Théories Du MGMT
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Théories Du MGMT
Objectifs
1. Décrire les sources historiques
L a connaissance de l’histoire du manage-
ment peut faciliter la compréhension de
nombre de méthodes et théories de mana-
des méthodes modernes de gement contemporaines. Dans ce chapitre,
management. nous étudierons les origines de nombreux
2. Présenter les apports et concepts actuels et tenterons de démontrer que
l’actualité de l’école classique du leur évolution reflète non seulement celle des
management. besoins des entreprises, mais aussi celle de la
3. Montrer l’importance du mou- société dans son ensemble.
vement des relations humaines
dans les conceptions modernes
du management. 1. Management dans l’ère
4. Analyser les liens entre l’émer-
gence des grandes théories du
prémoderne
management et leur contexte Les hommes exercent des activités organi-
sociohistorique d’apparition.
sées et pratiquent le management depuis des
5. Identifier les modèles de réfé- milliers d’années, peut-être même davantage.
rence dans la théorie managé- Certains paléontologues n’ont-ils pas trouvé
riale contemporaine. des traces de taillage de silex à la chaîne du
temps de l’homme de Cro-Magnon1 ? Plus près
de nous, les pyramides d’Égypte et la Grande
Muraille de Chine témoignent que des projets
d’une envergure phénoménale, impliquant des
dizaines de milliers de personnes, étaient déjà
mis en œuvre bien avant l’époque moderne.
Les pyramides en offrent un exemple parti-
culièrement intéressant. La construction d’un
seul de ces monuments occupait des milliers
d’individus pendant plusieurs décennies. Qui
se chargeait d’indiquer à chaque ouvrier ce qu’il
était censé faire ? Qui s’assurait de l’existence
d’un stock suffisant de pierres, afin de prévenir
toute interruption du chantier ? Ce genre de
responsabilités incombait aux managers. Peu
importe le nom qu’on leur donnait alors ; il
fallait que quelqu’un planifie le travail, organise
la main-d’œuvre, gère l’approvisionnement en
matériaux et dirige les ouvriers.
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2 Management
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Chapitre 1 – Aux sources du management contemporain 3
des nations (1776) s’ouvre par un brillant exposé sur les bénéfices économiques que la
division du travail peut apporter aux entreprises et à la société et qui peuvent également
être généralisés au commerce international3. S’appuyant sur l’exemple d’une manufac-
ture d’épingles, Smith note que dix ouvriers, spécialisés chacun dans une tâche précise,
sont capables de produire quelque 48 000 épingles par jour. En revanche, s’ils travaillent
séparément, indépendamment les uns des autres, ces mêmes dix ouvriers pourront déjà
s’estimer heureux d’en fabriquer 200 – ou même 100.
Division du travail — Décomposition rationnelle du travail en tâches parcellaires et répétitives.
Smith en déduit que la division du travail augmente la productivité, car elle permet
de développer le savoir-faire et la dextérité de chaque ouvrier, évite les pertes de temps
ordinairement liées aux changements de postes et stimule l’apparition d’inventions et
de machines susceptibles de réduire la main-d’œuvre. Aujourd’hui, la grande popularité
des emplois spécialisés – dans certaines activités tertiaires telles que l’enseignement ou
la médecine, tout comme sur les chaînes de montage des usines automobiles – découle
sans aucun doute des avantages économiques soulignés, voilà plus de deux siècles, par
Adam Smith.
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ont tendance à « flâner ». Selon lui, la production n’atteint de ce fait qu’un tiers environ
de son maximum potentiel. Aussi décide-t-il de remédier à cette situation par le biais de
l’étude scientifique des emplois ouvriers. Il va consacrer plus de vingt années d’obser-
vation et de recherches à déterminer la manière optimale de réaliser chaque tâche et de
concevoir les systèmes de gestion opérationnelle nécessaires pour ces nouvelles formes
d’organisation du travail.
Management scientifique — Utilisation d’une méthodologie scientifique pour définir la manière
optimale de réaliser une tâche.
Taylor a pour ambition de révolutionner les mentalités – celles des ouvriers comme celles
des patrons – en établissant des règles claires permettant d’améliorer la productivité. Il
dégage les quatre principes de base du management (voir document 1.1) et affirme que le
respect de ces principes assurera la prospérité de tous : les employés seront mieux payés
et les entreprises verront leurs bénéfices augmenter.
Par l’application des techniques du management scientifique, Taylor s’estime capable
de déterminer la manière optimale d’accomplir une tâche donnée surtout en termes de
temps. Il peut dès lors choisir la personne la plus adaptée pour ce travail et lui apprendre
à le réaliser très précisément de cette façon-là. Pour motiver les ouvriers, il préconise la
mise en place d’une rémunération au rendement individuel. Taylor indique avoir obtenu
ainsi des gains de productivité de 200 % et plus, tout en réaffirmant les fonctions de
planification et de direction des managers et la nécessité pour les ouvriers d’obéir scru-
puleusement aux instructions.
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Chapitre 1 – Aux sources du management contemporain 5
usines devient d’emblée un best-seller. Dès 1914, les conceptions tayloriennes ont acquis
une telle popularité qu’à New York, une exposition sur l’efficacité économique inau-
gurée par Taylor attire un public estimé à 69 000 personnes. Bien que ses idées aient été
diffusées non seulement aux États-Unis, mais aussi en France, en Allemagne, en Russie
et au Japon, c’est sur l’industrie américaine que Taylor aura le plus d’influence. En 1908,
le montage de la Ford T demande douze heures vingt ; dans les années 20, une heure
vingt suffit ! La méthode taylorienne va désormais conférer aux entreprises industrielles
américaines un avantage certain sur les firmes des autres pays, ainsi qu’une efficacité que
leur enviera le monde entier – au moins pour une cinquantaine d’années.
Frederick Taylor
Théorie classique
L’expérience menée par Taylor dans le domaine de la fonte brute représente sans doute
l’exemple de management scientifique le plus couramment cité. Les ouvriers chargeaient
des gueuses de fonte de 92 livres sur des chariots. Leur production moyenne s’élevait
à 12,5 tonnes par jour. Taylor était convaincu que l’analyse scientifique de leur travail
permettrait de déterminer la manière optimale de charger les gueuses et de porter ainsi
la production quotidienne à 47 ou 48 tonnes.
Il commença par chercher un sujet solidement bâti et financièrement intéressé. L’indi-
vidu sélectionné, un immigré néerlandais de forte carrure, fut surnommé « Schmidt ».
Comme tous ses collègues, Schmidt gagnait 1,15 dollar par jour – une somme qui, même
à l’époque, suffisait à peine pour vivre. Taylor s’engagea à lui verser 1,85 dollar s’il accep-
tait de faire ce qu’il lui demanderait.
Il lui fit donc charger ses gueuses de fonte en modifiant alternativement divers facteurs,
afin d’en mesurer l’impact sur sa production journalière. Certains jours, Schmidt devait
par exemple soulever les gueuses en dépliant les genoux ; d’autres fois, on lui ordon-
nait de garder les jambes droites et de ne se servir que de son dos. Taylor fit varier les
périodes de repos, la cadence du pas, les postures de chargement et quantité d’autres
variables. Après avoir longuement et méthodiquement expérimenté diverses combi-
naisons de procédures, de techniques et d’outils, Taylor parvint à obtenir le niveau de
productivité espéré. En confiant ce travail à la bonne personne, munie d’un outillage
et d’un équipement adéquat, en l’incitant à respecter à la lettre ses instructions et en
la motivant par une augmentation substantielle de son salaire, Taylor avait atteint son
objectif de 48 tonnes par jour.
Il est important de bien comprendre ce que Taylor avait découvert en arrivant chez
Midvale Steel, et qui l’avait à ce point poussé à vouloir améliorer le fonctionnement de
l’usine. À cette époque, la responsabilité des employeurs et des managers correspondait
encore à un concept assez flou. Il n’existait pour ainsi dire aucune norme permettant de
mesurer l’efficacité du travail. Les ouvriers faisaient exprès de travailler lentement. Les
dirigeants prenaient leurs décisions du fond de leur siège, en se fiant uniquement à leur
intuition. On ne se souciait jamais de savoir si les capacités et les aptitudes des ouvriers
correspondaient aux postes auxquels on les affectait. Pire encore, la direction et le per-
sonnel s’estimaient engagés dans un conflit permanent. Plutôt que de coopérer pour le
bien commun, ils percevaient leur relation comme un antagonisme de forces – si l’un
gagnait quelque chose, c’était forcément au détriment de l’autre.
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Chez Midvale et Bethlehem, Taylor s’est associé avec le jeune ingénieur Henry Gantt. À
l’instar de Taylor et des époux Gilbreth, Gantt cherche lui aussi, par l’investigation scien-
tifique, à rendre les ouvriers plus efficaces. Il développe certaines idées de Taylor en leur
adjoignant quelques-unes des siennes. Gantt imagine ainsi une méthode de motivation
qui offre aux ouvriers la possibilité d’obtenir une prime s’ils achèvent leur travail avant
la fin du temps imparti. Il introduit également le versement d’une prime au contremaître
pour chaque ouvrier ayant respecté les délais, assortie d’une bonification supplémentaire
si toute son équipe y est parvenue. Gantt élargit de la sorte le champ d’application du
management scientifique, afin de prendre en compte à la fois le travail du manager et
celui de l’ouvrier. Mais il est surtout connu pour avoir inventé un graphique à barres
susceptible de servir d’outil de planification et de contrôle du travail. Ce graphique, dit
« diagramme de Gantt », sera étudié plus en détail au chapitre 16 dédié au management
des opérations.
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Chapitre 1 – Aux sources du management contemporain 7
l’époque dans laquelle Taylor, Gantt et les époux Gilbreth vivent. Le niveau de vie est
très bas. La production nécessite une main-d’œuvre extrêmement abondante. Au début
du siècle, Midvale Steel emploie une vingtaine ou une trentaine d’ouvriers dont l’unique
tâche consiste à charger des gueuses de fonte sur des chariots. De nos jours, un seul
ouvrier équipé d’un élévateur hydraulique pourrait sans doute réaliser en quelques
heures la totalité de leur production quotidienne. Mais ce genre d’appareils n’existe pas
encore. De même, pour que les avancées de Gilbreth en matière de briquetage prennent
tout leur sens, il faut d’abord savoir que la plupart des bâtiments de qualité sont alors
construits en briques, que les terrains sont bon marché et que la plus grande part du coût
de fabrication d’une usine ou d’une maison est imputable aux matériaux utilisés (les
briques) ainsi qu’à la main-d’œuvre.
2.4. De Henri Fayol à Max Weber : vers une première approche
européenne du management
Henri Fayol et Max Weber ont joué un rôle très important dans le développement de la
théorie administrative générale. Déjà mentionné en début de chapitre, Fayol propose de
définir le management comme un ensemble universel de fonctions : prévoir, organiser,
commander, coordonner et contrôler. Étant donné l’impact de son travail, il convient d’y
revenir ici plus en détail8.
Les écrits de Fayol (1841-1925) sont contemporains de ceux de Taylor, et Fayol prend
connaissance des travaux de Taylor dès 1913. Mais tandis que ce dernier s’intéresse au
management des ateliers en lui appliquant une méthodologie scientifique, Fayol, qui
s’appuie sur l’expérience accumulée tout au long de sa vie professionnelle, traite pour
sa part de l’administration en tant qu’ensemble des activités de management. Taylor,
comme ingénieur et consultant, s’intéresse à l’amélioration de la performance au niveau
des ateliers et des ouvriers individuels, tandis que Fayol, en tant que directeur général
d’une grande entreprise charbonnière – les mines de Commentry (Allier) –, adopte
davantage une vue d’ensemble de l’entreprise et de son développement dans le temps,
en mettant en avant la responsabilité du dirigeant pour le bon fonctionnement et l’har-
monie régnant au sein du corps social.
Fayol distingue le management des autres fonctions courantes de la conduite des affaires,
telles que la comptabilité, la gestion financière, la production ou la distribution. Il
s’agit selon lui d’une activité commune à l’ensemble des entreprises humaines, depuis
l’administration d’un État jusqu’à la tenue de la maison. S’appuyant sur sa très longue
expérience à la tête des mines de Commentry, il propose quatorze principes de manage-
ment – sortes de vérités fondamentales ou universelles pouvant être enseignées dans les
écoles et les universités. Le document 1.2 en dresse la liste.
1. Division du travail. Identique au principe édicté par Adam Smith. La spécialisation rend
les ouvriers plus efficaces et permet d’améliorer leur rendement.
2. Autorité. Les managers doivent pouvoir donner des ordres. L’autorité qu’ils incarnent leur
confère ce droit. Mais ils sont tenus d’assumer en même temps les responsabilités qui en
découlent.
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3. Discipline. Les employés doivent observer et respecter les règles qui régissent le fonc-
tionnement de l’entreprise. Une bonne discipline s’obtient par la combinaison d’une
direction efficace, d’une absence d’ambiguïté entre dirigeants et ouvriers quant aux
règles de l’entreprise et d’un usage judicieux des pénalités liées à leur transgression.
4. Unité de commandement. Chaque employé ne doit recevoir ses ordres que d’un seul
chef.
5. Unité de direction. Il ne doit y avoir qu’un seul chef et qu’un seul programme pour un
ensemble d’opérations visant un même but.
6. Subordination des intérêts individuels à l’intérêt général. Les intérêts d’une per-
sonne ou d’un groupe donné ne doivent jamais prendre le pas sur l’intérêt général de
l’entreprise.
7. Rémunération. Les employés doivent recevoir un juste salaire en contrepartie de leurs
services.
8. Centralisation. La notion de centralisation se rapporte au degré d’implication des
subordonnés dans le processus décisionnel. Entre centralisation (sur la direction) et
décentralisation (vers les employés), tout est question de proportions. L’objectif consiste à
trouver, pour chaque situation, le niveau de centralisation optimal.
9. Ligne hiérarchique. La chaîne de commandement qui s’étend de l’autorité supérieure aux
agents inférieurs porte le nom de ligne hiérarchique et représente une voie de commu-
nication privilégiée. Dans les cas où elle entraînerait un retard trop important, on pourra
toutefois envisager de la court-circuiter, sous réserve d’obtenir l’accord de l’ensemble des
parties et d’informer régulièrement les supérieurs.
1
0. Ordre. Chaque chose et chaque personne doivent toujours se trouver à la bonne place au
bon moment.
11. Équité. Les managers doivent se montrer bons et justes envers leurs subordonnés.
12. Stabilité du personnel. Une rotation élevée du personnel est cause d’inefficacité. Les
dirigeants doivent assurer une gestion méthodique de la main-d’œuvre et disposer d’un
nombre suffisant de remplaçants pour pallier d’éventuels départs.
13. Initiative. Les employés incités à suggérer et à mettre en œuvre de nouvelles idées ont
tendance à s’investir davantage.
14. Union du personnel. La promotion du travail d’équipe favorise l’unité du personnel et
l’harmonie relationnelle au sein de l’entreprise
Tandis que Taylor et Fayol sont issus de la pratique du management dans le monde indus-
triel, la troisième grande figure associée à l’école classique, l’économiste et sociologue
allemand Max Weber (1864-1920), mène une réflexion historique sur le développement
de la société moderne. Au début du xxe siècle, il propose notamment une description de
l’activité organisationnelle fondée sur les relations d’autorité9 en exposant un idéal-type
– en fait, un modèle théorique d’organisation –, qu’il baptise bureaucratie. Ce concept,
sous-jacent aux organisations et administrations qui se sont développées depuis la fin
du xixe siècle (notamment l’administration prussienne), est caractérisé par la division
du travail et la mise en place d’une hiérarchie clairement définie, de règles et de normes
précises, ainsi que d’un mode de relation impersonnel. Weber admet volontiers que
cette bureaucratie idéal-typique n’existe pas dans la réalité et qu’elle constitue plutôt une
reconstruction sélective du monde réel. Bien que ce modèle se veuille davantage un outil
de compréhension qu’un outil de management proprement dit, les idées de base de son
concept ont servi néanmoins de référence pour l’élaboration d’une théorie d’organisation
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Chapitre 1 – Aux sources du management contemporain 9
et d’exécution du travail efficace au sein de groupes à larges effectifs, suivie par beaucoup
de grandes entreprises et administrations publiques jusqu’à aujourd’hui. Le docu-
ment 1.3 présente les caractéristiques du modèle bureaucratique de Weber.
Bureaucratie — Modèle théorique d’organisation défini par Weber et caractérisé par la division du
travail et la mise en place d’une hiérarchie clairement définie, de règles et de normes précises, ainsi
qu’un mode de relation impersonnel.
• Division du travail. Le travail est décomposé en une série de tâches élémentaires, répé-
titives et précisément définies.
• Hiérarchisation du pouvoir. Les fonctions et les postes sont organisés hiérarchiquement
et chaque subordonné se trouve soumis à l’autorité d’un supérieur.
• Sélection formelle. Tous les membres de la structure organisationnelle sont sélectionnés
en fonction des compétences techniques révélées par leur formation, leur cursus scolaire
ou les résultats d’une évaluation formelle.
• Règles et normes formelles. Afin de réglementer uniformément l’activité des employés,
les managers doivent s’appuyer autant que possible sur un ensemble de règles formelles.
• Impersonnalité. Règlements et contrôles sont appliqués uniformément, de manière à
éviter toute implication personnelle et toute tentation de satisfaire les préférences per-
sonnelles des employés.
• Évolution professionnelle. Les managers sont des agents professionnels, plutôt que les
propriétaires des unités qu’ils dirigent. Ils reçoivent un salaire fixe et évoluent au sein de
l’organisation.
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Chapitre 1 – Aux sources du management contemporain 11
d’entre eux se sont néanmoins distingués en défendant dès l’origine une approche du
management fondée sur la gestion des relations humaines : il s’agit de Robert Owen, Hugo
Münsterberg, Mary Parker Follett, Elton Mayo et Chester Barnard. Ces critiques du capi-
talisme sauvage et de ses méthodes avaient des origines et des orientations différentes,
mais avec la professionnalisation du management au cours du xxe siècle (par exemple à
travers le développement des business schools, des méthodes de recherche scientifique sur
le management, etc.), on retient essentiellement leur contribution au développement du
courant des relations humaines. Comme les auteurs de l’école classique, l’approche des
relations humaines s’intéresse à la productivité, mais, au lieu d’accentuer l’organisation
du travail, ses auteurs mettent en avant la compréhension des mécanismes psycholo-
giques, la motivation et le travail en groupe.
Qui était Robert Owen ?
Grand homme d’affaires écossais, Robert Owen (1771-1858) achète sa première usine en
1789, à l’âge de 18 ans. Écœuré par la cruauté des méthodes de production en vigueur
dans son pays – l’emploi des enfants (dont beaucoup âgés de moins de 10 ans), les jour-
nées de treize heures, les conditions de travail désastreuses –, il se range dans le camp
des réformistes. Il reproche aux industriels de mieux traiter leurs équipements que leurs
ouvriers, pointant du doigt le fait qu’ils achètent certes les meilleures machines, mais
qu’ils dépensent ensuite le moins possible pour la main-d’œuvre. Owen affirme dès cette
époque que l’argent consacré à l’amélioration des conditions de travail représente l’un
des meilleurs investissements qu’un chef d’entreprise puisse réaliser. Il déclare en outre
que le bien-être des employés peut se révéler extrêmement profitable en termes de mana-
gement tout en permettant de soulager la misère humaine.
Certes, Owen propose une vision utopique de l’environnement de travail. L’histoire du
management retiendra d’ailleurs moins sa réussite que son courage et son attachement
à réduire les souffrances de la classe ouvrière. Avec plus d’un siècle d’avance sur son
époque, il se prononce dès 1825 en faveur d’un horaire réglementé pour tous (dans sa
propre filature, il fera passer le temps de travail de quatorze à douze heures, avec pause
payée pour le repas…), d’une législation sur le travail des enfants, de la promotion de
l’instruction publique, de la fourniture des outils par les entreprises et de l’implication
de ces dernières dans les projets d’utilité collective11.
Pourquoi se souvient-on de Hugo Münsterberg ?
Hugo Münsterberg, psychologue germano-américain, est considéré comme le père de
la psychologie industrielle – l’étude scientifique des individus au travail, en vue d’opti-
miser leur productivité et leur adaptation professionnelle. Dans un texte de 1913 intitulé
Psychology and Industrial Efficiency12, il affirme que l’étude scientifique du comporte-
ment humain permet d’identifier certains schémas de base et d’expliquer les différences
individuelles. Münsterberg recommande l’adoption de tests psychologiques pour
améliorer la sélection des employés, défend l’intérêt des théories d’apprentissage dans
le développement des méthodes de formation et préconise l’étude du comportement
humain afin de déterminer les techniques de motivation les plus efficaces. Il est intéres-
sant de noter que Münsterberg établit pour la première fois un lien entre le management
scientifique et la psychologie industrielle : ces deux disciplines viseraient à améliorer
l’efficacité des entreprises par le biais de l’analyse scientifique, grâce à un meilleur ajus-
tement des compétences individuelles aux exigences des divers emplois. L’essentiel de
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Chapitre 1 – Aux sources du management contemporain 15
s’amuser. McGregor considère que seule cette dernière théorie dépeint au mieux la véri-
table nature de l’ouvrier et doit par conséquent guider l’exercice du management.
Il existe à propos de cet auteur une anecdote qui révèle très clairement l’essence même
de sa pensée. McGregor enseignait depuis une douzaine d’années au Massachusetts
Institute of Technology (MIT) lorsqu’il fut nommé recteur de l’Antioch College. Six
ans après, il sembla admettre que sa philosophie avait rencontré quelques difficultés à
s’adapter aux réalités de l’entreprise.
Je croyais par exemple que le responsable d’une organisation pouvait diriger effi-
cacement en se cantonnant au simple rôle de conseiller. Je pensais pouvoir éviter
d’endosser le costume du « patron ». Inconsciemment, j’espérais sans doute échap-
per à la déplaisante obligation de prendre des décisions délicates, de choisir telle
ou telle ligne de conduite parmi tout un tas de possibilités aussi aléatoires les unes
que les autres, de commettre des erreurs et de devoir en assumer les conséquences.
J’espérais parvenir à me faire aimer de tous – à éliminer disputes et dissensions
en entretenant de « bonnes relations » avec chacun. Jamais je ne m’étais autant
trompé. Il m’a fallu quelques années pour l’admettre, mais j’ai fini par comprendre
qu’un dirigeant ne pouvait éviter d’exercer son autorité, pas plus qu’il ne peut fuir
la responsabilité des événements qui touchent à son organisation21.
L’ironie veut que McGregor ait ensuite réintégré le MIT… pour y prêcher de nouveau,
jusqu’à son dernier souffle, la même doctrine humaniste ! À l’instar de celle de Maslow,
la vision de la nature humaine défendue par McGregor a longtemps fait de nombreux
adeptes parmi les théoriciens et les professionnels du management.
Tous les partisans du mouvement des relations humaines, Carnegie, Maslow et McGregor
en tête, partagent un optimisme inébranlable quant aux capacités de l’être humain.
Même face à des expérimentations ou à des résultats d’enquêtes de terrain aboutissant
à des conclusions plus nuancées, ils restent convaincus de la justesse fondamentale de
la cause qu’ils défendent et de la pertinence de leurs conceptions. Aucune expérience
contradictoire ne réussit jamais à ébranler leurs convictions. Néanmoins, et en dépit de
ce manque d’objectivité, tous exercèrent et continuent d’exercer une influence incontes-
table sur la théorie et la pratique du management.
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16 Management
La gestion des relations humaines offrit aux managers le moyen de réduire ce sentiment
d’aliénation et d’améliorer le rendement des ouvriers.
Au cours des années 1930, les effets dévastateurs de la Grande Crise se répercutèrent sur
l’ensemble du globe et renforcèrent considérablement le rôle de l’État dans la vie des gens
et des entreprises. Aux États-Unis, par exemple, Franklin Roosevelt chercha, par le biais
du New Deal, à redonner confiance à une nation sinistrée. L’humanisation de l’environ-
nement de travail répondait désormais aux préoccupations de la société.
Les chercheurs ayant étudié le management sous l’angle des relations humaines se
comptent par centaines. Ainsi, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à
nos jours, leurs travaux – souvent regroupés sous l’appellation « comportement orga-
nisationnel » – nous ont permis d’acquérir une telle masse de connaissances sur le
comportement des individus et des groupes dans l’organisation qu’il est désormais
possible de prévoir celui-ci d’une manière raisonnablement fiable. Notre façon d’aborder
aujourd’hui les questions liées au leadership, à la motivation, à la détection des profils
psychologiques, à la définition des postes et des organigrammes, à la culture d’entre-
prise, à l’optimisation du travail en équipe, à l’évaluation des performances, à la gestion
des conflits, aux enquêtes d’attitudes, à l’orientation professionnelle, à la formation
des cadres, aux processus décisionnels participatifs, aux systèmes de rémunération par
équipes et aux techniques de négociation doit beaucoup aux contributions de ces cher-
cheurs.
Comportement organisationnel — Domaine de recherche et d’enseignement qui s’intéresse au
comportement des individus et des groupes au travail.
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Chapitre 1 – Aux sources du management contemporain 17
Mais que recouvrent réellement ces techniques quantitatives et dans quelle mesure
ont-elles influencé les méthodes de management actuelles ? L’approche quantita-
tive du management suppose le recours aux statistiques, aux modèles mathématiques
d’optimisation et de gestion de l’information et aux simulations informatiques. La
programmation linéaire peut ainsi permettre aux managers d’améliorer la répartition
de leurs ressources. L’échelonnement des travaux tire par ailleurs grand profit d’une
analyse sous l’angle du chemin critique, tandis que la détermination du niveau optimal
des stocks se trouve facilitée par l’adoption des modèles économiques de réapprovision-
nement. En règle générale, l’approche quantitative contribue directement à la prise de
décisions, en particulier dans le domaine de la planification et du contrôle.
Les approches quantitatives, conjuguées à une approche spécifique par rapport à
l’association des collaborateurs, ont également joué un rôle important dans le dévelop-
pement des techniques modernes de management de la qualité. Après la Seconde Guerre
mondiale, des entreprises japonaises commencent à mettre en place des concepts issus
d’un petit cercle d’experts en gestion de qualité, dont les membres les plus connus étaient
W. Edwards Deming et Joseph M. Juran. Les succès des industriels japonais furent le
point de départ d’un intérêt grandissant pour les méthodes de Deming et Juran dans les
entreprises occidentales.
Il existe deux grands types de systèmes : les systèmes ouverts et les systèmes fermés.
Les systèmes fermés n’interagissent jamais avec leur environnement et n’en subissent
aucune influence. À l’inverse, une approche sous l’angle de systèmes ouverts reconnaît
l’existence d’interactions dynamiques entre le système et son environnement (voir docu-
ment 1.4). Quand il est question des entreprises en tant que systèmes, cela renvoie bien
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18 Management
sûr aujourd’hui à la notion de systèmes ouverts. Cela signifie que l’on prend en compte
les interactions permanentes entre l’entreprise et son environnement.
Environnement
Organisation
Processus
Entrées de transformation Sorties
Feed-back
Environnement
Systèmes fermés — Systèmes qui n’interagissent pas avec leur environnement et qui n’en su-
bissent aucune influence.
Systèmes ouverts — Systèmes qui interagissent dynamiquement avec leur environnement et qui
transforment les ressources qu’ils traitent.
L’entreprise (et l’équipe qui la dirige) ne se contente pas d’interagir avec son environnement :
elle en est aussi totalement dépendante. En termes de management, on dit que l’entreprise
dialogue avec ses parties prenantes (stakeholders). Ce terme désigne tout groupe poten-
tiellement affecté par les décisions et les orientations de l’entreprise. Il peut notamment
s’agir des pouvoirs publics, des syndicats, des entreprises concurrentes, des employés, des
fournisseurs, des clients, des leaders d’opinion locaux ou de certaines associations en plus
des actionnaires ou propriétaires d’une entreprise. Le travail d’un manager consiste à coor-
donner toutes ces composantes afin d’atteindre les objectifs fixés. La plupart des dirigeants
comprennent bien que la survie de l’entreprise dépend entièrement du comportement des
consommateurs. Ils ont conscience que le lancement prématuré d’un nouveau produit, sans
s’être d’abord assuré que celui-ci répond aux besoins ou aux envies de clients potentiels, peut
avoir des conséquences désastreuses. Lorsqu’une telle erreur entraîne une réduction des
bénéfices, il arrive que l’entreprise vienne à manquer de ressources pour payer les salaires ou
les impôts, pour acheter de nouveaux équipements ou rembourser les emprunts. L’approche
systémique reconnaît l’existence de ce genre de relations et souligne le fait que les mana-
gers doivent prendre conscience de leur importance et des contraintes potentielles qui s’y
rattachent. Le débat sur la responsabilité sociale de l’entreprise répond en partie aux mêmes
observations. Les comportements frauduleux des cadres d’Enron, d’Arthur Andersen, de
WorldCom ou autres sont susceptibles d’entraîner la promulgation de lois et de normes
nouvelles en matière de comptabilité et de gestion. Ils amènent de surcroît le grand public à
s’interroger encore davantage sur la déontologie et la légitimité des entreprises.
Parties prenantes (ou stakeholders) — Tout groupe potentiellement affecté par les décisions et
les orientations de l’entreprise.
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Chapitre 1 – Aux sources du management contemporain 19
L’approche systémique reconnaît par ailleurs que les entreprises ne fonctionnent jamais
en vase clos. Leur survie requiert une interaction efficace avec leur environnement,
lequel englobe notamment les conditions économiques, l’état du marché, l’activité poli-
tique, les progrès technologiques et l’évolution des mœurs. Le mépris prolongé de l’un
ou l’autre de ces facteurs peut très vite se révéler préjudiciable.
D’un point de vue managérial, l’approche systémique est en fin de compte extrême-
ment pertinente. Les fonctions du manager imposent en effet à celui-ci de coordonner et
de combiner tout un ensemble d’activités professionnelles afin qu’un système composé
d’éléments interdépendants (l’entreprise) puisse atteindre ses objectifs. Et bien qu’elle
n’en fournisse aucune description spécifique, l’approche systémique propose en défini-
tive, comparée à l’approche par les processus, une représentation beaucoup plus claire de
cette mission. Au surplus, le fait d’envisager le manager comme un lien entre l’entreprise
et son environnement conduit celle-ci à se montrer plus attentif envers ses partenaires
clés – clients, fournisseurs, agences gouvernementales, population locale.
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20 Management
Cette liste n’a certes rien d’exhaustif, mais elle répertorie les variables le plus couramment
utilisées et donne une bonne idée de ce que l’on entend par « facteur de contingence »24.
Comme on peut le voir ici, les facteurs de contingence influencent notablement le travail
des managers – c’est-à-dire leur manière de coordonner et de combiner l’ensemble des
activités professionnelles.
Théorie de la contingence (ou approche situationnelle) — Approche intégrée du manage-
ment, qui affirme qu’il n’existe pas une méthode idéale qu’il suffirait d’appliquer, mais que les types
d’approches ou de solutions envisagées dépendent toujours du contexte et de la situation rencon-
trés.
Questions critiques
Les théories de management ne fournissent pas uniquement des outils aux managers
pour organiser et gérer les organisations de façon plus efficace. Comme nous l’avons
démontré ci-dessus, elles sont également et toujours le reflet d’une réalité sociale et éco-
nomique, et représentent souvent les intérêts des acteurs dominants à un moment donné.
Derrière leur aspect d’outil se cachent fréquemment d’autres questions : comment redis-
tribuer les gains de productivité obtenus par les principes tayloriens ? L’individualisation
des ouvriers et l’attribution de la planification du travail aux managers ne répondent-
elles pas aussi à une volonté d’affaiblir la position des contremaîtres et de renforcer les
possibilités de contrôle et en conséquence de soumission des ouvriers ? L’accent que
Fayol met sur l’union du personnel et la complémentarité des différents membres du
corps social ne perpétue-t-il pas une vision des rapports de pouvoir et d’autorité quasi
naturelle ? Est-ce que les préceptes issus des recherches qui suivent le courant des rela-
tions humaines ne visent-ils pas également, en premier lieu, la maximisation des profits,
même s’ils se basent sur d’autres leviers d’action ?
Un second point de discussion concerne le sens de « progrès » dans les connaissances de
gestion. Contrairement aux sciences « dures », ainsi qu’à l’utopie scientifique à laquelle
adhère Taylor, il est beaucoup plus difficile en économie et en gestion de prouver la
supériorité d’une méthode sur une autre. En même temps, un nombre important d’ac-
teurs – chercheurs, consultants, formateurs, maisons d’édition, etc. – tirent en partie
leur légitimité de leur capacité à proposer de nouveaux et meilleurs concepts et outils
de gestion. L’incertitude des managers quant aux théories, méthodes et outils à utili-
ser, d’une part, et leur multiplicité, d’autre part, mènent dans la pratique à l’émergence
de véritables « modes » de management qui s’articulent autour de certains concepts et
outils (par exemple, Total Quality Management, Business Process Reengineering, Custo-
mer Relationship Management, etc.). Autrement dit : l’utilisation de concepts et d’outils
de gestion en entreprise ne suit pas nécessairement une logique d’amélioration de la
performance, mais résulte souvent de mécanismes comme le mimétisme ou l’existence
de croyances collectives concernant la légitimité de telle ou telle méthode.
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