Quelle Utilisation de L'intelligence Artificielle en Analyse Financière ?

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Quelle utilisation de l’intelligence artificielle en

analyse financière ?

Le MIT parle beaucoup de la « 4e Révolution Industrielle »


qui remplacera l’homme non plus seulement dans ses tâches
physiques mais aussi intellectuelles.

Comment cette révolution technologique va-t-elle


impacter l’analyse financière ?

Nous assistons actuellement à la conjonction d’une explosion de


l’offre d’information financière du fait de la mondialisation, d’un
effondrement de son coût et aussi de celui de son traitement par
ordinateur. Ce nouvel environnement permet aux chercheurs
individuels et non plus seulement aux grandes entreprises de
développer une recherche en création d’algorithmes
d’intelligence artificielle appliqués à la finance.
Comment distinguer un processus d’intelligence
artificielle d’une analyse financière quantitative
classique ?

L’analyse quantitative des informations financières remonte aux


années 70 quand Wells FARGO a commencé à construire des
portefeuilles par des techniques de multi scoring.

L’approche d’intelligence artificielle repose sur ces principes


mais les complexifie pour mieux se rapprocher de la structure
réelle de la sphère financière. De fait, comme Fisher BLACK
l’avait déjà souligné dans ses derniers articles comme « Noise »,
les modèles mathématiques de régression linéaire simples et de
normalisation des lois financières reposent sur des hypothèses
vraies seulement en « première approximation marginale » mais
certainement fausses sur tout un cycle de marché.

De fait, la structure du marché est organique et se modifie


continuellement en fonction de facteurs psychologiques
(fluctuations de la prime de risque), macro-économiques
(évolution de la structure économique mondiale) et micro
économiques (destruction créatrice Schumpetérienne liée à
l’innovation technologique et autres facteurs de progrès). On est
donc face à un élargissement d’une mécanique « galiléenne » à
un univers « relativiste ».

Cette évolution correspond donc à une « révolution


épistémologique » Bachelardienne semblable à celle de la
physique de la fin du 19e avec l’avènement de la théorie de la
relativité d’Einstein s’appuyant sur les mathématiques non
linéaires de Poincaré dans la mise en place d’un nouveau modèle
incluant mais élargissant les hypothèses de la physique
Newtonienne puis Maxwellienne.

Quels sont les avantages de l’intelligence artificielle en


analyse financière ?

L’apport le plus important de ces nouvelles approches est qu’elle


permet de maximiser l’univers de recherche d’un processus
d’analyse financière. Les techniques traditionnelles sont de facto
limitées par le coût de cette recherche. Ainsi, la plupart des
fonds actifs en actions Europe se focalisent sur une analyse des
valeurs de croissance France et Allemagne. Le portefeuille est
souvent limité à 40/50 valeurs avec un poids pouvant monter à
8% sur les plus grosses pondérations. Par opposition, un
portefeuille construit par des techniques d’intelligence
artificielle peut avoir un nombre de titres triple de 120 valeurs
réparties sur toute l’Europe avec un poids maximum autour de
3% et construit à partir de l’analyse d’un univers de 1.600
valeurs.

Comment distinguer un portefeuille d’intelligence


artificielle d’un portefeuille classique, le test de Turing.
Source : Bloomberg, Evariste Quant Research. Bloomberg LP n’est pas responsable de cette
analyse. Peer Group : indice équipondéré de fonds “real growth”. Liste disponible sur simple
demande.

Comment juger d’un processus d’analyse financière


par intelligence artificielle ?

Le grand mathématicien anglais TURING a permis aux


Britanniques de déchiffrer les messages secrets des Nazis durant
la dernière guerre. Il a décrit un test fameux quant à
l’intelligence artificielle, le Test de Turing. Ce test repose sur la
capacité à distinguer la création d’une machine de celle d’un
humain.

Le graphe suivant montre la performance comparée d’un


portefeuille modèle géré par un algorithme d’intelligence
artificielle par rapport à un indice de fonds gérés par des
méthodes traditionnelles. On voit bien qu’il est quasiment
impossible de distinguer un process de l’autre. On a donc là une
preuve du test de Turing.

L’intelligence artificielle va-t-elle remplacer l’analyse


humaine en finance ?

Certainement pas, elle va la compléter et non pas la remplacer.


Elle permet d’élargir via un « radar screening » l’univers
d’investissement et de focaliser l’analyse humaine sur ses
dimensions les plus intéressantes. Elle contribue ainsi à une
optimisation de l’investissement financier et du capitalisme, en
particulier au niveau de l’analyse des petites et moyennes
entreprises.

On est donc loin d’une prise du pouvoir par une armée de robots
à la Asimov qui viendrait détrôner l’homme dans ses actions
intellectuelles.
La gestion de patrimoine “augmentée”

La gestion d’actifs utilise de plus en plus des algorithmes


informatiques et des données numérisées. La partie la plus
visible pour le grand public est l’éclosion de ce que l’on appelle
les robo-advisors.

La mise à disposition de services financiers utilisant des


algorithmes informatiques à destination des particuliers par
l’intermédiaire de conseillers financiers ou pas, est relativement
récente.

En 2008 aux Etats-Unis la société Betterment a été la première


à proposer une offre automatisée sur internet, dans le cadre de
placements pour la retraite.

Mais qu’appelle-t-on robo-advisors ?

Tout d’abord il faut distinguer les purs robos-advisors des robo-


advisors hybrides. L’un est un programme informatique
généralement accessible sur internet l’autre combine internet et
des interventions humaines.

Que recouvre la terminologie robo-advisor ?

Un peu tout et n’importe quoi. La plupart du temps on fait


référence à un questionnaire qui débouche sur la vente d’un
contrat d’assurance-vie. L’ambition doit être plus grande, c’est
pourquoi il faut étudier l’ensemble du travail des conseillers
financiers. Cela permet d’identifier 5 grandes fonctions :

1. La découverte du client et de ses besoins

2. La proposition de solutions

3. La mise en œuvre des solutions

4. La mise à jour ou l’ajustement des solutions au quotidien

5. La gestion de la relation client

La rencontre avec de nombreuses sociétés françaises dans le


domaine, conduit à ajouter la 5ième fonction : gestion de la
relation client (GRC) ou CRM (Customer Relationship
Management) en anglais. Il s’agit de l’ensemble des outils et
techniques destinés à capter, traiter, analyser les informations
relatives aux clients et aux prospects, dans le but de les fidéliser
en leur proposant des services. Notons que les sociétés actrices
dans le domaine sont très variées, elles vont des SII (Société
pour l’informatique industrielle) ou éditeurs de logiciel aux SGP
(Société de Gestion de Portefeuilles) en passant par des CIF
(Conseiller en Investissements Financiers). Leur offre est
destinée à des réseaux de distribution bancaires ou d’assurances
ou des groupements de conseillers financiers.
A des fins de clarification nous appellerons ces services de la «
gestion de patrimoine augmentée » et non pas des robo-
advisors.

Pourquoi faire appel à la gestion de patrimoine


augmentée ?

Pour les producteurs : Parce que les coûts sont réduits et que du
temps humain est libéré pour d’autres tâches, alors que le
traitement de masse devient possible.

Pour les clients : parce que les frais globaux sont réduits, que le
service est accessible 24h sur 24 et 7 jours sur 7, qu’il devient
envisageable d’effectuer des placements avec un bon niveau de
conseil malgré un faible patrimoine financier.

En quoi consistent les services proposés ?

1. Au niveau de la découverte du client et de ses


besoins

On procède par questionnaire. Il faut distinguer l’approche


patrimoniale de l’approche financière. La première nécessite
d’interroger le client non seulement sur ses actifs (financier,
immobilier, brevet, art…) mais aussi sur son passif (endettement
immobilier, consommation …) et sa situation personnelle
(familiale, âge des membres). Pour analyser le patrimoine, Il
faut réunir beaucoup de documents et les informations très
confidentielles font que l’utilisation d’internet doit
s’accompagner d’un conseiller par téléphone, chat ou vidéo
conférence.

L’approche financière est plus rapide avec des questionnaires


courts avec entre 10 et 25 questions. La plupart du temps il n’est
pas nécessaire de faire appel à un conseiller durant son
remplissage. On tourne autour d’un projet et de sa durée
estimée. Le choix de projet s’effectue parmi la liste suivante :
retraite, complément de revenu, financement des études des
enfants, achat d’une maison secondaire, transmission de
patrimoine ou épargne tout simplement. Si vous avez plusieurs
projets vous remplirez plusieurs fois le questionnaire en
choisissant à chaque fois un projet différent. L’approche
patrimoniale est beaucoup moins fréquente que celle financière
dans l’offre gestion de patrimoine augmentée. Sa plus grande
complexité en est probablement la cause.

2. Au niveau de la proposition de solutions

Pour le patrimoine, on débouche sur une allocation entre


différents placements reposant généralement sur la catégorie
socio-professionnelle et les répartitions et montants respectifs
du patrimoine immobilier et financier, et parfois l’expérience
financière du client. Les recommandations vont souvent vers
une forme d’équilibrage entre la part de l’immobilier (la valeur
domicile principal et secondaire si existant) et le PEL, l’épargne
salariale, PERP, PERCO, l’immobilier locatif, les SCPI ou OPCI,
l’assurance-vie, le PEA, les groupements forestiers ou viticoles.
Pour les supports financiers, on oriente le client vers une
assurance-vie, un PEA ou un compte titre dans la quasi-totalité
des cas.

3. La mise en œuvre

Nous allons nous concentrer un investissement financier avec


un profil de risque. On oscille alors entre 3 et 10 profils selon les
offres disponibles et toujours en utilisant des OPCVM ou des
fonds euros. La tendance chez les assureurs est évidemment de
détourner les particuliers des fonds euros qui pèsent sur leurs
passifs, mais notons qu’ils font toujours partie des profils les
moins risqués et apparaissent souvent dans les autres profils,
parfois jusqu’au profil agressif. En ce qui concerne la sélection
des fonds, elle s’opère dans une liste plus ou moins grande et
donc avec plus ou moins de choix. Une notation est
généralement utilisée. La principale originalité dans certaines
solutions proposées réside dans l’utilisation de trackers plutôt
que des fonds traditionnels. Les allocations d’actifs sont à
analyser à 2 niveaux. Au niveau stratégique, c’est-à-dire celui de
la structure des profils, les allocations reposent sur le passé (et
plutôt 10 ans ou moins) que ce soit au niveau des performances
ou des corrélations entre les classes d’actifs à de rares exceptions
près. La question qui se pose est qu’est-ce que si passera quand
les taux se mettront vraiment à monter ?

4. La mise à jour et les ajustements

Au niveau tactique, c’est-à-dire au niveau de l’utilisation de


marges de manœuvre autour de l’allocation stratégique et selon
les offres, on va du rebalancement mensuel au rebalancement
ponctuel selon l’orientation des marchés financiers. Le
processus d’investissement sous-jacent repose sur un comité de
gestion que l’on soit société de gestion ou non, avec selon les cas,
l’utilisation de modèle comme celui de Black-Litterman ou des
approches plus macro-économiques avec l’utilisation des cycles
économiques et la rotation des classes d’actifs qui va avec. Une
société propose plusieurs de méthodes d’allocation que le client
peut combiner selon son choix.

Que vient faire l’intelligence artificielle dans la gestion


de patrimoine augmentée ?

Les services utilisant cette technique relèvent principalement de


la GRC ou du CRM. Il s’agit par exemple de filtrer et d’envoyer à
un client des informations collectées sur internet répondant à
ses sujets d’intérêts ou collecter des informations sur l’actualité
de l’entreprise du client afin de lui en parler lors du prochain
entretien. Une seule société utilise l’intelligence artificielle dans
son allocation d’actifs parmi celles contactées.

Quelle est l’utilisation de la finance comportementale ?

Cette nouvelle discipline reconnue par des prix Nobel


d’économie (Daniel Kahneman en 2002 et Richard Thaler en
2017) nous rappelle que les humains ne sont pas que des êtres
rationnels et que des biais psychologiques peuvent les conduire
à être trop optimistes ou pessimistes ou trop audacieux ou trop
peureux par exemple. Ces nouvelles connaissances sont
particulièrement utiles pour définir un profil financier mais
aussi pour construire un portefeuille avec un probable
comportement futur adapté aux besoins d’un investisseur
particulier.

La comparaison internationale

Le marché de la gestion de patrimoine augmentée s’élève aux


Etats-Unis à 286 milliards de dollars en 2018 avec plus de 200
sociétés et environ 6 millions utilisateurs ayant un portefeuille
moyen autour de 42 000 dollars. Les prévisions sont
ambitieuses avec une croissance de 38% par an durant les 3
prochaines années. Derrière les Etats-Unis et exprimés en
dollars sous gestion, viennent la Chine avec 88 milliards et 20
fintech, le Royaume-Uni avec 20 fintech et 7.7 milliards,
l’Allemagne avec 22 fintech et 4.4 milliards, puis vient la France
avec 17 fintech et 278 millions.

Le cas Français

La France est dans une situation particulière avec des banques


et des assurances qui collectent plus de 85% de l’épargne, là ou
aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni ce sont les conseillers
financiers qui dominent la collecte avec à peu près le même
chiffre. Il faut noter que le fait que les américains ou les anglais
aient besoin de prendre en charge eux-mêmes leur retraite
explique la différence de composition du paysage financier mais
aussi de culture financière avec la France. Aujourd’hui seuls 3
millions de français sont détenteurs d’action en direct contre 7
millions en 2008. L’utilisation de solutions financières sur
internet en France est probablement limitée par la culture
financière. Une enquête de l’IFOP en 2017 montre que si 62% de
français disposant plus de 30 000 euros de patrimoine financier
pensent qu’à l’avenir les robots et applications sur smartphones
vont prendre plus de place dans le conseil pour la gestion de
patrimoine, mais seule une minorité (18%) le souhaite. Il semble
qu’uniquement les français disposant à la fois d’un patrimoine
très au-dessus de la moyenne et d’une culture financière non
nulle seront, dans un premier temps, les futurs clients de la
gestion de patrimoine augmentée. Les français préfèrent
toujours demander à leur banquier ou à leur assureur des
conseils financiers, ou plus exactement lors des contacts pour
d’autres sujets, les banquiers ou assureurs saisissent
parfaitement l’occasion pour proposer des produits financiers.
Ajoutons que le fait que l’assurance vie ne soit pas transférable
d’une compagnie à l’autre, contrairement au PEA dans les
banques, rigidifie le marché français. Ceci explique aussi le
faible rôle des conseillers financiers à leur compte (CGP) en
France, contrairement aux conseillers (IFA : Independent
Financial Adviser) américains ou britanniques.

La psychologie

Il existe une barrière psychologique forte vis-à-vis de l’utilisation


d’internet pour les questions de placements financiers. Arrive
toujours un moment lors du remplissage du questionnaire en
ligne où un blocage survient, soit parce qu’il faut charger des
documents administratifs sensibles en ligne (impôts, salaires),
soit parce que le fait de concrétiser un engagement financier
lourd par un clic inquiète soudainement.

Pour limiter ces blocages, il est souvent proposé durant le


processus de contractualisation, l’accès à des chats ou à des
conseillers au téléphone. On peut imaginer dans quelque temps,
que le recensement de tous les cas rencontrés permettra de
passer par des « chatbots », « Chat » comme discussion en ligne
et « bot » comme robot. Ce « chatbot » ou « agent
conversationnel » est un logiciel programmé pour simuler une
conversation en langage naturel. C‘est un peu le rêve d’Alan
Turing (un des fondateurs de l’informatique), qui pensait que le
jour où un humain durant une conversation, ne pourra pas faire
la différence entre un ordinateur et un humain, l’intelligence
artificielle aura franchi un grand cap.

Nous n’y sommes pas encore, mais la gestion de patrimoine


augmentée elle existe déjà.

Les sociétés rencontrées : Active Asset Allocation, Advize, Easy


Business, Elyxir, Fees and You, Fundshop, Marie Quantier,
NeuroProfiler, OneWealthPlace, WeSave, Yomoni.

Pierre HERVÉ, Président d’Advanced, Fund Analysis,


Enseigne la gestion d’actifs en master à l’université Paris
Dauphine et l’ESGF
L’intelligence artificielle au service du contrôle de
gestion : nécessité ou utopie ?
L’intelligence artificielle (IA) est désormais au cœur de la stratégie des
organisations. Les contrôleurs de gestion ont l’opportunité de créer de la valeur en
exploitant au mieux les données opérationnelles et financières disponibles dans
tous les systèmes d’information de l’entreprise. Comment tirer parti de cette
révolution technologique et mettre l’IA au service d’un contrôle de gestion
« augmenté » ?
Producteur de données ou Business Partner ?

Les contrôleurs de gestion ont pour but d’aider les managers à mieux comprendre et
piloter la performance de l’entreprise. En pratique, ils sont souvent confrontés à des
travaux fastidieux pour produire de très nombreux reporting. Les outils utilisés
communiquent difficilement entre eux en raison du manque de qualité des données ou de
référentiels non synchronisés. Le contrôleur de gestion se voit souvent contraint de
multiplier les travaux de réconciliation et les contrôles de cohérence, sans valeur ajoutée
apparente. Ainsi, on constate en général que les contrôleurs passent 80  % de leur temps
dans la production de chiffres et 20 % dans l’analyse. Trop souvent submergés par
l’analyse des performances passées, ils manquent de temps pour construire et affiner les
prévisions financières.
Les précurseurs de l’IA déjà largement adoptés en entreprise

Les fonctions marketing et commerciales ont déjà pris le virage de l’IA il y a quelques
années. Le marketing relationnel s’appuie sur l’utilisation de technologies d’apprentissage
(deep learning) permettant d’optimiser la compréhension des publications sur les réseaux
sociaux. Les banques et compagnies d’assurance déploient des  chatbots (agents
conversationnels) et font appel à l’IA pour détecter les risques de fraude.
« La vague d’appropriation de l’IA est largement passée : l’ère de l’industrialisation
a déjà commencé  !  »
Jean-Philippe Desbiolles – Vice-President – Data, Cognitive & AI – Financial
Services chez IBM
Dans les fonctions comptables, les cas d’usage des robots et de l’IA sont déjà nombreux  :
 Robotisation comptable : le traitement de la comptabilité fournisseurs poursuit
son automatisation grâce aux logiciels de RPA (Robotic Process Automation)
qui peuvent réaliser une grande partie des tâches relatives à l’enregistrement
d’une facture : connexion à la messagerie, ouverture du courriel contenant une
facture, lecture des informations, connexion à l’ERP et comptabilisation.
D’autres processus comptables chronophages comme la gestion des notes de
frais et le traitement des bulletins de paie utilisent également la RPA et des
procédés de reconnaissance optique. Notons aussi que les Directions de la
consolidation déploient des robots qui permettent d’industrialiser la collecte des
données et l’alimentation des liasses de reporting. Ces solutions permettent
aux Directions comptables d’orienter leurs équipes vers des tâches à plus forte
valeur ajoutée.
« L’intelligence artificielle, une chance historique de dés-automatisation du travail
humain : elle permet de développer des capacités proprement humaines   ».
Cédric Villani
 Data Analytics : les données comptables et financières des entreprises font
l’objet d’une analyse plus approfondie. Les grands cabinets d’audit utilisent
maintenant des outils de big data et data analytics pour la revue des FEC
(fichiers des écritures comptables), qui comptent souvent plusieurs millions de
lignes. L’exploitation des données issues du FEC est un enjeu majeur pour
passer d’un audit par sondage à un audit à partir de données exhaustives. Par
exemple, pour l’audit du chiffre d’affaires, les tests substantifs étaient
traditionnellement réalisés sur la base d’un échantillon de quelques centaines
de factures de vente. Grâce aux nouvelles technologies, les auditeurs ont la
possibilité d’analyser 100 % des opérations de vente et réaliser des tests
substantifs uniquement sur les anomalies ou incohérences relevées.
 
 Process mining : « l’exploration des processus » est utilisée au sein des
départements comptables afin de « radiographier » des processus transverses
grâce à l’analyse des données tracées dans les journaux d’évènements des
différents systèmes d’information. Par exemple, pour l’analyse du processus «
Achat » (de la demande d’achat au règlement de la facture fournisseur), le
process mining permet de cartographier les différentes transactions
enregistrées par les opérationnels et les comptables dans l’ERP et de mettre en
lumière les coûts cachés engendrés par des process non optimisés. Citons par
exemple la plateforme Celonis qui utilise un moteur d’intelligence artificielle
pour améliorer tous les processus de gestion de l’entreprise.
Le contrôle de gestion peut tirer profit de l’intelligence artificielle

Le contrôle de gestion doit permettre de modéliser et de projeter les résultats futurs de


l’entreprise. C’est précisément dans le domaine de l’analyse prédictive que l’IA peut
réaliser une avancée majeure.

L’analyse prédictive, nouveau terrain de jeu des contrôleurs de gestion


Les solutions aujourd’hui déployées pour le contrôle de gestion sont principalement :

 Des outils d’EPM (Enterprise Performance Management) : construction des


reporting sur le réalisé, élaboration budgétaire, re-prévisions financières et
analyse d’écarts
 Des outils de BI (Business Intelligence) : extraction et visualisation de données
et construction de tableaux de bord dynamiques
Les solutions EPM / BI les plus en pointe proposent déjà des fonctionnalités avancées qui
permettent :

 La mise en qualité des données et des référentiels

 La modélisation et la simulation des revenus et des coûts grâce à des


inducteurs détectés automatiquement : nombre de séries fabriquées, nombre
de commandes passées, nombre de livraisons, nombre de clients…

 La mise en place de contrôles automatisés permettant de garantir la cohérence


du modèle prévisionnel

Parmi les solutions qui mettent déjà en avant des modules d’apprentissage automatique
(Machine Learning) et d’IA, nous pouvons par exemple citer : Tagetik, SAP Analytics
Cloud, Anaplan, Onestream, IBM Planning Analytics, Pyramid Analytics, Oracle FCCS et
PBCS…

Ces outils d’analyse prédictive permettront ainsi aux contrôleurs de gestion de jouer
pleinement leur rôle de « Business Partners ». Concrètement, l’IA proposera ses
projections statistiques et le contrôleur pourra s’en inspirer pour ajuster ses propres
prévisions, réalisées de manière plus classique.

En intégrant le big data, l’IA pourra faciliter le traitement de données structurées (une
donnée financière dans un reporting) et non structurées (photos, like sur les réseaux
sociaux, tendances météorologiques…) et permettre de découvrir des corrélations
insoupçonnées jusqu’alors dans les analyses financières classiques. Comment rendre
légitime la décision proposée par la machine ? Un vrai défi qui s’annonce déjà pour le
contrôleur de gestion « augmenté » !

Dans le domaine du contrôle de gestion comme dans beaucoup d’autres domaines, il faut
considérer l’IA comme un auxiliaire et non comme un système pouvant remplacer l’être
humain. Comme le souligne Jean-Philippe Desbiolles dans son ouvrage  L’IA sera ce que
tu en feras : « une IA sait ce que nous ne savons pas, anticipe des événements que nous
n’avions pas prévus et nous propose des options auxquelles nous ne pensions pas ».
Quels sont les facteurs de complexité à appréhender ?

 Alimenter l’IA avec une grande quantité de données


L’apprentissage de la machine nécessite une quantité de données considérable car l’IA
se base sur une approche « données vers modèles ». A partir d’une importante
volumétrie de données, l’IA tente d’établir des modèles. Ainsi, une machine va apprendre
ce qu’est un chat en analysant des milliers d’images de chats, tandis qu’un humain peut
le savoir en observant trois chats. L’enjeu pour le contrôle de gestion est de s’appuyer
sur des données d’entreprise fiables qui intègrent cinq à dix ans d’historique pour nourrir
les modèles prédictifs et faciliter la détection des saisonnalités et des tendances à long
terme. En pratique, la collecte des données de gestion pour alimenter l’IA suppose de
rejouer et de mettre en cohérence les plans à long et moyen terme, budgets et re-
prévisions réalisés depuis plusieurs années dans de nombreux fichiers Excel. Il sera
également nécessaire de traiter les impacts liés aux évolutions de périmètre de
l’entreprise (acquisitions, cessions, fusions) et aux évolutions de processus et d’outils à la
direction financière.

 Assurer la qualité des données / quantifier l’incertitude


La machine n’est pas capable d’émettre un jugement sur la qualité des données. La
collecte de données fiables est indispensable en amont pour déployer une IA efficace.
Cette fiabilisation peut être obtenue grâce à des classements, ou labellisations. Par
exemple, pour que la machine puisse reconnaître une image, il faut lui indiquer le
contenu grâce à des labels. Cette étape est souvent entièrement manuelle et les erreurs
ou interprétations humaines sont possibles.

 Maîtriser les biais algorithmiques


Les biais algorithmiques sont des « parasites » qui peuvent perturber le raisonnement de
l’IA. Par exemple, dans la reconnaissance visuelle, ces « bruits » sont les nuisances
relatives au changement de position de l’objet dans l’image, changement de point de vue,
problèmes d’éclairage ou changement d’expression du visage. Ainsi, pour une voiture
autonome qui est face à un panneau de stop, si un sticker est collé sur ce panneau (un
biais), la machine risque de l’interpréter comme un autre panneau de signalisation et
risquera d’adopter une trajectoire inadaptée. L’IA au service du contrôle de gestion ne
sera pas à l’abri de ces biais algorithmiques, que les équipes devront pouvoir détecter et
corriger.

Anticiper le virage de l’IA !

Déployer l’IA au sein d’une direction financière suppose d’engager une démarche
structurée de gestion de projet : cadrage des besoins, sélection de la plateforme la plus
adaptée, collecte des données, mise en œuvre et déploiement de la solution, formation et
conduite du changement…

« Si vous voulez construire un bateau, ne vous contentez pas de réunir des


hommes, du bois et du fer, mais parlez-leur des mers que le navire sillonnera
jusqu’à les en faire rêver … »
Antoine de Saint-Exupéry
Un « champion de l’IA » devra être nommé pendant la période de mise en œuvre du
projet. Cette personne n’est pas nécessairement un expert de l’IA, car aujourd’hui, il suffit
de savoir manier les données et d’avoir des bases en programmation pour créer
rapidement des modèles d’IA.

S’intéresser aux changements technologiques et s’y préparer est une priorité pour le
contrôle de gestion. Les premiers projets qui s’annoncent aideront à définir les bonnes
pratiques et les démarches les plus adaptées pour explorer les nouvelles frontières du
contrôle de gestion…

À PROPOS DES AUTEURS

David Hatchuel est associé au sein du Cabinet Emerson Audit & Conseil. Diplômé du
Master Banque et Finance de Dauphine et d’expertise comptable, il accompagne la
transformation digitale des directions financières sur leurs projets d’évolution des
systèmes d’information, d’amélioration de l’efficacité des fonctions financières et de
pilotage de la performance.

Claire Filet est consultante junior au sein du Cabinet Emerson Audit & Conseil. Diplômée
du Master Contrôle, Gouvernance et Stratégie de Dauphine et passionnée par l’IA, elle
accompagne la transformation digitale des directions financières.

À PROPOS D’EMERSON AUDIT ET CONSEIL

Constitué d’une équipe de 120 consultants, Emerson Audit & Conseil couvre à la fois les
métiers de l’expertise comptable, de l’audit et du conseil. Le cabinet, en fort
développement, accompagne les Directions Financières de tailles et de secteurs très
diversifiés, au travers de missions d’assistance fonctionnelle et de missions de gestion de
projets de transformation et d’amélioration des organisations et des systèmes
d’information.
L'impact de l'Intelligence Artificielle sur le Contrôle de
Gestion Achats

L’intelligence artificielle (IA) est une réalité de plus en


plus tangible pour les organisations privées et publiques.
De nombreuses Directions Achats se préparent à
l’arrivée de cette lame de fond technologique qui va, les
premiers écueils dépassés, les transformer
profondément.
Les processus Achats (S2C et P2P) manipulent naturellement un volume
conséquent de données. Ils sont à la confluence d’autres processus tout
aussi gourmands en données (La qualité, la conformité, la comptabilité, les
ventes, ...).

Or, la donnée est le carburant premier de l’intelligence artificielle. L’IA peut


extraire des informations pertinentes parmi une masse importante de
données et identifier un cheminement logique. L’IA c’est une « nouvelle
frontière » en matière d’aide à la décision.

Ainsi, on peut donc imaginer que le contrôle de gestion Achats va


rapidement s’équiper de ces nouvelles technologies et sensiblement
affirmer un positionnement aujourd’hui bien « timide ».

Le contrôle de gestion Achats « augmenté »


Le contrôle de gestion Achats butait, jusqu’il y a peu, sur plusieurs
difficultés, qui brident son développement :

1. Disposer, en temps réel, de données issues de sources diverses (y


compris externes)
2. Nettoyer et rapprocher des données de qualité très hétérogène
3. Automatiser et maintenir un certain nombre de traitements
4. Produire et communiquer des analyses, y compris prédictives voire
« prescriptives »

La bonne, la grande nouvelle c’est que la convergence des technologies


« Big data », « ETL », « AI » et « Data visualization » autorise de lever tous
ces obstacles.
Notre retour d’expériences est que le coût moyen de mise en œuvre d’une
solution d’aide à la décision, orientée Achats, est divisé par 5 ou 10. Si tant
est qu’il soit possible de considérer que cette solution eut pu être
développée avec les technologies d’hier ...

Nous avons récemment « augmenté » une solution décisionnelle Achats,


en trois mois. Nous avons mobilisé les technologies suivantes :

1. Orchestrateur d’API, Open Data et Big Data


La mise en œuvre d’un orchestrateur d’API nous a permis d’accéder à une
grande diversité de données, y compris externes à l’organisation (Open
Data). Ces données atteignant rapidement un volume conséquent (Big
Data) ont été stockées dans le « cloud » pour s’affranchir de toute
contrainte liée aux infrastructures.

3. ETL
La mise en œuvre d’une technologie ETL (Extract, Transform and Load)
c’est la possibilité qui nous a été donnée de nettoyer, « redresser »,
consolider des données brutes issues de sources diverses, puis
d’industrialiser ces traitements.

4. AI
Nous nous sommes appuyés sur des algorithmes d’intelligence artificielle
pour analyser les données et rechercher des schémas récurrents (Machine
Learning). Ainsi, de nombreuses activités liées à la mesure de la
performance Achats ont pu être automatisées.

5. Data visualization (Descriptive, prédictive, prescriptive


« analytics »)
La finalité d’un système décisionnel est de produire des indicateurs
permettant de comprendre ce qui s’est passé (Descriptif), ce qui peut se
passer (Prédictif) et ce qu’il est opportun de faire (Prescriptif). Les nouvelles
solutions de « data visualization » mises en œuvre permettent d’ores et
déjà de produire aisément des tableaux de bord et de disposer d’analyses
descriptives voire prédictives.

La mise en œuvre de ces nouvelles technologies transforme sensiblement


la façon d’appréhender le reporting de la fonction Achats, le dialogue de
cette dernière avec les autres fonctions de l’organisation (notamment la
fonction « Finances ») et fondamentalement son positionnement.

Le rôle du contrôle de gestion Achats va indéniablement être renforcé.


Véritable interface avec les Directions impactées par les Achats, il sera la
cheville ouvrière de la mise en œuvre de ces solutions décisionnelles.

Des besoins de formation et de recrutement vont vite émerger. Quand ils


existent (ce qui reste rare), les contrôleurs de gestion ne sont pas familiers
avec les nouvelles possibilités qui s’offrent à eux et encore moins avec les
techniques de « Data labeling », « Machine learning » ou encore
« Unsupervised learning » ...

Quelle trajectoire emprunter ?


Comme c’est chaque fois le cas lorsque de nouvelles technologies
émergent, les organisations (qu’elles soient publiques ou privées)
retiennent des trajectoires d’adoption diverses. Certaines prennent un
chemin prudent, fait de petits pas, d’autres prennent des chemins plus
ambitieux mais plus périlleux, d’autres enfin laissent aux premières le soin
d’essuyer quelques plâtres et « suivent ».

Les projets e-Sourcing et eProcurement, lancés au tout début des années


2000 avec l’émergence du Web, ont marqué une rupture avec ceux du
siècle dernier. Les projets pharaoniques ont laissé la place à des
approches beaucoup plus raisonnables, guidées par les attentes « métier ».
Les solutions du marché sont aujourd’hui quasiment toutes disponibles en
mode SaaS, elles autorisent de maîtriser les coûts de maintenance mais
laissent une part congrue aux développements spécifiques.

Les nouvelles technologies qui sont aujourd’hui disponibles vont non


seulement offrir un nouveau champ des possibles d’un point de vue
« fonctionnel », mais elles vont également autoriser une nouvelle réduction
sensible des coûts informatiques tout en donnant beaucoup plus d’agilité au
Système d’Information. Celui-ci peut être bâti de façon extrêmement rapide
et, à l’instar d’un « Légo », ses briques peuvent être modifiées pour
accompagner les besoins de l’organisation. Le Système d’Information
(re)devient un véritable actif concurrentiel.

L'approche progressive
S’il est important de ne pas rater le train, nous recommandons cependant
une approche progressive tant les impacts sur le SI mais aussi sur le métier
sont potentiellement importants.

La prise en main de ce nouveau « véhicule » technologique et de toutes


ses possibilités suppose du temps et un peu recul. Accessoirement, nous
l’avons écrit plus avant, ces solutions sont structurellement évolutives et les
inconvénients liés à une démarche « agile » sont réduits.

Nous recommandons donc de commencer par la construction de tableaux


de bord simples mais avec un véritable impact « business ». Il s’agit de
marquer les esprits et d’engager le processus de transformation avec tous
les soutiens, à commencer par celui de la Direction Générale. Nous avons
fait, par exemple, le choix de concevoir des solutions qui intègrent des
données (internes ou externes) jusqu’ici très rarement rapprochées parce
qu’issues de sources « éloignées » les unes des autres. Une fois les ponts
créés, nous avons augmenté progressivement la profondeur des analyses
et l’usage qui est fait de celles-ci.

Les perspectives de gains immédiats (ainsi que l’intérêt d’appréhender des


technologies et modes de travail qui seront rapidement incontournables)
justifient amplement un investissement. Comme toute « révolution », il est
important d’intégrer ces impacts à la trajectoire stratégique de la fonction
Achats, notamment en matière de schéma directeur du SI et de conduite du
changement.

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