqu'ils ne sont pas constitutifs de
l'institution familiale. On constate ici que l'évolution du droit et de la
jurisprudence contribue à affaiblir l'institution familiale.

Les récents projets qui ont défilé sous les signes de CUCS, de PICS et
autres PACS, etc., sont particulièrement révélateurs de ce
désengagement vis-à-vis de l'institution matrimoniale. De tels projets
montrent que l'État considère ces contrats d'union civile et sociale
(CUCS) et autres pactes d'intérêt commun (PIC) comme des contrats
privés, laissant aux parties la plus grande liberté de négocier les
conditions dudit contrat, de faire ou de défaire le consensus. Hélas, de
tels contrats débilitent l'institution qu'ils singent en réduisant le
mariage à un contrat privé entre individus, toujours disposés à
renégocier les conditions de leur cohabitation, toujours prêts à rompre
leur consensus, bref un contrat qui n'est pas créateur d'une réalité
sociale nouvelle, la famille. Tel est l'un des problèmes majeurs posé
par le pacte civil de solidarité (PACS) adopté en France en 1999.

Paradoxalement, le désengagement de l'État vis-à-vis de l'institution


familiale a amené ce même État à intervenir davantage dans les
questions familiales causées par la désaffection vis-à-vis de cette
institution. En effet, comme l'a aussi montré Claude Martin, la
précarité familiale augmente le risque d'exclusion. Les séparations et
les divorces sont cause d'appauvrissement, mais tous les foyers
monoparentaux issus de ces séparations ne sont pas également
vulnérables. Les plus menacés par l'exclusion sont ceux qui sont les
moins bien préparés, qui ne peuvent compter sur l'aide de leurs
proches ni sur celle d'un réseau de relations[197].

L'État est ici pris à son propre piège. En un premier temps, voulant
laisser libre cours à la liberté individuelle, l'État se met en retrait par
rapport à l'institution familiale ; au niveau juridique, ce retrait se
traduit par une « déprotection » de l'institution familiale. Toutefois, ce
faisant, l'État crée de nouveaux risques de désinsertion, de
marginalisation — ce qui l'incite à développer l'assistanat. L'État doit
en effet intervenir pour remédier aux malheurs qu'il a lui-même
induits en créant des risques d'exclusion, qui résultent de sa propre
désaffection vis-à-vis de l'institution familiale. Nous voici dans un
perpetuum mobile qui n'a rien de musical.

Il va de soi qu'à la liste déjà longue des risques liés à la précarité


familiale viendra s'ajouter une litanie bien plus désolante encore des
risques liés à la fragilité des « unions sociales », et aux retombées
étiologiques de celles-ci.

Aussi bien, à la différence de la plupart des investissements publics,


dont on attend un return bénéfique pour les citoyens et pour la société,
les investissements en faveur des « libertés individuelles nouvellement
conquises » ont un return maléfique connu d'avance et même voulu,
puisqu'il est scientifiquement établi que ces investissements de second
type ne résolvent aucun problème, et qu'au contraire ils en créent.

Flash sur les « fragilités nouvelles »

Dans son discours du 15 juin 2000, où il annonçait vouloir donner un


nouvel élan à la politique familiale, M. Lionel Jospin avait
explicitement en vue les familles, dont il s'agit « d'épouser les
évolutions ». Parmi les mesures préconisées apparaissent la réforme
des modes de garde et des horaires de garderie. Après l'accouchement,
les mères pourront recevoir une prime de reprise d'emploi. Autant de
mesures qui favorisent évidemment un distancement entre l'enfant et
sa mère. Certaines allocations seront modulées selon les revenus du
ménage, ce qui révèle une légère confusion entre politique familiale et
politique fiscale. Les crédits en faveur du logement varieront selon des
critères semblables[198].

À partir du moment où la famille traditionnelle est considérée comme


un type de ménage parmi d'autres, les programmes de politique
familiale tendent immanquablement à être annexés par les
programmes de politique sociale. Et sous ce rapport, toutes les
prévisions budgétaires vont devoir être revues à la hausse. En effet, M.
Jospin s'est félicité des « libertés conquises », mais on peut se
demander s'il prend assez en compte le lien causal, pourtant
indiscutable, entre ces « libertés conquises » et ce qu'il appelle
euphémiquement les « fragilités nouvelles » engendrées par ces
mêmes libertés.

Enfin, ces dispositions budgétaires incontournables vont rapidement


engendrer des effets pervers allant à contresens de ce qu'on attend
d'une politique familiale authentique. Ces mesures budgétaires
accentueront les causes, déjà nombreuses, qui conduisent la France à
un déclin démographique sans précédent[199].
LA FAMILLE A L'EPREUVE DE L'ONU

Le piège des soi-disant « nouveaux droits »

Les tendances anti-famille ne se retrouvent pas seulement au niveau


de l'État. Les récentes conférences de l'ONU ont mis en question le
sens traditionnel du mot famille. Ce sens apparaît dans l'article 16 de
la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948. Cet article
porte : « La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et
a droit à la protection de la société et de l'État ». La genèse de cet
article ne laisse aucun doute sur la signification que les rédacteurs et
les signataires de la Déclaration entendaient donner au mot « famille
»[200]. Dans cet article, il est bel et bien question de la famille
traditionnelle, monogamique et hétérosexuelle. C'est ce que confirme
l'exégèse des autres articles de la Déclaration, où il est aussi question
de la famille[201].

Or, surtout depuis la Conférence de Pékin (1995), l'ONU s'ingénie à


employer le mot famille pour désigner toute sorte d'unions
consensuelles : unions homosexuelles, lesbiennes, « familles »
recomposées, « familles » monoparentales masculine ou féminine, en
attendant les unions incestueuses ou pédophiliques. De multiples
réunions organisées depuis 1995 par l'ONU et ses agences (dont le
FNUAP, l'OMS, la Banque mondiale, le PNUD, etc.) révèlent le rôle
néfaste que jouent cette organisation et ses ONG satellites à propos de
la famille[202].

Ce rôle est joué à partir d'un détournement du sens du mot famille. Le


mot famille est désormais équivoque ; ses significations fluctuent au
gré des intérêts en cause. Selon le jargon reçu, le mot famille est un
concept « polysémique », qui renvoie à des réalités « polymorphes ».

Ces multiples significations que l'on décide d'attribuer au mot famille


sont la conséquence directe de la nouvelle conception des droits de
l'homme que nous avons examinée plus haut[203]. Par l'individualisme
qui imprègne les soi-disant « nouveaux droits de l'homme », l'ONU
piège l'institution familiale traditionnelle. Cette dernière est en effet le
lieu où des personnes s'engagent à construire ensemble une
communauté nouvelle ouverte à la vie. La famille est lieu de solidarité,
d'interdépendance consentie, de fidélité. Il va de soi que lorsque l'ONU
plaide pour que, par exemple, un couple d'homosexuels bénéficie de
l'appellation « famille », elle prend acte des vouloirs individuels des
membres du couple. Mais ces membres n'appellent nullement à
l'existence une réalité sociale nouvelle ; ils n'instituent pas une famille
; ils n'ont aucune capacité, eux, de transmettre la vie. Ils s'accordent
sur un pacte issu d'un consensus par définition toujours conditionnel.
La répudiation est toujours offerte comme possibilité.

Par là, l'ONU apporte sa caution aux États qui ont déjà entrepris
d'exténuer l'institution familiale en flattant la liberté débridée des
individus. Dans la foulée, l'ONU, précarisant le lien familial, contribue
à renforcer les risques d'exclusion déjà multipliés par l'État[204].

Une culture anti-famille

Divulguée également par l'ONU et ses agences, l'idéologie du « gender


» vise également à détruire la famille[205]. Cette idéologie a deux
sources principales : le marxisme et le structuralisme. Ainsi qu'on s'en
apercevra, cette idéologie a subi en outre des influences multiples.
Bornons-nous à mentionner ici celle de Wilhelm Reich : rejet de toute
discipline sexuelle ; et celle d'Hubert Marcuse : rejet de tous les
pouvoirs.

L'idéologie du « gender » reprend l'interprétation que donne Friedrich


Engels de la lutte des classes. On sait que, selon Marx, la lutte des
classes était, par excellence, la lutte opposant le capitaliste et le
prolétaire. Pour Engels, cette lutte est d'abord celle qui oppose
l'homme et la femme. La famille monogamique et hétérosexuelle est le
lieu par excellence où la femme est exploitée et opprimée par l'homme.
La libération de la femme passe donc par la destruction de la famille.
Une fois « libérée », la femme pourra occuper sa place dans la société
de production.

Toutefois, s'inspirant aussi du structuralisme, l'idéologie du « gender »


considère en outre que chaque culture produit ses règles de conduite.
La culture traditionnelle doit être dépassée — assure-t-on — , « car elle
opprime la femme ». Les femmes doivent prendre la tête d'une
nouvelle révolution culturelle, et celle-ci fournira de nouvelles règles
de conduite. Cette nouvelle culture considère que les différences de
rôles entre les sexes n'ont aucun fondement naturel ; elles sont
apparues à une certaine époque de l'histoire et le moment est venu
qu'elles disparaissent, car cet épisode de l'odyssée humaine est révolu.

En réalité — assurent les idéologues du « gender » — les différences de


rôles entre l'homme et la femme sont purement culturelles : elles sont
même le produit d'une culture en voie d'extinction. La nouvelle culture
devra abolir toutes les distinctions, relents anachroniques de l'âge de «
l'oppression de la femme par l'homme » et des inégalités entre eux.
Dès lors, cette nouvelle culture, que l'idéologie du « gender » appelle
de ses vœux, exige la destruction de la famille à laquelle ils accolent
l'adjectif « traditionnelle » ; celle-ci serait en effet basée sur la culture
« déclassée ». Selon cette culture prétendument déclassée, l'homme et
la femme ont des rôles naturellement différents dans la transmission
de la vie. La famille est la conséquence naturelle du comportement
hétérosexuel de l'homme et de la femme.

La nouvelle culture, quant à elle, nie toute importance à la


différenciation génitale de l'homme et de la femme. Comme cette
différenciation est déclarée dépourvue de toute importance, les rôles
de l'homme et de la femme sont strictement interchangeables. Il
s'ensuit que l'hétérosexualité, telle qu'elle s'exprimait
traditionnellement dans la famille, est privée du statut privilégié dont
elle jouissait dans la culture traditionnelle, déclarée obsolète. Puisque
les rôles liés aux différences génitales sont condamnés, des mots
comme mariage, maternité ou paternité n'ont plus aucune importance.
Signe remarquable de l'emprise de cette idéologie : le mot maternité a
pratiquement été balayé du document final de la Conférence de Pékin
(1995).

L'hétérosexualité en est ainsi réduite à être un cas de pratique sexuelle


à côté de divers autres cas et sur le même pied que ceux-ci :
homosexualité, lesbianisme, unions consensuelles diverses qui
peuvent être dénoncées à la demande, etc. Les règles de conduite de la
culture dite ancienne doivent être abolies. Le droit au plaisir sexuel
individuel doit être proclamé. Il ne doit être assorti d'aucune
contrainte, d'aucune limitation, d'aucun devoir. Il ne peut
s'accompagner d'aucune responsabilité vis-à-vis d'autrui. Il doit être à
l'abri de toute « répression » : celle-ci ne pourrait être qu'une
survivance des codes de conduite périmés.

L'influence de l'idéologie du « gender » ne saurait être surestimée et


nous l'avons déjà relevée à propos des « nouveaux droits de l'homme
»[206]. Avec elle, la famille est non seulement l'objet d'une contestation
radicale mais d'une volonté déclarée de destruction. En elle se
conjuguent les ferments pervers du fatalisme violent qu'on trouve
dans le marxisme et dans l'individualisme absolu du néolibéralisme.
Cette idéologie a été adoptée par la plupart des agences de l'ONU et
par d'innombrables ONG. Grâce à ces complicités, elle étend ses
ramifications partout.

Deux exemples mettront en évidence le caractère pervers de cette


idéologie. Le premier concerne l'avortement. Dans le cadre de la
culture que les idéologues du « gender » considèrent comme dépassée,
les discussions portaient sur la dépénalisation et/ou la libéralisation
de l'avortement[207]. Ces deux vocables suggéraient l'idée d'un «
permis légal » mais non d'un droit[208]. Dans le cadre de la culture
nouvelle — celle qui s'inspire de l'idéologie du « gender » —
l'avortement apparaît explicitement comme un « nouveau droit de
l'homme » ; de même pour l'homosexualité.

Pour résumer et pour conclure, constatons que l'idéologie du « gender


» est désastreuse pour la famille parce qu'elle entend propulser de «
nouveaux droits de l'homme ». Ceux-ci en seraient réduits à n'être, en
fin de compte, que l'expression de revendications individuelles les plus
aberrantes. On voit par là que l'idéologie ne se borne pas à mettre en
péril la famille traditionnelle ; si elle devait poursuivre ses ravages, elle
détruirait tout le tissu social. La sociabilité naturelle de l'homme serait
prise en relais par une régression vers une culture de la violence et de
la barbarie.
Chapitre XVII

La famille :
un gisement de valeurs

Lorsqu'on étudie la famille, on a souvent tendance à considérer qu'il


s'agit d'une réalité privée, impliquant le père, la mère, les enfants. Que
pour chacun des membres de cette cellule, la famille soit un bien,
comment pourrait-on en douter ? Cependant, si la famille est un bien
pour ses membres, elle est en outre un bien, et même un grand bien,
pour la société. La qualité de la famille a un impact direct sur la qualité
de la société. Voilà ce qui résulte de trois types d'études, que les
technocrates de l'ONU et les gourous des ONG gagneraient à prendre
en compte.
LA PLUS PETITE DEMOCRATIE

L'apport de la famille à la société politique mérite d'être mentionné en


premier. Cet apport ressort de façon particulièrement nette des études
récentes sur le totalitarisme. De ces études, il ressort que l'essence du
totalitarisme consiste dans la volonté de détruire le moi dans ses deux
dimensions : physique et surtout psychologique[209]. Ces mêmes
études montrent que c'est dans la famille que se forment des
personnalités fortes, libres, autonomes, capables de jugement
personnel. Ces personnes-là sont capables de résister aux techniques
aliénantes, à la colonisation idéologique.

Contrôler l'affectivité

Ceci est confirmé par l'observation directe. Peu de temps après


l'implosion du régime soviétique, l'Académie des sciences sociales de
Moscou a organisé un séminaire sur l'enseignement social chrétien.
Cette académie était en fait une université où se formaient les cadres
supérieurs de l'appareil syndical soviétique. Comme le contact avec les
auditeurs était excellent et empreint de grande confiance, les
discussions ont vite porté sur des questions essentielles. Il était
frappant, par exemple, qu'après soixante-dix ans de totalitarisme,
beaucoup d'anciens apparatchiks avaient conservé à la fine pointe de
leur âme une lueur de foi. Ils avaient aussi préservé une réelle liberté
intérieure face à la machine dont ils étaient à la fois victimes et
serviteurs. Comment expliquer cette résistance ? La réponse unanime
à cette question fut donnée immédiatement : « Si nous avons conservé
un minimum de dignité, de foi et de liberté, nous le devons à notre
grand-mère ».

Le rôle joué par la famille dans la société politique est confirmé a


contrario par l'obstination à détruire la famille que manifestent tous
les régimes totalitaires. Ceux- ci veulent d'abord tarir les sources de
l'affectivité ; ils veulent laminer les relations entre les parents et leurs
enfants. Les enfants sont confiés à l'État et à ses délégués. La relation
affectueuse entre les parents et les enfants est en effet essentielle dans
l'édification d'une personnalité. Des projets visant à priver les parents
de leur responsabilité vis-à-vis de leurs enfants s'affichent de plus en
plus ouvertement dans les réunions internationales. C'est le cas, en
particulier, en ce qui concerne l'éducation sexuelle. À la racine de ces
projets, il y a la volonté totalitaire de déprogrammer- reprogrammer le
moi des enfants. Tout en se mettant en place, un régime totalitaire doit
s'arranger pour briser la résistance de ceux qui pourraient le contester.

Ce contrôle de l'affectivité s'étend aux relations entre les époux. Le


mari et la femme doivent avant tout être au service de la Cause
totalitaire. Ils sont de simples rouages dans la machine. Ils doivent
donc être disposés, dans les totalitarismes classiques, à rester séparés
pendant des semaines et des mois si l'exigent les intérêts de la Cause.
Avec le totalitarisme éclairé de l'ONU, le contrôle va plus loin encore
puisqu'il porte sur la sexualité, ou plus précisément sur un aspect
essentiel de la sexualité, à savoir la reproduction. Comme tous les
totalitarismes, celui de l'ONU comporte une utopie démographique : il
rêve de contrôler le nombre et la « qualité » des hommes et des
femmes. C'est la guerre anticipée : on n'attend pas que les hommes
soient adultes pour les tuer ; on les tue dans le sein de leur mère ou on
les empêche de naître.

Lorsqu'on sait la place qu'occupent l'affectivité et la sexualité dans la


genèse et la structure de la personnalité, on ne s'étonnera pas de voir
que les machines totalitaires s'appliquent toujours à détruire ces
facteurs constitutifs du moi. Au premier rang des machines actuelles
figurent le FNUAP et son allonyme l'IPPF, qui rêvent de — et parfois
parviennent à — s'ériger en police démographique mondiale.

De la fraternité à la solidarité

Il ressort de cela que la famille mérite d'être protégée et soutenue


parce qu'elle est le lieu où se forme le tissu de la société politique. Elle
n'est pas simplement la cellule de base de la société politique en
général ; elle est la cellule indispensable à toute société politique
démocratique. C'est dans la famille que l'homme et la femme
apprennent à s'accueillir dans leurs différences, à reconnaître qu'ils
sont égaux en dignité, à s'ouvrir aux autres[210]. C'est à partir de la
famille que la fraternité s'épanouit en solidarité. L'interdépendance
qu'acceptent les conjoints au point de départ de leur union s'épanouit
en effet en solidarité entre les parents et les enfants, entre les
différentes générations, et donne lieu à divers degrés de parenté. Elle
s'épanouit également en cercles concentriques en dehors du milieu
familial pour constituer des corps intermédiaires.

La raison profonde pour laquelle la famille est essentielle à la qualité


de la société politique se trouve dans la subsidiarité. L'institution
familiale, la réalité sociale originale constituée par la famille, est le
premier lieu de la subsidiarité. C'est l'institution familiale, et non pas
l'école ni encore moins l'État, qui, primordialement, aide les membres
de la famille à accéder à la plénitude de leur personnalité. Cela est déjà
vrai des conjoints, premiers bénéficiaires de ce surcroît d'être que leur
apporte l'institution qu'ils ont eux-mêmes fondée. La subsidiarité joue
encore pleinement en faveur des enfants puisque toute l'éducation
qu'ils reçoivent dans la famille est le fruit des interactions qui
s'exercent dans la réalité sui generis qu'est précisément la famille[211].

Tous ces bénéfices procurés par la famille ont leur retentissement dans
la société civile. Celle-ci est bénéficiaire de l'action familiale à un
double titre. C'est la famille qui, par la transmission de la vie, assure la
durée de la société civile. Mais la vie ainsi transmise ne se borne point
à la vie physique puisque la famille est le sol où s'enracine toute
l'éducation d'un être humain.
UNE REALITE NATURELLE
QUI PERSISTE A S'AFFIRMER

Si la science politique met en lumière l'importance de la famille, la


sociologie n'est pas en reste. Curieusement, c'est en partant de l'étude
des difficultés de la famille que la sociologie confirme la réalité
naturelle de celle-ci. C'est ce qui ressort en particulier des analyses
récentes de deux spécialistes faisant autorité en la matière.

Gérard-François Dumont constate qu'en définitive il est étonnant


d'enregistrer encore autant de mariages et de naissances dans des
sociétés européennes où l'environnement juridique, médiatique,
éducatif, fiscal, etc. est défavorable à la famille. C'est bien la preuve de
l'existence et de la vitalité d'une réalité naturelle qui parvient à
s'affirmer en dépit d'un contexte très largement défavorable[212].

Une autre analyse est due à Claude Martin, auquel nous avons déjà
recouru. Paradoxalement, cet auteur met en relief la réalité naturelle
de la famille à partir d'une analyse du divorce. Nous allons évoquer
brièvement cette démarche.

Le coût social du divorce est sans doute délicat à calculer ; en


revanche, il n'est pas difficile d'en relever quelques caractéristiques
évidentes. Divorcer coûte cher, par exemple en déplacements, en
logements, en pensions alimentaires, etc. Ces dépenses sont évitées ou
n'ont pas la même ampleur dans les familles unies. Constatation
confortée en partie par une étude de Lucile Olier[213]. Les familles
unies disposent de plus de ressources qui peuvent être appliquées
dans l'épargne ainsi que dans l'aménagement du foyer, dans la culture
et surtout dans la santé et l'éducation des enfants.

Par ailleurs, la famille est un rempart contre la marginalisation et


l'exclusion. On s'en rend déjà compte en observant les sociétés où les
politiques sociales, entendues au sens large, fonctionnent mal ou sont
inexistantes. Là où sont déficientes les caisses de chômage, les
mutuelles de santé, les pensions de vieillesse, etc., la famille est un lieu
naturel de solidarité. Jeunes ou vieux, handicapés ou malades, les plus
faibles et les plus vulnérables sont protégés par l'environnement
familial. Cette situation peut s'observer aujourd'hui dans les milieux
les plus défavorisés des pays riches où certains acquis de l'État-
Providence sont mis en question sous la double pression de la chute de
la fécondité et d'un néolibéralisme impitoyable. Mais c'est ce qui
s'observe encore davantage dans les pays du tiers-monde, où la
solidarité familiale protège ceux que la société ignore, leur permettant
de vivre dans une dignité reconnue au moins par tous les membres du
foyer. Il est fréquent, par exemple, que les membres d'une famille se
regroupent en une maisonnée. Les parents âgés y sont recueillis et
rendent bien des services ; réciproquement, ils font l'objet de la
sollicitude des membres des générations plus jeunes.

Claude Martin ne se borne pas à analyser l'après-divorce[214]. Il tire de


son enquête des enseignements précieux qui valent la peine d'être
présentés. Claude Martin constate que la famille est perçue comme
une richesse, comme un « capital social » (p. 22), comme une
protection rapprochée (p. 23), comme un lieu de solidarité, voire
même « un lieu de survie » (p. 289), alors que l'État-Providence est
défaillant. Car par un effet de boomerang l'État échoue à maîtriser une
marginalisation dont il accroît lui-même les risques en décimant
l'institution familiale. Or la famille est capable de résoudre des
problèmes sociaux que l'État maîtrise de moins en moins :
marginalisation, « désaffiliation », « désinsertion », exclusion, etc.

Les conclusions des études que nous venons d'évoquer sont


curieusement corroborées par celles du Comité français d'éducation
pour la santé. Le 24 novembre 1998, ce comité a rendu public un
Baromètre santé-jeunes. Deux des constats de ce Baromètre
confirment le rôle essentiel de la famille. Le rapport met d'abord en
relief la fragilisation des enfants issus de familles monoparentales ou
recomposées. Il montre aussi l'impact, favorable ou défavorable, des
situations familiales sur la santé des jeunes[215]. Cette dernière
constatation est même confirmée par l'endocrinologie. Le Dr David
Benchetrit a récemment relevé que « les enfants concernés [par
l'obésité] sont souvent seuls, sans frère ni sœur, issus de cellules
familiales éclatées. Ils trouvent une maison vide quand ils rentrent de
l'école et mangent seuls le soir. [...] Pour se déculpabiliser de rentrer
tard, [les parents] laissent des friandises dans le frigo et incitent ainsi
leur progéniture à manger »[216].
Enfin, psychiatres, éducateurs, juristes sont unanimes à reconnaître
qu'un environnement familial délabré ou inexistant favorise la
violence, l'usage de la drogue, l'alcoolisme. Les coûts sociaux de la
délinquance et de la criminalité ont une de leurs sources principales
dans les difficultés que connaissent les familles. Il va donc de soi que
la prévention de la délinquance et de la criminalité passe par la
protection et la promotion de la famille par l'État.

La leçon qui s'impose au terme de ces constats est péremptoire.


Comme les créateurs français du mariage républicain l'avaient fort
bien perçu, l'État doit promouvoir et protéger l'institution familiale.
C'est son intérêt, puisqu'il se révèle totalement incapable de rivaliser
avec le rôle providentiel que peut exercer l'institution familiale ; l'État
n'a notamment pas à se substituer à chaque instant au rôle essentiel
des parents. C'est aussi son devoir, puisqu'à force de demander au
droit de célébrer de « nouveaux droits » individuels au détriment de
l'institution familiale, on ne peut aboutir qu'à une société anti-
solidaire, où triomphent l'anarchie, l'individualisme et l'exclusion.
C'est donc avec pertinence que Claude Martin pose la question : «
Sommes-nous à l'aube d'un nouveau familiarisme ? » (p. 289).
LA FAMILLE ET LE CAPITAL HUMAIN

S'il est vrai que trop d'économistes ne connaissent que la notion de


ménage, quelques-uns, parmi les plus brillants, ont consacré à la
famille des études qui corroborent les conclusions auxquelles nous ont
conduits la contribution de la science politique et de la sociologie.

Aux États-Unis, le rénovateur de ces études économiques sur la famille


est Gary Becker, chef de file actuel de l'École de Chicago et Prix Nobel
d'économie en 1992. En France, deux noms, parmi d'autres, se
détachent : Gérard-François Dumont, pionnier en la matière, et Jean-
Didier Lecaillon[217]. Par des recherches indépendantes et des
méthodes différentes, ces trois économistes, qui sont aussi
démographes, arrivent à des conclusions étonnamment convergentes.

Il faut tout d'abord constater que Gary Becker a montré — ce que


Claude Martin confirme par d'autres voies — que la crise de la famille
est une des causes principales des inégalités dans notre société. Mais,
beaucoup plus positivement, il faut souligner que le célèbre
économiste a reçu le Prix Nobel parce qu'il a démontré, avec toutes les
ressources de la discipline scientifique la plus « pointue », la
corrélation entre le rôle de la famille et la formation du capital
humain[218]. Comme beaucoup, Gary Becker a constaté que l'activité
parentale n'était pas prise en compte dans les comptabilités
nationales. Il a donc commencé à la mesurer, à la calculer de façon
précise. Il a mesuré le coût du divorce (pp. 324-341), analysé le rôle de
l'État (pp. 362-379), calculé le prix et le coût de l'enfant, etc. Il est
surtout arrivé à une conclusion majeure : la famille est le lieu
primordial où se forme le capital humain. Or, a-t- il démontré, le
capital humain représente aujourd'hui plus de 80 % de la richesse
d'une nation moderne — le capital physique (installations
industrielles, ressources naturelles) représentant à peine 20 %.

Sans doute, la prospérité des peuples dépend-elle aussi d'autres


déterminants. On ne saurait oublier le rôle du système de
gouvernement, sa compétence, son honnêteté, etc., ni le rôle du
système économique, libéral, ouvert au marché, ou bien planifié,
dirigiste, etc.
Toutefois, de tous les déterminants, le plus important est la famille.
C'est là que l'enfant est d'abord éveillé aux qualités humaines qui
seront plus tard hautement appréciées dans la société en général,
économique et politique en particulier : sens de l'initiative, de la
ponctualité, de l'ordre, de la solidarité, etc.

Cette conclusion trouve d'ailleurs une confirmation dans l'enquête


menée par Michel Duyme. Celui-ci a constaté que « des enfants
adoptés, alors qu'ils avaient entre 4 et 6 ans, par des familles de niveau
socio-économique plus élevé que celui de leur milieu d'origine, ont un
quotient intellectuel nettement augmenté »[219]. Ce qui confirme
l'influence — bonne ou moins bonne selon le cas — du milieu familial
sur l'éducation de l'enfant à la formation de la personnalité.

Gary Becker a en outre eu la curiosité de mesurer l'apport de la mère


de famille à la formation du capital humain. C'est souvent elle qui
contribue le plus à nourrir, soigner, éduquer, instruire ses enfants ;
elle cuisine, lessive, coud, nettoie ; elle réconcilie, enseigne à épargner
et à économiser, aide dans les études, initie au beau, sensibilise au
bien, oriente les loisirs. Becker a ainsi calculé qu'au moins 30 % du
Produit interne brut (PIB) d'une nation provenait du travail de la mère
— contribution totalement négligée et ignorée dans les comptabilités
nationales[220].

Il ressort de ces études que ce bien qu'est la famille, dans et pour la


société d'aujourd'hui, a une importance toujours fondamentale, et cela
malgré l'existence des systèmes de sécurité sociale.
LE DEVOIR ET L'INTERET DE L'ÉTAT

Au terme de cette revue, on ne peut qu'être frappé par le fait que les
études politiques, sociologiques et économiques que nous avons
examinées convergent vers un ensemble de conclusions.

Protéger la famille

La principale d'entre elles, c'est que les États doivent protéger la


famille contre les programmes de caractère totalitaire que l'ONU veut
imposer et dont l'objectif est la destruction de l'institution familiale.
En outre, les pouvoirs publics doivent réviser les législations
nationales qui anémient l'institution familiale. Il est urgent de revoir
les lois qui, s'inspirant de « nouveaux droits de l'homme » conçus de
façon hyper- individualiste, risquent de ruiner l'institution familiale.

Cette révision doit d'abord comporter l'élimination d'injustices


flagrantes. Au premier rang de celles-ci figurent des injustices fiscales
qui pénalisent l'institution familiale. Il y a aussi « le détournement
organisé d'une grande partie de la richesse créée par les familles au
profit de ceux qui n'en supportent pas la charge »[221]. Et l'économiste
parisien ajoute : « L'essentiel de la charge de formation du capital
humain [...] est supporté par les familles (60 % en moyenne) tandis
que les parents n'obtiendront, sous forme de droits à la retraite,
qu'une très faible part des ressources que leurs enfants contribueront à
créer en utilisant la formation qu'ils auront reçue »[222].

Porter remède à de telles injustices ne suffit cependant pas. Comme y


insiste fréquemment Gérard-François Dumont, il faut que les pouvoirs
publics reconnaissent l'activité parentale et son apport à la société.
Cette reconnaissance doit notamment aboutir à l'élaboration d'un
statut parental, car, rendant service à leurs enfants, les parents
rendent service à la société. En outre, des études relatives aux États-
Unis, auxquelles se réfère Gary Becker[223], montrent que les écoles
catholiques sont souvent plus performantes que les autres. La raison
de cette meilleure performance est double : dans les familles
catholiques les parents font pression sur leurs enfants et ils font aussi
pression sur les écoles fréquentées par leurs enfants.
La moindre des choses serait que l'État offre aux femmes les
conditions d'un choix vraiment libre entre l'engagement à temps plein
au service de la famille et l'engagement professionnel intégral ou
partiel. De même, il serait élémentaire que l'État offre aux parents la
possibilité de choisir librement l'école que fréquentent leurs enfants.
Non qu'il s'agisse seulement de respecter une option « privée » des
parents ; il s'agit aussi de correspondre aux intérêts de la société.

Une valeur d'avenir

S'il est nécessaire d'examiner les mises en question dont la famille fait
l'objet, il est surtout indispensable de prendre connaissance des études
qui montrent son importance universelle. Ces études valorisent
fortement l'institution familiale ; elles ne sont nullement fondées sur
un regard nostalgique qui serait porté sur la famille telle qu'on
imagine qu'elle était dans les sociétés rurales. Cette valorisation
provient au contraire du fait que la famille est la clé du bien-être et du
bonheur dont le bien commun de la société future a besoin. Or, avec la
baisse de la fécondité, ce qui risque de manquer le plus à cette société,
c'est le capital humain, qui se forme d'abord dans la famille. D'où une
conclusion aussi simple qu'incontournable : les pouvoirs publics
doivent promouvoir la famille non seulement parce qu'elle est un bien
pour les membres qui la composent, mais aussi parce qu'elle est un
bien pour la communauté politique et économique[224]. Dans le
domaine de la politique familiale, le devoir de l'État coïncide avec les
intérêts souverains de celui-ci.
Chapitre XVIII

L'Église : signe de division

Face à la nouvelle interprétation des droits de l'homme propagée par


l'ONU, que peut faire l'Église ?

Il est d'abord urgent pour elle de prendre conscience de la situation


sans précédent à laquelle elle est confrontée et de la richesse du trésor
dont elle a le dépôt. Cette prise de conscience est, jusqu'à présent,
dramatiquement insuffisante. Les droits de l'homme tels qu'ils ont été
déclarés dans la tradition humaniste classique doivent à l'Église une
impulsion décisive. Cette impulsion jaillit du trésor que l'Église a reçu,
qu'elle doit offrir en partage et faire fructifier. Tel un ferment, ce trésor
unique a été incorporé au fil des siècles au patrimoine commun de
l'humanité. Telle est la raison principale pour laquelle certains
voudraient faire triompher de soi-disant « nouveaux droits de
l'homme », d'inspiration holistico-individualiste. Mais l'Église ne peut
se laisser impressionner par la morgue de quelques agences de l'ONU
dont l'action est amplifiée par des ONG. Elle ne peut être médusée par
l'arrogance de lobbies anti-vie ou se laisser intimider par l'hostilité
déclarée de certaines obédiences maçonniques qui veulent la
déstabiliser. L'Église ne peut rester indifférente face à la claire volonté
d'en découdre avec elle et de détruire le trésor dont elle a la garde.

La liberté inventive de l'amour

L'impulsion donnée par l'Église à la cause des droits de l'homme se


résume à deux mots : personne et subsidiarité. Préparée par le droit
romain, développée dans un contexte théologique, la notion de
personne a rapidement fait l'objet d'une réflexion philosophique et
juridique approfondie, qui se poursuit jusqu'aujourd'hui, surtout mais
non exclusivement dans les courants personnalistes. Cette conception
de la personne, capable de discerner le vrai du faux, le bien du mal,
rappelle à l'être humain qu'il est responsable face à des valeurs qui
s'imposent à lui mais aussi aux autres. C'est parce qu'ils peuvent
partager la même vérité, reconnaître le même bien, souscrire
librement aux mêmes références morales fondamentales que les
hommes sont capables de dialoguer et de collaborer, et d'éviter la
guerre. Ils sont égaux dans la différence, et même dans l'unicité de leur
personne.

D'où la centralité du principe de subsidiarité : les instances


supérieures ne doivent pas se substituer aux corps intermédiaires, ni
aux familles, ni aux personnes. Il faut au contraire offrir à chaque
personne les meilleures conditions pour que s'épanouisse sa
personnalité car, étant unique, chacun a quelque chose d'unique à
offrir à la société. C'est ce qui justifie, en dernière analyse, l'« option
préférentielle de l'Église pour les pauvres ».

Tel est le noyau central de l'enseignement de l'Église sur les droits de


l'homme et la démocratie.

De lui découlent des corollaires : l'autorité est service. Elle est une
nécessité découlant de la nature sociale et raisonnable de l'homme ;
elle est service de ceux qui lui ont donné librement procuration, qui
l'ont constituée. Nul homme n'est fondé à commander si ce n'est en
vertu d'une délégation de ceux qui se disposent à obéir librement à des
ordres raisonnables. Le pouvoir politique implique donc toujours une
relation interpersonnelle de reconnaissance et de réciprocité, relation
qui passe, dans la plupart des cas, par des médiations
institutionnelles. Il appartient à une instance particulière de rester
hors jeu pour pouvoir juger, c'est-à-dire pour veiller à la qualité de
cette relation entre ceux qui délèguent le pouvoir et ceux qui en ont
recueilli l'exercice.

L'enseignement de l'Église sur les droits de l'homme et la démocratie


comporte donc un double principe de modération du pouvoir.
D'abord, le pouvoir ne peut être ni immoral, ni même amoral : il est au
service de la dignité des hommes. La référence du pouvoir à la morale
se concrétise dans le respect et la promotion des droits de l'homme.
Ensuite, dans la fidélité au principe de subsidiarité, l'Église suggère
que le pouvoir soit divisé pour éviter qu'il soit confisqué, dans sa
totalité, par un individu ou un groupe particulier.

C'est aussi par sa conception de la justice générale et du bien commun


que l'Église fortifie la démocratie. Non qu'il soit question d'exiger des
hommes qu'ils se soumettent à la Cité, à la Société ou encore au
Cosmos. Il s'agit au contraire, pour les gouvernants de la société, de
s'efforcer de créer des conditions favorables à l'épanouissement
personnel de tous ses membres. Les lois humaines doivent être justes,
non d'une justice définie par décret, mais d'une justice venant d'un
cœur ouvert à la liberté inventive de l'amour. Dans la mesure où elles
sont justes, ces lois contribuent directement à l'édification du bien
commun et par là, au bonheur de tous et de chacun.

La théologie de l'histoire va plus loin encore puisqu'elle montre que la


société politique est appelée à être signe d'espérance. Nous n'avons
certes pas ici-bas de cité permanente et le bonheur d'ici-bas ne peut
apaiser totalement notre cœur[225]. Et cependant, l'engagement
politique actuel est porteur d'une dimension eschatologique ; il est une
voie par laquelle nous recherchons la Cité future, celle où le bonheur
s'épanouira en béatitude.

Face à l'imposture, le témoignage efficace

La conception des droits de l'homme qui s'exprime dans la Déclaration


de 1948 fait actuellement l'objet d'une contestation de plus en plus
affichée et très radicale. Avec ses agences multiples et l'appui de
certaines ONG, l'ONU est en train d'essayer d'imposer une « nouvelle
éthique », de « nouveaux droits » qui semblent dilater la liberté chez
les individus — entendons la liberté de faire n'importe quoi. Cette «
nouvelle éthique » se présente comme tolérante, chacun choisissant sa
vérité de l'instant et ses normes éthiques du moment au gré de ses
convenances. Moyennant cette tolérance doctrinale, la paix serait —
dit-on — assurée entre les hommes.

Mais cette tolérance est inconciliable avec le respect dû à tout homme.


Cette tolérance prive les hommes de toute protection contre la violence
des individus qui ont choisi une morale de la violence. Dès lors, pour
contenir cette escalade, il faut un pouvoir public plus violent encore,
qui dispose discrétionnairement non seulement des corps mais aussi
des esprits.

L'Église ne peut que s'insurger contre ce néo-totalitarisme. Face à


l'impossible « cohésion » que l'ONU s'évertue d'imposer en excipant
d'un « consensus » toujours précaire, l'Église doit apparaître, à l'instar
du Christ, comme un signe de division[226]. Elle ne peut cautionner ni
une « unité » ni une « universalité » qui seraient suspendues aux
vouloirs subjectifs des individus ou imposées par quelque instance
publique ou privée. Devant l'émergence d'un nouveau Léviathan, le
devoir des chrétiens est de proclamer, comme les Apôtres : « Non
possumus »[227] : nous ne pouvons rester ni indifférents, ni muets, ni
inactifs face à ce qui est en train de se passer.

La « nouvelle éthique » et la conception inversée des droits de


l'homme sont les signes annonciateurs d'une violence sans précédent
dans l'histoire, visant le moi physique et psychologique de chacun et
visant la famille où se forme ce moi. Avec une telle conception de
l'homme, de la famille, de la morale, de la société et des droits de
l'homme, la démocratie devient totalement impossible.

Il n'est pas sûr que tous les milieux chrétiens fassent preuve de
clairvoyance face à l'envahissement de cette conception inversée des
droits de l'homme. L'Église se doit donc d'être vigilante ; elle doit aussi
se préparer à la persécution, qui, en fait, a déjà démarré.

L'Église ne saurait toutefois se cantonner dans une posture défensive.


L'appel à la Nouvelle Évangélisation est venu à son heure : le sel ne
peut s'affadir (cf. Mt 5, 13). Attirer l'attention sur les errances de
l'ONU est un service urgent que l'Église doit à la communauté
humaine. Son courage ne manquera pas d'éveiller d'autres courages.
Suite à la métamorphose de l'ONU, l'Église apparaît aujourd'hui, en
définitive, comme la seule institution qui soit porteuse d'une
conception de l'homme appelant des régimes démocratiques et faisant
de l'instauration de tels régimes un devoir moral. Ainsi que cela
apparaît dans l'Apocalypse, dès ses origines l'Église s'est insurgée, au
nom de Dieu et au nom de l'homme, contre l'imposture d'un pouvoir
usurpé. Elle doit aujourd'hui proclamer qu'une guerre nouvelle a
commencé : une guerre totale contre l'homme. Une guerre qui veut
d'abord mutiler l'homme pour ensuite le détruire. Une guerre qui veut
aliéner l'homme de sa raison et de sa volonté, dans lesquelles
s'exprime sa prodigieuse ressemblance avec Dieu. Une guerre insensée
où la mort de Dieu aurait pour prix la mort de l'homme.

C'est le privilège et la mission des chrétiens d'être des veilleurs appelés


à signaler à tous les hommes les impasses et les pièges, d'indiquer les
balises, et surtout de rendre compte de l'espérance dont ils sont à la
fois porteurs et témoins[228].
ANNEXES
Annexe I

Déclaration universelle
des Droits de l'Homme de 1948

PREAMBULE

Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les


membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables
constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le
monde.

Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme


ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de
l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront
libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été
proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme.

Considérant qu'il est essentiel que les Droits de l'Homme soient


protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas
contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et
l'oppression.

Considérant qu'il est essentiel d'encourager le développement de


relations amicales entre nations.

Considérant que, dans la Charte, les peuples des Nations Unies ont
proclamé à nouveau leur foi dans les Droits fondamentaux de
l'Homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine ; dans
l'égalité des droits des hommes et des femmes, et qu'ils se sont
déclarés résolus à favoriser le progrès social et à instaurer de
meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande.

Considérant que les États Membres se sont engagés à assurer, en


coopération avec l'Organisation des Nations Unies, le respect universel
et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Considérant qu'une conception commune de ces droits et libertés est


de la plus haute importance pour remplir pleinement cet engagement.
L'Assemblée générale proclame la présente Déclaration universelle des
Droits de l'Homme comme l'idéal à atteindre par tous les peuples et
toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la
société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par
l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et
libertés et d'en assurer par des mesures progressives d'ordre national
et international, la reconnaissance et l'application universelles et
effectives, tant parmi les populations des États Membres eux-mêmes
que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction.

ARTICLE PREMIER
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.
Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers
les autres dans un esprit de fraternité.

ARTICLE 2
Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés
proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune,
notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion,
d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou
sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. De plus, il
ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique
ou international du pays ou du territoire dont une personne est
ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle,
non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.

ARTICLE 3
Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.

ARTICLE 4
Nul ne sera tenu en esclavage, ni en servitude ; l'esclavage et la traite
des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.

ARTICLE 5
Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants.

ARTICLE 6
Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité
juridique.
ARTICLE 7
Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale
protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute
discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute
provocation à une telle discrimination.

ARTICLE 8
Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions
nationales compétentes contre les actes violant les droits
fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution ou par la loi.

ARTICLE 9
Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé.

ARTICLE 10
Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit
entendue équitablement et publiquement, par un tribunal
indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et
obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle.

ARTICLE 11
1. Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée
innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au
cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa
défense lui auront été assurées.
2. Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au
moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte
délictueux d'après le droit national ou international. De même, il ne
sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au
moment où l'acte délictueux a été commis.

ARTICLE 12
Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa
famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son
honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la
loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

ARTICLE 13
Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa
résidence à l'intérieur d'un État. Toute personne a le droit de quitter
tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.

ARTICLE 14
Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de
bénéficier de l'asile en d'autres pays. Ce droit ne peut être invoqué
dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit
commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes
des Nations unies.

ARTICLE 15
Tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement
privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité.

ARTICLE 16
À partir de l'âge nubile, l'homme et la femme sans aucune restriction
quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et
de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage,
durant le mariage et lors de sa dissolution. Le mariage ne peut être
conclu qu'avec le libre et plein consentement des futurs époux. La
famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a le droit à
la protection de la société et de l'État.

ARTICLE 17
Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la
propriété. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété.

ARTICLE 18
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de
religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de
conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa
conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par
l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.

ARTICLE 19
Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression ; ce qui
implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de
chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières,
les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce
soit.
ARTICLE 20
Toute personne a droit à la liberté de réunion et d'association
pacifiques. Nul ne peut être obligé de faire partie d'une association.

ARTICLE 21
Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires
publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de
représentants librement choisis. Toute personne a droit à accéder,
dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays. La
volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics ;
cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent
avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret
ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.

ARTICLE 22
Toute personne, en tant que membre de la société, a le droit à la
sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits
économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au
libre développement de sa personnalité, grâce à l'effort national et à la
coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des
ressources de chaque pays.

ARTICLE 23
Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des
conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection
contre le chômage. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un
salaire égal pour un travail égal. Quiconque travaille a le droit à une
rémunération équitable et satisfaisante lui assurant, ainsi qu'à sa
famille, une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s'il
y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale. Toute personne
a le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des
syndicats pour la défense de ses intérêts.

ARTICLE 24
Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une
limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés
périodiques.

ARTICLE 25
Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa
santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour
l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que
pour les services sociaux nécessaires, elle a droit à la sécurité en cas de
chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les
autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de
circonstances indépendantes de sa volonté. La maternité et l'enfance
ont droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants,
qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la
même protection sociale.

ARTICLE 26
Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au
moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental.
L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique
et professionnel doit être généralisé ; l'accès aux études supérieures
doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.
L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité
humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des
libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la
tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux
ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations
unies pour le maintien de la paix. Les parents ont, par priorité, le droit
de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.

ARTICLE 27
Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle
de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès
scientifique et aux bienfaits qui en résultent. Chacun a droit à la
protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute
production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur.

ARTICLE 28
Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan
international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la
présente Déclaration puissent y trouver plein effet.

ARTICLE 29
L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le
libre et plein développement de sa personnalité est possible. Dans
l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun
n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi exclusivement en vue
d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui
et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public
et du bien-être général dans une société démocratique. Ces droits et
libertés ne pourront, en aucun cas, s'exercer contrairement aux buts et
aux principes des Nations Unies.

ARTICLE 30
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée
comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu un
droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte
visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés.
Annexe II

Un texte de René Cassin

La Déclaration universelle
des Droits de l'Homme

L'Assemblée générale des Nations unies n'a pas voulu clore sa session
de Paris sans adopter le document en trente articles qui, sur la
proposition de la France, est dénommé « Déclaration universelle des
Droits de l'Homme ». Quarante-huit délégations ont voté pour, aucune
contre, huit se sont abstenues : l'URSS et les cinq Républiques de
l'Europe de l'Est, l'Arabie saoudite et l'Afrique du Sud.

Le contenu de la Déclaration universelle est, pour une part, inspiré des


anciennes déclarations individualistes, mais il est plus compréhensif et
plus moderne. Si l'on imagine un portique à quatre colonnes, on
constate que le premier pilier supporte le droit à la vie, à la liberté
physique et à la sûreté juridique de la personne ; le second forme la
base des liens de l'individu avec les groupes (familles, nations), avec
les lieux (domicile, circulation) et avec les biens (propriétés) ; le
troisième pilier se rapporte aux facultés spirituelles, aux libertés
publiques et aux droits politiques ; le quatrième, symétrique du
premier, est celui des droits économiques, sociaux et culturels,
notamment ceux qui concernent le travail, la sécurité sociale,
l'éducation, la vie culturelle.

Le couronnement du portique est fourni par les articles finaux


marquant l'interdépendance des droits de l'homme et de l'ordre social
ou international, ou posant, en termes concis, les devoirs généraux de
l'individu envers la société et les limitations que ses droits et libertés
doivent subir pour satisfaire aux justes exigences de l'intérêt général
dans une société démocratique.

Ce texte a été publié dans Le Monde du 14 décembre 1948.


Il a été republié par ce même journal le 13 décembre 1998.
Annexe III

Figures triangulaires

Pour mieux comprendre la « pyramide des normes » selon Kelsen, il


est utile de se reporter aux figures ci-dessous. Elles représentent des
triangles équilatéraux. Ces figures ont été expliquées dans le texte, pp.
88-89. Nous les donnons ici sans commentaire.
Annexe IV

Charte des Droits


fondamentaux de l'Union européenne

État du projet au 28 septembre 2000

Charte 4487/00 Convent50

PREAMBULE

Les peuples de l'Europe, en établissant entre eux une union sans cesse
plus étroite, ont décidé de partager un avenir pacifique fondé sur des
valeurs communes.

Consciente de son patrimoine spirituel et moral, l'Union se fonde sur


les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté,
d'égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la démocratie et
le principe de l'État de droit. Elle place la personne au cœur de son
action en instituant la citoyenneté de l'Union et en créant un espace de
liberté, de sécurité et de justice.

L'Union contribue à la préservation et au développement de ces


valeurs communes dans le respect de la diversité des cultures et des
traditions des peuples de l'Europe, ainsi que de l'identité nationale des
États membres et de l'organisation de leurs pouvoirs publics au niveau
national, régional et local : elle cherche à promouvoir un
développement équilibré et durable et assure la libre circulation des
personnes, des biens, des services et des capitaux, ainsi que la liberté
d'établissement.

À cette fin, il est nécessaire, en les rendant plus visibles dans une
Charte, de renforcer la protection des droits fondamentaux à la
lumière de l'évolution de la société, du progrès social et des
développements scientifiques et technologiques.

La présente Charte réaffirme, dans le respect des compétences et des


tâches de la Communauté et de l'Union, ainsi que du principe de
subsidiarité, les droits qui résultent notamment des traditions
constitutionnelles et des obligations internationales communes aux
États membres, du traité sur l'Union européenne et des traités
communautaires, de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales, des Chartes sociales
adoptées par la Communauté et par le Conseil de l'Europe, ainsi que
de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés
européennes et de la Cour européenne des droits de l'homme.

La jouissance de ces droits entraîne des responsabilités et des devoirs


tant à l'égard d'autrui qu'à l'égard de la communauté humaine et des
générations futures.

En conséquence, l'Union reconnaît les droits, les libertés et les


principes énoncés ci-après.

CHAPITRE I – DIGNITE

ARTICLE 1
Dignité humaine
La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée.

ARTICLE 2
Droit à la vie
1. Toute personne a droit à la vie.
2. Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté.

ARTICLE 3
Droit à l'intégrité de la personne
1. Toute personne a droit à son intégrité physique et mentale.
2. Dans le cadre de la médecine et de la biologie, doivent
notamment être respectés :
- le consentement libre et éclairé de la personne concernée, selon
les modalités définies par la loi,
- l'interdiction des pratiques eugéniques, notamment celles qui
ont pour but la sélection des personnes,
- l'interdiction de faire du corps humain et de ses parties, en tant
que tels, une source de profit,
- l'interdiction du clonage reproductif des êtres humains.

ARTICLE 4
Interdiction de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants
Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements
inhumains ou dégradants.

ARTICLE 5
Interdiction de
l'esclavage et du travail forcé
1. Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude.
2. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou
obligatoire.
3. La traite des êtres humains est interdite.

CHAPITRE II – LIBERTES

ARTICLE 6
Droit à la liberté et à la sûreté
Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté.

ARTICLE 7
Respect de la vie privée et familiale
Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son
domicile et de ses communications.

ARTICLE 8
Protection des données à caractère personnel
1. Toute personne a droit à la protection des données à caractère
personnel la concernant.
2. Ces données doivent être traitées loyalement, à des fins
déterminées et sur la base du consentement de la personne concernée
ou en vertu d'un autre fondement légitime prévu par la loi. Toute
personne a le droit d'accéder aux données collectées la concernant et
d'en obtenir la rectification.
3. Le respect de ces règles est soumis au contrôle d'une autorité
indépendante.

ARTICLE 9
Droit de se marier et de fonder une famille
Le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis
selon les lois nationales qui en régissent l'exercice.

ARTICLE 10
Liberté de pensée,
de conscience et de religion
1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et
de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de
conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa
conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé,
par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des
rites.
2. Le droit à l'objection de conscience est reconnu selon les lois
nationales qui en régissent l'exercice.

ARTICLE 11
Liberté d'expression et d'information
1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit
comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de
communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir
ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontières.
2. La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés.

ARTICLE 12
Liberté de réunion et d'association
1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la
liberté d'association à tous les niveaux, notamment dans les domaines
politique, syndical et civique, ce qui implique le droit de toute
personne de fonder avec d'autres des syndicats et de s'y affilier pour la
défense de ses intérêts.
2. Les partis politiques au niveau de l'Union contribuent à
l'expression de la volonté politique des citoyens de l'Union.

ARTICLE 13
Liberté des arts et des sciences
Les arts et la recherche scientifique sont libres. La liberté académique
est respectée.

ARTICLE 14
Droit à l'éducation
1. Toute personne a droit à l'éducation, ainsi qu'à l'accès à la
formation professionnelle et continue.
2. Ce droit comporte la faculté de suivre gratuitement
l'enseignement obligatoire.
3. La liberté de créer des établissements d'enseignement dans le
respect des principes démocratiques, ainsi que le droit des parents
d'assurer l'éducation et l'enseignement de leurs enfants conformément
à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques, sont
respectés selon les lois nationales qui en régissent l'exercice.

ARTICLE 15
Liberté professionnelle et droit de travailler
1. Toute personne a le droit de travailler et d'exercer une
profession librement choisie ou acceptée.
2. Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union a la liberté de
chercher un emploi, de travailler, de s'établir ou de fournir des services
dans tout État membre.
3. Les ressortissants des pays tiers qui sont autorisés à travailler
sur le territoire des États membres ont droit à des conditions de travail
équivalentes à celles dont bénéficient les citoyens ou citoyennes de
l'Union.

ARTICLE 16
Liberté d'entreprise
La liberté d'entreprise est reconnue conformément au droit
communautaire et aux législations et pratiques nationales.

ARTICLE 17
Droit de propriété
1. Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens
qu'elle a acquis légalement, de les utiliser, d'en disposer et de les
léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est pour cause
d'utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et
moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L'usage
des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à
l'intérêt général.
2. La propriété intellectuelle est protégée.

ARTICLE 18
Droit d'asile
Le droit d'asile est garanti dans le respect des règles de la convention
de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs
au statut des réfugiés et conformément au traité instituant la
Communauté européenne.

ARTICLE 19
Protection en cas
d'éloignement, d'expulsion et d'extradition
1. Les expulsions collectives sont interdites.
2. Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il
existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la
torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.

CHAPITRE III – ÉGALITE

ARTICLE 20
Égalité en droit
Toutes les personnes sont égales en droit.

ARTICLE 21
Non-discrimination
1. Est interdite, toute discrimination fondée notamment sur le
sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les
caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les
opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une
minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou
l'orientation sexuelle.
2. Dans le domaine d'application du traité instituant la
Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne, et sans
préjudice des dispositions particulières desdits traités, toute
discrimination fondée sur la nationalité est interdite.

ARTICLE 22
Diversité culturelle, religieuse et linguistique
L'Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique.

ARTICLE 23
Égalité entre hommes et femmes
L'égalité entre les hommes et les femmes doit être assurée dans tous
les domaines, y compris en matière d'emploi, de travail et de
rémunération.
Le principe de l'égalité n'empêche pas le maintien ou l'adoption de
mesures prévoyant des avantages spécifiques en faveur du sexe sous-
représenté.

ARTICLE 24
Droits de l'enfant
1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à
leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci
est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en
fonction de leur âge et de leur maturité.
2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis
par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt
supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.
3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations
personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela
est contraire à son intérêt.

ARTICLE 25
Droits des personnes âgées
L'Union reconnaît et respecte le droit des personnes âgées à mener
une vie digne et indépendante et à participer à la vie sociale et
culturelle.

ARTICLE 26
Intégration des personnes handicapées
L'Union reconnaît et respecte le droit des personnes handicapées à
bénéficier de mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration
sociale et professionnelle et leur participation à la vie de la
communauté.

CHAPITRE IV - SOLIDARITE

ARTICLE 27
Droit à l'information et à la consultation
des travailleurs au sein de l'entreprise
Les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir garantir, aux
niveaux appropriés, une information et une consultation en temps
utile, dans les cas et conditions prévus par le droit communautaire et
les législations et pratiques nationales.

ARTICLE 28
Droit de négociation et d'actions collectives
Les travailleurs et les employeurs, ou leurs organisations respectives,
ont, conformément au droit communautaire et aux législations et
pratiques nationales, le droit de négocier et de conclure des
conventions collectives aux niveaux appropriés et de recourir, en cas
de conflits d'intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs
intérêts, y compris la grève.

ARTICLE 29
Droit d'accès aux services de placement
Toute personne a le droit d'accéder à un service gratuit de placement.

ARTICLE 30
Protection en cas de licenciement injustifié
Tout travailleur a droit à une protection contre tout licenciement
injustifié, conformément au droit communautaire et aux législations et
pratiques nationales.

ARTICLE 31
Conditions de travail justes et équitables
1. Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent
sa santé, sa sécurité et sa dignité.
2. Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale
du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi
qu'à une période annuelle de congés payés.

ARTICLE 32
Interdiction du travail des enfants
et protection des jeunes au travail
Le travail des enfants est interdit. L'âge minimal d'admission au
travail ne peut être inférieur à l'âge auquel cesse la période de scolarité
obligatoire, sans préjudice des règles plus favorables aux jeunes et sauf
dérogations limitées.
Les jeunes admis au travail doivent bénéficier de conditions de travail
adaptées à leur âge et être protégés contre l'exploitation économique
ou contre tout travail susceptible de nuire à leur sécurité, à leur santé,
à leur développement physique, mental, moral ou social ou de
compromettre leur éducation.

ARTICLE 33
Vie familiale et vie professionnelle
1. La protection de la famille est assurée sur le plan juridique,
économique et social.
2. Afin de pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle,
toute personne a le droit d'être protégée contre tout licenciement pour
un motif lié à la maternité, ainsi que le droit à un congé de maternité
payé et à un congé parental à la suite de la naissance ou de l'adoption
d'un enfant.

ARTICLE 34
Sécurité sociale et aide sociale
1. L'Union reconnaît et respecte le droit d'accès aux prestations de
sécurité sociale et aux services sociaux assurant une protection dans
des cas tels que la maternité, la maladie, les accidents du travail, la
dépendance ou la vieillesse, ainsi qu'en cas de perte d'emploi, selon les
modalités établies par le droit communautaire et les législations et
pratiques nationales.
2. Toute personne qui réside et se déplace légalement à l'intérieur
de l'Union a droit aux prestations de sécurité sociale et aux avantages
sociaux, conformément au droit communautaire et aux législations et
pratiques nationales.
3. Afin de lutter contre l'exclusion sociale et la pauvreté, l'Union
reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au
logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne
disposent pas de ressources suffisantes, selon les modalités établies
par le droit communautaire et les législations et pratiques nationales.

ARTICLE 35
Protection de la santé
Toute personne a le droit d'accéder à la prévention en matière de santé
et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions établies par les
législations et pratiques nationales. Un niveau élevé de protection de
la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de
toutes les politiques et actions de l'Union.

ARTICLE 36
Accès aux services
d'intérêt économique général
L'Union reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt
économique général tel qu'il est prévu par les législations et pratiques
nationales, conformément au traité instituant la Communauté
européenne, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de
l'Union.

ARTICLE 37
Protection de l'environnement
Un niveau élevé de protection de l'environnement et l'amélioration de
sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l'Union et
assurés conformément au principe du développement durable.

ARTICLE 38
Protection des consommateurs
Un niveau élevé de protection des consommateurs est assuré dans les
politiques de l'Union.

CHAPITRE V - CITOYENNETE

ARTICLE 39
Droit de vote et d'éligibilité
aux élections au Parlement européen
1. Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union a le droit de vote et
d'éligibilité aux élections au Parlement européen dans l'État membre
où il ou elle réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants
de cet État.
2. Les membres du Parlement européen sont élus au suffrage
universel, direct, libre et secret.

ARTICLE 40
Droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales
Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union a le droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales dans l'État membre où il ou elle
réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État.

ARTICLE 41
Droit à une bonne administration
1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées
impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les
institutions et organes de l'Union.
2. Ce droit comporte notamment :
-le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure
individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son
encontre ;
-le droit d'accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le
respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret
professionnel et des affaires ;
-l'obligation pour l'administration de motiver ses décisions.
3. Toute personne a droit à la réparation par la Communauté des
dommages causés par les institutions, ou par leurs agents dans
l'exercice de leurs fonctions, conformément aux principes généraux
communs aux droits des États membres.
4. Toute personne peut s'adresser aux institutions de l'Union dans
une des langues des traités et doit recevoir une réponse dans la même
langue.

ARTICLE 42
Droit d'accès aux documents
Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union ou toute personne physique
ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre
a un droit d'accès aux documents du Parlement européen, du Conseil
et de la Commission.

ARTICLE 43
Médiateur
Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union ou toute personne physique
ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre
a le droit de saisir le médiateur de l'Union de cas de mauvaise
administration dans l'action des institutions ou organes
communautaires, à l'exclusion de la Cour de justice et du Tribunal de
première instance dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles.

ARTICLE 44
Droit de pétition
Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union ou toute personne physique
ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre
a le droit de pétition devant le Parlement européen.

ARTICLE 45
Liberté de circulation et de séjour
1. Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union a le droit de circuler
et de séjourner librement sur le territoire des États membres.
2. La liberté de circulation et de séjour peut être accordée,
conformément au traité instituant la Communauté européenne, aux
ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire d'un
État membre.

ARTICLE 46
Protection diplomatique et consulaire
Tout citoyen de l'Union bénéficie, sur le territoire d'un pays tiers où
l'État membre dont il est ressortissant n'est pas représenté, de la
protection des autorités diplomatiques et consulaires de tout État
membre dans les mêmes conditions que les nationaux de cet État.

CHAPITRE VI - JUSTICE

ARTICLE 47
Droit à un recours effectif et
à accéder à un tribunal impartial
Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de
l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal
dans le respect des conditions prévues au présent article.
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal
indépendant et impartial, établi préalablement par la loi.
Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et
représenter.
Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de
ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire
pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice.

ARTICLE 48
Présomption d'innocence et droits de la défense
1. Tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité
ait été légalement établie.
2. Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé.

ARTICLE 49
Principes de légalité et de
proportionnalité des délits et des peines
1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission
qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une
infraction d'après le droit national ou le droit international. De même,
il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au
moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette
infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle-ci doit être
appliquée.
2. Le présent article ne porte pas atteinte au jugement et à la
punition d'une personne coupable d'une action ou d'une omission qui,
au moment où elle a été commise, était criminelle d'après les principes
généraux reconnus par l'ensemble des nations.
3. L'intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par
rapport à l'infraction.

ARTICLE 50
Droit à ne pas être jugé ou puni
pénalement deux fois pour une même infraction
Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une
infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans
l'Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.

CHAPITRE VII - DISPOSITIONS GENERALES

ARTICLE 51
Champ d'application
1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux
institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de
subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils
mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent
les droits, observent les principes et en promeuvent l'application,
conformément à leurs compétences respectives.
2. La présente Charte ne crée aucune compétence ni aucune tâche
nouvelles pour la Communauté et pour l'Union et ne modifie pas les
compétences et tâches définies par les traités.

ARTICLE 52
Portée des droits garantis
1. Toute limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par
la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu
essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de
proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles
sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt
général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et
libertés d'autrui.
2. Les droits reconnus par la présente Charte qui trouvent leur
fondement dans les traités communautaires ou dans le traité sur
l'Union européenne s'exercent dans les conditions et limites définies
par ceux-ci.
3. Dans la mesure où la présente Charte contient des droits
correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, leur
sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite
convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de
l'Union accorde une protection plus étendue.

ARTICLE 53
Niveau de protection
Aucune disposition de la présente Charte ne doit être interprétée
comme limitant ou portant atteinte aux droits de l'homme et libertés
fondamentales reconnus, dans leur champ d'application respectif, par
le droit de l'Union, le droit international et les conventions
internationales auxquelles sont parties l'Union, la Communauté ou
tous les États membres, et notamment la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi
que par les constitutions des États membres.

ARTICLE 54
Interdiction de l'abus de droit
Aucune des dispositions de la présente Charte ne doit être interprétée
comme impliquant un droit quelconque de se livrer à une activité ou
d'accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés
reconnus dans la présente Charte ou à des limitations plus amples des
droits et libertés que celles qui sont prévues par la présente Charte.
Bibliographie

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Liste des sites électroniques (année 2000)

Les sites sont classés par ordre d'apparition dans le texte

<http :/ /www.unfpa.org>
<[email protected]>
<[email protected]>
www.unsystem.org
Adresse e-mail : <[email protected]>
<http ://www.ippf.org> ou <http ://www.ippf.org/newsinfo>
<http ://www.earthcharter.org>
<http://www.ecouncil.ac.cr>
<http ://pagina.de/noticiasdelaonu>
<http ://pagina.de/noticiasdelaonu>
<http ://www.earthcharter.org/welcome/intro_fr.htm>
<http ://www.hri.ca/uninfo/hrbodies/defender.shtml>
<http ://www.unhchr.ch/html/intlinst.htm>
<http ://www.lchr.org/lchr/un/defenders.htm>
<http ://humanist.net/websites>
<http ://www.un.org/womenwatch/daw/followup/beijing+5.htm>
<http ://www.un.org/ womenwatch/daw/followup/analysis.html>
<http ://www.un.org/womenwatch/daw/followup/finaloutcome.pdf>
<www.c-fam.org> Adresse e.mail : <[email protected]>
<www.providafamilia.org>
<www.hli.org> et <www.vidalhumana.org>
<[email protected]>
<http://www.europarl.eu.int.charter/fr/default.htm>
<http ://www.un.org/french/millenaire/ sg/ report/key.htm>
<http ://www.un.org/french/millenaire/ sg/ report/ full.htm>
<http://www.ipsdailyjournal.org>
<http://www.nscentre.org/ tvmonthly>
<http://untreaty.un.org>
<http ://www.thelancet.com/newlancet/current>
<http ://www.un.org/french/millenaire>
<http ://www.fao.org>
<http ://www.undp.org/
dpa/statements/administ.2000/june/29june00.htm>
<http :/perso.infonie.be/le.feu/>
[email protected]
Remerciements

Nous remercions vivement M. Jean-Claude Didelot d'avoir accueilli ce


nouvel ouvrage dans le département du Sarment qu'il dirige aux
Éditions Fayard. On comprend aisément que cette prestigieuse Maison
mette aussi son point d'honneur à servir les droits de l'homme.

Mademoiselle Anne-Marie Libert, inspectrice honoraire de


l'Enseignement public de la ville de Liège, ne se lasse pas de naviguer
sur internet et nous a fait une fois de plus bénéficier des produits de sa
pêche électronique. À son tour, le lecteur pourra en bénéficier en
visitant le site

<http :/perso.infonie.be/le.feu/>

Aux Éditions Fayard, Mlles Emmanuelle Billoteau et Odile Level de


Curnieu nous a fait part de suggestions précieuses. Nous leur
exprimons ici toute notre reconnaissance.
Ouvrages du même auteur

O comunismo e o futuro da Igreja no Brasil, Herder, Sâo Paulo, 1963.


O desafio da secularizaçao, Herder, Sâo Paulo, 1968.
Chrétienté en contestation : l'Amérique latine, Le Cerf, Paris, 1969.
Destin du Brésil. La technocratie militaire et son idéologie, Duculot, Gembloux, 1973.
La Provocation chinoise, Le Cerf, Paris, 1973. (Traduction italienne).
L'Avortement, problème politique, Université catholique de Louvain, Département de Science
politique, 1e éd. 1974 ; 2e éd. revue et augmentée, 1981. (Traductions italienne et anglaise).
Demain, le Brésil ?, Le Cerf, Paris, 1977. (Traduction espagnole).
Droits de l'homme et technocratie, CLD, Chambray-lès-Tours, 1982.
Démocratie et libération chrétienne. Principes pour l'action politique, Lethielleux, Paris,
1986.
Maîtrise de la vie, domination des hommes, Lethielleux, Paris, 1986. (Traductions brésilienne
et anglaise).
Théologie et libération. Questions disputées, Le Préambule, Longueuil, Québec, 1987.
L'enjeu politique de l'avortement, 2e édition, l'OEIL, Paris, 1991. (Traductions espagnole,
italienne, polonaise et brésilienne ; traduction russe en préparation).
De « Rerum novarum » à « Centesimus annus », Conseil Pontifical Justice et Paix, Cité du
Vatican, 1991. (Avec R. Aubert). (Traduction brésilienne).
Initiation à l'Enseignement social de l'Église, L'Emmanuel, Paris, 1992. (Traductions
espagnole, slovaque, italienne, anglaise et chinoise).
Bioéthique et Population, Fayard, Paris, 1994. (Traductions espagnole, italienne, slovaque,
anglaise, portugaise et allemande ; traduction chinoise en préparation).
El imperialismo contraceptivo, ALAFA, Caracas, VHI, Miami, 1994.
La Dérive totalitaire du libéralisme, 2e éd., Mame, Paris, 1995. (Traduction anglaise ;
traductions italienne, espagnole et portugaise en préparation).
Pour comprendre les évolutions démographiques, 2e éd., Université de Paris-Sorbonne,
APRD, Paris, 1995. (Traduction espagnole).
L'Évangile face au désordre mondial, 2e éd., Fayard, Paris, 1998. (Traductions anglaise et
espagnole ; traduction italienne en préparation).
Le crash démographique, Le Sarment-Fayard, Paris, 1999. (Traductions anglaise, allemande,
portugaise, espagnole et italienne en préparation).

[1] La visite du site peut commencer par <http://www.unfpa.org>


[2] New York, Éd. du FNUAP, 1998. Tous les thèmes habituels du FNUAP se retrouvent dans
L'État de la population mondiale. 2000, publié par Nafis SADIK (éd.) sous le titre Vivre
ensemble dans des mondes séparés. Hommes et femmes à une époque de changement, New
York, FNUAP, 2000. À propos de ce rapport, voir l'interview donnée par Mary Ann
GLENDON, sous le titre "La ONU no afronta las razones de la discrimination femenina", dans
<[email protected]> du 25 septembre 2000.
[3] Les principaux documents portant sur les droits de l'homme ont été recueillis par Michel
HERODE (et al.) sous le titre Droits humains. Textes de base. 1789-1997, Bruxelles,
Coordination pédagogique «Démocratie ou Barbarie» de la Communauté française de
Belgique <[email protected]>; Éd. Buch, 1998; Distribution Arots
<[email protected]>. Le texte de la Convention européenne des droits de l'homme se
trouve pp. 222-224. — Il a fallu attendre le 3 mai 1974 pour que la France ratifie cette
convention. — Les documents antérieurs à 1789 méritent toujours d'être étudiés. On les trouve
dans le recueil de Maurice DUVERGER, Constitutions et documents politiques, Paris, PUF,
1964.
[4] Nous reviendrons sur cette Charte au chapitre XI; voir spécialement les pp. 81 s. et, au
chapitre XIII, p. 98; Cf. aussi pp. 5.
[5] Le thème de la sociabilité est inséparable de celui de l'amitié. C'est ce que confirme et
illustre le précieux ouvrage de Jacques FOLLON et James MCEVOY, Sagesses de l'amitié.
Anthologie de textes philosophiques anciens, Fribourg (S.), Éd. Universitaires, 1997.
[6] Sur ceci, voir Bernard DE LANVERSIN, «Dérives juridiques dangereuses dans les décisions
des grandes Organisations internationales, concernant la vie de l'homme», article à paraître
dans la Nouvelle Revue théologique (Bruxelles).
[7] Voir en particulier les très beaux développements de CICERON dans le Traité des lois, livre
I, VII, 22-X, 28; XIV, 40-XVIII, 48. Ce texte a été publié par Georges DE PLINVAL, Paris, Éd.
Les Belles Lettres, 1959.
[8] On trouvera un bon exposé historique consacré aux droits de l'homme et au droit naturel
dans l'ouvrage de Philippe DE LA CHAPELLE, La Déclaration universelle des droits de
l'homme et le catholicisme, Paris, LGDJ, 1967, pp. 207-283. On se reportera aussi utilement à
Jacques MOURGEON, Les droits de l'homme, Paris, PUF, 1978. Sur l'enseignement
contemporain de l'Église concernant les droits de l'homme, nous disposons de deux
instruments de travail indispensables. Ils sont dus à Giorgio FILIBECK. Le premier est intitulé
I Diritti del'Uomo nell'ensegnamento della Chiesa: da Giovanni XXIII a Giovanni Paolo II
(1958-1998), Città del Vaticano, Libreria Editrice Vaticana, 1999. Ce recueil a été traduit en
portugais sous le titre Direitos do Homen: de Joao XXIII a Joao Paulo II, Sâo Joâo do Estoril,
Éd. Principia, 2000.
[9] Cf. Emmanuel LEVINAS, Humanisme de l'autre homme, Montpellier; Éd. Fata Morgana,
1972; voir p. 37.
[10] Nous avons examiné cette question en détail dans Démocratie et libération chrétienne,
Paris, Éd. Lethielleux, 1985, spécialement au chapitre VII: «Implications politiques de
l'anthropologie thomiste», pp. 141-176.
[11] Dans les réunions de l'Union européenne, il est souvent question de subsidiarité. Comme
c'est fréquemment le cas, le terme est souvent détourné de sa signification originelle. Pour y
voir plus clair, on pourra se reporter à Jean-Yves NAUDET, «Le principe de subsidiarité:
ambiguïté d'un concept à la mode», dans le Journal des Économistes et des Études humaines,
juin-septembre 1992, pp. 319-331. Nous disposons aussi du livre de Chantal MILLON-
DELSOL, L'État subsidiaire, Paris, PUF, 1992.
[12] Sur l'apport européen à la réflexion sur les droits de l'homme, voir Vittorio POSSENTI, «I
diritti dell'uomo nella tradizione europea», dans la revue O Direito, 3-4, 1990, pp. 487-502.
[13] Ce point figure parmi les «Parties rejetées de la Déclaration». Voir à ce sujet l'ouvrage
classique d'Albert VERDOODT, Naissance et signification de la Déclaration universelle des
droits de l'homme, Louvain-Paris, Éd. Nauwelaerts, 1963; Cf. pp. 275-281.
[14] Les études concernant le droit naturel connaissent un regain d'intérêt. Elles bénéficient de
l'impulsion particulièrement riche que leur donne Xavier DIJON dans Droit naturel, Tome 1:
Les questions du droit, Paris, PUF, coll. Thémis, 1998.
[15] Sur la genèse de la Déclaration de 1948, voir Mary Ann GLENDON, Rights Babel: The
Universal Rights Idea at the Dawn of the Third Millenium, texte pro manuscripto de The 1997
McCarthy Conference. On doit également au célèbre professeur de Harvard une autre étude
très fouillée, intitulée Knowing the Universal Declaration of Human Rights, texte pro
manuscripto de 45 pages, sans lieu, 1998.
[16] Cette lecture des droits de l'homme, et en particulier de la Déclaration de 1948, a reçu le
soutien particulièrement autorisé de Kofi ANNAN dans «Les droits de l'homme, trame de
notre existence», article paru dans Le Monde du 9 décembre 1998. Il est vrai que le Secrétaire
général de l'ONU n'est pas toujours aussi bien inspiré dans ses déclarations sur la question.
[17] Ceci est illustré par l'Encyclopédie des droits de l'homme, dont le Sommaire a été présenté
par Marc AGI, Paris-La Défense, Fondation internationale des droits de l'homme - L'Arche de
la fraternité, 1997.
[18] Le texte de la Déclaration est repris in extenso en Annexe I, pp. 141-146.
[19] Concrètement, cet empiètement de la société politique sur la société civile est la tendance
qui s'observe dans les États. La nouveauté, c'est qu'elle s'observe aujourd'hui dans les grandes
organisations internationales, telle l'ONU.
[20] Cf. supra, pp. 27 s., et le chapitre d'Introduction.
[21] À un moment où ce terme n'était guère utilisé comme outil de manipulation mentale,
Hervé CASSAN a étudié «Le consensus dans la pratique des Nations Unies», dans Y Annuaire
français de Droit international, 1974, pp. 456-485.
[22] Voir la traduction procurée par Victor DELBOS, Paris, Éd. Delagrave, 1959, pp. 150 s.
[23] Traduit par J. GIBELIN, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1948.
[24] Voir le mot consentement, dans Paul FOULQUIE, Dictionnaire de la langue
philosophique, Paris, PUF, 1962, et dans le ROBERT.
[25] Voir Virgilio GIORGIANNI, article «Consenso universale», dans l'Enciclopedia filosofica,
Venise et Rome, Istituto per la Collaborazione culturale, 1957. Voir le tome I, col. 1195-1197.

[26] Hugo GROTIUS, De jure belli ac pacis (1625), cité dans le recueil de J. IMBERT (et al.), La
pensée politique des origines à nos jours, Paris, PUF, 1959. Voir tout l'extrait cité pp. 219 s.
[27] Jean-Jacques ROUSSEAU, Le Contrat social, Livre IV, chap. 8.
[28] Sur tout ceci, voir Du contrat social, livre IV, chapitre VIII.
[29] Voir John RAWLS, A Theory of Justice, Oxford University Press, 1972; diverses rééditions
et traductions.
[30] Préludant à l'idée actuelle de consensus, l'idée du consentement obtenu par des comités
ou commissions ad hoc apparaît déjà dans l'œuvre de l'Abbé DE SAINT-PIERRE (1658-1743),
Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe (1713); voir dans Marcel MERLE, Pacifisme
et internationalisme. XVIIe- XXe siècles, Paris, Éd. Armand Colin, 1966, pp. 72-77; voir
spécialement les art. 11 et 12.
[31] Voir en particulier l'ouvrage de Jürgen HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel,
Paris, Éd. Fayard, 1987.
[32] L'expression apparaît dans De la démocratie en Amérique, I, II, 7, chapitre essentiel qui
traite «De l'omnipotence de la majorité». L'expression «Tyrannie de la majorité» y apparaît
comme sous- titre. Cf. Alexis DE TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique. Souvenirs.
L'Ancien Régime et la Révolution, édition procurée par Jean-Claude Lamberti et Françoise
Mélonio, Paris, Éd. Robert Laffont, 1999; Cf. pp. 242-251. Machiavel lui-même écrit: «Un
prince qui n'a pour règle que sa volonté est un insensé. Un peuple qui peut faire tout ce qu'il
veut n'est pas sage», dans le Discours sur la Première Décade de Tite-Live, I, 58.
[33] La situation ainsi créée rappelle jusqu'à un certain point les erreurs judiciaires tragiques
où, à la majorité, un jury populaire d'assises, expression de la souveraineté elle-même
populaire, condamne à mort un accusé dont l'innocence est manifestée après ou même avant
l'exécution. Dans le cas ici évoqué, il est cependant remarquable qu'une référence privilégiée
et explicite est faite à la vérité, puisqu'on reconnaît l'erreur judiciaire — sans toutefois que
cette référence garantisse que l'on renonce à l'exécution.
[34] Nous revenons sur ce point au chapitre IV, infra, p. 31; 33 s.
[35] Cf. Hans JONAS, Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation
technologique, Paris, Éd. du Cerf, 1995; voir spécialement pp. 24-27; 64 s.; 179-186; 187-195,
etc.
[36] Voir à ce sujet notre ouvrage L'Évangile face au désordre mondial, 2e éd., Paris, Éd.
Fayard, 1998, pp. 79-96.
[37] Cf. trois des classiques du Nouvel Âge: Marilyn FERGUSON, Les enfants du Verseau. Pour
un nouveau paradigme, Paris, Éd. J'ai lu, 4029/7, rééd. 1995; Thomas S. KUHN, La structure
des révolutions scientifiques, Paris, Éd. Flammarion, rééd. 1995. On se reportera surtout à
l'ouvrage fondamental d'Alice A. BAILEY (1880-1949), L'État de disciple dans le Nouvel Âge,
CH 1211 Genève 20, BP 31, Éd. Lucis Trust, deux tomes, 1969 et 1991. C'est là qu'est exposé le
plan du Nouvel Âge pour l'humanité.
[38] Voir à ce sujet Luc FERRY, Le nouvel ordre écologique, Paris, Le Livre de Poche, 13565,
1998; Cf. en particulier pp. 26-29.
[39] Voir par exemple Peter Singer, Que dois-je faire ?, Paris, Éd. Grasset, 1997; et du même
philosophe australien, La libération animale, Paris, Éd. Grasset, 1993. À ce propos, voir
<http://icarus.uic.edu/~strianl/ >
[40] Cf. Situations, Paris, Éd. Gallimard, I, 234.
[41] Nous revenons sur ce point capital au chapitre XV, infra, pp. 112-114.
[42] Visites du site aux adresses: <http://www.ippf.org> ou <http: / /
www.ippf.org/newsinfo>
[43] Le procédé que nous décrivons ici, et qui consiste à légiférer en contournant les autorités
nationales est décrit et recommandé, par exemple, dans «Advancing reproductive health
through human rights and laws», article anonyme publié dans Progress in Human
Reproduction Research (Genève), bulletin co-produit par le PNUD, le FNUAP et l'OMS, n° 50,
1999, pp. 1-4. On complétera par un autre article de cette même livraison: «Protecting
reproductive health through national policies and laws», p. 6.
[44] Christine DE VOLLMER a bien mis en lumière les pièges de ces «nouveaux droits» dans
Is «Reinterpretation» Making a Travesty of Human Rights ?, texte pro manuscripto de 8
pages, sans lieu ni date (Washington, 1998).
[45] Cf. la dépêche de l'agence Zénit, datée du 25 mars 2000: Analisis: Soberania national:
conflictos con los tratados de la ONU.
[46] Cf. à ce sujet Gérard-François DUMONT, Le festin de Kronos, Paris, Éd. Fleurus, 1991.
[47] Dans des ouvrages célèbres, René GIRARD a développé la thèse de la «rivalité
mimétique». Voir par exemple La violence et le sacré, Paris, Éd. Grasset, spécialement pp.
201-234; Quand ces choses commenceront..., Paris, Éd. Arléa, 1994, spécialement pp. 27-48;
70-78.
[48] Cf. Mary Ann GLENDON, «Du bon usage...», p. 39.
[49] Voir supra, pp. 23 s.
[50] Le bulletin Progress..., livraison citée ci-dessus à la note 2, p. 31, comporte à la p. 8 un bref
article consacré aux «Reproductive rights of adolescents: the role of social science research».
De son côté, Anna GRAHAM explique les avantages que présentent les différentes méthodes
de contraception pour les adolescents dans «Contraceptive clinics for adolescents», dans
YIPPF Medical Bulletin (Londres), juin 1998, pp. 3 s. La raison profonde pour laquelle il faut
offrir ces services aux adolescents apparaît dès la première phrase de l'article: «Plus d'un
milliard d'habitants ont entre 10 et 19 ans: un cinquième de la population mondiale»; nous
soulignons.
[51] Les lignes de faîte de cette «nouvelle éthique» sont présentées dans le «Rapport de la
Commission mondiale de la culture et du développement». Ce Rapport, présenté en novembre
1995 par M. Javier PEREZ DE CUELLAR, Président de la Commission, est intitulé Notre
diversité créatrice, Paris, Éd. de l'UNESCO, 1995. Voir surtout le chapitre 1, «Vers une éthique
universelle», pp. 35-55. - La part prise par Hans KÜNG à l'élaboration de cette «nouvelle
éthique» ressort de sa communication à la Power of Culture Conference, organisée les 8 et 9
novembre 1996 à Amsterdam par le Development Cooperation Information Department du
Ministère (hollandais) des Affaires étrangères (PO Box 20061, 2500 EB La Haye). La
contribution de H. Küng, suivie de la discussion, est intitulée «A New Global Ethics»; elle
apparaît aux pp. 55-67 du volume Power of Culture. Conference Report, 2e éd., 1998. On
complétera par le Manifeste pour une éthique planétaire. La déclaration du Parlement des
religions du monde, éditée et commentée par Hans KÜNG et Karl-Josef KUSCHEL, et traduit
de l'allemand par Édouard Boné, Paris, Éd. du Cerf, 1995.
[52] Cf. supra, p. 25.
[53] Sur cette Charte, consulter le site <http://www.earthcharter.org>
[54] En dehors de ceux dont il est ici question, divers auteurs développent des propos
alarmistes au sujet de l'environnement, et tirent de leurs prémisses discutables
d'inadmissibles projets de programmes d'action. Voir par exemple Lester R. BROWN (et al.),
The Environmental Trends that are Shaping our Future, publié dans la série Vital Signs, New
York et Londres, Éd. W.W. Norton, 1997.
[55] Sur ce Conseil, visiter <http://www.ecouncil.ac.cr>
[56] Nous touchons ce point dans Le crash démographique, p. 99.
[57] Plus d'informations sur cette Charte, sur le site <http://pagina.de/noticiasdelaonu> Ce
site s'appelle désormais Noticias globales.
[58] Le 5 mars 1998, Maurice Strong a donné une intéressante interview sur la Charte. Voir
<http://www.earthcharter.org/welcome/intro_fr.htm>
[59] Toujours encline au messianisme, la Hollande est depuis longtemps un des principaux
laboratoires des « nouveaux droits de l'homme ». Lorsqu'il s'agit de financer les campagnes en
faveur de ceux-ci, elle fait preuve d'une prodigalité qui n'est guère dans ses habitudes. Le pays
d'adoption de Spinoza s'est déjà acquis une renommée funèbre à cause de ses avortements à la
carte et de la banalisation de l'euthanasie. Le 13 septembre 2000, la Hollande légalisait le «
mariage » des homosexuels et assortissait celui-ci du « droit d'adoption ».
[60] À propos des manipulations dont l'écologie est l'objet, signalons l'ouvrage de Pascal
BERNARDIN, L'Empire écologique ou La subversion de l'écologie par le mondialisme, Drap,
Éd. Notre-Dame des Grâces, 1998.
[61] Le texte complet est disponible en anglais, en espagnol, en portugais et en japonais à
l'adresse électronique mentionnée supra, p. 35, n. 1. Nous avons traduit littéralement à partir
du texte espagnol.
[62] Nous avons étudié «Le Nouvel Âge: son paradigme et ses réseaux», dans L'Évangile face
au désordre mondial, pp. 79-96.
[63] Le principal théoricien du holisme est un Sud-Africain, Yan Christiaan SMUTS (1870-
1950). Celui-ci joua un rôle significatif dans la rédaction de la Charte des Nations Unies. Voir
L'Évangile face au désordre mondial, p. 79, n. 2.
[64] L'influence de Bertrand RUSSEL est très perceptible dans les débats actuels sur
l'évolution et sur les «nouveaux droits» de l'homme. Les thèses familières du turbulent
philosophe anglais sont rassemblées dans un ouvrage caractérisé par un antichristianisme
ringard: Religion and Science, Oxford University Press, 1961. Une édition bilingue, anglais-
espagnol, de ce pamphlet a été publiée à Buenos Aires, Éd. Ledesma SAAL; 1997.
[65] Dans une formulation rafraîchie, on retrouve des thèmes qui ont fleuri au XVIIIe siècle
chez un auteur comme LA METTERIE. On sait que pour ce médecin matérialiste, «le corps
humain n'est qu'une horloge». Voir L'homme machine (1747), Paris, Éd. Mille et une nuits,
2000.
[66] Nous avons déjà touché la question de l'anthropocentrisme: supra, pp. 5 et 27 s.
[67] Sur les thèmes discutés ici, voir Luc FERRY, Le nouvel ordre écologique. L'arbre, l'animal
et l'homme, Paris, Le Livre de Poche, n° 13565, 1998, ainsi que les travaux d'André Comte-
SPONVILLE.
[68] Voir par exemple Michael DENTON, L'Évolution a-t-elle un sens ?, Paris, Éd. Fayard,
1997.
[69] Sur la différence entre ces deux notions, voir supra, l'introduction, pp. 4 s.
[70] Nous retrouverons Kelsen dans la deuxième partie, pp. 81-105.
[71] Pour que le traité relatif à la CPI entre en vigueur, soixante signatures sont nécessaires. La
France a été le douzième pays à le ratifier, le 9 juin 2000.
[72] Voir ci-dessous; sur la Charte de la Terre, Cf. supra, chapitre IV, pp. 35-41.
[73] Lors de discussions qui ont précédé la création de la nouvelle Cour, les féministes
radicales ont été très actives. Elles auraient voulu que toute grossesse survenant dans un
contexte où n'existe pas le «droit à l'avortement» puisse être dénoncée comme grossesse
forcée — enforced pregnancy. Si elles devaient être suivies, les États refusant l'avortement
ainsi que les groupes de personnes s'opposant à l'avortement pourraient être traduites devant
la nouvelle Cour pénale internationale.
[74] Le domaine de la compétence nationale est mentionné dans la Charte des Nations Unies,
art. 2, § 7.
[75] Cette réflexion nous est suggérée par Mary Ann GLENDON, dans «Du bon usage de la
Constitution américaine», brillante interview publiée dans Pierre d'angle (Aix-en-Provence),
3, 1997, pp. 35-46; Cf. spécialement p. 43.
[76] La visite des sites suivants est recommandée:
<http://www.hri.ca / uninfo/hrbodies/defenders.html>
<http://www.unhchr.ch/html/intlinst.htm>
<http://www.lchr.org/lchr/un/ defenders.htm>
[77] Le texte porte la cote A/RES/53/144. Voir les références de ce texte à la note précédente.
[78] Des extraits du Projet de déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme ont été
publiés dans Le Monde du 8 décembre 1998, p. 19; curieusement, l'article 7, particulièrement
important, a été gommé de cette sélection.
[79] Sur cette association, voir « USA : enquête sur la responsabilité des groupes pédophiles »,
dans Correspondance européenne (Rome, Bruxelles, Paris), CE 48, 10 août 2000, p. 6.
[80] Ce projet a notamment été dénoncé avec vigueur à l'occasion de la «Nuit des Césars» par
l'actrice française Brigitte FOSSEY, membre du Conseil économique et social, dans une
interview à la RTBF (Bruxelles) le 1er mars 1998.
[81] Cf. infra, le chapitre IX, pp. 68-75.
[82] Nous avons examiné cette question de la tolérance dans Droits de l'homme et
technocratie, Chambray-lès-Tours, Éd. CLD, 1982, pp. 28-32; voir aussi Démocratie et
libération chrétienne, pp. 70 s.
[83] Voir en particulier pp. 21-26.
[84] Il est recommandé de visiter les sites spécialisés à partir de:
<http://humanist.net/websites>
[85] Voir à ce sujet Le crash démographique, pp. 92-94.
[86] Le document final adopté par l'assemblée plénière de la vingt-troisième session spéciale
de l'Assemblée générale intitulée «Women 2000: Gender Equity, Development and Peace for
the Twenty- first Century», a pour titre Further actions and initiatives to implement the
Beijing Declaration and the Platform for Action; il comporte 44 pages de texte serré. Sur cette
conférence, on visitera les sites suivants (on y trouvera le texte du document final ainsi qu'une
analyse descriptive de celui-ci):
<http://www.un.org/womenwatch/daw/followup/beijing+5.htm>
<http://www.un.org/womenwatch/daw/followup/analysis.html>
<http://www.un.org/womenwatch/daw/followup/finaloutcome.pdf>
On se reportera également aux informations et analyses divulguées par les agences Zenit et
ACI Prensa, avant, pendant et après la Conférence. Mention spéciale doit être faite des
dépêches d'Austin RUSE divulguées par le Catholic Family & Human Rights Institute (C-
Fam), spécialement les 9, 19 et 23 juin. Adresse du site:<www.c-fam.org> Adresse e-mail: <c-
[email protected]>
[87] Cf. la livraison des 11 et 12 juin 2000.
[88] Sur ce lobby et son financement, voir la brochure de Magaly LLAGUNO et James
MILLER, Catolicas pelo Direito de Decidir sem Mascaras, Brasilia, Éd. Human Life
International, 2000.
Adresse: <www.providafamilia.org>; pour les versions anglaise et espagnole: <www.hli.org>
et <www.vidalhumana .org>
[89] Nous reviendrons plus loin sur le cas de la Pologne. Voir pp. 73 s.; 94.
[90] La littérature sur ce thème est légion. Voir, par exemple, A focus on Population and
Human Rights, livret publié par l'UNFPA (FNUAP), New York, 1998. Plus de détails à ce sujet
dans Le Crash démographique, passim.
[91] Nous disposons d'un remarquable recueil consacré à l'action du Saint-Siège à l'ONU. Ce
recueil a été préparé par Carl J. MARUCCI et a pour titre Serving the Human Family. The
Holy See at the Major United Nations Conferences, Préfaces du Cardinal Angelo SODANO,
secrétaire d'État, de Son Excellence Mgr Jean-Louis TAURAN, secrétaire pour les Relations
avec les États, et de Son Excellence Mgr Renato MARTINO, nonce apostolique et observateur
permanent du Saint-Siège aux Nations Unies, New York. L'ouvrage est publié à New York par
The Path to Peace Foundation, 1997. Pour une étude d'ensemble, on peut se reporter à
l'ouvrage de Jean-Yves ROUXEL, Le Saint-Siège sur la scène internationale, Paris, Éd.
L'Harmattan, 1998. Il s'agit d'une étude très fouillée, à la fois historique et juridique, de
l'action du Saint-Siège.
[92] Voir infra, pp. 71 s.
[93] Quelques suggestions à ce sujet dans Le crash démographique, spécialement le chapitre
«Le lobby du pauvre» (pp. 151-162) et le chapitre «Un plan d'action pour la vie» (pp. 163-179).
[94] Cf. à ce sujet Austin RUSE, dépêche du 10 juin 2000, à l'adresse citée ci-dessus, p. 51, n. 2.
[95] Cf. à ce sujet Le crash démographique, pp. 107-109.
[96] Sur le cas de l'Union européenne, voir le chapitre IX, infra, pp. 68-75, et en particulier, pp.
72-73.
[97] Sur le Millenium, consulter: <http://www.un.org.french/millenaire/sg/report/key.htm>
<http://www.un.org.french/millenaire/sg/report/full.htm>
<http://www.ipsdailyjournal.org>
<http://www.nscentre.org/tvmonthly>
[98] Cf. à ce sujet Noticias globales, n° 58, du 11 septembre 2000.
[99] Ce texte se trouve dans le document SG/SM/7411 du24 mai 2000; Cf. les deux premières
adresses ci- dessus, p. 57, note 1.

[100] Visitez le site <http://www.unglobalcompact/org/>


[101] Cf. l'« Informe especial » publié par Zenit dans la Semana internacional du 5 août 2000.
[102] Sur ce « sommet spécial », voir, sur internet, le bulletin Noticas globales, n° 56, du 9
septembre 2000; Cf. aussi l'« Informe special » publié dans la Semana internacional de
l'agence Zenit, 5 août 2000.
[103] Ce thème est notamment développé par Hans KÜNG et par le Parlement des religions du
monde. Voir la référence p. 34, n. 2.
[104] Sur la question de la tolérance, voir supra, pp. 47-49.
[105] Les magazines Time et Newsweek, portant la date du 2 octobre 2000, mais en vente dès
le 25 septembre, ne soufflent mot de cette Assemblée. Fantomatique?
[106] Voir ci-dessus, pp. 62 s.
[107] Voir le communiqué de l'agence Zenit du 10 septembre 2000, ainsi que l'interview du
Cardinal Sodano, ibid., 11 septembre 2000.
[108] Cf. Noticias globales, n° 56 du 5 septembre 2000.
[109] Nous avons analysé cette théorie dans Destin du Brésil, spécialement pp.47-65.
[110] Nous expliquons cette notion pp. 17, 29 et 92 s.
[111] Nous examinons ce rôle des USA dans La dérive totalitaire du libéralisme, Paris, Éd.
Mame, 1995, pp. 59-89; voir aussi L'Évangile face au désordre mondial, Paris, Éd. Fayard,
1997, pp. 30 s. et passim.
[112] Gérard-François DUMONT et ses collaborateurs ont cerné les caractéristiques des
nations européennes en mettant fortement en lumière les traits communs. La question
cruciale y est posée: l'Europe est-elle impuissante à faire respecter les droits de l'homme sur
son propre continent ? Cf. Les racines de l'Identité européenne, Paris, Éd. Economica, 1999.
Cet ouvrage est préfacé par José Maria Gil-Robles, alors Président du Parlement Européen.
[113] À ce propos, on se reportera à l'analyse particulièrement pénétrante de Roland
HUREAUX, dans Les hauteurs béantes de l'Europe. La dérive idéologique de la construction
européenne, Paris, Éd. François-Xavier de Guibert, 1999. R. Hureaux y met en lumière la
tendance centralisatrice et anti-nationale du projet européen qui, pour atteindre ses objectifs,
tend à imposer une «Pensée Unique». C'est vers des conclusions convergentes que nous
conduit Jean FOYER, dans France, qu'ont-ils fait de ta liberté ?, mêmes références que
l'ouvrage précédent. J. Foyer y analyse l'aliénation de la souveraineté et fustige le centralisme
de la «paperasserie bruxelloise». Faisant appel à la technicité juridique, Georges BERTHU et
Dominique SOUCHET nous amènent aux mêmes constatations dans leur ouvrage sur Le
Traité d'Amsterdam contre la démocratie. Texte intégral comparé et commenté, Paris, Éd.
François- Xavier de Guibert, 1998. — Le comportement de l'Union Européenne dans les
grandes assemblées internationales récentes illustre et confirme — hélas — la pertinence de
l'analyse de ces auteurs.
[114] Voir à ce sujet Jean-François REVEL, La grande parade. Essai sur la survie de l'utopie
socialiste, Paris, Éd. Plon, 2000.
[115] Cf. Mary Ann GLENDON, «Du bon usage...», cité ci-dessus, p. 33, n. 3.
[116] Max WEBER a introduit une distinction célèbre entre l’éthique de la conviction — celle
des prophètes et des saints qui veulent faire le bien et éviter le mal, et l’éthique de la
responsabilité — celle de l'homme politique qui ne s'embarrasse pas de considérations
relatives au bien ou au mal. Au nom de l'éthique de la responsabilité, l'homme politique doit
conquérir le pouvoir, l'exercer et s'y maintenir, en recourant, s'il le faut, à la «violence
légitime». Sur ce point, Weber est aussi cynique que Machiavel. Voir Le Savant et le Politique,
Paris, Le monde en 10/18, 1959, pp. 172-175. Nous analysons cette distinction dans L'Évangile
face au désordre mondial, Paris, Éd. Fayard, 1997, pp. 76 s. On comparera avec MACHIAVEL,
par exemple: Le Prince, 18; Discours sur la première décade de Tite-Live, 1, 7, 10, 25, 34; 3, 41
s.; etc.
[117] Le considérant B bis (nouveau) à l'Amendement 1 du Projet de Rapport de Lowe
Dybkjær, référence 287.005/1-13 montre bien la tendance de la Commission des droits de la
femme du Parlement européen à ramper devant les ukases de l'ONU. L'amendement proposé
est rédigé comme suit: «... considérant que les États membres de la Commission sont toujours
tenus d'appliquer de manière appropriée la plate-forme d'action de Pékin et devront instaurer
de nouvelles politiques, dans le cadre de leurs compétences afin de se conformer à la
déclaration de la Conférence des Nations Unies "Pékin+5" de juin dernier». Les normes des
droits étatiques devront donc chercher leur validité dans les normes du droit supraétatique.
Pourquoi, dans ce cas ne pas faire l'économie des parlements, y compris du Parlement
européen ?
[118] Voir l'adresse du site mentionné ci-dessus, p. 49, n. 2.
[119] Voir à ce sujet supra, p. 53.
[120] Déjà en 1999, célébrant ICPD+5, c'est-à-dire le cinquième anniversaire de la Conférence
du Caire sur la Population et le Développement (1994), l'Union européenne avait surpris par
la complaisance avec laquelle elle s'était alignée sur les positions de l'ONU. Voir à ce sujet The
European Community's response to the challenges of the international Conference on
Population and Development. ICPD+5: a five year review 1994-1998, Luxembourg, Office for
Official Publications of the European Communities, 1999. Cf. aussi ci-dessus, le chapitre VII,
pp. 51 s.
[121] Voir supra, le chapitre VII, pp. 54 s.
[122] La Conférence de Pékin+5, «Women 2000», a fait l'objet de commentaires divers, où
s'exprimait souvent le mécontentement. La Pologne, en particulier, a été épinglée à diverses
reprises. Voir par exemple le dossier préparé par la Commission des Droits de la Femme et de
l'Égalité des Chances du Parlement européen, en vue des réunions publiques des 10 et 11
juillet 2000. Ce dossier comporte divers documents, dont les procès-verbaux des réunions des
23 et 24 mai 2000. À l'intention de ceux que ne rebutent pas des dossiers à la structure
confuse, nous donnons ici les références allégées: Procès-verbal des réunions des 23 et 24 mai
2000, PE/XVI/PV/00-07; Projet de Rapport sur les aspects du processus d'élargissement liés
au genre, présenté par Lowe Dybkjær, daté du 6 juin 2000, référence provisoire 2000/***
(INI); Amendements 1-27 au Projet de Rapport de Lowe Dybkjær, daté du 26 juin 2000,
référence PE 287.004/1-27; Projet de rapports sur les rapports annuels de la Commission sur
«L'égalité des chances pour les femmes et les hommes dans l'Union européenne — 1997, 1998,
1999», présenté par Lowe Dybkjær, référence provisoire 1999/2109 (COS); Amendements 1-
13 au Projet de Rapport de Lowe Dybkjær, daté du 27 juin 2000, référence PE 287.005/1-13;
Amendements 14-17 au Projet de Rapport de Lowe Dybkjær, daté du 3 juillet 2000, référence
PE 287.005/14-17; Projet d'avis (sur les mêmes questions) du rapporteur pour avis Maria
Martens, 30 juin 2000, référence provisoire 1999/0225 (CNS).
[123] Pour la Charte des Droits fondamentaux de l'Union européenne, il est recommandé de
visiter les adresses suivantes:
<[email protected]>
<http://www.europarl.eu.int.charter/fr/default.htm>
Nous avons utilisé l'original français daté du 28 septembre 2000, coté Charte 4487/00;
Convent 50. Ce texte devrait être examiné au Sommet des Quinze, à Biarritz, les 13 et 14
octobre 2000. Le texte du projet se trouve en Annexe IV.
[124] Cf. à ce sujet l'ouvrage de Georges BERTHU sur Le Traité d'Amsterdam, cité ci-dessus p.
69, n. 1.
[125] Cf. ci-dessus, p. 33.
[126] Ce texte apparaît p. 11/14 du document PE 287.004, cité ci-dessus, p. 70, n. 1. On pourra
le rapprocher des propos tenus par M. Lionel Jospin lors de son discours du 15 juin 2000. Voir
pp. 122 s.
[127] Voir <http://www.thelancet.com/newlancet/current>, qui renvoie à l'article «End of
Life Decisions in Neonatal Intensive Care: Physicians' Self-reported Practices in Seven
European Countries», dans The Lancet, 17 juin 2000, pp. 2112-2118.
[128] Cf. Le crash démographique, pp. 25-29, 60, et passim.
[129] Dans les pays présentant les meilleures conditions de vie, chaque femme en âge de
fécondité devrait avoir 2,1 enfants pour que la population se renouvelle. Tous les pays
d'Europe sont en dessous de ce niveau.
[130] Cf. Correspondance européenne, n° 45/06 du 10 juin 2000, pp. 4 s.
[131] Voir l'exposé de cette dialectique donné par Franz GREGOIRE, dans ses Études
hégéliennes. Les points capitaux du système, Paris, Éd. Béatrice Nauwelaerts, 1958, pp. 57-61;
on trouvera là les références à Hegel. La version la plus étendue de la dialectique figure dans la
Phénoménologie de l'Esprit, traduite par Jean Hyppolite, Paris, Éd. Aubier/Montaigne, 1939,
pp. 161-166. Sur la guerre, voir entre autres dans l'œuvre de HEGEL, les Principes de la
philosophie du droit, Paris, Éd. Idées/Gallimard, 1940, III, 3, B, § 330-347, pp. 358-362. Sur
Hegel, philosophe de la mort, voir Alexandre KOJEVE, Introduction à la lecture de Hegel,
Paris, Éd. Gallimard, 1947, pp. 529-575.
[132] Tel est un des thèmes centraux développés par Alexandre SOLJENITSYNE dans son
célèbre Discours de Harvard dont le texte a notamment été publié dans L'Express du 19 au 25
juin 1978, pp. 69-76.
[133] Telle est la thèse exposée par Karl BINDING et Alfred HOCHE, dans Die Freigabe der
Vernichtung lebensunwerten Lebens, Leipzig, Verlag von Felix Meinert, 1922. En
collaboration avec Klaudia Schank, nous publierons prochainement la traduction française de
cet ouvrage.
[134] Sur la question de l'euthanasie, voir les pages substantielles que lui consacre Xavier
DIJON, dans La réconciliation corporelle. Une éthique du droit médical, Bruxelles, Éd.
Lessius, 1998, pp. 129-180. Voir aussi le chapitre que nous consacrons à l'euthanasie dans
L'Évangile face au désordre mondial, pp. 177-193.
[135] Pour plus de détails, voir l'ouvrage fondamental de Jean-Pierre COT et Alain PELLET
(éd.), La Charte des Nations Unies. Commentaire article par article, Paris; Éd. Economica,
1985. Les positions de Kelsen sont invoquées à des dizaines de reprises dans cet important
volume. L'absence d'index des noms propres rend fastidieuse la consultation de ce
remarquable instrument de travail. Voir aussi Philippe DE LA CHAPELLE, La Déclaration
universelle des Droits de l'Homme..., cité ci-dessus, p. 12, n. 5.
[136] Voir par exemple l'art. 12, 1: «Tant que le Conseil de Sécurité remplit, à l'égard d'un
différend ou d'une situation quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la présente
Charte, l'Assemblée générale ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette
situation, à moins que le Conseil de Sécurité ne le lui demande».
[137] L'ouvrage le plus célèbre de Kelsen est sa Théorie pure du droit, traduit en français par
Charles Eisenmann, Paris, Éd. LGDJ, et Bruxelles, Éd. Bruylant, 1999. Nous citerons en
abrégé KELSEN, Théorie pure..., et, dans notre texte, nous renverrons directement aux pages
de ce livre. Une autre traduction française, basée sur une édition antérieure de l'original, a été
procurée par Henri Thevenaz, Neuchâtel, Éd. La Baconnière, 1988. Kelsen a consacré une
étude importante aux documents fondateurs de l'ONU. Voir The Law of the United Nations. A
Critical Analysis of its Fundamental Problems, Londres, Stevens and Sons, 1951, XVIII-994
pp. Il est revenu à plusieurs reprises sur ce dossier.
[138] Tous ces préalables sont expliqués dès les deux Préfaces ainsi qu'au cours du Titre
premier.
[139] Voir à ce sujet l'ouvrage de BINDING-HOCHE cité p. 79, n. 1.
[140] Cf. p. 48.
[141] Cf. à ce sujet pp. 107 s.
[142] Voir plus loin, pp. 102 s.
[143] Pour plus de détails, voir P. FOULQUIE, au mot système.
[144] Pour ces raisons, en France, la «théorie pure de Kelsen» est souvent appelée
«normativisme».
[145] Voir le Dictionnaire grec-français de M.A. BAILLY, Paris, Éd. Hachette, nombreuses
éditions, au mot tetraktys.
[146] Cf. Gianni Maria POZZO, article «Pitagora e Pitagorismo», dans l’Enciclopedia filosofica,
citée p. 22, n. 2, t. III, col. 1397-1403.
[147] Il est bien connu que le Mexique est un pays où la maçonnerie est très influente. C'est ce
qui explique qu'on y publie pas mal d'études dont l'intérêt déborde les limites de cette nation.
Voir, par exemple Manuel Antonio DÏAZ CID, Génesis y Doctrina de la Franmasoneria,
Puebla, Éd. Universidad Popular Autonoma, 1990.
[148] Voir ce qu'écrit Pierre Mariel, dans Les Francs-Maçons en France, Paris, Éd. Marabout,
1969: «La Société des Nations fut, essentiellement, une création maçonnique, et son premier
président fut un maçon français, Léon Bourgeois. De nos jours, d'ailleurs, l'ONU (comme
l'UNESCO) est presque entièrement composée de maçons de tous pays (ce que savait
pertinemment le Pape Paul VI quand il vint y prendre la parole lors d'une mémorable
séance)» (p. 204)
[149] Rendant compte de la traduction française par H. Thévenaz, de l'ouvrage le plus célèbre
de Kelsen (Cf. supra, p. 82, n. 2), Jean-François Perrin écrit, en langage à peine codé, que rien
ne manquait au succès de cette pensée «pas même son symbole de grandeur, soit la fameuse
"pyramide". Cette figure restera longtemps encore debout, soit sur sa base, soit sur sa pointe».
[150] Voir l'article 5 du Traité d'Amsterdam et le Protocole n° 7 sur l'application des principes
de subsidiarité et de proportionnalité. Cf. à ce sujet l'ouvrage de G. BERTHU, Le Traité
d'Amsterdam, cité supra, p. 69, n. 1. Voir en particulier les pp. 58-66.
[151] Cf. supra, pp. 53; 73 s.
[152] Cf. supra, pp. 43.
[153] Cf. supra, pp. 44-45.
[154] Cf. supra, pp. 83.
[155] Cf. supra, pp. 23 s.
[156] Une étude récente suggère un parallélisme, pas vraiment surprenant, entre le super-État
de Kelsen et le Léviathan de Hobbes. Rendant compte d'un ouvrage de Horst Bredekamp dans
Le Monde du 8 septembre 2000, Olivier CHRISTIN écrit notamment, à propos du frontispice
de la première édition du Léviathan (1651): «Le corps du géant est composé d'une multitude
de corps tournés vers son visage [celui du Léviathan]. » Il ajoute: «Ces images participaient
évidemment à l'exaltation du souverain rassembleur, unificateur, ordonnateur, garant de
l'équilibre du monde. [...] Anamorphoses, longues-vues et kaléidoscopes permettent en effet
[...] de penser à nouveaux frais le portrait du roi et sa dissimulation parfois rendue nécessaire
par les circonstances. » Cette multitude de corps étagés est à rapprocher du système
pyramidal de Kelsen. L'ouvrage analysé, que nous connaissons grâce à O. Christin, a pour
auteur Horst BREDEKAMP et a pour titre Thomas Hobbes visuelle Strategien. Der Leviathan:
Das Urbild des modernen Staates, Berlin, Akademie Verlag, date non mentionnée (2000 ?). Le
frontispice en question est reproduit dans la traduction française du Léviathan, procurée par
François Tricaud, Paris, Éd. Sirey, 1971.
[157] Cf. Mc 5, 9. Voir aussi notre ouvrage L'enjeu politique de l'avortement, pp. 206-208.
[158] Cf. pp. 43-46.
[159] Cf. supra, pp. 46 s.
[160] Cf. le texte cité infra, p. 103.
[161] Cf. notre ouvrage Maîtrise de la vie, domination des hommes, Paris, Éd. Lethielleux,
1986; voir aussi L'enjeu politique de l'avortement, Paris, Éd. de l'OEIL, 1991, spécialement pp.
189-213. — Lors du procès des médecins de Nuremberg (25 octobre 1946 - 19 juillet 1947), les
problèmes de fond que nous examinons ici affleuraient déjà. Voir à ce sujet Gérard
MEMETEAU, «Nuremberg: mythe ou réalité», dans la Revue de la Recherche juridique. Droit
prospectif, Presses universitaires d'Aix-Marseille, 3, 1999, pp. 605-629.
[162] Giorgio AGAMBEN, Homo sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue, Paris, Éd. du Seuil,
1997, Cf. p. 161. Voir aussi supra, p. 79, n. 1, à propos de K. Binding.
[163] Cf. supra, p. 87.
[164] H. KELSEN, Das Naturrecht in der politischen Theorie, Vienne, 1963, p. 148; il s'agit
d'un exposé au Congrès du Centre international des recherches concernant les problèmes
fondamentaux de la science. Nous reprenons ce texte tel qu'il est cité par Julien FREUND,
L'essence du politique, Paris, Éd. Sirey, 1965, pp. 723 s. Certains passages de la Théorie pure
préparent, pour ainsi dire, cette affirmation. Voir par exemple le texte des pp. 197 s. de la
Théorie, cité supra, p. 89.
[165] En réalité, ce projet remonte à la présidence de Woodrow Wilson (1856-1924; président
des USA de 1913 à 1921) et au Council for Foreign Relations. Voir La dérive totalitaire du
totalitarisme, pp. 131 s.
[166] Cette conférence célébrait le cinquième anniversaire de celle de 1992; Cf. supra, p. 35 s.
[167] Le texte du discours de James Gustave Speth compte onze pages dactylographiées.
[168] Oxford University Press, 1995.
[169] Ce texte figure dans le Human Development Report 1994, publié par le PNUD, New York
et Oxford, 1994; la citation se trouve p. 88.
[170] À propos de ces réunions, on consultera le site: <http:// www.un.org/french/millenaire /
>
[171] Toute l'œuvre de René GIRARD apporte un éclairage saisissant à la question de la
violence et du respect de la vie. Dans ses derniers ouvrages, cette œuvre débouche de façon
grandiose sur le mystère de la Croix. Voir spécialement Je vois Satan tomber comme l'éclair,
Paris, Éd. Grasset, 1999; Quand ces choses commenceront... Entretiens avec Michel Treguer,
Paris, Éd. Arléa, 1994. Rappelons aussi, dans un registre différent, Giorgio AGAMBEN, Homo
sacer, cité p. 101, n. 2.
[172] Cette idée est brillamment développée par Giorgio AGAMBEN, dans Homo sacer, cité ci-
dessus, p. 101, n. 2. Elle est également exposée par Eva CANTARELLA, Les peines de mort en
Grèce et à Rome, Paris, Éd. Albin Michel, 2000; voir surtout les pp. 274-277.
[173] Cf. supra, pp. 47-50; 52.
[174] Voir pp. 54-55. La position du Saint-Siège a été réaffirmée par S. Exc. Mgr Renato
Martino le 8 avril 2000, à Grenade, au Congrès des Mouvements pour la vie. Le texte de cette
intervention est disponible sur le site Vinculum, livraison n° 7 du 26 juillet 2000. Adresse:
<vinculum@vinculum- news.com>
[175] Voir <http://pagina.de/noticiasdelaonu>, 13 août 2000.
[176] Sur le rôle des ONG, voir l'article 71 de la Charte des Nations Unies.
[177] Visitez le site <http: / / www.fao.org> et la dépêche de l'agence Zenit du 5 juillet 2000.
[178] Publié par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), le Rapport
mondial sur le développement humain 2000 a été édité à Paris et Bruxelles par De Boeck
Université, 2000. Visitez le site:
<http://www.undp.org/dpa/statements/administ.2000/june/29june00.html>
[179] Sur cette session qu'on appelle «Genève 2000» et sur le rapport du PNUD, voir l'article
de Lucas DELATTRE, «La pauvreté dans le monde ou les leçons d'un échec», dans Le Monde
du 21 juin 2000. Voir aussi les bulletins de l'agence Zenit, ZS000625 du 25 juin 2000, et
ZS000629 du 29 juin 2000.
[180] Voir à ce sujet le brillant éditorial d'André GLUCKSMANN, «Impardonnable ONU»,
dans L'Express, n° 2516 du 23 septembre 1999, p. 70.
[181] La littérature sur la question est abondante. Citons simplement Emmanuel TODD, La
diversité du monde. Famille et modernité, Paris, Éd. du Seuil, 1999; Louis ROUSSEL, La
famille incertaine, Paris, Éd. Odile Jacob, 1989. Rappelons aussi l'enquête de Henri TINCQ,
«Portraits de famille», dans Le Monde des 20-24 septembre 1994. Dans ce contexte, on a
parlé de coparents, de quasi-sœur, d'infamille, d'éconduite, de démariage, etc. Ce dernier
néologisme est le titre d'un ouvrage d'Irène THERY, paru à Paris, aux Éd. Odile Jacob, en
1993. Préparé par le rapport Dekeuwer-Defossez, un projet de loi sur le droit de la famille est
actuellement discuté en France. Voir Le Monde du 16 septembre 1999.
[182] Voir l'étude de Lise Vincent DOUCET-BON, Le mariage dans les civilisations anciennes,
Paris, Éd. Albin Michel, 1975.
[183] Cf. Éthique à Nicomaque, VIII, 14.
[184] Nous suivons ici l'étude fouillée de Pierangelo CATALANO, «La familia "fuente de la
historia" segun el pensamiento de Giorgio La Pira», version espagnole, manuscrite et très
documentée, d'un article publié d'abord en italien et sans notes dans l'Osservatore romano du
9 janvier 1994.
[185] Les limites de l'éducation donnée en marge de la famille ressortent de l'expérience des
kibboutzim, que Bruno BETTELHEIM a analysée dans Les enfants du rêve, Paris, Éd. Laffont,
1969.
[186] Cf. P. CATALANO, o.c., supra, p. 116, n. 3.
[187] Cf. Claude LEVI-STRAUSS, Les structures élémentaires de la parenté, La Haye, Éd.
Mouton, 1967.
[188] Le Pape JEAN-PAUL II a consacré à la famille un très grand nombre de documents.
Parmi ceux-ci figure la célèbre Lettre aux familles dont on trouve le texte dans la
Documentation catholique, n° 2090, 20 mars 1994, pp. 251-277. Le Conseil Pontifical pour la
Famille a publié un très précieux recueil intitulé Enchiridion della Famiglia. Documenti
magisteriali e pastorali su Famiglia e Vita. 1965-1969, Bologne, Éd. Dehoniane, 2000. Il serait
utile de publier cet instrument de travail dans d'autres langues.
[189] Voir Joseph M. BOCHENSKI (éd.), Handbuch des Weltkommunismus, Fribourg (S.), Éd.
Karl Alber, 1958, spécialement pp. 194 s. et 316-318. On se reportera également à Igor
CHAFAREVITCH, Le phénomène socialiste, Paris, Éd. du Seuil, 1977, spécialement pp. 224 s.
et 278-283.
[190] Cf. Gérard-François DUMONT, «Les aspects socio-démographiques de la famille dans le
monde», dans Anthropotes (Rome), 12, juin 1996, pp. 121-132.
[191] Cf. à ce sujet Alfred SAUVY, Gérard-François DUMONT et alii, Démographie politique,
Paris, Éd. Economica, 1982.
[192] Jean-Didier LECAILLON, «L'importance sociale et économique de la famille», dans
Familia et Vita (Rome), I, 2, 1996, pp. 26-34; Cf. p. 29. Le terme de ménage peut
éventuellement s'appliquer à une seule personne ou à une communauté. Cf. Gérard-François
DUMONT, Démographie, Paris, Éd. Dunod, 1992.
[193] En France, l'âge moyen des femmes au premier mariage avoisine désormais 28 ans.
[194] Cf. J.-D. LECAILLON, cité ci-dessus à la note 2.
[195] C'est ce qu'a montré Gérard-François DUMONT dans La France ridée, Paris, Éd.
Hachette- Pluriel, 1986, et dans Pour la liberté familiale, Paris, PUF, 1986.
[196] Ce que nous résumons ici ne rend que partiellement compte de la pénétration des
analyses de Claude MARTIN dans L'après-divorce. Lien familial et vulnérabilité, Presses
universitaires de Rennes, 1997. Voir en particulier pp. 287 s.; pp. 21, 286-288, 296 s., et
passim. — Relevons une convergence certaine entre l'ouvrage de Claude MARTIN et celui de
Jacques COMMAILLE, Misères de la famille. Question d'État, Paris, Presses de la Fondation
des Sciences Politiques, 1996. La famille y est étudiée sous l'aspect d'une «nouvelle question
sociale».
[197] À ce propos, Claude Martin fait judicieusement remarquer que ces variations au niveau
de la protection sociale peuvent renforcer les inégalités (Cf. op. cit., pp. 290-292). D'où la
nécessité de mesures correctrices, difficiles à définir, il est vrai.
[198] Voir à ce sujet l'article d'Isabelle MANDRAUD, dans Le Monde du 16 juin 2000.
[199] Cf. à ce sujet notre ouvrage Le crash démographique, spécialement pp. 26 s. et passim.
Selon l'INED, l'indice de fécondité (Cf. p. 74, n. 4) se situait, en 1999, à hauteur de 1,77 enfants
par femme en âge de fécondité. Ce chiffre est certes révélateur d'une très légère tendance au
redressement démographique, mais il ne justifie pas le cocorico du Monde daté des 10-11
septembre 2000: «La France est championne d'Europe de la natalité, derrière l'Irlande» (p.
10).
[200] L'ouvrage de référence à ce sujet est dû à Albert VERDOODT, Naissance et signification
de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, Louvain, Éd. Nauwelaerts, 1963, pp. 161-
170. On se reportera également à Philippe DE LA CHAPELLE, La Déclaration universelle des
Droits de l'Homme et le Catholicisme, Paris, LGDJ, 1967, pp. 136-142.
[201] Voir les articles 12, 23, 25, 26.
[202] L'OMS, par exemple, donne sa caution aux «nouveaux droits» en publiant des ouvrages
comme celui de Rebecca J. COOK, La santé des femmes et les droits de l'individu, Genève,
OMS, 1995. Mrs COOK a également édité un volume collectif, Derechos humanos de la mujer.
Perspectivas nacionales e internationales, Bogota, Éd. Profamilia, 1997. Les thèses féministes
radicales de Mrs Cook sont également accueillies dans d'autres agences. Voir par exemple
l'État de la Population mondiale, 1997, publié à New York par le FNUAP.
[203] Cf. en particulier p. 84.
[204] Voir ci-dessus, pp. 121-122.
[205] Nous conservons le mot anglais «gender», dont la traduction française serait «genre». Le
sens donné à ce mot anglais apparaît dans l'explication donnée ici. Nous avons examiné cette
idéologie en détail dans L'Évangile face au désordre mondial, Paris, Éd. Fayard, 1997, pp. 35-
49.
[206] Voir pp. 52 s.
[207] En anglais, on distingue release (dispense, permis) et right droit).
[208] En anglais, on distingue release (dispense, permis) et right droit).
[209] Voir par exemple Jean-Jacques WALTER, Les machines totalitaires, Paris, Éd. Denoël,
1982; Claude POLIN, Le totalitarisme, Paris, PUF, 1982; Igor CHAFAREVITCH, Le
phénomène socialiste, cité ci- dessus.
[210] C'est ce qu'analyse François DE SINGLY dans Le soi, le couple et la famille, Paris, Éd.
Nathan, 1996.
[211] Jean-Loup DHERSE et Hugues MINGUET réservent quelques pages substantielles à la
famille dans l'ouvrage consacré aux relations entre le bien commun et la personne dans le
cadre du désordre mondial actuel. Voir L'Éthique ou le Chaos ?, Paris, Éd. Presses de la
Renaissance, 1998. Sur la famille, voir surtout les pp. 318-327.
[212] Cf. Gérard-François DUMONT, «La sociologie de la famille dans l'Union européenne»,
dans Éthique (Paris), 21, 1996, pp. 59-75.
[213] Dans une étude menée pour l'INSEE et publiée en 1998, Lucile OLIER montre «les
avantages matériels de la vie à deux». Voir Le Monde du 27 janvier 1998
[214] Cf. supra, pp. 120-122.
[215] Cf. à ce sujet le Baromètre santé-jeunes. 1997-1998, Vanves, CFES, 1998; voir Le Monde
du 25 novembre 1998, p. 12. Le même quotidien, daté du 30 novembre 1998, présentait «Une
vaste action de "reparentalisation" entreprise à Dieppe».
[216] David BENCHETRIT, interview dans Le Monde du 21 juin 2000.
[217] Voir l'ouvrage fondamental de Gary S. BECKER, A Treatise on the Family, Cambridge,
Massachusetts, Harvard University Press, enlarged edition, 1994; voir aussi, du même auteur,
«Human Capital and Poverty», dans Familia et Vita (Rome), I, 2, 1996, pp. 19-25. Les
conclusions de G. Becker sont confortées par celle de Julian L. SIMON, «nobélisable» décédé
prématurément. Disponible en français est son ouvrage L'homme, notre dernière chance,
Paris, PUF, 1985. Par des méthodes différentes, c'est à des conclusions analogues qu'arrivent,
en France, des chercheurs comme Gérard- François DUMONT, notamment dans Le monde et
les hommes, Paris, Éd. Litec, 1995; voir aussi, du même spécialiste, «L'economia, il bene
commune e la famiglia», dans La Società (Vérone), 7, 1, 1997, pp. 221¬239. Cf. aussi Jean-
Didier LECAILLON, dans La Famille, source de prospérité, Paris, Éd. Régnier, 1995.
[218] Le rôle de la «famille éducatrice» a été étudié précédemment par des auteurs comme Y.
Stoetzel et A. Girard. Ce rôle éducatif de la famille était déjà souligné dans la Rome antique.
[219] Voir Le Monde des 1er et 2 août 1999, et l'interview de Michel DUYME par Jean-Yves
NAU, ibid.
[220] Il serait utile — et équitable! — de compléter ce type d'enquête par une étude consacrée à
l'apport du père dans la formation de ses enfants et donc du capital humain. On trouvera des
suggestions à ce sujet dans l'ouvrage de Philippe JULIEN, Le Manteau de Noé. Essai sur la
paternité, Paris, Éd. Desclée de Brouwer, 1991.
[221] Cf. J.D. LECAILLON, «Le rôle économique de la famille», p. 30.
[222] J.D. LECAILLON, op. cit., p. 31.
[223] Cf. «Human Capital and Poverty», p. 23.
[224] Le célèbre démographe Gérard-François DUMONT développe un programme de
politique familiale adapté à la société d'aujourd'hui dans Pour la liberté familiale, Paris, PUF,
1986.
[225] Cf. He 13, 14; saint AUGUSTIN, Confessions, 1, 1.
[226] Cf. Lc 2, 33 s.; 21, 12-19; 12, 51-53; Mt 10, 34-36; 23, 31 s.; voir surtout Jn 1; 6 et 9; 1 Jn 3,
22-4, 6.
[227] Ac 4, 20.
[228] Cf. 1 P 3, 15.

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