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GÉNIE INDUSTRIEL

Ti082 - Logistique

Modes de pilotage des flux


logistiques

Réf. Internet : 42121 | 5e édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Logistique
(Réf. Internet ti082)
composé de  :

Gestion des flux logistiques Réf. Internet : 42119

Modes de pilotage des flux logistiques Réf. Internet : 42121

Appareils de levage et chariots de manutention Réf. Internet : 42118

Palettiseurs et manutention continue Réf. Internet : 42122

Transport et logistique Réf. Internet : 42123

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Logistique
(Réf. Internet ti082)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Karine SAMUEL
Professeure des Universités, Présidente de l'AIRL-SCM (Association
Internationale de Recherche en Logistique et Supply Chain Management)

Michel SAVY
Professeur à l'Université Paris XII-Val-de-Marne et à l'École nationale des ponts
et chaussées

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Mohamed Zied BABAI Carine FOUIN


Pour l’article : AG5150 Pour les articles : AG5165 – AG5166

Michel BALDELLON Patrick GENIN


Pour les articles : AG5130 – AG5131 Pour les articles : AG5115 – AG5120

Guy BALMANA David HUART


Pour les articles : AG5100 – AG5105 Pour les articles : AG5171 – AG5173

René BALMES Anicia JAEGLER


Pour les articles : AG5100 – AG5105 Pour l’article : AG5172

Patrick BURLAT Samir LAMOURI


Pour l’article : AG5121 Pour les articles : AG5110 – AG5115 –
AG5120 – AG5140 – AG5190
Béatrice CHABRIER
Pour l’article : AG5125 Daniel LECOEUVRE
Pour l’article : AG5155
Claude DUDOUET
Pour l’article : AG5111 Aurélien ROUQUET
Pour l’article : AG5169
Joël DUFLOT
Pour les articles : AG5195 – AG5196 André THOMAS
Pour les articles : AG5110 – AG5115 –
Stéphane DUPLANTIER AG5120 – AG5140 – AG5190
Pour l’article : SE2055
Anne VINAGRE
Dominique ESTAMPE Pour les articles : AG5130 – AG5131
Pour les articles : AG5100 – AG5105 –
AG5111 – AG5170 – AG5171 – AG5173

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VI
Modes de pilotage des flux logistiques
(Réf. Internet 42121)

SOMMAIRE
Réf. Internet page

Sécurité incendie dans les entrepôts SE2055 9

Modèles de gestion des flux : présentation et choix AG5100 13

Pilotage des flux AG5105 17

Flux poussés : MRP et DRP AG5110 21

Flux pilotés par l'aval ou flux tirés. Illustration du cas de l'industrie automobile AG5111 25

La planification industrielle et ses limites AG5115 31

Planification avancée. L'apport des Advanced Planning Systems AG5120 35

Méthodes concrètes de conception de système de pilotage de ligne en mode CONWIP AG5121 39

Dimensionnement logistique d'un site AG5125 43

Piloter par exception des stocks en mode Kanban AG5130 47

Lean appliqué au tri de déchets. Retour d'expérience en milieu industriel AG5131 51

Gestion des stocks dans un contexte de demandes indépendantes AG5140 55

Méthodes de prévision au coeur de la prise de décision AG5150 59

Prévisions systémiques dans la supply chain globale AG5155 63

Comment sécuriser sa Supply Chain. Partie 1. Approche théorique AG5165 67

Comment sécuriser sa Supply Chain. Partie 2. Cas de Samixco AG5166 73

La performance des supply chains AG5169 79

Modèles d'évaluation de la performance supply chain AG5170 83

Mesurer la performance financière de la Supply Chain. Modèle théorique AG5171 89

Mesurer la performance financière de la supply chain. Cas pratique AG5173 97

Management de la supply chain durable AG5172 103

Juste à temps et qualité totale : concepts et outils AG5190 107

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VII
Lean Management. Bien le comprendre pour bien le déployer AG5195 111

Lean Management. Principes Qualité et Juste à temps AG5196 115

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Référence Internet
SE2055

Sécurité incendie dans les entrepôts

par Stéphane DUPLANTIER (INERIS)


Responsable unité incendie-ventilation

1. Conception de l’entrepôt et modalités de stockage...................... SE 2 055 — 2


1.1 Définition de « l’entrepôt type » ................................................................. — 2
1.1.1 Les plates-formes logistiques ............................................................ — 2
1.1.2 Les autres entrepôts ........................................................................... — 4
1.2 Caractéristiques géométriques d’un entrepôt........................................... — 4
1.2.1 Superficie de stockage ....................................................................... — 4
1.2.2 Hauteur de stockage ........................................................................... — 5
1.3 Principaux éléments constitutifs ................................................................ — 5
1.3.1 Structure de l’entrepôt ....................................................................... — 5
1.3.2 Toiture.................................................................................................. — 5
1.3.3 Façades ................................................................................................ — 6
1.3.4 Sol ........................................................................................................ — 6
1.4 Agencement de l’entrepôt .......................................................................... — 6
1.4.1 Zone de stockage ................................................................................ — 6
1.4.2 Autres zones........................................................................................ — 7
1.5 Principaux dangers engendrés par les entrepôts ..................................... — 8
1.5.1 Causes ................................................................................................. — 8
1.5.2 Facteurs aggravants ........................................................................... — 8
1.5.3 Conséquences..................................................................................... — 8
1.5.4 Nature des marchandises .................................................................. — 8
2. Mesures de prévention ........................................................................... — 9
3. Mesures de protection............................................................................ — 10
3.1 Mesures de protection passive .................................................................. — 10
3.1.1 Emplacement de l’entrepôt................................................................ — 10
3.1.2 Compartimentage ............................................................................... — 11
3.1.3 Écrans de cantonnement ................................................................... — 11
3.1.4 Rétention des eaux d’extinction ........................................................ — 12
3.2 Mesures de protection active ..................................................................... — 12
3.2.1 Mesures organisationnelles............................................................... — 12
3.2.2 Extincteurs........................................................................................... — 12
3.2.3 Robinets d’Incendie Armés (RIA)....................................................... — 12
3.2.4 Détection incendie .............................................................................. — 13
3.2.5 Installation fixe d’extinction automatique ........................................ — 15
3.2.6 Éxutoires de chaleur et de fumées ................................................... — 17
3.2.7 Évacuation........................................................................................... — 18
3.2.8 Intervention des secours.................................................................... — 19
3.2.9 Bouches et poteaux d’incendie ......................................................... — 19
3.2.10 Alimentation en eau d’extinction.....................................................
— 19
Bibliographie. Organismes ............................................................................ — 20

D e nombreux incendies graves se produisent dans des entrepôts ou sur des


aires de stockage alors que ceux-ci contiennent relativement peu d’équipe-
ments dangereux par rapport à des installations de production.
Parution : octobre 2005

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur SE 2 055 − 1

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Référence Internet
SE2055

SÉCURITÉ INCENDIE DANS LES ENTREPÔTS _________________________________________________________________________________________________

La plupart de ces incendies entraîne le plus souvent la ruine totale de l’instal-


lation concernée et les dégâts tant en termes économique que social se chiffrent
en millions d’euros.
Le désir de rationalisation et de rentabilité a conduit, ces vingt dernières
années, la grande majorité des entreprises (spécialisées dans les activités de
stockage ou non) à entreposer les marchandises sur des surfaces et des hau-
teurs toujours plus grandes. Par ailleurs, la généralisation de l’emploi des matiè-
res plastiques à l’ensemble des activités industrielles a considérablement
modifié les risques d’incendie dans les zones de stockage.
Ainsi, la problématique des incendies dans les entrepôts est particulièrement
vaste et, afin de cerner au mieux les phénomènes entrant en jeu, il semble indis-
pensable de dresser un premier bilan des configurations usuelles des entrepôts
à l’heure actuelle.
Ce document est consacré à la présentation d’une typologie des entrepôts et
des moyens de prévention et de protection existants en s’articulant autour des
points suivants :
— les produits stockés : il est clair que le risque d’incendie et le déroulement
de ce dernier est directement fonction des propriétés des produits concernés. De
plus, il est également important, le cas échéant, de ne pas négliger la contribu-
tion des matériaux d’emballage et de conditionnement en terme de puissance
thermique et de propagation d’un éventuel incendie.
Il est à noter que certains engrais ou matières dangereuses type phytosanitaires,
dont le principal danger réside dans le fait qu’ils sont susceptibles de se
décomposer et de libérer des substances toxiques, sont exclus de la présente
étude.
— les modalités de stockage et la conception du bâtiment, qui jouent essen-
tiellement sur la propagation de l’incendie, mais aussi, par exemple, sur le nom-
bre de personnes présentes dans l’entrepôt.
Il est à souligner que les stockages en réservoirs, cuves, etc. sont exclus de la
présente étude. Il existe par ailleurs un certain nombre de documents traitant de
ces modes de stockage particuliers.
— les mesures de protection et de prévention retenues : ces différents para-
mètres influent fortement sur la probabilité d’occurrence et sur le développe-
ment du feu dans le bâtiment et permettent également d’apprécier les
conséquences éventuelles d’un sinistre survenant dans l’installation concernée.
Il est important de préciser que ce document a pour objet de fournir une des-
cription d’entrepôts et de dispositifs de sécurité incendie associés en s’intéres-
sant d’une part à l’existant et d’autre part en rappelant le cas échéant le contexte
réglementaire.
Cette remarque est d’autant plus importante que le contexte réglementaire a
sensiblement évolué suite à la parution de l’arrêté du 5 août 2002 relatif à la
rubrique 1510 et que certaines évolutions identifiées dans ce document ont été
infléchies suite à la publication de l’arrêté.

1. Conception de l’entrepôt croissance depuis quelques années. Cette évolution est liée
principalement :
et modalités de stockage — à l’augmentation de la fréquence de livraison vers la grande
distribution ;
— à l’accroissement des fréquences d’approvisionnement des
1.1 Définition de « l’entrepôt type » entrepôts lié au transfert des stocks de production ;
— au développement du commerce électronique.

1.1.1 Les plates-formes logistiques Pour répondre à cette évolution, des entrepôts de type plates-for-
mes logistiques ont été conçus. Ces grandes structures n’ont plus
grand chose à voir avec les entrepôts « classiques ». Elles se compo-
En France, la demande en matière d’entreposage couplée à un sent de plusieurs cellules aménagées dans un ou plusieurs
besoin de prestations périphériques complémentaires est en bâtiments.

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SE 2 055 − 2 © Techniques de l’Ingénieur

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Référence Internet
SE2055

________________________________________________________________________________________________ SÉCURITÉ INCENDIE DANS LES ENTREPÔTS

Les plates-formes ne se limitent plus à des activités d’entrepo- • Fonction de transport : cette fonction engendre une rotation
sage mais ont également des activités de sous-traitance d’opéra- d’une centaine de palettes par quai. Elle génère ainsi un trafic de
tions de fabrication : poids lourds importants (plusieurs centaines de camions par jour en
— co-fabrication ; entrée et en sortie), et peut être réalisée également par rail ou voie
— conditionnement ; navigable lorsque c’est prévu. Grâce à l’apparition de moyens de
— marquage ; manutention de grande capacité (jusqu’à 16 palettes manipulables
en une seule opération), les temps de chargement/déchargement
— etc.
sont réduits.
La tendance va également vers des structures de plus en plus
Les produits stockés sont conditionnés, emballés et palettisés. Le
importantes avec des hauteurs et des surfaces de stockage de plus
client peut être un fabricant, qui dans ce cas fournit des produits qui
en plus élevées (parfois plus de 100 000 m2), le tout allant de pair
peuvent être regroupés de façon simple par gamme. Cependant, il
avec une densification des zones de stockage.
peut s’agir également d’une chaîne de grande surface, pour laquelle
Les plates-formes logistiques sont localisées le plus souvent dans les produits seront très divers. Une des caractéristiques principales
des zones industrielles ou des parcs d’activités, à proximité des de l’activité est ainsi la diversité dans la nature des produits stockés :
grands axes de communications. Les sites sont desservis par voies au sein d’un même entrepôt, et a fortiori d’une même plate-forme,
routières, parfois ferrées, voire navigables. les produits stockés peuvent être de nature extrêmement variée,
Les plates-formes logistiques peuvent être exploitées par des couvrant l’ensemble de ce qui peut être trouvé dans une grande sur-
sociétés dont le métier d’origine est le plus souvent le transport rou- face, dans un magasin spécialisé (sport, bricolage, électroménager,
tier, ou par des sociétés financières. Elles fonctionnent en tant que etc.), ou dans tout commerce de produits de consommation
prestataires de services auprès de clients, qui « louent » la gestion, courante.
la distribution, le reconditionnement, etc. de leurs produits. De plus, les contrats qui sont passés avec les partenaires sont de
Malgré la tendance au développement de l’automatisation (stoc- durées diverses, et il existe une grande incertitude sur les prévisions
kage, échantillonnage, marquage, etc.), du fait de l’augmentation quant aux partenaires futurs (et de fait sur la nature des produits).
des activités périphériques à l’entreposage, l’activité humaine est Ainsi, une autre caractéristique de l’activité est son caractère
relativement importante dans ces plates-formes et il n’est pas rare, fluctuant : les produits stockés sont de nature extrêmement variable
pour un site comptant une dizaine de cellules, d’y trouver plus d’une dans le temps.
centaine de personnes en temps normal et nettement plus en Pour pouvoir intégrer le transport, le stockage, le reconditionne-
période de forte activité. La manipulation des produits, leur échan- ment et la distribution, la gestion de ces activités est informatisée.
tillonnage et reconditionnement, ainsi que leur transport sont géné- Cette gestion est interconnectée avec celles des usines de produc-
ralement assurés par du personnel qualifié. tion et des autres entrepôts ou fournisseurs. La préparation des
Les produits sont pris en charge dans les usines de fabrication, les commandes, les inventaires périodiques, le suivi des dates de
dépôts des grossistes ou les importateurs, puis sont entreposés péremption, la gestion FIFO (First In, First Out), la répartition des
dans la plate-forme pour une durée variable. En fonction de la références par catégories, ... nécessitent un suivi et un contrôle per-
demande, ils sont ensuite acheminés chez les négociants, manent du stock et de tous les mouvements de produits, palette par
détaillants, ou dans d’autres entrepôts. palette. Cette gestion intègre également une optimisation des mou-
vements d’entrée et de sortie, permettant de garantir une bonne uni-
Les principales activités d’une plate-forme sont les suivantes. formisation d’utilisation de tous les emplacements de la plate-forme
• Fonction d’entreposage : cette fonction est effectuée générale- selon une répartition aléatoire.
ment au moyen de palettes normalisées en bois (ou plastiques plus Par ailleurs, l’aménagement extérieur d’une plate-forme est com-
rarement) entreposées sur des palettiers métalliques comportant posé généralement des éléments suivants :
plusieurs hauteurs (typiquement 5 ou 6 hauteurs). Comme présenté
— poste de garde ;
plus loin, les hauteurs d’entreposage peuvent être beaucoup plus
— parking ;
importantes. Dans des entrepôts automatisés des hauteurs de
30 mètres voire plus peuvent être atteintes. — voie de circulation permettant de rejoindre les différents
quais ;
Généralement, la durée de stockage est assez courte ; la durée — voie périmétrale (nécessaire pour les grands bâtiments) pour
moyenne d’entreposage d’une palette est de l’ordre de 3 à les engins lourds de secours ;
4 semaines. Les produits sont généralement contenus dans des — réserves aériennes d’eau pour la lutte contre l’incendie ;
emballages en carton. Enfin, les palettes et les cartons peuvent éga- — espaces verts ;
lement être recouverts d’un film plastique. L’entreposage occupe en — rétention extérieure, avec des regards pour l’évacuation des
général plusieurs cellules de la plate-forme. Lorsque les racks de eaux pluviales et au moins une vanne d’isolement.
stockage sont automatisés, le personnel est principalement
employé pour la maintenance du matériel (à l’extérieur de la cellule L’aménagement intérieur peut être constitué par les zones
de stockage le plus souvent) et non plus pour la manipulation des suivantes :
marchandises ce qui limite les risques dans la zone qui contient le — bureaux principaux et locaux sanitaires ;
plus grand potentiel de danger (pas d’accident de circulation, pas — cellules de stockage ou de reconditionnement accolées les
d’erreur de manipulation, sources d’ignition plus facilement locali- unes aux autres, dont les dimensions peuvent typiquement varier
sables, risque de chute plus faible). de 50 à 125 m, et comprenant éventuellement un petit bureau
intérieur ;
• Fonction de distribution : cette fonction regroupe la préparation,
le conditionnement et l’entreposage des commandes, ainsi que le — locaux techniques (chauffage par chaudière au gaz, climatisa-
reconditionnement (conditionnement à façon dans des emballages tion par groupe froid, local électrique, charge, entretien et répara-
spécifiques, mise sous film, etc.), et les opérations de chargement et tion des engins de manutention, contrôle des moyens de lutte
déchargement des camions. Cette fonction nécessite l’usage contre l’incendie) ;
d’allées de préparation, de zones spécifiques ou de quais de charge- — garage (réparation et entretien des poids lourds) ;
ment. L’activité de reconditionnement se rapporte exclusivement — poste de distribution de fuel et de gazole (ravitaillement des
aux produits stockés dans les entrepôts de stockage, et est réalisée poids lourds).
dans des zones spécifiques. Dans ces zones, le stockage est de Certaines cellules de stockage peuvent comporter des chambres
courte durée, avec des volumes générés faibles par rapport aux froides (rangements mobiles ou gerbage) avec une isolation par
volumes de l’entreposage principal mais non négligeables compte mousse de polyuréthane, ou un étage partiel avec un accès par des
tenu de l’augmentation de la fréquence des expéditions/réceptions. escaliers.

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Référence Internet
SE2055

SÉCURITÉ INCENDIE DANS LES ENTREPÔTS _________________________________________________________________________________________________

D’autres cellules peuvent aussi être dédiées au stockage de géné- global plus faible que celui présenté par les plates-formes logisti-
rateurs d’aérosols. ques. C’est pourquoi dans la suite du document les différents para-
En général, des quais de chargement spécifiques sont associés à graphes traiteront principalement des plates-formes logistiques.
ces cellules. Il convient de signaler que certains « petits » entrepôts peuvent
contenir des produits très spécifiques qui peuvent être par exemple
toxiques ou très toxiques pour l’environnement. Ces entrepôts sont
1.1.2 Les autres entrepôts particuliers et nécessitent des moyens de prévention et de protec-
tion spécifiques. L’identification de ces moyens ne peut se faire que
Si les plates-formes logistiques se développent, il n’en reste pas dans le cadre d’une analyse de risque spécifique détaillée. Ceci ne
moins que les entrepôts « classiques » demeurent. peut donc pas se faire dans le cadre de cette étude.
Ces entrepôts sont souvent des entrepôts spécifiques et il est
donc difficile de les englober dans une description générale précise.
Le plus souvent, ces entrepôts se différencient des plates-formes 1.2 Caractéristiques géométriques
logistiques par des surfaces plus modestes de l’ordre de un à quel- d’un entrepôt
ques milliers de mètres carrés, des recoupements plus rares, des
hauteurs de l’ordre de 7 à 10 m, etc.
Les entrepôts dédiés aux stockages de produits finis présentent Les contraintes économiques ont conduit la plupart des profes-
des risques de natures similaires mais d’ampleurs moins importan- sionnels à concentrer les activités de stockage sur un site unique et
tes que les risques présentés par les zones des plates-formes logis- spécifique. Ainsi, il est commun de rencontrer des entrepôts de très
tiques dédiées à l’entreposage. grande taille s’étendant sur plusieurs hectares.
Lorsque les entrepôts sont implantés dans un site de production, L’activité de stockage seule occupe généralement une surface au
ils peuvent être également utilisés pour le stockage de produits sol de plusieurs dizaines de milliers de mètres carrés. De plus, les
intermédiaires. Ces entrepôts, exploités dans des conditions et sous progrès effectués dans le domaine des matériaux de construction,
des contraintes très différentes de celles qui existent pour un entre- des structures et des automatismes ont également permis de stoc-
pôt situé dans un site dédié au stockage, présentent des risques de ker toujours plus de produits par unité de surface, soit en augmen-
natures différentes. En particulier, les points suivants peuvent être tant la hauteur de stockage soit en modifiant les modalités de
soulignés. stockage.
• Les entrepôts situés dans les sites industriels sont généralement
de petite taille. Ils renferment des quantités de produits bien plus fai-
bles qu’une plate-forme logistique : le potentiel global de danger est
1.2.1 Superficie de stockage
donc plus faible. Seuls des cas très particuliers de petits stockages
de produits toxiques dont la combustion n’est pas très puissante La tendance actuelle est d’augmenter les surfaces de cellules de
(peu d’effet ascensionnel sur les fumées) peuvent conduire à des stockage tout en se limitant aux prescriptions réglementaires (arrêté
effets significatifs sur l’homme du fait de l’émission des fumées ministériel du 5 août 2002).
toxiques à une faible altitude. La quantité globale de polluants émis Du point de vue de l’exploitant, les avantages sont nombreux :
à l’atmosphère sera tout de même plus faible que pour un entrepôt — coûts de constructions moindres : du fait du coût total de cons-
de plus grande taille. truction d’une plate-forme cet avantage peut être faible. Toutefois,
• Dans un site de production, un stockage a une valeur ajoutée cet avantage a plus de valeur pour des sites de surface moindre ;
généralement inférieure à celle des moyens de production : les stra- — vitesse de construction plus grande : un avantage qui peut
tégies de prévention et de protection contre les risques présentés avoir son importance dans certains cas ;
par les stockages seront donc définies – non pas pour limiter le plus — amélioration de la productivité grâce à une circulation facilitée
possible les pertes des produits stockés, mais plutôt pour éviter une par l’absence de portes et/ou de passages dédiés entre les différen-
perte de productivité (éviter les effets dominos sur les équipements tes zones de stockage : c’est l’avantage principal.
de production voisins).
Cependant, les inconvénients existent :
• Toutes choses égales par ailleurs, les produits finis stockés dans — perte d’une plus grande quantité de marchandises en cas
les sites de production, et à plus forte raison les produits intermé- d’incendie : si l’exploitant considère qu’il a mis en place suffisam-
diaires, peuvent avoir une stabilité physico-chimique plus faible que ment de moyens de prévention et de protection, il pourra considérer
celle des produits finis présents dans des sites dédiés au stockage : que la perte de la totalité de ses produits est très improbable, auquel
à quantités et natures égales, ces produits pourraient donc présen- cas ce point n’aura que peu de poids pour le choix de ses surfaces
ter a priori plus de risques que les produits présents dans les sites libres de stockage ;
dédiés au stockage. À noter que cette remarque n’est pas systéma- — polices d’assurances plus élevées : ici encore, les assureurs
tiquement vraie car, par exemple, certains produits contaminés par ayant une démarche axée sur l’évaluation des risques (approche
des produits incompatibles peuvent mettre plusieurs jours avant de probabiliste) le montant des polices d’assurance sera beaucoup plus
provoquer un phénomène dangereux. dépendant de l’adéquation des moyens de prévention et de protec-
• Pour des raisons économiques, la proportion des modes de tion avec les surfaces libres de stockage que des surfaces libres de
stockage en racks par rapport aux autres modes (vrac, empilement stockage seules.
de palettes...) sera plus faible pour les stockages situés dans des Du point de vue de la sécurité, il est clair qu’une grande surface
sites de production. libre au sol est particulièrement pénalisante pour les raisons
• Comme certains sites de production peuvent être soumis à des suivantes :
demandes saisonnières (fluctuations de demandes aux cours du — la propagation horizontale du feu ne sera que plus rapide puis-
temps) voire ponctuelles, certains entrepôts utilisés sont des entre- que aucun mur séparatif ne viendra ralentir cette progression ;
pôts à structures légères, démontables ou modifiables facilement : — dans le cas d’un incendie généralisé à toute la cellule de stoc-
cela implique de fait l’inexistence de certains moyens fixes de pro- kage, les dimensions des flammes seront plus importantes, que ce
tection (murs coupe-feu, systèmes d’extinction automatiques, etc.) soit en termes de hauteur ou de surface : les distances des effets
contre l’incendie. thermiques n’en seront que plus grandes. Pour les effets toxiques,
En définitive, même s’ils peuvent dans certains cas présenter des deux facteurs entrent en compétition et il n’est pas possible de tirer
risques spécifiques, les « autres entrepôts » présentent un risque des généralités. D’un côté, la hauteur des flammes plus importante

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SE 2 055 − 4 © Techniques de l’Ingénieur

12
Référence Internet
AG5100

Modèles de gestion des flux :


présentation et choix

par Guy BALMANA


CFPIM
René BALMES
CFPIM
et Dominique ESTAMPE
Professeur KEDGE Business School – France

1. Problématique ........................................................................................ AG 5 100v2 - 2


1.1 Évolution de la gestion des flux............................................................... — 2
1.2 Problématique de gestion des flux.......................................................... — 2
1.3 Évolution de l’environnement.................................................................. — 3
1.4 Évolution des méthodes de gestion ........................................................ — 4
2. Différents modéles de gestion des flux .......................................... — 4
2.1 Premiers modèles ..................................................................................... — 4
2.2 Modèles centralisés .................................................................................. — 5
2.2.1 Modèle MRP simple (Material Requirements
Planning/Planification des besoins matières)......................................... — 5
2.2.2 Modèle MRP 2 (Manufacturing Resource Planning/Planification
des ressources de production)................................................................. — 6
2.2.3 ERP (Enterprise Resources Planning System )............................... — 6
2.2.4 Modèle DRP (Distribution Resource Planning) .............................. — 7
2.3 Modèles décentralisés .............................................................................. — 7
2.3.1 Juste-à-temps (JAT) ou « Just in Time » (JIT) — 7
2.3.2 Flux synchrones ............................................................................... — 8
2.3.3 Théorie des contraintes (OPT – TOC) — 8
2.4 Modèles de types « prévisionnel » .......................................................... — 9
2.5 Modèles de type « réactif » ...................................................................... — 10
2.6 Accompagnement technologique ........................................................... — 10
3. Choisir un modèle de gestion des flux............................................ — 10
3.1 Comparer les logiques.............................................................................. — 10
3.2 Gérer le changement ................................................................................ — 12
4. Conclusion............................................................................................... — 12
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc AG 5 100v2

M RP, ERP, JAT, OPT, GPA... autant de sigles qui ne manquent pas d’être
entendus dès lors que l’on s’intéresse à la gestion des flux. De quoi
s’agit-il au juste et comment faire son choix au moment d’arrêter l’approche à
retenir pour améliorer les performances de l’entreprise ? Voilà quelques-unes
des questions qu’il convient d’aborder avant de se lancer dans la mise en
œuvre de tels outils, qui demande souvent plusieurs années d’effort et
s’accompagne d’investissements lourds se chiffrant en millions d’euros.
Face à ce problème, cette introduction à la gestion des flux a pour ambition
d’être un outil d’aide à la décision, un guide d’orientation à utiliser avant de
se lancer dans l’étude approfondie de l’un quelconque des systèmes existants.
Faisant suite à cet article, le pilotage des flux est présenté dans l’article Pilo-
Parution : avril 2016

tage des flux [AG 5 105].

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MODÈLES DE GESTION DES FLUX : PRÉSENTATION ET CHOIX ________________________________________________________________________________

1. Problématique Produire MIEUX avec l’apparition des premiers concepts de ges-


tion (quantités économiques d’achat, classification « ABC », planifi-
cation des activités, ordonnancement des tâches...).
Aboutissement d’une longue mutation, le terme « gestion de
flux » est utilisé pour désigner toutes sortes de techniques et de La « gestion de production » est née. Cette première étape de la
moyens indispensables à l’optimisation de l’ensemble des activités gestion des flux, centrée sur la fabrication des produits, est à la
qui incluent l’approvisionnement auprès du fournisseur du fournis- base de la définition des modèles de référence.
seur, la fabrication, à la mise à disposition au client du client. L’arrivée à maturité des modèles de gestion de la production
Devant les enjeux représentés par la maîtrise économique des permet ensuite de s’intéresser à des aspects complémentaires du
flux, cette préoccupation, bien qu’ayant pris sa source dans le flux dont l’élément essentiel est représenté par la distribution des
rationalisme du monde industriel, s’est peu à peu répandue pour produits, traitée, dans un premier temps, suivant les mêmes prin-
gagner aujourd’hui l’ensemble des acteurs d’une filière du fournis- cipes, en tant que telle et de manière indépendante.
seur du fournisseur au client du client. La gestion des flux ne cesse dès lors d’évoluer en fonction de
Ainsi, depuis les premiers balbutiements, à l’époque où l’ambi- son contenu et du périmètre à optimiser. Rebaptisée successive-
tion des industriels se limitait à gérer un stock ou, plus tard, une pro- ment « gestion industrielle », puis « gestion d’entreprise », elle finit
duction, jusqu’à nos jours, les évolutions qui se sont succédées par intégrer tous les éléments nécessaires à l’approvisionnement,
méritent d’être analysées pour comprendre les mécanismes mis en à la transformation et à la distribution des produits pour couvrir
œuvre et les objectifs visés au travers de ces différentes techniques. aujourd’hui le management d’une chaîne complète du fournisseur
du fournisseur au client du client : le management de la chaîne
logistique globale (Supply Chain Management ).
1.1 Évolution de la gestion des flux Nous allons :
On peut considérer que la notion de gestion intervient au début – répertorier, caractériser les principaux modèles de gestion dis-
des années 1950 sous l’effet de plusieurs éléments, qui, bien ponibles, issus pour la plupart de la problématique de gestion des
qu’indépendants et de natures différentes, conduisent à s’intéres- flux en production ;
ser à la meilleure utilisation possible du système de production. – analyser les évolutions récentes liées à l’extension du péri-
mètre de gestion à la chaîne logistique globale ;
Nous désignons par le terme « système de production » – comparer les logiques proposées et tenter d’indiquer com-
l’ensemble composé d’activités, de personnes et de moyens ment, devant cette diversité de modèles, faire le choix le mieux
permettant à une entreprise de fabriquer les produits qu’elle adapté aux objectifs poursuivis.
commercialise. Ses caractéristiques sont déterminées par le
type de produits fabriqués et la façon de le faire.
1.2 Problématique de gestion des flux
On peut considérer deux grandes classes de processus de
fabrication : Si l’on veut caricaturer à l’extrême la problématique de gestion
– le traitement continu de la matière première (industries de des flux, telle qu’elle se pose à l’origine, on peut considérer qu’elle
process) ; se décompose en plusieurs sous-processus :
– la transformation, étape par étape, d’objets physiques (indus- – piloter les opérations de fabrication conduisant à la réalisation
trie de transformation). d’un produit ;
C’est à cette dernière que nous nous intéresserons plus particu- – pour ce faire, acheter aux fournisseurs et approvisionner en
lièrement même si les systèmes de production présentent tous des temps opportun les postes de travail (donc au passage le stock) de
similitudes dans leur structure articulée autour de deux grandes tous les articles nécessaires (matières, composants ou
parties : « la planification » et « l’exécution », la première préparant sous-ensembles) ;
le travail de la seconde. – puis distribuer auprès du client les produits finis ou semi-finis
(figure 1).
■ La besoin de productivité
La période d’après-guerre entraîne une forte demande des ■ Piloter les opérations de fabrication
consommateurs alors que les capacités de production sont limi- Mettre un produit sur le marché suppose que l’on ait accompli
tées et ne peuvent faire face à la totalité des besoins. Les indus- un processus de transformation (pouvant souvent demander plu-
triels, d’une manière générale, sont amenés à organiser leurs sieurs semaines) allant de l’achat de matières premières et de
moyens de production pour mettre sur le marché le maximum de composants à la réalisation de sous-ensembles plus ou moins
produits. Améliorer la productivité de la main-d’œuvre directe complexes, lesquels, par combinaisons et adjonctions de nou-
devient la priorité pour les chefs d’entreprise. veaux articles achetés ou fabriqués, se combineront lors des opé-
■ L’apparition des nouvelles technologies rations d’assemblage final, pour donner lieu à un produit
commercialisable.
La mise sur le marché de matériels informatiques capables de
traiter rapidement un volume important d’information ouvre de
nouveaux horizons. Ces nouvelles technologies vont induire de
profonds changements dans la conduite des opérations et per-
mettre l’éclosion de la « gestion de production » basée sur la Flux produit
Produit
modélisation de l’appareil de production. fini ou
semi-fini
■ De la gestion de production au Supply Chain Manage-
ment (SCM) Flux articles
Produire PLUS et produire MIEUX (moins cher), tels sont les Fournisseur Client
principaux objectifs recherchés au travers de ce nouveau concept. Stock
Produire PLUS par de nouvelles approches appliquées en fabri-
cation (organisation des tâches, mesure des temps, séries écono-
miques...) pour une utilisation maximale des capacités disponibles. Figure 1 – Flux articles et flux produits

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________________________________________________________________________________ MODÈLES DE GESTION DES FLUX : PRÉSENTATION ET CHOIX

Par ailleurs, une vision plus globale met en évidence d’autres


activités qui, bien que réalisées hors des limites de l’atelier de Le terme générique « approvisionnement » sera utilisé
fabrication, sont tout aussi nécessaires à la mise à disposition du dans ce document pour définir ce processus, qu’il s’agisse de
produit pour le client (achat, approvisionnement, entreposage, pré- matières premières, de composants, de sous-assemblages,
paration, emballage, facturation, transport...). Le « Cycle achetés à l’extérieur ou fabriqués dans l’entreprise. Ainsi,
d’obtention » (CO) ou « Cycle complet logistique » (CCL) d’un même si le vocabulaire utilisé présente quelques différences
produit est ainsi obtenu par l’addition des temps élémentaires de (ordre d’achat, ordre de fabrication), le problème posé consiste
chaque activité... augmentés d’un facteur non négligeable, le à disposer des différents composants en bonne quantité (ni
temps d’attente entre celles-ci. trop, ni pas assez) et au bon délai (ni trop tôt, ni trop tard).

En contrepartie, le consommateur désireux de se procurer un


La résolution de cette équation d’apparence simple associée à la
produit n’est disposé qu’à attendre un « certain temps », le « Délai
recherche de la meilleure performance en niveau de service (rup-
client » (DC), notion dimensionnable car directement liée à la loi
tures d’approvisionnement) et immobilisations (sur-stocks) se
de l’offre et de la demande. Nous donnerons à cette durée la déno-
révèle, en fait, comme le défi majeur proposé aux systèmes de ges-
mination de « réactivité souhaitée ».
tion, lesquels, au travers d’approches plus ou moins complexes ten-
Les composantes du problème sont maintenant posées : teront, jour après jour, d’apporter la meilleure réponse à ce dilemme.
– d’un côté, l’impatience du client qui veut son produit le plus ■ Résumé de la problématique
vite possible ;
Vue sous un certain angle, la problématique de la gestion des
– de l’autre, la volonté de l’industriel à n’engager les opérations flux peut donc se résumer au pilotage de plusieurs activités :
que sur des éléments concrets, les commandes (figure 2). acheter, approvisionner, fabriquer, distribuer, pour lesquelles
Le point d’équilibre proposé à l’instant t représente, pour le il est nécessaire de définir un déclencheur et une information
client, la « réactivité apparente » du système, matérialisée par le décrivant la nature du besoin.
temps de réponse à une commande émise, et pour l’industriel, une Comme nous le verrons dans la suite de cet article, les options
ligne de démarcation importante dans le choix des méthodes de retenues pour la définition de ces éléments de base, en particulier
gestion des flux à appliquer de part et d’autre de cette frontière, et le déclencheur de l’activité, font partie des caractéristiques discri-
le choix essentiel d’une gestion sur prévision ou sur commande. minantes des différents modèles de gestion.

■ Approvisionner les postes de travail


Quelle que soit la technique retenue pour fabriquer un produit
1.3 Évolution de l’environnement
(flux poussé, flux tiré...), il est toujours indispensable de rendre Passer d’une période de pénurie où l’offre n’arrive pas à satis-
disponible au bon endroit et au bon moment les articles néces- faire la demande à une situation d’excédent où le client choisit
saires à la production, tout en minimisant les immobilisations SON produit, au moment où il le veut, met en évidence la néces-
(stocks et en-cours). sité d’adaptation des systèmes de gestion des flux.

CYCLE COMPLET LOGISTIQUE

DELAI ATTENDU PAR LE CLIENT

CLIENT

RÉACTIVITÉ RÉACTIVITÉ SOUHAITÉE


APPARENTE

Instant t : POINT D’ÉQUILIBRE


ENTRE 2 POINTS DE VUE

Figure 2 – Réactivité apparente

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AG5105

Pilotage des flux

par Guy BALMANA


CFPIM
René BALMES
CFPIM
et Dominique ESTAMPE
Professeur KEDGE Business School – France

1. But du pilotage ....................................................................................... AG 5 105v2 - 2

2. Principaux modèles de gestion de la chaîne


d’approvisionnement ................................................................... — 2
2.1 Modèles de type prévisionnel : principes de base ................................. — 3
2.2 Modèle réactif : principes de base ........................................................... — 3
3. Caractéristiques du pilotage .............................................................. — 4
3.1 Définition du pilotage................................................................................ — 4
3.2 Mesure : les indicateurs du pilotage........................................................ — 5
3.3 Moyens d’action ........................................................................................ — 7
3.4 Possibilité d’un pilotage individuel ou global......................................... — 7
4. Mise en œuvre du pilotage.................................................................. — 7
4.1 Pilotage du modèle prévisionnel ............................................................. — 7
4.2 Pilotage du modèle réactif........................................................................ — 8
4.3 Pilotage par l’action structurelle sur le processus.................................. — 8
4.4 Mise sous contrôle de la qualité de la gestion........................................ — 8
4.5 Pilotage par les cycles et la fréquence..................................................... — 8
4.6 Récapitulatif des modes de pilotage possibles....................................... — 9
4.7 Commentaires sur le pilotage du modèle prévisionnel ......................... — 9
4.8 Commentaires sur le pilotage du modèle réactif ................................... — 9
4.9 Cas pratiques ............................................................................................. — 9
4.10 Outils du pilotage ...................................................................................... — 10
5. Modalités pratiques du pilotage........................................................ — 10
5.1 Structure générale de la chaîne logistique globale ................................ — 10
5.2 Milieu industriel......................................................................................... — 11
5.3 Distribution ................................................................................................ — 12
5.4 Ensemble industrie-distribution............................................................... — 13
6. Conclusion ............................................................................................... — 13
Pour en savoir plus .................................................................................. .... .Doc. AG 5 105v2

a chaîne logistique (Supply Chain Management) doit être mise globale-


L ment sous contrôle. Cela semble évident car ce processus est essentiel
pour la qualité du service rendu aux clients. Il n’est cependant pas facile,
compte tenu de la complexité de ce processus de le mettre facilement et sim-
plement sous contrôle et de savoir comment agir pour corriger ses déviations.
Le pilotage des flux est une notion récente qui se définit sur la base d’une
gestion optimale de la chaîne logistique. La notion d’optimum pose en soi une
première question car, n’étant optimale que par rapport à un objectif et suivant
la définition de celui-ci, cette référence change. L’objectif, donc l’optimum, une
fois défini, il s’agit alors de mesurer la performance actuelle de la gestion, de
la comparer à cet optimum ou de l’évaluer par rapport aux attentes pour en
Parution : avril 2016

déduire des actions correctrices si nécessaire.

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AG5105

PILOTAGE DES FLUX ________________________________________________________________________________________________________________

Naturellement, cette évaluation se réfère à une situation qui vient de se réa-


liser, mais aussi au regard d’une évolution probable d’environnement dont il
s’agit de mesurer les conséquences.
Pour mettre en œuvre le pilotage des flux, il convient de pouvoir mesurer
une performance, d’en juger le résultat et enfin de pouvoir agir pour corriger,
quand nécessaire, le fonctionnement qui pourrait être meilleur ou qui pourrait
se dégrader lorsqu’une évolution prévisible doit survenir.
Chaque entreprise, à son échelle et à son niveau, ne peut négliger ce pilo-
tage et doit prendre conscience de la relation entre ses propres objectifs et
ceux que l’on pourrait se donner à un niveau global.
L’optimisation recherchée par les modèles à notre disposition n’est pas tou-
jours la réponse idéale au besoin de réactivité nécessaire. D’une vision locale,
on évolue vers une approche plus globale. Les changements rapides, souvent
subis, de l’environnement commercial demandent une capacité d’adaptation,
une réponse flexible, appropriée dans la durée, par opposition au meilleur
comportement à un instant précis face à un environnement maîtrisé. Il y a un
changement de cible. Il ne s’agit plus d’être optimum, à l’instant « t »,
(recherche de précision), mais de définir un scénario qui, peut-être moins per-
formant ponctuellement, assurera la meilleure performance d’ensemble et
dans le temps (recherche d’une plage de fonctionnement).
Si on analyse les positionnements possibles pour une entreprise dans la
chaîne logistique globale, on se rend compte que, de la production à la distri-
bution, les contraintes, les points de vue et les objectifs peuvent être très
différents. Cela conduit à une application pratique du pilotage qui peut être
très diverse.
On doit même se poser la question de la possibilité du pilotage d’une chaîne
logistique complète quand elle n’est pas gérée dans sa totalité par une même
entreprise.
Piloter un tel ensemble devient pourtant primordial pour obtenir une perfor-
mance globale qui soit la meilleure possible et adapter ce fonctionnement aux
variations prévisibles. À partir d’ajustements obtenus par des méthodes peu
explicites, appliqués à l’aide de paramètres, on évolue vers un pilotage direct
des opérations.
D’un contrôle « explicatif et passif », on évolue vers un pilotage « anticipatif
et actif ».
Les différents modèles existants de gestion des flux ont été présentés dans
l’article [AG 5 100].

1. But du pilotage contrôle. Il convient de vérifier qu’il remplit bien son rôle, atteint
ses objectifs, et de corriger son fonctionnement s’il n’en est pas
ainsi.
Toute entreprise qui réalise des produits à destination de clients, Contrôler ce processus est le but du pilotage des flux.
se pose le problème de disposer de tout ce qui est nécessaire pour
fabriquer ces produits et les rendre disponibles pour les livrer
comme demandé... au coût de revient le plus bas possible.
Le processus qui, partant de la décision de fabriquer, obtient des
fournisseurs, ce qui est nécessaire, élabore le produit et le met à
2. Principaux modèles
disposition, peut se définir comme une chaîne logistique, gérée de gestion de la chaîne
dans la plupart des entreprises au moyen d’un système informa-
tisé que l’on appelle souvent ERP (Entreprise Ressource Planning d’approvisionnement
system) (cf. [AG 5 301]).
Cet ERP et les processus logistiques, normalement prévus pour Dans ce qui précède, on a fait l’hypothèse de l’existence d’un
être les plus performants possibles, définissent le flux de marchan- ERP sans en préciser le type or si, dans son principe, le pilotage se
dises en fonction des objectifs qui lui sont fixés. Cependant, définit indépendamment de celui-ci, dans sa mise en œuvre, il en
comme pour tout processus, on ne peut se limiter au fait qu’il a été est obligatoirement dépendant car pour agir il faut être cohérent
conçu le mieux possible pour sa mission et le laisser agir sans avec les possibilités de cet ERP.

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_________________________________________________________________________________________________________________ PILOTAGE DES FLUX

Sans entrer dans le détail des différents modèles de gestion des puisqu’il s’agit de prévoir avec certitude un futur qui, par nature,
flux, on peut grouper ceux-ci en deux familles. est imprévisible.
Nota : on trouvera une description de ces modèles dans l’article [AG 5 100]. Nota : pour aller plus loin sur les prévisions, lire les articles [AG 5 150] et [AG 5 155].

■ Modèles de type « prévisionnel » ■ La méthode


La première, la plus importante en termes de disponibilité et de Gérer un stock de façon optimisée sous-entend que la réponse
nombre d’installations de solutions repose sur une prévision de proposée prenne aussi en compte une (ou plusieurs) contraintes
la demande qui est proposée à un modèle représentatif de la pro- de nature économique (optimisation d’achats, utilisation de capaci-
duction et de son approvisionnement, modèle qui intègre des tés de production, etc.).
logiques d’optimisation et qui en déduit des recommandations Pour obtenir cette optimisation, on utilise un modèle mathéma-
d’approvisionnement : ce sont les modèles de type prévisionnel. tique ou systémique du système de production et de distribution.
Un système MRP/DRP est un exemple typique de cette modélisa-
Nota : ces modèles sont décrits dans les articles [AG 5 140], [AG 5 110] et [AG 5 120].
tion systémique. De la prévision de la demande, on va donc
■ Modèles de type « réactif » déduire, à partir de techniques plus ou moins élaborées, la meil-
leure réponse du système sous forme d’entrées au stock néces-
Le deuxième modèle, moins fréquemment utilisé, a pour but de saires, c’est-à-dire des achats ou des productions à réaliser.
maintenir un niveau de stock choisi et de réagir non plus à la
prévision mais à la réalité de la demande : ce sont les modèles de En réalité, le problème est, là aussi, un problème plus difficile à
type réactif. résoudre qu’il ne paraît. Ce ne sont pas tant les techniques d’opti-
misation du modèle qui sont difficiles à trouver que le fait d’établir
Nota : ces modèles font l’objet des articles [AG 5 190] et [AG 5 111]. un modèle représentatif de la réalité. En effet, l’ensemble de la
chaîne logistique globale est un système complexe, faisant interve-
Dans ce qui suit, on ne cherchera pas à décrire chaque méthode, nir un très grand nombre de paramètres qu’il est difficile d’établir
mais plutôt à souligner ce qui en fait sa spécificité et surtout ses par une mesure valable et fiable dans le temps. Cela vient du fait
possibilités en ce qui concerne le pilotage. qu’un certain nombre de rouages ne sont pas strictement
« mécaniques » mais dépendent de décisions humaines suscep-
tibles de comportements impossibles à modéliser.
2.1 Modèles de type prévisionnel : La même difficulté apparaît lorsque l’on se trouve à un niveau
principes de base de gestion de production ou de pilotage à court terme de l’atelier
pour lequel la notion de capacité actuelle, de disponibilité réelle
Ces modèles reposent conceptuellement sur la disponibilité d’un
des ressources devient une notion difficile à maîtriser et à définir
stock qui a pour but de découpler la production de la demande et
avec exactitude.
donc de permettre une optimisation de la première (stock minimal)
tout en garantissant la satisfaction de la seconde. Cette incertitude dans la description du modèle fait que l’on est
obligé de se protéger contre les déviations qu’elle pourrait géné-
■ Les prévisions rer, entraînant de ce fait une surestimation de tous les paramètres.
Gérer un stock suivant cette méthode, c’est trouver la réponse ■ Commentaires généraux sur le modèle prévisionnel
permettant de le maintenir jour après jour au niveau minimal pour
satisfaire un niveau de demande donné. Parler de satisfaire un Ainsi que cela vient d’être décrit, le modèle prévisionnel repose
niveau de demande donné, c’est supposer connaître cette sur de très bons principes dont l’application se heurte à des difficul-
demande ; or, excepté lors de périodes très particulières comme il tés qui en limitent l’efficacité. Gérer un stock revient à chercher un
est indiqué plus loin, cette hypothèse est fausse. optimum sur la base de données incertaines au travers de modèles
souvent peu représentatifs de la réalité. Au mieux, on peut en
S’il existe plusieurs possibilités pour tenter d’évaluer cette attendre une sous-optimisation et, au pire, une aggravation des
demande future donc incertaine, on ne peut être sûr que d’une symptômes déjà évoqués plus haut : sur-stocks et ruptures.
chose, c’est que, aussi bonne que soit l’estimation au moment de
son élaboration, il y a une probabilité très forte pour que celle-ci se De façon caricaturale, mais la caricature est assez fidèle, on
révèle plus tard inexacte car il existe toujours des aléas ou d’excel- cherche donc à optimiser un modèle imprécis au regard d’une
lentes raisons pour que la réalité s’avère différente. Il faut noter demande incertaine. Il est donc compréhensible que l’ensemble
aussi que certaines variations de la prévision ne peuvent pas être déçoive lorsque l’on en attend trop.
appliquées totalement à cause de paramètres propres au système On doit donc s’attendre à ce que ce modèle, quel que soit l’outil
ERP utilisé (variations à horizon très court par exemple). Ainsi, qui le concrétise et la qualité du travail des gestionnaires associés,
bien que l’écart entre prévision et réalité ne puisse pratiquement ait des résultats qui ne soient pas toujours en ligne avec ce que
jamais être complètement supprimé, c’est cette prévision qui va l’on pourrait espérer sans que l’on trouve remède dans son utilisa-
être utilisée pour définir le volume de produit dont le stock doit tion directe.
jour après jour satisfaire la demande.
L’objectif de stock minimal qui est fixé suppose que les entrées
soient définies de façon telles que le stock résultant de la combi- 2.2 Modèle réactif : principes de base
naison « sorties plus entrées » soit le plus proche possible de zéro
ou, au moins, égal à un niveau de sécurité défini à l’avance. Si, en Le modèle réactif ne cherche pas une réponse définie pour un
première approximation, on peut imaginer que l’on maîtrise les moment donné, mais ce qui correspond le mieux à une période la
entrées (ce qui n’est que rarement vrai en totalité), les sorties ont, plus longue possible. En oubliant la partie mécanique qui condi-
elles, une part aléatoire tout au moins en regard des prévisions tionne les opérations que l’on observe, on peut ramener la chaîne
qu’elles concrétisent. L’effet de cette imprécision va se traduire par logistique globale à la combinaison de deux flux :
les symptômes bien connus de sur-stocks ou de ruptures. – le flux de la demande des clients ;
La réaction normale à ce constat conduit la plupart du temps à – le flux de mise à disposition de produits pour satisfaire cette
rechercher toujours plus la qualité de la prévision en affinant ou demande.
complexifiant sans cesse les algorithmes utilisés. Il est bien Ce qui est important est que le premier flux soit compensé par le
évident que si l’on part d’une situation rustique, des progrès sont second, c’est-à-dire que, dans l’hypothèse d’un système sans fuites
réalisables, mais on arrive rapidement à une limite naturelle (sensibles), ce qui entre soit égal à ce qui sort. La cohérence se

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AG5110

Flux poussés : MRP et DRP

par André THOMAS


Professeur – Université de Lorraine – Cran, Nancy, France
et Samir LAMOURI
Professeur des universités, Arts et Métiers ParisTech

1. Planification en flux poussé en production : MRP ...................... AG 5 110v2 - 2


1.1 Fonctions ................................................................................................... — 2
1.2 Mise en œuvre........................................................................................... — 6
2. Planification des ressources de distribution : DRP ..................... — 11
2.1 DRP et gestion industrielle ....................................................................... — 11
2.2 Techniques DRP ........................................................................................ — 12
2.3 Management d’un système DRP ............................................................. — 12
3. Interactions entre MRP, JAT et TQM............................................... — 13
3.1 Interaction MRP/JAT ................................................................................. — 13
3.2 Couplage MRP/DFT — 14
3.3 Couplage MRP/Kanban actifs ................................................................... — 15
3.4 Couplage MRP/GOPAL ............................................................................. — 17
3.5 Couplage MRP/CONWIP — 18
4. Conclusion............................................................................................... — 19
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. AG 5 110v2

n entend dire parfois que le Kanban fonctionne en flux tiré, et MRP en


O flux poussé. En réalité, les choses ne sont pas si simples. Une méthode
du type MRP peut très bien générer un flux de produits à l’atelier dont les
caractéristiques s’approchent de celles d’un flux tiré en Juste à temps (JAT),
si : l’incertitude sur les ventes est faible, les délais de réalisation, courts, et les
lancements, effectués le plus tard possible. À l’inverse, un système Kanban
appliqué avec un nombre excessif de tickets, sous prétexte que les machines
ne doivent pas s’arrêter, s’apparente davantage à un flux poussé qu’à un flux
tiré.
La distinction entre flux poussé et flux tiré ne tient pas tant à la méthode de
programmation de la production, qu’à la façon de l’appliquer :
– si on engage la production en tout point du processus, en suivant l’ordre
défini par un programme de travail, et cela, dès que les ressources sont dispo-
nibles (matières, machines, main-d’œuvre) et sans prendre en compte les
besoins à court terme du processus aval (ou du consommateur final). On dit
que le flux est poussé ;
– si la décision de produire dépend des besoins à court terme du processus
aval (ou des besoins réels du consommateur). On dit que le flux est tiré.
Le flux poussé reflète l’optique d’un « producteur », qui cherche à tirer profit
de ses ressources en respectant son programme de livraison. L’introduction du
flux tiré reflète l’optique d’un fournisseur qui cherche à rendre à son client le
Parution : octobre 2014

service précis que celui-ci désire.

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AG5110

FLUX POUSSÉS : MRP ET DRP _________________________________________________________________________________________________________

Dans l’article de Pascal Eymery, il évoque l’idée de complexité dans les sys-
tèmes logistiques. En particulier, concernant l’indépendance des décisions de
gestion industrielle dans le cas des ressources partagées. La complexité d’un
système logistique est accrue par différents facteurs :
– variété des produits fabriqués ;
– inertie des décisions de capacité et de flux ;
– incertitude de la demande commerciale ;
– existence d’aléas de production (pannes machine, problème de qualité,
etc.).
Mais, en fait, comment gère-t-on un système complexe ? Le présent article
retrace l’évolution des systèmes de planification en flux poussé, en production
de type MRP (Management des ressources de production), et en distribution
de type DRP (Planification des ressources de distribution).
Avant l’apparition des méthodes MRP et DRP, la gestion de la production et
de la distribution se résumait, bien souvent, à une gestion par les niveaux de
stock. Les méthodes MRP et DRP s’adaptent plus particulièrement aux indus-
tries qui fabriquent et assemblent de nombreux composants à la commande
ou en petites séries, selon le type de production par lots. C’est en effet dans ce
type de situation que les flux de production sont les plus difficiles à gérer. Ces
méthodes sont particulièrement adaptées aux industries mécaniques et aux
industries d’assemblages. Des extensions ont été conçues pour gérer la pro-
duction en ligne.
Les systèmes MRP/DRP s’adaptent facilement à tout type de contexte. C’est
grâce à cette caractéristique qu’il sera possible d’installer des systèmes de
pilotage Kanban dans des environnements instables.
Dans cet article :
– nous développerons les systèmes de type MRP, les systèmes de type
DRP ;
– nous analyserons les interactions MRP, JAT, TQM (Total Quality
Management) ;
– nous aborderons les nouvelles approches permettant de coupler MRP et
Kanban, ou plus généralement diverses formes de mise en œuvre du Juste à
Temps.

1. Planification en flux 1.1 Fonctions


poussé en production : § Trois fonctions pour quatre questions

MRP • MRP remplit les fonctions suivantes :


– planification de la production, fonction qui établit les priorités
et les capacités correspondantes. Ce qui suppose :
MRP est une technique de gestion industrielle qui répond aux
• des prévisions,
objectifs suivants :
• des programmes directeurs,
– donner au client le meilleur service ;
– définir un programme de production ; • un calcul des besoins,
– réaliser au mieux l’adéquation charge/capacité résultant de ce • une planification et une réservation de capacité ;
programme de production ; – mise en œuvre et gestion des plans élaborées par la planifica-
– tenir les délais ; tion de la production, fonctions qui correspondent à l’ordonnance-
– maîtriser les coûts de production. ment ou exécution, puis au « pilotage de l’atelier » et à la gestion
des approvisionnements ;
MRP n’est plus une simple technique : de système de gestion
des approvisionnements, il est devenu un système de gestion de – gestion des stocks.
la production. Pour enfin, évoluer vers un système de gestion • Toutes ces fonctions sont à mettre en œuvre en même
industrielle intégré (on parle de plus en plus de « système intégré temps. La gestion des stocks pourra opérer, d’une manière indé-
de logistique globale » ou Supply Chain Management System) pendante uniquement, pour les articles achetés puis vendus sans
(encadré 1). apport spécifique de valeur ajoutée [AG 5 140].

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__________________________________________________________________________________________________________ FLUX POUSSÉS : MRP ET DRP

Encadré 1 – Historique des systèmes MRP


Gestion commerciale
MRP a vu le jour aux États-Unis dans les années 1960. Préci-
sons les différentes étapes d’évolution de cette méthode. Administration des ventes
• 1965 : MRP ne représente à cette époque qu’une méthode
de « calcul des besoins matières ». MRP signifie alors Material Gestion de la demande
Requirements Planning (planification des besoins en
composants). C’est le MRP 0. Marketing
• 1971 : en évoluant vers un système avec adéquation Négoce
charge/capacité, MRP devient une « Méthode de régulation de
la production ». C’est le MRP 1.
• 1979 : MRP s’interface avec l’ensemble des fonctions de Gestion industrielle Achats et logistique
l’entreprise (commercial, finance, etc.) et devient un système à
boucles fermées (Closed Loop ). MRP évolue vers le Manage- Achats
Production
ment des ressources de la production (Manufacturing Distribution
Resource Planning ). C’est le MRP 2. Stock
Maintenance
• 1986 : associé aux techniques « Juste à temps » et qualité
Qualité
totale, c’est le MRP 2 à délai court.
• 1995 : la gestion de production est devenue un maillon
central de l’entreprise, réellement intégré avec les autres fonc-
tions. MRP évolue vers l’ERP (Enterprise Resource Planning ),
planification des ressources de l’entreprise (figure 1). MRP Fonctions comptables Gestion des ressources
reste le maillon central de la fonction industrielle, il est humaines
Immobilisation
connecté avec différentes fonctions dont :
Finance Paie
– la fonction commerciale, pour suivre au mieux les fluctua-
Personnel
tions du marché ; Comptabilité
– la fonction financière, pour produire au moindre coût ;
– la fonction achat, pour assurer un plan d’approvisionne- Calcul des coûts
ment stable et compatible avec le programme de production.
Les systèmes ERP proposent souvent une solution complète
recouvrant : fonctions appartenant à MRP 2
– la gestion des données techniques ;
L’ERP couvre l’ensemble des flux matières, d’informations et financiers
– la production ; de l’entreprise industrielle.
– la logistique ;
– la gestion comptable et financière.
Figure 1 – Évolution du MRP vers l’ERP
Par contre, si ces systèmes offrent la possibilité de simuler
et de visualiser différents scénarios de production, ils ne pos-
sèdent pas encore de modules d’optimisation de l’ensemble. § Cinq niveaux de décision et de planification
• 1997 : évolution vers la Supply Chain Management (SCM).
MRP comprend cinq niveaux de décision et de planification
L’objectif est l’optimisation de l’ensemble de la chaîne logisti-
(figure 2) :
que, depuis la prévision de la demande jusqu’à la distribution,
en prenant en compte la planification de la production et des – plan stratégique ;
approvisionnements. Véritables outils d’aide à la décision, – plan industriel et commercial (PIC) ;
dotés d’algorithmes d’optimisation, ils simulent le fonctionne- – programme directeur de production (PDP) ;
ment de l’ensemble du système logistique, vérifient la dispo- – calcul des besoins nets (CBN) ;
nibilité des produits et les capacités de production nécessaires – pilotage du court terme (gestion d’atelier et d’achats).
pour faire face à différents niveaux de la demande.

MRP répond aux quatre questions suivantes : Cette hiérarchisation des fonctions et des décisions est un
principe fondamental des systèmes MRP. Hiérarchiser les fonc-
– que doit-on faire et pour quand ? tions et les décisions consiste à concevoir un modèle en plu-
– que faut-il pour le faire ? sieurs plans, chaque plan étant le lieu d’un ensemble de
décisions d’échelle et d’horizon spécifiques (figure 3).
– qu’avons-nous déjà fait ?
– de quoi avons-nous besoin ?
Pour chacun des plans, on identifie :
• On répond à ces questions en traitant de la planification du – un objectif ;
travail à faire (gestion des priorités), et de la gestion des capacités – un horizon ;
de l’entreprise pour le faire. Le marché établit les priorités relatives – un niveau de détail.
aux produits fabriqués : combien en faut-il et pour quand ? C’est la
charge de travail. La capacité représente les possibilités de Chaque plan est revu avec une périodicité spécifique.
produire ces biens et services. Elle dépend des ressources. La À chaque niveau, on répondra aux questions suivantes :
réponse à ces questions n’est pas originale. Par contre, rendre
cohérentes les réponses les unes avec les autres, et assurer une – quelles sont les priorités ?
logique de déroulement, est plus difficile. L’approche MRP permet – quelle est la capacité disponible ?
d’assurer cette logique et cette cohérence. – comment peut-on résoudre les écarts ?

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FLUX POUSSÉS : MRP ET DRP _________________________________________________________________________________________________________

Planification
Gestion des données Gestion de la capacité

1. Plan
stratégique

2. Plan Planification globale


industriel et des capacités
commercial (usines, embauches...)
Prévisions/Commandes

3. Programme Planification globale


directeur de des capacités
Stocks des production (ressources critiques)
produits finis

Nomenclatures 4. Calcul des


Planification des besoins
besoins
en capacité
nets (MRP)

Stocks des
matières premières et
sous-ensembles
5. Pilotage de Contrôle des entrées/sorties
l’atelier Séquencement des opérations

Postes de charge

Gammes

Figure 2 – Logique MRP : cinq niveaux de décision et de planifiction

Dans un premier temps, nous allons décrire chacun de ces cinq


niveaux de planification. Dans un second temps, nous décrirons
leurs fonctionnalités en termes de planification.
Niveau de détail

1.1.1 Plan stratégique


C’est un état des objectifs stratégiques (marché, volume, etc.)
Pilotage d’atelier que la société souhaite atteindre : il couvre un horizon de 2 à 10
ans. Il s’intéresse aux types de marchés et s’appuie sur des prévi-
CBN sions de long terme. Il est établi en euros et induit la participation :
– de la direction ;
PDP – du marketing ;
– des finances ;
PIC – de la production ;
– de la conception.
Plan stratégique Ce plan est revu tous les six mois et parfois tous les ans. Il
formalise les axes de développement de l’entreprise à long terme.
Horizon de planification (temps) Il fixe chaque année les grandes orientations de l’entreprise :
– marchés à pénétrer ;
CBN Calcul des besoins nets
PDP Programme directeur de production
– planification des effectifs ;
PIC Plan industriel et commercial – technologie à maîtriser ;
– développement des gammes de produits.
Le plan stratégique est élaboré en fonction de données
Figure 3 – Niveau de détail et horizon de planification macro-économiques.

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Flux pilotés par l’aval ou flux tirés


Illustration du cas de l’industrie
automobile
par Claude DUDOUET †
et Dominique ESTAMPE
Professeur Supply Chain Management
Note de l’éditeur
Cet article est la réédition actualisée de l’article AG5111 intitulé « Flux pilotés par l’aval ou
flux tirés » paru en 2009, rédigé par Claude Dudouet et Dominique Estampe.

1. Problématiques ........................................................................................ AG 5 111v2 - 2


1.1 Problématique commerciale ...................................................................... — 2
1.2 Problématique industrielle ......................................................................... — 4
2. Flux pilotés par l’aval : réalisation de la production..................... — 6
2.1 Description globale ..................................................................................... — 7
2.2 Les boucles RECOR..................................................................................... — 8
2.3 Sécurisation des flux de produits .............................................................. — 8
2.4 Particularités du pilotage des flux du processus terminal
de production .............................................................................................. — 10
2.5 Particularités du pilotage des flux des processus coordonnés ............... — 11
2.6 Particularités du pilotage des flux par le RECOR ..................................... — 12
2.7 Synthèse des conditions d’utilisation du pilotage par l’aval................... — 17
2.8 Contrôle des commandes de produits finis.............................................. — 18
3. Préparation des flux de produits ........................................................ — 18
3.1 Préparation courante .................................................................................. — 18
3.2 Préparation des changements techniques des produits finis ................. — 21
3.3 Conditions de validité de la préparation des flux..................................... — 22
3.4 Les indicateurs de pilotage ........................................................................ — 22
4. Aspects sociaux et économiques ....................................................... — 22
4.1 Aspects humains......................................................................................... — 22
4.2 Influence sur la productivité....................................................................... — 23
4.3 Justification économique ........................................................................... — 23
5. Conclusion................................................................................................. — 23
Pour en savoir plus......................................................................................... Doc. AG 5 111v2

et article intéresse en premier lieu les industries d’assemblage qui offrent


C une grande diversité de produits finis décrits, en général, dans un cata-
logue précis proposé aux clients. C’est le cas de l’automobile, des grands
ordinateurs, des véhicules industriels, de l’ameublement, de l’aéronau-
tique, etc. La diversité des produits est suffisamment élevée pour rendre la
vente, à partir du stock de produits finis, totalement impossible (aéronautique)
ou partiellement réalisable seulement (automobile).
Parution : septembre 2019

La démarche consiste à produire directement des produits finis commandés


par les clients, tout en respectant un délai court (une à trois semaines, hors
transport dans l’automobile). Ce délai est beaucoup plus court que l’ensemble

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FLUX PILOTÉS PAR L’AVAL OU FLUX TIRÉS _______________________________________________________________________________________________

des délais de production incluant aussi tous les délais d’approvisionnement


auprès des fournisseurs (3 à 8 mois dans l’automobile).
La méthode décrite ici est voisine de celle utilisée et mise au point par la
société Toyota, depuis la fin des années 1970. Elle répond au problème posé et
permet néanmoins de piloter les flux industriels dans des conditions de simpli-
cité et d’efficacité.
Les « flux pilotés par l’aval » constituent une solution alternative aux
méthodes classiques basées sur une planification des productions par les pré-
visions (genre MRP, Management des Ressources de Production).
Bien que les « flux tirés » puissent être appliqués dans un grand nombre de
produits et de métiers, des exemples pris dans l’industrie automobile, précisé-
ment le groupe PSA, illustreront les propos.
Enfin, le vocabulaire concernant cette méthode n’est pas encore stabilisé, les
trois expressions suivantes ayant la même signification :
• flux tirés ;
• flux pilotés par l’aval ;
• production sur commandes à délai court.
L’expression « flux pilotés par l’aval » illustre le mieux les principes de base
de cette méthode.

1. Problématiques Rappel historique de l’évolution de la méthode

C’est la société Toyota, au Japon, qui a été l’initiatrice de


1.1 Problématique commerciale cette méthode dans les années 1970.
En fait, d’autres assembleurs, principalement dans l’automo-
bile en Europe et au Japon, ont tenté, sous la pression du mar-
1.1.1 Produire les commandes clients ché, de produire directement les commandes fermes
demandées par les clients. Par exemple, Peugeot en 1982-1983,
Pour satisfaire des clients qui commandent des produits très Renault en 1985, Nissan et Mazda au cours des années 1980,
diversifiés, choisis dans un catalogue, les solutions ne sont pas cette liste n’étant pas exhaustive.
nombreuses. En effet, la diversité des produits finis interdit la Mais ces démarches, différentes de celles du groupe Toyota,
généralisation de la vente sur stock car ceux-ci devraient, en étaient basées sur l’utilisation de méthodes traditionnelles de
principe, contenir toutes les combinaisons offertes par le cata- gestion des flux de produits :
logue. – d’abord un pilotage des opérations d’assemblage terminal
des produits finis et des principaux sous-ensembles à délais
Dans l’exemple de l’automobile : une partie des véhicules peut relativement courts (1 à 3 semaines) par les commandes
être vendue sur stocks situés, soit dans les points de vente, soit au fermes des clients elles-mêmes ;
niveau central du constructeur. Interrogeables en temps réel, ils – puis un pilotage des autres flux de constituants et de
permettent des mises à disposition, avec ou sans transport, assez matières (fournisseurs inclus) par une planification sur prévi-
rapides, de 1 à 4 jours. Il s’agit en général de véhicules perçus sions de produits finis.
comme des produits standards ou pouvant satisfaire des clients
qui veulent être servis très rapidement. C’est le cas, en France, de Les écarts entre deux sources d’informations (commandes et
60 % des véhicules de la famille Peugeot 108. L’autre partie des prévisions) ont rendu ces approches difficiles à mettre en place.
véhicules doit être produite sur commande parce que les clients Les conséquences de ces démarches très instructives ont été,
tiennent à choisir leurs produits dans le détail. C’est le cas fréquent soit la limitation du libre choix des commandes par les clients
pour les modèles perçus comme des hauts de gamme, tels que les à une part très minoritaire des flux (10 à 20 % seulement), soit
véhicules 208 de haut standing ou l’ensemble des modèles des la détérioration du pilotage des flux industriels et des relations
familles 308 ou 508. Sont ainsi concernées plus de 50 % des ventes entre constructeurs et fournisseurs par un désordre substantiel
totales. dans les expressions des besoins et les ordres de livraison. De
tels dysfonctionnements ont motivé les acteurs de ces tenta-
Par ailleurs, les vendeurs qui commandent les véhicules pour tives à mettre au point des méthodes plus efficaces.
constituer leur propre stock de produits finis tiennent à choisir ce
Les années 1980 ont vu se développer en Europe des efforts
qu’ils commandent dans les mêmes conditions que celles offertes
pour comprendre l’approche particulière de Toyota et en expé-
au client final. Donc, dans le domaine de l’automobile, la produc-
rimenter les principes, avec plus ou moins de succès. C’est
tion de voitures sur commandes choisies par les clients et les ven- ainsi qu’au début des années 1990, PSA a décidé de généraliser
deurs tend à s’imposer, pour se substituer aux programmes les « flux tirés », objet de cet article. En 1993, Renault décide
détaillés définis par les services de planification des construc- d’appliquer cette méthode à l’ensemble des usines « méca-
teurs, perçus comme trop contraignants par les services commer- niques », puis d’en étendre progressivement l’application.
ciaux.

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_______________________________________________________________________________________________ FLUX PILOTÉS PAR L’AVAL OU FLUX TIRÉS

réponse, évalué par les services commerciaux eux-mêmes, est


Rappel historique de l’évolution de la méthode (suite) fonction de deux facteurs :

Dès 1993, un groupe de réflexion financé par l’Europe, et – le temps de réponse minimal normal entre la mise en fabrica-
auquel ont participé la majorité des grands assembleurs euro- tion de la commande et la fin de la production, soit le délai de pro-
péens (automobile, aéronautique, aérospatiale et leurs principaux duction standard Dp de la figure 1 ;
fournisseurs) a fonctionné activement pendant deux ans pour – a capacité de production par unité de temps, mise en place
approfondir la culture et les principes particuliers des « flux tirés » pour répondre au volume des demandes de la clientèle.
en s’appuyant sur des réalisations concrètes (Peugeot, Airbus,…).
Le délai de la commande client Dc est défini en fonction du
Ainsi, depuis le début des années 2000, des réalisations volume des commandes et des capacités de production des
conformes à cette culture nouvelle sont apparues en nombre usines par unité de temps.
croissant en cohérence avec la mise en place, de plus en plus
récurrentes, de démarches de Lean Manufacturing.

1.1.2 Délai impérativement court avec Dc délai de chaque commande,

Le client accepte logiquement qu’un temps soit nécessaire pour V volume des commandes (1 commande par
produire et transporter le produit fabriqué pour lui, mais il exige produit fini),
que l’affaire soit rapidement menée ; le client ou le vendeur ne font Cap/Ut capacité de production en nombre de produits
pas référence aux contraintes classiques de production. finis par unité de temps,
Dans le cas de l’automobile, la pratique de PSA consiste à pro- Ut exprimé en jours ouvrables (à la rigueur en
duire chaque véhicule commandé, hors pénuries particulières, en semaines).
5 à 8 jours ouvrables, soit 15 à 20 jours calendaires transport et
livraison inclus. Pour faciliter le travail des vendeurs, c’est-à-dire attirer et satis-
faire les clients sans les obliger à imposer tel ou tel produit, les
contrats entre commerce et production doivent être les plus
Délai court signifie, en général, que le temps de réponse globaux possibles et éviter d’intégrer des caractéristiques détail-
imposé aux clients est nettement inférieur aux délais de pro- lées des produits finis. Les contrats sont établis par famille de pro-
duction et d’approvisionnement les plus longs supportés par le duits (exemple : 108 Europe, tous types, 1 500/Jour et non
constructeur et ses fournisseurs (12 à 24 semaines (3 à 6 mois) 108 France, 3 portes, essence, 150/jour)
dans l’automobile)
Ces contrats signifient bien que la production s’engage à res-
pecter le délai de production Dp lorsque les commandes res-
pectent la capacité de production Cap/Ut. Ils signifient aussi que
1.1.3 Nécessité de contrats globaux entre l’ensemble des forces de vente a des objectifs au moins égaux
commerce et production aux capacités de production.
Le délai de production doit être court et annoncé pour chaque Ces contrats sont arbitrés lors des réunions du Plan Industriel et
commande, puis respecté à une tolérance près. Ce temps de Commercial [AG 5 110].

Figure 1 – Détermination du délai de chaque commande

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FLUX PILOTÉS PAR L’AVAL OU FLUX TIRÉS _______________________________________________________________________________________________

1.1.4 Contrats globaux actualisables 1.2 Problématique industrielle


Pour faire face aux fluctuations rapides de la demande, les
contrats globaux concernant chacun des marchés ou pays impor- 1.2.1 Terminologies
tants devront intégrer des marges de manœuvre suffisantes.
Le flux de produits se décrit par son flux physique et son flux
Exemple dans l’automobile, d’informations.

– Peugeot 308 France, tous types 800 ± 80/jour ; Le flux physique est constitué de matières, pièces brutes, pièces
finies, sous-ensembles, produits finis qui empruntent un circuit
– Peugeot 308 Belgique, tous types 100 ± 15/jour ; repérable et préparé. Il est caractérisé par l’enchaînement des
– Peugeot 308 Hollande, tous types 100 ± 15/jour. opérations appliquées aux produits :
– stockage de matières ;
Les contrats ne sont pas figés sur l’année, à l’intérieur des marges
de manœuvre définies, les contrats globaux pourront être stabilisés à – transformations de la matière ;
un niveau choisi et donnés pour une période minimale courte (1 ou – modifications des formes ;
2 semaines), par exemple, Peugeot 308 France, tous types 870/jour. – assemblages ;
– contrôles ;
Les contrats globaux concernant un regroupement important de – manutentions ;
pays (par exemple, Peugeot 308 Europe, tous types… 1 500/jour)
– attentes ;
pourront être figés pour une durée minimale plus importante que
précédemment (par exemple, 1 mois). – stockages ;
– transports, etc.
Les contrats sont révisables et, si on constate que leurs limites Le circuit emprunté est jalonné par des matériels et des effectifs
de flexibilité ne sont plus adaptées au marché, il est nécessaire de affectés à des postes de travail ou à des missions (production
les modifier. directe, manutention, réglages, maintenance, encadrement, maga-
sinage, etc.). Les technologies et métiers d’un flux peuvent être
différents ; ils peuvent concerner les domaines de la production,
1.1.5 Traitement des commandes du transport et de la distribution.
Celles-ci, en règle générale, sont mises en production par Le flux d’informations est défini par l’ensemble des informa-
grandes familles de produits finis, dans l’ordre où elles sont expri- tions affectées à la préparation et au pilotage, ou à l’exécution
mées par les clients, de manière à respecter au mieux les souhaits d’un flux physique. Ce flux d’informations utilise, lui aussi, un cir-
des clients. cuit repérable et préparé, jalonné par des matériels et des effectifs
qui réalisent des opérations de transmission, transformation, stoc-
Dans l’exemple de l’automobile, les commandes de la famille kage et exploitation des informations.
108 (tous types, Europe) sont accumulées en temps réel dans
Flux physiques et flux d’informations s’interpénètrent et n’ont
l’ordre où elles sont formulées.
d’utilité et de sens que s’il y a parfaite cohérence entre les deux.
Les contrats globaux, établis entre commerce et production (ici Enfin, en matière de vocabulaire appliqué aux flux de produits,
1 500  véhicules par jour), permettent de définir les journées suc- nous utilisons l’expression « produits finis » pour désigner les
cessives de commandes à produire en 108 « Europe ». On procède produits qui empruntent les processus terminaux de production
de même, en parallèle, pour les autres familles de véhicules. (figure 2). Tous les autres flux concernant des sous-ensembles,
des pièces élémentaires brutes ou finies, des matières premières,
sont des flux de « constituants ».
1.1.6 Prévisions de commandes
Nous distinguons l’aval des flux (domaine relié directement au
Les contenus détaillés des commandes à la journée sont impré- client final) et l’amont des flux (domaine relié aux fournisseurs).
visibles. En effet, le libre choix des clients et des vendeurs n’est En général, l’aval d’un flux quelconque est situé au voisinage de
pas prévisible avec précision car les paramètres qui conditionnent la sortie des produits vers un ou des flux clients, l’amont d’un flux
les choix ne sont pas eux-mêmes cernables avec précision. Il est est situé du côté de l’approvisionnement ou entrée des produits
possible d’utiliser, entre autres, des historiques de vente pour en provenance d’un ou des flux fournisseurs.
construire des prévisions de ventes détaillées et datées. La figure 2 propose une représentation des flux de produits en
fonction du temps.
Exemple
À droite, le temps zéro correspond au produit fini terminé en
Entre janvier et décembre, on constate que 43 % des véhicules de sortie du processus terminal de production, en général un proces-
la famille F ont été de couleur blanche. sus d’assemblage. Dans l’automobile, il s’agit des lignes de fer-
rage (assemblage par soudure des constituants en tôles d’acier
L’utilisation de telles données pour construire des prévisions embouties pour obtenir une carrosserie), des installations de pein-
précises à la journée se heurte à deux difficultés : ture et des lignes de montage terminal.
Deux flux de produits constituants sont représentés : F (sièges
– l’application de telles données historiques à une population
de voitures, par exemple) et (postes de conduite pour l’automo-
restreinte, celle des commandes d’une seule journée, conduit à
bile, par exemple). F utilise les processus successifs C, B, A et
rendre incertaine la donnée recueillie : 43 % de couleur blanche se
les processus E et D.
situe en fait, après analyse de l’historique, entre, par exemple, un
minimum de 31 % et un maximum de 56 % pour chaque journée ; La longueur des rectangles représentant les processus est fonc-
tion des délais ou temps de production de chaque processus. Plus
– l’application des données du passé à la construction des infor-
on se déplace vers la gauche du schéma de la figure 2, plus les
mations du futur conduit aussi à définir des marges d’incertitude
opérations correspondantes exigent un délai ou, plus précisé-
car le futur n’est pas, en général, la reproduction exacte du passé.
ment, un temps de défilement long.
Donc, devant l’impossibilité d’établir des prévisions précises et
exactes à la journée, nous utiliserons la notion de « marges Le temps de défilement Tdc complet d’une filière F mesure le
d’incertitude » qui sera reprise au paragraphe 2.3. temps de défilement de tous les processus depuis la première

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Figure 3 – Exemple de temps de défilement pour la fabrication


de tissus dans l’automobile

ordres sûrs parce qu’ils respectent le choix des clients : les pro-
duits finis sont quasi vendus.
■ À gauche de la ligne α, la zone d’incertitude
Les postes de travail doivent fabriquer en quantités adaptées
sans savoir, avec une précision suffisante, combien produire. La
quantité exacte nécessaire ne sera connue que plus tard, au fran-
chissement de la ligne α, c’est-à-dire trop tard. La seule information
traditionnellement disponible à gauche de la ligne α est constituée
Figure 2 – Flux de produits dans l’automobile par des prévisions, fausses par essence (§ 1.1.5). Nous sommes
donc dans la zone d’incertitude de la gestion des flux de produits.

opération de transformation qui spécialise ou déstandardise la


matière première de cet ensemble de flux F. Remarque
La figure 3 fournit l’exemple du temps de défilement Tdc de la Le premier aspect de la problématique industrielle consiste, en
famille des tissus haut de gamme de la coloration de la fibre tex- priorité, à maîtriser la gestion des flux dans la zone d’incertitude.
tile. Avant cette coloration, le plus souvent, la fibre est standardi-
sée, la coloration en vert, bleu ou rouge, etc., spécialise la fibre
pour des utilisations précises, c’est-à-dire pour une partie des
véhicules à produire. C’est là que la gestion des flux de produits
rencontre ses premiers et vrais problèmes.
Les longs délais sont issus de productions en lots économiques
sur des installations lourdes qui sont sources de rigidité.

1.2.2 Impact de la production sur commandes


à délai court
La production sur commandes à délai court conduit le construc-
teur à introduire les commandes vers la fin des processus de produc-
tion. Il s’agit de piloter le processus terminal en respectant un délai
Dp acceptable par les clients et les vendeurs (environ 8 jours
ouvrables dans l’automobile actuellement) qui est sensiblement plus
court que le temps de défilement complet Tdc maximal du domaine
industriel correspondant (12 à 14 semaines pour l’automobile).
Nous avons matérialisé sur la figure 4 une ligne α située au
temps Dp et qui correspond à l’introduction des commandes de
produits finis. Elle partage le domaine des flux industriels en deux
zones.

■ À droite de la ligne α, la zone des ordres sûrs


Les postes de travail, dont les temps de défilement sont égaux
ou inférieurs à Dp sont pilotés par des ordres construits à partir
des commandes des clients. Nous sommes dans la zone des Figure 4 – Zone d’incertitude et ligne α

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FLUX PILOTÉS PAR L’AVAL OU FLUX TIRÉS _______________________________________________________________________________________________

L’utilisation des méthodes classiques de gestion des flux, 1.2.6 Fiabilité des procédés et des matériels
méthodes du type MRP « Management des ressources de produc-
tion » [AG 5 110] basées sur une actualisation très fréquente des Il est obligatoire d’introduire dans les ateliers des niveaux de
prévisions de fabrication pour tenir compte du contenu des com- fiabilité élevés à la fois des procédés, des modes opératoires, des
mandes, n’est pas une démarche fiable. En effet, les moyens machines, des outillages et des installations. L’objectif est de sup-
informatiques modernes permettent bien d’effectuer rapidement primer les incertitudes affectant la gestion des flux.
et fréquemment des calculs de besoins nouveaux, actualisés, cor-
rigés ; mais les ordres d’exécution qui en résultent arrivent
d’autant plus tard aux postes de travail que les temps de défile- 1.2.7 Principe des flux tendus
ment sont élevés. Les flux physiques et les flux d’informations
Il consiste à réduire, au strict minimum, les temps de défilement
risquent la discordance parce que les flux physiques, déjà pilotés
dans le but de supprimer toute déperdition d’énergie ou tout gaspil-
sur la base d’anciennes prévisions, ne peuvent pas absorber assez
lage de ressources. La motivation repose sur la recherche d’efficience
rapidement les fluctuations imprévues.
permanente avec un ratio reflétant bien un bon pilotage de flux.
La plupart des constructeurs automobiles, surtout en Europe,
connaissent bien cette difficulté. Les équipementiers et fournis- Le ratio d’efficacité des flux Td/TU mesure la part du temps de
seurs souffrent encore davantage de la non fiabilité des ordres défilement consacré à toutes les opérations de production (de la
d’approvisionnements. matière au produit fini).

1.2.3 Maîtrise quantitative des flux


Exemple
À gauche et à droite de la ligne α sur la figure 4, maîtriser la ges-
Pour une pièce en tôle d’acier, emboutie par passage dans une ligne
tion des flux signifie qu’aucun ordre d’exécution ne surprend, ni ne
de 6 presses liées automatiquement, le temps utile TU est 6 fois
désorganise, celui chargé de l’exécuter. Autrement dit, les ordres
2 secondes, soit 12 secondes (le temps de transformation effective de
d’exécution en production, en transport et en approvisionnement,
la tôle d’acier étant environ de 2 secondes sur chaque presse).
doivent être cohérents avec la préparation et les prévisions qui les
précèdent, tout en admettant l’incertitude des prévisions tradition- Td, temps de défilement dans l’usine d’emboutissage, est de
nelles de produits finis (signalée au paragraphe 1.1.5). 3 jours ou 72 heures (cette usine travaille 24 heures sur 24).
Les ordres d’exécution du domaine industriel doivent être éla- Toujours dans cet exemple, le ratio Td/TU est égal à 21 600 !
borés du premier coup, en étant sûr qu’ils seront exécutables nor-
malement, sans désorganisation, sans corrections d’ordres déjà La réduction du ratio Td/TU et les actions de progrès dans ce
donnés, donc avec sérénité. Cette orientation constitue la priorité sens ne sont admissibles que si elles n’entraînent pas de ruptures
de la problématique industrielle en gestion des flux. des flux et ne s’opposent pas à la satisfaction des commandes des
clients. La présentation de ce principe s’accompagne souvent
d’une assimilation des stocks à un gaspillage systématique. Nous
1.2.4 Lissage des activités industrielles ne retiendrons pas cette consigne, ni l’expression qui lui est sou-
Les activités globales des ateliers de production doivent être vent associée, à savoir : zéro stock.
pseudo-stables sur des durées suffisantes, au moins un mois – de Nous notons, par ailleurs, que la notion de flux tendus ne décrit
préférence 3 à 6 mois – pour stabiliser la main-d’œuvre et ses pas les mécanismes de construction des ordres d’exécution, ni
conditions de travail. ceux de la préparation qui les précède. Ils ne constituent donc pas
L’abus du principe de lissage peut entraîner rapidement des une méthode complète de gestion des flux de produits.
conflits entre production et commerce ou clients. Le lissage ne
doit pas être trop précis sur les familles de produits à produire.
La production ne peut pas demander à lisser par exemple 300/j
1.2.8 Principe de « Juste à temps » (JAT)
berlines, 108 toits ouvrants, 600/jour berlines, 108 3 portes, 900/j
berlines, 108 5 portes. Ce lissage est beaucoup trop détaillé et le Son énoncé est le suivant : « tout constituant doit être dispo-
choix libre des commandes journalières de véhicules est incom- nible en qualité et en quantité voulues au moment nécessaire
patible avec ce genre de contraintes de lissage : clients et ven- pour satisfaire le client, ni trop tard, ni trop tôt ».
deurs ne s’organisent pas pour consommer chaque jour la même
quantité de toits ouvrants.
Il en est de même de toutes les caractéristiques à l’intérieur Nous modifions quelque peu cette formulation pour rester à
d’une famille de véhicules et de tous les constituants correspon- l’écoute de notre problématique.
dants dont les consommations varient d’un jour à l’autre. Tout constituant ne devra jamais être en retard, mais peut être
Le lissage des activités industrielles devra s’accommoder du livré suffisamment tôt pour éviter tout risque de rupture des flux
seul lissage des contrats globaux les plus importants du type : de produits.
308 Europe tous types 1 400/jour, 108 tous marchés tous types
1 500/jour.

1.2.5 Stabilité des organisations industrielles 2. Flux pilotés par l’aval :


Pour assurer une bonne utilisation du personnel et de ses apti- réalisation
tudes, il est nécessaire de stabiliser l’organisation des postes de
travail et du personnel, besoins de polyvalence inclus, sur des de la production
périodes significatives, surtout dans les usines terminales à forte
main-d’œuvre (3 à 6 mois, par exemple, dans l’automobile). Nous présentons d’abord une description globale des méca-
Cette orientation est une des conditions nécessaires pour maî- nismes de pilotage de l’ensemble des flux de produits afin d’en
triser la qualité des produits et réduire de plus de 60 % les coûts faire ressortir le souci de cohérence. Ensuite, nous verrons les
de formation liés aux changements mensuels d’organisation des règles de paramétrage des flexibilités, enfin les caractéristiques
postes de travail. des principaux types d’ordres et leurs combinaisons courantes.

AG 5 111v2 – 6 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

30
Référence Internet
AG5115

La planification industrielle
et ses limites
par Patrick GENIN
Responsable Supply Chain Support
Audemars Piguet Manufacture SA
Samir LAMOURI
Professeur des universités à Arts et métiers ParisTech
Chercheur au LAMIH CNRS
et André THOMAS
Professeur des universités à l’université de Lorraine à ENSTIB et CRAN – CFPIM
Note de l’éditeur
Cet article est la version actualisée de l’article AG 5 115 intitulé « La planification indus-
trielle et ses limites. » rédigé par Patrick GENIN, Samir LAMOURI, André THOMAS et paru
en 2005.

1. Rôles des niveaux de planification..................................................... AG 5 115v2 - 2


1.1 Niveau stratégique : concevoir la structure du réseau logistique .......... — 2
1.2 Niveau tactique : dimensionner les activités ............................................ — 3
1.3 Niveau opérationnel : piloter les opérations ............................................ — 5
1.4 Planification de la chaîne logistique.......................................................... — 5
2. Faiblesses de synchronisation............................................................. — 6
2.1 Difficile synchronisation des capacités et des matières .......................... — 6
2.2 Difficultés d’intégration verticale et de synchronisation des plans ........ — 6
2.3 Difficultés d’intégration horizontale et de coordination des plans ......... — 7
3. Causes de variabilité dans la chaîne logistique et effet
« coup de fouet » .................................................................................... — 8
3.1 Causes de variabilité selon les niveaux de planification ......................... — 8
3.2 Actions du niveau tactique sur l’effet coup de fouet ............................... — 10
4. Évolution des progiciels jusqu’aux APS ........................................... — 11
5. Conclusion................................................................................................. — 11
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AG 5 115v2

e présent article recense les limites de la planification industrielle tradition-


L nelle dans un contexte de chaîne logistique. C’est un prérequis pour
comprendre l’émergence des APS qui seront développés dans [AG 5 120].
Pour cela, nous présenterons, dans une première partie, les niveaux associés
à la planification d’une chaîne logistique, stratégique, tactique et opération-
nelle. Nous situerons les niveaux de planification MRP II présentés dans
[AG 5 110] dans ces structures hiérarchisées.
Dans la seconde partie, nous présenterons les limites de la planification tra-
ditionnelle MRP II.
La troisième partie ouvrira sur les problématiques qui se posent aujourd’hui
aux chaînes logistiques, la maîtrise de la variabilité et du « bullwip effect »
(effet « coup de fouet »). Cette partie sera l’occasion de revenir sur le rôle que
peut y jouer la planification tactique.
Nous terminerons cet article en analysant l’évolution des systèmes ERP pour
Parution : janvier 2019

comprendre les APS « Advanced Planning Systems ».

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31
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AG5115

LA PLANIFICATION INDUSTRIELLE ET SES LIMITES ________________________________________________________________________________________

1. Rôles des niveaux 1.1 Niveau stratégique : concevoir


la structure du réseau logistique
de planification
Ce niveau de planification traite des décisions stratégiques :
– la détermination du portefeuille d’activités ;
Dès 1965, Anthony distingue la « planification stratégique » – la conception de la structure du réseau logistique ;
(voir § 1.1), le « contrôle de gestion » (voir § 1.2) et le « contrôle – l’adéquation des ressources permanentes de la chaîne logis-
opérationnel » (voir § 1.3) comme trois catégories de décisions de tique sur plusieurs années.
gestion habituellement rencontrées dans les organisations.
Il correspond au plan stratégique des structures MRP II.
Dans la gestion de la chaîne logistique, ces niveaux de gestion Concevoir la chaîne logistique au niveau stratégique nécessite :
sont déclinés selon les termes « stratégique », « tactique » et – d’analyser comment les conséquences d’une décision locale
« opérationnel » ayant des finalités différentes (figure 1) : dans l’un des processus (approvisionnement, production, distribu-
– le niveau stratégique a pour objectif de satisfaire le marché tion, vente) se propagent dans toute la chaîne ;
dans son ensemble dans le cadre de la stratégie générale de – d’évaluer les implications financières d’une décision locale
l’entreprise (voir § 1.1) ; d’un des processus sur les autres ;
– de définir comment les profits et les pertes seront partagés
– le niveau de planification tactique définit les conditions de entre les différents modules (processus de partage).
satisfaction de la demande des clients (voir § 1.2) ;
Ces décisions constituent la politique à long terme de l’entre-
– le niveau de pilotage opérationnel assure le suivi et le contrôle prise, généralement en formant une vision à plus de deux ans des
du flux physique afin d’assurer la mise à disposition des produits à gains en parts de marché et rentabilité de l’entreprise. Elles
chaque maillon selon les conditions définies au niveau tactique conduisent à définir des activités qui seront fournies par l’organi-
(voir § 1.3). sation et les ressources mises en œuvre. Le rôle de ce niveau de
planification est donc prospectif.
Les niveaux de planification précédents sont déclinés selon les
À ce niveau de planification, sont décidés :
processus principaux de la chaîne logistique. La figure 1 décrit les
principales décisions prises à ces trois niveaux. – la localisation optimale des sites ;
– l’attribution des activités à ces sites ;
Ces niveaux de planification ne diffèrent pas seulement par – la capacité globale des sites ;
l’horizon qui les caractérise. Le niveau d’agrégation et le niveau – le nombre de sites actifs ;
hiérarchique des décisions sont également différents. – le choix des alternatives de transport ;

Figure 1 – Les trois niveaux de planification

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AG5115

________________________________________________________________________________________ LA PLANIFICATION INDUSTRIELLE ET SES LIMITES

Figure 2 – Matrice de planification de la chaîne logistique

– le choix de faire ou faire faire des activités, (make or buy) ; 1.2 Niveau tactique : dimensionner
– le choix du type d’approvisionnement (mono ou multi- les activités
sources);
– la sélection des fournisseurs et des accords de partenariat ; Ensemble de décisions à moyen terme
– les marchés sur lesquels se développer, ainsi que les canaux Les décisions tactiques correspondent à un ensemble de déci-
de distribution ; sions à moyen terme inscrites dans le cadre de décisions défini
– les décisions de lancement de nouvelles gammes de pro- par la planification stratégique.
duits et l’équilibre entre elles ;
Les décisions tactiques jouent un rôle significatif dans la ges-
– la définition des indicateurs et standards de la chaîne logis- tion des opérations d’une chaîne logistique :
tique ;
– elles traitent des objectifs de volumes à produire, stocker,
– etc. transporter et vendre ;
Les indicateurs qui conditionnent ces choix sont, soit quantitatifs – elles modulent également les capacités des ressources pour
sous la forme de parts de marché par exemple, soit qualitatifs atteindre ces volumes dans les délais prévus ;
comme « d’être leader sur une technologie ou un marché donné ». – elles considèrent l’ensemble des entités de la chaîne logistique
L’unité d’œuvre est généralement financière, mais des unités qua- pour synchroniser les flux et les ressources capacitaires de
litatives peuvent être utilisées (échelle de valeurs comme le niveau manière globale.
de maturité sur une technologie donnée…).
Nous appelons plan tactique l’ensemble des plans définissant
Le niveau stratégique fixe un cadre au niveau tactique. les volumes de distribution de production et d’approvisionnement

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34
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AG5120

Planification avancée
L’apport des Advanced Planning Systems
par Patrick GENIN
Responsable Supply Chain Support
Audemars Piguet Manufacture SA, Le Brassus (Suisse)
Samir LAMOURI
Professeur des universités à Arts et métiers ParisTech
Chercheur au LAMIH CNRS
et André THOMAS
Docteur – CFPIM
Note de l’éditeur
Cet article est la réédition actualisée de l’article AG5120 intitulé « Planification avancée –
APS » paru en 2005, rédigé par Patrick GENIN, Samir LAMOURI et André THOMAS.

1. Fonctionnalités couvertes par les APS ............................................. AG 5 120v2 - 3


1.1 Intégration des modules de planification ........................................................ — 3
1.1.1 Module de planification stratégique du réseau............................... — 3
1.1.2 Module de gestion de la demande ................................................... — 3
1.1.3 Module de planification globale de la chaîne logistique ................ — 4
1.1.4 Module de planification de la distribution ....................................... — 5
1.1.5 Module PDP sous contraintes ........................................................... — 5
1.1.6 Module ordonnancement.................................................................. — 5
1.1.7 Module de planification détaillée du transport ............................... — 5
1.1.8 Module « disponible à la vente » ou « gestion dynamique
des stocks » ................................................................................................. — 5
1.2 Fonctionnalités différentes selon les APS ....................................................... — 6
1.2.1 Point de vue informatique................................................................. — 6
1.2.2 Point de vue architectural.................................................................. — 6
1.3 Complémentarité ERP/APS................................................................................ — 7
2. Apports de la planification avancée .................................................. — 8
2.1 Fonctionnement du module de planification tactique................................... — 8
2.1.1 Ressources.......................................................................................... — 8
2.1.2 Activités .............................................................................................. — 10
2.1.3 Résultats ............................................................................................. — 10
2.2 Synchronisation des plans ................................................................................ — 11
2.2.1 Synchronisation des capacités et des matières .............................. — 11
2.2.2 Intégration verticale et synchronisation des plans ......................... — 11
2.2.3 Intégration horizontale et coordination des plans .......................... — 11
2.2.4 D’une structure hiérarchisée à une structure continue................... — 11
3. Faiblesse des APS : la variabilité des décisions ............................. — 12
3.1 Variabilité générée par le choix de modélisation ........................................... — 12
3.2 APS en milieu industriel..................................................................................... — 13
3.2.1 Entreprise A : allers-retours de stocks dans le réseau
de distribution ............................................................................................. — 13
3.2.2 Entreprise B : modifications des besoins en approvisionnements
critiques ....................................................................................................... — 14
3.2.3 Entreprise C : variabilité des ajustements de capacité ................... — 14
4. Conclusion................................................................................................. — 15
Parution : septembre 2019

5. Glossaire .................................................................................................... — 15
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AG 5 120v2

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AG5120

PLANIFICATION AVANCÉE ____________________________________________________________________________________________________________

omme indiqué dans l’article Flux poussés : MRP et DRP [AG 5 110], les
C systèmes MRP ont évolué à la fin des années 1990 vers le Supply Chain
Management. Les systèmes deviennent de véritables outils d’aide à la déci-
sion, dotés d’algorithmes d’optimisation, ils simulent l’ensemble du système
logistique, vérifient la disponibilité des produits et des capacités de production
et de distribution nécessaires pour faire face à différents niveaux de demande.
Ces outils sont couramment dénommés des « Advanced Planning Systems »
(APS) par les entreprises qui les commercialisent. « Les APS sont des progi-
ciels qui optimisent la planification et synchronisent les flux de la chaîne
logistique en tenant compte simultanément d’un grand nombre de contraintes
(ressources, capacités, délais, coûts, profits…) ».
Ces outils semblent aujourd’hui capables de synchroniser l’ensemble des
ressources matières et capacitaires pour aboutir à une planification dite « opti-
male » et ainsi apporter une réponse aux faiblesses de synchronisation des
systèmes traditionnels MRP II [AG 5 115].
Le lecteur pourra se référer à l’article Flux poussés : MRP et DRP [AG 5 110]
pour une vision complète des systèmes MRP II, et à l’article La planification
industrielle et ses limites pour en comprendre les limites [AG 5 115].
Les APS sont souvent présentés comme un concept innovant de planifica-
tion. Or les organisations utilisent des techniques de planification avancée
depuis plusieurs années.
En effet, les APS reposent sur un ensemble de méthodes connues, rendues
accessibles et efficaces par l’amélioration continue des technologies de
calculs ; l’émergence des architectures de communication client-serveur, le
développement des bases de données relationnelles, puis l’expansion de l’EDI
(Échange de Données Informatisées) ont contribué à assurer le développement
de ces outils.
« Toutes les entreprises disposent maintenant, à un coût abordable, d’une
puissance de traitements informatiques sans commune mesure avec celle dont
disposaient les plus grosses entreprises, il y a une vingtaine d’années ». Ces
outils APS ont d’abord été implantés comme des modules interfacés aux ERP
pour être progressivement intégrés à ceux-ci au cours de cette dernière
décennie.
Cet article est consacré aux apports de la planification avancée et des APS en
terme de synchronisation. Nous évoquerons également leur impact sur l’effet
coup de fouet.
Pour cela, nous montrons dans une première partie comment se décline la
planification avancée dans les APS. Ces derniers offrent des fonctions réparties
sur les trois niveaux de planification : stratégique, tactique et opérationnel
[AG 5 115]. Nous présentons les différents modules de ces outils.
La seconde partie présente les apports de la planification avancée en terme
de synchronisation.
Nous verrons dans la troisième partie l’impact de la mise en œuvre de la pla-
nification avancée dans différentes chaînes logistiques.
Nota : Nous réservons l’expression « planification avancée » aux techniques de planification.
APS sera utilisé lorsqu’il s’agit d’une mise en œuvre de ces techniques à travers un outil commercial d’aide à la décision.

Nous utilisons des comparatifs issus de la littérature (les tableaux compara-


tifs de la revue mensuelle de l’APICS, The performance Advantage), des
présentations commerciales des offreurs, ainsi que les formations que nous
avons suivies, à certains APS (APO de SAP, Rhythm de I2 Technologies, et OPT
intégré depuis à l’offre de Manugistics). Ces deux derniers sont devenus filiales
de JDA Software.

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AG5120

____________________________________________________________________________________________________________ PLANIFICATION AVANCÉE

exécution de requêtes selon les cas. Les changements peuvent


1. Fonctionnalités couvertes être liés au fait de déplacer, d’ajouter ou de supprimer des entités,
par les APS des produits, ou à l’impact d’une variation de la demande, de
capacités, de coûts ou de prix.
Le module peut également aider à déterminer la configuration
Les APS automatisent les décisions structurées de planification optimale du réseau. Les modèles de décisions sont alors du type
(révision des plans, ordonnancement, suivi des écarts…) et localisation/allocation ou détermination de capacité. Ces pro-
assistent le gestionnaire dans les décisions semi-structurées blèmes sont traditionnellement linéaires en nombres entiers.
(impact du lancement d’un produit, réorganisation des flux logis-
tiques…). Ces modules de décisions long terme sont alimentés par des
prévisions de demande agrégées.
Ces modules n’aident cependant pas à la conception même des
1.1 Intégration des modules nœuds du réseau, c’est-à-dire dans le choix de l’organisation de
de planification production (en ligne, en cellules, en ateliers…). Ces décisions ne
sont pas intégrées à la conception de la structure de la chaîne
Toutes les activités ayant un impact fort sur la qualité du ser- logistique.
vice au client sont intégrées dans les APS : Le schéma directeur établi sert de cadre au module établissant
– planification ; le plan global de la chaîne (voir § 1.1.3).
– remise de délai ;
– gestion des stocks ;
– expéditions, etc. 1.1.2 Module de gestion de la demande
Elles sont déclinées en différents modules selon les niveaux de Le module de gestion de la demande couvre différents niveaux
planification. Leurs modules sont présentés sur le tableau 1 selon de planification en calculant des prévisions de ventes, aussi bien
le niveau de planification géré. pour des périodes annuelles que mensuelles ou hebdomadaires,
Ce découpage modulaire montre que les APS ont été dévelop- parfois même journalières (voir Nota).
pés par intégration de différentes fonctionnalités de planification. Sur l’horizon proche, il inclut les informations sur les
Les attributs de chacun de ces modules sont présentés au § 1.1.1. commandes, provenant le plus souvent d’un ERP (voir § 1.3).
Ce module constitue la principale donnée d’entrée du schéma
1.1.1 Module de planification stratégique directeur logistique et l’une des principales données de la planifi-
du réseau cation tactique.

Le schéma directeur logistique est construit à partir du module Nota : Pour une revue des techniques quantitatives intégrées dans les APS, ainsi que
le processus de prévisions supporté par ces outils, nous renvoyons le lecteur à l’article de
de planification stratégique offrant des possibilités de modélisa- Wagner [16] dans l’ouvrage collectif dirigé par Stadtler et Kilger [12].
tion graphique du réseau et parfois d’une représentation cartogra-
phique de ce réseau (figure 1). En plus de regrouper les principales techniques de prévisions
Lors de cette modélisation, le gestionnaire schématise les quantitatives, la principale fonctionnalité de ce module provient
nœuds du réseau représentant les différents sites de production, de la structuration des données prévisionnelles. Les données sont
entrepôts, plates-formes de distribution… et il représente les flux présentées au niveau d’agrégation souhaitée selon des axes
circulants entre ces entités par des arcs reliant les nœuds. d’agrégation choisis par le gestionnaire à l’initialisation du
module.
À chacun de ces nœuds et arcs, il renseigne :
– les capacités (fixes ou variables dans le temps) ; Les prévisions sont alors établies à ce niveau pour être ensuite
– les contraintes (dures ou souples) ; désagrégées selon des prorata et stockées au niveau élémentaire,
– les coûts (voir Nota) ; c’est-à-dire :
– et parfois les délais. – l’article ;
Il affecte enfin les produits aux sites. – la période ;
– le point de consommation.
Nota : Certaines solutions permettent de modéliser uniquement des coûts variables et
ne prennent pas en compte les coûts évoluant par paliers.
Les axes d’agrégation étant généralement les périodes (jours,
semaines, mois, années), les zones géographiques (entrepôts,
Une fois la modélisation du réseau existant effectuée, il opti- régions, pays, zones, monde) et les produits (articles condition-
mise cette configuration par comparaison de scénarios ou par nés, articles, groupe d’articles, famille d’articles), la structure des

Tableau 1 – Les fonctionnalités couvertes par les APS


Stratégiques

Planification long terme du marché Optimisation de la structure de la chaîne logistique

Tactiques

Points Planification & gestion Plan global de la chaîne PDP sous contraintes Planification


de vente de la demande de la distribution

Opérations/Exécutions

Ordonnancement de production détaillé Gestion dynamique des stocks Planification détaillée de la charge des moyens
de transport

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AG5120

PLANIFICATION AVANCÉE ____________________________________________________________________________________________________________

Figure 1 – Modèle agrégé de réseau logistique dans APO (APS de SAP)

Figure 2 – Exemple classique de structure tridimensionnelle des données de demande

données prend une forme cubique d’où le nom de « cube » donné La lier aux modules de planification autorise cependant la prise
à la structuration des données (figure 2). en compte en temps réel des changements dans la demande ou
les prévisions. Il est alors possible de réagir rapidement aux
Un processus collaboratif d’établissement des prévisions auto- contraintes de demande de la chaîne.
rise la distribution de jeux de données à divers prévisionnistes
répartis, soit géographiquement, soit fonctionnellement, et auto-
matise ensuite l’agrégation des données et les analyses d’écarts. 1.1.3 Module de planification globale de la chaîne
logistique
Ce module est intégré à l’architecture de l’APS. Or la planifica-
tion de la demande, restreinte à l’établissement de prévisions, ne Ce plan correspond au plan tactique. Les prévisions de ventes
constitue pas à proprement parler une planification puisqu’elle issues du module gestion de la demande servent de base à son
n’est pas basée sur un modèle de décisions. Elle ne sert qu’à calcul à capacité finie. La modélisation est généralement un pro-
générer des données pour les autres modules. gramme linéaire ou linéaire mixte entier (voir § 2.1).

AG 5 120 – 4 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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AG5121

Méthodes concrètes de conception


de système de pilotage de ligne
en mode CONWIP

par Patrick BURLAT


Professeur à l’École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne (France)

1. Piloter une ligne de fabrication avec des en-cours constants . AG 5 121 - 3


1.1 Effets de l’approche MRP ......................................................................... — 3
1.2 Relations entre niveau d’en-cours et délais : loi de Little ...................... — 3
1.3 Maîtrise des en-cours par les 3 méthodes Kanban ................................ — 4
2. Principe du pilotage des flux en mode CONWIP .......................... — 6
2.1 Description de la méthode CONWIP ....................................................... — 6
2.2 Cas de plusieurs boucles CONWIP successives ..................................... — 6
2.3 Cas d’un poste goulot ............................................................................... — 6
2.4 Liens avec MRP ......................................................................................... — 7
3. Mise en œuvre d’un système CONWIP ............................................ — 8
3.1 Conditions préalables ............................................................................... — 8
3.2 Choix du nombre d’ordres de fabrication ............................................... — 9
3.3 Détermination des tailles de lot ............................................................... — 10
3.4 CONWIP et management visuel — 11
3.5 Pilotage quotidien d’atelier en CONWIP ................................................. — 13
3.6 Gestion des priorités en mode CONWIP ................................................. — 15
3.7 Liens entre CONWIP et Lean Manufacturing .......................................... — 15
4. Liens avec les techniques alternatives de pilotage de flux....... — 16
4.1 Gestion en MRP pure ................................................................................ — 16
4.2 Advanced planning and scheduling (APS ) — 18
5. Conclusion............................................................................................... — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. AG 5 121

et article décrit les principes et la mise en œuvre de la méthode CONWIP


C (CONstant Work In Process). Le CONWIP permet de piloter les flux d’une
ligne de production en maintenant l’en-cours constant, de façon à contrôler le
délai de fabrication. Cette méthode convient à tout type de production
manufacturière, depuis des cadences de quelques unités par mois, jusqu’à des
cadences de millions de pièces mensuelles. Elle peut s’appliquer à des ateliers
de fabrication comme à des lignes de réparation ou de recyclage.
La méthode CONWIP est particulièrement appropriée pour des ateliers carac-
térisés par une variabilité élevée, qui sont difficiles à gérer uniquement avec
MRP (Manufacturing Resources Planning), et impossibles à piloter en flux tiré
par les techniques Kanban habituelles.
Cette variabilité peut provenir de la diversité de pièces à fabriquer au sein
d’une même famille, chacune des pièces ayant un temps opératoire différent
lié à sa morphologie propre ou à ses variantes. Elle peut également provenir
des caractéristiques intrinsèques d’un processus de fabrication très exigeant et
difficile à maîtriser totalement, nécessitant des retouches sur les pièces, des
Parution : avril 2015

Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés AG 5 121 – 1

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AG5121

MÉTHODES CONCRÈTES DE CONCEPTION DE SYSTÈME DE PILOTAGE DE LIGNE EN MODE CONWIP _________________________________________________

rebuts, des arrêts machines fréquents, le tout menant à des attentes et des
désynchronisations dans les flux. Ces processus de fabrication complexes et
pas toujours stabilisés sont souvent caractéristiques d’entreprises à très haute
valeur ajoutée. Ce qui pourrait parfois passer pour des problèmes d’industriali-
sation doit le plus souvent, y être vu comme autant de marques d’avance
technologique, d’innovation, de différenciation par rapport à la concurrence, et
de réduction au minimum du time to market. Dans des conditions de
renouvellement rapide des produits, les courbes d’apprentissage qui permet-
tent la stabilisation progressive des processus de production ne jouent plus. La
complexité est ici un atout face à la concurrence de zones de production à bas
coûts où la variété des produits fabriqués est moins grande et les lignes de
fabrication plus standardisées. Mais, il est nécessaire de savoir piloter avec la
meilleure performance possible ces lignes de fabrications dotées de fortes
variabilités intrinsèques.
Pour ces lignes complexes, il s’avère que le pilotage opérationnel des flux
par la méthode CONWIP (CONstant Work In Process) donne des résultats très
intéressants en termes de contrôle des en-cours, de maîtrise des délais et de
niveau de service client.
Le pilotage des flux de production par la méthode CONWIP mobilise plu-
sieurs concepts de la gestion de production :
– MRP (ou tout autre outil de planification) pour le choix des références
d’articles et de leurs quantités à produire ;
– la théorie des contraintes pour l’attention particulière portée aux goulots
et pour l’équilibrage dynamique permanent de la ligne ;
– le juste à temps par l’emploi de techniques de flux tiré pour l’engagement
du travail sur la ligne ;
– le management visuel pour le pilotage réactif et décentralisé des capacités.
Dans ce contexte, les techniques connues du Lean Manufacturing sont égale-
ment mobilisables pour amplifier les gains de performances apportés par le
CONWIP. Cependant, il n’est pas nécessaire de pousser les actions Lean
jusqu’à un niveau de standardisation et de normalisation extrêmes. La mise en
place d’un pilotage en CONWIP apporte déjà des améliorations notables,
même avec des temps de changement de série importants, des rebuts et des
retouches, des pannes sur les machines, et des variations sur les durées opéra-
toires de fabrication.
L’article détaille tout d’abord les bénéfices du pilotage de ligne de fabrication
avec des en-cours constants, puis passe en revue les méthodes usuellement
mobilisées dans ce but : Kanban, Kanban générique et Kanban d’emplacement.
Les limites de ces méthodes sont décrites, puis la méthode de pilotage de ligne
en mode CONWIP est présentée.
Les principes de fonctionnement d’un CONWIP mono-boucle et multi-bou-
cles sont décrits, ainsi que les liens conceptuels avec la théorie des contraintes
via les goulots de la ligne. Les liens avec le pilotage en flux poussé par un
calcul des besoins sont également détaillés.
La suite de l’article présente les pratiques concrètes de mise en œuvre d’un
système CONWIP :
– conditions préalables ;
– choix du nombre d’ordres de fabrication ;
– détermination des tailles de lot ;
– mise en place du management visuel de ligne ;
– procédures de pilotage quotidien d’un atelier en CONWIP ;
– gestion des priorités.
Un focus particulier est réalisé sur les liens entre CONWIP et Lean
Manufacturing.
La fin de l’article compare l’approche CONWIP avec des techniques alterna-
tives de pilotage d’atelier, en particulier avec la gestion en MRP pure, et avec
les systèmes de type Advanced Planning and Scheduling (APS).

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AG5121

_________________________________________________ MÉTHODES CONCRÈTES DE CONCEPTION DE SYSTÈME DE PILOTAGE DE LIGNE EN MODE CONWIP

1. Piloter une ligne 1.2 Relations entre niveau d’en-cours


et délais : loi de Little
de fabrication
§ Loi de Little
avec des en-cours La loi de Little permet d’analyser et de quantifier le phénomène
constants qui vient d’être décrit. Cette loi permet en effet de relier le niveau
d’en-cours sur une ligne, sa cadence de sortie et le délai de la
ligne :
1.1 Effets de l’approche MRP WIP = CT
avec WIP en-cours sur une ligne de fabrication en nombre de
Depuis son invention en 1964 par Orlicky [1], le principe du
produits,
calcul des besoins est devenu la référence en termes de méthode
de planification et de pilotage des systèmes de production. Cette C cadence de sortie de la ligne en produits par heure,
technique MRP (Material Requirement Planning) est associée à une T délai de traversée de la ligne en heures.
logique de type « flux poussé », qui consiste à charger les ateliers
avec les ordres de fabrication requis pour assurer les besoins en Cette loi s’applique aussi bien aux lignes stables qu’à celles qui
pièces issus des demandes en produits finis et pièces de rechange possèdent une forte variabilité intrinsèque, en raison par exemple
ainsi que les besoins en stocks de sécurité. La méthode est à ce de l’existence de pannes sur les postes, ou encore de durées opé-
point répandue qu’elle en est devenue un élément ratoires variables pour les différents produits passant sur la ligne.
quasi-incontournable de tout système de production actuel. La L’application de cette relation montre que le contrôle du niveau
mise en place des systèmes d’informations intégrés de type ERP d’en-cours permet de maîtriser le délai de traversée, c’est-à-dire le
(Enterprise Resources Planning) a consolidé cette tendance en délai d’obtention utilisé par le calcul des besoins.
reliant MRP à de nombreuses autres applications indispensables Cette proposition n’est cependant vraie que si la cadence reste
en entreprise (planification des ressources, calcul des coûts prévi- inchangée. Or, trop réduire les en-cours peut mener à une baisse
sionnels, suivi des temps passés, comptabilité analytique...). En de la cadence de sortie, en raison de ruptures d’alimentation
conséquence, la méthode de gestion des stocks et des en-cours momentanées en produits sur les postes de fabrication. Ce pro-
par le calcul des besoins est à présent un standard partagé par la blème sera particulièrement aigu si la ligne possède une forte
plupart des systèmes de production. variabilité intrinsèque. Le contrôle du niveau d’en-cours consiste
Pourtant, cette méthode, basée sur une logique de flux poussée, donc, en premier lieu, à viser un niveau suffisant pour assurer la
peut poser un certain nombre de difficultés, parmi lesquelles le cadence de sortie souhaitée.
risque de trouver son usine engorgée avec des quantités extrê-
mement importantes d’ordres de fabrication ouverts, rendant le § Interprétation et cas pratiques
suivi quotidien de la fabrication à la fois complexe et coûteux. Ces Sur une ligne de fabrication, la courbe qui donne la cadence de
en-cours en quantité excessive sont, dans la pratique, très fré- sortie (par exemple, en pièces par jours) en fonction de la quantité
quemment observés quand la méthode MRP est utilisée. Ils engen- d’en-cours chargés sur la ligne est du type de la figure 1.
drent de nombreux coûts. Si certains de ces coûts sont On voit qu’en deçà d’un certain niveau d’en-cours sur la ligne, la
directement mesurables (par exemple, un besoin en fond de cadence de sortie n’atteint pas son niveau maximum. En effet, les
roulement trop élevé), d’autres sont moins directement visibles, postes goulots (voir Nota ) se désamorcent par manque de pièces,
comme l’augmentation progressive des ressources affectées au et la productivité de la ligne décroît en conséquence. Cette pre-
suivi administratif des ordres de fabrication ouverts. mière courbe incite donc à charger la ligne avec un nombre de piè-
Le mécanisme, qui mène un système de production à cette ces élevé pour assurer la cadence de sortie souhaitée.
situation fréquente d’en-cours excessif, est généralement le
Nota : nous prendrons ici comme définition de « poste goulot » d’une ligne celui (ou
suivant : dans un calcul MRP, les dates de lancement des ordres de ceux) dont le temps libre est le plus faible. Le débit de pièces sur le goulot détermine
fabrication pour un article sont calculées à partir d’un paramètre fortement la cadence de sortie de ligne, mais ce n’est pas la seule variable importante.
essentiel et pourtant très difficile à déterminer : le délai d’obten- Par exemple, des rebuts en aval du goulot vont détériorer la cadence.
tion de l’article (parfois appelé également « temps de passage »). Par ailleurs, pour une ligne possédant de la variabilité et chargée à en-cours constant,
les capacités des autres postes ont également de l’influence sur la cadence, même si
En général, ce délai d’obtention est mesuré en atelier, puis un peu cette influence est moins importante que celle du goulot.
surestimé lors du paramétrage de l’ERP, afin de se donner une
marge de sécurité. L’inconvénient est que cette marge va mener le
calcul des besoins à anticiper les lancements d’OF, et donc, à char-
ger les ateliers au-delà du besoin immédiat, augmentant ainsi les
files d’attente devant les postes de travail. Souvent, les agents de
lancement réagissent à l’augmentation de temps de passage dû à
Cadence de la ligne

cet allongement de files d’attente, en lançant les ordres encore


plus tôt. Parfois, le paramètre du temps de passage dans l’ERP est
même ajusté à la hausse pour prendre en compte une situation
constatée de retard permanent par rapport à la date de besoin.
Mais, cela n’a pour effet que de dégrader encore la situation car le
calcul des besoins va demander de lancer plus tôt, ce qui aura
pour effet d’allonger encore les files devant les postes. L’atelier se
retrouve à nouveau en décalage avec les directives issues du cal-
cul MRP, et la planification devient encore plus complexe.

En-cours
Pour sortir de ce phénomène d’augmentation des en-cours sur la ligne
et d’allongement en cascade des délais, il faut limiter les Ligne sous-chargée Cadence maximale atteinte
en-cours en leur imposant un niveau maximum, ou mieux
encore, lorsque cela est possible : un niveau constant.
Figure 1 – Cadence d’une ligne vs en-cours

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MÉTHODES CONCRÈTES DE CONCEPTION DE SYSTÈME DE PILOTAGE DE LIGNE EN MODE CONWIP _________________________________________________

1.3 Maîtrise des en-cours


par les 3 méthodes Kanban

1.3.1 Pilotage en Kanban classique


Délai de traversée des produits

Dans un système de fabrication piloté en Kanban classique


(figure 3), ce sont les étiquettes qui autorisent la production des piè-
ces. Le nombre total de tickets Kanban mis en circulation limite en
conséquence l’en-cours total cumulable en aval de chaque poste
piloté. Ce système a cependant l’inconvénient de nécessiter autant
de types d’étiquettes différents que le nombre de références qui
passent sur la ligne. Dans la figure 3, la ligne ne fabrique que
2 références d’article : A et B. Mais une ligne qui traiterait 10 pro-
duits différents devra être équipée de tableaux Kanban à
10 colonnes, chaque colonne recevant un type différencié
En cours d’étiquette.
sur la ligne Dans la réalité, ce type de tableau devient très difficile à suivre
<--Traversée plus rapide Traversée plus longue --> dès lors que plus de 5 références différentes de produits utilisent
la même ligne. Une solution est de dédier les lignes par familles
de produits ne dépassant pas 5 références, mais ce n’est pas tou-
Figure 2 – Délai de traversée d’une ligne vs en-cours
jours réalisable, notamment en raison du surinvestissement que
cela peut engendrer, en particulier lorsque le mix des produits suit
Cependant, il est également nécessaire de considérer la courbe des phénomènes saisonniers.
de la figure 2, qui donne cette fois le délai mis par un ordre de
fabrication pour traverser la ligne, toujours en fonction de la quan- 1.3.2 Pilotage par Kanban d’emplacement
tité d’en-cours chargés sur la ligne. Cette seconde courbe découle
directement de la loi de Little. Elle incite plutôt à réduire l’en-cours Une seconde solution est de mettre en œuvre un Kanban
pour viser des temps de réalisation courts. d’emplacement (figure 4). Dans ce cas, le niveau d’en-cours maxi-
mum est bridé en aval de chaque poste de fabrication par un
Lorsque l’on confronte ces deux courbes (figures 1 et 2), on voit nombre limité d’emplacements destinés à recevoir les produits
que l’idéal est bien sûr de viser l’en-cours à la fois suffisant pour fabriqués. Lorsque tous les emplacements sont pleins, la fabrica-
tenir la cadence de sortie voulue, mais également limité afin de ne tion n’est plus autorisée sur le poste.
pas allonger au-delà du nécessaire les délais de traversée. C’est
pourtant le plus souvent dans la partie droite de ces courbes que L’intérêt du Kanban d’emplacement est qu’il est commun à tou-
se trouve la majeure partie des systèmes de production pilotés par tes les références qui doivent circuler sur la ligne de fabrication.
MRP. La cadence de sortie est assurée, mais l’en-cours est au-delà Cependant, cela signifie aussi que le Kanban d’emplacement ne
de ce qui serait strictement nécessaire. sait pas indiquer quelles références doivent être lancées sur la
ligne. Il sait uniquement montrer quel poste doit être activé à cha-
Dans la pratique, plusieurs solutions existent pour limiter que instant afin de faire avancer régulièrement l’en-cours engagé
l’en-cours et viser la bonne zone de fonctionnement, et en premier sur la ligne. Il faut donc associer au Kanban d’emplacement un
lieu les méthodes Kanban. système d’aide au choix des références.

Tableau Kanban Tableau-Kanban Tableau Kanban

Produit A Produit B Produit A Produit B Produit A Produit B

Stock Stock

Poste 1 Poste 2 Poste 3

En-cours

Figure 3 – Kanban classique

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Dimensionnement logistique
d’un site
par ETDE Logistique Service, Conseil et Ingénierie

1. Généralités sur le dimensionnement logistique .............................. AG 5 125 - 2


1.1 Définition ...................................................................................................... — 2
1.2 Objectifs d’un dimensionnement ............................................................... — 2
1.3 Positionnement de l’étude dans le temps.................................................. — 2
1.4 Principes de modélisation, de calcul .......................................................... — 2
1.5 Équipe projet ............................................................................................... — 3
2. Méthodologie............................................................................................. — 5
3. Description des différentes phases .................................................... — 5
3.1 Lancement du projet, définition des objectifs ........................................... — 5
3.2 Collecte des données................................................................................... — 6
3.3 Premier modèle macro, définition des équipements structurants .......... — 6
3.4 Réflexion sur les process et procédures .................................................... — 7
3.5 Formalisation des hypothèses d’étude ...................................................... — 7
3.6 Réalisation du modèle statique de dimensionnement ............................. — 8
3.7 Analyse des résultats................................................................................... — 10
3.8 Dossier de synthèse..................................................................................... — 10
4. Étude de cas DHL ..................................................................................... — 10
4.1 Objectifs, contexte ....................................................................................... — 10
4.2 Organisation de l’étude ............................................................................... — 11
4.3 Modèle informatique ................................................................................... — 12
4.4 Difficultés rencontrées ................................................................................. — 12
5. Limites et pièges du dimensionnement logistique ......................... — 13
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AG 5 125

e dimensionnement logistique est utilisé par les industriels et prestataires ou


L opérateurs logistiques en phase d’avant-projet sommaire et détaillé en vue de
déterminer les besoins d’un futur système. Il se situe au niveau de la planification
stratégique concernant les équipements structurants et au niveau de la planifica-
tion tactique pour les équipements périphériques et besoins de ressources.
Il n’existe pas à ce jour de méthodologie ou de concept normé : certaines
entreprises, fortes de leurs expériences, se sont constitué des référentiels et
certaines écoles d’ingénieurs ou de logistique/transport dispensent des cours
sur le dimensionnement et la simulation de flux. Depuis quelques années, les
logiciels de simulation sont devenus plus simples d’utilisation et les entre-
prises y ont de plus en plus souvent recours.
L’intérêt de cet article est d’apporter au lecteur les bases méthodologiques et
pratiques pour mener à bien une étude de dimensionnement logistique par la
simulation statique.
Tout d’abord, nous traiterons de généralités sur le dimensionnement, afin de
situer l’étude dans le projet de l’entreprise et de comprendre les tenants et
aboutissants.
La deuxième partie présente la démarche dans son ensemble.
La troisième partie développe la méthodologie pratique de mise en œuvre
Parution : octobre 2008

pour dimensionner un site ou un chantier spécifique.


Un cas concret vous sera présenté en quatrième partie.

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DIMENSIONNEMENT LOGISTIQUE D’UN SITE _____________________________________________________________________________________________

1. Généralités Tableau 1 – Résumé des trois cas de lancement


sur le dimensionnement d’une étude de dimensionnement
Terrain acquis
logistique Terrain non trouvé
ou non cherché
ou en cours
d’acquisition
1.1 Définition Bâtiment non
construit ou Cas no 1 Cas no 2
Le dimensionnement est le fait de calculer les dimensions à reconstruire
normales ou optimales d’une chose. Le dimensionnement logisti-
que s’applique principalement aux sites industriels et plates- Bâtiment à rénover
Cas no 3
formes logistiques. ou aménager
Une étude de dimensionnement est une étude de flux quantita-
tive permettant de chiffrer les besoins d’une exploitation non exis-
tante telle qu’on souhaite la modifier. 1.4 Principes de modélisation, de calcul
Le dimensionnement se base principalement sur un nombre
d’objets, les activités de manutention et de production, les caracté- Il existe trois principaux outils liés au dimensionnement : le chif-
ristiques techniques des équipements, les cadences des personnels. frage global, la simulation statique et la simulation dynamique.

1.2 Objectifs d’un dimensionnement 1.4.1 Méthode du chiffrage global

Le premier objectif d’un dimensionnement est d’aider à la défini- Lorsqu’une entreprise a suffisamment de recul vis-à-vis de son
tion de l’organisation et de déterminer au plus juste : équipements, activité, elle dispose en général d’un référentiel d’organisation. Ce
surfaces et effectifs d’exploitation. référentiel contient les principes d’organisation, ainsi que les
notions permettant de réaliser un chiffrage global. Il peut s’agir
Le deuxième objectif est de déterminer la souplesse de l’organi- de : cadences, temps de traitement, surfaces types, ratios tels que
sation dimensionnée au regard des besoins préalablement définis le nombre d’objets à traiter, le nombre de machines, etc.
dans la stratégie. Ce retour d’informations vers la direction peut
entraîner des modifications des orientations stratégiques initiales Ces données résultent de la compilation d’analyses des services
ayant fait office d’hypothèses de dimensionnement. « méthodes/process » réalisées sur la base de chronométrages, de
comparaisons entre sites ayant les mêmes fonctions et/ou d’étu-
des sur un poste de travail.
1.3 Positionnement de l’étude
dans le temps Exemple : les prestataires de messagerie dimensionnent les
agences de distribution avec des « rapports tonnages », c’est-à-dire
L’étude de dimensionnement doit être lancée le plus tôt possible
que pour x tonnes à traiter, le chantier de préparation doit avoir une
dès lors que la décision stratégique de la direction est de restructu-
surface de x m2. Le ratio n’est pas constant pour chaque entreprise,
rer les sites de production et/ou logistiques. Il existe trois cas de
car il est fonction de nombreux paramètres, tels que le poids moyen
figure où le dimensionnement logistique intervient :
des colis, les écarts-types volumétrie et poids... Cependant, leur
1. Le positionnement du futur site est choisi, mais la recherche méthode tend à évoluer vers les méthodes de simulation expliquées
immobilière n’a pas commencé. Le dimensionnement logistique a ci-après, avec la parcellisation croissante de leurs envois.
pour objectif principal de définir la surface du hall d’exploitation
afin d’orienter la recherche immobilière. La recherche immobilière,
Le chiffrage global permet de dimensionner rapidement un éta-
une fois aboutie, nous amènera au cas 2 ou 3, et le dimension-
blissement ou un chantier. Il est utilisé principalement dans deux
nement logistique pourra être terminé.
cas de figure :
2. Le terrain est acquis, vierge ou avec un bâtiment à détruire. Le
choix du terrain a été réalisé sur la base du schéma directeur et – l’entreprise ne veut ou ne peut pas optimiser ses process ni
d’une estimation de la surface basée sur l’actuel ou un référentiel. moderniser ses techniques ou son outil de production ;
Le dimensionnement logistique permettra d’affiner le besoin en – lors de la conception de plusieurs sites ayant la même voca-
surfaces, d’optimiser la circulation des flux et de dimensionner les tion (projet de refonte du schéma directeur), le premier site sera
équipements périphériques et effectifs. dimensionné par une des méthodes expliquées ci-après et fera
3. Le choix du hall d’exploitation est arrêté, il s’agit d’un hall existant office de référence pour les autres.
dont l’activité va être restructurée, ou d’une acquisition ou d’une
location en vue, suite à l’étude schéma directeur. L’objectif principal
du dimensionnement sera alors de vérifier la surface choisie. On appelle chantier tout endroit où se passe une action
Un résumé de ces trois cas est présenté tableau 1. majeure sur le flux : déchargement, atelier de production,
zone de conditionnement, ouverture de sac, tri de palette, etc.
Nous n’abordons pas dans ce type d’étude les aspects ressources
humaines, communication et conduite du changement, mais ils doi-
vent être menés en parallèle au projet industriel. Des échanges ont
lieu entre les groupes de travail au travers du comité de pilotage. L’utilisation d’un référentiel d’organisation pour la conception
Sur la figure 1 représentant un planning type de projet de présente les risques suivants :
conception d’un site industriel, le délai d’un dimensionnement – obsolescence des ratios ;
paraît relativement long, même s’il représente seulement 1/9e du
délai global du projet. Le développement du modèle informatique – évolution des techniques et des outils de production ;
est relativement court par rapport aux étapes de formalisation, – divergence de culture entre pays, source de pratiques différen-
réflexion, analyse de données existantes qui sont source ciées non référencées. La référence est souvent établie sur le pays
d’échanges. fondateur de l’entreprise.

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_____________________________________________________________________________________________ DIMENSIONNEMENT LOGISTIQUE D’UN SITE

Année x Année x + 1 Année x + 2


M1 M2 M3 M4 M5 M6 M7 M8 M9 M10 M11 M12 M1 M2 M3 M4 M5 M6 M7 M8 M9 M10 M11 M12 M1 M2 M3 M4 M5 M6 M7 M8
0 Etude Schéma Directeur
1 Avant-projet sommaire (APS)
Collecte des données de dimensionnement
Schématisation d'organisations existantes
Étude macro des flux, choix des équipements structurants
1er dessin du hall d'exploitation
Optimisation process, fiches process
Réalisation du modèle de dimensionnement
Plan d'implantation générale
Comparaison, choix d'un scénario d'organisation
Déclaration de travaux
2 Consultation des fournisseurs (DCE*)
Spécifications Techniques générales et Fonctionnelles
Plans détaillés
Rédaction des cahiers des charges
Envoi de l'appel d'offre
Analyse des offres
Choix des fournisseurs
3 Avant-projet détaillé (APD)
Modélisations complémentaires de l'industriels
Suivi des études et validations des APD fournisseurs
Planification des travaux et des contrôles des organismes
Elaboration des procédures de recettes
4 Suivi des travaux (CGT*)
Suivi de fabrication des matériels
Suivi des travaux de préparation du site
Suivi des travaux d'installation
Certification CE (Communauté européenne)
5 Réception (RDT*)
Tests d'intégration
Vérification des documentations finales
6 Montée en charge

Légende
*DCE : dossier de consultation des entreprises Réunions de travail
CGT : contrôle général des travaux Comités de pilotage Mise à disposition du bâtiment
RDT : réception et décompte des travaux Validation APD fournisseurs Démarrage de la garantie

Figure 1 – Planning type du projet de conception d’un site industriel, cas no 3, aspect production

1.4.2 Principes communs à la simulation Exemple : pour illustrer le principe, prenons un exemple simpliste :
la mise en stock dans un entrepôt quelconque. Nous savons que la
cadence de mise en stock est de 200 colis par heure et par
personne soit 50 colis tous les quart d’heure. Les standards du réfé-
Définition de la simulation rentiel en matière de zone d’en-cours indiquent une capacité de 80
colis. La partie déchargement a déjà été modélisée et nous avons la
La simulation est un procédé qui a pour vocation de repro- courbe des produits déchargés (colonne 1 de la figure 1). Il s’agit de
duire la réalité par la décomposition d’un système complexe savoir, ici, si un opérateur est capable de mettre en stock tous les
en une succession de phénomènes simples. Pour dimension- produits sans saturer la zone des en-cours.
ner, on va chercher à représenter chaque poste de travail, Nous voyons sur le tableau 2 que, le maximum en reste à traiter
chaque étape de traitement, de manutention... dans un est de 68, donc la zone ne sera pas saturée si un seul opérateur met
modèle informatique. en stock.
En modélisation statique, chaque activité est représentée au
Si l’on observe le fonctionnement d’un système dans son minimum par trois colonnes : ce qui arrive, le reste à traiter et ce
ensemble, il est impossible d’en appréhender le moindre change- qui est traité.
ment, ni surtout ses conséquences sur le reste du système.
L’objectif de la simulation est de reproduire un certain nombre
de règles et de phénomènes simples lorsqu’ils sont décrits indivi- 1.4.4 Simulation dynamique
duellement afin de les « faire vivre » ensemble et de reproduire
ainsi la complexité apparente de la réalité. Cette méthode est basée sur l’utilisation de logiciels spéciali-
sés*. Les machines, moyens de manutention, produits, personnels
Le but d’un modèle est également de pouvoir comparer rapide- et tout autre élément y sont réellement représentés, comme on
ment plusieurs solutions sur la base d’hypothèses d’étude. Il est peut le voir sur la figure 2.
important dans un modèle de pouvoir modifier rapidement un
* Une liste de ces logiciels peut être trouvée sur un site Internet (voir en
paramètre et que les résultats en sortie soient également modifiés. [Doc. AG 5 125]).

1.4.3 Simulation statique Les événements se produisent à l’heure précise et les files
d’attentes y sont physiquement représentées.
Cette méthode consiste à reporter les éléments par tranche de
temps : 5, 10, 15 min. Les écarts entre un dimensionnement par
chiffrage global et par simulation statique sont non négligeables 1.5 Équipe projet
et, ce, principalement sur les surfaces. Un chiffrage global ne tient
pas toujours compte des pointes et des creux d’activité. Que l’étude de dimensionnement soit réalisée en interne ou en
Pour développer un modèle statique, on utilise un tableur ou externe, les acteurs du projet ont les mêmes fonctions. Celles-ci
une base de données. sont détaillées dans le tableau 3.

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Piloter par exception des stocks


en mode recomplètement (Kanban…)

par Michel BALDELLON


Ingénieur INSA, International MBA de l’EMLYON Business School
Directeur Business Consulting, Enseignant
et Anne VINAGRE
ISG, Master spécialisé Lean de l’ENSAM
Consultante, fondatrice d’AVL Consulting

1. Gérer par exception ................................................................................. AG 5 130 - 2


1.1 Principe ......................................................................................................... — 2
1.2 Nouvelle génération d’outils décisionnels................................................. — 3
1.3 Démarches illustratives ............................................................................... — 3
2. Étape 1 : analyse du portefeuille fournisseur .................................. — 3
2.1 Cas posé........................................................................................................ — 3
2.2 Outils liés aux fournisseurs ......................................................................... — 5
2.3 Enseignements ............................................................................................. — 7
3. Pilotage des stocks (mode Kanban) par exception ........................ — 8
3.1 MRP ou Recomplètement : deux pilotages différents .............................. — 8
3.2 Pilotage en mode recomplètement : le cas posé ...................................... — 9
3.3 Outils de pilotage des stocks ...................................................................... — 10
3.4 Enseignements ............................................................................................. — 12
4. Simulateurs Kanban : évaluer la performance
et convaincre ............................................................................................. — 14
4.1 Convaincre la Direction générale et les Achats ......................................... — 14
4.2 Outils de performances ............................................................................... — 14
4.3 Enseignements ............................................................................................. — 15
5. Conclusion.................................................................................................. — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AG 5 130

es pratiques de bonne gestion veulent que les entreprises ayant des stocks
L – industriel ou distributeur – pilotent leur niveau au plus juste. En particu-
lier, s’il y a réduction des crédits bancaires, les Directions financières doivent
demander impérativement des réductions du Besoin en Fonds de Roulement
(le fameux « BFR »), et notamment des réductions de stocks. Si la Direction
financière peut fixer le montant en Euros de la réduction souhaitée, il appar-
tient aux Directions opérationnelles (Supply Chain en particulier) de déterminer
la manière de l’atteindre.
La plus facile des solutions – appliquer partout le même taux de réduction,
par exemple – 20 % sur toutes les références – est parfois retenue. Elle a
l’avantage de la simplicité et ne demande que peu de travail aux approvision-
neurs et agents de planning. C’est comme s’ils ne géraient qu’un article. Elle
est parfois la pire, conduisant à des ruptures en série, puis à des urgences
pour les résorber, coups d’accordéon on ne peut plus contre-productifs.
À l’autre extrémité du spectre, on pourrait passer l’ensemble des articles en
revue. La charge de travail colossale (il y a souvent plusieurs milliers, voire
dizaines de milliers de références) fait que beaucoup jettent l’éponge avant
d’avoir commencé. Ceux qui ne le font pas se découragent souvent en
Parution : avril 2012

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PILOTER PAR EXCEPTION DES STOCKS EN MODE RECOMPLÈTEMENT (KANBAN…) ______________________________________________________________

chemin... ou ne le font qu’une fois dans leur carrière. Analyser l’ensemble des
références apparaît également comme incompatible avec la rapidité exigée
dans les résultats, sauf à mettre des ressources en parallèle.
Le manager responsable ne peut se résoudre toutefois à tomber de Charybde
(« vite et mal ») en Scylla (le renoncement devant l’ampleur supposée de la
tâche) et il lui convient de déterminer la démarche la plus appropriée, à savoir
celle qui permettra à la fois d’atteindre – et d’atteindre vite – les réductions
escomptées :
– sans pénaliser le niveau de service ;
– sans désorganiser l’ensemble de l’appareil productif ;
– et sans exiger une charge de travail considérable.
Nous nous proposons ici de donner un exemple de ce que pourrait être une
telle démarche, basée à la fois sur les meilleures pratiques académiques et
managériales, d’une part, et sur la facilité de soutien apportée par les dernières
générations d’outils décisionnels, d’autre part.

1. Gérer par exception ■ Appliqué aux stocks


On parle souvent dans la littérature, quand on évoque la gestion
des stocks par exception, de méthode des 20-80 (Pareto) ou
1.1 Principe méthode ABC, dont le principe est similaire, mais la répartition est
un peu plus complexe. Cela nous paraît un peu réducteur et ne nous
■ D’une manière générale semble pas introduire la notion de sécurisation du chiffre d’affaires.
Appliqué au pilotage des stocks, le management par exception
Nombreux sont les responsables qui débordent sous les pourrait consister :
décisions à prendre chaque jour. Ils savent – ou croient – qu’ils
doivent tout traiter – et ils voudraient bien le faire – mais ils ont – à identifier d’abord les références à problème client (les ruptu-
une ressource contrainte qui est le « temps ». Même avec des jour- res qui peuvent pénaliser une commande, à traiter impérativement
nées de 12 heures, ils n’arriveraient pas au bout de leur travail. et qui deviennent la priorité absolue) et les excédents (stock très
supérieur au besoin) ;
– à mettre en priorité, ensuite, ces urgences en se concentrant sur
les 20 % d’entre elles ayant le plus fort impact sur les résultats : par
L’objectif d’une gestion par exception est, d’un point de vue
exemple :
managérial, d’alléger la charge de travail tout en étant efficace.
• les 20 % de ruptures représentant 80 % du chiffre d’affaires
exposé,
Une des définitions données du management par exception [1] • les 20 % de références en surstock représentant 80 % de
indique que « c’est une pratique au moyen de laquelle seules les l’excédent en €...
informations qui indiquent un écart significatif au standard ou à
l’objectif sont portées à l’attention du management ». Exemple
Sur une base de stocks de produits finis de 1 000 références avec
Exemple 5 % de ruptures par rapport aux commandes, nous nous
En code couleur, on ne regarde et n’analyse que les indicateurs au concentrerions sur 50 articles (5 % × 1 000), en commençant en théo-
rouge. L’idée est donc de ne pas tout regarder, mais seulement les rie par les 10 ruptures les plus significatives (20-80)... et en pratique
points où la performance n’est pas au rendez-vous. On se focalise sur déjà sur les plus faciles à traiter !
les problèmes : les articles en rupture, les fournisseurs en retard... Nous avons à la fois réduit le programme de la journée aux réfé-
cela permet de réduire considérablement le champ, car les articles en rences critiques et donné l’ordre de traitement.
rupture ne représentent peut être que 5 % des cas : on a divisé par
Pour les surstocks, l’approche est similaire : on regarde les réfé-
20 la portée du regard.
rences en fort excédent (et seulement celles-là) et on commence par
les 20-80 en valeur.
Nous complèterons cette définition en rajoutant un deuxième
niveau de filtre en ciblant :
– en premier lieu, ce qui pourrait dégrader la relation avec le
Remarque
client (approche Lean) ;
Le management doit attacher la plus grande attention à ce
– les 20 % des cas, représentant 80 % des effets potentiels sur le
que cela ne se fasse pas au détriment du travail quotidien et
résultat (approche Pareto).
ne génère pas d’autres dysfonctionnements par la suite.
Une enquête citée sur le « gymnase du management »
En résumé : on se concentre sur les cas critiques – et (www.gymnasedumanagement.com) met en évidence que les
seulement ceux-là dans un premier temps – et, parmi ces der- managers sous-évaluent le temps de réalisation d’une tâche de
niers, on choisit de commencer par ceux qui représentent les 70 %. D’où l’importance mise en Lean à ce que les objectifs et le
plus gros leviers d’action sur la satisfaction client. plan d’action soient construits avec les collaborateurs concernés.

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AG5130

______________________________________________________________ PILOTER PAR EXCEPTION DES STOCKS EN MODE RECOMPLÈTEMENT (KANBAN…)

Nota : en schématisant, pour atteindre ses objectifs, une entreprise doit financer l’outil de ■ Nous évaluerons ensuite le niveau de performance actuelle des
travail nécessaire : l’Actif économique. L’Actif économique est constitué des Immobilisations
(bâtiments, machines, matériels) et du BFR (stocks + créances clients – dettes fournisseurs).
articles déjà en Kanban et illustrerons, sur quelques cas, les pre-
Nous introduisons ces éléments pour montrer que la réduction des stocks n’est mières actions à prendre.
qu’une des composantes d’un ensemble plus vaste à optimiser (l’actif économique), et
que conformément à notre démarche, nous préconisons toujours d’aller du global aux ■ Enfin, nous évoquerons le dimensionnement de boucles Kanban
détails et de ne s’intéresser à ces derniers que s’ils représentent une valeur significative de nouvelles références et proposerons de :
de l’ensemble. C’est quand même très souvent le cas pour les stocks.
– visualiser l’impact des paramètres d’approvisionnement ou de
taille de lot grâce à un simulateur pédagogique ;
1.2 Nouvelle génération d’outils – calculer les consommations sur le « cycle de remboursement ».
décisionnels
L’apparition, ces dernières années, d’outils décisionnels particu-
lièrement conviviaux ouvrent aux managers et opérationnels de Pour chacun des points ci-dessus, nous procéderons de la
nouvelles perspectives que nous nous proposons d’illustrer dans manière suivante :
cet article. La principale nouveauté est qu’ils permettent des ana- • Étape 1 : « le cas » : nous expliquons une situation
lyses « agiles », c’est-à-dire intuitives et sans recours indispen- concrète et une méthode pour l’aborder.
sable à l’équipe informatique. Ils permettent de travailler bien plus
• Étape 2 : « les outils » : comment, de façon pratique,
vite qu’avec un tableur et permettent de commencer à travailler
mettre en œuvre rapidement un outil décisionnel ?
dans les minutes suivant l’obtention des données, ce qui est sou-
vent impossible avec beaucoup d’outils décisionnels « lourds ». • Étape 3 : « en synthèse » : quels enseignements en tirer ?
Il est très facile d’ouvrir des fichiers texte, Excel ou de se
connecter à des bases Oracle. On peut faire des analyses gra- Calcul du taux de service
phiques « à la volée », c’est-à-dire au fur et à mesure que l’on http://vimeo.com/39500888
découvre les informations et que l’on se questionne. On peut ainsi
éliminer d’un clic un point ou un ensemble de point aberrants,
créer des hiérarchies pour zoomer du global au détail, construire
des tableaux de bord dynamiques en 5 minutes...
2. Étape 1 : analyse
Remarque du portefeuille fournisseur
Les analyses et illustrations ont été effectuées ici avec l’outil
décisionnel « Tableau Software », mais il n’est qu’un des
représentants de cette nouvelle génération.
2.1 Cas posé
Il est bien entendu possible de faire tout cela avec des outils Nous prendrons le cas réel d’une usine « classique » fabriquant
classiques. La principale différence réside dans la vitesse de mise quelques centaines de produits finis et approvisionnant elle-même
en œuvre, dans la simplicité d’utilisation et dans les temps de ses matières premières. Les délais de fabrication étant très courts
réponse extrêmement courts (inférieurs à la seconde) même pour (quelques minutes de temps gamme), nous focalisons dans un
des volumétries très importantes (plus d’un million de lignes). premier temps sur la boucle amont des flux, c’est-à-dire la boucle
« magasin matières premières-fournisseurs ».
Certains décideurs arguent qu’il n’est pas nécessaire d’avoir de
l’informatique pour résoudre les problèmes. On avait très bien Nota : bien que basées sur des exemples réels, les données de l’article ont été modi-
fonctionné sans autrefois, cela marchait, et il n’est donc pas néces- fiées pour des raisons de confidentialité. Cela ne change en rien la validité de l’approche.
saire d’investir dans de l’informatique en général, et du décision- La fonction « Achat » est centrale au niveau du Groupe, avec des
nel en particulier. Nous répondrons deux choses à cela : acheteurs peu présents sur le site, et surtout évalués sur leur
– premièrement, les usines où cela marchait bien sans informa- « performance Achat » d’une année sur l’autre, performance
tique étaient des usines dans lesquelles la stabilité du mana- mesurée par les gains sur les prix unitaires. On devine que
gement et des employés faisait que l’information était dans leur leur tropisme naturel ne les a pas poussés sur d’autres critères
tête. Un nouvel arrivant dans une structure n’a pas des mois à tels les délais d’approvisionnement, les taux de services et autres
investir pour commencer à trouver ses repères et à agir ; unités d’approvisionnement. Les acheteurs ne sont pas toutefois
– deuxièmement, – et c’est une nouveauté – les hostiles à la coopération avec l’usine.
« investissements » à consentir dans les outils sont très réduits en
termes de délai de mise en œuvre. On peut commencer à travailler
dès la première demi-journée, installation, paramétrage, accès au 2.1.1 Réduire les délais ou fiabiliser
fichier compris... et souvent sans informaticien. les fournisseurs
L’un des leviers premiers pour réduire un niveau de stock en
1.3 Démarches illustratives mode de gestion par recomplètement est la réduction des délais
fournisseurs (et de leurs unités d’approvisionnement, mais nous
Il est difficile de fonctionner de manière efficace et efficiente, avec verrons cela dans un deuxième temps). Toutefois, il ne faut pas
quelque système que ce soit, si les fournisseurs sont peu fiables. prendre le délai annoncé, ou celui renseigné dans le système de
■ L’un des premiers diagnostics effectué sera donc l’analyse du niveau gestion, mais le délai maximum sous lequel nous sommes quasi-
de service du portefeuille fournisseur, dans un objectif de fiabilisation. ment certains d’être livrés.

■ Une fois les performances fournisseurs connues – défaillances ■ En termes de dimensionnement de boucles Kanban, il revient au
comprises – nous évoquerons rapidement le choix d’un type de même d’avoir un fournisseur :
mode de gestion par article (MRP ou Kanban) en fonction des – annonçant un délai de 2 semaines en moyenne et ayant des
besoins et des profils de consommation. retards pouvant aller jusqu’à une 1 semaine, c’est-à-dire un temps
L’article se poursuivra pour les articles en recomplètement de « remboursement » de 3 semaines ;
(Kanban, Point de Commande...). – ayant un délai fiable à 3 semaines.

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PILOTER PAR EXCEPTION DES STOCKS EN MODE RECOMPLÈTEMENT (KANBAN…) ______________________________________________________________


Densité

Densité
0,7

0,6 0,7

0,5 0,6

0,5
0,4 3 2
0,4
0,3
0,3
0,2
0,2
1
0,1
0,1

0,0 0,0
4 6 8 10 12 14 16 0 5 10 15 20
Fournisseurs Délai (en jours ouvrés) Délai (en jours)
Fournisseur A
Fournisseur B Figure 2 – Fiabiliser avant de réduire

Moyenne EcTyp N
■ Nous recommandons la démarche d’analyse suivante.
1. – Identifier les « mauvais fournisseurs » : mauvais taux de
9,935 2,006 1 000
service.
13,97 0,6060 1 000
2. – Mettre en priorité ces derniers : par leur importance en
nombre de lignes de commande et/ou de chiffre d’affaires.
Figure 1 – Comparaison des livraisons de deux fournisseurs 3. – Identifier ceux dont les retards sont les plus fréquents, pour
réduire la dispersion dans un premier temps, avant de réduire les
délais.
Sur la figure 1, nous avons simulé le « temps de
remboursement » c’est-à-dire le cycle de recomplètement d’une
boucle Kanban avec un fournisseur A ayant un délai de 10 jours La performance approvisionnement du fournisseur est d’abord
ouvrés, mais une forte dispersion, avec un autre fournisseur B mesurée par son taux de service. Nous la définirons comme :
ayant un délai plus long (14 jours ouvrés) mais une dispersion plus
faible. En pratique, si l’on recherche un taux de service élevé, le Nombre de lignes de commandes réceptionnées le jour dit /
paramétrage en jours sera similaire (16 jours). (1)
nombre de lignes attendues ce
e jour
Nota : nous reconnaissons les limites de cette simulation pédagogique : les fournis-
seurs livrant rarement en avance, les distributions sont rarement « normales »...
Bien entendu, nous nous parlons de produits conformes. Un
■ En termes de démarche, nous recommandons de déjà régler le produit livré défectueux est considéré comme non livré.
problème de la dispersion des livraisons (l’écart-type) avant celle
du délai proprement dit (la moyenne). C’est-à-dire, comme montré Nota : d’autres formules sont possibles : nombre de pièces livrées/nombre de pièces
commandées...
sur la figure 2, de :
– passer de (1) à (2) : fiabiliser ; Exemple
– puis passer de (2) à (3) : réduire les délais... en conservant la Nous pourrions déjà classer les fournisseurs par taux de service
fiabilité des délais annoncés. décroissant pour connaître par lesquels commencer une démarche
d’amélioration. Mais à mauvais taux de service équivalent (mettons
50 %), 2 fournisseurs, l’un ayant 1 500 lignes en retard et l’autre 15,
Parce que nous pensons que la fiabilité est première, nous n’auront pas le même enjeu en termes d’amélioration du taux de service.
commencerons par régler les problèmes de taux de service en Si le nombre total de lignes de commande est de 40 000, l’un pré-
première approche. sentera une potentialité d’amélioration de près de 4 % (1 500/40 000)
quand l’autre n’aura aucun impact visible sur l’indicateur global
(0,04 %).
■ Du coup, les questions qui se posent à nous sont :
– comment avoir une vision rapide de la situation (de combien 2.1.2 Outil de mise en priorité :
de fournisseurs parle-t-on ? Quel CA ? Combien de lignes de
matrice quatre cases (deux dimensions)
commandes ?...) ;
– puis, vérifier si certains acteurs majeurs sont défaillants en L’exemple précédent montre que la mise en priorité sur un seul cri-
termes de service ? Lesquels ? Combien sont-ils ? Et est-il possible tère (le mauvais taux de service), pour nécessaire qu’elle soit, se révèle
de prendre des actions immédiates ? insuffisante : elle combine dans une même liste des propositions

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Lean appliqué au tri de déchets


Retour d’expérience en milieu industriel

par Michel BALDELLON


Ingénieur INSA, International MBA de l’EMLYON Business School
Directeur Business Consulting, Enseignant
et Anne VINAGRE
ISG, Mastère spécialisé Lean des arts et métiers ParisTech
Fondatrice d’AVL Consulting

1. Rappels sur un centre de tri de déchets ......................................... AG 5 131 - 2


2. Problème économique d’un centre de tri de déchets ................. — 3
2.1 Identifier les leviers d’action .................................................................... — 3
2.1.1 CA « entrant »................................................................................... — 3
2.1.2 CA « sortant » ................................................................................... — 4
2.1.3 Coûts de fonctionnement de la ligne de tri.................................... — 4
2.2 Quantifier les enjeux................................................................................. — 5
2.3 Résoudre le délicat problème des coûts cachés .................................... — 5
3. Améliorer le rendement du centre de tri grâce au lean ............. — 5
3.1 Déterminer le Pareto des causes : loi des 20/80 ..................................... — 5
3.2 Lancer un chantier 5S ............................................................................... — 7
3.3 Démarche de « résolution de problèmes ............................................... — 8
3.4 Améliorer les compétences par les matrices de polyvalence ............... — 8
3.5 Définir la maintenance préventive........................................................... — 9
3.6 Gérer en kanban le magasin de pièces de rechange ............................. — 9
4. Enseignements retirés ......................................................................... — 9
5. Conclusion............................................................................................... — 9
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. AG 5 131

e secteur du traitement de déchets se caractérise par l’absence de « flux


L tirés », ainsi que l’absence de lots puisque nous sommes plutôt en flux
continus et poussés à certaines étapes du processus. Pour certains, cela
disqualifie de fait les approches lean. Face aux objections, notre démarche a été
pragmatique. Nous n’avons pas passé des mois à nous « disputer » sur les
concepts et la théorie, mais cherché à les transposer à notre réalité économique.
Nous croyons que le plus important pour nos industries en France est déjà de
passer à l’action et de devenir des entreprises performantes et « apprenantes ».
Nous reconnaissons que, certes, les caractéristiques du secteur demandent
une adaptation intellectuelle des méthodes lean, voire de la destination de cer-
tains outils. Par exemple : sur une usine d’incinération, on peut envisager du
SMED (Single Minute Exchange Die – changement rapide d’outil), non pour
réduire des tailles de lot, mais pour augmenter la disponibilité des équipe-
ments (réduction des temps d’arrêt technique), et ainsi, éviter des
détournements de volumes vers la concurrence/sous-traitance. Cela évite en
outre un certain nombre d’allers-retours de camions, ce qui contribue à la
réduction de l’empreinte carbone. De même, on peut utilement analyser les
flux via une VSM pour limiter des déplacements d’engins et de personnes.
Parution : avril 2014

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LEAN APPLIQUÉ AU TRI DE DÉCHETS ___________________________________________________________________________________________________

Dans le cas évoqué, il s’agit de la mise en place d’une démarche TPM (Total
productive maintenance) appliquée à un centre de tri sélectif de déchets. Si les
gains financiers et techniques de la démarche sont évidents, l’apport managé-
rial l’est également. L’organisation et la montée des compétences, la
communication du terrain vers les services techniques facilitée, sont les princi-
paux gains humains obtenus.
Nous sommes donc convaincus que ce secteur d’activité peut s’inspirer des
meilleures pratiques d’excellence opérationnelle issues des autres secteurs
industriels (automobile...). Ce retour d’expérience en est une illustration.

1. Rappels sur un centre ■ Des chiffres actuels révélateurs


Une large part des déchets (disons 80 %) n’est pas triée, mais
de tri de déchets incinérée ou enfouie. Ces deux dernières techniques ne sont pas
abordées dans le cadre de cet article. L’autre part (les 20 %
restants) est triée afin d’être valorisée : on parle de « collecte
sélective des déchets » ou de « collecte écologique ».
Remarque préliminaire : cet article est un témoignage qui
s’appuie sur une expérience réelle donnée. Toutefois, tous les Les communes, ou les communautés de communes, rémunèrent
chiffres donnés le sont à titre d’illustration et pour permettre l’organisme de tri sur la base d’un prix à la tonne (disons
un raisonnement rigoureux. Ils ne sauraient représenter 100 €/tonne). Ce prix unitaire, multiplié par les volumes récoltés et
fidèlement l’industrie du déchet qui est éminemment variable pesés, donnera lieu à un chiffre d’affaires « entrant » ou dit « de
suivant les communes et les régions. prestation ».
D’autre part, les process et les présentations ont été Au sein du centre de tri, les déchets seront triés selon leur
fortement simplifiés de façon à ne pas encombrer le lecteur nature : papier, plastique, aluminium, fer... et une partie sera mise
par des détails inutiles à la démonstration proposée. au rebut, car non exploitable. Le rebut peut concerner jusqu’à 40 %
Enfin, pour des raisons de confidentialité, les montants en des déchets « sélectifs » collectés (figure 1).
euros ont été remplacés par des moyennes « marché »
Les 60 % de déchets à valoriser sont revendus à des filières
trouvées sur Internet. appropriées qui les rachètent au cours du papier, de l’aluminium...

Enfouissement
ou incinération

s
b ut
Re Filières de
40% revalorisation

SI Pb capacité Sous- 60 % Valorisables


Ménages traitance
Alu #
700 €/ T

Cartons
Journaux / Magazines
Plastiques
PET, PVC, PEHD
Métaux
FIlms plastiques
Cartons
Verres, aciers
Briques À trier 60 % Valorisables Briques,
Journaux ...
Aluminium
Magazines Centre TRIÉS
MÉLANGÉS de tri
40 #
% PEHD
Re 65 €/ T
but
s

Enfouissemnet
ou incinération

Figure 1 – Flux d’un centre de tri

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____________________________________________________________________________________________________ LEAN APPLIQUÉ AU TRI DE DÉCHETS

Bien entendu, les prix à la tonne varient dans des proportions 2. Probléme économique
considérables, en fonction de la nature des déchets :
– 65 € la tonne pour du PEDH (le « flacon de lessive ») ;
d’un centre de tri
– 90 € la tonne (environ) pour du papier ;
– 700 € la tonne pour de l’aluminium !
de déchets
En moyenne, compte-tenu du mix produit, nous sommes à
100 € la tonne à la revente. Les prix unitaires multipliés par les En simplifiant, le compte d’exploitation d’une chaîne de tri (hors
volumes vendus constituent un chiffre d’affaires « sortant » ou coûts indirects du centre) est constitué (figure 2) :
dit « de filières de valorisation ». – en plus : des chiffres d’affaires « entrant » et « sortant » ;
– en moins : des coûts de fonctionnement, qu’ils soient directs
ou liés au recours à la sous-traitance.
■ Contraintes réglementaires
Le problème consiste à identifier les gisements de progrès et de
La réglementation environnementale à laquelle nous sommes comprendre sur quoi nous avons de l’influence.
soumis impose que le stockage du flux entrant et des produits
valorisables soit protégé des intempéries. Ainsi, ces stocks doivent
impérativement se trouver à l’intérieur de nos installations, dont la
surface est limitée. En cas d’impossibilité de faire face aux flux 2.1 Identifier les leviers d’action
entrants, nous sommes, par conséquent, obligés de les envoyer
chez des sous-traitants. C’est ce qu’on appelle : « détourner le flux ». 2.1.1 CA « entrant »
Vu du centre de tri, nous sommes dans une logique de flux
poussé car nous n’avons pas la maîtrise des quantités récoltées Le CA « entrant » est le produit :
d’une part, ni la capacité de beaucoup stocker, comme il vient – d’un volume de déchets collectés (bi ou tri-flux), sur lesquels
d’être vu, d’autre part. nous n’avons pas d’influence ;
– par un prix unitaire négocié avec le syndicat de communes. Il
Il est nécessaire de faire appel aux sous-traitants dans les cas
n’est pas influençable, non plus par le gestionnaire [2].
suivants :
– quand les volumes de déchets collectés sont très supérieurs à
la capacité du centre de tri (par exemple, après Noël) ; Il est à noter que le mix collecté (plus de PEHD que de
– quand il y a baisse de la capacité du centre de tri suite à des canettes) aura une influence directe sur le CA sortant, mais est
pannes en période d’afflux de déchets. également une donnée non influençable.

Recours à la sous-traitance

Centre
de tri

Coûts de revient
CA Entrant du système de production CA Sortant
TRS

Disponibilité × Performance × Qualité du tri

– Mix déchets variable – Mix déchets variable


– Prix unitaire fixé à la tonne – Prix unitaire fixé à la tonne par
type de produit recyclable

Coûts cachés Enfouissement


Coûts de sous- Volume des produits


traitance valorisables

Figure 2 – Compte d’exploitation d’une chaîne de tri

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Gestion des stocks dans un contexte


de demandes indépendantes
par Samir LAMOURI
Professeur des universités à Arts et métiers ParisTech – Chercheur au LAMIH CNRS.
et André THOMAS
Professeur des universités à l’université de Lorraine à ENSTIB et CRAN – CFPIM

1. Les différents types de stocks ........................................................... AG 5 140 v2 - 2


2. Fonctions d’un stock............................................................................. — 3
3. Coût des stocks ...................................................................................... — 5
4. Techniques d’inventaires ..................................................................... — 5
5. Management des volumes stockés ................................................... — 5
5.1 Règles de lotissement................................................................................ — 6
5.2 Systèmes de demandes indépendantes .................................................. — 7
6. Détermination du stock de sécurité ................................................. — 9
7. Gestion des manquants ........................................................................ — 9
8. Les stocks, un gaspillage nécessaire................................................ — 10
9. Exemples caractéristiques................................................................... — 10
9.1 Exemple d’application de l’analyse ABC.................................................. — 10
9.2 Exemple de calcul des coûts d’acquisition et de possession ................. — 10
9.3 Exemple de calcul de la quantité économique........................................ — 11
9.4 Détermination de la taille d’un lot de transfert........................................ — 13
9.5 Exemple de calcul de stock de sécurité pour article indépendant ......... — 14
9.6 Exemple de calcul de stock de sécurité dans un système DRP.............. — 15
10. Conclusion................................................................................................ — 17
Pour en savoir plus ......................................................................................... AG 5 140 v2

n gestion des stocks, on distingue deux types d’articles :


E – ceux qui font l’objet d’une demande dépendante ;
– ceux qui font l’objet d’une demande indépendante.
Une demande est dite « dépendante » si elle peut être déduite de la demande
d’un autre article.
Une demande est dite « indépendante » dans le cas contraire, c’est-à-dire
quand elle est émise par un client : il s’agit typiquement de produits finis et de
pièces de rechange.
L’exemple le plus simple d’une demande dépendante est celui des compo-
sants d’un produit fini. La connaissance des nomenclatures et des
caractéristiques de fabrication du produit fini permet de déduire les quantités
exactes de chacun des composants dont il convient d’assurer la fabrication ou
l’approvisionnement (voir article « Flux poussés : MRP et DRP »).
De la demande prévue du produit fini, on peut donc déduire la demande de
chacun des composants. En théorie, on peut déduire de l’ensemble des
Parution : janvier 2019

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GESTION DES STOCKS DANS UN CONTEXTE DE DEMANDES INDÉPENDANTES _________________________________________________________________

demandes indépendantes les besoins, en nombre et dans le temps, des articles


à demande dépendante.
MRP gère les demandes dépendantes ; les articles à demande indépendante
sont gérés de façon différente et c’est l’objet du présent article.
Le décisionnaire en production se trouve en permanence face au dilemme
suivant : d’une part, avoir un taux de service client proche de 100 % (ce qui
signifie stocker toutes sortes de produits finis à chaque instant et en tous lieux)
et, d’autre part, se conformer aux obligations de l’analyse financière qui le
conduisent à pousser l’ensemble des acteurs vers une minimisation du niveau
des stocks.
En fait, si l’on était capable d’avoir une demande absolument régulière et,
pour le même volume, si les prévisions commerciales étaient toujours
« justes » et reflétant par anticipation la demande réelle client, on serait alors
capable de répondre très exactement à l’ensemble des besoins. Les stocks per-
draient leur raison d’être.
La réalité est tout autre : la demande est versatile. Le problème consiste alors
à adapter la capacité de l’outil de production pour permettre de répondre à la
somme des besoins. Par voie de conséquence, le volume de la production
variera en essayant de suivre le rythme des ventes, ce qui conduira inévitable-
ment à la constitution de stocks tout au long de la chaîne logistique pour servir
de tampon entre ces deux fonctions.
Par ailleurs, le quotidien d’un poste de travail est rempli de multiples dys-
fonctionnements (ralentissement, panne machine, retouche, rebut…). Les
stocks deviennent alors l’outil qui permet au gestionnaire de ne pas arrêter la
production sur les autres postes de charge, l’aidant ainsi à respecter ses objec-
tifs de productivité.
L’inconvénient, par contre, est qu’à la lecture des indicateurs de fin de
journée, ils cachent systématiquement les aléas qui sont survenus. Ils sont
donc un frein important à la démarche de progrès permanent parce qu’ils
empêchent de voir l’ensemble des problèmes qui surviennent dans le système.
En allant encore plus en avant dans les « effets en cascade » que les stocks
peuvent induire, on pourra citer le fait que, plus on a de stock dans le système
de production, plus on induit sur celui-ci de la lenteur et de l’inertie.
On constate que la réduction des stocks permet des économies d’échelle, au-
delà de la diminution des immobilisations, en abaissant les coûts de produc-
tion. De plus, si les stocks présentent des avantages de régulation face à toutes
les variabilités agissant sur le système, ils ont, par ailleurs, certains inconvé-
nients comme :
– la rigidification de la production ;
– l’augmentation du délai global moyen ;
– ou encore l’immobilisation de moyens financiers (ils représentent environ
30 à 40 % des capitaux immobilisés).
On peut donc dire pour résumer que, si les stocks jouent un rôle positif de
régulation du système de production, ils ont plusieurs inconvénients.
Le rôle du gestionnaire en production est donc de trouver un compromis per-
mettant d’obtenir un résultat globalement positif pour un coût minimal. Pour
trouver cet optimal, il faut aller plus en avant dans l’analyse des stocks.

1. Les différents types « subis », c’est-à-dire sont le résultat d’un fonctionnement, alors
que d’autres sont « voulus », c’est-à-dire créés et sont partie inté-
de stocks grante du mode de management de la production.
C’est pourquoi il existe différentes manières de classer les
stocks ; celle qui est le plus souvent utilisée est relative au flux
Les stocks sont de natures différentes. Ils constituent à la fois des matières (flux physique) à travers le système de production
une nécessité et une lourde contrainte financière ; certains sont (figure 1).

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__________________________________________________________________ GESTION DES STOCKS DANS UN CONTEXTE DE DEMANDES INDÉPENDANTES

2. Fonctions d’un stock


Les stocks créent un ou plusieurs points de rupture dans le flux
des matières entre la fourniture des matières premières et la
livraison au client. Ils servent de tampon entre la constitution des
produits finis et la livraison client, entre les besoins sur un poste
de charge et les sorties du poste de charge précédent…
On peut donc classer les stocks selon différentes fonctions.

■ Stock d’anticipation
On parle de stock d’anticipation à chaque fois que l’on veut anti-
ciper une demande future. Ce cas est systématique quand le délai
de fabrication est plus long que le délai attendu par le client
(figure 2) ; on utilise dans ce cas des prévisions.

■ Stock de fluctuation
C’est un stock que l’on crée pour couvrir la variabilité dans la
demande ou dans le délai. Si la demande ou le délai de livraison
sont plus grands que ce que l’on a prévu, on risque d’avoir des
ruptures dans la consommation.

Figure 1 – Les différents types de stock La figure 3 présente le schéma théorique (modèle de base) de
l’évolution du volume stocké ; nous reviendrons ultérieurement
sur ce point, lorsque nous aborderons le calcul du stock de sécu-
On distingue cinq types de stock. rité 6.

■ Les matières premières regroupent l’ensemble des articles reçus • On peut situer des stocks de protection contre la fluctuation
qui ne sont pas encore rentrés dans le process de fabrication. Elles à différents niveaux du processus de production, aussi bien
incluent les matières, composants et sous-ensembles achetés. en début et concerner des produits achetés, qu’à la fin et

Ce stock permet de spéculer et d’anticiper les fluctuations des


prix d’achat. Il permet la réduction des coûts d’acquisition par
achats de lots de taille plus importante. Fabrication de l’article X

Il permet aussi de se protéger contre :


– les défaillances des fournisseurs ;
– les retards de livraison ;
– les dégâts matériels ;
– les livraisons de quantités plus faibles que demandées.
Il permet enfin d’effectuer les contrôles qualité.

■ Les « en-cours », c’est-à-dire l’ensemble des articles qui sont


rentrés dans le process de fabrication et qui sont en cours de
transformation. Ce stock intervient dans le processus de produc-
tion comportant des étapes intermédiaires.
Il permet, d’une part, un découplage des divers stades de la
production et, d’autre part, une protection contre les arrêts de pro-
Fabrication de l’article Y
duction et les défaillances (voir exemple § 9.4).

■ Les produits finis qui sont l’ensemble des articles sortis du pro-
cess de fabrication et qui sont prêts à être expédiés. Le rôle de ce
stock est de compenser la longueur du délai de fabrication pour
aboutir à un délai de livraison beaucoup plus court. Il amortit les
fluctuations de nature saisonnière et de nature aléatoire de la
demande, de façon à assurer une meilleure utilisation de l’outil de
production.
Il sert enfin de stock de sécurité face à la demande client.

■ Les stocks de distribution (dépôts) qui sont l’ensemble des pro-


duits finis situés dans le système de distribution lui-même.

■ Les pièces de rechange, de maintenance et les fournitures


diverses : il s’agit de l’ensemble des articles utilisés en production
mais qui ne font pas partie des produits et de leur nomenclature.
Ils peuvent inclure les outillages, les outils, les pièces de
rechange… Figure 2 – Le stock d’anticipation

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GESTION DES STOCKS DANS UN CONTEXTE DE DEMANDES INDÉPENDANTES _________________________________________________________________

■ Stock dû à la taille des lots


Souvent le service achat approvisionne des articles en quantité
plus grande que ce qu’il est strictement nécessaire. On parle de
quantité économique, de quantité pour rabais…
Cette technique sert alors à :
– réduire les frais d’expédition ;
– optimiser l’affrètement ;
– réduire les coûts de lancement en fabrication.
En fait, il existe une multitude de raisons pour justifier le fait
qu’il soit rarement possible d’acheter ou de lancer en fabrication
exactement ce dont on a besoin. On verra plus tard au § 5.1 qu’il
Figure 3 – Évolution du volume stocké – Modèle de base existe cependant une règle de gestion en production appelée « lot
pour lot » qui répond à ce problème.
concerner les produits finis pour assurer le service client. Ils ■ Stock de transport
peuvent encore changer d’endroit en fonction du fait que le
client s’implique plus ou moins loin dans le processus, c’est Ce stock existe à cause du délai nécessaire pour transporter des
le concept de « personnalisation » et de point de découplage articles d’un endroit à un autre sans rupture de travail, ni à la
(figure 4). source, ni au lieu de livraison. Pendant qu’un article se déplace
dans un camion et est livré, on continue d’en consommer sur le
• Si une commande arrive au cours du cycle de fabrication, le lieu d’arrivée en puisant dans le stock restant.
cycle d’assemblage commence après la réception de la
commande. L’assemblage et la livraison se font alors sur On calcule le stock moyen en transit par la formule suivante :
commandes fermes. Au moment où commence la fabrication,
la commande ferme n’est pas encore connue. C’est grâce aux (1)
prévisions que l’anticipation est possible.
avec Strans stock moyen annuel en transit,
• Ce point de bascule entre commandes fermes et prévisions
est appelé point de découplage ou, parfois, « point de désyn- t temps de transit en jours,
chronisation du flux ». En aval du point de découplage,
D demande annuelle.
l’entreprise peut travailler à la commande (production à la
commande) ; en amont l’entreprise doit travailler sur prévi- On peut remarquer que le stock en transit ne dépend pas de la
sions (production sur prévisions ou, parfois, production sur taille du lot d’expédition, mais du temps de transit et de la
stock). demande annuelle globale.

Matières premières Composants Sous-ensembles Produits fini

Fabrication sur stock

Assemblage à la commande

Client
Fournisseur Fabrication à la commande

Conception à la commande

Production basée Point découplage Production basée


sur prévisions ou point de stock sur commandes clients

Figure 4 – Le point de découplage

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Méthodes de prévisions au cœur


de la prise de décision

par Mohamed Zied BABAI


Ingénieur de l’École nationale d’ingénieurs de Tunis
Docteur en génie industriel de l’École Centrale Paris
Professeur en gestion des opérations à BEM-Kedge Business School (France)
Cet article est la réédition actualisée de l’article intitulé
« Méthodes de prévision – Présentation générale » de Jacques BALESTE paru en 2001

1. Caractéristiques et principes des méthodes de prévisions....... AG 5 150v2 - 2


2. Méthodes qualitatives.......................................................................... — 3
2.1 Sondages ................................................................................................... — 3
2.2 Jugements d’experts ................................................................................ — 3
2.3 Analogies historiques ............................................................................... — 4
3. Méthodes quantitatives ....................................................................... — 4
3.1 Méthodes causales ou explicatives ......................................................... — 4
3.2 Méthodes d’extrapolations ...................................................................... — 5
4. Mesures d’erreur de prévision ........................................................... — 13
5. Conclusion............................................................................................... — 14
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. AG 5 150v2

ans un environnement marqué par une incertitude accrue, les prévisions


D sont devenues omniprésentes dans la plupart des activités humaines, et
indispensables au bon fonctionnement des entreprises.
Les délais de réaction étant souvent très courts en entreprise, celle-ci a
besoin de prévoir l’évolution de plusieurs variables dans son environnement
afin d’avoir une meilleure gestion et une optimisation des ressources, qui sont
généralement coûteuses. Par exemple, les prévisions des ventes sont
indispensables à toutes les décisions logistiques de l’entreprise à cause des
délais de livraison aux clients, qui sont généralement très courts par rapport
aux cycles de production relativement plus longs. Ces décisions vont du
niveau stratégique jusqu’au niveau opérationnel. Elles incluent par exemple :
– au niveau stratégique : les décisions sur le nombre et la capacité des sys-
tèmes de production et des centres de distribution ;
– au niveau tactique : la planification des opérations et le calcul des besoins
de matières et des ressources nécessaires à la production, la distribution et le
transport ;
– au niveau opérationnel : toutes les décisions nécessaires pour la gestion
des stocks et des approvisionnements, pour l’ordonnancement de la produc-
tion, pour l’élaboration des plans de tournées de véhicules, etc.
Il est important de souligner que, dans une entreprise, la prévision des
ventes est une étape essentielle de la préparation du Plan industriel et
commercial (PIC) et du Plan (ou Programme) directeur de production (PDP).Ces
deux processus de planification produisent des données qui alimentent le
Parution : octobre 2013

système de pilotage des ressources, connu sous le nom de Management des


ressources de production (MRP, Material Requirement Planning).Ces outils

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MÉTHODES DE PRÉVISIONS AU CŒUR DE LA PRISE DE DÉCISION ____________________________________________________________________________

sont au cœur des progiciels de gestion intégrés (ERP), qui permettent d’opti-
miser les ressources et les moyens techniques de l’entreprise ainsi que de
mieux satisfaire la demande des clients [10].
Par ailleurs, dans le cadre des nouveaux programmes de Gestion collabora-
tive de la planification, de la prévision et des réapprovisionnements (CPFR,
Collaborative Planning, Forecasting and Replenishment) dans les chaînes
d’approvisionnement intégrées, les prévisions sont également indispensables
afin d’assurer une meilleure visibilité de la demande entre les industriels et les
partenaires commerciaux [11].
Ce partage des prévisions entre les différents acteurs de la chaîne d’approvi-
sionnement permet d’intégrer les plans commerciaux dans les plannings
opérationnels afin d’assurer un rendement optimal se traduisant par un
moindre coût et un meilleur taux de service aux clients.
Notons qu’exceptionnellement dans certains secteurs les prévisions peuvent
ne pas être indispensables notamment dans les décisions à moyen et à court
terme. Cela est le cas des secteurs où les entreprises travaillent à la commande
comme par exemple le secteur de l’aéronautique ou des chantiers navals.

1. Caractéristiques
et principes des méthodes Prévisions

de prévisions
Face à un besoin croissant des entreprises d’une aide à la
décision dans un environnement incertain, une prévision est
souvent élaborée en se basant sur le jugement humain et des
outils statistiques. Cela est à l’origine d’une pléthore de méthodes Méthodes Méthodes
de prévision développées depuis plusieurs décennies ([2] [3]). qualitatives quantitatives

Pour rappel et par définition, une prévision est une estima-


tion de l’évolution future d’une variable à laquelle on s’inté-
resse. Son principal objectif est de réduire l’incertitude liée à la
non-connaissance du futur et d’aider à la prise de décision [1].

Méthodes Méthodes
■ Classification des méthodes de prévisions
d’extrapolations causales
Il existe d’abord deux grandes catégories :
– méthodes qualitatives ;
– méthodes quantitatives, elles-mêmes être classées en deux
catégories : Figure 1 – Schéma des différents types de méthodes de prévisions

• méthodes causales ou explicatives,


• méthodes d’extrapolations.
Cette classification repose essentiellement sur le type de données
utilisées, ainsi que sur les horizons de prévisions (figure 1).
Méthodes
• Les méthodes d’extrapolations se basent sur des données Endogènes qualitatives
statistiques internes concernant les réalisations passées,souvent
disponibles dans les systèmes d’information de l’entreprise. Il Méthodes
s’agit de ce qu’on appelle les « données endogènes ». causales
• Les méthodes causales, quant à elles, utilisent des données
passées (réalisées) et futures (pas encore réalisées), relatives à des
facteurs externes liés à l’environnement de l’entreprise, appelées Exogènes
Méthodes
« données exogènes ». d’extrapolations
• Par ailleurs, les méthodes qualitatives ne reposent pas sur
des réalisations passées, mais uniquement sur des données futu-
res et se basent essentiellement sur des facteurs externes liés à Passé Futur
l’environnement de l’entreprise, comme par exempleles prévisions
liées aux nouveaux produits. La figure 2 illustre les différents types Figure 2 – Types de données utilisées dans les méthodes
de données utilisées dans les différentes méthodes de prévisions. de prévisions

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_____________________________________________________________________________ MÉTHODES DE PRÉVISIONS AU CŒUR DE LA PRISE DE DÉCISION

Tableau 1 – Méthodes et horizons de prévisions


Méthodes de prévisions
Horizons
Méthodes d’extrapolations Méthodes causales Méthodes qualitatives
CT (de 0 à 1 an) Toujours possible Possible dans certains cas
MT (de 1 an à 5 ans) Toujours possible Possible dans certains cas
LT (supérieur à 5 ans) Possible dans certains cas Toujours possible

■ Trois types d’horizons prévisionnels


L’horizon de prévisions s’étend de quelques jours (voire quel- Précision
ques heures) à plusieurs années. On distingue généralement trois des prévisions
types d’horizons :
– le court terme (CT) : s’étend de 0 à 1 an ;
– le moyen terme (MT) : s’étend de 1 an à 5 ans ;
– le long terme (LT) : supérieur à 5 ans.

Notons que le type d’horizon dépend du secteur et du type


de produit concerné.

Horizon
des prévisions
Exemple CT MT LT
Le court terme se réduit à quelques heures dans les centres
d’appels téléphoniques ; il couvre quelques jours dans un supermar- Figure 3 – Précision des prévisions en fonction de l’horizon
ché, alors qu’en construction navale, il peut représenter un an. de prévision

Chaque classe de méthodes de prévisions est plus adaptée à un


horizon donné, comme l’illustre le tableau 1. La longueur des
horizons présentée ici est issue du plan comptable. 2. Méthodes qualitatives
Même si, traditionnellement, les méthodes quantitatives sont
utilisées pour les prévisions à court terme, et les méthodes qualita- Les méthodes qualitatives reposent essentiellement sur
tives pour les prévisions à long terme, dans certains cas, des l’opinion et le jugement de personnes connaissant le contexte de
méthodes qualitatives basées sur le jugement sont utilisées pour la variable à prévoir, ou sur une comparaison avec des contextes
ajuster des prévisions élaborées par des méthodes semblables.
d’extrapolations [4].

Exemple 2.1 Sondages


C’est le cas dans la grande distribution où des ajustements basés
sur le jugement sont effectués sur les prévisions suite à des promo-
tions de ventes.
Le sondage est, par définition, une technique qui permet
C’est également le cas des prévisions de produits saisonniers en d’explorer les propriétés d’un échantillon d’une population
présence de changements imprévus des températures durant les pour en déduire une variable qui concerne la population.
saisons.

Par ailleurs, des méthodes quantitatives peuvent également être Le sondage d’opinions est une méthode très utilisée par les
utilisées pour des prévisions à long terme. entreprises, les médias ou encore les partis politiques. Elle
consiste à réaliser un questionnaire auprès d’un échantillon repré-
Exemple sentatif d’individus afin de proposer une estimation de la réparti-
tion de l’opinion sur l’ensemble de la population, et ainsi déduire
C’est le cas quand un distributeur décide d’implanter de nouveaux une prévision d’une réalisation future. La réalisation d’un sondage
magasins dans des villes sur un horizon d’un an en utilisant des d’opinions reste une tâche délicate, du fait même que l’opinion des
modèles macro-économiques basés, par exemple, sur des méthodes individus est difficile à observer.
causales.

Il est évident que la précision des prévisions décroit avec


l’horizon comme l’illustre la figure 3. C’est-à-dire que les 2.2 Jugements d’experts
prévisions deviennent moins fiables lorsque l’horizon de prévision
augmente. Ces méthodes se basent sur l’expérience et le jugement
d’experts pour établir des prévisions. Parmi ces méthodes, on cite :
Dans ce qui suit, nous décrivons brièvement les différentes
méthodes de prévisions et nous présentons le contexte et les – la méthode du panel d’experts ;
conditions de leur utilisation. – la méthode Delphi.

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Prévisions systémiques
dans la supply chain globale

par Daniel LECOEUVRE


Ingénieur ESME – CPIM
Ancien Manager Materials Management & Marketing IBM
Formateur – coach (ISLI – MAI – EMA – universités... entreprises)

1. Prévoir et planifier – Motivations ........................................................ AG 5 155 - 2


2. Analyse systémique ................................................................................. — 2
3. Vision et prévisions à long terme ........................................................ — 3
3.1 Produits existants à longue durée de vie ................................................... — 3
3.2 Produits nouveaux cannibales ou concurrents ......................................... — 5
3.3 Produits totalement nouveaux sans concurrence immédiate.................. — 5
4. Prévisions à moyen et court terme ..................................................... — 5
4.1 Produits existants à longue durée de vie ................................................... — 6
4.2 Produits nouveaux cannibales ou concurrents ......................................... — 6
4.3 Produits totalement nouveaux sans concurrence immédiate.................. — 7
5. Concepts, méthodes et outils systémiques – Résumés................. — 7
5.1 Cycles économiques .................................................................................... — 7
5.2 Cycle de vie................................................................................................... — 8
5.3 Méthode Delphi ............................................................................................ — 8
5.4 Banane .......................................................................................................... — 9
5.5 Indicateurs : le verre de champagne .......................................................... — 11
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AG 5 155

oyennes mobiles à pondération multiple, régression linéaire, lissage


M exponentiel, inférence statistique, modèles stochastiques... ces
méthodes amplement représentées dans les progiciels de prévision ont fait
leurs preuves. Toutefois, la mondialisation avérée ne cesse de rendre plus
complexe l’appréhension des paramètres et variables de nos prévisions, d’aug-
menter l’incertitude et de faire frissonner nos intervalles de confiance.
On peut simplifier le compliqué, mais pas la complexité ; les systèmes
experts, « neuronaux », apprenants sont une bonne réponse à cette
complexification, mais, encore faut-il maîtriser leurs entrées et sélectionner les
plus représentatives.
Les managers et prévisionnistes opérationnels ne sont pas tous experts en
statistiques. Les premiers ont tendance à faire aveuglément confiance, ou à
rejeter sans compromis les résultats scientifiquement calculés. Les derniers, en
phase de routine, finissent par perdre une partie du sens de leur multi-paramé-
trage et de leur capacité d’analyse. Bien souvent, les réunions transverses de
prévisions/planifications stratégiques ou tactiques (PIC, BP...) se résument en
affrontements de chapelles où, par manque de démonstrabilité, après de longs
échanges houleux, les chiffres retenus sont ceux de qui parle le plus fort.
Ne finit-on pas par oublier de prendre le recul nécessaire à la gestion de la
complexité ? Ne faut-il pas, de temps en temps, enlever les lunettes pour
scruter l’horizon ?
Parution : octobre 2011

En fait, nous sommes en majorité d’accord pour reconnaître que, devant la


difficulté de prévoir, l’utilisation de deux méthodes et/ou de scénarii est une
bonne pratique.

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PRÉVISIONS SYSTÉMIQUES DANS LA SUPPLY CHAIN GLOBALE ______________________________________________________________________________

L'objectif de l' article est de proposer, en complément aux méthodes plus tra-
ditionnelles, des approches et concepts permettant un autre regard en support
de l’estimation des prévisions, transversalement, sans frustration, avec un
rationnel global et une facilité de partage, de suivi et de pilotage. Ces proposi-
tions s’adressent aux prévisions de ventes, achats de produits
« indépendants » ou communs, ressources matérielles, humaines et budgé-
taires, pour tout type de produits faisant l’objet d’un cycle de vie significatif
(deux ans minimum).

1. Prévoir et planifier – 2. Analyse systémique


Motivations ■ Les supply/demand manager, marketing forecast ou marketing
planning manager du monde entier font régulièrement face aux
Les entreprises subissent des attaques financières, spéculatives mêmes problématiques :
et des revirements économiques fréquents. Elles doivent donc
remettre régulièrement en cause leurs « plans » pour adapter leurs – réunions houleuses, où celui qui détient le pouvoir finit par
capacités. emporter la décision... ;
– révisions périodiques des chiffres, se contredisant d’une fois
Les chercheurs et managers s’accordent à dire, qu’avec l’inno- sur l’autre en terme de tendance, et créant des mouvements entro-
vation et l’attaque des marchés émergents, la maîtrise globale, piques et délicats au niveau des ressources dans les usines et chez
stratégique et tactique de la supply chain est un pilier majeur de la les fournisseurs (effet coup de fouet, « Buldwip Effect » en prime) ;
performance future des entreprises. l’excuse étant souvent vague et invérifiable ;
– modifications de paramétrages dans les outils de prévision
Le supply chain management est une réflexion globale de sans, la routine aidant, ne plus trop savoir pourquoi et comment
l’organisation pour augmenter sa flexibilité, réactivité et pro- ce coefficient agit en cascade sur d’autres paramètres. Ce phéno-
activité. mène est un peu atténué par l’utilisation de simulations, mais les
Le consensus se fait clairement sur les leviers que sont les dommages collatéraux (non prise en compte d’événements en
prévisions/planification et gestion des stock (elle-même asser- gestation) dus au fait d’analyses par itération rassurantes poussant
vie aux prévisions) afin de rendre l’entreprise plus efficace, à l’individualisation, ne sont pas toujours visibles immédiatement.
« lean » et efficiente. Que faire devant ces approches tout à fait irrationnelles ou, au
contraire, hypercartésiennes ?
■ Il faut prévoir, planifier et re-planifier au mieux pour garder le Une réponse peut consister à accepter le fait que la prévision est
cap dans un environnement complexe et changeant : aussi un « art »... en particulier un art de convaincre.
– le très long terme (vision 15 à 30 ans) décidera des grandes En prenant du recul pour visualiser des schémas (méthode aussi
directions concernant les produits, marchés, investissements, chartiste) qui alimenteront notre subconscient, qui a déjà intégré
hommes et organisations ; l’essentiel de l’environnement d’accueil, nous pouvons entrer dans
– l’horizon stratégique (5 à 7 ans) précisera les choses, plus par- l’anti-cartésien rationnel... c’est-à-dire la systémique.
ticulièrement pour les investissements lourds et les familles de Ou encore, pourquoi faire compliqué là où on peut faire global ?
produits ;
– l’horizon tactique (1,5 à 2 ans) permettra de : ■ Un système est un « machinoïde » qui transforme des entrées
• contrôler la faisabilité, (matérielles, informationnelles...), en provenance de son environ-
• ajuster les capacités et investissements moyens, nement, en produits finis qu’il retourne à ce même environnement.
• préparer les approvisionnements, les actions marketing et
achats ; Tout est système (entreprise, service, processus, activité,
– l’exécution (plan opérationnel à 1 an) concrétise les actions objet, homme...) et appartient à un système d’ordre supé-
dictées par la désagrégation définie précédemment. rieur... certaines étapes étant d’ailleurs de l’ordre des fractales
(pour mémoire : la suite de Fibonacci, le nombre d’or, la spi-
■ Nous proposons d’examiner des repères et concepts d’aide à la rale logarithmique, que la nature, certains architectes et autres
prévision à ces différents niveaux temporels. experts utilisent et que le mathématicien Benoît Mandelbrot a
Mais, avant tout, il faut admettre que les prévisions : médiatisé.
– seront toujours fausses, mais le but est d’être moins faux,
approximativement vrai sans être précisément faux et donc fixer Ce concept scientifique, d’à peine plus d’un demi-siècle, et les
des destinations pour alimenter les GPS de l’entreprise ; méthodes associées (AMS...) ont fait l’objet d’une littérature abon-
– doivent être cohérentes aux différents horizons (agrégabi- dante. Pour en savoir plus, il sera donc utile de se rapprocher
lité/désagrégabilité) et sous des responsabilités bien définies d’auteurs tels que Joël de Rosnay [1], Jean-Louis Le Moigne, Jay
(vision et stratégie sont l’affaire de la Direction Générale, tactique Wright Forrester [2], Jacques Mélèse, Michel Crozier... pour ne
pour les Directions de Départements/Fonctions, exécution pour les citer que les plus lus.
Directions opérationnelles). L’Analyse Modulaire des Systèmes [3] qui ne s’intéresse qu’aux
Cela rejoint d’ailleurs le fait qu’au-delà de trois niveaux hiérar- flux entrants et sortants des différents modules d’un système
chiques, il y a confusion dans les horizons de responsabilité ame- (technologique, tableau de bord et pilotage) pour l’analyser (une
nant quelquefois des managers à « chasser » sur le terrain du plus entreprise par exemple) est une application qui résume bien le
court terme... concept.

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______________________________________________________________________________ PRÉVISIONS SYSTÉMIQUES DANS LA SUPPLY CHAIN GLOBALE

Volume de commandes
SYSTÈME Maturité

Pilotage Tendance

Entrées Transformation Sorties Dé


nce clin
ssa
Source Indicateurs Action oi
de l’environnement sur l’environnement Cr

ENVIRONNEMENT Démarrage Temps

Figure 1 – Principe schématique de l’analyse systémique Figure 2 – Courbe du cycle de vie

■ Ici, nous allons nous appuyer simplement sur les principes de


base. 3. Vision et prévisions
à long terme
L’analyse systémique ne va pas s’intéresser au détail, de
façon exhaustive, à l’ensemble des constituants du système,
La prévision à long terme, stratégique ou de vision, qui va per-
comme nous y engage le Discours de la Méthode, mais va
mettre de définir les investissements lourds, est primordiale pour
nous suggérer de prendre du recul, d’analyser les flux en
l’entreprise, mais difficile du fait de l’évolution des environ-
entrée et en sortie, les principales relations du système avec
nements et de leurs paramètres.
son environnement, et de retenir les éléments les plus impor-
tants pour tirer des conclusions et engager des actions Toutefois, son évaluation ne sera pas, du fait de l’éloignement
(figure 1). temporel de l’impact des décisions, influencée par les intérêts
fonctionnels que nous aborderons pour le moyen terme.
Généralement, ces prévisions, réalisées par les Directions straté-
La gestion des processus et le supply chain management qui giques une ou deux fois l’an, s’appuient sur des supports de veille
s’intéressent aux liens harmonieux entre des activités et recherche marketing, concurrentielle et technologique structu-
complémentaires intra et inter entreprises ne sont rien de moins rés, des expertises et... l’intuition.
que des gestions systémiques de groupes d’activités et d’acteurs.
On s’intéresse aux relations plus qu’aux activités qui, par défi- Quels autres concepts, méthodes ou outils pouvons-nous
nition, sont bien faites puisque réalisées par des professionnels utiliser ?
dédiés. Nous allons examiner des propositions selon qu’il s’agit de pro-
duits courants ou de sauts technologiques.
Nous sommes donc bien loin du perfectionnisme cartésien (qui
nous a engagé à commencer par le moins important et à reporter
au lendemain...).
3.1 Produits existants à longue durée
■ Par définition, les prévisions sont fausses. C’est un art difficile. de vie
Toutefois, dans la mesure du possible, pour asseoir les chiffres, 3.1.1 Analyse du cycle de vie du produit
il faut commencer par les appuyer sur une bonne dose de ration-
nel, mais de rationnel global, pour ne pas dire grossier. Ensuite, le Ce sera le premier élément à prendre en considération (figure 2).
bon sens, la pondération événementielle et l’intuition viendront
leur donner leur esthétique. ■ Phase de croissance
La plus grande difficulté réside, au début, dans l’évaluation de la
Nous n’écartons pas la recherche opérationnelle, mais tendrons phase de croissance avant d’avoir connaissance des valeurs des
à rendre les mathématiques audibles ; les probabilités, statis- ventes à la maturité. Il faudra donc estimer ces valeurs de maturité.
tiques... auront une présence discrète et non contraignante. Elles
ne prendront pas le devant de la scène. Nous en ferons « sans le Si le produit cannibalise un autre produit ou entre en
savoir ». On pourrait appeler la démarche qui va suivre : « la concurrence, l’analyse par analogie, l’étude de marché et l’esti-
recherche opérationnelle globale pour les nuls ». mation de la pénétration seront bien entendu nécessaires.

L’objet, ou l’information, analysés à court terme vont certes


Toutefois, pour éviter l’animosité et les frustrations, le
obéir à des tendances mathématiquement extrapolables, mais,
moyen qui peut le mieux aider l’animateur de groupes
avant tout, il est important d’analyser ces systèmes dans leurs
prévisions sera la méthode Delphi, qui sera abordée au
environnements internes et externes immédiats et plus éloignés.
paragraphe 3.1.2.
Ces environnements internes (cycles de vie, capacités d’approvi-
sionnement et production, indicateurs, pilotage, cannibalisation,
marketing push/pull...) et externes (naturels, politiques, écono- Ce volume à maturité déterminé, on peut alors estimer la
miques, financiers, cours des matières, taux de change, demande et piloter les prévisions de la période de croissance en
concurrentiel...) sont, en réalité, les principaux facteurs de l’évo- utilisant des lissages exponentiels, régressions simples.... pour
lution du système. Mathématiser et simuler cela devient donc le prévoir la demande et piloter les prévisions. Ce sont encore l’ana-
challenge des bonnes prévisions et, compte tenu de la complexité logie et la veille concurrentielle qui donneront les meilleures idées
des facteurs d’influence, la simplification n’est pas évidente. de durée de cette phase. Cette dernière, en effet, varie selon les
produits. Elle est généralement faible, pouvant même tendre vers
L’analyse globale semble être une autre bonne piste. zéro pour les produits stratégiques faisant l’objet d’une « first day

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Comment sécuriser sa Supply Chain


Partie 1. Approche théorique

par Carine FOUIN


Coordinador de planeación chez Saint Gobain Sekurit Mexique

1. Réduire la vulnérabilité de la Supply Chain ...................................... AG 5 165 -2


1.1 Comprendre et évaluer les risques............................................................. — 2
1.1.1 Identifier les risques............................................................................ — 2
1.1.2 Évaluer la vulnérabilité de la Supply Chain ...................................... — 3
1.1.3 Convergence des approches qualité et Supply Chain ..................... — 5
1.2 Accroître la visibilité sur la Supply Chain .................................................. — 5
1.2.1 Supply Chain Management interne (ISCM) ...................................... — 5
1.2.2 Supply Chain collaborative ................................................................ — 7
1.2.3 Apports des nouvelles technologies ................................................. — 9
1.3 Sécuriser les maillons de la chaîne ............................................................ — 10
1.3.1 Déterminer la stratégie fournisseurs ................................................. — 10
1.3.2 Évaluer et construire sa base fournisseurs ....................................... — 10
1.3.3 Gérer la relation................................................................................... — 12
2. Gérer le risque, développer une capacité de réponse.................... — 12
2.1 Mettre en place une Supply Chain robuste et résistante.......................... — 12
2.1.1 Robustesse et résistance .................................................................... — 12
2.1.2 Créer la résistance par la rupture : le Business Process
Re-engineering .................................................................................... — 13
2.1.3 Supply Chain Event Management : la résistance proactive ............ — 14
2.1.4 Maîtriser ses process : les leçons de la méthode Six Sigma........... — 14
2.2 Optimiser le niveau de capacité de réponse.............................................. — 15
2.2.1 Développer l’agilité de la Supply Chain ............................................ — 15
2.2.2 Déterminer le niveau optimal de sécurisation.................................. — 16
2.3 Gérer le facteur humain............................................................................... — 19
2.3.1 Rôle du facteur humain dans la sécurisation de la Supply Chain... — 19
2.3.2 Suggestions organisationnelles......................................................... — 19
2.3.3 Créer une culture du management du risque................................... — 20
2.3.4 Amélioration continue et Risk Management .................................... — 21
3. Synthèse finale et perspectives ........................................................... — 21
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AG 5 165

es risques concernant la Supply Chain ne sont pas nouveaux. Cependant


L les événements des dernières années, du 11 septembre 2001 à la vache
folle, en passant par les crises pétrolières et le SRAS, ont replacé la gestion
des risques sur le devant de la scène.
S’il est évident qu’un certain nombre de risques proviennent de l’environne-
ment extérieur, tels que les risques émanant des guerres, épidémies,
catastrophes naturelles, il est aussi vrai que la structure elle-même des Supply
Chains présente des risques potentiels significatifs. Certains observateurs
considèrent maintenant cette fragilité « comme une caractéristique de la
Supply Chain » [1].
La tendance à la globalisation des approvisionnements, à la délocalisation de
la production, à la réduction de la base de fournisseurs ; les regroupements
industriels ; la centralisation des moyens de distribution sont autant de
Parution : avril 2008

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facteurs contribuant à l’exacerbation de cette fragilité. Les techniques de


réduction des coûts employées ces dernières décennies, et particulièrement le
Lean management, ont certes permis d’atteindre des niveaux de performance
supérieurs, mais cela s’est effectué au détriment de la robustesse et de la résis-
tance de la Supply Chain.
Paradoxalement, la compréhension et l’appréhension des risques de la
Supply Chain sont encore balbutiantes dans la plupart des entreprises. Sans
parler de leur prévention et de leur traitement.
Dans un tel contexte, il est temps de se poser la question de la sécurisation
de la Supply Chain. Un certain nombre de travaux ont été effectués ces cinq
dernières années, lesquels abordent le plus souvent la sécurisation de la
Supply Chain sous l’angle de la visibilité ou l’angle de l’agilité. Tous s’accor-
dent cependant sur l’importance primordiale de l’étape d’identification des
risques.
Cet article se base sur les travaux effectués sur ce sujet depuis 2001 et
propose la méthodologie suivante, en deux parties : identifier et réduire les ris-
ques, puis gérer les risques résiduels. La mise en application de cette approche
dans un cas pratique, chez Samixco, permettra de mettre en relief les actions
proposées dans un contexte d’entreprise.

1. Réduire la vulnérabilité Le Supply Chain Risk Management, ou encore Supply Chain


de la Supply Chain Continuity Management, est la discipline qui regroupe
l’ensemble des outils et méthodes de sécurisation de la Supply
Chain, c’est-à-dire de l’ensemble des processus permettant le
La compréhension et l’appréhension des risques, leur analyse, flux des produits, composants et informations d’une source
doivent permettre d’identifier les besoins de sécurisation de la d’origine à un consommateur final.
Supply Chain. Le développement de la stratégie vise en premier Le Supply Chain Risk Management (SCRM) est défini par
lieu la réduction des risques, c’est-à-dire leur prévention. Celle-ci Martin Christopher comme : « l’identification et le management
doit être interne et externe, puisque les risques majeurs se situent des risques au sein de la Supply Chain ainsi que des risques
dans la Supply Chain étendue (voir § 1.1.2.1). L’amélioration de la externes à celle-ci, par une approche coordonnée de
visibilité sur la chaîne, par la restructuration de la Supply Chain l’ensemble des membres de la Supply Chain, dans le but de
interne et la collaboration avec les partenaires amont et aval, ainsi réduire la vulnérabilité globale de la Supply Chain » [1]. Cette
que la sécurisation des relations amont sont deux facteurs clés. définition souligne l’importance de la perspective « de bout en
bout » dans la sécurisation de la Supply Chain.
1.1 Comprendre et évaluer les risques
Les composantes de la Supply Chain considérées par le Supply
1.1.1 Identifier les risques Chain Risk Management, selon l’APICS et le cabinet Protiviti, sont
1.1.1.1 Vulnérabilité et Supply Chain Risk Management les suivantes [2] :
(SCRM) : définitions et concept – stratégie et politique d’entreprise ;
Dans tous les secteurs, les risques Supply Chain sont présents et – process clés de l’entreprise ;
nombreux. Les plus visibles et les moins contrôlables, ceux liés à – organisation et compétences (incluant la culture d’entreprise) ;
l’environnement externe, provoquent de forts niveaux d’inquiétude – information pour la prise de décision, les mesures et le
et d’incertitude ; mais d’autres risques, moins impressionnants de contrôle ;
par leur nature, peuvent également avoir des conséquences signi- – systèmes et données.
ficatives sur les entreprises. La sécurisation de la Supply Chain est
devenu un objectif prioritaire, dont l’objet est d’identifier, d’analy-
ser, de gérer et de contrôler l’ensemble des risques pouvant 1.1.1.2 Typologie des risques
l’impacter. Les risques auxquels sont confrontées les Supply Chains
abondent et varient selon le secteur industriel et selon l’entreprise
Les risques sont définis comme des sources de vulnérabilité elle-même. Il est inutile et infaisable de chercher à en établir une
de la Supply Chain, c’est-à-dire une incertitude ou un événe- liste exhaustive. Leur classification par typologie permettra cepen-
ment imprévisible qui affecte une ou plusieurs parties de la dant de faciliter leur identification. Les experts proposent
Supply Chain ou de son environnement et qui peut influencer différentes méthodes de classification, plus ou moins élaborées.
(négativement) les résultats de l’entreprise. La typologie la plus simple consiste à distinguer les risques
La vulnérabilité de la Supply Chain doit être comprise internes des risques externes :
comme l’exposition à des perturbations sérieuses, provenant – les risques internes proviennent de l’interaction entre les
de risques internes comme externes. Une mesure agrégée de composantes de la chaîne ;
la vulnérabilité est constituée par la somme des vulnérabilités à – les risques externes proviennent des interactions entre la
chaque maillon de la chaîne. Supply Chain et son environnement.

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Une catégorisation plus élaborée, de Christopher et Peck, répar- Plusieurs outils existants peuvent être appliqués à la gestion des
tit les risques de la façon suivante [3] : risques dans la Supply Chain. L’explication de leur contenu, de la
• Risques internes à l’entreprise démarche et de leurs bénéfices peut être trouvée dans le rapport
de la Cranfield School of Management (Creating resilient Supply
– process Chains : A practical guide) disponible sur Internet [1]. Seule une
Les process sont définis comme les séquences d’activités à brève description a été reprise ici :
valeur ajoutée et d’activités managériales effectuées par l’entre- • La méthode Delphi : utilisation des connaissances d’experts
prise. Les risques process correspondent à l’ensemble des risques (managers, clients, fournisseurs ayant une bonne connais-
liés à la rupture de ces process. sance de la Supply Chain) afin d’obtenir une vision de ce que
– contrôles pourrait être le futur et éventuellement de définir un horizon
Les contrôles sont les hypothèses, règles, systèmes et ou une probabilité d’occurrence sur ces événements futurs.
procédures qui gouvernent la façon dont une organisation exerce • Le brain-storming : technique basée sur une approche de
le contrôle sur ses process. Les risques liés aux contrôles sont groupe, utilisant les données collectives et les opinions indi-
donc les risques venant de l’application, de la non-application ou viduelles afin de générer de nouvelles idées.
de la mauvaise application de ces règles. • Le FMEA (Failure Mode and Effect Analysis) : méthode visant
• Risques externes à l’entreprise, mais internes à sa Supply à prévenir les problèmes produits et process depuis la phase
Chain de développement en déterminant les modes d’échec d’un
système, et en établissant les effets de ces échecs sur la
– demande
performance de l’ensemble du système.
Ces risques sont les perturbations, potentielles ou réelles, des
flux de produits, des flux d’informations et des flux financiers entre • La cartographie des flux : visualisation standardisée de
l’entreprise et son marché. chaque lien et chaque nœud d’un process afin de mieux
comprendre les interactions et de situer les risques.
– approvisionnement
• La cartographie de la Supply Chain : représentation des pro-
Ce type de risque est l’équivalent amont du précédent. cess et des temps d’exécution afférents ; elle est similaire à la
• Risques externes au réseau cartographie des flux, mais dans une perspective macro.
– environnement • L’analyse des chemins critiques : le terme « chemin critique »
La prédictibilité du type ou du moment de concrétisation de ces désigne les séquences d’activités d’un projet ou d’un process
risques est faible, cependant, leurs impacts peuvent être analysés qui tolèrent le moins de déviation ou de retard, en termes de
de façon proactive. temps ou de ressources, sans que le projet ou l’activité soit
pénalisé.
Christopher classifie également les risques dans une pyramide à • L’identification des contraintes : promu par le Dr E. Goldratt
quatre niveaux interdépendants [1] : [4], le management par les contraintes conduit à déterminer
• Le premier niveau est celui des process et de la chaîne de les goulots d’étranglement, c’est-à-dire les activités ou les pro-
valeur. Les risques liés à ce niveau sont principalement les cess clés qui régissent le rythme de la Supply Chain.
risques commerciaux et financiers liés à une mauvaise exécu- • Le benchmarking : partant du principe qu’il est possible de
tion des process, la volatilité de la demande, la sous-perfor- faire des améliorations significatives dans les opérations en
mance de la Supply Chain. comparant celles-ci, de façon détaillée, avec d’autres entrepri-
• Le second niveau est constitué par les biens et les infrastruc- ses, le benchmarking permet de dégager les meilleures prati-
tures. Les risques liés à ce niveau résident dans la perte d’un ques.
lien ou d’un nœud, temporaire ou permanente. Un nœud du • Le modèle SCOR : méthode développée par le Supply Chain
réseau est un site commercial, ou de production, des biens Council of Management proposant une codification formali-
de technologie de l’information, les ports, aéroports et gares. sée du Supply Chain Management en une série de process
Les liens sont les pipelines, routes, voies ferrées, fluviales, rigoureusement définis, imposant par là même une standar-
maritimes ou aériennes. disation des interprétations.
• Le troisième niveau est composé des organisations et des • Le scénario planning : process consistant en l’élaboration de
réseaux interorganisationnels. La vulnérabilité de la Supply contextes futurs plausibles, contre lesquels les décisions stra-
Chain à ce niveau doit être comprise d’un point de vue straté- tégiques de l’entreprise peuvent être évaluées.
gique et microéconomique. Les nœuds sont les organisa-
tions, privées et publiques, qui possèdent ou gèrent les • Les modèles de simulation : limitation des évolutions des
infrastructures et les biens par lesquels passent les flux pro- opérations d’un monde réel ou d’un système dans le temps
duits et les flux d’informations. Les liens du réseau sont les permettant d’étudier le comportement d’un système ou d’un
relations commerciales, particulièrement les relations de process.
dépendance et de pouvoir entre les organisations.
• Le quatrième niveau comprend l’environnement externe. Les 1.1.2 Évaluer la vulnérabilité de la Supply Chain
facteurs considérés sont les facteurs politiques, économi-
ques, sociaux et technologiques, ainsi que les éléments natu- L’étape primordiale, et dont dépend le succès du SCRM, est celle
rels – géologiques, météorologiques, pathologiques (incluant de l’identification des risques et de l’évaluation de la vulnérabilité
les virus informatiques). de la Supply Chain. Afin de déterminer le profil de risques, il faut
bien comprendre sa Supply Chain et sa performance en termes de
Chaque niveau peut affecter les niveaux précédents. sécurisation.
1.1.1.3 Méthodes d’identification des risques 1.1.2.1 Supply Network : concept et implications
Les entreprises sont généralement conscientes de l’existence de Le terme de « Supply Chain » a été utilisé pour la première fois
risques liés à la Supply Chain, mais se trouvent dans l’incapacité de dans les années 1980. Cette nouvelle discipline représentait une
les réduire ou de les gérer, faute de les avoir clairement identifiés. réponse aux changements de stratégie des entreprises : l’abandon
La sécurisation de la Supply Chain doit faire l’objet d’une approche des objectifs individuels pour l’achèvement d’un objectif global. Le
par étapes, la première d’entre elles étant l’identification des risques concept de Supply Chain a ainsi regroupé plusieurs domaines
et la mesure de la vulnérabilité de la Supply Chain : quels risques, auparavant séparés, tels que la logistique (opérations d’entrepo-
quels impacts potentiels, quelles conséquences sur l’entreprise. sage, transport, distribution) et les activités de production.

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Tableau 1 – Étapes de l’excellence du SCRM


Dimension Étape 1 Étape 2 Étape 3 Étape 4
Niveau de responsabilité Fonctionnel ou silos Business Unit Direction générale (PDG) Entreprise étendue
(Comité de direction)
Champ du risque • Risque de marché • Risque de marché • Ensemble des risques • Risques stratégiques
(change, crédit, etc.) • Risque de propriété de l’entreprise • Résistance
• Risque de propriété ou de sécurité • Business Continuity opérationnelle
ou de sécurité • Risque opérationnel • Risque liés au pays (ris- • Environnement global
• Sécurité informatique • Interruptions systèmes ques de guerre, risques • Composant culturel
• Risques facilement économiques...) ou organisationnel
quantifiables • Process clés
• Risques quotidiens
Outils de gestion • Dérivatifs des outils • Analyse des tendances • Plan de contingence • Systèmes d’alertes
financiers, assurance et des données • Analyse de scénarios • Process alternatifs
des biens des incidents • Revue des nouveaux et conservation
• Revue des contrats contrats de back up de données
fournisseurs • Audits indépendants • Révision trimestrielle
• Autoévaluation • KPI ajustés aux incluant les partenaires
risques (1)
Motivation • Suivre les • Éviter les interruptions • Protéger l’image de • Créer un avantage
réglementations, réduire opérationnelles et les marque, maintenir une compétitif, générer de la
l’exposition financière coûts des accidents stabilité dans les revenus valeur pour l’actionnaire
Actualisation du plan • Jamais • Après des incidents • Annuellement • Trimestriellement
SCRM majeurs
Supply Chain • Stocks de sécurité • Fournisseurs alternatifs • Prévisions de vente • Transparence
• Capacité excédentaire • Plan de contingence – coordonnées de la Supply Chain
scénarios sélectionnés • Modélisation • Réserves dynamiques
des scénarios « Et si... » de composants critiques
• Agilité des produits
et process
Collaboration • Focus interne • Communication • Collaboration • Conduite d’initiatives
des politiques avec les fournisseurs, industrielles
aux fournisseurs associations industrielles • Collaboration
avec le gouvernement
(1) Key Performance Indicator (KPI) : indicateur de performance

Aujourd’hui, la Supply Chain est de plus en plus considérée Le concept d’une Supply Chain promeut l’idée d’un environne-
comme une chaîne reliant l’entreprise à ses fournisseurs et aux ment stable, contrôlable, linéaire. L’idée d’un Supply Network, en
fournisseurs de ses fournisseurs, ainsi qu’à ses clients et aux reflétant la véritable complexité que représente la Supply Chain,
clients de ses clients. On parle de Supply Chain étendue. permet de mieux percevoir les réalités et par conséquent de
comprendre et de prendre en compte l’ensemble des risques
Lorsque l’on parle de sécurisation, Christopher souligne qu’il est auxquels sont soumis une entreprise et son Supply Network.
essentiel d’envisager la Supply Chain non plus comme une chaîne
reliant des maillons amont et aval, mais comme un réseau
1.1.2.2 Étapes de l’excellence SCRM
complexe. En effet, les produits et les flux d’informations passent à
travers plusieurs nœuds appartenant à différents réseaux qui relient A.T. Kearney a développé un tableau permettant de résumer les
les organisations, entreprises et économies. La réalité ressemble étapes de l’excellence du Supply Chain Risk Management [5],
plus à une structure en X qu’à une chaîne, chaque entreprise se lequel a été reproduit dans le tableau 1.
situant sur un nœud recevant des matières de plusieurs fournis- Il est possible d’utiliser ces étapes de la gestion du risque afin
seurs – eux-mêmes ayant plusieurs clients – et distribuant à plu- d’évaluer le niveau d’excellence d’une Supply Chain par un sys-
sieurs clients – eux-mêmes s’approvisionnant de plusieurs tème d’attribution de points : 1 point pour chaque réponse se
fournisseurs. De plus, une entreprise ne peut plus être associée avec situant dans l’étape 1 ; 2 points pour chaque réponse se situant
une seule Supply Chain ou, pour reprendre les termes de dans l’étape 2 ; et ainsi de suite.
Christopher, un « Supply Network ». En effet, elle peut posséder
Les résultats, donnant une vision générale de la maturité de
plusieurs Supply Networks, en fonction de divers critères : type de
clients ou de distribution, caractéristiques produits, etc. l’entreprise en termes de gestion des risques, doivent être inter-
prétés de la manière suivante :
– score de 21 points ou plus : correcte ;
Christopher définit le Supply Network comme « un réseau – score de 14 à 20 : questionnable ;
d’organisations qui sont impliquées, par des liens amont et – score de 0 à 13 : vulnérable.
aval, dans les différents processus et activités qui créent de la
Il est clair que ces résultats doivent être par la suite révisés sur
valeur, sous forme de produits et de services pour le client la base d’une analyse approfondie et détaillée du profil de risques
final » [1].
de la Supply Chain, mais ils permettent une première comparaison,

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de façon globale et très raccourcie, avec le niveau désirable de sécu- significativement réduit. Cette idée a longtemps prédominé dans le
risation, et les bonnes pratiques en la matière. secteur de la production, où le contrôle des process est vu comme
l’unique solution pour maintenir la qualité des produits sur une
1.1.2.3 Mesurer la vulnérabilité base constante. Chaque processus de la Supply Chain peut bénéfi-
cier de l’application de cette idée. Le principe de base du contrôle
Les risques peuvent être de différentes tailles et échelles. Leur des process est de réduire la variabilité de ces process. Il est éga-
gestion représente toujours un coût. Il est capital de mesurer le lement reconnu que la variation des process de la Supply Chain
risque afin d’adapter le plan de prévention ou de réponse à son augmente avec l’impact cumulé de la variabilité de chacun des
importance. processus de la chaîne. Il est donc essentiel de comprendre
L’importance du risque peut être quantifiée comme étant le pro- comment la variabilité de la performance d’un process peut impac-
duit de la fréquence/probabilité du risque et de ses conséquences. ter la performance des processus consécutifs.
Trois critères basés sur l’analyse FMEA (cf. § 1.1.1.3) doivent être Enfin, de la même façon que nombre d’organisations
considérés : reconnaissent que la seule façon de faire du TQM est de créer une
– la probabilité ou la fréquence attendue de la concrétisation du culture de la qualité, par laquelle la qualité devient une préoccupa-
risque ; tion de chacun dans l’entreprise, il y a aujourd’hui une prise de
– la gravité de l’impact du risque sur l’entreprise en termes de conscience du fait que la gestion des risques doit également deve-
coûts et de niveau de service au client ; nir partie intégrante de la culture de l’entreprise.
– la probabilité d’une détection préventive et d’une éviction du
risque.
Les risques ayant un fort impact doivent être fortement sur- 1.2 Accroître la visibilité sur la Supply
veillés car ils ont un effet potentiel significatif sur le chiffre Chain
d’affaires, les marges et les avantages compétitifs. Les risques
ayant une fréquence élevée doivent être surveillés avec attention,
La visibilité sur la Supply Chain est la capacité de tous les
car les risques, par définition, ne sont pas supposés être des certi-
membres de la Supply Chain de voir d’un bout à l’autre de la
tudes. Cependant, les risques les plus importants, à gérer en prio-
Supply Chain, chaque mouvement, chaque transaction et
rité, sont ceux qui présentent à la fois un fort impact et une forte
chaque événement qui prend place depuis l’approvisionnement
fréquence.
jusqu’à la livraison du produit fini au client. Elle est une
Le projet Robust Lean Supply Networks (RSLN) propose des condition primordiale de la sécurisation de la Supply Chain.
indicateurs clés de mesure de vulnérabilité, classés en six catégo-
ries, qui sont résumés dans le tableau 2.
Nota : tableau adapté de RLSN Project Team [6]. 1.2.1 Supply Chain Management interne (ISCM)
Il doit toutefois être noté que les indicateurs proposés ci-dessus 1.2.1.1 Rôle de l’analyse stratégique dans le SCRM
mesurent le degré de sévérité des risques, mais pas leur probabi-
lité d’occurrence. Une pondération de ces critères en fonction de la « Le rôle du plan stratégique dans la sécurisation de la Supply
fréquence d’occurrence peut permettre de prendre ce dernier Chain est d’amener une vision claire, des objectifs, et des plans
facteur en compte. d’actions concernant la Supply Chain et s’insérant dans la politique
et la stratégie globale de l’entreprise. Les politiques nécessaires, les
process et sous-process, les possibilités organisationnelles, ainsi
1.1.3 Convergence des approches qualité que l’information pour la prise de décision, les systèmes et la ges-
et Supply Chain tion des données, doivent être conçus avec une vue proactive sur
l’évaluation des risques, leur surveillance, gestion et contrôle » [8].
Les coûts d’échec externes (arrêt de la ligne de production du
client, perte de temps pour le client, impacts société, responsabili- La première phase de la sécurisation de la Supply Chain passe
tés, dettes, rappels de produits, réparation après vente sur site, par une étape essentielle, celle de l’établissement d’un plan straté-
dommages causés à la bonne volonté, effets sur la demande gique. Les raisons en sont évidentes [8] : « Nous considérons le
future) sont un ensemble de coûts dont le montant peut largement plan stratégique comme une base fondamentale de gestion du
excéder le coût total du produit lui-même : les défauts peuvent risque de la Supply Chain. À moins que l’organisation ne sache où
coûter très cher à l’entreprise. C’est de ce constat qu’est né le Total elle va et qu’elle dispose de plans alignés quant à comment et
Quality Management (TQM). quand elle doit parvenir à l’objectif, il est peu probable qu’elle y
parvienne » [8].
Les principes du TQM sont les suivants :
Il serait vain de chercher à développer des plans de contingence
– l’assurance de la qualité par l’inspection du produit fini est le
pour l’ensemble des produits, et avec l’ensemble des acteurs de la
dernier recours ;
chaîne. L’analyse des risques à un niveau stratégique doit pouvoir
– détecter les situations hors de contrôle, identifier les causes et
permettre de décider des priorités, d’identifier les risques les plus
restaurer les process et le contrôle dans un temps utile permet
significatifs en termes d’impact sur la Supply Chain et de détermi-
toujours d’améliorer la qualité ;
ner le niveau de risques que l’entreprise est capable et accepte de
– l’assurance de la qualité demande l’implication de l’ensemble
supporter, et les risques contre lesquels l’entreprise souhaite se
du personnel et de l’organisation ;
prémunir.
– la prévention est toujours la stratégie préférée ;
– la qualité doit être prise en compte dès l’étape de conception Un plan de contingence ne concernant que l’entreprise elle-
du produit. même est insuffisant. Ces plans doivent d’abord concerner les
maillons les plus faibles du réseau. On considère que les maillons
Les approches qualité et sécurisation de la Supply Chain les plus faibles sont les maillons pour lesquels il existe un risque
convergent en plusieurs points : « La sécurisation de la Supply fort de perturbation, avec un ou des impacts significatifs. « Le mes-
Chain sous les aspects qualité et logistique obéit à trois principes, sage comme quoi le plus grand risque pour la Supply Chain, y
anticipation, prévention et amélioration continue, qui tous compris la Supply Chain interne, peut tout aussi bien venir de la
sous-tendent la prévention des risques » [7]. Supply Chain étendue n’est pas encore largement admis dans les
Maîtriser les processus qui composent la Supply Chain est un entreprises » [1], selon Christopher. Pourtant, pas un seul départe-
facteur clé de succès dans la réduction du niveau de risques. Si un ment ou division, ni même une seule entreprise, ne possède la
processus est sous contrôle, alors le risque de non-conformité est vision périphérique nécessaire à la gestion des risques.

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Comment sécuriser sa Supply Chain


Partie 2. Cas de Samixco

par Carine FOUIN


Consultant senior chez PEA Consulting

1. Samixco... en bref .................................................................................... AG 5 166 - 2


2. Vulnérabilité de la Supply Chain Samixco ........................................ — 2
2.1 Process et contrôles peu maîtrisés ............................................................. — 2
2.2 Supply Chain étendue ................................................................................. — 8
2.3 Niveau d’excellence de Samixco en terme de sécurisation ..................... — 10
2.4 Objectifs et plan d’action ............................................................................. — 11
3. Mise sous contrôle de la Supply Chain .............................................. — 12
3.1 Mise en place d’un process d’analyse stratégique ................................... — 12
3.2 Suppression des barrières cross fonctionnelles ....................................... — 14
3.3 Structuration des systèmes et des process ............................................... — 16
3.4 Établissement des contrôles et des indicateurs ........................................ — 18
3.5 Créer une culture du management du risque............................................ — 19
4. Supply Chain agile : deuxième étape de la sécurisation............. — 19
4.1 Faut-il rendre la Supply Chain Samixco agile ?......................................... — 19
4.2 Comprendre et se rapprocher de la demande........................................... — 20
4.3 Supplier Relationship Management (SRM) ............................................... — 20
4.4 Amélioration de la performance en interne............................................... — 22
4.5 Carte d’exécution des process « to-be » .................................................... — 22
5. Conclusion de l’étude de cas ................................................................ — 23
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AG 5 165

et article est la suite de l’article [AG 5 165] « Comment sécuriser sa Supply


C Chain – Approche théorique » qui proposait la méthodologie suivante, en
deux parties : identifier et réduire les risques, puis gérer les risques résiduels.
Dans ce second article, cette approche théorique est mise en application pour
Samixco, ce qui permet de mettre en relief les actions proposées dans un
contexte d’entreprise.
Parution : avril 2010

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COMMENT SÉCURISER SA SUPPLY CHAIN _______________________________________________________________________________________________

1. Samixco... en bref 2.1.1 Analyse macro des process décisionnels


par la grille GRAI

Les données et résultats de cette étude de cas ont été modi-


fiés et ne reflètent pas la réalité de l’entreprise pour laquelle La méthode GRAI (graphe de résultats et activités interreliés)
l’étude a été initialement effectuée. est une méthodologie de modélisation et d’analyse des
systèmes de décision (processus) des entreprises de produc-
tion de biens ou de services, qui a été développée par Breuil,
Producteur et transformateur de matériaux (verre...), Samixco Doumeingts et Pun au laboratoire GRAI (université de Bor-
est une entreprise mondiale, présente dans plus de 50 pays à tra- deaux) au début des années 1980. Bien qu’absente des
vers le monde. La zone Amérique du Sud représente 21 % des méthodes d’identification des risques citées par les experts,
ventes du groupe Samixco. elle est pourtant intéressante à suivre dans le but de
Samixco Mexique a été créée en 1993 et a pour activité princi- comprendre les risques liés aux process et contrôle.
pale la production de vitrage pour le secteur automobile, pour les
OEM (Original Equipment Manufacturers ou équipementiers)
comme pour le marché de la rechange officielle. L’analyse GRAI a été conduite à deux niveaux : le niveau macro,
Son chiffre d’affaires annuel est de 532,6 millions de pesos représenté sous forme de grille décrivant les différents process
mexicains. décisionnels, reliés de façon conditionnelle ou chronologique, qui
constituent le système Supply Chain de Samixco ; et le micro,
Les volumes se répartissent en deux groupes de clients et sui- représenté sous forme d’un réseau et décrivant les contraintes
vant deux destinations (figure 1). d’exécution liées à chaque centre de décision (§ 2.1.2).
L’usine est divisée en trois lignes de production distinctes :
– verre feuilleté pour pare-brise ;
– verre trempé pour lunettes arrières ; La grille GRAI représente une vision globale de la structure
– verre trempé pour portières. de la Supply Chain Samixco (figure 2). Elle situe les centres de
Samixco Mexique emploie 517 personnes. La structure hiérar- décision les uns par rapport aux autres et met en évidence les
chique se divise comme suit : principaux liens décisionnels et informationnels. Elle respecte
les critères de décomposition de la macrostructure :
– direction générale ;
– direction financière ; – l’horizon et la période de prise de décision ;
– direction industrielle ; – le groupement des activités décisionnelles sur un niveau
– direction commerciale et qualité ; donné suivant leurs fonctionnalités.
– service Supply Chain.
Le service Supply Chain comporte 24 personnes et a été créé en Les flèches bleues schématisent les prises de décisions et leur
2003 par le regroupement des départements logistique et achats. transmission à un niveau inférieur. Les flèches noires traduisent
les flux d’informations.
Samixco gère sa Supply Chain dans un mode de gestion en flux
ARG (Automotive
poussés-tirés, avec un point de découplage se situant au niveau
Replacement Glazing)
domestique 21 %
des matières premières et des composants : les produits finis sont
gérés en flux tirés, bien que de façon non maîtrisée, et les approvi-
sionnements de matières et composants sont effectués sur un
ARG export 7 % OEM export 45 % mode en flux poussés, basés sur des tendances de besoins de pro-
duction.
Les incohérences relevées, les sources potentielles de risques et
quelques précisions quant au fonctionnement du système sont
OEM domestique 27 % listés ci-dessous :
– absence de lien entre le process de prévisions de vente et la
Figure 1 – Répartition de la production de Samixco
par clients et destination planification de production. La planification est basée sur des
moyennes de consommation clients sur le mois en cours, utilisées
pour la totalité de l’horizon du plan ;
– rupture entre la stratégie de l’entreprise et la stratégie Supply
2. Vulnérabilité de la Supply Chain. Les contraintes Supply Chain ne sont pas toujours prises en
Chain Samixco compte ;
– gestion des horizons conflictuelle entre le plan de production
et le plan d’approvisionnement. Par le biais d’une analyse du plan
L’identification des risques auxquels est confronté Samixco est de production et de tendances de besoins de production, le service
la première étape dans la sécurisation de la Supply Chain. Cette achats estime des prévisions d’approvisionnement à 6 mois ;
analyse a été effectuée tout d’abord d’un point de vue interne, puis
externe. – gestion des horizons et périodes problématique pour le pro-
cessus d’ordonnancement : la vérification de la disponibilité des
composants est effectuée tous les 15 jours ;
2.1 Process et contrôles peu maîtrisés – absence de processus de planification d’expédition : l’activité
est gérée au jour le jour.
L’analyse de la Supply Chain interne aborde plusieurs aspects,
et les outils utilisés sont les suivants : l’analyse GRAI, la cartogra- Le plan de production est révisé toutes les deux semaines, il est
phie des flux et l’identification des contraintes. Ceux-ci ont permis effectué à capacité infinie. L’ordonnancement est réalisé pour un
de comprendre les process internes, les contraintes existantes et horizon d’une semaine et est révisé une à plusieurs fois par jour.
les risques afférents. Dans la pratique, c’est l’ordonnancement qui joue le rôle capital.

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_______________________________________________________________________________________________ COMMENT SÉCURISER SA SUPPLY CHAIN

Horizon Gérer les Planifier les Planifier la Gérer les Planifier les Planifier la
Période ventes ressources production achats approvisionnements distribution

H : 3 ans
Élaborer le plan
P : 1 an

Élaborer
H : 1 an Élaborer Élaborer les
les prévisions
P : 1 an le budget prévisions d’achat
de vente

H : 3 mois Réviser les Analyser les


P : 1 mois prévisions écarts au budget
de vente

Élaborer les
H : 6 mois
prévisions
P : 1 mois
d’approvisionnement

H : 3 mois Passer les


P : 1 mois commandes

H : 2 mois Planifier la
P : 1 sem production

H : 3 sem Vérifier
P : 15 jours la disponibilité

H : 1 sem
Ordonnancer
P : 1 jour

H : variable Recevoir les


P : 1 sem commandes clients

H : 1 jour Traiter les


Affréter et expédier
P : 1 jour commandes clients

Service commercial Responsable achats Responsable logistique

Contrôle de gestion Responsable approvisionnements Ordonnanceur

Ordonnanceur et responsable
Responsable expédition Responsable transport
approvisionnements

Figure 2 – Analyse macro par la grille GRAI

2.1.2 Analyse micro des règles de gestion identifié comme insuffisant, il n’est pas nécessaire d’entrer dans le
par le réseau GRAI détail.
L’établissement du réseau GRAI pour Samixco doit permettre
L’élaboration d’un réseau GRAI, étape micro, permet d’iden- l’identification des risques liés aux contrôles, c’est-à-dire des
tifier pour chaque centre de décision les contraintes d’exécu- risques liés à l’application, non-application, mauvaise application,
tion, c’est-à-dire : voire à l’inexistence de ces règles. Ces règles de gestion sont les
variables de décisions et les critères utilisés, ainsi que les
– les informations utilisées et diffusées ;
contraintes existantes.
– les ordres reçus et donnés ;
– les contraintes ; Les variables de décision en bleu dans la figure 3 représentent
– les traitements réalisés ; les variables existantes mais non utilisées (c’est-à-dire des règles
– les procédures en cas de perturbations. inexistantes, puisque les critères n’ont pas été définis).
Les risques liés aux contrôles relevés dans le processus de pla-
Étant donné le nombre de process et le temps nécessaire à leur nification de production sont les suivants :
analyse, seuls les deux process principaux et susceptibles de géné-
rer les risques les plus significatifs ont été analysés ; il s’agit de : • Gestion de la demande :
– la planification de production ; – pas de comparaison avec les commandes précédentes en
– l’approvisionnement. terme de quantité,
Le process de prévision de vente est également un process – pas de vérification de la complétion ou de la fiabilité des
pouvant générer des risques significatifs. Ayant été précédemment commandes,

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COMMENT SÉCURISER SA SUPPLY CHAIN _______________________________________________________________________________________________

VD/critères
Pic > 20 % de la
moy. sur 1 sem :
Période : 1 jour augmentation Période : 1 à 2 semaines
approximative de
la moyenne
Absence de
données : travail
Recevoir les sur données
commandes antérieures

Calculer et saisir
Saisir les Carnet de moyennes
commandes commandes consommation VD

Actualiser le plan
Couverture des

de production
ET ET
commandes de
Actualiser la semaine
Variable de Niveaux de
les stocks
décision (VD) stock
Saturation
globale
Aucune
VD/critères
Rendements de
production
faibles : diminution Plan de
du stock en production
fonction du
pourcentage de
non-qualité
produits

Figure 3 – Réseau GRAI : processus de planification de production

– non-utilisation des prévisions de vente pour compléter les don- • Détermination du plan d’approvisionnement :
nées manquantes ;
– stocks de sécurité estimés en fonction de tailles de lots de pro-
• Actualisation de la demande dans le plan : duction,
– utilisation de moyennes rehaussées de façon subjective en – consommables directs non pris en compte,
fonction des pics, – point de commande, pour les consommables, calculé en effec-
– diminution du stock du jour pour prendre en compte les rende- tuant la moyenne du stock minimal et du stock maximal,
ments de production ; – pas de considération des variations mensuelles des besoins.
• Planification de la production :
– pas de calcul de la saturation machine, 2.1.3 Identification des contraintes physiques
– pas de contrôle du nombre de changements de modèles ou
des tailles de lots. La théorie des contraintes de E. Goldratt propose d’identifier les
Le processus d’approvisionnement (figure 4) ne traite que des goulots d’étranglements, puisque ce sont ceux-ci qui rythment les
matières premières et des composants, mais pas des sorties du process global. Ce sont donc les goulots qui vont déter-
consommables, que ceux-ci soient directs ou indirects, puisque miner le degré d’agilité de la Supply Chain. Il est nécessaire éga-
l’approvisionnement de ces produits n’est pas basé sur le plan de lement de comprendre les contraintes de temps (délai), puisque la
production. vitesse est une composante majeure de l’agilité.
Le réseau GRAI pour les consommables est identique à partir du Ces goulots et contraintes de temps ont été analysés en partant
stade « passer les commandes ». L’analyse préalable est effectuée des process aval et en remontant vers les process amont, ce qui
directement sur l’historique de consommation. Les variables de permet de mieux identifier les points clés.
décision sont identiques, les objectifs (critères) de niveau de stock
visent un mois de stock. ■ Process de livraison
Les risques liés aux contrôles relevés dans ce processus Les clients de Samixco sont dispersés sur le territoire mexicain
d’approvisionnement sont les suivants : et aux États-Unis. Les délais de livraison vers les États-Unis sont
longs, de l’ordre de 4 à 10 jours. Les temps de transport vers les
• Actualisation des besoins : clients mexicains varient entre 5 et 24 heures.
– élaboration de tendances de consommation mensuelles
De plus, le passage de la douane est réglementé et n’est
basées sur deux mois : il est possible d’oublier des besoins si
possible sur une base normale durant la semaine que de 8 h à
aucune campagne n’est prévue dans le plan de production (pour
22 h, et le week-end de 8 h à 12 h.
cause de stock élevé ou de fréquence de production faible),
– pas de prise en compte des variations « saisonnières », En cas de problème de disponibilité de stock, il est possible de
– pas de comparaison avec l’historique ou avec les besoins réduire les temps de transit par le recours aux doubles opérateurs,
précédents ; le passage par l’autoroute, ou le paiement d’une surtaxe douanière.

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_______________________________________________________________________________________________ COMMENT SÉCURISER SA SUPPLY CHAIN

Actualiser stocks VD
et quantités

Analyser et
actualiser
en transit • Niveaux de
Plan de stock (équiv 1 à
ET ET 2 campagnes)
production
• Quantité par
Estimer tendances, commande
actualiser besoins • Lead times

Plan
d’approvisionnement

VD
VD

Fournisseur

Passer les
commandes
Période : 1 mois Carnet de
commandes
approvisionnement
Période : 2 semaines

commandes
Ajuster les
Ordres de
fabrication
VD
Couverture
des besoins
sur 3 semaines
Niveaux
de stock

Figure 4 – Réseau GRAI : processus d’approvisionnement

■ Process d’entreposage – expédition


Tableau 1 – Livraison
La limite en terme d’entreposage réside principalement dans le
Nombre de trans- Pourcentage nombre de racks disponibles. Les palettes métalliques sont retour-
Nombre de clients
porteurs qualifiés d’expéditions nables et sont utilisées pendant toute la durée de vie du produit.
Le retour des palettes constitue une condition sine qua non du bon
1 6 14,6 % fonctionnement de l’usine : la pénurie de palettes métalliques
2 5 40,8 % engendre un arrêt de production ou tout au moins une production
sur palettes en bois, si celles-ci sont disponibles, et un transfert a
3 3 44,6 % posteriori sur palettes métalliques.
■ Process de production
Sur un historique de 5 mois, le nombre d’expéditions par jour Le tableau 2 résume très brièvement les étapes de production
varie entre 6 et 9, en moyenne, par mois. Il y a peu de variations afin de comprendre le process.
d’un jour à l’autre, le risque de ne pas disposer de la capacité suf- L’analyse des cadences nettes moyennes (soit le nombre de
fisante est donc relativement faible. pièces bonnes par heure de production réelle), complexifiée par
Le tableau 1 résume le nombre de clients et le pourcentage l’existence de flux croisés, permet d’identifier les goulots d’étran-
d’expéditions pour lesquels sont qualifiés 1, 2 ou 3 transporteurs. glement du process de production : le courbage pour l’ensemble
des lignes.
Il existe 6 clients pour lesquels un seul transporteur est réfé-
rencé, ce qui représente un risque si ce transporteur venait à ne De plus, il est intéressant de prendre en compte les temps de
pas disposer de camions : aucune autre solution n’existe. Cepen- changements de modèles. Ceux-ci sont les plus importants sur les
dant, ces 6 clients ne représentent que 14 % du nombre moyen trois lignes au niveau des fours. Cela est notamment dû à la néces-
d’expéditions, et tous sont des clients situés au Mexique, ce qui sité de changer de squelettes ou de moules et de mettre les fours
réduit significativement le risque encouru. comme les outillages à température. Ces temps de changement de
modèles sont :
Les modes de transport alternatifs sont les suivants :
– verre feuilleté : 3 heures selon les modèles ;
– transport aérien pour les États-Unis ; – verre trempé pour lunettes : 4 à 8 heures selon les modèles ;
– transport ferroviaire : les lead times sont plus longs que pour – verre trempé pour vitres latérales : 4 heures.
le transport routier.
Une autre contrainte, sur la ligne des feuilletés, réside dans le
Ces options ne sont donc pas réellement intéressantes en fait que la détection des défauts ne peut être réalisée en amont des
termes de sécurisation de la Supply Chain. fours, mais seulement lors du contrôle final.

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La performance des supply chains

par Aurélien ROUQUET


Professeur de Logistique
NEOMA Business School, Reims, France

1. La performance de la supply chain .................................................... AG 5 169 - 2


1.1 Le principe d’une supply chain .................................................................. — 2
1.2 Le coût logistique........................................................................................ — 3
1.3 Le service logistique ................................................................................... — 4
2. Impact sur la performance organisationnelle ................................. — 5
2.1 Impact sur les 3 piliers du développement durable................................. — 5
2.2 Impact sur toutes les formes d’organisations .......................................... — 5
3. Développer la performance de sa supply chain ............................. — 7
3.1 Améliorer les interfaces dans sa supply chain ......................................... — 7
3.2 Orchestrer de manière globale les flux dans sa supply chain ................ — 8
3.3 Des objectifs de performance de la supply chain adaptés à la stratégie.. — 9
4. Développer la performance collective des supply chains ........... — 10
4.1 Des supply chains imbriquées et enchevêtrées ....................................... — 10
4.2 Le rôle crucial des « prestataires de services logistiques » (PSL)........... — 11
4.3 L’importance des associations de standardisation .................................. — 11
4.4 Interconnecter les supply chains et les supply chains inversées............ — 13
5. Conclusion................................................................................................. — 14
6. Glossaire .................................................................................................... — 14
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AG 5 169

a crise de la Covid-19 a rappelé le caractère crucial de la logistique et de la


L supply chain. La qualité de la réponse des États à cette crise sans précé-
dent a ainsi clairement été fonction de la performance de la logistique sanitaire
et des supply chains médicales que les Gouvernements ont réussi (ou non) à
mettre en place. Ainsi, les États les plus en pointe sont ceux qui sont parvenus
à mettre à disposition des masques, à accroître les capacités de lits de réani-
mation, à isoler les cas et tracer les cas contacts, à organiser rapidement
auprès des bonnes personnes des tests, à vacciner le plus rapidement possible
la population une fois les vaccins reçus, etc.
Cet exemple illustre l’importance de disposer de supply chains performantes,
et ce quelle que soit le type d’organisation considérée : entreprise, service
public, association, etc. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement, disposer
d’une supply chain et d’une logistique « performante » ? Sachant qu’une
supply chain rassemble de fait plusieurs entités indépendantes, du point de
vue de qui de la logistique et de la supply chain peut-elle être qualifiée
de « performante » ? Quels sont les grands indicateurs qui permettent de
mesurer cette performance ? Quels sont les principaux outils qui contribuent à
améliorer la performance de la supply chain ? C’est à cet ensemble de ques-
tions que cherche à répondre cet article, qui est structuré en quatre parties.
La première commence par préciser ce que recouvre la notion de perfor-
mance de la supply chain. Elle définit tout d’abord clairement de quoi est
Parution : août 2021

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LA PERFORMANCE DES SUPPLY CHAINS ________________________________________________________________________________________________

composée une supply chain. Elle souligne ensuite que deux indicateurs clefs
permettent d’en apprécier la performance : le niveau de coût logistique et le
niveau de service logistique.
La seconde s’intéresse à la manière dont la supply chain contribue à la per-
formance organisationnelle. Elle montre comment la supply chain impacte la
performance sur les trois volets du développement durable (l’économique,
l’écologique et le sociétal). Elle souligne que la supply chain a un impact sur la
performance de toute organisation.
La troisième partie se demande comment une organisation peut améliorer la
performance de sa supply chain. Elle montre que l’objectif est pour une organi-
sation de construire des interfaces avec les acteurs qui sont situés en amont et
en aval et de promouvoir une vision globale de la chaîne. Elle souligne égale-
ment que la performance visée doit évidemment être adaptée à la stratégie de
l’organisation.
Enfin, la quatrième partie discute de la performance collective des supply
chains. Les supply chains sont enchevêtrées, et la performance de la supply
chain d’une organisation n’est pas indépendante de celle de ses concurrents.
L’enjeu est de faire appel à des prestataires de services logistiques et des asso-
ciations de standardisation, pour développer des pratiques de mutualisation et
de standardisation entre chaînes et interconnecter celles-ci dans une perspec-
tive d’économie circulaire.
Signalons enfin ici que dans cet article, nous utiliserons les termes de logis-
tique et de supply chain comme étant synonymes et identiques. Si certains
considèrent que la supply chain et les démarches de supply chain manage-
ment sont une extension de la logistique, qui n’en constituerait qu’une sous-
partie, nous considérons avec d’autres que le supply chain management est
juste une manière de renommer la logistique (1).

1. La performance physiques d’un produit donné. Concrètement, on distingue en


général les cinq types d’acteurs suivants :
de la supply chain – les fournisseurs de matières premières (acier, pétrole, blé,
etc.) ;
– les industriels qui fabriquent à partir de celles-ci des biens
L’objectif de cette première partie est de définir la notion de per- intermédiaires (sièges automobiles, cartes électroniques) ou des
formance de la supply chain. Dans un premier temps, nous définis- produits finis (automobiles, ordinateurs) ;
sons le système « supply chain » au sein duquel une entreprise – les distributeurs qui commercialisent ces produits à travers
doit rechercher la performance, du fait de la nature transverse des divers canaux de distribution (magasins physiques, boutiques en
flux logistiques. Puis, nous présentons les deux grands indicateurs ligne, points relais) ;
de coût et de service qui permettent à une entreprise d’évaluer la – les consommateurs qui sont souvent chargés de la logistique
performance de sa supply chain. finale (récupérer les produits en boutique, dans des points relais,
les transporter chez eux) ;
– les prestataires de services logistiques qui réalisent pour le
1.1 Le principe d’une supply chain compte d’industriels ou de distributeurs des services logistiques
(transport, entreposage, préparation de commandes).
De manière générale, l’une des caractéristiques clefs des flux
logistiques est qu’ils sont transversaux [2]. A ce titre, ils tra-
versent toutes les frontières et ne se laissent enfermer dans Notons ici qu’une supply chain se délimite toujours du point
aucun système. de vue d’une entreprise dont les divers départements internes
Pour une organisation, on comprend alors clairement que l’objec- (achat, production, distribution) seront alors traversés par les
tif ne peut alors se réduire à rechercher la seule performance logis- flux physiques. Un tel système est ainsi toujours défini relati-
tique interne. Si un problème intervient chez un fournisseur ou un vement à une « focale », et lorsqu’on change de focale… on
prestataire chargé de la distribution, c’est en effet bien la perfor- change naturellement la définition du système et de son péri-
mance logistique de l’organisation qui peut être potentiellement mètre.
affectée, puisque le client final risque de ne pas avoir le produit dans
les conditions de service prévues. Dans ce cadre, il s’agit alors de se
préoccuper non pas uniquement des flux logistiques internes à Dans l’automobile, la chaîne logistique de Renault n’est ainsi pas
l’entreprise, mais aussi de ceux qui proviennent de l’amont et de la même que celle de Michelin. Si Michelin est bien un fournisseur
ceux qui s’écoulent en aval. Précisément, une entreprise doit recher- de Renault, Michelin fournit en effet les concurrents constructeurs
cher globalement la performance de sa supply chain ou chaîne de Renault et participe ainsi à d’autres supply chains. Dans ce
logistique [3]. cadre, chaque entreprise peut ainsi légitimement se penser comme
Par définition, une chaîne logistique ou supply chain est consti- étant au centre de sa propre supply chain, et définir différemment
tuée de tous les acteurs qui sont impliqués dans la gestion des flux les acteurs qui la composent.

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________________________________________________________________________________________________ LA PERFORMANCE DES SUPPLY CHAINS

Flux d’informations (demande)

Achat Prod Dist

Flux physiques (offre)

Figure 1 – Représentation simplifiée d’une supply chain

Par ailleurs, il est à noter qu’une entreprise gère souvent en fait logistique d’une activité n’est pas indépendant du niveau de coût
plusieurs supply chains, qui correspondent aux différents produits d’une autre activité qui est située en amont ou en aval. Cela est
qu’elle vend [4] : Renault aura ainsi de nombreuses supply chains tout particulièrement vrai des coûts de transport et d’entreposage,
qui renvoient aux différents modèles de véhicules que l’entreprise qui sont interdépendants, comme le met en lumière la figure 2.
propose.
Si une entreprise choisit non plus de stocker ses produits dans
Une représentation simplifiée d’une supply chain est proposée un entrepôt, mais dans deux, ses coûts d’entreposage vont
au sein de la figure 1. augmenter. Mais, dans le même temps, elle réduira ses coûts de

1.2 Le coût logistique


Tableau 1 – Les composantes d’un coût logistique
Une vérité indéniable à propos de la supply chain est qu’elle
coûte. Transporter un produit dans un camion d’une usine vers un Principaux postes
Éléments constitutifs
entrepôt, y stocker des marchandises deux semaines, déployer des de coûts logistiques
systèmes d’information pour recevoir les commandes clients,
payer les manutentionnaires qui préparent les commandes, etc. Coût de financement du stock
sont autant d’activités qui représentent des coûts. En termes d’esti-
mation, la plupart des enquêtes concluent que les coûts logistiques Coût d’assurance
Coût de détention
représentent en moyenne 8 à 15 % du coût de produits finis (5). des stocks
Coût des risques sur le stock
Par exemple, selon le dernier benchmark réalisé à la fin des
années 2000 par l’ASLOG (Association Française pour la Logistique, Coût de l’espace de stockage
devenue depuis France Supply Chain), le coût logistique d’une entre-
prise représentait 12 % de son chiffre d’affaires [6]. Coût de gestion des entrepôts
Évidemment, le niveau de coût logistique varie fortement selon les
supply chains et les secteurs : ces coûts sont par exemple proportion- Coût d’emballage
nellement plus importants pour une entreprise qui vend des produits Coût d’entreposage
lourds/volumineux et qui sont relativement peu chers (des meubles Coût de manutention
en kit comme IKEA par exemple), que pour une entreprise qui vend
des produits petits et relativement chers (un smartphone comme Coût de préparation de commandes
Apple par exemple). Il varie également selon les pays. Ainsi, s’il se
situe comme évoqué à environ 10 % du PIB dans les pays dévelop- Coût de transport amont
pés, il représente parfois le double dans des pays moins avancés [7]. Coût de transport
Coût de transport aval
En pratique, sont considérés comme faisant partie des coûts
logistiques les différents types de coûts listés au sein du tableau 1. Coût de traitement des commandes
Pour une entreprise, un enjeu est évidemment de maitriser les Coût des systèmes d’information
coûts logistiques au sein de sa supply chain, une dérive des coûts Coût de structure logistiques
pouvant nuire à sa compétitivité. Dans ce cadre, un point clef est
de piloter les coûts logistiques en raisonnant selon un principe dit
Coût de direction des services
de « coût global », ou « coût complet ». Cette notion, introduite
logistiques
dans les années 1960 [8] met en exergue que le niveau de coût

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LA PERFORMANCE DES SUPPLY CHAINS ________________________________________________________________________________________________

de valeur pour ces derniers… et un vrai risque réel de destruction de


valeur pour l’entreprise qui ne tient pas sa promesse client.
Coûts
Ainsi, un consommateur qui se rend dans un supermarché pour
Coût total acheter le yaourt qu’il préfère et qui constate qu’il est en rupture
de stock a de grandes chances de se tourner vers la concurrence !
Cela représentera une perte sèche de chiffres d’affaires pour
Coût de stockage
l’entreprise, qui pourra être durable, si le client découvre que le
Coût d’entrepôt yaourt du concurrent qu’il a acheté est meilleur ! Pour le dire
autrement, l’autre critère clef de performance est la capacité de la
supply chain à assurer un service logistique de qualité, afin de
créer de la valeur pour le client [10]
Coût du transport De manière générale, le service logistique peut s’apprécier par le
Nombre biais de plusieurs dimensions, dont les principales sont : la fiabi-
d’entrepôts lité, la rapidité, la sécurité, la flexibilité et la traçabilité (tableau 2).
Ces dimensions ne doivent pas être confondues, et une entreprise
peut très bien être performante sur un volet du service, et moins
Figure 2 – L’importance de considérer le coût logistique complet sur un autre. Pour un même produit, une entreprise qui annonce
qu’elle mettra six jours pour livrer son client, et qui respectera ce
délai, sera évaluée comme plus fiable mais moins rapide qu’un
transport, du fait que les distances pour acheminer les produits concurrent qui annoncera qu’il ne mettra que 3 jours pour livrer,
depuis les entrepôts jusqu’aux clients seront moindres. L’enjeu est mais qui ne livrera son client qu’au quatrième jour.
ainsi en termes de pilotage de chercher, non pas une optimisation Par ailleurs, pour chaque indicateur, différents modes de calcul
locale d’un coût d’une activité logistique, mais une optimisation pourront être retenus. Ainsi, un taux de casse pourra être calculé à
globale des coûts logistiques le long de la supply chain. l’échelle des livraisons (combien on a de livraison avec de la casse sur
un total de 100 livraisons), à l’échelle des colis (combien on a de colis
qui ont de la casse sur un total de 100 colis livrés), à l’échelle de la
1.3 Le service logistique valeur des produits (quelle est la valeur des produits cassés par rap-
port à la valeur totale des produits transportés). Une organisation
devra ainsi bien réfléchir à la manière dont elle mesure chaque indica-
S’il n’y avait que le coût de la logistique à optimiser, les choses teur en fonction de ses besoins et des problèmes qu’elle rencontre.
seraient malgré tout relativement simples. Cependant, le rôle de la
logistique et de la supply chain est aussi et surtout, par définition, de Parmi toutes ces dimensions du service, un aspect clef est
mettre à disposition physiquement une offre de produits et de ser- cependant la fiabilité : dès lors que des informations fiables sont
vice auprès des clients [9]. Si ceux-ci ne reçoivent pas les produits et fournies, la logistique peut en effet prendre des mesures pour
services commandés, il n’y a en effet pas au sens strict de création s’adapter en amont. En pratique, pour mesurer la fiabilité de ce qui

Tableau 2 – Les composants du service logistique

Principales dimensions
Définitions Exemples
du service logistique

Respect des quantités commandées


Capacité à respecter sur le plan logistique
Fiabilité Respect du créneau de livraison
ce qui a été promis au client
Respect des emballages définis

Capacité à acheminer rapidement les unités Temps de traitement commandes


logistiques aux clients
Rapidité Temps de transport

Temps de stockage

Capacité à protéger les flux durant Taux de casse


les opérations logistiques
Sécurité Taux de vol

Taux d’accident

Capacité à s’adapter sur le plan logistique Absorption de demandes imprévues


Flexibilité aux variations des demandes des clients
Absorption de quantités imprévues

Capacité à donner une visibilité Tracing en temps réel


Traçabilité en temps réel sur les flux logistiques
Tracking a posteriori

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Modèles d’évaluation
de la performance supply chain
par Dominique ESTAMPE
Professeur Supply Chain Management
Directeur de l’Institut supérieur de logistique industrielle (ISLI),
BEM Bordeaux Management School

1. Modélisation du supply chain management ..................................... AG 5 170 - 2


1.1 Supply chain management ........................................................................ — 2
1.2 Modélisation supply chain .......................................................................... — 4
1.3 Performance et création de valeur ............................................................. — 5
1.4 Différents modèles d’évaluation de la performance ................................. — 6
1.5 Évaluer la performance du supply chain management ............................ — 6
1.6 Création de valeur et supply chain management ..................................... — 7
1.7 Synthèse ....................................................................................................... — 9
2. Liens entre meilleures pratiques supply chain et création
de valeur ..................................................................................................... — 9
2.1 Mise en place des meilleures pratiques ..................................................... — 9
2.2 Indicateurs de performance supply chain .................................................. — 10
2.3 Création de valeur actionnaire (financière)................................................ — 11
2.4 Création de valeur commerciale ................................................................. — 11
2.5 Performance supply chain et création de valeur ....................................... — 11
3. Choix des modèles d’évaluation de la performance
supply chain management ..................................................................... — 12
3.1 Différents modèles d’évaluation de la performance
supply chain management .......................................................................... — 12
3.2 Bilan .............................................................................................................. — 17
3.3 Grille de synthèse des modèles étudiés .................................................... — 18
4. Conclusion.................................................................................................. — 20
Pour en savoir plus ........................................................................................... . Doc. AG 5 170

es entreprises définissent leurs nouvelles organisations internes, ou


L externes, en utilisant des modèles d’organisation issus, soit de l’expérience
des managers (modèles empiriques), soit de concepts et démarches déjà
définis (modèles de référence). Les modèles de référence sont des outils d’ana-
lyse, ou de création de processus, qui proposent au manager la mise en place
de « meilleures pratiques » dont la particularité est d’être différentes suivant
les modes de gestion de chaque entreprise.
Les « meilleures pratiques » du supply chain management cherchent à améliorer :
– la collaboration entre chaque entreprise qui se traduit, notamment, par :
• la mise en place d’outils de gestion communs (gestion partagée des
approvisionnements, management collaboratif des prévisions...),
• l’utilisation de nouvelles technologies d’informations interentreprise
(échange informatisé de données par internet, par radiofréquence...),
• le partage d’expérience en conception, comme en industrialisation, etc ;
– la performance de l’entreprise et, plus globalement, du réseau d’entre-
prises qui constitue la chaîne de valeur.
La notion de performance s’appuie sur la modélisation systémique et le
supply chain management s’inscrit dans une approche système où chaque
sous-élément du système concourt à une optimisation globale. La performance
se situe dans une vision large associée à la notion de création de valeur pour
Parution : avril 2011

l’entreprise et les parties prenantes (actionnaires, clients...).

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MODÈLES D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE SUPPLY CHAIN ______________________________________________________________________________

1. Modélisation du supply Encadré 1 – Diverses définitions du supply chain


chain management management

• « Le supply chain management concerne l’ensemble des


flux de matières depuis les fournisseurs jusqu’aux utilisateurs
1.1 Supply chain management finaux... » [4].
Historiquement, la gestion des flux d’une organisation a surtout • « Le supply chain management a pour but de synchroni-
considéré les activités internes de l’entreprise, l’objectif étant de ser les besoins du client et le flux des matières provenant des
piloter et optimiser la gestion des flux de : fournisseurs afin de parvenir à un équilibre entre des objectifs
– service de haut niveau, stock minimal et réduction des coûts
■ Matières, d’informations et d’argent de l’entreprise unitaires – souvent considérés comme contradictoires » [5].
Ce premier stade de prise en compte de la notion d’organisation • Le supply chain management stratégique comprend « ...
par les flux a été défini par le concept de logistique [2]. au moins deux entreprises d’une chaîne logistique qui passent
Il ne s’agissait plus de raisonner séparément sur les achats, la un contrat à long terme ; ... le développement de la confiance
planification de la production ou l’organisation de la distribution, et de l’engagement dans la relation ; ... l’intégration des activi-
mais d’avoir une vision globale des flux dans l’entreprise. tés logistiques avec partage des données relatives à la
demande et aux ventes ; ... la possibilité d’une évolution dans
La prise en compte des points de distribution et des usines de la localisation du contrôle du processus logistique » [6].
production dans le pilotage des flux a fait évoluer le concept de
logistique vers celui de logistique globale. • Le supply chain management est « ... une philosophie qui
tend vers une gestion intégrée de l’ensemble des flux d’un
Cela fut le début de la prise en compte de tous les maillons canal de distribution, du fournisseur à l’utilisateur final » [7].
d’une chaîne qui n’étaient plus alors considérés comme indépen-
dants les uns des autres, mais devaient apprendre à coordonner et • Le supply chain management est un concept « dont
à synchroniser leurs activités. l’objectif principal est d’intégrer et de gérer les achats, le flux
et le contrôle des matières dans l’ensemble des systèmes, au
travers de multiples fonctions et niveaux de fournisseurs » [8].
La supply chain (traduit en français par « chaîne logistique
globale ») est ainsi née de cette nécessité de coordonner les • « Le supply chain management est l’intégration des pro-
activités des différentes entreprises et leurs flux, depuis les cessus opérationnels clés depuis l’utilisateur final jusqu’aux
fournisseurs des fournisseurs, jusqu’au client final. fournisseurs originaux de produits, de services et d’infor-
mations qui apportent une valeur ajoutée aux clients et aux
autres parties prenantes » [1].
Les approches de type supply chain management sont définies
par « l’intégration des processus opérationnels clés depuis l’utilisa-
teur final jusqu’aux fournisseurs orginaux de produits, de services ■ Le supply chain management a donc pour objectif de manager
et d’informations qui apportent une valeur ajoutée aux clients et en cohérence les différents maillons d’une chaîne dont les finalités
aux autres parties prenantes » [1]. sont parfois contradictoires.
Les systèmes d’évaluation actuelle de la performance du supply Forrester avait mis en évidence la valeur intra-organisationnelle
chain management existants ont différentes caractéristiques. Cer- de la logistique :
tains sont tournés vers la création de valeur interne à l’entreprise,
d’autres vers la création de valeur pour l’ensemble de la chaîne « Le management est à la veille d’une avancée majeure dans la
(figure 1). compréhension du rôle que jouent, dans la réussite de l’entreprise,
les interactions entre les flux d’informations, de matières, de
La comparaison des différents modèles d’évaluation de la per- main-d’œuvre et de biens d’équipement. Comprendre la manière
formance supply chain permet d’aider les entreprises à choisir les dont ces quatre types de flux s’imbriquent créent des synergies
modèles adaptés à leur organisation, leur typologie et à leur mutuelles et induisent des changements et des fluctuations, per-
recherche de création de valeur. mettra d’anticiper les effets des décisions, des politiques, des
formes d’organisation et des choix d’investissement » (Forrester
1961) cité dans [3].
■ Dès les années 1990, le supply chain management a été consi-
déré comme une approche systémique considérant l’ensemble de
Créer de la valeur
la chaîne comme une entité unique, et non pas différents éléments
concourant chacun à sa propre finalité. En effet, Mentzer [3] a fait
une synthèse des différentes définitions du supply chain manage-
ment que nous considérons utile de rappeler dans l’encadré 1.
• De par sa définition, le supply chain management nécessite de
s’assurer des six paramètres suivantes [3] :
– étendre l’intégration des comportements aux clients et aux
fournisseurs ;
– partager mutuellement les informations entre les membres de
la chaîne logistique ;
• Évaluer • Mettre en place
– partager mutuellement risques et récompenses en créant un
les performances les meilleures pratiques avantage concurrentiel ;
• Supply Chain • Supply Chain – coopérer entre les partenaires avec des actions conjointes
management management dans le cadre de relations étroites ;
– partager un même objectif et une même volonté de servir les
clients ;
Figure 1 – Performance supply chain management et création – intégrer des processus de la chaîne, depuis les achats jusqu’à
de valeur la distribution en passant par la fabrication.

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______________________________________________________________________________ MODÈLES D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE SUPPLY CHAIN

• Cette nécessité de partage et d’intégration implique à son tour : • Les freins internes dans chaque structure sont aussi forts et
– une planification commune ; les pouvoirs des fonctions commerciales et achats ne favorisent
– le partage des bénéfices et des risques ; pas une mutualisation des ressources entre chaque acteur de la
– l’échange systématique des informations ; chaîne. Les dimensions économiques différentes de chacune des
– la constitution de passerelles entre les cultures des entreprises. entreprises sur la chaîne ne facilitent pas la création de cadres de
• Ce rapport équilibré nécessite une relation établie pour une réciprocité et d’échanges mutuels.
période relativement longue [10]. • Les freins techniques, liés à l’hétérogénéité des informations
Ces initiatives combinent des modifications stratégiques et échangées ou aux outils de gestion différents, nécessitent de
tactiques, nécessitant de réussir trois étapes essentielles : concevoir des systèmes d’échanges en commun.
– intégration interne : conception, achat, production, distri- L’avantage de développer des processus en commun est de cer-
bution, vente ; ner et de contrecarrer :
– intégration externe avec les partenaires de l’entreprise : four- – les lenteurs de transmission de l’information ;
nisseurs, fournisseurs des fournisseurs, clients, clients des clients ; – les activités sans valeur ajoutée ;
– développement d’un réseau flexible d’entreprises assurant une – les désoptimisations locales, etc.
importante réactivité au marché [9].
Cette vision élargie et globale sur toute la chaîne est un fac-
Ainsi, les entreprises qui conçoivent des organisations de teur important de réussite, dans le sens où elle permet d’amé-
supply chain créant de la valeur ont, dans la majorité des cas, liorer les performances de l’ensemble de l’organisation en
crée des processus en commun avec leurs clients. réseau des entreprises :
Cette notion de processus, conjointement développés par – meilleure mutualisation des ressources (stocks, transports,
les acteurs de la chaîne, est garante d’une synchronisation entrepôts...) ;
parfaite, mais aussi de l’échange mutuel d’informations, voire – rapidité de réponse aux clients ;
de ressources ([3] [10]). – dynamique d’élaboration en commun des produits et
services, etc.
■ La création de processus communs rencontre des difficultés,
notamment soulignées par Balmes [11] : « la longueur des proces-
■ Le supply chain management intègre l’approche interorganisa-
sus et la disparité de gestion sont telles qu’il est difficile de s’assu-
tionnelle des entreprises [12] et fait référence à la notion d’entre-
rer que le processus mis en place est suffisamment réactif par
prise étendue ou réseau d’entreprises (figure 2) [3].
rapport aux fluctuations de la demande ».
Lorsqu’on rassemble ces multiples aspects, le supply chain
L’implication de chaque acteur dans cette dynamique de syn-
management peut être défini comme la coordination systémique
chronisation et d’apport de valeur n’est pas simple à réaliser.
et stratégique des fonctions opérationnelles classiques à l’intérieur
• Les freins propres à chaque acteur de la chaîne sont
d’une même entreprise et entre des partenaires au sein de la
nombreux : non seulement les organisations ont des typologies
chaîne, dans le but d’améliorer la performance à long terme de
différentes, mais les compétences en organisation logistique ne
chaque entreprise membre et de l’ensemble de la chaîne [3].
sont pas les mêmes.

Chaîne logistique
Flux
logistiques
Environnement général

Coordination inter-entreprises

(Transfert fonctionnel, prestataires de services indépendants, gestion des relations, structures)


Produits
Marketing

Ventes Services
Coordination • Satisfaction du client
Recherche et développement • Valeur/Rentabilité
interfonctionnelle
Prévision Informations • Avantage
(Confiance, concurrentiel
Engagement, Production
Risque,
Dépendance, Achat Ressources
Comportements) financières
Logistique

Systèmes informatiques
Demande
Finance

Service client
Prévisions
Fournisseur Entreprise Client
Fournisseur Client
du fournisseur de convergence du client

Figure 2 – Approche interorganisationnelle

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MODÈLES D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE SUPPLY CHAIN ______________________________________________________________________________

On constate, à travers l’ensemble de ces définitions, que la sup- • Approche dynamique


ply chain est bien vue comme un ensemble de sous-systèmes Elle caractérise le fonctionnement et l’évolution du modèle. Elle
interagissant les uns avec les autres. Toutefois, au-delà de ces permet de décrire l’adaptation du système à la finalité définie.
définitions, il est important de savoir modéliser une supply chain
afin d’avoir un cadre conceptuel de référence permettant, d’une L’approche décrit :
part, de définir les meilleures pratiques de gestion à mettre en – la boucle de pilotage qui assure la collecte des informations ;
place et, d’autre part, d’évaluer la performance de celle-ci. – la mesure de l’écart entre l’existant et le résultat attendu ;
– la régulation par la définition de nouveaux paramètres [21].
Les différents outils de modélisation issus de l’analyse systé-
mique peuvent être adaptés au supply chain management. L’approche [18] est basée sur les concepts de :
– stocks (ressources humaines, matérielles et financières...) ;
– flux qui représentent le système ;
1.2 Modélisation supply chain – boucles de causalité et de rétroaction ;
– délai.
La modélisation des organisations s’appuie largement sur la
représentation des systèmes. En effet, celle-ci permet de mieux L’approche dynamique met l’accent sur les interactions des pro-
comprendre les interactions complexes entre les différents acteurs cessus sous la forme : « j’augmente le niveau de mes stocks afin
de l’organisation et avec son environnement. d’ajuster le flux des commandes clients ».

■ La modélisation fait appel aux réflexions sur les systèmes Exemple


menées par Forrester et Le Moigne. Le jeu du Beer Game développé par le MIT [15] est une bonne
illustration de la prise en compte de l’approche dynamique et,
• « Le système est un ensemble d’éléments en relation dont les
notamment, de l’impact du délai de transmission d’informations dans
interactions font émerger de nouvelles propriétés qui ne figurent
la chaîne de décision.
pas dans les éléments eux-mêmes » [13].
• « Le système est un objet qui, dans un environnement doté de ■ À chacune de ces approches correspondent des modélisations
finalité, exerce une activité et voit sa structure interne évoluer au spécifiques de l’organisation :
cours du temps, sans qu’il perde pourtant son identité unique » [14]. • Approches fonctionnelles et informationnelles
• « Le système est un processus de rétroaction ayant une struc- Basées sur une approche structurée le plus souvent de manière
ture spécifique et ordonnée » [15]. hiérarchique, elles s’appuient sur un formalisme graphique [22] :
– SADT (Structure Analysis and Design Technic ) [23] ;
• « Un système est un ensemble d’éléments qui concourent – SA (Structured Analysis ), SA-RT (Structured Analysis on Real
à une même finalité, en interactions les uns avec les autres et Time ) [24] ;
avec l'environnement ». – MERISE (Méthode d’analyse, de conception et de réalisation de
système d’information) [25] ;
■ Plusieurs auteurs ont développé différentes approches de – UML (Unified Modeling Language ) [S 8 070] ;
modélisation des systèmes, sachant qu’un modèle d’organisation – CIMOSA (Computer Integrated Manufacturing Open System
« a pour objectif de formaliser tout ou partie de l’entreprise dans le Architecture) [26] ;
but de comprendre, ou d’expliquer, une situation existante ou pour – GRAI (Graphe à Résultats et Activités Interreliés) [27] ;
réaliser, puis valider, un projet conçu » ([16] [17]). – PERA (Purdue Enterprise Reference Architecture ) [28] ;
On peut retenir l’existence de trois approches de modélisation – UEML (Unified Enterprise Modeling Language ) [29] ;
distinctives : – OLYMPIOS (Modèle de conception du système
d’information) [30] ;
• Approche fonctionnelle – SCOR (Supply Chain Operation Model ) [19].
Elle décrit les fonctions remplies par le système c’est essentiel- • Approche dynamique
lement une description statique du système et se fait par sa
décomposition en éléments, ou processus, le plus souvent sous Elle s’appuie sur d’autres outils qui décrivent les relations dans
une décomposition hiérarchique. le temps des actions du système, par exemple :
Cette approche décrit donc de manière descendante les organi- – GRAFCET ;
sations en processus en interaction et peut être décrite par le para- – stateCharts ;
digme systémique [13] : – GEMMA ;
– réseau de Petri ;
– finalité, précisant le pourquoi de l’existence du système ; – graphe de Markov ;
– environnement ; – simulation [24].
– valeurs du système ;
– vision organisationnelle ; Les définitions issus de la modélisation systémique corres-
– éléments opérationnels aux chaînes de valeur ; pondent bien à la définition du supply chain management et
– éléments structurels, ressources nécessaires à la chaîne de mettent l’accent sur la nécessité de gérer un ensemble d’éléments
valeur [18]. interagissant entre eux et porté par un système de finalités.
L’approche de modélisation des systèmes est applicable à la
Exemple modélisation de la supply chain et les deux catégories d’approches
La modélisation par le modèle supply chain SCOR [19] est issue de systémiques fonctionnelles et dynamiques peuvent être utilisées.
cette approche de modélisation par processus et met l’accent sur les Toutefois, les outils de modélisation de la supply chain doivent,
processus « action » : « je réalise les prévisions », « j’élabore un plan non seulement intégrer les processus de chacune des entreprises
de production ». d’un réseau, mais aussi plus particulièrement les processus
d’échanges entre chaque acteur de la chaîne.
• Approche informationnelle L’approche utilisée ici est basée sur la modélisation fonction-
Elle décrit les données et informations échangées dans le sys- nelle afin de modéliser les processus de la supply chain qui sont
tème. En effet, pour contrôler une action finalisée, la circulation de les « briques » de base de l’organisation (concevoir, financer, ache-
l’information nécessaire à ce contrôle doit former une boucle fer- ter, produire...). Ces processus sont, en effet, associés au cycle de
mée permettant d’évaluer les effets de ces actions, cela correspond vie du produit, depuis la mise en œuvre de l’idée d’un produit,
à la boucle de rétroaction et l’émergence de la cybernétique [20]. jusqu’à sa vente au client..

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______________________________________________________________________________ MODÈLES D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE SUPPLY CHAIN

À chaque outil de modélisation est associé un ensemble Contraintes Perturbations


ordonné de manière logique de principes, de règles, et d’étapes
permettant de parvenir à un résultat exploitable. Cet ensemble Consigne
est appelé « méthode associée à l’outil de modélisation ».
Commande
Certains modèles fonctionnent avec des règles expérimen- Pilote Système
tales, et d’autres avec des règles plus conceptuelles.
Mesure
La littérature prend en considération les notions de performance
et de création de la valeur en les associant à ces approches de Figure 3 – Modèle de pilotage et de mesure
modélisation.

dés dans une logique plus globale que la seule appréciation de la


1.3 Performance et création de valeur rentabilité pour l’entreprise ou pour l’actionnaire ». Il expose, en
■ La performance est définie suivant différents auteurs avec des effet, que la performance doit être appréhendée en fonction de :
caractéristiques différentes, selon Mathe [31] et Gilmour [32], la – la stratégie globale de l’entreprise et de son interaction avec
performance est considérée comme étant une notion complexe son milieu (performance concurrentielle) ;
dont, l’efficacité, l’efficience, et l’effectivité, constituent trois princi- – sa structure organisationnelle qui doit être adaptée à l’évo-
paux critères d’évaluation : lution sociale et économique de l’entreprise ;
– efficacité : rapport entre les résultats atteints par un système et – son rendement et sa rentabilité financière.
les objectifs visés [33]. Pour Longeaux [34], l’efficacité est le ■ L’analyse systémique propose un modèle d’évaluation de la per-
meilleur rapport possible entre le degré de satisfaction des clients formance issu du modèle de pilotage basé sur la commande par
et les moyens mis en œuvre pour l’obtenir ; des leviers d’actions avec des consignes ou objectifs (figure 3) [21]
– efficience : rapport entre l’effort et les moyens totaux déployés [39].
dans une activité, d’une part, et l’utilité réelle que les gens en tirent
sous forme de valeur d’usage, d’autre part. C’est le degré • La performance d’un système est ainsi définie par sa :
d’atteinte des objectifs fixés à moindre coût ; – caractéristique qui qualifie et/ou quantifie le résultat de l’enga-
– effectivité : degré d’atteinte des objectifs fixés à moindre coût, gement du système [21] ;
tout en améliorant la satisfaction et la motivation des membres de – capacité à atteindre les objectifs fixés, exprimés en termes
l’organisation. Le concept d’effectivité est fortement lié à la satis- d’efficacité socio-économique, qualité de service et efficience de
faction vis-à-vis des résultats obtenus [35]. gestion ;
• Selon Lorino [36], si l’on admet que la performance de l’entre- – contribution à la création nette de valeur [40].
prise est fondamentalement d’essence économique, elle s’identifie • Il existe plusieurs types d’évaluation de la performance [41] :
à la création nette de richesse (création moins destruction), car
l’entreprise consomme des ressources (le temps des personnes, – évaluation a posteriori (figure 4) [41]. Suppose que le système
des capitaux, des matériaux, de l’espace, etc.) pour produire des ait déjà été conçu, l’objectif étant de le piloter par la performance
prestations. en comparant la mesure avec l’objectif défini. La comparaison per-
met de définir les actions à entreprendre dans le système ;
La performance apparaît donc comme un ratio, pas toujours – évaluation a priori. A pour objectif de concevoir le système,
mesurable, entre la valeur C des ressources détruites (les « coûts » puis de prévoir son comportement, en utilisant souvent des outils
liés au fonctionnement de l’entreprise) et la valeur V des pres- de simulation pour analyser la performance.
tations obtenues.
• Selon Bescos Mendoza [37] le concept de la performance se ■ La mesure de la performance s’effectue avec des indicateurs
résume dans les deux dimensions suivantes : dont les définitions varient suivant les auteurs :
– ce qui est performant dans une entreprise est tout ce qui • Pour Lorino : « Un indicateur de performance est une infor-
contribue à améliorer le couple valeur/coût ; mation devant aider une action, individuelle ou plus généralement
– ce qui est performant dans une entreprise est également ce qui collective, à conduire le cours d’une action vers l’atteinte de
contribue à atteindre les objectifs stratégiques. l’objectif ou devant lui permettre d’en évaluer le résultat » [40].
• Pour Ravelomanantsoa : « Un indicateur de performance est
■ La performance repose sur les notions de valeur, de coût, et une donnée quantifiée qui mesure l’efficacité des variables de
d’actions stratégiques. Souvent la définition d’une entreprise per- décision par rapport à l’atteinte des objectifs définis au niveau de
formante se limite à la simple analyse de sa rentabilité financière. décision considéré dans le cadre des objectifs globaux de
• Selon Marmuse [38], la performance « revêt des aspects l’entreprise » [42].
multiples, sans doute convergents, mais qui méritent d’être abor-

Performances
Système réel Mesure

Actions
Objectifs
Interprétation

Modèle d'inducteurs

Figure 4 – Évaluation de la performance a posteriori

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est strictement interdite. – © Editions T.I. AG 5 170 – 5

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Mesurer la performance financière


de la Supply Chain
Modèle théorique
par David HUART
Responsable Supply Chain
Diplomé de l’Executive Master « Global Supply Chain Management » KEDGE
Business School
et Dominique ESTAMPE
Professeur Supply Chain Management KEDGE Business School

1. Analyse financière d’une entité – les principaux indicateurs..... AG 5 171 - 2


1.1 Profitabilité .................................................................................................. — 2
1.2 Solvabilité .................................................................................................... — 3
1.3 Rentabilité.................................................................................................... — 4
1.4 Création de valeur....................................................................................... — 4
1.5 Où trouver les données .............................................................................. — 5
2. Chaîne logistique globale ..................................................................... — 6
2.1 Définitions.................................................................................................... — 6
2.2 Gestion de la chaîne logistique globale .................................................... — 7
2.3 Processus..................................................................................................... — 9
2.4 Indicateurs de performance ....................................................................... — 9
2.5 Niveaux de maturité ................................................................................... — 13
3. Supply chain et performance financière .......................................... — 15
3.1 Profitabilité .................................................................................................. — 15
3.2 Rentabilité.................................................................................................... — 15
3.3 Liquidités ..................................................................................................... — 16
3.4 Création de valeur....................................................................................... — 18
4. Leviers supply chain d’amélioration de la performance
financière................................................................................................... — 22
4.1 Réduction des coûts opérationnels ........................................................... — 22
4.2 Réduction des taxes (fiscalité) ................................................................... — 22
4.3 Réduction des stocks .................................................................................. — 22
4.4 Amélioration créances clients / dettes fournisseurs ................................ — 23
4.5 Amélioration des relations inter-organisationnelles................................ — 23
4.6 Réduction et optimisation des actifs ......................................................... — 26
4.7 Supply chain finance solutions.................................................................. — 26
4.8 Lean management ...................................................................................... — 27
5. Conclusion................................................................................................. — 27
6. Modèle de mesure de la performance financière de la supply
chain............................................................................................................ — 28
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AG 5 171

l existe de nombreuses méthodes pour mesurer la performance au sein de


I la supply chain mais peu s’intéressent à la performance de l’ensemble de la
supply chain (ou chaîne logistique globale) [AG 5 010].
Parution : août 2018

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MESURER LA PERFORMANCE FINANCIÈRE DE LA SUPPLY CHAIN ____________________________________________________________________________

La difficulté d’appréhender le concept de chaîne étendue, et surtout de son


pilotage, amène souvent les entreprises à se centrer sur leurs performances en
perdant de vue que leurs performances sont liées à celles des autres maillons
de la chaîne. Une autre difficulté est la réticence des acteurs d’une chaîne
logistique globale à partager les informations. Les mesures s’arrêtent donc
souvent aux clients et fournisseurs de rang 1, mais ne reportent pas la perfor-
mance de la chaîne logistique globale.
Quelle approche doit-on avoir pour mesurer la performance financière d’une
supply chain ? Doit-on évaluer la création de valeur pour les actionnaires des
firmes impliquées dans la supply chain séparément ou collectivement ? Doit-
on prendre en compte seulement les capitaux investis par l’entreprise consi-
dérée ou également ceux investis par les partenaires ?
De nombreux auteurs établissent un lien entre le supply chain management
(SCM) et la performance financière d’une organisation sans vraiment le
démontrer.
Cela montre que la difficulté à évaluer l’efficacité et l’efficience d’une supply
chain demeure toujours d’actualité.
L’objet de cet article est d’apporter une réflexion sur la mesure de la perfor-
mance financière de la chaîne logistique globale.
Les notions de bases d’analyse financière d’une organisation sont abordées,
puis la chaîne logistique globale et son mode de gestion sont explicités. Ceci
afin de lier la performance financière et la supply chain. Enfin, un ensemble de
leviers permettant d’améliorer la performance financière d’une supply chain
est proposé. Un modèle de mesure de performance financière d’une chaîne
logistique globale est décrit en mettant l’accent sur sa mise en œuvre.

1. Analyse financière diminuera la production de l’exercice, que l’on cherche bien-sûr à


maximiser.
d’une entité – La situation est donc paradoxale : le supply chain manager a
les principaux indicateurs réduit ses stocks mais cela pénalise le compte de résultats, et
nous le verrons ultérieurement, améliore le besoin en fond de
roulement.
Les indicateurs principalement utilisés pour évaluer la perfor-
mance financière peuvent être rapprochés des composantes de la ■ La valeur ajoutée = marge commerciale + production de l’exer-
supply chain. cice – consommation en provenance des tiers.
Il est nécessaire de pouvoir différencier 4 types de perfor-
mances [1] : La marge commerciale correspond aux activités de négoce. Elle
est égale aux ventes des marchandises vendues – coût d’achat
– la profitabilité, c’est-à-dire la capacité à générer des profits ; + marchandises stockées (stock final – stock initial).
– la solvabilité, c’est-à-dire la capacité à honorer ses dettes à
court (moins d’un an) et long terme ; La valeur ajoutée donne la richesse brute générée par l’entre-
– la rentabilité, c’est-à-dire la capacité à utiliser au mieux les res- prise et qui va servir à rémunérer :
sources ;
– l’EVA (Economic Value Added), qui fait référence à la création – le personnel (les salaires) ;
de valeur pour l’actionnaire. – l’état (les cotisations et les impôts) ;
– les actionnaires (dividendes).
1.1 Profitabilité Les coûts logistiques externalisés sont pris en compte dans la
valeur ajoutée, par exemple :
La profitabilité est le résultat de l’ensemble des produits moins
l’ensemble des charges sur une période donnée. Elle est formali- – les coûts de transport ;
sée dans des documents comptables tels que le compte de résul-
tats ou les soldes intermédiaires de gestion (SIG). – les coûts de stockage ;
Les différentes marges détaillées par les SIG peuvent être syn- – les coûts de prestations informatiques…
thétisées dans le graphique de la figure 1 [1].
■ L’Excédent Brut d’Exploitation = VA + subventions d’exploita-
■ La production de l’exercice = production vendue + production tions – impôts et taxes – salaires et traitements – charges sociales.
stockée (stock final – stock initial) + production immobilisée.
Il est intéressant de noter que si le stock final est plus bas que le ■ Le Résultat d’Exploitation = EBE – dotations aux amortisse-
stock initial, alors la production stockée sera négative et donc ments, dépréciations, provisions + Reprises de dépréciations, pro-

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_____________________________________________________________________________ MESURER LA PERFORMANCE FINANCIÈRE DE LA SUPPLY CHAIN

Soldes intermédiaires de gestion

Ce schéma explique le calcul du résultat net à partir du chiffre d’affaires. On peut voir ainsi
que la rentabilité commerciale (RN/CA) est dépendante des différents soldes intermédiaires
de gestion (VA, EBE, RE).

Achats fournisseurs
consommés

Production
de l’exercice
Impôts et taxes
Charges de personnel
Valeur ajoutée

Amortissements
et provisions Résultat financier
Résultat exceptionnel
Participation
Impôts
EBE sur les bénéfices
ou
EBITDA
RE
ou
EBIT RN

Valeur ajoutée Excédent brut Résultat


Résultat net
comptable d’exploitation d’exploitation

Figure 1 – Soldes intermédiaires de gestion

visions + Autres produits de gestion courante – Autres charges de ■ Le haut de bilan


gestion courante
À l’actif, il représente les biens que l’entreprise possèdent,
Les amortissements suite à l’investissement dans, par exemple, l’outil de production au sens large, tels que les bâtiments, les
des entrepôts ou des camions, apparaîtront dans le résultat d’exploi- machines, les camions, les entrepôts pour les immobilisations
tation. Ainsi, une entreprise qui a une très forte externalisation des corporelles et les brevets par exemple pour les immobilisations
activités logistiques impactera sa valeur ajoutée mais peu son résultat incorporelles.
d’exploitation.
Au passif figurent les capitaux permanents tels que les capitaux
A contrario, une entreprise qui a décidé d’investir dans sa struc- propres et les dettes à long terme.
ture logistique aura une valeur ajoutée élevée mais verra son compte
de résultat diminué par les amortissements.

■ Le Résultat Net = RE + résultat financier + résultat exceptionnel Tableau 1 – Structure simplifiée d’un bilan
– participation des salariés – impôts sur les sociétés. comptable – Élaboration personnelle

ACTIFS IMMOBILISÉS CAPITAUX PROPRES


1.2 Solvabilité • Immobilisation incorporelle PASSIF IMMOBILISÉ
• Immobilisation corporelle Dettes Long Terme (> 1 an)
L’analyse de la solvabilité consiste à analyser comment une • Autres actifs
entité finance son activité.
ACTIFS CIRCULANTS PASSIF COURANT
Ainsi, il est important de présenter la structure du bilan comp-
• Caisse • Dettes Fournisseurs
table (Voir tableau 1). Ce document synthétise ce que possède
• Stock • Autres dettes
une société (les actifs) et comment elles les financent (les passifs)
• Créances Clients • Charges constatées d’avance
à un instant t. Les actifs et les passifs doivent être égaux.
Le bilan se décompose en 2 parties : le « haut de bilan » et le TOTAL ACTIF TOTAL PASSIF
« bas de bilan ».

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Un haut de bilan équilibré signifie que les actifs immobilisés 1.3 Rentabilité
soient financés par des capitaux stables.
La rentabilité fait référence à la notion d’efficience, c’est-à-dire
quel est le résultat obtenu avec quel niveau de ressource.
Indicateur de solvabilité « haut de bilan » : le Fond de Roule-
ment (FDR) ■ 2 ratios de rentabilité
Le Fond de Roulement (FDR) représente la différence entre Nous décidons de nous concentrer sur 2 ratios de rentabilité :
les capitaux permanents et les actifs immobilisés. Il sert donc à • Le CLR (Return On Equity ou Retour sur Capitaux Propres),
financer les actifs immobilisés et va servir à financer une partie c’est-à-dire la rentabilité financière puisqu’elle intéresse les
des actifs circulants tels que les stocks. apporteurs de fonds qui ont besoin de savoir combien leur
Il est donc nécessaire d’analyser l’impact d’un investissement investissement leur rapporte.
sur le FDR : le FDR est-il suffisant ?
Si non, comment augmente-t-on les capitaux permanents
(augmentation des capitaux propres ou dettes à long terme) ? • Le ROA (Return on Assets ou Retour sur Actifs), c’est-à-dire la
rentabilité économique dans le sens où elle mesure la capa-
cité de l’entreprise à utiliser de manière optimale l’outil
■ Le bas de bilan : industriel.
Le bas de bilan synthétise la capacité de l’entreprise à honorer
ses dettes à court terme, on parle d’« analyse du niveau de liqui-
dité de l’entreprise ». Nous choisissons ces 2 ratios car :
– ils permettent de mesurer la performance à la fois économique
et financière de l’entreprise ;
Indicateur de solvabilité « bas de bilan » : le Besoin en Fond
– leurs composantes liées à des inducteurs opérationnels dans
de Roulement (BFR)
lesquelles la Supply Chain est fortement impliquée [2] ;
Le BFR représente le besoin en financement pour fonctionner – ce sont les ratios les plus cités dans la littérature qui traite de
au quotidien. la performance financière de la Supply Chain ([2], [3], [4]).
Il est calculé de la manière suivante : BFR = Créances Clients On retrouve souvent dans la littérature une décomposition du
+ Stocks – Dettes Fournisseurs. ROE selon le modèle de Dupont qui consiste à le décomposer en
2 voire 3 ratios [1] :

Ce besoin de financement consomme du « cash » et doit être le


plus bas possible, voire négatif. En effet, dans le cas de la grande
distribution où les clients paient souvent comptant, les stocks sont
faibles et les délais de paiement fournisseurs sont longs, le BFR On identifie ainsi :
peut être négatif.
– la rentabilité commerciale :  ;
À l’inverse, dans les secteurs industriels, fonctionnant souvent
en BtoB, le BFR est plutôt positif.
– la rotation des actifs :  ;
De par sa définition, on voit immédiatement l’importance du
rôle de la Supply Chain dans le niveau du BFR. – le taux d’endettement ou levier financier :
■ Trésorerie nette
Du Fond de roulement et du Besoin en Fond de Roulement, on
en déduit la Trésorerie Nette :
On identifie ainsi :
Trésorerie Nette = Fond de Roulement – Besoin en Fond de – le ROA :
Roulement. Elle représente l’argent disponible à court terme à
un instant t, on peut d’ailleurs la calculer comme suit : Trésore- – le taux d’endettement ou le levier financier :
rie Nette = Disponibilités – Dettes financières à court terme.

C’est un indicateur essentiel pour mesurer la santé financière de Le modèle de Dupont [5] est souvent représenté graphiquement
l’entreprise. Il doit être évidemment positif, un levier d’améliora- afin de visualiser les leviers de chaque ratio.
tion est la baisse du BFR ; on retrouve le rôle important de la Sup- Nous verrons dans une prochaine partie que la supply chain
ply Chain dans la performance financière de l’entreprise. contribue au niveau de performance de ces leviers et donc du
Pour obtenir un état de la trésorerie sur une période donnée, on ROE (figure 2).
parle de Cash-Flow ou Flux de Trésorerie. Sa formule de calcul est
la suivante :
1.4 Création de valeur
Cash-flow = résultat net + dotations nettes aux amortissements
et aux provisions – plus-values de cession d’actifs + moins-values Il existe de nombreuses façons de définir la création de valeur
de cession d’actifs – variation du besoin en fonds de roulement. pour une entité, que ce soit pour une entreprise ou pour une
En synthèse, le Cash-Flow est la capacité d’une société à géné- chaîne logistique globale [7].
rer de la liquidité. La Supply Chain étant un contributeur direct au Si on se focalise sur la création de valeur financière, alors on
Résultat Net et au BFR, sa performance impacte significativement fait référence à la valeur pour l’actionnaire. Elle peut être mesurée
le niveau de Cash-Flow. de 2 façons :

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Ventes

Résultat brut –
Route du Nord – Coût des produits
vendus
Résultat net Charges totales


Marge bénéficiaire ÷
Impôts
Ventes

Rendement
Rendement
des capitaux = Levier financier × des actifs
×
propres
Stocks

Ventes
+
Rotation des actifs ÷ Actifs circulants Créances client

+
Total des actifs +
Autres actifs
Route du Sud Actifs
immobilisés

Figure 2 – Décomposition du modèle de Dupont

– Mesure interne = Economic Value Added (EVA) (figure 3 [6]). orbis.bvdinfo.com dont la base de données est constituée d’entre-
Même si les ratios de profitabilité, rentabilité et solvabilité sont prises du monde entier.
bons, une entreprise ne crée de la valeur que si ces profits sont La performance financière d’une organisation se mesure princi-
supérieurs au coût du capital qu’elle utilise ([2] [4]) donc l’EVA se palement à travers 4 postes. La profitabilité renvoie aux diffé-
mesure ainsi : rentes marges et au chiffre d’affaires de l’organisation.
Les indicateurs les plus suivis sont l’évolution du chiffre
d’affaires, l’EBIT, l’EBITDA et la rentabilité commerciale (Résultat
Net / Chiffre d’affaires).
Le Coût Moyen Pondéré du Capital (CMPC) est un taux défini, La structure financière de l’entité est donnée par le bilan dont le
d’une part, par le taux de rentabilité attendu par les bailleurs de Fond de Roulement et le Besoin en Fond de Roulement sont des
fonds et, d’autre part, par le taux d’intérêt des prêteurs de fonds indicateurs qui sont souvent cités dans la littérature.
telles que les banques ou les fonds d’investissements.
Il existe de nombreux indicateurs de rentabilité financière
Mesure externe = Market Value Added (MVA), c’est à dire la comme :
création de valeur sur les marchés financiers. L’objectif étant que
– le Return On Capital Employed (ROCE) ;
le rendement des actions des actionnaires soit supérieur à celui
qu’ils pourraient eux-mêmes gagner en investissant dans d’autres – le ROI (Return On Investment) ;
actifs ayant la même quantité de risques [8]. – le ROE ;
– le ROA.
Ce sont sur ces deux dernières mesures que nous nous concen-
trerons. Enfin, de plus en plus d’entreprises mesurent l’EVA qui
permet de vérifier si l’entreprise génère plus d’argent qu’elle n’en
1.5 Où trouver les données consomme réellement.
La difficulté avec l’EVA est qu’elle fait appel à la notion de Coût
Les données comptables sont disponibles dans les comptes de Moyen Pondéré du Capital (CMPC) qui ne figure pas dans les
résultats, les bilans et les liasses fiscales, déposés auprès des tri- documents comptables. Il est donc difficile de comparer cet indi-
bunaux de commerce. Il est possible d’y accéder également via cateur entre entreprises (benchmark).
des sites internet spécialisés.
Mesurer la performance financière d’une organisation revient
Nous citerons http://www3.scores-decisions.com/, qui fournit souvent à mesurer les résultats d’une entreprise. L’enjeu de la
des informations pour les entreprises françaises, et https:// mesure de la performance de la supply chain consiste à traiter,

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Produits
Chiffre d’affaires
et services

RNE –
Achats

Charges Charges
de personnel
VEA
– Charges externes

Actif immobilisé

Capital +
Charge de capital ×
BFR
CPMC

Figure 3 – Décomposition de l’EVA

non pas une entreprise de manière individuelle, mais une chaîne des conséquences directes sur la performance financière de
logistique globale, que nous allons désormais définir et qualifier. cette dernière.

• L’offre des prestataires de services logistiques ne se limitent


plus à des opérations d’entreposage ou de transport sur cer-
2. Chaîne logistique globale tains flux de la chaîne logistique. Ils peuvent désormais pro-
poser des prestations, telles que l’ingénierie transport et
douanière ou le pilotage des stocks, sur l’ensemble de la
chaîne donc ils font partie intégrante de la chaîne logistique.
2.1 Définitions
La chaîne logistique globale se présente comme un système Nous retiendrons donc comme définition de la chaîne logis-
de : tique globale : un groupe d’au moins trois entités directement
– fournisseurs ; impliquées dans les flux amont et aval de produits, services,
– producteurs ; finances et/ou information, qui vont d’une source jusqu’à un
– sous-traitants ; client final (adapté de [11]).
– distributeurs ;
– détaillants ;
– clients (les acteurs – figure 4, p. 36 de [4]). Cette définition est illustrée dans la figure 5 [11].
Entre chacun d’eux s’échangent des flux (les interfaces) maté-
riels de l’amont vers l’aval, des flux d’informations dans les deux Même si la représentation des prestataires est indispensable,
sens et des flux financiers de l’aval vers l’amont [9]. notamment pour voir clairement les opportunités de mutualisa-
tion, nous les considérons comme des acteurs indirects, tant qu’il
Cette définition fait d’ailleurs plus référence à un réseau qu’à n’y pas de contrat achat-vente des produits (matières premières,
une chaîne, ce qui correspond mieux à la réalité, et nous décrirons semi-finis ou finis) entre eux et un des fournisseurs ou clients de
donc une chaîne logistique comme un élément constitutif du rang n de la chaîne logistique.
réseau logistique d’une entreprise pivot [9].
Comme le montre la figure 4, les limites d’une chaîne logistique À ce titre, ils ne seront pas inclus dans la mesure de la perfor-
ne sont pas clairement définies. Elles peuvent très bien se limiter mance financière de la supply chain.
à l’entreprise pivot et un fournisseur ou un client [10] ou bien aller
de l’extrémité amont à l’extrémité aval. Par exemple, si un prestataire logistique fait une prestation de
D’autre part, même si c’est moins le cas depuis une dizaine stockage pour le fournisseur de rang 1, alors c’est un acteur indirect.
d’années, deux types d’acteurs manquent très souvent dans la Par contre si le client de rang 1 vend ces produits à un prestataire
définition de la chaîne logistique, il s’agit : logistique qui, lui-même le revend à un distributeur ou à des détail-
– des partenaires financiers comme les banques ; lants, alors il est un acteur direct.
– des prestataires de services.
• En effet, les flux financiers ne s’arrêtent pas à des paiements Mesurer la performance financière de la chaîne logistique glo-
directs entre fournisseurs et clients. Ces paiements peuvent bale revient à considérer la performance des acteurs directs et de
transiter par des banques ou des plateformes de service, et leurs interfaces, c’est-à-dire s’intéresser à la gestion de la supply
ces organismes peuvent financer la chaîne logistique, d’où chain.

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S3 C3

S3 S2 C2
C3
S4 S2
C1
S1 C2
Customer
S3 S2 Supplier C3

C2
S3 S1 Focal C3
Supplier Company
S3 C1
C2
Customer
S2
S1 C2 C3
S3 Supplier
S2 C1
S4 Customer C3
S3
S2
C2
S3 S2
S3 C2 C3

Réseau logistique

Chaîne logistique

Figure 4 – Les acteurs d’un réseau logistique et d’une chaîne logistique globale

PRESTATAIRE DE SERVICES
LOGISTIQUES

DERNIER CLIENT
FOURNISSEUR ENTREPRISE CLIENT
FOURNISSEUR FINAL

PRESTATAIRE SOCIÉTÉS
DE SERVICES FINANCIERS D’ÉTUDES DE MARCHÉ

Figure 5 – Une chaîne logistique globale

2.2 Gestion de la chaîne logistique On remarque tout de même que le périmètre s’est ouvert à par-
tir de la fin des années 1990. Malgré tout, Fabbe-Costes [7] conclut
globale qu’il n’y a pas de définition précise du Supply Chain Management
(SCM).
Tout comme il existe plusieurs niveaux de chaîne logistique
(directe, élargie, globale), la définition de la gestion de la chaîne ■ Plusieurs définitions
logistique est à géométrie variable selon le périmètre traité par les
Ceci dit il nous semble intéressant de citer quelques définitions.
auteurs [7].
• En 1998, le CLM (Council of Logistics Management) devenu
■ Quatre catégories d’approche le CSCMP (Council of Supply Chain Management Profession-
Elle définit quatre catégories d’approche : nals) définit le Supply Chain Management de la manière sui-
– locale fermée, focalisée sur l’entreprise ; vante et marque la différence entre logistique et supply chain
– locale ouverte, focalisée sur l’entreprise et ses fournisseurs et management :
clients de rang 1 ; « La Logistique est la partie du processus qui planifie, met en
– globale : du premier fournisseur au client final ; œuvre et contrôle la circulation et le stockage dans des conditions
– globale étendue : prend en compte le sociétale. optimum d’efficacité et de rentabilité, des produits, des services et

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Mesurer la performance financière


de la supply chain
Cas pratique
par David HUART
Responsable Supply Chain
Diplomé de l’Executive Master « Global Supply Chain Management » KEDGE Business
School
et Dominique ESTAMPE
Professeur Supply Chain Management KEDGE Business School

1. Avant propos ............................................................................................ AG 5 173 - 2


1.1 Le Groupe Reactivas ................................................................................... — 2
1.2 Méthode et périmètre de l’étude ............................................................... — 2
2. Approche par les supply chains centrées sur les entités
Reactivas.................................................................................................... — 3
2.1 Taux de résultat net .................................................................................... — 3
2.2 Stocks........................................................................................................... — 6
2.3 Taux de rotation des actifs ......................................................................... — 8
2.4 Taux d’endettement.................................................................................... — 11
2.5 Cycle d’exploitation .................................................................................... — 11
2.6 Cohérence DSO/DPO .................................................................................. — 13
3. Synthèse et conclusion ......................................................................... — 19
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. AG 5 173

l existe de nombreuses méthodes pour mesurer la performance au sein de


I la supply chain, mais peu s’intéressent à la performance de l’ensemble de la
supply chain (ou chaîne logistique globale) [AG 5 010].
La difficulté d’appréhender le concept de chaîne étendue, et surtout de son
pilotage, amène souvent les entreprises à se centrer sur leurs performances en
perdant de vue que leurs performances sont liées à celles des autres maillons
de la chaîne. Une autre difficulté est la réticence des acteurs d’une chaîne
logistique globale à partager les informations.
Les mesures s’arrêtent donc souvent aux clients et fournisseurs de rang 1,
mais ne reportent pas la performance de la chaîne logistique globale.
Quelle approche doit-on avoir pour mesurer la performance financière d’une
supply chain ? Doit-on évaluer la création de valeur pour les actionnaires des
firmes impliquées dans la supply chain séparément ou collectivement ? Doit-
on prendre en compte seulement les capitaux investis par l’entreprise consi-
dérée ou également ceux investis par les partenaires ?
Nous avons présenté en [AG 5 171] un modèle de mesure de la performance
financière d’une chaîne logistique globale. Il est basé sur la mesure de 6 critères
de performance de l’ensemble de la chaîne logistique. Cet article est une applica-
tion pratique du modèle théorique à travers le Groupe automobile Reactivas.
Après avoir identifié un ensemble de chaînes logistiques, les différents indica-
teurs de performance de chaque chaîne seront mesurés, comparés et analysés
Parution : septembre 2018

afin d’obtenir un benchmark pour chaque indicateur. Une synthèse de l’ensemble


des mesures permettra d’identifier les chaînes les plus performantes, c’est-à-dire
les leviers d’amélioration pour l’ensemble du Groupe Réactivas.

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1. Avant propos Le groupe possède 23 usines réparties dans plusieurs pays,


ainsi qu’un centre technique basé à Strasbourg. Au total,
6 000 collaborateurs travaillent pour Reactivas.
Cet article présente une analyse de la performance financière de
la supply chain globale d’un groupe automobile. Son portefeuille client est très diversifié, il fournit tous les
grands constructeurs automobiles.
Tous les noms des sociétés présentées dans cet article sont pure-
ment fictifs, mais nous informons le lecteur que chaque supply chain En 2016, le Groupe Reactivas a réalisé 900 millions d’euros de
et chaque donnée financière sont basées sur des organisations, des chiffre d’affaires.
chaînes logistiques, des comptes de résultats et des bilans bien réels.

1.2 Méthode et périmètre de l’étude


1.1 Le Groupe Reactivas
Pour chaque usine, nous allons déterminer la performance
Le Groupe Reactivas est un équipementier automobile français de
financière de sa chaîne logistique globale, définie dans la figure 1.
rang 1 fondé en 1872. Il propose des solutions de garnissage et
d’insonorisations. L’offre « produit » est basée sur quatre familles : À la base, l’étude porte sur l’ensemble des usines du Groupe.
– l’habitacle ; La difficulté à obtenir les informations financières pour certaines
– le coffre ; d’entre elles, ainsi que pour certains partenaires (en rouge), a res-
– le moteur ; treint le périmètre à 11 usines dont vous trouverez à la figure 2 le
– les soubassements. détail des chaînes logistiques globales (en vert).

Usine
Distributeur Usine
Usine fournisseur
client cliente
Reactivas Rang 2
principal principale
principale

Figure 1 – Chaîne logistique globale centrée sur les entités Reactivas – Élaboration personnelle

FOURNISSEUR USINE CONSTRUCTEUR DISTRIBUTEUR


RANG2 REACTIVAST
CHEMIMEX REACTIMEX JAPCAR MEX JAPCAR RETAIL

REACTINA
REACTINA REACTIAISNE GRIFFAUTO RHONE GRIFFAUTO RETAIL
PETROINDUS REACTIOUEST GRIFFAUTO OUEST GRIFFAUTO RETAIL
OPTISOL REACTINORD GRIFFAUTO NORD GRIFFAUTO RETAIL

FELTIS REACTINORD AIRMOTOR NORD AIRMOTOR RETAIL


BIGPRO REACTIEST GRIFFAUTO EST GRIFFAUTO RETAIL

REACTICANG

REACTIYANG

BESTFLOOR REACTICAST AIRMOTOR ESPAGNE AIRMOTOR RETAIL


PLASTLOGIC REACTIGAL GRIFFAUTO PORTO GRIFFAUTO RETAIL

REACTICAT
CONTRACT REACTIROC AIRMOTOR TUNISIE AIRMOTOR RETAIL TUNISIE
ELECA REACTIlLUB AIRMOTOR MOLDAVIE AIRMOTOR RETAIL

FRYTENE REACTIDEUTSCH LUXTOP


REACTIRUS

BACHIMIE REACTISLOVAK GRIFFAUTO SLOVAQUIE GRIFFAUTO RETAIL


REACTI ARGE
REACTIBRAZ

REACTIBRAZ
ABFIELD REACTIUK JAPCAR UK JAPCAR RETAIL
REACTIPORTO

REACTICZECH

Figure 2 – Périmètre de l’étude des usines du Groupe Réactivas

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2,4 %

0,3 %

2012 2013 2014 2015


–0,3 %

–2,2 %
Évolution
du marché

Figure 3 – Évolution du taux de résultat net entre 2012 et 2015 de la supply chain « Groupe Reactivas »

Ceci dit, dans la suite de l’étude, nous considérerons l’ensemble


de ces 11 chaînes logistiques comme la chaîne logistique
« Groupe Reactivas » ou supply chain « Groupe Reactivas »
Déc. 2015
+12,5 %
Variations sur un an (en %)
2. Approche par les supply 15

chains centrées 10 +9,4

sur les entités Reactivas 5

2.1 Taux de résultat net –5

–10
Afin d’analyser la réactivité par rapport au marché de la chaîne
logistique « Groupe Reactivas » telle que définie plus haut, voyons –15
l’évolution du taux de résultat net entre 2012 et 2015 (figure 3).
Le taux de résultat net évolue globalement de la même manière –20
que le marché. Les tendances haussières et baissières sont cohé-
–25 –23,2
rentes, les amplitudes peuvent être décalées.

En effet, par exemple, alors que 2012 est une année de forte baisse
pour le marché automobile français (–15 % entre décembre 2011 et 2012 2013 2014 2015
décembre 2012, voir figure 4), la chaîne logistique « Groupe Reacti-
vas » ne recule que de 0,3 %.
À l’inverse, le marché est à +12,5 % en décembre 2015, alors que Figure 4 – Évolution du marché automobile en France – CCFA
la supply chain « Groupe Reactivas » est à +2,4 %.

La réactivité est donc correcte par rapport au marché français, Nous allons regarder plus en détails les chaînes REACTIAISNE
l’effet « amortisseur » est dû au fait que les usines composant la et REACTISLOVAK pour voir de quelle(s) organisation(s) vien(ne)t
supply chain « Reactivas » produisent pour d’autres marchés, ce les mauvais résultats (figure 7).
qui lisse les performances. REACTIAISNE réalise un bon résultat pour 2015 puisqu’il est
Nous allons comparer les 11 chaînes logistiques à la chaîne deux fois plus élevé que le Groupe. Le problème de la chaîne
« Groupe Reactivas » afin d’identifier leur niveau de réactivité et REACTIAISNE vient du constructeur GRIFFAUTO RHONE (–1 %),
leur taux de rendement net à fin 2015 (figure 5). du distributeur GRIFFAUTO RETAIL (–1 %) et du fournisseur ISO-
LAX (–2 %). C’est-à-dire que le problème du manque de profitabi-
Nous constatons que les chaînes qui ne suivent pas la réactivité lité de la chaîne REACTIAISNE vient des interfaces de
du Groupe sont aussi celles qui ont les moins bons résultats de REACTIAISNE, non pas du site REACTIAISNE en lui-même.
RN/CA à fin 2015.
Côté clients, si le site de REACTIAISNE fait mieux qu’eux, c’est
Nous allons donc nous concentrer sur cet indicateur.
que le reste de son portefeuille est plus profitable. On remarque
À fin 2015, nous obtenons ainsi le profil de taux de rendement que, parmi les meilleures chaînes logistiques, 80 % d’entre elles
net des chaînes logistiques de la figure 6. travaillent principalement avec AIRMOTOR.

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Moyenne de RN/CA REACTIAISNE La chaîne REACTIAISNE 3,6 %


Moyenne de RN/CA REACTIGAL
0,3 % ne profite pas de la reprise La chaîne REACTIGAL
du marché sur 2014 et 2015. présente le même profil
2012 2013 2014 2015 Le RN/CA est de –2,8% vs 1,9 % 1,8 %
que REACTICAST avec des
–0,7 % +0,3 % pour le Groupe et performances meilleures
+0,3 % vs 2,4 % pour le 0,5 % que le Groupe et 3,6 % en
–3,0 % –2,8 % Groupe 2015. 2015.
2012 2013 2014 2015

Moyenne de RN/CA REACTIOUEST La chaîne REACTIOUEST


est légèrement en dessous Moyenne de RN/CA REACTIROC
1,8 % La chaîne REACTIROC a
des résultats du Groupe 4,6 % de bons résultats, meilleurs
tant en tendance qu’en que le Groupe. Il affiche 4,6
2012 2013 2014 2015 RN/CA en 2015 avec 1,8 %. % en 2015 vs 2,4 % pour le
–0,5 % –0,6 % Groupe.
1,5 %
–4,5 %
2014 2015
Moyenne de RN/CA REACTINORD/GRIFF
La chaîne REACTI- Moyenne de RN/CA REACTILUB
NORD/GRIFF fait mieux La chaîne REACTILUB
1,4 % 1,4 %
que le Groupe en 2014 avec suit la tendance du Groupe
11,0 %
2012 2013 2014 2015 +1,4 % vs +0,3 % mais avec une reprise en 2014 et
6,3 %
déçoit en 2015 avec +1,4 % un excellent résultat en
0,8 % 2015 : 11 %.
–3,1 % vs 2,4 % pour le Groupe.
–3,5 %
2012 2013 2014 2015
–3,5 %
Moyenne de RN/CA REACTINORD/AIR La chaîne REACTI-
NORD/AIR a de meilleurs Moyenne de RN/CA REACTIDEUTSCH
6,2 % résultats que le Groupe sur 1,3 % La chaîne REACTI-
3,7 % 2013, 2014 et 2015, année DEUTSCH a la même
pour laquelle il affiche tendance que le Groupe
notamment un remarquable mais a un résultat faible sur
2012 2013 2014 2015 +6,2 % de RN/CA. 2012 2013 2014 2015 2015 avec 1,3 %.
–1,2 % –0,2 % –0,3 %
–3,0 %
–1,2 %
Moyenne de RN/CA REACTIEST
1,5 % La chaîne REACTIEST
0,3 % progresse tous les ans Moyenne de RN/CA REACTISLOVAK
La chaîne REACTI-
mais arrive en 2015 avec 1,8 % SLOVAK est décalée par
2012 2013 2014 2015 seulement 1,5 % de RN/CA. rapport à la tendance du
0,2 %
–2,1 % Groupe et affiche un
2012 2013 2014 2015 très mauvais résultat en
–4,1 % –0,5 % 2015 avec –2,6 %.

–2,6 %
Moyenne de RN/CA REACTICAST La chaîne REACTICAST
4,0 % est remarquable puisqu’elle
surperforme le Groupe tous
2,7 % 2,8 % les ans, et n’est jamais en
négatif. 4 % en 2015 ce qui
1,5 %
est bien supérieur au 2,4 %
du Groupe.
2012 2013 2014 2015

Figure 5 – Comparaison du taux de résultat net des 11 chaînes logistiques du « Groupe Reactivas »

REACTIAISNE pourrait prospecter ce client à l’avenir car GRIF- ser les résultats. ISOLAX va vouloir augmenter ses prix pour
FAUTO RHONE va demander des efforts sur les prix vu sa mau- retrouver des marges positives. REACTIAISNE devrait également
vaise situation de profitabilité. Une solution serait de créer un préciser son back-up en cas de défaillance d’ISOLAX.
groupe de travail REACTIAISNE/GRIFFAUTO RHONE pour aider le
client à réduire ses coûts sur des postes précis. Vous trouverez à la figure 8 le graphique analysant la chaîne
REACTISLOVAK.
On remarque qu’ISOLAX a un taux de résultat net négatif sur Contrairement à REACTIAISNE, le problème de la chaîne REAC-
les deux dernières années malgré une progression du marché. Un TISLOVAK vient de l’entité REACTISLOVAK elle-même. Son taux
audit de la part de son client REACTIAISNE serait nécessaire pour de résultat net baisse depuis 2012 et est désormais très en des-
comprendre cette dérive et établir un plan d’actions pour redres- sous du Groupe (–14,5 % pour +2,4 %).

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100
Référence Internet
AG5173

_____________________________________________________________________________ MESURER LA PERFORMANCE FINANCIÈRE DE LA SUPPLY CHAIN

RN/CA en 2015 RN/CA Groupe REACTIVAS en 2015 = 2,4 %

11,0 %

6,2 %

4,6 %
4,0 %
3,6 %

1,8 % 1,5 % 1,4 % 1,3 %


0,3 %
B

IR

ST

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CH

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–2,6 %
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Ch

ne
Ch
Ch


Ch

RE

Ch

ne
ne

Ch


Ch

Ch

ne

Ch
Ch


Ch

Figure 6 – Profil du taux de résultat net des chaînes logistiques Reactivas en 2015

Chaîne REACTIAISNE - ISOLAX Chaîne REACTIAISNE - REACTIAISNE

Chaîne REACTIAISNE - GRIFFAUTO RHONE Chaîne REACTIAISNE - GRIFFAUTO RETAIL


11,2 %

5,1 %

1,9 %

2012 2013 2014 2015


–1,6 % –2,1 % –0,7 % –0,9 %
–2,8 % –2,3 % –2,8 % –2,3 % –1,5 % –2,1 %
–4,6 %

–8,9 %
–9,9 %

Figure 7 – Taux de résultat net de la chaîne logistique REACTIAISNE

De plus, son fournisseur et son client de rang 1 sont positifs. Enfin, REACTISLOVAK peut prévoir des partages de compé-
Les actions d’amélioration doivent donc être internes. REAC- tences avec les sites Reactivas qui ont les meilleurs résultats tels
TISLOVAK doit augmenter son chiffre d’affaires et réduire ses que REACTILUB ou REACTICAST.
coûts, on se réfèrera à la partie 1.

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102
Référence Internet
AG5172

Management de la supply chain


durable
par Anicia JAEGLER
Professeur à Kedge Business School (Bordeaux, France)
Chercheur associé à l’Institut Fayol, UMR CNRS 5600 EVS – École Nationale Supérieure des
Mines de Saint-Etienne (France)

1. Définitions ................................................................................................... AG 5 172 - 2


1.1 Développement durable ............................................................................. — 2
1.2 Management de la supply chain — 2
1.3 Management de la supply chain verte (MSCV) ........................................ — 3
1.4 Management de la supply chain durable (MSCD) ................................... — 4
2. Management de la Supply chain Durable (MSCD) .................................. — 4
2.1 Enjeux .......................................................................................................... — 4
2.2 Cadres législatifs et normatifs ................................................................... — 5
2.2.1 Cadres législatifs ................................................................................ — 5
2.2.2 Cadres normatifs................................................................................ — 5
2.3 Impacts durables des activités de la supply chain ................................... — 7
2.3.1 Planifier ............................................................................................... — 7
2.3.2 Approvisionner................................................................................... — 8
2.3.3 Fabriquer............................................................................................. — 8
2.3.4 Livrer ................................................................................................... — 8
2.3.5 Retourner ............................................................................................ — 8
3. Lien entre bonnes pratiques et performance........................................... — 8
3.1 Leviers.......................................................................................................... — 8
3.2 Bonnes pratiques de la SCD....................................................................... — 9
3.2.1 Éco-conception................................................................................... — 9
3.2.2 Eco-sourcing et Approvisionnement................................................ — 10
3.2.3 Éco-production ................................................................................... — 10
3.2.4 Éco-logistique..................................................................................... — 10
3.2.5 Logistique mutualisée ....................................................................... — 11
3.2.6 Logistique inverse.............................................................................. — 11
3.2.7 Engagement sociétal ......................................................................... — 12
3.3 Indicateurs de performance de la SCD...................................................... — 12
3.4 Gestion des indicateurs de performance durable .................................... — 12
3.4.1 Grille de maturité ............................................................................... — 12
3.4.2 Indicateur global ................................................................................ — 16
4. Conclusion ................................................................................................... — 16
5. Glossaire ...................................................................................................... — 18
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. AG 5 172

n 1987, le rapport Brundtland a présenté la définition d’« un développe-


E ment qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité
des générations futures à satisfaire leurs propres besoins » [1]. Le développe-
ment durable était défini avant d’être décliné en responsabilité sociétale de
l’entreprise. Différentes pressions poussent les entreprises à rendre plus
Parution : septembre 2016

durable leur supply chain. Ce concept a ainsi commencé à être adopté par de

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AG 5 172 – 1

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AG5172

MANAGEMENT DE LA SUPPLY CHAIN DURABLE ________________________________________________________________________________________

nombreuses entreprises au cours des dernières décennies. En outre, la durabi-


lité est devenue, soit une manière de se différencier, soit une obligation pour
rester concurrentiel selon les secteurs industriels. Cependant, des outils
manquent encore pour la conception complète et éprouvée d’une supply chain
durable.
La notion de développement durable déclinée au management de la supply
chain implique d’intégrer ses trois piliers (économique, environnemental et
social) à l’ensemble des activités pour obtenir une supply chain durable (SCD)
ou sustainable supply chain (SSC). Ces différents concepts sont définis, ainsi
que les cadres législatifs et normatifs les encadrant. Le contexte du développe-
ment durable engendre de nombreux enjeux auxquels doivent faire face les
entreprises en mettant en place un sustainable supply chain management
(SSCM) ou un management de la supply chain durable (MSCD).
Les impacts environnementaux et sociaux de cette mise en place sur chaque
activité de la supply chain sont décrits et modélisés. Afin d’aider les entre-
prises dans leur démarche de mise place d’une SSD, cet article indique les
leviers durables liés à la supply chain. À partir de ces leviers, de bonnes pra-
tiques sont exposées et illustrées par des exemples concrets pour chaque
activité. De plus, des indicateurs sont proposés afin de suivre la mise en place
des bonnes pratiques durables dans la supply chain, ainsi que leurs impacts.
Enfin, différents modèles d’évaluation de la performance durable sont classés :
grille de maturité, indicateur global. Leurs principales caractéristiques sont
expliquées. Ces modèles sont détaillés afin d’en faciliter le choix.

1. Définitions
Contribue au
développement
1.1 Développement durable durable

En 1987, la notion de développement durable est définie pour la


première fois par la Commission Mondiale sur l’Environnement et Prend en compte Respecte les lois
le Développement [1]. les attentes RSE ou les normes
des parties prenantes internationales
Le développement durable est « un mode de développement
qui contribue aux besoins du présent sans compromettre la
capacité des générations futures à satisfaire les leurs ». Figure 1 – RSE et Développement durable

La transposition du développement durable dans l’entreprise se


traduit par le concept de triple résultat (triple bottom line : Popula- fournisseur au client final. Le modèle SCOR [AG5170] permet de la
tion, Planète, Profit). Ce terme est une allusion à la dernière ligne modéliser à travers cinq processus :
du compte de résultat (bottom line) et a été inventé par John Elk- – planifier ;
ington [2]. Pour qu’une entreprise soit durable, elle doit être finan- – approvisionner ;
cièrement solide, elle doit minimiser (et dans l’idéal éliminer) ses
– fabriquer ;
impacts environnementaux négatifs, et finalement, elle doit agir
– livrer ;
en conformité avec les attentes sociales. Cette transposition
donne naissance à la responsabilité sociétale des entreprises – retourner.
(RSE) en figure 1. Un sixième processus est le management de la supply chain
(figure 2).

La RSE est un concept dans lequel les entreprises doivent D’après [3], le MSC est « une philosophie qui tend vers une gestion
intégrer les préoccupations sociales, environnementales et éco- intégrée de l’ensemble des flux d’un canal de distribution, du fournis-
nomiques dans leurs activités et dans leurs relations avec leurs seur à l’utilisateur final ». Il intègre différentes activités, différentes
parties prenantes. entreprises, les différents acteurs de la supply chain et les coordonne.

Le management de la supply chain peut être défini comme la


1.2 Management de la supply chain coordination systémique, stratégique, des fonctions opération-
(MSC) nelles classiques et de leurs tactiques respectives à l’intérieur
d’une même entreprise et entre des partenaires au sein de la sup-
La supply chain est composée des flux physiques, financiers et ply chain, dans le but d’améliorer la performance à long terme de
d’informations et des interactions entre les différents acteurs du chaque entreprise membre et de l’ensemble de la chaîne. [4]

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AG 5 172 – 2

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AG5172

________________________________________________________________________________________ MANAGEMENT DE LA SUPPLY CHAIN DURABLE

Planifier Planifier Planifier

Approvisionner Fabriquer Livrer Approvisionner Fabriquer Livrer Approvisionner Fabriquer Livrer

Retourner Retourner Retourner

Gérer

Figure 2 – Modèle SCOR [AG5170]

1.3 Management de la supply chain verte ner les impacts négatifs de leur activité sur l’environnement [6].
Le MSCV consiste à tenir compte d’objectifs environnementaux
(MSCV) dans les décisions, les relations, les pratiques liées aux activités
L’étape suivante de la déclinaison du développement durable se d’approvisionnement, de conception et de fabrication du produit,
situe au niveau de la supply chain. La supply chain englobe toutes d’utilisation, de services et de distribution [7]. Le MSCV doit en
les activités liées aux flux et à la transformation de produits à par- particulier intégrer les problèmes environnementaux liés à la fin
tir de l’étape des matières premières (de l’extraction) jusqu’à l’uti- de vie du produit [8]. Il peut reposer ou non sur le contrôle [9]. Il
lisateur final, ainsi que les flux d’information et financiers vise à améliorer la performance des organisations par rapport à
associés. Le management de la supply chain vise à l’intégration leur responsabilité sociale, à diminuer le risque lié à la réputation
de ces activités par le biais de l’amélioration des relations de la des organisations, à diminuer les gaspillages et à améliorer la
supply chain pour obtenir un avantage concurrentiel durable pour réactivité des organisations en cas de changement de réglemen-
l’entreprise. La supply chain a une fonction intégratrice. Le mana- tation [10].
gement de la supply chain a donc dû s’adapter à cette nouvelle
dimension qu’est le développement durable. Cette transposition
est déclinée à la supply chain en figure 3. Le Management de la Supply Chain Verte (MSCV) intègre la
Le pilier environnemental du développement durable est le pre- dimension environnementale dans le management de la supply
mier à être inséré dans le MSC et donne naissance au concept de chain, ce qui inclut :
management de la supply chain verte décrit en figure 4 [5]. Il – la conception du produit ;
s’agit notamment de la pratique des « Re » : réutiliser, recycler, – l’approvisionnement en matériaux et leur sélection ;
reproduction, réduction, etc. – les processus de fabrication ;
– la distribution ;
Le MSCV inclut les initiatives dans la logistique interne et/ou
– la logistique inverse ;
externe, prises conjointement par les fournisseurs, les distribu-
– l’usage du produit et sa fin de vie.
teurs et les utilisateurs, qui permettent de réduire, voire d’élimi-

Dimensions environnementales du développement :


• utilisation minimale des ressources épuisables
• utilisation durable des ressources renouvelables
• protection de la capacité de charge de la nature

Dimensions sociétales du développement :


Dimensions économiques du développement : • égalité des chances entre individus
• compétitivité Développement (âge, sexe, pays, etc.)
• coût/efficacité durable • lutte contre le chômage
• création de richesse • éthique, santé, sécurité
• ancrage local

Figure 3 – RSE appliquée à la supply chain

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AG 5 172 – 3

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AG5172

MANAGEMENT DE LA SUPPLY CHAIN DURABLE ________________________________________________________________________________________

Flux matériel

Acquisition
Processus Distribution Utilisation
de matières Déchets
de fabrication de produits finis de produits
premières

• Recycler
• Changer Changer • Traiter
• Conditionner Changer les
les matériaux les process les déchets
• Réduire comportements
• Les réutiliser et les produits • Recycler
le transport

Gestion de la chaîne logistique verte

Figure 4 – Management de la supply chain verte

1.4 Management de la supply chain


durable (MSCD) %
Pression des lobbies
En ajoutant à la dimension environnementale, la dimension
sociale le MSCV devient durable (Sustainable Supply Chain Mana-
gement). Pour [6], le MSCD, comme le MSC classique, comprend Autres
Action des concurrents
la gestion des trois flux traditionnels de la logistique (flux phy-
sique, flux d’information et flux financier), ainsi que celle de la
coopération le long de la supply chain. Mais, pour être durable, ce
SCM doit en plus tenir compte d’objectifs liés aux trois dimen-
sions du développement durable, découlant des attentes des
clients et des parties prenantes [13]. Pour que les entreprises Nouveaux
puissent rester dans la supply chain, elles doivent respecter des marchés
critères sociaux et environnementaux. La prise en compte de
contraintes environnementales modifie les objectifs du MSC, mais Réglementation
aussi sa mise en œuvre. Le management de la supply chain
devient de plus en plus intégré. Cette intégration inclut en plus du Volonté
flux allant vers le consommateur le flux repartant de lui ; il intègre du leadership
les parties prenantes et n’est pas seulement centré sur la collabo- exécutif
ration le long de la SC ; il intègre le cycle de vie et est plus centré
sur les flux physiques [7].

Image Réduction
Le Management de la supply chain Durable (MSCD) est le des coûts
management des flux de matériaux, d’information et finan-
ciers ainsi que de la coopération entre les entreprises le long
de la supply chain tout en prenant en compte les trois Volonté
dimensions du développement durable, à savoir, écono- d’innover
mique, sociale et environnementale répondant aux exi-
gences des parties prenantes.

Figure 5 – Motivations des entreprises pour une supply chain


durable en pourcentage
2. Management de la Supply
chain Durable (MSCD)
demande du consommateur, les parties prenantes, les groupes de
pression, l’image [11], [14]. Mais les entreprises tiennent aussi
2.1 Enjeux compte des réactions des employés, de l’engagement et des
valeurs personnelles du dirigeant [15]. En effet, un seul facteur ne
Les motivations des entreprises à rendre leur supply chain plus déclenche généralement pas à lui seul de changement straté-
durable sont multiples comme montré en figure 5 [5]. Les princi- gique. Les facteurs sont généralement combinés, mais leur combi-
pales sont des pressions externes telles la réglementation, la naison varie d’une entreprise à l’autre.

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AG 5 172 – 4

106
Référence Internet
AG5190

Juste à temps et qualité totale :


concepts et outils
par Samir LAMOURI
Professeur des universités à Arts et métiers ParisTech – Chercheur au LAMIH CNRS.
et André THOMAS
Professeur des universités à l’université de Lorraine à ENSTIB et CRAN – CFPIM
Note de l’éditeur
Cet article est la version actualisée de l’article AG5190 intitulé « Juste à temps et qualité
totale : concepts et outils » rédigé par Samir LAMOURI et André THOMAS et paru en 1999.

1. Définitions et objectifs du juste à temps ...................................... AG 5190v2 - 2


2. Outils du juste à temps....................................................................... — 3
2.1 Maîtriser le pilotage des flux : le Kanban, un outil fondamental
pour les entreprises manufacturières .................................................... — 3
2.1.1 Objectifs du Kanban ....................................................................... — 4
2.1.2 La boucle Kanban ........................................................................... — 4
2.1.3 Parcours d’un Kanban .................................................................... — 4
2.1.4 Ordonnancement à l’aide du Kanban ........................................... — 4
2.1.5 Réalisation des Kanbans ................................................................ — 5
2.1.6 Kanban et pilotage à moyen terme ............................................... — 5
2.2 Augmenter la flexibilité en réduisant les temps de réglage :
le SMED .................................................................................................... — 5
2.3 Rendre la production fluide..................................................................... — 6
2.3.1 Mise en ligne ................................................................................... — 6
2.3.2 Adaptation des containers ............................................................. — 7
2.4 Améliorer la qualité : le TQM .................................................................. — 7
2.4.1 Objectifs........................................................................................... — 7
2.4.2 Les outils et leurs caractéristiques fondamentales...................... — 7
2.5 Améliorer la productivité : la TPM.......................................................... — 13
2.6 Lisser la charge de production................................................................ — 14
2.7 Établir de nouvelles relations avec les fournisseurs............................. — 15
2.7.1 Les besoins...................................................................................... — 15
2.7.2 Partenariat fournisseurs ................................................................. — 15
2.7.3 La certification des fournisseurs (délégation de contrôle) .......... — 16
3. Mesure de la performance du juste à temps ................................ — 16
4. Conclusion.............................................................................................. — 17
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. AG 5190v2

e principe du juste à temps (JAT, en anglais JIT « Just In Time ») consiste


L à fournir au client le nombre de produits qu’il demande au moment où il le
souhaite, à l’endroit désiré et dans le standard de qualité et de coûts fixés.
Cela implique en premier lieu que l’ensemble de la production soit assujetti à
la demande du client (interne ou externe).
Dans les faits, ce principe conduit les entreprises à « faire vite pour vendre
vite », car les demandes clients sont de plus en plus variées et leurs délais de
livraison de plus en plus courts. Dès la demande perçue, la mise en produc-
tion, ou tout au moins l’assemblage, doit être réalisée.
Parution : janvier 2019

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107
Référence Internet
AG5190

JUSTE À TEMPS ET QUALITÉ TOTALE : CONCEPTS ET OUTILS ________________________________________________________________________________

Par ailleurs, il s’agit aussi de préserver les marges face aux nouvelles formes
de concurrence. L’entreprise doit alors chercher à « produire au coût global le
plus bas » sans pour autant réduire la qualité de ses produits ou services
attendus par ses clients. La seule solution sera alors de « bien faire du premier
coup » les spécifications édictées par le client et ainsi assurer sa fidélité.
Cependant, un regard rapide sur l’histoire nous montre que les hommes ont
toujours su produire des « objets de qualité ». Dans le contexte industriel
actuel, ce qui nous différencie du passé tient dans la définition même de la
qualité, d’une part, et dans la répétitivité et la vitesse, d’autre part. Ces
contraintes conduisent à la génération d’écarts entre la cible visée et ce qui est
effectivement réalisé. Le problème est donc de minimiser et de maîtriser ces
écarts.
Le vecteur essentiel de succès est évidemment l’individu : « rien n’est pos-
sible sans les hommes ». Il conviendra alors d’assurer leur participation, leur
adhésion aux concepts du JAT et, en particulier, aux principes qui conduisent
à la recherche d’une amélioration continue.
Le juste à temps conduit à éliminer tous les gaspillages. Cela signifie que « si
vous n’avez pas besoin de quelque chose maintenant, alors ne le faites pas ».

■ Objectifs
1. Définitions et objectifs Le concept du juste à temps paraît donc simple à première vue.
du juste à temps Il énonce qu’il faut obtenir le produit voulu, au moment voulu,
dans la quantité voulue, c’est donc un problème de stock.
Une résolution primaire conduirait à avoir de tout en tout temps
■ Définitions (et en toute quantité) ! Les impératifs évidents d’économie posent
immédiatement alors le problème des coûts. Par ailleurs, la
grande instabilité du système économique amène encore une troi-
L’APICS (American Production and Inventory Control Society)
sième difficulté, celle de ne jamais rien prendre pour acquis :
définit le JAT comme « une philosophie basée sur l’élimination
l’entreprise est aujourd’hui contrainte à s’améliorer pour rester
de tous les gaspillages et sur la mise en œuvre d’une stratégie
compétitive.
de progrès permanent en terme de productivité ».
Ainsi, la réalisation et la pérennité des principes du JAT
s’appuient sur trois fondements que sont :
La valeur (au sens comptable) n’est produite que pour satisfaire – une saine gestion des stocks ;
un besoin client réel et enregistré ; elle doit être générée à un prix – une bonne maîtrise des coûts ;
qui lui semble raisonnable et qu’il pourra payer (un autre mot – une politique de progrès permanent.
pour cela est « qualité totale »). • Pour concrétiser ce principe, l’idée sera d’aborder les pro-
La valeur c’est avoir les bonnes pièces dans les bonnes quanti- blèmes de stock comme des problèmes de flux.
tés au bon moment et à la bonne place. Tout le cycle de fabrica- Dans le concept juste à temps, le stock est considéré comme un
tion est concerné. dysfonctionnement du flux. Ainsi sur chacune des fonctions du
stock, le juste à temps apporte un éclairage nouveau.
Apporter de la valeur à un produit ne signifie pas forcément aug-
menter son coût : les utilisateurs finaux ne sont pas concernés par les • Stock lié à la taille du lot
coûts de fabrication, mais seulement par le prix « juste nécessaire ». Le juste à temps pose comme objectif d’éviter la constitution de
lots. Les lots créent des irrégularités dans le flux, ralentissent son
écoulement et rendent irrégulier le débit en amont.
L’Association japonaise des normes industrielles (JIS) donne Pour réduire la taille des lots, une nouvelle organisation
la définition suivante de la qualité : « Un système ou des s’impose dans l’atelier : changement rapide de série, organisation
moyens visant à produire économiquement des biens ou des des machines en lignes, par produit ou famille de produits.
services d’une qualité qui réponde aux exigences des ache-
teurs. » • Stock pour pallier les fluctuations
En raison de l’adoption de méthodes statistiques dans la En ce qui concerne les stocks destinés à pallier le manque de
maîtrise de la qualité, on parle souvent de « maîtrise statis- fiabilité des approvisionnements, le juste à temps pose comme
tique des processus » (MSP). principe qu’il faut éliminer les causes de perturbations et que la
meilleure façon d’y arriver est de ne pas masquer par des stocks
les effets de ces perturbations.
Pour que la maîtrise de la qualité soit réelle, la participation de Des actions de qualité totale et de maintenance préventive
tous les membres de l’entreprise est indispensable à tous les stades. devront être mises en place.
Pratiquée dans cet esprit, la maîtrise de la qualité est appliquée à • Stock pour compenser l’inertie du processus et stock de cou-
l’ensemble de l’entreprise et l’on parle alors de « qualité totale ». verture
Ces deux définitions, très proches conceptuellement, montrent Pour éviter que la production soit obligée de gérer entièrement
combien ces philosophies sont liées. à partir de prévisions incertaines, le juste à temps incite à réduire

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AG5190

________________________________________________________________________________ JUSTE À TEMPS ET QUALITÉ TOTALE : CONCEPTS ET OUTILS

au maximum les délais d’approvisionnement et de fabrication. Concernant l’obtention de coûts bas, on ne les recherche plus
Ainsi, le déclenchement du processus peut se faire à partir d’une en se focalisant seulement sur les coûts directs de production,
commande ferme. mais en analysant la pertinence de tous les types de coûts sans
En pratique, ce type d’action peut rencontrer des contraintes exception et en recherchant de façon systématique des moyens
technologiques ou commerciales importantes dans certaines plus économiques, ramenés au juste nécessaire, pour parvenir à
industries. Mais l’idée qu’il faut travailler sur des commandes la même production.
fermes doit subsister. Ce processus d’évolution doit passer, en premier lieu, par la for-
malisation et la compréhension commune d’une vision indus-
■ Nouvelle approche de la « production au plus juste » trielle globale, c’est-à-dire par l’expression de stratégies de
La production au plus juste est un prolongement du juste à temps, réactivité et d’adaptabilité orientées client. Il s’agit là de fixer des
l’originalité de cette nouvelle approche est qu’elle donne un éclairage objectifs de temps de réponse, de taux de service,… en se compa-
nouveau sur les coûts. La production au plus juste est un concept de rant aux pratiques concurrentielles et aux exigences du marché.
management qui concerne toutes les fonctions de l’entreprise.
L’objectif en est la réduction globale des coûts tout en maintenant ■ Quatre axes de progrès
une qualité parfaite pour améliorer la compétitivité de l’entreprise. Cela conduira à développer sa propre stratégie en combinant et
Confrontée à une compétition chaque jour plus vive et qui se pondérant ces quatre axes de progrès :
livre désormais à l’échelle mondiale, les industriels doivent pour- – celui de la maîtrise du produit/service avec les démarches et
suivre sans relâche leur effort d’adaptation. C’est ainsi que chacun outils du TQM (Total Quality Management ) ;
a pu constater les progrès décisifs réalisés depuis quelques – celui de la maîtrise du temps et du pilotage avec les
années sur le terrain de la qualité. démarches et outils de synchronisation ;
Aujourd’hui, la concurrence internationale se focalise sur les – celui de la maîtrise des moyens avec les démarches et outils
prix de vente qui, dans de nombreux secteurs, sont en baisse. de productivité totale ;
Pour que les entreprises conservent des marges qui assurent leur – celui de la qualité des hommes et de l’organisation sociale
survie et leur développement, la maîtrise des coûts constitue avec la démarche de progrès permanent, la constitution et l’anima-
maintenant l’enjeu prioritaire. En ce domaine, les changements tion de groupes de résolution de problèmes… Ce quatrième regard
dans l’organisation industrielle de l’entreprise offrent souvent des ayant la particularité d’être transversal par rapport aux trois autres.
marges de progression considérables.
Ce déploiement s’opérera le long de la totalité de la chaîne de
■ Évolutions au cours du temps valeur et des processus majeurs de l’entreprise. Il passera, en par-
ticulier, au niveau de chaque activité, par l’analyse de ses contri-
Si la trilogie des objectifs coût/qualité/délai reste une constante
butions à la valeur. Produire au plus juste se traduira alors par la
de l’entreprise industrielle, la façon de les atteindre a été profon-
mise en place et le déploiement systématique de nouvelles
dément modifiée.
démarches :
• Hier – de conception ;
Pour obtenir des coûts de fabrication bas, on cherchait à aug- – d’industrialisation ;
menter les cadences main-d’œuvre. Pour obtenir de la bonne qua- – de production et de distribution.
lité, on multipliait les contrôles à tous les stades du processus.
Pour livrer rapidement, on maintenait des stocks de produits
finis pléthoriques.
• Aujourd’hui 2. Outils du juste à temps
On sait qu’un haut niveau de qualité ne peut être atteint, et
maintenu, qu’en cherchant à faire du premier coup de la bonne Pour mettre en place le juste à temps, chaque unité de produc-
qualité et en impliquant tous les acteurs, de l’ingénieur du bureau tion devra travailler sur les aspects suivants :
d’études à l’opérateur, dans la recherche d’une qualité parfaite. – maîtriser le pilotage des flux (voir § 2.1) ;
Pour livrer rapidement, on sait qu’il faut augmenter la flexibilité
– augmenter la flexibilité en réduisant les temps de réglage (voir
de l’outil de production et donc sa réactivité pour permettre une
§ 2.2) ;
accélération des flux.
– rendre la production fluide (voir § 2.3) ;
La comptabilité analytique permet de déterminer les coûts de – améliorer la qualité (voir § 2.4) ;
production sur la base des coûts matière, coûts de transformation
– améliorer la productivité (voir § 2.5) ;
et frais généraux. Les comptables établissent des sections ou
centres de coûts pour lesquels des taux horaires sont fixés et ainsi – lisser la production (voir § 2.6) ;
ils répartissent au pourcentage les frais généraux. – établir de nouvelles relations avec les fournisseurs (voir § 2.7).
Cela conduit à avoir des groupes de machines de même taux ou Dans les paragraphes suivants, nous décrivons quelques outils
encore à avoir une même répartition des frais administratifs pour utiles pour chacun de ces aspects. Nous nous attacherons alors à
tout un service. montrer comment ils permettent d’atteindre les objectifs sans
chercher cependant à être exhaustifs quant à leur énumération.
Cependant, la diversité résultant de la mise en œuvre du JAT
amène à remettre en cause cette approche.

Prenons par exemple le cas d’un service de planification/lance- 2.1 Maîtriser le pilotage des flux :
ment. Peut-on considérer que le travail y est le même selon que l’on le Kanban, un outil fondamental
a 10 ordres de fabrication (OF) de 5 000 unités à gérer pour une pour les entreprises manufacturières
période ou un ensemble compliqué de 500 petits OF.
Ordonnancer, dans ce deuxième cas, nécessite beaucoup plus Le mot japonais Kanban signifie : étiquette, signal.
d’énergie et est donc plus coûteux. Il n’y a aucune raison de ne pas La méthode est fortement associée au juste à temps puisqu’elle
prendre en compte ce fait dans le calcul du coût des produits. a été expérimentée sur les chaînes de production de Toyota
Le faire conduit à utiliser une comptabilité dite « par les activités » comme outil d’ordonnancement et de définition des priorités de
ou Activity Based Costing (ABC). production.

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AG5190

JUSTE À TEMPS ET QUALITÉ TOTALE : CONCEPTS ET OUTILS ________________________________________________________________________________

De nombreuses variantes ont été développées depuis à travers lable et surtout flexible aux variations de la demande du poste
le monde. Mais les principes restent essentiellement les mêmes : aval.
c’est sur ceux-ci que nous nous attarderons.
2.1.3 Parcours d’un Kanban
Remarque Un Kanban est une fiche qui donne ordre de fabriquer ou de
Une mise en garde de départ s’impose quant à la relation monter une pièce. Suivons, pour un cycle complet, le parcours
entre Kanban et juste à temps. Certains environnements, complet d’un Kanban (figure 1).
usines ou lignes de fabrication, ne permettent pas l’applica- – 1. Au départ, le Kanban est en attente au poste client. Il est
tion du Kanban. Il ne faudrait pas que de telles conditions attaché à un container plein dans lequel se trouve le produit prove-
soient un motif pour abandonner l’idée du juste à temps. nant du fournisseur. Le container attend d’être consommé avec
Il peut être fascinant de voir à quel point le Kanban permet à son Kanban ;
certaines entreprises de bien résoudre l’équation production – 2. L’opérateur du poste client prend le container car il a besoin
= demande. Mais le souci de réduire les temps de réaction, les des pièces pour réaliser sa production ;
stocks, les temps d’attente du processus de production et le – 3. Le Kanban du poste client est retiré du container par l’opéra-
souci de rendre un meilleur service au client sont encore plus teur ;
importants. – 4. Le Kanban revient alors (par l’opérateur du poste client ou
Le juste à temps inclut donc le Kanban comme une de ses un autre mécanisme de retour) au poste fournisseur ;
méthodes de travail ; mais le juste à temps n’est pas le – 5. À son arrivée, le Kanban est déposé sur un tableau de plan-
Kanban. ning (poste fournisseur), dans la colonne du produit qu’il identifie ;
– 6. S’il est seul en attente, il se peut que le Kanban ait à
attendre le retour d’autres étiquettes ;
– 7. Lorsqu’il y a assez d’étiquettes pour déclencher le plus petit
2.1.1 Objectifs du Kanban lot possible du produit, le Kanban sera sorti du planning et devien-
Les principaux objectifs de la méthode Kanban sont les sui- dra un « ordre de fabrication » ;
vants : – 8. Il sera attaché à un container du produit et transporté dans
le stock de l’opérateur du poste client. Et on recommence le
– appeler la production par l’aval, c’est-à-dire à partir de la
cycle…
consommation réelle du client (interne ou externe) ;
– rendre plus facile l’établissement des priorités en les reliant
directement à la consommation réelle ; 2.1.4 Ordonnancement à l’aide du Kanban
– ramener l’ordonnancement précis des ordres de fabrication au
niveau de l’exécution ; Pour établir l’ordonnancement ou les priorités de fabrication
– rendre le flux de fabrication continuellement visible ; entre plusieurs produits, chaque poste doit avoir son propre sys-
– pouvoir se passer de système informatique. tème de priorité. Ce système est reproduit sur un planning qui
fonctionne de la façon suivante :
– il y a une colonne pour chaque produit dont le poste est res-
2.1.2 La boucle Kanban ponsable ;
Une des ambitions du juste à temps est de simplifier toutes les – pour chacun des produits, on établit préalablement le nombre
opérations de l’usine et de les fractionner en opérations pouvant de Kanbans en circulation.
être gérées par une personne ou une petite équipe responsable. Pour fixer ce nombre, on peut procéder de façon intuitive :
Le Kanban est un outil pour faciliter la circulation des produits et « Compte tenu de la vitesse avec laquelle mon client consomme
des informations entre deux postes ou deux unités de travail. habituellement le produit, et compte tenu de la vitesse avec
Alors que les systèmes classiques de gestion de production laquelle je suis capable de l’approvisionner, combien de stock
voient les stades de fabrication de façon plutôt linéaire et conti- dois-je laisser près de son poste ? Quand dois-je déclencher la
nue, la méthode Kanban voit plutôt le flux de production comme production ? Quelle est la taille minimum du lot à produire ? ».
une série de boucles reliées. La méthode Kanban vise à créer La méthode intuitive s’avère souvent aussi valable que la
entre les postes de travail, un échange simple, facilement contrô- méthode mathématique. Si l’opérateur est centré client et qu’il

Figure 1 – Le parcours d’un Kanban

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Lean Management
Bien le comprendre pour bien le déployer
par Joël DUFLOT
Ingénieur Centrale Paris, manager dans l’automobile en France et à l’international, interve-
nant en Université, Conseil en Excellence Opérationnelle
Co-auteur de la BD : L’Usine du futur, se préparer avec le Lean (Eyrolles, 2017)

1. Connaître et comprendre le Lean ....................................................... AG 5 195v2 - 2


1.1 Origine du Lean........................................................................................... — 2
1.1.1 Contexte d’origine.............................................................................. — 2
1.1.2 La découverte et les incompréhensions .......................................... — 3
1.1.3 L’application en Europe, en plusieurs phases ................................. — 3
1.2 La culture Lean ............................................................................................ — 4
1.2.1 Un objectif unique : satisfaire le client en Qualité, Délai et Coût. ....... — 4
1.2.2 Base et valeurs ................................................................................... — 4
1.2.3 Piliers et amélioration continue ........................................................ — 5
2. Déployer le Lean ...................................................................................... — 6
2.1 Les paradigmes à dépasser........................................................................ — 6
2.1.1 La confusion entre position hiérarchique et savoir......................... — 7
2.1.2 La séparation des domaines d’action............................................... — 8
2.1.3 Le manque de partage des résultats et des problèmes.................. — 8
2.2 Les prérequis du déploiement ................................................................... — 9
2.2.1 Le nécessaire engagement de la direction ...................................... — 9
2.2.2 La patience dans l’obtention d’un résultat....................................... — 9
2.2.3 La nécessaire compréhension du concept avant son déploiement ... — 9
2.3 Les bases du management Lean : les outils ............................................. — 10
2.3.1 Le visuel .............................................................................................. — 10
2.3.2 Le Standard ........................................................................................ — 11
2.3.3 Le chantier .......................................................................................... — 12
2.3.4 Les 5S.................................................................................................. — 14
2.4 Les bases du management Lean : études de cas ..................................... — 15
2.4.1 Des projets maîtrisés à la gestion quotidienne ............................... — 15
2.4.2 Visuel et qualité.................................................................................. — 16
2.4.3 5S et efficacité .................................................................................... — 17
2.4.4 Animation d’équipe et qualité des prestations................................ — 18
3. Conclusion................................................................................................. — 18
4. Glossaire .................................................................................................... — 18
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AG 5 195v2

e Lean management est souvent présent dans les médias, fréquemment


L pour en dénoncer les excès, plus rarement pour en montrer les bénéfices
tangibles. Qui plus est on oublie toujours de le présenter comme un système
global qui intègre une part managériale, humaniste, importante.
Souvent, on oublie ses origines et le contexte dans lequel il a été développé,
on ignore l’objectif qu’il fixe pour tous et chacun dans l’entreprise et on passe
sous silence que les bénéfices qu’on en tire peuvent être partiels, peu satisfai-
sants ou aux effets éphémères.
Pourtant, le Lean a fait ses preuves dans de nombreuses entreprises, quel
que soit le pays et sa culture, quel que soit le domaine d’activité (industrie,
Parution : avril 2020

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LEAN MANAGEMENT _______________________________________________________________________________________________________________

services, administration). On le désigne plus volontiers maintenant sous le


nom d’Excellence opérationnelle, vocable plus générique, moins connoté
« productivité ».
Le système concurrent du Lean, la production de masse, semble être arrivé
au bout de sa logique et la prise de conscience rapide de l’opinion le
condamne maintenant à relativement court terme. Dans ce contexte, le Lean
présente des intérêts pour la société et possède les atouts pour continuer à
évoluer. Parce qu’il se base sur une consommation limitée au juste nécessaire
pour répondre le plus précisément aux besoins des consommateurs, tout en
intégrant les employés dans la gestion de leur environnement, le Lean peut
faciliter l’adaptation de la production au contexte de restriction des ressources
disponibles et d’évolution du rapport de l’humain au travail.
Cet article a pour objet de présenter les bases du Lean management, les fon-
damentaux qu’il faut avoir compris si l’on veut utiliser les outils Qualité et
Juste à temps avec succès.
Partant des origines et de son développement par Toyota au Japon, nous
expliquerons comment l’Occident l’a découvert peu à peu, comment ses outils
puis ses principes ont été adaptés avec des résultats qui, de médiocres, sont
devenus appréciables au fil de la meilleure compréhension du Lean en tant
que système plutôt que catalogue d’outils.
Nous exposerons l’esprit et les principes du Lean avant de donner un aperçu
de chacun des outils fondamentaux à travers des exemples vécus. Ainsi seront
mises en lumière les difficultés et les contraintes auxquelles font face ceux qui
se lancent dans un projet d’excellence opérationnelle, pour mieux les aider à
réussir l’aventure qui sera de toute façon passionnante et humainement très
enrichissante.

Pour être efficace, on spécialise (Taylorisme) les machines et


1. Connaître et comprendre aussi les ouvriers (les « OS » pour ouvriers spécialisés). Ces
le Lean méthodes sont efficaces, pensées par des ingénieurs, exécutées
sans faillir par les employés et elles fonctionnent très bien.

Le monde entier copie ce système de production dans tous les


1.1 Origine du Lean secteurs.

1.1.1 Contexte d’origine Le contexte du Japon de l’époque est un pays ruiné, affaibli,
sans ressources, isolé et avec un marché intérieur atone.
Le Lean est issu du Toyota Production Système (TPS) déve-
loppé par Toyota dès les années 1950 et jusqu’à la fin des années
1980, date à laquelle il a bénéficié des apports d’autres entreprises
dans le monde entier échappant en cela à ses créateurs. Le président de Toyota déclare en 1945, « Il faut rattraper les
C’est le contexte très contraignant de l’après-guerre au Japon États Unis en 3 ans sinon nous allons disparaître ». Comme les
qui a conduit deux ingénieurs Toyota, Taïchi Ohno et Eiji Toyoda, Japonais ne peuvent suivre la voie occidentale faute de moyens,
appuyés par un théoricien américain, Edwards Deming, à dévelop- ils vont créer un système différent, en se basant non pas sur des
per ce nouveau système. études conceptuelles, mais sur des bases simples, pragmatiques,
appliquées sur le terrain après avoir obtenu l’assentiment de tous,
ce qui n’est jamais facile, même au Japon.
Le contexte occidental : après la 2e guerre mondiale, les
besoins et les attentes sont énormes et, pour les satisfaire, on Alors que la production de masse privilégie à court terme la
dispose du système de production le plus efficace possible : la cadence et le coût, les deux étant liés par le sacrosaint « effet
production de masse. d’échelle », souvent jugé à tort indispensable à l’efficacité, le nou-
veau système part sur de toutes nouvelles bases.

Les principes en sont simples, il faut produire beaucoup, à forte Le Toyota Production Système associe les principes de Qua-
cadence, pour satisfaire des besoins qui seront de toute façon lité et de Juste à temps à l’implication des hommes.
supérieurs à l’offre pourvu qu’on mette les produits à disposition Aucun de ces éléments ne doit jamais manquer pour que le
à un prix toujours plus compétitif. système fonctionne correctement.
Le premier besoin du client est de posséder le produit. Henry
Ford peut dire « chaque client pourra choisir la couleur de sa voi-
ture pourvu qu’elle soit noire ». Cette approche est fondamentalement nouvelle.

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________________________________________________________________________________________________________________ LEAN MANAGEMENT

Le LEAN (livre
Mass Production Manifeste
de Womack
AGILE
& Jones)

1950 1980 2000

Chocs Temps Temps


Début
pétroliers des Outils du Management
du TPS

La découverte

Marge
US/EU TOYOTA

1960 1980 2000

Figure 1 – Approche chronologique des évènements clés

Cet ensemble de principes, complémentaires et indissociables, 1.1.3 L’application en Europe, en plusieurs phases
constitue un système qui n’a qu’un seul but : satisfaire le client,
en qualité coût et délai. Il s’agit de coller aux besoins et de réagir Malgré les doutes et les incompréhensions, les entreprises occi-
vite, sans tout axer sur la recherche de profit ou de croissance. dentales se mettent donc à appliquer le Lean avec quelques suc-
cès, car les outils proposés sont en général simples à déployer.
Pendant 30 ans, Toyota va perfectionner pas à pas ce système
sans jamais dévier des principes de base. Elle entraîne ses four- C’est le cas de la méthode 5S qui tient en 5 mots commençant
nisseurs et par là même, influence l’automobile japonaise tout par S en japonais : Seiri, Seiton, Seiso, Seiketsu, Shitsuke qui
entière, dans l’indifférence totale de la part de l’Occident. signifient Éliminer, Ranger, Nettoyer, Standardiser, Respecter.
Son but est d’optimiser l’organisation du poste de travail, la pro-
preté et la sécurité d’un plan de travail afin d’obtenir un environ-
1.1.2 La découverte et les incompréhensions nement sûr, agréable et de favoriser ainsi l’efficacité. Cet outil,
simple à comprendre et assez logique, est rapidement adopté
La découverte du Lean se fera après les premiers chocs pétro- dans de nombreuses entreprises.
liers (1973) et la révolution qu’ils vont imposer à l’automobile
Certains principes plus globaux sont également mis en œuvre :
mondiale. Quelques années plus tard, seul Toyota va continuer à
engranger des profits alors que tous les autres basculent dans le – la polyvalence des lignes et leur approvisionnement en flux
rouge (cf. figure 1). Tout le monde se précipite alors pour tendu ;
comprendre ce qui se passe au Japon. – le flux tiré et le Kanban. Les deux permettent de rendre la pro-
duction plus flexible et réduisent les stocks inutiles ;
De nombreux livres seront écrits sur le sujet [3] [4], généraux ou – les Cercles de Qualité, les Unités autonomes de production qui
décrivant précisément les outils (TPM, 5S). Les auteurs rendent structurent l’organisation de terrain et démarrent l’amélioration
populaires les 5 zéros (0 délai, 0 stock, 0 défaut, 0 papier, 0 panne) continue.
et les entreprises vont chercher à les intégrer à leurs objectifs.
Mais le TPS reste obscur, même après des visites sur le terrain,
Il faudra cependant attendre l’observation prolongée du fonc-
au Japon. Sans avoir vécu les 30 années de développement, il est
tionnement des joint- ventures et autres associations avec des
impossible d’appréhender le système global en quelques jours.
constructeurs nippons lors de leur installation en Europe et aux
L’application des outils décrits par les ouvrages et expliqués par
États unis autour de l’an 2000, pour que la dimension managé-
les Japonais eux-mêmes, donne au Japon des résultats tellement
riale soit enfin comprise et pleinement prise en compte.
décalés par rapport au savoir-faire occidental qu’ils paraissent
souvent inatteignables, même en appliquant les principes ou les
outils. C’est cette base managériale qui va donner du sens aux outils,
Avant les années 2000, les outils seront copiés avec plus ou et faire passer les principes de la théorie à la pratique, pérenniser
moins de bonheur et de résultats, mais peu sera fait pour implan- les résultats sur lesquels il sera possible de construire pour
ter l’esprit du Lean dans les usines. Ce n’est que plus tard que s’approcher du Graal des 5 zéros.
deux éléments fondamentaux du système Toyota, le management Les entreprises japonaises l’appliqueront partout dans le
des hommes, seront intégrés à la démarche. monde, au-delà des cultures de chacun, avec le même résultat.

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1.2 La culture Lean C’est la présence ou l’absence de ces éléments qui conduit à la
réussite ou à l’échec d’une implantation du Lean. Ils sont dans un
Le terme de culture est utilisé ici car il ne s’agit pas de parler ordre tel que chacun ouvre l’accès au suivant.
uniquement en termes techniques, mais de faire comprendre ce
qui fait le fondement du système, ce que tous les employés Le Lean est un système managérial avant d’être un catalogue
doivent partager (avoir la foi) pour conduire leurs opérations indi- d’outils.
viduelles. C’est leur dénominateur commun.
Nous verrons que les principes sont assez simples, peuvent ■ Respect des personnes
paraître évidents, presque trop. C’est souvent au moment de les Toute personne de l’entreprise possède des compétences, elle
mettre en pratique qu’apparaissent les contradictions et les diffi- est reconnue pour cela, elle-même connaît aussi ses limites.
cultés pour leur rester fidèle.
On oublie les « OS », les ouvriers, les employés deviennent
La représentation mnémotechnique classique prend la forme de polyvalents et formés aux outils du Lean qui leur permettent de
la maison du Lean, il en existe plusieurs plus ou moins satisfai- participer et de contribuer au progrès.
santes, l’important est de ne rien omettre (cf. figure 2).
Ce n’est pas si évident (voir § 2.1.1) car toute notre histoire
industrielle va à l’encontre de ce principe. La pyramide hiérar-
1.2.1 Un objectif unique : satisfaire le client chique est bien installée, les rôles distribués entre ceux qui savent
en Qualité, Délai et Coût. et ceux qui réalisent.
■ Travail en équipe
Cet objectif peut paraître surprenant mais il implique évidem-
Ce mode de fonctionnement est évident au vu du précédent
ment d’être performant si on veut à la fois conquérir, satisfaire les
principe, et c’est une institution depuis longtemps en Orient où le
clients et dégager des marges :
consensus prime sur tout. L’équipe réunit les compétences néces-
– c’est un objectif à long terme, en fait quasiment inatteignable, saires sans souci d’ordre hiérarchique.
mais l’objectif est de s’en approcher ; Le manager fait partie de l’équipe, il partage ses objectifs, il est
– c’est un objectif fédérateur, tout le monde le comprend, per- exemplaire, sa mission est l’assistance et l’accroissement des
sonne ne peut s’y opposer ; compétences de ses co-équipiers. L’implication des employés tant
– c’est un objectif qui donne du sens aux décisions de tous les recherchée s’obtient par le management.
membres de l’entreprise dans leurs actions quotidiennes. Il est Un employé qui avait connu des patrons américains, français et
impossible à obtenir avec des indicateurs comme la MBCV (marge finalement japonais disait : « les plus cools, les plus attentifs ? Les
brute sur coûts variables), ou la Part de Marché qui ne parlent japonais ».
qu’aux spécialistes fonctionnels.
■ Management visuel
Quand l’objectif est approché, alors il est temps de penser à
redistribuer les bénéfices. Pour les travailleurs japonais, le pre- Ce principe va permettre de concrétiser le travail en équipe.
mier bénéfice, c’est l’emploi garanti. C’est en cela que le Lean est un système différent, il ne fait pas
qu’énoncer des principes qui vous font penser : « facile à dire
mais comment faire ? », il apporte des méthodes simples qui
1.2.2 Base et valeurs forcent la mise en place du principe.
« Ce qu’on ne voit pas n’existe pas » disait Taïchi Ohno. Le but
À la base de la maison du Lean, ce sont bien quatre éléments du management visuel est de rendre visible les problèmes aux
dont l’importance, voire l’existence, avaient échappé aux premiers yeux de tous, les partager, pour les traiter en équipe. Rendre
observateurs étrangers. visibles les problèmes plutôt que les garder pour soi revient à
s’obliger à les traiter.
Il s’applique aux signes physiques qui aident à adopter le bon
comportement (panneaux, tracés au sol, etc.) aussi bien qu’au
management visuel (tableau d’indicateurs et d’actions) qui sup-
Maison du Lean porte le travail de l’équipe.
■ Processus standardisés
Satisfaction du client Applicable à tous les processus (production, management, admi-
nistratif, etc.), le standard stabilise, rend répétable le processus, il
facilite l’analyse des problèmes et permet l’amélioration continue.
Décrit de manière simple, accessible à tous, souvent par la
Qualité du premier Les hommes Juste à temps
visualisation le processus peut alors être réalisé et donner le
coup Juste nécessaire
résultat attendu, celui qui satisfait le client.
0 défaut L’amélioration 0 gaspillage Illustré dans la figure 3, un standard visuel appliqué par tous
continue dans le respect des autres : laisser libre le passage pour la des-
cente du train.
Principe très différent de notre tradition orale : « Laisser des-
Activité lissée cendre avant de monter ».
Processus standardisés ■ Activité lissée
Management visuel Le lissage de l’activité c’est à la fois se positionner à un niveau
de charge stable et compatible avec le besoin du client et organi-
Respect – Travail en équipe
ser la répétitivité de certains évènements afin :
– d’éviter les à-coups en lissant la charge ;
– de standardiser, la répétition des évènements permet observa-
Figure 2 – Un système imagé : la Maison du Lean tion et standardisation ;

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Lean Management
Principes Qualité et Juste à temps
par Joël DUFLOT
Ingénieur Centrale Paris, manager dans l’automobile en France et à l’international,
intervenant en Université, Conseil en Excellence Opérationnelle. (Marseille, France)
Co-auteur de la BD : L’Usine du futur, se préparer avec le Lean (Eyrolles, 2017)

1. Le Lean management dans sa globalité ........................................... AG 5 196 - 2


1.1 L’objectif unique : satisfaire le client en Qualité, Délai et Coût.............. — 2
1.2 Base et valeurs ........................................................................................... — 2
1.3 Piliers et Amélioration continue ............................................................... — 3
2. Le pilier Qualité....................................................................................... — 4
2.1 Les concepts associés................................................................................ — 4
2.2 Les indicateurs de performance du principe qualité............................... — 5
2.3 Les difficultés d’application....................................................................... — 6
2.4 Les limites d’application du zéro défaut .................................................. — 6
3. Le pilier Juste à Temps......................................................................... — 6
3.1 Les concepts associés................................................................................ — 6
3.2 Les indicateurs de performance ............................................................... — 9
3.3 Les difficultés d’application....................................................................... — 10
3.4 Les limites d’application du juste à temps............................................... — 10
4. Les outils d’analyse et de progrès..................................................... — 11
4.1 Les outils du pilier Qualité......................................................................... — 11
4.2 Les outils du pilier Juste à temps ............................................................. — 15
5. Étude de cas............................................................................................. — 22
5.1 Organisation d’un flux ............................................................................... — 22
5.2 Maîtrise d’un flux tiré................................................................................. — 24
5.3 Kanban en approvisionnement externe................................................... — 26
5.4 Système Qualité ......................................................................................... — 28
5.5 Qualité en Juste à temps........................................................................... — 30
6. Conclusion................................................................................................ — 31
7. Glossaire ................................................................................................... — 31
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. AG 5 196

e Lean management a été initié par Toyota dès les années 1950 avant de
L s’étendre dans le monde entier et dans de nombreux domaines d’activité à
partir des années 1980. En réponse à la crise économique issue des chocs
pétroliers de nombreuses entreprises ont commencé à le mettre en œuvre
pour améliorer leur performance et assurer leur pérennité.
Il a fallu deux décennies pour que tous ses aspects soient bien compris et au
premier chef la nécessité de faire évoluer la base managériale des entreprises
afin d’obtenir l’implication de tous les employés dans l’amélioration de la
qualité et de l’efficacité en coût et délai. C’est cette exigence du travail
d’équipe, réalisé au plus près de l’endroit où se crée la valeur ajoutée du
produit ou du service, qui fait la spécificité du Lean management.
Le Lean, aussi appelé Excellence Opérationnelle, vise à la complète satisfac-
tion des besoins du client tout en limitant la consommation de ressources au
Parution : juin 2020

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AG5196

PRINCIPES QUALITÉ ET JUSTE À TEMPS ________________________________________________________________________________________________

juste nécessaire. Au-delà de la performance commerciale et financière qu’il


confère aux entreprises qui le pratiquent, il est bien adapté à l’impératif de
développement durable de notre époque. Pour atteindre ce but, il s’appuie sur
deux piliers traités au même niveau : la Qualité du premier coup ou Zéro
défaut et le Juste à temps.
La portée des principes que proposent ces piliers, la signification réelle de
leurs synonymes Qualité totale ou Flux tendu sont souvent mal connues.
L’écart qui peut exister entre la bonne application de ces principes et les
pratiques utilisées dans des modes de production plus classiques est très
important et, bien entendu, les résultats obtenus sont très différents. La
marche à franchir est d’autant plus haute que l’histoire des entreprises
véhicule souvent des paradigmes qui vont à l’encontre de ces fondamen-
taux du Lean, paradigmes qui sont toujours d’actualité dans nombre d’entre
elles.
Cet article a pour objet de situer les piliers du Lean dans le système
global, de préciser leurs fondamentaux et de présenter les outils essentiels
qui permettent d’évaluer le niveau de déploiement ou d’améliorer les
résultats.
Après un bref rappel des notions de la base managériale et de l’amélioration
continue, nous détaillerons les piliers du Lean et ce qui les distingue, voire les
oppose aux systèmes classiques de production.
Nous présenterons alors les principaux outils d’analyse et d’amélioration qui
permettent d’abord de faire un diagnostic de la situation, de mesurer l’écart
entre la situation constatée et la cible pour atteindre les objectifs Lean, puis
d’engager les premières actions de progrès.
La route est longue entre les premiers constats et des résultats visibles. Des
exemples réels permettront d’illustrer la démarche elle-même et l’application
des outils.
Les démarches sont variées, adaptées à la situation de chaque cas car le
Lean management se veut avant tout pragmatique, centré vers le résultat et le
client, mais les résultats sont toujours au rendez-vous dès lors que l’entreprise
s’attache à garder en point de mire les principes, et ne se limite pas seulement
à la stricte utilisation des outils.

1. Le Lean management 1.2 Base et valeurs


dans sa globalité À la base de la maison (les 4 règles en vert dans la figure 1),
détaillée dans l’article [AG 5 195], se trouvent les éléments qui
seront utilisés par tous les outils opérationnels du Lean.
La représentation mnémotechnique classique prend la forme de
la maison du Lean, il en existe plusieurs formes, l’important est de
Le Lean, c’est un système managérial avant d’être un cata-
ne rien omettre car le Lean, comme tout système de management,
logue d’outils.
ne peut être appliqué partiellement au risque de perdre son effica-
cité (cf. figure 1).

1.2.1 Respect des personnes


et travail en équipe
1.1 L’objectif unique : satisfaire
le client en Qualité, Pour que tout le monde soit impliqué, il faut intégrer chacun
Délai et Coût dans la démarche de progrès. Les personnes proches du terrain,
de la création de valeur, sont les plus aptes à traiter les difficultés,
à améliorer le fonctionnement.
C’est un objectif facile à comprendre et à accepter par tous les
membres de l’entreprise, chacun peut voir si ses actions vont Le rôle du manager est d’apporter à l’équipe les compétences
dans son sens. L’objectif ramène sans cesse à la raison d’être de qui lui manquent pour agir efficacement.
l’entreprise : créer de la valeur pour le client.

Cet objectif fédérateur implique tous les autres. En effet, il est 1.2.2 Management visuel
impossible de servir correctement le client si l’entreprise n’est pas
performante en matières de coût, qualité et délai dans son Il fait apparaître les écarts, les problèmes soit pour une action
domaine d’activité. immédiate, soit pour générer le partage et l’amélioration par le

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1.3.1 Qualité du premier coup ou zéro défaut


En connexion directe avec l’objectif de satisfaction du client, ce
Maison du Lean principe se résume ainsi :

Satisfaction du client « Ne pas recevoir, ne pas créer, ne pas transmettre de défaut ;
Arrêter de produire plutôt que produire mauvais ».

Qualité du premier Les Hommes Juste à temps On verra dans l’explication détaillée qu’il n’est jamais simple de
coup Juste nécessaire l’appliquer, principalement pour des raisons culturelles ou de
L’amélioration choix financier.
0 défaut continue 0 gaspillage

1.3.2 Juste à temps – Juste Nécessaire


Activité lissée Le juste à temps (JAT) ou Just In Time (JIT) porte les pro-
messes de réduction des délais et des gaspillages sur le flux de
Processus standardisés valeur, réductions qui intéressent au premier chef puisqu’elles se
Management visuel traduisent en gains financiers pour l’entreprise.
Il faut énoncer le principe ainsi :
Respect - Travail en équipe

« Disposer de la quantité de ressources juste nécessaire, au


moment juste nécessaire, au lieu juste nécessaire ».
Figure 1 – Le système imagé : la maison du Lean

Dans son livre [1], Taïchi Ohno annonce que « les deux piliers
travail en équipe. Le management visuel se compose des signes
sont à la fois le but poursuivi et le moyen d’atteindre ce but ».
et autres marquages qui permettent de connaître la conduite à
tenir lorsqu’ils apparaissent dans le champ de vision.
Le management visuel comprend également les tableaux sur Ces deux piliers sont intimement liés, c’est le juste à temps
lesquels sont affichés les résultats et les actions pour favoriser le qui donne, impose, les conditions du 0 défaut et ce sont les
travail en équipe. savoir-faire nécessaires au 0 défaut qui permettent le juste à
temps.

1.2.3 Processus standardisés


En conséquence, les 2 piliers doivent être développés simulta-
Ils sont utilisables dans tous les domaines (production, manage- nément (cf. figure 2). Réaliser des produits de qualité mais trop
ment, administratif, etc.). Le standard définit clairement les points chers ou hors délai n’est pas meilleur que de livrer très vite des
clefs du processus qui permet d’atteindre le résultat. produits décevants pour le client.
Le standard est défini par l’équipe en charge de l’appliquer, et
appliqué par tous. Il stabilise le résultat, facilite la détection des 1.3.3 L’amélioration continue ou Kaisen
écarts et permet la formation des nouveaux membres.

Kaisen signifie en japonais « changer pour mieux ». Ce qui


1.2.4 Activité lissée caractérise l’amélioration continue c’est qu’elle se réalise pas à
pas, sur un temps long. Chacune des petites améliorations
Le lissage de l’activité donne aux évènements la répétitivité qui étant validée avant de passer à la suivante.
permet :
– d’éviter les à-coups en lissant la charge ;
Améliorer est une nécessité : « Celui qui ne s’améliore plus
– de réduire les activités et les stocks inutiles générés par l’adap- cesse d’être bon ». C’est souvent la conscience d’un décalage
tation constante au changement ; avec les autres, l’apparition d’un besoin qui enclenche le proces-
– de standardiser car la répétition des évènements permet obser- sus d’amélioration. Se chalenger en permanence est donc la clef
vation et standardisation ; de la mise en mouvement.
– de limiter le stress lié à l’incertitude et ainsi de favoriser le tra-
vail d’équipe.
Cette notion sera reprise dans le chapitre sur le Juste-à-temps
(cf. 1.3.2).

1.3 Piliers et Amélioration continue


Deux piliers ou principes supportent les outils techniques du
Lean, outils qui permettent de mettre en place les processus Lean.
Le cœur du système, l’Amélioration continue, apporte les outils
génériques d’amélioration en équipe comme les groupes de pro-
grès, les chantiers. Ces outils sont toujours utilisés à l’aide du trip-
tyque de la base : Standard, Visuel, Équipe. Figure 2 – Équilibre du système Lean

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Valeur
2. Le pilier Qualité
Activités
d’amélioration
continue « Ne pas recevoir, ne pas créer, ne pas transmettre de
Chantiers défaut ; Arrêter de produire plutôt que produire mauvais ».

Activités Le 0 défaut reste inaccessible, il faut comprendre cet énoncé


Activités de standardisation ainsi : « tout doit être fait pour s’approcher de ce résultat, chacun
d’amélioration doit faire en sorte qu’on puisse traiter les causes des problèmes
continue Groupe de
afin que la production se poursuive normalement.
Résolution de problèmes

Activités
Appliquer ce principe c’est satisfaire le client ET être perfor-
de standardisation
Temps mant ».

Figure 3 – Les activités successives de l’amélioration


2.1 Les concepts associés
Les outils principaux de l’amélioration (cf. figure 3) ont été
décrits dans l’article [AG 5 195] : Les éléments essentiels du principe qualité sont imagés dans la
figure 4.
– le Standard qui stabilise les résultats des processus ;
Le client est au sommet du V qui figure le circuit de réalisation,
– l’amélioration continue par l’animation fréquente en équipe (AIC) ; il définit ses exigences d’un côté et juge du résultat de l’autre.
– l’amélioration rapide par le chantier.
En bas du V, on trouve les postes de travail auxquels il faut porter
un maximum d’attention afin d’y assurer la qualité du premier coup.
À retenir À droite, le Quick Response Quality Control (QRQC) mesure le
résultat, détermine les actions de réactivité et d’amélioration qui
– Le Lean est un système, il ne s’applique que globalement. assurent la pérennité du système et des résultats.
– Le Lean est un système orienté résultat, il place en priorité Pour mettre en place ce système Qualité, plusieurs étapes vont
la satisfaction du client. devoir être suivies.
– La base managériale (Standard, Visuel et travail en Équipe)
est essentielle, tous les outils y font appel.
– L’amélioration continue est au cœur du système, tout peut 2.1.1 Étape 1 : créer le référentiel qualité
et doit être amélioré pour approcher l’excellence et satisfaire et contrôle
le client. Après avoir précisé les exigences des clients, formulées ou
– Les deux piliers sont indissociables. 0 défaut et juste à implicites, il faut les transformer en un référentiel technique qui
temps sont complémentaires et doivent être développés simul- permettra à tous les acteurs de l’entreprise de comprendre et de
tanément. concrétiser ces exigences.

Client Client
satisfait

Exigences client
Informelles
Contrôle final
Cdc
Référentiel Retouche du défaut
Interne

QRQC
Mesure du résultat
Analyse et actions
Amélioration des standards

Poste de travail

Standard Autocontrôle
Formation Poka Yoké
Savoir faire de base Bon du 1er coup

Surveillance
Assistance

Figure 4 – L’application du Principe Qualité

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Sur la base de ce référentiel, il faut vérifier que les produits


livrés sont bien conformes à la demande du client. Ceci permet de
s’assurer qu’on ne livre pas de produits défectueux.
Sans ce contrôle final, c’est le client qui sera le premier à les
découvrir et donc à exprimer son insatisfaction. Si les résultats sont
bons, les fréquences et les modes d’investigation peuvent être adap-
tés, mais ce contrôle ne peut jamais être totalement supprimé car il
reste le garde-fou et constitue un système d’alerte en cas de dérive.

2.1.2 Étape 2 : produire conforme au poste


Le référentiel qualité est traduit pour chaque poste de travail afin
que le produit soit conforme dès la réalisation des opérations. Ce Figure 5 – Exemple de poka-yoké
principe est connu sous le vocable de Qualité Totale, pour bien
signifier que chaque poste de l’entreprise, qu’il soit en production
pas les produits mauvais en entrée (par exemple, il manque un
directe ou en appui, est impliqué dans l’obtention de la qualité.
trou, la pièce est à l’envers, etc.) ou bien il empêche une pièce
■ Les standards vont décrire les processus, préciser les points clefs défectueuse de quitter le poste (le vissage est incomplet, la pres-
(ceux qui sont importants pour la conformité du produit) et définir sion était trop faible etc.).
le critère d’autocontrôle. Ces standards peuvent être un document Avec les technologies du numérique et les capteurs associés, le
imagé ou des paramètres, des programmes machine. poka-yoké est de plus en plus accessible et efficace. S’il n’y a pas
de poka-yoké possible, il est nécessaire au minimum de formaliser
■ L’Autocontrôle donne la possibilité à l’opérateur ou à la machine l’Autocontrôle.
de comparer le résultat de l’opération réalisée au résultat attendu, afin
d’arrêter de réaliser des produits défectueux dès le premier incident. ■ Lorsqu’un problème est détecté, il faut agir et éventuellement,
se faire aider. C’est l’objet de l’Andon [15]. Le principe est qu’un
Prenons un exemple : bouton d’appel permet à l’opérateur de signaler une difficulté. S’il
Comment se traduit le principe qualité pour un opérateur qui peint s’agit d’une machine, l’alerte est lancée par l’automate. Dans les
une pièce ? deux cas, l’alerte est transmise, et une assistance se met en place
pour aider l’opérateur, analyser rapidement et résoudre le pro-
À l’arrivée de la pièce, l’opérateur en apprécie la propreté. Il ne doit
blème pour redémarrer la production.
pas accepter de défaut. Il ne s’agit pas de remesurer ce qui l’a déjà
été, mais de détecter une anomalie grossière, par exemple la pièce Réagir vite permet à la personne en assistance d’observer le
qui n’aurait pas été nettoyée. problème au moment où il vient de se produire. Aidée par les
La machine qu’il utilise régule en permanence la température et la informations apportées par l’opérateur, ils pourront ensemble trai-
pression pour assurer un débit conforme. Si un des paramètres est ter le problème immédiat et initier la recherche de ses causes
hors tolérance, elle s’arrête. Il n’est possible de produire qu’en condi- racines.
tions nominales.
L’opérateur apprécie le résultat de son travail en fonction des critères 2.1.4 Étape 4 : standardiser l’analyse
portés au standard : manque ou excès de peinture, couleur, brillant, et le traitement des causes
etc. En cas de doute ou de difficultés, il corrige le problème ou bien il
arrête la production. Ne pas produire et ne pas transmettre de défauts. L’assistance rapide décrite plus tôt permet de pallier le pro-
blème, les mesures prises sont dites palliatives car du fait de la
■ Produire conforme du premier coup n’est pas toujours facile, les rapidité d’action, il est possible que la cause racine n’ait pas été
processus sont plus ou moins « capables ». traitée. Une analyse de chaque incident est donc engagée en dif-
féré pour déterminer cette cause racine et proposer, puis valider,
Tout processus est soumis à des influences de divers para- des actions correctives. Une action corrective traite la cause et
mètres qui engendrent une dispersion dans le résultat obtenu. La donc doit a priori empêcher la récidive du problème. Pour assurer
capabilité d’un processus est une notion statistique. Un processus la pérennité du remède apporté, on l’inscrit dans les standards de
est dit « capable » s’il réalise la quasi-totalité des produits travail ou les systèmes de paramétrage des machines.
conformes à la demande (classiquement 99,8 %). Pour une expli-
cation plus exhaustive de la capabilité, voir le lien [18] en annexe. Cette démarche de réactivité au moindre défaut est nommée
QRQC (Quick Response Quality Control) (cf. § 4.1.3). Elle utilise les
Un processus doit donc toujours être surveillé afin de détecter outils Lean de détection, d’alerte, d’animation visuelle et d’assis-
les dérives. S’il est déclaré « capable », la fréquence de surveil- tance rapide, et y associe les outils de la qualité pour l’analyse.
lance sera faible, s’il produit fréquemment des défauts, il faudra
alors mettre en place un contrôle à 100 % des produits réalisés.
2.2 Les indicateurs de performance
2.1.3 Étape 3 : installer la réactivité immédiate du principe qualité
■ Le principe Qualité est aussi connu sous le nom de Jidoka [6],
Les indicateurs de performance clés sont ceux qui mesurent le
terme qu’utilisait Taïchi Ohno pour exprimer la nécessaire détec-
résultat sur le produit, ou le service, livré au client.
tion de problèmes par les machines elles- mêmes. En effet, avec
l’amélioration de la productivité et l’automatisation, il n’y a plus en ■ Les réclamations client
permanence un opérateur pour surveiller chaque machine ou
chaque opération. Il faut donc que les machines soient capables de C’est un indicateur essentiel qui traduit la vraie mesure de la
s’arrêter seules de produire si le résultat n’est plus conforme, for- satisfaction, même si le point de vue du client a évolué et qu’il
çant ainsi le respect du principe 0 défaut. n’est plus en accord avec le référentiel qualité établi au départ. La
mesure de la satisfaction client peut être réalisée par des
■ Le Jidoka est associé au poka-yoké [17] ou système anti-erreur enquêtes clientèle, par le niveau du coût de la garantie, par le
(cf. figure 5) qui le concrétise. Ce système anti-erreur n’accepte nombre de réclamations, etc.

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■ Le nombre de défauts par produit au contrôle final client. Il convient donc de réviser périodiquement les attentes des
Le contrôle est réalisé par rapport au référentiel Qualité, il mesure clients en matière de qualité pour recaler le référentiel et les stan-
les risques pris. Si de nombreux défauts sont détectés, c’est le dards au bon niveau ;
contrôle qui est utilisé pour assurer la qualité, alors le principe – la confiance excessive : standards et poka-yoké jouent leur
0 défaut n’est plus respecté et le client ne tardera pas à être insatisfait. rôle, le contrôle trouve peu de défaut et l’attention, la surveillance
se relâchent, jusqu’au jour où un élément du système vient à faillir.
■ Le taux de rebut ou retouche par zone Le problème risque alors d’être détecté trop tard et la confiance
C’est le pourçentage de produits détruits (rebut) ou pour les- des clients chutera immédiatement.
quels des opérations complémentaires ont été nécessaires pour
annuler un défaut (retouche).
À retenir
■ Le nombre d’appels Andon
Ils mesurent les difficultés à réaliser le produit bon du premier – Le zéro défaut, c’est ne pas recevoir, produire ou trans-
coup. Ils sont aussi un bon indicateur du coût d’obtention de la mettre de défauts pour assurer la satisfaction du client.
qualité puisque tous ces appels provoquent des pertes de temps et – Tout est fait à chaque poste de travail pour respecter ce
d’énergie. principe.
– Le standard et sa part d’autocontrôle sont indispensables.
■ Les écarts détectés lors de la surveillance – La réactivité, associée à une assistance efficace, est la clé
Ils représentent le non-respect du standard, les paramètres hors de l’application de ces principes au quotidien.
tolérance. Ils permettent de mesurer la fragilité du processus qui – Une analyse et un traitement de tous les problèmes per-
s’écarte plus ou moins facilement du nominal et doit donc être mettent d’assurer l’amélioration continue et la pérennité du
surveillé plus ou moins étroitement afin d’être amélioré. principe.

2.3 Les difficultés d’application


Le pilier Qualité est moins connu et moins bien appliqué que le
3. Le pilier Juste à Temps
pilier Juste-à-temps comme l’explique Michael Ballé [6]. L’une des
raisons à cela est que ce principe demande de gros efforts pour « Disposer de la quantité de ressources juste nécessaire, au
vaincre des résistances culturelles et techniques sans rapporter de moment juste nécessaire, au lieu juste nécessaire ».
bénéfice immédiat. La seule promesse de fidélité de la clientèle et
de prix de vente plus élevé grâce à la bonne image qu’il génère peut
être considérée comme peu concrète par de nombreux acteurs. Il Ce principe vaut pour toutes les ressources, qu’il s’agisse des
nécessite également que la base managériale (Standard, Manage- produits finis, des encours de production, des stocks de compo-
ment visuel et Travail en équipe) soit bien en place car le pilier Qua- sants ou de moyens mis en œuvre comme la main d’œuvre,
lité nécessite ses outils. l’énergie ou la surface des ateliers.
■ Cultuellement, il faut produire en continu et tout arrêt de pro-
duction est vu comme une perte sèche. Arrêter de produire pour Aucun gaspillage n’est donc admis, mais la capacité de réali-
traiter à la source un problème qualité n’est souvent accepté que si ser la quantité et la qualité souhaitées doit être préservée.
le traitement du problème est rapide et ne se reproduit pas trop
fréquemment. C’est l’organisation de l’assistance qui permettra de Il faut trouver le juste équilibre entre le manque et l’excès.
passer le cap et de réduire le nombre d’arrêts :
– rapide, elle limitera la durée des arrêts ;
– orientée amélioration, elle traitera les causes observées en 3.1 Les concepts associés
direct par l’opérateur et l’assistant.
L’opérateur participant à la solution évite ainsi de porter seul la 3.1.1 Les gaspillages : MUDA, MURI, MURA
responsabilité de la perte de production que son appel Andon a
pu engendrer. Les gaspillages, ou Mudas [17], sont toutes les choses qui sont
faites ou utilisées mais qui n’apportent pas de valeur pour le client.
■ Techniquement, les processus sont rarement « capables » s’ils
n’ont pas été conçus et testés en prenant en compte les risques de Côtoyés tous les jours, les gaspillages en deviennent invisibles,
non qualité. Le risque est de se trouver brutalement face à une leur répartition en 7 catégories, (cf. figure 6) permet de les mémo-
montagne de problèmes à résoudre dès qu’on vise le 0 défaut. Il riser et d’en prendre plus facilement conscience lors des tours de
sera nécessaire de prioriser, d’accepter des surcoûts de contrôle et terrain.
de garantie pour maintenir la satisfaction du client en attendant Chacune de ces catégories correspond à une utilisation de res-
que l’amélioration continue des processus produise ses effets. Le sources au-delà du juste nécessaire.
coût baissera avec l’amélioration des résultats, mais il faudra sou-
vent compter avec plusieurs mois de patience. ■ La surproduction est le pire des Mudas, il engendre tous les
autres. Si on produit trop ou trop tôt, on génère du stock inutile, du
transport vers le stock, un processus de protection des pièces en
2.4 Les limites d’application du zéro attente (processus inutile pour le client), des mouvements de prise
et dépose des pièces, et des défauts liés au stockage ou détectés
défaut tardivement.
Ce principe ne conduit pas à des dérives importantes pourvu Deux autres catégories sont ajoutées, de nature un peu différente :
qu’on ait pris soin de mettre en place tous les éléments préconisés.
■ La variabilité ou Mura : chaque changement d’état plus ou
Signalons toutefois 2 excès courants : moins prévu oblige à travailler sur les transitions entre états. La
– la sur-qualité : le système qualité est amélioré, complété au stabilité permet au contraire de réaliser plus de travail utile au
point que le souci de mieux faire fait oublier le vrai besoin du client et de progresser en efficacité.

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Atelier
7 Production de défauts

MB
MC
6 Mouvement MA

5 Stock

4 Processus MB MB

3 Transport MC

2 Attente

Figure 7 – Organisation en flux avec 3 types de moyens


(MA, MB, MC)
1 Surproduction

Dans un flux lissé, le temps de production est bien sûr le même


pour tous les éléments. Chaque moyen installé sur le flux doit
Figure 6 – Les Mudas donc adapter sa capacité pour respecter le takt time et produire
ainsi la juste quantité de produits.
Certains moyens devront être accélérés pour être capable de
■ La pénibilité ou Muri : si une personne, une machine, est sur- livrer le client.
chargée, elle ne pourra pas réaliser un travail conforme aux D’autres seront ralentis pour éviter la surproduction.
besoins du client sur la durée. Investir pour réduire la pénibilité
c’est aussi investir pour l’efficacité. Le passage en flux lissé n’est pas simple si les produits réalisés
sont de différents types avec des temps de passage différents sur
À titre d’exemple, Toyota organise la polyvalence et la rotation des chaque poste. L’ordonnancement les engagera dans un ordre tel
opérateurs entre les postes pour réduire les effets néfastes du travail qu’il facilite le respect du takt time au long du flux et l’équilibrage
répétitif. entre postes permettra de retrouver des temps homogènes.

Ces sources de gaspillage représentent couramment plus de la


moitié du travail réalisé par les personnes ou les machines, les 3.1.4 Flux tiré
réduire c’est baisser les coûts, pour cela le Lean a développé des
Il s’agit ici de piloter le flux de production amont par les
concepts génériques qui sont explicités ci-après.
commandes du processus aval.
Le processus le plus en aval étant celui de la livraison au client,
3.1.2 La production en flux le flux global est donc tiré par les commandes du client. Pour
La production de produits ou de services est organisée de telle obtenir un véritable flux tiré, il faut que chaque processus prélève
sorte que les opérations se succèdent dans un ordre logique, physi- à la sortie du processus qui le précède (processus amont) la quan-
quement observable sur le terrain (cf. figure 7). Les moyens néces- tité juste nécessaire pour son besoin de production.
saires sont répartis le long du flux sans distinction de technique Le fonctionnement en flux tiré va conduire à la synchronisation
employée pour une optimisation globale, sans chercher à rapprocher complète du flux, synchronisation déjà préparée par l’alignement
des machines similaires pour optimiser localement une technique. théorique sur le takt time.
L’organisation en flux induit d’elle-même une certaine effi- Le premier système qui fut utilisé pour travailler en flux tiré est
cience. La production s’écoule dans le bon ordre, avec des efforts le Kanban, il est toujours d’actualité. Cette notion sera approfon-
minima, sans allers-retours ou recherches inutiles. die au § 4.2.4.

3.1.3 Flux lissé 3.1.5 Flux tendu


■ Lisser l’activité [11], c’est amener chaque élément du flux à pro-
Le flux tendu n’est pas une méthode d’amélioration, c’est la
duire de manière régulière la quantité nécessaire pour le client, ni
mesure du résultat de l’application des méthodes Lean.
plus ni moins.
Ce juste nécessaire pour le client est représenté par le takt time L’expression fréquemment utilisée « travailler en flux tendu »
[12] (cf. figure 8). « Takt » est un mot allemand qui signifie rythme, ne doit pas être comprise comme la mise en place d’une pratique
le takt time est donc le rythme de production qui permet de servir spécifique mais comme le constat du résultat des actions d’amé-
les clients. lioration engagées. La mesure de la tension d’un flux se fait par le
lead time [13].
Exemple de calcul Le lead time, ou temps de transit, est le temps qui s’écoule
Le personnel est présent 8 h par jour avec 1 h de pause déjeuner. Il entre l’entrée d’un produit dans un processus et sa sortie.
reste donc 7 h engagées, soit 420 minutes. On peut mesurer différents lead time selon les points d’entrée
Il a 2 fois 10 min de pause : reste 400 min de temps effectif de et de sortie choisis :
production. – le lead time client : de la commande à la livraison ;
Si on prévoit de livrer 200 produits par jour, le takt time est donc – le lead time de production : de la première opération à l’entrée
de 400/200 = 2 min en stock ;

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