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Anne-Marie Baron
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L’influence de Cicéron
2. Pl., t. V, p. 594.
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dans son fourreau et retourna dans son lit. Pour sa part, celui dont le
glaive avait servi au meurtre se réveilla bien avant l’aube, appela son
compagnon, une fois, plusieurs fois. Il pensa qu’il ne répondait pas
parce qu’il était empêtré dans son sommeil. Il ramassa son glaive
ainsi que ses bagages et s’en alla seul. Peu de temps après, cepen-
dant, le tenancier hurle qu’un homme a été assassiné et, accompa-
gné de quelques clients, se lance à la poursuite du voyageur qui était
sorti peu de temps auparavant. Il le rattrape, sort le glaive du four-
reau et le trouve couvert de sang. Notre homme est conduit en
ville par le groupe et est mis en accusation. »3
L’intrigue balzacienne semble bien s’inspirer de ce récit,
qui donne même une clef possible de l’énigme. L’assassin
mystérieux pourrait être en effet l’aubergiste, mais Balzac pré-
fère de loin nous plonger dans la perplexité sur les mystères du
somnambulisme. Par ailleurs, l’auberge s’avère être pour
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3. De Inventione, II, 14-15, Éd. Guillaume Budé, Paris, Les Belles lettres,
1994, p. 149.
4. De Senectute, 84, Éd. Budé, Paris, Les Belles Lettres, 1961, p. 134.
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7. « Ouvre-lui donc les entrailles avec une lame d’acier », dit le Texte
d’Alchimie, en parlant du minéral d’où s’extrait l’huile de vitriol. L’épée est
symbole du feu dans les sculptures de Nicolas Flamel au cimetière des
Innocents.
8. « Le statut philosophique de l’or dans La Comédie humaine », AB 2006.
9. Pour les alchimistes juifs, le plomb désignait le profane non éclairé,
tandis que l’or était une métaphore décrivant le non-initié aspirant à la « cons-
cience d’or ». De nombreux textes établissent un parallèle entre Dieu et l’ « Or
céleste ». Dans le Zohar, le « mystère de l’or » est débattu dans ses dimensions
mystique et allégorique (II, 73 a-b, 148 a et s.). Pour un auteur anonyme, il
existe « dix ordres ou degrés de l’or », correspondant chacun à l’une des dix
sephirot, ou émanations de la Divinité (Aesch Mezareph, 1714, 13-14).
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réel, dont il ne veut rien savoir, fait retour par des voies
détournées ; hallucinations, symptômes corporels, traces
écrites trahissent alors la présence sous-jacente de cette réalité
symboliquement abolie. Il n’existe donc pas de crime si parfait
qu’il ne se trahisse concrètement par le comportement du cri-
minel aux yeux d’un observateur. En effet, le banquier Taille-
fer a toutes sortes de symptômes au cours du dîner. Tremble-
ments, sueur, pâleur, gestes machinaux et compulsifs pour se
verser de l’eau, puis flamme sombre dans le regard et enfin
crise d’une terrible maladie inconnue, dont les symptômes
sont ainsi décrits : « Il pousse des cris terribles, il veut se
tuer [...]. Ce pauvre homme prétend avoir dans la tête des
animaux qui lui rongent la cervelle : c’est des élancements,
des coups de scie, des tiraillements horribles dans l’intérieur
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nous lâchera plus grâce au pouvoir d’un texte qui réalise ses
fantasmes : « La délibération était déjà sans doute un crime.
Fasciné par cette masse d’or, il s’enivra moralement par des
raisonnements assassins. »18
Le pèlerinage de la vie
20. Voir Alexandre Koyré, Mystiques, spirituels, alchimistes du XVIe siècle alle-
mand, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1971.
21. Ibid., p. 127.
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