Philosophie Janus
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Philosophie Janus
: La nécessité de l’État
Exercice n°1
Dans ce texte, Maurice Duverger utilise l’image de Janus pour définir l’État et montrer
que l’État est une réalité à double face, à l’instar d’un Janus bifrons – c’est-à-dire aux
deux visages.
Question : Dans quelle mesure l’État est-il une réalité à double face ? Dans votre
réponse, appuyez-vous sur le texte et faites le lien avec le texte d’Alain, p. 332.
Comme on nous l'explique à travers ces deux textes, l'Etat, et de manière plus générale, le
pouvoir, est en quelque sorte enclin à une forme de dualité, ce dernier étant à la fois celui
qui divise et celui qui unit une société. C'est cette duplicité de l'Etat que cherche à
symboliser Maurice Duverger à travers l'exemple de Janus, Dieu romain à deux visages. La
première face, et donc la première mission de l'Etat, serait celle du maintient d'un certain
ordre social, ce dernier passant par une forme de domination de certaines classes sur les
autres. La seconde face, et donc la seconde mission de l'Etat, est l'intégration de chaque
individu dans la société. Pour Duverger, toute société humaine repose sur une forme de
domination de certaines classes sur les autres, une hiérarchisation qui serait en quelque
sorte inévitable et nécessaire. Pour qu'elle soit respectée, il faut que chacun puisse se
sentir en quelque sorte "à sa place" avec une forme de liberté au sein de la société qui lui
serait conféré. Si ces deux principes sont conciliés, l'Etat rempli alors la double mission
qu'on attend de lui, du moins celle que définit Alain. L'Etat a ainsi deux faces, l'une qui
prône l'obéissance de la population face au pouvoir et l'autre qui pousse à la résistance
de cette même population. Les deux principes énnoncés bien que pouvant sembler
opposés sont au contraire fondamentaux et indiscossiables. Ainsi toute forme d'excès
d'un côté ou de l'autre serait nocive pour la société, une population trop obéissante
pourrait vite se retrouver prisonnière d'une forme de tyrannie ou l'ordre ne vaudrait plus
rien puisque la liberté ne serait plus, tandis qu'à l'inverse, sans ordre, aucune liberté ne
serait possible ce qui reviendrait à une forme d'anarchie.
Exercice n°2
Toujours pour compléter l’introduction, je vous propose de nous arrêter sur l’idée de
nation. Pour cela, commencez par lire le texte ci-dessous, extrait d’une conférence
d’Ernest Renan, historien français, donnée à la Sorbonne en 1882 :
Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en
font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé,
l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de
souvenirs; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de
continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis. L'homme, Messieurs, ne
s'improvise pas. La nation, comme l'individu, est l'aboutissant d'un long passé
d'efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus
légitime; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des
grands hommes, de la gloire (j'entends de la véritable), voilà le capital social sur
lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans la passé, une
volonté commune dans le présent; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en
faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. On aime en
proportion des sacrifices qu'on a consentis, des maux qu'on a soufferts. On aime la
maison qu'on a bâtie et qu'on transmet. Le chant spartiate : « Nous sommes ce que
vous fûtes; nous serons ce que vous êtes » est dans sa simplicité l'hymne abrégé de
toute patrie.
Dans le passé, un héritage de gloire et de regrets à partager, dans l'avenir un
même programme à réaliser; avoir souffert, joui, espéré ensemble, voilà ce qui vaut
mieux que des douanes communes et des frontières conformes aux idées
stratégiques; voilà ce que l'on comprend malgré les diversités de race et de langue. Je
disais tout à l'heure : « avoir souffert ensemble » ; oui, la souffrance en commun unit
plus que la joie. En fait de souvenirs nationaux, les deuils valent mieux que les
triomphes, car ils imposent des devoirs, ils commandent l'effort en commun.
Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des
sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore. Elle suppose un
passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement,
le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L'existence d'une nation est
(pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous les jours, comme l'existence
de l'individu est une affirmation perpétuelle de vie. [...] Dans l'ordre d'idées que je
vous soumets, une nation n'a pas plus qu'un roi le droit de dire à une province : « Tu
m'appartiens, je te prends ». Une province, pour nous, ce sont ses habitants ; si
quelqu'un en cette affaire a droit d'être consulté, c'est l'habitant. Une nation n'a
jamais un véritable intérêt à s'annexer ou à retenir un pays malgré lui. Le vœu des
nations est, en définitive, le seul critérium légitime, celui auquel il faut toujours en
revenir.
[…] Je me résume, Messieurs. L'homme n'est esclave ni de sa race, ni de sa
langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de
montagnes. Une grande agrégation d'hommes, saine d'esprit et chaude de coeur, crée
une conscience morale qui s'appelle une nation. Tant que cette conscience morale
prouve sa force par les sacrifices qu'exige l'abdication de l'individu au profit d'une
communauté, elle est légitime, elle a le droit d'exister. Si des doutes s'élèvent sur
ses frontières, consultez les populations disputées. Elles ont bien le droit d'avoir un
avis dans la question.
Ernest Renan, Qu’est-ce qu’une nation ? [1882], partie III
Questions :
1. Qui est Fustel de Coulanges et sur quelle question s’est-il prononcée ? Faites une
recherche à son sujet sur internet.
Fustel de Coulanges, de son nom complet Numa Denis Fustel de Coulanges, est un
historien français de la seconde moitié du XIXe siècle. Il est notamment réputé pour
s'être impliqué en faveur de la France en 1870 à propos de la situation de l'Alsace après
que le territoire fût annexé par la Prusse et revendiqué comme une partie intégrante de
l'Empire Germanique. Il développa donc sa définition de nation de manière à défendre la
légitimité de la France à garder la main mise sur ces territoires dans la Revue des Deux
Mondes. Ce fût avant tout un moyen, pour lui, de contrer la thèse argumentative de
l'historien allemand Mommsen, qu'il avançait dans une « Lettre adressée au peuple
italien ». Dans cette dernière l'historien développait l'héritage germanique de cette
région en invoquant comme principaux arguments la "race" (l'origine ethnique), la
culture et la langue. Une conception de la nation que Coulanges opposera à la
conception française de cette dernière, davantage basée sur une forme de volonté et de
consentement sans oublier la nécéssité d'un sentiment d'appartenance. Il prendra
comme exemple la prise des armes éffectuée par les Alsaciens à l'arrivé des Prussiens,
montrant à la fois leur opposition à cette annexion mais également un sentiment
d'appartenance à la nation française chez ces derniers.
2. Sur quoi une nation n’est-elle pas fondée ? Pour répondre, vous pouvez vous aider
du dernier paragraphe du texte et du manuel, p. 306.
Une nation ne repose pas sur quelque chose de concret, tout d'abord cette dernière
n'est pas fondée sur de quelconques frontières naturelles mais davantage sur son
peuple, en effet, un simple regroupement des populations d'un certain secteur ne
correspondrait pas au concept de nation. Cependant, on ne peut la résumer qu'à ceux
qui la compose, en effet, le concept de nation n'est pas fondée sur l'individu, de ce fait,
un regroupement communautaire, qu'il s'agisse d'un regroupement religieux, "racial" ou
lié à une langue commune, ne constituent, pas une nation, de même que des intérêts
économiques, politiques ou idéologiques, qui rassembleraient des individus, à leur tour,
ne suffiraient pas à la constitution de cette dernière.
3. Sur quoi une nation est-elle fondée ? Dans votre réponse, si vous avez réussi à
trouver des extraits de textes de Fustel de Coulanges, vous pouvez à la fois vous
appuyer sur le texte de Renan et sur ce que dit Fustel de Coulanges.
Selon Renan, une nation reposerait sur deux pilliers majeurs : le premier, est celui d'un
héritage commun. Cet héritage découle bien sûr d'une histoire commune mais dépend
au final, davantage de la vision que l'on garde de ces événements, ces derniers doivent
impactés et être considérés comme une forme de fierté pour les descendants de cette
histoire nationale, servir d'exemples pour l'avenir, être comémorés. Le second est la
volonté de poursuivre présentement ce que cette histoire nous a légué, une volonté de
continuer à s'unir et à défendre ce passé. Pour Fustel, cette volonté est de loin la plus
importante, si elle n'est pas, alors le passé commun ne vaut rien. La nation serait en
quelque sorte une manière de vivre et d'évoluer au présent s'en oublier son passé. On
peut reprendre l'exemple de l'Alsace qui malgré un héritage culturel et linguistique
germanique, ne se sent d'une manière générale bien plus française qu'allemande, de ce
fait en dépit de cette identification, on ne peut concevoir qu'Alsace et Prusse puissent
faire partie d'une même nation.