DM Phantom Boy WEB Acc
DM Phantom Boy WEB Acc
DM Phantom Boy WEB Acc
1
Couverture : © Folimage / Diaphana Distribution
Fiche technique 1
Réalisateurs 3
Gagnol et Felicioli, dynamique duo
Faire un film 4
La folie sage de Folimage
Document 5
L’animation par Alain Gagnol
Personnages 6
Archétypes et écarts
Découpage narratif 8
Scénario 9
Une boucle et des fils
Séquence 10
Devenir Phantom Boy
Repérages 12
Reprises et décalages
Genre 14
Super-héros, du comic au film
● Rédacteur en chef
2
Fiche
technique
● Générique
1
Aux frontières du film
L'affiche et son double
L'affiche française [p. 1] et l'affiche américaine [ci-contre]
présentent-elles le film de la même façon ?
● Phantom, à plus d'un titre dessinée en 1936, on verra que « ghost » désigne davantage
l'esprit d'un mort ou un revenant, donc une entité sensible-
Un travail sur le titre amorcera une réflexion sur les ment plus effrayante que l'image mentale ou l'illusion que
attentes du spectateur. Le recours à la langue anglaise sera désigne souvent « phantom ». C'est ce qu'écrit Alain Gagnol
questionné : il s'agit bien, par le choix de ce nom, de placer dans le dossier de presse du film1: « Pas de cimetière ni de
le protagoniste du film dans la lignée des super-héros de la morts-vivants dans cette histoire. » Le scénariste indique en
bande dessinée américaine du type Batman ou Catwoman, outre que le « phantom » anglais, « avec sa sonorité proche
tout en insistant sur son jeune âge. On notera que plusieurs de la prononciation française » est « plus poétique » que
héros de ces comics sont des adolescents et qu'ils sont pour « ghost ». Enfin, une consigne de repérage sera donnée avant
la plupart membres de l'équipe des Teen Titans, à l'image de projection. Quand et comment est mentionné Phantom Boy
Kid Flash, de Robin ou de Wonder Girl. L'existence de la série dans le film ? Si les seules occurrences du nom figurent dans
d'animation Danny Phantom, conçue par Butch Hartman, et les génériques, accompagnées d'un même effet de dédou-
dont le héros, Danny Fenton, est mi-ado, mi-fantôme, doit blement des lettres, ce n'est qu'à la fin qu'elles sont accom-
être aussi rappelée, ainsi que celle de la bande dessinée pagnées du vol du super-héros. Comme s'il fallait le film en-
Kick-Ass de Mark Millar et John Romita. tier pour que Léo s'accepte tel qu'il est.
Le choix du terme « phantom » plutôt que « ghost » donnera
lieu à une recherche. Outre le fait que The Phantom de Lee
Falk est le premier justicier costumé et masqué de la bande 1 Téléchargeable ici : diaphana.fr/film/phantom-boy
2
Les réalisateurs
Gagnol et Felicioli,
dynamique duo
Le duo créateur de Phantom Boy
3 syros.fr/feuilletage/viewer.php?isbn=9782748521504
3
Faire un film
© Folimage
d'hui comme l'un des fleurons d'une
société de production au parcours exem-
plaire : le studio Folimage, situé près
de Valence 2. Son fondateur, le réalisa-
teur Jacques-Rémy Girerd, aujourd'hui
conseiller artistique de la société, le définit dans le dossier de Rosa, 2008), Claude Barras (Le Génie de la boîte de raviolis,
presse du deuxième film de Gagnol et Felicioli comme « une 2005), Regina Pessoa (Histoire tragique avec fin heureuse, 2005).
fabrique bourrée d'audaces et de tours de passe-passe, de tubes Quant au périlleux passage au film long — cinq titres à ce jour —
de couleurs et d'ordinateurs », mais aussi comme « une unité de il s'est effectué en 2003 pour Jacques-Rémy Girerd avec La Pro-
production qui ne ressemble à aucune autre ». phétie des grenouilles, suivi pour lui cinq ans plus tard par Mia
et le Migou et en 2013 par Tante Hilda !, coréalisé avec Benoît
● Un cas d'école Chieux. Cinq années semblent être la durée nécessaire à la fabri-
cation d'un long métrage à Folimage : c'est aussi l'intervalle qui
C'est en 1981 que Folimage a été créé, sur la lancée des prin- a couru d'Une vie de de chat à Phantom Boy pour Gagnol et
cipes mis en avant par l'éducation populaire, par quelques amis Felicioli.
désireux de proposer aux enfants des films réalisés image par Il faut ajouter à cette importante production celle des séries
image en animant des dessins ou des figurines en pâte à mode- pour la télévision, comme Ariol et Tu mourras moins bête, réa-
ler. Il s'agit alors de renouer avec une ambition pédagogique lisés par Amandine Fredon, dont de nouvelles saisons sont en
en créant pour le jeune public des œuvres qui rompent avec le cours de création. On notera enfin que Folimage, tout en res-
tout-venant de la production en revendiquant le caractère artisa- tant axé sur l'animation traditionnelle, n'a jamais refusé d'utiliser
nal et artistique de leur élaboration sans rien renier de leur visée l'informatique et s'intéresse désormais aux projets transmédia.
éducative : vulgarisation scientifique, écologie, sexualité… Ainsi, La Quatrième Planète de Jean Bouthors est développé sur
Folimage va peu à peu devenir un lieu à part, réussissant à trois supports : série animée, plateforme web et jeu vidéo. En
intégrer au pôle qu'il constitue tous les départements associés à bref, Folimage est plus que jamais, selon les mots de son créa-
la fabrication et à la diffusion du cinéma d'animation. C'est ainsi teur, « un atelier à l'ancienne, bien ancré dans le présent ». ■
qu'au-delà de la création elle-même, le studio, qui comptait 48
salariés en 2016, comprend aujourd'hui une unité de produc-
tion (intégrant même une branche « conception de générique »)
et de distribution (salle, DVD, VOD). Il peut aussi s'enorgueillir
d'avoir fait naître sur le site de la Cartoucherie de Bourg-lès-Va-
lence, en 1999, l'école de cinéma d'animation de La Poudrière 3,
aujourd'hui reconnue internationalement. Le studio, soucieux ● D'un studio à l'autre
de mettre en selle des nouveaux talents, propose aussi une rési-
dence d'un an à de jeunes créateurs. La présentation de Folimage pourra être l'occasion
d'évoquer en classe un élément trop rarement abordé :
● Les œuvres l'importance, en matière d'animation, des sociétés spé-
cialisées dans la fabrication des films tournés image par
À présent, le catalogue de courts métrages de Folimage est image. Il sera possible de montrer aux élèves comment
sans conteste l'un des plus riches qui soit. Parmi les auteurs mai- chaque studio, au-delà de la filmographie des réalisa-
son, que l'on retrouve souvent associés aux projets des autres, teurs, possède une identité fondée sur le travail d'équipes
on peut citer, outre les créateurs de Phantom Boy, le duo Gréco qui peuvent travailler dans un même esprit en se met-
et Buffat (La Bouche cousue, 1998), Pierre-Luc Granjon (collec- tant au service de projets différents. On comparera ainsi
tion Les Quatre Saisons de Léon, 2008-2012) ou Izù Troin (Féroce, le « panorama 2014-2016 » des courts produits par Foli-
écrit par Alain Gagnol, 2017). D'autres grands noms de l'ani- mage 1 à la présentation de la société Les Armateurs 2,
mation mondiale actuelle se sont arrêtés sur la case Folimage : à celle de JPL Films 3 ou à celle du studio Je suis bien
Michael Dudok de Wit (Le Moine et le Poisson, 1994), Konstantin content 4. Ces florilèges pourront aussi constituer l'op-
Bronzit (Au bout du monde, 1999), Félix Dufour-Laperrière (Rosa portunité de caractériser différents types d'animation :
dessin animé, papier découpé, pâte à modeler, objets,
marionnettes ou images de synthèse.
2 folimage.fr/fr/studio
1 La France est aujourd'hui le 1 youtube.com/watch?v=fCptwGd4nH8
premier producteur de films 3 poudriere.eu
d'animation en Europe (avec sept 2 youtube.com/user/LesArmateurs
longs métrages réalisés chaque 3 youtube.com/watch?v=ER8SIn0GJ7s
année en moyenne depuis
10 ans) et le troisième mondial. 4 youtube.com/watch?v=17RYQeqdOg0
Le secteur générait en 2016 près
de 5 300 emplois.
4
Document
L'animation par Alain Gagnol
Alain Gagnol explique les six étapes de fabrication d'un
film d'animation.
5
Personnages larmoyant, la présence de la maladie, à rebours, fait de Léo
un combattant. D'abord parce qu'il se bat contre un fléau qui
Archétypes et écarts ne dit pas son nom, et dont il va finir par triompher. Mais aussi
et surtout parce que sa maladie est mystérieusement à l'ori-
gine d'un super-pouvoir, ce dédoublement et cette capacité à
Les personnages de Phantom Boy renvoient à des figures voler dans les airs en traversant les murs qui font de lui un super-
bien connues du cinéma policier ou des films de super- héros. Rien de surprenant dès lors à voir le jeune garçon, par
héros, tout en affirmant un léger penchant vers la parodie. ailleurs amateur de récits policiers — il rêve d'entrer dans la
police new-yorkaise — et d'histoires fantastiques — il lit à sa
sœur les aventures de L'Exterminateur — se muer en justicier qui
Défini par Alain Gagnol dans une note d'intention publiée pourrait être issu d'un comic américain. Auxiliaire des forces de
à la sortie du film comme « un film policier fantastique pour un l'ordre, il va mettre son don au service de son ami et de la com-
jeune public »1, Phantom Boy se situe à la croisée des genres munauté, et c'est à lui qu'on devra la mise hors d'état de nuire du
cinématographiques. Il est intéressant, dès lors, de partir d'une monstrueux maître chanteur.
recension des personnages pour montrer à quel point leur carac- Enfin, un autre élément est donné en cours de film à l'oc-
térisation hérite, pour certains au moins, d'une forme d'hybrida- casion d'une discussion avec Alex : lorsqu'il est à l'hôpital, le
tion. Davantage orientés vers la parodie, d'autres personnages fantôme du jeune garçon se donne pour mission de réunifier l'en-
témoignent eux aussi d'une réflexion ludique et humoristique sur veloppe corporelle et le double évanescent des autres malades.
la notion de genre. Cette révélation est fondamentale puisqu'on comprend que tous
les malades de l'hôpital (en tout cas ceux qui luttent entre la vie
et la mort, comme c'est le cas d'Alex pendant un temps) pos-
sèdent vraisemblablement ce pouvoir de dédoublement. Cette
généralisation du fantastique ne fait qu'affleurer dans le film car
aucun patient, contrairement à Léo — et à Alex, en une occasion
— ne se souvient de la séparation de son fantôme… et donc de
la rencontre avec le jeune esprit sauveteur. Ce qui fait que l'aide
prodiguée par Léo témoigne de sa part d'un désintéressement
absolu, puisque nul n'éprouve la moindre gratitude à son égard.
Il convient d'ailleurs de noter que le péril qui semble affecter les
autres malades est sans doute celui qui menace l'intégrité phy-
sique de Léo : la séparation du double fantomatique et de l'enve-
loppe corporelle ne peut durer qu'un temps, et la mort ne serait
ainsi rien d'autre qu'une impossible réunification. Libre à chacun
de donner un sens symbolique supplémentaire à ce dédouble-
ment et d'y voir une variation scénaristique sur l'opposition tra-
ditionnelle de l'âme et du corps.
2 Cécile Mury, « On a les mêmes goûts, mais pas le même regard », entretien Loin d'être triomphant, le personnage du lieutenant de police
avec Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli, Telerama.fr, 14 octobre 2015 :
↳ telerama.fr/cinema/alain-gagnol-et-jean-loup-felicioli-realisateurs-de-phantom- n'est pas davantage conforme aux attentes du rôle. En dépit de
boy-on-a-les-memes-gouts-mais-pas-le-meme-regard,132818.php sa bravoure et de sa capacité d'improvisation, il semble mar-
6
qué par une certaine déveine qui le décrédibilise auprès d'une dernier n'a logiquement pas de nom, ni de passé. Tout son effort
hiérarchie qui, lui refusant tout soutien, l'oblige à agir en franc- de méchant, pathétique et risible, consiste à tenter de racon-
tireur. C'est alors son impuissance qui frappe. Immobilisé par un ter son histoire, c'est-à-dire à exister en tant qu'individu et à (re)
plâtre, il est incapable de mener son enquête autrement que par trouver une identité. Tel semble être le véritable enjeu de ses
l'intermédiaire du Phantom Boy, de Mary ou de La Taupe, alliés méfaits : le chantage pour un milliard de dollars aurait finalement
qu'il ne peut pas protéger. Il rejoint sur ce point un anti-héros de moins d'importance que la duplication de son visage sur tous les
cinéma bien connu, l'impotent Jeff Jefferies, qu'interprétait un écrans de la ville, et que la quête d'une oreille bienveillante. Il
James Stewart lui aussi plâtré et en fauteuil roulant dans Fenêtre convient, pour terminer, de compléter le tableau avec les autres
sur cour d'Alfred Hitchcock (1954). Autre point commun entre les malfrats qui, le plus souvent, font eux aussi basculer l'intrigue
deux personnages : chacun d'entre eux, empêché, a besoin d'ex- dans le burlesque. Également privés de véritable identité, ils ne
poser au danger le premier rôle féminin — dont il est amoureux sont connus que par les surnoms qui leur ont été donnés, sans
— pour mener une enquête très périlleuse. Ainsi, au confluent grande imagination, et qui tiennent à une particularité physique :
du thriller et de la romance sentimentale, le film conte aussi une La Taupe, l'indic myope, porte de grosses lunettes alors que
histoire d'amour, immédiatement identifiée comme telle par Léo, Le Géant et Le Petit Nerveux perpétuent la tradition comique du
entre le policier et la journaliste Mary. Enfin, la dimension fantas- couple de gangsters mal assorti. Ces personnages, maladroits
tique du film semble avoir contaminé le personnage d'Alex qui et peu efficaces, possèdent ouvertement une dimension paro-
est le seul parmi les adultes de l'hôpital à apercevoir son propre dique, sur le mode des truands français des Tontons flingueurs de
double et à se souvenir d'avoir été piloté par celui de Léo. Georges Lautner (1963). En ce sens, l'ultime pied de nez des scé-
naristes est de faire du chien hargneux et minuscule, qui fait par-
tie de la bande des malfrats, le plus redoutable de tous. ■
« On a joué avec les clichés,
les codes familiers, sans en être prisonniers,
en les nourrissant de nos inspirations,
de nos influences. »
● À chacun sa phrase [cf. fiche élève]
• Alain Gagnol, interview à Télérama, 14 octobre 2015
7
Découpage
6 DEUX FANTÔMES corps et retrouvé Alex, Léo, épuisé, fait
00:18:51 un malaise et s'écroule. Mary et La Taupe
narratif
À l'hôpital, Mary Delauney, choquée, attendent sur le port.
prend des nouvelles d'Alex, blessé à
la jambe. Ce dernier la rejoint mais la 12 UNE NOUVELLE ENVOLÉE
1 GÉNÉRIQUE journaliste ne le remarque pas. Le fantôme 00:43:20
00:00:00 de Léo survient et entraîne dans les airs Léo se réveille, sa famille à son chevet. Il
Le double fantomatique d'un jeune garçon le double d'Alex qui se regarde en train se rendort et quitte à nouveau son corps,
s'élève dans les airs, laissant la trace de dormir puis regagne son corps. Alors au moment où Alex laisse un message sur
blanche de son passage dans le ciel de que le policier se réveille très excité, Léo le répondeur de Mary. Le petit fantôme
New York. rejoint son propre corps et sourit. survole New York avant de regagner
l'hôpital où il observe le désarroi de ses
2 UNE AVENTURE DE 7 VISITE FAMILIALE parents et de Titi qui lui parle sans le voir.
L'EXTERMINATEUR 00:20:57
00:02:07 Dans son restaurant, le père de Léo, Dino, 13 ENLÈVEMENT
Un policier, pistolet au poing, monte prépare un plat de pâtes. Toute la famille 00:46:25
l'escalier d'un immeuble. Le criminel rejoint Léo à l'hôpital après sa prise de Impatient, le maître-chanteur réclame
en cape qu'il rejoint sur le toit est sang. Titi lui offre un dessin. Sa mère lui son argent par téléphone. Découvrant le
L'Exterminateur… C'est une histoire, lue à offre un roman policier. Léo souffre à message laissé par Alex sur le répondeur
sa sœur Titi par Léo, onze ans. Le grand cause du traitement et n'a pas d'appétit. de Mary, il décide de se débarrasser
frère, à la veille de son hospitalisation, d'eux. Sur le port, malgré la présence de
révèle un secret. Plus tard, la famille est 8 ALEX ET LÉO La Taupe toujours obsédé par les coffres-
réunie une dernière fois avant le départ 00:22:47 forts, la journaliste tombe aux mains de
de Léo. Au téléphone, Alex est éconduit par l'homme au visage cassé.
le commissaire sans être écouté. Une
3 LES MALHEURS D'ALEX TANGUY infirmière lui fait la leçon. Surgit Léo, 14 UNE NUIT AGITÉE
00:04:04 admiratif, qui veut devenir policier. Alex 00:49:47
Le lieutenant de police Alex Tanguy reçoit le repousse d'abord mais il se souvient La nuit tombée, sans nouvelles de Mary,
un blâme de son commissaire : alors d'avoir volé avec lui en rêve. Léo lui Alex et Léo discutent. L'orage gronde. Le
qu'il faisait ses courses au supermarché apprend que son fantôme l'a aidé à se petit fantôme retrouve La Taupe, seul.
avec la journaliste Mary Delauney, il réveiller en le ramenant dans son corps, Les deux complices du méchant, flanqués
a neutralisé deux braqueurs cagoulés comme il l'a fait pour d'autres. de Rufus, arrivent à l'hôpital, neutralisent
mais son intervention s'est soldée par les gardiens. L'homme au visage cassé
une explosion. Alex est envoyé à la 9 UN PEU DE CINÉMA oblige Mary, prisonnière sur un cargo, à
surveillance du port. 00:25:19 « consigner le récit de [s]a vie héroïque ». En
Le Géant et Le Petit Nerveux filment un discutant avec son ravisseur, la journaliste
4 AVANT L'ORAGE discours de leur chef qui veut raconter la récupère son téléphone et apprend
00:06:25 perte de son visage. Leurs maladresses et un indice sur le mot de passe pour
Un mois plus tard, à l'hôpital. Léo, l'irruption de Rufus font tourner le projet à neutraliser le virus : c'est « juste devant vos
désormais chauve, veut rentrer chez lui la catastrophe. yeux ». Dans sa chambre, Alex maîtrise
mais son traitement n'est pas terminé. ses agresseurs mais Le Géant s'enfuit,
Il s'endort et son fantôme quitte son 10 UN RENDEZ-VOUS PÉRILLEUX enlevant le corps de Léo. Le jeune garçon
corps. Après avoir volé dans la chambre, 00:27:23 s'échappe au moment où son fantôme
il accompagne sa mère, bouleversée, à la Alex échoue encore à convaincre le le rejoint. Le bandit est assommé par les
maison. Alors que sa silhouette commence commissaire. Il est rejoint par Léo, ravi gardes. Rufus court rejoindre son maître
à s'effacer, il regagne l'hôpital et son corps qu'un malade qu'il a aidé ne l'oublie et le fantôme le poursuit, révélant à Alex le
en survolant la ville. pas. Mary arrive à son tour. Apprenant lieu de détention de Mary, le Vizir. Encore
que la journaliste va au rendez-vous une fois, le commissaire refuse de croire
5 NOIR SUR LA VILLE d'un informateur, le policier s'inquiète. son lieutenant. C'est grâce au guidage
00:10:19 Incapable de la protéger, il fait équipe du fantôme, relayé au téléphone par
Pendant qu'Alex est de faction sur le port, avec Léo dont le fantôme suit la jeune Alex, que Mary échappe au méchant et
le maire répond à un mystérieux individu femme et relate ce qu'il voit. L'homme à son chien, qui s'enfuient. À distance, le
qui a fait descendre un téléphone rouge au visage cassé et ses complices sont malfaiteur fait sauter le cargo qui sombre
devant sa fenêtre. L'homme défiguré présents dans le parking souterrain, alors que Mary sauve la ville en devinant
clame sa puissance en apparaissant sur furieux de l'article rédigé par Mary dans le mot « paupières ». De retour sur le
les écrans de la ville qu'il plonge dans son journal. Alex les dupe au téléphone Vizir, le bandit, attaqué par Rufus, périt
l'obscurité, provoquant des carambolages. grâce aux renseignements donnés par dans l’explosion finale. Trop tard pour le
Alex remarque le chien Rufus poursuivi Léo ; Mary réussit à s'enfuir, mais perd son fantôme qui s’efface dans le ciel étoilé.
par l'un des acolytes du bandit. Sous la portable.
pluie, le policier se retrouve aux prises 15 ÉPILOGUE
avec Le Géant et Le Petit Nerveux qu'il 11 LA TAUPE À LA RESCOUSSE 01:10:03 - 01:21:00
réussit à maîtriser. Alors qu'il pourchasse 00:35:24 Léo, selon le docteur, semble être allé
leur chef, une caisse s'abat sur lui. Il est À l'hôpital, Alex explique à Mary que son au delà de ses forces. Alex se confie à
laissé pour mort. Nouvel appel au maire : sauvetage est dû à son indic, La Taupe. Mary. Alors que Titi vient raconter à son
le gangster menace d'activer un terrible Bien que ce dernier soit occupé à percer frère inconscient son histoire préférée,
virus informatique si une rançon d'un un coffre-fort avec Le Casseur, Alex le Léo ouvre les yeux. Le commissaire,
milliard de dollars n'est pas versée avant convainc de l'aider à trouver la planque du à contrecœur, félicite le lieutenant.
24 heures. Alex reprend connaissance et maître-chanteur. Accompagné de Mary, La Après avoir endormi Titi avec l’histoire
est conduit à l'hôpital. Taupe mène l'enquête, suivi dans le club de L’Exterminateur, Léo conclut : « Je
de strip-tease du mafieux Tony par le seul m’appelle Léo, j’ai 11 ans et j’ai un secret.
fantôme de Léo. Après avoir réintégré son Je suis un héros. »
8
Scénario termine avec la victoire sur la maladie. Entre temps, à de nom-
breuses reprises, l'enfant aura été montré en état de faiblesse
Une boucle et des fils et il aura frôlé la mort. La seconde piste, en proportion la plus
importante, correspond à l'enquête policière qui se double d'un
combat contre les forces du crime incarnées par l'homme au
visage cassé et son gang. Il s'agit de débusquer le maître-chan-
Phantom Boy entremêle deux histoires, un récit sur la
teur pour sauver New York du désastre programmé par un pira-
maladie et une intrigue policière, qui se croisent en de
tage informatique. D'autres aspects, en regard des objectifs des
nombreux points.
personnages principaux, peuvent être soulignés. Il en va ainsi de
la quête de rédemption du lieutenant Tanguy qui doit se faire
pardonner de son commissaire, de la chasse au scoop menée par
Que raconte Phantom Boy ? Si le titre désigne d'emblée le
Mary ou de l'histoire d'amour qui s'esquisse entre le policier et la
protagoniste du récit — sous un nom qui n'est jamais évoqué ail-
journaliste. Le développement parallèle de ces éléments oblige
leurs — force est de constater que le film, bien que centré sur
le plus souvent le film à un montage alterné des différentes
le personnage du jeune garçon, entremêle plusieurs fils narra-
séquences. Si Phantom Boy échappe à l'émiettement sans pré-
tifs qui ne se réduisent pas à sa seule histoire et qu'il convient
senter lui-même un « visage cassé », c'est que, à l'image des pou-
de repérer.
voirs de son fantôme volant qui possède le don d'ubiquité mais
ne cesse de revenir à son corps, les fils des différentes intrigues
● Un film en boucle ?
sont indissolublement liés. ■
Replions le début du film sur sa fin : l'effet de boucle appa-
raît comme une évidence. L'épilogue voit Léo, qui a retrouvé
ses cheveux, raconter à Titi l'aventure de L'Exterminateur dont
le récit figurait en abyme dans la séquence de lecture initiale.
D'un seuil à l'autre, il est toujours question de secret. Faut-il en ● À la recherche du running gag
déduire que le film pourrait être rejoué à l'identique ? Évidem-
ment non. La confidence chuchotée à l'oreille de la petite sœur L'un des facteurs d'unité du film est le recours aux
n'est sans doute pas la même que celle finalement énoncée en running gags, dont la définition pourra être recherchée.
voix off au spectateur : « Je m'appelle Léo, j'ai 11 ans et j'ai un Clins d'œil humoristiques aux spectateurs qui voient une
secret : je suis un héros. » Le film conterait ainsi le trajet du per- situation comique se reproduire, variations comprises,
sonnage de Léo, évoluant du statut de « super-héros » (la confi- à intervalles réguliers, ils sont à la fois une pause dans
dence initiale concernait bien sûr l'apparition de pouvoirs hors le développement des principaux fils narratifs et un lien
du commun) à celui, beaucoup plus humain, de « simple » héros. permettant au spectateur de passer sans heurt d'un élé-
Il faut noter que ce passage à l'héroïsme ordinaire semble lié à la ment à l'autre. On relèvera ainsi les apparitions du roquet
guérison du jeune garçon, ce qui permet d'imaginer que, selon Rufus (déjà présent dans Une vie de chat) pour montrer
toute vraisemblance, il ne possède plus ses pouvoirs extraordi- qu'au-delà de la perturbation qu'il sème, il est un élé-
naires à la fin du film. ment moteur dans la conduite du récit (reconnaissance
par le mafieux Tony, vengeance finale). L'autre running
● Alternances gag d'importance est l'incapacité du méchant à raconter
sa propre histoire… qui, à la fin, semble aussi gagner le
Préciser pourquoi Léo est devenu un héros permet de rappe- récit de Mary. Les interventions du commissaire, refusant
ler plusieurs éléments clefs de l'intrigue, que le scénario déve- d'écouter Alex au téléphone, peuvent être interprétées de
loppe à tour de rôle. La première piste est celle de la santé du la même manière.
jeune garçon. Le film commence avec l'entrée à l'hôpital et se
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Son agilité à se mouvoir dans l'espace contraste avec l'immobi- monde, ses deux enfants. Si, en amorce et les yeux clos, elle ne
lité du corps endormi qui se trouve comme emprisonné dans le peut apercevoir l'arrivée du fantôme qui l'a suivie, elle est tirée de
cadre de la baie vitrée. sa torpeur par une alerte vocale puisque Titi l'interpelle en l'ap-
pelant « maman ». Le plan [17] marque ainsi l'arrivée de la parole,
PLANS 11, 12, 13, 14 absente depuis le début de la séquence. Mais il confirme l'isole-
La vue en plongée sur le parking de l'hôpital, sans pour ment de Phantom Boy, plus invisible que jamais, bouleversé de
autant être subjective — Phantom Boy va très vite apparaître, constater les conséquences de sa maladie sur le quotidien de sa
traversant le champ — révèle que la narration se déroule selon famille. Il apparaît isolé dans le plan d'ensemble qui suit et qui
le point de vue de l'enfant. Tout au long du film, le choix de nous raccorde dans l'axe avec le gros plan du visage de sa sœur.
montrer ses circonvolutions aériennes en plan fixe sera systéma-
tique. En conséquence de son pouvoir de super-héros, l'enfant PLANS 19, 20, 21
va être amené à découvrir un spectacle auquel il ne devrait pas Seul personnage désormais cadré, le fantôme suit avec inté-
avoir accès : un drame familial qui se joue au moment où, traver- rêt la réponse de sa mère à Titi et les regarde s'éloigner. Son
sant le toit, le jeune fantôme voit sa mère s'effondrer en larmes attention est brusquement attirée, à l'instant où le xylophone
au volant. Le spectateur et l'enfant comprennent alors que pour se fait à nouveau entendre, par ses mains, rapidement mon-
l'adulte, qui a toujours fait bonne figure devant le jeune malade, trées grâce à un raccord regard subjectif [20]. Le bout de ses
l'anxiété, et probablement la fatigue, sont insupportables. Le doigts bleuit et devient transparent. Le héros perçoit ce retour
potentiel mélodramatique de cette révélation est accentué par à la situation initiale comme une alerte, une dernière double
l'importance accordée aux chœurs, dont l'intensité semble aller note de xylophone suivie du retour des chœurs angéliques sem-
croissant mais qui disparaissent avec le plan [14], à nouveau hors blant donner le signal du départ. Nous comprenons cette éva-
de la voiture, où le xylophone, qui caractérisera l'accompagne- sion directe par le haut comme la preuve d'une urgence absolue.
ment musical des plans d'intérieur suivants, fait son apparition. Le super-pouvoir ne dure qu'un temps : il faut au plus vite que le
fantôme regagne son corps. À la tristesse de la situation fami-
PLANS 15, 16, 17, 18 liale observée correspond le danger que court le double de Léo.
Après une ellipse — qui ne brise pas la continuité musicale — Le lien entre ce risque d'effacement du fantôme et la maladie de
la mère de Léo est de retour à la maison. Elle se croit seule éveil- l'enfant apparaît comme une évidence. ■
lée à cette heure tardive [15], ce qu'infirment, chacun dans leur
11
Repérage ● Allongements
● Ombres et lumières
12
● Perspectives
● Jeux de dames
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Genre ● Du super-héros…
Super-héros, du comic au film Il sera utile, dans un premier temps, de relever les traits dis-
tinctifs du super-héros tel que le présentent les comics, qu'il
s'agisse de Marvel, de D.C. ou d'autres maisons d'édition 3. Plu-
sieurs critères peuvent être ainsi mis en avant.
Quel super-héros est Super Léo ?
➀
Dans le monde binaire où il évolue, le super-héros se situe
Le scénario de Phantom Boy tire son origine de l'intérêt de
du côté du bien. Son objectif premier est l'éradication du mal. Sa
ses concepteurs — et du public ! — pour les comics américains.
nature de justicier le faisant apparaître comme un vengeur, c'est
Si le comic book désigne une revue de bandes dessinées qui se
à lui et à ses alliés éventuels qu'il revient de mettre hors d'état
présente sous la forme d'un fascicule d'une trentaine de pages1,
de nuire les malfaiteurs et de prêter main forte aux politiciens et
l'expression désigne très souvent les seules bandes dessinées
aux forces de l'ordre traditionnelles, en palliant leurs manques et
dédiées aux super-héros. De fait, Alain Gagnol avoue être parti,
leurs défaillances.
à la suite d'Une vie de chat, d'un « polar pur et dur » mais avoir fait
évoluer son récit vers le fantastique en y intégrant son « amour des
super-héros » : « Je suis un grand fan des Marvel Comics depuis
➁
Le justicier des comics possède généralement des pou-
que j'ai 10 ans. »2 Le coréalisateur cite ainsi l'un des deux grands
voirs surhumains. Force herculéenne, vitesse de déplacement
labels qui disent à eux seuls l'importance des super-héros dans
supersonique, capacité de transformation, hypersensibilité sen-
la bande dessinée et la culture américaines : Marvel et D.C.
sorielle… la liste des super-pouvoirs est longue. On notera néan-
Comics. Chacune des deux maisons d'édition possède un « uni-
moins que quelques rares justiciers, comme Batman, doivent
vers », un monde imaginaire parallèle au nôtre où se déroulent
leur statut de super-héros, au-delà de leur intelligence supé-
les aventures de tous ses super-héros. Marvel, dont les créateurs
rieure, aux accessoires inaccessibles au commun des mortels
historiques les plus marquants sont Stan Lee, Jack Kirby et Steve
qu'ils utilisent.
Ditko, possède Spider-Man, Hulk, Thor, Captain America, Iron
Man, Daredevil, Wolverine ou Ghost Rider mais aussi les équipes
des X-Men, des Quatre Fantastiques et des Avengers. D.C. pour
➂
Le super-héros, personnage public, est le plus souvent le
sa part compte dans son écurie nombre de héros mythiques tels
double d'un individu apparemment ordinaire, parfaitement
que Superman, Batman, Wonder Woman, Green Lantern, Flash
inséré dans la société, et dont on ne soupçonne pas qu'il puisse
et les équipes des Watchmen, des Teen Titans ou de la Ligue des
posséder une autre identité. Le secret entoure nécessairement
Justiciers. Côté créateurs, on citera Joe Shuster et Jerry Siegel,
cette transformation car il s'agit à la fois de respecter la vie pri-
pères de Superman, ainsi que Bob Kane et Bill Finger, qui ont fait
vée du justicier et de le protéger de ses ennemis. La consé-
naître Batman. Les plus connus des auteurs D.C. actuels sont Jim
quence immédiatement repérable de cette obligation est le port
Lee et Geoff Johns.
presque obligé du masque.
➄
Les super-héros évoluent essentiellement en milieu urbain,
à tel point qu'ils sont, selon la chroniqueuse Laureline Kara-
boudjan, « les nouveaux saints patrons des villes » : « Improbables
guides urbains, les super-héros de bandes-dessinées incarnent
l'esprit des villes où ils évoluent. » 4 La ville la plus représentée
est évidemment New York [cf. Décors et lieux, p. 16], même si
elle porte le nom de Metropolis pour Superman ou de Gotham
City pour Batman.
➅
Au super-héros correspond et s'oppose un ennemi absolu,
parfois double inversé, qui symbolise et personnifie le mal. Ce
méchant, au prix d'un anglicisme très répandu, entre dans la
catégorie des « super-vilains ». Parmi les plus emblématiques,
on citera Le Joker, Le Pingouin, Magnéto ou Lex Luthor. Ils sont
souvent dotés de super-pouvoirs et possèdent tous un costume
distinctif.
1 Alors que l'expression graphic novel désigne une histoire complète en un seul
volume.
2 Entretien avec Cécile Mury pour Télérama du 14 octobre 2015 (op. cit.).
4 blog.slate.fr/des-bulles-carrees/2010/09/13/super-heros-nouveaux-saints-
patrons-des-villes
14
● … à Super Léo ?
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Décors et lieux citaire géant sur le toit de l'immeuble où s'est réfugié L'Extermi-
nateur [00:02:41]. Y apparaissent une sirène et la mention du
The City that Never Sleeps nom de la ville. Il n'y a désormais plus de doute : l'action se situe
bien à New York, comme viendront le rappeler périodiquement
certains éléments du décor. Il en va ainsi du bureau du commis-
Phantom Boy est aussi un beau portrait de New York. saire, où la bannière étoilée du drapeau américain apparaît en
contrechamp d'une photographie représentant une fois encore
le pont de Brooklyn [00:06:23], mais aussi de celui du maire,
L'identification de la ville de New York ne fait pas discus- où un nouveau drapeau jouxte le portrait officiel du président
sion dans Phantom Boy. Gagnol et Felicioli ont d'ailleurs souhaité Barack Obama [00:12:03].
d'emblée qu'au « Paris réinventé » d'Une vie de chat succède une
évocation de la mythique cité américaine qui, si elle n'est pas la Les envolées du fantôme correspondent en ce sens à de véri-
capitale fédérale des États-Unis, en est néanmoins la plus grande tables visites aériennes de la ville. Deux sont nocturnes, confir-
ville, avec plus de 8,5 millions d'habitants. La projection sera l'oc- mant le cliché d'une « ville qui ne dort jamais » [séq. 4 et 14 ;
casion de revenir sur les représentations habituelles de « The Big cf. Découpage narratif, p. 8]. Deux sont diurnes [séq. 10 et 12]
Apple » (« la grosse pomme ») et de montrer en quoi le film, selon et permettent d'identifier des sites bien connus, qu'il s'agisse
les termes utilisés par Alain Gagnol dans le dossier de presse, en du Chrysler Building, de Times Square, du pont de Queensboro,
propose une « nouvelle vision graphique ». de Central Park ou de Liberty Island. On relèvera les plans d'im-
meubles en plongée ou en contre-plongée qui font aussi par-
● Repérer New York tie des représentations photographiques traditionnelles de New
York, ainsi que la présence d'autres éléments de décor urbain
Comment reconnaît-on New York dans le film ? Des indices comme les fameux taxis jaunes ou la mention du titre du New
sont immédiatement donnés au spectateur. En générique se des- York Journal qui emploie Mary.
sine d'abord sur fond noir la silhouette d'une ville américaine, où
il est possible de deviner le contour de l'Empire State Building, ● Réinventer New York
longtemps plus haut immeuble du monde [00:00:46]. Si l'hypo-
thèse est confirmée avec l'entrée du fantôme quelques instants Pourtant, alors que les allusions visuelles à la grande ville
plus tard par l'arrière d'un immeuble caractérisé par ses issues de sont multiples, une remarque liée aux dialogues s'impose : son
secours [00:01:08], les premiers plans identifiant sans conteste nom, très rarement prononcé dans le film, n'est entendu qu'après
New York arrivent quelques instants plus tard. C'est d'abord [00:12:28], lorsque le malfaiteur proclame sur tous les écrans de
un emblématique container, un water tank traditionnellement Times Square : « New York m'appartient. » D'autres éléments liés
utilisé sur le toit des immeubles pour maintenir la pression de aux sons témoignent d'ailleurs d'une mise à distance du contexte
l'eau [00:01 :18]. Il précède un plan qui ne peut que représenter américain. Il en va ainsi des noms des personnages qui, sans
le fameux pont de Brooklyn, qui traverse l'East River pour relier témoigner d'une contradiction absolue, renvoient davantage à la
Manhattan à Brooklyn, repérable à ses doubles arches caracté- culture française qu'à un univers nord-américain. On remarquera
ristiques [00:01:24]. On reconnaît enfin au premier plan la torche que les noms d'Alex Tanguy, Léo, Titi ou du commissaire Simon
géante de la Statue de la Liberté [00:01:48] dont il peut être auraient pu apparaître tels quels dans Une vie de chat. Que le
opportun de rappeler qu'inaugurée en 1886, elle a été un cadeau prénom Mary — dont le patronyme est, phonétiquement, celui
offert aux États-Unis par la France et s'appelle officiellement « La d'un couple d'artistes français célèbres [cf. Repérages, p. 12] —
Liberté éclairant le monde ». n'est jamais prononcé à l'anglaise dans le film. Les surnoms et
le comportement des truands comme La Taupe ou Le Petit Ner-
La première véritable séquence du film confirme ces obser- veux semblent eux-mêmes renvoyer davantage à la parodie poli-
vations initiales. À l'indice sonore de l'avertisseur d'une voiture cière de films français comme Les Tontons flingueurs (Georges
de police américaine [00:02:30] correspond un panneau publi- Lautner, 1963) ou Le cave se rebiffe (Gilles Grangier, 1961) qu'aux
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films noirs américains. On remarquera parallèlement que les
éléments de l'intrigue qui ne sont pas liés à la thématique du
super-héros (la famille, la maladie, l'histoire d'amour, le gangsté-
risme) auraient pu être conçus dans un contexte non-étasunien.
C'est donc bien un New York réinventé qui nous est présenté
dans Phantom Boy. Si Gagnol parle de « vision graphique », c'est
qu'il a volontairement choisi la voie de la re-création. Comparant
ses deux longs métrages, il déclare ainsi : « Paris et New York sont
aussi irréalistes l'une que l'autre. Les deux villes ne sont que des
versions rêvées, comme si elles avaient été recréées dans le stu-
dio. »1 Il est possible d'attirer l'attention des élèves sur ce travail à
partir d'un regard plus détaillé sur l'affiche [cf. Aux frontières du
film, p. 2]. Y apparaît en effet la nature composite de la création
graphique de Felicioli. La contre-plongée révèle un panorama
irréel où se côtoieraient (de droite à gauche) le Chrysler Buil-
ding, le pont de Brooklyn, le Comcast Building et le sommet du
Trump Building… Ce paysage imaginaire est à l'image des décors
du film qui « ont été dessinés à partir de photos, puis recompo-
sés parfois en déplaçant un building, en changeant d'angle ». La
technique utilisée par les décorateurs accentue cette personna-
lisation : tous les dessins des paysages new-yorkais ont d'abord
été réalisés sur papier avec des craies à la cire (les plus observa-
teurs auront remarqué que les craies Néocolor de Caran d'Ache
et le papier Canson sont cités au générique), et le travail infor-
matique qui s'en est suivi n'a pas gommé les traces du crayonné
initial.
De la même façon, on pourra interroger avec la classe les très
nombreuses représentations de New York au cinéma. Si Alain
Gagnol évoque de lui-même en entretien des films mythiques
tels que King Kong de Cooper et Schoedsack (1933) où le roi-
singe grimpe au sommet de l'Empire State Building à peine ● Rêver New York
deux ans après la fin de sa construction, ou Taxi Driver de Mar-
tin Scorsese (1976), force est de constater que le film emprunte Le film n'a pas l'ambition d'une restitution réaliste
peu à ces deux univers. L'utilisation de la Statue de la Liberté et choisit de présenter une ville fantasmée et reconsti-
dans Phantom Boy est plus révélatrice encore. Le film paraît très tuée depuis la France. New York apparaît alors comme
éloigné des références classiques, qu'il s'agisse de Cinquième une cité qui se prête à tous les rêves. Cette thématique
Colonne d'Hitchcock (1942), où le traître tombe du haut de la apparaît encore en fin de film, avec le premier couplet
torche, et, plus encore, des nombreux films de genre où la créa- de la chanson « Dream a little dream of me », interprétée
tion de Bartholdi est atteinte dans son intégrité : on rappellera La par Ella Fitzgerald et Louis Armstrong en 1950, que l'on
Planète des singes de Schaffner (1968), Batman Forever de Schu- pourra traduire.
macher (1995), Le Jour d'après d'Emmerich (2004) ou Cloverfield
de Reeves (2008). À y regarder de près, la séquence consacrée Stars shining bright above you
au moment de repos sur la statue doit davantage à la poésie d'un Night breezes seem to whisper “I love you”
grand classique de l'animation française, Le Roi et l'Oiseau (1953- Birds singing in the sycamore tree
1979) de Paul Grimault et Jacques Prévert, qu'aux films où « Lady Dream a little dream of me
Liberty » constitue le clou du spectacle. ■
Il sera aussi possible de travailler la mythologie de
New York à partir de la célèbre chanson « New York New
Le Roi et l’Oiseau de Paul Grimault et Jacques Prévert,
York.
1 Entretien avec Alain Gagnol pour Film Maker Magazine : If I can make it there, I'll make it anywhere.
↳ filmmakermagazine.com/99081-ghost-of-a-ghost-alain-gagnol-on-his-animated- It's up to you, New York, New York !
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Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock, 1954 @ Universal Pictures
Parallèles
D'un film à l'autre
Phantom Boy peut aussi servir d'introduction à de grands ● Le modèle allénien
classiques du septième art.
Si le New York de Phantom Boy est « réinventé » et si les films
de référence qui se déroulent dans les rues de « Big Apple » ne
Nourri de références et de citations, l'art de Felicioli et sont pas vraiment sollicités [cf. Décors et lieux, p. 16], le cas
Gagnol fait directement allusion à de nombreux films. Davan- de Manhattan fait exception. Le film, tourné en noir et blanc,
tage qu'un clin d'œil pour spécialistes, les œuvres évoquées à est sans doute le plus emblématique du lien qui existe entre le
travers Phantom Boy sont autant de pistes de lecture ludiques cinéaste Woody Allen et sa ville. Felicioli et Gagnol ont choisi
qu'il convient de partager avec la classe, photogrammes à l'ap- d'en citer une image légendaire, puisqu'elle correspond aussi à
pui. D'autant qu'elles peuvent poser les jalons d'une véritable l'affiche du film de 1979. On remarquera que les personnages qui
culture cinématographique. tournaient le dos à l'objectif sont montrés de face aujourd'hui,
ce qui permet de reconnaître Woody Allen (qui jouait lui-même
● La piste hitchcockienne le rôle d'Isaac, romancier et amoureux torturé). Ce clin d'œil
appuyé met au premier plan l'intrigue amoureuse et le rôle d'in-
Deux photogrammes qu'il est possible de comparer élé- termédiaire que joue le petit fantôme, désormais présent à
ment par élément suffisent à établir un parallèle entre un film- l'image : il ne s'agit pas seulement pour lui d'aider à la transmis-
clé du maître du suspense et l'intrigue de Phantom Boy. L'œuvre sion d'informations mais de favoriser le rapprochement d'Alex
de référence est sans conteste Fenêtre sur cour (1956). Le film et Mary. En ce sens, le photogramme emprunté à Manhattan
d'Hitchcock a cette particularité de mettre en avant un héros annonce l'avant-dernière séquence du film : ce sont le lieute-
paradoxal : en fauteuil, la jambe plâtrée, Jeff (James Stewart) nant de police et la journaliste qui, assis à leur tour sur un banc,
va devoir mener une enquête criminelle sans pouvoir quitter son constituent désormais un couple. On notera enfin un autre lien
fauteuil roulant. C'est sa petite amie, l'audacieuse Lisa (Grace entre le pont de Queensboro et le monde des super-héros : une
Kelly), qui, au péril de sa vie, va lui permettre d'agir par procu- séquence spectaculaire de Spider-Man de Sam Raimi (2002) s'y
ration. Outre le même milieu urbain (New York), d'autres élé- déroule.
ments essentiels au récit de Gagnol sont présents dans Fenêtre
sur cour, comme la romance qui court en filigrane ou le recours
au suspense final. On peut aussi mesurer, au-delà du fantastique,
ce qu'apporte le personnage du fantôme dans le film d'anima-
tion. Chez Hitchcock, Jeff est directement observateur de ce qui
se passe dans l'immeuble d'en face. Alex a, lui, besoin d'un relais
pour parcourir New York, puisque l'action du film se déroule
dans toute la ville.
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Batman de Tim Burton, 1989 © Warner Bros
● L'art de la mosaïque
● Échos musicaux
Si la face de l'homme au visage cassé évoque la période
cubiste de Picasso [cf. Personnages, p. 6], c'est à deux super-vi- La musique originale de Phantom Boy est signée par
lains de cinéma que le chef des malfaiteurs de notre film Serge Besset, collaborateur de longue date du duo Feli-
emprunte ses traits, son allure générale et sa mégalomanie. On cioli-Gagnol. L'influence sur son travail de deux autres
remarquera ainsi qu'il hérite du désir de pouvoir de Jack Grif- compositeurs mérite d'être soulignée : celle de Bernard
fin, qu'interprète Claude Rains dans L'Homme invisible de James Herrmann, compositeur attitré d'Alfred Hitchcock, et
Whale (1933). Il en va de même pour Jack Napier, alias le Joker, celle de Danny Elfman, qui a, entre autres, beaucoup tra-
que l'on retrouve dans le Batman de Tim Burton (1989) et dont vaillé avec Tim Burton. On écoutera en classe certains
la folie est parfaitement rendue par l'acteur Jack Nicholson. Il passages célèbres des deux compositeurs, ainsi le thème
sera intéressant de faire des recherches sur ces personnages de Sueurs froides (Hitchcock, 1958 ) et celui d'Edward
pour constater que l'origine de leur défiguration est expliquée aux mains d'argent (Burton, 1990) . Quelles séquences de
dans chacun des deux films, alors que celle de l'homme au visage Phantom Boy paraissent s'en inspirer ?
cassé demeurera un mystère [cf. Scénario, p. 9]. ■
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Créations
Sons et sens
Quelques idées pour prolonger le film par la pratique.
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