Octobre 2009

L’impact institutionnel de l’accord de libre-

échange Maroc/États-Unis sur l’évolution de
la politique marocaine du travail
Rabii Haji
tions. Le libre-échange a produit un effet
Le travail est l'un des moyens essentiels positif en termes d’impulsion, de dynamisa-
pour le développement du pays [Maroc], la tion et d’accompagnement des réformes so-
préservation de la dignité de l'homme et ciales pour le respect et la promotion des
l'amélioration de son niveau de vie ainsi que droits fondamen-
pour la réalisation des conditions appro- taux au travail.
priées pour sa stabilité familiale et son dé- Cela se vérifie au
veloppement social1. niveau de
l’adoption d’un
Dans le cadre de cette note de synthèse2, nouveau Code du
nous allons exposer et analyser l’impact ins- travail et
titutionnel qu’a exercé l’accord de libre- l’institutionnalisati
échange signé en 2004 avec les États-Unis, on des rapports et
sur l’évolution de la politique, de la législa- des modes de né-
tion et des institutions du travail au Maroc. gociation entre
En effet, depuis la signature de cet accord, la employeurs et employés. Toutefois, on doit
politique marocaine du travail a connu une signaler que malgré cette évolution positive,
évolution significative, marquée par le Maroc doit encore faire face à un certain
l’adoption d’un certain nombre de réformes nombre de défis, dont le contrôle du respect
sociales et la création de nouvelles institu- et de l’effectivité (law enforcement) des dis-
positions du Code du travail, car le manque
1 de moyens humains et financiers nécessaires
Ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle,
2004, « Code de Travail », Rabat, p. 9. En ligne :
risque de neutraliser l’effet réformateur de ce
http://www.tanmia.ma/IMG/pdf/code_de_travail.pdf code et entraîner un décalage entre les dispo-
2
L’auteur tient à remercier les personnes rencontrées et inter- sitions juridiques et la réalité pratique.
viewées dans le cadre de ce travail pour leur générosité et leur
disponibilité, le lecteur anonyme ainsi que Valérie Fournier-
L’Heureux pour le travail d’édition et de correction.
 Rabii Haji

Serons étudiés, dans un premier temps, les 18,4 % en milieu urbain, de 15,4 % chez les
principaux effets de l’accord de libre- jeunes actifs âgés de 15 à 24 ans et de 26,9 %
échange (ALÉ) en matière des droits fonda- chez les diplômés ayant un niveau
mentaux au travail. Dans un deuxième temps, d’enseignement supérieur.
nous allons discuter des principales lacunes
et des défis auxquels doit faire face la politi-
Le Maroc a adopté une approche multidi-
que marocaine du travail afin d’aboutir à un
mensionnelle pour promouvoir sa croissance
meilleur respect des droits des travailleurs.
économique, en capitalisant sur sa stabilité
politique et son positionnement géostratégi-
Tab. 1. Données économiques et
que aux portes de l’Europe, du monde arabe
organisation du travail au Maroc
et de l’Afrique. Cette approche met en exer-
Population (millions d’habitants) 30,5 gue le respect et la promotion de la conven-
tion de l’Organisation internationale du tra-
Espérance de vie à la naissance 71 ans vail (OIT) sur les principes et droits fonda-
mentaux au travail en tant que vecteur pour
Taux d’alphabétisation des adul- 52,3 la création de l’emploi et la protection des
tes (% de la population de plus de
15 ans) droits des travailleurs. Le Maroc est membre
PIB (en milliards de $ É.-U.) 65,4 de l’OIT depuis 1956. Il a ratifié 49 conven-
tions, dont sept conventions fondamentales.
Investissement direct étranger (en 2699 Sur ces 49 conventions, 48 sont en vigueur.
millions de $ É.-U.) Toutefois, il n’a encore pas ratifié la conven-
Source : Indicateurs de développement dans le monde (avril tion no. 87 portant sur la liberté syndicale et
2008)
la protection du droit syndical.
Le Maroc est une monarchie constitution-
nelle, démocratique et sociale, qui a opté Au niveau gouvernemental, c’est le Mi-
depuis très longtemps pour le pluralisme nistère de l’Emploi qui est chargé d'élaborer
politique, le libéralisme économique, et et de mettre en œuvre la politique gouverne-
l’ouverture sur le commerce international. Il mentale dans les domaines du travail ainsi
s’est engagé, au cours des années quatre- que de la protection et prévoyance sociale
vingt, dans un programme d’ajustement des travailleurs. À ce titre, il est chargé de:
structurel pour se mettre au niveau de la
compétitivité internationale qu’exige cette • Élaborer des projets de textes légi-
ouverture économique. Son adhésion au slatifs et réglementaires relatifs à
commerce international s’est renforcée et a l’emploi, au travail et à la protection
été consacrée par la conclusion d’un certain sociale des travailleurs et d’en assu-
nombre d’accords de libre-échange, dont rer le contrôle d’application;
notamment celui avec l’Union européenne, • Promouvoir les négociations collec-
signé en 1996, et celui avec les États-Unis, tives entre les partenaires sociaux,
signé en 2004. animer le dialogue social et partici-
Le pays a su maintenir une relative stabi- per au règlement des conflits du tra-
lité de son cadre macro-économique. vail;
L’inflation est restée au dessous de 2 %. Le • Réaliser des études et travaux de re-
déficit budgétaire est demeuré à un niveau cherches nécessaires à la promotion
moyen de 3,6 %. Toutefois, le grand défi de l’emploi, du travail et de la pro-
qu’envisage la politique économique maro- tection sociale des travailleurs;
caine est celui de la création de l’emploi • Définir des actions et mesures sus-
productif pour lutter contre le chômage. Se- ceptibles de développer les possibi-
lon les enquêtes sur l’emploi en 2004, le lités du marché de l’emploi;
chômage touche 10,8 % de la population • Représenter le gouvernement auprès
active contre 12,3 % en 2001. Ce taux est de des organisations internationales et

2
L’impact de l’ALE Maroc/États-Unis sur la politique marocaine du travail

régionales spécialisées dans le do-

maine du travail; Tab. 2. Liste des conventions de l’OIT sur les
• Participer à toute négociation bilaté- principes et droits fondamentaux au travail
rale, régionale ou multilatérale im- ratifiées par le Maroc
pliquant les questions du travail; et
Année de ratifica-
• Promouvoir et contrôler les actions
Convention tion
de protection sociale en faveur des
travailleurs.
Convention N° 29 (1930) sur le 1957
Par ailleurs, le patronat et les travailleurs travail forcé
sont des acteurs fondamentaux en matière de Convention N° 98 (1949) sur le 1957
la régulation de la politique marocaine du droit d’organisation et de négo-
ciation collective
travail. Le patronat est organisé dans le cadre
Convention N° 105 (1957) sur 1966
de la Confédération générale des entreprises l'abolition du travail forcé
du Maroc (CGEM), alors que les travailleurs Convention N° 100 (1951) sur 1979
sont organisés dans le cadre d’un certain l'égalité de rémunération
nombre d’organisations syndicales, dont Convention N° 111 (1958) 1963
l’Union marocaine des travailleurs (UMT), concernant la discrimination
l’Union générale des travailleurs au Maroc dans l’emploi et la profession
(UGTM), la Confédération démocratique du Convention N° 138 (1973) sur 2000
travail (CDT) et la Fédération démocratique l'âge minimum d'accès à
l’emploi
du travail (FDT).
Convention N° 182 (1999) sur 2001
les pires formes de travail des
enfants
L’impact du libre-échange sur l’évolution Note : Le Maroc n’a pas encore ratifié la convention N° 87
de la politique du travail au Maroc (1948) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndi-
cal
L’évolution récente de la politique maro-
caine du travail peut être étudiée à deux ni- Tout d’abord, ce n’est pas un hasard si
veaux : premièrement, celui de l’adoption l’année de signature de l’accord de libre-
pour la première fois d’un Code de travail et, échange avec les États-Unis (2004), a coïnci-
deuxièmement, la création de certaines ins- dé avec l’année d’adoption par le Maroc, et
titutions permanentes de négociation et de pour la première fois depuis son indépen-
dialogue entre employeurs et employés. dance en 1956, d’un code rassemblant
l’ensemble de sa législation nationale en
L’adoption du Code du travail matière de travail. Une des conditions exi-
gées par la partie américaine pour la conclu-
L’Accord de libre-échange Maroc/États- sion de l’ALÉ avec le Maroc était l’adoption
Unis représente du point de vue des théori- par ce dernier d’un texte juridique écrit, ras-
ciens promouvant l’intégration des questions semblant et régissant les questions des droits
sociales au sein du commerce, une preuve et au travail.
un modèle du rôle incitateur dont peut se
prévaloir le commerce pour la création de L’adoption d’un tel texte a été considérée
l’emploi3, la lutte contre l’exploitation du comme une avancée très positive en matière
travailleur et la consécration de sa place en de protection et consécration des droits du
tant qu’acteur économique et créateur de la travail. Elle permet une clarification des dis-
richesse positions en la matière, une fiabilité de
l’information et une transparence vis-à-vis
3
Pierre-Richard Agénor et Karim El Aynaoui, 2003, « Unem-
des acteurs économiques et sociaux, y com-
ployment and Labor Market Policies in Morocco: A Quantita- pris les investisseurs étrangers. À cet effet,
tive Analysis », World Bank Policy Research Working Paper, l’ensemble de mes interlocuteurs au Maroc
No. 3091, p. 174.

3
 Rabii Haji

m’ont confié que le libre-échange avec les D’autre part, le code a institutionnalisé les
États-Unis a accéléré et aidé le Maroc dans négociations collectives entre employeurs et
ses efforts de modernisation, de réforme et employés pour mettre fin au cycle de tension
d’institutionnalisation de sa législation du caractérisant leurs rapports, et ce, en recon-
travail. naissant et en organisant le droit à la négo-
ciation collective6. Il interdit spécifiquement
L’adoption du Code du travail est ainsi aux employeurs de licencier des travailleurs
l’un des principaux effets institutionnels de la qui auraient participé à une action légitime
conclusion d’un accord de libre-échange de syndicalisation. Les tribunaux ont égale-
avec les États-Unis en matière du travail. Son ment le pouvoir de réintégrer des travailleurs
adoption a été retardée dans le passé, d’une licenciés arbitrairement, tout comme celui
part à cause d’une politisation et d’une ins- d’obliger les employeurs à payer des indem-
trumentalisation des rapports sociaux par nités et les arriérés de salaire. Le travailleur
certains acteurs et partis politiques et, d’autre occupe dorénavant une place centrale dans la
part, en raison d’un manque de volonté de la nouvelle vision marocaine de progrès social
part du patronat et des syndicats de se mettre et de développement. Le nouveau Code dis-
d’accord sur un seuil minimum à respecter pose à cet effet que : « [le] travail ne consti-
dans leurs relations de travail. Ceci est le cas tue pas une marchandise et le travailleur n'est
notamment en ce qui a trait aux méthodes de pas un outil de production. Il n'est donc per-
recrutement, rémunération et augmentation mis, en aucun cas, d'exercer le travail dans
de salaire, salaire minimum, heures de tra- des conditions portant atteinte à la dignité du
vail, droit de grève, représentation syndicale, travailleur. »7
négociation collective et procédure de licen-
ciement4. Institutionnalisation et régulation des rap-
ports sociaux et de travail
Dans cette optique, l’apport principal du
nouveau Code de travail est celui de la clari- Outre l’adoption pour la première fois dans
fication et de la pacification des relations l’histoire du Maroc d’un Code du travail, on
professionnelles, à travers l’instauration se doit de signaler également la création d’un
d’une culture de dialogue social institution- certain nombre d’institutions chargées de la
nalisé. En optant pour une modernisation des régulation des rapports sociaux entre em-
relations de travail et en cherchant à rendre ployeurs et employés. L’objectif est d’assurer
l’économie marocaine d’une part plus at- la conformité et le respect par le Maroc de la
trayante pour les investisseurs étrangers et, Déclaration de l’OIT relative aux principes et
d’autre part, capable de faire face aux défis droits fondamentaux au travail8. Ces institu-
du libre-échange, le code contient des réfor- tions représentent une sorte de forums de
mes qui visent une meilleure régulation du rencontre et de dialogue, où toutes les parties
marché du travail. Il permet, par exemple, le prenantes peuvent discuter de leurs attentes
recours aux contrats de travail temporaires et et objectifs et trouver des solutions aux défis
à la sous-traitance des services ainsi qu’une qu’ils rencontrent dans des conditions pacifi-
clarification de la réglementation relative au ques. Il s’agit du comité d’entreprise, des
licenciement5. Il inclut aussi des dispositions
visant à mettre la législation marocaine en
conformité avec les conventions de l’OIT, tel 6
Celle-ci ne peut être menée que par l’organisation syndicale
qu’il est spécifié dans le cadre de l’accord. « la plus représentative », c’est-à-dire incluant au moins 35 %
du nombre total des délégués des employés élus au niveau
d’une entreprise ou d’un établissement.
7
Ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle,
4
Banque mondiale/Groupe de développement économique et idem.
8
social, Moyen-Orient et Afrique du Nord, 2006, « Royaume Colin Fenwick et Thomas Kring, 2007, « Rights At Work:
du Maroc : promouvoir la croissance et l’emploi par la diver- An Assessment of the Declaration’s Technical Cooperation in
sification productive et la compétitivité », Mémorandum Select Countries », Report to the U.S. Department of Labor,
économique pays. Rapport n° 32948-MA, vol. I, p. 61. Washington DC, p. 25.
5
Idem.

4
L’impact de l’ALE Maroc/États-Unis sur la politique marocaine du travail

conseils d’hygiène et de sécurité, du poste de leurs droits. Il a deux missions principales.

délégué des salariés et du bureau syndical. Premièrement, il doit présenter à l’employeur
toutes les réclamations individuelles qui
• Le comité d’entreprise n’auraient pus être directement satisfaites et
relatives aux conditions de travail découlant
En vertu du titre III du Code de travail, ce de l’application de la législation du travail; le
comité est créé au sein de chaque entreprise contrat de travail; la convention collective de
employant au moins cinquante salariés. Le travail. Deuxièmement, il doit saisir
comité d'entreprise comprend : l'employeur l’inspecteur du travail du dossier en cas de
ou son représentant; deux délégués des sala- désaccord.
riés élus par les délégués des salariés de l'en-
treprise et un ou deux représentants syndi- • Le bureau syndical
caux dans l'entreprise, le cas échéant.
Le syndicat le plus représentatif, à savoir
Le comité d'entreprise est responsable dans celui ayant obtenu le plus grand nombre de
le cadre de sa mission consultative des ques- voix aux dernières élections professionnelles
tions suivantes: les transformations structu- au sein de l'entreprise ou de l'établissement, a
relles et technologiques à effectuer dans l'en- le droit de désigner, parmi les membres du
treprise; le bilan social de l'entreprise lors de bureau syndical dans l'entreprise ou dans
son approbation; la stratégie de production de l'établissement, un ou des représentants syn-
l'entreprise et les moyens d'augmenter la dicaux selon la logique qui suit : de 100 à
rentabilité; l'élaboration de projets sociaux au 250 salariés = 1 représentant syndical ; de
profit des salariés et leur mise à exécution; 251 à 500 salariés = 2 représentants syndi-
les programmes d'apprentissage, de forma- caux; de 501 à 2000 salariés = 3 représen-
tion et d’insertion, de lutte contre l'analpha- tants syndicaux; de 2001 à 3500 salariés = 4
bétisme et de formation continue des salariés. représentants syndicaux; de 3501 à 6000
Sont mises à la disposition des membres du salariés = 5 représentants syndicaux; et en-
comité toutes les données et tous les docu- fin, plus de 6000 salariés = 6 représentants
ments nécessaires à l'exercice des missions syndicaux. Conformément aux dispositions
qui leur sont dévolues. Il se réunit une fois de l'article 396 du Code, le représentant syn-
tous les six mois et chaque fois que cela dical dans l'entreprise est chargé de présenter
s'avère nécessaire. Il peut inviter à participer à l'employeur ou à son représentant le dossier
à ses travaux toute personne appartenant à des revendications, défendre les revendica-
l'entreprise ayant de la compétence et de tions collectives et engager les négociations à
l'expertise dans sa spécialité. cet effet ainsi que participer à la conclusion
des conventions collectives.
• Les conseils d’hygiène et de sécurité
En général, toutes ces institutions ont été
Il s'agit de conseils composés de l'em- conçues dans le cadre de la pacification et de
ployeur, du chef du service de sécurité, du l’amélioration des rapports sociaux entre
médecin du travail et de deux délégués des employeurs et employés. Toutefois, dans la
salariés. Ils sont responsables de détecter les pratique on peut relever que seulement un
risques professionnels auxquels sont exposés nombre très réduit d’entreprises qui ont pro-
les employés de l'entreprise et d’assurer l'ap- cédé à la création et à la mise en œuvre de
plication des textes législatifs et réglementai- ces institutions, d’où toute la question de
res concernant la sécurité. l’effectivité du droit du travail et de son ap-
plication concrète.
• Le délégué des salariés

Le délégué des salariés est un salarié élu Évaluation de la politique marocaine

par ses collègues pour défendre le respect de du travail

5
 Rabii Haji

Si le fait que le Maroc a procédé à la ré- Le travail des enfants

forme de sa législation sur le travail peut être
considéré comme une étape fondamentale Depuis 2004, c'est-à-dire depuis la date
pour assurer une meilleure protection des d’adoption de l’accord de libre-échange et du
droits des travailleurs, n’empêche de consta- Code du travail, le gouvernement marocain a
ter que cette étape à elle seule reste insuffi- élaboré un certain nombre de textes juridi-
sante en l’absence des mécanismes et ques régissant et interdisant l’emploi et
moyens humains et financiers nécessaires l’exploitation des enfants dans les milieux
pour en assurer l’effectivité, le respect et la de travail. Le nouveau code a introduit un
conformité. Car il ne suffit pas de faire des certain nombre de réformes substantielles et
lois et de créer des institutions, mais encore structurelles en la matière. Il a élevé l’âge
d’en garantir l’effectivité (law enforcement) minimum pour travailler de 12 à 15 ans. De
et le respect. Ce décalage entre les disposi- même, il a conditionné le travail des enfants
tions textuelles et les faits pratiques se vérifie de 15 à 18 ans par un certain nombre de dis-
à différents niveaux des principes et droits du positions à respecter de la part des em-
travail, dont la non-discrimination, le travail ployeurs, et ce, en termes d’heures et du
des enfants, le travail forcé, la liberté syndi- temps de travail ainsi que des activités pou-
cale et le droit de négociation collective ainsi vant être exercées. Toutefois, on doit signaler
que la sécurité dans les lieux de travail. que le respect de ces dispositions dans la
pratique se révèle très difficile, notamment
La non-discrimination salariale en raison de la faiblesse des moyens humains
et financiers disponibles pour contrôler la
Dans la littérature théorique, la notion de conformité des employeurs à la législation et
discrimination salariale fait référence à un en raison aussi de l’emploi des enfants la
traitement défavorable envers certains indi- majorité du temps dans le secteur informel10.
vidus ayant une particularité commune et De même, on peut reprocher au Code du
indépendamment de leurs caractéristiques travail de ne pas avoir prévu des sanctions
productives. C'est le plus souvent en raison suffisamment adéquates et dissuasives pour
de leur âge ou de leur sexe que certains sala- assurer l’application des dispositions de la
riés peuvent être victimes de discrimination. Convention de l’OIT sur les travaux dange-
Dans certains cas, cette notion fait référence reux. Les articles 150 et 183 du Code pré-
à un traitement inégal en raison de l'origine voient une amende de seulement 300 à 500
sociale, de la religion, de la nationalité ou dirhams (36 à 60 $ É.-U.) pour une violation
encore du sexe, comme c’est le cas au Ma- de l’interdiction d’employer des enfants de
roc. Car même si ce dernier a ratifié les moins de 18 ans dans des travaux dangereux.
conventions de l’OIT sur le principe de non-
discrimination, dans la pratique, les femmes Le travail forcé
sont victimes d’une discrimination salariale.
Une personne active sur quatre est une
femme et leurs salaires sont en moyenne
marché du travail et genre dans les pays du Maghreb : quels
d’un tiers inférieur à celui des hommes. Le marchés du travail?, Rabat, p. 2.
principe de « travail égal, rémunération
10
égale » n’est pas respecté. Les femmes sont À l'échelle nationale, le ministère de l'Emploi ne compte
qu’un effectif de 469 inspecteurs du travail, dont 396 inspec-
victimes d’une pénalisation salariale due teurs exerçant déjà et 73 autres en cours de formation. Même
essentiellement au désavantage féminin, que pour une ville comme Casablanca, qui compte 24 995
entreprises, les services de contrôle ne disposent que de 75
c'est-à-dire à une moindre valorisation de inspecteurs du travail, 7 médecins inspecteurs du travail et un
leurs habiletés et compétences9. seul ingénieur de sécurité inspecteur du travail. Ils sont au
total 83 inspecteurs, soit un inspecteur par 333 entreprises. Il
existe de facto une absence d'efficacité de contrôle sur le
9
Khalid Soudi, 2006, « La discrimination salariale entre terrain du fait de l'inadéquation de ces ressources par rapport
hommes et femmes au Maroc urbain: une autre dimension de aux fonctions préconisées.
la question gendorielle sur le marché du travail », Colloque

6
L’impact de l’ALE Maroc/États-Unis sur la politique marocaine du travail

Le cas des travailleurs domestiques, sou- statistiques du Ministère de l'Emploi, 10 %

vent des filles âgées de moins de 18 ans, est seulement des entreprises marocaines opérant
une des pires manifestations du travail forcé. dans le secteur du textile ont créé un CSH,
Il s’agit souvent de filles provenant des ré- alors qu'à peine 7 % de celles qui sont spé-
gions rurales qui, malgré elles, se trouvent cialisées dans le bâtiment et les travaux pu-
forcées de travailler au profit de leur père blics ont respecté les dispositions du Code du
auprès de certaines familles dans le milieu travail en la matière. D'autre part, aucune
urbain, et ce, dans des conditions très diffi- société marocaine opérant dans le secteur
ciles pour leur développement psychologi- agricole n'a créé de conseil de sécurité et
que, et souvent sans avoir droit à l’éducation d'hygiène.
et en étant en plus exposées à des risques de
harcèlement et d’agression sexuelle. Cette Conclusion
catégorie de travailleurs n’est pas abordée ni
régulée par le Code du travail, ce qui repré- En guise de conclusion, on peut affirmer
sente un vide juridique et une absence de que le libre-échange a eu un impact très po-
protection légale. sitif sur l’évolution et la réforme de la politi-
que marocaine du travail. Il permet
Liberté syndicale et droit de négociation l’introduction d’une nouvelle vision relative
collective au respect des droits du travailleur ainsi que
la consécration de sa place dans la société en
Le Maroc n’a pas encore ratifié la tant qu’acteur économique et vecteur de dé-
Convention no. 87 (1948) de l’OIT sur la veloppement. Toutefois, le processus de ré-
liberté syndicale et la protection du droit forme n’en est qu’à ses débuts, et le législa-
syndical11. Toutefois, les travailleurs maro- teur marocain est appelé à continuer les ré-
cains sont libres de constituer un syndicat ou formes en profondeur, non seulement en
d’y adhérer sans autorisation préalable, mais produisant d’autres lois12, mais également et
ils doivent suivre des procédures administra- surtout en assurant les moyens de contrôle de
tives très lourdes et fastidieuses. De plus, il l’application et du respect de ses lois.
est interdit pour certaines fonctions de se
constituer des syndicats. C’est le cas par
exemple des membres de la magistrature
ainsi que des travailleurs domestiques et
agricoles qui ne sont pas couverts par le
Code du travail, ce qui les prive du droit de
former des syndicats.

La sécurité dans les lieux de travail

Malgré l’importance accordée à ce prin-

cipe dans le cadre du Code de travail, seule-
ment un nombre très réduit d'entreprises as-
sujetties (celles employant plus de 50 sala-
riés) ont procédé à la création des Conseils
de sécurité et d'hygiène (CSH). Selon les

11
Confédération syndicale internationale, 2009, Les normes
12
fondamentales du travail reconnues à l’échelle internationale Fondation européenne pour la formation, 2006, « Les réfor-
: rapport en prévision de l’examen par le Conseil général de mes des politiques de l’emploi au Moyen-Orient et en Afrique
l’OMC des politiques commerciales du Maroc, Genève, p. 2. du Nord », Torino, p. 57.

7
Références

Agénor Pierre-Richard et El Aynaoui Karim, 2003, «

Unemployment and Labor Market Policies in Mo-
rocco: A Quantitative Analysis », World Bank Pol-
icy Research Working Paper, No. 3091, Washington
DC.

Banque mondiale/Groupe de développement économique

et social, Moyen-Orient et Afrique du Nord, 2006,
« Royaume du Maroc : promouvoir la croissance et
l’emploi par la diversification productive et la com-
pétitivité », Mémorandum économique pays. Rap-
port n° 32948-MA, vol. I., Washington DC.

Confédération syndicale internationale, 2009, « Les

normes fondamentales du travail reconnues à
l’échelle internationale », Rapport en prévision de
l’examen par le Conseil général de l’OMC des poli-
tiques commerciales du Maroc, Genève.

Fenwick Colin et Thomas Kring, 2007, « Rights At

Work: An Assessment of the Declaration’s Techni-
cal Cooperation in Select Countries », Report to the
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Fondation européenne pour la formation, 2006, « Les

réformes des politiques de l’emploi au Moyen-
Orient et en Afrique du Nord », Torino.

Ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle,

2004, « Code de Travail », Rabat, Disp en ligne :
http://www.tanmia.ma/IMG/pdf/code_de_travail.pdf

Soudi Khalid, 2006, « La discrimination salariale entre

hommes et femmes au Maroc urbain: une autre di-
mension de la question gendorielle sur le marché du
travail », Colloque marché du travail et genre dans
les pays du Maghreb: quels marchés du travail?,
Rabat.

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