These El Zein Ali 2020
These El Zein Ali 2020
These El Zein Ali 2020
Spécialité :
Aménagement de l’espace et urbanisme
Présentée par
EL ZEIN Ali
LA CRISE DU SYSTÈME DE
DÉPLACEMENTS AU LIBAN : UNE
DÉPENDANCE AUTOMOBILE SYSTÉMIQUE
ET COÛTEUSE
Résumé
Le système des déplacements de personnes au Liban se caractérise par une triple crise de
congestion, financement et durabilité. Cette crise s’illustre par un système de transport non
performant : niveau d’embouteillages élevé et récurrent et absence quasi totale d’alternatives
fiables à la voiture privée.
L’objectif de cette thèse est d’éclairer le concept de dépendance automobile au prisme des
pratiques de mobilité, des modalités de gouvernance du système de transport et des
caractéristiques territoriales et socio-économiques au Liban. Elle vise à expliquer cette
dépendance dans une approche systémique et elle propose des solutions pour la modérer.
5
La crise de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique
et coûteuse
6
The transport system crisis in Lebanon: a systemic and costly car
dependency
Abstract
The objective of this thesis is to highlight on the concept of car dependency through the
prism of mobility practices, transport sector governance and territorial and socio-economic
characteristics in Lebanon. It aims to explain this dependency in a systemic approach and it
proposes solutions to moderate it.
First of all, the systemic approach, proposed by this thesis, considers that the car
dependency in Lebanon is the result of the interaction of several factors. The first factor seeks
to show that the car dependency is conditioned by territorial characteristics. In the Lebanese
context, it is mainly the urban sprawl that has undergone the whole territory, but more
particularly in Beirut, capital and center of the country. The second factor suggests that car
dependency in Lebanon stems from socio-economic factors. It is imposed because of to the
“club effect” and it is desired because of psychological factors which provoke an individual
attachment to the car. The third factor suggests that car dependency comes from the physical
system of transport. It is the high supply of road infrastructure, which leads to the “network
effect”, against a low supply of car alternatives, especially public transport. As the physical
transport system cannot be dependent from the sector’s governance, the modalities of sectoral
transport governance is the fourth factor in this approach. The Lebanese transport system
governance is characterized by an inefficiency, which reflects the inefficiency of the country's
public governance, and of an "all-road" transport policy.
Moreover, the thesis explores the challenges of moderating car dependency. It highlights
the economic, social and environmental costs linked to excessive use of the car. The research
aims to identify and quantify the costs of negative externalities, such as lack of road safety and
pollution, as well as those of the negative effects of the high use of the car on the fabrication
of the city (traffic jams, occupation of the space and location of activities).
Finally, the prospects for a possible moderation of car dependency in Lebanon and its
practical directions are explored. The thesis proposes to dismantle the whole system of car
dependency in Lebanon. The proposals vary : improving the offer of alternative modes to the
car (public transport, walking and cycling); strengthen transport sector’s governance;
7
The transport system crisis in Lebanon: a systemic and costly car
dependency
reconfigure the use of roads and make them multimodal; disadvantaging the use of the car
(parking policy, speed reduction, increase in the cost of ownership and use of the car ...) and
introducing an urban reconfiguration that increases the density of cities, limits urban sprawl
and promotes mix of urban functions.
8
Remerciements
Remerciements
J’aimerais d’abord remercier Madame MASSON Sophie, ma directrice de thèse, qui m’a
encadré tout au long de ces années. Je la remercie particulièrement pour son engagement,
son soutien indéfectible et sa confiance qu’elle m’a accordée dès les premiers instants. Durant
ces années, j’ai pu bénéficier de sa présence, source d’un enrichissement perpétuel, de son
attention et de sa pédagogie. Je n’arriverai jamais à pouvoir décrire ma gratitude envers elle.
Pour l’honneur qu’ils m’ont fait d’avoir accepté d’être les membres de mon jury, je tiens
à remercier Madame DUREAU Françoise et Monsieur FRITSCH Bernard. Je les remercie
d’avoir accepté d’être les rapporteurs de ma thèse. Mes remerciements vont également à
Madame DIAZ OLVERA Lourdes, Monsieur PLAT Didier et Monsieur PETIOT
Romain qui me font l’honneur et le plaisir de participer à l’examen de mon travail.
Je ne pourrais jamais exprimer à quel point je suis reconnaissant envers mes parents,
Hussein et Hanaa. Je leur remercie très chaleureusement pour leur soutien, leur confiance,
leur encouragement et surtout leur amour. Sans eux cette thèse ne serait jamais arrivée à son
terme. Choukran ! Egalement, je remercie ma sœur Hala et mon frère Mohamed pour leur
support et leur amour.
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Remerciements
Enfin, à la femme de mon cœur et la joie de mon âme, Racha ! Je ne trouverais jamais les
mots qui pourront lui dire merci ! C’est grâce à sa présence dans ma vie que j’ose toujours
rêver et c’est grâce à son encouragement que je suis toujours ambitieux pour réaliser mes rêves.
Son amour, son soutien, son écoute, son endurance face aux difficultés par lesquelles nous
avons passé, et surtout son sourire ont été mes appuis les plus précieux pour pouvoir faire finir
cette thèse. Je t’aime !
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A toute personne opprimée…
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12
Sommaire
Sommaire
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Sommaire
14
INTRODUCTION GENERALE
15
Introduction générale
La place qu’occupe la voiture dans les sociétés contemporaines est un sujet qui fait débat
depuis quelques décennies. Ce débat oppose souvent les avantages individuels que retirent les
usagers de l’automobile (accessibilité, flexibilité, facteur d’émancipation …) aux
inconvénients pour la collectivité (dépendance envers les énergies fossiles, remise en cause de
la biodiversité, contribution au réchauffement climatique, pollution atmosphérique locale,
occupation de l’espace, congestion routière …).
Dès la fin du dernier millénaire, le modèle de déplacement fondé sur l’automobile est
remis sérieusement en cause par le paradigme du développement durable. A partir des années
1990, dans les pays du Nord, un certain consensus émerge visant la réduction de l’usage de la
voiture privée au profit des transports collectifs et des modes doux. Ainsi, alors que les taux de
motorisation ont commencé à diminuer dans les pays développés, ils ont augmenté
exponentiellement ailleurs (Cervero, 2013). Dans les pays du Sud, la prise en charge de la
mobilité durable trouve souvent moins d’échos. Dans certains de ces pays, le report modal vers
les véhicules individuels est très important (Allaire, 2004) et la dépendance envers l’automobile
augmente à un rythme effréné, plus rapide même que la fourniture d'infrastructures routières et
de transport (Ochieng & Jama, 2015). Cela est le cas du Liban où la voiture assure la majeure
part des déplacements et exerce une certaine dépendance à sa possession et son utilisation.
Au Liban, la voiture, en tant que moyen de transport, est rarement mise en discussion.
Mais, sa conséquence la plus directe et visible, la congestion routière, est, elle, fortement
décriée. En 2011, la Revue du Liban titre « Petit pays, grand embouteillage » (n° 4331). Ainsi,
les discours politiques et les études qui portent sur le sujet de la mobilité au Liban analysent et
discutent souvent les embouteillages comme phénomène frappant de la mobilité au Liban.
Cependant, l’utilisation de la voiture, en tant qu’un des facteurs principaux de ces
embouteillages (et évidemment d’autres effets négatifs), n’est, que rarement, discutée et
analysée. Les rares études qui le font sont celles qui traitent l’effet environnemental de la
voiture. Pourtant, ces études analysent ces effets et cherchent comment les réduire, mais ne
creusent pas dans le problème de la dépendance vis-à-vis de la voiture au Liban. Elles se
limitent, souvent, à la simple proposition de report modal vers les transports collectifs ou aux
recommandations d’adoption de nouvelles technologies moins polluantes. Ainsi, la
dépendance automobile parait un sujet qui n’est pas suffisamment traité au Liban.
16
Introduction générale
Ainsi, depuis la mise en œuvre des moyens rudimentaires dans le processus de transport
tels que l'énergie humaine, le vent et les animaux, les modes et les moyens de transport n’ont
cessé d’évoluer. Ceux-ci sont passés des premiers véhicules à quatre roues avec les
Babyloniens en 3000 av. J.C. à leur mécanisation avec l'invention et le développement de la
machine à vapeur à la fin du XIXème siècle. Cela a permis de mettre en place des moyens
motorisés collectifs, notamment des trains, mais aussi individuels comme l’automobile et de
gagner en vitesse de déplacement. La première voiture à vapeur est celle du Français Nicolas-
Joseph Cugnot apparait en 1769. Un siècle après, les moteurs à combustion apparaissent,
l’essence commence à être utilisée comme carburant et les voitures s’équipent de roues
pneumatiques gonflables. Dès les années 1920, l’industrie automobile s’est considérablement
développée et l’usage de la voiture progresse dans les déplacements des personnes, en
particulier dans les pays développés. Ensuite, favorisé par des transformations sociétales,
économiques et technologiques, le nombre de voitures n’a pas cessé d’augmenter et l'industrie
automobile s'est considérablement développée jusqu'à ce que la voiture devienne le moyen de
transport routier le plus utilisé. L’automobile joue un rôle fondamental dans les transformations
des pratiques de mobilité des personnes et l’occupation de l’espace tout au long du dernier
siècle. La démocratisation rapide de la voiture aboutit à ce qu’il y ait aujourd’hui plus qu’un
milliard de voitures au monde (2015).
… mais néfaste
Malgré les avantages qu’elle présente et qui favorisent sa diffusion (la vitesse,
l’accessibilité, le confort, l’autonomie …), la voiture est progressivement associée à de
nombreux inconvénients. Le développement de l’automobile conduit à l'existence de nombreux
problèmes urbains, principalement illustrés par les embouteillages, la pollution atmosphérique
et la consommation d’énergies fossiles.
A partir des années 1970, les effets environnementaux de l’automobile sont mis au débat.
Ces préoccupations concernaient les émissions polluantes des voitures et sont apparues dans
17
Introduction générale
les pays développés, surtout en Europe et aux Etats-Unis. Durant cette même période, la
primauté de la voiture par rapport aux autres moyens de transport, jugée de « monopole
radical » (Illich, 1973a), et sa consommation en termes d’énergie sont mises en question dans
le contexte du choc pétrolier.
Quelques années plus tard, à partir des années 1980, la consommation énergétique prend
une autre dimension, notamment territoriale, pointant du doigt le phénomène d’étalement
urbain. Les premières analyses menées en France sur « Les Budgets Energie Transport »
(Orfeuil, 1984, 2013) et plus tard ailleurs avec Newman et Kenworthy (1989) sont les
premières à introduire le concept de dépendance automobile. Selon elles, la dépendance
automobile s’explique en reliant la consommation annuelle de carburant par citadin à la densité
urbaine (Newman & Kenworthy, 1989a).
Les critiques croissantes sur l’usage massif de la voiture particulière ne se limitent pas au
problème environnemental. Les embouteillages qui commencent à s’installer dans les grandes
agglomérations des pays développés, durant la même période (1970-1980), déclenchent une
seconde alarme sur l’utilisation et le rôle de l’automobile. Pour faire face à la congestion
routière, le premier réflexe des politiques publiques des transports est de développer plus de
capacités routières afin d’absorber les embouteillages. Un « mythe » (Offner, 1993) qui ne va
pas tarder à voir ses propres limites. L’augmentation des infrastructures routières fait appel à
plus de voitures. L’augmentation des flux de déplacements résultante de cet appel va, de
nouveau, limiter la capacité du réseau routier. Cela incite ainsi à augmenter de nouveau cette
capacité par de nouvelles infrastructures routières et ainsi de suite. C’est ce que les ingénieurs
des ponts et chaussées américains ont appelé « cercle magique ». Un terme qui sera adopté par
Dupuy (1999) qui va donner à la dépendance automobile sa première définition formelle
(Dupuy, 1999b).
18
Introduction générale
Ainsi, durant les années 1990, des chercheurs français dans le domaine de transport ont
mis en évidence les facteurs de la crise des déplacements urbains de personnes (Bonnafous,
1996) : la congestion routière et l’insuffisance des moyens pour financer le transport collectif.
A cette double crise, il convient également d’ajouter le problème de la pollution. Ainsi, une
triple crise caractérise, à partir des années 1990, le fonctionnement du système des
déplacements urbains.
Pour faire face à cette triple crise, en France par exemple, l’idée est de réduire la part
modale de la voiture en faveur de ses alternatives. La Loi d’Orientation des Transport Intérieurs
(LOTI) institue les Plans de Déplacements Urbains (PDU) qui visent à assurer « la diminution
du trafic automobile, le développement des transports collectifs et des moyens de transports
moins polluants, l’aménagement du réseau de voirie, l’organisation du stationnement, la
réduction des impacts du transport et de la livraison des marchandises, l’encouragement du
personnel des entreprises et des collectivités à prendre les transports en commun et à recourir
au co-voiturage » (Bonnel, 2000).
Au niveau urbain, trois pistes sont envisagées basées chacune sur un scénario : (i) le
modèle « Saint-Simonien » qui favorise l’urbanisme fonctionnaliste, l’industrialisation des
habitats, la hiérarchisation des réseaux de communication et la recherche des vitesses sur les
grands axes routiers ; (ii) le modèle « Californien » qui favorise l’habitat et les modes de
déplacement individuels et la concentration des activités hors des centres. Il se base sur la
libéralisation de l’offre foncière, le développement urbain sur l’ensemble du territoire et la
dévalorisation de la valeur immobilière dans les centres ; et (iii) le modèle « Rhénan » qui
s’appuie sur les noyaux urbains et favorise l’intensification des équipements centraux et la ville
compacte à densité élevée dans laquelle les moyens de transport collectif et les modes doux
sont favorisés et les vitesses de circulation, notamment celles de la voiture, sont régulées
(Bieber et al., 1993; Dupuy, 1999b; Hanocq, 1998; Orfeuil, 1994). Ce dernier scénario
constitue les bases de la mobilité urbaine.
19
Introduction générale
Le système des déplacements des personnes au Liban est confronté à une triple crise de
congestion, de financement (Bonnafous, 1996) et de durabilité. Cela s’illustre, entre autres, par
une situation d’embouteillage exacerbée et par l’inexistence d’alternatives efficaces à la
voiture, mais aussi par un manque de moyens qui empêche le financement des projets de
transport.
Les embouteillages
Les rues de Beyrouth s’illustrent ainsi comme une mosaïque de véhicules qui s’enchainent
sur les rues bitumées. Les voitures privées dominent largement cette scène. Elles sont de
marques et de tailles différentes. Toutefois, peu importe la taille, la valeur ou le modèle, à
Beyrouth, tout véhicule est susceptible d’être soumis aux embouteillages, qui peuvent parfois
être « infernaux » et rarement évitables.
Cette mosaïque comprend aussi des scooters (deux-roues motorisés) qui circulent entre les
autres véhicules librement. Ils donnent l’impression que, malgré leur taille relativement petite
par rapport aux autres véhicules, ces minuscules moyens de transport sont les seules qui
réussissent à éviter de tomber dans les embouteillages beyrouthins.
Hors de Beyrouth, les embouteillages se concentrent surtout sur les autoroutes du Nord,
du Sud et de l’Est qui relient la capitale avec le reste du territoire. Egalement, des
embouteillages se trouvent, mais plus faiblement que ceux de Beyrouth, dans les villes
principales comme Tripoli au Nord et Saïda au Sud.
Les embouteillages sont un facteur principal de désagrément des Libanais durant leurs
déplacements et coûtent cher à l’économie. Leurs coûts sont estimés à environ 4% du PIB du
Liban (Blom Invest, 2017; Perry, 2000) et ils font perdre parfois jusqu’à 70% du temps de
déplacement à Beyrouth (Anas et al., 2017; Aoun, 2011).
20
Introduction générale
La mosaïque se complète par des bus, des minibus et des voitures de taxi. Ce sont les
véhicules qui assurent l’offre de transport collectif au Liban. Cette offre est quasi-totalement
artisanale et est fournie principalement par des particuliers d’une manière chaotique. Les
véhicules circulent sans horaires, ni arrêts ni itinéraires prédéfinis et desservent quasi-
exclusivement Beyrouth et les autres grandes villes.
Les pollutions
Le manque de financement
21
Introduction générale
Le système économique au Liban, dont le PIB est d’environ 52$ milliards, est fortement
tertiaire et peut être classifié de rentier. Il se base principalement sur les revenues du tourisme,
de l’activité bancaire favorisée par le secret bancaire, et des transferts des expatriés libanais à
leurs familles qui forment plus qu’un dixième du PIB (World Bank, 2017a). L’économie
libanaise est aussi une économie dollarisée1 et fortement consommatrice. Le Liban importe
plus que 85% des biens consommés et le déficit de la balance commerciale s’élève à environ
30% du PIB (Douanes libanaises, 2017). Très récemment, le Liban est tombé dans une crise
inédite qui a fortement perturbé sa situation économique et lui a même empêché de rembourser
ses dettes dues (mars 2020). Tous ces facteurs sont autant d’obstacles au financement de projets
de transports ambitieux.
Malgré les effets négatifs, le Liban n’a pas pris de mesures suffisantes pour faire face à
cette crise. Au niveau environnemental, la réaction étatique s’est souvent limitée à édicter des
décrets ministériels (par exemple, décret no 6603/1995 2 ; loi 341 3 ; décret no 7858/2002 4 ;
décret no 8442/2002 5 ) et à mener des études souvent soutenues par des organismes
internationaux ou des entités étrangères (MoE et al., 2011, 2012, 2015; MoE & LEDO, 2001;
Stephan & El Sayyed, 2015) pour analyser l’effet environnemental des transports au Liban.
L’impact de ces mesures reste insuffisant. Les études proposent souvent des recommandations
qui sont rarement mises en place et les décrets ne sont pas toujours mis en application et
respectés. Au niveau des accords internationaux, le Liban signe souvent les conventions
internationales (comme la Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques), mais
cela ne signifie pas nécessairement qu’il met en application toutes les recommandations. Par
exemple, pour le secteur des transports, le Liban s’est engagé à augmenter la proportion
d'utilisation des transports publics entre 36% et 48%6 (convention signée par le Liban le 22
avril 2016 à New York), ce qui n’a pas encore été le cas.
1
La Livre Libanaise (L.L.) est reliée au dollar américain ($) avec lequel elle maintient une parité fixe.
2
Il définit des normes pour l'exploitation des camions et des bus diesel, ainsi que la mise en œuvre d'un plan
de surveillance et des niveaux admissibles des émissions.
3
La loi établit le cadre juridique permettant de réduire la pollution atmosphérique due au secteur des
transports et d'encourager l'utilisation de sources de carburant plus propres. Elle interdit l'importation de véhicules
fonctionnant sur des moteurs diesel (sauf véhicules de transport collectif de capacité supérieure à 24 passagers).
4
Il incite le renouvellement de la flotte de véhicules au Liban.
5
Spécifications des véhicules à moteur à carburant ; Diesel et essence 92, 95 et 98 Octane.
6
Conditionnée par un soutien un financier et technique.
22
Introduction générale
La dépendance automobile n’est pas une problématique fortement mobilisée dans les pays
en développement. Le problème de dépendance automobile a été conceptualisé dans les pays
développés. Toutefois, la triple crise du système de déplacements préoccupante au Liban, nous
amène à nous questionner sur le rôle de la voiture dans le système de déplacements au Liban.
Cette thèse cherche à répondre ainsi aux questions suivantes : Dans quelle mesure le système
de déplacements au Liban est-il dépendant de la voiture ? Quels sont les facteurs de cette
dépendance ? Quelles en sont les conséquences ? Quelles voies de sortie de la dépendance
automobile au Liban ?
Le travail de recherche consiste ainsi à établir un état de lieux des pratiques de mobilité
au Liban. Cela s’appuie sur une enquête de mobilité menée au Liban en 2018 dont les résultats
23
Introduction générale
sont jumelés avec ceux d’enquêtes précédentes. L’objectif est d’identifier le poids de la voiture
dans les déplacements des Libanais. Cette enquête a été menée sur la base d’un questionnaire
de 76 questions diffusé en ligne et par face-à-face lors d’une visite au terrain. Elle a eu comme
cible les usagers du système de transport au Liban, c’est-à-dire les résidents au Liban. Les
questions portaient sur les pratiques de mobilité de toute la population résidente au Liban, par
tous les modes et les moyens (véhicules privés, transport collectif et modes doux) dans tous les
types de déplacements (contraints entre le lieu de domicile et le lieu d’activité et non
contraints). Les questions concernaient également les perspectives et les aspirations des
personnes par rapport au développement du système transport au Liban et la réduction de
l’utilisation de la voiture. Cette enquête quantitative constitue une valeur ajoutée importante
pour notre recherche puisqu’elle est l’une des rares enquêtes au Liban portant sur le sujet de la
mobilité.
A l’enquête quantitative s’ajoute une enquête qualitative menée sous la forme d’entretiens
semi-directifs auprès des acteurs de transport au Liban. Les entretiens se sont déroulés à
Beyrouth, en mars et avril 2017, auprès des représentants des entités étatiques (Ministère de
Travaux Publics et de Transport MTPT ; le comité parlementaire du transport, travaux publics,
énergie et eau ; l’Office des Chemins de Fer et des Transports en Commun OCFTC ; le Conseil
du Développement et de Construction CDR ; le conseil national de la sécurité routière) et non
étatiques tels que les organismes internationaux (la Banque Mondiale) et des syndicats (le
Syndicat des conducteurs de véhicules de transport en commun au Liban). Egalement, nous
avons eu contact avec des Organismes Non-Gouvernementales, qui s’intéressent au transports
collectifs et aux modes doux, et avec des bureaux d’études qui nous ont fourni des plans, des
études et des rapports concernant le secteur de transport routier au Liban. Les entretiens
appuyés sur une grille d’entretien abordant les thématiques des embouteillages, des transports
collectifs, des sources de financement, des projets de transport, des modalités de régulation du
système de transport. Les entretiens se sont concentrés également sur la perception de chaque
acteur vis-à-vis du développement du système des transports : les perspectives d’un système
de transport collectif modernisé, des sources de financement, des législations nécessaires …
Les interlocuteurs ont été tous anonymisés. La majorité des interlocuteurs, notamment
étatiques, ont accepté de nous rencontrer 7 qu’à la condition que les entretiens ne soient ni
7
La majorité des entretiens ont eu lieu à l’aide d’un intermédiaire. Avant son intervention, presque toutes
les entités étatiques n’ont pas accepté de nous rencontrer.
24
Introduction générale
enregistrés, ni filmés et que le nom de la personne ne soit pas cité8. Les informations recueillies
de ces entretiens nous ont aidés, dans un premier temps, pour décortiquer les modalités de la
gouvernance sectorielle du transport au Liban et des interrelations entre les acteurs du secteur.
Dans un deuxième temps, ces informations ont été intégrées dans notre analyse des modalités
de la gouvernance du transport.
Ensuite, afin de mieux expliquer la situation des transports au Liban, il nous est apparu
indispensable de replacer le contexte dans une perspective historique. Cette approche
diachronique permet d’éclairer l’urbanisation actuelle du Liban, le fonctionnement de son
système de transport et de son régime politique. Enfin, notre recherche s’appuie sur un vaste
recueil documentaire sur la situation au Liban enrichi de lectures portant sur d’autres pays
comparables.
La thèse commence par un chapitre introductif dans lequel nous présentons notre grille de
lecture de la dépendance automobile, proposons un état des lieux des pratiques de mobilité au
Liban, présentons nos hypothèses de recherche et développons notre approche systémique de
la dépendance automobile. Sur cette base, le plan de la thèse est détaillé dans ce chapitre
introductif.
8
Cela a été justifié par des raisons « politiques ». Les interlocuteurs ont préféré de ne pas les citer et que les
entretiens soient « off the record » pour ne pas leur causer des « problèmes politiques » avec d’autres entités ou
des parties politiquement opposantes.
25
26
CHAPITRE INTRODUCTIF : LA DEPENDANCE
AUTOMOBILE, CONCEPT PERTINENT AU LIBAN
27
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
Les premières réflexions sur la place de l’automobile dans nos sociétés contemporaines
ont émergé dans les années 1970. Le terme de « dépendance automobile » a fait ses premières
apparitions dans la littérature scientifique à la fin de millénaire, avec les travaux de chercheurs
australiens Peter Newman et Jeffrey Kenworthy. En 1995, Goodwin relie la dépendance à des
facteurs psychologiques. En France, cette notion fait son arrivée avec le travail pionnier de
Gabriel Dupuy « La dépendance automobile : symptômes, analyses, diagnostic, traitements »,
en 1999, qui propose une définition formelle de la dépendance automobile. Depuis, le concept
de dépendance automobile a été maintes fois repris, enrichi et transposé à des espaces
géographiques spécifiques (Dupuy, 2002; Genre-Grandpierre, 2007a; Motte-Baumvol, 2006,
2007; Newman & Kenworthy, 2006) et parfois remis en question (Newman & Kenworthy,
2011, 2015).
Les travaux qui ont étudié la dépendance automobile ont été principalement menés dans
les pays développés. La dépendance automobile a traduit une certaine « norme » de
déplacement des pays anciennement industrialisés, caractérisés par des taux de motorisation
élevés et une part modale dominante de la voiture particulière. Les nuisances générées par la
situation de dépendance généralisée à l’automobile, notamment visibles par des situations de
congestion routière atteignant des niveaux extrêmes, ont été progressivement fortement
dénoncées et ont mené les chercheurs et responsables politiques à trouver des solutions de
réduction de la dépendance automobile (Héran, 2001).
Notre thèse pose que le concept de dépendance automobile est pertinent afin de rendre
compte des conditions de mobilité au Liban. Nous proposons d’élaborer une grille d’analyse
du processus de dépendance automobile au Liban en croisant les enseignements des travaux
antérieurs et les spécificités socio-économiques, géographiques et politiques du Liban.
28
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
29
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
La dépendance automobile est un concept qui a été toujours polysémique. Cette première
section présente les principales approches de ce concept.
Le processus de monopole radical a été analysé dans plusieurs domaines, dont le transport.
Illich oppose alors les modes doux (vélo et marche à pied) aux modes motorisés (voiture et
transport en commun). Ces derniers jouissent d’un « monopole radical » qui repose sur deux
éléments : la réalisation des infrastructures nécessaires et la « surefficience » des modes
motorisés vis-à-vis des autres modes.
Dans l’analyse d’Illich, tous les modes motorisés, que ça soit la voiture particulière et les
transports en commun, sont opposés aux modes non motorisés. Cependant, les réflexions sur
les alternatives au tout automobile et à l’autosolisme nous amènent à déplacer le point de vue
30
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
de l’auteur. La voiture particulière sera seule confrontée à tous les autres moyens de transport
motorisés (transport en commun) et de déplacements doux (vélo et marche à pied). L’objectif
est d’estimer la part de tous les modes de déplacements pour ensuite analyser la dominance de
la voiture dans les déplacements au Liban. Aussi, les questions sur les infrastructures routières
et la surefficience de la voiture seront abordées comme des facteurs favorisant la dépendance
automobile au Liban.
Dans la perception d’Illich (1974) et des auteurs qui l’ont suivi et ont repris le concept de
« monopole radical » comme Sachs (1992), la dépendance « n’est pas utilisée ou n’est pas une
notion-clé » (Dupuy, 1999b, p. 9). Ce sont deux chercheurs australiens, Peter Newman et
Jeffrey Kenworthy dans leur ouvrage Cities and Automobile Dependence (1989), qui
introduisent les premiers cette notion.
Pour étudier la dépendance automobile, ils ont eu recours à des données sur 31 villes
américaines, européennes, asiatiques et australiennes dans lesquelles ils ont cherché à trouver
une liaison entre la mobilité d’une part et la densité urbaine d’autre part. Pour cela, ils ont testé
la liaison entre la densité et les caractéristiques de la mobilité urbaine comme le réseau routier,
le système de transport en commun, le stationnement et la consommation en carburant. Les
villes choisies n’étant pas tout à fait comparables, les chercheurs ont eu recours à des
coefficients d’élasticité de la consommation en carburant par rapport aux prix des carburants
et aux revenus.
Les résultats ont abouti à une classification des villes selon le critère de consommation
d’énergie. Les villes américaines (Houston, Phoenix, Detroit, Los Angeles …) étaient les plus
consommatrices. Ce sont des villes très étalées et peu denses. Ensuite, ce sont, par ordre, les
villes australiennes (Perth, Melbourne, Sydney …), européennes (Zurich, Hambourg,
Frankfurt, Bruxelles …) et enfin asiatiques qui sont très denses, peu étalées et consomment le
moins de carburants (Tokyo, Moscow, Hong Kong …) (cf. figure 1).
31
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
Ils ont trouvé ainsi une relation négative entre les densités des villes et la consommation
en carburant en reliant la consommation en carburant pour la mobilité à des facteurs d’usages
du sol via la densité démographique et des emplois. Ils expliquent que les politiques urbaines
de transport et d’urbanisation sont le facteur principal favorisant la prolifération de la voiture :
plus la ville est compacte, dense et faiblement étalée, plus elle favorise un transport durable et
défavorise la dépendance automobile. Par contre, plus la ville est étalée et peu dense plus la
voiture est utilisée et le système de transport est coûteux. Les villes les moins denses
consomment entre 4 et 8 fois plus de carburant que les plus denses (Newman & Kenworthy,
1989b).
Figure 1 : La consommation des carburants selon les densités des villes (Newman &
Kenworthy, 1989b)
Le terme de dépendance a été ensuite souvent utilisé dans leurs publications (Newman,
1996; Newman et al., 1995; Newman & Kenworthy, 1996, 1999, 2006, 2011, 2015). Toutefois,
cette notion, limitée aux espaces, reste vague (Héran, 2001) sans qu’elle soit centrale (Motte-
Baumvol, 2006). Ils ont ainsi contribué à la notoriété internationale de ce concept, mais sans
vraiment la définir (Dupuy, 1999b, p. 10). Aussi, dans leur analyse, Newman et Kenworthy ont
émis l’hypothèse de l’existence d’une relation de cause à effet entre l’utilisation de la voiture
32
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Goodwin explique aussi que la dépendance automobile provient de la forte relation qui
s’établit entre le mode de vie des usagers et de l’utilisation de la voiture via les caractéristiques
qu’elle offre. La voiture exprime leur mode de vie et va même contribuer à l’établissement et
la proclamation de leur identité surtout dans une société de consommation. Goodwin et al.
(1995) soutient qu'une fois qu'une voiture a été acquise, elle devient moins un bien de luxe et
plus une nécessité car le propriétaire en dépend de plus en plus (Goodwin et al., 1995). Une
idée qui est aussi reprise dans des travaux d’autres chercheurs (Banister, 2001; Begg, 1998;
9
Le Royal Automobile Club au Royaume-Uni.
33
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
Cullinane & Cullinane, 2003; J. M. Dargay, 2001; Jensen, 1999; Sachs, 1992; Vrain, 2003;
Wickham & Lohan, 1999). La dépendance à l’automobile doit être ainsi considérée comme
participant d’un processus et non d’un état (Goodwin et al., 1995).
Dans le contexte libanais, la voiture est plus qu’un simple moyen de transport. C’est un
marqueur social qui fournit un moyen d’expression de l’identité ou de l’appartenance sociale
(Bernier, 2010; Nahas et al., 2016; Perry, 2000). La dépendance automobile au Liban peut donc
aussi être analysée comme un attachement socioculturel à cet objet et son usage. Il peut être
surprenant de constater le taux élevé de motorisation au Liban en regard du taux important de
ménages en situation de pauvreté et d’une économie au ralenti.
Avec les travaux précédents, la dépendance automobile reste sans véritable définition
formelle (Motte-Baumvol, 2006). La première formalisation de la dépendance automobile est
attribuée à Gabriel Dupuy, notamment dans son ouvrage « La dépendance automobile,
symptômes, analyses, diagnostic, traitements » (1999).
Dupuy considère que le terme de dépendance automobile était utilisé « d’une manière très
floue, sans le définir précisément en le limitant au fait qu’il y avait beaucoup de voitures dans
les villes» dans les travaux de Newman et Kenworthy (Gallez & Dupuy, 2018). Pour lui, leurs
travaux ont surtout traité la motorisation croissante donnant lieu à une place dominante de la
voiture dans les pays développés, mais sans avoir démontré la réalité d’une situation de
dépendance dans ces pays. Il offre ainsi une définition qui relie la dépendance automobile non
pas à la motorisation, mais à l’automobilisation (mesurée par le nombre de permis de conduire,
le parc automobile, le nombre de km parcourus …) qui est « une variable composite qui traduit
la configuration du système automobile » (Dupuy, 2002). Aussi, différemment à Goodwin,
pour Dupuy, la dépendance automobile ne provient pas seulement d’une simple addiction
individuelle à l’utilisation de la voiture. Elle a plutôt une dimension structurelle au niveau
sociétal (Gallez, 2018).
La notion de dépendance automobile, selon Dupuy, prend tout son sens dans la
démonstration de la réalité d’une situation de dépendance et non pas seulement dans la mise en
évidence de la place croissante de la voiture particulière dans notre société (Motte-Baumvol,
2007). Dupuy considère que ce n’est pas la voiture, en tant qu’équipement, et le parc
automobile qui doivent être considérés, mais plutôt la dynamique collective et sociétale du
34
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
phénomène. Pour cela, il propose une définition dans laquelle il relie la dépendance automobile
à l’automobilisation. Il considère que le rôle de l’automobile ne peut être compris qu’à partir
d’une vision systémique et la dépendance automobile ne peut être définie qu’en référence à ce
qu’il appelle « le système automobile » (Dupuy, 1999b). Il explique que la compréhension du
rôle de l’automobile nécessite « une vision systémique incluant l’ensemble des éléments qui en
font ce qu’elle est : un véhicule auto-mobile (au sens fort des deux termes) pour le plus grand
nombre » (Dupuy, 1999b). Il a recours aux travaux de Peter Hall dans sa définition du système
automobile qui consiste en différents éléments qui sont tous développés autour de l’automobile
et qui permettent sa généralisation. Ces éléments sont : (i) une production de masse qui a
démocratisé l’accès à la possession d’une voiture ; (ii) des réseaux techniques et des centres de
services et de maintenance pour assurer une performance de haut niveau de la motorisation de
masse ; (iii) des codes uniformes avec des règles et des normes de conduite et du contrôle de
trafic et (iv) des équipements routiers tels que les réseaux routiers accompagnés par des
équipements annexes visant la facilitation de la vie des automobilistes (Dupuy, 1999b, p. 13;
Gallez, 2000; Gallez & Dupuy, 2018). Le périmètre n’est plus l’agglomération, comme le
disaient Newman et Kenworthy, mais plutôt tout l’espace desservit par ce système automobile.
Pour le « cercle vicieux », Dupuy dit qu’avec le « cercle vertueux d’effets positifs …
enroule un cercle vicieux d’effets négatifs dus au développement de l’automobile » (p.15). La
voiture n’affecte pas négativement ses usagers, qui profitent des avantages du système
automobile, mais affecte plutôt ceux qui sont exclus du système, les non-automobilistes, qui
en supportent les effets négatifs. Les avantages proviennent ainsi de l’appartenance au système
et augmentent avec l’augmentation du nombre des dépendants, ce qui élargit l’écart entre
35
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
Dupuy considère que le système fonctionne plutôt comme un « club » ou un réseau pour
les automobilistes : plus ceux-ci sont nombreux plus le système est avantageux (Dupuy, 1999b,
1999a; Gallez, 2000; Gallez & Dupuy, 2018) et présente plus de services et avantages aux
usagers. Ces effets se regroupent sous la forme d’un « bonus » qu’offre l’automobile aux
automobilistes et qui provient de l’interaction des différents acteurs de ce système. Il suppose
que tout nouvel entrant au système vise ce « bonus » qui grâce auquel, le système va attirer
plus de personnes. L’introduction de ces nouveaux automobilistes au système va amplifier ses
effets. « L’entrée dans le système automobile se traduit, au-delà de l’utilité individuelle du bien
acquis et employé, par une sorte de bonus d’origine collective ». Ce bonus est individuel,
mais la dépendance ne l’est pas. Elle est collective (Dupuy, 1999b, p. 14).
Les gains que peut avoir un entrant au club sont ainsi contraints par le nombre des
personnes déjà membres de ce club dont l’entrée consiste en trois étapes : avoir un permis de
conduire, avoir un véhicule et circuler sur un réseau routier. Chaque étape a un effet relatif.
Trois effets se succèdent : « l’effet club » qui est lié à l’obtention d’un permis de conduire,
considéré comme billet d’entrée à ce club. La possession du permis de conduire peut offrir au
titulaire des avantages comme un déplacement plus rapide par rapport à d’autres moyens. Cela
peut être illustré par l’exemple des voiturettes qui peuvent être conduites sans permis mais qui
n’ont pas le droit de dépasser les 45 km/h10. Ensuite, c’est « l’effet de parc » qui se présente
par l’acquisition d’une voiture. Les avantages générés de l’obtention d’une voiture augmentent
avec l’augmentation du nombre des voitures en circulation. Cet effet provient des services en
lien avec la flotte de voitures : agents, concessionnaires, garagistes … mais aussi des services
offerts aux automobilistes (centres, commerces …) mais non liés directement à la voiture.
Enfin, « l’effet de réseau » dépend de la circulation des voitures sur le réseau routier. Plus la
circulation est dense sur une voirie, plus d’argent sera dépensé pour l’améliorer.
10
Les voiturettes n’existent pas au Liban. La différence de vitesse se limite ainsi à la comparaison entre la voiture
et les autres moyens de transport.
36
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
à surmonter (Dupuy, 1999b, p. 30). C’est alors en comparant les automobilistes, qui en profitent
des bonus, aux non-automobilistes exclus du système que Dupuy définit la dépendance.
Pour Dupuy, le gain principal du « club » c’est le gain de temps qu’offre le « système
automobile » aux automobilistes, membres du « club », par rapport aux non-automobilistes,
exclus du club. Dupuy n’a pas estimé tous ces gains. Toutefois, sur des données en France,
Dupuy a trouvé que la succession des trois effets aboutit à une élasticité de 1.9 de l’accessibilité
par rapport au parc automobile (Dupuy, 1999b, p. 46). Cela met en évidence l’attractivité du
système (Gallez, 2000). Il parle du modèle MAAGIC (Modèle d’Accessibilité Automobile
Générée par les Interactions de Club) qui vise à mesurer les effets positifs du système
automobile générés par l’interaction des trois effets.
Pour lui, les avantages acquis par les entrants au club se mesurent donc en matière
d’accessibilité vers les services et les activités. L’augmentation de l’accessibilité peut être
acquise par l’augmentation des vitesses ou bien par la densification des opportunités. Le
graphique ci-dessous (figure 2) illustre cette relation entre le nombre d’automobilistes et le
niveau d’accessibilité. La courbe (1) présente une amélioration de l’accessibilité des
automobilistes (usagers) lorsque leur nombre augmente. Par contre, la courbe (2) montre la
dégradation de l’accessibilité des non-automobilistes avec l’augmentation du nombre des
automobilistes (Dupuy, 2011).
Ainsi, à partir de la « fracture » (Dupuy, 2011) entre les automobilistes et les non-
automobilistes que Dupuy propose de définir la dépendance automobile comme « l’effet négatif
d’origine interne au système et résultat du bonus et de cercle magique…» et « la différence
37
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
La définition faite par Dupuy via la différence d’accessibilité entre automobiliste et non-
automobiliste montre que la dépendance est un processus de « boule de neige » qui donne lieu
à une « spirale de la dépendance ». Elle est une fonction directe du nombre des abonnés, donc
les automobilistes : l’augmentation du nombre des automobilistes provoque l’augmentation de
l’automobilisation qui accroit la dépendance automobile. L’augmentation de cette dépendance
va augmenter les circulations et élargir le parc automobile, donc la demande automobile va
augmenter. Ainsi, les non-automobilistes vont chercher à être équipés pour améliorer leur
niveau d’accessibilité et les automobilistes vont circuler encore plus. L’augmentation va
augmenter l’automobilisation et ainsi de suite. La dépendance se présente ainsi comme un état
repéré par une la différence d’accessibilité, mais aussi comme un processus qui se présente
par cette « spirale » qui explique le développement de l’automobile (Dupuy, 2002).
38
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
principale de la dépendance, et varie d’un territoire à l’autre selon la performance des modes
alternatifs. Pour lui, le niveau de développement de la dépendance automobile varie entre les
pays, comme le disait Dupuy, mais aussi dans les territoires au sein du pays même. Pour l’autre
dimension, l’individuelle, il met en question le « bonus » du « club » de Dupuy. Malgré
l’attractivité de ce « bonus », des raisons financières, des rapports au travail ou la composition
des ménages peuvent empêcher les personnes d’accéder et de profiter, partiellement ou
complètement au club.
Dupuy a considéré que les effets négatifs de la voiture sont supportés surtout par les non-
automobilistes (Dupuy, 1999b) qui subissent les effets de ce monopole radical (Gallez, 2018).
Ces effets négatifs se présentent comme un « malus » (Motte-Baumvol, 2007) sous la forme
des externalités négatives comme la pollution atmosphérique et sonore, la congestion routière,
le manque de sécurité routière, l’exclusion sociale, la reconfiguration du territoire, notamment
l’étalement urbain …
39
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
automobilistes (Dupuy, 1999b, 2011). Egalement, la voiture est un élément principal dans la
structuration du territoire et la localisation des domiciles, des activités et des services favorisant
des formes urbaines étalées et peu denses (Dupuy, 1995; Lefebvre, 1968; Michel, 1997;
Newman & Kenworthy, 1989a; Orfeuil, 1994, 2003; Wiel, 2002, 2003).
Cette approche a été mise en question par Dupuy (2002) à partir de trois effets :
l’accessibilité, l’effet de parc et l’effet de Zahavi. Il explique que c’est vrai que l’augmentation
de la densité améliore l’accessibilité, mais elle le fait pour tous, les automobilistes et les non-
automobilistes ensemble. Partant de sa définition qui dit que la dépendance provient de la
différence d’accessibilité entre ces deux catégories, l’amélioration de l’accessibilité, causée par
l’augmentation de la densité, va augmenter la dépendance automobile. Une augmentation de
l’accessibilité des automobilistes pareille à celle des non-automobilistes signifie que l’écart
entre les deux, donc la dépendance automobile, sera plus important. Ensuite, l’augmentation
de la densité est susceptible d’améliorer l’accès aux services directs (garages par exemple) et
indirects (les loisirs) à l’automobile. Par l’effet de parc, l’augmentation de cette accessibilité,
considérée comme externalité positive du système automobile, va attirer plus d’automobilistes
et accroitre, via l’automobilisation, la dépendance automobile. Ainsi, le processus de la
40
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Pour modérer la dépendance automobile, Dupuy pense qu’il faut agir sur le système
automobile et sur les interactions qui créent l’avantage de ce système (Dupuy, 1999b, p. 115).
Il propose ainsi trois mesures dont chacune porte sur un des trois effets (club, réseau, parc).
La première vise à réduire l’effet club en agissant sur le parc automobile. Il propose de
diversifier le parc automobile en créant des sous-clubs répartis selon la performance des
véhicules. Son but est de limiter l’effet club en répartissant le « grand club » en des sous-clubs
des conducteurs de véhicules motorisés à vitesse réduite (deux roues motorisées par exemple)
ou même non motorisés (vélo par exemple). Cette diversification doit permettre de fournir un
niveau d’accessibilité comparable à celui de la voiture.
La deuxième consiste à réagir sur l’effet de réseau. Elle consiste à créer plus de routes qui
doivent être « moins hiérarchisées, moins arborescentes, plus connectives » (Dupuy, 1999b, p.
222). Le but est de réduire la vitesse sur le réseau, qui permettra de réduire la dépendance
automobile. Il recommande aussi l’augmentation du maillage du réseau pour améliorer sa
desserte. D’après son modèle MAAGIC, il montre que ce maillage ne va pas affecter le niveau
d’accessibilité ni la dépendance automobile par la suite.
La troisième mesure proposée par Dupuy consiste à mettre en œuvre des politiques de
stationnement, « service de base pour l’automobile » (Dupuy, 1999b, p. 126). Il trouve que
l’absence des politiques qui limitent le stationnement favorise l’augmentation du parc
automobile. Dupuy propose donc réduire l’offre de stationnement pour réduire l’effet de parc
et par suite la dépendance.
41
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
Ces mesures ne sont pas directement liées à l’automobile. Pour réagir directement sur le
« système automobile », les trois mesures proposées par Dupuy seront considérées. Sa
perception paraît adaptable à notre travail, mais elle sera, quand même, alimentée par d’autres
propositions. Ce sont surtout les travaux de Héran (2001) et Genre-Grandpierre (2007) qui ont
travaillé sur la réduction de la vitesse de l’automobile comme clé de la réduction de la
dépendance envers elle (Genre-Grandpierre, 2007a; Héran, 2001). Aussi, Héran (2002, 2005)
est intervenu sur des propositions qui concernent les politiques de stationnement et le réseau
routier, notamment la reconfiguration urbaine, pour qu’il puisse accueillir les différents modes
de déplacements et contribuer à la réduction de la dépendance automobile (Héran, 2002, 2005).
42
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
La bibliographie qui traite les pratiques de mobilité au Liban est très mince. Cette absence
de littérature s’explique en partie par le manque de données et de statistiques au Liban, causant
une sous-information sur les pratiques de mobilité. Le constat d’une carence en données sur les
déplacements quotidiens au Liban nous a conduit à mener une enquête de mobilité (2.1.) dont
les résultats jumelés avec ceux d’autres enquêtes expliquent les pratiques de mobilité (2.2.) et
la répartition modale au Liban (2.3.). Le but est de déterminer les caractéristiques de
déplacements des Libanais afin de cerner le poids de la voiture dans la mobilité et la société
libanaise.
2.1. La sous-information sur les pratiques de mobilité au Liban : facteur favorable pour une
enquête de mobilité
Le Liban souffre d’un manque de données et de statistiques dans presque tous les
domaines et les secteurs (Kassab, 2003; Périer, 2019). Le manque le plus flagrant demeure
dans les données qui concernent la population libanaise. Avec un seul recensement officiel en
1932, la connaissance précise de cette population reste toujours inconnue en termes de nombre
et de localisation (Verdeil & Dewailly, 2019). Le manque de statistiques et de données affecte
aussi les études qui traitent les sujets relatifs à l’emploi (J. Chaaban, 2009; Corm, 2004), au
climat (Adra, 2001; El Hage Hassan, 2011), à l’économie (El-Ezzi, 2003; Périer, 2019; Vignal,
2007), à la guerre civile (Dessouane, 1994; Verdeil et al., 2019), à l’émigration et l’immigration
(Abdulkarim, 1996; A. Faour, 1992; Kasparian, 2008), à la sociologie (Dubar, 1974; Périer,
2019) ... L’absence de données sur la mobilité ne constitue pas une exception à la règle.
Certaines études existent cependant mais traitent principalement les effets environnementaux
(Chelala et al., 2006; Fooladi, 2012; Korfali & Massoud, 2003; MoE, 2005; Waked & Afif,
2012). En revanche, les enquêtes sur la mobilité et les pratiques de déplacement restent rares.
Avec la faible contribution de la part de l’Etat, les enquêtes de mobilité déjà faites
proviennent surtout des acteurs non étatiques. Cependant, ces enquêtes restent insuffisantes
pour donner une vision panoramique des pratiques de mobilité de la population. Elles sont
souvent menées par des entreprises et des bureaux d’études (EGIS, 2012; SISSAF, 2016; TMS
Consult, 2015) et s’insèrent dans des études plus larges. Les autres enquêtes sont menées par
des chercheurs particuliers, mais restent peu fiables puisqu’elles sont soit anciennes (T.
Nakkash & Jouzy, 1973), soit limitées au niveau géographique et ne concernent que certaines
43
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
régions, surtout Beyrouth et Tripoli (Aoun, 2011; Gerges et al., 2017; Haddad et al., 2015;
Hyodo et al., 2005; Ladki et al., 2016; Mansour & Haddad, 2014; Omran et al., 2015).
Au total, il n’existe presque aucune enquête de mobilité récente qui produit suffisamment
de données sur les pratiques de déplacements, les préférences et les attentes des utilisateurs de
transport au Liban. Ainsi, le manque de données sur les pratiques de déplacement au Liban fait
écho à la sous-information générale sur la mobilité quotidienne dans les pays en développement
(Godard et al., 2001). Cette situation justifie la mise en œuvre d’une enquête pour les besoins
de notre thèse afin de produire des données sur les pratiques de déplacement au Liban et les
confronter aux données disparates obtenues à partir d’enquêtes partielles précédentes.
a- L’insuffisance des sources administratives : absence d’action sur les parties concernées
Au Liban, une enquête de mobilité n’intéresse ni les parties étatiques ni les instances hors-
étatiques concernées par le transport. Cela s’explique par le manque de priorisation politique
du sujet de transport où , pareil aux pays en développement (Godard et al., 2001), la
connaissance statistique de la mobilité n’est ni une préoccupation ni une priorité pour les
acteurs de transport.
Pour les entités publiques, le manque provient surtout des entités concernées par les
statistiques. C’est tout d’abord l’Administration Centrale de la Statistique (ACS) qui est l’entité
principale responsable de la production des données statistiques au Liban. Elle a la mission de
collecter, traiter, produire et diffuser les statistiques sociales et économiques à l’échelle
nationale ainsi que surveiller les statistiques des ministères et entités publiques (MoE et al.,
2011). L’ACS n’a pas réalisé d’enquêtes dédiées sur la mobilité.
De même, les organismes étatiques concernés par le transport ne diffusent, que très
rarement, des statistiques et des chiffres sur la mobilité au Liban. Ces organismes sont le
Ministère de Transport et Travaux Publics (MTPT), le Traffic and Vehicle Management
44
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Authority (TAVMA) et l’Office des Chemins de Fer et des Transports en Commun (OCFTC)11.
En dépit d’être les entités étatiques en charge de transport, ces organismes n’ont jamais mené
d’enquêtes pour comprendre les pratiques de mobilité des résidents libanais. Cela s’explique
par le manque des moyens financiers et du personnel apte à mener une enquête d’une telle
envergure ainsi que par l’absence des départements de statistiques. Cela ne signifie pas que les
entités étatiques ne produisent aucune donnée, mais les rares études menées sont souvent
incomplètes, non fiables, anciennes et difficiles à localiser (Nahas et al., 2016; Périer, 2019).
La difficulté d’obtenir des données fiables provient aussi des problèmes de collecte ou de
diffusion des données. Au Liban, la difficulté de la collecte provient de l’absence de la culture
d’enquêtes et de questionnaires. Les personnes ne sont pas habituées à répondre à des
questionnaires, surtout ceux qui s’intéressent à leur vie privée (salaire, ménage …). La faible
sollicitation aux enquêtes ne permet pas de s’habituer à de telles pratiques et rend les personnes
plus vigilantes et moins enclines à prendre du temps pour répondre aux enquêtes.
11
L’explication détaillée de ces acteurs aura lieu dans le chapitre 4.
12
Avec le représentant du syndicat des conducteurs de véhicules de transport en commun, Beyrouth
45
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
Egalement, le manque de données peut s’expliquer par l’insuffisance des liaisons entre les
différentes données requises ce qui provoque un mauvais traitement et à la perte de leur valeur
(Godard et al., 2001). Cela existe dans le secteur du transport au Liban surtout avec la
multiplication des acteurs, l’action isolée de chacun et l’absence de coordination entre eux.
Enfin, cette pénurie peut parvenir de l’insuffisance des moyens techniques et financiers.
Dans les villes en développement, les systèmes de mobilité évoluent rapidement. Cette
évolution rend les données sur la mobilité plus difficile à obtenir et à traiter. Dans le cas
libanais, cette évolution est liée à la variation extrême dans l’offre de transport 13 (Godard et al.,
2001), mais aussi à l’évolution urbaine du territoire durant son histoire14. L’étalement urbain,
dès la fin du XIXème siècle, jumelé avec d’autres circonstances (guerres, réfugiés, crises
économiques …) a fortement modifié le territoire libanais (G. Faour et al., 2005). Ce
changement rapide a influencé les pratiques de déplacement et a rendu plus difficile l’analyse
des pratiques de mobilité surtout avec des données requises de différentes périodes légèrement
comparables.
L’enquête de mobilité, dont les résultats sont présentés dans cette thèse, a été menée au
Liban en 2018. Elle cible les utilisateurs du système de transport sur tout le territoire. En raison
de la lourdeur du protocole qu’une enquête ménage impliquait, nous avons choisi de mener une
enquête auprès des individus. L’unité statistique est ainsi une personne. L’enquête a été
diffusée sous la forme d’un questionnaire en ligne via le logiciel d’enquête « Limesurvey ».
13
Cf. chapitre 3 – Section 2
14
Cf. chapitre 1 – Section 2
46
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
L’enquête recense les pratiques de mobilité de toute la population par tous les modes et
moyens sur tout le territoire. Elle cherche ainsi à produire un outil d’analyse quantitative qui
permet de contribuer dans la construction d’une vision claire et suffisante sur la situation
actuelle du transport donnant lieu à un diagnostic du système de déplacements (Godard et al.,
2001). L’enquête vise ainsi à contribuer à la création d’une base de données qui sera utile pour
déterminer les pratiques actuelles et prévoir leurs évolutions en cas de changements dans l’offre
de transport.
L’avantage principal de ces enquêtes réside en leur coût bien moindre par rapport aux
autres types d’enquêtes (Dillman, 2000) : économie des coûts de distribution et de saisie des
données. Contrairement aux enquêtes traditionnelles, le choix de la voie électronique est
motivé par la facilité et la rapidité de répondre (Pan, 2010; Zanutto, 2001) grâce à la vitesse
instantanée de la communication par internet et la suppression des barrières géographiques
(Dillman, 2007). Elles offrent aussi une facilité de récolte, d’analyse de réponses (Bayart &
Bonnel, 2009) et de présentation des résultats (graphiques, tableaux …) (Bayart & Bonnel,
2009; Gunn, 2002; Zanutto, 2001). De plus, les enquêtes internet ne sont pas contraintes par la
disponibilité temporelle des enquêtés (Bayart & Bonnel, 2009). Dans notre cas aussi, l’enquête
en ligne était un choix idéal puisque nous n’étions pas sur terrain lors de la diffusion.
Le questionnaire est inspiré des enquêtes qui ont été déjà menées dans d’autres pays
(France, Suisse, Belgique …). Il est diffusé en trois langues pratiquées au Liban (l’arabe, le
français et l’anglais). Les enquêtés sont totalement anonymes et les questions qui portent sur
des informations personnelles (revenu, habitat, travail) sont facultatives.
Les questions sont de plusieurs natures : choix multiples, « Oui et Non », de satisfaction,
d’expression libre … et l’accès à certaines est conditionné par les réponses d’autres questions.
Le temps nécessaire pour répondre à tout le questionnaire était estimé à 10 minutes.
L’enquête respecte les trois langages des enquêtes en ligne (Redline & Dillman, 1999).
Pour le langage graphique (font, police, tableaux …), la présentation a été harmonisée pour
47
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
toutes les questions et réponses pour éviter d’influencer les choix des participants. Pour le
langage symbolique, il a été prédéfini par le logiciel d’une manière à faciliter l’accessibilité au
questionnaire. Enfin, pour le langage numérique qui consiste à énumérer les questions et les
réponses, un chiffre romain a été assigné à chaque fiche et un chiffre arabe pour chaque
question. Les modalités de réponses ont été énumérées par ordre croissant par un chiffre
précédé par la lettre A (A1, A2 …).
Le questionnaire est composé de six fiches (cf. annexe 1). (i) La fiche « personnelle », de
10 questions, qui permet de savoir les caractéristiques sociodémographiques des enquêtés (âge,
revenu, niveau d’études, activité, lieu d’habitat). (ii) La fiche « Ménage », de 7 questions,
concerne les caractéristiques sociodémographiques (taille, revenu) ainsi que le taux de
motorisation et les pratiques des déplacements du ménage. (iii) La troisième fiche concerne le
« véhicule privé » et n’est accessible que pour les enquêtés équipés15. Avec 9 questions, elle se
préoccupe à connaître les caractéristiques des véhicules privés (marque, modèle) ainsi que le
taux d’utilisation et les coûts relatifs de possession et d’utilisation. (iv) La 4ème fiche
« déplacements contraints » n’est accessible qu’aux enquêtés qui ont une activité qui
conditionne leurs déplacements16. Elle comprend 23 questions et vise à recueillir les données
sur les pratiques de mobilité « contraints » (choix modal, origine-destination, temps de voyage,
distance). (v) Elle est suivie par une cinquième fiche, de 11 questions, qui la complète et qui
cherche à connaître les pratiques des « déplacements non contraints » et occasionnels (motifs,
choix modaux, horaires et durées). (vi) La dernière fiche « transport alternatif » vise à connaître
le point de vue des enquêtés envers la situation de crise actuelle du système de transport
(embouteillages, faible offre de transport collectif …) ainsi que les attentes, les perspectives et
le choix modal prévus en cas de changement de l’offre de transport : renforcement du transport
collectif et déplacements doux, introduction de nouveaux modes (vélo, covoiturage) ….
La diffusion et la collecte des réponses ont été réalisées via le logiciel « Limesurvey ». Le
questionnaire a été distribué en ligne, avec un lien d’accès, par mail et sur les réseaux sociaux.
Il a été accessible et lisible sur les différents supports (ordinateurs, téléphones portables,
tablettes), systèmes (iOS, Android, Windows, Mac) et navigateurs (Chrome, Firefox,
15
Ils ont déclaré avoir un véhicule privé au nom de la personne. Question I10.
16
Ils ont déclaré avoir une activité de travail ou d’éducation hors du domicile à laquelle ils effectuent des
voyages réguliers ou fréquents plusieurs fois par semaine.
48
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Les enquêtes en ligne se caractérisent par des incertitudes techniques et de faibles taux de
réponse (Pan, 2010). Dans notre cas, le faible taux (40% non complétés) peut être expliqué par
le faible recours aux questionnaires au Liban et le manque de motivation envers les enquêtes.
Le volume du questionnaire considéré long peut également favoriser ce manque de motivation.
Ensuite, d’autres facteurs involontaires peuvent en être raison : l’accès à un
équipement, l’accès à l’internet et la qualité de débit (Bayart & Bonnel, 2009; Zanutto, 2001),
ou même la coupure du réseau internet ou électrique. Le Liban est le 160ème /200 pays pour la
qualité de l’internet et les coupures du courant électrique peuvent durer jusqu’à 18 heures par
jour dans certaines régions. Enfin, cela peut être des problèmes techniques qui accompagnent
le remplissage de l’enquête tels que la non-lisibilité de certains caractères, le mauvais affichage
de la page web ou bien des risques liés à la sécurité comme la circulation des virus (Bayart &
Bonnel, 2009; Gunn, 2002; Zanutto, 2001)
Les enquêtes en ligne s’exposent à un certain nombre de biais (Pan, 2010). Le biais
principal de cette enquête est l’exclusion de trois catégories de personnes : les personnes ayant
moins de 16 ans qui ne sont pas autonomes dans leurs déplacements qui sont souvent
dépendants d’autrui, les personnes sans accès à l’internet et les illettrés (6% des Libanais (ACS,
2019) qui sont exclus de l’enquête puisqu’ils ne peuvent pas lire le questionnaire. Lors des
enquêtes de face-à-face, il était difficile de trouver des illettrés qui ont moins que 64 ans.
49
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
Les résidents du Liban se déplacent principalement pour aller travailler ou étudier, mais
aussi pour d’autres motifs secondaires : loisirs, visites, achats, accompagnement … Ainsi, pour
analyser les pratiques de mobilité au Liban, les déplacements ont été séparés en deux
catégories. D’abord, les déplacements contraints conditionnés par des horaires et des
destinations précises. Ces déplacements sont surtout liés au travail et aux études et structurent
la mobilité quotidienne (Nicolas et al., 2012). Les autres sont des déplacements non contraints
effectués sans condition de temps et de destinations préétablies. Ils sont souvent occasionnels
moins fréquents que les autres.
Les déplacements au Liban sont en augmentation continue. Toutefois, les données sur le
volume des déplacements ne sont pas généralisées. La majorité des chiffres relatifs sont
souvent récents (depuis les années 1990) et limités au niveau géographique sur la capitale
Beyrouth et les autres grandes villes comme Tripoli au Nord. Ces données ne recensent souvent
que les déplacements motorisés et n’intègrent pas toujours les autres modes de déplacements,
notamment doux.
Avant la guerre civile libanaise (1975-1990), en 1970, des chiffres sur la zone beyrouthine
ont montré que la moyenne était de 1.53 déplacement quotidien par personne et 7.42
déplacements quotidiens par ménage avec une taille moyenne des ménages de 4.86 personnes
(T. Nakkash & Jouzy, 1973). A la fin de cette guerre, en 1995, 1.6 million déplacements
quotidiens motorisés ont été recensés dans la région beyrouthine seule dont 80% étaient
originaires de la région elle-même (F. B. Chaaban et al., 2000; SDATL, 2005). A l’échelle
nationale, en 2000, la moyenne était de 2.8 millions déplacements quotidiens avec une
17
Cf. chapitre 1
18
Cf. chapitre 2
19
Cf. chapitre 3
50
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
population estimée à 3.5 millions d’habitants à l’époque. Les chiffres nationaux et ceux de
Beyrouth étaient prévus doubler en 2030 (SDATL, 2005).
En 2005, Beyrouth comptait seule 170.000 voitures privées (Chelala et al., 2006) et une
moyenne de 1.06 déplacement motorisé quotidien par habitant avec 1.4 déplacement motorisé
quotidien dans ses deux premières couronnes (SDATL, 2005). Pour la Greater Beirut Area
(GBA 20 ) qui comprend Beyrouth et ses banlieues, la moyenne était de 1.28 déplacement
quotidien motorisé par habitant. Un chiffre qui s’élève à 1.38 déplacement dix ans après (2015)
(Nahas et al., 2016). Entre 1991 et 2013, le nombre de déplacements, à l’échelle nationale, a
augmenté de 3% et de 6% entre 2008 et 2013 en moyenne par an (CDR, 2013b).
En 2015, chaque personne a effectué en moyenne 33.3 déplacements par mois (TMS
Consult, 2015) donc 1.1 déplacement par jour. Notre enquête de mobilité montre une moyenne
légèrement plus élevée de 12.58 déplacements par semaine soit 1.79 déplacement par personne
par jour. Ce chiffre reste faible par rapport aux pays plus développés comme la France qui a
une moyenne de 3.15 déplacements (Armoogum et al., 2010). Le faible taux de déplacement,
malgré son augmentation continue, pourra être expliqué par le faible taux d’activité estimé à
48% (2.2 millions de personnes) (World Bank, 2018b) surtout les femmes avec moins qu’une
femme active sur trois (29%) (ACS, 2019), mais aussi par la faible fréquence de déplacements:
44% des Libanais se déplacent moins qu’une fois par jour.
Beyrouth Mont-Liban Nord Sud Bekaa Moyenne
Occasionnellement 14% 13% 6% 10% 10% 11%
Plusieurs fois par mois 4% 6% 12% 14% 16% 10%
1 fois par semaine 3% 5% 5% 6% 6% 5%
Plusieurs fois par semaine 19% 12% 28% 10% 20% 18%
1 fois par jour 33% 22% 23% 13% 23% 23%
Plus de 2 fois par jour 27% 42% 25% 48% 24% 33%
Moyenne par mois 28.78 39.59 29.41 41.23 27.88 33.378
Tableau 1: La fréquence de déplacements des résidents du Liban (TMS Consult, 2015)
2.2.2. Les temps de déplacements : des trajets de durée moyenne
Les données détaillées sur les temps de déplacements au Liban ne sont pas suffisantes.
Une des enquêtes en 2015 montre que la moyenne des déplacements au Liban est de 52.7
minutes (TMS Consult, 2015).
20
La région qui comporte Beyrouth municipe et ses banlieues. Cf. chapitre 1.
51
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
Pour les temps de voyage, une étude faite par Waked et al (2012), montre qu’au Liban les
flux de trafic sont les plus importants le lundi et diminuent pour le reste de la semaine. Les taux
les plus bas sont le samedi et le dimanche à cause des repos hebdomadaires (Waked et al.,
2012). Ces chiffres concernent tous les déplacements (contraints et non contraints). Par contre,
notre enquête fournit des données sur chaque type séparément.
Pour les déplacements contraints, il fut facile de déterminer les durées de déplacements
puisque les activités ont souvent des horaires prédéfinis ce qui facilite la planification des
heures de départ et d’arrivée et le calcul des durées des trajets.
Les durées des trajets
Les résultats de l’enquête ont montré que la durée moyenne des déplacements contraints
est de 40 minutes. La moitié des personnes a besoin de moins qu’une demi-heure sur les allers-
retours entre domicile et activité.
Aller Retour
N=413 n % n %
<15 min 98 23.7% 94 22.76%
15-30 min 135 32.7% 117 28.33%
30-45 min 78 18.9% 91 22.03%
45-60 min 38 9.2% 53 12.83%
>60 min 64 15.5% 58 14.04%
Tableau 3: Les durées de voyage aller-retour lors des déplacements contraints (enquête
de mobilité, 2018)
Pareils à l’enquête nationale de TMS Consult (2015), les chiffres de notre enquête ont bien
montré que les déplacements à Beyrouth et au Mont-Liban sont plus rapides que le reste du
territoire.
52
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Pour le retour vers le domicile, les temps de pointe sont plutôt variables. Les personnes
quittent leurs lieux de travail/éducation entre 15h00 et 18h00 avec une légère dominance des
créneaux 15h00-17h00 en départ et 17h00-19h00 en arrivée.
53
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
Presque 60% (n=248) des personnes ne profitent pas de leurs déplacements contraints
entre domicile et lieu d’activité pour accomplir d’autres motifs (visites, courses …).
54
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
55
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
56
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Réponse n Pourcentage
Voiture personnelle 133 28.3%
Voiture du travail 25 5.3%
Motocycle 12 2.55%
Vélo 2 0.4%
Taxi 56 11.9%
Minibus 25 5.3%
Bus privés (assurés par le secteur privé) 35 7.45%
Bus publics (assurés par l'Etat) 13 2.8%
A pied 23 4.9%
Divers 8 1.7%
Tableau 8: Les moyens utilisés lors des déplacements professionnels (enquête de
mobilité, 2018)
La grande partie des personnes n’a pas de préférence de temps pour effectuer les
déplacements non contraints. Les résultats de l’enquête montrent que la moitié préfèrent sortir
le weekend (24.3% pour samedi et 24% pour dimanche). Par contre, un tiers (35.7%, n=168)
n’ont aucun jour préféré et le reste se répartit sur les jours de la semaine. Pour les temps
préférés, un quart des personnes (24.7%) n’a aucune préférence, 27.2% préfèrent sortir le
matin, 20% préfèrent l’après-midi ou le soir et 9% préfèrent sortir à midi. Les matins des
weekends sont les périodes les plus préférées pour effectuer les déplacements non contraints
(cf. figures 5 et 6). Cela paraît évident vu que ce sont les jours de repos hebdomadaires pour la
majorité.
57
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
Soir
19% Après-midi Midi
20% 9%
Figure 5: Les périodes de déplacements préférés pour les déplacements non contraints
(enquête de mobilité, 2018)
120.00%
100.00%
80.00%
60.00%
40.00%
20.00%
0.00%
Lundi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi Dimanche Tous les jours
/ Aucune
préférence
Figure 6: Les périodes et les jours préférés pour les déplacements non contraints
(enquête de mobilité, 2018)
2.2.3. Les distances de déplacements : des trajets souvent courts
21
Le résultat provient de l’analyse des réponses des 83.3% (n=334) qui savent et ont déclaré la distance de
leurs déplacements contraints.
58
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Ces résultats indiquent que 43% (n=178) des personnes parcourent de courtes distances (<
10 km), un quart (24.7%, n=102) ont des déplacements de distances moyennes (10 à 30 km) et
15.25% (n=63) de longues distances (>30 km) dont 10% voyagent plus de 50 km entre leur
domicile et leur activité. Les deux tiers des déplacements les plus longs se font vers la GBA et
les distances les plus courtes sont surtout pour des déplacements entre Beyrouth et Mont-
Liban : 83% des déplacements à GBA sont inférieurs à 10 km (Mansour et al., 2011). A
Beyrouth, 5.4% des résidents utilisent leur voiture pour se déplacer au sein du même quartier
(Chelala et al., 2006).
N=413 Beyrouth Mont-Liban Nord Sud Bekaa Moyenne
<3 Km 13.8% 16% 12.8% 17.4% 18.2% 15.65%
3 à 5 km 20.2% 14.1% 2.6% 7.25% 9.1% 10.6%
5 à 10 km 19.15% 16.7% 10.3% 7.25% 27.3% 16.1%
10 à 20 km 14.9% 16.7% 20.5% 15.9% 0% 13.6%
20 à 30 km 9.6% 9% 0% 14.5% 0% 6.6%
30 à 40 km 1.1% 1.9% 2.6% 4.35% 9.1% 3.8%
40 à 50 km 0% 4.5% 5.1% 5.8% 0% 3.1%
> 50 km 3.2% 5.1% 28.2% 15.9% 27.3% 15.95%
Je ne sais pas 18.1% 15.4% 17.95% 11.6% 9.1% 14.4%
Tableau 10: Les distances parcourues par régions (enquête de mobilité, 2018)
Le déplacement pour travail est le premier motif pour les deux tiers des résidents au Liban
(Chelala et al., 2006) et forme 55% des déplacements totaux effectués (CDR, 2013b). La
majorité des Libanais (82%) ont une activité pour au moins 5 jours par semaine (cf. figure 7).
59
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
1 jour 2% 2% 4%
4%
2 jours
3 jours 10%
26%
4 jours
5 jours
52%
6 jours
7 jours
Hors des trajets contraints entre domicile et travail/éducation, les Libanais sortent pour les
loisirs (61.9%), les achats (55.3%) et pour partir au village ou aux autres villes (50.2%)22.
Motifs n (N=470) Pourcentage
Activité de loisirs/culturelles 291 61.9%
Accompagnement 90 19.15%
Course/Marchés 260 55.3%
Aller au village/autre ville 236 50.2%
Autres 7 1.5%
Tableau 11: Les motifs des déplacements non contraints (enquête de mobilité, 2018)
Conformément aux chiffres de l’enquête, différentes études ont montré qu’en dehors des
déplacements domicile/travail, motif principal, les loisirs sont le deuxième motif pour lequel
les personnes se déplacent. Ensuite, viennent par ordre de priorité : les courses, les visites, le
sport et l’accompagnement (Nahas et al., 2016; SITRAM & EGIS, 2012; TMS Consult, 2015).
Beyrouth Mont-Liban Nord Sud Bekaa Moyenne
Achat 2% 2% 4% 8% 5% 4%
Education 3% 3% 3% 2% 3% 3%
Autres 4% 5% 16% 7% 0% 6%
Loisirs 6% 7% 12% 14% 8% 9%
Déplacements personnels 11% 10% 13% 8% 13% 11%
Travail 74% 73% 52% 61% 69% 66%
Tableau 12: Les motifs des déplacements des Libanais (TMS Consult, 2015)
22
La question est à choix multiples.
60
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
La voiture est le moyen dominant pour se déplacer au Liban. Les déplacements assurés
par elle augmentent de plus en plus contre une diminution de la part des autres moyens. Les
données sur la part modale actuelle sont souvent disponibles à l’échelle nationale et régionale.
Cependant, l’étude de l’évolution de la part modale reste plus difficile. Comme d’autres
données sur la mobilité, les chiffres sur la part modale durant l’histoire sont rares et ceux qui
existent concernent surtout les deux plus grandes villes du pays : Beyrouth et Tripoli.
Durant l’histoire du Liban, la part modale des différents moyens de transport a fortement
évolué. La moitié du XXème siècle, date du début de l’ère de la voiture privée, était l’âge d’or
des transports en commun23 massivement utilisés à l’époque. Les chiffres qui concernent cette
époque (jusqu’en 1970) montrent qu’au moins la moitié des déplacements s’effectuaient par
les transports collectifs (Helou, 2015; Perry, 2000) et que la voiture n’était pas assez répandue.
Cela n’a pas duré longtemps avant que la part modale commence à évoluer au profit de
l’automobile.
Durant la guerre civile, en 1985, la part du transport collectif a diminué pour atteindre
28% (23% les taxis et 5% les bus) contre une augmentation de la part du véhicule privé
s’élevant à 70% (Yagi, 1994). Après la guerre, la part des transports collectifs a chuté
dramatiquement. En 1994, 29% des déplacements motorisés à la GBA s’effectuaient par
transport collectif, parmi lesquels 1.3% seulement par bus, contre 71% par voiture privée
(Godard, 2008a). En 1997-1998, la faiblesse des services de transport en commun était
considérée comme l’un des cinq premiers problèmes liés aux déplacements au Liban. A cette
époque, à l’échelle nationale, 57% des personnes utilisent exclusivement la voiture privée
contre 77% et 31% qui n’utilisent jamais ni le bus (ou minibus) ni le taxi (ou taxi-service)
respectivement (MoE & LEDO, 2001). En 1999, la part des bus augmente à 8% avec
l’introduction d’une nouvelle flotte de bus à Beyrouth (fin 1997). Ces chiffres restent inférieurs
aux chiffres enregistrés dans des pays méditerranéens. Par exemple, la part du transport
collectif, en 2004, était 56% à Alger, 34% à Téhéran et 21.5% à Casablanca (Godard, 2008b).
23
Cf. chapitre 3 – Section 2.1.
61
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
Quant à la deuxième ville, Tripoli, en 1998, le véhicule privé (voiture et moto) assurait
67% des déplacements contre 12% par bus (et minibus) et 21% par taxi. En 2005, les chiffres
étaient toujours pareils : 33% pour les voitures et le transport en commun et 30% pour les deux-
roues motorisés (Hyodo et al., 2005). Ensuite, la part de la voiture privée à Tripoli va
augmenter, mais reste moins faible que celle de Beyrouth. En 2016, la part de la voiture privée
augmente à 40%, contre 35% pour la moto, et 25% pour le transport en commun (15% taxis et
10% bus) (Baaj, 2000; Nahas et al., 2016; SDATL, 2005).
1998 2016
Déplacements quotidiens 500.000 620.000
Taxi 21% 15%
Bus et minibus privés 12% 10%
Bus étatique 0% 0%
Voiture privée 40%
67%
Deux-roues motorisés 35%
Tableau 14: Les parts modales des déplacements motorisés à Tripoli en 1998 et 2016
(Baaj, 2000; Nahas et al., 2016; SDATL, 2005)
62
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Au moins 75% des personnes préfèrent utiliser la voiture pour se déplacer contre 25% qui
préfèrent les transports en commun et doux (Blom Invest, 2017). L’enquête la plus récente et
détaillée concernant ce sujet a été faite par TMS Consult (2015).
Beyrouth Mont-Liban Nord Sud Bekaa Moyenne
Véhicule privé 66% 62% 66% 63% 50% 61%
Taxi 13% 19% 13% 18% 10% 15%
Camion/Camionnette 12% 17% 12% 14% 37% 18%
Bus 9% 2% 9% 5% 3% 6%
Tableau 15: La répartition multimodale des moyens motorisés dans les régions libanaises
(TMS Consult, 2015)
La domination de la voiture est très claire. Elle est la plus importante à Beyrouth et Mont-
Liban et elle est plus faible à la Bekaa où la part des transports en commun et des camions
augmente. Ces chiffres ne concernent que les déplacements motorisés et excluent les moyens
non motorisés. De plus, ils traitent tous les types de déplacements en même temps. Pour cela,
l’enquête de mobilité peut être plus représentative puisqu’elle prend en considération les
différents moyens de transport et sépare entre les déplacements contraints et les non contraints.
D’après l’enquête, les Libanais effectuent en moyenne 12.58 déplacements par semaine,
tous moyens inclus. Cette moyenne s’élève à 15.59 déplacements pour les véhicules privés
seuls. La voiture assure environ la moitié (48%, n=198) des déplacements contraints et les deux
tiers (n=307, 65.3%) des déplacements non contraints. Elle est utilisée quotidiennement par
82% (n=173) des automobilistes. Un chiffre comparable à celui d’Aoun (2011) qui a montré
que 80% des personnes à Beyrouth utilisent la voiture plus de deux jours par semaine, 7%
l’utilisent 3 ou 4 fois par mois et 5% l’utilisent moins qu’une fois par mois (Aoun, 2011).
Les transports en commun assurent un quart (25.3%, n=119) des déplacements non
contraints et 40% des déplacements contraints. Pour les moyens de transport, le taxi-service est
le plus utilisé, ensuite ce sont les bus privés et enfin ce sont les bus étatiques avec 2.2% des
déplacements contraints et <1% des déplacements non contraints. Plus que deux tiers (70.6%,
n=120) des usagers du transport en commun en déplacements contraints utilisent ce moyen
chaque jour (ou presque) : 5% en bus étatiques, 20.8% en minibus (n=25) et plus qu’un tiers
(35.8%) en bus privés et taxis ou taxis-service (38.3%) (cf. figure 8).
L’enquête d’Aoun (2011) à Beyrouth, montre que le bus est le moyen le moins utilisé par
les Beyrouthins avec environ 70% des enquêtés qui n’utilisent jamais le bus contre 20% qui ne
l’utilisent qu’une fois par mois tandis que les 10% restants seulement l’utilisent entre 1 et 6
63
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
fois par mois. Ceci n’est pas le cas de l’autre moyen de transport en commun, le taxi, où 30%
ne l’utilisent jamais, 32% l’utilisent une fois par mois et 10% l’utilisent entre 1 et 3 fois par
mois. Le reste l’utilise plusieurs fois par semaine (Aoun, 2011).
18.18%
Plusieurs fois par mois 27.27%
0.00%
54.55%
41.03%
Plusieurs fois par semaine 28.21%
7.69%
23.08%
38.33%
Chaque jour ou presque 20.83%
5.00%
35.83%
64
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Figure 10: La répartition modale des déplacements non contraints au Liban (enquête de
mobilité, 2018)25
L’analyse menée a montré que les flux de déplacements au Liban sont en augmentation
continue. En moyenne, un Libanais effectue 1.8 déplacement par jour. Les déplacements
pourront être considérés de courtes et moyennes durées. La durée moyenne de tous les
déplacements est d’environ 53 minutes et de 40 minutes dans les déplacements contraints
(domicile-travail/éducation). De même, les trajets ne sont pas longs en termes de distance. Pour
un trajet entre le domicile et le lieu de travail/éducation, les Libanais parcourent en moyenne
10 km. Quant aux motifs, les Libanais se déplacent principalement pour aller travailler ou
étudier. Les autres motifs sont surtout les loisirs, les achats et aller aux villages (ou autres
24
Autres : bus de travail (0.75%) et camionnette (0.25%).
25
Autres : vélo (0.2%) et camionnette (0.4%).
65
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
villes). La voiture est le mode préféré pour se déplacer au Liban. Elle assure en moyenne 2.2
déplacements quotidiens, la moitié des déplacements contraints et les deux tiers des
déplacements non contraints. Le reste des déplacements sont effectués principalement par des
moyens de transport en commun fourni par le secteur privé (taxi, taxi-service, bus, minibus)
ou par la marche à pied. La part modale des bus étatiques et du vélo sont négligeables (cf.
figure 9 et 10).
66
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Pour procéder à cette analyse, la définition de la dépendance automobile nous a paru, dans
un premier temps, comme un travail inévitable. Nous avons ainsi mobilisé les différentes
définitions proposées pour ce concept selon une logique diachronique. Cet état des lieux est le
socle de la construction de notre propre grille d’analyse de la dépendance automobile. Dans un
deuxième temps, nous avons cherché à analyser les pratiques de mobilité et de déplacements
au Liban pour identifier le poids de la voiture dans ces pratiques. Ces deux premières étapes
nous permettent de proposer une approche systémique qui va dicter la démarche de cette thèse.
Jumelés avec les résultats d’autres enquêtes, les résultats de cette enquête nous ont
validé l’hypothèse que la voiture est le moyen de transport principal au Liban. En moyenne,
15.6 déplacements hebdomadaires sont effectués par la voiture contre 12.6 déplacements par
tous les moyens. La voiture, qui forme 90% de la flotte des véhicules au Liban (ACS, 2006;
Gerges et al., 2017), assure la moitié des déplacements contraints, avec un taux d’utilisation
quotidienne de 82%, et les deux tiers des déplacements non contraints. Par contre, les transports
en commun (bus, minibus, taxis et taxi-service) n’assurent qu’un dixième des déplacements
non contraints et un quart des déplacements contraints. Moins que 7% des déplacements au
Liban sont effectués par les modes doux qui se limitent, au Liban, à la marche à pied.
Ces résultats ont également permis d’avoir une vue panoramique sur les pratiques de
mobilité au Liban. Ils ont montré que les déplacements sont importants et sont en croissance
67
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
en continu. Ces déplacements sont moyennement courts avec une durée moyenne de 53
minutes par déplacement (TMS Consult, 2015) qui diminue à 40 minutes par déplacement
contraint dont la distance moyenne est de 10 km. La moitié du temps des déplacements est
perdue dans les embouteillages. Cette durée varie selon les régions, elle en est la plus longue
dans les villes et les régions qui ont un réseau routier moins aménagé que les autres et dans les
unes qui ont le moins du poids économique et démographique. De même, elle varie selon le
moyen de transport utilisé, elle est la plus longue dans les transports collectifs et la plus courte
par voiture. Quant aux motifs, les résidents se déplacent principalement pour aller travailler
(ou étudier), mais aussi pour des déplacements de loisirs, de courses et de visites. A ces motifs
s’ajoutent les déplacements internes ville-village ou ville-ville, donc des déplacements qui
s’effectuent de grandes villes principales vers les villages, les villes secondaires et les
banlieues.
La thèse suppose que la dépendance automobile au Liban s’explique par une approche
systémique (Hypothèse générale). Cette approche s’inspire de la pensée systémique proposée
par Dupuy et des trois effets, notamment celui de club et de réseau, mais pas que. Nous
adoptons également les deux dimensions ajoutées par Motte-Baumvol : (i) la dimension
territoriale concernant la performance des moyens alternatifs et la particularité des territoires
et (ii) la dimension individuelle qui se questionne sur les critères qui pourront affecter la
capacité des ménages à être motorisés ou non.
Aussi, malgré l’absence d’une définition formelle et précise dans leurs travaux, la
perception de Newman et Kenworthy et celle de Goodwin peuvent également alimenter notre
approche. Pour la première, c’est la relation entre la dépendance automobile et les
caractéristiques territoriales, notamment l’étalement urbain et la densité, ainsi que les politiques
urbains de transport et d’utilisation du sol, facteurs principaux dans la propagation de
l’utilisation de la voiture selon Newman et Kenworthy. Pour la seconde, ce sont les effets
psychologiques et sociologiques, négligés dans la perception de Dupuy, mais qui ont apparu
dans des travaux d’autres auteurs (Banister, 2011; Cullinane & Cullinane, 2003; J. M. Dargay,
2001; Goodwin et al., 1995; Motte-Baumvol, 2006; Orfeuil, 1994, 2001a, 2001b; Sachs, 1992;
Wickham & Lohan, 1999).
L’intégralité des travaux cités a traité la dépendance automobile dans des pays développés.
Or, le Liban étant un pays en développement, cela attribue à notre approche la particularité
68
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
d’étudier la dépendance automobile dans des pays du Sud. Plusieurs de ces pays témoignent
une augmentation des taux de motorisation (Cervero, 2013) et un report modal très important
vers la voiture (Allaire, 2004) provoquant une dépendance automobile croissante à un rythme
effréné (Ochieng & Jama, 2015) (Hypothèse 1).
Le premier facteur est l’organisation spatiale du pays qui se caractérise par une forte
concentration sur Beyrouth, capitale et centre du pays, ainsi que par l’étalement urbain et les
relations ville-village 26 (Bourgey, 1985). Ce facteur cherche à montrer que la dépendance
automobile est conditionnée par des caractéristiques territoriales du Liban (Hypothèse 2.1.). Il
sera traité dans le premier chapitre de la thèse.
Le deuxième facteur propose que la forte dépendance automobile au Liban provienne des
facteurs socio-économiques (Hypothèse 2.2.). Il suppose que cette dépendance est subie et
correspond à l’effet club (Dupuy, 1999b) et elle est désirée (effets psychologiques
d’attachement individuel à la voiture). Ce facteur sera traité dans le deuxième chapitre de la
thèse. Il visera à questionner les forts taux de possession et d’utilisation de la voiture au Liban,
comparables à ceux des pays plus développés, bien que le Liban soit un petit pays du Sud dont
l’économie est au ralenti et exsangue.
26
La majorité des citadins sont originaires des villages où il se rendent très fréquemment : chaque weekend
et les vacances
69
Chapitre introductif : La dépendance automobile, concept pertinent au Liban
La figure ci-dessous (figure 11) illustre cette approche systémique et ses quatre facteurs.
Note recherche ne se limite pas à définir la dépendance automobile. Elle va au-delà pour
traiter les coûts de cette dépendance au Liban ainsi que les propositions possibles pour en sortir.
70
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
71
72
CHAPITRE 1 : L’ORGANISATION TERRITORIALE DU
LIBAN : APPROCHE DIACHRONIQUE ET ETAT DES
LIEUX ACTUEL
73
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
Dans la première section, il sera question de situer le Liban, et sa capitale Beyrouth, dans
un cadre global de l’analyse du territoire. Cette section présente la structuration spatiale et
territoriale du Liban du point de vue de sa géographie et de ses caractéristiques économiques
et sociodémographiques. Elle met en évidence l’existence d’un territoire dualisé marqué, d’une
part, par une forte polarisation sociodémographique, économique et politique sur un centre
développé : l’agglomération de Beyrouth, d’autre part, le reste du territoire abandonné. Le
concept de centre-périphérie est mobilisé pour caractériser le système territorial dual du Liban.
74
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Le Liban est un pays arabe du Moyen-Orient qui se situe sur la côte est de la mer
Méditerranée. Sa superficie totale est de 10.452 km2 et Beyrouth en est sa capitale. La
République Libanaise, de régime parlementaire, est basée sur une démocratie confessionnelle.
Sa devise nationale est la livre libanaise (L.L.). Au niveau de la langue, l’arabe classique
représente la langue officielle et l’arabe syro-libanais est la langue communément utilisée. Les
langues française et anglaise sont des langues secondaires toujours pratiquées (Dumont, 2006).
Outre sa petite taille, ce territoire se distingue de son voisinage moyen-oriental par sa côte
et son relief riche. La côte libanaise s’étend sur environ 225 km avec une largeur de 3 à 5 km
et comprend les villes principales de Beyrouth et Tripoli et les petites villes héritées de l’époque
phénicienne comme Saïda (Sidon), Jbeil (Byblos) et Sour (Tyr) (Assaf, 2009).
75
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
Le relief libanais est varié, mais assez montagnard et l’hydrographie y est abondante. Le
Liban possède deux chaînes montagneuses, parallèles, orientées Sud-Sud-Ouest (S.S.W.) et
Nord-Nord-Est (N.N.E.) : le Mont-Liban et l’Anti Liban (cf. figure 13). Ces deux reliefs sont
séparés par un sillon médian constitué d’une vaste plaine d’altitude (+1.000 mètres) qui relie
le Sud au Nord sur 120 km (G. Faour et al., 2007).
76
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
L’autre relief montagneux : l’Anti-Liban, est en majorité aride et possède des altitudes
moins élevées que celles du Mont-Liban avec une altitude maximale de 2.814 mètres à Jabal
El Cheikh, point frontalier entre le Liban et la Syrie (G. Faour et al., 2007).
b- Le découpage administratif
27
https://www.le-cartographe.net/dossiers-carto/monde?id=6
77
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
Liban environ 53 unions (Farah, Gemayel, et al., 2019). Le Liban comptait 8 Mohafazats
auxquelles s’est ajoutée une neuvième en août 2017 (cf. figure 14). Celles-ci contiennent 25
Cazas et 1.113 municipalités (Farah & Gemayel, 2019).
La Mohafazat principale est celle de Beyrouth. Elle forme une seule municipalité et un
seul Caza ; les trois au nom de Beyrouth. Elle est le centre administratif et politique du pays.
La plus grande Mohafazat est celle de Mont-Liban. Elle se trouve dans les montagnes
occidentales qui entourent Beyrouth à l’Est, au Nord et au Sud. Leur frontière ouest est la mer.
28
https://www.libandata.org/fr/cartes/le-decoupage-administratif-du-liban-en-2017
78
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Elle contient 6 Cazas et 325 municipalités. Les Cazas de Jbeil et Kesrouan ont été réunis en
une seule Mohafazat appelée Jbeil-Kesrouan en août 2017.
L’économie libanaise est confrontée à une rareté en ressources, au manque de résultats des
politiques économiques menées, ainsi qu’à une dépendance aux rentes externes et internes et
leurs conséquences sociales (Dewailly, 2019c).
Le système économique libanais est caractérisé de rentier. La rente provient des revenus
touristiques, des spéculations immobilières, des intérêts bancaires élevés, mais aussi des
transferts des expatriés à leurs familles (Hafez, 2009) qui jouent un rôle considérable dans cette
économie. En moyenne, le Liban a reçu 6.3$ milliards par an des transferts entre 2002 et 2017
soit environ 12% du PIB (World Bank, 2017a); le PIB étant de 52$ milliards et de 10.000$ per
capita (Dewailly, 2019c).
29
Le syndrome hollandais, décrit les effets pervers de la dépendance à une rente sur une économie.
L'expression provient des effets de la découverte de gaz en mer du Nord sur l'économie des Pays-Bas. À
Groningue, au début des années 1950, la découverte du plus grand gisement de gaz naturel d'Europe occidentale
a provoqué, du fait de la redistribution d'une partie de cette rente, une rapide désindustrialisation.
79
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
livre libanaise (300% de 1992 et 2014) (Nahas et al., 2016). Cela s’illustre par un poids
important des importations, face à des exportations faibles, conduisant à un déficit structurel
de la balance commerciale : en 2016, les exportations libanaises étaient d’environ 3$ milliards
tandis que ses importations s’élevaient à 18.7$ milliards environ. Le déficit de la balance
commerciale, de 15.7$ milliards, représente environ 30% du PIB (Douanes libanaises, 2017).
Le plus remarquable dans les chiffres du commerce extérieur est la prédominance de
Beyrouth comme point d’accès au territoire. La capitale seule, via son port et son aéroport,
assure jusqu’à 85% des importations et exportations libanaises (Dewailly, 2019a).
A ceci s’ajoute la parité élevée de la livre libanaise, depuis 1994, qui renforce le manque
de compétitivité nationale au niveau des exportations de biens ainsi que les flux monétaires en
devises étrangères en provenance de la diaspora libanaise qui affectent les coûts de production
locaux et affaiblissent leurs compétitivités. Les coûts de production ont augmenté, en
comparaison avec ceux des autres pays, les secteurs primaires et secondaires ont été peu
développés et ont perdu ainsi leurs compétitivités. Ce qui amène à la domination d’un secteur
tertiaire, fortement soutenu par la politique économique du pays.
Aujourd’hui, le secteur de l’agriculture est celui qui affiche la plus faible contribution à la
richesse nationale: 5% du PIB et 8% de l'emploi total (FAO, 2019), suivi par l’industrie qui
80
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Les principales industries sont situées sur la côte pour faciliter leur approvisionnement en
matières premières et l’exportation des produits (Ministère de l’Industrie & UNIDO, 2010).
Environ 80% des entreprises industrielles sont localisées sur Beyrouth et au Mont-Liban contre
10% à la Bekaa, 5% au Nord et 4% au Sud (CCIB, 2011) (cf. figure 15). Idem pour les
établissements touristiques que l’on trouve regroupés dans les zones urbanisées du littoral
(Assaf, 2009); surtout la GBA qui contient à elle seule 80% de ces établissements. Les banques
se trouvent partout, mais avec une concentration particulière sur la GBA qui supporte plus de
la moitié de l’activité (53% des agences, 70% des dépositaires et 77% des crédits) (ABL, 2014).
81
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
Figure 15: Les densités des exploitations agricoles (a) et des entreprises industrielles (b)
(G. Faour et al., 2007)
Figure 16: La répartition des activités économiques au Liban (G. Faour et al., 2007)
82
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Le Liban est actuellement le 3ème pays le plus endetté au monde par rapport au PIB avec
un poids de la dette du pays qui s’élève à 153% de son PIB (FMI, 2018). La dette souveraine
du Liban a été notée depuis décembre 2019 à CC30 (Fitch Ratings, 2019).
Seuls 9% des dépenses reliées à cette dette ont été dédiées à la reconstruction. Aussi, le
poids de la reconstruction n’explique qu’une faible part de la propagation de la dette. Le service
des dettes représente 36% du budget de l’Etat et les dividendes issus des billets de Trésor
forment 31.8% des revenus du secteur bancaire (Verdeil, 2016). Cela amène à se questionner
sur le lien entre les politiques gouvernementales, l’endettement et le secteur bancaire, surtout
avec la forte présence de politiciens (et/ou de leurs proches) dans les conseils des banques (J.
Chaaban, 2015).
30
La notation financière ou notation de dette.
83
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
Le Liban a une démographie modeste qui se caractérise par une densité remarquable et
des diversités de peuplement selon les territoires (Dumont, 2006).
Au Liban, le nombre exact des résidents demeure incertain. Les estimations avancent qu’il
existe entre 4 et 6 millions d’habitants et les chiffres diffèrent selon la source. Cette inexactitude
dans la précision du nombre des résidents est expliquée par les impacts que peut avoir un
recensement officiel au niveau politique, régional, doctrinal et religieux (Dumont, 2006). Le
seul recensement officiel de la population a été réalisé durant le mandat français, en 1932. Il
dénombrait 793.400 habitants (Maktabi, 1999). Le manque de données fiables sur la population
est un défi qui oblige à s'appuyer sur des estimations pour pouvoir analyser l’évolution
démographique et géographique (Verdeil & Dewailly, 2019).
Quant aux expatriés, il n’existe pas de chiffres exacts sur le nombre de Libanais qui
habitent hors du territoire libanais. Les estimations montrent que la diaspora libanaise s’élevait
entre 600.000 et 900.000 personnes en 2001 avec 46% des ménages qui ont au moins un
membre de leur famille émigré (Kasparian, 2008).
Le Liban est l’un des vingt pays les plus denses du monde. Sa densité, qui était seulement
182 habitants/km2 en 1961 (World Bank, 2017b), a augmenté rapidement vers 450
habitants/km2 en 2006 (Dumont, 2006) et 595 habitants/km2 actuellement (World Bank,
84
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
2017b). Cette densité atteint son maximum à Beyrouth : 6.200 habitants/km2 (G. Faour &
Mhawej, 2014).
Ainsi, le Liban est actuellement placé en 17ème position mondiale par sa densité et en 2ème
position, après le Bangladesh (1.265 habitants/km2 ), si on ne compte pas les cités-Etats qui ont
des superficies inférieures à 1.000 km2 31 (World Bank, 2017b). En comparant le Liban avec
des pays qui ont des superficies similaires à la sienne, il apparait qu’il les dépasse largement :
le Kosovo (10.887 km2) a une densité de 167 habitants/km2 ; la Jamaïque (10.991 km2) a une
densité de 266 habitants/km2 et Chypre (9.251 km2) a une densité de 127 habitants/km2. De
même, la densité du Liban dépasse de beaucoup la moyenne des groupes de pays dont il fait
partie, tels que le monde arabe (30 habitants/km2), le Moyen-Orient (43 habitants/km2) ou les
pays à revenu moyen supérieur32 (44 habitants/km2) (World Bank, 2017b).
c- La pauvreté au Liban
Le Liban est relativement plus riche que d’autres pays en développement. Il est classifié
comme un pays « à revenu moyen supérieur ». Malgré cela, une partie importante des résidents
est en situation de pauvreté ou risque de l’être. Environ 3.3 millions de personnes disposent de
faibles ressources financières et plus d’un tiers des ménages libanais vivent dans la pauvreté et
sont incapables de subvenir à leurs besoins vitaux (avec moins de 3.1$ pour vivre par jour);
tandis que la moitié des familles éprouvent des difficultés pour y parvenir (Laithy et al., 2008).
Ces difficultés sont mal prises en charge par l’Etat. En 2018, les dépenses
gouvernementales pour remédier à la pauvreté étaient seulement de 0.05% du budget national.
31
Comme Monaco (2.02 km2), Gibraltar (6.8 km2), Nauru (21 km2), Macao (30.5 km2), Bermudes (53.2
km ), Sint Maarten (93 km2), les Iles Anglo-Normandes (198 km2), Maldives (298 km2), Maltes (316 km2), Gaza
2
(365 km2), Barbados (431 km2), Singapour (674 km2) et Bahreïn (690 km2) et les autres cités-états qui ont des
petites superficies : Maurice (2.040 km2), Hong-Kong (2.754 km2) (World Bank, 2017b).
32
Selon GNI index de la Banque Mondiale.
85
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
La pauvreté, au Liban, est aussi le résultat de l’absence d’une politique sociale de l’Etat qui
laisse agir la mise en œuvre d’une solidarité par des instances non gouvernementales telles que
les familles, les confessions et les partis politiques ainsi que les élites politiques. Ce système
tend à entretenir les inégalités sociales (Kochuyt, 2004; Nahas et al., 2016).
Des inégalités existent entre les régions et une forte corrélation subsiste entre la répartition
des activités économiques et la répartition de la richesse sur le territoire libanais. C’est à
Beyrouth et au Mont-Liban, les deux régions où la plupart de l’activité économique se
concentre, que les niveaux de revenus sont les plus élevés. En revanche, les habitants des
régions qui étaient occupées par les Israéliens (jusqu’en 2000) : le Sud et la Bekaa Ouest, sont
surtout touchés par le manque d'infrastructures et de services. A la différence des habitants des
régions du Nord qui sont confrontés à la pauvreté monétaire et à un nombre important de
besoins de base non satisfaits (Dewailly, 2019d). Par exemple, le revenu moyen à Beyrouth est
plus élevé que celui des autres régions (5 fois plus que le Sud par exemple) (Safi, 2002). Les
inégalités socio-économiques existent également au sein des villes, entre la ville-centre et la
suburbia. Les inégalités ont constitué un moteur à l’éclatement de la guerre civile libanaise en
1975 (Nahas, 2002; Safi, 2002; Traboulsi, 2004).
Ces inégalités se reflètent dans une mauvaise distribution de la richesse. Selon le Credit
Suisse (2019), le Liban est classé parmi les dix pays les plus inégaux au monde en matière de
répartition de la richesse : seulement 0.5% des Libanais ont une richesse supérieure à 1$ million
contre 45.2% qui ont une richesse inférieure à 10.000$ (Credit Suisse, 2019). Cette
concentration de la richesse se lit au niveau des dépôts bancaires : seul 1% des comptes
bancaires possèdent 50% des dépôts et 0.1% des comptes possèdent seuls 20% des dépôts
estimés à 168$ milliards (février 2017) (FMI, 2017).
86
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Au niveau des Mohafazats, Mont-Liban est celle qui accueille le plus des résidents avec
une proportion de 41% (ACS, 2014a). Elle regroupe la plus grande partie des banlieues de
Beyrouth qui, avec Beyrouth municipe, forment la Greater Beirut Area (GBA) : l’aire urbaine
centrale (SDATL, 2005). La seconde aire urbaine se trouve au Nord, dans l’agglomération de
Tripoli. Tandis que le Sud reste une zone moyennement urbanisée (Verdeil, 2011b).
Mohafazat 1997 2000 2007 2014
Beyrouth et Mont-Liban 47.80% 47.30% 49.10% 51%
Liban-Sud et Nabatiyeh 18.70% 18.90% 17.56% 16%
Liban-Nord et Akkar 20.10% 20.40% 20.31% 21%
Bekaa et Baalbek-Hermel 13.40% 13.40% 13.03% 12%
Tableau 17: Répartition actuelle et estimée de la population par Mohafazat entre 1997 et
2014 (ACS, 2007a, 2014a; SDATL, 2005).
La GBA est la zone urbaine centrale du Liban (SDATL, 2005; UNDP, 2017). Cette zone
s’étend sur 60 km de longueur (30% du littoral), entre Halat et Jieh, avec une largeur d’environ
33
80% de la population urbaine seule (Verdeil, 2011b).
87
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
25 km entre le littoral et Sawfar (Mont-Liban) (G. Faour et al., 2005; SDATL, 2005). Elle
s’étend sur 468 km2. Alors que la zone métropolitaine de Beyrouth couvre à elle seule 232 km2,
soit 2.22% de la superficie totale du Liban (G. Faour & Mhawej, 2014) (cf. figure 17).
La GBA se compose de Beyrouth municipe34 et de ses banlieues. Elle regroupe toutes les
villes situées dans un rayon de 20 km et peut être divisée en deux couronnes : la première
34
Connue comme Beyrouth administrative – Beirut City.
88
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
La GBA a toujours été dominante par rapport au reste du territoire. Avant la guerre, elle
supportait presque la moitié de la population et la partie majeure de la production de la richesse
nationale. La période de la guerre et la phase de la reconstruction ont bien affecté la répartition
de l’urbanisation entre Beyrouth et le reste du territoire (Bakhos, 2005) (cf. section 2).
89
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
Figure 19: L'occupation du sol dans Beyrouth et Mont-Liban (G. Faour et al., 2019)
b- La ville de Tripoli
Tripoli, capitale du Nord libanais, est la seconde aire urbaine. Elle se situe sur la côte à
presque 70 km au nord de Beyrouth (SDATL, 2005). Elle accueille 600.000 habitants sur une
superficie d’environ 28 km2 (G. Faour et al., 2007). Tripoli témoigne un étalement urbain (cf.
figure 20) et souffre d’un haut niveau de pauvreté : seuls 8% de ses habitants n'étaient pas
signalés comme étant défavorisés, en 2011 (Dewailly, 2019d). Les prévisions estiment une
augmentation des surfaces urbanisées de Tripoli de 78% et les résidents de 64% entre 2000 et
2030 (SDATL, 2005).
90
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Figure 20: L'expansion urbaine à Tripoli de 1994 à 2013 (G. Faour & Verdeil, 2019)
Les autres aires urbaines du littoral sont les deux villes portes de Beyrouth : Saïda (40 km
au sud de Beyrouth) et Jbeil (40 km au nord de Beyrouth). 250.000 résidents habitent à Saïda,
qui est considérée comme la capitale du Liban-Sud, tandis que 65.000 personnes habitent à
Jbeil, connue par son caractère touristique. En 2030, le nombre d’habitants de ces deux villes
augmentera de 60% (Saïda) et 27% (Jbeil), accompagné d’un accroissement des surfaces
urbaines de 10 km2 pour Saïda et 3 km2 pour Jbeil (SDATL, 2005). La troisième ville : Sour,
se situe à 100 km au sud de Beyrouth. 140.000 citoyens y habitent et il est prévu que leur
nombre passa à 175.000 en 2030 (SDATL, 2005).
d- Le reste du territoire
Ce qui représente environ l0% des résidents restants sont répartis pour l’essentiel dans les
métropoles telles que : Nabatiyeh au Sud (100.000 habitants), Baalbek (100.000 habitants) et
Zahlé (200.000 habitants) dans la Bekaa (G. Faour et al., 2007) (cf. figure 21). Hors Beyrouth,
les grandes villes jouent le rôle de centre pour leur entourage souvent formé de petits villages.
Ces villes souffrent d’un manque en services primaires, desservis sur Beyrouth uniquement.
En ce qui concerne les services secondaires, il existe une concurrence entre ces villes du fait
de leur proximité de l’une et l’autre (G. Faour et al., 2007).
91
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
Figure 21: La répartition de la population urbaine - 2010 (Verdeil & Dewailly, 2019)
Beyrouth n’est pas seulement la capitale. C’est aussi le point de repère politique,
démographique et économique du pays. Cela provient de la politique de l’Etat qui a mis en
relief Beyrouth, au détriment des autres régions, et a abouti à l’obtention d’un point très
concentrique et bien développé contre des régions négligées qui approvisionnent le centre en
main d’œuvre et en matières premières. La situation peut être ainsi résumée par le modèle
centre-périphérie dans lequel Beyrouth, zone principale d’habitat et centre économique et
politique du pays, joue facilement le rôle de centre de tout le territoire libanais. Le reste du
territoire est en totalité la périphérie de Beyrouth et se décompose entre trois catégories :
délaissée, intégrée et dominée (Reynaud, 1981).
92
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
La disparité entre Beyrouth et le reste du territoire n’est pas une coïncidence, mais plutôt
un résultat de plusieurs circonstances durant l’histoire moderne du pays qui ont joué un rôle
favorable pour le développement de la capitale au détriment des autres régions (Safi, 2002) (cf.
section 2). A part les raisons politiques, les disparités socio-économiques et la forte présence
d’une fracture centre-périphérie ont été les raisons principales qui ont abouti à la guerre civile
au Liban (De San, 2002; Safi, 2003). L’aliénation de la périphérie par rapport au centre existe
toujours dans l’économie libanaise et le développement du centre a toujours induit au sous-
développement de la périphérie (El-Abdallah, 2016).
Ceci a été constaté dans l’accord de Taëf (1990) qui a mis fin à cette guerre. Cet accord a
surtout insisté à avoir un plan de développement équitable entre toutes les régions libanaises
avec une équité sociale qui peut résoudre les imperfections économiques, financières et sociales
qu’a engendrées la guerre civile. Une trentaine d’années après la fin de la guerre et la signature
de cet accord, les disparités existent toujours et constituent une menace pour l’égalité et la
stabilité socio-économique au Liban. Ceci est dû à plusieurs raisons, dont la principale est
l’absence d’une politique claire qui affronte ce problème ainsi que la faible puissance financière
du Liban (Safi, 2003).
a- Le modèle centre-périphérie
Cette distinction de territoires remonte à Marx en résumant les relations entre la ville et la
campagne. Elle a été reprise à nouveau dans les années soixante par les théoriciens des
inégalités tels que Samir Amin (1978) qui considère que l’inégalité de développement entre les
centres et les périphéries provient du système capitaliste qui a favorisé la « polarisation de la
richesse dans des centres dominants au détriment de ses périphéries dominées » (Amin, 1978).
93
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
Le concept centre-périphérie est ensuite traité avec Reynaud (1980, 1981) qui précise que
les notions de centre et de périphérie sont des notions relatives qui n’ont pas une signification
géométrique : ce sont deux lieux indissociables et l’existence de l’un est dépendante de
l’existence de l’autre. La relation entre eux est souvent sous la forme de flux, financiers,
économiques, démographiques, de matières premières … (Reynaud, 1980, 1981)C’est le solde
des flux qui aboutit à ce que le centre soit gagnant et que la périphérie soit dominée (Grataloup,
2004).
94
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
de liaison, que joue Beyrouth (El-Abdallah, 2016). Cela a nécessité d’avoir le plus possible
d’infrastructures, de services et des établissements indispensables pour l’existence des
habitants dans cette zone (El-Abdallah, 2016; Safi, 2002).
La GBA est actuellement l’aire urbaine centrale où se trouvent le seul aéroport d’aviation
civile, le port maritime principal et la plus grande partie des infrastructures et des services
vitaux : 60% des hôpitaux et 40% des écoles (ACS, 2008). Cette agglomération accueille plus
qu’un tiers de la population résidente (ACS, 2014a; G. Faour et al., 2007) et est le centre
d’activité économique du pays : 55% de la main d’œuvre et 42% des entreprises (CCIB, 2011).
Au niveau administratif, la grande majorité des bureaux des services administratifs du pays se
trouve à Beyrouth (Gerges et al., 2017), favorisée par la faible décentralisation au Liban (De
San, 2002).
Au Liban, les trois types de périphéries (dominées, délaissées et intégrées) existent. Pour
les périphéries dominées, ce sont les fournisseurs du centre en matières premières et main
d’œuvre. Il existe plusieurs zones qui jouent ce rôle. La majorité des villages et des villes
secondaires envoient leur main d’œuvre vers la GBA. Pour les matières premières, 90% de la
superficie beyrouthine est urbanisée et pauvre en matières premières exportées d’ailleurs.
Certaines régions du Sud, du Nord et de la Bekaa, surtout les montagnes arides, sont des
périphéries délaissées, vides et abandonnées. Ces périphéries se trouvent dans les hautes
montagnes non habitables à cause de leurs pentes ou de la difficulté à les urbaniser.
Pour les périphéries intégrées, il s’agit des villes secondaires (Saïda, Sour, Tripoli,
Nabatiyeh, …) et des villages qui subissent un développement qui a lieu grâce à la migration
inverse, mineure, de Beyrouth vers eux à cause des conditions de vie dans la capitale. Le
développement dans ces régions se présente par la création de petites entreprises,
particulièrement dans les services (restauration, plages, hôtels, …). Ces villes sont une
périphérie pour le centre (GBA), mais sont des centres pour d’autres périphéries : les villages
qui les entourent.
95
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
L’étude du développement urbain au Liban n’est pas une tâche facile. Le manque de
données géo démographiques, surtout pour l’évolution démographique et la répartition
territoriale35 (Périer, 2019; Verdeil et al., 2019), rend plus difficile l’exactitude des mesures de
l’urbanisation et les chiffres utilisés restent des estimations. Pour pouvoir dépasser cet obstacle,
on a souvent recours aux images satellitaires (Arnaud, 1997).
Depuis sa constitution, en 1920, des événements majeurs dans son environnement proche
ont contribué à configurer le Liban : la chute de l’Empire Ottoman et la montée des forces
coloniales au Levant, la guerre civile … (Verdeil et al., 2019). Ces évènements ont énormément
affecté le territoire libanais et la circulation de marchandises et des personnes.
Quant aux causes de l’expansion urbaine de Beyrouth, il existe deux points de vue. Le
premier postule que c’est la guerre civile elle-même qui a joué le rôle principal dans cette
expansion (Arnaud, 1997; M. F. Davie, 1991). Le second affirme que l’effet de la guerre reste
indirect et que c’est la réaction de l’Etat qui responsable de cette expansion (Verdeil, 2002).
La focalisation de l’Etat sur Beyrouth étant un facteur favorable à l’éclatement de la guerre et
à l’expansion urbaine de la ville (Corm, 2012a; Safi, 2002).
2.1. La phase avant la guerre civile : de la ville centrique vers une ville étendue
35
Les personnes sont inscrites dans leurs villages d’origines et non pas dans leurs lieux de résidences
(Verdeil, 2016)
96
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
continuer, mais à rythme progressivement plus faible, après l’indépendance du pays (1943-
1975) avant de s’arrêter avec l’éclatement de la guerre civile en 1975.
Après l’entrée des Ottomans en 1516, le Liban tombe sous le règne de leur Empire pour
environ 400 ans, jusqu’en 1919. Durant cette ère, les villes, surtout côtières, jouissaient d’un
développement distinct. Cela s’inscrivait surtout dans le projet de modernisation par
« Tanzimat 36 » qui visait à développer les villes du territoire ottoman (Abdulrahim, 2014;
Balanche, 2005b).
A la fin du XVIIIème siècle, Beyrouth était une petite ville côtière d’importance politique
et économique secondaire. Habitée par environ 4.000 (Buccianti Barakat, 2004) à 5.000
habitants (Ruppert, 1999), elle avait les caractéristiques de l’ancienne ville arabe « médina » à
six grandes portes avec des murailles, des sérails, des monuments religieux et des souks
(Buccianti Barakat, 2004). Elle se concentrait en un centre entouré par des terrains agricoles,
où se trouvaient des ménages. La frontière entre le centre urbanisé et la zone agricole était
claire (M. Davie, 2013; Salibi, 2002).
Beyrouth a commencé à obtenir son importance depuis la moitié du XIXème siècle (Salibi,
2002). Dans le but de répondre aux changements influencés par l’Ouest, les Ottomans
s’engagent dans une nouvelle réforme urbaine appelée « Tanzimat » (Kassir, 2003).
Ces « Tanzimat » contenaient des organisations juridiques importantes, tel que la loi de la
voirie en 1848; la loi des terres qui encourageait la construction hors de Beyrouth centrale;
l’établissement d’autorités locales qui donnèrent naissance à la première municipalité à Deir
El Qamar en 1856 et celle de Beyrouth en 1870 (loi de 1864) (Kassir, 2003). En 1860, le Mont-
Liban prenait le statut de Mutessarifia37 et, en 1888, Beyrouth devient une province séparée
après la fondation de la Wilaya 38 de Beyrouth (Babikian, 1997). Ces deux régions étaient
indépendantes l’une de l’autre (Abdulrahim, 2014). L’augmentation en nombre des réfugiés à
Beyrouth, à la suite des tensions confessionnelles de 1860 (cf. chapitre 4, section 1.2.1.), a
augmenté sa population de 20.000 habitants (Ruppert, 1999).
36
Les réformes établies entre 1839 à 1876 par le sultan Ottoman pour réorganiser l'administration.
37
Un district ou province durant l’ère ottomane.
38
Une division administrative durant l’ère ottomane.
97
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
Cette progression rapide de Beyrouth forme un facteur attractif de populations qui favorise
la croissance urbaine de la ville. La population beyrouthine était d’environ 7.000 habitants au
début du XIXème siècle où la ville avait une structure d'habitat introvertie. Ceci commence à
changer depuis la moitié du siècle où cette structure devient de plus en plus extravertie et où la
ville commence à accueillir une population rurale, poussée par les conditions socio-
économiques de la montagne vers Beyrouth. La population augmente jusqu’à 40.000 habitants
en 1850 (Buccianti Barakat, 2004) et 130.000 en 1915 (Ghorayeb, 2014). La ville s’élargit avec
un espace extramuros vers les collines environnantes et les nouveaux quartiers résidentiels
(Buccianti Barakat, 2004; M. Davie, 2013; Vandal-Piché, 2005).
A cette époque, Beyrouth commence à passer du style « médina » arabe au style des villes
européennes. Elle subit des modifications massives dans son régime foncier et de nouveaux
souks ont émergé. Elle se décomposait en deux parties : (i) la vieille ville intramuros, centre-
ville ou Bayrout Al Qadima (Buccianti Barakat, 2004), où se trouvaient les anciens souks
classiques et où les Beyrouthins effectuaient les principales activités d’emploi, de négoce et de
prière. (ii) Autour de ce centre se trouvait la nouvelle ville qui regroupait les nouveaux souks,
surtout pour les marchandises européennes (M. Davie, 2013; M. F. Davie, 2007).
L’urbanisation à Beyrouth s’organisait ainsi sur des axes qui se dirigeaient de l’ancienne ville
« intramuros » vers les quartiers plus éloignés (M. F. Davie, 1991).
39
Le positionnement géographique du port de Beyrouth était le plus avantageux pour Damas en termes de
distance et d’accessibilité à l’époque.
98
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
transports était un facteur favorable à l’urbanisation croissante de Beyrouth (M. Davie, 2013;
Nabti, 2004).
Durant cette ère, la circulation sur le territoire ottoman était fluide et les divisions
administratives changeaient fréquemment. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, des
bouleversements et la formation progressive de nouveaux États ont superposé les frontières et
déclenché des déplacements massifs de population. Le Liban était au cœur de ces
transformations (Verdeil et al., 2019).
Sous le régime des Ottomans, les villes levantines formaient un réseau régional et les unes
s’ouvraient sur les autres dans un seul espace. Cependant, durant le mandat français, le réseau
de villes s’est effrité, induisant un gain d’importance pour quelques-unes et une perte pour
d’autres. C’est le cas de certaines villes libanaises comme Tripoli qui s’est transformée en une
zone urbaine nationale. A l’inverse, des villes de l’intérieur, comme Zahlé et Baalbek ont perdu
de leur importance régionale. Ce qui a fortifié la place de Beyrouth (Nahas et al., 2016).
Durant le mandat français, le Liban a vécu une grande phase de modernisation (M. F.
Davie, 2007; Ghorayeb, 1994). Les Français voulaient retirer le Liban de l’ère ottomane et
introduire les idées et les concepts de développement européens par l’implantation des plans
directeurs de développement. Ils insistaient à appliquer les concepts et les idéaux européens en
matière de développement en mettant en œuvre des plans directeurs grandioses (Nabti, 2004).
Le plan Danger cherchait à analyser la ville de Beyrouth pour pouvoir décrire la ville et
son chaos à l’époque. Le souci principal était la gestion de la circulation routière et l’hygiène
de la ville. Ce plan propose ainsi des solutions d’aménagement en insistant sur la conservation
de sa beauté naturelle et la création des voies routières et des espaces publics pour « aérer les
40
Au nom de la cabine qu’il l’a exécuté
41
Directeur de l’urbanisme en Syrie à l’époque.
99
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
quartiers surpeuplés » (Ghorayeb, 1994). Le plan Danger n’a pas été en totalité mis en œuvre.
Seuls des tronçons du boulevard périphérique proposés ont été établis, mais ce plan a constitué
un document de référence mettant en œuvre des réglementations en matière de circulation,
hygiène et esthétique (Ghorayeb, 1994; Verdeil, 2010).
Ce plan s’est confronté à des obstacles : la conception des projets de nouvelles voiries ou
des espaces publics nécessitait d’importantes expropriations ainsi que la création d’autorités
pour leur gestion. Ce qui était fortement contradictoire avec les projets du secteur privé. Le
plan n’a pas été approuvé ni exécuté, mais il forma toujours une référence pour les projets nés
42
Basé sur l’ouvrage Beyrouth et ses urbanistes d’Éric Verdeil (2010).
100
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
après l’indépendance, surtout concernant le réseau routier (Nahas et al., 2016; Verdeil, 2012).
Le système circulatoire proposé forme la base de l’aménagement du territoire et du
développement des autoroutes au Liban (Abi Khalil & Chbat, 2018).
Ecochard intervenait aussi dans la mise en œuvre d’un plan d’aménagement pour trois
autres villes : Saïda (1956-1958), Jounieh (1959) et Jbeil (1960). Dans ces villes, le plan
consistait à transformer leur style médina vers un aspect plutôt moderniste. Cet aperçu de
l’architecture « vernaculaire » se retrouva dans ces villes où les urbanistes ont eu l’idée de
réorganiser et étendre les centres-villes (Bakhos, 2005; Verdeil, 2011b).
Le cœur de Beyrouth, du style « médina », continua à être remplacé par une centralisation
plus moderne (Buccianti Barakat, 2004). Au centre-ville, les anciens souks ont été éliminés et
remplacés par de nouveaux souks et des centres commerciaux plus modernes (Ruppert, 1999).
Cela changea l’apparence générale de l’ancienne ville intramuros (Buccianti Barakat, 2004; M.
F. Davie, 2007). L’étalement urbain augmente progressivement à partir du centre dont
l’entourage a été comblé par de nouvelles populations (Ruppert, 1999). Cet élargissement
urbain continua à réduire les terres agricoles autour du centre, qui formait la ville, et qui s’est
noyé dans la nouvelle zone urbanisée (Balanche, 2005a).
Ces facteurs, entre autres, ont transformé Beyrouth en une ville plus large qui attirait plus
des concentrations populaires et économiques (Nabti, 2004). En 1920, 90.000 habitants étaient
à Beyrouth contre 237.000 habitants en 1944 (Nahas et al., 2016). En 1932, le seul recensement
officiel qui a eu lieu au Liban, a comptabilisé 793.400 personnes (Maktabi, 1999). A la fin de
la Seconde Guerre mondiale, la population est d’environ 1 million (SDATL, 2005).
Ces déplacements internes étaient accompagnés par des flux d’immigrations externes
(Bourgey, 1985) : les Arméniens, qui ont échappé aux génocides turcs et qui ont été réfugiés
au Liban à partir des années 1920. Parmi les 125.000 réfugiés au Liban et en Syrie, 100.000
101
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
étaient des Arméniens (Bakhos, 2019a). Ces réfugiés se sont installés dans les périphéries nord
de Beyrouth constituant ainsi ses premiers bidonvilles (Clerc, 2006).
En 1948, Israël a été fondé. Dès lors, les conflits arabo-israéliens ont commencé et les flux
d’exodes des Palestiniens vers les pays voisins ont débuté. A partir de 1950, le Liban a reçu
environ 130.000 réfugiés dont la majorité s’est installée dans des camps (Bakhos, 2019a; G.
Faour et al., 2007), dans les banlieues sud (Burj El Barajneh, Sabra, Chatila) et nord (Dbayeh)
de Beyrouth et autour des villes principales (Ein El Helweh près de Saïda et Nahr El Bared
près de Tripoli).
102
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
focaliser sur ses alentours et créent ainsi de nouvelles centralités dans la ville, dont la principale
était à Hamra devenu un second centre-ville de Beyrouth (cf. figure 24) (Boudisseau, 1997;
Buccianti Barakat, 2004; M. F. Davie, 2007).
En 1954, un premier plan directeur urbain de Beyrouth a eu lieu, inspiré par le plan
Ecochard (Verdeil, 2002). Dans les années 1960, la planification urbaine commence avec des
règles et des dispositifs qui ont rarement changé dès lors. C’est l’époque du président Chéhab
(1958-1964) dont la stratégie visionnaire43 disait que l’aménagement du territoire peut jouer un
rôle favorable pour réunir les confessions (Verdeil, 2002).
Un des résultats directs de cette vision est la création du Ministère du Plan durant l’ère de
Chéhab (Assouad, 2015) et du conseil exécutif des grands projets pour la Ville de Beyrouth
qui s’occupait de l’aménagement de la zone municipe de Beyrouth, sans aucune intervention
dans la zone métropolitaine (Verdeil, 2018). Et la mise en œuvre d’un plan réalisé par la
mission de l’Institut de Recherche de Formation et de Développement (IFRED), entre 1959 et
1963 (Bakhos, 2019b; Safi, 2003). Ce plan propose un schéma de polarisation. Il se compose
de deux parties : une pour Beyrouth et sa suburbia et l’autre pour les villes principales. Dans
les études de l’IRFED, la dénomination « Grand Beyrouth » apparait (1962) (Verdeil, 2011a,
2013) avant qu’elle ne soit remplacée par « Beyrouth et ses banlieues » (Verdeil, 2018). Ce
43
L’époque Chéhab se caractérise par une la planification et la mise en œuvre d’une vision stratégique qui
le distinguait des autres mandats présidentiels.
103
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
Au début des années 1970, une coopération entre l’IAURIF, le Conseil de Développement
et de Reconstruction (CDR) et la Direction Générale de l’Urbanisme (DGU) établit un nouveau
schéma directeur, dans lequel la nomination « Beyrouth et ses banlieues » sera remplacée par
« Région Métropolitaine de Beyrouth (RMB) ». L’objectif de ce schéma était de mettre à jour
les plans d’Ecochard et la rédaction d’un Livre Blanc 45 (1973) (Verdeil, 2011a, 2013, 2018).
Le Grand Beyrouth se composait de la ville, sa suburbia et une partie de la montagne qui
l’entoure. En ce temps-là, à Beyrouth, tous les chemins menaient au centre, point central du
transport inter et intra-urbain avec un réseau de bus, des taxis et le tramway (Nabti, 2004).
44
D’après le Père Lebret, directeur de l’IRFED à l’époque (G. Faour et al., 2007).
45
Ouvrage publié en coopération avec IAURIF concernant l’urbanisme au Liban
104
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Figure 25: Les centralités émergentes à Beyrouth (1950-1970) (M. F. Davie, 2007)
L’expansion urbaine a, de même, créé de nouvelles banlieues au nord et au sud de
Beyrouth, remplaçant ainsi la plaine côtière par des quartiers d’habitat. La croissance urbaine
a ainsi créé des centres annexes pour le centre-ville et des espaces d’habitat répartis partout
dans la ville (M. F. Davie, 1991). La région métropolitaine de Beyrouth se propage vers la côte
et les régions montagneuses réduisant ainsi les zones vertes et les espaces ouverts : ce qui a fait
perdre à Beyrouth son caractère rural (G. Faour & Mhawej, 2014).
C’est ainsi que la Greater Beirut Area (GBA) commence à se former. Elle se compose de
deux sphères de zones d’habitat qui commencent par le noyau de la ville, son centre. La
première sphère entoure ce centre, c’est Beyrouth Métropole. La deuxième sphère est formée
par les quartiers plus éloignés dans le Mont-Liban. Ces quartiers étaient pauvres et certains de
véritables « ceintures de misère » de la ville (Buccianti Barakat, 2004; Fawaz, 2004).
En 1975, le Liban tombe dans une guerre civile qui va durer 15 ans. Les déplacements
massifs durant cette guerre et les destructions majeures vont modifier totalement la
composition territoriale du pays (G. Faour et al., 2007). A sa fin, le territoire libanais ne
105
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
ressemble plus à celui de l’ère de l’indépendance. Les lourds impacts de la guerre ne vont pas
facilement être effacés et la restauration du territoire sera difficile.
Les déplacements de population qui ont eu lieu durant la guerre ont eu d’énormes impacts
sur l’urbanisation. L’analyse de ces mouvements permet d’établir une chronologie qui amène
à comprendre la croissance urbaine (M. F. Davie, 1991).
Durant la guerre, il y a eu 150.000 morts et les deux tiers des Libanais ont changé de lieux
de résidence dont la moitié de manière définitive (Verdeil et al., 2009; Verdeil, 2019a). Etant
difficiles à préciser avec exactitude (Bourgey, 1985), le nombre des déplacés durant la guerre
est estimé à environ un quart de la population (IDMC, 2009).
Le second flux migratoire allait des différentes régions vers Beyrouth (Abboud-Abi Saab,
2008). Cela a induit à la croissance des banlieues autour de la capitale (Bakhos, 2005) et à un
fort déséquilibre territorial qui se manifeste par la grande désertion des régions émettrices
contre une concentration très forte sur la zone urbaine de l’agglomération de Beyrouth. Le
choix de Beyrouth comme « agglomération refuge » (Bourgey, 1985) était favorisé par le fait
que la GBA est le centre du pays et que les espaces semi-ruraux à ses alentours, offrant des
espaces de construction, ont joué un rôle attractif pour les déplacés.
106
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Les premiers flux vers Beyrouth sont venus du Sud et des Bekaaiens qui échappaient à
l’invasion israélienne (1978 et 1982) (Clerc-Huybrechts, 2009). On recense 265.000 et 250.000
déplacés respectivement en 1978 et 1982, soit 22% des ménages de l’époque (IDMC, 2009).
Une partie des déplacés s’est installée dans les quartiers de Beyrouth municipe mais la grande
partie s’est mise dans sa périphérie sud. Ainsi, une grande partie des quartiers semi-ruraux à
Choueifat, Ghobeiri, Chiah et Burj Barajneh se sont transformés en zones massivement
habitées. C’est ainsi que la « banlieue sud de Beyrouth » a été formée. Ultérieurement, les
déplacements étaient en provenance du Liban-Nord, Zahlé et Chouf vers la périphérie nord de
la GBA. Les quartiers ciblés étaient Jdeideh, Bouchrieh, Sin El Fil, Antelias et Mansouryié et
quelques-uns plus loin comme Jounieh, Adonis, Antelias … Beyrouth a eu ainsi sa « banlieue
nord » (G. Faour & Mhawej, 2014) (cf. figure 26). Avec ses deux banlieues, la zone urbaine
de Beyrouth s’est rapidement élargie et les zones rurales qui l’entouraient se sont
progressivement urbanisées (M. F. Davie, 1991).
Figure 26: Les flux des déplacés durant la guerre (1975-1987) (G. Faour et al., 2007)
107
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
b- La division de Beyrouth
Les nouvelles banlieues étaient des zones homogènes du point de vue religieux et politique
(Verdeil, 2019c) fortifiant ainsi le découpage confessionnel de la GBA (Verdeil, 2006). Cette
ségrégation a divisé Beyrouth en deux parties : « Beyrouth Est » qui comprend ses quartiers
Est et sa banlieue sud et « Beyrouth Ouest » qui comprend les quartiers ouest et la banlieue
nord (Nabti, 2004). A cette époque, le centre-ville de Beyrouth forme une partie importante de
la ligne de démarcation entre Est et Ouest. Ce centre, massivement détruit et dépouillé,
provoque ainsi le déplacement des activités hors de lui, vers des zones proches telles que Zalka,
Ashrafieh, Mazraa et Mar Elias (M. F. Davie, 1991).
La décomposition de Beyrouth en deux parties séparées par des barrages a eu des effets
négatifs sur la mobilité à GBA. Les déplacements quotidiens, dans chaque région, ont été très
limités et réduits à des itinéraires domicile-travail/école (Verdeil, 2019c). De même, entre les
deux régions les déplacements étaient aussi très rares et sont restés ainsi même après la fin de
la guerre. Une analyse des mouvements quotidiens produits en 1994 (cf. figure 27) montre le
clivage persistant entre l'est et l'ouest de Beyrouth : moins de 10% des déplacements totaux des
Beyrouthins s’effectuaient entre la partie Est et celle Ouest (G. Faour et al., 2007). À mesure
que le marché du travail devient de plus en plus intégré, ces clivages spatiaux sont devenus
moins visibles. Cependant, la mobilité résidentielle est encore très liée à cette géographie
confessionnelle.
Figure 27: Les déplacements entre Beyrouth Est et Ouest en 1994 (G. Faour et al., 2007)
108
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Durant les années qui suivirent, les divisions confessionnelles commencent à paraître
définitives. La guerre a ainsi modifié lourdement le rôle de Beyrouth. Cette ville, qui jouait un
rôle régional et desservait son voisinage, pouvait à peine servir l’espace libanais. Elle s’est
détachée de son entourage et est devenue une ville paralysée (M. F. Davie, 1991). Au niveau
démographique, la guerre a réduit le rythme de la croissance démographique vers une moyenne
de 2.08% pour la période entre 1970 et 1997 où le poids démographique de la région
beyrouthine a diminué de 44.2% à 32.5% de la population totale (SDATL, 2005).
Hors de Beyrouth, les villes moyennes du littoral (Jbeil, Saïda, Tripoli) étaient des
maillons de l’agglomération de Beyrouth vers laquelle elles envoyaient des flux de migration.
Par ailleurs du littoral, à l’intérieur, l’urbanisation était plus faible au Sud, à la Bekaa et au
Nord. Malgré l’urbanisation « sauvage et mal contrôlée », des « campagnes profondes » et
traditionnelles46 existaient toujours (Bourgey, 1985).
La guerre a laissé ses traces lourdement sur le secteur des transports par la destruction
massive des infrastructures routières et du transport en commun (Diab & Obeid, 2012). Le
Liban a perdu une grande partie de son réseau routier et la totalité de son réseau ferroviaire. De
plus, les parties et milices combattantes ont pris le contrôle sur une partie d’infrastructures
existantes (routes, réseaux d’eau, d’électricité et de communication, des ports …) et ont même
construit leurs propres infrastructures pour relier les territoires de chaque communauté ou
milice (Bakhos, 2005; Traboulsi, 2004). Ces infrastructures ont été construites sans
planification, ni cohérence ni coordination entre les différents projets. A la fin de la guerre,
elles forment un fait accompli et devaient faire partie des nouveaux réseaux durant la
reconstruction.
La figure ci-dessous (figure 28) montre l’évolution urbaine de Beyrouth entre l’ère
ottomane (1860) et la fin de la guerre civile (1987) (El-Achkar, 1998).
46
Des villages qui ressemblent aux villages traditionnels du Moyen-Orient.
109
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
Durant les arrêts de guerre, en 1977-78 et 1985-86, des plans d’urbanisme ont eu lieu pour
réhabiliter les zones les plus détruites et mettre un plan pour la ville. L’Atelier Parisien
d’Urbanisme (APUR) s’est occupé du premier plan (1977) qui concerne les modes de
déplacement à Beyrouth. Le deuxième plan, effectué par l’IAURIF (1985), en coopération avec
des acteurs français (SOFRETU pour le transport et BECOM pour l’eau) et la Direction
Générale d’Urbanisme (DGU) et le Conseil de Développement et de Reconstruction (CDR) du
côté libanais (Nahas et al., 2016). Ces deux plans complémentaires prenaient en compte des
études déjà faites pour Beyrouth, dont le plan d’aménagement de la GBA (1970) et le Livre
blanc (1973) en étaient les principales (Verdeil, 2011a, 2013).
Jusqu’aux années 1980, les schémas directeurs au Liban ne concernaient que la GBA et
quelques petites villes du Nord (Arz et Koura), du Sud (Khiam, Marjeyoun et Bint Jbeil) et du
110
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Mont-Liban (hors GBA). Entre 1980 et 1990, des villes portes de Beyrouth (Damour et
Jounieh) et de l’intérieur (Baalbek, Nabatiyeh, Aley …) ont eu des plans directeurs qui n’ont
pas été réalisés à l’époque, mais qui ont formé une base pour les études de la phase de
reconstruction (Nahas et al., 2016). En 2000, plus de 40% des zones urbaines étaient situées
dans les périmètres des 183 plans directeurs approuvés. Cependant, dès la première année, le
nombre de plans directeurs a considérablement augmenté. À la fin de 2014, 568 plans
directeurs avaient été approuvés, couvrant 58% des zones urbaines du pays.
Ces plans sont élaborés à l'initiative des communes (Farah, Ghoch, et al., 2019). Aujourd’hui,
les plans directeurs concernent le plus souvent les villes côtières et les grandes agglomérations
(G. Faour et al., 2007) et 84% du territoire reste sans plans directeurs (MoE et al., 2011).
La réhabilitation du territoire après la guerre n’était pas facile. Cette tâche s’est confrontée
à des difficultés financières et à d’autres obstacles qui l’ont compliquée. La morphologie qu’a
créée la guerre demeure comme une évidence non changeable et irréversible.
Le découpage du territoire qui a eu lieu durant la guerre a continué après sa fin comme un
fait accompli et un facto qui persiste. Le territoire est toujours fragmenté en zones, suivant des
critères confessionnels et politiques (G. Faour et al., 2007). Les découpages existent toujours,
sans barrages physiques, mais avec des barrages plutôt moraux et sociaux. Les zones
hétérogènes restent ainsi très rares. Ces découpages affectent la répartition des habitants dans
les régions ainsi que leurs déplacements entre elles (Nahas et al., 2016).
Quant à l’expansion urbaine, elle a continué à augmenter. Durant les années après-guerre,
cette expansion se situait surtout autour de Beyrouth et le long du littoral, mais aussi le long
des principaux corridors de transport, près de Nabatiyeh au Sud, Halba à l'Akkar au Nord et
dans les parties centrales de la vallée de la Bekaa (Verdeil et al., 2019). Durant 35 ans, entre
1963 et 1998, la surface urbanisée du Liban a augmenté en moyenne de 10 km 2/an passant ainsi
de 254 km2 vers 600 km2, soit 5.8% de sa superficie totale (cf. figure 29) (Bakhos, 2005; G.
Faour et al., 2007). L’augmentation touche toutes les agglomérations (G. Faour & Mhawej,
2014) et elle est accompagnée d’une forte augmentation des surfaces bâties. Le processus
d’urbanisation qui s’est ainsi étendu sur tout le territoire montre l'essor d'un mode de vie lié à
la diffusion de l'automobile et de formes d'habitat caractérisées par une faible densité (Verdeil
et al., 2019).
111
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
Figure 29 : La répartition de zones urbanisées avant 1963 et 1998 (G. Faour et al., 2007)
GBA 94%
Tripoli 100%
Saïda 275%
Zahlé 83%
Sour 200%
Baalbek 200%
Nabatiyeh 325%
Total des agglomérations 119%
Total du Liban 136%
Tableau 18: L'accroissement des agglomérations de 1963 à 1998 (Bakhos, 2005)
La GBA a eu moins de nouvelles constructions, puisqu’elle était déjà saturée (G. Faour et
al., 2005). Toutefois, son urbanisation a continué d’augmenter. Pour la même période (1963-
1998), sa surface urbanisée a augmenté de 2.77 km 2/an, sauf au centre-ville dont le taux de
croissance était inférieur à 1% (G. Faour et al., 2005; SDATL, 2005).
112
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Cette croissance a été favorisée par le retour des Beyrouthins qui avaient quitté la ville
durant la guerre et par le refus des déplacés installés à GBA de quitter l’agglomération et de
s’en retourner vivre dans leurs régions d’origine. On estime à moins de 20% des déplacés qui
sont retournés dans leurs foyers d'origine (Bakhos, 2019b). Ce refus n’était pas une décision
absurde. La capitale offrait des opportunités de travail, de services et de conditions de vie
favorables. L’Etat lui attribuait une importance exclusive. D’autre part, il traînait dans la
reconstruction des autres villes et villages : autant des facteurs qui ont empêché les habitants
de quitter la GBA (IDMC, 2009). Ainsi, les zones d’habitats dans la suburbia continuent à
s’élargir. La superficie beyrouthine a augmenté de 9.4% entre 1994 et 1998, avec une
population estimée à 1.3 million (1997), soit un tiers de la population totale. La période qui a
suivi cet accroissement a été marquée par une récession économique, depuis 1998, qui a ralenti
la tendance des constructions et l’expansion urbaine, mais sans l’arrêter (G. Faour et al., 2007).
La figure 30 et tableau 19 ci-dessous montrent l’évolution urbaine dans toute l’agglomération
beyrouthine entre 1963 et 2005.
Figure 30: L'évolution urbaine à GBA entre 1963 et 2005 (G. Faour & Mhawej, 2014)
113
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
1963
1987 1994 1998 2003
Beyrouth municipe 18.06
18.5 18.82 18.91 18.95
Aley 22.28
23.41 26.33 43.18 43.85
Baabda 23.91
26.99 31.18 38.89 39.21
Chouf 3.35
3.67 4.58 9.16 10.12
Metn 29.25
3.43 40.14 53.95 55.96
Jbeil 4.74
4.74 7.53 16.15 17.93
Kesrouan 14
15.18 20.8 32.37 32.95
2
Surface urbanisée (km ) 115.59
95.92 149.38 212.61 218.97
2
Croissance annuelle moyenne (km /an) 0.74 3.4 15.69 1.27
Tableau 19: La croissance urbaine dans les Cazas de l'agglomération beyrouthine entre
1963 et 2003 (G. Faour et al., 2005)
Figure 31: Les zones urbaines au Liban (1994-2013) (G. Faour & Verdeil, 2019)
114
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Surface urbanisée
Superficie 1994 2005 2013
Akkar 790 20 3% 44 6% 55 7%
Baalbeck-Hermel 2.853 45 2% 73 3% 94 3%
Beyrouth 21 20 95% 21 98% 21 98%
Bekaa 1.413 46 3% 67 5% 83 6%
Mont-Liban 1.973 226 11% 281 14% 312 16%
Nabatiyeh 1.1 30 3% 76 7% 99 9%
Nord 1.187 49 4% 89 7% 101 9%
Sud 924 35 4% 68 7% 92 10%
Liban 10.262 472 5% 719 7% 858 8%
Tableau 20: L'expansion urbaine entre 1994 et 2013 (G. Faour & Verdeil, 2019)
b- Beyrouth : la polycentralité
115
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
Au niveau spatial, c’est un pays petit, dense, fortement urbanisé et mal aménagé. Au
niveau économique, le peuple libanais est pauvre. La pauvreté touche de même l’Etat fortement
endetté. La pauvreté provient du faible système économique avec une économie rentière et
tertiaire avec de faibles secteurs primaires et secondaires (agriculture et industrie). Les services,
et surtout le secteur bancaire, sont les seuls domaines forts de l’économie libanaise. La faiblesse
de l’économie libanaise se caractérise aussi par la mauvaise distribution du poids économique
: la capitale et ses alentours, connus sous le nom de GBA, qui joue le rôle de hub économique
du pays. Quant à sa démographie, le système confessionnel régnant empêche la connaissance
de la véritable composition démographique des Libanais résidents et expatriés. Une analyse de
la démographie a amené à déduire que le peuple libanais reste toujours inconnu en chiffres et
statistiques. Il est très urbanisé et mal réparti sur le territoire : sa majorité est une population
côtière qui habite surtout à GBA, l’aire urbaine centrale du pays.
116
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
864 km2 en 2011, soit 8.2% de la superficie totale (Verdeil, 2011b). La plus forte expansion
était à GBA qui comprend la capitale et ses alentours. Dans cette zone centrale, l’expansion
urbaine a commencé à partir de la moitié du XIXème siècle, durant l’ère ottomane et ses
réformes administratives.
L’éclatement de la guerre civile va aggraver la situation. Cette guerre ainsi que les guerres
successives avec Israël ont causé de massives vagues de migrations internes des différentes
régions vers Beyrouth, notamment ses alentours. Ces rassemblements de populations, réparties
selon des critères confessionnels, ont abouti à la création des banlieues nord et sud de Beyrouth
qui vont faire ensuite partie des deux parties ségréguées de la capitale. L’expansion urbaine
continue ainsi durant la guerre. La phase de reconstruction et la politique étatique ainsi que la
difficulté de répartir la propagation de la population résidente à Beyrouth vers le reste de
territoire ont été, entre autres, des facteurs qui l’ont empêchée d’être identique à la ville qu’elle
était avant la guerre.
117
Chapitre 1. L’organisation territoriale du Liban : approche diachronique et état des lieux actuel
services de transport en commun ... Cela s’illustre par le volume des déplacements matinaux
en attraction et vespéraux en émissions du soir dans les aires urbaines centrales (GBA) et
secondaires (Tripoli) (EGIS, 2012; TMS Consult, 2015). Ensuite, ces flux proviennent
partiellement des autres régions et Mohafazats mais la partie principale, cependant, provient
des périphéries proches. A Beyrouth par exemple, un quart des flux entrants proviennent du
Mont-Liban (TMS Consult, 2015) qui l’entoure et qui comprend ses banlieues.
Enfin, un troisième impact qu’a la configuration spatiale sur les déplacements au Liban
s’observe dans les déplacements villes-villages très fréquents (Bourgey, 1985). La majorité des
citadins sont souvent originaires d’autres régions desquelles ils ont été déplacés et dans
lesquelles ils ont un domicile secondaire : 65% des habitants de la GBA sont originaires
d’autres régions (G. Faour et al., 2007). Les citadins profitent ainsi de la petite superficie du
pays et de son réseau routier pour faire des déplacements villes-villages facilement surtout les
weekends et les vacances. L’enquête de mobilité a montré qu’un Libanais sur deux considère
ce type de déplacement comme un motif principal des déplacements non contraints. Des
données auxiliaires montrent aussi l’augmentation du nombre de véhicules dans les zones
urbaines en hiver (décembre et janvier) et sa diminution en été (août et septembre). Cela
s’explique par les déplacements saisonniers durant les congés de l’été (Waked et al., 2012).
L’expansion urbaine qu’a vécue le Liban durant son histoire moderne a donc soumis les
habitants à augmenter leurs déplacements motorisés. Ces déplacements ont été surtout basés
sur la voiture qui fut fortement possédée par les Libanais. Cette possession est le sujet du
chapitre 2. Toutefois, l’utilisation de la voiture n’est pas favorisée que par l’étalement urbain.
Elle s’explique par les caractéristiques du sous-système physique du système de transport,
caractérisée par une offre croissante du réseau routier et offre faible et désorganisée de transport
en commun. Ces caractéristiques de réseau jouent un rôle primordial dans la « surefficience »
de la voiture particulière. L’état de ces deux offres, qui seront détaillées dans le chapitre 3,
s’explique par la politique étatique de transport qui sera exposée dans le chapitre 4 de cette
thèse.
118
CHAPITRE 2 : LA VOITURE AU LIBAN : POSSESSION
COUTEUSE, MAIS GENERALISEE
119
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
Pour se déplacer, les personnes ont un large choix de moyens caractérisés par des
avantages et des inconvénients (Beirão & Cabral, 2007). Selon l’approche micro-économique,
le choix se fait suite à un arbitrage entre le coût et les avantages associés à chaque mode
notamment en raison de l’accessibilité qu’il assure (Joly, 2006). La voiture privée est le mode
de transport le plus attractif en raison de ses caractéristiques : l’ubiquité, l’instantanéité, le
confort, la sécurité, la flexibilité, la liberté, le déplacement de porte à porte et surtout sa vitesse
(Anable, 2005; Dupuy, 2006; Gallez, 2018; Genre-Grandpierre, 2007a, 2007b; Héran, 2001).
En outre, d'autres motivations, davantage psychologiques et sociologiques peuvent jouer un
rôle important dans la possession et l’utilisation d’une automobile. Ce sont les sentiments de
puissance, de statut, de supériorité, d’intimité et d'excitation, que procure la voiture privée, qui
peuvent également favoriser son utilisation (Gardner, 2009; Goodwin et al., 1995; Jensen,
1999; Sachs, 1992; Steg, 2003, 2005; Vrain, 2003; Wickham & Lohan, 1999).
120
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
121
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
Le recensement de la flotte des véhicules au Liban n’est pas une tâche facile. Les données
et les statistiques sur cette flotte concernent souvent les véhicules neufs et excluent les
véhicules d’occasion qui forment environ 60% du parc (MoE, 2005). Un chiffre confirmé par
notre enquête montre que 64% (n=133) des Libanais ont des véhicules d’occasion contre 36%
(n=75) qui possèdent des véhicules achetés neufs. Ainsi, l’enquête apporte une valeur ajoutée
par rapport aux données existantes puisqu’elle concerne tout le parc de véhicules (neufs et
d’occasion).
La voiture est un bien qui s’est rapidement mondialisé durant le XXème siècle. La première
voiture est apparue il y a plus d’un siècle. C’était la Ford T, fabriquée en 1908 à Détroit.
Ensuite, la voiture a commencé à se démocratiser rapidement et est devenue un exemple de la
consommation mondiale. La possession de la voiture est favorisée par les normes de
consommation et le pouvoir d’achat (Héran, 2001). La propriété de la voiture fait partie des
réalisations de la société de consommation contemporaine (Vrain, 2003). Dans la société
122
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
fordiste, le standard de consommation était que chaque famille possédait une voiture. En
revanche, dans la société post-moderne contemporaine, le standard de consommation se
rapproche davantage à ce que chaque individu en âge de conduire possède une voiture (Orfeuil,
1994, p. 13; Wickham & Lohan, 1999). Ainsi, la voiture devient « une habitude qui se prend
jeune » (Bodier, 1996)
Actuellement, la voiture privée assure la moitié des déplacements urbains au monde. Les
déplacements quotidiens, en voiture, dans les zones urbaines devraient passer de 3.5 milliards
en 2005 à 6.2 milliards en 2025, soit une augmentation de 80% (Pourbaix, 2011). Une grande
partie de cette croissance se fera dans les pays en développement (Cervero, 2013). Ces chiffres
sont alarmants au regard des graves conséquences de cette augmentation notamment au niveau
environnemental.
123
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
Aux débuts du XXIème environ 80% des ménages sont motorisés (Ménard & Volat, 2012).
Le nombre de passagers-km/véhicule per capita a augmenté de 90% en Europe de l’Ouest et
de 13% aux Etats-Unis entre 1970 et 1990 (OECD, 1997).
A partir des années 1990, la progression de la motorisation suit celle des revenus et son
élasticité par rapport au revenu semble diminuer. Cette diminution semble davantage être une
caractéristique des pays riches plutôt des pays en développement (J. Dargay & Gately, 1997;
J. M. Dargay, 2001) où le nombre de véhicules a augmenté de 10% par an (Gakenheimer,
1999). Entre 1960 et 1994, le nombre de voitures dans les pays en développement est passé de
10 millions voitures à 100 millions respectivement (Orfeuil, 1994, p. 14). Cela provient de la
croissance démographique, de l’augmentation de la richesse et de la diffusion des codes et
normes mondialisés pour lesquels la voiture renvoie un certain style de vie (Gakenheimer,
1999).
Avant la guerre, en 1974, il y avait 243.584 véhicules (Perry, 2000). Ce chiffre a augmenté
progressivement, même durant la guerre pour s’élever, en 1991, à 1.2 million véhicules dont
une partie était hors service et détruit pendant la guerre (Yagi, 1994). Après la guerre, le nombre
de voitures continue à augmenter. Cette augmentation, jumelée à l’augmentation des taux de
déplacements, a été favorisée par la détérioration des services du transport en commun
(Bernier, 2010), la prospérité économique qui a suivi cette guerre (Bteich et al., 2006),
l’amélioration du niveau des revenus (Anas et al., 2017) (cf. figure 32, tableau 21 et figure 33),
ainsi que la facilité des crédits bancaires et l’importation des voitures d’occasion.
124
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
En 1997, il y avait 1.45 million de véhicules immatriculés (ACS, 2006) dont 91% étaient
des voitures privées. Seulement 682.213 véhicules (47%) ont payé leurs frais de contrôle
technique auxquels s’ajoutent 90.000 véhicules non immatriculés (MoE & LEDO, 2001).
Tableau 21 : L’évolution du parc des véhicules motorisés de 1994 à 2004 (ACS, 2006)
125
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
39361
40000 37816
38000 36112 36109
35477
36000 34522
34000
32000
2010 2011 2012 2013 2014 2015
Figure 34: Les voitures neuves vendues au Liban entre 2010 et 2015 (BankMed, 2016)
Figure 35: Les importations de véhicules entre 1997 et 2013 (Verdeil, 2019d)
Entre 2008 et 2013, le nombre de voitures privées47 au Liban a augmenté de 5.8% par an
en moyenne (TMS Consult, 2019).
47
La voiture privée c’est la voiture qu’utilisent les particuliers pour leurs déplacements personnels. Les taxis
et les taxis-service sont des voitures utilisées comme véhicule de transport en commun (cf. chapitre 3, section
2.2.1.)
126
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
En 2016, environ 1.7 million de véhicules privés sont immatriculés au Liban dont 40% à
60% circulent à la GBA seule (SISSAF, 2016). Les chiffres indiquent ainsi que le nombre de
véhicules a augmenté au Liban d’environ 700% en 42 ans (1974-2016) (Perry, 2000; SISSAF,
2016; Yagi, 1994). Les estimations de la part des voitures par rapport au nombre total des
véhicules au Liban varient entre 86% (CDR, 2013b) et 90% (Gerges et al., 2017).
Le niveau réel de la flotte peut être plus élevé en raison du fait que le nombre de véhicules
retirés de la circulation chaque année est une inconnue et qu’une partie des véhicules circule
illégalement, donc hors statistiques officielles (MoE et al., 2011). Pour exemple, en 2015, 37%
des véhicules circulants au Liban n’ont pas payé leurs taxes et impôts (TMS Consult, 2019).
Les voitures qui roulent au Liban sont d’origines différentes, surtout asiatiques (Japon et
Corée) et européennes. Elles sont de différentes tailles et catégories.
Les données publiées sur les voitures vendues au Liban ne concernent que les voitures
neuves. En 2015, 39.361 nouvelles voitures ont été vendues au Liban avec une augmentation
de 4% de 2014 (37.816). Les voitures asiatiques ont la part principale avec 38% des voitures
neuves vendues qui proviennent du Japon et 34% de la Corée du Sud. L’Europe assure 21% de
la flotte, les Etats-Unis 6% et la Chine 1% (BankMed, 2016).
Cependant, au niveau des importations, les données montrent que l’Allemagne est le
premier importateur d’automobiles au Liban avec 27% des voitures contre 18% en provenance
des Etats-Unis, 16% du Japon, 10% du Royaume-Uni, 9% de la Corée du Sud et 20% du reste
du monde (BankMed, 2016) (cf. figure 36). Un véhicule importé au Liban peut être neuf ou
d’occasion.
127
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
Autres, 20%
Allemagne
, 27%
Corée, 9%
Etats-Unis,
18%
Royaume-Uni, 10%
Japon, 16%
Figure 36: La répartition des voitures importées par pays d'origine (BankMed, 2016)
Les résultats de notre enquête de mobilité donnent la répartition suivante de la flotte des
voitures neuves et d’occasions au Liban : domination des voitures japonaises (44.2%, n=84)
puis allemandes en second rang avec 28.4% (n=45), puis coréennes en troisième rang avec
14.2% (cf. figure 37).
50.00% 44.21%
40.00%
28.42%
30.00%
20.00% 14.21%
10.00% 3.68% 1.58% 2.11% 4.74%
0.53% 0.53%
0.00%
Figure 37: Distribution des véhicules au Liban selon le pays d'origine (enquête de
mobilité, 2018)
En ce qui concerne les marques des véhicules, les données publiées montrent que les
véhicules coréens de marque Kia sont majoritaires (19%) surpassant Toyota (16%), Hyundai
(15%) et Nissan (10%). Les marques allemandes, Mercedes et BMW, n’ont que 3% pour
chacune de la part du marché et 2% pour les deux autres marques Volkswagen et Audi. Les
marques restantes ont ensemble 30% de la part du marché (BankMed, 2016). Ces données ne
concernent que les voitures neuves et montrent une répartition différente de celle de l’enquête.
Celle-ci, recensant les voitures neuves et d’occasion, a montré que les marques japonaises
Toyota (14.7%, n=28), Nissan et Honda (12.1%, n=23 chacune) et la marque allemande
Mercedes (14.7%, n=28) sont les marques les plus populaires (cf. figure 38). L’importance des
128
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
petites voitures, surtout de marques asiatiques moins chères, montre la diffusion croissante de
la possession de la voiture auprès de la classe moyenne et ouvrière au Liban (Verdeil, 2019d).
Figure 38: Les marques des véhicules circulants au Liban (enquête de mobilité, 2018)
Environ 90% des voitures au Liban sont des berlines (BankMed, 2016) avec 16.2% de
petite taille, 51.3% de taille moyenne et 32.4% de grande taille (Anas et al., 2017). Notre propre
enquête montre que les SUV et tout-terrains (Segment J) sont les voitures les plus populaires
au Liban occupant un quart de la part de marché (27.4%). En second rang, ce sont les compactes
et les citadines avec 20% pour chaque segment et en troisième rang les voitures familiales avec
13.3%. Les mini-citadines et les voitures de luxe sont les moins répandues (cf. figure 39).
Au niveau des puissances, il est à noter que seulement 8% des voitures aient une puissance
inférieure à 1.4 litre48 tandis que 12% ont une puissance supérieure à 3 litres, 32.2% entre 1.4
et 2 litres et la majorité (48.3%) entre 2.1 et 3 litres (Mansour & Haddad, 2014).
Figure 39 : Les catégories des voitures circulantes au Liban (enquête de mobilité, 2018)
48
La cylindrée de la voiture. Elle est exprimée en litre(s) et fait l'addition de l'espace disponible dans les
chambres de combustion. Par exemple, le moteur 4 cylindres a 4 cylindres de 0.5 litre chacun, donc 2.0 litres.
129
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
D’après notre enquête de mobilité, 44.3% (n=208) des résidents au Liban sont équipés :
38.5% (n=181) ont un seul véhicule, 4.7% (n=22) en possèdent deux et 1.06% (n=5) en possède
au moins trois. Ces chiffres désignent seulement la proportion des personnes qui possèdent des
véhicules immatriculés à leur propre nom sans pourtant que ce soient eux qui utilisent ces
véhicules49. Pour le type de véhicule, la voiture reste dominante avec 94.2% (n=196) contre
5.8% (n=10) pour les deux-roues motorisés. Ainsi, 41.7% des Libanais possèdent au moins une
voiture privée. Ce taux de possession est supérieur à celui de 35% publié par une étude de TMS
Consult (2016) (EGIS & GICOME Consortium Team of Experts, 2016).
Le taux exact de motorisation au Liban reste une inconnue étant donné le manque de
données sur le nombre d’habitants et sur la flotte des véhicules. Les données sur le taux de
motorisation demeurent des estimations. Ils indiquent qu’en moyenne ce taux varie entre un
véhicule pour chaque 2.7 personnes (MTPT, 2013a), et un véhicule pour chaque 3.7 personnes
(Stephan & El Sayyed, 2015). Pourtant, si on divise le chiffre le plus récent du nombre de
véhicules (1.7 million, (SISSAF, 2016)) sur le nombre des habitants estimé (5.98 millions,
(UNdata, 2018)), on aura un taux d’un véhicule pour chaque 3.51 habitants et un taux de
motorisation de 284 véhicules/1000 habitants. Ce chiffre prend en compte tous les résidents du
Liban dont un million sont des réfugiés Syriens (UNHCR, 2018). Le calcul serait plus
représentatif en prenant en compte uniquement les résidents permanents au Liban, soient
environ 5 millions d’habitants. Avec ce chiffre, le taux de motorisation est d’un véhicule pour
2.94 habitants ou 340 véhicules/1000 habitants. Un taux inférieur aux taux de 355
véhicules/1000 personnes estimé par Beforward (2014) ou de 434 véhicules estimé par Waked
et Afif (2012).
49
Une personne équipée peut ne pas utiliser son véhicule. La loi au Liban permet aux membres de familles
de conduire un véhicule sans qu’il soit nécessairement immatriculé au propre nom de l’usager, mais à celui d’un
membre de la famille (ou à une personne hors de la famille, mais qui accorde la conduite de son véhicule aux
autrui).
130
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Pour les voitures seules, dont le chiffre est estimé à 1.53 million voitures (90% de la flotte
totale de véhicules au Liban), le taux sera d’une voiture pour 3.26 habitants, soit 307
voitures/1000 habitants.
Le taux de motorisation est ainsi très élevé par rapport à la moyenne mondiale (182
véhicules/1000 habitants), à celle de la Russie et de l’Europe de l’Est (281 véhicules/1000
habitants) ainsi qu’à celle de l’Asie et du Moyen-Orient (105 véhicules/1000 habitants) (OICA,
2015). Le Liban est un des pays les plus motorisés de sa région géographique comme le montre
le graphe (figure 40) ci-dessous.
500 426
400 313 340 347
300
200 112 130 138
70 83 95
100 46
0
Egypte Maroc Algérie Tunisie Iran L'Arabie Jordanie Oman Liban Bahrein Kuwait
Saoudite
Figure 40: Le taux de motorisation dans des pays du Moyen-Orient (UITP, 2016)
Au niveau des régions du territoire libanais, Beyrouth a évidemment le taux le plus élevé.
C’est une des capitales les plus motorisées de la région. Elle a un taux de 350 voitures/1000
habitants contre 69 voitures/1000 habitants à Alger, 68 voitures/1000 habitants au Caire, 75
voitures/1000 habitants à Tunis, 130 voitures/1000 habitants à Casablanca et 160 voitures/1000
habitants à l’Istanbul (Godard, 2005b).
50
En France, par exemple, un nouveau titulaire de permis a des contraintes (des vitesses limitées par
exemple) différents de ceux des titulaires plus anciens. Cela n’existe pas au Liban.
131
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
Le taux de motorisation au Liban était déjà élevé à la fin du siècle précédent. En 1997, à
l’échelle nationale, il était de 300 véhicules/1000 habitants ce qui équivaut à celui du Danemark
à l’époque (Perry, 2000; World Bank, 1999). Cependant, cela n’a pas été le cas avant la guerre.
En 1969, le taux était un véhicule pour 15 habitants et une voiture pour 20.4 habitants (66.67
véhicules/1000 habitants et 49 voitures/1000 habitants) (T. Nakkash & Jouzy, 1973).
Habitants pour Habitants
Pays 1 véhicule pour 1 voiture % des voitures parmi les véhicules
Etats-Unis 1.9 2.3 82.6
Canada 2.7 3.3 81.8
Australie 2.7 3.3 81.8
Suède 3 3.6 94.4
Kuwait 0.6 4.7 76.6
Italie 5.4 5.7 94.7
Japon 6.8 14.8 45.9
Argentine 11 17.2 64
Afrique du Sud 11 13.9 79.1
Lybie 14 20.6 68
Venezuela 15 21.1 71.1
Liban 15 20.4 88.9
Portugal 19 23.8 79.8
Tableau 23: Le taux motorisation au Liban et dans d’autres pays - 1970 (T. Nakkash &
Jouzy, 1973)
Durant cette même année, à Beyrouth, la moyenne était d’une voiture pour chaque 8.46
personnes avec 52% des Beyrouthins non motorisés, 40% qui avaient une seule voiture et les
8% avaient au moins deux voitures (T. Nakkash & Jouzy, 1973). A cette époque, la GBA avait
un quart de la population et 43% des voitures (Bourgey, 1985; Fawaz & Peillen, 2003; SDATL,
2005). En 2000, à Tripoli, 35% des habitants ne possédaient pas de voiture, 55% en possédaient
une et 10% en avaient au moins deux (Hyodo et al., 2005).
L’enquête a montré que le taux de motorisation par ménages est de 89%. Un chiffre
considéré élevé si on le compare à d’autres pays comme la France, un pays plus développé,
dont le taux est de 81% (INSEE, 2016).
Pour le type de véhicules, 88.7% (n=417) des ménages ne possèdent pas de véhicules
privés autres que la voiture et 3.8% ne possèdent pas de voitures mais ont un deux-roues
132
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
motorisé. Pour les véhicules secondaires51, 12.2% (n=51) possédants des voitures ont un autre
type de véhicules privés : la deux-roues motorisé (62.5%) est le moyen le plus répandu, ensuite
ce sont les camionnettes (30.35%), 5.5% sont des vélos et 1.8% des camions.
a- La multi-motorisation
Figure 41: Le nombre de voitures au sein des ménages libanais (enquête de mobilité,
2018)
51
Dans l’enquête de mobilité, un véhicule secondaire signifie le véhicule privé non utilisé principalement
comme moyen de transport pour les ménages multi motorisés.
52
Le salaire mensuel moyen d’un ménage au Liban est estimé au 4.381.000 L.L. (Blom Invest, 2016b).
133
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
45.00%
40.00%
35.00%
30.00%
25.00%
20.00%
15.00%
10.00%
5.00%
0.00%
0 1 2 3 et plus
nombre de voiture par ménages nombre d'automobilistes par ménage
Figure 42: La répartition du nombre des voitures et des propriétaires de voitures au sein
des ménages libanais (enquête de mobilité, 2018)
On peut ainsi conclure que la voiture au Liban est souvent accessible et possédée par
plusieurs membres de la famille. Cette situation est différente à d’autres pays du Sud, surtout
africains, où l’accès à la voiture reste plutôt limité aux chefs de famille (Plat, 2002).
Notre enquête de mobilité permet aussi de déduire les taux des régions qui paraissent
plutôt comparables.
134
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Le nombre moyen de voitures par ménage à Beyrouth est comparable à celui de 2006
(Chelala et al., 2006). Cela s’explique par le fait que le taux de motorisation était déjà très élevé
à Beyrouth par rapport au reste du territoire. Par exemple, en 1995-97, alors que la moyenne à
Beyrouth était d’une voiture/ménage et le taux de motorisation était de 80%, 20.6% possédaient
aux moins deux voitures à Beyrouth contre 28% au Mont-Liban et moins que 10% dans le reste
du territoire (MoE & LEDO, 2001).
Le taux d’occupation des véhicules varie entre 1.2 personne/voiture (Saroufim & Otayek,
2019; TMS Consult, 2015) et 1.4 personne/voiture (SISSAF, 2016) pour tous types de
déplacement. L’enquête de mobilité permet de différencier le taux d’occupation selon le type
de déplacement. Il est en moyenne de 1.49 personne/voiture dans les déplacements contraints
et de 2.63 personnes/ voiture dans les déplacements non contraints.
Contrairement aux déplacements contraints, l’autosolisme (17.9%, n=55) n’en est pas le
cas dominant pour les déplacements non contraints. Les déplacements s’effectuent le plus
souvent en groupe : 31.6% (n=97) des voitures transportent deux personnes, 24.1% (n=74) trois
personnes, 15.3% (n=47) quatre et 11.1% (n=34) au-delà. Pour les deux-roues motorisés, pour
deux tiers des déplacements non contraints, le motard se déplace seul et pour le tiers restant il
se déplace avec un accompagnant.
135
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
L’explication du différentiel entre les deux types de déplacements tient au fait que les
sorties occasionnelles non contraintes (loisirs, visites, courses …) se font d’habitude en famille
ou en groupe ce qui est moins faisable pour les trajets vers le travail ou les études étant donné
des horaires et d’autres contraintes.
Au niveau des régions, le taux d’occupation des véhicules à Beyrouth est le plus faible
selon les estimations trouvées dans la littérature : il varie entre 1.45 passager/véhicule (Nahas
et al., 2016), 1.6 passager/véhicules (Omran et al., 2015; Osman, 2015) et 2.06
passagers/véhicules (TMS Consult, 2015). Ce dernier chiffre semble être le plus pertinent
puisqu’il se base sur l’enquête la plus détaillée dont les résultats figurent ci-dessous.
136
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Après avoir présenté les caractéristiques du parc automobile, cette deuxième section est
consacrée à identifier les coûts relatifs à la possession et à l’utilisation de la voiture au Liban.
Dans un premier temps, nous déterminerons la part des dépenses relatives au transport dans le
budget des ménages et celle relative à la voiture (2.1.). Dans un deuxième temps, les coûts
relatifs directs à la voiture seront détaillés (2.2.).
2.1.Le budget de transport au Liban : une part importante des dépenses des Libanais
La dépense de transport, au Liban, représente une part importante du budget des ménages.
Seules les parts des dépenses en logement et en santé la surpassent. L’absence d’enquêtes
officielles et d’une base de données fiable, rend très difficile l’estimation des coûts de transport
et des dépenses des ménages. Pour pouvoir effectuer une telle estimation, nous avons eu
recours à une combinaison des données issues de plusieurs sources et études complétées par
les résultats de notre enquête.
Cette partie de l’analyse sera consacrée à identifier la part des dépenses sur le transport
dans les revenus des Libanais. Pour en calculer ces dépenses, les revenus seront tout d’abord
identifiés sur deux niveaux : personnel et ménage. Ensuite, les dépenses en transport seront
calculées afin de déterminer quelle part du revenu elles représentent.
Un quart des participants (24.3%, n=114) n’ont pas accepté de déclarer leurs revenus
contre les trois quarts (75.747%, n=356) qui l’on fait (cf. tableau 29).
137
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
Les résultats montrent que le revenu médian est de 881$ par mois sachant que le revenu
individuel moyen au Liban est de 11.500$ par an, soit 960$ (1.450.000 L.L.) par mois
(Assouad, 2015). Les chiffres de cette enquête montrent que plus de la moitié (56.2%) des
Libanais touchent moins que ce revenu moyen.
En tenant compte du revenu moyen, plus de la moitié des enquêtés (55%, n=258)
consacrent 8.3% (120.000 L.L.) de ce revenu pour le transport et 29% (n=136) dépensent plus
de 200.000 L.L. par mois pour se déplacer, soit plus que 13.7% du salaire moyen. Selon les
chiffres publiés par ACS (2012), en moyenne, un Libanais dépense 1.100.000 L.L. (ACS,
2012a) par an pour le transport. Cela équivaut à une moyenne de 6.3% du revenu moyen et
13.1% des dépenses totales des Libanais (ACS, 2012a).
La minorité (n=21, 4.5%) des personnes consacrent moins de 10.000 L.L. par semaine
pour se déplacer. Ce sont les personnes qui n’ont pas de déplacements contraints (28.6%) ou
ceux qui ont comme moyen principal de transport la marche à pied (38.1%), les deux-roues
motorisés (14.3%) et le transport en commun (19%). Les dépenses en transport varient
également selon le type de déplacement comme le montre le tableau ci-dessous.
Contraints Non Contraints
Part des dépenses
n (N=413) Pourcentage
n (N=470) Pourcentage
<10.000 97 23.5% 99 21.1%
10.000 à 30.000 165 39.95% 178 37.9%
30.000 à 50.000 92 22.3% 109 23.2%
>50.000 59 14.3% 48 10.2%
Je ne sais pas 36 7.7%
Tableau 30: Les parts des dépenses hebdomadaires sur les déplacements (enquête de
mobilité, 2018)
b- L’évaluation des dépenses individuelles en transport
La moitié (51.1%, n=211) des personnes considèrent que leurs dépenses consacrées aux
déplacements contraints sont coûteuses, 9.4% (n=39) les considèrent très coûteuses tandis que
39.7% (n=163) ne les trouvent pas coûteuses. Les dépenses sur les déplacements non contraints
sont considérées « très coûteuses » pour 6.6% des personnes contre 53.2% qui les considèrent
« coûteuses » et 40.2% qui ne les considèrent « pas coûteuses ».
138
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Plus de la moitié des personnes qui considèrent les dépenses liées aux déplacements
contraints comme coûteuses (55.5%) et très coûteuses (50%), utilisent la voiture comme moyen
principal de déplacements. Seulement 37.4% des personnes qui considèrent ces dépenses non
coûteuses, utilisent la voiture contre 62.6% qui utilisent les transports en commun et les modes
doux.
La loi au Liban oblige les employeurs à verser aux employés 8.000 L.L. par jour comme
allocation journalière de mobilité pour chaque jour de présence effective au poste de travail
(loi 3466/2010). Les résultats montrent que 44.8% des personnes ne sont pas satisfaites
(échelles 1 et 2 sur 5) de ces allocations contre 18.6% qui sont satisfaites (échelles 4 et 5 sur 5)
et 36.6% moyennement satisfaites (échelle 3 sur 5).
Taux de satisfaction n (N=413) Pourcentage
1 93 22.5%
2 92 22.3%
3 151 36.6%
4 46 11.1%
5 31 7.5%
Tableau 32: Les taux de satisfaction des allocations journalières de transport (enquête de
mobilité, 2018)
Quant aux régions, les résultats montrent qu’au Mont-Liban, les habitants consacrent une
part plus importante de leur budget au transport (la moitié d’eux consacrent plus que 30.000
L.L. par semaine). Excepté le Mont Liban, les budgets de déplacements des autres régions sont
plutôt comparables.
139
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
Au niveau des ménages, un cinquième (19.6%, n=92) n’ont pas accepté de déclarer les
revenus de leurs ménages. Les réponses des 80.4% (n=378) se répartissent comme suit :
Revenu mensuel (en L.L.) N (N=378) Pourcentage
<1000.000 28 7.4%
1.000.000-2.000.000 68 18%
2.000.000-3000.000 68 18%
3.000.000-4.000.000 61 16.1%
4.000.000-5.000.000 50 13.2%
5.000.000-6.000.000 34 9%
6.000.000-7.000.000 21 5.6%
>7.000.000 48 12.7%
Tableau 34: La répartition des revenus mensuels des ménages libanais en L.L. (enquête
de mobilité, 2018)
Le revenu médian des ménages est de 2.808.000 L.L./mois (1.863$) et le revenu annuel
moyen est de 35.055$ soit 2920$ (4.381.000 L.L.) par mois (Blom Invest, 2016b). L’enquête
montre que plus que 60% des ménages ont un salaire inférieur à cette moyenne.
Quant aux dépenses, les ménages libanais dépensent pour le transport en moyenne
4.310.000 L.L./an (360.000 L.L./mois) (ACS, 2012b), soit 13% de leur revenu et 14% de leurs
dépenses totales (ACS, 2013c; Nahas et al., 2016). Ces dépenses, qui s’élèvent à 19.6% chez
les classes moyennes (Yaacoub & Bader, 2012), sont proportionnelles aux revenus : plus le
revenu augmente, plus la part consacrée au transport augmente.
Revenu mensuel moyen Part des revenus consacrée au transport
<650.000 6.2%
650.000-1.200.000 9.7%
1.200.000-2.400.000 12.7%
>2.400.000 17.5%
Tableau 35: Les parts du revenu consacrées au transport (ACS, 2013c, 2012a).
140
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Au niveau des régions, ce sont les Beyrouthins qui consacrent les dépenses les moins
élevées au transport. Ces plus faibles dépenses s’expliquent par la petite superficie de ville qui
génère des déplacements plutôt courts, mais aussi par l’offre de transport (routes et transport
collectif) de meilleure qualité que le reste du territoire (cf. chapitre 3). En revanche, il est
remarquable de constater que les dépenses de transport au Mont-Liban soient les plus élevées
et presque le double de ceux de Beyrouth.
Dépenses annuelles moyennes
Beyrouth Mont-Liban Nord Bekaa Sud
des ménages sur le transport
Ménages (en milliers L.L.) 2.593 4.919 3.69 3.789 3.597
Part des dépenses annuelles 8.10% 15.10% 11.40% 13.80% 12.45%
Tableau 36: Les dépenses des ménages sur transport par régions (ACS, 2013b).
2.1.2. Les dépenses de transport par mode de transport
Pour les non-automobilistes, le transport en commun est le choix modal essentiel surtout
pour les déplacements moyens et longs non faisables à pied ou par vélo. En revanche, la faible
offre du transport en commun (cf. chapitre 3, section 2) au Liban rend le coût de déplacement
par ce moyen plus onéreux. L’enquête a montré que, durant les déplacements contraints, les
dépenses sont les plus élevées pour les bus privés53, les taxis et taxis-service54 tandis qu’elles
sont les plus faibles pour les bus publics55. Pour les déplacements non contraints, les taxis et
les taxis-service sont plus chers que les bus. Pour les véhicules privés, les dépenses sont très
faibles pour les deux-roues motorisés et très élevées pour la voiture privée. Le coût de
l’utilisation de la voiture forme 27% des dépenses totales pour le transport (0.08% pour les
deux-roues motorisés) et 3.52% des dépenses totales (0.01% pour les deux-roues motorisés)
des Libanais (ACS, 2012a).
Pour les personnes qui consacrent le plus petit budget au transport (<10.000 L.L.), 23.8%
utilisent la voiture lors des déplacements non contraints, mais aucune ne l’utilise durant les
déplacements contraints. Pour les autres modes, 47.6% des personnes à budget inférieur à
10.000 L.L. se déplacent à pied, 19% en transport en commun et 9.5% par les deux-roues
motorisés. Le budget de transport hebdomadaire est beaucoup plus important pour le reste des
53
Des bus exploités d’une manière artisanale par des particuliers et des entreprises privées (cf. chapitre 3,
section 2.2.).
54
Un véhicule de taxi partagé entre plusieurs passagers (cf. chapitre 3, section 2.2.).
55
Des bus exploités par l’Etat via son Office de Chemin de Fer et de Transport en Commun OCFTC (cf.
chapitre 3, section 2.2.).
141
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
enquêtés avec 32% (n=150) qui consacrent entre 10.000 et 30.000 L.L. par semaine et 26%
(n=122) qui consacrent entre 30.000 et 50.000 L.L.
Cependant, pour un tiers des personnes (29%, n=136) qui consacrent les plus hauts budgets
(>50.000 L.L. par semaine), 63.5% et 81.4% utilisent la voiture comme moyen principal dans
leurs déplacements contraints et non contraints respectivement et 56.5% l’utilisent comme
moyen principal dans les deux types de déplacement à la fois.
Pour les déplacements doux, les dépenses restent évidemment les plus basses ne dépensant
pas 10.000 L.L 56 . Enfin, 8.7% (n=41) des enquêtés ne connaissent pas leur budget
hebdomadaire consacré à leurs déplacements. Les figures ci-dessous montrent les dépenses
hebdomadaires par moyen de transport dans les déplacements contraints (cf. figure 43) et les
déplacements non contraints (cf. figure 44).
70.00%
60.00%
50.00%
40.00%
30.00%
20.00%
10.00%
0.00%
A pieds Bus privés Bus publics Minibus Taxi Moto Camionette Voiture Autre
56
La marche à pied est un moyen gratuit. Cependant, dans l’enquête les réponses ne sont pas toujours égales
à zéro quant aux dépenses relatives à ce moyen puisque les réponses indiquent que la marche à pied est le moyen
principal de déplacement et non pas le moyen exclusif. Alors, une personne qui se déplace à pied principalement,
peut quand même avoir et utiliser un autre moyen de transport, mais moins fréquemment.
57
Les chiffres détaillés figurent dans l’annexe 3.
142
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
100.00%
90.00%
80.00%
70.00%
60.00%
50.00%
40.00%
30.00%
20.00%
10.00%
0.00%
A pieds Bus privés Bus publics Minibus Taxi Moto Camionette Voiture
Figure 44: Les dépenses hebdomadaires par moyen de transport (déplacements non
contraints) (enquête de mobilité, 2018) 58
Le graphique suivant (cf. figure 45) établi par Nahas et al. (2016) montre la structure des
dépenses annuelles par ménage pour les différents modes de transport. Proches de ceux de notre
enquête, ces résultats indiquent que les dépenses pour le transport s’élèvent lorsque le taux
d’utilisation d’un véhicule privé motorisé augmente et le taux d’utilisation du transport en
commun diminue.
Figure 45: Les dépenses par ménage sur le transport (Nahas et al., 2016)
58
Les chiffres détaillés figurent dans l’annexe 3.
143
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
Pour pouvoir estimer et quantifier les dépenses sur le transport par mode, on a eu recours
à un simple calcul inspiré de l’étude de Nahas et al. (2016). Les déplacements doux étant
quasiment gratuits, il sera ainsi instructif de comparer les moyens de transport
motorisés collectifs à ceux individuels.
Les coûts de déplacement pour une distance d’environ 10 km sont estimés à 3.000 L.L.
par voiture privée, à 2.000 L.L. par taxi-service, entre 1.000 L.L. et 1.500 L. L par bus et
minibus et à 650 L.L. par motocycle (aller simple) (Nahas et al., 2016). Un individu qui
travaille 26 jours par mois doit payer pour un déplacement régulier entre son domicile et son
travail en moyenne par an : 1.872.000 L.L. pour la voiture, 1.248.000 L.L. pour un taxi-service,
entre 936.000 L.L. et 624.000 L.L. en bus et minibus et 405.000 L.L. par motocycle. Le tableau
suivant montre les parts de transport dans trois catégories de salaires au Liban : le salaire moyen
de 17.4 millions L.L. par an, le salaire de 15 millions L.L. et le salaire de 6 millions L.L., salaire
moyen des catégories les moins rémunérées.
59
Une simulation effectuée par l’auteur basée sur le calcul de Nahas et al. (2016
144
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
La voiture est un moyen souvent satisfaisant et fiable, mais qui coûte cher en contrepartie.
Les coûts engendrés par la voiture se divisent entre coût de possession et coût d’exploitation
(d’usage). Le premier est plutôt fixe et concerne le coût d’achat de la voiture auquel s’ajoutent
plusieurs autres frais (immatriculation, assurance, taxes …). Le second est plutôt variable et
concerne les coûts de maintenance et de l’entretien, les dépenses en carburant (cf. figure 46)
… Le coût d’usage dépend de la distance parcourue et de la consommation moyenne en
carburants (Nicolas & Pelé, 2017).
A ces deux coûts s’ajoutent les coûts de stationnement. Ces coûts seront calculés
séparément puisque le coût de stationnement à domicile fait partie du coût de possession et le
coût de stationnement au travail fait partie du coût de l’exploitation de la voiture (Chatterton
et al., 2018; Nicolas & Pelé, 2017).
Le coût de possession de la voiture est la somme du prix d’achat du véhicule et des charges
financières relatives (en cas de crédit auto) auxquels s’ajoutent la T.V.A., les frais de douane,
d’immatriculation, de contrôle technique, d’assurances et de la valeur de récupération.
145
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
a- Le prix d’achat
Le prix d’achat d’un véhicule est le prix net du véhicule, neuf ou d’occasion, lors de son
importation sans taxe et sans autres coûts. Il forme 52% du coût de possession au Liban
(Stephan & El Sayyed, 2015). En 2010, le prix moyen des voitures importées était de 31
millions L.L. (environ 18.500 €) pour chaque voiture avec 108.739 voitures importées. Les
crédits auto étaient, dans cette même année, de 1.33$ milliards avec la moitié des voitures
neuves hypothéquées aux banques (BankMed, 2013). En 2014, ces crédits augmentent vers
1.5$ milliards, soit 10% des crédits de consommation avant de diminuer, en 2016, à 1.29$
milliards (Blom Invest, 2015, 2016a), soit 6.7% du total des crédits bancaires au Liban.
L’enquête a montré que plus de la moitié des personnes, 56% (n=116), ont acheté leurs
véhicules au comptant contre 29% (n=61) par crédit bancaire, 5.3% (n=11) par une dette
personnelle et 9% (n=19) ont des véhicules achetés par autrui (parents, travail …).
Les charges financières d’obtention de véhicule sont celles du crédit. C’est le premier
paiement précisé à un minimum de 25% du prix du véhicule ainsi que les intérêts qui sont en
moyenne 6% pour un véhicule d’occasion et 4% pour un véhicule neuf. Cela représente en
moyenne 3% de coût de possession de la voiture (Blom Invest, 2015; Stephan & El Sayyed,
2015).
Au prix d’achat s’ajoutent les frais de douanes qui se calculent selon le modèle et l’âge de
la voiture. La douane estime la valeur de marché de la voiture et ensuite, selon cette valeur, les
frais sont assignés par tranche de prix. La Taxe sur la Valeur Ajoutée (T.V.A.) est 11% de la
valeur de la voiture. Ces frais forment ensemble 25% du coût de possession (Stephan & El
Sayyed, 2015). Le tableau suivant explique comment les frais et les taxes sont calculés sur les
voitures importées au Liban.
Taxes Assiette fiscale Taux
1 Frais de douane Pour une valeur allant jusqu'à 20 millions L.L. 500.000 L.L.
146
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Quant aux frais de contrôle technique, ceux-ci se paient annuellement et varient selon
l’année de production et la puissance du véhicule comme le montre ce tableau (en L.L.).
147
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
40.00% 35.58%
35.00%
30.00% 24.04%
25.00%
20.00% 14.42%
15.00% 11.06%
10.00% 2.88% 3.37%
1.92% 2.40% 2.40% 1.92%
5.00%
0.00%
Figure 47: La répartition des frais de contrôle technique (enquête de mobilité, 2018)
f- Les frais d’assurance
Au Liban, il est obligatoire de contracter une assurance sur sa voiture. Cette assurance,
lancée en 2003 (décret no 2180), couvre les dommages corporels causés à un tiers par un
véhicule, indépendamment de la personne qui le conduit, dommages matériels exclus. Pour les
limites de garantie, le Code sur l'assurance automobile obligatoire prévoit que les dommages
corporels soient couverts jusqu'à 750.000.000 L.L. (500.000$). Cette assurance coûte entre
65.000 L.L. (43$) et 135.000 L.L. (90%) avec un prix moyen de 75.000 L.L. (50$).
A cette assurance obligatoire, chaque automobiliste peut ajouter une assurance auxiliaire
facultative. Il n’existe pas de tarif fixe pour ces assurances dont les prix varient selon les
agences et dépendent de l’assureur (ses besoins et choix), du véhicule (modèle, puissance …),
du type d’assurance … En moyenne, les prix varient de 620$/an pour les petites voitures (<1.5
L), 730$/an pour les moyennes (1.5 L-2.0 L), 1100$/an pour les grandes (2.0 L-3.0 L) et 1.160$
pour les SUV (>3.0 L). Selon notre enquête de mobilité, le coût médian des assurances
auxiliaires est de 135$/an. La réparation du coût des assurances auxiliaires figure dans le graphe
ci-dessous (cf. figure 48) Le coût d’assurance forme 3% du coût de possession de la voiture
(Stephan & El Sayyed, 2015).
35.00% 32.21%
30.00%
25.00%
20.00% 13.46%
15.00%
10.00% 5.77%
8.65%
5.29% 7.21% 9.13%
2.88% 0.96% 1.92% 3.37% 2.88% 4.81%
5.00% 1.44%
0.00%
Figure 48: La répartition des frais d'assurance auxiliaires au Liban (enquête de mobilité,
2018)
148
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Enfin, la valeur de récupération est la différence entre le prix initial du véhicule et la valeur
d'amortissement après cinq ans (Stephan & El Sayyed, 2015). La dépréciation annuelle est
estimée à 15% par an et elle forme environ 4% du coût de possession de la voiture.
D’après une simulation faite, par rapport au prix moyen d’une voiture importée
(31.000.000 L.L.), les coûts de possession de la voiture forment, au minimum, 53.3% de son
prix d’achat. Ces coûts sont considérés minimum parce que dans cet exemple, nous avons
considéré que (1) la voiture est importée directement par la personne (sans intermédiaire et
hors marge de gains du concessionnaire), (2) achetée au comptant (ou dettes personnelles) alors
sans intérêts de crédit, (3) que c’est sa première immatriculation, (4) elle a moins de 3 ans alors
exonérée des frais de contrôle technique, (5) sans assurance supplémentaire à celle obligatoire
et (6) sans compter la valeur de récupération puisqu’elle dans sa première année. D’après
Stephan et El Sayyed (2015), les coûts peuvent s’élever jusqu’à 100% du prix d’achat (Stephan
& El Sayyed, 2015).
Coûts Explication Valeur (L.L.)
Prix d'achat (importation) sans intermédiaire (1) 31.000.000
Achetée au comptant ou dettes personnelles
Charges financières 0
sans crédit (2)
Pour une valeur allant jusqu'à 20 millions L.L. 500.000
Frais de douane
Pour une valeur supérieure à 20 millions L.L. 550.000
Pour une valeur allant jusqu'à 20 millions L.L. 4.500.000
Droits d'accises
Pour une valeur allant jusqu'à 20 millions L.L. 4.950.000
T.V.A. Valeur + droits de douane + droits d'accises 4.070.000
Frais de vente et d’immatriculation Véhicule privé 1.240.000
Frais de circulation 15.000
Frais pour les municipalités 313.750
Prix des plaques d’immatriculation Première immatriculation (3) 300.000
Frais de contrôle technique Exonéré : < 3 ans (4) 0
Assurance obligatoire coût moyen sans assurance facultative (5) 75.000
Valeur de récupération 1ère année 0
Total (hors prix d’achat) 16.513.750
Rapport coûts/prix d'achat 53.3%
Tableau 41 : Une simulation des coûts de possession d'une voiture au Liban (stimulation
faite par l’auteur)
L’investissement commercial dans les voitures privées, incluant les coûts d’importation,
de pièces de change, de carburants et d’autres coûts, était estimé à 825$ millions en 1995 au
Liban, soit 7.4% du PIB au Liban à l’époque (Elias M. Choueiri et al., 2010b; Perry, 2000). Le
149
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
coût d’exploitation du véhicule dépend du volume ainsi que la vitesse et la distance parcourue.
Il regroupe les coûts de carburant et de maintenance.
a- Le coût de carburants
Pour le premier coût, celui des carburants, le transport est le consommateur principal de
l’énergie avec 20% (Sieminski, 2014; UITP, 2014) à 26% (Conti et al., 2016) de la
consommation mondiale en énergie. Au Liban, la consommation du secteur de transport est
comparable avec 27% de l’énergie totale consommée (F. B. Chaaban et al., 2001). Le transport
de passagers seul a une consommation d’énergie plus élevée que la moyenne mondiale : un
Libanais consomme en moyenne environ 2.7 fois plus que la moyenne mondiale et 2.3 fois
plus qu'un citoyen du monde arabe (Stephan & El Sayyed, 2015). Les projections estiment que
la consommation énergétique du transport routier au Liban devra augmenter de 61% entre 2010
et 2040 (MoEW et al., 2017).
Les combustibles provenant des sources non renouvelables sont la source d’énergie
exclusive avec environ 99.2% des véhicules qui utilisent l’essence et le diesel (MoE et al.,
2015; MoEW et al., 2017). La consommation annuelle de produits dérivés du pétrole au Liban
est énorme : il emporte environ 1.7 million de tonnes d’essences par an (2014) (UNDP & ILF
consult, 2016)
Mode de transport Combustible Quantité (2010) en Kilotonnes
Voiture privée 1.324
Essence
L.D.V. 280
Camions 361
Diesel
Buses 117
Tableau 42 : La quantité des combustibles utilisée au Liban par les différents modes de
transport routier (MoE et al., 2015)
Le coût de carburant forme environ 76% du coût d’exploitation de la voiture (Stephan &
El Sayyed, 2015) et à peu près 40% des coûts de transport au Liban (ACS, 2012a). Leurs prix
se fixent à base hebdomadaire par le Ministère de l’Energie et de l’Eau. L’essence est le
combustible principal pour les véhicules et il en existe deux types : 95 Octanes et 98 Octanes.
150
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Le coût de carburant se compose en coût de base et en des taxes où les déductions de l’Etat
forment la partie la plus grande du prix de vente. C’est environ la moitié du prix d’achat et un
quart du prix de ventre. Les impôts sont une charge variable qui varie selon les prix de l’essence
tandis que la T.V.A. est une charge fixe égale à 10% du prix. Les prix des carburants en juillet
2019 figurent ci-dessous. Le prix d’un litre d’essence au Liban est parfois moins cher que celui
d’un paquet de pain (1.500 L.L. pour 1.000 g).
24 juillet 2019 95 Octane 98 Octane Diesel
Par plaque (L.L./20 Litres) 26.100 26.700 17.700
Par litre (L.L./litre) 1.305 1.335 885
Par litre ($/litre) 0.86 0.88 0.59
Tableau 43: Les prix des carburants au Liban (24 juillet 2019)
En L.L.
98 Octane 95 Octane
Coût d’achat 10.580 10.020
Impôts (Etat) 4.950 5.060
Profits de l'entreprise de distribution 300 300
Coûts de transport 360 360
Profits de la station de l'essence 1.900 1.900
Coût total (sans T.V.A.) 18.090 17.640
T.V.A. 1.809 1.764
Prix de Vente 19.900 19.400
Tableau 44: Composition du coût d'une plaque d'essence (Blom Invest, 2016a).
Une plaque d’essence (20 litres) est consommée chaque 120 km en moyenne et 80 km
dans les embouteillages (Sleiman, 2000). Le tableau suivant montre les moyennes de
consommation de carburant pour les différentes catégories de voitures utilisées au Liban
Catégories de voitures Consommation carburant (L/100 km)
Petite (<1.5 L) 7.95
Moyenne (1.5L-2L) 8.48
Grande (2L-3L) 9.24
VUS (>3L) 9.66
Tableau 45: La consommation moyenne des carburants par type de voiture au Liban
(Stephan & El Sayyed, 2015)
En se basant sur les projections de prix de fioul et leurs estimations jusqu’au 2050, Omran
et al. (2015), a établi ce tableau qui montre les élévations en prix (en L.L./litre) de fioul au
Liban :
151
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
Année 2014 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
98 Octane 1.308 1.553 1.889 2.185 2.451 2.688 2.948 3.233 3.546
95 Octane 1.274 1.513 1.840 2.128 2.387 2.618 2.871 3.149 3.454
Diesel 1.335 1.585 1.928 2.230 2.501 2.743 3.009 3.300 3.619
Tableau 46: Les prix prévus des carburants au Liban en L.L./Litre (Omran et al., 2015)
Quant aux fournisseurs des carburants, le Liban est saturé en nombre de stations-service.
Il en possède 7 fois plus que son besoin avec 2.200 stations-service (dont 1.000 illégales) (Blom
Invest, 2016a) soit une station chaque 10 km en moyenne sur tout le réseau routier.
b- Le coût de maintenance
Les prix des pneus varient selon leur taille, marque et statut (neuf, d’occasion). Nous
n’avons pas pu trouver des chiffres sur l’achat ou la consommation des pneus au Liban.
L’enquête montre que le coût médian d’entretien60 est de 449$/an avec 12% (n=25) qui ne
connaissent pas combien ils paient pour la réparation de leurs véhicules et 1.9% (n=4) qui n’ont
pas celle-ci à leur charge61, les 86% restants paient des montants variables :
Coût annuel d'entretien (en $) n (N=208) Pourcentage
<200 28 13.5%
200-500 74 35.6%
500-700 38 18.3%
700-1000 24 11.5%
>1000 15 7.2%
Pas à ma charge 4 1.9%
Je ne sais pas 25 12%
Tableau 47: Les frais annuels d'entretien du véhicule privé (enquête de mobilité, 2018)
60
La question s’inquiétait de savoir le coût estimé vu la difficulté de savoir le coût exact de réparation de la
voiture durant une année.
61
Sous garantie ou à la charge de quelqu’un d’autre
152
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Les coûts d’exploitation étant variables et changent d’un véhicule à l’autre, il est plus
difficile d’effectuer une simulation pareille à celle des coûts de possession. Toutefois, deux
calculs faits par Stephan & Sayyed (2015) et SISSAF (2016) montrent les estimations des coûts
de possession et d’utilisation d’une voiture au Liban. Le tableau ci-dessous montre ces deux
calculs.
(Stephan & El Sayyed, 2015) (SISSAF, 2016)
US¢/pass.km US¢/veh.km US¢/veh.km
Prix d'achat 9.1 10.9 9.2
Charges financières 0.6 0.7 0.2
Frais de douane 3.1 3.7 2.9
Possession
Tableau 48: Les coûts moyens d'exploitation et de possession d'une voiture au Liban
(SISSAF, 2016; Stephan & El Sayyed, 2015)
Au Liban, la plupart des bâtiments construits avant 1980 ne sont pas équipés de parkings
souterrains (MoE et al., 2011). A Beyrouth, selon une statistique faite par la municipalité
(2013), 60% des citadins n’ont pas de places de stationnement privées et se garent dans des
espaces publics, parfois interdits. A l’échelle nationale, notre enquête a montré que les deux
tiers (66%, n=137) se garent dans des emplacements privés et publics gratuits, parmi lesquels
70% habitent à la GBA.
153
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
gare dans des emplacements payants. Aussi, 65.6% (n=139) ont des parkings offerts par leur
employeur ou l’établissement d’éducation dont 80% (n=111) sont gratuits.
Réponse n (N=212) Pourcentage
Emplacement public gratuit autorisé 78 36.8%
Emplacement public payant 29 13.7%
Emplacement privé gratuit 76 35.85%
Emplacement privé payant 54 25.5%
Emplacement public illégal 1 0.5%
Tableau 49: Les emplacements de stationnement dans les lieux de travail / éducation
(enquête de mobilité, 2018)
Cela se reflète également dans les temps nécessaires pour trouver un stationnement. Pour
se garer au lieu de travail, la plupart des personnes (68%) ont besoin de moins de cinq minutes
comme le montre le tableau ci-dessous.
Temps pour se garer % (N=212) GBA Hors GBA
Jusqu’à 1 minute 31.1% 31.4% 47.6%
1 à 5 minutes 36.8% 39.05% 23.8%
5 à 10 minutes 17.45% 15.2% 19.05%
10 à 15 minutes 9.4% 10.5% 2.4%
15 à 30 minutes 3.3% 3.8% 2.4%
Plus que 30 minutes 1.9% 0% 4.8%
Tableau 50: Le temps nécessaire pour trouver un emplacement de stationnement
(enquête de mobilité, 2018)
Quant au coût monétaire, les chiffres concernant les dépenses pour le stationnement au
Liban sont rares. L’enquête montre que le coût médian de parking est estimé à 302$/an. Pour
les budgets consacrés au stationnement de travail ou d’éducation, 41% (n=87 pour n=212) ne
paient rien pour se garer et 4.7% (n=10) ne connaissent pas leur budget mensuel de parking.
Les 54.25% « payeurs » paient des montants variant de moins de 50.00 L.L. jusqu’à plus que
200.000 L.L. par mois. Les montants payés pour le stationnement quotidien s’affichent dans
ce tableau :
Coût de stationnement n (N=212) Pourcentage
Je ne paie rien 87 41%
<50.000 46 21.7%
50.000-100.000 35 16.5%
Entre 100.000 et 150.000 16 7.55%
Entre 150.000 et 200.000 12 5.7%
>200.000 6 2.8%
Je ne sais pas 10 4.7%
Tableau 51: Les prix de parking quotidien au Liban (enquête de mobilité, 2018)
154
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Les statistiques effectuées montrent que 20% d’automobilistes paient pour pouvoir se
garer à la GBA contre 46% qui le font à Beyrouth municipe où le prix moyen de stationnement
était estimé à 3.187 L.L./jour contre 2.500 L.L./jour à la GBA (Anas et al., 2017). Une autre
étude menée à Beyrouth en 2011 montre que le coût de parking pour la voiture est de 2$ (3.000
L.L.) par jour avec 7 minutes pour trouver un parking (Aoun, 2011). Pour les stationnements
dans les rues, dans les grandes villes (Beyrouth, Saïda et Tripoli), ils se trouvent souvent des
parcmètres au prix de 1.000 L.L./heure. En moyenne, les automobilistes se garent pendant 45
minutes sur ces emplacements payants, soit un coût de 750 L.L./jour (Anas et al., 2017).
Ces chiffres montrent que les emplacements de stationnement sont souvent disponibles et
gratuits. Le stationnement facile et gratuit joue un rôle majeur dans la détermination du choix
modal (Héran, 2001). Cette forte offre de parking et le temps de stationnement favorisent
l’usage de la voiture pour se rendre aux lieux de travail et d’études (Goodwin, 2001). Ainsi,
une grande partie de la capacité routière devient inutilisable pour donner de la place au
stationnement gratuit dans la rue au Liban (Nahas, 2009).
155
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
Lors de son acquisition, la voiture devient moins un bien de luxe secondaire et non
obligatoire et plus une nécessité auprès de laquelle les utilisateurs deviennent dépendants
(Banister, 2001; Begg, 1998; J. M. Dargay, 2001; Goodwin et al., 1995). Au Liban, malgré ses
coûts importants, la possession de la voiture est généralisée. Elle concerne toute la population
quel que soit les niveaux de revenu et la classe sociale.
Les chiffres montrent que le nombre de voitures a augmenté par un facteur sept (Perry,
2000; SISSAF, 2016; Yagi, 1994) durant les 4 dernières décennies (1974-2016). Cette forte
augmentation se traduit actuellement par un fort taux d’acquisition, de 340 véhicules/1000
habitants (307 voitures/1000 habitants). Un taux dix fois plus important que le taux des années
1970 et très élevé par rapport aux groupes de pays auxquels appartient le Liban (Moyen-Orient,
asiatique, Sud, …). Cela amène à de forts taux de motorisation individuels et par ménages :
environ 44% des adultes et 88% des ménages au Liban sont équipés. Ce taux a presque doublé
durant les 50 dernières années.
Au sein des ménages, le taux de multi-motorisation est considérable. Il est d’environ 1.7
voiture par ménage avec moins de 7% des ménages motorisés ayant des automobilistes qui se
partagent la même voiture. Cela indique le faible partage de l’automobile au Liban qui se traduit
ainsi par un faible taux d’occupation qui ne dépasse pas 1.5 passager/véhicule dans les
déplacements contraints et 2.63 dans les déplacements non contraints. Ces chiffres sont plutôt
comparables aux pays plus développés que le Liban.
Pour se déplacer, un Libanais consacre une moyenne de 9% de son revenu pour les
dépenses sur le transport qui forment 13% des dépenses totales (ACS, 2012a). Au niveau des
ménages, le transport prend 13% de leur revenu (ACS, 2013c; Nahas et al., 2016) et 14% de
leurs dépenses totales (Yaacoub & Bader, 2012). Ces budgets, proportionnels au revenu, sont
les plus bas à Beyrouth, centre du pays (cf. chapitre 1).
En comparant les moyens de transport, la voiture est le moyen le plus cher pour se déplacer
au Liban. Les dépenses en automobile forment seules 27% des dépenses totales sur le
156
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
transport62 et 3.52% de toutes les dépenses des Libanais. Ces chiffres proviennent des coûts de
possession, qui dépassent parfois la moitié de sa valeur63, des coûts d’exploitation et du coût
de stationnement.
La généralisation de l’automobile, malgré son coût élevé, s’explique par deux facteurs
socio-économiques : l’effet club (Dupuy, 1999b) et l’attachement socioculturel à la voiture.
L’effet club
La voiture constitue le mode de transport le plus attractif car elle offre de nombreux
avantages à ses usagers : confort, liberté, rapidité, sécurité (Anable, 2005; Genre-Grandpierre,
2007a, 2007b) et surtout un niveau élevé d’accessibilité grâce à sa vitesse et à la présence d’un
important réseau routier maillé (Dupuy, 1999b) qui lui permettent une suprématie par rapport
aux autres modes. Cela va ainsi pousser les non-automobilistes à être équipés pour profiter de
ses avantages. C’est ce que Dupuy (1999) appelle l’effet club. Il a lieu lorsque les non-
automobilistes cherchent à être équipés pour faire partie du « club » des automobilistes et
profiter par la suite des avantages, dits « bonus », offerts à ceux-ci par le « système
automobile ». En d’autres mots, « c’est par le comportement des autres que nous sommes
incités à utiliser l’automobile et que nous en sommes, par là-même, dépendants » (Dupuy,
1999b, p. 14).
Pour le cas libanais, nous empruntons la pensée de Dupuy pour proposer un premier
facteur qui explique la forte augmentation en nombre d’automobilistes malgré le coût élevé de
la voiture. Les chiffres de l’enquête renforcent cette proposition. Ils montrent que plus de la de
moitié des automobilistes au Liban 64 utilisent la voiture en raison des caractéristiques qu’elle
offre. Moins que 1% des automobilistes considèrent les coûts de la possession et de l’utilisation
de la voiture un facteur favorisant son utilisation au Liban.
62
Total de toutes les dépenses consacrées au transport au Liban.
63
Pour une voiture importée en 2019 à une valeur moyenne de (31.000.000 L.L.), cf. tableau 41.
64
50% des déplacements contraints et 60% des déplacements non contraints.
157
Chapitre 2. La voiture au Liban : possession coûteuse, mais généralisée
Les résidents du Liban se trouvent ainsi non seulement attirés par la voiture, mais surtout
séduits par ses caractéristiques offertes. Cette séduction, entre autres facteurs, ne leur laisse pas
le choix que d’être motorisés malgré le coût élevé payé de l’automobile. Ils procèdent ainsi à
une analyse coûts-bénéfices individuelle : ils comparent les coûts élevés de la voiture aux
avantages qu’elle offre et décident d’en avoir une voiture, même si son acquisition doit
entraîner sacrifices et endettement. Les résultats de l’enquête de mobilité valident cette
proposition. Ils montrent que presque la moitié (45%) des automobilistes se sont endettés pour
pouvoir acheter une voiture.
Cette première analyse nous amène à proposer que la possession généralisée de la voiture,
et par la suite la dépendance vis-à-vis d’elle, est subie au Liban. Elle est favorisée par les
avantages qu’offre la voiture et le club des automobilistes à ses membres, les automobilistes.
L’attachement socioculturel : un « habitus automobilis »
En outre des avantages objectifs que représente la voiture à ces usagers, sa forte possession
peut être également expliquée par un attachement socioculturel aux valeurs qu’elle véhicule.
La voiture se présente comme une drogue qui dicte le style de vie de ses usagers et construit
leur identité (Goodwin et al., 1995). Son utilisation peut générer des effets psychologiques et
émotionnels (Sachs, 1992, p. vii) et non seulement des effets structurels (étalement urbain,
réseau routier …) (Vrain, 2003; Wickham & Lohan, 1999).
Elle semble être un symbole de statut social par lequel les personnes peuvent exprimer
leur identité. Cela implique que l'utilité du déplacement en voiture dépend non seulement de sa
valeur instrumentale, mais aussi de facteurs symboliques et affectifs comme les sensations
d’intimité, de pouvoir, de statut et même de supériorité (Jensen, 1999; Steg, 2003, 2005;
Wickham & Lohan, 1999). A cela s’ajoute l’habitude qui est un facteur principal de
dépendance chez les automobilistes (Gardner, 2009) d’autant plus que son usage est régulier et
fréquent (Nilsson & Küller, 2000).
158
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
comportements, un "habitus", qui conduit les individus à réagir positivement aux sollicitations
marchandes dont ils font l'objet » (Vrain, 2003).
Au Liban, la voiture est « plus qu’un moyen de transport » (Orfeuil, 1994, p. 7). Elle est
devenue une nécessité qui ne peut pas être abandonnée (Perry, 2000). La littérature propose
que sa possession provienne d’un contexte socioculturel qui considère la voiture comme un
marqueur social (Bernier, 2010; Nahas et al., 2016; Perry, 2000). Elle est souvent acquise et
utilisée pour fournir un outil d'expression de l’identité ou de l’appartenance sociale via sa
marque, son âge ou même parfois son numéro d’immatriculation : plus le nombre est petit, plus
la plaque est coûteuse et plus le statut socio-économique est élevé (Bernier, 2010). De plus, il
existe une corrélation entre l’emploi et la dépendance automobile dont l’acquisition est
proportionnelle au revenu (EGIS & GICOME Consortium Team of Experts, 2016).
Les résultats de l’enquête vont dans le même sens. Ils montrent qu’une voiture sur quatre
au Liban est achetée neuve et que 6% de la flotte sont des voitures de luxe et de prestige. Au
niveau de la satisfaction, l’enquête a montré que plus de la moitié d’automobilistes sont
satisfaits de la voiture comme moyen de déplacement en dépit de son coût. Cette perception
sociale de la voiture n’est pas limitée au Liban. Elle se trouve dans des pays plus développés
(Cullinane & Cullinane, 2003), mais également dans des pays en développement (Banister,
2011).
159
160
CHAPITRE 3 : LA PRECARITE DE L’OFFRE DE
TRANSPORT AU LIBAN : UN CATALYSEUR DE
L’UTILISATION DE LA VOITURE
161
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
Ce chapitre suppose que la dépendance automobile au Liban soit favorisée par l’offre de
transport. Il cherche à expliquer comment la forte utilisation de la voiture est favorisée par les
deux éléments de cette offre : les infrastructures routières et les services de transport en
commun.
Pour les infrastructures routières, leur mise en place favorise la surefficience de la voiture
comme « monopole radical » (Illich, 1973b). Ces infrastructures permettent aux usagers de se
déplacer à de plus grandes vitesses. L’augmentation d’accessibilité qu’assurent ces vitesses est
un facteur favorable de dépendance automobile et permet à la voiture d’avoir une supériorité
par rapport aux autres modes (Dupuy, 1999b) .
162
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Au Liban, actuellement, seul le transport routier est utilisé pour se déplacer. Au regard de
sa superficie, les modes de transport aérien et maritime ne sont pas en mesure d’améliorer les
circulations des individus et des marchandises.
Pareil aux autres pays du Sud (Vrain, 2003), les routes occupent la part principale des
ressources consacrées aux infrastructures de transport au Liban. Les déplacements routiers sont
assurés par un réseau routier très important en matière de densité. Il se base sur deux autoroutes
principales ainsi que sur des routes intérieures qui relient tout le territoire (1.1). Au niveau de
la qualité du réseau, malgré la grande offre en infrastructures, celle-ci reste faible, les routes
sont quasiment exclusives pour la voiture, ne sont pas bien hiérarchisées et les coûts de leur
construction et de leur réhabilitation sont très élevés (1.2.).
1.1.La structuration du réseau routier au Liban.
La croissance urbaine qu’a vécue le Liban durant son histoire (cf. chapitre 1) a été
accompagnée par une forte expansion du réseau routier. Différemment des autres pays en
développement (Cervero, 2013), le Liban jouit d’une infrastructure routière importante.
163
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
Une des priorités de l’Etat est de densifier les infrastructures de transport sur la zone
côtière pour répondre à la densité démographique et économique dans cette zone. Ainsi, une
autoroute parallèle au littoral libanais relie le Nord au Sud du pays par la desserte des
principales villes côtières, notamment Beyrouth où se rencontrent les deux sections de
l’autoroute : l’autoroute du Nord (Beyrouth-Tripoli) et celle du Sud (Beyrouth-Sour-Naqoura).
L’autoroute du Nord relie Beyrouth à Tripoli, capitale du Nord. D’une longueur d’environ
80 km, elle part de Karantina à la sortie nord de Beyrouth jusqu’à Bahsas l’entrée sud de
Tripoli. Cette route souffre d’un très haut niveau d’embouteillages surtout sur le tronçon qui
relie Beyrouth à Tabarja (27 km de Beyrouth) où l’autoroute a déjà atteint sa capacité
maximale.
164
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
financé par B.O.T. et il propose de rendre la nouvelle autoroute payante65. L’ancienne reste
gratuite et alternative.
Une fois ce projet terminé, la connexion entre Beyrouth et Okaibeh sera résolue. Le
tronçon qui relie Okaibeh à Tripoli est déjà en pleine capacité. Il manque donc la liaison entre
Tripoli et la frontière syrienne pour relier Beyrouth à la frontière nord du pays. Un projet
d’autoroute a été ainsi lancé pour relier Badawi (nord de Tripoli) à la frontière syrienne.
L’autoroute du Sud commence à Khaldeh à la sortie sud de Beyrouth. C’est une autoroute
rectiligne qui relie la capitale à Saïda. A partir de Saïda, il y a deux autoroutes, une qui se dirige
vers l’intérieur, en direction de Nabatiyeh et la seconde qui relie Saïda et Naqoura en traversant
Sour. Cette autoroute fait partie de l’autoroute côtière et elle est la suite de l’autoroute du Nord.
Cette autoroute est en pleine construction. Les travaux ont atteint le point Ain Abou Abdallah
(à 37 km de Saïda et 10 km de Sour) où ils se sont arrêtés faute de financement. Une fois les
travaux terminés, Beyrouth sera reliée à Sour et ensuite à Naqoura (frontière sud) par une seule
autoroute.
Le point faible de cette autoroute est qu’elle traverse la ville de Saïda. Cela cause de grands
embouteillages et une grande pression sur les infrastructures de la ville. Pour résoudre ce
problème, le CDR a déjà lancé une étude d’une future autoroute qui aidera à traverser Saïda
sans être obligé de passer par la ville.
Malgré cela, elle ne possède pas les caractéristiques de routes internationales : dans
certains tronçons, les lignes de la route varient d’une à six lignes, l’éclairage est absent sur la
plupart de la route, des commerces (magasins, restaurants, garages …) sont installés aux deux
côtés de la route (Abi Khalil & Chbat, 2018) … La plus grande partie de cette route traverse la
montagne libanaise par des passages étroits (R. Choueiri, 2008).
65
Au Liban, le principe des autoroutes payantes n’est pas appliqué.
165
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
Au regard de ces mauvaises conditions, cette route est remplacée par l’Autoroute
Arabe qui relie le Liban à la Syrie, une partie d’un projet entre plusieurs pays du Moyen-Orient
(Abi Khalil & Chbat, 2018). Cette autoroute, dont l'étude initiale avait été réalisée entre 1969
et 1973 et achevée en 1986, sera d’environ 61 km de longueur entre Beyrouth et la frontière
syrienne. Les travaux de construction ont été lancés en 1994, mais les délais de réalisation
s’allongent en raison du manque de financement (Huybrechts & Verdeil, 2000) et des
problèmes d’exportation et techniques. L’autoroute est toujours cours de construction. Elle
n’est pas encore totalement achevée.
La figure ci-dessous établie par Abi Khalil et Chbat (2018) (figure 49) montre l’état du
réseau autoroutier actuel et les prévisions des projets
Figure 49: L’état actuel et la prévision des autoroutes (Abi Khalil & Chbat, 2018)
166
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
La structure en «T» reste, cependant, trop simple pour décrire la complexité du réseau
routier libanais (Bernier, 2010). En parallèle de ces deux autoroutes principales, un réseau de
routes secondaires s’est surimposé pour répondre aux besoins des déplacements des habitants
des régions internes. Ce sont les routes qui passent dans les régions montagneuses (surtout
ouest) du Mont-Liban et celles qui relient le Nord au Sud à l’image du tronçon en direction de
Bekaa via sa plaine (Bernier, 2010). Le caractère montagneux du territoire induit une contrainte
technique dans la construction de ces routes. En conséquence, le réseau routier des montagnes
est peu dense, sa performance et son taux de sécurité sont faibles (SISSAF, 2016). Ainsi, le
réseau passe de la logique en « T » à une logique en « H » « en dents de peigne » (Bernier,
2010). Le réseau routier total est constitué de routes locales contre un quart des routes
principales et un dernier quart de routes secondaires. Le tableau ci-dessous (tableau 53) montre
la répartition des routes principales, secondaires et locales sur les régions et les Cazas au Liban.
Régions Cazas Principales Secondaires Locales
Akkar 23.8% 3.0% 73.3%
Tripoli 26.7% 29.1% 44.2%
Zgharta 27.4% 22.1% 50.5%
NORD Koura 14.6% 39.9% 45.5%
Bcharré 68.1% 2.1% 29.8%
Batroun 37.4% 36.6% 26.0%
Total 33.0% 22.1% 44.9%
Jbeil 31.0% 25.1% 43.9%
Keserwan 38.0% 18.8% 43.2%
Maten 43.3% 20.1% 36.6%
MONT-LIBAN Baabda 43.0% 12.8% 44.2%
Aley 40.6% 23.2% 36.2%
Chouf 34.6% 26.3% 39.1%
Total 38.4% 21.0% 40.5%
Hermel 13.7% 20.4% 65.9%
Baalbek 24.8% 23.9% 51.3%
Zahlé 16.9% 21.4% 61.7%
BEKAA
Bekaa Ouest 62.0% 6.1% 31.9%
Rachaya 0.0% 37.1% 62.9%
Total 23.5% 21.8% 54.7%
Saïda 8.3% 32.3% 59.4%
Jezzine 26.7% 25.7% 47.5%
SUD
Nabatiyeh 18.7% 32.6% 48.7%
Sour 10.6% 30.8% 58.7%
167
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
Ce réseau routier complexe et maillé a été construit par accumulation historique. Son
expansion est parallèle à l’expansion urbaine du pays. Aujourd’hui ce réseau routier atteint
toutes les zones urbaines sur l’ensemble du territoire (Verdeil et al., 2019). La contribution des
routes à l'urbanisation de nouvelles zones se fait de deux manières, soit autour des routes
interurbaines créées par l’Etat, soit par l'ouverture de terrains par le secteur privé. Dans le
premier cas, le développement linéaire est encouragé et le second a contribué à l'incohérence
et le mauvais état du réseau local (SDATL, 2005).
La première route carrossable était celle de Beyrouth-Damas qui a été décrétée en 1856 et
inaugurée en 1863 (Babikian, 1997; Ruppert, 1999). Durant cette époque, plusieurs autres
projets de routes et de ponts ont eu lieu. Ils visaient à relier les villes de la Mutasarrifiya du
Mont-Liban (cf. chapitre 4, section 1.2.1.) entre elles et avec les villes de Beyrouth, Damas et
Tripoli (Nahas et al., 2016).
66
Année de la naissance de l'État du Grand Liban (cf. chapitre 4, section 1.2.).
67
Année de la constitution de la République Libanaise (cf. chapitre 4, section 1.2.).
168
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Figure 50: Le réseau routier en 1926 (basée sur la carte de Bernier (2010))
169
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
Figure 51: Le réseau routier au Liban en 1964 (basée sur la carte de Bernier (2010))
Durant la guerre civile, une grande partie du réseau routier est détruite (G. Faour et al.,
2007). Pendant les années après-guerre, l’expansion du réseau routier a continué. Ce réseau
s’est densifié surtout à Beyrouth, point focal de la reconstruction après la guerre (Buccianti
Barakat, 2004), mais aussi tout au long du littoral et autour des villes principales et secondaires
dans les quatre coins du pays. La même tendance de l’expansion continuait ensuite amenant à
170
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
un réseau très répandu qui dessert tout le territoire et qui est le plus dense dans les zones
urbaines (Verdeil et al., 2019) (cf. figures 52 & 53).
Figure 52: Le réseau routier libanais en 2005 (G. Faour et al., 2007)
171
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
Figure 53: Les zones urbaines et le réseau routier au Liban (Verdeil et al., 2019)
172
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
1.2.1. Un réseau routier dégradé, un faible partage de la voirie à l’ensemble des modes de
déplacements
Le Liban est le 127ème pays sur 138 sur l’échelle de la qualité des routes et le 94ème pays
sur l’indice de connectivité routière (WEF, 2018). Le mauvais état du réseau routier ne provient
pas de la quantité de l’offre d’infrastructures, mais plutôt de son manque de qualité. Cela résulte
surtout du manque de sérieux dans l’exécution des projets de maintenance et de réhabilitation.
Les informations et les données sur les conditions du réseau routier ne sont pas souvent
disponibles. La seule enquête nationale sur la qualité des routes a eu lieu entre 2000 et 2002 et
n’a concerné que le réseau classifié. Elle a montré que seulement 18% du réseau est en bon
état, 47% en moyen état, 28% en faible état et 7% en état critique (E. M. Choueiri et al., 2013).
Ce réseau est ainsi considéré être en moyen état (Blom Invest, 2015; Nahas, 2009) avec les
régions de la Bekaa et d’Akkar qui ont les pires réseaux routiers (SISSAF, 2016). Pour le réseau
routier non classifié, les données ne sont pas disponibles.
Quant à la qualité de la voirie, les pavés sont souvent dégradés et les nids de poule sont
très nombreux. Par ailleurs, les lignes de marquages, les signes routiers et les éclairages sont
absents sur la plus grande partie du réseau (SISSAF, 2016). Les routes sont souvent conçues
pour desservir les déplacements motorisés, surtout la voiture particulière (Nahas et al., 2016).
Les aménagements des routes dans les villes libanaises, surtout Beyrouth, les a rendues des
« villes adaptées à l’automobile » (Héran, 2005) où les voies à sens uniques et les carrefours à
feux sont de plus en plus généralisés. Le but étant d’améliorer la gestion du trafic,
l’amélioration requise de ces mesures reste limitée à la voiture privée. Par exemple, les feux
routiers imposent aux piétons des détours plus longs et les voies à double sens augmentent le
173
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
danger pour les piétons68 et négligent la vie locale en faveur de la circulation (Héran, 2005).
Le déplacement des piétons est rendu difficile : les trottoirs sont souvent cassés, bloqués, trop
hauts (MoE et al., 2011; Myntti & Mabsout, 2014) ou impraticables en raison de voitures ou
de motos garées (Barakat & Chamussy, 2002) (cf. figure 54). Les passages piétons sont aussi
souvent absents (cf. figure 55). La situation est dangereuse et désagréable pour les personnes
valides, et elle limite considérablement la mobilité des personnes à mobilité réduite, âgées et
avec enfants (Myntti & Mabsout, 2014). Beyrouth est une ville automobile et hostile aux
piétons (Barakat & Chamussy, 2002).
Figure 54: Des trottoirs encombrés à Beyrouth - 18 juillet 2018 (photos personnelles)
Figure 55: L'absence des marquages et des passages piétons à Beyrouth - 18 juillet 2018
(photos personnelles)
La situation est aggravée par le manque de parcs publics et d’espaces verts dans la ville
(Barakat & Chamussy, 2002) : Beyrouth ne possède que 0.65 m2 d’espaces verts par habitant
contre 10 m2 exigés par les standards internationaux et les rares zones piétonnes (Corniche,
partie du centre-ville, zone 30 à Barbour et Hamra ...) sont d’une superficie totale qui ne
68
Elles augmentent aussi le danger pour les cyclistes et rendent plus compliqué l’usage des transports en
commun (Héran, 2005) mais ces deux cas ne sont applicables au Liban.
174
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
dépasse pas 287.000 m2 (SISSAF, 2016). Ainsi, bloqués et brisés tels quels, les rues et les
trottoirs, très dégradés, sont les principaux espaces publics de Beyrouth (MoE et al., 2011;
Myntti & Mabsout, 2014).
En 1998, le mauvais état de la voirie est le facteur principal qui gêne les déplacements des
Libanais (MoE & LEDO, 2001). D’après notre enquête, actuellement, le mauvais état du réseau
routier et les travaux sont respectivement le deuxième et le troisième facteurs cités par les
enquêtés, après les embouteillages, comme sources de gêne lors des déplacements.
Contraints Non contraints
(N=413) (N=470)
n % n %
Les bouchons et les embouteillages 326 69.4% 336 71.5%
La fiabilité des transports en commun (retard, grève …) 89 18.9% 73 15.5%
Les difficultés de stationnement 91 19.4% 131 27.9%
Risques reliés à l'insécurité routière 125 26.6% 140 29.8%
Les pannes de véhicule 31 6.6% 47 10%
Les travaux sur la voirie 168 35.7% 174 37%
Les mauvaises conditions du réseau routier 192 40.9% 203 43.2%
Tableau 54: Les facteurs gênants durant les déplacements des Libanais (enquête de
mobilité, 2018)
Depuis 1992 et jusqu'en 2010, les projets d’infrastructures routières ont coûté environ 1.8$
milliard (CDR, 2012). Une part importante du budget des transports est consacrée à la
maintenance du réseau. Parfois, ces fonds alloués à la réhabilitation des routes ou à la
reconstruction sont affectés à de nouveaux projets (SISSAF, 2016). Il faut au moins 1.2$
milliard pour la réhabilitation des routes interurbaines (SDATL, 2005). Les coûts annuels de
maintenance du réseau routier libanais sont estimés à 40$ millions pour les routes classifiées
et de 73$ millions pour les unes non classifiées. Ces coûts sont plus coûteux que ceux d’autres
175
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
pays (Mallah, 2010). Pour les coûts de constructions, ils sont les plus élevés pour les routes
internationales et les moins coûteuses sont les routes locales.
Coût de construction (estimé) ($/m2)
Internationales 35$ Secondaires 20$
Principales 25$ Locales 16$
69
Tableau 55 : Les coûts de construction des routes au Liban (Anas et al., 2017)
Pour couvrir ces coûts, les parties concernées ont récemment augmenté leurs dépenses de
construction. Le ministère qui attribue 25% de son budget sur ces dépenses, a triplé sa
participation, le CDR a doublé ses dépenses et les municipalités les ont augmentés de 450%
entre 2008 et 2012 (Nahas, 2009; SISSAF, 2016) (cf. tableau 56).
Environ 42% des dépenses du MTPT étaient consacrées pour la construction des routes
contre 58% pour leur maintenance (SISSAF, 2016) (cf. figure 56) et 25% des dépenses du CDR
sur les infrastructures étaient consacrées aux travaux et projets routiers entre 1992 et 2012
(SISSAF, 2016).
104,470
117,585 122,108
81,405 263,360
61,355 175,925 180,900
58,793 75,375
Maintenance Construction
Figure 56: Les dépenses du MTPT (en L.L.) sur les routes entre 2008 et 2012 (SISSAF,
2016)
69
Ces chiffres excluent les coûts des infrastructures latérales (murs, canaux, ponceaux, barrières, etc.)
176
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Ces dépenses restent toujours insuffisantes pour maintenir le réseau et lui fournir les
normes de qualité acceptable (World Bank, 2017c). Il faut, comme coût initial, 1.3$ milliard
pour rendre la totalité du réseau routier en bon état et 100$ millions par an comme coût
d’entretien annuel pour pouvoir conserver cet état (Nahas, 2009; SDATL, 2005).
Quant aux recettes relatives aux transports, celles-ci sont reçues sous la forme de recettes
des frais d’immatriculation, des taxes sur les carburants, des recettes douanières d’importation
des véhicules et des pièces de change, les frais des permis de conduire, les frais du contrôle
technique annuel … (Mallah, 2010). Sur ces recettes s’ajoutent les impôts locaux qui sont
perçus par les municipalités et qui passent dans leur intégralité au gouvernement central. Les
recettes ne sont pas dépensées en totalité sur des projets de routes ou de transport. Par exemple,
en 2010, 650$ millions ont été collectés sur les usagers de la route dont seulement 120$ millions
ont été dépensés pour les routes (Mallah, 2010). En février 2017, la Banque Mondiale a prêté
au Liban un montant de 200$ millions pour que ce dernier puisse maintenir 500 km de routes
classifiées.
177
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
L’efficacité dont jouit le système automobile par rapport aux autres systèmes de transport
favorise la dépendance automobile dans un territoire (Héran, 2001). La dépendance est ainsi
« un processus dans lequel les performances supérieures de la voiture particulière par rapport
aux autres modes tendent à lui donner une place croissante et hégémonique » (Motte-Baumvol,
2007). L’absence d’un moyen de déplacement alternatif pousse les ménages à être motorisés
et dépendants de leurs voitures pour pouvoir accomplir leurs déplacements (Nicolas et al.,
2012; Wickham & Lohan, 1999).
La mauvaise situation actuelle du transport collectif au Liban n’a pas toujours existé.
Durant son histoire, le Liban a eu un réseau de chemin de fer, un tramway et un réseau de bus
qui formaient un système de transport en commun relativement efficace. Malheureusement, ce
système n’a pas duré longtemps et s’est détérioré suite à des circonstances sociopolitiques,
notamment la guerre civile, la négligence de l’Etat sur ce domaine et le manque de
planification.
2.1.1. L’histoire du chemin de fer au Liban
L'idée de relier Beyrouth à Damas a été développée avec l’augmentation des échanges
commerciaux entre ces deux villes à la fin du XIXème siècle sous l’Empire Ottoman. Durant
cette période, le transport de marchandises se faisait par des animaux et le trajet Beyrouth-
Damas durait quatre jours (Boutros, 2014). L’idée était de créer une ligne qui relie les deux
178
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
villes. En 1856, les Ottomans accordent la mise en place d’une route carrossable qui est
inaugurée en 1863 (Babikian, 1997; Ruppert, 1999).
En parallèle, l’ambition des Européens de s’investir dans les pays du Moyen-Orient, dont
le Liban, les a poussés à projeter la mise en place d’un réseau de chemin de fer. Cette ambition
européenne coïncidait avec celle des Beyrouthins : la compétition entre Beyrouth et les deux
villes côtières de Tripoli et Haïfa, sur le rôle commercial que jouait chacune, poussait les
Beyrouthins à admettre que seule la présence du port ne pouvait pas leur donner avantage sur
les deux autres villes. Ils pensaient donc relier le port avec l’intérieur du pays par un chemin
de fer (Ruppert, 1999).
En 1871, les Ottomans accordent le projet de ce chemin de fer et 20 ans après, en 1891,
« La Société des Chemins de Fer Ottomans de Beyrouth-Damas-Hauran » et « La Société
Française du Chemin de Fer » obtenaient la concession pour construire une ligne ferroviaire
de Beyrouth à Damas (147 km) puis vers le sud jusqu'à Hauran (100 km de Damas) en Syrie
(Ludvigsen, 2008). Quatre ans plus tard, le 3 août 1895, le premier train roulait de Beyrouth
vers Damas via la gare de Rayak à la Bekaa (Abi Younes, 2014; Hughes, 1981).
En 1902, la construction d’un second chemin de fer reliant la Bekaa à la Syrie commençait.
Ce chemin, inauguré en 1906 par la « Société Economique Damas-Hama et Prolongements »
(DHP), reliait Rayak à Baalbeck ensuite Homs pour arriver à Alep (Syrie) (Babikian, 1997;
Bernier, 2010).
Dans le cas présent, ce sont les Britanniques qui vont demander l’accord des Ottomans
pour construire la ligne Tripoli-Deir El-Zour (Syrie). Les Français percevaient ce nouveau
chemin comme menace pour leur chemin (Beyrouth-Damas). Cela a causé des conflits avec les
Britanniques et a poussé les Ottomans à reporter le projet jusqu’en mars 1910 (Attamaddon,
2014). Un an après, le 1er juin 1911, la ligne était inaugurée et mise en service (Babikian, 1997).
179
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
Elle mesurait 104 km de longueur et desservait les villes de Tripoli, Abdeh, Wadi Khaled,
Khorbtini et Homs. Durant la Première Guerre mondiale, la ligne ne fonctionnait plus. Elle a
été remise en service après la fin de la guerre par DHP (Attamaddon, 2014).
c- La ligne côtière
Durant les deux guerres mondiales, le Liban a vécu son âge d’or du transport ferroviaire
avec environ 30 trains qui arrivaient chaque jour à Beyrouth et Tripoli. Ces deux dernières
n’étaient pas reliées par un chemin de fer que jusqu’en 1942, sous le mandat français (Abi
Younes, 2014; Ludvigsen, 2008). Durant cette année, l’armée britannique a inauguré un
chemin de fer entre Beyrouth et Haïfa en Palestine (Ludvigsen, 2008) en passant par Naqoura
à la frontière sud. Avec cette liaison, Tripoli était reliée à Haïfa via Beyrouth permettant ainsi
à l’Europe d’être complètement reliée à l’Afrique par le réseau « Orient Express » qui traversait
tout le littoral libanais (Abi Younes, 2014; Boutros, 2014).
70
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180
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Figure 58: Les phases de construction du chemin de fer au Liban (Nahas et al., 2016)
d- La nationalisation du chemin de fer
En 1946, le gouvernement libanais achète la ligne NBT, qui était opérée par la DHP, pour
5£ millions. Dix ans après, le 6 juin 1956, l’Etat libanais nationalise la totalité du réseau
ferroviaire après acquisition des lignes des deux entreprises (DHP et NBT) et les unit sous le
nom de « Chemin de Fer de l’Etat Libanais – CEL » (Ludvigsen, 2008).
Le 14 avril 1961, l’Office des Chemin de Fer et de Transport Commun de l’Etat Libanais
(pour Beyrouth et ses banlieues seulement au début) est établi. Cet office sera ensuite l’Office
des Chemins de Fer et des Transports en Commun (OCFTC) (cf. chapitre 4, section 2.1.1.)
181
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
responsable de gérer et de maintenir le réseau de chemin de fer formé des 3 lignes suivantes
(cf. figure 59).
Figure 59: Les trois lignes de chemin de fer au Liban (Hankir, 2008)
La ligne NBT entre Naqoura et Tripoli, via Beyrouth, mesure une longueur d’environ 233
km environ. Elle passe par : Naqoura, Sour (Tyr), Adloun, Zahrani, Saïda, Jiyeh, Khaldeh,
Beyrouth (Gare de Mar Mikhael), Dbayeh, Jounieh, Tabarja, Nahr Ibrahim, Jbeil, Batroun,
Chekka, Anfeh, Kalmoun, Bahsas et Tripoli. Elle continue ensuite vers la Syrie via Baddaoui,
El Abdi, Tal Abbas pour arriver à Homs.
Les deux autres lignes partaient de Beyrouth vers la Bekaa et ensuite la Syrie. Elles avaient
le même trajet jusqu’à Rayak : Beyrouth (Gare de Mar Mikhael), Furn El Chebbak, Hadath,
Baabda, Jamhour, Araya, Aley, Bhamdoun, Sawfar, Dahr El Baydar, Mreijet, Jdita, Chtaura,
182
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Saadnayel, Zahlé et Rayak. A Rayak, les deux lignes se séparaient. Une première se dirigeait
vers la frontière libano-syrienne pour une longueur totale de 82 km. En Syrie, la route
continuait vers Serghaya, Zabadani et enfin Damas. La seconde se dirigeait de Rayak vers
Talia, Baalbeck, Laboueh, Ras Baalbeck, El Kaa à la frontière pour une distance de 91 km (de
Beyrouth). En Syrie, cette ligne desservait Homs via Kseir (Abi Younes, 2014; Ludvigsen,
2008). Durant sa dernière décennie, le train transportait une moyenne de 76.300 passagers/an
entre 1961 et 1970.
Passagers Nombre de passagers-km
1961 71.000 5.5
1962 73.000 6
1963 64.000 5.3
1964 73.000 5.8
1965 80.000 6.7
1966 80.000 6.6
1967 80.000 6
1968 88.000 6.7
1969 78.000 7.3
1970 76.000 7.4
Tableau 57: Le nombre de passagers ferroviaires entre 1961 et 1970 (Chatila, 2015)
La guerre civile qui commençait en printemps 1975 avait une grande influence sur le
réseau de chemin de fer. Plusieurs liaisons ont été détruites ou coupées, une grande partie des
installations ont été volées et des pistes ferroviaires ont été dépouillées par les empiétements.
183
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
En 1999, le MTPT a fait une tentative pour rétablir le chemin de fer côtier par une ligne
entre Damour et Jounieh avec un projet d’extension vers Tripoli. Ce projet était le premier à
présenter les différentes options pour relier le centre de Beyrouth au corridor nord par un Light
Rail Transit (LRT) ou un Bus Rapid Transit (BRT). Considéré coûteux et ayant plusieurs
contraintes, il n’a pas été mis en place (Nabti, 2004).
Le premier tram à Beyrouth se nommait « Albaghali », à la fin du XIXème siècle, avec des
véhicules qui roulent sur des rails et tirés par des animaux (Almughtareb, 2015; Nammour,
2002). Ensuite, le tramway électrique apparait en lien avec l’électrisation de Beyrouth dès le
début du XXème siècle. Ce fut d’abord un tram jaune durant l’ère ottomane et jusqu'aux années
1920, puis un tram vert jusqu'à la fin des années 1940 et enfin un tram rouge jusqu'en 1964
(Almughtareb, 2015).
Après plusieurs tentatives infructueuses depuis 1895, en 1905, les Ottomans accordaient
leur approbation pour construire un tramway électrique (Abi Younes, 2015; Almughtareb,
2015; Nammour, 2002). En juin 1908, le tramway a été inauguré et le 8 avril 1909, il fait son
premier aller-retour dans les rues de Beyrouth (Nammour, 2002). Le tram reliait les quartiers
beyrouthins entre eux et avec la région frontalière de la Wilaya de Beyrouth avec la
Mutessarifia du Mont-Liban. Le trajet de tram desservait cinq lignes (Abi Younes, 2015;
Nammour, 2002) (cf. figure 60).
184
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Figure 60: Les lignes de tramway de Beyrouth entre 1908 et 1963 (N. Nakkash, 2018)
Lors de son lancement, le tram de Beyrouth circulait dans un seul sens avec seulement 13
véhicules au début puis 52 véhicules en 1912 (Abi Younes, 2015). Son âge d'or se situe dans
les années 1930 sous le mandat français. Le tramway couvrait 12 km autour du centre de
Beyrouth et fonctionnait de 6h00 du matin jusqu’à minuit (Almughtareb, 2015). Il circulait à
double sens et le nombre de véhicules augmentait de 112 en 1928 à 212 en 1934 (Abi Younes,
2015). Une vingtaine d’années après, en 1954, le tramway de Beyrouth était nationalisé et
renouvelé (Abi Younes, 2015; Almughtareb, 2015).
La forte propagation de la voiture à Beyrouth depuis les années soixante, avait poussé les
autorités à réduire le système de tramway progressivement avant de l’arrêter totalement en mai
1964. En 1965, le tramway est complètement arrêté (Abi Younes, 2015; Almughtareb, 2015)
et est remplacé par un réseau de 150 bus exploités par les anciens employés de tramway sous
la gestion de l’OCFTC.
185
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
Les bus qui ont remplacé le tramway (cf. figure 63 et figure 64) ont fonctionné pendant
une dizaine d’années avant la guerre. Durant celle-ci, il n’y avait que les taxis comme moyens
de transport en commun sans services réguliers de bus (Parlement Libanais, 2002; Perry, 2000).
71
https://www.beirut.com/l/19321
72
https://www.reddit.com/r/lebanon/comments/b5p9w2/lebanons_tramway_19081965/
73
https://www.the961.com/old-lebanon/this-is-what-beirut-was-like-before-the-war
186
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Figure 63: Le tramway de Beyrouth et les bus qui l'ont remplacé - 1964 (annahar.com)74
74
https://say7at.annahar.com/article/883377
75
Une carte grise qui indique clairement que le véhicule est utilisé pour le transport collectif.
187
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
(Traffic and Vehicle Management Authority) (cf. chapitre 4, section 2.1.1.). Pour obtenir une
plaque rouge neuve, il faut juste présenter un dossier auprès de la Direction Générale du
Transport Routier et Maritime (DGTRM) (au sein du MTPT, cf. chapitre 4, section 2.1.1).
Toutefois, depuis la décision ministérielle no 9 (du 5 avril 2000) qui précise le nombre de plaque
d’immatriculation rouges à 27.061 plaques76, aucune plaque rouge neuve pour les transports
collectifs a été distribuée au Liban. Aujourd’hui, le « marché » des plaques rouges se fait
librement entre particuliers. Une plaque d’immatriculation rouge est susceptible d’être vendue
d’un propriétaire à un autre ou bien d’être louée à une autre personne. Ses prix varient
actuellement entre 21.000$ pour une voiture de taxi et plus que 30.000$ pour les bus et minibus
(2017). Il n’existe pas de critères spécifiques pour acheter ou louer une plaque rouge au Liban.
Une personne, physique ou moral, peut avoir, en même temps, plusieurs plaques rouges
immatriculées à son nom (résultat de l’entretien C, 1er avril 2017).
Après la guerre, en 1994, une loi (no 384) a permis la livraison de milliers de plaques
d’immatriculation rouges. Cette loi a permis à toute personne possédant une plaque rouge d’en
avoir une deuxième gratuitement. Cette initiative a provoqué l’augmentation du nombre de
plaques de 10.650 à 33.290 en deux années (1996-1998) (Baaj, 2000; Diab & Obeid, 2012;
Nabti, 2004). En 2000, l’Etat a pris la décision de retirer 10.000 plaques (MoE et al., 2012)
mais ne l’a pas exécutée jusqu’à présent (Aoun, 2011).
En 1997, l’Etat a acheté 200 bus de 50 passagers (CODATU, 2012). Ces bus ont été
associés à plusieurs inconvénients dès leur achat. Ils étaient de grandes tailles ce qui les
empêchait de pouvoir rouler dans les rues étroites. De plus, dès leur acquisition, 60 bus étaient
déjà hors service à cause de problèmes mécaniques. Ensuite, 50 autres sont tombés en panne
après leur mise en service. Ce scandale est connu au nom de « scandale Karosa » par référence
76
La décision n’est pas encore été exécutée jusqu’à présent. Le nombre des plaque est toujours d’environ
33.300 plaques rouges pour le transport collectif.
188
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
à la marque des bus. Ainsi, moins de la moitié des bus ont pu être mis en service et circuler sur
27 lignes entre Jounieh et Saïda (Boutros, 2015). En 1997, les bus faisaient 61.360
déplacements/an et en 1998, ils enregistraient un record de 14 millions passagers/an générant
des revenus de 4.7$ millions (MoE et al., 2011).
Deux ans après, en 2000, l’Office des Chemins de Fer et des Transports en Commun
(OCFTC), entité étatique qui fournit l’offre étatique de transport en commun (cf. chapitre 4,
section 2.1.1.), possédait au total 302 bus qui circulaient sur deux réseaux : la GBA (22 lignes)
et la Bekaa (15 lignes) (Baaj, 2000) avec une projection d’établir des réseaux de bus dans le
reste du territoire à la suite d’un accord de coopération avec la région Midi-Pyrénées en France
(SISSAF, 2016). Le nombre de passagers transportés, en 2000, a diminué vers 11.4 millions de
passagers. En 2002, le nombre des bus diminuait à 276 bus dont 135 mis en circulation
(Parlement Libanais, 2002).
Ce réseau de bus fonctionnait d’une manière organisée avec des horaires précis et des
arrêts clairement signalés. Ils constituaient une concurrence forte pour les opérateurs privés qui
considéraient que les bus étatiques devaient être éradiqués. Ils commençaient à utiliser leurs
arrêts les poussant ainsi à quitter les abribus et rouler sans arrêts définis et horaires précis
(Osman, 2015). Seulement un tiers de la capacité des bus étatiques, estimée à 291.000
passagers (2002), était utilisé (Parlement Libanais, 2002). Ensuite, l’O.C.F.T.C demandait une
subvention de 13.3$ millions qui a été considérée comme coûteuse et donc refusée par le
gouvernement (Baaj, 2000, 2002).
Entre 1998 et 2002, 31% des déplacements à GBA se faisaient par transport collectif
(SDATL, 2005). Cependant, les chiffres de l’OCFTC, en 2001, ont montré que 68% des
usagers de ses bus considéraient les itinéraires convenables mais les véhicules en mauvaises
conditions et non confortables et les temps de déplacement longs surtout aux heures de pointe
(Parlement Libanais, 2002). Le taux d’utilisation des transports collectifs continue ensuite à
diminuer. Sur les 2 millions de voyages quotidiens effectués en 2003, 83% se faisaient par
véhicules privés contre 17% par transport en commun. En 2004, le gouvernement a accordé
l'achat de 250 bus, mais ce projet n'a pas eu lieu et la situation du transport collectif s’est
détériorée ultérieurement (Boutros, 2015). En 2007, l’activité de l’OCFTC continue à se
réduire avec la diminution de 27% du nombre de bus, de 25.6% des km parcourus, de 34.2%
en nombre de voyages et 31% en nombre des passagers. Plus tard, les revenus ont diminué de
31.4% (ACS, 2007b). Les bus ne desservaient que trois régions : la GBA, la Bekaa et Tripoli.
189
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
En novembre 2008, les services de bus étatiques se sont arrêtés à Tripoli et en juillet 2009
ils se sont arrêtés à la Bekaa. Ainsi, début 2010, seuls 35 bus desservent la GBA et ont effectué
3.102 voyages d’une distance de 80.676 km avec 119.053 passagers et 60 millions L.L. de
revenus (ACS, 2011). A partir de novembre 2010, le service s’arrêtait aussi à Beyrouth où
l’OCFTC n’avait que 4 bus seulement (Boutros, 2015). Le graphe ci-dessous (cf. figure 65)
montre l’évolution en nombre des bus de l’OCFTC entre 1964 et 2015.
Figure 65: L'évolution en nombre de bus de l’OCFTC entre 1964 et 2015 (Osman, 2015)
2.2.Le transport en commun actuel : un système peu compétitif par rapport à la voiture
190
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
dans plusieurs agglomérations au monde, notamment dans les pays en développement : Alger,
Dakar, Dar Es Salam, Nairobi, le Caire, Damas, Téhéran, Dakka, Manille, Mexico, Sao Paulo
… (Godard, 2005a, 2005b, 2008b).
2.2.1. L’offre de transport en commun : une domination du secteur privé
Malgré sa forte densité urbaine (cf. chapitre 1, section 1) et les distances de déplacements
relativement courtes (cf. chapitre introductif, section 2.2.3.), favorisant les transports en
commun (Newman & Kenworthy, 1989a), le Liban est dépourvu d’un système de transport en
commun fiable. Après avoir vécu son âge d’or, le système de transport en commun actuel n’est
pas du tout satisfaisant (Nahas, 2009; Nahas et al., 2016; SISSAF, 2016). L’offre étatique étant
quasiment absente, le transport collectif est assuré par une offre privée artisanale.
Le transport en commun privé est opéré et géré par des particuliers, des entreprises et des
syndicats. C’est un transport artisanal opérant au niveau urbain et interurbain (Nahas, 2009).
Une exploitation artisanale se base, sauf exception, sur des véhicules de tailles et capacités
réduites (Godard, 2004, 2008b). Au Liban, les véhicules exploités sont les petites voitures de
taxis et taxis-service, les minibus et les bus. Pour qu’il soit formel et circuler légalement, un
véhicule de transport en commun doit être muni d’une carte grise dédiée et doit être
immatriculé par une plaque d’immatriculation rouge qui le distinguent des véhicules
particuliers77.
77
Les véhicules particuliers sont immatriculés par une plaque d’immatriculation blanche.
78
Seuls les propriétaires (non les locataires) d’une plaque d’immatriculation rouge profitent de la CNSS
(Abi Yaghi & Catusse, 2011).
79
En 2001, l’Etat a pris la décision de retirer 10.000 plaques d’immatriculation rouge des taxis et des taxis-
service mais ne l’a pas exécutée jusqu’à présent (Aoun, 2011, MoE et al., 2012).
191
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
La loi au Liban autorise d’avoir plusieurs plaques rouges immatriculés au nom d’une seule
personne (ou entreprise). Cela contribue parfois à la création d’une cartellisation dans ce
domaine : il se trouve parfois des personnes qui possèdent, chacune, un certain nombre de
plaques rouges et qui les louent à des particuliers (parfois d’une manière illégale 80) (résultat de
l’entretien C, 1er avril 2017). Nous n’avons pu avoir des données spécifiques sur ce sujet.
Quant aux syndicats de transport au Liban, ils sont très politisés et leur rôle se limite à la
participation dans les propositions de lois concernant le transport collectif et à recenser les
véhicules de transport collectif et les personnes exerçant le métier de conducteur de transport
collectif (résultat de l’entretien C, 1er avril 2017) (cf. chapitre 4, section 2.1.2.).
Les véhicules individuels opérant dans le transport collectif sont les voitures de taxi ou
taxi-service, les bus de tailles moyenne (24 passagers) et grande (32 passagers) et les minibus
(de 11 ou 14 passagers).
Les taxis et les taxis-service ont deux fonctions qui peuvent être accomplies par une petite
voiture de la manière suivante : la voiture circule dans les routes et attend à ce qu’une personne
l’arrête et lui indique la destination désirée ; le conducteur peut alors refuser ou accepter de
transporter la personne. Si la voiture est partagée par plusieurs personnes pour plusieurs
destinations différentes, le service correspond au principe de « taxi-service » (cf. figure 66).
Par contre, si le véhicule n’est pas partagé par plusieurs personnes et il est pris par une seule
personne (ou un groupe de personnes ensemble) pour une seule destination, il sera
nommé « taxi » et sa tarification sera plus élevée.
80
Sans contrats, ou à des personnes qui ne possèdent pas de permis de conduire spéficique pour conduire un
véhicule de transport collectif.
81
https://www.beirut.com/l/44714
192
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Les minibus (cf. figure 67 a) et les bus (cf. figure 67 b) suivent souvent des trajets entre
deux points sans nécessairement respecter le même itinéraire. Les véhicules roulent sans
horaires prédéfinis ni arrêts fixes. Ils opèrent le plus souvent à Beyrouth et ses banlieues, mais
aussi entre les villes. Cependant, les bus, dont la flotte est moins importante que celles des
minibus, desservent moins de trajets.
Figure 67: Un minibus (a) et un bus (b) de transport en commun privé (annahar.com,
almodon.com)8283
D’après une enquête faite par Anas et al. (2017), 18 lignes de bus/minibus ont été
recensées à GBA et Beyrouth municipe. Ces lignes se divisent en deux catégories : véhicules
gérés par un opérateur et exploités par des conducteurs (14 lignes) et des véhicules possédés
par des particuliers et loués à des conducteurs (4 lignes) qui les exploitent (Anas et al., 2017).
No ligne bus/jour Minibus/jour No ligne bus/jour Minibus/jour
1 11 169 12 5
2 16 14 17
3 9 15a 15
4 11 167 15b 13
5 15 15c 13
6a 21 16 16
6b 14 24 4
7 49 A 11 180
9 5 Tripoli 30 475
275 991
Tableau 59 : Les bus et minibus de transport collectif à GBA (Anas et al., 2017)
Les véhicules ne possèdent pas de compteur et leurs tarifs varient selon le moyen utilisé
et la distance du voyage. Les tarifs sont souvent fixés par les autorités (MTPT, OCFTC,
syndicats, …) mais ne sont pas toujours respectés. Ils varient, pour un aller simple, entre 2.000
L.L. pour les taxis-service et 1.000 L.L. pour les bus et minibus pour les courtes distances et
augmentent selon la distance parcourue. Pour le taxi, le passager doit payer environ 10.000
82
https://say7at.annahar.com/article/855709
83
https://www.almodon.com/society/2016/3/18/المشترك-النقل-باصات-في-واربح-إركب
193
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
L.L., ce qui équivaut à la tarification de 5 passagers, pour les trajets courts. Les tarifs
augmentent selon la distance et sont définis par accord entre le conducteur et le(s) passager(s).
Le fonctionnement de ces trois types de service est le même. Avec l’absence des arrêts
fixes, la personne souhaitant emprunter un transport collectif doit se mettre au bord de la rue
et attendre le passage du véhicule. Pour certains trajets, il existe un numéro de trajet que certains
véhicules affichent pour aider les passagers à savoir si le véhicule dessert leur destination.
Sinon, le passager potentiel doit demander au conducteur de s’arrêter (par des gestes de mains
souvent) pour lui demander s’il dessert sa destination ou pas. Un usager de transport collectif
peut à tout instant demander de débarquer. Avec l’absence des arrêts, les véhicules s’arrêtent
souvent soudainement, parfois au milieu de la route, pour embarquer ou débarquer des
passagers.
La figure suivante (cf. figure 68) montre les différentes lignes de bus et de minibus à la
GBA. Elle a été conçue par l’association Bus Map Projet84 en 2017.
84
Une ONG qui s’occupe du transport en commun au Liban.
194
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Figure 68: Les lignes de bus privés à la GBA (Bus Map projet, 2017).
b- Les entreprises
195
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
Les entreprises les plus connues sont Connexion (30 bus) qui assure des voyages
Beyrouth-Tripoli (Nahas et al., 2016), la L.T.C. (Lebanese Transport Company) pour les
voyages Beyrouth-Saïda et la L.C.C. (Lebanese Commuting Company) (SISSAF, 2016). La
L.C.C possédait 225 bus rouges en 1996 (cf. figure 69) (CODATU, 2012; Mohtar & Samaha,
2016) opérant sur 13 lignes dans et autour de Beyrouth, atteignant Jbeil, Broumana et Aley
(Aoun, 2011; SISSAF, 2016) (cf. figure 70). En 1998, ses bus ont fait un record de 18 millions
passagers (Baaj, 2000; CODATU, 2012) (29% plus que les bus étatiques). Ensuite, les
entreprises ont fait face à des problèmes financiers suite à la diminution en nombre des
passagers et la concurrence des véhicules particuliers (Nahas, 2009). De 2004 à 2007, la L.C.C.
a réduit 21% de sa flotte, 53% des trajets et 20% des employés (ACS, 2007b). Actuellement,
ses bus sont quasiment absents des rues.
85
http://tourism-lebanon.blogspot.com/2015/08/bus-transporation-in-lebanon-bus-routes.html
196
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Les gares routières de transport collectif privé sont plutôt des emplacements de
stationnement que de gares dans le vrai sens du terme. Elles sont gérées par des familles, des
syndicats et des municipalités auxquels les chauffeurs doivent verser un certain montant pour
pouvoir profiter des emplacements. Les montants varient entre 5.000 L.L. et 10.000 L.L. par
jour (Mohtar & Samaha, 2016). Ces gares se trouvent souvent dans les centres des villes. Les
plus importantes sont à Saïda (Place de l’Etoile), Nabatiyeh (Souk), Tripoli, Sour (Bass),
Baalbek, Chtoura … A Beyrouth, les plus importants sont celles de Cola et Dawra. De plus,
ils existent quelques emplacements dans les quartiers des banlieues.
La gare routière de Cola (cf. figure 71) est située au sud de Beyrouth. Elle est utilisée
principalement pour les voyages de la capitale vers les autres régions ainsi que vers la Syrie.
Elle est gérée par des personnes et des syndicats et elle s’utilise par les différents moyens de
197
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
transport en commun (bus, minibus, petites voitures …) (Aoun, 2011; Bernier, 2010). La gare
routière de Dawra est très semblable à celle de Cola. Elle se situe à la sortie nord de Beyrouth
et assure le transport entre la ville et le Nord surtout par le trajet Beyrouth-Tripoli (Bernier,
2010).
Avec l’arrêt des services de chemin de fer et de tramway, le bus reste le seul moyen
exploité pour le transport collectif étatique au Liban. Ce service se limite à l’offre de l’OCFTC
avec absence du service offert par les municipalités (cf. chapitre 3, section 2).
a- Le réseau de bus
Après l’arrêt total de service de bus (2010), le gouvernement libanais a accordé en 2012
l’achat de 20 nouveaux bus dans le but de remettre 45 bus en service (Boutros, 2015). En 2014,
l’OCFTC possédait 39 bus (de 26 passagers) (cf. figure 72) qui opéraient sur 9 lignes (cf.
tableau 60). Les tarifs des bus étatiques sont fixés par l’office en coordination avec le MTPT
et varient entre 750 L.L. (0.4 €) et 2.500 L.L. (1.35 €) selon le trajet.
86
https://en.annahar.com/article/454736-public-transport-unions-take-escalatory-measure-by-staging-two-
protests
198
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Aller - Retour
Dawra- Ein Mreisseh –Mazraa – Cola – Adlieh – Burj 10 bus - mars 2012
1 180 41
Hammoud – Dawra. 2 bus – mars 2014
Les trajets qu’utilisent de bus de l’OCFTC ne sont pas exclusifs à eux. Les moyens de
transport en commun exploités par le secteur privé pourront également circuler sur ces mêmes
trajets.
87
Avec le représentant de l’OCFTC, Beyrouth.
88
https://www.elnashra.com/news/show/1232842
199
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
Le Liban est un des rares pays qui a abandonné le chemin de fer. Durant la guerre, les
services de train se sont affaiblis progressivement avant qu’ils s’arrêtent à sa fin (Nahas, 2009).
Malgré l’absence totale des services de transport par chemin de fer au Liban, le réseau
ferroviaire est toujours sous la responsabilité de l’OCFTC. Ce dernier est responsable des
propriétés de ce réseau : les gares, les rails, les véhicules … La surface totale des propriétés du
chemin de fer libanais est estimée à 90 millions m2 (Chatila, 2015).
Après des décennies de désuétude, l’emprise du chemin de fer a été amputée voire même
perdue sur une partie importante de la voie, en partie par empiétement illégal et une autre par
des aménagements urbains ou des projets routiers (Nahas, 2009; SISSAF, 2016). Ces propriétés
sont soumises à environ 2.000 violations sous forme de bâtiments construits ou de routes
bitumées sur le droit de passage du chemin de fer. L’ancien chemin de fer peut être intégré
actuellement dans quatre différentes catégories : un droit d’emprise abandonné, négligé et
couvert par des plantes et des herbes, un droit d’emprise planifié et approuvé, mais qui n’est
pas encore exproprié, un droit d’emprise obstruée en raison de nouveaux projets routiers ou en
raison des empiétements et des constructions illégales. La quatrième catégorie reste la plus
grave. C’est le cas du droit d’emprise pavé et transformé en des routes, notamment sur
l’autoroute du Nord entre Beyrouth et Jounieh où deux tronçons ont été pavés pour être utilisés
comme voies routières auxiliaires à l’autoroute. (Nahas, 2009). Les photos ci-dessous (figures
73, 74 et 75) montrent des exemples de l’état actuel de cette emprise sur plusieurs tronçons.
Figure 73: Des chemins de fer abandonnés - 30 mars 2015 (photos personnelles)
200
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Figure 74: Un tunnel de train abandonné à Dahr El Baydar (MoE et al., 2011)
Figure 75: Des routes bitumées et des violations sur le chemin de fer entre Beyrouth et
Tripoli- 30 mars 2015 (photos personnelles)
c- Les gares
Hormis des petits emplacements possédés et gérés par les municipalités, l’Etat libanais
possède deux types de gares publiques : une gare routière à Beyrouth, celle de Charles Helou,
et les anciennes gares ferroviaires dans différentes régions.
La gare routière de Charles Helou à Beyrouth
Elle se trouve à l’est du centre-ville de Beyrouth (cf. figure 76). Inaugurée en 1997, elle
est propriété de la municipalité de Beyrouth, mais gérée par l’OCFTC. C’est la seule gare qui
assure des voyages de type régulier. Elle est divisée en trois zones : la zone A pour les voyages
extérieurs vers la Syrie, la Jordanie, l’Irak …, la zone B pour les voyages internes vers le
Nord et la zone C pour les voyages dans Beyrouth (Bernier, 2010). Elle est utilisée par les bus,
les taxis et les taxis-service.
201
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
La gare est peu attractive : bâtiment très ancien, nombreux espaces vides inutilisables,
système de billetterie obsolète et peu pratique, deux étages sur trois délabrés et non
opérationnels (Abou Jaoude et al., 2014).
La gare Mar Mikhael est la gare principale de Beyrouth. Elle comprend actuellement les
bureaux d’OCFTC ainsi qu’un grand atelier et un parking pour les bus.
La gare de Rayak à la Bekaa était, lors de son établissement en 1898, une des plus grandes
gares du Moyen-Orient. Elle s’étend sur une surface de 170.000 m2 et 9 bâtiments. Elle était
composée de deux sections pour le transport des marchandises et trois pour le transport des
passagers (Maalouf, 2009). Elle contenait une grande usine de fabrication de trains et de pièces
de rechange qui s’étendait sur environ 133.430 m2 avec 48 bâtiments (23 pour les entrepôts et
25 pour l’usine) (Maalouf, 2009). La gare de Tripoli, à Al-Mina, est la deuxième plus grande
gare du Liban après celle de Rayak. Elle est inaugurée en 1911 et faisait partie du train « Orient
Express » et de la ligne NBT.
202
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Figure 77: Des trains abandonnés à Mar Mikhael - 30 mars 2015 (photos personnelles)
Figure 79: Des trains et wagons à Rayak - 12 juillet 2018 (photos personnelles)
203
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
Figure 81: La gare de Sawfar (a) et Furn el Chebek (b) – 12 & 15 juillet 2018 (photos
personnelles)
204
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
2.2.3. La faible attraction des transports collectifs : une offre mal distribuée, lente et non
satisfaisante
Les transports en commun au Liban sont inefficients et non fiables. L’absence d’un bon
système de transport collectif est l’un des facteurs qui poussent les usagers à utiliser les voitures
privées comme moyen de transport préféré (SDATL, 2005). Ainsi, ceux qui souffrent le plus
du faible service de transport collectif sont les non-automobilistes (Yagi, 1994).
Les raisons principales pour lesquelles les transports collectifs n’attirent pas les passagers
sont la mauvaise distribution géographique, les temps de voyage 89 et l’absence d’aménités
(autonomie, confort, liberté…). L’offre modeste de transport en commun au Liban aboutit à
une faible satisfaction de ses usagers.
a- La distribution géographique : une desserte quasi-exclusive aux grandes villes
L’offre de transport en commun est mal distribuée sur le territoire libanais. Elle se trouve
surtout dans les zones urbaines principales est absente dans le reste du territoire. Plus de 75%
des véhicules de transport en commun circulent dans la seule GBA (CDR, 2013b).
Les taxis-service (et taxis) sont le moyen qui dessert le plus de personnes. Environ 45.3%
des Libanais sont desservis par ce moyen contre 25.5% par minibus, 24.7% pour les bus privés
et seulement 15.1% pour les bus étatiques. La carte ci-dessous (cf. figure 83), faite à l’aide des
données de Bus Map Project, montre que les lignes principales du réseau de transport collectif
ne desservent que les aires urbaines (Beyrouth, Tripoli) et les villes principales (Saïda, Sour,
Zahlé, Baalbeck, …) et sont quasi-absentes sur le reste du territoire.
89
Temps total du voyage = temps d’accès du point de départ vers le moyen de transport + temps d’attente
+temps du trajet + temps d’accès du moyen de transport vers la destination
205
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
Figure 83: La répartition spatiale de l'offre du transport en commun au Liban (basée sur
la carte de Bus Map Projet90 (2020))
90
http://busmap.me/
206
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Au Liban, le différentiel de temps de transport entre la voiture et les autres moyens est un
facteur majeur expliquant la suprématie de la voiture particulière. Avant la guerre, le temps des
déplacements quotidiens des Beyrouthins étaient de 22 minutes par voiture et 19 minutes par
transport en commun en moyenne (T. Nakkash & Jouzy, 1973). Actuellement, une simulation
faite par Nahas et al. (2016) montre que la voiture est 1.33 fois plus rapide que le bus au Liban
(Nahas et al., 2016) dans les déplacements interurbains91.
Les déplacements en voiture particulière ont une durée moyenne de 42 minutes répartie
de la façon suivante : 35 minutes en durée de transport ; 7 minutes pour trouver un
stationnement qui a un coût moyen de 2$. La voiture privée reste le moyen le plus cher
puisqu’elle coûte 6$/heure (inclus prix des carburants et des parkings) (Aoun, 2011; Chalak et
al., 2016).
91
Pour un voyage de Beyrouth à Akkar (Nord), la distance est d’environ 120 km et la vitesse moyenne varie
entre 35 et 45 km/h par voiture et de 25 à 35 km/h par bus. La différence entre les deux moyennes est d’une heure.
207
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
Cette analyse montre que le taxi-service est le moyen le plus rapide à Beyrouth, ensuite
c’est la voiture privée et enfin ce sont les bus qui mettent parfois le double du temps de la
voiture et le triple de celui des taxis. En revanche, les bus coûtent la moitié du coût des taxis-
service et un tiers du coût de la voiture privée.
L’enquête de mobilité valide ces résultats et les alimente. L’avantage de cette enquête est
la couverture de l’ensemble du territoire, non seulement Beyrouth. Les résultats ont validé la
supériorité des taxis-service et de la voiture privée en termes de temps de déplacements. Pour
se déplacer par ces deux moyens, il en faut à peu près une demi-heure (aller simple). Ils sont
seulement surpassés par les deux-roues motorisés (19 minutes) et la marche (8 à 10 min.) qui
sont souvent utilisés pour les courts trajets. Ensuite, ce sont le minibus (45 à 47 min), le bus
privé (54 à 58 min.) et le bus étatique (56 à 64 min.) qui sont les moyens les plus lents pour les
déplacements contraints.
V.P. T.C. D.D.
Voiture Moto Taxi Bus privé Bus étatique Minibus A pied
Aller (N=409)
<15 minutes 21.2% 46.2% 23.4% 8.6% 0% 7.7% 92.9%
15-30 minutes 38.4% 30.8% 46.9% 13.8% 33.3% 28.2% 7.1%
30-45 minutes 21.7% 23.1% 17.2% 17.2% 22.2% 23.1% 0.0%
45-60 minutes 9.1% 0% 4.7% 17.2% 0% 17.9% 0%
>60 minutes 9.6% 0% 7.8% 43.1% 44.4% 23.1% 0%
Moyenne (min.) 31.8 19 28.2 58 55.8 45.8 8
Retour (N=409)
<15 minutes 22.7% 46.2% 14.1% 8.6% 0% 7.7% 89.3%
15-30 minutes 31.3% 30.8% 42.2% 22.4% 0% 23.1% 3.6%
30-45 minutes 26.3% 23.1% 21.9% 12.1% 33.3% 23.1% 7.1%
45-60 minutes 10.1% 0% 17.2% 19.0% 22.2% 23.1% 0%
>60 minutes 9.6% 0% 4.7% 37.9% 44.4% 23.1% 0%
Moyenne (min.) 32.5 19 32 54.3 64.2 47.3 10.2
Tableau 63: Les temps de déplacements contraints (enquête de mobilité, 2018)
Les résultats de l’enquête ont montré que l’absence d’alternatives est la contrainte
principale qui détermine le choix des différents moyens de transport au Liban. Ce sont en
208
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
moyenne 38.3% et 33.8% des personnes pour les déplacements contraints et non contraints
respectivement qui utilisent un mode de transport donné parce qu’ils n’ont pas d’autres choix.
Ces personnes sont dites « dépendantes » de ces moyens (Héran, 2001). Parmi ceux-ci, ce sont
surtout les usagers du transport en commun, dans les deux types de déplacements, qui subissent
le choix du mode de transport et sont captifs.
A cela s’ajoute qu’un automobiliste sur cinq utilise la voiture pour ses déplacements
contraints à cause de la mauvaise desserte des autres moyens (1 sur 10 pour les déplacements
non contraints) et plus qu’un quart (26.8% (contraints) et 28.7% (non contraints)) utilisent la
voiture parce qu’ils trouvent qu’ils n’ont pas d’autres choix. C’est pour cette même raison que
56% des usagers de transport en commun utilisent ce moyen dans les déplacements contraints
(50% pour les déplacements non contraints). Le reste des usagers utilise ce moyen surtout en
raison de son coût. Une minorité fait ce choix en raison des caractéristiques offertes par les
véhicules de ce moyen.
Moyens DD Transport en commun Véhicule privé
% Bus Bus
Motifs A pied Vélo Minibus Taxi Moto Voiture
privés publics
Contraints (N=413)
Pas d’autres
38.3% 14.30% 62.10% 55.60% 51.30% 56.3% 23.10% 26.80%
choix
Horaires
6.1% 3.60% 5.20% 11.10% 5.10% 9.4% 0% 5.60%
variables
Desserte des
11.9% 6.90% 3.1% 7.70% 21.20%
autres moyens
Problèmes de
2.4% 5.10% 9.4% 7.70% 0.50%
stationnement
Liberté de
9.9% 14.30% 4.7% 30.80% 14.60%
mouvement
Coût 6.8% 7.10% 8.60% 33.30% 23.10% 7.8% 15.40% 1%
Autonomie 6.3% 0% 1.70% 1.6% 0% 12.10%
Confort 8% 7.10% 5.20% 1.6% 7.70% 13.10%
Rapidité 5.6% 10.70% 6.90% 12.80% 6.2% 7.00% 3%
Distance 2.7% 39.30%
Partage de
0.7% 1.50%
véhicule
Autre 1.4% 3.60% 3.45% 2.60% 0% 0% 0.50%
Non contraints (N=413)
Pas d’autres
33.8% 17.20% 48% 50% 50% 51.6% 33.30% 28.70%
choix
Desserte des
9.2% 4% 10.9% 8.30% 11.10%
autres moyens
Problèmes de
1.9% 6.90% 100% 3.80% 6.3% 0.30%
stationnement
Liberté de
16.8% 31% 8% 3.90% 1.6% 16.70% 20.80%
mouvement
Coût 5.7% 10.30% 24% 50% 38.40% 4.7% 8.30% 0.70%
209
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
Cette faible attractivité du transport en commun se traduit par de faibles taux d’occupation
qui sont 1.2 à 2.2 passagers/véhicule pour les taxis et les taxis-service, de 6 passagers/véhicule
pour les minibus et de 8.3 à 13 passagers/véhicule pour les bus (Anas et al., 2017; Helou, 2015;
MoE et al., 2012; Omran et al., 2015). Ce faible taux d'occupation montre aussi la capacité
excédentaire du transport en commun qui est plus importante que la demande. Cela crée une
forte concurrence entre les fournisseurs de transport en commun et leur génère ainsi de petits
rendements financiers (Baaj, 2000, 2002).
Pour les déplacements contraints, les Libanais sont plutôt non satisfaits du moyen utilisé
pour se déplacer : 35.8% ne sont pas satisfaits (1 et 2 sur 5), 32.7% sont neutres (3 sur 5) et
31.5% sont plutôt satisfaits (4 et 5 sur 5). Ceci n’est pas le cas dans les déplacements non
contraints où la partie satisfaite (44.3%) est presque le double de la partie non satisfaite (23.8%)
avec 32% de neutres.
Contraints Non contraints
Taux de satisfaction
n (N=413) Pourcentage n (N=470) Pourcentage
1 67 16.2% 46 9.8%
2 81 19.6% 66 14%
3 135 32.7% 150 31.9%
4 85 20.6% 129 27.45%
5 45 10.9% 79 16.8%
Tableau 65: Le taux de satisfaction dans les déplacements des Libanais (enquête de
mobilité, 2018)
L’offre modeste des transports en commun au Liban ainsi que les faibles caractéristiques
offertes par ses véhicules, amène à ce que les usagers des transports en commun sont les moins
satisfaits de leurs moyens de déplacements. Les bus étatiques sont le moyen le moins
satisfaisant. Par contre, les automobilistes sont plutôt satisfaits de la voiture comme moyen
principal de déplacement. La marche à pied est le moyen le plus satisfaisant dans les
déplacements contraints et le second dans les déplacements non contraints.
210
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
211
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
La dépendance automobile au Liban provient d’une forte utilisation de la voiture qui est
favorisée par l’expansion urbaine au Liban (cf. chapitre 1), par la forte possession de la voiture
(cf. chapitre 2), mais aussi par l’offre physique du système de transport. Ce chapitre suppose
que l’offre des infrastructures routières et la faiblesse des alternatives motorisées à la voiture
sont deux facteurs qui poussent les personnes à emprunter leurs voitures pour se déplacer.
L’offre des infrastructures routières
La forte possession de la voiture (cf. chapitre 2, section 1) et sa dominance des
déplacements au Liban (cf. chapitre introductif, section 2) provoquent une augmentation des
flux de circulations (cf. chapitre introductif, section 2) et de fortes congestions (cf. chapitre 5,
section 2.1.). Pendant des décennies, de nombreux pays ont estimé que l’augmentation des
infrastructures routières est une solution pour les problèmes de circulation, notamment les
embouteillages. Au Liban, cette politique de recherche d’augmentation de la fluidité et de
vitesse routières a été appliquée consistant à remplacer les anciennes routes étroites par des
boulevards et autoroutes permettant aux voitures de circuler avec une efficacité maximale
(Perry, 2000). L’augmentation en continu de l’offre des infrastructures routières s’est
rapidement révélée contre-productive. Plus le nombre d’autoroutes mises à disposition est
élevé, plus le trafic généré est important via le phénomène de l’induction de trafic (Braess et
al., 2005; Downs, 1962; Thomson, 1977) et plus le service de transports collectifs est détérioré
(Mogridge, 1990).
212
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Les territoires desservis par les infrastructures routières vont souvent s’adapter à
l’utilisation de la voiture. Par ailleurs, des inégalités fortes se créent entre les ménages qui ont
accès à l’automobile et bénéficient d’une accessibilité élevée et ceux qui ne le sont pas. De
même, une fracture s’installe entre les espaces fortement accessibles en automobile et les
autres. Afin d’atténuer les inégalités d’accessibilité aux territoires, les pouvoirs politiques vont
créer plus de routes, ce qui incite à l’augmentation du nombre d’automobilistes, l’accès à la
voiture étant souvent le seul moyen de déplacement. C’est ce que Dupuy appelle « l’enfer des
réseaux » (Dupuy, 2011).
Quant à l’usage, le réseau routier libanais peut être dit exclusif pour la voiture.
L’expansion de l’infrastructure routière au Liban, surtout à Beyrouth, augmente la part de
marché des voitures (privées et taxis) en faveur des modes alternatifs. L’infrastructure est
conçue pour ne desservir que les voitures. Les installations et les équipements dédiés aux
piétons sont souvent de mauvaise qualité et ceux consacrés aux cyclistes ou aux transports
collectifs (bus et minibus) sont totalement absents. L’augmentation du potentiel d’accessibilité
qu’assurent les infrastructures routières, dépassant l’offre des transports collectifs, est un
facteur favorable qui accentue la dépendance automobile au Liban (Anas et al., 2017).
213
Chapitre 3. La précarité de l’offre de transport au Liban : un catalyseur de l’utilisation de la voiture
La voiture est évidemment préférée pour les caractéristiques qu’elle offre, mais aussi à
cause de la faiblesse des alternatives (Litman & Laube, 2002). Au Liban, plus d’un
automobiliste sur quatre utilise la voiture parce qu’il considère qu’il n’a pas d’autres choix ; et
un automobiliste sur cinq l’utilise à cause de la mauvaise desserte des autres moyens. En
revanche, les usagers des transports en commun empruntent ce mode principalement parce
qu’ils n’ont pas d’autres choix, mais très rarement en raison de ses caractéristiques offertes.
Les résultats de l’enquête ont de même montré qu’environ 41% des Libanais ne sont pas
desservis par un service de transport en commun ou bien ne savent pas s’ils le sont. Deux tiers
des personnes desservies habitent à Beyrouth, qui accueille 75% de l’offre de transport en
commun, et le reste se trouve surtout dans les villes principales.
Le réseau de train, construit progressivement entre 1895 et 1942, reliait le Nord du pays
à son Sud, son littoral avec son Est et reliait ainsi le pays avec ses voisins. Ce réseau a connu
une réussite remarquable avant qu’il s’arrête suite à l’éclatement de la guerre civile. Après la
fin de cette guerre, de nombreuses initiatives ont été lancées pour restaurer l’intégralité ou une
partie de ce réseau, mais sans réussite. Ainsi, le Liban est l’un des rares pays au monde qui
délaisse le transport ferroviaire.
214
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
donner plus d’espaces pour la circulation de la voiture, qui a commencé à envahir les rues de
la ville. Cette action donne un meilleur indicateur de la perception étatique qui défavorise les
transports collectifs en faveur de la voiture (cf. chapitre 4, section 2.3.).
Le réseau de bus a été introduit à Beyrouth pour remédier à l’absence du tramway. Cette
mesure, prise par l’Etat, n’a pas eu suffisamment le temps pour démontrer sa pertinence. Une
dizaine d’années après la mise en place de ce réseau, la guerre civile s’est déclenchée et alors
le réseau de bus, pareil à celui ferroviaire, a été forcé de s’arrêter. Après la guerre, l’offre
étatique de transport en commun n’a pas été suffisante. Plusieurs mesures et actions ont été
prises pour remettre le réseau de bus de nouveau, mais sans efficacité remarquable. Le manque
de financement, la modeste offre étatique des transports collectifs et la prise en charge de cette
offre par le secteur privé ont été les facteurs principaux qui ont empêché la remise en place
d’un système de transport en commun au Liban dès la fin de la guerre.
Beyrouth : de la ville piétonne à la ville automobile
En analysant le parcours historique de l’expansion urbaine (cf. chapitre 1) et de l’offre de
transport à Beyrouth, analysée dans ce chapitre, nous constatons que la ville suit la morphologie
des villes développées plutôt que celles en développement. Notre analyse est inspirée de celui
d’Allaire (2004) 92 . A Beyrouth, de façon similaire aux villes du Nord (Allaire, 2004),
l’expansion urbaine et la diminution de la densité urbaine ont été parallèles à l’introduction des
moyens de transports motorisés. C’était au début avec le chemin de fer et le tramway, ensuite
avec les taxis et les bus et plus tard avec la voiture privée.
Lors de son établissement comme ville principale (cf. chapitre 1, section 2.1.) durant l’ère
ottomane et au début du mandat, Beyrouth était une ville piétonne (walking city). C’était une
ville très concentrée au centre, avec une densité élevée, une mixité dans l’utilisation de l’espace
et des distances courtes de déplacements. Avec l’introduction du chemin de fer (dès 1891) et
le tramway (dès 1909), la ville est devenue une ville de transport en commun (transit city).
Beyrouth commence à devenir un centre d’activité et témoigne un étalement urbain croissant
avec un faible taux de motorisation. Une décennie avant la guerre, avec l’introduction intense
de la voiture et l’abandon du tramway, Beyrouth commence à se déverser vers une ville
automobile (automobile city) : l’étalement urbain continu accompagné par une offre importante
des infrastructures, la voiture devient plus généralisée et les déplacements deviennent plus
longs (Allaire, 2004).
92
Basé sur l’analyse de Schaeffer (1975).
215
216
CHAPITRE 4 : UNE GOUVERNANCE DEFICIENTE DU
SYSTEME DES TRANSPORTS COMME FACTEUR DE LA
DEPENDANCE AUTOMOBILE
217
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
Les règles de gouvernance auxquelles est soumis le secteur des transports peuvent
favoriser ou inhiber son bon fonctionnement et son développement. Ainsi, au-delà des facteurs
technologiques et physiques caractérisant les réseaux, des aspirations des individus, de la
configuration territoriale … la gouvernance, et plus précisément les modes d’organisation, de
contrôle et d’exercice des pouvoirs et des compétences confiées aux organismes de transport,
joue un rôle tout aussi déterminant pour améliorer l’efficacité du système de transport et son
orientation vers un modèle environnementalement plus vertueux. Ce chapitre a pour objectif
de montrer le rôle des conditions de gestion et régulation des transports publics dans le
processus de la dépendance automobile et son entretien.
La gouvernance est une notion à plusieurs usages, utilisée dans plusieurs domaines. La
gouvernance fait d’abord, historiquement, référence à une institution qui exerce une forme de
pouvoir à différentes échelles : mondiale, nationale, locale… Dans un deuxième temps, la
gouvernance fait davantage référence au mécanisme de gestion des intérêts qui peuvent être de
différentes natures : économiques, politiques, sociaux ou encore environnementaux (Payé,
2005). Ainsi, la gouvernance traite autant de l’entité qui gouverne que de la manière dont cette
entité exerce son pouvoir et ses fonctions. Elle désigne l’ensemble des procédures
institutionnelles, des rapports de pouvoir et des modes de gestion publique ou privée, formels
aussi bien qu’informels, qui régissent notamment l’action politique réelle.
218
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Le second courant est plus conceptuel. Les auteurs associés à cette approche (Jouve et al.,
1995; Le Galès, 1995) « contrairement aux adeptes de la bonne gouvernance qui tentent
d’améliorer l’efficience de l’action publique, essaient de trouver des solutions aux problèmes
de l’administration publique en intégrant les idéaux des intérêts locaux, des organisations et
des groupes sociaux » (Lavoie & Prémont, 2015). Dans cette perspective, l’intérêt se focalise
sur les modes de la coordination des centres de décision coordination, le renouvellement de la
hiérarchie entre les acteurs. L’analyse est davantage menée en termes de dynamiques en
élaborant des mécanismes alternatifs de coordination, de participation, de négociation (Le
Galès, 1993).
Selon le Forum International des Transports (2017), la gouvernance des transports désigne
l’ensemble des procédures institutionnelles, des rapports de pouvoir et des modes de gestion
publique ou privée, formels aussi bien qu’informels, qui régissent l’action politique. L’analyse
de la gouvernance des transports renvoie aussi bien à l’examen de l’organisation
institutionnelle du secteur des transports, son cadre législatif et réglementaire, la structure de
la prise de décisions, le cadre d’élaboration des politiques que les outils opérationnels mis en
œuvre (FIT, 2017). L’analyse de la gouvernance des transports suppose identifier la pluralité
des acteurs intervenants et leur domaine de compétences ainsi que leurs interactions. Par
ailleurs, la gouvernance doit répondre à des principes de « bonne gestion » qui visent,
notamment, à optimiser les ressources et assurer des processus transparents de gestion et de
contrôle. Elle fait référence à l’application de principes tels que la transparence, l’éthique, la
démocratie.
219
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
faiblesse peut être analysée à partir de plusieurs facteurs qui conduisent à ce que la voiture soit
toujours favorisée au détriment des autres moyens.
Pour mieux illustrer notre pensée, nous avons eu recours aux travaux de Hennion (2014),
Ramirez et al. (2014) et Christie et al. (2013), qui ont traité les problèmes de la gouvernance
sectorielle du transport en Afrique Subsaharienne (Christie et al., 2013; Hennion, 2014;
Ramirez, 2014). En nous inspirons de ces travaux, nous proposons une grille d’analyse de la
gouvernance des transports au Liban (cf. figure 84). Elle pose que la gouvernance du secteur
de transport repose essentiellement sur le rôle de l’Etat et du gouvernement. La gouvernance
étatique se caractérise par de hauts niveaux de clientélisme et de corruption, une intervention
étrangère facilitée dans les affaires intérieures du pays et la faiblesse de l’administration
publique. A son tour, l’inertie de la gouvernance étatique provient du régime politique du pays.
Ce régime se caractérise par une démocratie dite consensuelle et un système de
confessionnalisme qui dicte la vie politique libanaise.
220
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
221
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
Ainsi, la première section du chapitre vise à établir un état des lieux du système politique
libanais. Elle cherche, dans un premier temps, à appréhender l’organisation politique du pays.
Elle explique ensuite comment cette composition politique affaiblit le fonctionnement de l’Etat
et met en exergue les inerties qui règnent en son sein, en termes de corruption, de clientélisme
et de faiblesse face aux autres parties prenantes. Dans un second temps, cette section explique
le parcours historique par lequel est passé le Liban amenant à la situation actuelle. L’objectif
est de préciser les modalités de la gouvernance de l’Etat libanais afin de mieux comprendre
celles du secteur des transports.
222
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Le Liban est une république de régime parlementaire. La politique est régie par des accords
entre les différentes religions pour un partage du pouvoir d’une manière quasi démocratique.
Cela amène à une démocratie dite communautaire ou consensuelle qui divise la société, mais
aussi l’Etat, en des unités socioculturelles souvent sous critères religieux et confessionnels.
Cette démocratie communautaire, qui n’est ainsi qu’un « mythe politique libanais » (Corm,
2006), affaiblit le fonctionnement de l’Etat et marque très fortement le fonctionnent du pays,
son développement et sa gouvernance (1.1).
De plus, le Liban a toujours été au cœur de conflits régionaux ce qui est un facteur
d’instabilité. Il a toujours été le déversoir des crises de la région et perçu comme une caisse de
résonance des conflits extérieurs. Le positionnement géostratégique du Liban l’a également
conduit à être régulièrement soumis aux ingérences des puissances régionales. Ainsi, sa
souveraineté n’a jamais été totale du fait des interventions étrangères, qu’elles soient politiques,
diplomatiques ou même militaires (Bourgey, 1985). Ces interventions ont affaibli l’Etat
libanais et ont conduit à la ségrégation du peuple selon la religion et l’appartenance politique
(1.2.).
Le régime politique au Liban se base sur une structure factionnelle qui partage le pouvoir entre
les communautés religieuses. Ce partage affaiblit le fonctionnement de l’Etat, ralentit le
processus de la prise de décision et facilite les interventions externes dans la vie politique.
93
Ensuite révisé en 1989 après la guerre civile (cf. section 1.2.).
223
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
est choisi par le Président de la République après consultation du Parlement. (iii) Le pouvoir
judiciaire est assuré par les tribunaux et les cours de justice (Parlement Libanais, 2018).
La religion d’Etat n’existe pas au Liban, mais les confessions religieuses sont diversifiées.
Ce minuscule territoire compte un important pluralisme confessionnel. Il rassemble 18
communautés religieuses officiellement reconnues 94 qui se partagent le pouvoir et chacune
d’entre elles est liée politiquement et religieusement à un autre pays (M. F. Davie, 2008).
Chaque fonction publique principale est ainsi affectée, par coutume, à une confession précise.
Par exemple, le Président de la République doit être chrétien-maronite, le Premier Ministre
musulman-sunnite, le chef de Parlement musulman-chiite …(Fawaz & Peillen, 2003; Verdeil,
2016). Les postes du second et troisième degré sont aussi parfois répartis entre les confessions.
Cette diversité aboutit à un factionnalisme qui prend plusieurs formes, qui peuvent
apparaitre séparément, partiellement ou conjointement, et qui structurent l’offre politique au
Liban. Ces formes sont surtout le za’imisme 95 (Hottinger, 1966), le corporatisme, le
régionalisme, le tribalisme, le clanisme, le prebendalisme 96 , le népotisme et surtout le
confessionnalisme (tâ’ifiyya) (Verdeil, 2005, 2016). Les élections sont le meilleur reflet de ce
régime politique. Elles se déroulent selon un système électoral inspiré par l’accord entre les
différentes confessions afin de les représenter, chacune dans son unité.
L’Etat est principalement incarné par le gouvernement du pays. Toutefois, au Liban, l’Etat
(Ad-Dawlé) ne se limite pas au gouvernement central seul, mais à toutes les entités publiques
ensemble (administrations, municipalités, ministères …) (Nahas et al., 2016). Au niveau légal
et administratif, ces entités sont bien séparées les unes des autres. Malgré cela, à cause du
système politique confessionnel, pareillement à la répartition des postes étatiques, les entités
appartiennent chacune à une (ou plusieurs) confession(s). Ainsi, chaque communauté a des
représentants dans des postes clés, mais possède aussi des entités étatiques entières qui
fonctionnent selon ses directives et dans son propre intérêt.
94
Les chrétiens (maronites, grecs-orthodoxes, grecs-catholiques melkites, arméniens apostoliques,
arméniens catholiques, syriens-orthodoxes, syriens-catholiques, assyriens, chaldéens, coptes-orthodoxes, latins et
protestants), les musulmans (chiites, sunnites, druzes, ismaéliens et alaouites) et une communauté juive très peu
nombreuse
95
La centralisation du pouvoir par les principaux pôles.
96
C’est lorsque les élus et le gouvernement estiment qu'ils ont droit à une part des revenus étatiques et ont
droit de les utiliser au profit de leurs partisans, membres de religions …
224
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
a- Le clientélisme
Plus l’Etat et l’économie du pays sont faibles, plus le clientélisme est fort. Les pays qui
sont en situation de post-conflit sont les plus concernés (Ramirez, 2014). C’est tout à fait le cas
du Liban.
Au Liban, l’Etat ne parvient pas à fournir les services primordiaux : éducation, santé …
(Mouawad & Baumann, 2017). En effet, les services de santé sont largement privatisés. L’école
publique souffre d’un manque de moyens flagrants. Cela renforce le clientélisme où les
communautés religieuses et les partis politiques, qui jouissent du pouvoir, remplacent souvent
l’Etat (Kingston, 2000) en assurant à leurs « membres », des services (éducation, santé …)
meilleurs que ceux assurés par l’Etat (Hafez, 2009). Ils profitent des associations et des
établissements privés qu’ils possèdent. Le clientélisme est le phénomène central de l'économie,
de la société et de la politique au Liban (Johnson, 1986). A cela s’ajoute, la doctrine libérale
du laisser-faire, appliquée au Liban, dans laquelle l’intervention de l’Etat reste minime
(Assouad, 2015; Hafez, 2009). Cette doctrine constitue un des facteurs ayant contribué à la
guerre civile (Traboulsi, 2004).
L’Etat au Liban peut même être aussi décrit de « néo-patrimonial » (Médard, 1982), ce
qui va au-delà du clientélisme. Dans ce concept, l’élite politique se trouve dans le pouvoir pour
225
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
des profits personnels qui sont prioritaires par rapport à l'engagement pour le bien commun.
L’élite néo-patrimonial n'est pas concernée par les objectifs de développement, mais par
l'accumulation de ressources économiques et politiques. C’est une source d'obstruction à la
croissance économique du pays et une source de mauvaise performance politique et
administrative.
Si les politiciens évitent les conséquences de leur gestion désastreuse des affaires
publiques et restent en fonction malgré leur échec, c'est parce qu'ils se présentent comme les
défenseurs de leurs religions. La fabrication de conflits sur une base confessionnelle leur
permet de s'imposer à leurs groupes.
L’Etat du Liban est en situation de faiblesse aux niveaux interne et externe. Pour le
premier niveau, il est en faible position envers les acteurs sociétaux et souvent incapable
d’imposer sa volonté. Il lui manque le « pouvoir infrastructurel97 » (Mouawad & Baumann,
2017) nécessaire pour assurer son autonomie. Cela provoque une faiblesse structurelle qui
permet aux acteurs non étatiques d’émerger et de contrôler l’Etat d’une manière indépendante
(Mouawad & Baumann, 2017).
Au niveau externe, l’Etat du Liban est souvent faible quant à ses relations avec les autres
pays. Ce petit pays a toujours été au cœur de conflits régionaux, le déversoir des crises de la
région et une caisse de résonance des conflits extérieurs. Au sein de ce système de
communautarisme institutionnalisé et de l’inertie du pouvoir étatique, les décisions politiques
sont influencées par les relations de pouvoir régional et les interventions de mécènes extérieurs
(Balanche, 2019; Mouawad & Baumann, 2017). Aujourd’hui, chaque faction a un allié
étranger, souvent régional, qu’elle subit, mais auprès duquel elle demande protection,
financement et soutien afin d’augmenter son pouvoir et son contrôle. Les liens qu’ont les
différentes parties avec les acteurs régionaux paralysent la fonction publique (Verdeil, 2016).
Le Liban est ainsi devenu un « état tampon » qui s’entrelace dans les conflits régionaux et
internationaux (Corm, 2006).
97
C’est la capacité de l'État à appliquer la politique sur l'ensemble de son territoire (Lai & Slater, 2006)
226
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
(Mouawad & Baumann, 2017). L'administration publique libanaise est souvent confrontée à la
contradiction entre des lois statutaires officielles et la réalité quotidienne fondée sur l'ingérence
politique dans son travail.
Les fonctionnaires forment un tiers de la population active au Liban. Ce chiffre est énorme
en comparaison avec de plus grands pays comme la France où les fonctionnaires ne présentent
que 19% des emplois (INSEE, 2019). Malgré cela, la fonction publique au Liban souffre d’un
manque du personnel qualifié, spécialisé et bien formé. Il y a un grand écart entre les fonctions
publiques exercées par les fonctionnaires et les besoins réels des postes. Ceci provient de
l’absence de concours de recrutement durant les années de la guerre, mais aussi de la
corruption, du népotisme et du clientélisme qui constituent les principaux facteurs du
recrutement. Les fonctionnaires sont choisis plutôt selon leur confession, leur affiliation
politique ou religieuse ainsi que selon leurs relations avec des politiciens ou même parfois
contre de la monnaie (Nahas, 2009; Salhab, 2003). La non-conformité aux objectifs de qualité
et la politisation excessive de l’administration empêchent l’Etat de devenir vraiment stratège
(Salhab, 2003).
Cette faiblesse touche également les pouvoirs judiciaires. Ce qui aggrave la situation
puisque l’affaiblissement des systèmes de censure et de contrôle empêche la punition des
corrompus et favorise ainsi la corruption (Corm, 2015).
1.2. Une organisation du régime politique qui prend ses origines dans l’histoire du Liban
227
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
pour répartir le pouvoir entre elles. Ce qui a abouti à une démocratie dite consensuelle qui
consiste à partager le pouvoir entre les communautés religieuses du pays (Fawaz & Peillen,
2003; Verdeil, 2016). Ces communautés religieuses n’ont pas réussi à coexister et elles ont
mené, en 1975, une guerre civile qui a duré 15 ans et qui a fortement marqué l’histoire du pays.
a- L’Empire Ottoman
Du XVIème au XXème siècle, les régions composant ce qui est devenu le Liban vivaient
sous l'autorité de l'Empire ottoman. A cette époque, les pachas et les émirs98 dirigeaient chacun
sa circonscription avec des niveaux d'autonomie variés (Bakhos, 2019a).
Ce conflit a conduit les Ottomans à mettre en place des administrations, créant la Wilaya
de Tripoli formée au Nord du Liban et la Wilaya de Damas qui regroupait Beyrouth et son sud
jusqu’à Saïda. Le reste du territoire, le Mont-Liban, est passé, lui, par trois époques : 1516 à
1840 est l’époque de l’Emirat99 du Mont-Liban où le pouvoir était dans les mains des émirs de
la dynastie des Chehab et de la dynastie des Maan ; 1842 à 1864, celle des Caïmacams 100
pendant laquelle le Mont-Liban restait divisé en deux : la première Caïmacam entre Tripoli et
98
Princes gérant une région ou une ville de l’Empire.
99
Une principauté.
100
Un dignitaire de l'Empire Ottoman
228
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Avec l’ère ottomane est apparu le féodalisme politique. Les Ottomans ont privilégié les
dirigeants politiques druzes de la Muqata’i 101 pour collecter les taxes pour leur compte
(Traboulsi, 2016). Les personnes qui s’occupaient de la collecte avaient une influence locale
qu'elles utilisaient pour monopoliser la représentation politique des citoyens. Cela a été facilité
par la prise en charge des postes administratifs par le Sultanat. A cette époque, les chrétiens
étaient plutôt des paysans dans le Mont-Liban. Ainsi, une diversité confessionnelle et une lutte
de classes ont eu lieu.
Pour gérer ces conflits, des postes étatiques ont été distribués selon des critères
confessionnels (Abdulrahim, 2014; Jaulin, 2009; Kisthardt, 2013) et le régime de Mutessarifia
du Mont-Liban fut instauré, de 1861 à 1915, avec un régime administratif indépendant
(Traboulsi, 2016). En ce temps, Beyrouth est devenue une Wilaya regroupant les régions
jusqu’à Saïda au Sud et Tripoli au Nord ; la région du Liban-Sud faisant partie de l’Etat de
Haïfa et la Bekaa de Wilaya de Damas (Abdulrahim, 2014) (cf. figure 85).
Le système Mutasarrifiya donne aux pays européens, sous prétexte de protéger les
religions, un rôle direct à l'intérieur même du Liban. La France parraine ainsi la communauté
maronite, la Russie parraine les orthodoxes, l'Autriche parraine les catholiques, l'Angleterre
parraine les druzes. La communauté musulmane, sunnite et chiite, reste sous le patronage et
l'autorité des Ottomans. C’est sur cette base que le Mont-Liban a été établi avec le respect des
religions dans leur système et leurs conseils (Abdulrahim, 2014; Jaulin, 2009).
101
Régime de collecte des taxes pour la Sultanat Ottomane
102
Les collecteurs de taxes.
229
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
Après la Première Guerre mondiale, les provinces de l’Empire Ottoman, dont le Liban,
ont été réparties entre la Grande-Bretagne et la France, comme territoires sous mandat
(Abdulrahim, 2014). Le Liban a été mandaté par la France de 1920 jusqu’en 1943. En
septembre 1920, le haut-commissaire Français à Beyrouth, a proclamé la naissance de l'État du
Grand Liban qui se composait du Mont-Liban, en majorité maronite, de Jabal Amel (le Sud),
de la Bekaa et du Nord dont la majorité musulmane, et de Beyrouth sa capitale (Jaulin, 2009).
Les musulmans libanais se sont opposés et ont exigé que leurs territoires soient sous
contrôle de la Syrie (Buccianti Barakat, 2004). La communauté maronite et les Français étaient
en désaccord, affirmant que les nouvelles frontières du Grand Liban formaient les frontières
naturelles du Liban (Jaulin, 2009). L'impasse qui en a résulté a déclenché plus de vingt ans de
confrontations et de troubles.
Dès lors, les différentes religions ont été prises en considération dans la composition des
différents conseils, mais sans répartir les postes selon les religions. Il y a eu formation d’unités
politiques représentées par les structures familiales et claniques sur lesquelles les nouveaux
230
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
dirigeants se sont appuyés pour consolider leur autorité. Depuis cette ère, les conflits locaux
sont devenus des conflits d’influences confessionnelles. Aussi, le mandat français a exacerbé
la fracture religieuse alors que la scission aurait pu être bénéfique, rendant le Liban ainsi plus
facile à gouverner (Kisthardt, 2013).
1.2.2. L’ère de la République Libanaise : un conflit interne aboutissant à une guerre civile.
231
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
maronite, sunnite et chiite (Fawaz & Peillen, 2003; Kisthardt, 2013; Verdeil, 2016). Cette
structure a été maintenue et consolidée dans le système politique ultérieur.
A partir de la fin des années 1940, l’économie libanaise était en phase de définition : à la
recherche de son système économique et de son rôle dans son environnement. Le principe du
laisser-faire avec l’autorisation d’opérations de change avec des devises étrangères et la
création de la livre libanaise (L.L.) en 1950 est ainsi instauré et le Liban passe à l’ère libérale.
En cohérence avec cette pensée, il adopte, en 1956, le secret bancaire. Cette mesure va attirer
d’énormes flux monétaires en provenance des pays du Golfe Arabe, mais va également
favoriser la corruption facilitée par la discrétion qu’assure le secret bancaire. L’application de
ce système libéral, introduit par Michel CHIHA103, a également fortifié le confessionnalisme
libanais : l’Etat n’a pas à intervenir dans les affaires des différentes confessions sauf à protéger
le confessionnalisme étatique (Assouad, 2015; Hafez, 2009).
Jusqu’au début des années 1970, le Liban jouit d’une stabilité politique accompagnée par
une croissance économique considérable (SDATL, 2005) et se représente comme le « miracle
libanais » (Salibi, 1988). Ce mythe ne va pas durer longtemps. Il disparait quelques années
plus tard, avec l’éclatement de la guerre civile.
b- La guerre civile
La guerre a causé près de 150.000 morts, des destructions majeures sur tout le territoire et
de vastes vagues de déplacements de population (cf. chapitre 1, section 2). Au niveau
économique, elle a entrainé la réduction du PIB de 75%, la baisse du revenu moyen per capita
à moins de 1.000$/an, une hyperinflation de 400% (1987) et un fort taux du chômage (Abboud-
Abi Saab, 2008).
Cette guerre a finalement pris fin lorsque les conditions entre les belligérants au Liban et
de la région au sens large ont convergé pour permettre la cessation du conflit. La fin de la
103
(1891-1954), politicien et philosophie Libanais, rédacteur principal de la constitution libanaise et du
Pacte national du 1943 et un des fondateurs du Liban moderne sous l’ère libérale.
104
Des tensions politiques qui ont abouti à des confrontations militaires et confessionnelles.
232
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
guerre est marquée par la signature d’un traité interlibanais, négocié avec l’aide de dirigeants
internationaux et signé par des parlementaires libanais à Taëf, en Arabie Saoudite (Corm,
2005). L'Accord de Taëf, qui est devenu le cœur de la Constitution libanaise, énonce qu’«
abolir le confessionnalisme politique est un objectif national fondamental ». Bien qu'il ne soit
pas en mesure d'abolir le confessionnalisme, l'Accord propose des réformes pour le réduire. Il
suggère que les postes dans la fonction publique soient fondés sur le mérite, de retirer les
étiquettes confessionnelles des cartes d'identité, de créer un organisme national pour la sortie
du confessionnalisme, d’élire un Parlement hors restriction confessionnelle, de créer un Sénat
pour les communautés …
Malgré cet accord, le régime politique a repris les mêmes concepts que ceux du Pacte
national et proposé la parité entre les représentants des chrétiens et des musulmans au
Parlement et au gouvernement et aux employés de première catégorie d’une façon permanente.
De cela a résulté, à partir des pratiques autoritaires dominées par le système de quotas
factionnels, l'instauration et la propagation du confessionnalisme dans l'État et la société.
L’accord de Taëf n’a finalement pas mis un terme au système confessionnel au Liban.
Néanmoins, il a modifié la formule du pouvoir précédent à un équilibre de 50-50 entre les
communautés chrétienne et musulmane, et pointé vers un système non confessionnel, dans un
avenir lointain au Liban. Or, les décisions politiques sont souvent le fruit des débats et de luttes
intercommunautaires davantage que d'un processus décisionnel bureaucratique (Kingston,
2000).
233
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
Le mot grec kubernân, signifiant piloter un navire, est à l’origine du terme gouvernance
utilisé par Platon (Gobin, 2007). Au début, la gouvernance concernait le secteur privé pour
indiquer le comportement type que doivent pratiquer les dirigeants. Elle est ensuite appliquée
au secteur public et affecte directement l’Etat (J. Chevallier, 2003). Dans les années 1970, le
terme « gouvernance », ou de « gouvernementalité » introduit par Foucault, refait son
apparition pour expliquer la réaction du gouvernement aux problèmes et aux formes
d’organisation sociale, économique et politique (Le Galès, 2019). Malgré l’effort effectué pour
définir la gouvernance publique, celle-ci est restée sans définition précise. Elle peut être
simplement la relation entre les élus et le peuple, mais aussi recouvrir les éthiques politiques,
le contrôle et la supervision des représentants politiques, la réforme et la gestion des
institutions, les accords entre public et privé (Pitseys, 2010).
A partir des années 1990, la notion de gouvernance commence à s’appliquer dans plusieurs
domaines à plusieurs échelles : le monde, l’Etat, la ville, … (Baron, 2003) et elle s’est présentée
comme un concept dans les sciences sociales (J. Chevallier, 2003). Par effet de mode, la notion
de gouvernance apparaît fréquemment dans les ouvrages et est utilisée par des institutions
internationales comme « manière de gouverner » (Lacroix & St-Arnaud, 2012). Toutefois, la
gouvernance reste une notion polysémique qui « passe par tout » (J. Chevallier, 2003), mais
sans avoir une définition unique (Baron, 2003).
234
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Une gouvernance efficace du transport doit s’appuyer sur une définition claire et précise
des responsabilités et des compétences entre les parties prenantes (FIT, 2017), aussi bien
horizontalement (entre les instances d’un même niveau institutionnel) que verticalement
(répartition des responsabilités entre les différents échelons territoriaux). Elle doit permettre de
répondre à la question : Qui fait quoi ? Elle doit également s’assurer de la bonne coordination
des différentes parties prenantes afin de conduire une politique cohérente des transports.
La répartition des responsabilités et des compétences n’est pas clairement établie au Liban
où l’environnement institutionnel du transport se caractérise par une multiplicité des acteurs
impliqués, sans cadre organisationnel ni coordination organisée. Cela provoque un
chevauchement des rôles et un manque de coordination entre eux (MTPT, 2013a; SISSAF,
2016) ainsi que la multiplication d’initiatives sans cohérence d’ensemble. Les limites
administratives actuelles empêchent la création d’une autorité centrale de transport et génèrent
des obstacles à une vision stratégique globale (MTPT, 2013a) qui induit la duplication du
travail et une mauvaise allocation des responsabilités et des ressources entre les acteurs. Ces
acteurs se divisent entre acteurs primaires, qui interviennent directement dans le secteur, et les
acteurs secondaires qui ont des responsabilités très précises et qui n’interviennent pas
directement dans le secteur. Leurs rôles sont plutôt complémentaires à ceux des acteurs
principaux.
2.1.1. Les acteurs primaires du transport routier
Les principales autorités chargées du transport routier sont le Ministère des Travaux
Publics et des Transports (MTPT), le Conseil du Développement et de la Reconstruction
(CDR), l’Office des Chemins de Fer et des Transports en Commun (OCFTC), le Ministère de
l'Intérieur et des Municipalités (MIM), le Ministère des Finances (MF), le comité parlementaire
235
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
Le MTPT est instauré dans les années soixante. En 1993, il y a eu une séparation entre les
domaines du transport et des travaux publics avec la création du Ministère de Transport (loi no
214), et leur fusion de nouveau en 2000 (loi no 247).
105
Avec le représentant du MTPT, Beyrouth.
236
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Support Consultants (MSC), soutenue par l'Union Européen, qui vise à améliorer les services
administratifs et techniques du ministère (Nahas, 2009; World Bank, 2018a).
La Direction Générale de l’Urbanisme et de l’Aménagement
Elle a pris ses fonctions en 1997 (décret du 21 juin 1997). Elle s’occupe de la planification
urbaine en proposant des plans de développement des routes principales et secondaires ainsi
que du trafic et des stationnements. Elle possède deux services : le service des études
d’urbanisme et le service des projets municipaux (Lamy et al., 2010; SISSAF, 2016).
b- Le CDR : Conseil du Développement et de la Reconstruction
Le CDR assure le financement pour des projets exécutés et/ou planifiés par lui ou bien
pour des projets dans lesquels il est l’intermédiaire entre l’Etat et les financeurs (résultat de
l’entretien E, résultat d’entretien, 3 avril 2017). Le financement se fait par des fonds régionaux
ou internationaux, des banques d’investissement et des Etats qui paient directement le CDR
106
Avec le représentant du CDR, Beyrouth.
237
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
dont le travail est facilité grâce à son autonomie institutionnelle et sa compétence élargie
(Osman, 2015). Au niveau budgétaire, 56% de son budget total consacré aux projets
d’infrastructures physiques était dédié au transport seul 107 (CDR, 2013a) dont la moitié
consacrée à la maintenance des routes et des autoroutes durant les deux dernières décennies
(SISSAF, 2016). Entre 1992 et 2012, le CDR a perçu des contrats de 2.8$ milliards pour le
transport (CDR, 2013a). Ces budgets concernent davantage les infrastructures routières que les
transports en commun.
L’OCFTC est créé en 1961, par le décret no 6479 qui sépare le transport en commun de
l’Autorité de l'Electricité et du Transport Commun qui existait à l’époque. Il est fondé sous le
nom de Chemin de fer de l’Etat Libanais (CEL) propriétaire et gérant du réseau ferroviaire
après sa nationalisation. En 1964, avec la fin des services de tramway, le CEL a pris en charge
les services de bus à Beyrouth et en 1988 il prend le nom d’OCFTC et s’occupe du transport
en commun étatique sur tout le territoire (Osman, 2015).
Pour le transport en commun routier, le mandat de l’office s’exerce sur tout le territoire. Il
possède actuellement 39 bus, qui circulent surtout à la GBA, alors que la gare centrale et les
ateliers de l’OCFTC peuvent accueillir jusqu’à 250 bus (SISSAF, 2016).
107
Les 44% restant ont été consacré à des projets des infrastructures de télécommunications, d’eau et
d’électricité.
238
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Au niveau budgétaire, à la fin des années 1990, l’OCFTC, qui avait un réseau de bus qui
circulait sur plusieurs lignes, souffrait d’un déficit de 49%. Il a perçu une subvention de 9$
millions en 1999 (Nabti, 2004) et 13.3$ millions en 2000 (Baaj, 2000). Son budget annuel
actuel, de l’ordre de 8$ millions, reste insuffisant (SISSAF, 2016) et l’office souffre d’un
manque d’effectifs. Après avoir eu 2.631 employés en 1965, 1.800 en 1975 et 950 en 2002
(Baaj, 2002; Osman, 2015), il ne possède aujourd’hui que 153 employés (résultat de l’entretien
B, 29 mars 2017).
Bien qu’il soit le seul exploitant public des transports en commun au Liban, l’OCFTC n’a
jamais diffusé d’enquêtes sur les pratiques de déplacements des usagers de ses bus. Les seuls
chiffres diffusés par l’office sont anciens, datant des années 1997-1998, et ne concernent que
le nombre de passagers et de voyages annuels effectués par les bus OCFTC. Le manque
d’équipements technologiques tels que les pointeuses, les bornes billettiques, les systèmes
GPS, ainsi que l’absence d’offres d’abonnement expliquent ce manque de données.
d- MIM : Le Ministère de l’Intérieur et des Municipalités
Le fonctionnement des véhicules sur le réseau routier est sous la responsabilité partagée
du MTPT et MIM. Le premier est responsable de la préparation des plans et règlements du
transport de passagers et de marchandises, tandis que la seconde veille à la mise en œuvre de
ces plans et règlements et assure la police. Le MIM intervient dans le transport via l’Autorité
de Gestion de la Circulation et des Véhicules (TAVMA), la police et les municipalités comme
entités indépendantes (Diab & Obeid, 2012; Nahas, 2009).
La TAVMA: Traffic and Vehicle Management Authority
239
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
Malgré son rôle principal, la TAVMA ne diffuse que très rarement des données et des
statistiques. Les données traitées par elle sont souvent présentées très brièvement dans les
rapports annuels publiés par d’autres administrations (CDR, MTPT, …). De même, la Chambre
de Gestion Routière ne publie que les données quotidiennes sur le nombre d’accidents, de
procès-verbaux d’excès de vitesse et sur le niveau de la circulation routière108.
La police nationale
Les municipalités possèdent des responsabilités qui leur assurent une certaine autonomie
et leur confient un rôle important dans le secteur du transport.
Les routes secondaires, qui comprennent celles des villes et des zones rurales, sont sous la
responsabilité des municipalités (Nahas, 2009). La loi des municipalités (décret-loi n° 118 du
30/06/1977) leur donne la responsabilité de gérer la circulation, d’éclairer les routes, de
planifier la voirie et de créer et gérer les infrastructures et les services publics (article 51) (Lamy
et al., 2010). Au niveau des transports en commun, les municipalités ont le droit d’organiser
des réseaux sur leurs territoires et de fixer les tarifs (article 50). Malgré ces prérogatives,
presque aucune municipalité, ou union de municipalités, n’a pris d’initiatives de créer un
système de transport en commun sur son territoire (Nahas et al., 2016).
Les municipalités ont dépensé une somme de 4.3$ millions en 2008 et 19.6$ millions en
2012 pour la maintenance des routes (SISSAF, 2016). Toutefois, la majorité des municipalités
ont de faibles pouvoirs techniques. Pour cela, un support technique est présenté à eux par le
CDR ou le MTPT pour l’entretien et la gestion des routes. En outre, compte tenu du manque
de ressources financières et humaines chez les municipalités, le MTPT intervient souvent, à la
108
Lors d’une visite à la TAVMA et à la Chambre de gestion routière en 2017, le personnel a refusé de
fournir les données concernant la flotte des véhicules au Liban (circulations, immatriculations, permis de
conduire,). Il était nécessaire de présenter une demande auprès du ministère de l’Intérieur deux fois sans avoir des
réponses en retour.
240
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Les dépenses sur le transport sont financées principalement par le gouvernement sous la
forme des virements du Ministère des Finances (Diab & Obeid, 2012) aux acteurs principaux.
Le processus par lequel le Ministère des Finances (MDF) reçoit et distribue les financements
du transport figure dans le graphe ci-dessous (figure 86).
L’exception à cela est lorsque le CDR reçoit le financement directement des donneurs ou
des prêteurs sans passer par le Ministère des Finances.
f- Le comité parlementaire
Le Comité Parlementaire du transport, travaux publics, énergie et eau est le comité qui
doit préparer et instruire les projets de lois qui concernent le secteur du transport au Liban. Il
étudie ces projets et les envoie pour approbation du Parlement. S’ils ne sont pas approuvés, elle
demande leur révision (résultat de l’entretien A109, 27 mars 2017).
Le conseil national de la sécurité routière est établi en octobre 2012 et a commencé son
activité en décembre 2015. Il est présidé par le Premier Ministre avec la participation des
ministères pertinents (intérieur, transport, éducation et justice). Il a la responsabilité de
109
Avec le représentant du Comité Parlementaire du transport, travaux publics, énergie et eau, Beyrouth.
241
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
superviser les mesures relatives à la sécurité routière, élaborer sa politique générale et assurer
son application ainsi que développer le Code de la route et proposer des projets de décrets et
de règlements en vertu de la loi (résultat de l’entretien D110, 3 avril 2017).
Les acteurs secondaires sont le Ministère de l’Environnement, les donneurs et les prêteurs,
les Organisations Non-Gouvernementales, les syndicats, les bureaux d’études et le conseil
supérieur de transport.
a- Le Ministère de l’Environnement
Il définit les standards des émissions des véhicules pour éviter la pollution de
l’environnement et publie des études relatives à la pollution et aux émissions (Nabti, 2004).
Ce sont les organismes qui financent des projets de transport routier au Liban soit par des
dons ou bien par des prêts. Actuellement, les principaux donneurs, surtout par des prêts
accordés au CDR, sont : la World Bank, l’European Investment Bank EIB, l’Union Européen,
l’Islamic Development Bank, Abu Dhabi Fund for Developpement, Arab Fund for Economic
and Social Development, Kuwait Fund for Arab Economic Development, Saudi Fund For
Development, … (SISSAF, 2016) (résultat d’entretien E, 3 avril 2017).
Ce sont les Organisations Non Gouvernementales (ONG) qui s’intéressent au secteur des
transports. Ces ONG créent des initiatives pour développer ou améliorer l’utilisation des
différents moyens de transport. Elles participent aussi parfois dans la rédaction des propositions
des lois qui interviennent dans le domaine des transports.
Il existe plusieurs ONG qui s’occupent du transport au Liban. Par exemple, Train-Train
qui s’intéresse à la réhabilitation du train libanais, Bus Map Project qui s’occupe du réseau de
transport en commun artisanal actuel, BEFORWARD qui s’occupe des transports durables, The
Chain Effect qui s’intéresse à l’utilisation du vélo …
Au Liban, les syndicats sont très politisés. Ils interviennent selon les directives des partis
politiques et religieux auxquels ils appartiennent plutôt que selon les besoins du secteur. Pour
110
Avec le représentant du conseil national de la sécurité routière au Liban, Beyrouth.
242
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
le transport, un des syndicats les plus actifs est le syndicat des conducteurs de véhicules de
transport en commun (Abi Yaghi & Catusse, 2011). Au cours d’une visite auprès de ce syndicat
(avril 2017), son représentant a expliqué que le syndicat ne dispose d’aucune étude sur les
pratiques et les taux d’utilisation du transport en commun. Il nous a fourni que les chiffres
concernant sur la flotte des véhicules de transport en commun : le nombre de taxis, de bus et
de minibus en circulation sur tout le territoire. Ce syndicat participe souvent à l’élaboration des
propositions de loi ou de modification des lois relatives au transport collectif (résultat de
l’entretien C, 1er avril 2017).
Il en existe deux types : les premiers sont les entreprises et les bureaux d’ingénierie qui
exécutent les projets de construction et de maintenance des infrastructures routières au Liban ;
les deuxièmes sont les bureaux de recherche et de conseil qui préparent les études et les données
nécessaires pour les projets de transport.
Il a été créé en 1966 (décret 5540), mais il n’a été jamais activé. Il avait la responsabilité
d’établir des études de projets en infrastructures du transport routier. C’était une tentative de
l’Etat pour unifier les tâches des acteurs de transport. Il devait être présidé par le ministre du
transport avec des membres de l’OCFTC, MIM, TAVMA, MTPT, la Police, la Douane, le
Ministère de l’Economie et le Ministère de la Défense (SISSAF, 2016).
243
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
La cause principale de cette incapacité est fondée sur la répartition complexe des
responsabilités en matière de transport entre les entités concernées, et au sein de celles-ci, et
que sur le nombre et le niveau de compétence du personnel concerné disponible (Nahas, 2009).
En s’inspirant du travail de Christie et al. (2013) (cf. figure 88) sur la gouvernance de
transport, nous avons décomposé le cadre de gouvernance sectorielle du transport en quatre
sous-cadres : institutionnel et réglementaire, d’allocation de ressources, de l’exécution des
projets de transport et de la responsabilisation. Pour chaque cadre, une explication du
fonctionnement a été mobilisée, alimentée par des exemples.
244
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Au niveau relationnel, entre les acteurs, les missions et les responsabilités des différents
acteurs ne sont ni claires ni distinctes. Les responsabilités sont très variables et chacune est
parfois prise par plusieurs acteurs. Elles sont souvent assignées non pas selon la compétence,
mais, plutôt, pour assurer la représentation des groupes confessionnels et politiques (Baaj,
2002; Nahas, 2002, 2009; Nahas et al., 2016; SISSAF, 2016). Le graphique ci-dessous (cf.
figure 89), basé sur le travail de Nahas (2009), illustre un exemple de la répartition des
responsabilités du transport routier au Liban (Nahas, 2009). Il montre clairement que, par
exemple, pour la planification, le financement, la préparation et la mise en œuvre des projets
245
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
du réseau routier, plusieurs acteurs s’en occupent simultanément. Cette multiplicité des acteurs
ne se limite pas au réseau routier. Elle concerne tous les aspects de transport (les responsabilités
de la gestion de la circulation, des stationnements, du transport collectif, de la sécurité routière
…). Des exemples figurent dans les annexes de cette thèse (cf. annexe 4).
Figure 89: Des exemples de la répartition des responsabilités en matière de réseau routier
Il est important de noter qu’au Liban, il n’existe pas une loi fondamentale qui règle le
fonctionnement du secteur de transport. A part du Code de la route, le secteur de transport au
Liban est dépourvu de tout cadre législatif unifiant, à l’instar de la LOTI (Loi Intérieure
d’Orientation des Transports Intérieurs, 1982) en France. Le cadre réglementaire existant en
matière de transport se limite à des décrets et des décisions ministériels. A titre d’exemple, le
décret no 124/2003 qui concerne la circulation des deux roues-motorisés ; le décret no
246
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
8243/2003 qui a rendu le contrôle technique annuel obligatoire ; la décision du Conseil des
Ministres no 9 (du 5 avril 2000) précisant le nombre de plaques d’immatriculation rouges du
transport en commun à 27.061 plaques (non appliquée jusqu’au aujourd’hui) ; le décret no
7858/2002 qui incite le renouvellement de la flotte de véhicules au Liban (exonération des
véhicules de moins de 5 ans des frais d’importation et d’immatriculation) et qui interdit
l’utilisation des bus et minibus (de 16 à 24 passagers) à moteur de diesel ; …(MoE et al., 2012).
Cette inertie de la gouvernance et la faible coordination entre les acteurs ont été constatées
lors d’une enquête qualitative, menée au sein de cette thèse, sous la forme d’entretiens semi-
directifs auprès des personnes représentatives des acteurs de transport routier au Liban.
L’analyse de ces entretiens a confirmé la multiplication des acteurs et a montré qu’il n’existe
pas suffisamment de lisibilité et coordination entre eux. De plus, les entretiens ont montré que
les acteurs étatiques sont plutôt passifs que participants. Ils sont souvent inactifs et attentistes
et chacun réagit selon son propre point de vue ou selon les directives de sa référence politique
et religieuse. Leurs rôles sont souvent pris en charge par les acteurs privés ou des organismes
internationaux. Cela a été aussi constaté dans d’autres études (Baaj, 2002; Nahas, 2002, 2009;
Nahas et al., 2016; SDATL, 2005; SISSAF, 2016). Les entretiens ont aussi montré qu’une
vision stratégique du système de transport n’existe pas et que son amélioration n’est pas une
priorité de l’Etat.
247
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
Actuellement, les dépenses sur les investissements publics forment la plus petite partie des
dépenses gouvernementales au Liban. Elles sont moins de 1.4$ milliards par an, soit 9% des
dépenses totales du budget national de 2019. En 2018, le budget consacré au transport (482
L.L. milliards) ne forme que 2% des dépenses gouvernementales. Ce budget concerne tous les
modes (routier, maritime, aérien) dont plus que 80% sont dédiés aux routes seules (Boustani,
2018). Cette allocation budgétaire qui néglige les transports en commun figure, de même, lors
des endettements alloués au Liban. Par exemple, en avril 2018, lors de la Conférence
Economique pour le Développement, par les Réformes et avec les Entreprises112 à Paris, un
tiers des fonds ont été dédiés aux transports et seulement 1% pour les chemins de fer113.
Aussi, selon le nouveau Code de la route (loi 243, 2012), les montants collectés par les
amendes des procès-verbaux (P.V.) d’excès de vitesse ne sont pas dédiés au secteur de
transport. Ces montants sont distribués à des parties qui n’interviennent pas directement dans
le secteur de transport : 30% pour la Caisse Mutuelle des Juges, 25% pour la Caisse Mutuelle
des Auxiliaires Judiciaires, 25% pour la police nationale et seulement 20% de ces recettes sont
dédiés aux municipalités qui ne jouent qu’un rôle secondaire dans la maintenance des routes.
Les projets de transport sont financés le plus souvent par des prêts extérieurs, via le CDR
ou le Ministère des Finances (Diab & Obeid, 2012), mais sans véritable coordination entre les
entités en charge de la maintenance ou de la construction (MTPT, CDR, municipalités) (Nahas
et al., 2016). En outre, depuis deux décennies, les partenariats public-privé augmentent au
Liban (Hayek, 1996; Jamali, 2004; Massoud & El-Fadel, 2002) et atteignent récemment le
secteur du transport (ELARD & EGIS, 2018; Mallah, 2010). Ces partenariats n’ont pas de coûts
directs sur la collectivité, mais ont des coûts indirects puisqu’ils sont subventionnés en
contrepartie des externalités négatives qu’ils génèrent (Nahas et al., 2016).
Aussi, de façon identique aux autres fonctions publiques, les entités du transport souffrent
d’un manque de personnel administratif et technique (Nahas, 2009; SISSAF, 2016). Par
111
Les allocations dédiées aux municipalités comme partie des revenus des télécommunications au Liban
n’ont pas été virées aux autorités locales pendant de longues années.
112
Connue au nom de CEDRE ou Paris IV : une conférence internationale pour soutenir le développement
et le renforcement de l’économie libanaise. Les dettes n’ont pas encore donné au Liban jusqu’à présent (février
2020)
113
Pour le chemin de fer Tripoli-Abboudieh (cf. chapitre 6, section 1.1.1.)
248
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
exemple, au sein de la DGTRM, parmi les 127 postes disponibles, seuls 21 sont occupés
(SISSAF, 2016).
Au regard de la multiplicité des acteurs et leur manque de coordination, les objectifs des
acteurs de transport au Liban ne sont pas souvent cohérents ni clairs. En conséquence, les
projets exécutés et les services fournis ne sont pas performants. L’offre de transport collectif,
la qualité médiocre de la voirie et des installations (trottoirs, marquages, signalisations
routières…) en sont un exemple (cf. chapitre 3). Ce manque de performance est de même
favorisé par le manque de transparence et la mauvaise allocation des ressources (Cervero,
2013).
Un autre indicateur se trouve dans la longue durée de l’exécution des projets de transport.
La plupart des projets nécessitent des durées plus longues que celles planifiées (Nabti, 2004;
Nahas, 2009; SDATL, 2005; SISSAF, 2016). Enfin, la focalisation de l’Etat sur la construction
des routes, plutôt que sur leur maintenance (cf. chapitre 3, section 1.1.) est aussi un indicateur
de la mauvaise gouvernance (Gwilliam et al., 2008).
249
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
Les acteurs du transport routier au Liban ne semblent pas être responsabilisés. Ils ne
produisent pas assez de données sur leurs activités et ne subissent pas d’audits.
Les administrations en charge ne diffusent pas assez de données sur les pratiques de
mobilité, ni même leurs informations financières, budgétaires et administratives. Toutefois, la
loi de droit d’accès à l’information (no 28/2017) oblige toutes les entités publiques à publier
des rapports annuels, des décisions et des données budgétaires et financières sur leurs sites
Web. Par contre, la plupart des entités de transport ne disposent pas actuellement de
l'infrastructure et des ressources nécessaires pour faire appliquer cette loi. La plupart parmi
elles n’ont même pas un site Web ou leur site ne fournit pas assez de données.
De même, cette loi donne le droit aux citoyens de demander des informations auprès des
entités avec l’obligation de ces dernières de répondre sous 15 jours. Durant cette thèse, deux
demandes ont été faites auprès du Ministère de l’Intérieur (TAVMA et la Chambre de sécurité
routière) pour avoir des informations sur la flotte des véhicules, restées sans aucune réponse.
Cette absence de réponse est un cas très fréquent au Liban : 74% des administrations publiques
n’appliquent pas la loi du droit d'accès à l'information (Mehdy & Merhej, 2019).
Quant aux rapports d’audits des acteurs du transport, ils ne nous ont pas permis de
recueillir d’informations suffisantes. Le manque de transparence (Cervero, 2013) et de supports
fiables de communication avec les acteurs peut expliquer cette insuffisance. Cependant, dans
tout le secteur public libanais, il y a souvent un manque de contrôle et d’audit et une faiblesse
de surveillance judiciaire (Corm, 2015). A noter, au Liban, il n’existe pas d’entité d’audit
dédiée aux transports.
2.3. L’orientation de la politique étatique du transport : une priorisation de la voiture.
La gestion de la mobilité au Liban « ne fait pas l’objet d’une politique explicite et ne relève
pas d’une instance de responsabilité identifiable » (Nahas et al., 2016). En plus de la faible
gouvernance et de la multitude des acteurs, les mesures prises par l’Etat envers le système de
transport suivent souvent les directives pour « sauver la voiture et non pas la ville » (Nahas et
al., 2016). Cette priorisation implicite donnée à la voiture s’illustre en une succession des
projets étatiques qui n’ont pas pris en considération les autres alternatives à la voiture.
250
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Depuis la fin de la guerre, les projets étatiques de transport se sont concentrés sur la
construction et la réhabilitation des infrastructures routières. Les transports en commun n’ont
pas émargé aux projets de la reconstruction (Nabti, 2004). Presque aucune action n’a été
sérieusement menée pour favoriser le transport en commun et réduire la circulation en véhicule
privé (Nahas et al., 2016).
Cela provient d’une politique « échappatoire » (Verdeil, 2018) adoptée par l’Etat pour
faire face aux problèmes de transport. Dans cette politique, l’Etat considère tout plan de
transport collectif irréalisable à cause de la faiblesse des sources financières et des pratiques de
mobilités sociales adoptées par les citoyens. Cela le conduit à préférer souvent le choix le
plus facile et simple : les infrastructures routières. Ce qui induit une forte construction des
routes, qui favorise les déplacements en voiture. et qui est souvent favorisée par le lobby des
constructeurs de routes au Liban (Verdeil, 2018).
Ce constat est renforcé par la faible intervention étatique dans l’offre de transport collectif.
Celle-ci est quasi-exclusivement assurée par le secteur privé, d’une manière artisanale,
chaotique, avec une partie de la flotte qui circule d’une manière illégale et une répartition
géographique inégale de l’offre (cf. chapitre 3 section 2.2.). L’Etat est également un prestataire
de service de transport en commun mais il n’est présent que par un nombre très limité de bus
(cf. chapitre 3, section 2.2.2). Cependant, les interventions qu’a fait l’Etat précédemment dans
l’offre de transport collectif sont souvent insuffisantes, voire mauvaises et souvent associées à
des liens de corruption. Pour exemple : l’introduction du réseau de bus à Beyrouth en 1964
pour remplacer le tramway ; la délivrance des milliers de plaques rouges en 1994 ; le « scandale
de Karosa » en 1997 ; la négligence des empiétements et des violations des droits de passage
du chemin de fer … (cf. chapitre 3, section 2).
251
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
Cette offre s’explique également par le gain politique qu’assure la construction des routes
aux partis politiques. Ce gain se présente sous trois formes. D’abord, les nouvelles routes
bitumées les aident à avoir de meilleurs lotissements sur les territoires et à augmenter, par la
suite, les prix du foncier (Nahas et al., 2016). Ensuite, les infrastructures routières sont souvent
présentées comme un achèvement ou un accomplissement comme réponse à des « objectifs
locaux et des pressions clientélistes » (G. Faour et al., 2007). Enfin, les dépenses dans les
projets publics sont une source de commissions et de pots-de-vin pour les partis politiques et
leurs bénéficiaires. Cela est favorisé par le manque de transparence, la présence de corruption
et le manque de contrôle et de surveillance (Cervero, 2013) surtout sur le processus d’appel
d’offres. Saba (2019) a montré que les cinq principales formes de corruption liée la construction
des routes au Liban sont : (i) l’ingérence politique ; (ii) la protection politique des entreprises
remportant les offres ; (iii) la mise en place de grands contrats par des négociations basées sur
des commissions et des pots-de-vin ; (iv) l’utilisation récurrente des mêmes entreprises et (v)
la demande de pots-de-vin par les décideurs et les influenceurs politiques (Saba, 2019).
La perception étatique de l’offre de transport est ainsi tout à fait cohérente avec le régime
de clientélisme et de corruption qui règne sur la politique libanaise. La forte ingérence politique
dans le secteur a largement limité la capacité de l’Etat à gérer correctement le réseau routier et
à hiérarchiser les investissements du réseau (World Bank, 2017c).
La « politique de l’automobile » adoptée par l’Etat (Nahas et al., 2016) se complète aussi
par la création de trois lobbys qui la favorisent : d’une part, ce sont les entreprises des travaux
publics qui sont en faveur de la construction continue des routes (Verdeil, 2018) et qui sont
souvent possédées par des proches des hommes politiques ; d’autre part, le lobby des
importateurs et vendeurs de voitures qui ont toujours intérêt à la consommation de voitures ;
enfin, le lobby des importateurs et vendeurs de carburants. Ces derniers, dont une grande partie
sont des politiciens, ou en relation avec l’élite politique profitent de la grande utilisation de la
voiture pour assurer plus de ventes des carburants (Traboulsi, 2004). A ces lobbys, s’ajoutent
les banques qui profitent des crédits auto (Verdeil, 2018) et qui sont souvent possédées par des
politiciens (J. Chaaban, 2015). A ne pas négliger, aussi, les revenus énormes de l’Etat sous
252
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
forme de taxes sur les carburants, les frais d’importation, d’immatriculation et de contrôle
technique (cf. chapitre 2, section 2).
2.3.2. Des exemples de la stratégie étatique : des projets exclusifs pour la voiture et une
négligence des propositions pour les modes alternatifs.
Depuis la fin de la guerre civile 114 , pléthore de propositions ont été apportées par les
différentes parties prenantes étatiques pour améliorer le système de déplacements (Diab &
Obeid, 2012). Dans presque toute déclaration ministérielle 115 , le sujet du transport est
mentionné. Pourtant, les gouvernements successifs n’ont pas fait un véritable effort efficace et
fructueux pour modifier la politique du transport. Ci-dessous quelques exemples des projets et
des études qui ont été faits au Liban pour le secteur du transport ; les projets ou les parties de
projets qui favorisent la voiture sont le plus souvent prioritaires à ceux qui concernent d’autres
moyens de transport.
Avec la fin de la guerre, le plan de transport principal pour Beyrouth faisait partie de son
Schéma Directeur (1986). Ce schéma prévoyait que la population beyrouthine allait continuer
d’augmenter et que le nombre de déplacements allait alors tripler. Ce qui nécessitait
l’amélioration de l’offre de transport collectif qui devait former environ un quart des
déplacements motorisés. Ainsi, le schéma a mis en exergue que l’amélioration de ce mode, sur
la Région Métropolitaine Beyrouthine, constituait une priorité pour améliorer la mobilité de la
ville (Huybrechts & Verdeil, 2000).
De plus, au niveau des réseaux routiers, le schéma proposait 3 projets : 1-un périphérique,
autour de Beyrouth, dont l’étude de faisabilité a été faite, mais dont la réalisation a été bloquée
en raison du manque de financement à l’époque. Actuellement des propositions remettent ce
projet en discussion (SISSAF, 2016). 2- L’Autoroute Arabe (vers la Syrie via la Bekaa) dont
la construction a commencé (cf. chapitre 3 section 1.1.2.) et 3- un réseau secondaire
d’autoroutes (Huybrechts & Verdeil, 2000). Après sa première proposition, le schéma n’a pas
été appliqué.
En 1994-95, ce schéma a été repris dans le but d’envisager un plan de transport sur 20 ans
(1995-2015). Le nouveau schéma se concentrait plus sur l’importance du système de transport
114
Avant la guerre, la stratégie étatique n’était pas pareille. Une bonne offre de transport en commun existait
jusqu’au 1975 (Cf. chapitre 3, section 2.1.).
115
La feuille de route d’un nouveau gouvernement. Elle est annoncée lors de son établissement.
253
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
A l’époque, l’Etat prétendait que tout ce qui était dans le plan était en cours de réalisation
ou sera mis en œuvre. Toutefois, aucun élément du plan de transport en commun n’a été réalisé
et seules des études très préliminaires ont été sous-traitées ou achevées (Nabti, 2004).
Figure 90: Les lignes de métro, train, BRT et bus proposées par le plan de 1995 (Nabti,
2004)
254
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
En juillet 1999, le Ministère des Transports a organisé une conférence internationale pour
étudier le transport routier au Liban et identifier ses problèmes. C’était le premier évènement
spécialisé qu’organisait le ministère depuis son établissement en 1993. Cette conférence a
recommandé de formuler une politique claire de transport pour pouvoir résoudre les problèmes
de ce secteur. La proposition principale s’adressait au rôle primordial que doit jouer l’Etat dans
la réformation du secteur où il était constaté que le gouvernement ne peut pas jouer un double
rôle en étant en même temps le planificateur et régulateur du système, d’un côté, et le
fournisseur d’un service de transport en commun, de l’autre côté. Il a alors été proposé que
l’Etat se concentre sur la planification et la régulation du secteur tout en créant les conditions
qui permettent au secteur privé de jouer un rôle dans la production et le financement du secteur.
Cette réforme du secteur devait permettre d’obtenir un système de transport fiable, durable,
efficace, sûr et écologique (Baaj, 1999). Jusqu’à présent, ces réformes n’ont pas été appliquées.
Au début des années 1990, un projet de maintenance du réseau routier libanais a été
planifié. Selon ce projet, le Liban serait divisé en zones ayant chacune un prestataire
responsable de la maintenance des routes, sous la supervision de l’Etat Libanais. Ce projet, n’a
pas été totalement appliqué (SISSAF, 2016), mais, entre 1992 et 2000, le gouvernement a
assigné 141 contrats pour des projets de routes et d’autoroutes pour une valeur de 564.5$
millions (MoE & LEDO, 2001).
255
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
transports urbains dans un cadre couvrant les aspects institutionnel, politique, réglementaire,
organisationnel, financier et législatif. L’objectif était d’élaborer la mise en œuvre d’un plan
hiérarchique d’amélioration du transport public multimodal. L'étude a été confiée à des
consultants sans aucun résultat publié (Nahas, 2009).
Pour les transports en commun, le SDATL propose « une option stratégique » et urgente
qui consiste à ce que l’ancien réseau de chemin de fer soit réhabilité. En parallèle, il propose
l’installation d’un réseau de transport en commun en site propre dans les villes et les
agglomérations (SDATL, 2005).
116
Un groupement qui se composait de IAURIF (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Ile-
de-France) et le bureau d’étude Dar Al-Handassa (Vandal-Piché, 2005).
256
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
réseau de bus fiable n’existe nulle part au Liban. Les infrastructures routières continuent à
augmenter avant même de maintenir les existantes, et l’autorité organisationnelle n’est pas
encore mise en place.
C’est un nouveau projet, lancé en 2005, qui vise à faciliter le déplacement dans la GBA
entre Antelias (nord), Khaldeh (sud) et Mkalles (ouest). L’UTDP a été initié dès 1999 avec
pour but d’augmenter la capacité des routes de la GBA.
Dans une étude faite en 2013, par la Direction Générale du Transport Routier et Maritime
(DGTRM), le MTPT propose une nouvelle perception de l’offre de transport au Liban.
257
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
améliorer le réseau des routes principales. Soit identifier les liaisons routières manquantes,
installer des gares routières nécessaires et établir des coopératives organisées pour la gestion
des transports dans les villages et les régions éloignées (MTPT, 2013a). Ce projet a été repris
récemment sous deux propositions : soit sa mise en place tel qu’il a été proposé, soit sa mise
en place comme un projet de BRT pour la GBA (cf. chapitre 6, section 1.2.).
Le MTPT suggère également d’établir une Autorité des Transports Routiers dont le but
sera l’organisation et le contrôle des transports en commun par (i) la mise en place d’une base
de données du système de transport ; (ii) le contrôle de la légalité des opérateurs du métier de
transport ; (iii) la précision des conditions et des spécifications standards des véhicules de
transport en commun et (iv) la conformité du système aux contraintes de sécurité et
d’environnement (MTPT, 2013a). Jusqu’à présent, les consignes de cette étude n’ont pas été
appliquées malgré les multiples discours politiques qui parlent de ce projet.
Une autre étude concernant Beyrouth a eu lieu en 2012-2013. Celle-ci a été faite par la
municipalité de Beyrouth en coopération avec la région Île-de-France pour « reconquérir les
espaces publics » de la ville. Afin de pouvoir réorganiser l’espace public urbain de la ville et
assurer une coexistence entre les différents moyens de déplacement, il y est proposé
de redessiner la voirie et l’espace public d’une manière à donner à chaque mode sa place surtout
les déplacements doux en créant une continuité de nouveaux itinéraires et des voies spécifiques
à ce type de déplacement (SITRAM & EGIS, 2012, 2013).
258
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Au niveau politique, le Liban est un pays de mosaïque confessionnelle qui regroupe les
différentes religions qui ne réussissent pas toujours à vivre ensemble, sauf par un partage du
pouvoir. Ce partage affaiblit l’Etat libanais et rend la stabilité du pays très dépendante de la
satisfaction des différents partis politiques et confessionnels. Ces partis sont souvent attachés
à des acteurs extérieurs qui interviennent librement dans la vie politique libanaise.
Le système politique qui règne dans le pays dès la fin de la guerre est un régime fondé sur
une démocratie consensuelle qui consiste à répartir le pouvoir et les postes sur les différents
groupes confessionnels du pays. Ce système de confessionnalisme politique, qui se veut être
le facteur premier de la stabilité politique, est la raison principale de l’inertie qui caractérise la
gouvernance étatique au Liban. Il se traduit par un patronage et un fort clientélisme qui illustre
la vie politique libanaise. La corruption, le ralentissement du fonctionnement public et la
faiblesse de l’Etat envers les parties prenantes en sont ses résultats directs.
L’inertie de la gouvernance n’est pas récente au Liban. Elle est la conséquence des
circonstances par lesquelles est passé le pays durant son histoire moderne souvent instable. Ce
pays minuscule, qui a peine à dépasser son anniversaire d’albâtre, a une histoire riche en
évènements et circonstances qui l’ont changé à plusieurs reprises. Plusieurs périodes
historiques peuvent être ainsi distinguées. La première est l’ère ottomane (XIVème - XXème
siècle) qui a témoigné des premières répartitions du pouvoir sur critères confessionnels et
régionaux. La répartition par quotas a ensuite continué avec le mandat français qui a remplacé
les Ottomans dès la fin de la Première Guerre mondiale. Durant ce mandat, qui a duré 25 ans
(1918-1943), la République Libanaise est fondée. Sa fondation a été marquée par la répartition
confessionnelle du pouvoir qui a été officiellement imposée par un Pacte national (1943). Ce
Pacte consiste à répartir le pouvoir entre les confessions et a réussi à conserver une certaine
paix civile pour trois décennies. Ces trente années sont également caractérisées par une stabilité
politique et économique.
259
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
Les tensions politiques et confessionnelles internes, influencées par les tensions régionales
dans l’entourage du pays jumelé aux disparités entre les régions du territoire, ont déclenché, en
1975, une guerre civile qui va durer 15 ans et marquer fortement l’histoire du pays. Cette
guerre, qui a été coûteuse à tous niveaux, a bouleversé la situation politique au Liban qui a
toujours conservé le critère confessionnel dans la répartition du pouvoir. Ainsi, cette guerre a
été tout à fait vaine puisqu’à sa fin n’a eu lieu, qu’après rétablissement d’un nouveau
compromis politique identique au Pacte national. C’est l’accord de Taëf, un traité interlibanais,
qui a mis fin à la guerre civile et qui a été entériné dans la constitution libanaise en 1990.
Malgré que la constitution de 1990 consiste à éliminer le confessionnalisme politique de l’Etat,
une réforme de l’administration publique s’est, à nouveau, développée avec le renfort de
l’ancien système de quotas entre les groupes religieux. Dès lors, le Liban jouit d’un statu quo
politique qui se base sur la répartition du pouvoir entre les confessions.
L’inertie de la gouvernance étatique se reflète sur tous les niveaux de la politique du pays
et touche tous les secteurs. Le secteur du transport ne fait pas exception.
260
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Avec une faible gouvernance du secteur de transport, les acteurs du transport cèdent aux
pressions politiques dans la gestion du secteur. Cela se traduit au niveau des embauches sur
critère confessionnel et non pas selon les compétences, sur le choix des projets, leurs
localisations, la budgétisation … Cette faible administration du secteur est favorisée par le
clientélisme, l’absence d’évaluations et de contrôles, la négligence des mesures anti-corruption
et des soutiens financiers et professionnels suffisants. Ces faiblesses existent dans tout le
secteur public au Liban et ne sont pas exclusives au transport.
Ces deux résultats sont également favorisés par l’échec dans la gestion des projets de
transport, l’échec de la réglementation et de la régulation des marchés qui se caractérisent par
des prélèvements informels, la manipulation des règles, les pots-de-vin … Enfin, il convient
de souligner le rôle de la cartellisation des entreprises. Au Liban, cette cartellisation est
présente sous la forme des lobbys de l’automobile (Verdeil, 2018) : des entreprises de travaux
publics, des importateurs et concessionnaires de voitures, des importateurs et commerçants de
carburants et des banques. Ces entreprises, souvent possédées par ou en relation avec l’élite
politique (J. Chaaban, 2015; Traboulsi, 2004; Verdeil, 2016, 2019b), tirent profit de la faible
gouvernance du système de transport au Liban qui favorise la voiture et néglige ses alternatives.
261
Chapitre 4. Une gouvernance déficiente du système des transports comme facteur de la dépendance automobile
La gouvernance sectorielle du transport routier au Liban se caractérise par une inertie qui
rend la stratégie étatique de transport inefficace. Elle va toujours dans le sens qui favorise la
voiture particulière. Elle priorise les infrastructures routières, néglige les alternatives à la
voiture et gère le secteur sous les mêmes contraintes qui dictent le système politique libanais
(corruption, clientélisme, quotas …). Cette position démontre ainsi une des raisons principales
qui explique l’offre excédentaire en routes et l’absence d’alternatives fiables à la voiture (cf.
chapitre 4). Cette situation n’est pas récente et a toujours existé dans le secteur du transport
libanais. Plusieurs exemples de projets montrent comment l’Etat cherche toujours à avoir plus
de routes et ne rend pas prioritaires les alternatives à la voiture.
262
CHAPITRE 5 : LA DEPENDANCE AUTOMOBILE AU
LIBAN : COUTS ACTUELS ET ENJEUX DE REDUCTION
263
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
Du point de vue des individus, les avantages que tirent les usagers du transport sont
souvent plus importants que les coûts générés (Becker et al., 2012). En revanche, ce rapport
gagnant pour les individus ne se reflète pas nécessairement au niveau sociétal. Une partie du
coût de la mobilité est supportée par la collectivité.
L’automobile, en tant que facteur d’accessibilité, apporte une utilité élevée à ses usagers.
En outre, on peut considérer que, dans la mesure où l’automobile est le principal support des
déplacements permettant la réalisation des activités économiques, elle est à l’origine
d’externalités positives pour la collectivité. Cependant, elle est également associée à de
l’insécurité routière, de la pollution de l’air, des nuisances sonores, des émissions de gaz à effet
de serre, autant d’effets externes négatifs qui impactent le bien-être de la collectivité, nommés
externalités négatives. En économie, on parle d’externalité lorsque l’activité de consommation
ou de production d’un agent économique (un particulier ou une entreprise) a une influence sur
le bien-être d’un tiers, sans que cette interaction ne fasse l’objet d’un paiement dans le cas d’un
effet externe positif (« externalité positive ») ou d’une compensation dans le cas d’un effet
externe négatif (« externalité négative ») (Bonnafous, 1992). Bonnafous (1994) défini les
externalités ou les effets externes de transport comme « les conséquences négatives (ou
positives) d'une activité de transport, sans que celui qui la provoque (ou qui en bénéficie) ait
à supporter (ou à acquitter) une compensation monétaire » (Bonnafous, 1994).
La dépendance à l’automobile peut être considérée comme une externalité négative extra
sectorielle au secteur automobile auquel elle reste néanmoins étroitement liée. En suivant la
logique de l’effet club (Dupuy, 1999b), bénéficiant des avantages du « système automobile »,
les automobilistes eux-mêmes ne sont pas les plus affectés de la dépendance, mais ce sont
plutôt les non-automobilistes, exclus du système, qui s’en affectent le plus (Gallez, 2018). Aux
coûts d’achat et d'exploitation des véhicules, à la charge de l’automobiliste, s’ajoutent des coûts
des externalités supportées par la collectivité. Ce sont des charges sociales et économiques
causées par le système automobile à savoir la pollution, l’insécurité routière, les embouteillages
… (Gallez, 2018). Ces effets négatifs se présentent comme un « malus » (Motte-Baumvol,
2007). Héran (2001) résume ces effets et leurs conséquences, en milieu urbain, par le graphique
présenté ci-dessous (figure 91).
264
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Figure 91: Les effets de l'automobile dans un milieu urbain (Héran, 2001)
Pour pouvoir traiter les effets générés par la voiture au Liban, ils seront divisés, dans notre
analyse, en deux parties. La première partie s’intéressera aux nuisances induites par la
dépendance automobile telles que la pollution atmosphérique, l’insécurité routière, le bruit …
Pour chacune de ces nuisances, nous estimerons les coûts associés afin de pouvoir mesurer
quels seront les avantages et les économies potentiels en cas de réduction de la dépendance
automobile.
La deuxième partie sera consacrée aux effets négatifs de la dépendance automobile sur le
fonctionnement de la ville. Elle discutera les effets de la congestion urbaine. Elle visera
également à déterminer quels sont les effets de la dépendance automobile sur les inégalités
sociales. Enfin, elle s’interrogera sur les effets de la dépendance automobile sur la forme
urbaine et l’usage de l’espace public. Nous tenterons, pour chaque effet, de mesurer les gains
potentiels en cas de modération de la dépendance automobile.
265
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
Les préoccupations concernant la durabilité du transport renvoient au fait que les activités
humaines ont des impacts environnementaux importants pouvant imposer des coûts
économiques, sociaux et écologiques (Leather, 2009). La prise en compte de la contrainte
environnementale est de plus en plus prégnante dans les politiques de transport. Cela est le cas
du Liban où, dès la fin de la guerre, l’Etat a annoncé plusieurs décrets et lois (décret no
6603/1995 ; loi 341 ; décret no 7858/2002 ; décret no 8442/2002) et a mené plusieurs études
(MoE et al., 2011, 2012, 2015; MoE & LEDO, 2001; Stephan & El Sayyed, 2015) qui portent
sur l’impact environnemental des transports. Toutefois, malgré leur multiplicité, l’efficacité de
ces décrets et études reste limitée : les recommandations proposées par les études sont rarement
mises en place et les décrets et les lois ne sont pas toujours appliquées et respectées.
La voiture est une des causes principales de la pollution atmosphérique qui provient des
émissions des Gaz Effets de Serre (GES) et d’autres émissions nocives. Elle contribue
également à la consommation massive de l’énergie, à la pollution sonore ainsi que la pollution
de l’eau et de sol.
La pollution de l’air est le type de pollution qui a été le plus traité dans la littérature. Elle
peut affecter le niveau local ou global selon la nature du polluant. Au niveau local, ce sont des
polluants primaires tels que le monoxyde de carbone CO qui provient de la combustion des
carburants et leur évaporation, le dioxyde de Soufre SO2 qui provient de la combustion de
l’énergie fossile (fuel), l’oxyde d’azote NOx qui provient de la transformation de l’énergie, les
composés organiques volatils non méthaniques COVNM qui résultent de l’évaporation des
bacs pétroliers et de la combustion incomplète des carburants … (de Palma & Zaouali, 2007).
Au niveau global, ce sont les polluants qui contribuent à des phénomènes tels que l’effet de
266
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
serre et le réchauffement climatique. L’exemple le plus connu de ces polluants est le CO2
(Rousval, 2005).
a- La contribution de l’automobile
Au sein des modes de transport, la voiture est la plus polluante à l’échelle globale, par
l’émission de CO2 qui favorise l’effet de serre et le réchauffement climatiques, ainsi qu’à
l’échelle locale, par l’émission des particules nocives (Le Néchet, 2011). Le déplacement d’une
personne émet 159 g de CO2 par km parcouru en voiture privée en moyenne contre 78 g par
bus. Un automobiliste engendre deux fois plus de CO2, 19 fois plus de COV et 28 fois plus de
CO qu’un usager de bus (Morcheoine & Orfeuil, 1998). Les voitures contribuent à elles seules
à 10% de l’émission globale du CO2 (Leather, 2009) et 40% d’émissions du transport (OMS,
2010). Une augmentation de ces chiffres est prévue entre 50% (UITP, 2014) et 57% (Leather,
2009) en 2030 et de 80% en 2050 avec l’augmentation prévue du stock mondial de véhicules
privés (UITP, 2014). Pour la consommation d’énergie, la voiture consomme 2 à 2.5 fois plus
d’énergie par personne que les transports en commun (Vrain, 2003).
267
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
al., 2018). La quasi-totalité (98%) des véhicules au Liban consomme de l’essence117 (SISSAF,
2016). L’essence au plomb est majoritaire. Il constitue 84% de la consommation à l’échelle
nationale (MoE & LEDO, 2001) et 80% à Beyrouth qui a un taux moyen de plomb de 92.47
μg/l (Sleiman, 2000) et une concentration de 14 μg dans l’air (ACS, 2006).
Catégories de voiture Emissions CO2 (g/km) Consommation carburant (L/100 km)
Petite (<1.5 L) 185 7.95
Moyenne (1.5L-2L) 200 8.48
Grande (2L-3L) 218 9.24
SUV (>3L) 228 9.66
Tableau 69: Les émissions en CO2 et la consommation en carburants moyennes par
catégorie de voitures au Liban (Stephan & El Sayyed, 2015)
Les émissions polluantes ont un impact significatif sur la qualité de l’air, la santé et le
changement climatique. Elles peuvent aussi affecter la valeur marchande de l'immobilier
(Litman & Laube, 2002). Le coût annuel de tous les aspects de la dégradation de la qualité de
l'air est substantiel et peut représenter jusqu'à 2% du PIB dans les pays développés et plus de
5% dans les pays en développement (Farid B. Chaaban, 2008). Au Liban, le coût de la pollution
atmosphérique seul est estimé à 170$ millions (MoE et al., 2011), soit 30% du coût total de la
pollution (ACS, 2006). Les coûts des émissions de CO2 sont estimés à 150$ millions par an
(Elias M. Choueiri et al., 2010b). Le coût de la pollution de l’air est estimé à 1.4% du PIB du
Liban (Chatila, 2015).
Le coût de l’utilisation de la voiture seule est estimé à 6.45 €/1000 pass.km pour la
contribution au changement climatique et 9.2 €/1000 pass.km en coût de pollution (Stephan &
El Sayyed, 2015). Ces montants sont plus élevés que ceux des pays plus développés, comme
la France, où les coûts annuels totaux des émissions directes sont de 7.5 € /1000 pass.km (2008)
(Ducos, 2014).
117
Dès 2003, la loi (341/2003) interdit la circulation des véhicules diesel de capacité inférieure à 24
passagers (MoE et al., 2012).
268
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Tableau 70: Les coûts annuels des émissions directes en France – 2008 (Ducos, 2014)
c- Les effets sur la santé
La pollution de l’air affecte directement la santé des personnes par ses effets hypoxiques,
cancérogènes, respiratoires … (MoE et al., 2011; Rousval, 2005). Elle a des effets sanitaires
directs sur la mortalité et la morbidité (Chanel et al., 2001) : les Composés Organiques
Volatiles (COV) entraînent un haut niveau de toxicité et peuvent causer le cancer, le CO se
fixe à la place de l’oxygène sur l’hémoglobine du sang. Les molécules gazeuses (SO x, NOx,
…) ont des effets sur les personnes vulnérables (enfants, séniors), les asthmatiques … les
particules fines causent l’altération des voies respiratoires et ont des effets mutagènes et
cancérogènes (Ducos, 2014; MoE et al., 2011).
269
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
Polluant
Impact sur la santé
Décès
+10 μg /m3 +0.96% des décès
Particules (PM10)
+100 μg /m3 +26% des décès
Morbidité
+12 μg /m3 +2.5% de morbidité
+1.2% de pneumonie
+10 μg /m3 +2% COPD
+3.7% de l'asthme
+100 μg /m 3
+17% de pneumonie
Morbidité
NO2
+10 à 60 μg /m3 +3.8% de l'asthme
Tableau 71: Les effets d'augmentation des polluants (F. B. Chaaban et al., 2001).
Tableau 72 : Les effets de la pollution sonore (de Palma & Zaouali, 2007)
118
Niveau entraînant une gêne grave, des troubles de l'élocution et des troubles du sommeil
270
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
L’OMS (1999) a fixé le niveau de bruit diurne à 55 dB(A) en dessous duquel les personnes
seront protégées contre une agitation modérée ou grave (OMS, 1999). A partir de 80 dB(A), le
niveau de bruit est considéré comme une nuisance sonore et il devient dangereux au-delà de 85
dBA(A).
Les données concernant la pollution sonore au Liban sont rares. Une étude faite en 1999
montre que le niveau moyen de bruit dans une rue commerçante de Zahlé est de 75.3 dB(A) et
de 74.8 dB(A) près de la route de Damas à Barr Elias (Bekaa). A GBA, les niveaux de bruit
ont varié de 65 dB(A) dans la suburbia éloignée (Chatila, 2015; MoE & LEDO, 2001) à 71.2
dB(A) à Hayek/Saloumi, 82 dB(A) à Jal El Dib et 90 dB(A) à Hamra (MoE & LEDO, 2001).
Environ 63% des habitants considèrent que le niveau élevé du bruit provient de la congestion
et 56.3% l’imputent au bruit des klaxons des voitures (Korfali & Massoud, 2003). L’OMS
recommande que le niveau de bruit produit par le trafic routier soit en dessous de 53 décibels.
Le niveau de bruit du trafic routier dépassant ce niveau est associé à des effets néfastes sur la
santé (OMS, 2018a).
Au Liban, le niveau de la pollution sonore est estimé à 0.9% du PIB (Chatila, 2015). Ce
coût est très important par rapport aux pays plus développés comme les Etats-Unis (0.25% du
PIB) ou l’Europe (0.46%) (de Palma & Zaouali, 2007) où le coût de réduction de la nuisance
de 3 dB(A) est de 18€ par an par personne exposée (Milford et al., 2012).
D’autres types de pollution peuvent être liés à l’utilisation de la voiture. Les véhicules
motorisés polluent l'eau en raison des fuites provenant des moteurs et des systèmes de freinage,
de la distribution de carburant et des déchets liquides déversés dans les eaux de mer et des
fleuves (Bonnafous, 1992). Les autres causes de pollution sont associées aux déchets des
véhicules : châssis des véhicules hors service (accidentés ou en fin de vie), pneus usagés, pièces
de change inutilisables, fluides …
Au Liban, des données datant de 1998-99 montrent que, à l’échelle nationale, près de 58%
des huiles usées sont collectées et réutilisées contre 13% rejetées dans les eaux directement
(ruisseaux, rivières) ou indirectement (égouts) (MoE & LEDO, 2001). Par ailleurs, les
véhicules au Liban génèrent 1.8 million pneus usagés par an (2005) (ACS, 2006). Il n’existe
actuellement pas au Liban d’installations spécialisées pour la récupération ou l’élimination des
pneus usés. Ceux-ci sont ainsi collectés dans le cadre du flux de déchets volumineux et stockés
dans des entrepôts. Une petite partie est ensuite revendue aux entreprises de recyclage, une
autre partie est déchiquetée et utilisée comme matériau de remplissage pour les chaussées
271
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
routières et d'autres applications. La partie restante est stockée sur de grandes surfaces, jetée
dans la nature, brûlée ou utilisée comme combustibles pour les chauffages domestiques (MoE
et al., 2011).
L’enjeu de la réduction des émissions nocives est majeur dans les terrains à hauts taux de
motorisation (Godard, 2008c) comme le Liban. Toutefois, et malgré la forte pollution
atmosphérique que cause la voiture, le Liban ne prend pas de mesures efficaces pour réduire
les effets environnementaux de l’automobile. Cela peut s’expliquer par le fait de ne pas
accorder la priorité nécessaire aux problèmes de pollution et de changement climatique dans
les politiques et les projets de transport, ce qui est le cas dans plusieurs pays en développement
(Leather, 2009).
Un système de transport donnant une place importante aux transports collectifs et aux
modes doux contribue évidemment moins aux dommages environnementaux qu’un système
automobile (Litman, 1999). Une ville (ou un pays) qui s’engage à développer un transport en
commun de qualité et à assurer les meilleures conditions pour les piétons et les cyclistes réunit
les éléments qui contribuent à ce qu’elle devienne une ville durable (Kenworthy, 2006). Cela
est le cas en Afrique du Sud, pour la ville de Tshwane par exemple, où les émissions de CO2
272
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
ont baissé de 2.8 millions tonnes à 1.3 million après la mise en place d’une politique favorisant
les transports en commun (Godard, 2008c).
A Beyrouth, il est estimé que la mise en place d’un système de bus, à haut niveau de
confort et à bas prix, contribuerait à la baisse de 32% des émissions GES provenant des voitures
seules et à économiser 24$ millions par an (Chalak et al., 2016). Cette réduction est
conditionnée par l’achat de nouveau bus et l’amélioration du niveau de service et de la
fréquence du transport en commun. Egalement, des actions complémentaires sont nécessaires
pour promouvoir la viabilité de toute solution de transport collectif : une planification urbaine
favorable, une application plus stricte des règles de circulation, limiter l’offre de stationnement
…(Chalak et al., 2016). L’objectif principal est de réduire l’utilisation de la voiture.
Les réductions de pollution sont aussi contraintes par l’implantation des technologies et
des techniques qui rendent le transport plus propre comme les voitures électriques et hybrides.
Des simulations ont révélé qu’un scénario supposant que les véhicules hybrides électriques
sont exonérés des droits de douane et d'accise 119 aboutira à une réduction de 30.5% de la
consommation de carburant et de 20.5% d'émissions de CO 2 par voiture et par an. Cela
permettra de réaliser des économies totales de carburant de 16.016$ millions et de réduire les
émissions de CO2 de 19.600 tonnes par an (Irani & Chalak, 2015). Le point faible de cette
proposition est qu’elle favorise toujours l’utilisation de la voiture et ne permet pas de sortir du
système automobile et de la dépendance automobile.
Le transport en commun tend également à produire moins de pollution de l'eau et des
déchets de véhicules à condition que ses véhicules soient bien maintenus (Bonnafous, 1992).
Au niveau de la consommation énergétique, les transports en commun et les déplacements doux
sont aussi plus efficaces que la voiture (Héran, 2002). Par exemple, un automobile consomme,
en moyenne, jusqu’à 2.3 fois plus d’énergie120 qu’un bus, 13 fois plus qu’un piéton et 35 fois
plus qu’un vélo (Banister, 2009). Il est intéressant de préciser que la réduction de l’énergie
consommée dans les transports ne dépend pas du système de transport seul, mais aussi des
119
Conformément aux modifications fiscales proposées par le ministère des Finances au Liban en 2010.
120
L’unité d’énergie utilisée est « MégaJoules/passagers.km » (Banister, 2009) .
273
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
distances de déplacements dictées par les formes urbaines (Godard, 2008c) et du niveau de
consommation des carburants dans les véhicules (Jacobson & King, 2009).
Avec l’augmentation des décès (environ 1.3 million) et des blessés (environ 50 millions)
au monde (OMS, 2018b), l’insécurité routière est l’une des cinq principales causes des décès
dans les pays à revenus moyen ou faible, dont le Liban. Dans ces pays, 80% des décès causés
par les accidents routiers ont lieu malgré le fait qu’ils ne possèdent que la moitié du nombre
des véhicules au monde (Elias M. Choueiri et al., 2010b; Grimm & Treibich, 2010; OMS,
2013). La sécurité routière dans les pays en développement est beaucoup plus faible que celle
des pays plus développés. La comparaison entre ces deux groupes de pays montre que le niveau
de sécurité routière dans 20 pays développés en 1938 est le même qu’en 1980 dans 20 pays en
développement (Bener et al., 1994; Jacobs & Cutting, 1986; Smeed, 1949).
En moyenne, 4.558 accidents routiers annuels ont été enregistrés entre 2010 et 2013
causant 523 décès et 6.400 blessées annuels en moyenne. En 2015, il y avait 4.947 accidents
avec 1.088 décès et 5.086 blessés. Les deux tiers des blessés ont des blessures secondaires,
33% des blessures majeures et 1% des blessures fatales (SISSAF, 2016). Un accident sur dix
(11%) cause au moins un décès (Stephan & El Sayyed, 2015).
Plus de la moitié des victimes des accidents sont des usagers vulnérables (deux-roues,
déplacements doux et transports collectifs) dont un tiers sont des piétons (cf. figure 92). Un
chiffre tout à fait égal à celui des pays en développement (OMS, 2013). La part élevée des
piétons au Liban s’explique par le manque d’infrastructures appropriées pour cet usage
(passages piétons, ponts, trottoirs). Ils sont ainsi obligés parfois d’utiliser les mêmes espaces
de circulation que ceux des véhicules (cf. chapitre 3, section 1.2.1.). A cela s’ajoute le peu de
274
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
considération que porte la plupart des conducteurs aux droits des piétons sur la voirie (résultat
de l’entretien D, 3 avril 2017). Bien qu'il existe peu de preuves systématiques sur la relation
entre la classe sociale et les décès de voiture, les pauvres sont particulièrement susceptibles
d'être parmi les piétons tués et blessés par des voitures (Wickham & Lohan, 1999).
1% 2%
26% 33%
19%
19%
<1%
Les accidents par véhicules privés sont répartis entre 9% des camions, 7% des deux-roues
et 84% par voiture privée (Elias M. Choueiri et al., 2010b). Pour les accidents de voitures
seules, 25% des victimes sont des piétons, 48% sont des chauffeurs et 27% sont des passagers
(Elias M. Choueiri et al., 2010b).
L’âge moyen des victimes est de 37 ans, 20% sont des enfants dont 28% ont moins de 6
ans (Elias M. Choueiri et al., 2010b; SISSAF, 2016). Au niveau géographique, le Mont-Liban
a la plus grande part des accidents routiers au Liban.
Accident Morts Blessés
Mont-Liban 1.791 151 1.731
Bekaa 698 98 750
Sud 543 42 655
Nord 412 39 498
Beyrouth 553 19 520
Total 3.997 349 4.154
Tableau 73: La répartition des accidents routiers et des victimes sur les régions
libanaises en 2010 (ACS, 2011)
275
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
20% des conducteurs ne mettent jamais la ceinture et 45% des motards ne mettent pas le casque
(Elias M. Choueiri et al., 2010a). En outre, les limitations de vitesse ne sont pas respectées au
Liban. Environ un million de contraventions pour excès de vitesse ont été enregistrées entre
avril 2015 et juillet 2016.
Quant aux équipements installés sur les routes, on ne compte que 60 radars de contrôle de
vitesse, dont 6 à Beyrouth, et 65 caméras de contrôle du trafic dont une partie hors service. De
plus, aucune étude n'a encore été réalisée au Liban pour identifier les points noirs des accidents
sur les routes interurbaines (SISSAF, 2016).
Les pertes reliées aux accidents routiers sont estimées globalement à un niveau de 518$
milliards (Ansari et al., 2000) et représentent 2% à 3% du PIB des pays à revenus faibles et
moyens (Fumagalli et al., 2017). Au Liban, les accidents routiers ont coûté environ 0.9% du
PIB en 1995 (Perry, 2000) et s’élèvent à 1.5% actuellement (Elias M. Choueiri et al., 2010b;
SISSAF, 2016). Un coût qui est plutôt comparable à celui de l’Europe (0.5% à 2.7%) (de Palma
& Zaouali, 2007). Les accidents routiers qui proviennent de l’utilisation de la voiture coûtent
4.4 US¢/pass.km comme coût des accidents (Stephan & El Sayyed, 2015).
Les coûts des accidents routiers peuvent se diviser en coûts marchands, directs et indirects,
et en coûts non marchands. Les coûts marchands directs sont associés aux coûts de santé
(médicaux, secours, aide à domicile), de matériels (véhicules, biens publics) et aux frais
généraux (police, justice). Les coûts indirects sont ceux liés à la perte de production des
personnes décédées, blessées ou emprisonnées. Les coûts non marchands concernent les coûts
liés aux préjudices moraux, esthétiques … (de Palma & Zaouali, 2007).
276
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Les coûts marchands directs sont pris en charge par les assurances ou les systèmes de
couverture médicale appliqués. Si la personne accidentée n’a pas de couverture médicale, ce
qui est le cas de 53% des résidents au Liban (ACS, 2007), elle prend à sa charge ces coûts. Au
cours de cette recherche, nous n’avons pas pu trouver les valeurs exactes de ces coûts. En
moyenne, un jour d’hospitalisation coûte 600$ après un accident routier au Liban avec 83%
des victimes qui ont besoin de rester au moins un jour à l’hôpital (28% pour 1 jour, 37% entre
2 et 5 jours, 9% entre 6 et 10 jours et 9% plus que dix jours) (Elias M. Choueiri et al., 2010a).
Avec un âge moyen des victimes de 37 ans et un âge de retraite de 64 ans appliqué au Liban,
le coût moyen de vie est de 127.710$ par mort et de 2.800$ par blessé (SISSAF, 2016). En
2010, les coûts totaux des accidents étaient de 197.8$ millions comme coût de décès, 324.5$
millions comme coût de blessés et 126.3$ millions comme dommages des propriétés (Omran
et al., 2015).
Pour les coûts marchands indirects, les accidents routiers touchent principalement les
hommes et surtout ceux de la fourchette d’âge 15- 44 ans (environ 45%), dont une grande partie
des chefs de famille. Cela signifie que le décès ou la blessure de la victime provoquera la perte
du soutien principal et aboutira à des difficultés économiques importantes pour les ménages.
Trois quarts des ménages qui ont perdu un membre dans un accident routier connaissent une
baisse dans leur niveau de vie et 61% se sont endettés pour pouvoir couvrir les dépenses liées
à cette perte (Elias M. Choueiri et al., 2010b). De plus, les blessés eux-mêmes sont obligés de
s’absenter de leurs travails pour être hospitalisés. En moyenne, c’est 1.76 jour de travail perdu
par accident (Elias M. Choueiri et al., 2010a). La valeur de la vie statistique (VVS) et la valeur
de l’année de vie (VAV) ne sont pas calculées pour le Liban.
Le renfort de la sécurité routière dans un pays doit s’illustrer dans une politique qui vise à
réduire le taux des accidents et leurs conséquences relatives (Carnis, 2014). Cette politique doit
concerner un transport modernisé et durable susceptible de maximiser la sécurité en réduisant
les accidents routiers et en s’assurant que les besoins de mobilité soient satisfaits en toute
sécurité (Gilbert & Tanguay, 2000). D’abord, il faut éviter les hauts niveaux de trafic et la forte
utilisation de l’automobile. La réduction de l’insécurité routière passe également par une
politique de report vers des modes plus sûrs tels que les transports collectifs et les modes doux.
Les pays, les villes et les régions dont les parts de marché des transports en commun et de
modes doux sont plus élevées, ont des taux d’accidents et de décès plus faibles (Bhalla et al.,
2007; Litman, 1999).
277
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
Enfin, les politiques de sécurité doivent avoir l’objectif de réduire les risques d’accident
en améliorant les infrastructures routières, dans un premier temps. Ensuite, en éduquant les
usagers de la route, surtout les automobilistes, qui doivent mieux respecter le Code de la route
mais aussi accepter de partage l’espace viaire avec les autres usagers (Héran, 2002).
278
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
La congestion est la gêne créée par les utilisateurs de transport lorsque la capacité du
service offert par une infrastructure est presque saturée. Elle se produit lorsque la vitesse de
circulation se réduit par rapport aux conditions de circulation prévues initialement. Ceci
s’effectue en passant de la phase de la fluidité dans laquelle la capacité de l’infrastructure est
loin d’être atteinte vers la congestion (Appert, 2005). On y distingue deux types de congestion :
(i) la congestion récurrente dans laquelle la demande, volume de circulation, dépasse l’offre du
réseau routier. Elle se produit surtout durant les heures de pointe. (ii) La congestion incidente
peut se produire à toute heure et peut être causée par un accident, une panne … (Gilles et al.,
2009).
Les embouteillages affectent la vie quotidienne des citadins et induisent des inconvénients
et des coûts. Les coûts de la congestion au Liban sont estimés à 3.1 US¢/pass.km (Stephan &
El Sayyed, 2015). Il n’existe pas de données exactes relatives à l’estimation de la perte
économique directe induite par la congestion. Elle est estimée à 2$ milliards par an (Blom
Invest, 2017; Perry, 2000) soit 3.7% du PIB du Liban. Un coût supérieur à celui connu en
Europe (3%), mais proche de la moyenne des pays asiatiques (2% à 5%) (Cervero, 2013)
Lieu de circulation Coût (¢ /pass.km)
Heure de pointe 6.73
Urbain
Hors heure de pointe 1.04
Rural 0
Tableau 74: Les coûts des embouteillages à GBA en 2007 (MoE et al., 2012)
279
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
2.1.1. L’incapacité des autoroutes principales à supporter l’augmentation forte des flux
L’Autoroute du Nord (cf. figures 93 et 94) a toujours été une artère importante pour la
circulation des flux de véhicules. En 1994, 160.000 voitures entraient à Beyrouth via cette
autoroute (F. B. Chaaban et al., 2000). En 2000, le volume de trafic moyen était de 221.409
véhicules au point de Dbayeh et 120.731 à Nahr Beirut (MoE & LEDO, 2001). En 2005, ce
tronçon assurait le passage de 80.000 véhicules par jour et par sens avec 6.000 véhicules par
sens en heures de pointe (MoE, 2005). En 2011, 280.000 véhicules circulaient dans chaque
sens de cette autoroute (CDR, 2013b) avec 3.200 à 5.000 véhicules en moyenne par heure et
7.000 véhicules en heures de pointe (Diab & Obeid, 2012). En 2015, un quart des voitures au
Liban circulent sur cette autoroute avec 12.500 voitures/heure (SISSAF, 2016) avec des flux
importants sur les différents tronçons de l’autoroute.
280
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Les prévisions disent que cette autoroute aura besoin de 5 lignes de circulation, dans
chaque sens, sur le tronçon Beyrouth-Dbayeh et de 3 à 4 lignes pour le tronçon Zouk-Jounieh
pour qu’elle puisse répondre aux besoins de circulation en 2030 (SDATL, 2005). Toutefois,
l’élargissement de toute l’autoroute étant quasi impossible, le gouvernement a décidé, en 2018,
d’élargir quelques tronçons pour essayer de réduire un tiers des embouteillages. C’est une
solution proposée en attendant la construction d’une nouvelle autoroute qui relie Dbayeh à
Okaibeh et remplace cette autoroute (cf. chapitre 3 section 1.1.1.).
281
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
Figure 94: Les embouteillages à la sortie de Beyrouth à Karantina -18 juillet 2018
(photos personnelles)
121
https://www.theguardian.com/cities/gallery/2017/jun/15/beirut-bike-street-art-chain-effect-in-pictures
282
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Pour l’autoroute Beyrouth-Damas, la situation n’est pas meilleure. Plusieurs tronçons sont
déjà saturés depuis 2005 et il est prévu d’accroitre de quatre la capacité de cette autoroute afin
qu’elle puisse contenir la circulation attendue en 2030 (SDATL, 2005). Celui-ci consiste en la
poursuite des travaux de l’Autoroute Arabe (cf. chapitre 3, section 1.1.2.).
Pour la 3ème autoroute, celle du Sud, la situation est légèrement meilleure. En 1994, un
flux de 65.000 voitures entrait dans la capitale par cette autoroute (F. B. Chaaban et al., 2000).
En 2000, ce nombre augmente à 86.222 véhicules (MoE & LEDO, 2001). En 2005, seulement
40% de sa capacité était utilisée avec 25.000 à 30.000 véhicules par jour et par sens et 2.500
véhicules par sens aux heures de pointe (MoE, 2005).
Ces trois autoroutes font face à un même défi qui limite leur capacité. Ce sont les
constructions et les bâtiments implantés sur des tronçons importants de ces autoroutes. Des
magasins, des centres commerciaux ainsi que des habitats sont construits à l’aplomb des
autoroutes avec un accès direct à la voirie bien que la loi interdit la construction aux bords des
routes internationales. Ces constructions se situent surtout sur le tronçon Beyrouth-Jbeil
(autoroute du Nord), à Khaldeh (autoroute du Sud) et sur une grande partie de l’autoroute
Beyrouth-Damas (R. Choueiri, 2008) (cf. figure 95). Selon une enquête réalisée en 1999 par le
MTPT, 42% des terres adjacentes aux routes internationales ont été déjà aménagées (MoE &
LEDO, 2001).
Figure 95: L’abondance des commerces et des stations-service sur l’autoroute Beyrouth-
Damas sur le tronçon entre Jamhour et Baalchmay (Abi Khalil & Chbat, 2018)
283
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
La GBA est réputée pour ses hauts niveaux d’embouteillages qui constituent un des
problèmes urbains les plus importants de la ville (Haddad et al., 2015; Saroufim & Otayek,
2019). Comme aire urbaine centrale, la GBA génère des flux importants dans la ville, autour
d’elle et même dans le reste du territoire. Aujourd’hui, presque la moitié des déplacements au
Liban se font dans la région GBA (Nahas, 2009) dont 87% sont des déplacements assurés par
la voiture privée (Anas et al., 2017).
Pour les déplacements urbains, il entre chaque jour au centre-ville environ 14.304
véhicules durant les heures de pointe matinales. Parmi ceux-ci, 40% ont le centre comme
destination contre 60% qui le traversent vers d’autres régions (Omran et al., 2015). De plus,
50.000 déplacements quotidiens ont lieu dans l’aire urbaine centrale, 0.6 million dans la
deuxième couronne, et 0.5 million déplacements entre ces deux zones. Le taux de circulation
varie de 1.000 à 4.500 véhicules/heure sur les différents axes de la ville (Chelala et al., 2006).
En moyenne, 204.135 voitures tombent dans les embouteillages de la GBA par jour (Saroufim
& Otayek, 2019).
Les embouteillages ne sont pas seulement générés par des déplacements internes, mais
aussi par des déplacements en provenance des régions (Verdeil, 2018). La majorité de ces
déplacements proviennent zones périphériques de l’agglomération. D’après les matrices
origine-destination effectuées par Nahas et al en 2016, la partie principale des flux de voitures
en destination de Beyrouth et ses banlieues proches sont originaires des banlieues de la capitale
et des zones périurbaines (Nahas et al., 2016). Certaines régions beyrouthines telles que
Mazraa, Hamra, Verdun, Ashrafieh … sont vues comme des points de blocage (Bernier, 2010).
Les déplacements dans les routes de la GBA se caractérisent par les courtes distances et
les vitesses lentes. La moitié des déplacements ont une distance inférieure à 5 km, 35%
inférieure à 4 km et 11% inférieure à 2 km. En 1999, sur 27 corridors de la GBA, les voitures
roulaient à moins de 20 km/h sur près de 75% des routes étudiées. Les retards représentaient
50% du temps de trajet total entre deux points aléatoires de la GBA (MoE & LEDO, 2001).
284
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
En 2011, environ 80% des voitures qui roulaient à Beyrouth avaient une vitesse inférieure
à 30 km/h et 27% une vitesse inférieure à 5 km/h (Mansour et al., 2011). La vitesse moyenne
est de 17.6 km/h durant les heures de pointe et de 39 km/h en heures creuses (MoE et al., 2012).
Elle est de 10 km/h sur les routes secondaires et varie entre 15 et 30 km/h sur les routes
principales (Diab & Obeid, 2012; Omran et al., 2015; Osman, 2015). Quant aux modes de
transport, la vitesse moyenne est de 9.4 à 13.5 km/h pour les voitures, de 8.6 à 12.3 km/h pour
les taxis-service, de 6.5 à 9.3 km/h pour les bus et de 7.5 à 10.8 km/h pour les minibus et (Anas
et al., 2017).
En moyenne, 50% à 70% du temps de déplacement à Beyrouth sont perdus dans les
embouteillages (Anas et al., 2017; Aoun, 2011). Cela représente environ 40 minutes de retard
en moyenne. D’après une estimation faite par Saroufim et Otayek (2019), ces embouteillages
génèrent pour les automobilistes un coût supplémentaire total de carburants de 54.7$ millions
par an (150.091$ par jour) et de 5.6$ millions comme coût des émissions de CO2 (Saroufim &
Otayek, 2019). A l’échelle nationale, notre enquête a montré que presque la moitié du temps
des déplacements est perdue dans les embouteillages, ce qui présente 20 minutes en moyenne
par déplacement (aller simple).
Contraints Non contraints
Aller Retour
N=413 n % n % N=470 n %
<15 min 218 52.78% 199 48.18% <15 min 108 22.98%
15-30 min 133 32.20% 137 33.17% 15-30 min 177 37.66%
30-45 min 34 8.23% 41 9.93% 30-60 min 119 25.32%
45-60 min 16 3.87% 21 5.08% >60 min 42 8.94%
>60 min 12 2.91% 15 3.63% Je ne sais pas 23 5.10%
Tableau 78: Le temps perdu dans les embouteillages dans les déplacements au Liban
(enquête de mobilité, 2018)
Le salaire moyen horaire étant estimé à 3.03$/heure (4.567 L.L.), le coût horaire du temps
perdu dans les embouteillages est d’environ 181.700$/heure (Saroufim & Otayek, 2019).
285
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
La réduction des embouteillages doit passer surtout par une modération de la dépendance
envers l’automobile et mettre en service un système de transport multimodal qui favorise les
alternatives de la voiture, notamment les transports collectifs, et arrêter l’augmentation des
infrastructures routières (Litman & Laube, 2002). Les résultats de l’enquête de mobilité
montrent que 97% des personnes trouvent que la résolution du problème des embouteillages
doit être prioritaire et les trois quarts (77%) pensent que la mise en place de meilleurs moyens
de transport collectif est la solution la plus fiable pour atténuer la congestion. Pour Beyrouth,
d’après une étude faite la Banque Mondiale (2017), l'introduction d’un système de transport en
commun (le BRT122), avec l'extension du réseau routier pour alimenter ce système, pourrait
permettre la réduction de la congestion de 16% et ses coûts de plus de 50%. Cette réduction se
traduirait par une augmentation de 1.8% du PIB de la ville (Anas et al., 2017). Suite aux
122
Un projet proposé pour GBA et le tronçon Beyrouth-Tabarja (Cf. chapitre 6, section 1.2.)
286
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
observations des flux de circulation dans leur zone d’étude, le centre de Beyrouth, Omran et
al. (2015) montrent que l’introduction d’un système de transport collectif permettrait de réduire
le flux de circulation, augmenterait la vitesse moyenne et diminuerait les distances parcourues
et les temps de déplacements provoquant une réduction de la consommation de carburant, et
donc des réductions des coûts d’exploitation des voitures et des émissions nocives. Par ailleurs,
une diminution du nombre de véhicules-km réduit le nombre d'accidents (Omran et al., 2015).
Avant
Après la mise en place d’un système de transport en commun, les Libanais pensent que
résoudre le problème des embouteillages doit passer par l’entretien des infrastructures (57.7%),
la réduction de la corruption et du gaspillage (56.6%), l’adoption de nouvelles lois et politiques
(40.2%) et la mise en place de restrictions sur l’utilisation de la voiture, telle que
l’augmentation des frais d’utilisation (péages, douanes, impôts) (15.3%).
287
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
L’accès à la voiture est une condition essentielle pour l’inclusion sociale (Cervero, 2002;
Knowles, 2006; Lucas, 2010; Orfeuil, 2004). La dépendance automobile est « génératrice
d’inégalités sociales » (Motte-Baumvol, 2007). Ces inégalités portent sur l’écart
d’accessibilité, entre les automobilistes et les non-automobilistes (Dupuy, 1999b, 2011), et
d’allocations budgétaires consacrées par les ménages pour leur mobilité (Nicolas et al., 2012).
Le lien clé entre la dépendance à la voiture et l'inclusion sociale passe par l'accessibilité
(Wickham & Lohan, 1999). Selon Dupuy, le système automobile offre un bonus aux
automobilistes, adhérents de son club. Ainsi, les non-automobilistes, exclus de ce club, auront
moins d’avantages. Dupuy mesure ce bonus par le niveau d’accessibilité qu’assure la voiture
par rapport aux autres moyens (Dupuy, 1999b, 2011). Il considère que la dépendance est le
résultat de cet écart d’accessibilité entre automobilistes et non-automobilistes (Dupuy, 1999b,
2011). Il cite Sachs (1992) du livre For the Love of Automobile : « La motorisation de la
société, le projet d’une meilleure accessibilité pour chacun et pour tous ont mis à l’écart une
part importante de l’espace en le rendant moins accessible qu’avant pour les non-
automobilistes. Au fur et à mesure qu’augmente la mobilité des motorisés s’accroit
l’immobilité des non motorisés. Les individus sans voiture sont en mauvaise posture : ils ont le
choix entre perdre leur temps d’utiliser le transport en commun ou ne plus aller nulle part …
Les non-automobilistes sont confinés dans un territoire étroitement limité, celui qui leur est
encore accessible sans voiture. La motorisation a créé une nouvelle forme d’inégalité » (Sachs,
1992)123.
Plusieurs facteurs se combinent pour limiter l’accessibilité, surtout pour les ménages à
faibles revenus (L. B. Chevallier et al., 2018; Mattioli, 2014; Mattioli & Colleoni, 2016).
(i) Les personnes elles-mêmes où certaines catégories sont exclues socialement en raison
de la non-possession de voiture : les ménages et les individus à faibles revenus, les personnes
âgées, à mobilité réduite, sans permis … (Mattioli, 2014; Mattioli & Colleoni, 2016). Au Liban,
un tiers des ménages sont pauvres (Laithy et al., 2008) dont 71% qui n’ont pas de voitures
privées (Ministère des affaires sociales & UNDP, 1998). D’après notre enquête de mobilité,
11% des ménages n’ont pas de voitures privées et ceux-ci sont en majorité des ménages à
123
Cité et traduit dans Dupuy, 2011.
288
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
faibles revenus. Pour les personnes à mobilité réduite, nous n’avons pas pu trouver des données
recensant leur nombre exact, sachant que les chiffres du Ministères des Affaires Sociales
montrent qu’il y a 98.000 personnes au Liban enregistrées comme « handicapées » dont 55%
avec des handicaps physiques (avril 2020).
(ii) Les réseaux de transport en commun non fiables, inefficaces et à coût élevé (Mattioli,
2014; Mattioli & Colleoni, 2016). Cela est le cas du système de transport collectif libanais
favorisant la dépendance automobile (cf. chapitre 3). L’absence, ou la faiblesse, du service de
transport en commun pousse les résidents à être équipés d’une voiture. Celle-ci assure une
vitesse et un taux d’accessibilité, aux activités et services, plus élevé que les taux assurés par
d’autres moyens. Au Liban, la voiture est le moyen de transport le plus rapide (Anas et al.,
2017) : se déplacer par voiture est deux fois plus rapide qu’un bus (ou minibus) dans les
déplacements urbains (à Beyrouth) (Aoun, 2011) et 1.3 fois plus rapide dans les déplacements
interurbains (Beyrouth-Akkar par exemple) (Nahas et al., 2016). Cet écart en termes de vitesse
et d’accessibilité favorise les inégalités (Dupuy, 1999b; Motte-Baumvol, 2007) entre les
automobilistes et les usagers des transports collectifs qui assurent 40% des déplacements
contraints et 25% des déplacements non contraints au Liban. Cependant, même si les transports
en commun sont fiables, l’accès qu’ils assurent à leurs usagers sera toujours plus limité que
celui assuré par la voiture aux automobilistes (Joly, 2006; Wickham & Lohan, 1999).
(iii) Les facteurs liés aux caractéristiques territoriales : la répartition du poids économique
et démographique sur le territoire, la densité, le manque des services … (Mattioli, 2014;
Mattioli & Colleoni, 2016). L’organisation du territoire et la localisation des domiciles et des
activités favorisent le recours à l’automobile (Orfeuil, 2003). Cela est également le cas du
Liban où l’organisation territoriale, caractérisée par la forte concentration sur Beyrouth et
l’étalement urbain, est un autre facteur favorisant la dépendance automobile (cf. chapitre 1).
Ainsi, les automobilistes sont plutôt privilégiés par la voiture qui leur assure une grande marge
de liberté dans leurs déplacements en matière d’espace et de temps. Ils ont plus d’accès aux
services (Motte-Baumvol, 2007) et aux emplois. Ce privilège croît avec l’augmentation du taux
d’automobilisation. Plus il y a d’automobilistes, plus les services et les offres relatifs vont être
importants. Ce sont les offres directes à l’utilisation de la voiture (routes, centres techniques
…) et indirectes à cette utilisation (grandes surfaces, loisirs …) (Dupuy, 1999b, 2011).
289
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
véhicules privés. Les automobilistes organisent leur style de vie et gèrent la localisation de leur
logement, de leur travail et de leurs achats en fonction de leur niveau d’accessibilité permise
par la possession d’un véhicule privé. C’est l’effet de « l’automobilité » (Kaufmann & Guidez,
1998).
2.2.2. Les inégalités des allocations budgétaires des ménages consacrés au transport
Dans les pays où la dépendance automobile est forte, les coûts de l'automobile peuvent
être élevés (Mattioli et al., 2018), comme au Liban (cf. chapitre 2, section 2). Cela soulève des
questions d'accessibilité pour les ménages disposant de ressources économiques limitées
(Mattioli et al., 2018) et augmente le risque d’exclusion sociale de ces ménages (Mattioli &
Colleoni, 2016). En plus de l’inégalité d’accessibilité, l’allocation budgétaire consacrée par les
ménages pour posséder et utiliser une voiture est une autre forme d’inégalité imposée (Nicolas
et al., 2012) par la dépendance automobile au Liban.
La dépendance automobile augmente les dépenses des ménages et favorise les disparités
entre eux puisqu’elle rend la mobilité dépendante du revenu, élan principal de la possession de
la voiture (Froud et al., 2002). Les ménages n’ont pas tous le même revenu qui leur permette
de faire face aux coûts relatives à la voiture (Nicolas et al., 2002; Orfeuil, 2006; Pochet &
Nicolas, 2007). L'augmentation des coûts de possession et d’exploitation de la voiture peut
entraîner une réduction potentiellement problématique de la mobilité pour les ménages à faibles
revenus qui ont déjà des difficultés à supporter ces coûts (Coutard et al., 2004; Delbosc &
Currie, 2011; Lowe & Mosby, 2016).
Les ménages les plus pauvres sont ceux qui ont le moins d’accès à la voiture et ils ont ainsi
moins d’accès aux services et aux emplois surtout s’ils habitent dans des régions éloignées des
centres en raison des coûts de vie élevés (Orfeuil, 2008). C’est notamment le cas des pays en
développement (Cervero, 2013), dont le Liban où, depuis la fin de la guerre, avec
l’augmentation des coûts de vie et des prix des immobiliers dans les villes, une partie de
citadins ont quitté les villes et se sont dirigés vers les banlieues et les zones plus lointains moins
chers. Pour ceux-ci, la distance nécessaire pour arriver au centre (services, emplois, activités)
nécessite le déplacement en voiture, surtout avec l’absence des alternatives fiables (Delbosc &
Currie, 2011) (cf. chapitre 1).
Pour faire face aux problèmes de coûts élevés de la mobilité par voiture, les ménages
pauvres commandent un ensemble de pratiques : ils réduisent le nombre et la distance des
déplacements, évitent la multi-motorisation et l’autosolisme (Berri, 2007; Blumenberg &
290
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Agrawal, 2014), ils achètent des voitures d’occasion et modifient le choix de type d’assurance
et du niveau de maintenance … et peuvent abandonner leurs voitures s’ils n’arrivent plus à
supporter ses coûts. Les résultats de l’enquête valident cela au Liban : parmi les automobilistes
ayant un salaire inférieur ou égal au salaire moyen au Liban (1.450.000 L.L.), 65.2% n’ont pas
d’assurances automobile (hors assurance obligatoire) ou bien ils ont choisi le type d’assurance
le moins cher, 53% appartiennent à des ménages qui ont au maximum une voiture et 66% parmi
eux ont choisi d’acheter une voiture d’occasion. La réduction de la dépendance automobile au
Liban donne lieu à des économies dans les coûts de réparation et d’entretien des véhicules
estimées de 20% à 40% (SISSAF, 2016).
291
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
de ressources urbaines et rurales limitées, est sacrifié pour alimenter la culture de la voiture au
Liban (Perry, 2000).
Pour Henri Lefebvre, « la circulation entre parmi les fonctions sociales et se classe au
premier rang. Ce qui entraîne la priorité des parkings, des accès, de la voirie adéquate. Devant
ce système, la ville se défend mal » (Lefebvre, 1968).
Les flux des déplacements des personnes varient selon leurs localisations dans l’espace
urbain que ce soit dans les centres, les périphéries proches ou celles plus éloignées (Gallez &
Orfeuil, 1998). La relation entre mobilité et densité urbaine est traitée selon le nombre de
déplacements, leurs distances, le mode adopté (motorisé ou non, privé ou collectif) … (Appert,
2005; Newman & Kenworthy, 1989c). La question la plus simple ici est la mesure dans laquelle
le logement, l'emploi et les services vitaux sont situés les uns par rapport aux autres. Il existe
deux types de territoires : les territoires centraux facilement accessibles à pied ou par transport
en commun et qui se caractérisent par une haute densité et une forte concentration de l’activité
économique. Les autres sont les périphéries où l’utilisation de la voiture est indispensable
(Orfeuil, 2008) grâce à son unicité dans la façon dont elle peut rapprocher, en espace et temps,
les lieux : habitat, travail (ou études), loisirs (Orfeuil, 1994, p. 45) et services (Motte-Baumvol,
2007). Elle permet de couvrir rapidement et facilement des distances importantes et rend
l’urbanisation des terrains périphériques, peu coûteux, plus avantageuse.
La forte possession et utilisation de la voiture (cf. chapitre introductif, section 2.2. &
chapitre 2, section 1.2.) et l’offre généreuse en infrastructures routières au Liban (cf. chapitre
3, section 1) améliorent la vitesse des déplacements qui accroit, à son tour, le besoin d’espace
et contribuent à l’étalement urbain (Allaire, 2004; Genre-Grandpierre, 2007c; Wiel, 2002),
surtout à Beyrouth (cf. chapitre 3). Ainsi, la dépendance automobile semble être vue un facteur
favorable pour l’étalement urbain au Liban. Or, cet étalement urbain est un facteur favorisant
la dépendance automobile (cf. chapitre 1), la relation entre étalement urbain et dépendance
automobile au Liban semble exister dans les deux sens. L’existence de l’une provoque l’autre
et vice versa. Nous pourrions ainsi parler d’un cercle vicieux de la dépendance automobile au
Liban. En s’inspirant du rapport établi par Bennicelli et al. (2012) (Bennicelli et al., 2012, p.
25), ce cercle vicieux de la dépendance automobile au Liban peut se présenter par le graphe ci-
dessous (cf. figure 96).
292
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Les autres effets sur l’aménagement du territoire s’illustrent par la perte d’attractivité, la
consommation d’espace, les effets de coupure en milieu urbain … (Héran, 2001). En plus de
l’étalement urbain, la voiture a besoin des routes et de l’espace pour se garer et circuler et plus
124
Des lois qui ont eu lieu dans les années 1950-1960 concernant le découpage du territoire en des zones et
consistant la préservation des espaces verts dans chaque zone.
293
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
Les constructions aléatoires de routes et d’autoroutes ont fortement menacé les espaces
verts au Liban (ACS, 2006) et ont causé des dommages irréversibles aux paysages. Les
mauvaises pratiques de construction de routes ont abimé l'intégrité du paysage (Abi Khalil &
Chbat, 2018) et ont affecté les formes de relief, le couvert végétal, les écosystèmes et les
habitats (MoE et al., 2011). Entre 1980 et 1999, le Liban a perdu 7% de ses terres cultivées et
15% de ses terres irriguées (Masri, 1999). L’espace étant limité, la construction de nouvelles
autoroutes dans le futur se ferait certainement au détriment des zones agricoles et naturelles
restantes, ce qui est susceptible d’abimer les paysages naturels.
La voiture est une figure de la destruction des espaces (Orfeuil, 1994, p. 6). Une autre
conséquence du fort taux de motorisation au Liban est la transformation des espaces urbains
en des parkings (Perry, 2000). La voiture en sa qualité de moyen qui nécessite le plus d’espace :
un piéton (ou usager de transport collectif) n’a quasiment pas besoin d’espace pour se tenir
debout (Héran, 2002) et de 2.2 m2 (Héran, 2005) à 3 m2 (Kay, 1998) pour marcher ; un cycliste
en a besoin de 1.2 m2 (Héran, 2005). En voiture, l’espace nécessaire est de 22 m2 par personne
pour se garer, soit 15 fois plus que le vélo (Héran, 2002). Pour la consommation d’espace en
circulant, celui-ci est de 1 pour un bus (2 pour bus en voie dédiée), de 2 pour le vélo et de 6
pour la voiture (Héran, 2002). En additionnant la consommation d’espace pour stationnement
à celle de circulation, on aura la somme de 12 m2/heure en vélo ou par bus (en voie dédiée) qui
transporte en moyenne 24 personnes et remplace 18 voitures contre 90 m2/heure en voiture
(Héran, 2002; Kay, 1998; Litman, 2017). Pour le partage de la voirie, 90% de la voirie dans les
grandes villes sont occupés par la voiture (Vrain, 2003).
294
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
en km2/h
Modes %
Stationnement Circulation Total
Piétons - 2.2 2.2 1.60%
Deux-roues 0.4 0.8 1.2 0.90%
Voiture privée 81.6 51.6 133.2 94.60%
Taxis - 1.3 1.3 0.90%
Bus 0.3 2.6 2.9 2%
Total 82.3 58.5 140.8
% 58% 42%
Tableau 82 : La consommation d’espace des différents modes à Paris (Héran, 2005)
295
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
L’effet qu’a le partage de la voirie sur la mobilité des personnes est optimal dans le cas où
la voirie est exclusive à la voiture (Cervero et al., 2009), comme au Liban (cf. chapitre 3, section
1.2.). Le partage de l’espace viaire avec piétons et les cyclistes (aménagement des trottoirs, des
pistes cyclables, éclairage urbain, multiplication des passages piétons …) permet de rendre plus
confortable et plus fiable l’utilisation de la route, notamment pour les personnes qui rencontrent
des difficultés de déplacement. Ce sont notamment les personnes âgées, les personnes à
mobilité réduite, les enfants, les cyclistes et les non-automobilistes qui en profiteront le plus.
La dépendance automobile dans les zones urbaines doit diminuer. La ville doit s’adapter
à la vie des personnes plutôt qu’à celle des voitures (Godard, 2005b). Egalement, il doit y avoir
un meilleur système de déplacements qui favorise la prospérité et la croissance culturelle. La
terre ne doit plus être gaspillée pour construire des routes ou des parkings et il doit y avoir plus
d’espaces libres. Ceux-ci seront utilisés pour installer des espaces verts et publics exprimant la
culture urbaine : cafés-terrasses, marchés en plein air, jardins, promenades, amphithéâtres,
musées … Les citoyens commencent à retenir l'attention des concepteurs et des architectes
urbains. Cela aide les villes à retrouver de nouveau un sens de beauté architecturale et d’élargir
les espaces publics qui encouragent les interactions sociales et créent un esprit d'unité (Perry,
2000).
296
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Le déplacement des personnes devient, au Liban, une source d’effets négatifs qui affectent
les différentes parties du pays. La dépendance automobile élevée a des effets négatifs
considérables. Dans notre analyse, ces effets ont été divisés en deux catégories. La première ce
sont les externalités négatives sous la forme de pollution atmosphérique, sonore et les autres
types de pollution ainsi que la dégradation du niveau de sécurité routière. La dépendance
automobile a également des effets en termes de fonctionnement urbain, de recompositions des
espaces et de partage de l’espace public. Elle engendre des embouteillages, favorise les
inégalités sociales et spatiales et la dégradation de l’espace public.
Quant à la sécurité routière, la voiture est la cause principale des accidents au Liban. Ce
sont les piétons accidentés par des voitures ou des passagers des voitures qui forment la majeure
partie des victimes des accidents routiers au Liban. Les accidents génèrent des coûts marchands
directs (santé, matériels, frais généraux,), non directs (pertes de production des victimes) et des
coûts non marchands (préjudices moraux, esthétiques …).
297
Chapitre 5. La dépendance automobile au Liban : coûts actuels et enjeux de réduction
En la comparant à d’autres moyens motorisés, la voiture est le moyen qui coûte le plus
cher en termes d’externalités. Elle a un coût complet 2 fois plus élevé qu’un bus et 3 fois plus
élevé qu’un train au Liban (EGIS & GICOME Consortium Team of Experts, 2016). Ses
298
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
alternatives sont, du point de vue de vue des impacts directs, des modes plus écologiques, plus
sûrs, plus calmes, consomment moins d’énergie et d’espace.
Routier Ferroviaire
$ par 1.000 passager- km
Voiture Bus Diesel Electrique
Accidents 41.2 3.2 1.1 1.1
Pollution sonore 6.9 1.7 5.2 2.9
Pollution de l'air 16.9 27.6 9.2 5.1
Changement climatique 23.5 11.1 8.3 -
Nature et paysage 3.9 0.9 0.8 0.8
En amont/en aval 6.9 5.2 4.5 4.5
Effets urbains 2.1 0.5 1.7 1.7
Total 101.5 50.3 30.8 16.1
Tableau 84: Les coûts externes du transport des passagers (EGIS & GICOME
Consortium Team of Experts, 2016)
Ainsi, si on considère l’ensemble des coûts, une politique visant la réduction de la
dépendance automobile et un investissement dans un système de mobilité multimodal, qui
privilégie les alternatives de la voiture, ne peut qu’être rentable socialement parlant au Liban.
L’usage de la voiture n’est pas condamnable en tant que tel, mais c’est davantage les effets
provoqués par le système automobile, surtout dans les villes, qui rendent la sortie de la
dépendance automobile inévitable. Pour le faire, il faut traiter la source (Héran, 2001).
299
300
CHAPITRE 6 : LA MODERATION DE LA DEPENDANCE
AUTOMOBILE AU LIBAN
301
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
Face aux coûts sociaux extrêmement élevés d'une mobilité dépendante de l'automobile, un
changement de paradigme de la politique des transports devient une nécessité au Liban afin de
convertir son système de transport au modèle de la mobilité durable. L’élimination de la voiture
étant impossible, les politiques visent plutôt à maîtriser et réguler son utilisation (Orfeuil, 1994,
p. 7). Aujourd’hui, la nécessité de la réduction de la dépendance automobile fait consensus
parmi les scientifiques. Par ailleurs, la plupart des autorités des grandes agglomérations des
pays développés ont déjà profondément modifié leurs politiques de déplacement depuis une
vingtaine d'années visant à réduire la place de l’automobile en ville. C’est, en outre, l’objectif
qui est annoncé dans le Livre blanc publié par la Commission européenne sur les transports en
Europe (Commission européenne, 2012) : « Le retrait progressif des véhicules utilisant des
carburants traditionnels de l'environnement urbain contribuera de manière substantielle à
réduire sensiblement la dépendance à l'égard du pétrole, les émissions de gaz à effet de serre
et la pollution sonore et atmosphérique locale » (Mirabel & Reymond, 2013). Néanmoins, si
la réduction de la dépendance automobile semble faire consensus, en revanche, en écho avec
les débats concernant les causes de dépendance automobile (cf. chapitre introductif), il existe
de multiples suggestions visant à réduire la place de l’automobile. Au total, « les politiques
visant à réduire la place de l'automobile en ville doivent être replacées dans des politiques
d'aménagement et de déplacement qui englobent l'ensemble des modes de transport et des
formes d'organisation de la ville » (Mirabel & Reymond, 2013).
302
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
très forte élévation des budgets temps de transport conduisant à une remise en question des
choix de localisation et un rapprochement des lieux de vie (Genre-Grandpierre, 2007a). Cette
politique du laisser-faire a largement été remise en cause, notamment par Dupuy (1999).
Ainsi, une autre voie considère que la variable essentielle pour la dépendance automobile
est celle de l’urbanisation et des densités urbaines (Newman & Kenworthy, 1989a, 2006).
Newman et Kenworthy (1989, 2006) recommandent de favoriser les développements urbains
à forte densité et faible étalement et limiter, voire interdire, l’étalement urbain. Par ailleurs, ils
recommandent de réduire l’offre des infrastructures routières et augmenter l’offre des
transports alternatifs. Pour eux, il faut limiter les emplacements des stationnements et la
capacité du réseau routier, multiplier l’offre des transports en commun, favoriser l’étalement
urbain dans les zones desservies et encourager les déplacements doux en créant des pistes
cyclables et multipliant les zones piétonnes (Newman & Kenworthy, 1989a, 2006). Dans le
même sens, Litman et Laube (2002) proposent la mise en service d’un système de transport
équilibré privilégiant les pratiques multimodales de déplacement. Un système de transport basé
sur l’automobile maximise la mobilité des personnes, tandis qu’un système de transport
équilibré optimise leur accessibilité et réduit le coût de transport (Litman & Laube, 2002). Il
apparaît que la dépendance à la voiture ne peut être contenue que par l'intégration d’une
politique des transports et d’une politique d’urbanisation adaptée (Wickham & Lohan, 1999).
Cette thèse s’achève avec ce chapitre dans lequel plusieurs propositions seront faites pour
réduire la dépendance automobile au Liban. L’objectif n’est pas de présenter les recettes de la
modération de la dépendance automobile en tant que telles mais c’est plutôt de savoir si elles
sont réalisables au Liban ou pas, et de chercher quels sont les obstacles qui peuvent empêcher
leur mise en place et comment les surmonter si possible.
303
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
La première section propose de moderniser l’offre du transport collectif pour lui permettre
d’être une alternative fiable à la voiture. Les propositions sont basées sur des plans, des projets,
des rapports et des études qui ont été préparés par des entités étatiques et privés (nationales et
étrangères). Elles varient entre la réhabilitation du service de chemin de fer par un réseau
national, un réseau de BRT pour la GBA associé à un réseau de bus urbain pour la capitale et
interurbain pour relier le reste du territoire. Dans l’enquête de mobilité, les enquêtés ont été
questionnés sur leur point de vue envers ces propositions. Ces propositions restent insuffisantes
sans volonté politique. Ainsi, un processus de mise en place d’une meilleure gouvernance sera
proposé.
304
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
D’après l’enquête de mobilité, la majorité des habitants du Liban se déclare très intéressée
(61.3%) et plutôt intéressée (35.3%) à bénéficier d’un système de transport en commun
alternatif. Avec un transport en commun modernisé, la totalité (97%) des personnes est prête à
changer ses manières de déplacement et utiliser davantage les transports en commun (93%).
Parmi les automobilistes, 9 sur 10 se déclarent prêts à changer leurs habitudes de déplacements
en cas de modernisation du transport collectif. Ces chiffres étant déclaratifs, une meilleure
représentation figure dans la répartition modale prévue au cas où un transport collectif plus
fiable a lieu : selon les résultats de notre enquête, la part de la voiture diminuera de 40% et 43%
dans les déplacements contraints et non contraints respectivement. Par contre, la part du
transport en commun augmentera de 120% dans les déplacements contraints et de 55% dans
les déplacements non contraints. Afin de répondre aux besoins des Libanais, le réseau de
transport en commun doit être développé au niveau intra-urbain, en particulier sur l’aire urbaine
de Beyrouth, mais aussi au niveau interurbain (77.2% des enquêtés déclarent que le
développement des transports en commun doit se faire au niveau urbain et interurbain en même
temps). La priorisation du transport interurbain n’intéresse que 12.5% des personnes contre
10.2% pour l’urbain seul.
Pour les moyens, le bus/minibus (53.2%) et le chemin de fer (52.1%) sont les deux moyens
les plus plébiscités par les enquêtés. Ensuite, ce sont le métro (43.4%) et le tramway (37.9%).
Le taxi (16.4%) et le Bus Rapid Transit (BRT) (<1%) les choix les moins cités (cf. figure 97).
Le taux assez faible pour le BRT provient probablement de la méconnaissance de ce moyen au
Liban.
305
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
0.21% 16.38%
43.40%
53.19%
37.87%
52.13%
Figure 98: Le choix modal moyen de véhicules attendu (enquête de mobilité, 2018)
306
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
La remise en service d’un réseau de chemin de fer est une proposition qui est toujours en
discussion au Liban. En revanche, jusqu’à présent, les différentes tentatives prises se limitent
à la phase d’études.
Afin de pouvoir mettre en place un réseau de chemin de fer au Liban, plusieurs obstacles
doivent être surmontés. D’abord, il faut revendiquer l'intégralité du droit de passage et agir le
plus rapide possible pour éviter une dégradation supplémentaire (Nabti, 2004; Nahas, 2002,
2009). Dans les endroits où l’emprise n’est pas suffisante ou difficile à reconquérir, il faut avoir
de nouveaux terrains. Cela nécessite une expropriation dont les décrets nécessaires ont été mis
dans plusieurs endroits mais ne sont pas encore exécutés en raison du manque de financement.
A part la question du droit de passage, il faut trouver les solutions techniques pour pouvoir
surmonter les intersections avec le réseau routier (SISSAF, 2016), surtout que celui-ci a été
construit sans suffisamment prendre en compte la construction potentielle d’un chemin de fer.
Un système de train léger semble être l’option la plus pertinente au Liban (Nahas, 2009).
Ce système peut être sous la forme d’un Système Léger sur Rail (SLR)125. Toutefois, en regard
des difficultés financières dont souffre le Liban actuellement, la mise en place d’un chemin de
fer ne semble pas facilement réalisable (Nabti, 2004). Malgré cela, la mise en œuvre d’un
125
Dont la vitesse est inférieure à celle d’un train à grande vitesse et supérieure à celle d’un tramway.
307
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
réseau ferroviaire est une option incontournable dans l’établissement d’un système de transport
multimodal qui favorise la modération de la dépendance automobile au Liban (Perry, 2000).
Pour relancer le service ferroviaire au Liban, il faut d’abord cibler les trajets sur lesquels
se trouve la plus forte demande afin de maximiser la rentabilité des services sur ces itinéraires.
Ainsi, il sera évident que ce réseau dessert les mêmes itinéraires que le réseau routier
principal avec Beyrouth, nœud du réseau : la ligne côtière Abboudieh-Sour et la ligne de l’Est
Beyrouth-Bekaa. Ensuite, ces deux lignes principales peuvent être alimentées par des lignes
secondaires pour relier les régions internes entre elles.
Les informations disponibles sur ces lignes ne sont pas suffisantes, en raison de la rareté
des études qui se préoccupent du mode ferroviaire au Liban. Ainsi, la présentation des
différentes propositions se limite aux itinéraires potentiels sans intégrer nécessairement, pour
tous les trajets, les coûts et les besoins techniques de leurs mises en place.
La ligne côtière relie le Nord au Sud. Elle pourra être décomposée en deux sections avec
Beyrouth le centre de liaison. La première section relie Beyrouth à la frontière nord à
Abboudieh. Elle sera décomposée aussi en deux sections : une qui relie Beyrouth à Tripoli et
une autre qui la continue jusqu’à Abboudieh. La seconde section de la ligne côtière part aussi
de Beyrouth et la relie à Sour au Sud.
a- La ligne Beyrouth-Tripoli
Une étude de chemin de fer Beyrouth-Tripoli (2016) a montré que cette ligne est de 86 km
entre l’ancienne gare NBT (Beyrouth) et celle de Tripoli (EGIS & GICOME Consortium Team
of Experts, 2016). Elle se décompose en deux tranches : une première reliant Beyrouth à
Tabarja126 et la seconde de Tabarja à Tripoli. Cette proposition faite par EGIS et GICOME
Consortium en 2016 fait suite à celle d’EGIS en 2012 dans laquelle un Système Léger sur Rail
(tramway rapide ou métro léger) pour le tronçon Beyrouth-Tabarja seul 127 (EGIS, 2012).
126
Le tronçon dont le niveau des embouteillages est le plus élevé au Liban.
127
Egalement un système de BRT a été proposé pour ce tronçon par la Banque Mondiale (cf. section 1.2.).
308
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
L’association Train-Train (2019) dans son plan directeur du chemin de fer, propose les stations
suivantes : la gare NBT (terminus), Mar Mikhael, Dora, Nahr el Mot, Jal El Dib, Antelias,
Dbayeh, Zouk Mosbeh, Jounieh centre, Jounieh Port et Tabarja. Entre Tabarja et Tripoli, les
stations seront : Nahr Ibrahim, Fidar, Jbeil, Amchit, Kfar Aabida, Batroun, Herri, Chekka,
Enfeh, Balamand, Kalmoun, Bahsas et Tripoli (Train-Train, 2019). Le coût élevé de cette ligne
de chemin de fer reste un obstacle important. Les dépenses d’investissement et d’exploitation
varient selon le type de trains (passagers ou marchandises ; diesel ou électrique).
La mise en œuvre d’un train entre Beyrouth et Tripoli réduit le coût des embouteillages
sur cette section de 44% à 62% avec une diminution de 1% à 17% d’autres externalités
(pollution, bruits, accidents …) (Chatila, 2015).
Une ligne pareille, pour transporter des passagers, mais surtout des marchandises, doit être
une priorité absolue pour garantir un rôle économique du Liban dans son entourage (TMS
Consult, 2016). L’objectif est d’avoir une ligne courte (36 km) de chemin de fer de capacité
théorique de 60 trains/jour, une capacité pratique de 45 trains/jour/direction et une capacité
utilisée de 30 trains/jour. Quant aux volumes, il est estimé avoir 80% des trains (24 par jour)
pour les marchandises avec une charge moyenne de 21.600 tonnes/jour et 7.4 millions
309
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
tonnes/an (265 millions de tonnes kms) (TMS Consult, 2016). Les stations proposées sont :
Tripoli (ancienne gare), Badawi, Deir Amar, Minieh, El Abdeh, Tal Abbas (Train-Train, 2019).
Depuis 2014, le dossier de construction de cette ligne a été transmis du Conseil des
Ministres au CDR pour achever la conception du projet et procéder à sa mise en œuvre
effective. Son coût estimé est de 75$ millions. En avril 2018, lors de la conférence CEDRE128,
1% des fonds ont été dédiés pour le financement de la ligne Tripoli-Abboudieh. Une autre
proposition suggère de relier le Nord libanais à la Syrie par une deuxième route en faisant
revivre le chemin de fer entre Tripoli et Homs via Qobayat. Il n’y a pas d’études disponibles
concernant cette proposition.
c- La ligne Beyrouth-Sour
La ligne Beyrouth-Sour peut reprendre le même ancien chemin de fer entre Beyrouth et
Naqoura (NBT). Toutefois, avec la fermeture de la frontière Sud, à cause des conflits libano-
israéliens, il n’y a plus besoin d’allonger cette ligne jusqu’à Naqoura, le poste frontalier Sud,
et il sera suffisant qu’elle arrive à Sour, dernière ville principale sur le littoral Sud du pays.
La ligne de l’Est est la ligne qui relie Beyrouth à la frontière Est du pays. Pareille aux deux
autres, cette ligne sera aussi de deux sections. La première relie Beyrouth à la Bekaa et la
seconde continue vers la frontière libano-syrienne. La trajectoire étant, en grande partie,
constituée des surmontés avec des pentes et des obstacles naturels, la mise en place de cette
ligne est plus difficile que celle de la ligne côtière.
128
La Conférence Economique pour le Développement, par les Réformes et avec les Entreprises, pour
soutenir le Liban financièrement. cf. chapitre 4 section 2.2.2.
310
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Le chemin de fer pourra reprendre le même ancien trajet. Il peut partir donc de NBT pour
traverser le Mont-Liban via Jamhour, Araya, Aley, Bhamdoun pour arriver à Chtaura. Une
autre proposition faite dans l’étude de Train-Train (2019) dit que la liaison entre NBT et
Chtaura pourra être faite via un viaduc qui traverse le Mont-Liban sans devoir desservir les
villes et villages intermédiaires. Ces derniers seront desservis, selon la proposition de Train-
Train, par un réseau de bus qui transporte les personnes vers Beyrouth ou Chtaura. A partir de
Chtaura, le chemin va desservir les villages principaux jusqu’à Baalbeck : Saadnayel, Ksara,
Zahlé, Rayak129, Ali Nahri, Talia, Baalbeck (Train-Train, 2019). A partir de Baalbeck, il y a
deux propositions. La première consiste à relier la ville à Homs (Syrie) pareillement à l’ancien
chemin de fer. La seconde est de relier Baalbeck à Tripoli via Hermel et Qobayet.
Une autre ligne interne peut aussi relier le Nord-Est avec la Bekaa d’Ouest. Cette ligne
part de Kaa (Hermel) et dessert Ras Baalbeck, Laboueh, Baalbeck jusqu’à Chtaura. A partir de
Chtaura, la ligne continue vers la Bekaa d’Ouest et dessert Taanayel, Bar Elias, Marj, Khiara,
Ghazze et Jeb-Jennine. En outre, une petite ligne (est-ouest) peut relier Jeb-Jennine à Nabatiyeh
qui à son tour, sera reliée à la côte par la ligne Saïda-Nabatiyeh.
Pour relier la Bekaa à la Syrie, il faut reprendre l’ancien chemin de fer Rayak-Serghaya.
Ce chemin semble être techniquement faisable. Pour sa mise en place, il faut d’abord réhabiliter
la gare de Rayak pour la transformer en gare centrale.
Le Bus Rapid Transit (BRT) ou Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) est une solution
innovante et émergente en matière de transport en commun. Il devient de plus en plus courant
au cours des dernières années surtout en Amérique latine et en Asie. Il y a déjà 160 villes au
monde qui ont introduit ce moyen (Cervero, 2013) dont plusieurs dans des pays en
développement. Nous citons à titre d’exemple, Bogota (Colombie), Quito (Équateur), Curitiba
et Sao Paolo (Brésil), Santiago (Chili) (Leal & Bertini, 2003), Jakarta (Indonésie), Delhi (Inde),
Lagos (Nigéria), Dar es Salam (Tanzanie), … (Kogdenko, 2011; Leal & Bertini, 2003)
129
L’ancienne gare de Rayak sera le point de liaison avec une autre ligne qui continue vers la Syrie.
311
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
niveau de service performant avec une forte fréquence, une amplitude horaire élevée, des temps
de parcours garantis, une ponctualité aux arrêts maximisée. C’est un système moins coûteux
que les systèmes ferroviaires mais offrant une bonne qualité de service, un moyen censé être
plus performant et rapide que les moyens actuels (Menckhoff, 2013).
Etant le tronçon le plus embouteillé sur le réseau routier libanais (cf. chapitre 3, section
1.1. & chapitre 5, section 2.1.), plusieurs projets de système de transport collectif ont été
proposés pour le tronçon Beyrouth-Tabarja. La première proposition (1999-2002) consistait en
un projet de BRT comme partie d’un projet de système de transport collectif reliant Damour à
Jounieh. A l’époque, ce projet a été considéré coûteux et n’a pas été mis en place (Nabti, 2004)
(cf. chapitre 3, section 2.1.1.-c). Récemment, durant la dernière décennie, cette proposition
refait son apparition. Un projet de BRT est proposé par la Banque Mondiale. Il comporte
l’installation d’un système de bus, à voies dédiées, entre Tabarja et Beyrouth ; un réseau de bus
qui alimente ses arrêts en provenance des régions d’entourage ; et un autre pour desservir les
quartiers de Beyrouth (ELARD & EGIS, 2018; Helou, 2015).
Le projet repose sur un système de bus de grandes capacités sur trois trajets : l’autoroute
du Nord, le périphérique extérieur de Beyrouth et son périphérique intérieur.
Le tronçon de l’autoroute du Nord (mauve dans la figure 99) relie Tabarja à Beyrouth (à
la gare Charles Helou) sur une longueur de 24 km. Les bus circuleront des voies dédiées
médianes avec 28 arrêts, des ponts pour piétons, des escaliers et des ascenseurs. Les deux autres
circulent sans voies dédiées : le périphérique extérieur (orange dans la figure 99) sera de 18 km
de longueur avec 21 arrêts et le périphérique intérieur (verte dans la figure 99) de 16 km reste
à l’intérieur des limites administratives de la ville de Beyrouth avec 19 arrêts (ELARD & EGIS,
2018). Il est proposé que les trajets du périphérique intérieur et extérieur soient assurés par le
réseau de bus «20 lignes de bus » proposé par le MTPT en 2013 comme réseau de bus pour la
GBA (cf. section 1.3.).
La vitesse cible des bus est de 20 à 25 km/h dans la GBA (périphérique intérieur) et de 30
à 35 km/h hors de cette région. Le tarif (aller simple) est supposé être 60% plus élevé que le
tarif régulier du bus appliqué aujourd’hui (Anas et al., 2017).
312
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Figure 99: Les trois trajets de BRT (ELARD & EGIS, 2018).
En plus de ces trois trajets, le projet consiste à établir 9 lignes de bus adjacents (en couleur
mauve dans la figure 100) qui déplacent les usagers des régions proches vers les arrêts de BRT,
construire un centre de contrôle et de maintenance ainsi que 9 sites de parking près des arrêts
principaux (cf. annexe 5). Les lignes de bus adjacents et les parkings relais sont supposés
augmenter l’attractivité de BRT de 14% (Helou, 2015). Le BRT étant censé réduire la
congestion, à Beyrouth, de 16% et augmenter son PIB de 1.8% (Anas et al., 2017).
313
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
Figure 100: Les lignes de principales et les lignes de bus d'alimentation du BRT 130
Pour la liaison entre Beyrouth et Tabarja, un BRT (par la Banque Mondiale) et un train
léger sous forme d’un Système Léger sur Rail (SLR) (par EGIS en 2012131) ont été proposés.
Quelle option est la plus pertinente pour ce tronçon ? Le coût estimé pour le train léger
Beyrouth-Tabarja est de 23.6$ millions/km (EGIS, 2012) soit trois fois plus cher que le coût
130
https://blogbaladi.com/greater-beirut-public-transport-project/
131
Suite à une collaboration entre le MTPT au Liban et le Ministère de l’Economie, des
Finances et de l’Industrie en France en 2012. Ce projet a été repris en 2016 comme partie du projet de chemin
de fer Beyrouth-Tripoli (cf. section 1.1.).
314
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
du BRT estimé en 2002 à 8.7$ millions/km132 (cf. annexe 6) (Nabti, 2004). Un investissement
initial de 50$ à 70$ millions, en BRT, peut déjà conduire à une amélioration considérable de la
mobilité sur ce trajet (Menckhoff, 2013). De même, l'expérience de l'Amérique latine a montré
que les coûts par passager du BRT sont aussi inférieurs à ceux des LRT. Alors, en termes de
coût, le BRT, moins coûteux et plus rentable, semble plus pertinent comme partie d’un futur
réseau de transport collectif multimodal (Cervero, 2013).
Cependant, ce n’est pas le coût seul qui compte. Bien que le BRT coûte moins cher qu’un
train léger, sa capacité est moindre que celle de LRT. Cela ne pose pas problème pour le projet
de BRT Beyrouth-Tabarja. Selon le MTPT, le BRT les demandes prévues en heures de pointe
ne dépasseront pas 83% de la capacité maximale du système de BRT proposé (Menckhoff,
2013).
Quant aux horizons temporels de la mise en œuvre, l’option de BRT semble aussi plus
avantageuse. Un système de train a besoin de 5 ans pour sa mise en service tandis que le BRT
proposé ne devrait pas prendre plus de trois ans, y compris la conception finale, à condition
qu’elle soit efficacement gérée (Menckhoff, 2013). En outre, si les bus peuvent utiliser le droit
de passage de l’ancien chemin de fer comme il a été proposé dans le projet de 1999-2002 (au
lieu des voies médianes proposées par la Banque Mondiale), cela pourra rendre la mise en
œuvre du système BRT encore plus rapide (Nabti, 2004).
Cependant, une des contraintes du BRT se présente par les opérateurs privés qui
fonctionnent actuellement sur les mêmes trajets proposés par le BRT. Afin d'éviter la
concurrence, il serait peut-être plus intéressant de les intégrer dans le système BRT, en utilisant
leurs véhicules dans le service du système (SISSAF, 2016). Ensuite, pour assurer un droit de
passage exclusif, il faut une décision politique qui donne la priorité à l’utilisation de l’espace
routier pour les transports en commun plutôt que pour la voiture (Nabti, 2004). Une réallocation
positive de l’espace routier entre les voitures et les autobus facilitera les opérations et permettra
de capitaliser l’efficacité de l’utilisation des autobus (Kühn, 2002). Cet obstacle n’existe pas
dans le cas de l’option train.
Pour les trains, ils sont les plus avantageux en termes des économies en consommation
d'énergie : ils consomment un sixième de celle d'une voiture transportant une personne (Perry,
2000). Le train a aussi la possibilité de se connecter au réseau national (si mis en place) et
132
Le coût total du train léger Beyrouth-Tabarja étant de 1.1$ milliard (cf. tableau 87), soit trois fois plus
cher que le BRT qui inclus le trajet Beyrouth-Tabarja, le périphérique extérieur et le périphérique intérieur.
315
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
régional et la possibilité d’une double utilisation (fret & passagers). Il apporte des avantages
également en termes de réduction d’utilisation de sols ainsi que de la réduction de la congestion
et de la pollution (Perry, 2000).
Cette brève comparaison montre que le BRT peut être une bonne option pour le tronçon
Beyrouth-Tabarja, notamment en raison de son coût plus abordable étant donné les contraintes
financières qui pèsent sur l’Etat Libanais (MoE, 2005; Nahas, 2009). De plus, la
complémentarité du BRT par un système de bus, pour les quartiers de la GBA, semble un autre
facteur qui favorise la solution BRT actuellement.
Les bus doivent constituer l’épine dorsale d’un système de transport en commun urbain.
Etant donné la forte demande de transport et le haut niveau de congestion à Beyrouth, il paraît
indispensable de concentrer les efforts sur cette agglomération dans un premier temps.
Avec une capacité limitée du réseau routier beyrouthin et une augmentation continue en
nombre de voitures, le développement des transports en commun est jugé nécessaire pour la
ville (Nabti, 2004). Compte tenu de ces menaces préjudiciables au développement et à la
qualité de la vie que cause le système de transport actuel à Beyrouth, un réseau de bus amélioré
est une alternative nécessaire et semble la plus réalisable parmi les modes de transport en
commun dans cette ville (Abou Jaoude et al., 2014). Une enquête effectuée auprès des étudiants
à Beyrouth (2016), a montré plus que 80% des enquêtés considèrent que le transport en
commun au Liban est en désordre total, 95% considèrent que si un meilleur réseau de bus
existait ils se sentent plutôt prêts à l’utiliser, 65% pensent que l’utilisation d’un tel réseau pareil
réduire le stress des embouteillages et seulement 10% continueront à utiliser la voiture privée
(Ladki et al., 2016).
a- Le réseau de bus
Le DGTRM, au sein du MTPT (cf. chapitre 4, section 2.1.1.), a proposé, en 2013, un projet
de réseau de bus pour Beyrouth, comme projet pilote. Ce projet doit donner l’élan nécessaire à
l’expansion du réseau de transport en commun qui dessert les villes principales. Ce projet,
intitulé «20 lignes de bus » (MTPT, 2013a, 2013b), consiste à avoir 20 itinéraires de longueur
totale de 551 km, avec trois terminus principaux et 911 arrêts (cf. figure 101). La flotte sera de
250 autobus et l’exploitation sera confiée à des entreprises privées sous la supervision du
316
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
ministère et l’OCFTC (MTPT, 2013a, 2013b). Le réseau de bus proposé fera partie des
périphériques interne et externe de Beyrouth du projet de BRT (Helou, 2015; Menckhoff,
2013). Il sera préférable que les bus de ce réseau soient électriques ou hybrides, qui sont plus
écologiques que les bus thermiques.
Pour le métro, c’est un moyen qui n’a jamais été sérieusement discuté pour Beyrouth. Dès
la proposition de 1995 (cf. chapitre 4, section 2.3.2.), il n’y a eu aucune tentative pour mettre
en place ce moyen de transport. De toute façon, un système de métro semble coûteux et difficile
à mettre en œuvre aujourd’hui à Beyrouth. Il existe un consensus sur le fait qu’il ne sera jamais
construit, car il s’agit d’une technologie inappropriée pour une ville riche en ressources
archéologiques souterraines et en pénurie de ressources financières (Nabti, 2004).
Pour le tramway, ce moyen existait à Beyrouth jusqu’aux années 1960 avant d’être
remplacé par des bus pour assurer la circulation de la voiture (cf. chapitre 3 section 2.1.).
Aujourd'hui, la plupart des grandes villes utilisent le tramway comme moyen rapide, efficace
et écologique. Il se trouve même des villes qui ont abandonné le tramway précédemment et
ont, aujourd’hui, remis en service de nouveau ce moyen. Malgré cela, il n’existe pas d’études
récentes au Liban qui explorent cette option. A Beyrouth, la dernière proposition de tramway
317
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
était après la guerre civile comme partie du schéma directeur en 1995 (cf. chapitre 4, section
2.3.2.-a) qui n’a pas été mis en application (Nabti, 2004). Aujourd’hui, il n’y pas d’indicateurs
qui empêchent l’installation d’un système de tramway dans les rues de Beyrouth.
1.3.2. Les réseaux de bus hors de Beyrouth : vers une meilleure liaison du territoire
Il est nécessaire de relier les villes principales par des réseaux interurbains de bus. Ces
réseaux doivent avoir des lignes de bus à coût relativement bas et une vitesse accrue permettant
une fréquence plus élevée. Ils aideront ainsi à améliorer la mobilité sur l'ensemble du territoire.
Le MTPT (2013) propose deux réseaux de bus. Un réseau principal dont les lignes doivent
être mises en service à court terme et un autre dont les lignes pourront être reportées à long
terme. Pour le premier réseau (rouge dans la figure 102), il consiste en deux « sous-réseaux ».
(i) Le premier relie par une ligne côtière Tripoli à Saïda avec la possibilité d’une extension vers
Abboudieh et Arida au Nord. (ii) Le second c’est un réseau qui relie le littoral à l’intérieur par
la ligne Beyrouth-Aley-Chtaura-Zahlé-Baalbeck-Hermel, la ligne Saïda-Nabatiyeh-Marjeyoun
et la ligne Marjeyoun-Zahlé.
Figure 102: Le réseau de bus interurbain proposé par MTPT (MTPT, 2013b)
318
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Pour le réseau secondaire à long terme (noir dans la figure 102) plusieurs lignes sont
proposées : (i) Saïda-Sour-Qana-Bint Jbeil-Nabatiyeh ; (ii) Damour – Baakline – Jezzine –
Saïda ; (iii) Jdeideh-Zahlé ; (iv) Tripoli-Zgharta-Ehden-Bcharré- Baalbeck ; (v) Tripoli-
Hermel ; et (vi) Tripoli-Halba (MTPT, 2013b). Ces deux réseaux seront interconnectés.
La seule gare routière étatique à Beyrouth est celle de Charles Helou. Elle se situe à
l’entrée nord de Beyrouth et elle est en mauvais état (cf. chapitre 3, section 2.2.2.) rendant sa
réhabilitation nécessaire pour permettre une allocation d'espace améliorée et une facilité
d'utilisation (Abou Jaoude et al., 2014). La municipalité de Beyrouth, en tant que propriétaire,
doit s’en occuper du projet de réhabilitation de la gare de Charles Helou.
Cette gare seule reste insuffisante pour desservir toute l’agglomération. Il faut au moins
deux autres gares à l’entrée Sud, à Jnah par exemple, et à l’entrée Est de la capitale, à Hazmieh
par exemple. Ces gares seront les points de départ et d’arrivée pour les déplacements à
destination ou au départ de Beyrouth et elles peuvent être des parkings relais aussi.
Les projets des parkings relais et de gares routières ne doivent pas se limiter à Beyrouth.
Dans les villes principales, il faut construire des gares routières multimodales pareilles à celle
de Charles Helou à Beyrouth. Un projet de construction de gare routière pour Tripoli était
préparé dans la fin des années 1990 à Bahsas. La gare proposée devrait coûter 10$ millions et
être construite sous contrat de Built Operate Transfer (B.O.T.) : le secteur privé construit la
station, l'exploite pendant une durée déterminée puis la transférer à l’OCFTC (Baaj, 2000).
319
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
Ce projet n’a pas encore eu lieu. Il est donc intéressant de le reprendre et il peut même être
un projet pilote pour les autres villes (Sour, Saïda, Zahlé …). Egalement, il faut trouver des
petites gares dans quelques villages. Cette tâche est plus facile là où des gares routières existent
déjà. Il ne manque que de les réhabiliter. Cependant, dans les villes et les villages qui n’ont pas
de telles gares, il faut trouver du foncier pour établir des gares routières. Cette tâche pourra être
confiée aux municipalités ou unions de municipalités.
1.4. La gouvernance du transport en commun : la nécessité de créer une autorité centrale et
d’organiser la délégation du service
Atteindre un objectif de durabilité du système de mobilité ne peut pas se faire sans une
forte volonté politique et une organisation institutionnelle efficace (Cervero, 2013). La mise en
œuvre de modalités de gouvernance plus efficaces et d’un cadre institutionnel approprié doit
être une priorité dans le système de transport routier au Liban (Baaj, 1999, 2002; CODATU,
2012; Nahas, 2009). Ce système doit chercher la mise en place d’une politique de transport
durable qui encourage le report modal de la voiture privée vers les modes alternatifs. Le
manque de bonne gouvernance sectorielle peut être le talon d’Achille de cette politique.
Une bonne gouvernance se définit comme « la gestion compétente des ressources et des
affaires de manière ouverte, transparente, honnête, responsable, équitable et adaptée aux
besoins et problèmes de la population » (Christie et al., 2013). Elle « sait concilier les objectifs
et les besoins, d'une part, avec les responsabilités et les ressources disponibles, d'autre part,
tout en tenant compte de priorités bien souvent concurrentes, voire divergentes » (FIT, 2017).
L’objectif de l’amélioration de la gouvernance sectorielle du transport est de rendre le système
capable de mieux répondre aux besoins des usagers tout en prenant en considération les
contextes environnementaux et sociaux et offrir une mobilité pour tous à des prix équitables
(FIT, 2017; Ramirez, 2014).
Dans le cas libanais, cette amélioration doit nécessairement passer par une identification
et une clarification des responsabilités, une planification, une budgétisation et un contrôle
systématiques (Nahas, 2009). Il convient de surmonter la multiplication des responsabilités et
trouver un mécanisme centralisé pour le suivi ainsi que l’évaluation et la mise en œuvre d’une
politique de transport. Le gouvernement doit, tout d’abord, identifier les acteurs devant être
impliqués dans le fonctionnement du système pour pouvoir, ensuite, créer une unité centrale
de gestion du secteur.
320
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
133
Un rapport préparé par le CDR concernant le développement de plusieurs secteurs au Liban, dont le
transport. Ce rapport a été préparé par Nahas (2009).
321
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
Une Autorité centrale de Transport Routier (ATR) 134 peut unifier les travaux et les projets
du transport, limiter la multiplication des acteurs et fortifier le cadre réglementaire du transport
au Liban. Cette autorité disposera d'une autonomie financière et administrative et sera
responsable de la planification et de la réglementation du système de transport en commun.
Elle doit être composée des planificateurs, des économistes de transport, des urbanistes et des
aménageurs, des experts de l’exploitation des transports collectifs …
Il faut trouver au sein de l’ATR un département ou une division dédié au transport collectif
seul. L’objectif est d’organiser et gérer les services, mettre en place une base de données fiable,
fournir et mettre à jour les informations, identifier les itinéraires et les trajets, préciser les tarifs
(Baaj, 1999, 2002), préciser les spécifications standards des véhicules et s’assurer de la
conformité aux contraintes de sécurité et d’environnement (MTPT, 2013a).
Au niveau administratif, l’ATR doit développer et contrôler le service fourni par le secteur
public, dicter et contrôler le fonctionnement du secteur privé, surveiller sa conformité aux
règlements et dispositions contractuelles et résoudre ses conflits avec les parties publiques
(Baaj, 1999, 2002; Nahas, 2009).
134
Land Transport Authority (LTA) en Anglais.
322
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
La mise en place d'une autorité qui coordonne, réglemente et surveille le secteur serait
avantageuse. Le transport en commun, divisé entre les services urbains et interurbains, chacun
a ses propres spécificités et ne peuvent pas être traité de manière égale par l'autorité (Nahas,
2009). Aussi, pour améliorer le fonctionnement de l’autorité, il sera instructif de mettre en
place des sous-autorités locales dans les différentes régions. Cela vise à gérer les opérations à
l’échelle régionale, à assurer la pérennité des services du système de transport et à faciliter la
coordination et la collaboration entre les parties prenantes et les acteurs. Ainsi, l’autorité pourra
être centralisée ou polycentrique sous la forme d’un réseau dans les régions (Baaj, 2002; Perry,
2000). Pour chaque zone, elle va identifier les itinéraires et les zones desservies par le transport
collectif et assigner à chaque zone un opérateur de service (Baaj, 2000).
D’abord, il doit y avoir une caisse spécifique pour les transports (Nahas, 2009) pour
rassembler les fonds collectés et les dépenses dédiés aux transports. Ensuite, pour faire face à
la sous-information des données dans le système de transport au Liban, il sera utile d’établir
un centre de base de données au sein de l’autorité centrale. L’objectif est de centraliser les
informations, les études et les données pertinentes, les analyser pour enfin produire des résultats
et des indicateurs mis à la disposition des planificateurs et des décideurs des transports. De
plus, il doit y avoir un programme de formation pour les services et les fonctionnaires chargés
du transport. Enfin, il faut mettre un programme de suivi et d'évaluation qui couvre les entités
en charge du transport ainsi que la mise en place d’un schéma flexible qui permet une prise de
décision et un suivi plus rapides (SISSAF, 2016).
135
Politique du transport routier - 2002- article 19
323
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
Au niveau opérationnel, il faut s’assurer que le service de transport collectif soit attractif
et fiable pour qu’il puisse contribuer à la modération de l’utilisation de la voiture (Redman et
al., 2013). L’enquête de mobilité a montré que les résidents du Liban souhaitent avoir un
système de transport en commun sûr (68.7%), facile d’accès (58.3%), à des prix convenables
(57.9%), des horaires adaptés (55.1%), rapide (53.6%) et confortable (49.8%). L’utilisation
pratique et facile (38.3%) et les courts temps de déplacement (36.6%) sont les caractéristiques
les moins importantes dans un futur système de transport collectif. En outre, le système doit
avoir une tarification adaptée qui doit, autant que possible, rester identique à celle appliquée.
D’après l’enquête, les deux tiers des enquêtés (63.4%) ne sont pas prêts à payer un coût
supérieur à celui payé aujourd’hui pour se déplacer en transport en commun et seuls 9.8% sont
prêts à le faire. Avec le maintien du tarif du bus de 1.000 L.L./trajet, accompagné par une
réduction du temps de déplacement et plus de confort, 44% des voyageurs à GBA utiliseront
les bus (Chalak et al., 2016).
Pour une meilleure mise en place d’un système de transport en commun, des installations
complémentaires sont requises : des arrêts bien définis et entretenus, l'aménagement de voies
dédiées aux transports en commun, un système d'information des voyageurs (diffusion des
horaires momentanés aux passagers, plan des lignes de bus …) et une maintenance périodique
de tous les équipements. La mise en place de mobiliers urbains aux stations, des arbres, de la
végétation peuvent mettre en valeur l'esthétique piétonnière et environnementale des rues
augmentant ainsi les agréments des usagers (SISSAF, 2016).
En outre, pour améliorer l’attractivité des modes alternatives à la voiture, il faut faciliter
le transfert modal. La priorité doit être de réduire les temps nécessaires pour changer de moyen
de transport. Plusieurs dispositifs peuvent être proposés. Par exemple, l’installation des parcs
relais aux entrées de Beyrouth, ajouter des équipements dédiés aux vélos sur les arrêts de bus
et les gares, adopter un système de billettique intermodale …(Mirabel & Reymond, 2013).
1.4.2. Les coûts élevés des projets : nécessité de faire intervenir le secteur privé
Afin de pouvoir choisir les moyens qui doivent contribuer à une modernisation de l’offre
de transport en commun au Liban, les décideurs doivent évaluer chaque option selon un plan à
long terme et une évaluation des effets sur les finances publiques.
Les différents projets de transport en commun déjà proposés doivent être évalués de coûts
et des avantages. Cette analyse doit permettre de savoir la rentabilité des propositions, mais
aussi la contribution de chaque projet dans le report modal de la voiture vers le transport en
324
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
commun. En dépit de l’avantage des projets proposés, leur mise en place reste contrainte des
moyens de financement ainsi que des capacités techniques et humaines disponibles chez l’Etat.
Une étude faite par l’Union Européenne (SISSAF), en 2016, présente une série de projets
qui pourront faire partie d’un système de transport fiable. Ensuite, elle répartit ces projets sur
3 scénarios : le scénario A qui comprend le réseau de bus à la GBA (1.3.1-a), un train léger
Tripoli-Abboudieh (1.1.1.-b), des gares multimodales sur les entrées des villes (1.3.3.) ainsi
que des parkings dans les villes ; le scénario B comprend tous les projets proposés sauf le train
Beyrouth-Sour (1.1.1.-c), le train de l’Est (1.1.2.) et le BRT périphérique de Beyrouth (1.2.1.)
; le scénario C comprend tous les projets sauf la ligne de train de l’Est (1.1.2.).
Scénarios
Projets
A B C
1 Réseau de bus de GBA
2 BRT Beyrouth - Tabarja
3 BRT périphérique (interne et externe) de GBA
4 Réseau de bus pour les grandes villes
5 LRT Beyrouth-Tripoli
6 LRT Tripoli - Abboudieh
7 LRT Beyrouth - Sour
8 Des voies dédiées pour les bus à GBA et les villes
9 Les gares multimodales sur les entrées des villes
10 Des parkings dans GBA
11 Des parkings dans les villes
Tableau 88: Les trois scénarios proposés (SISSAF, 2016).
Le coût total d’exploitation et d’investissement ainsi que le nombre des emplois créés de
chaque scénario sont renseignés dans ce tableau :
Période : 2016 - 2035
en 2016 - en millions de dollars A B C
Les coûts totaux d'investissements 680 3.980 5.950
Les coûts totaux d'exploitation 230 1.550 1.780
Nombre des emplois créés 14.800 117.000 198.000
Tableau 89: Les coûts et les emplois créés dans chaque scénario (SISSAF, 2016)
Ces trois scénarios visent à analyser le passage des voitures privées et des taxis vers un
système de transport collectif fiable et performant. Dans le scénario A, le moins cher, seule une
petite partie des usagers modifient le choix de leur mode de transport ; dans le scénario B cette
partie devient plus importante ; et dans le scénario C, le plus cher, la part des usagers modifiant
le choix de leur mode de transport vers les transports collectifs est plus importante. Dans cette
325
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
analyse, la Valeur Actuelle Nette (VAN), au taux d’actualisation de 8%136, est positive et les
trois scénarios sont rentables (SISSAF, 2016).
En raison des capacités des investissements étatiques limitées dans tous les secteurs, dont
le transport, et le haut niveau d’endettement du Liban, un nouveau projet de transport ne pourra
pas être facilement financé ni par le budget national ni par les dettes internes (des banques
privées) ou externes (autres pays et organismes internationaux), au moins à court terme. Le
meilleur choix dans cette situation est d’encourager le secteur privé à contribuer à
l’investissement dans les transports en commun. Pour ne pas éliminer le rôle de l’Etat, le
Partenariat Public-Privé (PPP) semble être un choix convenable.
Le PPP est utile pour aider l’Etat à surmonter les obstacles causés par la pénurie de ses
capacités. En particulier, cet outil assure aussi une bonne gouvernance sectorielle du transport
dans les pays du Sud (Ramirez, 2014). Aussi, le PPP aide à combler les lacunes, à court terme,
dans l'organisation du secteur, pendant sa réorganisation, avant que les fonctions soient ensuite
transférées du secteur privé au public plus tard (Nahas, 2009). Pour inciter les opérateurs privés
à intervenir dans l’offre des services de transport collectifs, il faut que ces services soient
rentables (Nahas et al., 2016).
Il faut faire attention que les projets PPP au Liban sont souvent présentés comme s’ils ne
coûtent rien du tout à la collectivité (Nahas et al., 2016). Toutefois, leur application sur les
projets de transport collectif est paradoxale puisque ces services sont subventionnés en
contrepartie des avantages économiques non attribuables et des externalités négatives qu’ils
génèrent. Si les opérateurs privés sont moins efficients que les opérateurs privés, il sera coûteux
pour l’Etat de leur accorder un projet de transport. Autant que la rentabilité financière du projet
est faible autant que le surcoût de l’Etat sera faible. Par contre, si les opérateurs privés sont
plus efficients que ceux publics, ce surcoût devient un gain. Autant que la rentabilité du projet
est faible autant que ce gain sera plus important. Pour cela, il se trouve des opérateurs privés
auxquels s’accordent des projets de transport très peu rentables (Bonnafous, 2002). Aussi,
136
Le taux adopté dans les études de faisabilité des projets majeurs au Liban et recommandé par le CDR
326
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
En outre, par le PPP, des opérateurs privés au Liban cherchent à accaparer le domaine
public pour des projets immobiliers (Nahas et al., 2016). Enfin, pour éviter la libération totale
du marché, les tarifs doivent être fixés par l’Etat en négociation avec les opérateurs privés
(Nahas, 2009).
327
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
328
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Alors, pour améliorer la qualité du réseau routier, il faut évaluer les liaisons manquantes
et les points des embouteillages majeurs sur la totalité du réseau. Ensuite, contrairement à la
pensée de Dupuy, il faut requalifier les voies (Héran, 2001) et hiérarchiser et catégoriser les
routes pour mieux organiser le réseau. Il faut pouvoir identifier la fonction de chaque rue dans
le réseau de transport. Par exemple, dans les villes, la voirie peut se décomposer en quatre
catégories : les grands axes pénétrants qui assurent le découpage de la ville, les pistes cyclables,
les voies dédiées aux transports collectifs (où possible) et les voies locales qui assurent une
desserte locale.
329
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
pas se limiter à la chaussée. Il doit comprendre des efforts pour maintenir les trottoirs, les
pentes, les installations de drainage et toutes les autres structures et propriétés dans les limites
de la route. Cela pourra être fait par trois étapes : identifier les besoins, évaluer les
investissements et leurs dépenses et définir les priorités (SISSAF, 2016). La réactivation du
Road Management Monitoring System (RMMS) pourra être une première étape pour la
maintenance des routes au Liban (cf. chapitre 4, section 2.2.2.).
Le contexte administratif qui s’applique sur les infrastructures pourra influencer les
décisions de construction, de maintenance, de prise en charge … (Banister & Berechman,
2001). De façon identique au transport en commun, l’amélioration de la gouvernance du réseau
routier doit parvenir de l’amélioration du niveau réglementaire et opérationnel des projets de
la construction, de la maintenance et de la gestion du réseau routier. Le rôle de l’Etat devant
être aussi toujours primordial. Au sein de l’ATR, il faut trouver une division qui soit
responsable du niveau opérationnel et réglementaire des routes et de la circulation au Liban.
Au niveau opérationnel, cette division doit rendre l’intégralité du réseau routier classifié137
(cf. chapitre 3, section 1.1.). Cela permet d’identifier les responsabilités nationales et locales
de la gestion du réseau. Il sera ainsi plus avantageux, au début, de considérer tout le réseau non
classé comme partie de l'actif national du réseau routier et attribuer, ensuite, la responsabilité
des routes à ceux qui en profitent le plus (Nahas, 2009). Les municipalités et leurs unions
doivent être pionniers à ce stade : chaque autorité locale doit s’occuper de la construction et de
la maintenance de ses routes. De cette manière, la remise à niveau du réseau secondaire et local
sera plus facile. Ensuite, suivant les directives de SDATL (2005), il faut hiérarchiser les
137
70% du réseau routier au Liban n’est pas encore classifié. Ce sont les routes des villages, de Beyrouth et
d’autres villes (cf. tableau 52). Il n’existe pas de données suffisantes sur le réseau non classifié.
330
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
investissements. La priorité doit être donnée aux travaux de maintenance, mais il faut aussi
compléter les liaisons routières manquantes et les mettre en opération. Enfin, il faut mettre en
opération les systèmes de gestion pour tout le territoire et mettre à jour toutes les lois de
transport routier et renforcer leur application (MoE & LEDO, 2001; Nahas, 2009). La totalité
du réseau doit surtout rester sous la responsabilité et la possession de l’Etat. Toutefois, là où ce
dernier ne peut pas être suffisamment performant, il peut faire appel à l’intervention du secteur
privé, pour des durées déterminées, mais toujours sous la surveillance étatique.
2.2. La voirie pour tous
Dans les grandes villes, la voiture occupe plus que 90% de la voirie (Héran, 2005; Vrain,
2003). Pour réduire la dépendance automobile, la réduction de l’offre des infrastructures
routières n’est pas suffisante seule. Le changement de la perception de l’usage de la voirie en
la rendant plus accessible aux différents modes et réduire l’exclusivité de la voiture sont des
mesures favorables pour le report modal qui, à son tour, réduit la dépendance automobile
(Héran, 2005).
La mobilité est un besoin, voire une nécessité, que les pouvoirs publics doivent prendre
en considération afin de l’assurer pour tous. Les efforts doivent être orientés en faveur des
personnes dont ce besoin est le plus important : à mobilité réduite, séniors, jeunes, pauvres et
non-automobilistes. Le but d’assurer une mobilité pour tous fait partie d’une bonne politique
de transport. Pour assurer cette mobilité, il faut assurer un espace convenable pour tous. C’est
le principe de « la voirie pour tous » (Boutry-Stadelmann et al., 2008; Ossola, 2007).
Il est ainsi nécessaire de rendre les villes, surtout Beyrouth, accessibles à tous en favorisant
un meilleur partage de la voirie. Ce partage consiste à améliorer la planification urbaine qui
assure des voies dédiées au transport collectif, fermer des zones à la voiture, modérer les
vitesses et favoriser les déplacements doux et collectifs : avoir des pistes cyclables et piétonnes
331
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
de bonne qualité, des itinéraires directs, des bandes passantes et des trottoirs pour les piétons
ainsi que des voies dédiées, des arrêts et stations convenables pour les transports collectifs. Il
pourra être utile aussi de transformer des rues ou des quartiers en des zones piétonnes ou des
zones à accès limité aux transports en commun et restreintes à la voiture. Il faut réorganiser
l’espace public et assurer une coexistence entre les différents moyens.
Aussi, pour modérer la circulation par voiture, d’autres mesures liées à l’aménagement
peuvent avoir lieu. Ce sont, par exemple, les voiries à double sens (au moins pour les cyclistes)
qui assurent plus de sécurité pour les piétons et aident à avoir une meilleure circulation urbaine ;
les ronds-points, les mini-giratoires et les carrefours à plateaux qui peuvent être plus fiables
que les carrefours à feux ; calibrer les rues et les places en fonction du trafic pour limiter l’usage
et libérer plus d’espaces; la diminution des largeurs des chaussées pour accueillir d’autres
modes ; élargir les trottoirs, installer des îlots refuges centraux, des ralentisseurs (coussins,
chicane …) (Héran, 2005). En plus de ces mesures, il ne faut surtout pas négliger le marquage
des routes qui est très rarement appliqué au Liban. Cela aide à rendre plus facile l’identification
des zones de circulation des différents modes.
Cependant, la coexistence entre divers modes n'est pas réalisable ni durable sans une
volonté politique forte et un soutien résolu de tous les acteurs sociaux et économiques. Les
parties prenantes, dont les municipalités, n’apparaissent pas suffisamment intéressées par
l'optimisation de l'action publique dans les modes doux.
La ville de Beyrouth est l’une des rares municipalités à avoir pris une tentative dans ce
domaine. Elle a lancé, en 2012, avec la coopération de la région Île-de-France, un plan de
déplacement doux pour la ville. Cette étude a conclu que la capitale « a tout pour réussir une
révolution modale vers un système de transport mieux équilibré et un espace urbain plus
accessible » et elle a toutes les caractéristiques favorables au passage vers les modes de
déplacement doux (SITRAM & EGIS, 2012, 2013). Actuellement, plusieurs emplacements
sont déjà aménagés pour qu’ils puissent accueillir les modes doux. Le centre-ville et la corniche
(Ramleh El Baida – Manara-Ein El Mreisseh-Normandie) sont les deux les plus connus. Ces
emplacements restent insuffisants, il faut donc trouver plusieurs autres endroits qui pourront
être aménagés pour les modes doux. Les points à proximité des pôles générateurs de
déplacements (établissements d’éducations, marchés, centres d’affaires …) sont les plus
recommandés. Quant aux coûts, une politique de déplacements doux pour Beyrouth coûte 3€ à
5€ millions par an, soit une moyenne de 5€ à 10€ par an et par habitant (SITRAM & EGIS,
2012, 2013).
332
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Après cette étude, la municipalité de Beyrouth a installé, en 2017, une borne de vélos libre-
service avec une piste cyclable de courte distance au centre-ville. Mais celle-ci n’a pas été
pérenne138. Ensuite, en avril 2019, la ville a lancé un plan pour établir deux lignes de 16 km de
longueur avec 14 bornes de location. La première part de Charles Helou (est du centre-ville) –
Place des Martyres – Hamra. La seconde prend le trajet Charles Helou – Rue Gaurau – Rue
Armenia – Palais des Pins – Sodeco- Place des Martyrs. Ce projet devait être lancé en été 2019
(Seifeddine, 2019). Ce n’est pas encore le cas.
Le vélo est favorisé surtout pour la facilité d’utilisation et de possession ainsi que son coût
extrêmement faible (Héran, 2001; Vrain, 2003) en le comparant à celui de la voiture. De plus,
il assure la mobilité pour ceux qui ne peuvent pas conduire. Quant à l’efficacité, il est plus
rapide (Héran, 2001) et plus efficace que la voiture dans les zones urbaines et denses,
notamment dans les périodes de congestion, surtout si les rues sont conçues pour accueillir des
pistes cyclables : le parcours d’un kilomètre à Beyrouth, durant les heures de pointe, nécessite
la même durée qu’il soit effectué en voiture ou à pied (Nahas et al., 2016). Au niveau
écologique, les déplacements doux ne produisent aucune pollution significative et consomment
beaucoup moins d’énergie. Un vélo consomme 40 fois moins d’énergie qu’une voiture (Héran,
2001). C’est également un moyen qui occupe moins l’espace public : une douzaine de vélos
peut être stockée en une seule place de parking de taille d'une automobile.
138
La piste n’a pas été fréquentée et la borne de vélos libre-service a été retirée. Il n’y a pas eu d’explication
claire pour cela.
333
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
Tableau 91: Tableau comparatif des avantages des moyens de transport (IFRESI-France)
dans (SITRAM & EGIS, 2012)
Malgré ces avantages, l’enquête de mobilité montre que le vélo n’est pas un moyen très
populaire au Liban. Seulement 28.7% des enquêtés se déclarent prêts à utiliser le vélo pour les
déplacements contraints (11.5%), non contraints (7.2%) ou les deux ensembles (10%). Un quart
(32.1%) des personnes ne sont pas prêt à se déplacer à vélo à cause de l’absence des
équipements convenables pour de cyclisme. Ces chiffres sont plus importants à Beyrouth où
une enquête menée en 2012 montre que le taux d’acceptation du vélo est de 69%. Les motifs
d’utilisation du vélo, attendu dans le cas de changement modal vers le vélo, varient entre le
sport (41%) qui est déjà un motif actuel, 22% pour aller au travail (aucun actuellement) et le
même pourcentage pour les loisirs et le reste varie entre, visites, courses … (SITRAM & EGIS,
2012). Dans notre enquête, pour les personnes réticentes à utiliser le vélo attribue cela aux
longues distances et la difficulté d’utilisation (22.1%), le manque de sécurité de ce moyen
(11.5%) et la non-conformité de ce moyen à « l’image » des personnes (5.5%).
Pour la marche à pied, l’enquête de mobilité a montré que ce mode assure moins que 7%
des déplacements au Liban. A Beyrouth seule, 76% des Beyrouthins se déplacent à pied pour
le sport (31%), aller travailler (18%), se promener (19%) et pour les loisirs (14%). Les courtes
distances et la proximité des lieux d’activité à Beyrouth rendent le niveau d’acceptation très
élevé pour les résidents de Beyrouth municipe (42% pour vélo et 50% pour la marche) et moins
élevé dans le cas des banlieues (16% pour les deux modes) et beaucoup moins élevé pour les
résidents hors GBA (11% pour le vélo et 9% pour la marche) (SITRAM & EGIS, 2012). Ce
sont les aménagements routiers (30%) et la sécurité (24%) les deux principales raisons qui
empêchent les personnes à se déplacer par les modes doux (vélo et marche) et la météo,
l’interaction vélo/piéton et les comportements et habitudes sont les raisons secondaires avec
15% pour chaque raison (SITRAM & EGIS, 2012).
334
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Pour le covoiturage 139 , cette option n’existe pas au Liban et elle ne paraît pas devoir
devenir plus acceptable dans les années à venir. Seulement 14% acceptent de covoiturer dans
tous leurs déplacements, 20.2% et 16.2% accepteront de le faire dans les déplacements
contraints ou non contraints respectivement. Les personnes qui refusent de le faire avancent la
raison de l’insécurité (27%) du décalage avec leur image (2.8%). Le concept de covoiturage
pourtant largement mis en avant dans les pays développés, notamment en France, afin de sortir
de l’autosolisme (Gallez & Dupuy, 2018). Donc, malgré les chiffres décevants, une tentative
de covoiturage doit être lancée au Liban. Celle-ci doit être accompagnée par une campagne
publicitaire qui introduit et explique mieux le concept pour essayer d’attirer le plus d’adhérents.
Le gouvernement doit prendre des mesures qui aideront à mieux encadrer l’utilisation de
la voiture. La gestion de la demande de déplacements étant une alternative à l'expansion de la
capacité (Goodwin & Persson, 2001).
139
Le partage du véhicule avec des personnes comme le blablacar en Europe.
335
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
Pour gérer les flux de voitures, il faut augmenter les réglementations et non pas le stock
des infrastructures (Prud’Homme et al., 2014). Le Liban doit élaborer des mesures qui limitent
l’utilisation de voitures particulières. Plusieurs propositions peuvent être faites.
Il faut, tout d’abord, recenser la flotte de véhicules. Cette première mesure semble facile
à effectuer puisque le gouvernement (via TAVMA) a déjà une base de données des véhicules
et des permis. Toutefois, cette base risque d’être non fiable. Pour la fiabiliser, il faut la
reprendre et la mettre à jour. Une fois faite, cette mesure permet d’identifier les véhicules
illégaux, surtout dans les transports en commun. Suite à ce recensement, le nombre de plaques
d'immatriculation du transport collectif devrait être limité aux besoins (Nahas, 2009).
Deuxièmement, il faut agir sur les réglementations qui concernent la pollution. Les
nouvelles lois de transport doivent envisager une contribution des utilisateurs des transports
aux coûts de pollution, via des redevances liées aux dimensions des véhicules, aux émissions
et aux distances parcourues. Une mesure clé est la taxe sur les carburants qui va élever le coût
d’utilisation du véhicule privé. D’autres mesures renvoient à l’élévation des frais de contrôle
technique, d’importation, d’immatriculation, de péages. Mais, toute forme de charges sur
l'usager de la route est considérée comme augmentation des impôts et ne sera donc pas soutenue
par l’opinion. Ces mesures ne sont pas souvent très populaires. D’après notre enquête, de telles
mesures sont les moins populaires à adopter pour limiter les embouteillages au Liban. Afin
d’obtenir l'acceptation du public, il faut que les sommes collectées soient dédiées
exclusivement à des projets de transport. De plus, il faut reprendre le Code de la route pour
modifier la répartition des montants collectés des contraventions de vitesse et de stationnement.
Ces montants étant actuellement distribués sur des entités hors du secteur de transport (cf.
chapitre 3, section 2.2.3.), la révision du Code doit recommander que ces montants soient
exclusivement consacrés au transport.
Selon l’ACS, le transport contribue à 4% du PIB par an. L’augmentation des installations
de transport collectif et des taxes sur le carburant augmentera la contribution du secteur des
transports de 0.5% par an au PIB (SISSAF, 2016).
La gestion des flux doit aussi s’inquiéter de la sécurité routière. Pour cela, il faut avoir une
combinaison des mesures telles que le ciblage des points noirs des accidents, le renforcement
du contrôle de la police, la mise en place des programmes et campagnes de sensibilisation,
l’amélioration des normes de sécurité des véhicules et surtout forcer la réduction des vitesses.
336
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Ainsi, des radars et un système de caméras de contrôle de la circulation doivent être mis en
service sur tout le territoire et leur nombre doit augmenter pour répondre à la demande future
(SISSAF, 2016).
L’enquête a montré que les trois quarts des personnes (72.6%) ont un stationnement gratuit
(public et privé) dans leurs lieux de travail contre un quart qui paient pour se garer. La majorité
peut se garer facilement dans leurs lieux d’activité où les deux tiers des personnes ont besoin
de moins que 5 minutes pour trouver un stationnement. La facilité et la gratuité de
stationnement sont un déterminant majeur du choix modal (Héran, 2001). Egalement, les
subventions des employeurs, directes ou indirectes, peuvent encourager une plus grande
utilisation de la voiture (Goodwin, 2001). Imposer un coût de stationnement sur l’automobiliste
lui amène à un arbitrage prix-temps selon lequel il va décider d’utiliser sa voiture ou un
alternatif ou pas (Bonnafous, 1996). La modération de la dépendance automobile doit donc
passer par la modération de l’effet de parc en passant par le stationnement, « service de base
pour l’automobiliste » (Dupuy, 1999b, p. 126).
Dans une politique de stationnement, il faut intervenir sur l’offre de stationnement pour
pouvoir modifier la demande (Petiot, 2001). Les politiques de régulation du stationnement sont
cruciales (Gallez & Dupuy, 2018). Elles sont en cohérence avec la logique de limiter
l’utilisation de la voiture et ont les effets les plus forts pour modérer la dépendance automobile
(Dupuy, 1999b).
Pour assurer son efficacité, cette politique doit être généralisée. Aussi, la perte
d’accessibilité que peut créer une telle politique doit être compensée financièrement (pour la
suppression du stationnement gratuit dans le lieu de travail) (Dupuy, 1999b, p. 130) ou par un
gain d’ubiquité lié à la politique de configuration du réseau qui doit accompagner la politique
du stationnement (Dupuy, 1999b, p. 131).
337
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
Aussi, un autre choix inédit au Liban est de proposer des voitures en libre-service. Ces
voitures, qui sont fortement présentes en Europe, ont un double avantage : elles limitent la
dépendance automobile puisqu’on n’est plus obligé d’avoir chacun sa voiture et elles limitent
le besoin de stationnement (Gallez & Dupuy, 2018).
A partir d’une simulation faite par Anas et al. (2017), l’augmentation de 25% du coût de
stationnement à Beyrouth est susceptible de réduire les temps et le coût de déplacement de tous
les moyens de transport avec une augmentation de la part modale des transports collectifs et
une réduction de la part de la voiture (privée et taxi). Cependant, l’introduction d’un système
de bus (BRT) reste plus avantageuse pour Beyrouth que les politiques de gestion de la
demande, telle qu'une augmentation de la taxe sur l'essence ou des frais de stationnement plus
élevés (Anas et al., 2017).
La politique de stationnement reste limitée. Elle concerne plutôt les centres-villes et les
zones denses et son effet hors de ces zones est atténué et n’aide pas vraiment dans la réduction
de l’utilisation de l’automobile (Marshall & Banister, 2000). Une des dimensions qui pourra
être prise pour dépasser cette limite est de taxer directement les propriétaires de parkings
comme les commerçants, les employeurs … ou en ajoutant des frais sur les déplacements
comme les péages sur les autoroutes, surtout dans les grandes agglomérations. Les recettes
prélevées pourront aider en même temps à financer les modes alternatifs (Derycke, 2000).
L’effet des péages, surtout urbains, risque aussi d’être limité. En absence d’alternatives
fiables, surtout dans les centres, l’accès reste un privilège aux personnes aisées (Cramton et al.,
2018; Genre-Grandpierre, 2007a). Pour cela, la mise en œuvre d’une politique de stationnement
doit chercher à réduire l’utilisation de la voiture et fournir plus de l'espace pour les modes
alternatifs, mais aussi elle peut jouer un rôle dans le report modal. Ainsi, pour assurer la bonne
mise en œuvre de cette politique, il faut améliorer les transports en commun en parallèle. La
338
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
mise en place des installations et des espaces de parkings aux portes des villes, sous forme des
parkings relais, est une mesure auxiliaire à cette politique.
La vitesse assurée par les moyens motorisés, dont la voiture, leur assure une supériorité et
leur attribue un « monopole radical » (Illich, 1973a). Ainsi, la limitation des vitesses des
voitures privées est une mesure efficace pour réduire l’efficacité du système automobile
(Héran, 2001), mais sans garantir un report modal « mécanique » (Genre-Grandpierre, 2007a).
Pour réduire la vitesse moyenne, il faut, par exemple, rendre plus compliqué ou plus cher
le stationnement, surtout dans les lieux de travail (Héran, 2001). Héran (2001) souligne que le
déplacement par voiture et le stationnement sont indissociables et qu’il est plus facile de réguler
les voitures garées (réagir sur le stationnement) que celles en circulation (réagir sur les péages
par exemple) (Héran, 2001). Pour la vitesse de pointe, les mesures sont plus faciles à
déterminer. Il faut installer des dispositifs de réduction de vitesse, modifier les plans de
circulations … Il est recommandé aussi d’introduire les concepts de woonerfs140où les vitesses
sont bien limitées (30 km/h), similaires au tempo 30 de l’Allemagne, et la circulation est
contrainte par des aménagements physiques (Orfeuil, 1994, p. 57). Néanmoins, une telle
mesure risque de réduire la vitesse de pointe sans modifier la vitesse moyenne de porte-à-porte
(Genre-Grandpierre, 2007a; Héran, 2001).
La réduction de la vitesse peut aussi être permise par l’introduction d’une variété des
véhicules en créant des “petits clubs contre grand club” (Dupuy, 1999b, p. 116). Le but est de
réduire l’effet club en diversifiant les véhicules et en créant des sous-clubs répartis selon la
performance des automobiles. La favorisation des véhicules motorisés à vitesse réduite141 ou
même des véhicules non motorisés 142
permettra de fournir un niveau d’accessibilité
comparable à celui de la voiture. Ainsi, l’écart de vitesse et d’accessibilité entre automobilistes
et non-automobilistes sera réduit induisant la réduction de l’effet de club (Dupuy, 1999b). La
140
Un concept appliqué aux Pays-Bas. Sa traduction française est : les zones résidentielles ou les « cours
urbaines » (Orfeuil, 1994, p. 57)
141
Les voiturettes sans permis par exemple ou des deux (et trois) roues motorisés.
142
Les déplacements doux.
339
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
diminution des vitesses de voitures pourra aussi réduire la pollution atmosphérique (Kroon,
2005) et sonore, augmenter le niveau de sécurité routière et rendre la circulation plus fluide
(Genre-Grandpierre, 2007a; Héran, 2001). L’installation des « réseaux lents » (Genre-
Grandpierre, 2007a) contribue également au changement de la localisation des activités et des
emplois, favorise la proximité physique et augmente le niveau d’accessibilité des différents
moyens de transport. C’est évidemment important pour assurer un report modal de la voiture
vers des alternatives (Genre-Grandpierre, 2007a).
La régulation des vitesses urbaines, étant nécessaire, reste, cependant, insuffisante pour
que la configuration urbaine permette une mobilité durable (Wiel, 2003). Le ralentissement
doit être mené en parallèle à une politique urbaine qui ralentit la périurbanisation.
Dans les villes qui appliquent le TOD, l’utilisation de la voiture et la dépendance envers
elle peuvent être limitées (Laliberté, 2002). Le doublement des densités dans les zones urbaines
peut réduire les déplacements en voiture entre 25% et 30% (Ewing, 1997) et la part des
340
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
transports collectifs pourra augmenter jusqu’à 11% (Frank & Pivo, 1994). Cette compétitivité
entre les différents modes ne peut exister que si les modes alternatifs à l’automobile jouissent
d’un niveau de concurrence leur permettant d’assurer l’équilibre de transport nécessaire
(Dupuy, 2002; Hillman, 1994).
Cependant, les personnes peuvent choisir d’habiter près des gares non pour utiliser les
transports en commun, mais parfois pour d’autres motifs (prix immobiliers par exemple). Elles
seront probablement équipées de voitures et cela ne modère pas nécessairement la dépendance
automobile (Gallez & Dupuy, 2018).
Les pays en développement commencent à suivre les pays développés et ils prennent, de
plus en plus, en considération l’articulation qui peut être établie entre la planification des
transports et l’urbanisation. Malgré les difficultés que peut rencontrer la mise en place d’un
plan TOD (manque de financement, manque de coordination, corruption…) plusieurs villes en
développement ont « récemment annoncé un changement de paradigme dans la planification
qui met l'accent sur la refonte de la ville afin d'éliminer ou de raccourcir les déplacements, de
créer des rues complètes et de rendre la ville plus vivable » (Cervero, 2013). A titre d’exemple,
c’est la ville d'Amman (Jordanie) qui a mis en 2008 un plan qui encourage le développement à
haute densité et à usage mixte. Ce plan consiste à identifier les centres de croissance, intensifier
les couloirs principaux de la ville et fournir un réseau de transport collectif fiable. Aussi,
récemment, d’autres villes du Sud ont également mis en place des plans directeurs similaires
axés sur le transport collectif et la mobilité durable : Islamabad, Delhi, Kuala Lumpur, Mexico
City, Johannesburg ... (Cervero, 2013). Cette expérience doit pouvoir être transférée au cas du
Liban, d’autant plus que la forte densité démographique et économique dont jouit la GBA (cf.
chapitre 1) peut être un facteur favorable pour sa mise en œuvre.
Une autre mesure qui peut également contribuer à aider à réduire la dépendance
automobile est le car-free housing qui s’applique dans des villes européennes comme Berlin et
Vienne. Elle consiste à avoir des complexes d’habitations proches des lignes de transport en
commun défavorisant l’utilisation de la voiture (offre limitée de stationnement) et au sein de
ces complexes les rues (ou impasses) sont des espaces publics qui n’autorisent pas les véhicules
motorisés, sauf les véhicules de service et d’urgence (Laliberté, 2002).
341
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
qualités de vie au niveau sociétal de la collectivité et celui individuel des automobilistes (Lee
& Sener, 2016).
Pour réduire les impacts des taux élevés d’utilisation de la voiture, deux types de
changements sont exigés : technologiques et comportementaux. Le premier consiste en
l’introduction de nouvelles technologies. Il est souvent préféré par les automobilistes. Par
contre, les changements comportementaux exigent plutôt à passer vers d’autres modes et à
modifier les pratiques de déplacement. Les automobilistes considèrent que ce type de
changement réduit la liberté et le confort et nécessite plus d’effort. La réduction de la
dépendance automobile pourra alors être perçue comme une menace de la qualité de vie
individuelle assurée par la voiture (Steg & Gifford, 2005).
Pour Commenges (2015), « le constat que le véhicule individuel est la catégorie la plus
stable au cours du temps, celle qui subit le moins de variations intra-individuelles, n’est pas
une simple confirmation de l’existence d’une dépendance à ce mode. C’est en réalité la seule
mesure qui permette d’appliquer la notion de dépendance aux pratiques individuelles. Les
mesures qui s’appuient sur des dispositifs transversaux ne valident la dépendance qu’à un
niveau agrégé » (Commenges, 2015). Pour cela, il croise les deux niveaux, agrégé et individuel,
de la dépendance et en déduit 4 configurations :
Lorsque la dépendance automobile est forte dans les deux niveaux, la voiture reste ainsi
un monopole radical dans lequel la motorisation, les distances parcourues et les infrastructures
routières augmentent. C’est le cas du Liban actuellement. Par contre, si la dépendance est faible
dans les deux cas, c’est la « désautomobilisation » (Commenges, 2015). C’est l’objectif de la
modération de la dépendance automobile au Liban.
Ainsi, les mesures visant à réduire l’utilisation de la voiture sont nécessaires, mais elles
risquent d’échouer si elles sont mises en application sans la contribution et la coopération de
toute la société. Le rôle de ces derniers ne se limite pas à se conformer aux réglementations,
mais ils aussi doivent faire partie du processus. Une campagne de sensibilisation dirigée vers
les citoyens semble inévitable. Elle doit être formulée d’une manière à intégrer et impliquer les
342
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
Au début, elle informe les citoyens sur les changements et les améliorations du système
de transport, sur les nouvelles lois et le renfort des anciennes, sur l’état d’avancement des
projets de transport … Ensuite, elle cherche à les sensibiliser aux avantages d’un
environnement sûr et sain, d’une sécurité routière renforcée, du respect des lois et des
règlements de circulation … Enfin, elle essaye de changer leurs habitudes de déplacements en
encourageant le report modal de la voiture vers les autres modes, à adopter des comportements
plus responsables surtout en matière de sécurité routière et d’écologie ... Il faut surtout insister
à expliquer au public l’idée que la construction des routes n’est pas la seule option face aux
problèmes de mobilité au Liban (Myntti & Mabsout, 2014).
Cette campagne sera dirigée et centralisée par l’ATR (si établie) et/ou le MTPT. A ceux-
ci, plusieurs autres entités publiques seront impliquées : le MIM, via la police, pour la
surveillance, le ministère de l’Environnement pour les sujets relatifs à la pollution, le ministère
de la Santé en matière du manque de la sécurité routière, les municipalités et les ONG … La
campagne doit cibler les établissements d’éducation, les entreprises, les établissements de la
fonction publique, les médias et la presse, les réseaux sociaux … Il doit y avoir aussi un
échange de connaissances et de savoir-faire entre les milieux académiques et professionnels,
nationales et internationales, et un partage de connaissances entre toutes les parties prenantes.
Le but de cette campagne est de favoriser des mesures volontaristes que prendront les
automobilistes pour délaisser leurs voitures ou diminuer son utilisation. On cherche alors à
faire sortir les automobilistes du système automobile en éliminant la relation entre
l’accessibilité et ce système. C’est alors réduire le bonus et l’effet du cercle magique. Ce
volontarisme reste contraint du coût de changement. La question est de savoir quels seront les
gains des automobilistes suite à ce report modal, mais aussi qu’est-ce qu’ils vont perdre en
contrepartie (Dupuy, 1999b, p. 102).
343
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
L’analyse menée dans les quatre premiers chapitres de cette thèse a expliqué, par une
approche systémique, les facteurs qui ont abouti à ce que les déplacements au Liban soient
massivement dépendants de la voiture. Le chapitre précédent a montré que cette dépendance
est coûteuse et que sa modération sera profitable socialement parlant. Dans ce dernier chapitre,
l’objectif est de vérifier quelles seront les propositions possibles, mais surtout faisables, au
Liban pour modérer la dépendance automobile. L’analyse menée dans ce chapitre s’inspire de
la pensée de Dupuy (1999) qui propose que la modération de la dépendance automobile doit
obligatoirement passer par le démontage du système de la dépendance (Dupuy, 1999b). Ainsi,
les mesures proposées dans ce chapitre proposent à controverser les facteurs de la dépendance
automobile au Liban. Elles concernent ainsi l’offre physique de transport, les modalités de la
gouvernance et les caractéristiques territoriales.
344
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
chapitre 3, section 1), la remise en question de cette offre pourra être un facteur contributeur
dans la modération de cette dépendance. Ainsi, les constructions de routes doivent s’arrêter
complètement et la priorité doit être donnée à améliorer la performance du réseau existant
(maintenance, catégorisation …) et à reconfigurer l’usage de la voirie. Cette configuration doit
rendre la voirie apte à mieux accueillir les déplacements collectifs et doux pour éliminer
l’exclusivité de la voiture : installer des pistes cyclables, des voies dédiées, des abribus, des
trottoirs, des zones piétonnes, installer des ronds-points, des ralentisseurs, des carrefours à
plateaux … Les résultats de l’enquête de mobilité valident ces pensées. Ils montrent que les
personnes sont plutôt intéressées à se déplacer par vélo ou à pied à condition que ces modes
doux soient plus sécurisés et leurs infrastructures soient plus appropriées.
Le Liban est un pays fortement endetté et souffre d’un déficit financier qui l’empêche de
pouvoir s’autofinancer ou s’endetter pour financer des projets de transport. Ainsi, tout d’abord,
il faut choisir les projets les plus rentables. Ensuite, pour remédier son incapacité financière,
l’Etat pourra faire intervenir le secteur privé dans la mise en place de ces projets. Cette
intervention ne doit pas, en aucun sens, signifier que le secteur privé doit remplacer le secteur
public. Elle peut être faite par un Partenariat Public-Privé où les services et les propriétés
publics soient toujours possédés par l’Etat. Pour le réseau routier, au niveau opérationnel, il
faut rendre tout le réseau comme classifié afin de pouvoir redistribuer les responsabilités selon
la serviabilité du terrain. L’intervention des municipalités doit être prioritaire.
345
Chapitre 6. La modération de la dépendance automobile au Liban
Les mesures auxiliaires : cibler les effets du « système automobile » et impliquer les usagers
Pour optimiser les effets de ces mesures, il faut leur ajouter des mesures territoriales et
urbaines. Ainsi, il faut avoir une configuration urbaine qui consiste à une articulation entre le
système de transport et l’aménagement du territoire desservi. Il faut ainsi augmenter la densité
urbaine, réduire l’étalement urbain et assurer la mixité des fonctions urbaines.
346
La crise du système de déplacements au Liban : une dépendance automobile systémique et coûteuse
347
348
CONCLUSION GENERALE
349
Conclusion générale
La conclusion reprend d’abord les principaux objectifs de notre thèse et les concepts
mobilisés. Nous rappelons ensuite les principaux enseignements, nous tirons les principales
limites de notre travail ainsi que les pistes de recherches ouvertes.
Le système de déplacements des personnes au Liban se caractérise par une triple crise de
congestion, de financement et de durabilité. Cette crise se présente par de hauts niveaux
d’embouteillages, l’absence d’alternatives fiables à la voiture et le manque des moyens
nécessaires pour financer les projets de transport.
Les embouteillages se concentrent surtout dans les rues de la ville capitale, Beyrouth, sur
ses entrées et ses sorties ainsi que dans les autres villes principales. L’offre de transport en
commun se limite à une offre artisanale assurée principalement par des véhicules exploités par
des particuliers. Cette offre est assez inefficace ne parvient pas à remplacer la voiture. Quant
au financement, actuellement, le Liban sera difficilement capable de pouvoir facilement
financer des projets de transport. C’est un des pays les plus endettés au monde. Il est arrivé à
un niveau d’endettement qui l’empêche de pouvoir s’accorder une nouvelle dette. En outre,
c’est un pays pauvre en ressources qui vit souvent dans une instabilité politique. Cette
instabilité a abouti, en fin 2019, à une dégradation dramatique de la situation économique et
politique du Liban. Le mécontentement de la population libanaise à l’égard du gouvernement
et de l’élite politique durant les dernières années143 a abouti au déclenchement d’un mouvement
de contestation inédite en octobre 2019. Des manifestations de masse ont eu lieu dans les rues
de Beyrouth et de plusieurs grandes villes durant plusieurs mois jusqu’à elles ont été
neutralisées par la crise Covid-19 depuis fin février 2020. Si les manifestations se sont calmées,
la crise a continué à prendre d’ampleur. Début mars 2020, le gouvernement libanais s’est
déclaré incapable de rembourser ses dettes et deux mois plus tard, en mai 2020, il a réclamé
l’intervention du Fond Monétaire International pour lui aider à éviter l’effondrement financier.
Cependant, notre recherche avait pour objectif de souligner les enjeux de la sortie du
paradigme « tout routier » et du système de dépendance automobile caractérisant le système
des transports libanais. Notre premier objectif a été de caractériser les déplacements au Liban
et d’identifier le poids de la voiture dans ces déplacements. Le second objectif a été d’analyser
143
En raison, entres autres, du haut niveau de corruption, du manque de services (coupure d’eau et
d’électricité, faibles services publiques de santé et d’éducation), la crise de la gestion des ordures (2015), la
pénurie des dollars sur les marchés de changes (l’économie libanaise étant fortement dollarisée).
350
Conclusion générale
Pour effectuer ce travail, nous avons proposé une grille d’analyse de la dépendance
automobile à partir de la mobilisation de la littérature.
La première véritable tentative de définition formelle est proposée par Dupuy (1999) qui
explique, selon une perception plutôt sociétale que spatiale, que la dépendance automobile est
appréhendée en mobilisant le concept de « système automobile » qui provient du résultat de
l’interaction de 4 facteurs relatifs à la voiture (production de masse, réseau technique, codes et
équipements routiers). Ce système se présente comme un « club » qui offre à ses membres, les
automobilistes, un « bonus » qui s’illustre par les avantages offerts par la voiture à ses usagers
(le gain de temps, le confort, l’accessibilité). Ces avantages assurent à l’automobile une
supériorité par rapport aux autres moyens de transport et ils augmentent avec l’augmentation
du nombre d’automobilistes. Toutefois, l’entrée au club nécessite trois étapes dont chacune
génère un effet : (i) avoir un permis de conduire, billet d’entrée au club, qui permet à son
titulaire de profiter des avantages du club, c’est « l’effet club » ; (ii) posséder une voiture qui
génère « l’effet de parc » permettant à l’automobiliste de profiter des services relatives à la
voiture et (iii) circuler sur un réseau routier qui provoque « l’effet de réseau » : autant que la
circulation est forte, autant que l’offre en infrastructures routières augmente. Pour Dupuy, le
système automobile génère des inégalités entre les automobilistes et les non-automobilistes,
notamment en termes d’accessibilité.
351
Conclusion générale
La dernière définition que nous avons mobilisée est celle développée par Motte-Baumvol
(2006) qui ajoute deux dimensions supplémentaires à l’approche de Dupuy. La première est la
dimension territoriale qui explique que la dépendance automobile peut varier selon les
caractéristiques territoriales ainsi que l’écart de performance entre les modes de transport. La
deuxième est la dimension individuelle prenant en compte les caractéristiques individuelles et
socio-économiques des personnes dans les rapports à l’automobile.
2. Principaux résultats
L’analyse des pratiques de mobilité au Liban a constitué une étape incontournable pour
identifier le rôle de la voiture dans les déplacements des résidents libanais. Cependant, les
données disponibles sur ce sujet n’étaient pas suffisantes. Pour remédier à ce manque de
données, nous avons mené notre propre enquête de mobilité au Liban. Cette enquête a été
administrée sous la forme d’un questionnaire en ligne et elle vise à déterminer les pratiques de
mobilité de toute la population résidente et concerne tous les types de déplacement et les modes
de transport. A l’aide de résultats de cette enquête, auxquels sont ajoutées des données
antérieures, nous avons pu caractériser les déplacements au Liban.
Ces résultats ont montré, qu’en moyenne, les Libanais effectuent 12.6 déplacements par
personne par semaine. Leurs déplacements sont d’une durée moyenne de 53 minutes par
déplacement et de 40 minutes par déplacement contraint (domicile-emploi/éducation) dont la
distance moyenne est de 10 km. Les embouteillages font perdre jusqu’à 50% en moyenne du
temps de déplacement. Les caractéristiques des déplacements varient selon les territoires et le
moyen de transport utilisé : ils sont les plus rapides en voiture et dans les régions dont le réseau
routier est bien aménagé. Les résidents du Liban se déplacent principalement pour leurs
activités principales (travail et études), pour les loisirs, les courses et les déplacements internes,
notamment ville-village.
352
Conclusion générale
Toutefois, les travaux sur la dépendance automobile portent souvent sur les pays
développés, le fait d’étudier la dépendance automobile dans un pays en développement, comme
le Liban, rend notre travail particulier. Cette particularité s’accroît du fait que le Liban est un
territoire de petite superficie. Une caractéristique qui favorise les modes doux et collectifs
plutôt que la voiture. Ce qui n’est pas le cas au Liban.
353
Conclusion générale
L’organisation territoriale
Le Liban est un petit pays, fortement urbanisé, dense et mal aménagé. Son économie,
majoritairement tertiaire, est au ralenti et il est un des pays les plus endettés au monde. Quant
aux caractéristiques sociodémographiques, à cause du système confessionnel au Liban, la
composition démographique des résidents reste une inconnue et les données disponibles
estiment le nombre d’habitants à 6 millions. Ces habitants sont mal répartis sur le territoire. La
majorité réside sur le littoral surtout à Beyrouth et ses alentours, connue par le nom de Greater
Beirut Area (GBA), l’aire urbaine centrale du pays qui accueille seule un tiers de la population
et plus que 40% de l’activité économique. Ainsi, la situation urbaine au Liban peut être dite
macrocéphale et elle illustre un bon exemple du modèle centre-périphérie : Beyrouth est le
centre contre le reste du territoire qui comprend ses périphéries. En outre, le territoire urbain
libanais est caractérisé par un étalement rampant, mal organisé et mal planifié. Il est le plus
important à la GBA mais il a lieu également dans les aires urbaines secondaires, comme Tripoli,
et les villes (Saïda, Sour, Zahlé, Baalbeck, Nabatiyeh …).
354
Conclusion générale
ces citadins profitent de la petite superficie du pays pour faire des déplacements villes-villages
facilement, durant les weekends et les vacances. L’utilisation de la voiture est inévitable dans
tous ces déplacements en raison des distances, du temps de voyage mais surtout de l’absence
d’un service de transport collectif fiable.
La dépendance automobile au Liban est généralisée et elle est favorisée par des facteurs
socio-économiques. Il s’agit de « l’effet club », où les avantages offerts par la voiture poussent
les personnes à être équipées par une voiture, et l’attachement socioculturel et psychologique
à l’automobile. Ce résultat provient d’une analyse des taux de motorisation et des coûts
d’utilisation et d’exploitation de la voiture au Liban.
Les résultats ont montré que la dépendance automobile concerne toute la population en
dépit de la classe sociale, du niveau de revenu, du lieu de résidence … Environ 88% des
ménages et 44% des adultes au Liban sont équipés d’une voiture (au moins) avec une moyenne
de 1.7 voiture par ménage. Le taux d’acquisition est de 340 véhicules/1000 habitants (307
voitures/1000 habitants) qui est plutôt comparable aux taux des pays développés que ceux des
pays en développement. En comparant ces taux à ceux des années d’avant-guerre au Liban, on
constate que les taux de motorisation (par ménage) ont doublé, le taux d’acquisition (par
habitant) a été multiplié par 10 et le nombre de voitures a augmenté d’un facteur de 7 depuis
1974. En outre, la voiture au Liban est rarement partagée. Le taux d’occupation est de 1.5
passager/voiture dans les déplacements contraints et 2.6 passagers/voiture dans les
déplacements non contraints.
Ces taux sont paradoxalement élevés malgré les taux de pauvreté au Liban, touchant
environ 30% de la population, et les coûts élevés de l’utilisation et de la possession de la
voiture : le budget consacré au transport représente, en moyenne, 9% des revenus individuels
et 13% des revenus des ménages et les dépenses relatives à la voiture représentent seules 3.5%
de toutes les dépenses des résidents et un quart de toutes les dépenses consacrées au transport
au Liban. Ce coût élevé est reconnu par les automobilistes dont la majorité considère, selon
l’enquête de mobilité, que les dépenses liées à l’automobile sont élevées et très élevées.
La généralisation de l’automobile, malgré son coût élevé, s’explique par « l’effet club du
système automobile ». Les avantages qu’offre la voiture à ses usagers ainsi que l’offre
généreuse des routes et des autoroutes au Liban, séduisent les non-automobilistes et les incitent
à s’équiper en automobile pour profiter de ces avantages : plus de la moitié des automobilistes
355
Conclusion générale
au Liban se déplacent en voiture particulière en raison de ses avantages. Toutefois, 45% des
propriétaires d’automobile se sont endettés pour acheter une voiture. La voiture au Liban parait
ainsi difficilement résistible ce que nous a amené à considérer que la dépendance envers
l’automobile était subie.
L’analyse a montré que le réseau routier est un réseau dense, avec une densité dépassant
celle des réseaux des pays plus développés, de qualité moyenne et est pauvre en équipements
auxiliaires (éclairage, feux routiers, signes routiers …) et dédiés aux déplacements doux
(trottoirs, passages piétons, pistes cyclables …) et aux transports collectifs (arrêts, abribus …).
Ce réseau, quasiment exclusif à la voiture, est en constante extension. Il est très maillé et couvre
tout le territoire. Il est structuré autour de deux autoroutes (Nord-Sud et Est-Ouest) qui forment
son réseau autoroutier principal et d’un réseau secondaire interrégional.
356
Conclusion générale
L’offre des alternatives modales à la voiture, notamment les transports collectifs, est
modeste au Liban. Les déplacements doux sont négligés, voire totalement ignorés, dans les
aménagements de la voirie au Liban et dans les politiques de transport. L’offre en matière de
transports collectifs n’est pas meilleure. C’est une offre non fiable qui n’arrive pas à former
une véritable alternative de la voiture. Elle se limite à une offre artisanale assurée par le secteur
privé. Ce sont principalement des particuliers qui exploitent des taxis-service, des bus et des
minibus d’une manière aléatoire et chaotique et circulent sans itinéraires prédéfinis, ni des
horaires, ni arrêts signalés. En outre, l’offre de transport collectif est exclusivement présente
dans la GBA (75% de l’offre) et les villes principales (25%). Elle est quasi-totalement absente
dans les petites et moyennes villes et les zones rurales. Quant à l’offre étatique, elle se limite à
39 bus de taille moyenne qui desservent principalement la GBA.
Cette modeste offre se traduit par une faible utilisation de ce mode. D’après notre enquête,
seulement un quart des déplacements non contraints et 40% des déplacements contraints sont
effectués par des véhicules de transport collectif. Parmi les usagers, seulement un dixième
choisit le transport collectif en raison des avantages qu’offrent ses véhicules et plus que la
moitié des usagers déclarent emprunter ce mode parce qu’ils n’ont pas d’autres choix. Le
niveau de satisfaction des usagers des transports collectifs est faible : la part des usagers
satisfaits du transport en commun comme moyen principal de déplacement ne dépasse pas 14%
dans les déplacements contraints et 20% dans les déplacements non contraints. L’ensemble de
ces facteurs explique que les transports en commun ne parviennent pas de concurrencer la
voiture : 20% des automobilistes se déplacent en voiture faute de mauvaise desserte des
alternatives et un quart le fait parce qu’il considère qu’il n’a pas d’autres choix.
Le dernier facteur favorisant la dépendance automobile au Liban figure dans les mauvaises
modalités de la gouvernance du secteur de transport. Cette gouvernance, qui reflète l’inertie de
la gouvernance publique au Liban, favorise la voiture particulière en se focalisant seulement
sur l’offre des infrastructures routières et en négligeant les alternatives de la voiture.
357
Conclusion générale
Notre analyse a montré que le régime politique au Liban se base sur une démocratie
consensuelle et un confessionnalisme qui imposent la répartition du pouvoir et des institutions
publiques, selon des quotas, sur les différentes confessions du pays. Ce régime parait inefficace
et abouti à une gouvernance publique faible qui s’illustre par le clientélisme, la corruption et
l’intervention étrangère au Liban. Ce régime a toujours régné au Liban. Il a commencé durant
l’ère ottomane, et s’est progressivement développé durant le mandat français (1918-1943) où
il était officiellement imposé par le Pacte national à l’indépendance (1943). Ce régime a réussi
à conserver la stabilité du pays jusqu’en 1975, date d’éclatement de la guerre civile (1975-
1990) dont la fin a été marquée par la signature d’un accord qui réclame l’élimination du
confessionnalisme, mais sans l’avoir appliqué jusqu’à aujourd’hui.
La gouvernance des transports au Liban est victime des mêmes écueils. L’inefficacité de
cette gouvernance sectorielle s’illustre par une mauvaise répartition des responsabilités entre
les acteurs étatiques de transport. Les responsabilités sont parfois dupliquées ou même
contradictoires. Cela est aggravé par le manque du sens de responsabilisation chez ces acteurs
et la faible coordination entre eux. En outre, cette gouvernance sectorielle souffre de la faiblesse
du cadre législatif et judiciaire (lois rarement respectées, manque de contrôle et d’audit …),
d’une absence de stratégie de développement du secteur et d’une mauvaise allocation de
ressources : les budgets consacrés aux transports sont souvent dépensés pour entretenir ou
développer les infrastructures routières et se concentrent sur Beyrouth. Le reste du territoire et
les alternatives à la voiture sont souvent négligés.
Ces facteurs conduisent à une politique qui favorise la voiture : concentration des efforts
sur les infrastructures routières, essentiellement à Beyrouth, et négligence des alternatives à la
voiture. Cette politique favorisant la voiture et les infrastructures routières s’expliquent
également par l’existence des lobbys de l’automobile qui profitent de l’inertie de la
gouvernance sectorielle pour mettre en avant leurs intérêts. Ce sont les importateurs de
voitures, les concessionnaires, les importateurs et les commerçants de carburants, les banques,
les constructeurs de routes … qui sont souvent liés à des politiciens ou sont en relation avec
l’élite politique.
Après avoir expliqué les facteurs de la dépendance automobile, notre travail s’est intéressé
à mesurer les coûts que cause cette dépendance à la collectivité. L’analyse a montré que les
inconvénients de la voiture, supportés par la collectivité, l’emportent ses avantages, surtout
358
Conclusion générale
En raison des coûts importants que cause la dépendance automobile au Liban, la sortie du
système automobile apparait inévitable. Pour modérer la dépendance automobile au Liban, les
solutions doivent être systémiques, c’est-à-dire envisagées non pas de façon cloisonnée mais
de façon globale et cohérente. Ainsi, les propositions présentées portent sur les facteurs de la
dépendance automobile au Liban identifiés précédemment. L’objectif n’est pas de lister les
propositions, mais plutôt de vérifier leur applicabilité au Liban et d’identifier les freins de leur
mise en œuvre.
359
Conclusion générale
financer des projets de transport. Pour cela, nous proposons l’intervention du secteur privé, par
un Partenariat Public-Privé par exemple, après avoir choisi les projets les plus rentables.
Ainsi, notre thèse a été structurée de 7 chapitres, dont un chapitre introductif. Dans le
chapitre introductif, nous avons présenté notre grille de lecture de la dépendance automobile,
l’état des lieux des pratiques de déplacements au Liban ainsi que la démarche séquentielle de
note thèse, nos hypothèses de recherche et notre approche systémique de la dépendance
automobile. Ensuite, les quatre premiers chapitres ont été consacrés à appréhender les facteurs
de la dépendance automobile au Liban. Dans le chapitre 1 nous avons expliqué l’organisation
territoriale du Liban, dans le chapitre 2 nous avons expliqué les facteurs socio-économiques de
la dépendance automobile, le chapitre 3 était consacré à l’explication du système physique du
transport au Liban et dans le chapitre 4 nous avons expliqué sa gouvernance sectorielle. Le
cinquième chapitre a été consacré à détailler les coûts de la dépendance automobile au Liban
et les enjeux de sa modération et, enfin, dans le chapitre 6 nous avons présenté les différentes
propositions pour la sortie de la dépendance automobile.
La première limite à laquelle notre travail s’est confronté est l’insuffisance des données
existantes.
360
Conclusion générale
Nous citons quelques exemples de données manquantes dans notre recherche. Un exemple
de données que nous n’avons pas pu trouver porte sur l’évolution de la situation urbaine au
Liban. Les données disponibles concernent Beyrouth et Tripoli plutôt que les autres régions du
pays. Cela a limité notre analyse sur l’évolution de la situation urbaine du territoire libanais.
Un autre exemple figure dans l’insuffisance des données sur le réseau routier non classifié.
Bien que ce réseau forme la plus grande partie du réseau routier total, nous n’en avons pas pu
trouver des données et des cartes suffisantes, notamment hors de Beyrouth. Un troisième
exemple s’illustre dans les données sur le fonctionnement du transport collectif artisanal assuré
par des particuliers, notamment son aspect financier. Nous n’avons pas trouvé les données
concernant les recettes encaissées et les coûts d’exploitation que supportent ces prestataires. Si
ces chiffres étaient disponibles, nous pourrions creuser plus dans l’analyse de l’offre artisanale
du transport en commun. En outre, notre travail de recherche ne développe que très peu le mode
de transport en deux roues car il existe que très peu de données empiriques et de travaux dans
la littérature grise sur ce sujet. La grande majorité des deux-roues au Liban n’est pas
immatriculée (elle circule illégalement). Cette absence d’information explique pourquoi notre
analyse n’a guère pu envisager ce mode de déplacement comme alternative à la voiture. Un
dernier exemple se trouve dans les données qui concernent les coûts des externalités de la
voiture seule. Dans la bibliographie disponible concernant le transport au Liban, les données
sont souvent traitées au niveau sectoriel et rarement disponible par moyen de transport. Cela
nous a empêchés de mener une analyse plus fine des coûts générés par la voiture au Liban.
En outre, les données acquises recueillies auprès des organismes durant notre recherche
étaient parfois incomplètes, incohérentes ou même contradictoires entre une source et une
autre. Dans plusieurs cas, nous n’avons pas pu vérifier l’exactitude de ces données, ce qui nous
a empêché de les utiliser.
Notre travail de recherche, via l’enquête de mobilité menée, a contribué à dépasser cette
difficulté. Grâce à cette enquête nous avons pu consolider, enrichir et détailler les données
existantes et constituer une base d’informations fiable sur les pratiques de mobilité au Liban.
Cela constitue une valeur ajoutée importante de notre recherche.
Une limite de notre travail de recherche est l’absence d’une enquête qualitative
approfondie auprès des usagers de transport au Liban. L’enquête de mobilité menée a été
suffisante pour avoir des données quantitatives sur les pratiques de mobilité au Liban.
361
Conclusion générale
Toutefois, pour mieux appréhender dans ces pratiques, il aurait été utile de mener une enquête
qualitative sous la forme d’entretiens avec des usagers de transport au Liban. Cette enquête
pourrait être complémentaire à l’enquête quantitative et permettre de mieux comprendre les
facteurs psychologiques et socioculturels des individus, surtout les automobilistes.
La dépendance automobile est un concept qui a fait débat surtout dans des pays développés
dont les caractéristiques ne sont pas très comparables à celle du Liban. En outre des différences
au niveau des caractéristiques territoriales et démographiques, les différences se trouvaient
également dans les spécificités des systèmes de transport. Les caractéristiques matérielles et
organisationnelles du système de transport (infrastructures routières et transports collectifs) et
les modes de gouvernance sectorielle (lois, jeu des acteurs, répartition des responsabilités …)
dans les pays développés ne sont pas comparables à ceux du Liban. Cela nous a posé une
difficulté de transposition des analyses, concepts et propositions appliqués dans ces pays au
contexte libanais. Cette limite était particulièrement présente dans l’analyse des effets sociaux
de la dépendance automobile (elle est majorée par le manque de données sociodémographiques
au Liban) ainsi que dans l’analyse de la dimension urbaine.
En outre, les travaux qui portent sur la dépendance automobile dans des pays des groupes
desquels le Liban fait partie (petits pays, pays en développement, Moyen-Orient, Monde Arabe
…) ne sont pas très fréquents. Ce manque nous a empêchés de disposer de travaux comparatifs
qui auraient pu éclairer et enrichir notre analyse.
Pourtant, le travail que nous avons présenté étant l’un de rares travaux menés dans des
pays en développement sur la dépendance automobile, il peut être considéré comme un ajout à
l’analyse de ce concept dans des terrains pareils. En outre, un autre ajout à cette analyse figure
dans l’approche systémique. Celle-ci s’est en servie des différentes définitions et perceptions
de la dépendance automobile pour être conçue. Ce mariage entre une variété de définitions a
bien enrichi notre travail de recherche.
4. Perspectives de recherche
362
Conclusion générale
Une deuxième perspective qui pourra venir de notre travail de recherche est de munir des
comparaisons internationales entre le Liban et d’autres terrains.
L’étude comparative peut être faite avec d’autres pays en développement. La dépendance
automobile n’étant pas un sujet préoccupant dans la plupart de ces pays, l’utilisation de la
363
Conclusion générale
A titre d’exemple, cette comparaison peut avoir lieu avec la Jordanie, et plus
particulièrement sa capitale Amman, qui témoigne une croissance urbaine importante (Potter
et al., 2009), une augmentation de la part modale de l’automobile (Al-Ghandoor et al., 2012)
et une faiblesse du système de transport collectif (Godard, 2008a) et de la gouvernance
sectorielle du transport routier. Face à cela, plusieurs mesures ont été prises : un schéma
directeur pour le transport et la mobilité à Amman (Cervero, 2013), l’introduction d’un système
de BRT (Ducharme, 2016) et la mise en œuvre d’une Autorité de Régulation des Transports
Routiers (LTRC144). La comparaison peut également avoir lieu avec Alger qui souffre d’un
dépendance automobile (Bakour et al., 2018) et d’une croissance urbaine (Baouni, 2008) mais
qui jouit d’un système de transport en commun (des réseaux de métro, de bus et de tramway)
plus modernisé que celui de Beyrouth. Un troisième exemple pourra être le Koweït qui a un
taux de motorisation très élevé par rapport à son entourage (426 voitures/1000 habitants)
(UITP, 2016), un taux très élevé de congestions urbains (Elmi & Al Rifai, 2012), une offre de
transport collectif limité (des réseaux de bus urbains et interurbains) mais qui a également
planifié la modernisation de son offre de transport collectif par la mise en œuvre des projets de
transport ferroviaire urbain, pour la capitale, et national pour relier le reste du territoire (UITP,
2016).
Dans des études comparatives pareilles, le plus intéressant est que notre approche
systémique de la dépendance automobile soit appliquée sur un terrain autre que le Liban afin
de vérifier sa transmibilitté. En outre, il est intéressant de profiter des expériences de ces pays
et des mesures qu’ils ont menées et essayer de les transmettre sur le cas libanais.
Une troisième perspective qui pourra venir de notre travail de recherche est de munir des
enquêtes qualitatives qui peuvent compléter les données fournies dans les deux enquêtes
qualitative et l’enquête de mobilité) de notre travail de recherche. Différentes enquêtes peuvent
être munies dans un travail de recherche envisagé.
144
Land Transport Regulatory Commission – ltrc.gov.jo
364
Conclusion générale
D’abord, ça pourra être une enquête qualitative auprès des usagers du transport pour
s’approfondir mieux dans l’analyse des pratiques de mobilité au Liban. Cette enquête doit être
conduite au Liban auprès des automobilistes, des usagers de transport collectif et des piétons
dans le but de comprendre les valeurs psychologiques, socioculturelles, sentimentales … de
leurs choix modaux, leurs habitudes de déplacements et de leurs aspirations.
En outre, une autre enquête qualitative peut être envisagée envers d’autres parties
prenantes. Une enquête pareille peut s’adresser de nouveau vers les acteurs primaires et
secondaires du secteur de transport au Liban. Dans ces nouveaux entretiens, l’objectif ne sera
plus de comprendre comment réagis chaque acteur envers la crise de mobilité au Liban, tel
qu’il était le cas dans l’enquête qualitative de cette thèse, mais plutôt de voir leurs réactions
envers la dépendance automobile comme concept applicable au Liban et surtout de recenser
leurs points de vue et leurs réactions envers sa modération. Il pourra être très instructif que des
enquêtes qualitatives soient particulièrement menées auprès des municipalités (ou union de
municipalités) en regard du rôle que peuvent jouer ces autorités locales en matière de transport
: gestion des flux, aménagement de la voirie, mise en œuvre d’un système de transport collectif
… Les entretiens doivent aussi concerner les acteurs non étatiques qui pourront être
intéressés par la modération de la dépendance automobile et le passage vers d’autres modes de
transport (des associations, des entités de financement, des organismes étrangers …).
Egalement, une enquête pourra avoir lieu auprès des prestataires de services de transport
en commun. Il pourrait être utile de munir des entretiens avec des particuliers prestataires de
services de transport collectif des différents moyens (bus/minibus, de taxi/taxi-service) dans
les différentes régions du territoire. Cette enquête pourra aider à avoir plus de données sur le
déroulement du transport artisanal. Ces données pourront être investies dans l’analyse du
processus de développement du transport collectif au Liban et de savoir quelles seront les
réactions de ces prestataires envers le développement du système de transport collectif, qui
pourra mettre en risque leur profession.
365
366
ANNEXES
367
Annexes
368
Annexes
Fiche personnelle
1 [I1] Age *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
<18 18-25 25-40 40-64 >64
2 [I2] Sexe *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Féminin Masculin
3 [I3] Statut *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Employé/e du secteur public Employé/e du secteur privé
Etudiant/e Travailleur indépendant
En retraite En chômage
Travail à domicile Autre Pas de réponse
4 [I4] Revenu mensuel (en L.L.)
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
<500.000 500.000-1.000.000
1.000.000-1.500.000 1.500.000-2.000.000
2.000.000-3.000.000 3.000.000-4.000.000
4.000.000-5.000.000 >5.000.000
5 [I5] Niveau d'études *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Je sais lire et écrire Primaire
Complémentaire Secondaire
Diplôme universitaire Ecole technique
6 [I6] Commune et/ou quartier du logement principal
Veuillez écrire votre réponse ici :
7 [I7] Nombre de déplacements par semaine (tous les modes)
Veuillez écrire votre réponse ici :
8 [I8] Budget de transport hebdomadaire (moyenne) (L.L.) *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
<10.000 10.000 - 30.000
30.000 - 50.000 >50.000 Je ne sais pas
9 [I9] Avez-vous un permis de conduire ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Oui Non
369
Annexes
370
Annexes
Fiche ménage
14 [II4] Est-ce que votre ménage possède un véhicule de transport privé autre que la voiture ?
*
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Oui Non
15 [II5] Si oui, quel type de véhicules ? *
Répondre à cette question seulement si les conditions suivantes sont réunies :
Choisissez toutes les réponses qui conviennent :
Motocycle (scooter) Vélo
Camionnette Camion Autre :
371
Annexes
372
Annexes
373
Annexes
26 [III9] Hors assurance obligatoire, quel est le coût annuel de l’assurance de votre véhicule
(en $) ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
<20 20-50 50-75
75-100 100-125 125-150
150-175 175-200 200-250
250-300 >300
Pas d’assurance Je ne sais pas Pas à ma charge Autre
27 [III10] Quels sont les frais du contrôle technique (mécanique) annuel de votre véhicule
principal (en L.L.) ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
33.000 à 200.000 200.000 à 400.000
400.000 à 600.000 600.000 à 800.000
800.000 à 1.000.000 1.000.000 à 2000.000
2.000.000 à 3.500.000 Pas de frais
Je ne sais pas Pas à ma charge Autre
374
Annexes
Les déplacements contraints sont les déplacements entre votre domicile principal et votre
travail/université/école ou bien ce sont les déplacements fréquents pratiqués plusieurs fois par
semaine entre les mêmes départs et destinations pour une longue durée
28 [IV1] Lieu de travail / éducation *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
J’ai un seul lieu fixe de travail / éducation (emplacement fixe)
Je n’ai pas de lieu fixe de travail / éducation (plusieurs emplacements)
29 [IV2] Commune et/ou quartier du lieu de travail / éducation
Veuillez écrire votre réponse ici :
30 [IV3] Combien de jours par semaine vous partez à votre lieu de travail / éducation ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
1 2 3 4 5 6 7
31 [IV4] Combien de kilomètres effectuez-vous par jour (aller + retour) pour votre déplacement
entre votre domicile et le lieu de travail / éducation ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
<3 km 3 à 5 km
5 à 10 km 10 à 20 km
20 à 30 km 30 à 40 km
40 à 50 km > 50 km
Je ne sais pas Autre
32 [IV5] Pour votre déplacement de votre domicile vers le lieu de travail / éducation, quelle est
la durée moyenne du trajet ? Combien de temps vous perdez dans l'embouteillage ? *
Choisissez la réponse appropriée pour chaque élément :
375
Annexes
33 [IV6] A quelle heure vous quittez votre domicile et vous arrivez à votre lieu de travail /
éducation d'habitude ? *
Choisissez la réponse appropriée pour chaque élément :
34 [IV7] A quelle heure vous quittez votre lieu de travail / éducation et vous arrivez à votre
domicile d'habitude ? *
Choisissez la réponse appropriée pour chaque élément :
35 [IV8] Quel genre de transport utilisez-vous le plus fréquemment pour se déplacer entre votre
domicile et le lieu de travail / éducation ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Voiture Moto Vélo
Camion Camionnette Taxi
Minibus Bus Privés (assurés par le secteur privé)
Bus publics (assurés par l'Etat) A pied Autre
36 [IV9] Le motif principal pour lequel vous utilisez ce moyen *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Je n'ai pas d’autres choix Horaires de cours/travail trop variables
Mauvaise desserte des autres moyens Éviter les problèmes de stationnement
Plus grande liberté de mouvements Une question de coût
L'autonomie Le confort
La rapidité Autre
37 [IV10] A quelle fréquence vous utilisez les transports en commun pour partir à votre lieu
de travail / éducation ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Chaque jour ou presque Plusieurs fois par semaine
Plusieurs fois par mois Jamais
376
Annexes
38 [IV11] A quelle fréquence vous utilisez un véhicule privé pour partir à votre lieu de travail
/ éducation ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Chaque jour ou presque Plusieurs fois par semaine
Plusieurs fois par mois Jamais
39 [IV12] Combien de passagers y-a-t-il habituellement dans le véhicule lors de ces
déplacements ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Le chauffeur seul Le chauffeur et un passager
Le chauffeur et deux passagers Le chauffeur et trois passagers
Le chauffeur et quatre passagers Autre
40 [IV13] Pendant vos déplacements contraints / habituels, combien de minutes en moyenne
vous faut-il pour trouver une place de stationnement d’habitude ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Jusqu’à 1 minute 1 à 5 minutes
5 à 10 minutes 10 à 15 minutes
15 à 30 minutes Plus que 30 minutes
41 [IV14] A votre lieu de travail / éducation où garez-vous votre véhicule privé principalement
?*
Choisissez toutes les réponses qui conviennent :
Emplacement public gratuit autorisé
Emplacement public payant
Emplacement privé gratuit
Emplacement privé payant
Autre :
42 [IV15] A votre lieu de travail / éducation est-ce que le parking est assuré par
l’employeur/université ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Oui, assuré gratuitement Oui, assuré payant
Non, pas assuré Autre
43 [IV16] Pour vos déplacements contraints / habituels, combien vous payez moyennement
pour le stationnement par mois (en L.L.) ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Je ne paie rien
<50.000 50.000-100.000
Entre 100.000 et 150.000 Entre 150.000 et 200.000
>200.000 Je ne sais pas Autre
377
Annexes
44 [IV17] Quel budget consacrez-vous en moyenne par semaine pour le transport dans vos
déplacements contraints / habituels (hors coûts de parking) (en L. L.) ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
<10.000 10.000 à 30.000
30.000 à 50.000 >50.000 Autre
45 [IV18] Comment évaluez-vous la dépense liée à vos déplacements habituels / contraints ?*
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Pas coûteuse Coûteuse Très coûteuse
46 [IV19] Sur une échelle allant de 1 à 5 (le chiffre 1 correspond à « non satisfait(e) », le chiffre
5à « très satisfait(e) ») comment évaluez-vous votre mode de transport des déplacements
contraints ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
1 2 3 4 5
47 [IV20] Profitez-vous de votre trajet entre le domicile et le lieu de travail / éducation pour
effectuer d’autres activités (prendre les enfants à l’école, courses, rendre visites, etc…) ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Oui Non
48 [IV21] Qu’est-ce qui vous gêne le plus sur votre trajet habituel / contraints ? *
Choisissez toutes les réponses qui conviennent :
Les bouchons et les embouteillages
La fiabilité des transports en commun (retard, grève, etc…)
Les difficultés de stationnement
Risques reliés à l'insécurité routière
Les pannes de véhicule
Les travaux sur la voirie
Les mauvaises conditions du réseau routier Autre :
49 [IV22] Sur une échelle allant de 1 à 5 (le chiffre 1 correspond à « non satisfait(e) », le chiffre
5 à « très satisfait(e) ») comment évaluez-vous vos allocations de transport mensuelles ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
1 2 3 4 5
50 [IV23] Dans le cadre du travail, à quelle fréquence vous déplacez-vous ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Tous les jours Plusieurs fois par semaine
Plusieurs fois par mois Plusieurs fois par an
Jamais Autre
378
Annexes
379
Annexes
Les déplacements non contraints sont les déplacements que vous faites hors des
déplacements entre votre domicile et votre lieu de travail ou d'éducation. Ce sont des
déplacements exercés à faible fréquence ou occasionnellement entre des lieux différents. Par
ex : se balader, voyager au village / montagne pour quelques fois par mois, visites sociales,
shopping ...
52 [V1] Hors vos déplacements entre votre domicile et le lieu de travail / éducation, quels sont
vos motifs principaux de déplacement ? *
Choisissez toutes les réponses qui conviennent :
Activité de loisirs/culturelles Transporter les autres
Course/Marchés Aller au village/autre ville
Autre :
53 [V2] Pour effectuer ces déplacements, quel jour préférez-vous le plus ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Lundi Mardi Mercredi
Jeudi Vendredi Samedi
Dimanche Tous les jours / Aucune préférence
54 [V3] Pour effectuer ces déplacements quel temps préférez-vous le plus ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Le matin Le midi L'après-midi
Le soir Tout le temps / Aucune préférence Autre
55 [V4] Quel genre de transport utilisez-vous le plus fréquemment pour vos déplacements non
contraints ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Voiture Moto Vélo
Camion Camionnette Taxi
Minibus Bus Privés (assurés par le secteur privé)
Bus publics (assurés par l'Etat)
A pied Autre
56 [V5] Le motif principal pour lequel vous utilisez ce moyen*
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Je n'ai pas d’autres choix Mauvaise desserte des autres moyens
Éviter les problèmes de stationnement Plus grande liberté de mouvements
Une question de coût L'autonomie
Le confort La rapidité
Autre
380
Annexes
57 [V6] Combien de passagers y-a-t-il habituellement dans le véhicule privé lors des
déplacements non contraints / inhabituels ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Le chauffeur seul Le chauffeur et un passager
Le chauffeur et deux passagers Le chauffeur et trois passagers
Le chauffeur et quatre passagers Autre
58 [V7] Sur une échelle allant de 1 à 5 (le chiffre 1 correspond à « non satisfait(e) », le chiffre
5 à « très satisfait(e) ») comment évaluez-vous votre mode de transport des déplacements non
contraints/ inhabituels ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
1 2 3 4 5
59 [V8] Quel budget consacrez-vous en moyenne par semaine pour le transport dans vos
déplacements non contraints / inhabituels (coûts de parking inclus) (en L. L.) ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
<10.000 10.000 à 30.000 30.000 à 50.000 >50.000
Je ne sais pas Autre
60 [V9] Comment évaluez-vous la dépense liée à vos déplacements non contraints / inhabituels
? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Pas coûteuse Coûteuse Très coûteuse
61 [V10] Qu’est-ce qui vous gêne le plus lors de vos déplacements non contraints / inhabituels
?*
Choisissez toutes les réponses qui conviennent :
Les bouchons et les embouteillages
La fiabilité des transports en commun (retard, grève, etc…)
Les difficultés de stationnement
Risques reliés à l'insécurité routière
Les pannes de véhicule
Les travaux sur la voirie
Les mauvaises conditions du réseau routier Autre :
62 [V11] Combien de temps perdez-vous en moyenne dans les embouteillages lors de vos
déplacements non contraints / inhabituels ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Jusqu'à 15 minutes De 15 à 30 minutes
De 30 à 60 minutes Plus que 60 minutes
Je ne sais pas Autre
381
Annexes
63 [VI1] Pour vous, quelle est la raison principale de l’absence d’un bon système de transport
en commun au Liban ? *
Choisissez toutes les réponses qui conviennent :
La corruption et le gaspillage
L’absence de la gouvernance et de la bonne gestion
L’absence de la décision politique sérieuse de trouver un bon système de transport en
commun
L’absence du financement
L'absence de la culture d'utilisation des transports en commun et la haute dépendance
automobile
Autre :
64 [VI2] Pensez-vous que la présence d’un bon système de transport en commun changera
votre manière de déplacement ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Oui Non
65 [VI3] Pensez-vous à utiliser les moyens de transport en commun plus fréquemment si ces
derniers offrent un service plus efficace ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Oui Non
66 [VI4] À votre avis, quel type de transport en commun doit être développé d'abord au Liban
?*
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Interurbain (Entre les villes) Urbain (dans la même ville)
Les deux ensembles Autre
67 [VI5] A votre avis, quel moyen de transport en commun est prioritaire d’être établit ou
développé au Liban ? *
Choisissez toutes les réponses qui conviennent :
Taxi Le réseau des bus/minibus
Un train Tram
Metro Autre :
68 [VI6] Dans d’autres conditions, quel mode de transport alternatif vous souhaitez utiliser
pour vos déplacements contraints / habituels ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Voiture privée Moto Vélo
Taxi Bus/Minibus Train
Tram Metro Autre
382
Annexes
69 [VI7] Dans d’autres conditions, quel mode de transport alternatif vous souhaitez utiliser
pour vos déplacements non contraints / inhabituels ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Voiture privée Moto Vélo
Taxi Bus/Minibus Train
Tram Metro Autre
70 [VI8] Dans quelles mesures seriez-vous intéressé au transport en commun comme mode de
transport alternatif ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Très intéressé/e Plutôt intéressé/e
Plutôt pas intéressé/e Pas intéressé/e du tout
71 [VI9] A votre avis, quelle (s) caractéristique (s) essentielle (s) doit vous fournir un système
de transport en commun ? *
Choisissez toutes les réponses qui conviennent :
Plus de sécurité dans le déplacement Une accessibilité facile
La rapidité Le confort
De court temps de voyage Des horaires bien adaptés
Des prix convenables Pratique et facile à utiliser
Autre :
72 [VI10] Selon vous, la résolution du problème d’embouteillage est-elle prioritaire ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Oui Non
73 [VI11] Selon vous, quelles sont les étapes les plus importantes à appliquer en premier pour
résoudre le problème de l'embouteillage ? *
Choisissez toutes les réponses qui conviennent :
Création d’autres moyens de transport (transport en commun)
Entretien des infrastructures et/ou ouverture de nouvelles routes
Mettre des frais supplémentaires pour l'utilisation des routes et des voitures privées
(taxes, douanes, péages, etc…)
Adopter de nouvelles lois et politiques de transport
Réduire la corruption et le gaspillage
Autre :
383
Annexes
74 [VI12] Si un meilleur secteur de transport en commun s'établit, quel coût vous êtes prêts à
payer par rapport au coût actuel ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Plus faible que le coût moyen actuel
Légèrement plus faible que le coût moyen actuel
Le même coût moyen actuel
Légèrement plus élevé que le coût moyen actuel
Plus élevé que le coût moyen actuel
75 [VI13] Si le vélo fait partie d’un système de transport, l'utiliserez-vous dans vos
déplacements ? *
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Oui, pour tous mes déplacements
Oui, pour mes déplacements contraints/habituels
Oui, pour mes déplacements non contraints/inhabituels
Non, car les routes ne sont pas équipées pour l'utilisation du vélo
Non, pour raison de sécurité
Non, car ce n'est pas convenable pour mon image
Non, pour raison de longues distances et/ou difficulté d'utilisation
Autre
76 [VI14] Si un système de covoiturage existe au Liban, vous l’utiliseriez dans vos
déplacements ?
Veuillez sélectionner une seule des propositions suivantes :
Oui, pour tous mes déplacements
Oui, pour mes déplacements contraints/habituels
Oui, pour ms déplacements non contraints/inhabituels
Non, pour raison de sécurité
Non, car ce n'est pas convenable pour mon image
Autre
384
Annexes
40-64, 10%
18-25 , 51%
25-40 , 33%
Figure 106: La répartition des âges des participants (enquête de mobilité, 2018)
Employé/e du secteur
privé, 34.7%
Etudiant/e , 36.2%
385
Annexes
50.00% 42.92%
40.00%
30.00% 24.06%
20.00% 9.67% 10.38%
8.02%
10.00% 1.65% 1.18% 2.12%
0.00%
Figure 108: La répartition des participants sur les Mohafazats libanaises (enquête de
mobilité, 2018)
30.00%
24.06% 23.58%
25.00%
20.00%
15.00%
10.00% 6.84% 6.84% 7.08%
4.95% 5.42%4.25%
0.94% 2.12% 3.77% 0.71%
5.00% 1.65%1.18% 1.18% 1.65% 0.47% 0.71%
0.71% 0.94% 0.94%
0.00%
Figure 109: La répartition des personnes sur les Cazas (enquête de mobilité, 2018)
Figure 110: La répartition des lieux de travail/éducation sur les Mohafazats (enquête de
mobilité, 2018)
386
Annexes
387
Annexes
388
Annexes
389
Annexes
390
Annexes
Figure 116: Les lignes de bus proposées dans le plan de 1995 (Helou, 2015)
391
Annexes
Figure 117: Les gares de BRT sur la ligne Beyrouth-Tabarja (Helou, 2015)
Passagers Véhicules
Gare 2020 2030 2020 2030
NBT 885 1051 443 526
Mar Mikhael 655 777 327 388
Dawra 222 266 111 133
Nahr El Mot 619 707 309 353
Antelias 352 408 176 204
Dbayeh 83 90 41 45
Nahr El Kaleb 566 759 283 379
Jounieh Stade 177 227 89 113
Tabarja 729 828 365 414
Tableau 95: Les stationnements pour les parkings relais du BRT (Helou, 2015)
392
Annexes
en millions de $
Coûts BRT Par km
Matériel roulant 22 1.25
Stations et installations 25 1.42045
Systèmes 4 0.22727
Améliorations du droit de passage 60 3.40909
Chantiers & Commerces 10 0.56818
Sous-total 121 6.875
Gestion , conception, supervision 12.1 0.6875
Sous-total 133.1 7.5625
Contingence 19.965 1.13438
Total 153.065 8.69688
Tableau 96: Le coût de capital pour la ligne BRT (Nabti, 2004)
393
Annexes
394
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LISTES DES TABLEAUX, FIGURES ET SIGLES
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Liste des tableaux
Tableau 1: La fréquence de déplacements des résidents du Liban (TMS Consult, 2015) ....... 51
Tableau 2: Les durées des déplacements au Liban (TMS Consult, 2015) ............................... 52
Tableau 3: Les durées de voyage aller-retour lors des déplacements contraints (enquête de
mobilité, 2018) ......................................................................................................................... 52
Tableau 4: Les temps des allers-retours entre le domicile et lieu de travail/éducation (enquête
de mobilité, 2018) .................................................................................................................... 53
Tableau 5: Les temps des départs et arrivées des allers des déplacements contraints (enquête
de mobilité, 2018) .................................................................................................................... 53
Tableau 6: Les temps des départs et arrivées des retours des déplacements contraints (enquête
de mobilité, 2018) .................................................................................................................... 54
Tableau 7: La fréquence de déplacements professionnels (enquête de mobilité, 2018) .......... 57
Tableau 8: Les moyens utilisés lors des déplacements professionnels (enquête de mobilité,
2018) ........................................................................................................................................ 57
Tableau 9: Les distances parcourues dans les déplacements contraints (enquête de mobilité,
2018) ........................................................................................................................................ 59
Tableau 10: Les distances parcourues par régions (enquête de mobilité, 2018) ..................... 59
Tableau 11: Les motifs des déplacements non contraints (enquête de mobilité, 2018) .......... 60
Tableau 12: Les motifs des déplacements des Libanais (TMS Consult, 2015) ....................... 60
Tableau 13: La répartition modale par région (MoE & LEDO, 2001) .................................... 62
Tableau 14: Les parts modales des déplacements motorisés à Tripoli en 1998 et 2016 (Baaj,
2000; Nahas et al., 2016; SDATL, 2005) ................................................................................ 62
Tableau 15: La répartition multimodale des moyens motorisés dans les régions libanaises (TMS
Consult, 2015) .......................................................................................................................... 63
Tableau 16: La répartition modale au Liban (enquête de mobilité, 2018) ............................... 64
Tableau 17: Répartition actuelle et estimée de la population par Mohafazat entre 1997 et 2014
(ACS, 2007a, 2014a; SDATL, 2005)....................................................................................... 87
Tableau 18: L'accroissement des agglomérations de 1963 à 1998 (Bakhos, 2005) .............. 112
Tableau 19: La croissance urbaine dans les Cazas de l'agglomération beyrouthine entre 1963
et 2003 (G. Faour et al., 2005) ............................................................................................... 114
Tableau 20: L'expansion urbaine entre 1994 et 2013 (G. Faour & Verdeil, 2019) .............. 115
Tableau 21 : L’évolution du parc des véhicules motorisés de 1994 à 2004 (ACS, 2006) ..... 125
Tableau 22: La flotte de véhicules au Liban entre 2008 et 2013 (TMS Consult, 2019)........ 127
428
Liste des tableaux
Tableau 23: Le taux motorisation au Liban et dans d’autres pays - 1970 (T. Nakkash & Jouzy,
1973) ...................................................................................................................................... 132
Tableau 24: Le taux de motorisation et le nombre de voitures/ménage entre 1969 et 2018
(sources variées)..................................................................................................................... 133
Tableau 25 : Le nombre des automobilistes au sein des ménages libanais (enquête de mobilité,
2018) ...................................................................................................................................... 134
Tableau 26: Le taux de possession de voitures par région (enquête de mobilité, 2018) ....... 135
Tableau 27: Le nombre de passagers par voiture au Liban (enquête de mobilité, 2018) ...... 136
Tableau 28: Les taux d'occupation des véhicules au Liban (TMS Consult, 2015) ................ 136
Tableau 29: La répartition des revenus mensuels des Libanais en L.L. (enquête de mobilité,
2018) ...................................................................................................................................... 137
Tableau 30: Les parts des dépenses hebdomadaires sur les déplacements (enquête de mobilité,
2018) ...................................................................................................................................... 138
Tableau 31: Les évaluations des dépenses de déplacements (enquête de mobilité, 2018) .... 139
Tableau 32: Les taux de satisfaction des allocations journalières de transport (enquête de
mobilité, 2018) ....................................................................................................................... 139
Tableau 33: Les budgets individuels de transport par régions au Liban (enquête de mobilité,
2018 ; (ACS, 2013b)) ............................................................................................................. 140
Tableau 34: La répartition des revenus mensuels des ménages libanais en L.L. (enquête de
mobilité, 2018) ....................................................................................................................... 140
Tableau 35: Les parts du revenu consacrées au transport (ACS, 2013c, 2012a). .................. 140
Tableau 36: Les dépenses des ménages sur transport par régions (ACS, 2013b). ................. 141
Tableau 37: La part du salaire dépensée sur le transport selon le moyen utilisé ................... 144
Tableau 38: Les droits et taxes sur les voitures d'occasion (TAVMA, 2018) ....................... 146
Tableau 39: Les frais d'immatriculation d'un véhicule au Liban ........................................... 147
Tableau 40: Les frais de mécanique annuels en L.L. ............................................................. 147
Tableau 41 : Une simulation des coûts de possession d'une voiture au Liban (stimulation faite
par l’auteur)............................................................................................................................ 149
Tableau 42 : La quantité des combustibles utilisée au Liban par les différents modes de
transport routier (MoE et al., 2015) ....................................................................................... 150
Tableau 43: Les prix des carburants au Liban (24 juillet 2019) ............................................ 151
Tableau 44: Composition du coût d'une plaque d'essence (Blom Invest, 2016a). ................. 151
Tableau 45: La consommation moyenne des carburants par type de voiture au Liban (Stephan
& El Sayyed, 2015) ................................................................................................................ 151
429
Liste des tableaux
Tableau 46: Les prix prévus des carburants au Liban en L.L./Litre (Omran et al., 2015) .... 152
Tableau 47: Les frais annuels d'entretien du véhicule privé (enquête de mobilité, 2018) ..... 152
Tableau 48: Les coûts moyens d'exploitation et de possession d'une voiture au Liban (SISSAF,
2016; Stephan & El Sayyed, 2015) ........................................................................................ 153
Tableau 49: Les emplacements de stationnement dans les lieux de travail / éducation (enquête
de mobilité, 2018) .................................................................................................................. 154
Tableau 50: Le temps nécessaire pour trouver un emplacement de stationnement (enquête de
mobilité, 2018) ....................................................................................................................... 154
Tableau 51: Les prix de parking quotidien au Liban (enquête de mobilité, 2018) ................ 154
Tableau 52: La décomposition du réseau routier libanais (en km) (World Bank, 2017c). .... 164
Tableau 53: La répartition des catégories de routes sur les différentes régions et Cazas (MTPT,
2015) ...................................................................................................................................... 168
Tableau 54: Les facteurs gênants durant les déplacements des Libanais (enquête de mobilité,
2018) ...................................................................................................................................... 175
Tableau 55 : Les coûts de construction des routes au Liban (Anas et al., 2017) ................... 176
Tableau 56: Les dépenses du MTPT, du CDR et des municipalités sur les routes entre 2008 et
2012 (SISSAF, 2016) ............................................................................................................. 176
Tableau 57: Le nombre de passagers ferroviaires entre 1961 et 1970 (Chatila, 2015) ......... 183
Tableau 58: La répartition de l'activité de l’OCFTC en 2007 (ACS, 2007b) ........................ 190
Tableau 59 : Les bus et minibus de transport collectif à GBA (Anas et al., 2017) ............... 193
Tableau 60: Le réseau des bus étatiques (résultat de l’entretien B , 29 mars 2017). ............. 199
Tableau 61: Les critères pour choisir un logement au Liban (enquête de mobilité, 2018) .... 207
Tableau 62: Les coûts monétaires et en temps des déplacements motorisés à Beyrouth (Aoun,
2011) ...................................................................................................................................... 208
Tableau 63: Les temps de déplacements contraints (enquête de mobilité, 2018) .................. 208
Tableau 64: Les motifs de préférences des différents moyens de transport au Liban (enquête de
mobilité, 2018) ....................................................................................................................... 210
Tableau 65: Le taux de satisfaction dans les déplacements des Libanais (enquête de mobilité,
2018) ...................................................................................................................................... 210
Tableau 66: Les taux de satisfaction des différents moyens de transport (enquête de mobilité,
2018) ...................................................................................................................................... 211
Tableau 67: La distribution des contrats du CDR sur les secteurs (CDR, 2017)................... 237
Tableau 68 : La répartition du financement de l’UTPD (CDR, 2013b) ................................ 257
430
Liste des tableaux
Tableau 69: Les émissions en CO2 et la consommation en carburants moyennes par catégorie
de voitures au Liban (Stephan & El Sayyed, 2015) ............................................................... 268
Tableau 70: Les coûts annuels des émissions directes en France – 2008 (Ducos, 2014) ...... 269
Tableau 71: Les effets d'augmentation des polluants (F. B. Chaaban et al., 2001). .............. 270
Tableau 72 : Les effets de la pollution sonore (de Palma & Zaouali, 2007) ......................... 270
Tableau 73: La répartition des accidents routiers et des victimes sur les régions libanaises en
2010 (ACS, 2011) .................................................................................................................. 275
Tableau 74: Les coûts des embouteillages à GBA en 2007 (MoE et al., 2012) .................... 279
Tableau 75: Les flux de trafic sur des points de l’autoroute du Nord en 2015 (EGIS & GICOME
Consortium Team of Experts, 2016)...................................................................................... 281
Tableau 76: La circulation à Beyrouth et à sa sortie nord (Mansour et al., 2011) ................. 281
Tableau 77: Les délais des embouteillages sur des points de GBA en 1999 (MoE & LEDO,
2001). ..................................................................................................................................... 285
Tableau 78: Le temps perdu dans les embouteillages dans les déplacements au Liban (enquête
de mobilité, 2018) .................................................................................................................. 285
Tableau 79: Le calcul de la valeur du temps de déplacement (Saroufim & Otayek, 2019) .. 286
Tableau 80: L’effet d’introduction d’un système de T.C. sur les temps et les distances des
déplacements au centre de Beyrouth (Omran et al., 2015) .................................................... 287
Tableau 81: Les gains réalisés après introduction d'un système de transport en commun au
centre de Beyrouth (Omran et al., 2015)................................................................................ 287
Tableau 82 : La consommation d’espace des différents modes à Paris (Héran, 2005) ......... 295
Tableau 83: Les coûts des externalités de l'utilisation de la voiture au Liban (Chatila, 2015;
Stephan & El Sayyed, 2015) .................................................................................................. 298
Tableau 84: Les coûts externes du transport des passagers (EGIS & GICOME Consortium
Team of Experts, 2016).......................................................................................................... 299
Tableau 85: Le choix modal attendu au Liban (enquête de mobilité, 2018) ......................... 306
Tableau 86: Les dépenses d’un train Beyrouth-Tripoli (EGIS & GICOME Consortium Team
of Experts, 2016).................................................................................................................... 309
Tableau 87 : Les dépenses sur l'exploitation pour le train Beyrouth-Tripoli (EGIS & GICOME
Consortium Team of Experts, 2016) ...................................................................................... 309
Tableau 88: Les trois scénarios proposés (SISSAF, 2016). ................................................... 325
Tableau 89: Les coûts et les emplois créés dans chaque scénario (SISSAF, 2016) ............. 325
Tableau 90: VAN et TIR des trois scénarios (SISSAF, 2016) .............................................. 326
431
Liste des tableaux
Tableau 91: Tableau comparatif des avantages des moyens de transport (IFRESI-France) dans
(SITRAM & EGIS, 2012) ...................................................................................................... 334
Tableau 92: Les types de dépendance automobile (Commenges, 2015) ............................... 342
Tableau 93: La répartition des âges par sexe des participants (enquête de mobilité, 2018) .. 385
Tableau 94: Les dépenses hebdomadaires par moyens de transport ...................................... 387
Tableau 95: Les stationnements pour les parkings relais du BRT (Helou, 2015) ................. 392
Tableau 96: Le coût de capital pour la ligne BRT (Nabti, 2004) .......................................... 393
432
Liste des figures
Figure 1 : La consommation des carburants selon les densités des villes (Newman &
Kenworthy, 1989b) .................................................................................................................. 32
Figure 2: Le processus de la dépendance automobile (Dupuy, 2011) ..................................... 37
Figure 3: Le volume de trafic matinal au Liban en 2015 (SISSAF, 2016) .............................. 55
Figure 4 : Le volume de trafic de la soirée au Liban en 2015 (SISSAF, 2016) ....................... 56
Figure 5: Les périodes de déplacements préférés pour les déplacements non contraints (enquête
de mobilité, 2018) .................................................................................................................... 58
Figure 6: Les périodes et les jours préférés pour les déplacements non contraints (enquête de
mobilité, 2018) ......................................................................................................................... 58
Figure 7: Les jours de travail ou d'éducation (enquête de mobilité, 2018) ............................. 60
Figure 8: La fréquence d'utilisation des moyens de transports en commun dans les
déplacements contraints (enquête de mobilité, 2018) ............................................................. 64
Figure 9: La répartition modale des déplacements contraints au Liban (enquête de mobilité,
2018) ........................................................................................................................................ 65
Figure 10: La répartition modale des déplacements non contraints au Liban (enquête de
mobilité, 2018) ......................................................................................................................... 65
Figure 11: L'approche systémique de la dépendance automobile au Liban............................. 70
Figure 12: Carte de la situation géographique du Liban (La Croix, 2014) .............................. 76
Figure 13 : Les reliefs du territoire libanais (le-cartographe.net, 2019) .................................. 77
Figure 14: Découpage administratif du Liban (Libandata, 2017) ............................................ 78
Figure 15: Les densités des exploitations agricoles (a) et des entreprises industrielles (b) (G.
Faour et al., 2007) .................................................................................................................... 82
Figure 16: La répartition des activités économiques au Liban (G. Faour et al., 2007)............ 82
Figure 17: La localisation de la GBA (G. Faour & Mhawej, 2014) ........................................ 88
Figure 18: Les limites urbaines de la GBA (Nahas et al., 2016) ............................................. 89
Figure 19: L'occupation du sol dans Beyrouth et Mont-Liban (G. Faour et al., 2019) ........... 90
Figure 20: L'expansion urbaine à Tripoli de 1994 à 2013 (G. Faour & Verdeil, 2019) .......... 91
Figure 21: La répartition de la population urbaine - 2010 (Verdeil & Dewailly, 2019) .......... 92
Figure 22: Le mouvement des flux entre le centre et les périphéries ...................................... 94
Figure 23: Le projet de système circulatoire de Beyrouth et de ses banlieues en 1963, proposé
par Ecochard (Abi Khalil & Chbat, 2018) ............................................................................. 100
Figure 24: Hamra et le centre-ville de Beyrouth (Boudisseau, 1997) ................................... 103
433
Liste des figures
Figure 25: Les centralités émergentes à Beyrouth (1950-1970) (M. F. Davie, 2007) ........... 105
Figure 26: Les flux des déplacés durant la guerre (1975-1987) (G. Faour et al., 2007) ........ 107
Figure 27: Les déplacements entre Beyrouth Est et Ouest en 1994 (G. Faour et al., 2007) .. 108
Figure 28: Le développement de l'agglomération beyrouthine entre 1860 et 1987 (El-Achkar,
1998) ...................................................................................................................................... 110
Figure 29 : La répartition de zones urbanisées avant 1963 et 1998 (G. Faour et al., 2007) . 112
Figure 30: L'évolution urbaine à GBA entre 1963 et 2005 (G. Faour & Mhawej, 2014)...... 113
Figure 31: Les zones urbaines au Liban (1994-2013) (G. Faour & Verdeil, 2019) .............. 114
Figure 32: L'évolution de la population, du PIB/habitant et du nombre de véhicules (1974-
1999) (Bteich et al., 2006) ..................................................................................................... 125
Figure 33: La progression en nombre de véhicules immatriculés 1996-2000 (MoE & LEDO,
2001) ...................................................................................................................................... 125
Figure 34: Les voitures neuves vendues au Liban entre 2010 et 2015 (BankMed, 2016) ..... 126
Figure 35: Les importations de véhicules entre 1997 et 2013 (Verdeil, 2019d).................... 126
Figure 36: La répartition des voitures importées par pays d'origine (BankMed, 2016) ........ 128
Figure 37: Distribution des véhicules au Liban selon le pays d'origine (enquête de mobilité,
2018) ...................................................................................................................................... 128
Figure 38: Les marques des véhicules circulants au Liban (enquête de mobilité, 2018) ...... 129
Figure 39 : Les catégories des voitures circulantes au Liban (enquête de mobilité, 2018) .. 129
Figure 40: Le taux de motorisation dans des pays du Moyen-Orient (UITP, 2016) ............. 131
Figure 41: Le nombre de voitures au sein des ménages libanais (enquête de mobilité, 2018)
................................................................................................................................................ 133
Figure 42: La répartition du nombre des voitures et des propriétaires de voitures au sein des
ménages libanais (enquête de mobilité, 2018) ...................................................................... 134
Figure 43: Les dépenses hebdomadaires par moyen de transport (déplacements contraints)
(enquête de mobilité, 2018) ................................................................................................... 142
Figure 44: Les dépenses hebdomadaires par moyen de transport (déplacements non contraints)
(enquête de mobilité, 2018) ................................................................................................... 143
Figure 45: Les dépenses par ménage sur le transport (Nahas et al., 2016) ............................ 143
Figure 46 : Les composantes du coût de la voiture ................................................................ 145
Figure 47: La répartition des frais de contrôle technique (enquête de mobilité, 2018) ......... 148
Figure 48: La répartition des frais d'assurance auxiliaires au Liban (enquête de mobilité, 2018)
................................................................................................................................................ 148
Figure 49: L’état actuel et la prévision des autoroutes (Abi Khalil & Chbat, 2018) ............ 166
434
Liste des figures
Figure 50: Le réseau routier en 1926 (basée sur la carte de Bernier (2010))......................... 169
Figure 51: Le réseau routier au Liban en 1964 (basée sur la carte de Bernier (2010)) ......... 170
Figure 52: Le réseau routier libanais en 2005 (G. Faour et al., 2007) ................................... 171
Figure 53: Les zones urbaines et le réseau routier au Liban (Verdeil et al., 2019) ............... 172
Figure 54: Des trottoirs encombrés à Beyrouth - 18 juillet 2018 (photos personnelles) ....... 174
Figure 55: L'absence des marquages et des passages piétons à Beyrouth - 18 juillet 2018 (photos
personnelles) .......................................................................................................................... 174
Figure 56: Les dépenses du MTPT (en L.L.) sur les routes entre 2008 et 2012 (SISSAF, 2016)
................................................................................................................................................ 176
Figure 57: Les véhicules de transport collectif à Tripoli en 1910 ......................................... 180
Figure 58: Les phases de construction du chemin de fer au Liban (Nahas et al., 2016) ....... 181
Figure 59: Les trois lignes de chemin de fer au Liban (Hankir, 2008) .................................. 182
Figure 60: Les lignes de tramway de Beyrouth entre 1908 et 1963 (N. Nakkash, 2018) ...... 185
Figure 61 : Le tramway de Beyrouth (beirut.com)(reddit.com) ............................................ 186
Figure 62: Le tramway de Beyrouth dans les embouteillages – 1964 (the961.com)............. 186
Figure 63: Le tramway de Beyrouth et les bus qui l'ont remplacé - 1964 (annahar.com) ..... 187
Figure 64: Les lignes de bus en 1964 (N. Nakkash, 2018) .................................................... 187
Figure 65: L'évolution en nombre de bus de l’OCFTC entre 1964 et 2015 (Osman, 2015) . 190
Figure 66: Une voiture de taxi-service à Beyrouth (beirut.com) ........................................... 192
Figure 67: Un minibus (a) et un bus (b) de transport en commun privé (annahar.com,
almodon.com) ........................................................................................................................ 193
Figure 68: Les lignes de bus privés à la GBA (Bus Map projet, 2017). ................................ 195
Figure 69: Un bus de la L.C.C. (tourism-lebanon.blogspot.com).......................................... 196
Figure 70 : Les routes de L.C.C. (Mohtar & Samaha, 2016)................................................. 197
Figure 71: La gare de Cola Beyrouth (annahar.com) ............................................................ 198
Figure 72: Les bus de l’OCFTC (elnashra.com) .................................................................... 199
Figure 73: Des chemins de fer abandonnés - 30 mars 2015 (photos personnelles) ............... 200
Figure 74: Un tunnel de train abandonné à Dahr El Baydar (MoE et al., 2011) ................... 201
Figure 75: Des routes bitumées et des violations sur le chemin de fer entre Beyrouth et Tripoli-
30 mars 2015 (photos personnelles) ...................................................................................... 201
Figure 76: La gare de Charles Helou à Beyrouth (atelier-latent.de) ...................................... 202
Figure 77: Des trains abandonnés à Mar Mikhael - 30 mars 2015 (photos personnelles) ..... 203
Figure 78: La gare de Mar Mikhael - 30 mars 2015 (photos personnelles)........................... 203
Figure 79: Des trains et wagons à Rayak - 12 juillet 2018 (photos personnelles) ................. 203
435
Liste des figures
436
Liste des figures
437
Liste des sigles
CEDRE : Conférence Economique pour le Développement par les Réformes et avec les
Entreprises
438
Liste des sigles
MUNI : Municipalités
NBT : Naqoura-Beyrouth-Tripoli
SISSAF: Support program for Infrastructure Sector Strategies and Alternative Financing
439
440
Table des matières
Résumé .......................................................................................................................... 5
Abstract ......................................................................................................................... 7
Remerciements .............................................................................................................. 9
Sommaire .................................................................................................................... 13
441
Table des matières
442
Table des matières
443
Table des matières
444
Table des matières
445
Table des matières
446
Table des matières
1.4.2. Les coûts élevés des projets : nécessité de faire intervenir le secteur
privé 324
2. La reconfiguration de l’usage du réseau routier : le partage de l’espace public
328
2.1. Le réseau routier : affaiblir l’effet de réseau .......................................... 328
2.1.1. La limitation de l’expansion du réseau routier .................................... 329
2.1.2. Le réseau routier et sa gestion ............................................................. 330
2.2. La voirie pour tous ................................................................................. 331
2.2.1. Le partage de la voirie pour un report modal ...................................... 331
2.2.2. Renforcer les déplacements doux au Liban ........................................ 333
2.3. Les mesures auxiliaires pour réduire la dépendance automobile ........... 335
2.3.1. Les mesures à prendre pour réduire l’utilisation de la voiture ............ 335
2.3.2. L’implication de la société .................................................................. 341
3. Conclusion : la modération de la dépendance automobile au Liban, une tâche
difficile, mais faisable. ......................................................................................... 344
447
Table des matières
448