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Jordan Young

Ce texte présente les liens entre la réduction de Jordan, les tableaux de Young et la notion de similitude entre matrices. Il décrit comment la réduction de Jordan permet de caractériser la relation de similitude entre matrices nilpotentes en une égalité, en utilisant les tableaux de Young et la structure des blocs de Jordan.

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Jordan Young

Ce texte présente les liens entre la réduction de Jordan, les tableaux de Young et la notion de similitude entre matrices. Il décrit comment la réduction de Jordan permet de caractériser la relation de similitude entre matrices nilpotentes en une égalité, en utilisant les tableaux de Young et la structure des blocs de Jordan.

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Réduction de Jordan et tableaux de Young

Igor Kortchemski

Juin 2006

Résumé
Ce texte est un recueil de notes prises lors d'un exposé de Rached Mneimné. Il met en évidence

les liens intimes entre la réduction de Jordan, les tableaux de Young et la notion de similitude entre

les matrices.

Introduction
Partons de deux exemples de relations d'équivalence dénies sur les matrices :
r
A ≡ B ⇐⇒ il existe P, Q inversibles telles que A = P BQ,
pg
A ≡ B ⇐⇒ il existe P inversible telle que A = P B.
La première relation d'équivalence s'appelle la r-équivalence ; nous savons que A et B sont r-équivalentes
si, et seulement si, A et B ont même rang. D'autre part, nous pouvons dire une chose similaire sur la
deuxième relation d'équivalence : A et B sont pg -équivalentes si, et seulement si, le noyau de A et le
noyau de B sont les mêmes. Autrement dit :
r
A ≡ B ⇐⇒ rg A = rg B,
pg
A ≡ B ⇐⇒ Ker A = Ker B.
Nous avons donc transformé ces relations d'équivalence en  égalités  : nous les avons en quelque sorte
caractérisés.
Une autre relation d'équivalence fondamentale sur les matrices est la notion de similitude. Nous la
dénissons de la manière suivante :

A ∼ B ⇐⇒ il existe P inversible telle que A = P BP −1 .

On dit alors que A et B sont semblables. Ce texte propose une méthode qui va transformer la relation
de similitude en une  égalité  par le truchement de la réduction de Jordan.
Dans toute la suite de ce texte, nous prendrons pour corps de base des espaces vectoriels le corps des
nombres complexes C, qui possède le bon goût d'être inni et algébriquement clos.
1 Étude du cas particulier des matrices nilpotentes
1.1 Suite des noyaux itérés

Cette étude est fondée sur la suite des noyaux itérés. Étant donnée une matrice nilpotente A de taille
n × n, considérons la suite des noyaux :

{0} ⊆ Ker A ⊆ Ker A2 ⊆ · · · ⊆ Ker Ak = Kn .

L'existence d'un entier k tel que Ker Ak = Kn est assurée par le fait que A soit nilpotente. On confondera
A et l'endomorphisme représenté par A dans la base canonique. Pour tout i, 1 ≤ i ≤ k , on pose
xi = dim(Ker Ai ) − dim(Ker Ai−1 ).

Proposition 1.1. La suite (xi ) est décroissante.


Preuve. L'idée est d'interpréter xi comme la dimension d'un espace vectoriel quotient. Soient E et F
deux C-espaces vectoriels. On dénit l'espace quotient E/F par l'espace vectoriel quotient 1 résultant
de la relation d'équivalence : pour tous x, y ∈ E , xRy ⇔ x − y ∈ F . Il est connu que dim E/F =
dim E − dim F .
Par conséquent, pour prouver que xi+1 ≤ xi , il sut que de prouver que :

dim Ker Ai+1 /Ker Ai ≤ dim Ker Ai /Ker Ai−1 .

Il sut donc de trouver une injection linéaire de Ker Ai+1 /Ker Ai dans Ker Ai /Ker Ai−1 . Plus précisément,
en notant x la classe de x, on dénit l'injection de Frobenius :

Φ : Ker Ai+1 /Ker Ai −→ Ker Ai /Ker Ai−1


x 7−→ A(x).

Il est facile de voir que Φ est linéaire et que si x ∈ Ker Ai+1 , alors A(x) ∈ Ker Ai . Montrons ensuite que
le noyau de Φ est réduit à {0} : soit x tel que A(x) = 0. Les équivalences suivantes sont alors vériées :

A(x) = 0 ⇐⇒ A(x) ∈ Ker Ai−1


⇐⇒ Ai (x) = 0
⇐⇒ x ∈ Ker Ai
⇐⇒ x = 0.

Φ est donc injective, ce qui achève la démonstration. 

1.2 Tableaux de Young

Dénition 1.2. Une partition λ de n est une suite

λ = (λ1 , λ2 , . . . , λl ),

la suite des λi étant décroissante. Si λ est une partition de n, on note alors λ ` n. 

Dénition 1.3. Soit (λ1 , λ2 , . . . , λl ) ` n. Le tableau de Young de forme λ, est un tableau de cases
constitué de l lignes alignées à gauche, la ligne i contenant λi cases. Le tableau de Young de forme λ−1
est celui obtenu en transposant le tableau de forme λ. 
1
Le lecteur visualisera peut être mieux cette notion en remarquant que si F et G sont supplémentaire dans E, alors G
est isomorphe à E/F .

2
Par exemple, les tableaux de Young de λ = (3, 3, 2, 1) et λ−1 sont respectivement :

et
Ainsi, λ−1 = (4, 3, 2).
Dénition 1.4. Soit A une matrice nilpotente et (xi ) la suite associée aux noyaux itérés dénie ci-
dessus. Le tableau de Young associé à A, noté Y(A), est le tableau de Young de forme (x1 , x2 , . . . , xk )−1 .


En d'autres termes, pour obtenir le tableau de Young associé à A, il sut de reporter les sauts de
dimension successifs de la suite des noyaux itérés suivant les colonnes du tableau : autrement dit, le
nombre de cases de la i-ième colonne du tableau sera égal au saut de dimension entre Ker Ai−1 et
Ker Ai , c'est-à-dire égal à dim Ker Ai − dim Ker Ai−1 .
Il est fondamental de voir que par construction, le nombre de cases de la première ligne de Y(A) est
égal à l'indice de nilpotence de A.

1.3 Réduction de Jordan d'une matrice nilpotente

Dénition 1.5. Soit n ∈ N∗ . On appelle bloc de Jordan de taille n la matrice Jn ∈ Mn (C) :


 
0 1 0 ··· 0
... .. 
.

0 0 1
Jn =  ... ... ...
 
.
 
0
 .. ...
 
.

1
0 ··· ··· ··· 0

Remarquons qu'un bloc de Jordan est nilpotent et que son indice de nilpotence est n.
Dénition 1.6. Soient A et B sont deux matrices carrées. La matrice par blocs X dénie par :
 
A 0
X=
0 B
est appelée somme directe de A et de B . On note X = A ⊕ B . 

La réduction de Jordan est fondée sur la théorème suivant :


Théorème 1.7. Soient A une matrice nilpotente de taille n, λ = (λ1 , λ2 , . . . , λl ) la forme de Y(A).
Alors :
M
A∼ Jλi .
i

3
Par exemple, si Y (A) = (3, 3, 2, 1), alors la proposition arme que :
 
0 1 0

 0 0 1 0 0 
 0

 0 0 0 


 0 1 0 

A∼ 0 0 0 1 0 0 .
 
0 0 0
 
 
 
 0 1 
 0 0 0 
 0 0 
0 0 0 0

Preuve. Nous faisons une preuve par l'exemple pour éviter les triples indices. Supposons que Y(A)
soit de la forme λ = (6, 4, 4, 1). L'idée est d'inscrire des vecteurs dans les cases du tableau de Young
pour qu'au nal nous nous retrouvions avec la bonne base de l'espace. Nous complétons les cases ligne
par ligne en partant de la droite de sorte que les éléments de la i-ième colonne forment une base de
Ker Ai /Ker Ai−1 .
D'après la forme du tableau, l'indice de nilpotence de A est 6. Choisissons donc un vecteur v1 de C6
tel que A5 (v1 ) 6= 0. Plaçons ensuite v1 dans la dernière case de la première ligne de Y(A) et remplissons
la par A(v1 ), A2 (v1 ), . . . , A5 (v1 ) pour obtenir :

A5 (v1 ) A4 (v1 ) A3 (v1 ) A2 (v1 ) A(v1 ) v1

Comme A(v1 ) ∈ Ker A4 /Ker A3 , complétons le par v2 , v3 pour obtenir une base de Ker A4 /Ker A3 , qui est
bien de dimension 3 d'après la forme du tableau de Young. On place v2 en bout de deuxième ligne, v3 en
bout de la troisième et on remplit comme précédemment. Il est impératif de voir que A3 (v1 ), A(v2 ), A(v3 )
est également libre dans Ker A3 /Ker A2 du fait de l'injection de Frobenius exposée ci-dessus. Choisissons
nalement un v4 tel que (A5 (v), A3 (v2 ), A3 (v3 ), v4 ) forme une base de Ker A. En dénitive :

A5 (v1 ) A4 (v1 ) A3 (v1 ) A2 (v1 ) A(v1 ) v1

A3 (v2 ) A2 (v2 ) A(v2 ) v2

A3 (v3 ) A2 (v3 ) A(v3 ) v3

v4

L'injection de Frobenius nous assure que B = (A5 (v1 ), A4 (v1 ), . . . , v1 , A3 (v2 ), . . . , v2 , A3 (v3 ), . . . , v3 , v4 )
est une base de C15 . Alors, par construction, dans cette base :
M
MatB A = Jλi ,
i

et le résultat s'en suit. 

4
1.4 Propriétés utiles des Y(A)
Nous sommes dorénavant en mesure d'exhiber toute la puissance des tableaux de Young sous forme d'une
liste de propriétés :
Théorème 1.8. Soit A une matrice nilpotente de taille n et T = Y(A) de forme λ = (λ1 , λ2 , . . . , λl ).
Alors les points suivants sont vériés :
1. λ1 est l'indice de nilpotence de A,
2. Le nombre de cases constituant les i premières colonnes est la dimension de Ker Ai ,
3. Le rang de Ai est le nombre de cases du tableau de Young obtenu en supprimant les i premières
colonnes de T .

Preuve. C'est quasiment immédiat d'après ce qui a été dit précédemment :


1. Nous l'avons déjà vu : par construction, λ1 est le nombre d'espaces vectoriels distincts de Kn
apparaissants dans la suite des noyaux itérés. C'est aussi la taille du plus grand bloc de Jordan
apparaissant dans ⊕i Jλi .
2. C'est clair par construction.
3. C'est clair d'après le théorème du rang puisque T possède n cases.


5
2 Interlude : exercices
Voici quelques exercices qui sont déroutants à première vue. Leur résolution est néanmoins facile en
utilisant ce qui précède. Le lecteur pourra consulter leur solution à la n de ce texte, mais est encouragé
à les chercher au préalable.
Exercice 2.1. L'implication suivante est bien connue :

rg A = rg B

A ∼ B =⇒ χA (X) = χB (X)

µA (X) = µB (X),

où µA (X) désigne le polynôme minimal de A. La réciproque est-elle vraie ?


Exercice 2.2. Soient A, B ∈ M8 (C) telles que Im A = Ker A et Im B = Ker B . A est-elle nécéssaire-
ment semblable à B ?
Exercice 2.3. Soient A, B ∈ M5 (C) telles que A5 = B 5 = 0 et rg(A2 ) = rg(B 2 ) = 2. A est-elle
nécéssairement semblable à B ?

6
3 Cas général de la réduction de Jordan
Elle s'énonce ainsi, en prenant pour E un C-espace vectoriel de dimensie nie :
Théorème 3.1 (Réduction de Jordan d'un endomorphisme). Soit f ∈ L(E) et χf (X) son polynôme
caractéristique qui se factorise sous la forme :
s
(λi 6= λj si i 6= j).
Y
χf (X) = (X − λi )αi ,
i=1

Alors il existe une base B de E telle que la matrice de f dans cette base soit de la forme :
 
A1
 A2 0 
MatB f =  ...
 

 
0 As ,
avec pour tout i, la matrice Ai s'écrivant comme somme directe de blocs de Jordan qui ont λi sur la
grande diagonale.

Preuve. Il s'agit de se ramener au cas nilpotent. Pour tout i, on note Ni = Ker(f − λi Id)αi les sous-
espaces caractéristiques de f . D'après le lemme des noyaux, on a E = N1 ⊕ N2 ⊕ · · · ⊕ Ns et les Ni sont
stables par f . Pour tout i, on pose fi = f|Ni . On a fi ∈ L et (fi − λi Id)αi = 0. Par suite ni = fi − λi Id
est nilpotent. Pour tout i, on applique la réduction de Jordan à l'endomorphisme nilpotent ni . Il sut
ensuite de réunir les bases utilisées de chaque sous-espace caractéristique pour obtenir la base B de E
souhaitée. 

L'interprétation en termes de tableaux de Young est quasiment identique : on associe à f les s tableaux
de Young correspondant à chaque endomorphisme nilpotent ni (ou de manière équivalente à chaque
valeur propre).

7
4 Étude de la relation de similitude
Soient A, B ∈ Mn (C). Les implications suivantes sont bien connues :

A ∼ B =⇒ rg A = rg B
A ∼ B =⇒ Ak = B k
A ∼ B =⇒ A − λIn ∼ B − λIn , pour tout λ ∈ C.

Nous allons prouver que la réciproque est vériée, à savoir que A ∼ B ⇔ rg(A − λIn )k = rg(B − λIn )k
pour tous λ ∈ C et k ∈ N.

4.1 Théorème de Jordan

Proposition 4.1. Soient A, B deux matrices nilpotentes. Alors :


A ∼ B ⇐⇒ ∀k ∈ N, rg(A − λIn )k = rg(B − λIn )k .

Preuve. La seule valeur propre possible de A et de B est 0. Il sut donc d'examiner le cas où λ = 0.
Les équivalences suivantes sont vériées :

∀k ∈ N, rg Ak = rg B k ⇐⇒ les sauts de dimension dans les suites respectives


des noyaux itérés sont les mêmes
⇐⇒ Y(A) = Y(B).

Le théorème 1.7 permet alors de conclure. 

Le théorème suivant en découle immédiatement :


Théorème 4.2 (Théorème de Jordan-Weyr). Soient A, B ∈ Mn (C). L'équivalence suivante est vériée :
A ∼ B ⇐⇒ ∀ λ ∈ C, ∀ k ∈ N, rg(A − λIn )k = rg(B − λIn )k .

4.2 Étude des classes d'équivalence

Nous avons vu que A ∼ B ⇔ Y(A) = Y(B) lorsque A et B sont nilpotentes. Un tableau de Young de
forme λ ` n peut donc être mis en bijection avec une classe d'équivalence pour la relation de similitude.
En notant p(n) le nombre de partitions de l'entier n, le nombre de tableaux de Young possible à n cases
est donc p(n). Par conséquent :
Proposition 4.3. Considérons l'ensemble des matrices nilpotentes de Mn (C). Le nombre de classes
d'équivalences pour la relation de similitude sur cet ensemble est alors p(n).
Plus généralement, d'après la remarque qui suit la preuve du théorème 3.1 :
Théorème 4.4. Considérons l'ensemble des matrices de Mn (C) qui possèdent le même polynôme ca-
ractéristique :
s
(λi 6= λj si i 6= j).
Y
χ(X) = (X − λi )αi ,
i=1

Le nombre de classes d'équivalences pour la relation de similitude sur cet ensemble est alors i=1 p(s).
Qs

8
5 Solution des exercices
Exercice 2.1. Il sut de prendre comme contre-exemple les deux matrices suivantes :
   
0 1 0 0 1 0

 0 0 1 0 0 


 0 0 1 0 0



 0 0 0 


 0 0 0 

A=

0 1 0

et B =  0 1 .

0 0 
 
0 0 0 1 0  0 0
  
  
0 0 0
   
   0 1 
0 0
0 0 0 0 0
En eet, les conditions sont vériées, mais A n'est pas semblable à B car rg A2 = 2 et rg B 2 = 1.
Contrairement aux apparences, cela n'est pas sorti du chapeau. L'implication :

rg A = rg B

A ∼ B ⇐= χA (X) = χB (X)

µA (X) = µB (X)

annonce en eet que si A, B sont nilpotentes et si Y(A) et Y(B) ont le même nombre de cases sur la
première ligne et sur la première colonne, alors A = B . Cela est clairement faux comme le montrent les
deux tableaux suivants à partir desquels A et B ont été construits :

et
Remarquons que si A, B ∈ Mn (C) avec n ≤ 6, alors le résultat est vrai.
Exercice 2.2. Oui. Le théorème du rang montre que dim Im A = dim Ker A = 4. La première colonne
de A comporte donc 4 cases. D'autre part, puisque Im A ⊆ Ker A, on a A2 = 0. La première ligne de A
comporte donc 2 cases. Comme A possède en tout 8 cases, Y(A) est forcément le tableau suivant :

Exercice 2.3. Oui. A est nilpotente et le rang de A2 vaut 2. Il s'ensuit que dim Ker A2 = 3. Les deux
premières colonnes de Y (A) possèdent donc 3 cases ; il n'y a qu'une seule possibilité puisque la deuxième
colonne contient au moins un élément. Finalement Y(A) est forcément de la forme :

Notons que nous avons par ailleurs montré que toute matrice A ∈ M5 (C) vériant A5 = 0 et rg(A2 ) = 2
est nilpotente d'indice 4.

Références
[1] R. Mneimné, exposé du 13 juin 2006 présenté à la classe de HX2 à Louis le Grand.
[2] X. Gourdon, Les maths en tête - Algèbre, 1ère édition, Ellipses, 1994.

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