Raccès: Aux Traitements Du VI H/sida en Côte D'ivoire
Raccès: Aux Traitements Du VI H/sida en Côte D'ivoire
Raccès: Aux Traitements Du VI H/sida en Côte D'ivoire
raccès
aux traitements
du VI H/sida en
Côte d'Ivoire
Évaluation de l'Initiative Onusidal
ministère de la Santé publique
Aspects économiques,
sociaux et comportementaux
Éditions ANRS, Collection sciences sociales et sida, Paris, 2001
ISBN: 2-910143-17-1
ISSN : 1262-4837
Sous la direction de
Philippe Msellati
Laurent Vidal
Jean-Paul Moatti
Conception: Éditions EDK
10, Villa d'Orléans
75014 Paris
Tél. : 01 40 64 27 49
ISBN: 2-84254-061-1
Sommaire
Avant-propos
Michel Kazatchkine VII
Introduction: Raisons et enjeux de l'évaluation
Jean-Paul Moatti, Philippe Msel1ati, Laurent Vidal,
Yves Souteyrand :.......................................................... 1
Chapitre 1 : Prémices et déroulement de l'Initiative (I996-2000) :
une première analyse
Karine Delaunay, Jean-Pierre Dozon, Gabin Kponhassia,
Philippe Msel1ati :...................................................................... 13
Annexe chapitre 1 : Chronologie de l'Initiative Onusida/
ministère de la Santé publique d'accès aux traitements
pour les personnes vivant avec le VIH/sida en Côte d'Ivoire.......... 63
Chapitre 2 : La mise sous traitement antirétroviral dans
l'Initiative: l'explicite et l'implicite d'un processus de sélection
Karine Delaunay, Laurent Vidal, Philippe Msel1ati,
Jean-Paul Moatti.......................................................................................................... 87
Chapitre 3.1 : L'impact de l'Initiative sur la disponibilité
et l'accessibilité des médicaments
Anne Juillet, Claude Malaval, Jean-Paul Moatti 115
Chapitre 3.2 : L'échec de Medical Access
Karine Delaunay, Philippe Msel1ati, Claude MalavaL........................... 133
Chapitre 4.1 : L'accès aux traitements des patients vivant
avec le VIH/sida en Côte d'Ivoire: une enquête quantitative
Anne Juillet, Philippe Msellati, Marc Souville, Joanne Prudhomme,
Hortense Aka-Dago Akribi, Jean-Paul Moatti............................................ 141
Chapitre 4.2 : L'accès aux traitements des patients vivant
avec le VIH/sida en Côte d'Ivoire: une enquête qualitative
Djénéba Coulibaly-Traoré, Laurent VidaL................................................... 159
Chapitre 5.1 : Introduction aux enquêtes auprès des soignants
de Côte d'Ivoire
Marc Souville, Annabel Desgrées du Loû, Philippe Msellati,
Laurent Vidal, Jean-Paul Moatti......................................................................... 179
Chapitre 5.2 : Les attitudes des médecins de Côte d'Ivoire
face aux traitements du VIH/sida dans le contexte de l'Initiative
Marc Souville, Philippe Msellati, Claude Malaval, Goze Tape,
Jean-Paul Moatti.......................................................................................................... 183
~ VI L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Avant-propos
d'Ivoire. C'est dans ce contexte que la Côte d'Ivoire se trouvait être l'un
des deux pays africains, avec l'Ouganda, officiellement retenus par
l'Onusida pour l'implantation de la première Initiative d'accès aux mé-
dicaments de l'infection à VIH. L'objectif de cette Initiative, trois ans
avant l'accélération considérable du processus d'accès aux traitements
dont nous avons été témoins en 2000 et en 2001, était d'améliorer l'accès
aux médicaments des traitements du VIH/sida à tous les niveaux de
services de santé : accès aux médicaments essentiels au niveau périphé-
rique, accès aux médicaments pour la prophylaxie des infections oppor-
tunistes dans les centres de suivi et accès aux traitements antirétroviraux
dans les centres de références.
L'Onusid.a a souhaité, dès le début de cette Initiative, qu'elle soit
évaluée dans les quatre sites pilotes du monde où elle allait prendre
place: la Côte d'Ivoire, l'Ouganda, le Vietnam et le Chili. L'évaluation de
l'Initiative en Côte d'Ivoire a été réalisée de 1999 à 2001, en partenariat
par le « Center for Diseases Control» (programme Retro-Cn pour ce qui
concerne l'évaluation de son impact clinique, et l'ANRS, pour ce qui
concerne l'analyse des processus décisionnels, l'impact économique et
l'impact sur la perception de la maladie dans la population, les person-
nels de santé et les autorités décisionnelles du pays.
Cet ouvrage présente les résultats du travail d'évaluation réalisé
par l'ANR5. J'aimerais remercier les autorités ivoiriennes et le PNLS/MST/
Tuberculose pour l'aide qu'ils nous ont apportée ainsi que le projet Re-
tro-Ci, les patients, les médecins et toutes les personnes qui ont bien
voulu répondre à nos enquêtes. J'aimerais également remercier l'Onu-
sida, la coopération française en Côte d'Ivoire et tous les chercheurs qui,
sous la responsabilité de Jean-Paul Moatti, ont réalisé ce travail dont il
nous faut rapidement tirer les leçons au moment où se mettent en place
les nouvelles initiatives accélérées d'accès aux médicaments du VIH/sida
dans les pays en développement.
Michel Kazatchkine
Directeur de l'ANRS
Introduction 1
1ntroduction
Raisons et enjeux de l'évaluation
Jean-Paul MOAlTI, Philippe MSELLATI, Laurent VIDAL,
Yves SOlJTEYRAND
1 Deeks S, Smith M, Holodniy M, Kahn]. HIV-I protease inhibitors. A review for c!inicians.
, Unaids. Report 011 thr global HIV epidrl1lic. Geneva, June 2000.
Introduction 3
4 Bourguignon F, Berthélémy Je Growtlr alld cmis in Côte d·/voire. World Bank, Comparative
5 Mariko M, Cissé B. Équité dam l'accfs el l'utilisation des services de sanlé (cas de cinq capi/ales
rieur à 270 U5$) tendent à déclarer un moindre nombre d'épisodes morbides ms ne sont
que 18 <\'0 à le faire) et à être moins nombreux à interrompre leur activité en cas de maladie
(46 Ofo versus 52 Ofo dans l'ensemble de l'échantillon). On notera également que l'enquête n'in-
. vestiguait pas la morbidité éventuellement liée à l'infection à VIH.
7 Voir une description synthétique du système de santé du pays dans le 'ab/rau 1.
6 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Tableau 1
Principaux indicateurs du système de santé
en Côte d'Ivoire
Ressources en infrastructures
Ratio population/établissement sanitaire
primaire ŒSP) 1 ESP pour 13 804 habitants
Ratio population/hôpital 1 hôpital pour 230813
Ratio populationllits d'hôpital 1 lit pour 2700
Ratio population/bloc chirurgical 1 blocpour448500
Ratio populationllaboratoire hospitalier 1 laboratoire pour 338000
Ratio population/appareil de radiologie hospitalier 1 appareil pour 448 400
Ressources humaines
Ratio population/médecin 1 médecin pour 12 486
Ratio population/infirmier 1 infirmier pour 3 885
Ratio femmes en âge de procréer/sage-femme 1 sage-femme pour 1 913'
Ressources financières
Montant total du recouvrement des coûts 13234597256 FCFA
Recouvrement des coûts par habitant 857 FCFA
Dépense de santé par habitant 6229FCFA
Budget de la santé par habitant 5372 FCFA
Poids du recouvrement'des coûts dans les dépenses
santé 13,8%
Poids des dépenses de santé dans le budget de l'État 8,7%
Poids du budget de la santé dans le PŒ 1,3 010
Médicaments
Chiffre d'affaires de la Pharmacie de santé publique
(PSP) 10 825 047 095 FCFA
Vente des produits PSP par habitant 690 FCFA
Source: ministère de la Santé publique, République de Côte d'Ivoire, « Rapport annuel sur
la situation sanitaire, 1997 ",
" Satellite Meeting on the Unaids Drug Access Initiative. PreIiminary results of the evalua-
tion of the initiative and lessons leaml. Durban, South Africa, 9 July 2000.
12 Un Groupe de contact sur ce thème regroupant neuf institutions des Nations unies ou
associées <Onusida, PNUCID, PNUD, UNESCO, FNUAP, UNICEF, OMS, OMPI et Banque Mon-
diale) a été constitué le 29 juin 2000 et se réunit régulièrement depuis cette date.
" Groupe de contact sur l'accélération de l'accès aux soins dans le domaine du VIH/sida.
Accès aux médicaments liés au VIH. Stratégie du système des Nations unies. Mise à jour du
22 septembre 2000, Genève.
an~ 12 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Chapitre 1
Prémices et déroulement
de l'Initiative (1996-2000) ·
une première analyse
Karine DELAUNAY, Jean-Pierre DOZON,
Gabin KpONHASSIA, Philippe MSELLATI
1 L'essentiel de ce chapitre, comme du suivant, est extrait d'un rapport achevé en janvier
2000, et remis à l'ANRS, dont les données ont été actualisées. Delaunay K, Dozon J.P, Kpon-
hassia G, et al. Évaluation de l'Initiative Onusida - ministère ivoirien de la Santé d'accès aux traitements
pour les personnes vivant avec le VIH-sida en Côte d'Ivoire. Volet 1( Analyse des processus décisionnels de
mise en place de l'lnitialive (1996-1999) J. Rapport intermédiaire, mai 2000, 116 p.
2 Une chronologie détaillée est proposée en annexe, page 63.
etc) ainsi que d'une partie des documents et notes de travail « internes» aux différents
Comités en charge de la préparation puis de la gestion de l'Initiative auxquels nous avons
pu avoir accès.
5 Cette revue de presse a concerné deux quotidiens proches du pouvoir en place avant le
~ 14 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
coup d'État de décembre 1999 (Fralemi/é Malin et Ivoir'Soir) ainsi que deux journaux favorables
à l'opposition (NoIre Voie et Le Jour).
6 Cela explique que les entretiens menés aient été principalement consacrés au fonction-
JO Les centres spécialisés du secteur public dans la prise en charge du VIH/sida étaient alors
l'Unité de soins ambulatoires et de conseil (USAC) d'Abidjan. ainsi que les hôpitaux de jour
de Bouaké et Korhogo. En outre, des structures telles que le Service des maladies infectieuses
du CHU de Treichville (MIT) et le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) en étaient
venues à être de facto considérées comme des centres spécialisés du fait de leurs activités.
Parallèlement. existaient des centres spécialisés créés par des organisations non gouverne-
mentales et/ou confessionnelles, telles que le Centre d'assistance socio-médicale (CASM),
auxquels il convient d'ajouter les centres de soins où étaient implantés (ou allaient s'im-
planter), à Abidjan, les essais thérapeutiques de l'ANRS et de Retro-Ci. Enfin, existaient
certains centres privés, tels que le Cirba (Centre intégré de recherches bioc1iniques d'Abid-
jan), créé en 1996 par la Fondation Montagnier-Mayor et devenu ultérieurement semi-
public.
Prémices et déroulement de l'Initiative 17
leurs membres actifs eurent accès, ainsi que les contacts qui allaient s'éta-
. blir avec des associations du Nord commençaient tout juste à contribuer
à cette émancipation Il. Dans l'immédiat, leur implication dans les acti-
vités de prise en charge était prévue par le PNLS/MSTrruB. De plus,
l'existence de ces associations permit, à partir de 1995, et cela pour la
première fois, aux personnes vivant avec le VIH d'être officiellement
représentées au sein du Comité national et du Comité d'éthique du PNLS.
L'ensemble de ces évolutions prenait place dans un contexte où
les autorités ivoiriennes manifestaient leur volonté de s'impliquer dans
la lutte contre le sida. L'organisation, en 1992, des «Premières journées
nationales de lutte contre le sida}) à l'Asseinblée nationale, présidée à
l'époque par le futur Président Henry Konan Bédié, en fut le premier
signe. Il fut suivi, en 1993, par le dégagement d'une ligne budgétaire
spécifique du Gouvernement, alors que les activités du PNLS étaient au-
paravant exclusivement financées par l'aide extérieure 1z• Cette volonté
politique, affirmée également au travers de certains gestes ponctuels for-
tement médiatisés, impliquant personnellement le Président H.K. Bédié,
fut confortée par le choix d'Abidjan comme site de la xe Conférence in-
ternationale sur le sida en Afrique (Cisma) prévue pour la fin de l'année
1997. L'engagement des autorités ivoiriennes fut salué par le directeur
exécutif du nouvel organe international de coordination de la lutte
contre le sida (Onusida), qui, en mars 1996, choisit précisément Abidjan
comme lieu de son premier déplacement à l'étranger et, à cette occasion,
remercia la Côte d'Ivoire pour son soutien à la création de l'Onusida.
La priorité affirmée par le gouvernement en matière de lutte
contre le sida se justifiait par la gravité de la situation épidémiologique
en Côte d'Ivoire, pays officiellement reconnu comme le plus touché de
l'Afrique de l'Ouest avec une prévalence de l'infection à VIH d'environ
10 % dans la population adulte en 1995. Mais elle exprimait aussi, sans
doute, une volonté politique de faire de la Côte d'Ivoire un pays leader
Il Cornu C. Les associations de personnes vivant avec le VIH/sida à Abidjan, Côte d'Ivoire: le malade du
sida, rijonnatwr social en Afrique sub-saharienne? Mémoire de DEA, Univ. de Paris I-IEDE5. En
septembre 1995, le Oub des Amis aurait compté une cinquantaine de membres actifs, tout en
revendiquant entre 100 et 300 membres au total. et Lumière Ac/ion recensait une quarantaine
de membres à jour de leur cotisation (Cf pp. 60-60.
12 Le montant de cette ligne est allé croissant pour atteindre 650 millions de FCFA en 1996.
~ 18 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
" Delaunay K. Réflexion sur les dynamiques sorio-politiques de la lulle conlre le sida en Côte d'Ivoire.
Communication à la xe Cisma, Abidjan, décembre 1997 [Résumé D056l.
14 Dès sa création, ce nouvel organe affirma en effet son originalité. L'objectif de l'Onusida
était principalement d'assurer une meilleure coordination des actions des agences de coo-
pération (en particulier celles des Nations unies) et d'aider les pays dans la mise en œuvre
d'approches et d'interventions muItisectorielles. De ce fait, l'Onusida ne jouerait un rôle ni
d'agence de financement, ni d'agence d'exécution, même si ses missions et notamment les
limites intrinsèques de son engagement financier, n'ont pas forcément été perçues claire-
ment dans les pays.
Prémices et déroulement de l'Initiative 19
de l'accès aux traitements de l'infection à VIH pour les pays du Sud, mais
elles jouèrent aussi un rôle de premier plan pour étendre le débat in-
ternational sur l'accès aux médicaments à la question des antirétrovi-
raux. La Conférence de Vancouver constitua la première tribune inter-
nationale où cette revendication fut exprimée avec force. Le ministre de
la Santé ivoirien, présent au titre de délégué du pays organisateur de la
future xe Cisma, dont le thème était « Sida et développement », fit pré-
cisément de l'accès aux traitements antirétroviraux la condition sine qua
non de la réussite des programmes d'ajustement structurel en Afrique.
De retour à Abidjan, il soulignait, dans une interview, que le coût de ces
nouvelles thérapies les rendait encore inaccessibles pour la Côte d'Ivoire,
compte tenu du caractère limité des ressources publiques du pays. Mais
il exprimait aussi sa conviction que, d'une part, la loi du marché devrait
conduire les laboratoires pharmaceutiques à baisser leurs prix pour les
pays du Sud où se concentrent la grande majorité des personnes infec-
tées par le VIH et que, par ailleurs, la création de l'Onusida constituerait
un élément favorable à l'émergence d'une pression internationale forte
sur les firmes pharmaceutiques 15.
La mobilisation pour dénoncer le non-accès du Sud aux « nou-
veaux traitements» s'affirma en Côte d'Ivoire à l'occasion de la Journée
mondiale du sida de décembre 1996 dont le thème était « Unis dans
l'espoir ». Ce n'était plus seulement le sommet de l'État qui s'exprimait à
cette occasion, mais aussi les associations ivoiriennes de personnes vi-
vant avec leVIH. La presse mit notamment en avant l'engagement de
Lumière Action. Son président-fondateur, Dominique Esmel, décédé quel-
ques jours avant ce premier décembre, avait lui-même refusé de se met-
tre sous traitement tant que les antirétroviraux ne seraient pas accessi-
bles pour tous.
Pendant que le processus de consultations préliminaires dans la
perspective de l'Initiative était engagé, fin 1996, par l'Onusida, des ré-
flexions sur la prise en charge des personnes atteintes s'organisèrent en
Côte d'Ivoire. Le PNLS/MSTITUB créa ainsi, en janvier 1997, un « Comité
consultatif de prise en charge ». Considérant que « en Côte d'Ivoire tous [les]
15 Interview au quotidien Ivoir'Soir, ' Les nouveaux traitements du sida seront vulgarisés J, 30 juillet
1996.
an~ 20 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
éUmmts de prise m charge existmt »16, mais que «les résultats obtmus sont insuf-
fisants », l'objectif fixé pour ce Comité fut «d'idflltijier les obstacles liés à la
prise fil charge des personnes vivant avec le VIH/sida et [de] proposer des solu-
tions »17. En particulier, un Réseau des organisations de prise en charge
des personnes séropositives au VIH ou malades du sida (ROPPS) fut
constitué en février 1997, avec pour tâche de promouvoir et de coor-
donner les activités conduites dans ce domaine aussi bien au sein des
structures publiques et privées que par les organisations non gouver-
nementales et/ou confessionnelles. Au même moment, une décision mi-
nistérielle accordait le droit aux personnes infectées par le VIH, et tou-
chées par une infection opportuniste ne· nécessitant pas une
hospitalisation, d'acheter la totalité de leur prescription en médicaments
aux prix plus bas pratiqués par la Pharmacie de santé publique (PSP)
dans les officines publiques.
Fort de cet engagement officiel, mais sans que son impact réel
dans les structures de soins ait été mesuré, le ministre de la Santé fut en
mesure de déclarer, fin 1997, que, grâce à la mise en place d'une « politique
de médicamfllts essflltiels pour le traitemmt des pathologies opportunistes L..l, toutes
les infections opportunistes sont traitées chez nous aujourd'hui» 18. Ces déclara-
tions entraient d'évidence en contradiction avec ce que les associations
de personnes vivant avec le VIH et la presse ne devaient pas se, faire
faute de rappeler au cours des mois qui suivirent, à savoir que l'accès
aux traitements et à la prophylaxie des infections opportunistes pour
l'ensemble des personnes infectées était loin d'être assuré (ce que
confirme l'enquête réalisée auprès des patients dans le cadre de l'éva-
luation en début 2000/ soit trois ans plus tard, voir chapitre 4.1). Mais,
en faisant de l'amélioration de l'accès aux médicaments du VIH/sida,
autres que les antirétroviraux (ARV), un problème de renforcement in-
terne des capacités existantes et, qui plus est, en le présentant comme
un problème réglé, de telles déclarations avaient aussi clairement pour
résultat de faire de l'accès aux traitements antirétroviraux la priorité dans
. la perspective d/une Initiative internationale.
Cette revendication semblait d'autant plus légitime aux respon-
sables sanitaires et politiques ivoiriens que la capitale économique du
pays, Abidjan, disposait déjà de l'infrastructure technique indispensable
à la mise en œuvre des ARV et au suivi des patients sous traitement. De
plus, Abidjan apparaissait comme l'un des sites importants de recherche
biologique et clinique sur le VIH/sida en Afrique, abritant deux essais
thérapeutiques de réduction de la transmission mère-enfant du VIH par
l'administration d'un régime court d'Azr, ainsi que deux essais théra-
peutiques de prophylaxie des infections opportunistes par cotrimoxa-
zole (menés par l'ANRS et le Retro-Ci du CDO Enfin, le Centre national
de transfusion sanguine (CNTS) était le siège, depuis la fin 1995/ d/une
Fondation (Fonsida) ayant précisément pour objectif d'« aider à la recherche,
mais surtout de lancer les traitements modemes du sida en Côte d'Ivoire» 19 avec
pour présidente d'honneur, l'épouse du Président d'alors. En outre, la
Côte d'Ivoire importait des médicaments antirétroviraux par la Pharma-
cie de santé publique (PSP) depuis 1995 2°, et ceux-ci étaient par ailleurs
déjà disponibles dans le circuit sanitaire privé. L'une des importantes
tâches qui allait être confiée à l'Initiative en Côte d'Ivoire, aux côtés de
l'objectif global d/élargissement de l'accès aux traitements antirétrovi-
raux par la réduction de leurs prix, serait donc d/organiser l'encadrement
des conditions de prescription des ARV en vue de promouvoir leur uti-
lisation rationnelle (voir chapitre 3).
Ces éléments, comme la volonté politique affirmée au cours des
années précédentes, concoururent au choix officiel de la Côte d'Ivoire
comme l'un des quatre pays où serait mise en œuvre la phase pilote de
l'Initiative Onusida d'accès aux médicaments de l'infection à VIH 21 . Ce
choix intervint en juin 1997 et des représentants du ministère de la Santé
et du PNLS ivoirien participèrent, à ce titre, aux réunions organisées à
Genève entre représentants des pays, des firmes pharmaceutiques, des
agences internationales, des Nations unies et d'organisations non gou-
vernementales pour la préparation concrète de l'Initiative. Dès le mois
suivant, un groupe de travail fut constitué à Abidjan sous l'égide du
Comité consultatif de prise en charge. La réflexion de ce groupe de travail
se focalisa d'emblée sur l'accès aux traitements antirétroviraux. ~es tra-
vaux aboutirent, le 28 juillet 1997, à la tenue d'un {{ Atelier national de
consensus sur la prise en charge des malades du sida ». Celui-ci fut
ultérieurement. présenté par le Directeur exécutif du PNLS/MSTrrUB
ivoirien, lors d'une réunion scientifique tenue à Dakar en septembre de
la même année, comme un {{ Atelier national de consensus sur l'accès
aux antirétroviraux ». Ce fut également l'accès aux nouvelles thérapies
qui, à travers les propos du ministre ivoirien de la Santé, apparut comme
l'objectif premier de l'Initiative, lors de la conférence de presse qu'il or-
ganisa conjointement avec l'Onusida, le 5 novembre 1997, pour annon-
cer officiellement son lancement 22.
Ce faisant, la Côte d'Ivoire s'inscrivait dans un courant plus large.
En effet, l'inégalité d'accès, entre le Nord et le Sud, aux multithérapies
les plus récentes et les plus efficaces, commençait véritablement à retenir
l'attention au niveau international, suscitant la constitution de groupes
de réflexion scientifique et des déclarations politiques de principe.
Ces dernières dominèrent précisément la xe Cisma tenue à Abidjan en
décembre 1997 : à cette occasion, les plus hautes autorités de la Côte
d'Ivoire, mais aussi de la France, saluèrent l'Onusida pour le lancement
de son Initiative et affirmèrent leur propre engagement en faveur de
21 Elle répondait donc aux critères de sélection fixés par l'Onusida, ceux-ci allant de la
stabilité politique à ['existence d'une infrastructure de soins en passant par l'activité effective
du PNLS et la haute prévalence de l'infection à VIH (Cf. Unaids, Unaids HIV dmg acœss Initiative,
PilaI phase. Background document).
22 La presse soulignant son caractère exemplaire d', opéralion d'aide à l'accès aux ARV des pays
en développement. (1voir'Soir, 6 novembre 1997). Précisons que la presse française (Le Monde,
6 décembre 1997 ; Libération, 8 décembre 1997) retenait aussi cet aspect.
Prémices et déroulement de l'Initiative 23
Ce contexte global ne fut pas sans effet sur les orientations don-
nées à l'Initiative en Côte d'Ivoire. Dès l'annonce officielle de son lance-
ment, début novembre 1997, une première ambiguïté se dégageait, dont
la genèse découlait directement du processus qui vient d'être décrit:
tandis que l'Onusida parlait d'un projet « visant à améliorer l'accès aux mé-
dicaments [en général serait-on tenté d'ajouterJ pour la prise en charge de
l'infection à VIH et du sida dans les pays en développement », les responsables
li Il précisa que ce fonds, pmnellra de financer les activités en vue de généraliser l'accessibililé des
populations aux antirétroviraux utilisés en bitltérapie ou en lritltérapie et soutiendra les travaux de reclterche
pour aider à découvrir d'aulres traitemenls adaplés à ceUe maladie dans le conlexte africain 1 (discours
d'ouverture, reproduit dans Fralernité Matin, 8 décembre 1997).
2' Discours d'ouverture, reproduit dans Fraternilé Matin, 8 décembre 1997.
25 Pour une première analyse des déclarations faites par les représentants français à la
X' Cisma, voir J.-P. Dozon. Une nécessaire politisation du sida en Afrique. Joumal du Sida,
1998: 102.
~ 24 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
,. Notamment au sein de Lumière Ac/ion. Le président du Club des Amis participa, quant à lui,
officiellement à celle conférence de presse en tant que «porle-parolr des prrsolmes vivant avec le
VIH J, pour adresser «UII flol de rfmerciel1lmts J à l'Onusida, aux autorités ivoiriennes et au
Directeur exécutif du PNLS/MSTrrUB (Cf Ivoir'Soir, 6 novembre 1997). Ne sont intervenus ni
la présidente de·la section ouest africaine du Réseau africain des personnes vivant avec le
VlH (et présidente de Lumière Action), ni celui qui sera le président du Réseau ivoirien de
l'ensemble des associations de personnes vivant avec le VIH.
Prémices et déroulement de l'Initiative 25
utilisée pour le «suivi des activités des Comités consultatifs et des entreprises à but
non lucratif, [pour] l'évaluation de la phase pilote et [pour] la diffusion des recom-
mandations [sur] l'application des principes de l'Initiative dans des situations com-
parables ». Le financement direct des médicaments ne pouvait en aucun
cas constituer une modalité d'action pour le programme Onusien,
compte tenu du mandat qui lui avait été donné dès sa création par les
instances officielles de l'organisation internationale. Mais lorsque, par
presse interposée, le Directeur exécutif du PNLS/MSTrrUB ivoirien, puis
le ministre de la Santé parlèrent ultérieurement, pour l'un, de« réductions»
consenties par les firmes pharmaceutiques, pour l'autre, de «colÎt modéré»
octroyé dans le cadre de l'Initiative pour faciliter l'accès des personnes
infectées aux ARV, ni l'un ni l'autre ne paraissaient être à même de four-
nir plus de précisions 29. Une seconde ambiguïté, lors de l'annonce offi-
cielle de l'Initiative, a donc résidé dans le flou relatif entourant les ni-
veaux de prix qui seraient proposés aux patients pour accéder aux ARV.
Un autre problème résidait dans les modalités d'organisation re-
latives au circuit de diffusion du médicament. En effet, le schéma d'or-
ganisation de l'Initiative conçu par ['Onusida impliquait de faire transiter
la diffusion des médicaments par l'intermédiaire d'une organisation à
but non lucratif, créée pour l'occasion et soutenue en partenariat par les
organisations internationales, les firmes pharmaceutiques et les pouvoirs
publics nationaux. Bien qu'elles aient paru se conformer rigoureusement
à ce schéma au cours des négociations menées avec l'Onusida, les au-
torités ivoiriennes avaient à tenir compte des structures d'approvision-
nement et de diffusion préexistantes dans le pays. Elles maintinrent donc,
dans le domaine des ARV, la Pharmacie de santé publique dans ses fonc-
tions centrales d'acheteur et de distributeur des médicaments 30. Une troi-
sième ambiguïté s'installa donc d'emblée quant au rôle dévolu à l'orga-
nisation à but non lucratif qui devait prendre, en Côte d'Ivoire,
l'appellation de Medical Access. Le communiqué de presse de l'Onusida
considérait que cette« entreprise à but non lucratif» devait« tenir lieu de bureau
central pour les cOlllmandes des produits et pOlir l'importation des médicaments» et
" Ivoir'Soir, 6 novembre 1997, Plus exactement, la sélection s'effectuerait selon des critères
définis par ce Comité, conformément aux attributions qui lui revenaient selon le schéma
défini par l'Onusida, et qui lui seront effectivement données par le décret présidentiel du
3D avril 1998.
gnR§} 28 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
4 000» était « ulle base de travail »35. En pratique, ces déclarations pouvaient
laisser penser que l'Initiative ne rencontrerait pas de difficultés pour as-
surer l'adéquation entre les moyens financiers effectivement disponibles
ou raisonnablement mobilisables et la demande « objective» de traite-
ments ARV dans le pays.
En fait, l'estimation « objective» des besoins, c'est-à-dire du nom-
bre de personnes potentiellement éligibles pour la mise sous traitement
ARV était dépendante, d'une part, des incertitudes existantes quant à
l'accès réel au dépistage et au système de soins au sein de la population
infectée par le VIH et, d'autre part, des critères médicaux d'éligibilité et
des schémas thérapeutiques qui seraient retenus dans le cadre de l'Ini-
tiative.
Le fait que le nombre de personnes pouvant prétendre à un trai-
tement ARV pourrait être bien supérieur au chiffre de quelques milliers
officiellement annoncé et que, de par son existence même, l'Initiative
était susceptible d'accroître les demandes de dépistage, donc de prise en
charge, n'a jamais été clairement abordé dans la mise en place de l'Ini-
tiative 36• Dans l'immédiat, la teneur donnée à l'annonce de lancement
de l'Initiative, face au flou de l'estimation des besoins réels, fit naître des
rumeurs de présélection arbitraire des bénéficiaires du projet pilote
parmi les membres d'associations, qui étaient eux-mêmes dans l'attente
d'un accès aux traitement!" mais qui entendaient aussi que J'Initiative
puisse profiter au plus grand nombre. Le ministre de la Santé fut d'ail-
leurs amené à préciser que l'Initiative « n'est pas UI1 essai clil1ique el [quel les
palifITls Ile S0111 pas sélecliol1nés d'aval1ce »37. La tension entre deux concep-
tions de l'Initiative, celle qui tendait à la restreindre à un programme
limité, proche d'un essai clinique, et au contraire celle qui voulait en
;5 Interview du Ministre à Ivoir'Soir, 30 juillet 1997 puis à Fralrmi/i }dalin, 3 décembre 1997 ;
interview du Directeur exécutif du PNLS/MSTffUB à NoIre Voie, 1p septembre 1998.
36 Pourtant. dès mai 1997, la mission de Coopération française à Abidjan se faisait l'écho
d'une préoccupation présente dans de nombreux esprits parmi les professionnels de santé
et membres des ONG : , 11 faul considéra que, si ulle possibililé exisle d'accéder à 1II1 lrailelllflll efficace,
il y aura un afflux de paliell/s voulanl se faire dépister el lraiter. [.. .1 Le uOlllbre el le fo Il el iOIl nelllfll1 des
cfll/res de dépislage et de suili devra dom êlre f1Ivisagé dall5 une optique de for/e demande [...], alors que
les lIIédiramfllls serolll probablelllflll rares fil quall/ilé, du 1II0ill5 au débul >.
37 Fralemilé Malin, 20 aoLÎt 1998.
Prémices et déroulement de l'Initiative 29
faire un programme pilote, point de départ d'un accès large aux ARV,
s'est exprimée tout au long des réflexions conduites dans le cadre des
Ateliers de consensus de juillet et novembre 1997 puis par le Comité
consultatif réuni à la fin de la même année.
médicaments, d'ONG et d'associations de personnes vivant avec le VIH ainsi que de quel-
ques organismes de coopération. Le coordonnateur Onusida de l'Initiative et le représentant
Onusida du pays furent présents, mais la coordination de l'Atelier fut assurée par des re-
présentants du PNLS/MST/TUB (dont son Directeur exécutif), de la Faculté de médecine et
du service des maladies infectieuses de Treichville (MIT). Le second Atelier de consensus,
tenu en novembre 1997 et qui aborda des questions plus techniques et médicales, fut pour
sa part coordonné par des représentants du PNLS, du MIT et de l'Onusida (représentation
pays et inter-pays).
3. Pour autant, la question des prix auxquels les traitements seraient proposés aux patients
n'était pas absente des préoccupations des membres des commissions GIs s'informèrent des
prix pratiqués par la PSP pour les molécules alors disponibles et des stratégies d'approvi-
sionnement du Fonsida). Les participants, sans doute à la différence du public, surent en
effet assez rapidement qu'il ne s'agirait pas de proposer ces traitements à titre totalement
gratuit ou du moins pas à tous les patients. Cependant, de multiples références semblent
avoir été faites à la politique d'approvisionnement en médicaments antituberculeux, déli-
vrés en Côte d'Ivoire à prix modique.
Prémices et déroulement de l'Initiative 31
40 Dormont J (dir). Prise m charge des personnes allfinles par le VIH. Paris, 1996; Carpenter CCl,
Fischl MA, Hammer SM. el al. Antiretroviral therapy for HIV infection in 1996. Recommen-
dations of an international panel. JAMA 1996; 276: 146-54.
QR§) 32 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
to multiple reverse-transcriptase and protease inhibitors. N EI1g1 J Med 1998; 339: 307-11.
~ 34 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
ble plutôt avoir été d'identifier a priori des« catégories de personnes susceptibles
d'amener IIne meilleure campliance' pour leur accorder un large accès aux
traitements en tant que «catégories prioritaires ». Il est vrai, ce faisant, qu'ils
ne faisaient que suivre le point de vue de certains experts du Nord pré-
conisant, plus ou moins ouvertement, d'exclure les patients dont le pres-
cripteur peut penser qu'ils ne seront pas en mesure de « respecter des candi-
tiol15 minimales d'observance »45. En revanche, il n'a jamais été question,
comme le préconisent d'autres approches, de viser« plutôt à encourager tous
les patients, médicalement éligibles pour un traitement antirétroviral, d'adopter les
plans de traitement individualisés les mieux à même de faciliter une prise adéquate
de leurs médicaments »46. Aucune véritable réflexion n'a été menée sur la
façon dont l'Initiative pourrait justement faciliter une meilleure obser-
vance, c'est-à-dire créer les conditions d'une mise en œuvre optimale
des traitements pour les patients éprouvant des difficultés. Il a donc fallu
identifier a priori les patients les plus susceptibles d'être observants, en
particulier ceux qui avaient déjà démontré « leur capacité à avoir une bonne
campliance Ll, du fait de leur sensibilisation préalable en participant à des essais
thérapeutiques ou à la réflexion sur les antirétroviraux », ou au travers de leur
participation à des activités d'associations de personnes atteintes. Or, la
recherche en sciences sociales sur l'observance des traitements en géné-
ral, et plus récemment sur celle des traitements ARV, insiste sur la quasi-
impossibilité de déceler les patients {{ intrinsèquement» observants de
ceux qui ne le sont pas sur la «base d'un nombre limité de caractéristiques
socio-démographiques et psychologiques ,47. Comme on le verra dans le cha-
pitre 4 consacré aux enquêtes menées directement auprès des patients,
les tentatives de détermination a priori des patients les plus observants
comme critère (plus ou moins explicite) d'éligibilité aux ARV avaient
d'autant moins de chances d'échapper aux stéréotypes, que le processus
45 Stewart G. Observance des traitements antirétroviraux. ln: Van Praag E, Fernyak S, Katz
AM, eds. Les incidfllCfs des frai/elllen/s Olllirélrovimnx. Consultation informelle, WHO/ASD/97.2,
avril 1997.
46 Lerner B, Gulick R, Dubler N. Rethinking nonadherence : historical perspectives on tri-
ple-drug therapy for HIV disease. AIIII IlIleOl Med 199B; 129: 573-B.
47 Moatti IP, Spire B, Duran S. Un bilan des recherches socio-comportementales sur ['ob-
servance des traitements dans ['infection il VIH : au delà des modèles biomédicaux? Rev
Epidellliol SOIlIé Pllbl 2000 ; 2 (48) : 182-97.
Prémices et déroulement de l'Initiative 35
48 Unaids, Unaids HIV dnl91lCCfSS Initiative, Pilot phase. Background document; cf. op. cil., note 45.
m1R§) 36 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
.49 le PNIS/MSTIfUB est aussi représenté .dans le Comité consultatifet le Secrétariat tech-
devait .pas fa~i1iter sa convoc~tion «IlU ,moim ,deux fois par Ilu.et aU/il!!' de fois ,que ,nécessllire',
comme le prévoyait le décret.
~ 38 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
même en retrait par rapport aux informations délivrées par voie de presse lors du lancement
de l'Initiative. Elle confirmait certes la mise à disposition des ARV en Côte d'Ivoire, précisant
qu'ils ( ne tUfllt pas le virus " et donnait une liste des Centres accrédités et des Centres de suivi.
Cependant, outre qu'aucune mention n'était faite de la prophylaxie par cotrimoxazole, il
était indiqué, en réponse à la question • (omment faire le traitement?', que (tous les patimts
symptomatiques el asymptomatiques aYall1 fait 111I test de dépistage qui s'est avéré positif peuvent com-
mfllcer le traitement '.
55 Les responsables de l'Initiative rencontrés, estimaient qu'il n'était pas (OPportUIi , de com-
muniquer davantage, dans la mesure où les Centres accrédités n'ont ouvert que progressi-
vement et qu'il ne fallait donc pas trop (d'effervescence '.
56 Voir chapitres 3.1 et 3.2 pour la population se sachant infectée, et chapitre 6 pour la
de 821 personnes ayant fait un bilan initial, parmi lesquelles 485 étaient sous traitement
ARV, dont 243 à tarif subventionné. Ces chiffres incluaient à l'évidence des patients suivis
au Cirba (dont l'intégration à l'Initiative n'était pas encore totale) et prenaient en considé-
ration le nombre de dossiers de demande de subvention examinés par le comité de gestion.
Le suivi de Retro-Ci enregistrait pour sa part, le mois suivant (pour la période d'août 1998
à mars 1999),682 bilans initiaux et 146 patients sous ARV, dont 16 avec une subvention de
75 % et 22 avec celle de 50 0/0, chiffres n'incluant certes qu'une faible proportion des patients
suivis au Cirba et aucun de ceux suivis au CNrS, mais qui n'étaient de toute façon pas
subventionnés dans le cadre de l'Initiative.
~ 42 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
58 En sorte que deux articles publiés début 1999 se faisaient écho par leur titre; « Associa-
tions de séropositifs. On attend toujours les ARV» (1voir'Soir, 13 janvier 1999) ; «Traitement
du sida. On attend toujours les malades» (Fraternité Mlltin, 25 février 1999).
Prémices et déroulement de l'Initiative 43
59 En .première intention, était alors proposée une association de deux inhibiteurs nucléo-
sidiques avec un non nucléosidique ou ·celle du d4T+ddl avec l'Hydrea, cela pour les pa-
tients naïfs dont l'immunodépression est modérée et la charge virale inférieure à 30000 co-
pies; l'association ·d'une antiprotéase à deux inhibiteurs nucIéosidiques n'était proposée
que pour les patients antérieurement traités et en échec thérapeutique ainsi que pour tous
ceux dont l~immunodépressionest sévère et 'la charge virale supérieure à 30000 copies (Cf.
Initiative Onusida, Propositions de stratégies lhtrapeuliques.elde subventions dl/trailel/lent antirttra-
.viral. s.dJ
60 Le seuil supérieur de,CD4 était'ramené de SOO.à 300/mm' pourl'initiation.du traitement
62 Cette réorientation commença à être envisagée dès le début de l'année 1999. En février
1999, fut en effet organisé un Atelier de consensus sur la prophylaxie par cotrimoxazole
mais surtout, à l'occasion du point de presse de bilan à six mois de l'Initiative, le conseiller
pays d'Onusida avait appelé à ce que soit' accéléré le processus de prise en chargE dES maladies
opportUl1iS/ES >.
Prémices et déroulement de l'Initiative 49
Les centres accrédités pour la prescription des ARV ont été eux-
mêmes confrontés à des difficultés de gestion. D'une part, ils ne dispo-
saient d'aucun fonds de roulement au démarrage de l'Initiative; ce fut
là encore la PSP qui fut amenée à leur consentir un découvert qu'elle
fixa à 25 millions de FCFA (250 000 FF). D'autre part, alors qu'il était prévu,
dès les préparatifs de l'Initiative, qu'un logiciel de gestion des stocks
spécifique aux médicaments du VIH/sida soit fourni par l'Onusida, il
n'était toujours pas parvenu aux centres courant 2000. Quant à la cellule
de coordination de l'Initiative, son manque de personnel ne facilita guère
son rôle pratique de supervision pour résoudre les problèmes de tréso-
rerie évoqués plus haut. A la mi-novembre 1999, la PSP était contrainte,
en accord avec le ministère de la Santé, de ne plus fournir les centres en
ARV que contre paiement au comptant. Puis, suite au réaménagement
de la procédure de décaissement des fonds 1999 et à la création, en fé-
vrier 2000, d'un compte ARV-Onusida, un double circuit d'approvision-
nement auprès de la PSP a été mis en place: celui destiné aux-patients
sous traitement à plein tarif où les commandes, facturées sur le compte
de chacun des centres, doivent être réglées au comptant; celui destiné
aux patients sous traitement à tarif subventionné où les commandes des
centres sont honorées par la PSP après avoir été visées par le coordon-
nateur de l'Initiative et facturées sur le compte ARV-Onusida. Certains
centres accrédités ont ainsi été amenés à constituer en leur sein deux
. pharmacies, l'une pour les patients payant plein tarif, l'autre pour les
patients subventionnés, notamment afin que les premiers n'aient pas à
souffrir des ruptures de stocks engendrées par les retards de paiement
du Fonds ivoirien.
Le cumul des difficultés de gestion s'est en effet traduit, tout au
m1R?) 54 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
63 Carpenter C(J, Fischl MA, Hammer SM, fi al. Antiretrovirai therapy for HIV infection in
Prémices et déroulement de l'Initiative 55
1998: updated recommendations of the International AlOS Society-USA Panel. lAMA 1998 ;
280: 78-86.
64 Joshi S, Joshi 55, Vergara PT, rI al. Structured interrupted therapy : Mumbai cohort. I:5th
continuous highly active antiretroviral therapy (HAARTJ. I:5th International AlOS Confe-
rence, Durban, 9-14 July 2000 [Abstract LbOrl il.
~ 56 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
des prescripteurs par la PSP quant au choix des réponses à son appel
d'offres, qui a motivé ce mouvement. Il illustre en tout cas l'impact direct
que peuvent avoir les événements internationaux sur un dossier aussi
sensible. En mai 2000, à quelques semaines de la Conférence de Durban,
suite à des négociations centralisées avec cinq firmes pharmaceutiques
détentrices de brevets d'ARV, l'Onusida annonçait l'engagement de cel-
les-ci à baisser leurs prix, mais dans des proportions non déterminées
et des conditions non précisées. Cette annonce semble avoir suffi pour
convaincre une partie des prescripteurs ivoiriens que la stratégie suivie
jusqu'alors par la PSP, et combinant négociations avec les firmes de spé-
cialités et pression sur celles-ci par la mise en concurrence avec des gé-
nériques, n'était plus indispensable pour obtenir les baisses de prix qui,
en l'état actuel, demeurent une condition sint' qua non si l'on veut faciliter
l'accessibilité d'un plus grand nombre de patients aux traitements ARY.
sein des associations, une demande de traitement qu'elle fut loin de pou-
voir satisfaire, l'accès aux ARV a créé une dynamique essentielle p~ur
que l'action associative ne consiste plus seulement en l'accompagnement
des personnes atteintes, mais aussi en une réelle implication dans les
décisions publiques. En réactivant le RIP+, qui faisait à l'origine figure
d'enclave au sein du Collectif des ONG de prise en charge (le coscn,
puis qui fut mis en veilleuse par l'Initiative elle-même qui entendait
promouvoir plutôt un collectif créé spécifiquement pour s'occuper du
seul volet psychoo:...sociaL les associations ivoiriennes ont affirmé leur au-
tonomie ainsi que la prise de conscience de leur propre capacité à agir
sur le cours des événements.
Il est bien sûr trop tôt pour estimer les conséquences que le chan-
gement politique, introduit en Côte d'Ivoire par l'élection fin octobre
2000 à la Présidence de la République de M. Laurent Gbagbo, dirigeant
historique du Front populaire ivoirien CFpn et opposant de longue date
de l'ancien président Houphouët-Boigny, pourra avoir sur l'Initiative.
Deux gestes forts sont néanmoins intervenus peu de temps après cette
élection et la tentative avortée de maintien au pouvoir du général Robert
Gueï qui avait dirigé la junte au gouvernement de décembre 1999 à
l'élection d'octobre 2000.
Fin janvier 2001, la constitution du gouvernement du Président
Gbagbo et de son Premier ministre M. Affi N'Guessan, a été marquée
par une première« mondiale» en matière de VIH/sida, la nomination
d'un ministre chargé de la lutte contre le sida et les autres pandémies
qui est directement rattaché au Premier ministre 66. Critiquée par l'op-
position 67, cette nomination impliquera en tout cas de clarifier le dis-
66 Il s'agit de Mme Sangaré Assana, membre du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCD,
qui avait exercé le pouvoir de l'indépendance au coup d'État de décembre 1999. Le ministre
de la Santé, M. Raymond Abouo N'Dori est lui membre du même parti que le président, le
FP! (Front populaire ivoirien).
67 Proche du RDR, le parti d'opposition de l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara, le
ill1R§) 60 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
journal le Patriotr sous le titre « Des ministères folkloriques »écrit, par exemple le 26 janvier
2001, «C'est la porte ouverte aux conflits de compétences ».
68 Cette offre concerne les laboratoires Bristol Myers-Squibb, Merck Sharpe & Dohme et
Glaxo-SmithKline. De son côté, le laboratoire Roche s'est refi.lsé à des baisses de prix mais
a offert des réductions de 15 % (nelfinavir) il 50 % (saquinavir) sous forme de dons de boîtes
gratuites au prorata des quantités achetées.
Prémices et déroulement de l'Initiative 61
Annexe chapitre 1
Chronologie de l'Initiative Onusidal
ministère de la Santé publique
d'accès aux traitements pour les personnes
vivant avec le VIH/sida en Côte d'Ivoire 1
1 Cette chronologie a été rédigée par Karine Delaunay jusqu'en' novembre 1999. Pour 2000 et 2001, elle n'est pas
exhaustive.
L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Chapitre 2
La mise sous traitement antirétroviral
dans l'Initiative: l'explicite et l'implicite
d'un processus de sélection
Karine DELAUNAY, Laurent VIDAL, Philippe MSELLATI,
Jean-Paul MOATTI
d'avril 1999 à avril 2000 sur l'accès aux traitements ARV, à partir du suivi de patients infectés
par le VIH et informés de leur statut dans le cadre d'un programme de recherche paru sous
forme de rapport: Vidal L, Msellati P (eds). Les Ihérapies nnlirélrovirales fil Côle d'Ivoire : nl/enles
suscilées el lransjonnnliolls socin les du rapporl à ln I/lOlndie, rapport final Ai\JRS, juin 2000, 161 p..
+ annexes.
~ 88 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
traitement ARV telles que définies par l'Initiative. Pour ceux qui, dès la
première consultation, décident de ne pas entreprendre plus avant des
démarches d'accès aux ARV, un suivi médical est néanmoins proposé
ainsi qu'une prophylaxie par cotrimoxazole pour les patients sympto-
matiques.
L'entretien préliminaire d'information tend donc à faire précéder
l'estimation proprement « médicale» des besoins du patient, d'une éva-
luation« socio-économique» de sa « capacité à payer », même dans l'hy-
pothèse où une subvention publique réduirait d'autant les frais demeu-
rant à sa charge. Ce type d'évaluation est inévitablement propice à des
interférences avec des jugements de valeurs a priori. Cela d'autant plus
que, comme on l'a vu au chapitre précédent, aucune recommandation
précise sur les modalités de cette évaluation socio-économique n'a ja-
mais été fournie aux personnels engagés dans l'Initiative et que l'entre-
tien avec un « conseiller» est loin d'être toujours possible, comme on le
verra plus loin.
En pratique, l'étape de l'entretien préliminaire n'est pas systéma-
tique. Dans un certain nombre de situations, les patients sont considérés
comme étant déjà informés des conditions de mise sous traitement ARV
et des contraintes de suivi de ces traitements en arrivant à la première
consultation dans l'Initiative: il s'agit des membres d'associations de per-
sonnes vivant avec le VIH, des patients ayant participé à des essais thé-
rapeutiques et se présentant avec une lettre des responsables de ces pro-
jets et, plus largement, de patients informés de leur statut sérologique
par des médecins extérieurs et orientés explicitement par ceux-ci dans
un centre accrédité en vue d'avoir accès à un traitement ARV dans le
cadre de l'Initiative. Dans d'autres situations, l'entretien préliminaire
pour un éventuel accès à l'Initiative interfère avec l'annonce d'un dia-
gnostic de séropositivité (lorsque le dépistage a été réalisé dans la struc-
ture de soins qui abrite le centre accrédité et que le médecin oriente vers
l'Initiative dans la foulée de l'annonce du diagnostic, mais aussi lorsque
des patients ont été orientés vers un centre accrédité suite à un dépistage
pratiqué à l'insu) (voir chapitre 4.2).
Comme le confirme l'enquête menée auprès de personnes infec-
tées par le VIH, connaissant leur statut sérologique et fréquentant des
~ 90 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
5 Sauf cas particuliers tels que la prise en charge du conseiller par le centre, comme au
Cirba, la plupart de ces conseillers se sont donc trouvés, pendant près de dix-huit mois,
dans une situation paradoxale où ils n'avaient pas eux-mêmes les moyens financiers de se
mettre sous traitement alors que certains d'entre eux en avaient besoin et que c'est bien de
celui-ci dont ils devaient parler avec les patients.
6 Bien que le problème du versement de leurs indemnités semble être réapparu depuis fin
2000.
La mise sous traitement antirétroviral 93
Tableau 2
Indications de mise sous traitement ARV dans l'Initiative
Si le bilan biologique et clinique ne présente pas d'anomalie 7
Charge (non faite) <SOOO deS 000 à > 10000
virale copies/ml 10000 copies/ml
CD4 copies/ml
>SOO/mm1 Abstention Abstention Abstention et Traitement
répéter la
charge virale
:sSOO/mm1 Traitement Traitement Traitement Traitement
7 Le bilan est dit « anormal» lorsque des affections (telles que tuberculose! ou des anomalies
sanguines (anémie par exemple) sont détectées. Elles doivent alors être traitées avant toute
perspective de mise effective sous traitement ARV et donnent lieu à une prescription mé-
dicamenteuse, s'accompagnant d'une mise sous prophylaxie par cotrimoxazole si le patient
a moins de 500 CD4/mm' (sauf contre-indication). Selon les données de Retro-CI, environ
20 % des patients se présentant dans l'Initiative présentent de telles anomalies impliquant
de différer une mise sous traitement ARV.
~ 94 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
explicitement que « seuls les dossiers répondant aux critères biologiques et préa-
lablement sélectionnés par les médecins, puis approuvés par le Secrétariat technique,
seront soumis au Comité de gestion pOlir subvention ». Pour les patients ayant
droit à la subvention de 95 %, le médecin doit s'assurer, soit qu'ils sont
effectivement membres d'une association et vérifier que leur nom figure
effectivement sur la liste déposée par chaque association et transmise
par le coordonnateur technique, soit qu'ils ont effectivement participé à
un essai thérapeutique de réduction de la transmission mère-enfant en
leur demandant de fournir une lettre des responsables du projet.
Pour les patients qui estiment ne pas être en mesure de prendre
en charge un traitement ARV à plein tarif et peuvent alors prétendre à
la subvention de 50 % ou de 75 % en tant que « démunis », les médecins
ont à tenir compte, outre du critère de la résidence 8, du niveau de res-
sources et du nombre de personnes à charge déclarés par le patient lors
de l'administration du questionnaire socio-démographique de bilan
initial. Ce travail de vérification de critères extra-médicaux est parti-
culièrement délicat pour les médecins. D'un côté, ceux-ci peuvent se
montrer réticents à constituer un dossier de demande de subvention
pour les patients qu'ils estiment en réalité être en mesure de payer in-
tégralement leur traitement, cela dans un souci d'équité visant à pri-
vilégier vraiment des patients économiquement plus « faibles ». D'un
autre côté, les médecins ont aussi à prendre en considération le fait que
ceux pouvant prétendre à une subvention ne doivent pas être « trop
démunis », puisqu'ils doivent quand même être en mesure de mobiliser
un certain niveau de ressources afin d'assumer, chaque mois, la part du
coût du traitement qui restera à leur charge (de l'ordre de 50 000 à
80 000 FCFA). L'imprécision des critères socio-économiques donnant
droit à la qualité de « démunis» tend bien à mettre les prescripteurs
dans une situation, difficilement gérable, de « double contrainte ». Il leur
faut, dans un même entretien, vérifier que les patients sont « suffisam-
ment» pauvres pour légitimer l'octroi d'une subvention, mais aussi
qu'ils disposent de ressources financières « suffisantes» pour assurer la
continuité du paiement des frais de traitement ARV restant à leur
charge.
B En principe les non-résidents dans le pays n'ont pas accès à une subvention.
La mise sous traitement antirétroviral 97
importance. Les critères les plus cotés sont le sexe, le revenu et le statut matrimonial» ;
une femme est ainsi plus « cotée» qu'un homme, une personne mariée
plus qu'un célibataire, etc. Les fiches préparées, puis visées par le Secré-
tariat technique, sont alors transmises au Comité de gestion, au plus tard
trois jours avant que celui-ci se réunisse.
9 Sur ces deux points, le dispositif de collecte de données mis en place par Retro-CI ne
permet aucune réponse prçcise. Seule notre enquête auprès d'un échantillon de personnes
infectées par le VIH (chapif~e 4) souligne les différences entre les patients traités dans l'Ini-
tiative et le reste des patients suivis dans des structures de soins.
10 Djomand G, Roels T, Chorba T. HIV/AID5 Dmg Accrss ll1ilialive. Pre1irnilwry Reporl (Augusl
laboratoires de Retro-CI. Il conviendrait d'y ajouter un certain nombre de patients qui ont
pu avoir accès à un traitement ARV dans l'Initiative par un autre circuit, notamment dans
le cadre d'accords de partenariat directs entre de grandes entreprises et certains centres
accrédités comme le Cirba.
La mise sous traitement antirétrovirai
Figure l
Évolution des patients naïfs ayant effectué un bilan dans l'Initiative
(août 1998-mars 2000)
Bilan initial
n = 1 874
1
t
Perdus de vue
+
Revenus à la visite
n = 794 d'évaluation
n = 1080
1
+
A bénéficié d'une
l
N'a pas bénéficié d'une
prescri ption d'ARV prescription d'ARV
n = 422 n = 658
t
194 (à plein tarin
t
217 pour bilan anormal
222 (à tarif subventionné) 90 pour non éligibilité médicale
6 (mode de paiement inconnu) 255 en attente de subvention
96 pour données manquantes
Source: Retro-CI.
Selon les données fournies par Retro-CI fin mars 2000, plus de la
moitié (52,6 %) des patients sous ARV dans l'Initiative, dont le revenu
mensuel était inférieur à ISO 000 FCFA, bénéficiaient des subventions les
plus importantes (75 % ou plus); en revanche, c'est le cas de moins de
la moitié des patients ayant les conditions cliniques les plus sévères à
l'initiation du traitement (47,8 % des patients au stade sida, 45,2 % des
patients à moins de 200 CD4/mm'). Ce qui suggère que J'actuelle com-
binaison de critères médicaux ({ larges» d'éligibilité, avec un système de
subventions aux critères socio-économiques insuffisamment définis, ne
permet pas vraiment de garantir la concentration des moyens sur les
groupes de patients présentant les besoins les plus pressants. On notera
anR.§) 102 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
que plus de la moitié (55 %) des 2144 patients ayant eu un bilan dans
l'Initiative entre août 1998 et mars 2000 présentaient un taux de CD4
inférieur à 200/mm' au moment de leur inclusion, ce qui donne une
indication sur les conséquences que pourraient avoir des critères d'ini-
tiation du traitement ARV plus restrictifs.
Selon les données foumies par la coordination technique, l'évo-
lution du nombre de patients traités par ARV dans l'Initiative est la sui-
vante: 649 recensés fin mars 2000, 864 en août puis 1 013 en novembre
de la même année. Ce qui indique une poursuite régulière des mises
sous traitement, en dépit des difficultés multiples d'approvisionnement
en ARV au cours de J'année 2000 décrites par ailleurs dans le chapitre 1.
Cependant, entre mars et août 2000, la proportion de patients ne retour-
nant pas dans l'Initiative après le bilan initial serait restée stable: de
l'ordre de 43 %.
12 Observations faites au cours du suivi de patients réalisé par K. Delaunay (Cf. supra) et
intervenues dans un contexte particulier, celui des suites du lancement du rSTI (à la mi-avril
1999), avec une orientation massive vers le CAT d'Adjamé de patients de l'essai Cotrimo-Ci,
en vue de faire pression pour qu'ils aient accès à la subvention de 95 % qui leur était, dans
les faits, refusée (ce que les patients apprenaient une fois sur place), alors qu'elle était ac-
cordée aux femmes ayant participé à des essais de prévention de la transmission mère-
enfant.
La mise sous traitement antirétroviral 103
" Dumoulin J, Kaddar M. Le paiement des soins par les usagers dans les pays d'Afrique
subsaharienne: rationalité économique et autres questions subséquentes. Sciences Socinles el
Snnli 1993 ; II (2).
" lizio S, Flori YA. L'Initiative de Bamako: santé pour tous ou maladie pour chacun. Revue
Tiers Monde 1997 ; 38 (152) : 837-58.
La mise sous traitement antirétroviral 107
ils de,rront payer leurs inlranls fi ils seraienl alors allentifs à Ifl.lrs choix» 16. Enfin,
la participation financière directe des usagers est également censée jouer
un rôle de responsabilisation, voire d'éducation pour la santé, et même
fournir « un moyen de modifier les délemlinanls comporiementaux de l'élat de
santé» 17. En mobilisant des ressources plus importantes pour le fonction-
nement des structures publiques de santé, le recouvrement des coûts
doit théoriquement améliorer leur gestion et la qualité des prestations
qu'elles fournissent. empêchant par là même la fuite vers le secteur privé
d'une partie de la «demande solvable J. JI est même a priori compatible avec
un objectif égalitariste d'équité puisque les reSSources épargnées par le
budget de l'État grâce à la contribution financière des ménages, peuvent
en principe être consacrées à une subvention d'exonération de paiement
pour les ménages les plus défavorisés. Le recouvrement des coûts n'ex-
clut donc nullement des formes de gratuité des soins pour certaines ca-
tégories de la population. La Banque mondiale, elle-même, note que
même dans les hypothèses les plus optimistes sur la « capacité el la propen-
sion à payer» les soins de santé dans les pays en développement une
proportion importante de la population continuera de requérir l'assis-
tance lB L'une des commissions préparatoires à l'Atelier de consensus de
juillet 1997 soulignait d'ailleurs qu'« UI1 grand nombre de séropositifs Il'onl de
fait accès qu'aLu services de sanlé leur offrant les pres/alions les moins coûlwses,
voire gratuites» 19
L'orientation générale qui semble avoir dominé la conception ini-
tiale d'introduction des ARV en Côte d'Ivoire, dans le cadre de l'Initiative,
a néanmoins considéré que de tels traitements ne sauraient être totale-
ment gratuits dans un pays ayant opté pour la politique de recouvre-
ments des coûts des soins de santé. Mais, à la différence de J'Ouganda
où le gouvernement a fait le choix de ne soutenir directement l'Initiative
qu'à travers la mise à disposition d'une infrastructure sanitaire et de
Il n'en reste pas moins que la catégorie dite des « démunis» est
demeurée floue alors qu'elle est la seuJe permettant J'accès au système
de subvention pour les personnes infectées par le VIH n'appartenant pas
au « cercle» des associations et des essais. De plus, compte tenu des prix
des bi- et trithérapies, l'attribution de subventions de l'ordre de 50 % et
de 75 % laisse à la charge du patient des sommes équivalentes ou parfois
supérieures au salaire minimum, ce qui suggère que les bénéficiaires de
telles subventions ne sont pas nécessairement « les plus pauvres ». Ce
que confirme le statut socio-économique plutôt plus élevé des patients
dans l'Initiative par comparaison avec le reste des patients infectés fré-
quentant les structures de santé (voir chapitre 4.]). En dépit de son in-
déniable souci d'équité, les ambiguïtés relatives de l'actuel système de
subventions ont donc pu contribuer à créer des situations difficiles à
gérer pour les patients.
20 Possibilité qui est désormais ouverte puisqu'elle a été testée dans Je cadre de l'expérience
21 Comme l'expliquait l'assistant sociill de cette structure, aucune autre alternative que J'ap-
partenance à une assodation (soit par l'obtention d'une subvention spécifique soit I~a lin
système d'assurance interne au corps des militaires) n'avait pu être trouvée pour élargir
l'accès au traitement parmi les patients du HMA.
OOR?) 112 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
11Huard P, Aventin L. Les enjeux de la lulle contre le VIH/sida dans les entreprises en
Afrique. Revue Illlematiollale des Sciences Sociales 1999; na 161.
La mise sous traitement antirétroviral 113
Chapitre 3.1
L'impact de l'Initiative sur la disponibilité
et l'accessibilité des médicaments
Anne JUILLET, Claude MALAVAL, Jean-Paul MOATTI
Introduction
Matériel et méthodes
Tableau 3
Médicaments étudiés par catégorie
Année
Catégorie Dénomination d'introduction
sur le marché
ARV
AZT 100 mg Avant 1996
AZT 250 mg 1998
AZT 10 mg/ml (enfant) 1999
AZT 300 mg 2000
ddl 50 mg Avant 1996
ddl \00 mg Avant 1996
Inhibiteurs ddI 25 mg (enfant) 1999
nucléosidiques ddl 2 g/1 00 ml (enfant) 1999
de la transcriptase ddl 4 g/200 ml (enfant) 1999
inverse d4T 30 mg 1997
d4T 40 mg 1997
d4T 1 mg/ml (enfant) 1999
ddC 0,375 mg 1997
3TC 150mg 1998
3TC 10 mg/ml (enfant) 1999
Combivir (AZT/3TC) 1999
Inhibiteur non
Efavirenz 200 mg 2000
nucléosidique
Saquinavir 200 mg 1997
Indinavir 400 mg 1997
Inhibiteurs Indinavir 200 mg (enfant) 1998
de protéase Nelfinavir 250 mg 1999
Ritonavir 80 mg/ml (enfant) 1999
Ritonavir 100 mg 2000
Médicaments pour les infections opportunistes (MOP)
Érythromicine 250 mg Avant 1996
Érythromicine 500 mg Avant 1996
Nystatine 0,5 MU Avant 1996
NystatineO,1 MU Avant 1996
Triméthoprime + sulfaméthoxazole Avant 1996
80/400
~118 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Tableau 3 (suite)
Résultats
Figure 3
Schéma initialement prévu par l'Initiative pour l'approvisionnement
enARV
ill1R?) 120 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Figure 4
Évolution des fournisseurs d'AR V de la Phannacie de santé publique
(t 996-1999)
fournisseurs 96 fournisseurs 97
1 Ofo 20/0
'. 1
• Merck Rod1e
fournisseurs 98
.. fournisseurs 99
'. . ...
12 ~o
DflMS o Medical Access o BMS • Merck . . Roche
• VCF inc. .Glaxo W o Medical Access • Glaxo W
Figure 5
Circuit actuel de distribution des ARV en Côte d'Ivoire (2000-2001)
1 la PSP revend sans aucune mMge les ARV qu'elle achète par appel d'offres en début
Clients 97
3 % 0.4 0/0
1.6%
CNTS .CHU DeNTS DCHU
• Clinique la Madone. PSP infinnerie • PSP infirmerie • HôpitalLx gallx
o Hospital gallakota D PISAME o FPTS • Cirba D Client occas
Clients 98
J9%
24 %
des ARV étaient distribués à des centres qui n'ont pas été retenus par la suite dans le pro-
cessus d'accréditation mis en place dans le cadre de l'Initiative.
, CAT d'Adjamé, (jrba, CNTS, Hôpital militaire, Service de pédiatrie du CHU de Yopougon,
Service des maladies infectieuses du CHU de Treichvil.le, USAC. Ces sept centres accrédités
représentent 98 010 des ventes d'ARV de la PSP en 1999. Le huitième centre accrédité de
l'Initiative, PPH Cocody, est entré en fonction pour la distribution des ARV en 2000.
Impact de l'Initiative sur la disponibilité et l'accessibilité des médicaments 123
Figure 7
Évolution des ventes d'ARV en Côte d'Ivoire
160 000-r;:======:::;-----------------;~==~=::;l
• Total inhibiteurs Nov. 99 .
Changement
140000 de protéase subvention
o Total inhibiteurs
'c 120000 nucléosidi ues
.9
15.
'': 100000
~
~ Juillet 97 .
0. 80000 Atelier de
Q)
consensus
-0
national
'"
'1! 60000
2
::J
C 40000
Q)
20000
o+---""-'T-.........
-+----="-r-'--.y.--'~-.L.Li=--,---l.__-_._-.,._-__.___=i
janv, mai sept. janv. mai sept. janv mai sept. janv. mai sept.
I~J~ 1~lm lm lm 1~ I~ I~ 1~1~1~
4 Dans certains cas. des combinaisons et des dosages sous-optimaux ont été prescrits plutôt
que de stopper momentanément les traitements, ce qui aurait réduit les risques de résis-
tance.
Impact de l'Initiative sur la disponibilité et l'accessibilité des médicaments 125
Figure 8
Évolution comparée des ventes de médicaments anti-hypertenseurs,
AR V et pour le traitement des infections opportunistes par la PSP
(I996-1999)
, C'est généralement en janvier de chaque année que les appels d'offres sont lancés. Pour
J'année 2000, l'appel d'offres n'a pu être lancé qu'au mois de mars du fait des changements
politiques intervenus en décembre 1999. Les prix d'achat et de vente par la PSP, de 1996 à
2000, sont présentés dans les tllb/eaux 4 et 5, p. 131 et 132.
ill1R§) 126 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Figure 9
Prix PSP des ARV par type de médicament et selon les dates de mise
sur le marché ivoirien
c 1400
.2
."§.I 200
...
\.J
-+- Prix moyen pour les
~
Q.,
1 000 1NTI présents sur le
v
"0 800
... marché en 1996
.... Prix moyen pour les
~ 1NTI introduits sur
2 600 le marché en 1997
::l
... -- Prix moyen pour les
'"0.. 400 IP introduits sur le
~ marché en 1997
U 200
u..
5 0
1996 1997 1998 1999 2000
Une analyse plus détaillée montre gue les diminutions les plus
significatives sont à relier à la capacité de la PSP de mettre en compétition
les firmes pharmaceutiques notamment grâce à la confrontation, chaque
fois qu'elle est possible, avec les producteurs de médicaments génériques
(figure 4). Alors que les diminutions de prix pour le ddl, pour lequel il
n'existe qu'un fournisseur ŒMS), varient sur la période en moyenne en-
tre 5 et Il % selon le dosage (50 ou 100 mg), on observe une diminution
de 24 010 entre 1996 et 2000 pour l'AlT du fait de la compétition introduite
par les fabricants de génériques. En effet, jusqu'en 1997, Apotex, produc-
teur canadien de génériques, était le fournisseur de la zidovudine; en
" Les indices de prix à la consommation du poste santé des ménages ouvriers ivoiriens
indique une évolution de 154,9 en janvier 1996 il 161,5 en janvier 2000 (indice 100 en janvier
1992) ONS).
Impact de l'Initiative sur la disponibilrté et l'accessibilité des médicaments
Figure 10
Évolution des prix d'achat des médicaments présents sur le marché
ivoirien en 1996
c 800
.3
~
0..700
~
.:
u
~ 600
0.. -+- Prix moyen pour les
'" 500 MOP
-0
~ 400 ..... Prix moyen pour les
ë .,....------ anti-hyper1enseurs
:: 300 ~ ....... Prix moyen pour
les ARV
2.. 200
~
ii 100 • • • •
c
'" 0
1996 1997 1998 1999
~128 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
c 1 200.00
.2
0..
.;: 1 000.00
.- - ~-.
v
'"
Q,)
0.. 800,00
-------A -+- Prix moyen pour les
MOP présents sur le
Q,)
"Cl marché en 1996
'~ 600,00 ...... Prix moyen 1996 sa ns
C pefloxacine 400 mg inj
:J
~
.... 400,00
--.au Prix d'adlat ciproflo-
'"0. xacine 200 mg inj
~ 200.00
U
w...
c • • • •
Q,)
0.00
1996 1997 1998 1999
Retro-CI montrant que 40 Ofo des personnes infectées par le VIH se pré-
sentant au bilan initial pour entrer dans l'Initiative n'ont aucun revenu
et que 45 Ofo ont moins de 240000 FCFA par mois.
Figure 12
Évolution des prix mensuels de bi- ou trithérapies courantes
(I997-2000)
350 000
.... •
300 000
• ~~
or~_
)( )(
a
1997 1998 1999 2000
Conclusion
Figure 13
Comparaison des prix des antirétroviraux (par dose journatière)
en 2000 <Brésil, Côte d'Ivoire, Ouganda, USA)
Source.Onusicla.
Tableau 4
Prix des médicaments antirétroviraux à la Pharmacie de santé publique (PSP) par comprimé
CI PLA
générique d4T30 mg 857 nd '"
~
0-
génériquf d4T 40 mg 1044 nd CD
~
Hivid'" ddC 375 mg 1200 1200 375 375 487,96 446 446 446 ro-
0-
Roche [nvlrase" Sclquinavir 200 mg 877,8 878 698,94 552 741,4 745 677,27 nd et>
Cf>
Tableau 5
~J
r-
Prix des médicaments antirétroviraux pédiatriques vendus à la Pharmacie de santé publique (PSP) ~-
(")
par comprimé "'.
V>
êx
Labora- Nomde 1998 1999 2000
Molécule ê.
toire spécialité vente
ro
achat achat vente achat vente 3
co
::::>
dd[ 25 mg 149 149 v>
0..
c
1 Videx'" dd[2g/[00 ml JO 275 10275 <
BfvlS l
N ddl4 g/200 ml 20545 20545 ;;;-
a:
T Zérit"' d4T 1 mg/ml 18700 18700 18700 18700 tu
co
1 ::::>
Glaxo Relrovir'" AZT JO mg/ml 14500 14500 16200 16200 Cl
0'
Wellcome Epivir" 3TC [0 mg/ml 14000 14000 ro
0..
Chapitre 3.2
L'échec de Medical Access
Karine DELAUNAY, Philippe MSELlATI, Claude MALAVAL
nistère de la Santé pour qu'une transaction de gré à gré fût possible entre
MA et la PSP. Si la caution onusienne donnait a priori confiance en MA
aussi bien aux firmes qu'à la PSP, sa médiation n'était pas nécessairement
vue comme favorable à un approvisionnement « SéCllrisé il prix modérés» :
d'une part, les firmes ne disposaient pas avec MA des garanties finan-
cières qu'elles avaient avec une structure relevant du gouvernement
ivoirien lui-même telle que la PSP ; d'autre part, la PSP préférait travailler
directement avec les firmes plutôt qu'avec des intermédiaires, s'estimant,
non sans raison sur la base de l'expérience antérieure, en mesure de
régler les éventuels problèmes. la confiance en MA fut rapidement
anéantie dés qu'il apparut que des unités livrées gratuitement à MA par
le laboratoire Roche avaient été revendues et facturées à la PSP.
Chapitre 4.1
l'accès aux traitements des patients vivant
avec le VIH/sida en Côte d'Ivoire .
une enquête quantitative
Anne JUILLET, Philippe MSELLATI, Marc SOUVILLE,
Johanne PRUDHOMME, Hortense AI0\-DAGO AKR1131,
Jean-Paul MOATII
Introduction
n'a jamais été rendue publique sur les critères retenus pour chaque ni-
veau de subvention. Dans ce contexte d'absence de recommandations
claires, et comme le confirment les entretiens réalisés par ailleurs auprès
des professionnels concernés (voir chapitre 5.4)/ les équipes médicales
ont de fait été conduites à procéder, plus ou moins spontanément, à des
formes de présélection. Dans certains cas, les médecins ont peut-être
renoncé à ne pas orienter vers l'Initiative des patients potentiellement
éligibles en termes médicaux; dans d'autres cas, ils ont sûrement été
conduits à ne pas ouvrir de dossiers pour des patients venus solliciter
un bilan dans le cadre de l'Initiative dans la mesure où il leur apparais-
sait que ces derniers ne seraient pas en mesure de mobiliser les ressour-
ces financières indispensables pour couvrir les dépenses restant à leur
charge, même après obtention d'une subvention. Deux seuls cas de fi-
gure fixaient de façon claire les conditions d'attribution d'une subven-
tion à 95 % : d'une part, celui des patients appartenant à une association
de personnes vivant avec le VIH et figurant sur la liste soumise aux
autorités par cette association, et d'autre part, celui des femmes ayant
participé auparavant aux essais cliniques de prévention de la transmis-
sion mère-enfant du VIH.
Dans ce contexte, nous avons souhaité décrire le profil des pa-
tients inclus dans l'Initiative, et notamment ceux mis sous traitement
ARV, afin de les comparer au reste de la population de patients infectés
bénéficiant ou non d'une autre forme de prise en charge médicale.
Matériel et méthodes
Une enquête transversale a été conduite dans six des centres ac-
crédités pour la prescription des ARV, dans un centre de suivi de l'Ini-
tiative Onusida 1 et dans deux autres structures 2 de santé largement fré-
quentées par des personnes se sachant infectées par le VIH. Pendant la
durée de l/enquête, un questionnaire administré en face à face par un
1 SMI du CHU de Treichville, USAC, Hôpital militaire d'Abidjan (HJvlAl, CAl' d'Adiamé,
Résultats
Tableau 6
Caractéristiques des patients infectés par le VIH ayant répondu
à ('enquête parmi l'ensemble des patients fréquentant les
structures de santé concernées (n = 1 087)
Question- Questionnaire
naire proposé (0 = 745)
non proposé
Refusé Accepté p' p'
(Il (2) (3) 1 versus 2 versus 3
n=342 n=34 0=711 (2 + 3)
• Test du Chi-2.
Source: Évaluation de J'Initiative Onusida, 1999-2000, Abidjan.
les patients bénéficiant déjà d'un traitement ARV dans le cadre de l'Ini-
tiative (n = 141 ; 19,8 %); les patients ayant déjà eu un bilan dans le cadre
de l'Initiative, mais en attente de traitement ARV au moment de notre
enquête (n = 101 ; 14,2 0/0); les patients bénéficiant de traitements ARV
dans un circuit extérieur à l'Initiative (n = 23 ; 3,2 0/0) ; et enfin la majorité
des patients ne bénéficiant d'aucun traitement ARV et qui ne sont pas
inclus dans l'Initiative (n = 446; 62,7 %). Dans ce dernier groupe, le plus
important en nombre, il est important de noter que moins du tiers des
patients (29,6 0/0) déclarent avoir déjà entendu parler de l'Jnitiative d'ac-
cès aux traitements du VJH/sida du ministère de la Santé ivoirien et de
l'Onusida.
Dans les tableaux 7 à JO, les quatre groupes de patients ont été
comparés statistiquement en utilisant le test du chi-2 pour les variables
qualitatives, un test-t ou un test Mann-Whitney pour les variables quan-
titatives.
Caractéristiques socio-démographiques des patients traités ou non dans et hors J'Initiative ivoirienne
(enquête 1999-2000, n = 711)
r
~-
Initiative Hors Initiative Total "'.
(")
V>
Traités Non traités p Traités Non traités p (4 versus
(I) (2) (1 versus2) (3) (4) 1+2+3) '"c::x
~.
fi)
Nombre de patients 141 101 23 446 71l 3
(% du total) 09,8 0/0) 04,2 0/0) (3,2 0/0) (62,6 0/0) 000 0/0) '"=>
48,2 0/0 ;;>
Sexe féminin 64,4 0/0 0,001 34,8 0/0 46,2 0/0 0,07 48,8 0/0 0-
Âge moyen (écart-type) 37,2 (8) 32,7 (8) 0,Ol 38,3 (8) 34,6 (8) 0,1 35 (8) c::
<
Scolarisation secondaire ou l
......
supérieure 73,0 % 51,S 0/0 0,0006 69,6 0/0 35,6 0/0 0,000 46,40/0 !!J.
0-
Sans activité professionnelle* 27,70/0 44,5 0/0 0,0006 30,4 0/0 43,7 % 0,01 40,2 0/0 '"'"=>
Fonctionnaire, cadre, ou chef
n
d'exploitation 30,5 0/0 19,8 0/0 0,06 39,1 % 1l,7 0/0 0,000 17,4 0/0 d'
fi)
Nationalité étrangère 17,0 0/0 8,9 0/0 0,07 39,1 0/0 17,7% 0,5 17,0 0/0 ~
Patient étant chef de ménage 56,3 0/0 43,6 0/0 0,06 78,3 0/0 49,1 % 0,3 50,6 0/0 :c:-
o
Taille moyenne du ménage 03"
(écart-type) 7,8(5) 7,4 (4) 0,3 6,4 (4) 8,4 (8) 0,4 8,1 (8)
Propriétaire du logement 48,9 0/0 48,S 0/0 0,9 43,5 0/0 43,0 0/0 0,3 45,0 0/0
logement en « cour commune" 27,7 ok> 33,7 0/0 0,3 43,5 0/0 61,0% 0,000 50,0 0/0
logement sans eau courante 7,8 % 12,9 0/0 0,2 4,3 ok> 42,1 0/0 0,000 30,0 0/0
Possède un réfrigérateur 72,70/0 59,4 0/0 0,03 60,9 0/0 29,2% 0,000 43,2 0/0
Dort dans une pièce ventilée
climatisée 85,8 0/0 71,3 % 0,006 78,3 % 53,4 % 0,000 63,1 0/0
A changé d'activité depuis le
diagnostic VIH+ 17,7 0/0 26,7 0/0 0,09 26,1 0/0 35,0% 0,001 30,1 ok>
Bénéficie d'une assurance
maladie (personnelle ou tiers) 36,2 % 29,7 0/0 0,3 21,7010 10,3 % 0,000 18,6 0/0
Participation aux dépenses du 107947 53462 0,001 113252 45920 0,001 61470
ménage (moyenne en FCFA)* 04590S) (77714) (07823) (67821) (94701)
1 Pour 2 de ces 23 patients, leur traitement est néanmoins directement pris en charge par
leur entreprise.
L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'IvOire
Tableau 8
Niveau de subvention des patients pour un traitement ARV
dans J'Initiative (enquête 1999-2000, n = 141)
4 En supposant, comme nous l'avons montré dans les chapitres 2 et 3, que pour les traite-
ments par bithérapie et trithérapie les plus fréquentes en Côte d'Ivoire, le coût moyen men-
suel respectif esl dans un cas inférieur il 100000 FeFA el dans l'aulre cas situé entre 270000
et 285 000 FeFA.
L'accès aux traitements: enquête quar!l:atlve 149
Parmi les 650 patients pour lesquels nous disposons d'une numé-
ration des lymphocytes C04 au moment de notre enquête, aucune dif-
férence significative n'apparaît entre les quatre groupes en termes de
niveau de CD4 (Iableau 9). On constate notamment que, tant parmi les
patients traités, que parmi ceux qui ne le sont pas, près de la moitié
présente une immunodépression avancée « 200 CD4/mD. JI faut cepen-
dant noter que s'agissant des patients traités dans l'Initiative, leur taux
moyen de CD4 (J85 ± 132) était plus faible lors du bilan à l'inclusion
(selon les données de Retro-CI) qu'au moment de notre enquête, ce qui
souligne logiquement l'impact du traitement ARV.
En moyenne, les patients de notre échantillon se savent infectés
par Je VIH depuis moins d'un an. Dans l'ensemble, les patients ne bé-
néficiant pas de traitements ARV ont pris connaissance de leur séropo-
sitivité de façon plus récente que les patients traités. Ceci suggère la né-
cessité d'un processus d'apprentissage et d'accumulation d'information
pour être en mesure d'engager des démarches pouvant se traduire en
définitive par un accès aux traitements ARV (tableau 9). Néanmoins, alors
que leur niveau de C04 ne diffère pas de ceux du reste de l'échantillon
et qu'ils ont même tendance à présenter un plus grand nombre de signes
cliniques de la maladie (stades sida, 3 ou 4), la majorité des patients qui
sont hors Initiative ne semblent également pas bénéficier d'une prise en
charge minimale adaptée, comme en témoigne la proportion limitée
(moins du tiers) d'entre eux sous prophylaxie par cotrimoxazole
(tableau 9). La poursuite de la prophylaxie par cotrimoxazole parmi les
patients bénéficiant déjà d'une mise sous traitement antirétroviral peut
continuer à susciter débat dans le contexte africain. Cependant, les re-
commandations récentes insistent, en l'absence d'accès aux ARV, pour
~
......
V1
a
Tableau 9
,-
Caractéristiques d'état de santé des patients traités ou non dans et hors J'Initiative ivoirienne ~-
n
(enquête 1999-2000, n = 711) (]).
V>
êx
Initiative Hors initiative Total 03
Traités Non traités p Traités Non traités p (4 versus ~
(I) (2) (} 11ersu5 2) (3) (4) 1+2+3) 3
(])
:::J
u;-
n = 141 n = 101 n=23 n=446 n=711 0-
C
<
Patients ayant eu une mesure des l
'-
CD4 au moment de l'enquête 135 (95,7 0/0) 99 (98,0 0/0) 0,3 19 (82,6 %) 397 (89,0 0/0) 0,003 650 (91,4 0/0) V>
0:
Moyenne des CD4 (écart-type) 240 (I93) 224(227) 0,5 229(273) 276 (263) 0,03 260(243) . '"
(])
:::J
Patients à moins de 200 CD4 48,1 0/0 57,6 % 0,2 47,4 % 48,6 0/0 0,6 49,8 0/0 n
Stade clinique su périeur à 2 39,2 0/0 46,0% 0,3 52,3 0/0 57,2 0/0 0,000 51,9% 0'
ro
Sous prophylaxie cotrimoxazole 5l,l % 54,4 % 0,5 39,1 % 24,9 0/0 0,000 34,9% 0-
qu'une telle prophylaxie soit prescrite aux adultes présentant une infec-
tion à VIH symptomatique (stade 2, 3, 4) et/ou présentant un taux de
CD4 inférieur ou égal à 500/mm' (Onusida, 2000) (voir chapitre 5.2). Si de
telles recommandations étaient suivies, la proportion de patients sous
cotrimoxazole parmi les patients non traités par ARV dans notre échan-
tillon devrait être supérieure à 90 0/0, que ceux-ci soient hors Initiative
ou en attente de traitement dans l'Initiative.
Enfin, on notera que l'absence de traitements ARV s'accompagne
d'une perception subjective dégradée de leur état de santé pour plus du
tiers des patients concernés qu'ils soient ou non dans l'Initiative. De fa-
çon non surprenante, les patients sous ARV sont significativement beau-
coup moins nombreux à se plaindre d'une dégradation de leur état de
santé en dépit d'une persistance non négligeable d'épisodes morbides.
tiative, celles qui n'ont pas encore accédé au traitement ARV sont aussi
beaucoup moins nombreuses à avoir informé leur partenaire principal
de leur statut sérologique, et également moins nombreuses à utiliser un
préservatif avec ce partenaire (une telle utilisation pouvant justement
« signifier» un aveu « indirect» à leur partenaire),
Conclusion
, Djon1and G, Roels T, (horba 1'. Hill drug QmS5 lllilia/ive, Prelimirlary repar/. illlgus/ 1998-A'!arch
2000, Satellite meeting on the Unaids Drug Access Initiative, Durban, South A rr-j Cil , 9 JuI)'
2001, 22 p,
Tableau 10
Comportements sexuels chez les patients traités ou non dans et hors l'Initiative ivoirienne
(enquête 1999-2000, n = 71 ])
A un partenaire principal 70,9% 61,4 0/0 0,1 78,3 0/0 61,9 0/0 0,1 64,1 %
Ne connaît pas le statut sérologique du
partenaire principal* 51,4% 65,2% 0,09 66,7% 84,1 0/0 0,000 74,4 % ,-
",-
A informé son partenaire principal de son n
n
(1)'
statutVIH+ 56,7 % 40,7% 0,04 50,0% 45,1 % 0,3 47,7 0/0 V>
.......
\..n
W
L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
différences quant au sexe (48,2 010 VITSUS 42,4 0/0 de femmes) et à l'âge
(37,2 ans en moyenne dans notre étude versus 34,3 ans). De plus, alors que
88,5 % des patients de notre échantillon sous ARV dans l'Initiative ont
un niveau de scolarisation inférieur ou égal au secondaire, ils sont 71,0 %
dans ce cas parmi les patients de l'ensemble de l'Initiative qui sont sous
ARV. Il semblerait donc que notre étude sous-représente le groupe des
patients « aisés» ayant eu accès aux traitements ARV, qui sont généra-
lement des hommes actifs ayant un niveau d'étude supérieur. C'est ce
que suggère également la moindre propension des médecins participant
à notre enquête de proposer la passation du questionnaire à ces mêmes
groupes plus « aisés », sans doute perçus comme plus sourcilleux quant
au risque de remise en cause de la confidentialité dans le cadre d'une
enquête de ce type.
Même dans le cadre de l'Initiative, ceux qui ont accès aux antiré-
troviraux sont plus souvent des hommes plus âgés et des chefs de mé-
nage ayant été jusqu'au secondaire ou au delà. Tout se passe comme si
l'affirmation de critères de priorité pour l'accès aux subventions maxi-
males (95 %) dans le cadre de l'Initiative pour les femmes ayant participé
à des essais cliniques dans le cadre prénatal et pour les membres d'as-
sociations de personnes vivant avec le VIH, n'était pas suffisante pour
compenser totalement l'impact des barrières socio-économiques et so-
cio-culturelles dans j'accès aux ARV. Ceci n'est d'ailleurs pas surprenant
dès lors qu'outre les critères purement médicaux, l'appréciation de la
capacité du patient à faire face aux contraintes du traitement ARV (y
~156 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
6 Ette j, Ette H, jean-Baptiste E, e/ ni. Les coûts des pres/nliolls el syslèmes de proleelioll socin1e,
PSAICEPRASS/MSP, document ronéotypé, J 995, Abidjan, 145 p.
7 Ortiz C, juillet A, Ouattara A. Les mutuelles de santé peuvent-elles être une réponse au
problème d'accès aux soins en milieu urbdin? Le cas d'Abidjan. Colloque interndtional sur
le « Financement des systèmes de santé dans les pays à raible revenu d'Afrique et d'Asie"
(CEROO, Clermont-Ferrand (France), décembre 2000 [communication orale!.
L'accès aux traitements: enquête quantitative [157
non accès aux ARV, sollicitent l'aide de tiers pour leurs dépenses de
santé. Devant le caractère permanent des dépenses dans le contexte des
traitements de l'infection par le VIH, on peut s'interroger sur la pérennité
d'une telle aide, le plus souvent de nature familiale. Le développement
de prises en charge collectives, de type assurance maladie ou mutuelles,
semble nécessaire pour atteindre un tel objectif)' compris dans les cou-
ches de la population infectée bénéficiant d'un certain pouvoir d'achat.
Il faut noter que parmi les patients de notre échantillon inclus dans
l'lnitiative, la proportion de ceux bénéficiant directement, ou par l'inter-
médiélire d'un tiers, d'une mutuelle ou d'une assurance couvrant le ris-
que maladie (33,5 0/0) est plus du double de celle observée 05,5 0/0) dans
une enquête de ]998 auprès de la population générale adulte d'Abidjan 8
Les analyses préliminaires de ce volet d'enquête quantitative au-
près des patients infectés par le VIH convergent avec les résultats obte-
nus et présentés par ailleurs dans l'évaluation de l'Initiative, pour sou-
ligner la nécessité de différencier les sources et les formes de financement
de la demande, dans l'objectif de faciliter l'accès aux traitements du VIHI
sida dans un contexte comme celui de la Côte d'Ivoire. Elles soulignent
la vacuité des positions dogmatiques en ce domaine: qu'il s'agisse, au
nom d'une interprétation unilatérale de la politique dite de « recouvre-
ment des coûts» dans les structures sanitaires, de refuser par principe
toute forme de gratuité de la fourniture des médicaments et des services
de santé y compris dans les groupes de patients infectés les plus démunis
(sous le prétexte qu'il faudrait que les patients « paient pour participer
véritablement à leurs traitements »); ou qu'il s'agisse, à l'inverse, de re-
["user toute forme de complémentarité entre financements public et privé,
alors qu'il s'avère possible au travers de mécanismes d'assurance ou de
solidarité interne aux entreprises de mobiliser une demande solvable
dans certains groupes de population pour la mise sous traitement des
personnes atteintes.
De même, ces résultats confortent les constats, faits par ailleurs
, Perrin H. Le paiement des soins pM les usagers· un système de santé équitable) Analyse
de sensibilité de la demande de soins à Abidjan (Côte d'Ivoird Colloque international sur
le" Financement des systèmes de santé dans les pays à faible revenu d'Afrique el d'Asie»
(CEROIl, Clermont-Ferrand (France), décembre 2000 !communication oraJeL
L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Chapitre 4.2
L'accès aux traitements des patients
vivant avec le VIH/sida en Côte d'Ivoire'
une en(luête qualitative
Djénéba COULIBALY-TRAORÉ, Laurent VIDAL
Présentation de l'étude
Dans cette optique, deux centres ont été retenus pour la conduite
des entretiens et les observations: un centre accrédité de l'Initiative
(l'Unité de soins ambulatoires et de conseil - USAc. du CHU de Treich-
ville) au sein duquel 10 patients sous ARV et 9 patients qui ne le sont
pas ont été rencontrés; un centre hors Initiative (Je Centre antitubercu-
leux de Treichville, CAT) où 10 autres patients qui ne sont pas sous ARV
ont été contactés. Ces personnes étaient toutes informées de leur statut
sérologique depuis au moins deu;x mois. Un à trois entretiens approfon-
dis ont été effectués, le plus souvent dans un lieu extérieur à la structure
de soins et fixé à la convenance de la personne rencontrée. De plus, il
était prévu dans notre protocole d'étude de solliciter l'accord des patients
interrogés pour rencontrer un membre de leur entourage qui soit in-
formé de leur statut sérologique ainsi qu'éventuellement du type de trai-
tement qu'ils suivaient. Ce regard croisé (patient/membre de l'entourage)
nous paraissait nécessaire pour évaluer les modalités d'implication de la
famille dans Je suivi du traitement ARV. Seulement 12 patients sur 29
ont donné leur accord pour qu'un proche de leur choix soit rencontré;
les autres ont refusé. Parmi ces 17 personnes ayant refusé, se trouvent
les Il patients (JO du CAT et une de l'USAO qui ont par ailleurs déclaré
lors des entretiens n'avoir informé personne de Jeur séropositivité. Sur
les 29 personnes rencontrées, 18 ont informé au moins un proche de leur
séropositivité (il s'agit toujours de patients rencontrés dans le centre ac-
crédité de l'USAC : soit les 12 ayant accepté que l'on rencontre un proche
et 6 ayant refusé). Ces 18 personnes (7 hommes et Il femmes) ont 37 ans
en moyenne et vivent en majorité seules (JO célibataires, 5 en couple et
3 veuves) (tableau 11),
ont fourni au proche auquel ils affirment avoir révélé leur statut séro-
logique? Quel niveau de confiance placent-ils en ce dernier quant à sa
capacité à garder confidentielles les informations qui seraient inévita-
blement échangées lors de l'entretien avec un chercheur? Cette difficulté
à rencontrer un proche de la personne séropositive constitue en tout
état de cause une illustration assez juste de la délicate gestion du partage
de l'information sur le statut sérologique 1.2: même dans le cadre d'un
protocole de recherche où un effort particulier a été fait pour garantir la
confidentialité et le consentement éclairé, certains des patients qui ont
accepté des entretiens avec les chercheurs craignent qu'une partie des
informations alors échangées ne soient divulguées à un tiers, à leur insu,
que ce soit par le proche « informé" ou par le chercheur.
Principaux résultats
1 Vidal L. Le silfllCf el Ir 51715. Essai d'alllhropologie dll sida fil Ajru,lIf. Paris, Anlhropos-Economica,
1996: 217 p.
2 Hassoun 1. Le VfW des jemmes ilia/odes du sida à Abidjall : vers 1111 1l0llVenU posiliOllnemflll dll
femmes, partenaires des patients pour trois d'entre eux et parent (le frère
du mari de la sœur aînée de la patiente) pour le quatrième.
Les raisons qui ont conduit les patients rencontrés à réaliser leur
test de dépistage du VIH sont variées. Un problème de santé (paludisme,
diarrhées, dermatoses, zona, furoncles ou tuberculose) est à l'origine de
la démarche de test pour 17 d'entre eux. Quatre personnes ont réalisé
leur test parce qu'elles désiraient simplement «connaître leur statut sérolo-
gique ». Trois femmes l'ont effectué dans le cadre d'un projet de recherche
alors qu'elles étaient enceintes. Enfin, deux patients ont passé un test à
la demande de leur employeur et trois suite à la réalisation du test chez
leur partenaire principal. Par ailleurs, seuls trois des 29 patients rencon-
trés avaient préalablement informé un tiers de la réalisation de ce test
de dépistage.
Les circonstances précises de réalisation du test ne sont pas non
plus généralisables. Nos entretiens révèlent que des tests continuent à
être réalisés à l'insu du patient: dans notre série, deux personnes l'ont
été au cours d'une hospitalisation. Lorsque le test est effectué avec l'ac-
cord de la personne, ce qui est effectivement le cas pour la plupart des
patients interrogés, celle-ci rapporte néanmoins un certain nombre d'ex-
pressions dans la proposition de test qui ne contiennent aucune réfé-
rence explicite au sida ou à l'infection à VIH. Les soignants explique-
raient ainsi aux patients qu'à travers cet examen jls souhaitent savoir
« de quoi tu souffres exactement» ou «si tu as autre chose », ou encore voir « ce
qui ne va pas exactement» ou «si ton sang est propre ». Autant les patients
rencontrés se rappellent en général avec précision les termes utilisés pour
la proposition de test, autant le coût du test est resté peu mémorisé: la
principale explication fournie pour cet « oubli» est alors la diversité des
dépenses engagées durant cette période.
Pendant l'attente du résultat sérologique, deux séries d'attitudes
se repèrent parmi les patients interrogés, qui diffèrent sensiblement se-
lon l'état de santé du patient au moment de la réalisation du test. A
l'anxiété de la personne, présentant déjà des signes de maladie et qui
«avait pensé au sida» quand son état de santé a commencé à se dégrader,
L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
ne pensais pas à quelque chose, je \Ioulais seulement qu'on me dise ce qui ne va pas
puisque avanl celte maladie, je ne lombais pas malade »),
L'annonce de la séropositivité
résultaI », « ça m'a choqué », «je n'ai pas aimé la manière dont on m'a annoncé le
résultat Il). Les termes de l'annonce évoquent souvent de la part des soi-
gnants l'atteinte du sang (<< ton san9 n'est pas bon cc ton sang est sale »), ou
)J,
avons rencontré deux patients qui, bien que bénéficiant d'une subven-
tion de l'Initiative pour l'achat de ces médicaments, pensent à des mé-
canismes de soutien par les proches pour pouvoir assurer leur traitement
dans le long terme et de façon continue. C'est le cas d'une patiente (âgée
de 23 ans, femme de ménage) qui bénéficie de J'aide d'un ami qui lui
paie sa bithérapie depuis le début: elle ne l'a pas informé de la réduction
du prix dont elle bénéficie (25 000 FCFA au lieu de 100 000 FCFA) car
ainsi, dit-elle, «je mets de côté cet argent afin de pouvoir m'acheler moi-même mes
médicamenls si, un jour, pour une raison ou une aulre, je ne peux bénéficier de l'aide
de ce monsieur ».
Ceux qui sollicitent une personne pour les aider dans l'achat des
ARV, l'ont tous informée du motif de cette demande, qu'il s'agisse d'un
responsable ou du médecin de leur entreprise, d'un parent ou d'un ami.
Une femme d'origine congolaise (veuve, âgée de 45 ans) a infonné ses
compatriotes de son traitement et pense que cela l'aide à respecter les
heures de prises des médicaments, que ces derniers peuvent lui rappeler.
Elle pense qu'elle tire profit de leur soutien précisément parce qu'elle ne
leur a rien caché de sa situation: «Ious mes compatriotes savent que je suis
sous lrailemenl du sida... ceux que je fréquente depuis que je connais mon stalut le
savent. Je pense que les malades qui se cachenl suscitent un mythe autour de leur
Irailement, ce qui peut entraîner des questions et des remarques. JI Jaut vivre le plus
nahlrellement possible avec ce traitement puisque c'est Url traitement à vie. Même si
tu dois te cacher, tu vas le Jaire jusqu'à quand? Je me sens soutenue puisque mes
sœurs m'envoienl de l'argent pour l'achat de mes médicaments, mes compatriotes
m'aident beaucoup allec des cadeaux de nourritures {... J Et je me sens vraiment bien J.
Prévention
moyen de prévention auquel ils recouraient déjà avant même leur dia-
gnostic de séropositivité, la contraception semblant être leur principale
motivation. Une fois testés et informés de leur statut sérologique, tous
les patients ont reçu comme conseil d'utiliser des préservatifs. Cependant
certains reconnaissent explicitement ne pas suivre ce conseil. Lorsque le
préservatif est utilisé, il arrive que cette utilisation soit justifiée par d'au-
tres problèmes de santé que le VIH : « j'utilise des préservatifs avec mon par-
tenaire que je conllais depuis à peu près 6 mois, comme j'ai souvflll des candidoses
vaginales; donc je profite de ce traitemfllt pOlir le colltraindre à utiliser des préser-
vatifs. Mais c'est de plus en plus difficile et je le prépare à une annonce de mon statut
en lui parlant de temps en Lemps du sida. Comme il parle de plus en plus de mariage
et d'enfant, je pense qu'il faudra que je l'infonne », nous explique cette jeune
femme de 28 ans, sans emploi. Le préservatif a en effet été présenté pen-
dant longtemps, à travers les campagnes de prévention en Côte d'Ivoire,
comme devant être utilisé lors de rapports occasionnels, ou avec des
personnes « en qui on n'a pas confiance". D'où la difficulté de le pro-
poser au seul motif avoué de vouloir éviter la transmission du VIH : les
patients infectés par le VIH mentionnent par conséquent comme « rai-
sons valables» pour proposer et utiliser le préservatif le fait de souffrir
d'une M5T ou de vouloir adopter une contraception. Certains insistent
sur le risque de ruph.lre du préservatif et évoquent même l'idée que son
usage entraîne des douleurs au cours des rapports sexuels.
ne nous donne pas les préservatifs gratuitement. En plus je me disais que c'est être
méchant d'utiliser des préservatifs avec une femme avec qui j'ai eu des enfants, si
aujourd'hui elle a eu le sida, parce qu'elle m'a fait des enfants, il ne faudrait pas
que je sois égoïste» (homme de 46 ans, marié, veilleur de nuit, pris en charge
à l'USAC mais pas sous ARV). Par ailleurs, quand bien même le parte-
naire n'a pas fait son test, il estimera être lui aussi infecté car il a toujours
eu jusqu'alors des rapports non protégés avec son conjoint / partenaire
dont le statut sérologique positif est désormais connu. Enfin, pour des
couples qui se sont rencontrés postérieurement au diagnostic d'infection
à VJH de l'un des deux partenaires, se pose le problème du partage de
l'information sur le statut sérologique qui peut conditionner l'utilisation
du préservatif (<< c'est difficile d'imposer le préservatif à quelqu'un qui ne comprend
rien, qui n'est pas informé de ton résultat »). Alors, de peur de se voir attribuer
la responsabilité de la contamination, les patients craignent de prendre
l'initiative de cette annonce. On est donc en présence de couples où la
question de l'infection à VJH est occultée.
Notons que le sentiment religieux peut entraîner des préjugés né-
gatifs sur la prévention par le préservatif. mais aussi sur le traitement.
C'est ce qu'illustre, parmi d'autres, ce propos: «je suis religieux et je me suis
dil que Dieu va me protéger comme il l'avait déjà fait pour moi !lorsqu'il a souffert
d'un zona] et qu'il allnit me guérir de celle sale malndie J.
Discussion et conclusion
, DeJcroix S, FioUl)' D. Fairr faer msanblr. Lr soulim psychosocial aux pmol/Ill'S a/frc/frs par Ir V1H/
sida m Afriqur. L'rxpérimcr dl'S cm/us SAS-solidarité ac/ioll socialr Paris, Sidaction, Département
ministériel de la coopération française, Centres SAS, 2000: 240 p.
5Viciai L. Op. cil.
6 Desclaux A, Raynaut C. Lr dépistagr VIH rtlr w/lsril m Afriqur au sud du Sahara. Paris, Karthala,
1997: 326 p.
7 Vidal L. le temps de l'annonce. Séropositivités vécues à Abidjan. Psyc!ropal!rologir afriminr
1994 ; 2(26) : 265-82.
B Vidal L. Op. cil.
~176 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Chapitre 5.1
Introduction aux enquêtes
auprès des soignants de Côte d'Ivoire
Marc SOVVllLf, Annabel OESGRÉES DU LoO, Philippe MSEllATI,
Laurent VIDAl, Jean-Paul MOATIl
1 Service des maladies infectieuses du CHU de Treichville (MIT), Unité de soins ambulatoires
('1 de conseil (USACl, Centre anli-tuberculeux d'Adjamé (CATA), Service de pédiatrie du CHU
de Yopougon, Hôpital militaire d'Abidjan, Cirba et Hôpital de jour de Bouaké.
l Service de pneumophtisiologie du CHU de Treichville, Centres anti-tuberculelL\: de Bouaké
de Port-BouëL
, Deux services (service de pédialrie de Yopougon el service de médecine inlerne de Bouaké)
rentraient dans ce cas de figure.
Introduction aux enquêtes auprès des soignants 181
Elhical dilemmas in care for HIV infection among french generill praclitioners. Heu/lh Polier
1995 ; ~I : 197-210.
7 Obadia Y, Sou ville M, Morin M, Moatti JP. French general praclilioners' altitudes toward
therapeutic advances in HIV care : results of a national survey. In! J sm AIDS 1999; 10:
243-9
Les attitudes des médecins face aux traitements 183
Chapitre 5.2
Les attitudes des médecins de Côte d'Ivoire
face aux traitements du VIH/sida
dans le contexte de l'Initiative
Marc SOlIVIllE, Philippe M5EllATr, Claude MALAVAL, Goze TAPE,
Jean-Paul MOATTI
Introduction
1 Horsman lM, Sheeran P. Health care workers and HIV/ AlOS: a critical review of the lite-
and risk behaviour in Kenyan health care workers. Inl J 5TD AIDS 1993; 4 (4): 200-3.
• Gruenais ME, Vidal l. Médecins, malades et structures sanitaires. Témoignages de prati-
ciens à Abidjan et Brazzaville. Psychopa.hologie africaine 1994; XXVI (2): 247-64.
7 Diarra J, MseUati p. Brissac M. Gardon J. Rey Jl. Sida et personnel soignant en Côte d'Ivoire.
eds. La sa,,'" en Afrique, anaens el nOI1VeGlLX d"fis. la Documentation Française. Afrique contem-
poraine 2000; 195: 91-104.
~184
1 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Résultats
Parmi les 150 médecins exerçant dans les douze services concer-
nés (tab/eall 12),123 ont accepté de répondre, de façon complète, au ques-
tionnaire proposé (taux de réponse: 82,0 0/0).
9 Obadia Y, Sou ville M, Morin M, Moat1i JP. French general praclitioners' attitudes toward
therapeutic advances in HIV care: results of a national survey. lnl J STO AlOS 1999; 10:
243-9.
10 Gerbert B, Bronstone A, Clanon K. Abercrombie P, llùngsberg D. Combination antiretro-
viral lherapy: health care providers confront emerging dilemmas. AlOS Ûlrc 2000; 12:
409-21.
Les attitudes des médecins face aux traitements 185
Le tableau 12 montre que près des deux tiers des médecins inter-
rogés (65,0 0/0) exercent dans un centre accrédité et peuvent donc être
amenés à prescrire des ARV. Près de la moitié d'entre eux (47,2 0/0) ap-
partiennent à des structures sanitaires dont une partie essentielle de l'ac-
tivité est tournée vers la prise en charge de patients infectés par le VIH.
Il est donc logique que près de la moitié des médecins de notre échan-
tillon (45,5 0/0) aient une activité importante en matière de VIH/sida, ca-
ractérisée par le suivi régulier de plus de vingt patients infectés au cours
de l'année écoulée.
Tableau 12
Répartition des médecins enquêtés selon la structure de soins
dans laquelle iJs exercent (Enquête « soignants Côte d'Ivoire ",
novembre 1999-février 2000, n = 123)
(*)Services dans lesquels la proportion de patients pris en charge pour une infection à VIH
diagnostiquée et connue dépasse 40 % de la file active.
% de médecins présentant les caractéristiques suivantes Total % Oui Non (p)2 '"cx
45,5 % 54,5 % ~
~
(n=56) (n=67) 3
ro
:::l
én
Âge<40 ans 70,7 0/0 58,9% 80,6 0/0 0,007 0-
c
Sexe masculin 71,5% 75,0% 68,7 0/0 NS <
Marié 56,9% 60,7% 53,7 0/0 NS l
62,6% 58,9% 65,7 0/0 ;;,
A une pratique religieuse régulière NS Ci:
A un diplôme de spécialité en infectiologie ou pneumologie 20,3% 30,4% 11,9 0/0 0,037 '"
ro
:::l
Exerce dans un service« spécialisé" dans le VIH ' 47,2% 73,2 % 25,4 0/0 0,000 ()
Exerce dans un centre accrédité de ['Initiative 65,0% 71,4% 59,7 0/0 NS 0'
ro
A plus d'un quart de patients VlH+ dans sa clientèle 45,5 0/0 73,2% 22,4 0/0 0,000 0-
A déjà suivi une formation spécialisée sur le VlH/sida 56,1 % 73,2 % 41,8% 0,000 ~
~.
A déjà réalisé au moins une procédure invasive sur un patient infecté par le
VlH 62,6% 80,4% 47,8% 0,000
Fait toujours lui-même l'annonce du diagnostic de séropositivité VlH à ces
patients 44,7 0/0 62,5% 29,9 0/0 0,000
A déjà fait une sérologie VlH pour lui-même 46,3 0/0 57,1 0/0 37,3 0/0 0,022
A déjà fait une sérologie hépatite B pour lui-même 33,3 % 42,9% 25,4 0/0 0,032
Déclare être d'accord que« le port de gants au cours d'actes invasifs sur des
patients infectés par le VlH est une protection suffisante ,,3 61,8% 71,4% 53,7 0/0 0,028
Déclare ne pas être d'accord qu'« un professionnel de santé qui propose le test
VlH risque de faire fuir ses patients »4 57,7% 67,9% 49,30/0 0,029
Connaît « personnellement» (en dehors de ses patients) plusieurs personnes
infectées par le VlH 69,9% 85,7% 56,7 0/0 0,000
1 Services avec patients connus pour être infectés par Je VIH représentant plus de 40 <\'0 de la file active.
l Test du Chi-2.
3 Modalités de réponse: « tout à fait» ou « plutôt» d'accord.
4 Modalités de réponse: « plutôt pas» ou « pas du tout» d'accord.
Les attitudes des médecins face aux traitements 187
forte clientèle de patients infectés par le VIH (ce qui ne recoupe pas tout
à fait l'appartenance à un centre accrédité de l'Initiative) et tendent à
avoir une expérience pratique plus approfondie de cette prise en charge.
Ils sont aussi plus jeunes, plus nombreux à avoir acquis une spécialité
d'infectiologie ou de pneumologie au cours de leurs études de médecine,
et sont plus susceptibles d'avoir déjà suivi des formations spécifique-
ment consacrées au traitement du VIH/sida. Ils semblent personnelle-
ment plus concernés par le risque de contracter le VIH/sida, soit pour
des raisons personnelles (ils sont plus nombreux à connaître des per-
sonnes infectées en dehors de leurs activités professionnelles de soi-
gnants), soit de par une plus grande conscience de leur exposition à des
risques de contamination professionnelle, ce dont témoigne la propor-
tion significativement plus importante de ceux ayant effectué des séro-
logies VIH et hépatite B pour eux-mêmes. lis gardent néanmoins une
attitude mesurée face au risque de contamination dans l'exercice de leur
métier: ils sont plus nombreux à considérer comme suffisante la pro-
tection offerte par les gants chirurgicaux en cas d'acte invasif pratiqué
sur un patient infecté par le VIH ; et ils semblent plus sereins quant aux
répercussions de leur engagement dans la prévention et la prise en
charge du VlH sur l'ensemble de leur clientèle (ils sont plus nombreux
à ne pas être d'accord avec l'affirmation selon laquelle « un professionnel
de santé qui propose le test VIH risque de faire fuir ses patients »). De
même, les médecins avec la plus grande activité en matière de VIH se
distinguent du reste de l'échantillon par une meilleure mise à jour de
leurs connaissances et de leurs informations sur cette pathologie et ses
traitements (tableau 14).
En revanche, les attitudes mesurées sur une échelle classiquement
utilisée pour repérer d'éventuelles tendances au rejet et à l'intolérance à
l'égard de ces patients semblent exprimer un consensus massif de l'en-
semble des soignants en faveur de la compassion et de la non stigma-
tisation Il (tableau 15). Néanmoins près de la moitié de l'échantillon insiste
sur la charge économique que représentent les malades du sida (ils « coû-
tent cher à la société »). Une minorité, cette fois significativement plus
li Kelly lA, Lawrence lSS, Smith SV HH, Cook Dl. Stigmatization of AlOS patients by phy-
Tableau 14
Connaissances sur les traitements du VIH/sida des médecins interrogés en fonction de leur expérience r
~{
dans la prise en charge de patients atteints par le VIH Cl>'
'"ê
(Enquête« soignants Côte d'Ivoire ", novembre 1999-février 2000, n = 123) x
~
A pris en charge plus de 20 patients 10
3
VIH+au cours des 12 derniers mois ~
v;-
0..
% de médecins donnant la réponse « exacte ,,1 aux questions concernant Total 0/0 Oui Non (p)2 c:
45,5 0/0 54,5 0/0 <
l
(n=56) (n=67) "-
\<l.
0..
La mise systématique sous cotrimoxazole des patients infectés par le VIH' 54,5 0/0 71,4 0/0 40,3 0/0 0,000 '"
Cl>
=0
La posologie du cotrimoxazole pour la prophylaxie des infections opportunistes chez n
0-
un adulte VIH+ de poids moyen 4 70,7 0/0 87,5 0/0 56,7 0/0 0,000 10
Les principaux effets secondaires du cotrimoxazoles 36,6 0/0 48,2 0/0 26,9% 0,012 e"
[
La prescription systématique d'AZT en prophylaxie pour les femmes enceintes VlH+ 67,5 0/0 78,6% 58,2°t\) 0,013 il)
Le risque de transmission du "TH par l'allaitement matemel 81,3 0/0 92,9 0/0 71,6 0/0 0,002
La conduite à tenir face à un patient avec 350 CD4/mm3, sous AZT-3TC depuis trois
semaines et qui présente une pneumonie gravé 35,8 0/0 50,0 0/0 23,9% 0,002
Les combinaisons d'ARV admises pour initier une bithérapie' 40,7 0/0 58,9% 25,4 0/0 0,000
Les principaux effets secondaires de l'AIr 57,7 0/0 80,4 0/0 38,8 010 0,000
1 Au sens de conforme il ['état des connaissances scientifiques ou des recommandations cliniques en vigueur dans l'Initiative au moment de
l'enquête.
2 Test du Chi-2.
8 Au moins trois cités parmi les cinq effets secondaires suivants: anémie, atteintes hépatiques, neuropathies périphériques, migraine, nausées et
Tableau 15
Attitudes des médecins interrogés face à un patient atteint
du VIH/sida en fonction de leur expérience dans la prise
en charge de patients atteints par le VIH
(Enquête« soignants Côte d'Ivoire ", novembre 1999-février 2000, n = 123)
importante chez les médecins qui ont une plus grande expérience de
prise en charge, les associent même à une notion de dangerosité pour
les autres. Le degré d'investissement dans la prise en charge du VIH ne
provoque pas de divergence au sein des médecins interrogés quant aux
opinions concernant la diffusion des traitements ARV en Côte d'Ivoire
(tableoll 16). Cependant, si la nécessité d'élargir les conditions d'accès aux
traitements ARV par le recours à la gratuité pour certaines catégories de
patients provoque un très large consensus, la question de l'alignement
des critères de mise sous traitement ARV entre la Côte d'Ivoire et le Nord
n'est pas loin de diviser l'échantillon en deux camps, d'importance sen-
siblement équivalente.
Tableau 16
Opinions des médecins interrogés sur les traitements
antirétroviraux selon leur expérience dans la prise en charge
de patients atteints par le VIH
(Enquête« soignants Côte d'Ivoire », novembre 1999-février 2000, n = 123)
1 Aucune différence significative entre les deux groupes au sens du test de Chi-2.
Les attitudes des médecins face aux traitements 191
Tableau 17
Attitudes face à l'initiation d'un traitement antirétroviral et caractéristiques des médecins interrogés e-
",-
r>
r>
(Enquête« soignants Côte d'Ivoire ", novembre 1999-février 2000, n = 123) m-
U>
'"
c:
x
1 2 3
Caractéristiques des médecins
Trithérapie
«précoce"
(p) Trithérapie (p) Nese (p)
1 versus 2 «tardive" 2 versus 3 prononcent 1 versus 3
'"
~
3
m
( % dans)'échantillon tota)) ::>
(>250 CD4) (*) (~ 250 CD4) (*) pas (*) c;;-
(n=38) (n=42) (n=43) 0-
c:
<
Âge < 40 ans (70,7 0/0) 65,8 0/0 NS 69,0 0/0 NS 76,7 0/0 NS l
;;,
Sexe masculin (71,5 0/0) 84,2 00 0,04 64,3 0/0 NS 67,4 0/0 0,07 ëL
Marié (56,9 0/0) 44,7 0'0 0,04 66,7 0/0 NS 58,1 % NS '"m
::>
Pratique régulièrement une religion (60,2 0/0) 52,6 0,04 73,8 0/0 0,04 53,5% NS n
0'
A un diplôme de spécialité en infectiologie ou CD
31,6 0/0 0,06 14,3 % NS 16,3 % 0,09 0-
pneumologie (20,3 0/0)
Exerce dans un service« spécialisé» dans le VIH
(47,2 0/0)
47,4 0/0 0,10 64,3 0/0 0,00 30,2% 0,09 '"
0
~.
1 2 3
% de médecins donnant la réponse Trithérapie Trithérapie Nese
(p)' (p)' (p)'
« exacte ,,1 aux questions concernant «précoce» «tardive" 2 versus 3 prononcent 1 versus 3
1 versus 2
(0/0 dans l'échantillon total) (>250 CD4) Cs; 250 CD4) pas
(n=38) (n=42) (n=43)
La mise systématique sous cotrimoxazoie des
patients infectés par le VI Hl (62,6 0/0)
71,1 0/0 NS 69,0 0/0 0,05 48,8010 0,04
La posologie du cotrimoxazole pour la prophylaxie
des infections opportunistes chez un adulte VIH+ de 81,6 0/0 NS 78,6 0/0 0,01 53,5 0/0 0,00
poids moyen) (70,7 0/0)
La prescription systématique d'AZT en prophylaxie ,-
pour les femmes enceintes VIH+ (67,5 0/0)
78,9% NS 76,2 0/0 0,01 48,8 0/0 0,01 CD
<JO
bithérapie" (49,6 %)
57,9 0/0 N5 59,5 % 0,01 32,6 0/0 0,02 CD
(')
5'
<JO
Les principaux effets secondaires de J'AZTf. (57,7 0/0) 57,9 0/0 NS 69,9 0/0 0,03 46,5 0/0 NS
if
CD
1 Au sens de conforme à l'etat des connaissances scientifiques ou des recommandations cliniques en vigueur dans l'Initiative au moment de '"cox
l'enquête,
2 Tous les patients VIH symptomatiques ou en dessous de 200 CD4/mm",
~
~
, 800 mg/jour en une prise ou 400 mg/2 fois par jour, 3
CD
" Pas de changement du traitement ARV et prescription d'une antibiothérapie adaptée, :::>
en
, AZT-ddl ou AZr-3TC étaient les deux seules bonnes réponses dans la liste des cinq combinaisons proposées
" Au moins trois cités parmi les cinq effets secondaires suivants: anémie, atteintes hépatiques, neuropathies périphtriques, migraine. nausées et
-
vomissements (dans une liste proposée de onze items possibles),
7 Test du Chi-2,
~
~
......
\-Q
>4
Tableau 19
Croisement entre les attitudes face à l'initiation d'un traitement antirétroviral et les pratiques r
~-
chez les médecins interrogés (Enquête« soignants Côte d'Ivoire ", novembre 1999-février 2000, n = 123) '"
C
X
~.
1 2 3 éD
3
Trithérapie ) Trithérapie () Ne se Cl>
::::>
0/0 de médecins déclarant les pratiques suivantes
«précoce»
(p) Vi
(p 2 «tardive» 2 p 3 prononcent
(% dans l'échantillon totaD 1 vmus (~250 CD4) versus pas 1 versus 3 CL
C
(>250 CD4) <
(n=38) (n=42) (n=43) l
;n-
a:
Fait toujours lui-même l'annonce du diagnostic de '"::::>
séropositivité VIH à ces patients (79,7 0/0)
89,5% NS 90,5 0/0 0,01 60,5 0/0 0,00 Cl>
n
Fait toujours un conseil lors de l'annonce du diagnostic Q.
68,4 % 0,03 88,1 0/0 0,00 48,8 0/0 0,00 éD
de séropositivité VIH (68,3 0/0)
Conseille l'abstinence sexuelle à ses patients VIH+ (52,0 0/0) 42,1 0/0 0,04 64,3 0/0 NS 4,8 0/0 NS ""=
~
Utilise toujours des gants avec des patients de statut ca"
Sérologique inconnue (72,4 0/0)
89,5% 0,00 61,9 0/0 NS 67,4 0/0 0,02
Prendrait immédiatement des ARV en cas de piqûre avec
du matériel contaminé (30,1 0/0)
39,5% NS 35,7 0/0 0,04 16,3 0/0 0,02
A déjà fait une sérologie VIH pour lui-même (53,7 0/0) 47,4 % NS 54,8 0/0 0,08 37,2 0/0 NS
Est vacciné contre l'hépatite B(54,5 0/0) 60,5 0/0 NS 61,9 0/0 0,05 41,9 0/0 0,07
Les attitudes des médecins face aux traitements 195
Discussion
Près des deux tiers (65 %) des médecins ayant répondu à cette
enquête exercent dans des centres accrédités par l'Initiative pour pres-
crire des traitements antirétroviraux. Notre échantillon regroupe des soi-
gnants qui, au quotidien en Côte d'Ivoire, sont parmi ceux qui ont le
plus d'expérience dans la prise en charge du VIH. On ne retrouve pas
parmi ces médecins, de réticence, voire d'hostilité, à prendre en charge
ces patients, comme cela a pu être observé ailieurs sur le continent afri-
cain 12. n.!4, et ceci en dépit d'une forte conscience du risque de contami-
nation professionnelie parmi ces soignants (voir chapitre 5.5). Si elle n'est
fected chiJdren - an exploratory study. J3th International AroS Conference, Durban, South
Africa, 9th-J4th July 2000 fAbstract#MoPeE2969L
~196 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
" Barbour RS. The impact of working wilh people with HJV1AlOS: a review orthe lilerature.
Soc Sei Merl 1994 ; 39 (2) : 221-232
)(, Kilahata MM, Koepsell TD, Deyo RA, Maxwell CL, Dodge ",rr, Wagner EH. Physicians'ex-
perience wilh the acquired immunodeficiency syndrome as a faclor in parlient's survivill.
N Eng/ J Il1etl 1996; 348 : 283-93.
Les attitudes des médecins face aux traitements 197
en a déjà été maintes fois soulignée ailleurs en Afrique 17, que l'informa-
tion sur Je VIH soit diffusée beaucoup plus largement chez les soignants
massivement confrontés à des patients infectés, même en dehors d'une
prise en charge spécifique du traitement ARV du VIH.
Si les attitudes ouvertement discriminatoires semblent étrangères
à la grande majorité des médecins interrogés, il faut souligner le para-
doxe apparent que c'est parmi les médecins ayant la plus grande expé-
rience de patients infectés par le VIH que se recrute la minorité la plus
importante qui considère les patients comme potentiellement « dange-
reux pour les autres ".
Ce résultat est contraire à ce qui a été observé en France et dans
les autres pays du Nord 18.19. Il faut sans doute rattacher cette inquiétude
plus grande d'une partie des médecins ivoiriens les plus expérimentés
quant aux risques de contamination avec les difficultés qu'éprouvent ces
patients à partager leur diagnostic de séropositivité avec leurs proches.
L'enquête met également en lumière que peu de temps après la
décision de l'Initiative (octobre 1999) de privilégier la trithérapie comme
traitement de choix pour j'ensemble des patients médicalement éligibles
pour les ARV « 500 CD4/mm 3 , selon les recommandations en vigueur),
cette attitude ne faisait pas véritablement consensus parmi les médecins
les plus directement concernés par la prescription ou J'orientation vers
les ARV. Certes, les divergences constatées doivent être relativisées en
pratique, puisque plus des deux tiers de J'échantillon se déclaraient prêts
à prescrire une trithérapie en dessous de 250 CD4/mm 3, et que la majo-
rité des patients infectés par le VIH fréquentant les structures de santé
enquêtées semble de toute façon se trouver en dessous de ce niveau
immunologique (voir lableau 7 du chapitre 4.1l. Il n'en reste pas moins
que les conditions de démarrage d'un traitement ARV font débat parmi
ces professionnels, comme d'ailleurs Jes conséquences de ce démarrage
sur Je reste de la prise en charge (notamment en matière de prophylaxie
des infections opportunistes).
10 Hillman BJ. Physician's acquisition and use of new technology in an era of economic
constraints. In : Gelinjs AC ed. Teellnology arul hea/th care in an era of limits. National Academy
Press. Washington OC 1992: 133-49.
21 Avorn JC Hartley R. Scientific versus commercial sources of influence on the prescribing
la médecine libérale en France. Carrières el pratiques des médecins français 1930-1980. Pa-
ris: Éditions Inserm-Doin, 1993.
" Cas pa rie AF. The ambiguous relationship between praclice variations and appropria te-
ness of care : an agenda for furlher research. Hm/th Policy 1996 ; 35 : 247-65.
" Wcnnbcrg JE. Bames B, Zubkoff M. Professional uncerlainty and lhe problem of sup-
plier-induced demand. Soc Sei Med 1982 ; 16: 811-24.
Les altitudes des médecins face aux traitements 199
29 Moatti JP, Le (orroller AG. Réflexions économistes sur l'éthique médicale. JOl/mal d'Écono-
mie Médicale 1996; 14: 67-78.
ill1R§} 200 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
favoriser une certaine impuissance face aux conséquences sur l'accès aux
soins des inégalités économiques qui prévalent dans la société. Comme
on l'a vu aux chapitres 1 et 2, les contraintes de moyens qui pèsent sur
l'Initiative suscitent de vives tensions chez les soignants qui se retrou-
vent de fait en première ligne dans un processus de sélection des patients
qui les confronte à la prise en compte de critères socio-économiques.
La grande majorité des médecins interrogés dans notre enquête
ont indirectement exprimé leur malaise face à cette situation difficile en
adhérant largement au souhait d'une extension de la gratuité des trai-
tements ARV à des catégories plus larges de patients qu'actuellement
(voir chapitre 5.5). En même temps, l'idée que les critères de jugement
médical doivent être « identiques» à ceux pratiqués au Nord, en dépit
de la différence de contexte, semble diviser les médecins interrogés, une
faible majorité se dégageant en faveur de cette approche. Mieux, parmi
les praticiens les plus expérimentés en matière de VIH/sida, ceux qui
s'avèrent plus nuancés quant à des critères immunologiques« précoces»
d'éligibilité« médicale» à la trithérapie sont manifestement ceux qui ont
la conscience la plus aiguë des contraintes de ressources qui doivent être
surmontées pour accélérer l'accès du plus grand nombre à ces progrès
thérapeutiques. La recherche d'algorithmes de traitements et de suivi
adaptés aux conditions des pays en développement en termes de ratios
coût/efficacité, plutôt que la reproduction mécanique des « standards»
de soins existant au Nord >0, est sans doute une des voies possibles pour
mieux concilier le souci d'efficacité médicale maximale et de réalisme
dans l'utilisation des moyens disponibles.
'0Ces standards ne sont d'ailleurs pas forcément optimaux dans les pays du Nord eux-
mêmes comme en témoigne l'évolution actuelle, plus « prudente", des recommandations
sur les critères d'initiation des multithérapies.
Prophylaxie des infections opportunistes par le cotrimoxazole 201
Chapitre 5.3
Prophylaxie des infections opportunistes
par le cotrimoxazole chez les patients
infectés par le VIH en Côte d'Ivoire :
connaissances et pratiques des médecins
et des personnels soignants
Hermann BROU, Annabel DESGRÉES DU Loû, Marc SOUVlllE
Contexte
1 Kadio A, et nI. CotrinlOxawle en prophylaxie primaire des infecliolls opporlunistes chez les palients
infectés par le V1H en Côle d·lvoire. Rapport final. 1« Conférence de consensus en thérapeutique
anti-infectieuse. 19 février 1999. Abidjan, Côte d'Ivoire.
2 Onusida. Mnladies opportunisles liées nu VIH : Actualisation. Collection Meilleures Pratiques de
l'Onusida, Genève, mars 1999,
~202 L'accès aux traitements du VI HI sida en Côte d'Ivoire
; Ledru E. cl al. Prévention de la dénutrition et des infections opportunistes chez les patients
infectés par le VIH en Afrique de l'Ouest: une démarche réaliste, nécessaire, préalable aux
antirétroviraux. Cahiers Sanlé d'é/udcs rI dr rrcllcrrhcs francophoncs vol, 9 n" S, septembre-octobre
1999, pp. 293-300.
; Anglaret X, rI al. Early chemoprophylaxis with trimethoprim-sulphamethoxazole for HIV
infected adults in Abidjan, Côte d'Ivoire: a randomised trial. Lanerl 1999; 353 : 1463-8.
; \'Viktor SZ, ri al. Efficacy oftrimethoprim-sulphamethoxazole prophylaxis to decrease mor-
bidity in HIV infected patients with luberculosis in Abidjan, Côte d'Ivoire: randomised
controlled trial. Lanerl 1999; 353 : 1469-75.
" Castetbon K, ri al. Nutritional effect early chemoprophylaxis with cotrimoxazole in HIV-
infected adults in Abidjan, Côte d'Ivoire, )(J'" International Conference on AIDS and STDs
in Africa, 12-16 september 1999, Lusaka, Zambia IOral presentation 15BT5-1].
Prophylaxie des infections opportunistes par le co\rimoxazole 203
7 Onusida. Ulilisa/ion de la prophylaxie au colrimoxawle chez les adulles el chez Ifs CIIfanls vivanl avec
Méthodes
et a concerné un échantillon tiré au sort (un sur deux) dans les structures
qui en comptaient plus.
tivité sur l'infection à VIH est moins importante, et d'autre part, de com-
parer les structures directement concernées par l'Initiative d'accès aux
ARV et les structures périphériques, en ce qui concerne l'information sur
la prophylaxie par cotrimoxazole.
Résultats
Tableau 20
Répartition du personnel soignant enquêté par type de
structure selon les caractéristiques professionnelles
Services
Services à activité Ce~t~s Ensem~le
à activité VIH J?e,n- des servIces
VIH forte , d phenques et centres
mom re
(n= 132) (n= 168) (n= 142) (n=442)
Médecins 44 0/0 38 0/0 16 0/0 33%
Médecine générale 7 0/0 90(0 5 0/0 7%
Pneumologielinfectiologie 31 0/0 90/0 o 12 0/0
Pédiatrie 5% 60(0 3% 7%
Autres médecins 1 0/0 14 0/0 8% 7%
En pourcentage de oui.
Il>
PvVIH : personne vivant avec le VIH.
Tableau 21
Connaissances sur la prophylaxie par cotrimoxazole
Personnels
Médecins
soignants
Avez-vous entendu parler de la
prophylaxie par cotrimoxazole <Bactrim®)
chez les patients infectés par le VI" ? (n = 145) (n=297)
Non, pas du tout 6010 50010
Oui, peut-être 6010 13 0/0
Oui, tout à fait 88 0/0 37 0/0
'" Question posée uniquement à ceux qui ont entendu parler du cotrimoxazole.
W Réponses conformes au consensus d'Abidjan.
~
A suivi une formation spécifique sur le VIH ro
Non 85 (51160)
0/0 27 % (45/169) 8
Oui 91 0/0 (77/85) p=0,310 50 % (64/128) P = 0,0 s:
3
o
Participe aux activités d'associations d'aide aux PvVIH ~
ro
Non 88%{] 11/128) 33 010 (911277)
Oui 100 010 (] 7/17) p=O,222 90 % (]8120) P =0,0
~
Connaît personneUement au moins une PvVIH
Non 69 %(20129) 28 % (36/131)
Oui 93 0/0 (] 08/116) p=O,OOI 44%(73/166) P = 0,004
r
~-
n
Tableau 23 CP-
<.n
Connaissance de la posologie du cotrimoxazole en prophylaxie chez les personnes adultes infectées '"cx
~.
par le VI" par les médecins ayant entendu parler de cette prophylaxie (iÎ
3
Question:« Chez un adulte de poids moyen, quelle est la posologie du cotrimoxazole que vous utilisez en prophylaxie des infections CP
:::>
vr
opportunistes? » C>-
c
<
p l'-..
En pourcenfage de « oui» Services à Services Centres (2)
Ensemble <.n
activité VIH forte à activité VIH 0.:
périphériques des services
moindre et centres '":::>
CP
n
800 + 160 mg/jour lJ 91 0/0(49/54) 64 % (28/44) 78 % 0 4/18) 0,005 78 0/0(91/116) 0'
ro-
CL
400 + 80 mg/2 fois par jour(1J 23 0/0(12/52) 33 0/0(14/42) 6 % 0/18) 0,068 24 % (27/112)
5 comprimés à 800 + 160 mg/l fois par 8 % (4/52) 10 % (4/40) 0%(0/18) 0,393 7 %(8/110)
semaine
« 800+ 160 mg/jour» ou « 400 + 80 89 % (50/56) 60 0/0(36/60) 75 % (} 5/20) 0,001 75 0/0001/136)
mg/2 fois par jour ,,(1)
Tableau 24
Scores de connaissance des modalités de prescription du
cotrimoxazole en prophylaxie chez les personnes infectées par
le VIH pour les médecins et personnels soignants ayant entendu
parler de cette prophylaxie (n = 285)
Score pour la Oes)... Services Services Centres Ensemble
à activité à activité pen- des services
VIH forte VIH phériques et centres
moindre
Critères de sélection pour
la prophylaxie par
cotrimoxazole chez les
personnes infectées
parleVIH (n=]05) (n= 1O~) (n=77) (n=2B5)
(Médecins el al/Ires personnels
soignanls)
Connaissance maximale (6) ]80/0 ] 2 Ofo ]0 0/0 ]4 0/0
Connaissance moyenne (4-5) 56 0/0 4] 0/0 56 0/0 50 0/0
Connaissance minime « 4) 26 0/0 47 0/0 ~4 0/0 ~6 0/0
Posologie du
cotrimoxazole en
prophylaxie des infections
opportunistes chez l'adulte
infecté par le VIH (n=56) (n=60) (n ==20) (n = ]~6)
(Médtcins uniquement)
Connaissance maximale (5) ]~ 0/0 7 0/0 0 0/0 B 0/0
Connaissance moyenne (3-4) 7] 0/0 43 0/0 75 0/0 60 0/0
Connaissance minime «3) ]6 0/0 50 0/0 25 0/0 32 0/0
Score moyen (écart-type) 3,5 (1,2) 2,5 (J ,B) ~,2(U) 3,0 (J,6)
n = effectif.
Prophylaxie des infections opportunistes par le cotrimoxazole 213
Discussion et conclusion
Tableau 25
Scores moyens de connaissance des critères de sélection des pa-
tients VIH+ et de la posologie pour la mise sous prophylaxie par
cotrimoxazole, selon les caractéristiques professionnelles des
soignants
Connaissance des Connaissance
critères de sélection de la posologie
des patients (score max = 5)
Caractéristi~es (score max = 6)
professionnelles
Personnels
Médecins soignants Médecins
P = 0,008.
(JI
Il Vidal L, Msel1ati P, el al. Les Ihérapies an/irt'!rovimles en Côle d'Ivoire: alien les sl/scilées el transfor-
mations sociales du rapport à la maladie. Rapport final, ANRS, AC 12, Abidjan, juin 2000.
12 Horsman JM, Sheeran P, rI al Health care workers and HIV/ AIDS : a critical review of
mars 2000) sur J'utilisation du cotrimoxazoie dans la prévention des infections opportunistes
en Afrique. Genève, avriJ 2000.
Perceptions et pratiques face aux accidents d'exposition professionnelle au sang 217
Chapitre 5.4
Perceptions et pratiques face aux accidents
d'exposition professionnelle au sang
du personnel soignant
Philippe MSElLATI, Hermann BROU, Marc SOUVILLE,
Rigobert AKA MKOU, Annabel DESGRÉES DU Loû
le personnel de santé. Le point au 30 juin 1998. Bull Epidemiol Hebd 1999; 18: 69-70
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9 Diarra J. MseIJati P, Brissac M, Gardon l. Rey JL. Sida et personnel soignant en Côte d'Ivoire.
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et les MST en Afrique. 12-16 septembre 1999. Lusaka, Zambie [Résumé 15ET4-5J.
Il Eholie SP, Kakou A Ekpini ER, et aL Assessment of practices and knowledge about acci-
Perceptions et pratiques face aux accidents d'exposition professionnelle au sang 219
provenant d'un patient infecté n'a cependant été introduit dans le cadre
de l'Initiative qu'en novembre 1999, au moment où cette enquête a été
réalisée.
Dans l'enquête menée par questionnaire auprès des soignants,
une série de questions étaient consacrées spécifiquement aux accidents
d'exposition au sang et aux représentations et pratiques face à ces acci-
dents.
Les services dans lesquels exercent les soignants interrogés sont
distingués selon l'importance de leur activité dans la prise en charge du
VlH, respectivement entre unités de soins « à forte activité liée au VIH »
(prévalence du VIH comprise entre 40 % et 100 % dans la file active, et
statut des patients vis-à-vis du VIH connu dans la majeure partie des
cas 12), unités à « moindre activité VIH » (prévalence du VIH inférieure à
40 % et/ou statut des patients vis-à-vis du VIH inconnu de façon ma-
joritaire 13), et services de soins périphériques (formations sanitaires ur-
baines où la majorité des patients a un statut vis-à-vis du VIH inconnu
des soignants).
Résultats
dental occupationaJ exposures to blood among health care workers in Abidjan, Côte d·lvoire.
XIlJ" International AlOS Conference, Durban, South Africa, 9-14 July 2000. [ThPpCI4SS].
12 SMIT, USAC, CATA, CATI, CATB, ClRBA et Hôpital de jour de Bouaké.
(p = a,aI), il n'y a pas de différence parmi les médecins et parmi les per-
sonnels soignants selon le type d'activité vis-à-vis du VIH des services
où ils travaillent (tableau 26).
Tableau 26
Pratique des tests de dépistage du VIH, de l'hépatite B
et de la vaccination vis-à-vis de l'hépatite B
chez les personnels soignants, Côte d'Ivoire 1999-2000
Type de service Médecins p Personnels p
sanitaire n=144 n=297
Afait un test de Services à activité 60% 43 0/0
dépistage vis-à-vis VIH forte
duVlH
Services à activité 34 0/0 0,02 30 0/0 0,05
VIH moindre
Formations 39 0/0 27 0/0
périphériques
Afait un test de Services à activité 40 0/0 18 0/0
dépistage vis-à-vis VlH forte
de l'hépatite B
Services à activité 28 0/0 0,09 19 0/0 0,66
VIH moindre
Formations 52 0/0 23%
périphériques
Est vacciné contre Services à activité 59 0/0 41 0/0
l'hépatite B VlH forte
Services à activité 50 0/0 0,48 50 0/0 0,17
VIH moindre
Formations 61 0/0 38 0/0
péri phériques
Tableau 27
Pratiques des personnels soignants en cas d'accident
d'exposition professionnelle, Côte d'Ivoire 1999-2000
Type de service Médecins p Personnels p
sanitaire n= 144 n=297
Discussion
1; Vidal L, Msellati P (cao rd,), Les thérapies allti-rélrovirales m Côte d'/voire: allmles slls(ilées et
Irallsjonllaliolls sociales du rapport à la maladie. Rilpport final. juin 2000, ANRS.
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~226 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
11Moalti IP, Sou ville M, Obadia Y, rI al. Ethical dilemmas in care far HIV infection among
French general practitianers. Hrall/r Palicy 1995; 35 : 197-210.
n Vidal L. La transmission: le sida et ses savoirs. L'Ham nu 1999; 150: 59-83.
Perceptions et pratiques face aux accidents d'exposition professionnelle au sang
Chapitre 5.5
Les professionnels de santé d'Abidjan
et Bouaké face à l'Initiative·
une enquête qualitative
Laurent VIDAL, Clémence ESSE, Dakouri GADOU, Gabin KrONI-IASSIA
Tableau 28
Enquête par entretiens auprès des soignants de Côte d'Ivoire
impliqués dans la prise en charge du VIH/sida (répartition par
centre et caractéristiques des soignants rencontrés)
Total 10 8 10 ]0 5 7 50
Constats et analyse
dités, ou de celui des seuls médecins dans les autres structures. Ces der-
niers bénéficient par exemple de réunions spécialisées, comme celles
qu'organise te projet Retro-CI à l'intention des prescripteurs d'ARV. Les
professionnels non-médecins doivent se contenter des réunions de staff,
au sein de leurs structures, qui d'ailleurs ne sont pas organisées de façon
régulière. Aussi, s'informent-ils par leurs propres moyens, en essayant
par exemple d'obtenir directement de la documentation auprès du PNLS.
Une autre démarche volontaire consiste à rechercher l'information au-
près des médecins eux-mêmes. Mais cette démarche est alors nécessai-
rement tributaire de la disponibilité des uns et des autres (<< sur les ARV,
je /l'ai fait auame JomraLion ; souvent je m'informe auprès des médecins, mais ln
charge de travail fait qu'on ne peut pas vraiment échanger entre nous », remarque
une assistante sociale d'un centre accrédité). Comme en matière de for-
mation, ces démarches spontanées des soignants témoignent de leur vo-
lonté de mieux connaître J'infection à VIH et la prise en charge par ARV.
Les éventuelles lacunes d'informations voire de connaissances qui sont
susceptibles d'être constatées parmi les professionnels, en particulier non
médecins, ne peuvent donc être imputées à un désintérêt a priori des non
prescripteurs pour les ARV.
Certains disent explicitement qu'il faut «être riche» pour bénéficier des
ARV; d'autres, pragmatiques, estiment qu'une épargne mensuelle de
20 000 FCFA (200 FF) est indispensable. Dans le cadre d'une Initiative qui
propose des mécanismes de subvention, donc d'accès à un traitement
ARV à un coût moindre, il est remarquable de constater que - y compris
chez les médecins prescripteurs bien au fait des critères médicaux de
mise sous traitement - l'argument économique de la capacité à payer est
mis en avant de façon récurrente et centrale dans le processus de choix
des patients à mettre sous traitement. « JI Jaut être riche, c'est-à-dire capable
de pouvoir acheter régulièrement ses médicaments », estime un médecin d'un
centre accrédité, alors qu'un assistant social travaillant dans le même
service précise pour sa part que «les conditions économiques sont les plus
déterminantes, parce que le traitement coûte cher ».
S'il Y a donc un consensus de fait sur l'idée générale que ces trai-
tements demandent de réelles capacités financières de la part des pa-
tients, la question de leur efficacité fait l'objet d'appréciations très varia-
bles. Si certains médecins affirment clairement que l'efficacité des
trithérapies est supérieure à celle des bithérapies, d'autres conditionnent
leur efficacité à un démarrage précoce du traitement. Ceci étant, la grande
majorité des soignants, y compris les médecins des centres « hors Initia-
tive », ne se prononcent pas clairement sur l'efficacité comparée des dif-
férentes combinaisons thérapeutiques, en partant d'un principe d'expé-
rience simple: ils ne prescrivent pas d'ARV, ou ne suivent pas de patients
sous ARV, et se déclarent donc « dans l'incapacité de se prononcer» sur
l'efficacité réelle de ces traitements. C'est ce qu'explique cette assistante
sociale: « le CAT de Treichville n'est pas un centre accrédité, on n'a donc pas de
malade sous traitement, c'est pourquoi je ne peux pas dire si les ARV sont efficaces
ou non ». L'acquisition de connaissances médicales est ici avant tout
conçue comme le résultat d'une pratique individuelle, et non comme la
mise en forme intellectuelle d'informations pouvant être acquises par
d'autres sources que l'expérience directe du professionnel.
telle ou telle structure)« parce qu'ils n'utilisent pas» ces traitements ou « parce
qu'ils ne fon/ pas partie d'un centre accrédité» de l'Initiative. Un médecin dira
par exemple: «je ne peux rien dire sur leur disponibilité car je suis dons un centre
de suivi» ; et un infirmier: « je ne connais pas les anlirélroviraux car je n'en ai
jamais VIl. »
Ce « pragmatisme}) de la connaissance nous paraît emblématique
des difficultés de l'Initiative à diffuser l'information sur les ARV à des
structures sanitaires qui ne font pas partie des centres accrédités et à des
catégories de soignants qui ne suivent pas en continu des patients sous
ARV. Une autre difficulté rencontrée par l'Initiative - et illustrée par ail-
leurs par d'autres volets de l'Évaluation - se trouve confirmée par la
mention de l'existence de ruptures de stock dans les centres accrédités
et de la lenteur de la procédure de mise sous traitement ARV 1. Ce constat,
aisé à effectuer en discutant avec des patients ou des soignants, se double
alors de l'évocation par des médecins de tentatives de « contourner}) la
procédure officielle - longue et fastidieuse - de mise sous ARV. Il s'agit
ici pour le patient de demander au médecin de lui délivrer immédiate-
ment les médicaments qu'il est financièrement en mesure d'acheter, sans
attendre l'examen de son dossier par le Comité de gestion de l'Initiative.
Face à ce désir d'avoir accès le plus rapidement possible aux ARV et
compte tenu de la longueur de la procédure, certains soignants en vien-
nent à limiter les propositions de mise sous ARV qu'ils pourraient être
amenés à faire aux patients infectés (<< il m'arrive d'encourager des malndes à
se meUre sous AR V mais la longueur de ln procédure me bloque parfois », remarque
un infirmier de l'hôpital de jour de Bouaké).
, Ce sont là deux des principales faiblesses de l'Initiative, que l'équipe de l'évaluation dé-
taille dans deux rapports: Delaunay K, Dozon)P, Kponhassia G, el al. Évalua/ioll tir l'Inilia/ive
Ollusida - minis/ère ivoirien de la SaillI' d'accès aux /rni/nnenl5 pour Ifs pefSollnes vivalll avec le IIlH/sida
o
(// Côle d'Ivoire. llo/el 1: Allalyse des pro((55U5 dicisiolllle/s de mise en plllCf de /'Initiative 996-1999J.
ANR5,20oo, 116 p. ; Msellati P, Delaunay K, Juillet A, e/ al. Socio-economic Ilnd lJehaviornl evaiull-
lion of the UNA/DS-Minislry of hfll1ll1 (MOHJ Ini/in/ive on Drug AC((55 for HIV illfec/ioll in Côlt d·lvoire.
PreJjminary report, ANRS, 2000, 22 p.
Les professionnels de santé face à l'Initiative 237
:
les centres accrédités, qui méritent une attention particulière si l'on veut
améliorer l'accès aux ARY. Il s'agit là encore de constats anciens, et qui
ne sont pas propres à l'accès à ces traitements: la longueur de l'attente
et la difficile orientation du patient dans la structure. A l'USAC, nous
avons pu constater que la durée de l'attente crée un engorgement de la
structure (les patients manquent par exemple d'endroits pour s'asseoir
et patienter). Une autre conséquence de la forte fréquentation de cette
structure est le manque de lits pour l'hospitalisation de jour. Dans un
autre centre accrédité, le CAT d'Adjamé, nos observations ont plus par-
ticulièrement révélé la difficile orientation des patients, qui, ne serait-ce
que pour le traitement de la tuberculose, doivent passer par quatre ou
cinq services différents. Que lè circuit du patient soit complexe est une
chose, qu'il ne lui soit révélé que progressivement, d'une étape à l'autre
comme c'est actuellement le cas, mérite certainement une réflexion en
matière d'organisation et de logistique hospitalières.
Discussion et perspectives
dical stricto Sl'nsu s. Michel Setbon évoque à cet égard les « évaluations
sauvages» du statut sérologique des patients admis dans des services
d'urgence en France, pour lesquels un test est systématiquement effectué
alors qu'une éventuelle intervention chirurgicale n'attendra de toute fa-
çon pas les résultats du test avant d'être pratiquée. On peut également
penser aux « arguments profanes» des médecins qui, plutôt que de jus-
tifier la systématisation de la proposition de test aux femmes enceintes
par son intérêt pour le contrôle de l'infection à VIH, la défendent en
constatant simplement que le taux de refus est très faible dans le cadre
de la surveillance prénatale comprenant déjà de nombreux examens
6
« obligatoires» en France . Lorsque le médecin argumente ou engage
le patient] »8.
Ce processus de « réduction » et de « limitation » renvoie, en se-
cond lieu, au fait que les formations sur les ARV ont été en général
restreintes am. seuls médecins des centres accrédités: elles ont peu bé-
néficié aux non médecins ainsi qu'à l'ensemble des soignants des struc-
tures qui ne font pas partie des centres accrédités. Or, même s'il s'agit
d'une Initiative « pilote » limitée dans le temps et dans l'espace, les pa-
tients - eux - sont bien sûr susceptibles de s'adresser, au moins dans un
premier temps, à d'autres structures que celles qui sont labellisées par
l'Initiative 9 . Faute d'y rencontrer des soignants informés sur l'accès aux
, Setbon M. Sida et dépistage à l'hôpital, entre désordre et régulation. Rrv Fr Soc 1992 ; :>2 :
189-211
6 Rey D, Carrieri MP, Obadia Y, Pradier C. Moatli JP. Interest and Jimits of mandator)' HIV
prenatal screening : the South-Eastern France experience 1992-1996. Br) Obslel Gl'nneco/ 1998 ;
105: 269-74.
7 Christakis N. The e1lipsis of prognosis in modern medical thought. Soc Sei Merl 1997 ; 3 (44) :
301-15.
e Paillet A. D'où viennent les interrogations morales? les usages rhétoriques des innova-
tions par les pédiatres réanimateurs français. Sciences Socin15 el Snnté 2000; 2 (J8) : 4:>--66.
9 Delaunay K. Op. cil., note 3.
~246 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
ARV, les patients ne pourront être aidés dans leur démarche de recher-
che d'un traitement ARV. Rappelons que si l'information sur les ARV
reste limitée et confinée à quelques soignants par structure et ne diffuse
pas aux diverses catégories de personnels, cela ne provient en aucun cas
d'un refus de ceux-ci, puisque tous continuent d'exprimer une forte de-
mande de formation dans ce domaine.
Cet accès inégal des soignants à l'information - et non plus seu-
lement à la formation - ainsi qu'à la connaissance sur l'infection à VIH
se confirme lorsqu'on étend l'analyse à des structures « périphériques"
(pour la Côte d'Ivoire 10 et pour le Nigeria "). Il illustre une nouvelle fois
les hiatus entre catégories de soignants, ou plus exactement entre mé-
decins d'un côté et autres soignants de l'autre, que diverses études et
témoignages, focalisés aussi bien sur les médecins 12. 13 que sur les infir-
miers 14, sont déjà venus étayer: les médecins regrettent fréquemment la
dévalorisation de leur travail et s'estiment« sous-utilisés ", les autres sai-
gnants, pourtant fréquemment dispensateurs de soins et au contact quo-
tidien des malades, se trouvent difficilement associés tant à l'information
sur le patient, qui relève du secret médical, qu'aux orientations des Pro-
grammes nationaux de lutte contre le sida qui demeurent décidées quasi
exclusivement par des médecins.
Troisième illustration du processus de« réduction» : les soignants,
et en particulier les médecins, réduisent l'Initiative à des contraintes que
l'on qualifiera d'extra-médicales, dans la mesure où elles ne renvoient
pas directement à leur activité de praticien: ruptures de stocks de mé-
dicaments, durée de l'examen des demandes de subvention. Ce proces-
connaissance et utilisation. ln: Vidal L, Msellati P, eds. Les thérapies antirftrol'imlcs en Côte
d'Ivoire: allrnles suscitées el ImnsfomJario/ls sociales du mpporl à la maladie. Rapport final, Paris,
ANRS, 2000; pp. 73-97.
Il AdeJekan ML, ioyalemi sa, Ndom RiE, el al. (aring for people wilh AlOS in a Nigerian
teaching hospital : staff altitudes and knowledge. AID5 Care 1995; 7 (suppl J): 63-71.
12 Gobatto 1. EIre médffin au 8urkina Faso. Dissection sociologique d'ul1e transplantation professionl1elle,
Faso. In : Des profrssionne15 foce au sida. Évo/u/ion des rôles, identités el fOl1ctiol1s, Paris, ANRS, « col-
lection sciences sociales et sida " 1998 ; pp. 33-41.
Les professionnels de santé face à l'inibahve 247
des enquêtes sur ce thème auprès des médecins de ville des pays du
Nord 18.
Une explication complémentaire de cet hyper-pragmatisme qui
contredit, au moins partiellement, les fondamentaux du savoir et de la
pratique biomédicales, peut aussi être recherchée dans j'exacerbation
des dilemmes éthiques que suscite, dans le contexte des pays pauvres,
J'introduction des ARV. En effet, il s'est avéré très tôt dans le dévelop-
pement de l'épidémie, et d'ailleurs de façon universelle, que l'infection
à VlH rassemblait une « constellation unique» d'éléments inquiétants
ou embarrassants pour la pratique médicale 19 et que l'éthique médicale
traditionnelle, d'inspiration hippocratique, était relativement désarmée
face à la résurgence massive de ce risque épidémique 20 On a vu par
exemple comment l'introduction des ARV exacerbait la tension déjà pré-
sente entre l'altruisme professionnel caractéristique de l'éthique médi-
cale, et les inquiétudes (légitimes) des soignants quant à leur propre ris-
que de contamination professionnelle. On peut penser que la pression
qu'exerce sur la pratique la nécessité de « choisir» - dans un contexte
de rareté forte des ressources et de régulation de cet accès via la mise en
place de l'Initiative - les patients qui auront la « chance» d'accéder aux
ARV, met à mal la norme d'autonomie, au sens de « droit d'exercer son
contrôle sur son propre travail », où se trouve l'un des fondements de
la « profession» médicale ll . Le choix de la mise sous ARV contraint en
quelque sorte les prescripteurs, voire les soignants non prescripteurs qui
doivent néanmoins prendre ou non la responsabilité d'orienter les pa-
tients vers l'Initiative, d'internaliser le contrôle exercé par une autorité
extérieure (en l'occurrence le dispositif de gestion publique de l'Initia-
tive). L'invocation de l'absence d'expérience pratique des traitements
ARV peut alors apparaître comme un moyen « commode» de contour-
IR tvlorin M, übadia y, Moatti )P. Groupe MG-Sidd. Marseille. La rnédtcine générale face au sida.
il Marks H. La mélitcine des preuves. His/aire el anlhropalogie des essais c1illUjlles (/900-1999). Le
Plessis Robinson. Institut Synthélabo pour le progrès de la connaissance. « Les empêcheurs
de penser en rond ", 1999 ; 352 p.
25 Desgrées du loû A. Op. cil., note 10.
,.\ ANRS/lMEA. Illi/inlive In/ernationnle : f plaer des arllirélroviraux dnll5la prise en charge des perso,,"es
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2S Vidall. l'annonce aux malades. Contextes et significations à partir d'exemples ivoiriens.
ln: Desclaux AC Raynaut C eds. 11 dépistage VIH e/ Ir consril fil Afrique du sud du Sahara. Paris:
Karthala, 1997 : pp. 27-33.
26 Desclaux A. Raynaut C. Le dépislage VlH el Ir collsrif fil AfrUjue au sud du Sahara. Paris: Karthala,
1997; 326 p.
27 Soyinka F. Most physicians in Africa usua1Jy work in a culture of « NA » which means
« not available » - no water, no drug, no eleclricity, no oxygen. Physician's dilemna in the
management of HIV lAIDS in Africa. In : Becker C, Down lP, Obbo C Touré M, eds. Vivrr ri
pmsrr le sUla fil Afrique. Paris: Codesria/Karthala/IRD, 1999; pp. 265-71.
28 Delaunay K. Op. cil., note 3.
Les professionnels de santé face à l'Initiative 251
Chapitre 6
Attitudes par rapport au sida,
accès au dépistage et connaissances
des traitements du VIH à Abidjan
dans le contexte de l'Initiative
Annabel DESGRÉES DU Loû, Nicola DE BÉCHON
Introduction
1 En 2000, l'enquête a été plus approfondie (questionnaires plus détaillés). Les tableaux pré-
sentés dans cet article ont donc été établis essentiellement à partir des résultats de l'enquête
menée en 2000. Pour les résultats complets des deux enquêtes, on se rapportera à Vidal L
et Msellati P ((oordJ Les thérapies anli-ré/ravira/es rn CiJle d'Ivoirr : al/rnles suscilrrs ellrarlsfonnalions
socialrs du rapporl à la maladie. Rapport final. ANRS, juin 2000.
2 SyUa-Koko F, Anglaret X, Traore-Anaky MF, el al. Séroprévalence de l'infection par le VIH
dans les consultations prénatales d'Abidjan, (ôte d'Ivoire, 1995. Médecine el Maladies Infectieuses
J997; 27: )-2.
, Grémy l, Beltzer N, Echevin D. Les connaissances, al/ihldes, croyances el comporlemen/s face au sida
(li France. Évo/u/iollS 1992-1994-1998. ORS ANRS, avril 1999.
Attitudes par rapport au sida
Tableau 29
Proportion de personnes ayant déjà craint d'avoir été
contaminées, février 2000
Consultants Femmes enceintes
(n=254) (n=153)
% (effectiftotaD % (effectif totaD
Sexe p* = 0,8
Homme 64 % 02])
Femme 63 %(33)
• Test du Chi-2.
U Concerne les 50 ans et plus.
Tableau 30
Score de connaissance sur les modes de transmission du VIH,
février 2000 (sur une échelle de 0 à 9)
(voir p. 266 pour la définition du score)
Tableau 31
Score de tolérance à l'égard des personnes séropositives pour le
VIH, février 2000 (sur une échelle de 0 à 12)
(voir p. 266 pour la définition du scoreJ
Femmes
Consultants
enceintes
(n =254)
(n = 153)
Pratiques de prévention
Tableau 32
Proportion d'enquêtés ayant fait Je test de dépistage du VIH
selon J'année d'enquête et Je groupe enquêté
Consultants Femmes enceintes
(effectif) (effectif)
Février 1999 13 'Vo (} 03) 6 % (50)
Février 2000 9 0/0(254) 3 % (J 53)
Atlitudes par rapport au sida
1 261
Tableau 33
Proportion de personnes ayant effectué le test de dépistage du
VIH selon le sexe, l'âge, le niveau d'instruction ct l'état
matrimonial Consultants - février 2000 (n = 254)
% ayant fait le test
Sexe p* = O,OS
Homme 13%
Femme 6%
Âge P =0,03
15-19 ans 0%
20-24 ans 9 010
25-29 ans 12 %
30-34 ans SOlo
35 ans et plus IS%
Ensemble 9%
* Test du Chi-2
Parmi les personnes qui n'ont pas fait le test plus des deux tiers
déclarent souhaiter le faire. La principale raison pour laquelle ces per-
sonnes ne l'ont pas fait est « la peur de se découvrir infecté ", avec toutes
ses conséquences: crainte de mourir sans possibilité d'être soigné, mais
aussi crainte de se voir rejeté(e) par l'entourage. Ceci est en contradiction
avec le bon score de tolérance observé par ailleurs vis-à-vis des person-
nes séropositives. JI semble que les enquêtés s'affirment tolérants face
aux personnes séropositives, mais ne comptent guère sur la tolérance de
leur entourage au cas où eux-mêmes seraient séropositifs. Dans une
moindre mesure, des raisons matérielles sont invoquées pour expliquer
l'absence de dépistage (méconnaissance des lieux où le dépistage est pro-
posé et de son coût).
La moitié des répondants qui déclarent avoir fait un test du VIH
ont entrepris cette démarche sur les conseils d'un tiers (médecin, mais
~262 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
qu'à l'étranger. Parmi elles, seule une personne sur quatre donne une
approximation correcte du prix de ces traitements. On rencontre là une
insuffisance de l'Initiative: l'information sur l'existence et la fonction des
centres accrédités, cœur de son dispositif, n'a pas été diffusée largement;
elle concerne certains milieux spécifiques (associations, milieu médical
engagé dans la lutte contre le sida..,),
Conclusion
1\ Y avait trois réponses possibles pour chaque item: oui, non, peut-être.
Le score a été calculé en attribuant deux points pour un « oui ", un point
pour un « peut-être", et 0 point pour un « non ". JI varie donc de 0 à 12.
Chapitre 7.1
Synthèse et recommandations
Jean-Paul MüATII, Laurent VIDAL, Philippe MSEllATI
Un critère d'efficience
traitement ARV dans l'Initiative n'entrait pas dans les attributions de l'ANRS dans le cas de
l'Initiative en Côte d'Ivoire. les données fournies par le projet Relro-C1, soutenu par le (DC
américain, confirment cependant la bonne efficacité thérapeutique des traitements dans le
contexte de "Initiative, avec 50 010 de patients naïfs à l'inclusion mis sous lrith&rapie ayant
une charge virale indétectable à 4 mois de suivi el une survie de 86 % à 18 mois pour
l'ensemble des patients traités dans l'Initiative,
~270 L'accès aux traitements du VI HI sida en Côte d'Ivoire
contre l'épidémie, ou aux personnels de santé, etcJ Mais il est alors quasi
inévitable que ces choix suscitent des débats éthiques et idéologiques
de la part de certains secteurs de la société et puissent s'avérer discuta-
bles.
• De plus, doit être prise en compte l'équité verticale qui concerne
la façon dont la société peut souhaiter traiter différemment des individus
différents et pratiquer par exemple une « discrimination positive », afin
de réduire les écarts d'état de santé entre les plus démunis et les autres.
Les différentes conceptions de la justice sociale et de l'éthique peuvent
particulièrement s'opposer sur Je degré de correction des écarts (de santé,
de revenu, de bien-être) qu'il est possible ou souhaitable d'obtenir.
Dans le cas de l'Initiative, le souci de réduire les écarts d'accès aux
traitements entre personnes infectées par le VIH selon qu'elles vivent
dans les pays du Nord ou du Sud, et entre les groupes de populations
infectées dans les pays du Sud eux-mêmes, correspond à un objectif
assez radicalement égalitariste d'amélioration de l'équité verticale. Cela
passe inévitablement par une augmentation globale de la « capacité à
payer» les traitements dans ces pays (affordl1bitity) et une distribution
mieux répartie de cette capacité dans la population de chacun de ces
pays.
La réalisation de ces objectifs d'équité peut passer par différents
mécanismes: baisse des prix des médicaments sur le marché internatio-
nal et/ou sur les marchés des pays du Sud concernés d'une part, formes
diverses de subventionnement solidaire de la demande de médicaments
et de soins pour les groupes dont la solvabilité n'est pas suffisante d'autre
part. Il est important de noter que ces formes de « solvabilisation » de la
demande dans un objectif d'équité peuvent être variées (subventions
publiques par l'État; mécanismes collectifs d'assurance sous forme pu-
blique, mutualiste ou relevant des entreprises privées; aides internatio-
nales; dons.. J Dans tous les cas, il est important de vérifier si ces mé-
canismes sont cohérents entre eux, s'ils fonctionnent bien en faveur des
plus défavorisés (et donc qu'ils ne sont pas « détournés» au profit de
secteurs de la population qui avaient déjà la capacité de contribuer fi-
nancièrement à leurs propres soins), et s'ils n'ont pas des effets « pervers»
qui remettraient en cause l'efficience globale du programme évalué.
~272 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Un critère de légitimité
Les objectifs
viraux dans les centres spécialisés de référence (par ailleurs légitime dans
un contexte où les pays du Sud se voyaient menacés d'être interdits
d'accès aux progrès thérapeutiques diffusés largement dans les pays ri-
ches du Nord) a pu entretenir une attention insuffisante aux autres volets
de l'Initiative, en premier lieu la promotion de l'accès aux traitements
des infections opportunistes mais dussi l'amélioration de la prise en
charge psycho-sociale des personnes atteintes. Il est donc urgent de faire
un bilan de l'accès aux traitements des infections opportunistes en Côte
d'Ivoire et de vérifier dans quelle mesure, à la fois, des améliorations du
dépistage/diagnostic suivies de mise en route des prophylaxies, et la
diffusion des traitements ARV, ont été susceptibles de réduire l'incidence
de ces infections.
Chapitre 7.2
Mettre l'évaluation socio-économique
au service de l'accès aux traitements
du VIH/sida dans les pays
en développement : un nécessaire
changement de perspectives
Jean-Paul MOATrI, Stéphane LuccHINI, Philippe MSELLATI,
Laurent VIDAL, Yves SOVTEYRAND
1 Unaids. Report 0/1 Ihe global HIV fJJidemic. June 2000, Geneva.
illJR?) 282 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
2 World Health Organization (WHO). Guidelines On standard treafments and essmtil/I drugs for
H/V-rela/etl conditions. Access 10 H/V-rela/ed drugs. Geneva, OAP/97.9, 1997.
; Ainsworth M, Teokul W. Breaking the silence: setting realistic priorities for AlOS control
in Jess developped counlries. LOI/Cft 2000; 356 : 55-60.
, C'était la conclusion qui ressortait clairement de la consultation organisée en 1997 par
l'OMS et l'Onusida sur ce suiet. ln: Van Praag E, Fernyak S, Katz ANI, eds. Les incidfllCe5 des
lrai/eTl/mls al//iré/roviraux. Consul/alion informelle, avril 1997. WHO/ASO/97.2, Geneva.
L'évaluation socio-économique au service de l'accès aux traitements 283
observance massive des traitements par les patients des PED pour agiter
le spectre d'une «catastrophe de santé publique» dans l'éventualité de trans-
mission massive de souches virales devenues résistantes aux thérapeu-
tiques existantes 5.
Enfin, un dernier volet d'arguments se réfère à la notion d'équité
dès lors qu'il est bien sûr irréaliste d'envisager que l'accès aLLX traite-
ments puisse d'emblée couvrir l'ensemble de la population concernée
par l'infection à VIH. Dans ces conditions, « le recours à des fonds publics pour
subventionner dans (es pays les plus pauvres le frai/enunt des patienls qui présentent
le meilleur niveau d'éducation et la meilleure capacité d'être compliants comme du
meilleur accès aux structures sanitaires serait grandement inéquitable et détoumerait
des ressources sanitaires des plus pauvres vers ceux qui ne le sont pas »6
Les leçons qui peuvent être tirées de l'Initiative permettent d'ap-
porter des éléments, au moins partiels, de réfutation de ces arguments.
Dans ce dernier chapitre, nous nous efforçons de croiser les leçons de
l'évaluation menée en Côte d'Ivoire avec les outils d'analyse économi-
que. Comme nous chercherons à le montrer, ce croisement permet d'es-
quisser une alternative qui fait le pari, pour reprendre la belle expression
du Pr Hakima Himmich du Maroc lors d'un débat de la Conférence de
Durban, de « mettre ln pyramide des soins sur sa pointe », c'est-à-dire de faire
d'un accès facilité aux traitements antirétroviraux pour une fraction si-
gnificative de la population infectée des PED le vecteur d'améliorations
plus globales de la prise en charge du VIH/sida, voire de la situation
sanitaire d'ensemble. A ce niveau, les leçons de l'Initiative rejoignent les
préoccupations et les expériences d'autres programmes nationaux de
lutte contre le sida et d'organisations non gouvernementales qui, à des
échelles diverses, ont également intégré dans leur stratégie contre l'épi-
démie l'amélioration de l'accès aux médicaments, antirétroviraux com-
pris, notamment au Brésil, au Sénégal ou en Thaïlande 7.
Tableau 34
Part de la richesse nationale que représenterait
une couverture à 100 % des personnes infectées par le VIH
par les multithérapies antirétrovirales* (ARV)
Sylla 0, Lanièce l, Mbodj L, Ndoye 1. Microeconomie impacl of tlle an/ire/ravirai lIurapy OIllOllg
patients of /he serregalese cohorf. I3th International AlOS Conference, Durban, 9-14 July 2000
[Lb023]
Perez-Casas C. el al. Acccss 10 es5enlialmediônes campaign. Médfcins Sall.5 fronlières. H/VIAJDS IIIf-
diôlles priôlIg n'porr. Sflling objectives: islhere a politienl will? 13th International AlOS Conference,
Durban, 6 July 2000 [communication orale!.
Minislry of Health of Brazil. Na/ional Drug Policy. February 2001.
L'évaluation socio-économique au service de l'accès aux tranemen!s 285
• Barral PE. Twenlr rears of pharmareutim/ researrh resl//ts thrOl/ghoul the wor/il. Rhone-Poulenc
Rorer Foundalion, Paris, 1996.
~286 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
9 Di Masi lA. Success raIes for new drugs ente ring c1inical lesting in the Uniled States. Gin
Pllnrmnwl n,cr 1995 ; 8 : 123-32. Le raccourcissemenl des délais de mise en œuvre des pro-
cédures d'autorisation des nouveaux médicaments est d'ailleurs devenu un objectif explicite
des autorités américaines. Reh M. Changes at FDA may speed drug approval process and
increase off-label use. J Nnl} CaTlcer ITl5/ 1998; 90: 805-7.
ID Grabowski H, Vernon 1. Retums to R&D on new drug introductions in the 1980·s. J Hcal/h
ë!.
ro
3
CD
=0
in
N
00
'-l
anR?) 288 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
antirétrovirales pour des prix de l'ordre de 1 000 à 1 200 US$ par patient
et par an, soit des réductions de prix d'un facteur de l'ordre dL'X à quinze
par rapport aux prix nord-américains. Sans qu'il existe d'études précises
à ce sujet, il paraît envisageable que des économies d'échelle puissent
garantir des coûts marginaux de production des molécules nécessaires
à une multithérapie antirétrovirale aussi bas que 200 US$ par per-
sonne/an (voir encadré 0.
Encadré 1
La situation des génériques d'antirétroviraux
Les deux principaux pays producteurs de génériques d'antirétroviratLx à l'heure actuelle
sont le Brésil et l'Inde. Ils produisent la totalité des antirétroviraux de première généra-
tion (AIT, d4T, ddl, ddC, 3TCJ, un antirétroviral de deuxième génération (ia névirapine)
et, dans le cas du Brésil, un antirétroviral de troisième génération appartenant à la classe
des antiprotéases (l'indinavirl.
La fabrication, au Brésil et en Inde, de copies de ces médicaments, pourtant développés
par des laboratoires occidentatLx, est entièrement légale. En effet, ces produits n'ont ja-
mais été protégés par aucun brevet, ni au Brésil, ni en Inde, parce qu'à l'époque où ils
ont été inventés, les médicaments faisaient partie en Inde et au Brésil de la liste des
produits non-brevetables. Toutefois, avec l'uniformisation des systèmes de propriété in-
tellectuelle imposée par la mondialisation et l'Organisation mondial(' du commerce
(créée le )'"' janvier 1995), le Brésil doit, depuis 1996, concéder aux industriels des brevets
de 20 ans sur les médicaments. Le gouvernement américain a attaqué, début 2001 , devant
l'Oi\o\C une des dispositions de la loi brésilienne sur les brevets dont le but implicite était
de réduire la marge de manœuvre du pays pour la production de génériques. L'Inde,
quant à elle, a jusqu'en 2006 pour s'aligner sur les législations occidentales en matière
de propriété intellectuelle. En Thaïlande, jusqu'en 1992, les brevets n'étaient accordés
que sur les procédés industriels de fabrication, et non sur les produits eux-mêmes. Ainsi.
les médicaments en eux-mêmes n'étaient pas sous brevet, et si tant est qu'un autre
procédé de fabrication existe, rien ne s'opposait légalement à la production de copie.
C'est pourquoi l'AZT, la d4T et la ddl, qui ont été brevetés avant 1992, existent en version
copiée dans ce pays.
Certains autres pays produisent de l'AIT: par exemple, l'Espagne, le Canada, ou la Russie.
L'AIT fut inventé en 1964 dans le cadre de la recherche contre le cancer. Au début des
années 1980, il fut testé contre le VIH et l'on découvrit son effet antirétroviral. Le brevet
originel sur la molécule AZT étant déjà «tombé. dans le domaine public en 1974, le
laboratoire public américain à l'origine de la découverte déposa, en1985, un brevet sur
l'utilisation de l'AIT contre le VIH. Les pouvoirs publics américains cédèrent à la firme
britannique GlaxoWel1come une licence exclusive mondiale sur le brevet d'utilisation
de l'AIT. Toutefois, en 1985, un grand nombre de pays ne reconnaissaient pas les brevets,
soit sur les produits, soit sur les médicaments, soit sur l'utilisation du médicament. Dans
ce cas, des versions génériques d'AIT en usage anti-VlH peuvent être fabriquées ou
importées. De plus, il reste tout il fait légal, dans les pays où le brevet d'utilisation de
l'AIT existe, de fabriquer tous les ingrédients nécessaires il la formulation de comprimés
d'AIT aux doses de l'indication VIH, et d'exporter ces comprimés. en kit. vers des pays
où il n'y a pas de brevet sur l'AIT, qui pourront reformuler le comprimé final il partir
de ces ingrédients.
L'évaluation socio-économique au service de j'accès aux traitements 289
Encadré 2
Prix de monopole et prix concurrentiel
Comme on le voit sur le tnbleau 36, si le coÎlt marginal est de 1$ et donc le prix concur-
rentiel de 1$, et que l'élasticité est constante tout le long de la courbe de demande, et
égale à 2 (une hausse de prix de 1 % implique une baisse de 2 % des quantités deman-
dées), le coefficient multiplicateur dù à la situation monopolistique sera de:
1
(1 _ J/2) = 2 et le prix de monopole de 2 $
Si une taxe est imposée par les pouvoirs publics et augmente le coùt marginal de pro-
duction de 0.5 $, le prix concurrentiel deviendra 1.5 $, mais le monopole aura la possi-
bilité de répercuter plus que le montant de la seule taxe sur les consommateurs et le
prix de monopole sera 1,5 x 2 = 3 $. De façon générale, plus l'élasticité de la demande
sera faible (éest-à-dire qu'une hausse des prix affecte peu les quantités demandées par
exemple parce qu'il s'agit de biens essentiels pour la santé publique), plus le coefficient
d'écart entre prix de monopole et prix concurrentiel sera élevé.
12 Boiteux M. Sur la gestion des monopoles publics astreints à l'équilibre budgétaire. EcolIl}-
memcn 1956; 24 : 22-40.
~290 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Tableau 36
Prix de monopole versus prix concurrentiel
Figure 14
Demande, recette marginale, monopole
Prix ($)
la 000
C
Pm = 7 000 -----------------------------.:.....-.-----------
Courbe de
". --. ~
A
....... ................... -
recette marginale
fi
4 000
2 000
Courbe de
coùl marginal
O-+----,-----,----,----,.----,.---~...,.._'
o 2 4
L'évaluation socio-économique au service de ['accès aux traitements
" A J'intérieur d'un même pays. un monopoleur peut opérer une discrimination par les
prix dès lors que la revente du bien est difficile ou que l'on peut classer les acheteurs
potentiels selon la valeur forte ou faible de leur élasticité de demande. De nombreuses
industries, avec des coûts margindux faibles mais des coûts tlxes importants à amortir,
comme les chaînes hôtelières ou les compagnies aériennes, pratiquent couramment une
segmentation des prix afin d'attirer des consommateurs qui sans cela renonceront à se
présenter sur leur marché.
anR§) 292 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
J.J McKinsey, rI al. /tlcrrasillg awss 10 ARV Trral1llftll : Rrcommflldrd Approadl for UgoruIa. Discus-
montables pour le système de santé, même si les. médicaments étaient disponibles " doit
être sérieusement révisé à la lumière de cette étude.
L'évaluation socio-économique au service de l'accès aux traitements 293
1(, Grossman GM, Helpman E. tnym/ion and Growlh in /hl Global Economr- Boston, MIT Press,
1991.
ill1R?) 294 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
17 Nordhaus WD. Innova/ion, Growlh and WeIJarr. Boston, MIT Press, 1969.
la Guellec D, Kabla I. Le brevet: un instrument d'appropriation des innovations technolo-
giques. Économie & SllIlislique 1994 ; 275-276 : 8:5-94.
19 Varian HR. Irllmnediale Microeconomies. Norton [of Company, Fifth Edition, 1999.
L'évaluation socio-économique au service de l'accès aux traitements 295
20 Selon une élude récente du cabinet de môrketing Decision ResonrCfs /ne., le monde déve-
loppé dépensait environ 3,4 milliards de SUS pour les médicaments du VIH/sida en 1999,
et le marché émergent pour ces médicaments dans cinq pays touchés par l'épidémie de VIH
au Sud (Brésil, Chine, Jnde, Afrique du Sud el Thaïlande) pourrait représenter plus de trois
fois ce chiffre, soit Il milliards de $ d'ici 2004 • en Jonc/ioll du degré de réponse que /0 gouvernements
souhaileronl apporler à la crise du VIH J. Si ce genre d'étude est bien sür très discutable quant à
la fiabilité des résultats, il pointe en tout cas un intérét croissant des milieux économiques
et financiers pour le marché potentiel que représentent les ARV dans les PED.
21 Il s'agit de: Boehringer lngelheim, BristoJ-Myers Squibb, Glaxo Wellcome, Merck & Co
...,.-
génériques d'Inde, Cipta Lid, de commercialiser à l'exportation dans les PED une trithérapie
aux prix de 1 200 $US, 600 $ et 350 $ respectivement pour les grossistes, les gouvernements
et l'organisation humanitaire Ivlédecins sans frontières, proposition suivie peu <'près pdr
celle de Sd concurrente indienne Helera Drugs Lirl proposant une trithérapie annuelle à 347 $
(San Francisco Chronicle, Corllpassioll before profil in AlDS war, 26 March 2001).
" En AfTique du Sud, la plainte porte contre I~ quasi totalité des dispositions de la loi sur
les médicaments introduite en 1997 sous la présidence de Nelson Mandela (;\!Iedicilles allrl
Rela/erl Substances Control ArJlenrlrJItrlt Arl, No. 90), en particulier sur sa section 15C qui est in-
terprétée par les plaignants comme revenant f à abolir /oul droit des brevets Sllr le rJIfdiwl1lfJ//',
alors que le gouvernement sud-africain n'y voil qu'une possibilité de recours il des f il11por-
la/ions parallèles. en parfait respect des règles actuelles de l'OMC.
" Au cours du mois de mars 2001, Bristol-Myers Squibb a rendu publique une proposition
de ventes du d4T (Zerit) et de la ddl (Videx) en Afrique pour un prix respectif de 0,15 et 0,85
$US par patient/jour, Glaxo-SmithKline de ['association AZT/3TC (Combivirl pour 2 $US par
jour, et Merck & Co de l'indinavir (Crixivanl pour un tarif annuel par patient de 600 SUS
<Cette dernière firme étant la seule à envisager de tels prix pour d'autres PED non situés sur
Je continent afTicainl. Abbolt Lilboralories annonçait égillement son souhait de vendre en
Afrique ses deux Mltiprotéases (ritonavir-norvir et AllT378/r - Kaletra), ainsi d'aitieurs que
ses kils de diagnostic à leur «coûl de production ". Quant à Roche, elle proposait sous
couvert de l'Onusida des réductions respectives de 50 a/a et 15 % en Afrique pour ses deux
~ntiprotéases (saquinavir en capsules molles - r-ortovase et nelfinavir - Viracept). De son
côté, pfizer s'est engagée il une donation de son principal anti-fongique, le Diflucan, d'une
valeur de 50 millions de $US pour assurer pendant deux ans l'approvisionnement de l'Afri-
que du Sud pour ce médicament (Zimmerman R, Waldholdz M, IVallSlreel JOl/mal, 27 March
2001).
L'évaluation socio-économique au service de l'accès aux traitements 297
26 RetllerS, communiqué de presse. Brazi/ : Merck lVI/ms il lilI/Y sile ovec AIDS drug, 26 ,'vtarch
2001.
~298 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Figure 16
Évolution des prix des ARV au Brésil*
v; 51--;::==========~--;==:=:=:=:===================:::::;]
2 ~ Pas de générique ~ Générique
,~ 4
E
'C
0..
~u 3
01996
:J .1997
o "'~ 01998
-3'" 2 .1999
.2000
0 ..
'"
u
:; J
0..
,:;
o
Uo
Indinavir Saquinavir lamivudine Zalcilabine Didanosine Zidovudine
cap 400 mg cap 200 mg labs 150 mg 0.75 mg (ddi). 100 mg aDV). 100 mg
17Correa C. /nlcgrnlillg public henlth conCffi15 inlo patcnt Iegislalion in rlevdoping coulllries. South
Centre, Geneva. 2000.
L'évaluation socio-économique au selVice de l'accès aux traitements 299
Figure 17
Dessin paru en mars 2001 dans la presse sud-africaine
PA.IE.NT
RIGHIS'!
encadré Il, certaines molécules ARV, comme l'AZT, ont été brevetées avant
1995, date d'entrée en vigueur des accords sur l'Organisation mondiale
du commerce, ce qui permet leur production sans paiement de rede-
vances par des fabricants de génériques en toute légalité. Ensuite, les
pays dits « les moins développés» disposent d'un délai jusqu'en 2006
pour mettre leur législation nationale en accord avec les dispositions des
TRlP5. De plus, les législations nationales peuvent prévoir des disposi-
tions du type de 1'« exception Bolar »28 qui autorise un producteur de mé-
dicaments à entamer les procédures réglementaires d'A.M1\r\ d'un subs-
titut générique, avant la date d'expiration du brevet de la spécialité
28 Celle disposition a été introduite en J9134 dans la legislation américaine (US Drug Prier
Compe/ilion and Palml Tmn Res/omlion Act) et a pris le nom de Bo/ar suite au contentieux
opposant devant les tribunaux américains la firme Roche au producteur américain de gé-
nériques Bolar Pharmaceutical Co.
illJR?) 300 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
19 L'argument des« risques» de réimportations sauvages vers les marchés du Nord est d'ail-
leurs souvent avancé par l'industrie pharmaceutique pour légitimer ses réticences à des
baisses de prix au Sud. , l'our offrir de lets prix tI/ Afrique, nons devons êlre assnrés que nous serom
en mesure de lIIain/mir noIre sln/ch"e Ile prix dans les pays occidentaux, qui est esstl/lie/le pour garantir
noIre rr/our sur illveslissellltlll J. Déclaration de N. Pekarek, porte-parole de Glaxo-SmithKline
(rapportée par le tas Angeles Times. 25 March 2001)
L'évaluation socio-économique au service de l'accès aux traitements 301
de prix différenciés en faveur des pays pauvres» JO. Enfin, suite à la mobilisation
des chercheurs et des étudiants de l'Université de Yale, détentrice du
brevet de la d4T depuis 1986 J1 , dont elle avait confié le monopole d'ex.-
ploitation à Bristol-Myers-Squibb, cette dernière vient d'annoncer offi-
ciellement (avril 200I) qu'elle ne fera pas valoir ses droits de propriété
sur les éventuels producteurs ou importateurs des génériques de cette
molécule en Afrique sub-saharienne.
" L'un des inventeurs de la d4T, le Pr W. Prusoff dt'c1arail à celte occasion qu'il ne f pOl/rrail
dimeum rialls une inslilulion qui sr rrnr!rail (o1I1plicr tfu refus tf'offrir tfes IIlétficammls essfII/ir/s aux
prrsolllle5 qui mel/mil tfu siria en ilfrique J. Déclaration rapportée dans le Vancouver Sun, 24
March 2001.
;2 Van Praag E, Fernyak S, Katz Mvl, eds. Op. cil., note 4.
an~ 302 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Encadré :>
La loi des rendements décroissants en santé
Selon la loi drs rmdmlalls déaoissan/s, des augmenlations unitaires identiques et succes-
sives de la quantité des fadeucs de production utilisée entrainent. à partir d'un certain
point, des augmentations de la production à un taux décroissant, pourvu que certains
facteurs restent fixes et que le niveau des connilissances en matière de technologie et de
gestion ne s'améliore pas assez pour annuler les effets de la .Ioi », Cette loi fait donc
référence à des variations de rendement qui sont fonction d'une écheUe donnée. Mais,
si celle situation se généralise au cas d'une augmentation de l'utilisation de tous les
facteucs de production dans une proportion donnée qui se traduit par un accroissement
du produit dans une proportion moindre, on parle de rmdtlll(nls d'échdlr décroissants, dont
la conséquence inévitable est que le coût moyen à long terme ne peut qu'augmenter.
Un exemple «limite» de rendements décroissants, surtout à l'aune de l'absence d'accès
aux traitements efficaces des pecsonnes vivant avec le VIl-! dans les PED, nous est fourni
par la récente décision (octobre 2000) des pouvoics publics français, suivant d'ailleurs
une recommandation de l'Agence européenne du médicament, d'adjoindre systémati-
quement une PCR aux actuels tests sérologiques Elisa de troisième génération pour le
dépistage du virus de l'hépatite C (VH() dans les dons de sang. Une analyse coût-
efficacité avait été réalisée préalablement à cette décision dans le cadre d'un groupe
d'experts mis en place par la Direction générale de la santé'. EUe montrail que, du fail
du caractère limité du risque résiduel posHransfusionnel avec les tests existants (de
l'ordre de 1 pour 220 000 dons dans le cas du VH(), le coût additionnel par année de vie
potentiellement gagnée grâce à l'introduction de la PCR était d'un ordre de grandeur
très élevé et peu raisonnable; 558 millions de francs par année de vie gagnée si la PCR
s'applique à des pools de 50 dons; prés de dix fois plus si le dépistage par PCR est effectué
sur chaque don .
• ,vloalti)P, Loubière S, Rolily M. L'analyse économique face au principe de la garantie de sécurité en
transfusion sanguine. Tramfllsian Oilliqllc cl IJi.ologifjllc 2000; 7: 228-235.
L'évaluation socio-économique au service de l'accès aux traitements 303
1
Figure lB
Comparaison coût-efficacité des traitements ARV
aux stratégies alternatives de prise en charge du VIH
Traitements ARV
Population Population
Hypothèse: traitements ARV toujours Hypothèse vraisemblable: recoupement
dominés en termes de coût/efficacité des ratios coût/efficacité entre stratégies
ARV et stratégies sans ARV
" le Gales C. Moalti JP. rI al. Analyse coût-efficacité du dépistage du VIH chr:-z les fr:-mmes
enceintes dans les hôpitaux cie la région parisienne. ] Gynrcol Obs/rl Biol Rrprod 1990; 19:
36-42.
an~ 304 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
pour soigner une même catégorie de patients. Ce serait le cas si les sur-
coLÎts médicamenteux induits par les multithérapies antirétrovirales étaient
plus que compensés, dans les pays du Nord, par les économies pennÎ5es par la
rédllction des hospitalisations et des traitements des injections opportunistes décou-
lant de la généralisation des multithérapies. Au plan de l'ensemble des
patients traités, il subsiste cependant, quand on prend en compte l'en-
semble des coùts médicaux de prise un charge, un surcoùt net de ['ordre
de 10 à 20 % pour les traitements ARV,4. Mais il existe sans doute des
groupes de patients pour lesquels, dans Je Nord, Je recours aux ARV
pennet déjà de minimiser le coùt total médical de prise en charge, et on
ne peut exclure que des situations de ce genre existent pour certains
groupes de patients dans les PED". De plus, il faudrait, dans une logique
de comparaison des stratégies en termes de minimisation des coùts,
prendre en compte les coLÎls indirects (pertes de production liées à [a ma-
ladie et possibilités de gains permis par le retour à une activité profes-
sionnelle et productive pour les personnes traitées par ARV) ce qui ren-
force la possibilité que des stratégies utilisant les ARV puissent dans
certains groupes s'avérer globalement moins coûteuses pour la collecti-
vité. Lorsque ces coûts indirects sont pris en considération, une évalua-
tion économique menée dans le cadre de la Swiss HIV cohort study suggère
fortement que le traitement par multithérapies antirétrovirales (HAAKO
permet une économie nette par rapport à la seule prophylaxie des ma-
ladies opportunistes '6. Dans cette même étude, les coûts par année de
vie gagnée grâce à ces traitements sont estimés entre 9500 et 30 000 US$
et se réduisent à 7500 US$ par année de vie gagnée si l'on prend en
considération les coûts indirects.
Dans les PED, il n'existe pas pour l'instant d'études en matière
d'évaluation cOllt-efficacité qui soient basées sur des données réelles ob-
,., Torres RA, Barr M. Impact of combination therapy for HIV infection on inpatienl census.
N 1::1191 J Merl 1997 ; 336 : 1532-42.
;, A l'inverse, il faut reconnaître que dilns des pays très pauvres avec des PNB par habitant
inférieurs à 300 US$, il est probable que les «économies» de coûts d'autres traitements
permises par les ARV pendant la durée cie vie d'une personne infectée ne sont pas suscep-
tibles cie compenser plus de quelques mois les coûts des ARV.
'6 Sendi PP, Bucher He. Harr T, el nI. Cast effectiveness of highly active antiretroviraltherapy
in HIV-infecled patients. Swiss HIV cohort Study. AlOS 1999; L) : 115-22.
L'évaluation socio-économique au service de l'accès aux traitements
l 305
" Marseille E, Kahn JG, Saba J. Cosl-effectiveness of antiviral dnlg therapy 10 reduce malher
to child trilnsmission in sub-Saharan !\Fricil. 111051998; 12: 939-48.
" Wood E, Brailstein P, Monlaner J. Schechter M, Tyndilll M, O'Shaughnessy M, Hagg R.
Exlent ta which low-Ievel use of antiretroviral treatment could curb the AlOS epidemic in
sub-Saharan Africa. LmlCCl 2000; 355 : 2095-2100.
~30~\ L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Tableau 37
Simulation de l'impact des ARV sur l'épidémie de VlH/sida
en Afrique du Sud
J66
Scénario :> (138-193) 2177 47,5 52160000 133(79-226)
Utilisation pour la
pro~laxie généralisée
MT
1871 49,7 15000
Scénario 4 276
(I 583-2 190) (47,4-51,9) 19000 000 000 02700(17200)
25 Oro d'utilisation de
trithérapies"
Tableau 38
Évaluation coût/efficacité des traitements du VIH/sida
Coût moyen par année
Stratégie de vie gagnée (US$)
Prévention de la transmission mère/enfant 15-90
Prophylaxie cotrimoxazole 1 000-1 500
Multithérapies ARV aujourd'hui (?) ]5000
Multithérapie ARV demain (?) 500-1500
L'évaluation socio-économique au service de l'accès aux traitements 307
;g Kingdom ofSwazildnd Minist!], ofHealth ancl Social Welfare. Aaelrrnlin9 nam 10 H/VIAIDS
care ill Swnzilnnd. A pnrtJlmhip vetwefll Ihe Kin9doll1 of Swnzi/nl/d, /lu Ulliled NnliolJ5 Syslfm, an(l 'he
l'rivale sec/or. Project Document, September 2000.
L'évaluation socio-économique au service de l'accès aux traitements 309
quemment être liée à des problèmes d'observance (les prises étant soit
sautées, soit effectuées dans de mauvaises conditions). L'émergence de
résistances croisées à l'intérieur d'une même classe médicamenteuse,
voire interclasses, peut obérer les probabilités de succès futur des chan-
gements de traitements 41 . De plus, ['éventualité de transmission de sou-
ches virales devenues résistantes aux thérapeutiques existantes, dont
quelques cas ont déjà été documentés 42 , peut menacer l'efficacité future
des traitements à "échelle des populations. Les exemples passés d'émer-
gence de tuberculoses multirésistantes chez des patients atteints de sida 4)
démontrent que cette crainte n'est pas dénuée de fondements.
li est indéniable que l'efficacité des thérapies antirétrovirales, tant
individuelle que collective, impose des niveaux d'observance 44 (respect
de 80 % au moins des doses prescrites), qui n'ont jamais été observé nulle
part. au Nord comme au Sud, pour des traitements de long cours 45 . Il
est tout aussi indéniable, comme l'ont montré de très nombreuses re-
cherches en sciences sociales 46, qu'il existe une grande variabilité socio-
culturelle des perceptions de l'état de santé, du vécu des symptômes de
maladie ainsi que du recours et du suivi des prescriptions médicales.
Mais, ces problèmes existent aussi bien au Nord qu'au Sud. Le fait
qu'une proportion significative (de l'ordre de 20 % à 25 %) des patients
" Moutouh L, Corbeil J. Richman D. Recombination leads to the rapid emergence of I-1IV-I
dually resistant mutants under selective drug pressure. PrOf NIlII Acatl Sri USA J 996; 93 :
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..., I-1echt F, Grant R, Petropoulos C. el al. Sexual transmission of an HIV-I variant resistant
to multiple reverse-transcriptase and protease inhibitors. N En9/ J Metl 1998; 339: 307-11.
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hospitalized patients with the acquired immunodeficiency syndrome. N Eilg/ J Med 1992;
326: 1514-21.
4.' Les recherches suggèrent que 1'« oubli" d'un nombre très limité de doses peut suffire
pour induire des résistances aux antiprotéases, que le succès virologique (défini comme
l'obtention d'une charge virale plasmatique indétectablel est associé à une adhérence su-
périeure à 95 %, et enfin que les échecs virologiques des traitements augmentent « rapide-
ment au fur et à mesure que diminue le niveau d'adhérence D. Paterson DL, Swindells S,
Mohr J, Brester M. Vergis EN. Squier C. el al. Adherence to protease inhibitor therapy and
outcomes in patients \Vith HIV infection. AIIII Ill/em Med 2000; 13 (Il: 21-30.
., Chesney MA. Morin M, Sherr L Adherence to HIV combination therapy. So/Sci Meil 2000;
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an~ 312 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
·17 Hertogs K, Bloor S, Kemp SO, Van den Eynde C, Alcorn TM, Pauwels R, fi al. Phenotypic
and genolypic analysis of c1inical HIV- ( isolates reveals extensive protease inhibilor cross-
resistance: a survey of over 6 000 samples. AIDS 2000; 14 (9): 1203-10.
..., Les analyses préliminaires réalisées sur des prélèvements de 30 patients traités par ARV
dans le cadre de l'Initiative en Ouganda ~ suggèrent que les marqueurs [phénotypiques et
génotypiquesl de résistances parmi les sous-types non B en Ouganda sont similaires à celL'(
trouvés aux USA et en Europe ». Ochola O. Weidle P, Malamba S, Muyingo S. Ugllndll Minis/ry
of Hwllh - UNAIDS HJV/lIlDS Drug Access Initiative (August 1998-Marrh 2000/. Preliminary Report.
UNAIDS, COC, July 2000.
49 Lanièce 1, Ciss M, Ojeme B. Ndoye 1. Observance of antiretroviral therapy in the Senegalese
governmenta) Initiative. 13th International AlOS Conference, Durban, 9-14 July 2000
l.LbOr20J.
Palva V, Teixeira P, Shimma E. What is being done to improve ARV therapy adherence in
Sao Paulo, Brazil. 13th International AlOS Conference, Durban. 9-14 July 2000 [Tl-lPeBSOOSJ.
L'évaluation socio-économique au service de l'accès aux traitements
de lous les biens n'esl ni possible ni souhaitable », mais qui vise à faire en sorte
que « les diffrErenls biens sociaux soient plulôt distribués en verlu de raisons diffé-
rentes, par des agents différents et à des personnes différentes de telle sorte qu'auClln
groupe, qu'auCilne personne ne soient dominants d'une sphère à l'au Ire de ln vie
sociale »53. C'est dans cette implication égalitariste que se trouve sans
doute la racine de J'attachement des citoyens de l'actuelle Union euro-
péenne, attesté par maints sondages, à leurs systèmes de protection so-
ciale.
Cette forme de recherche de l'équité se heurte néanmoins aux
difficultés propres à toute tentative d'application de l'égalitarisme, même
si elle ne concerne qu'une sphère limitée, les besoins de santé, et non la
totalité sociale. Ces difficultés seront inévitablement exacerbées dans le
contexte de pénurie de ressources qui caractérise les pays en dévelop-
pement. Tout d'abord, le critère d'urgence et d'intensité du besoin
conduit souvent, par effet de seuil ou de « cliquet », à des situations para-
doxales: des personnes en situation intermédiaire, qui se trouvaient
dans la catégorie immédiatement supérieure aux plus défavorisés, se re-
trouvent, après application du critère, plus mal loties que ces dernières.
Surtout, la logique de priorité égalitariste aux patients les plus défavo-
risés se heurte au problème des rendements décroissants évoqué plus
haut. Il arrive un point, un seuil de détérioration du ratio coût marginal
par unité de résultat sanitaire, où le souci d'équité peut devenir trop
ouvertement contradictoire avec une exigence minimale d'efficience
dans J'utilisation des ressources.
A l'inverse de l'approche précédente, l'éthique utilitariste consiste
à « accorder 1111 poids égal aux inlérêts égaux de Ioules les parties J, « à ad.ditiol1uer
les avantages el les inconvénimts» el «à choisir ce qui dégage l'équilibre global le
plus posilif»54, sans se préoccuper des écarts qui peuvent exister en fonc-
tion des conditions socio-économiques ou des dotations individuelles
initiales, génétiques ou non, en« capilal-santé ». L'utilitarisme peut sembler
plus approprié, ou plus réaliste, dans le contexte de ressources limitées
des PED. La logique utilitariste conduira en effet à concentrer les efforts,
soit sur les catégories de patients dont l'état médical permet d'espérer
" Walzer M. Spheres of justice. A defetlce of plura!i5rn alld equali/y. Oxford: Basil BJackwell, J983.
,., Hare RN!. Moral Ihillkillg : i/5 level." rnelhods (IIId poinl5. Oxford: C1ill-endon Press, 1981.
L'évaluabon socio-économique au service de l'accès aux traitements 315
« Loomes G, McKenzie L. The use of QALYs in health care decision making. Soc Sci Med
1989 ; 28 : 299-308-
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17 Barnum H. Evaluating healthy days of life gained From health projects. Soc Sei Mid 1987 ;
24: 833-41.
;.., Selon les préférences collectives en vigueur, cette contribution ne se mesure pas forcé-
ment sur la dimension économique cie la production nationale, mais peut bien slir concer-
ner d'autres dimensions et valeurs humilines et culturelles.
,. Pour qui en douterait, la lecture clu chapitre 4.2 suffit il se convaincre de ce que représente,
en termes de risques pris avec l'environnement social et personnel, le fail d'assumer publi-
quement sa séropositivité en Côte d'Ivoire, comme dans les autres pays d'Afrique, au travers
de l'affirmation d'un militantisme associiltif.
an~ 316 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Selon un processus qui a souvent été décrit par les sciences so-
ciales 63 , il est à craindre que l'accumulation des arguments hostiles à
toute tentative de diffusion des traitements antirétroviraux du VIH/sida
dans les PED, arguments que nous sommes efforcés de discuter au long
de ce chapitre mais qui sont encore largement repris par de nombreux
experts et responsables de santé publique du Nord comme du Sud, ne
fonctionnent comme une prophétie autoréalisatrice. Ces représentations
du problème, à force de réaffinner l'existence de barrières bien réelles à
l'accès aux traitements du VIH/sida dans les PED, en viennent à les
conforter et à empêcher qu'elles ne puissent, au moins en partie, être
surmontées.
L'expérience d'évaluation de l'Initiative en Côte d'Ivoire, dont rend
compte cet ouvrage. a été conduite dans l'esprit d'un engagement radi-
calement différent où le regard critique de l'analyse socio-économique
et la mise en lumière, sans concessions. des difficultés rencontrées par
les acteurs sur Je terrain veulent servir positivement les tentatives d'ac-
célérer l'accès aux soins des personnes vivant avec le VIH/sida dans les
" Boudon R. La logique du socinl. Inlroduc/ion il l'mlnlysr sociologiJjur. Paris: Hachette, 1979.
~J18 L'accès aux traitements du VIH/sida en Côte d'Ivoire
Figure 1. Évolution des patients nails ayant enectué un bilan dans "Initiative
(aoüt 1998-mars 2000), p. 101
Figure 2. Organigramme du circuit du médicament en Côte d'Ivoire avant
l'Initiative Onusida, p. 118
Figure 3. Schéma initialement prévu par l'Initiative pour l'approvisionnement
en ARV, p. 119
F"l9ure 4. Évolution des fournisseurs d'ARV de la Pharmacie de santé publique
(1996-1999), p. 120
Figure 5. Circuit actuel de distribution des ARV en Côte d'Ivoire (2000/2001),
p.121
Figure 6. Clients de la PSP pour les ARV entre 1996 et 1999, p. 122
Figure 7. Évolution des ventes d'ARV en Côte d'Ivoire, p. 123
Figure 8. Évolution comparée des ventes de médicaments anti-hyperten-
seurs, ARV et pour le traitement des infections opportunistes par
la PSP (1996-1999), p. 125
Figure 9. Prix PSP des ARV par type de médicament et selon les dates de
mise sur le marché ivoirien, p. 126
Figure 10. Évolution des prix d'achat des médicaments présents sur le marché
ivoirien en 1996, p. 127
Figure Il. Évolution des prix PSP des médicaments pour les infections op-
portunistes (1996-1999), p. 128
Figure 12. Évolution des prix mensuels de bi- ou trithérapies courantes
(1997-2000), p. 129
Figure 13. Comparaison des prix des antirétroviraux (par dose journalière) en
2000 (Brésil, Côte d'Ivoire, Ouganda, USA), p. 130
Figure 14. Oemande, recette marginale, monopole, p. 290
Figure 15 Discrimination par les prix, p. 291
Figure 16. Évolution des prix des ARV au Brésil, p. 298
Figure 17. Dessin paru en mars 2001 dans la presse sud-africaine, p. 299
Liste des figures
Remerciements
• Connaissances, représentations,
comportements
(novembre 1994)
• Sexualité et sida
Recherches en sciences sociales
(décembre 1995)
• Le sida en Afrique
Recherches en sciences de l'homme
et de la société
(avril 1997)
• Le sida en Europe
Nouveaux enjeux pour les sciences sociales
üui llet1998)