EL Bazzim - Les Sources Du Droit Budgétaire - Séance 2

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Cours droit budgétaire (séance 2)

Professeur : M. Rachid El Bazzim

Les sources du droit budgétaire

Le cadre financier régissant les instruments de finances publiques, y compris le


budget de l’État, est basé sur les sources suivantes : la constitution financière, la
législation financière, la jurisprudence financière et la doctrine financière. Cette
dernière n’a pas encore accumulé assez d’expertise, pour devenir une des principales
sources du droit budgétaire.

Section 1. La constitution financière

On désigne par « constitution financière » l’ensemble des éléments du bloc de


constitutionnalité, inhérents aux finances publiques. La constitution financière se
fonde sur les piliers et les fondements des finances publiques que contient la
constitution de 2011 d’une part, et les dispositions de la loi organique des finances
n° 130-13 du 2 juin 2015 d’autre part.

§1. Les fondements constitutionnels des finances publiques dans la constitution


de 2011

La constitution du Royaume, publiée le 29 juillet 2011, comprend un ensemble de


fondements et de principes régissant les finances de l’État, qui peuvent être résumés
comme suit :

A. L’équité et la solidarité devant les charges publiques

Les constitutions marocaines ont toujours consacré la matière budgétaire. La


constitution de 2011 illustre cet aspect, son article 39 pose deux principes
fondamentaux : le principe de légalité fiscale et celui de l’équité fiscale : « tous
supportent, en proportion de leurs facultés contributives, les charges publiques que
seule la loi peut, dans les formes prévues par la présente Constitution, créer et
répartir ».

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L’article 40 rappelle d’ailleurs le principe de la solidarité des citoyens dans les
charges résultant des calamités nationales : « tous supportent solidairement et
proportionnellement à leurs moyens, les charges que requiert le développement du
pays, et celles résultant des calamités et des catastrophes naturelles ».

B. Le principe de légalité

La Constitution du 29 juillet 2011, comme les Constitutions antérieures, confirme


expressément dans le 16ème alinéa du premier paragraphe de l’article 71, que parmi
les matières réservées à la loi : « le régime fiscal et l’assiette, le taux et les modalités
de recouvrement des impôts ».

C. Le principe de l’autorisation parlementaire

Par ailleurs, l’article 75 de la constitution énonce que : » le Parlement vote la loi de
finances ». Toutefois, la limitation des pouvoirs du Parlement, en matière budgétaire,
constitue une réalité remarquable. Cette limitation est prévue par le deuxième
paragraphe de l’article 77 de la constitution : » le gouvernement peut opposer, de
manière motivée, l’irrecevabilité à toute proposition ou amendement formulés par les
membres du Parlement lorsque leur adoption aurait pour conséquence, par rapport à
la loi de finances, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou
l’aggravation des charges publiques ».

D. Le principe de l’équilibre budgétaire

Sur le plan des théories économiques, il est toujours permis de se demander si


l’existence d’un déficit budgétaire est un mal en soi. Sur le plan purement financier, le
problème ne se pose pas : la notion de budget implique celle de l’équilibre, et la
recherche de cet impératif résulte aujourd’hui de la lettre du premier paragraphe de
l’article 77 de la constitution de 2011 : » le Parlement et le gouvernement veillent à la
préservation de l’équilibre des finances de l’État ».

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E. la primauté de la chambre des représentants sur la chambre des conseillers
(bicaméralisme inégalitaire)

L’article 75 de la constitution de 2011 exige que la loi de finances soit déposée


obligatoirement en premier lieu, sur le bureau de la Chambre des Représentants.
L’article 84 de la constitution, dans son deuxième paragraphe, concrétise la primauté
de la chambre des représentants sur la chambre des conseillers en affirmant que : « la
Chambre des Représentants adopte en dernier ressort le texte examiné ».

Quels que soient les motifs qui ont inspiré ces mesures, le fait qu’elles aient été
imposées par les Constituants, marque l’importance que ceux-ci attachaient à la loi de
finances.

F. la consécration des principes et des mécanismes de la gouvernance financière

La constitution de 2011 a instauré un ensemble de principes et de mécanismes


constitutionnels, visant à promouvoir la bonne gouvernance, à moraliser la vie
publique, à lutter contre la corruption, à prévenir et à combattre la corruption, en
consolidant le rôle de La Cour des comptes, en tant qu’institution supérieure de
contrôle des finances publiques du Royaume (article 147 de la constitution), Les
Cours régionales des comptes qui sont chargées d’assurer le contrôle des comptes et
de la gestion des régions et des autres collectivités territoriales et de leurs
groupements (art. 149 cst), en créant l’instance nationale de la probité, de la
prévention et de la lutte contre la corruption (article 167), et en consacrant la
corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes (article 1).

S’agissant du projet de loi des finances, ils ne peuvent être soumis à délibération en
Conseil de gouvernement, qu’après que ses orientations générales aient été acceptées
en Conseil des ministres (art. 49 Cst), ce qui réduit la marge de manœuvre du
gouvernement.

Le 4ème paragraphe de l’article 6 de la constitution de 2011, exige que les deux


Chambres du Parlement tiennent une séance plénière commune, consacrée à la

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présentation du projet de loi de Finances, au lieu que le présenter deux fois, devant
chaque chambre comme c’était le cas avec la constitution de 1996.

§2. La loi organique n° 130-13 relative à la loi de Finances (LOF)

Il est à rappeler que la loi organique de finances du 9 novembre 1963 a constitué la


première constitution financière au Maroc. L’adoption des constitutions de 1970 et de
1972 a donné lieu aux lois organiques relatives à la loi de finances du 3 octobre 1970
et du 18 septembre 1972. Durant les années 1990, la loi organique relative à la loi de
finances de 1998 n° 7-98 modifiée et complétée par la loi n° 4-00 du 19 avril 2000 a
aligné le dispositif des finances de l’État sur le nouveau dispositif constitutionnel de
1996. En 2015, la loi organique n° 130-13 relative à la loi de finances a fourni un
cadre législatif, pour consacrer les différentes mesures entreprises au cours de ces
dernières années, dans le cadre de la modernisation de la gestion des finances
publiques.

La loi organique n° 130-13 relative à la loi de Finances (LOF) revêt un caractère


constitutionnel. Prise sur le fondement de l’article 75 de la constitution de 2011, la
LOF constitue une suite du cadre constitutionnel des finances publiques. Elle répartit
les compétences des pouvoirs législatif et exécutif concernant la préparation, le vote
et l’exécution de la loi de finances.

La LOF contient 70 articles répartis sur 7 titres. Le titre premier porte sur la définition
et le contenu des lois de finances, des principes budgétaires, de la détermination des
ressources et des charges de l’État, du budget général, des services de l’État gérés de
manière autonome, des comptes spéciaux du Trésor et des comptes de l’État.

Le deuxième titre concerne la présentation des lois de finances. Le troisième titre


définit la procédure d’examen et du vote des lois de finances, et de la portée de
l’autorisation parlementaire, alors que le 4ème titre aborde le règlement du budget. Le
cinquième titre englobe des dispositions diverses, tandis que le 6ème titre précise
l’entrée en vigueur de la LOF. Enfin, le titre VII énonce l’abrogation des articles et
des dispositions transitoires.

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La LOF s’inscrit dans un processus de réformes structurelles visant notamment la
consolidation de la bonne gouvernance, le développement du capital humain et le
renforcement des mécanismes de solidarité et de cohésion sociale et spatiale, et un
apport à la réforme budgétaire entamée depuis 2001.

A. Les objectifs de la LOF

La LOF ambitionne d’atteindre les objectifs suivants :

L’actualisation du cadre juridique des finances de l’État, pour s’assurer de sa


conformité avec les règles constitutionnelles relatives aux finances publiques.

Le renforcement du rôle de la loi de finances, qui constituera le principal outil de mise


en œuvre des politiques publiques et des stratégies sectorielles. Cette politique
permettra d’assurer le développement économique et social durable. La répartition
équitable des fruits de la croissance tout en conservant l’équilibre financier du pays.

Le renforcement de l’efficacité, de l’efficience et de la cohérence des politiques


publiques ; et l’amélioration de la qualité du service public fourni au citoyen ainsi que
la responsabilisation des gestionnaires.

L’amélioration de la soutenabilité des finances publiques et de la lisibilité budgétaire ;


et le renforcement de la transparence des finances publiques ; et l’accroissement du
rôle du Parlement dans le débat budgétaire, dans le contrôle et dans l’évaluation des
politiques publiques.

B. Les fondements de la LOF

La LOF institue de nouvelles règles d’élaboration et d’exécution du budget de l’État.

1. Une « logique de résultats »

La LOF a substitué la gestion axée sur les moyens par la gestion axée sur les résultats.

Cette logique de résultats, qu’on appelle aussi « logique de performance »,


« démarche de performance », ou encore « logique d’efficacité », exclut dans son

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principe, la reconduction du budget, et ce, par opposition à la précédente logique de
moyens.

Cette logique recourt à la loi de finances pour la réalisation des objectifs, déclinées en
objectifs qualitatifs et quantitatifs précis, dont la réalisation doit pouvoir être
appréciée au regard de critères de performance préalablement définis.

Par conséquent, à la phase d’adoption de la loi de finances, le parlement accorde des


crédits budgétaires en vue de la réalisation de politiques publiques dont il approuve
par là même les objectifs.

Le Parlement est impliqué aussi dans la phase d’exécution, en assurant, tout au long
de l’exécution de la loi de finances, un suivi des crédits qu’il a ainsi accordés, afin de
contrôler leur bonne utilisation et s’assurer de l’efficacité des politiques publiques.

La LOF renforce le rôle du parlement, et les fonctions de contrôle et les missions


d’expertise de la Cour des comptes.

Le renforcement de la performance de la gestion publique est matérialisé, par la mise


en place de la programmation budgétaire triennale qui représente un cadre de suivi de
la performance en permettant d’inscrire la gestion budgétaire dans une perspective
triennale.

La responsabilisation des gestionnaires publics constitue l’un des objectifs majeurs de


la LOF. En amont, le Gouvernement doit justifier les demandes de crédits relatives
aux politiques publiques de son projet de loi de finances ; un projet annuel de
performance élaboré par le département ministériel ou l’institution concernée,
précisant notamment les objectifs du programme et des indicateurs de performance au
regard desquels pourra en être évaluée l’efficacité.

En aval, avec le projet de loi de règlement, doivent être présentés symétriquement des
rapports annuels d’audit de performance, mettant en parallèle les résultats obtenus et
les indicateurs initiaux, pour attester du bon usage des deniers publics et donc de la
performance des gestionnaires

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2. Le renforcement de la transparence des finances publiques

Pour renforcer la transparence budgétaire, la LOF prévoit d’introduire de manière


explicite, le principe de sincérité budgétaire, en vue de conforter la pertinence des
hypothèses qui président à la préparation de la loi de finances, confirmer la qualité
des prévisions de ressources et de charges. En outre, la comptabilité budgétaire est
enrichie par l’institution de la comptabilité d’exercice et de la comptabilité d’analyse
des coûts.

La LOF établit de nouvelles règles financières, pour renforcer l’équilibre financier et


améliorer la transparence budgétaire, dans la mesure où elle propose de conférer le
caractère limitatif aux crédits de personnel, d’interdire d’inscrire les dépenses de
fonctionnement ou personnel au niveau du chapitre d’investissement, d’interdire de
procéder au report des crédits d’investissement, et d’orienter la dette publique vers le
financement de l’investissement.

3. La revalorisation du contrôle parlementaire en matière budgétaire

La LOF œuvre à renforcer le rôle du parlement dans le débat budgétaire, à travers


l’enrichissement des informations communiquées par le gouvernement, le
réaménagement du calendrier de la préparation des lois de finances, la révision des
modalités de vote de la loi de finances, ainsi que la clarification du droit
d’amendement et de la notion de charge publique.

La mise en œuvre de la LOF était progressive sur cinq ans, à partir du 1er janvier
2016, afin de tenir compte de la capacité de gestion de l’administration publique et
d’assurer les conditions nécessaires à la réussite de la réforme.

Section 2. La législation financière

La promulgation de la loi organique n° 7.98 relative à la loi de finances en 1998 a


constitué le premier maillon du processus de modernisation et de développement du
cadre juridique et institutionnel, régissant les différents aspects des finances de l’État.

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Ces réformes successives répondaient à l’exigence de fonder des soubassements
financiers solides sur la base de critères de la transparence, de la simplification, du
contrôle, de la rationalisation et de la moralisation financière, etc. Ce processus est
influencé aussi par l’évolution de la gouvernance financière sur le plan international.

En fait, le fondement juridique du budget de l’État repose sur un arsenal de textes


juridiques dont on peut citer :

– La loi n° 62-99 formant code des juridictions financières.

– Le Dahir n° 1-00-175 du 28 moharrem 1421 portant promulgation de la loi n° 15-97


formant code de recouvrement des créances publiques. (B.O du 1er juin 2000)

– Le Dahir n° 1-02-25 du 19 moharrem 1423 (3 avril 2002) portant promulgation de


la loi n° 61-99 relative à la responsabilité des ordonnateurs, des contrôleurs et des
comptables publics (Bulletin Officiel n° : 5000 du 02/05/2002 — Page : 446)

– Le Dahir n° 1.59.269 relatif à l’inspection générale des finances.

– Les lois de finances : lois de finances de l’année, lois de finances rectificatives et


lois de règlements.

– Le Code général des impôts qui a vu le jour le 27 décembre 2007, complété et


modifié par les lois de finances de chaque année.

– Le règlement intérieur de la chambre des conseillers de 2020 suite à la décision de


la cour constitutionnelle n° 102/20 du 2 mars 2020.

– Le Décret royal n° 330.66 du 21 avril 1967 portant Règlement général de la


comptabilité publique, tel qu’il a été modifié et complété.

– Le Décret n° 2-15-426 du 28 ramadan 1436 (15 juillet 2015) relatif à l’élaboration


et à l’exécution des lois de finances tel qu’il a été modifié et complété

– Le Décret n° 2-12-349 du 20-03-2013 relatif aux marchés publics. (B. O. n° 6140-


25 du 04-04-2013).

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– Le Décret n° 2-07-1235 du 5 kaada 1429 relatif au contrôle des dépenses de l’État.
(B. O. n° 5684 du 20 novembre 2008).

– Le Décret n° 2-07-995 du 23 chaoual 1429 (23 octobre 2008) relatif aux attributions
et à l’organisation du ministère de l’économie et des finances modifié et complété par
le décret n 2.18.905.

Section 3. La jurisprudence financière

Les applications judiciaires des règles générales des finances publiques constituent
une source importante du droit budgétaire. La jurisprudence financière contribue à
expliquer et à interpréter les règles de la législation financière, comptable, fiscale et
douanière, à pallier le manque de clarté et de confusion qui peuvent les contenir, et à
élucider leurs significations et leurs implications à partir de situations concrètes. Elle
vise, aussi, à combler les lacunes de la législation financière.

Les décisions de la jurisprudence constituent une référence de base pour les juges, un
guide pour le chercheur et un support au législateur, pour apporter les modifications
nécessaires aux textes juridiques. Ces décisions concernent les intérêts publics et
communs de tous les citoyens, car elles tentent de révéler la manière dont les fonds
publics sont gérés, les irrégularités financières et les sanctions prévues contre les
violations des fonds publics.

Les organes de la jurisprudence financière au Maroc sont : la Cour constitutionnelle,


les juridictions financières et les juridictions administratives.

Le rôle de la Cour constitutionnelle dans le domaine financier est également d’une


grande importance dans l’élaboration et l’harmonisation des règles de la loi de
finances avec les dispositions de la constitution. La Cour, conformément au deuxième
paragraphe de l’article 132 de la Constitution, se prononce sur leur conformité des
lois organiques à la Constitution avant leur promulgation (y compris la LOF). Elle
statue, aussi, sur les lois, avant leur promulgation, à la demande du Roi, du Chef du
Gouvernement, du Président de la Chambre des Représentants, du Président de la

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Chambre des Conseillers, ou par le cinquième des membres de la Chambre des
Représentants ou par quarante membres de la Chambre des conseillers.

Les juridictions financières (la Cour des comptes et les cours régionales des comptes)
constituent, d’un point de vue théorique, la principale entité juridictionnelle en
matière de finances publiques. Ainsi, l’article 147 de la constitution de 2011 prévoit
que : » la Cour des comptes est chargée d’assurer le contrôle supérieur de l’exécution
des lois de finances ».

La jurisprudence des juridictions administratives en matière fiscale et douanière n’est


pas moins importante que les deux sources précédentes de la jurisprudence financière,
notamment au regard de l’efficacité et de la compétence dont a fait preuve le juge
fiscal dans le traitement des affaires dont il était saisi.

La loi n° 41-90 instituant des tribunaux administratifs a institué la compétence des


tribunaux administratifs en matière fiscale. En effet, son Chapitre V énonce :
compétence des tribunaux administratifs, en matière fiscale et de recouvrement des
créances du trésor et autres créances assimilées.

Les réclamations et recours formés en matière fiscale relèvent par nature du


contentieux de pleine juridiction.

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