Bollecker Marc
Bollecker Marc
Bollecker Marc
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Introduction
Depuis les années soixante dix, la recherche en contrôle de gestion se caractérise par
une ouverture disciplinaire marquée. Bien que développant ses propres outils et concepts à
l’intersection de l’audit et de la comptabilité (Dupuy, 2002), le contrôle de gestion se diversifie.
Ses relations avec la sociologie (Amintas, 1999, 173), les théories économiques (Langevin,
1999), la sociologie et la philosophie (Bessire, 2002), la science des systèmes (Lacroux, 1999)
montrent son ouverture vers d’autres disciplines. Les thématiques de certains numéros spéciaux
de la revue Comptabilité, Contrôle, Audit témoignent également d’une telle ouverture :
sociologie de la comptabilité (CCA, 2004), histoire de la comptabilité, du management et de
l’audit (CCA, 2005).
Une telle tendance nous a conduit à nous interroger sur les frontières de la discipline en
analysant les pratiques des chercheurs en matière d’emprunt théorique. Les travaux de ce type,
qui visent à faciliter la visualisation du cœur du champ d’une discipline, de sa périphérie, des
principaux programmes de recherche qui la constituent ainsi que de leurs liaisons (Igalens et
Roussel, 1998, 57), se développent depuis plusieurs années. Qu’il s’agisse de l’analyse de
l’influence des penseurs français sur la recherche en comptabilité (Gendron et Baker, 2001), de
l’étude des auteurs, revues et centres de recherche les plus productifs (Charreaux et Schatt,
2005, Lowe et Locke, 2005) de la structure des connaissances dans la discipline (Chtioui et
Soulerot, 2006) ou encore des caractéristiques des articles publiés dans un support (Bhimani,
2002, Gosselin, 2005), les publications sont nombreuses. Malgré la pluralité de ces travaux,
aucune contribution ne porte, à notre connaissance, sur le degré de perméabilité des travaux en
contrôle de gestion à des cadres conceptuels externes susceptibles de porter un éclairage sur les
relations entre les disciplines.
Cet article analyse, dans un premier temps, les enjeux d’une démarche d’emprunt pour
les Sciences de gestion et surtout pour le contrôle de gestion (1.). Dans un second temps, les
pratiques des chercheurs dans le domaine sont cernées à partir de l’analyse de huit années de
publications dans deux revues scientifiques françaises - Comptabilité, Contrôle, Audit (CCA) et
Finance, Contrôle, Stratégie (FCS) et dans une revue américaine généraliste - Management
science (MS) - (2.). Enfin, les enseignements tirés de cette analyse sont présentés dans un
troisième temps (3).
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1. L’importance d’une ouverture disciplinaire en contrôle
L’analyse des pratiques des chercheurs en contrôle de gestion (1.2.) nécessite la
définition préalable d’un cadre général qui détermine les enjeux de ces pratiques pour le
contrôle de gestion (1.1.).
Pour les praticiens, l’ouverture disciplinaire présente également un intérêt. En effet, les
savoirs mobilisés par le contrôle de gestion permettent aux contrôleurs de maîtriser l’ensemble
des facettes de leur métier : didactique, modélisation, animation, ingénierie de connaissances…
(Burlaud et ali, 2004, 326). Pour les managers, les travaux consacrés par exemple à
l’apprentissage (Bollecker, 2002, Batac et De la Villarmois, 2003), qui se traduisent par des
emprunts théoriques, peuvent les préparer à être des créateurs de savoir (Bouquin et Fiol,
2007). Pour les chercheurs, l’ouverture vers d’autres disciplines est de nature à élargir et à
enrichir un débat théorique (Amintas, 2002). L’élargissement est susceptible d’amener une
reformulation des interrogations et d’inciter à des problématisations renouvelées. En effet,
« un savant a plus de chances d’innover en s’éloignant des noyaux traditionnels de sa
discipline pour avancer vers ses zones frontalières. Le progrès s’accomplit de manière
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croissante aux interstices des disciplines » (Dogan et Pahre, 1991). Pour Amintas (2002, 11),
citant les travaux de Bachelard, une science ne se construit que lorsqu’elle accepte de
s’interroger sur elle-même. Ainsi, et comme le souligne Burlaud et ali. (2004, 326) les
éclairages scientifiques qu’apporte la théorie des organisations contribuent à de telles capacité
d’innovation en permettant de renouveler sans cesse les réflexions sur la place du contrôle de
gestion.
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prudente s’impose car le contrôle a certes des racines cybernétiques, mais n’est pas un
processus « automatique » (Lacroux, 1999, 225).
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n’est pas définit. Afin de caractériser les relations entre le contrôle de gestion et d’autres
disciplines, notre contribution a consisté à analyser la nature et le poids de ces emprunts.
2- Résultats
Avant de présenter les résultats de l’étude (2.2. et 2.3.), la méthodologie d’analyse est
exposée (2.1.).
Notre contribution s’inscrit dans une perspective scientométrique qui a pour principe
« l’analyse de l’activité scientifique comme un système d’énoncés rendant compte de
raisonnements logiquement structurés et communiqués » (Callon et al., 1993). Elle peut
s’effectuer selon deux méthodes alternatives : l’analyse bibliométrique et l’analyse thématique
(Denis et Czellar, 1997). La première consiste à analyser les références bibliographiques des
articles étudiés. La seconde se traduit par l’examen du contenu des articles en recensant les
thèmes d’étude privilégiés par une discipline scientifique et en classant les publications en
fonction de leur thème d’étude principal. Compte des objectifs de notre recherche, cette
dernière a été retenue.
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mobilisés sont différents de ceux mobilisés dans des articles de CCA et de FCS et portant sur le
contrôle de gestion.2
L’analyse s’est focalisée sur la période 2000-2007 dans la mesure où les articles publiés
dans la revue CCA (depuis sa création en 1995 jusqu’à l’année 2000) ne font que peu référence
à des disciplines voisines comme la sociologie ou la philosophie (Gendron et Baker, 2001).3 La
démarche a consisté à sélectionner dans un premier temps les articles en contrôle4 puis, dans un
second temps, à identifier ceux qui font référence à un cadre conceptuel externe. Les
contributions retenues sont ordonnées par thème de recherche et par construits fondateurs à
partir de la lecture des titres, résumés, et mots clefs des contributions. Il en ressort la
classification suivante :
- Les articles à thématique organisationnelle et relatifs aux systèmes de contrôle de
gestion (cohérence entre différents modèles de contrôle, analyse dans des contextes
particuliers : PME, organisations sportives…). D’autres thématiques
« organisationnelles » ont été identifiées, notamment « contrôle de gestion et
changement » (évolution du système, de la fonction, diffusion d’outils de contrôle
innovants), « contrôle des comportements » (équipes virtuelles, pratiques de
surveillance, responsabilité, relation client-fournisseur), « contrôle organisationnel »
(de réseaux d’entreprise, dans des contextes de système d’information différenciés,
dans la grande distribution…), « contrôle de projet » (de système d’information
R&D, équipes) « contrôle d’efficience des politiques publiques » (lutte contre la
drogue, don d’organes), « contrôle des TIC » (place de marché, supply chain
management).
- Les travaux consacrés à l’instrumentation ont été également sélectionnés (même en
l’absence du terme « contrôle ») : calcul de coût, coût cible, comptabilité par activité
(ABC), budget, valeur ajoutée économique, méthode GP-UVA, évaluation et
indicateur de performance, tableaux de bord, balanced scorecard, ERP, PCI etc.
Certaines difficultés peuvent néanmoins apparaître : considérer la méthode de la
valeur ajoutée économique comme une méthode de contrôle de gestion est
discutable dans la mesure où la finance peut également en revendiquer la paternité
et l’appartenance.
- Une thématique spécifique se distingue dans l’analyse de la revue Management
science : information et décision… il s’agit de travaux consacrés à la supply chain,
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aux spécifications clients dans les contrats, à la valorisation de projets en situation
d’incertitude notamment
- Ont été retenus, par ailleurs, les articles traitant de problématiques relatives aux
comportements des acteurs, et plus précisément les managers et les contrôleurs de
gestion.
- Enfin, les articles développant des analyses épistémologiques et méthodologiques en
contrôle de gestion ont également fait partie des contributions choisies.
Plusieurs de ces travaux sont caractérisés par une hybridité. Ainsi ceux portant à la fois
sur la comptabilité par activité et la gestion par activité peuvent relever autant de contributions
« instrumentales » qu’ « organisationnelles » (dans ce cas précis, nous avons opté pour la
thématique « organisation »). De la même manière, l’impact de l’implantation d’ERP sur la
fonction de contrôle relève aussi bien de « l’instrumentation » que de « l’organisation ». Le
critère retenu pour réaliser le regroupement a alors été celui de la thématique dominante qui
reste éminemment subjectif.
Ce travail de sélection nous a conduit à retenir 123 articles (79 pour CCA et FCS - 44
pour Management Science) dans les sources précédemment citées. L’analyse a alors consisté à
identifier les cadres conceptuels n’étant pas reconnus comme faisant partie du contrôle de
gestion, pour cerner l’importance des emprunts théoriques par les chercheurs. Le critère retenu
pour le dénombrement des cadres conceptuels repose sur le principe de citation de ces
dernières. Différents termes pouvant être utilisés pour citer un cadre conceptuel identique, nous
avons retenu ceux qualifiés par les auteurs de « théorie », « paradigme », « approche » ou
encore de « courant ». En l’absence de tels qualificatifs dans le texte, une quelconque référence
implicite n’a pas été retenue, même dans le cas de sollicitations d’auteurs majeurs appartenant
à un cadre qui les identifieraient et les singulariseraient.
L’étude a donc consisté, dans un premier temps, à identifier les thématiques traitées
dans les revues analysées.
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Tableau 1 : Les thématiques abordées dans les publications en contrôle de gestion
Les articles analysés dans les deux revues françaises traitent majoritairement des outils
de contrôle (50,63 %). La thématique relative au calcul des coûts est plus souvent traitée que
celle liée aux tableaux de bord, aux budgets ou à l’évaluation de la performance. Pour la revue
Management Science, les articles traitant de problématique du contrôle sont plus orientés vers
l’optimisation et la modélisation pour la prise de décision (information et décision : 50 %). Près
de 30 % des contributions traitent, dans les trois revues, de problématiques liées à
l’organisation : le nombre significatif de travaux portant sur le contrôle des comportements
(équipes virtuelles, pratiques de surveillance, responsabilité, relation client-fournisseur…), le
contrôle organisationnel (réseaux d’entreprise, dans des contextes de système d’information
différenciés, dans la grande distribution…), le management par les activités ou encore
l’innovation et le changement, témoignent de préoccupations scientifiques plus larges. De telles
préoccupations résultent, nous semble t-il, de questions théoriques et pratiques sur les risques
d’opportunisme et de coordination (Besson, 2000) et sur les modalités d’évolution du contrôle
de gestion soumis à un environnement mouvant pouvant générer des innovations managériales
(CCA, 2003). Le tableau 1 témoigne d’une faible représentation de contributions sur les acteurs
du contrôle de gestion, même si certains auteurs soulignent qu’ « après avoir privilégié les
aspects purement techniques le contrôle de gestion intègre des éléments socio-politiques pour
tenir compte notamment des comportements des acteurs dans l’organisation » (Nobre, 1999, p.
147).
Par ailleurs, l’analyse montre que des cadres conceptuels, qui se situent en dehors du
champ du contrôle de gestion, sont cités à plusieurs reprises dans un même article. En excluant
les doublons, 131 citations théoriques ont été recensées, soit en moyenne 1,06 citation par
contribution (1,2 pour les revues françaises étudiées et 0,81 pour Management Science).
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Néanmoins, ce résultat cache une variété de pratiques dans la mesure où celles qui n’en citent
aucune sont très nombreuses et celle qui y recours fréquemment sont plutôt rares.
En effet, plus de 46 % des articles publiés dans CCA et FCS ne font pas référence à un
cadre conceptuel externe. Moins de 34 % des travaux exploitent au moins 2 théories externes
au contrôle de gestion. Pour la revue Management Science, près de 64 % des publications en
contrôle empruntent un à trois concepts à d’autres disciplines. L’analyse par thématique s’avère
plus riche d’enseignements.
Tableau 3 : Les théories par thématique
Moyenne Moyenne
Nombre de Nombre de
Nombres par article Nombres par article
Thématiques citations citations
d'articles et par d'articles et par
théoriques théoriques
thématique thématique
Instrumentation 26 40 0,65 11 8 1,37
Organisation 43 23 1,87 10 12 0,83
Information et
/ / / 15 22 0,68
décision
Acteur 15 10 1,50 0 2 0
Epistémologie et
11 6 1,83 0 0 0
méthodologie
TOTAL 95 79 36 44
Les articles techniques sont largement moins ouverts que ceux consacrés aux
thématiques liées à l’organisation, aux acteurs, à l’épistémologie et la méthodologie dans les
revues FCS et CCA. Une telle orientation peut s’expliquer par la spécificité de l’objet d’étude
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qui n’a pas ou peu d’équivalent dans d’autres disciplines scientifiques. Elle témoigne, nous
semble t-il, d’une certaine autonomie des travaux voire d’une maturité.
Dans Management Science, les articles catalogués dans l’instrumentation relèvent des
sciences de l’ingénieur. Les construits fondateurs s’articulent autour de la science des systèmes
et l’éloignement disciplinaire des contributions est particulièrement élevé. Les contributions
importent des savoirs des sciences de l’ingénieur que les auteurs doivent positionner dans le
domaine des sciences de gestion et donc qu’ils doivent ordonner en regard des théories
existantes. Ces préoccupations sont probablement moins présentes dans des contributions dans
ce que nous avons appelées « information et décision » et qui renvoient au paradigme
économique. Les théories utilisées sont déjà connues et l’effort de modélisation porte sur leur
adaptation à des situations de gestion crédibles, actuelles et pertinentes.
Notre analyse visait également à recenser le type de théories sollicitées dans les
contributions. Les 131 citations théoriques concernent finalement 52 cadres conceptuels
différents. Ces cadres sont empruntés à différentes disciplines :
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courant sociologique des réseaux sociaux, théorie des réseaux sociaux, théorie de la
traduction.
- économie : théorie de l’agence, théorie des parties prenantes, évolutionnisme,
théorie de l’efficience X, théorie du signal, théorie contractualiste, théorie des
ressources, approche conventionnaliste, théorie des contrats, théorie de la rationalité
économique, théorie des coûts de transaction, économie de l’information, théorie
des options réelles, théorie des jeux.
- gestion : théorie de la contingence, théorie de l’apprentissage organisationnel,
théorie du changement organisationnel, théorie des relations humaines, théorie des
conventions, théorie du contrôle organisationnel, théorie du lead user.
- psychologie : théorie de la communication, théorie de la confiance, théorie
psychologique de la cohérence cognitive, théorie cognitive de la connaissance.
- philosophie : postmodernisme, structuralisme, humanisme, idéalisme, matérialisme,
théorie de l'idéologie, théorie de la cohérence.
- science de l’ingénieur : théorie des systèmes, théorie des fractales, théorie des
réseaux (mathématiques), théorie des files d’attentes, théorie du contrôle optimal
Une telle classification est tout à fait discutable. Ainsi, les théories de la contingence
peuvent relever aussi bien des sciences de gestion que de la sociologie. Pour la théorie des
conventions, elle est sollicitée à la fois en économie, gestion et sociologie. Malgré ces limites,
un dénombrement a été réalisé globalement pour l’ensemble des revues étudiées.
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Les contributions analysées permettent de mettre en évidence le recours à une variété de
théories sociologiques (28,85 %) et économiques (26,92 %). En revanche, l’ouverture
théorique des articles de contrôle de gestion à d’autres champs de la gestion (13,46 %), à la
psychologie (7,69 %), à la philosophie (13,46 %) est plutôt faible. Eu égard au nombre de
citations théoriques, la sociologie et les Sciences de gestion sont les plus mobilisées par les
auteurs des articles : ce résultat permet de conclure à une forte concentration de citations sur
quelques cadres conceptuels des Sciences de gestion (ces cadres étant cités en moyenne à 5,14
reprises) contrairement à la sociologie ou l’économie (respectivement 2,9 et 2,42 citations). Par
ailleurs, les travaux en contrôle de gestion empruntent moins de cadres conceptuels aux
sciences de l’ingénieur (6,10 % des citations).
Une analyse par thématique conduit à affiner l’analyse. Une telle concentration est
davantage constatée dans les articles « organisationnels » (1,79 : 43 citations pour 24 théories)
que dans les contributions « techniques » (les théories externes sont citées en moyenne à 1,52
reprise : 26 citations concernent 17 cadres conceptuels différents) sur les acteurs (1,5), la
méthodologie et l’épistémologie (1,1).
Les articles techniques, organisationnels et sur les acteurs font principalement appel à
des cadres conceptuels des Sciences de gestion et de la sociologie.
Dans le premier cas (articles techniques), des contributions comme le calcul des coûts
dans le secteur bancaire (Godowski, 2000), le Balanced scorecard dans le secteur hospitalier
(Nobre, 2001), les systèmes de mesure de performance dans les PME (Germain, 2004) ou les
déterminants du choix des indicateurs dans les tableaux de bord des entreprises françaises
(Cauvin et Bescos, 2005) font références à des théories de gestion (la théorie de la
contingence). Les théories sociologiques sont, par ailleurs, mobilisées dans 30,77 % des articles
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techniques ce qui peut prouver d’une recherche de compréhension du contexte de l’objet
d’étude.
Les travaux sur les acteurs dans FCS et CCA, qui se réfèrent aux sciences de gestion
(40 %), sollicitent les théories de la contingence objective et/ou subjective, l’apprentissage
organisationnel, la théorie des conventions pour analyser l’influence des systèmes relationnels
des acteurs (Oriot, 2004), la crise du statut de l’agent comptable (Eggrickx, 2004), l’évolution
des rôles des contrôleurs de gestion (Bollecker, 2002, 2007). Par ailleurs, ces contributions se
tournent naturellement vers la sociologie des organisations (33,33 %) en sollicitant l’analyse
stratégique, la théorie de l’encastrement, la sociologie des sciences notamment.
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Pour Management Science les approches cognitives sont de loin les moins représentées.
Les contributions ont trait à l’étude du comportement de l’individu et de ses représentations.
De fait, elles reprennent les acquis des sciences cognitives. Très symptomatique, l’article de
Little (2004) est une réédition d’un texte de 1969 qui étudie la budgétisation d’un service
marketing. L’auteur investit le concept de décision de gestion et montre notamment que la
modélisation y est faible. Les processus de gestion résultent de procédures et d’impératifs
moraux qui alignés les uns aux autres forment les décisions de gestion. Le calcul y est souvent
simple et pourtant les approximations selon l’auteur génèrent des pertes de valeurs énormes.
L’auteur prône donc une mise en place de modèles davantage pertinents, plutôt quantitatifs et
surtout privilégiant l’usage qu’en font les décideurs, les modèles « modélisant » et donc non
nécessaires devant être sélectionnés par l’usage. Cette réédition, peut être interprétée comme un
rappel à l’ordre face à une anarchie de modèles non légitimés par l’usage. Plus loin dans cette
introspection, le texte de Hendricks et al. (2002) nous invite à réfléchir sur le coût des
dysfonctionnements dans les chaînes logistiques en étudiant 885 cas de sociétés cotées. Le
papier établit notamment que la performance opérationnelle détermine le profit des sociétés
étudiées. La mauvaise perception, par les acteurs, de l’environnement et du système d’offre à
mettre en place pour satisfaire la demande est souvent à l’origine d’échecs financiers. L’auteur
constitue une base de données à partir de l’information publique et cite le cas d’entreprises dont
la chaîne logistique s’avère défaillante. Le cas d’Apple qui en 1995 selon le Wall Street
Journal, au quatrième trimestre, revoit ses prévisions à cause d’une pénurie de composants lui
permet d’illustrer le propos.
Les articles consacrés à l’organisation dans FCS et CCA (gestion par les activités,
contrôle de gestion, changement et innovation, contrôle des comportements et contrôle
organisationnel) sont davantage influencés par la sociologie (41,85 % des citations) que par les
Sciences de Gestion (30,23 %). Le néoinstitutionnalisme, la théorie de la traduction, la théorie
de la structuration, la théorie de la diffusion de l’innovation sont mobilisés dans ces
contributions à l’instar des travaux de Kuszla (2003) et ceux de Bourguignon (2002) sur les
innovations, de Briand (2004) sur la reconceptualisation du contrôle de gestion, de Briand et
Bellemare (2005) sur l’évolution des pratiques de surveillance, ou encore de Alcouffe, Berland
et Levant (2003) sur les facteurs de diffusion des innovations managériales en comptabilité et
contrôle de gestion. Les cadres conceptuels mobilisés en Gestion sont principalement la théorie
de la contingence, l’apprentissage organisationnel, les théories du changement organisationnel,
la théorie du contrôle organisationnel, la théorie des relations humaines dans des travaux aussi
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variés que, le contrôle des équipes virtuelles (Langevin, 2002), le contrôle des relations clients-
fournisseurs (Beaujolin-Bellet, Nogatchewky, 2005), l’innovation et le changement en contrôle
de gestion (Bourguignon, 2000, Maurel, 2006).
Pour MS, la thématique organisationnelle regroupe l’ensemble des articles mobilisant
les théories purement managériales comme l’analyse concurrentielle, la théorie du fit ; la
théorie de la contingence, la ressource based view (Krishnan & Karan, 2007, Aviv, 2007,
Nault, 2005, Mitchell & Nault, 2005; Anderson & Dekker, 2005, Kirsch et al., 2002 ; Davaraj
& Kohli, 2003). Les disciplines d’emprunt sont gestionnaires et la proximité théorique est
relativement importante. L’objet de contrôle est notamment le projet. Kirsch et al. (2002)
s’interrogent sur les formes de contrôle dans les projets de système d’information et leur
succès. Ils distinguent plusieurs formes de systèmes de contrôle, d’une part, le contrôle formel
et d’autre part le contrôle informel qui revêt une importance considérable dans l’expertise en
SI. Devaraj S. & Kohli R. (2003) mobilisent la théorie des ressources pour analyser l’impact de
des TI sur la performance des organisations, ici les établissements hospitaliers. Mitchell et
Nault (2005) s’intéressent au contrôle dans les phases d’ingénierie simultanée. Ils étudient dans
les secteurs de la santé et des télécommunications plus de 150 processus. Ils constatent que la
diminution des coûts de projets conçus en ingénierie simultanée et notamment les frais liés aux
avenants (« rework ») peuvent résulter de meilleurs flux de communication entre clients et
fournisseurs, en créant une planification coopérative entre les acteurs lors de la phase
d’ingénierie simultanée, c'est-à-dire en associant les protagonistes du projet. Un autre
constituant cette thématique renvoie à la théorie de l’innovation. La théorie du lead user ou
utilisateur clef (Von Hippel (2002), est utilisée pour expliquer le processus de création de
produits nouveaux (NPD). Bajaj et al. (2005) proposent une modélisation originale du coût de
développement des produits à partir de trois variables : le degré d’interaction avec le client, le
niveau de spécialisation et enfin le niveau de supervision des équipes de recherche et
développement. Pour conclure sur cet axe, à signaler qu’une seule contribution porte
nommément sur le contrôle de gestion (Anderson & Dekker, 2005). Elle combine la théorie de
la contingence et la théorie des coûts de transaction. Une contribution porte sur la budgétisation
des systèmes d’information et la mobilisation du concept de slack budgétaire (Arya et al.,
2000). Ce dernier est une réponse aux problèmes de coordination budgétaire impliquant
notamment la mise en place d’un SI.
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fait explicitement référence à un ou plusieurs cadres théoriques de cette discipline : celui
consacré à la catégorisation des recherches critiques en contrôle de gestion (Bessire, 2002). Ce
type de travaux sollicite également la sociologie (45,45 %) aussi bien pour définir une
méthodologie pour la recherche sur le contrôle interne dans les banques françaises (Heem,
2000) que pour mener une réflexion sur les identités et les dilemmes de l'enseignant-chercheur
en sciences comptables (Dupuy, Lacroix et Naro, 2006).
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de sous-traitance off shore de contrats informatiques. Enfin, l’article de Lenox et al. (2006) part
de l’hypothèse que l’aptitude à coordonner des activités interdépendantes explique
l’hétérogénéité des performances entre les firmes. La performance est définie comme le coût
variable ou la qualité du produit. De fait, l’aptitude à coordonner les processus de production
au sein des entreprises et entre firmes influe selon les auteurs sur la distribution de profits à
travers le PIA (ou potentiel d’interdépendance des activités). Le modèle de type principal-agent
présenté est à la croisée de travaux reposant sur l’étude de la firme et d’études reposant sur
l’étude d’industries ou de clusters.
Enfin, plusieurs contributions portent sur l’utilisation de la théorie des options réelles
(8,4% des articles sur le hème information et décision). Schwartz et Zozaya Gorostiza (2003)
s’appuyant sur cette théorie proposent deux modèles de valorisation des projets de SI selon que
le projet soit clef en main ou qu’il s’agisse de développement spécifique et prenant en compte
l’incertitude technologique. S’intéressant à la flexibilité dans les projets de R&D, Loch et al.
(2001) mobilisent la théorie des options. Selon eux, la valeur augmente en situation
d’incertitude. Ils proposent un modèle intégrant 5 types d’incertitude opérationnelle
d’augmenter la flexibilité sur des projets de R&D (abandon, report, accélération, décélération
ou encore échange).
3. Discussion et conclusion
Les travaux étudiés, caractérisés par une ouverture disciplinaire, entretiennent des
relations avec la gestion, l’économie et la sociologie. La recherche en contrôle de gestion
mobilise de nombreuses théories externes, mais reste marquée par une approche contingente
particulièrement dans les travaux consacrés à l’instrumentation et aux acteurs. L’explication
d’une telle mobilisation réside dans le fait qu’une telle approche n’a probablement pas épuisé
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toutes ses possibilités, même si de nombreux facteurs de contingence des systèmes de contrôle
de gestion, parfois de plus en plus labyrinthiques (Bouquin, 1997), ont été définis. Elle présente
l’intérêt de poser le contrôle de gestion comme adaptable à de multiples situations
organisationnelles : « contrairement à ce qui a pu être perçu parfois, ces approches, loin
d’instrumentaliser le contrôle de gestion, (peuvent) lui donner une nouvelle jeunesse »
(Pariente, 1999, p. 83).
Un autre constat a été réalisé au niveau des relations avec l’économie et la sociologie.
Quand bien même l’économie constitue une discipline fondatrice apportant aux travaux
gestionnaires une validation théorique (Amintas, 1999), les auteurs en contrôle de gestion
semblent plus proche de la sociologie malgré la conflictualité des relations avec la gestion. Ils
se sont, en revanche, largement distancés des sciences des systèmes jugeant peut-être la
relation au contrôle de gestion trop réductrice, car trop mécanisé par la cybernétique.
Par ailleurs, les travaux étudiés ne privilégient qu’à la marge les cadres conceptuels
issus de la philosophie. Un tel constat mériterait que l’on s’y attarde plus longuement. Les
travaux anglo-saxons en comptabilité et contrôle de gestion semblent davantage influencés par
cette discipline. Par exemple, les travaux de Michel Foucault ont donné lieu, paradoxalement, à
une littérature anglo-saxonne importante (Amintas, 2002) et exercent une influence forte dans
diverses communautés scientifiques, notamment dans celle des chercheurs en comptabilité
(Gendron et Baker, 2001). Le postmodernisme n’est pas absent dans l’analyse que nous avons
réalisée. Il n’apparaît cependant explicitement qu’à deux reprises : dans une contribution
épistémologique (Bessire, 2002) et une autre consacrée aux contrôleurs de gestion (Lambert et
Pezet, 2007). La voie ouverte par Bessire (2002) peut être de nature à susciter des travaux à la
croisée de cette discipline et du contrôle de gestion.
Notre contribution présente des limites classiques dans ce type de recherche. L’étude
menée exclue les cahiers et contrats de recherche, les communications à des congrès et les
ouvrages. Par ailleurs l’analyse citationnelle ignore la façon dont les articles sont cités.
Quelque soit la raison pour laquelle une théorie est citée, cette dernière est prise en
considération. Or, certaines citations sont négatives au sens où il ne leur est accordé qu’un
intérêt limité et peuvent faire l’objet de critiques (Chekkar et Grillet, 2006). Des références
peuvent être citées pour des raisons autres que leur impact sur la discipline : certains auteurs
ont tendance à se citer ou citer des collègues de laboratoire, en dépit d’un apport parfois limité
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(Chtioui et Soulerot, 2006). Il est notable que la méthode utilisée conduit à un schématisme
parfois contestable des catégories d’emprunt. En effet, il est possible de contester le classement
effectué, certains papiers aurait peut être pu être répertoriés dans d’autre familles théoriques car
ils mobilisent et combinent plusieurs types de théories à la fois issues des sciences
économiques et des sciences de gestion par exemple. Ainsi, l’article de Hopp et al. (2005)
combine à la fois la théorie des coûts de transaction et la théorie de la contingence. De même,
l’article de Baldenius et Reichelstein (2005) mêle comptabilité et théorie de l’agence. Par
ailleurs, certains travaux issus des sciences de l’ingénieur sont passés et utilisés en sciences
économiques et auraient pu être classés comme tels.
Les résultats de notre recherche sont à approfondir. L’étude de l’évolution des pratiques
d’emprunts disciplinaires identifiés peut être riche d’enseignements pour la recherche en
contrôle de gestion, notamment par le biais d’une analyse qualitative du contenu des articles.
Par ailleurs, les facteurs explicatifs de ces résultats et notamment des différences de pratiques
d’emprunt, entre les revues françaises et la revue américaine, sont à investiguer. Certaines
explications ont été données dans des travaux antérieurs. Au-delà de la spécificité de l’objet
d’étude, différents facteurs ou événements peuvent inciter à l’ouverture disciplinaire. Dans le
domaine de la recherche comptable, Gendron et Baker (2001) soulignent que l’ouverture des
chercheurs anglais à des écrits philosophiques peut être liée à :
- la formation extra-comptable que possèdent un certain nombre de chercheurs
britanniques en comptabilité,
- la constitution d’un réseau entre certains de ces chercheurs qui participent à
l’établissement de conférence interdisciplinaire (par exemple celle de l’université de
Manchester)
- l’ouverture de revues aux recherches faisant appel aux perspectives philosophiques.
Adapté au contexte français, le degré d’exposition faible des doctorants en comptabilité
aux perspectives d’analyse développées en sociologie ou en philosophie mérite d’être
particulièrement étudié (Colasse, 1999). Par ailleurs, le contexte sociopolitique de la recherche
mérite également une attention particulière Enfin la nature des relations qu’entretiennent les
acteurs de la recherche est une piste intéressante à explorer dans le contexte français. Le degré
d’autonomie des chercheurs par rapport aux praticiens peut expliquer la tendance à réaliser des
études pour lesquelles l’intérêt des praticiens n’est pas immédiat (Gendron et Baker, 2001).
- 20 -
Notes
1
De tels emprunts aux théories des organisations semblent évidents dans la mesure où le contrôle de gestion est un
sous-ensemble du contrôle organisationnel (Bouquin, 2004). Nous pouvons donc nous demander s’il est
réellement question d’emprunt. Néanmoins, il nous a semblé intéressant d’analyser les pratiques de recours à ces
théories (reconnues comme telles cf Rojot, 2005) par rapport aux cadres théoriques d’autres disciplines pour
cerner les frontières de la discipline.
2
Plusieurs études portant sur le comptage de citations ou de références ont mobilisé des revues généralistes. Ainsi,
Charreaux et Schatt (2005) effectuent leur recensement à partir de revues classiques en comptabilité contrôle
comme CCA et FCS mais également à partir de revues dites généralistes comme la RFG. Se pose la question des
revues comme the Accounting review ou encore AOS ou MAR. Précisément parce qu’elles ne sont pas
généralistes et que nous analysons en France les cas de CCA et de FCS, l’étude ne les a pas prises en compte.
Dans une étude ultérieure, il est tout à fait possible d’imaginer d’étendre l’analyse à des revues spécialisées anglo-
saxonnes ou à d’autres revues anglosaxonnes «généralistes » comme ASQ.
3
L’analyse de l’évolution de ces pratiques depuis 1995 reste néanmoins intéressante et constitue un des
prolongements de cette recherche
4
La sélection des articles est, bien entendu, discutable et subjective aussi bien au niveau des choix réalisés
(certaines contributions relevant du contrôle ont pu nous échapper dans la mesure où cette notion peut ne pas
apparaître explicitement dans les rubriques étudiées) qu’au niveau de la catégorisation (la distinction entre ce qui
relève du « contrôle des comportements » et du « contrôle organisationnel » n’est pas toujours évidente). Par
ailleurs, la sélection réalisée peut présenter des biais dans la mesure où certains articles peuvent être caractérisés
par une interdisciplinarité ce qui rend naturel la mobilisation de cadres théoriques d’autres disciplines.
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