13520-Article Text-39824-2-10-20201030
13520-Article Text-39824-2-10-20201030
13520-Article Text-39824-2-10-20201030
Issakha Dia,
Enseignant-Chercheur, Assistant, Laboratoire de Matériaux et d’Energetique
(LME), Institut Universitaire de Technologie, Université de Thiès, Sénégal
Doi:10.19044/esj.2020.v16n29p225 URL:http://dx.doi.org/10.19044/esj.2020.v16n29p225
Résumé
Dans cette étude, nous avons choisi d’analyser trois ports; Abidjan et
Dakar, du fait de leurs tonnages importants de marchandises en transit pour
Bamako, et Conakry en raison de sa proximité d’avec la capitale malienne. La
méthodologie adoptée repose sur une recherche documentaire couplée
d’enquêtes de terrain menées auprès des chargeurs, des
armateurs/consignataires des chargeurs. Ces acteurs ont été interviewés à
Bamako et au niveau des postes-frontières sur les corridors desservant les
ports de Dakar, Abidjan et Conakry. Les résultats obtenus montrent que le port
d’Abidjan, bien qu’il ne dispose pas de la meilleure localisation et du meilleur
tonnage de marchandises, est malgré tout le port le plus performant grâce à un
meilleur temps de passage portuaire, de meilleures infrastructures portuaires
et de dessertes vers Bamako.
225
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
Issakha Dia,
Lecturer-Researcher, Assistant, Laboratory of Materials and Energy (LME),
University Institute of Technology, University of Thiès, Senegal
Abstract
This paper focuses on analyzing port Abidjan and Dakar because of
their large tonnages of goods in transit for Bamako and port Conakry because
of its proximity to the Malian capital. The methodology adopted is based on a
documentary research coupled with field surveys carried out with shippers,
shipowners / consignees, and forwarders. These actors were interviewed in
Bamako and at the border posts on the corridors serving the ports of Dakar,
Abidjan, and Conakry. The results obtained show that the port of Abidjan,
although it does not have the best location and the best tonnage of goods, is
despite everything the most efficient port due to a better port transit time,
better port infrastructure, and services to Bamako.
Introduction
Le transport international est avant tout le choix d’une offre de
transport. Deux critères sont souvent pris en compte dans cette décision : le
coût d’achat de la prestation et le temps d’exécution (Bonnel, 2004).
Visiblement, compte tenu des statistiques concernant le transport international
de marchandises, le transport multimodal intégrant une voie maritime est de
loin l’offre préférée des chargeurs. En effet, plus de 80 % des échanges dans
le monde se font par la voie des mers, soit 10,7 milliards de tonnes/année ou
339,29 kg/seconde (UNCTAD, 2018). Le parcours des marchandises de leurs
lieux d’origine à leurs lieux de destination avec des ruptures de charge au
niveau des ports, passe d’un environnement à un autre (terre-mer et vice
versa). Le port se positionne donc comme une interface physique et
opérationnelle, qui cristallise à son amont, un foreland qui s’apprécie en
fonction de la localisation ou non des grandes routes maritimes, et à son aval
un hinterland (Vigarié, 1977). Les ports représentent les points de
convergence des flux d’échanges internationaux de marchandises et à ce titre,
226
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
1. Matériel et méthode
1.1. Présentation du terrain de la recherche
Selon les statistiques du Port de Dakar (PAD) de 2019, Dakar traite
65% des importations de marchandises maliennes. Dakar est donc le principal
port de transit des importations maliennes (Figure 1). Il est relié à Bamako,
grâce aux corridors nord et sud (Dakar- Tambacounda-Kidira-Bamako et
Dakar-Tambacounda-Kédougou-Bamako) respectivement accessible à 1382
et 1225 km, mais aussi par le chemin de fer, qui est un patrimoine commun
entre le Sénégal et le Mali. Le Mali est le seul arrière-pays du port de Dakar,
ce qui a poussé le port de Dakar à nouer des accords de coopération à savoir
une priorité d’accostage au môle 3 pour les navires transportant des
marchandises maliennes, des avantages tarifaires exceptionnels (abattement
de 10% pour la location de hangars et 50% sur les redevances maritimes) mais
aussi des délais de franchise de 21 jours pour les marchandises diverses et 12
jours pour les véhicules. Après le port de Dakar, le port d’Abidjan selon les
statistiques (Tableau 1), est le deuxième approvisionneur de Bamako. Il est
227
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
accessible à Bamako via une route longue de 1110 km. Comme le Sénégal, la
Côte d’ivoire qui abrite le port d’Abidjan dispose d’une frontière commune
avec le Mali. Le port de Conakry quant à lui est associé à cette étude
comparative de la compétitivité à cause de sa faible distance de Bamako.
Figure 1. Trafic de marchandises par les ports de Conakry, Abidjan et Dakar (C-A-D) de
2011 à 2016.
228
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
229
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
2. Résultats
2.1. Organisation du choix portuaire
Dans le cadre de cette étude, la question du choix portuaire se pose
surtout du coté des opérateurs maliens devant leurs différents voisins, guidé
par les propositions et autres sensibilités qu’ils développent avec le pays et le
port en question. Le port de Dakar est à la première place suivi par le port
d’Abidjan (en partie en raison des troubles survenus en 2002 en Côte d’Ivoire,
ce qui avait détourné les trafics vers le port de Dakar – Dago, 2018 –), et en
dernier, vient le port de Conakry.
230
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
231
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
232
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
233
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
Ainsi nous avons synthétisé ces choix et les avons mesuré sur la base
de pondérations de 1 à 4 (Tableau 5). Le chiffre 1 indique que l’acteur
privilégie cet aspect de la performance. Le chiffre 4 montre au contraire que
cet aspect de la performance globale est le moins priorisé. Ces résultats
dénotent de l’influence, dans cette partie de l’Afrique en tout cas, du poids
sociologique dans les décisions des chargeurs lors de choix économiques.
234
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
235
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
Après échange avec les transitaires intervenants sur ces trois corridors,
ilressort sur les 11 critères d’appréciation de performance utilisés pour
différencier les ports, le port de Conakry a dépassé ses concurrents que sur un
seul point : la localisation géographique ; et ici on parle de la distance linéaire
selon la route légale entre le port de Conakry et Bamako, et sur ce point même,
la qualité de la route n’est pas satisfaisante (Tableau 6).
Selon les chargeurs maliens, les ports de Dakar et d’Abidjan sont au coude-à-
coude par rapport à la majeure partie des critères évalués. Ils dépassent
largement le port de Conakry qui bien que plus proche, son corridor d’accès
est moins praticable (Tableau 7).
Tableau 7. Performance portuaire (Conakry, Dakar et Abidjan) appréciée par les chargeurs
sur les corridors menant à Bamako
Ports
Critères d'appréciation de la performance
Conakry Dakar Abidjan
Efficacité du port 4,7 2,4 2,1
Infrastructures adéquates 4,8 2,2 1,5
Localisation géographique du port (distance par rapport
1,0 2,1 2,0
au lieu de destination finale des marchandises)
Réponse rapide aux besoins des utilisateurs 4,6 1,8 2,1
Qualité et fiabilité des services de transit 4,0 1,2 1,4
Temps de transit et difficultés rencontrées en cours de
4,9 3,9 3,4
trajet
Importance économique de l’arrière-pays 4,8 2,0 2,1
Stabilité politique du pays abritant le port 4,6 1,9 2,8
Bonnes liaisons avec l’arrière-pays (voies de
5,0 2,2 1,9
communication)
Contact personnels et facteurs historiques influençant le
4,1 1,2 3,1
choix de ce port
Coût total du post-acheminement 3,2 2,6 2,4
Chaque enquêté donne une note selon un barème de 1 à 5; 1 est la meilleure note
Source : Auteur, d’après les enquêtes de terrain réalisées en février 2018.
236
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
Tableau 9. SMC des ports de Conakry, Dakar et Abidjan par rapport au marché malien
Acteurs portuaires Ports
Conakry Dakar Abidjan Effectif
Transitaires 3,7 2,42 2,28 72
Chargeurs 4,15 2,13 2,25 15
Armateurs/ consignataires ND 2,62 2,12 2
SMC 3,92 2,39 2,21 89
ND: non disponible, par ce qu’il n’ y a pas d’enquêté (pas de représentant
d’armateur/consignataire sur place)
Source : Auteur, d’après les enquêtes de terrain réalisées en février 2018.
Le Tableau 9 donne les moyennes des critères notés dans les Tableaux 6,
7 et 8 qui sont utilisés pour calculer les SMC des ports. Selon le barème utilisé,
le port d’Abidjan est le plus compétitif au regard des critères utilisés.
3. Discussion
Cet article a montré que le passage portuaire est au centre des
prestations logistiques dans le cadre d’une opération de commerce à
l’international et qu’il fallait lui accorder davantage de l’importance. Au-delà
de la lecture de façade qu’on pourrait y faire par le simple fait de faire passer
ses marchandises dans un port choisi, c’est surtout une compétition acharnée
que se livrent les ports concurrents. Chacun y va dans le sens de valoriser ses
atouts naturels, ses relations amicales et diplomatiques mais aussi par des
investissements et une efficacité (et efficience) tantôt dans les tarifs proposés,
dans des délais courts lors de prestations, mais aussi dans la qualité des
237
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
services vendus.
Jusqu’au début des années 2000, le défaut d’investissement dans la
plupart des ports d’Afrique de l’ouest se manifestait par une productivité très
faible au regard de la moyenne des grands ports mondiaux et par des temps de
passage très long. Aujourd’hui, même si les ports africains n’ont pas la même
productivité que les grands ports du monde, il se crée progressivement une
tendance vers une homogénéisation des pratiques à cause des partenariats
public-privé (ou affermage). Les compagnies maritimes installées dans les
grands ports sont les mêmes implantées dans les ports ouest-africains (SP&D
Proparco, 2017). Ce qui améliore les cadences de manutention. Il y a 25 ans
par exemple, les ratios sans outillage de quai étaient de l’ordre de 4 ou 5
conteneurs/heure et par équipe, alors qu’aujourd’hui ces rendements
atteignent une quinzaine de conteneurs en moyenne (Meyer, 2017). Les délais
de séjour portuaire qui étaient respectivement de 12 jours pour Abidjan et de
19 jours pour Dakar sont passés respectivement à 3 et à 8 jours (Dia, 2019).
Selon une étude du World Economic Forum (WEF), relayée par l’Observatoire
Europe-Afrique 2020 (2017), qui mesure le niveau des infrastructures,
l’Afrique est en deçà des standards mondiaux mais héberge malgré tout, de
bons élèves parmi les ports évalués à l’exemple des ports d’Abidjan et de
Dakar.
Forts de tous ces éléments, et dopés par la croissance des flux
d’échanges commerciaux, les ports ouest-africains, à l’exemple d’Abidjan, de
Dakar et dans une moindre mesure de Conakry, sont en pleine expansion. Ils
sont en rivalité pour le leadership régional, certes, mais aussi pour
approvisionner un des pays enclavés les plus importants de la sous-région.
Cela signifie que les opérations portuaires sont très importantes, mais ne
servent à rien si elles ne s’accompagnent pas d’améliorations des
infrastructures routières et ferroviaires d’accès au port. Les ports d’Abidjan et
de Conakry ne sont pas liés à Bamako par la voie ferrée. Le port de Dakar
quand lui, en dispose, mais elle est en dégénérescence avancée. Vu que les
ports sont dans les villes, et que les infrastructures routières sont généralement
sous-dimensionnées par rapport au trafic, se créent alors des goulots
d’étranglement qui causent beaucoup de préjudices au délai d’acheminement
global des marchandises (Ndjambou, 2004).
Selon le trafic en transit vers le Mali, le port de Dakar (selon les
chiffres de 2018) est largement devant ; soit 4,9 fois supérieur. Parmi les
explications qu’on pourrait avancer, il y a le fait que Dakar a pratiquement un
seul hinterland, alors qu’Abidjan en dispose 2 (Mali et Burkina Faso). Un autre
élément est que Dakar a deux modes de desserte vers le Mali (route et fer)
alors que, Abidjan n’en a qu’un (route) et la desserte routière entre Conakry et
Bamako est dans un état de délabrement avancé. Enfin, la décennie
d’instabilité qu’a connu la Côte d’Ivoire a beaucoup profité à Dakar, qui s’en
238
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
Conclusion
Depuis la signature des premières concessions portuaires dont le port
de Tema a donné l’exemple en 2004 (Hartmann, 2010), en Afrique de l’Ouest,
on a constaté un changement total du transport maritime. Cela s’est traduit par
des changements totaux et en profondeur : amélioration des infrastructures
portuaires et des accès terrestres, des changements dans la gouvernance des
terminaux et l’arrivée de leaders mondiaux de la manutention portuaire ont
contribué à une nette amélioration des performances et de la productivité dans
plusieurs ports.
Néanmoins, ces gains ont été partiellement sapés par la clarté limitée
des objectifs du secteur public, le manque de coordination entre les institutions
portuaires, les douanes, les ministères des transports et les syndicats. La
multiplication des opérateurs privés devrait toutefois contribuer à créer une
pression pour des réformes institutionnelles plus larges.
Globalement, la productivité des ports ouest-africains demeure jusqu’à
présent à un faible niveau. Parmi les ports évalués par Berth Productivity, seul
le port d’Abidjan présente un niveau encourageant de qualité des
infrastructures.
Actuellement dans le monde, les ports sont dans des processus de
modernisation et d’extension très avancés des infrastructures. Il ne faudrait
pas que dans les 5 prochaines années que l’Afrique de l’Ouest rate le coche.
Heureusement, on constate des débuts rassurants; au port de Conakry, au-delà
de Bolloré qui y gère une concession, le gouvernement a signé il y a quelques
mois, un contrat de 25 ans avec un conglomérat turc, Albayrak pour la gestion
de la partie conventionnelle du port (Barry, 2018). Le port d’Abidjan, et à juste
titre, est entrain de mettre en place son arsenal d’infrastructures. Après la
réception des travaux du terminal de Vridi, s’en suivront les terminaux
minéraliers et Ro-Ro (roll on - roll off), mais aussi le réaménagement de la
voirie portuaire. Le port de Dakar n’est pas en reste. Du point de vue des
239
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
References :
1. Alix, Y. (2018). Du nouveau paradigme portuaire aux complexités
logistiques terrestres : opportunités pour les économies ouest
africaines., In Moderniser les ports ouest-africains : enjeux et
perspectives, EMS, pp 149-172.
2. Barry, D. (2018). À Conakry, la concession portuaire accordée à une
société turque crée la controverse. Jeune Afrique, Transport maritime,
https://www.jeuneafrique.com/617477/economie/a-conakry-la-
concession-portuaire-accordee-a-une-societe-turque-cree-la-
controverse/
3. Berth Productivity (2014). The Trends, Outlook and Market Forces
Impacting Ship Turnaround Times. JOC Port Productivity. JOC,
PIERS, 24p.
4. Bonnel, P., (2004). Prévoir la demande de transport. Presses de
l’ENPC, Paris, 432p.
5. CEA (Commission Economique pour l’Afrique) (2004). Accélérer
l’intégration régionale en Afrique : vue d’ensemble. United Nations
Publications, 36 p.
6. De Langen, P. W. (2007). Port competition and selection in contestable
hinterlands: the case of Austria. In European Journal of Transport and
Infrastructure Research, vol.1, n°7, pp. 1-14.
7. Dia, I. (2008). L’optimisation des espaces portuaires : le cas de
GETMA Sénégal. Rapport de stage pour l’obtention du Master 2 en
Management portuaire et maritime & Logistique transport. Université
du Littoral Côte d’Opale (ULCO) de Dunkerque France. 55 p.
240
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
241
European Scientific Journal October 2020 edition Vol.16, No.29 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431
242