ULB Analyse Séquentielle

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Université de Liège

Faculté des Sciences


Département de Géologie

Dynamique des bassins


sédimentaires

Aux vagues vertes infiniment tissées d'écume


accourant de lointains sonores et transparents
la lumière accorde de souples chatoiements
en d'opales et mouvants effets de brume...
Déferlantes près de Ploumanach (Bretagne); FB, huile sur bois.

Prof. F.  Boulvain,  2014


Table des matières
 I. RAPPEL: LES BASSINS SEDIMENTAIRES
 II. ENCHAINEMENT VERTICAL DES MILIEUX DE DEPOT- ELEMENTS D'ANALYSE SEQUENTIELLE
o INTRODUCTION

o SEQUENCES ET COURBE LITHOLOGIQUE

o STRATIGRAPHIE SEQUENTIELLE

I. Rappel: les bassins sédimentaires


Même si des sédiments peuvent se déposer pratiquement dès leur érosion, leur
devenir est en général de terminer leur voyage au sein d'un bassin sédimentaire. Un
bassin sédimentaire ne se forme que là où des sédiments peuvent s'accumuler. Cette
évidence recouvre un concept majeur : l'accumulation des sédiments nécessite une
création d'espace, résultat soit d'un enfoncement de la base du bassin (subsidence),
soit d'une hausse du niveau marin.

D'une manière générale, on peut distinguer les bassins sédimentaires en fonction de


leur position dans le cycle géologique : (1) les bassins sédimentaires actifs, (2) les
bassins non fonctionnels (parce qu'exondés) mais peu déformés et (3) les anciens
bassins, généralement fortement déformés et incomplets, intégrés dans une chaîne
de montagnes.

On peut aussi les distinguer sur la base des mécanismes qui les génèrent, c.-à-d. des
mécanismes responsables de leur subsidence (Fig. I.1).
Figure I.1 : bassins sédimentaires en fonction du contexte tectonique. A : rift
continental. B : marge passive avec structuration en demi-grabens et bassin
océanique. C : bassins d'arrière-arc, d'avant-arc et fosse océanique en zone de
subduction. D : bassins liés à une faille transformante (décrochement dextre). 

 Les bassins associés à des zones de divergence de plaques tectoniques.


Ces bassins se forment là où la croûte terrestre est étirée et amincie:
o rifts continentaux (Fig. I.1A) : c'est le début de la phase d'ouverture.
Le substrat est une croûte continentale. Les remplissages
sédimentaires consistent en dépôts continentaux de cônes alluviaux,
de lacs, de fleuves (exemple : graben du Rhin). Du volcanisme est
souvent associé, suite à l'extension crustale (basaltes des plateaux,
basaltes alcalins,…);
o rifts océaniques : à partir d'un certain stade, le rift continental est
envahi par la mer. Les sédiments sont variés, depuis des dépôts
continentaux jusqu'à des dépôts beaucoup plus profonds (exemple :
sud de la mer Rouge). Le volcanisme est intense et évolue vers des
tholéiites;
o marges passives et bassins océaniques (Fig. I.1B) : c'est l'évolution
ultime des rifts continentaux. Les marges continentales sont
structurées en demi-grabens et de la croûte océanique nouvellement
formée sépare les continents. Le volcanisme est réduit au niveau des
marges passives et les sédiments sont très variés, depuis des dépôts de
plate-forme jusqu'à des dépôts pélagiques (exemple : océan
Atlantique). Les épaisseurs sédimentaires diminuent depuis la marge
continentale vers le bassin océanique. La subsidence résulte du jeu des
failles normales, de la charge sédimentaire et du refroidissement
progressif de la croûte océanique.

Un exemple de rift continental : le graben du Rhin. Les Vosges et la Forêt-Noire


correspondent aux bordures du graben, la plaine d'Alsace au remplissage
sédimentaire de la partie effondrée. La photo est prise vers l'est depuis Husseren-
les-Châteaux (versant est des Vosges).

 Les bassins associés à des zones de convergence de plaques (Fig. I.1C) :


o fosses océaniques : ce sont des dépressions océaniques profondes
localisées au niveau des zones de subduction. Les sédiments
consistent en dépôts pélagiques, associés à des turbidites si le
continent est proche. Ces sédiments sont rapidement et intensément
déformés suite à la subduction: ils constituent le prisme d'accrétion
(exemple: fosse du Japon);
o bassins d'avant-arc : géographiquement proches des précédents, situés
comme leur nom l'indique en avant des arcs volcaniques, sur la plaque
supérieure. Leur subsidence serait due à la flexure de cette plaque
suite à l'entraînement par la plaque subductée. La déformation est
moins intense que dans le prisme d'accrétion et les sédiments sont à
caractère moins profonds et plus riches en dépôts volcano-
sédimentaires (exemple : mer Tyrrhénienne);
o bassins d'arrière-arc: ces bassins ressemblent par leur mécanisme de
subsidence et par leur remplissage aux bassins liés à la divergence de
deux plaques. Les dépôts volcano-sédimentaires y sont cependant
mieux représentés (exemple: mer du Japon);
o bassins d'avant-chaîne : lorsque la subduction de deux plaques se
poursuit par une collision continentale, l'épaississement de la plaque
continentale supérieure provoque une subsidence due à la surcharge.
Les apports en provenance de la chaîne en voie d'érosion sont
énormes et les dépôts sont variés (marins, continentaux). Le
volcanisme est rare (exemple: plaine du Pô).
 Les bassins associés à des zones où les plaques continentales coulissent le
long de failles transformantes (Fig. I.1D) : ces bassins s'ouvrent suite à des
changements dans la direction de failles décrochantes ou à la présence de
zones de relais. Les sédiments sont continentaux et le volcanisme est rare
(exemple: bassin de la mer Morte le long de la faille du Levant).
 Les bassins intra-montagneux: ces bassins se forment en contexte
d'extension après collision. Ils sont emplis de sédiments continentaux (cônes
alluviaux, évaporites, lacs, charbon, rivières,…) (divers exemples dans les
Andes et l'Himalaya).
 Les bassins intracontinentaux en contexte atectonique: ces bassins stables
et à subsidence relativement faible résultent d'un amincissement modéré de
la croûte (sans apparition de rift) ou d'un refroidissement du manteau. La
subsidence peut être entretenue par la surcharge sédimentaire. Les sédiments
sont continentaux (lacustres, désertiques, etc.) voire marins et ne sont pas
plissés (exemple : Bassin de Paris).

L'enregistrement géologique montre que certains bassins possèdent une histoire


polyphasée et peuvent passer d'un type à l'autre. C'est bien sûr le cas des rifts
continentaux qui peuvent évoluer en marge passive/bassins océaniques et aussi
celui des fosses océaniques/bassins d'arrière-arc/bassins d'avant-arc qui peuvent
être repris dans un bassin d'avant-chaîne lors d'une collision continentale.

 
II. Enchaînement vertical des milieux de dépôt: éléments
d'analyse séquentielle
INTRODUCTION

S'il est indispensable de pouvoir reconnaître les divers milieux du domaine marin
par l'interprétation des faciès, il n'est pas moins important de comprendre leur
enchaînement vertical et latéral dans le temps et l'espace. Cette connaissance
s'avère indispensable à la compréhension de l'évolution d'un bassin (aspect
dynamique).

COURBE LITHOLOGIQUE ET SEQUENCES

La courbe lithologique/des faciès/des microfaciès

Cette courbe reflète la succession verticale des différents faciès/termes


lithologiques ou microfaciès d'une coupe. Elle est construite très simplement de
l'une des façons suivantes:

- en regard de chaque banc ou unité faciétale, on trace un trait de l'épaisseur de ce


banc ou unité avec comme abcisse le type de faciès (Fig. II.1A);

- en regard du point d'échantillonnage, on porte un point correspondant au


microfaciès identifié en lame mince; les différents points sont ensuite reliés par une
courbe (Fig. II.1B);

- on peut aussi matérialiser les microfaciès par des batonnets; ceci permet d'affecter
une variable supplémentaire au type de trait (pointillé, plein, etc.) (Fig. II.1C).
Fig. II.1: plusieurs représentations de la courbe des (micro)faciès. La technique C
permet d'affecter une variable supplémentaire au type de trait.

Cette courbe, qu'elle soit constituée de segments de droite comme dans le premier
cas ou qu'elle relie des points comme dans le second constitue la courbe
lithologique/de faciès ou de microfaciès de la série étudiée. L'étude de cette courbe
permet de (1) mettre en évidence les coupures sédimentaires (en fait les évolutions
sédimentologiques pour lesquelles la loi de Walther (1894) n'est pas respectée: on
voit se succéder deux faciès qui ne coexistent pas latéralement dans le domaine de
sédimentation, ex: calcaire argileux à brachiopodes succédant à du calcaire algo-
laminaire, etc.) et (2) de mettre clairement en évidence le sens de l'évolution des
faciès: tendance à se rapprocher (régression) ou à s'éloigner (transgression) de la
ligne de rivage.

Lors de la construction de la courbe lithologique, l'ordre des faciès/microfaciès sur


l'axe x n'est pas arbitraire: si l'on désire comparer les courbes lithologiques de deux
coupes contemporaines mais de faciès différent ou si l'on entend étudier le sens des
variations de faciès au sein des séquences, il faut impérativement que l'ordre des
faciès soit choisi en fonction d'une même logique. Cette logique peut être la
granulométrie (la pesanteur), c'est la cas de la "série virtuelle générale" de
Lombard, avec les termes suivants: calcaires-argiles-silts-sables-conglomérats,
mais elle peut aussi, par l'intermédiaire d'une interprétation actualiste reposant sur
la loi de Walther, être celle de la succession des faciès au sein d'un modèle de plate-
forme (par exemple les SMF, voir plus haut). Il est également possible d'utiliser la
notion de "multiples séries naturelles" proposée par Delfaud (1972, p. 595):
"Chaque formation ou chaque type de sédiment a sa série naturelle propre qui doit
être établie indépendamment des théories génétiques, en considérant uniquement
l'ordre réel de succession des faciès dans la nature, en faisant abstraction le plus
possible des modifications diagénétiques". Cet "ordre réel" peut être défini de la
manière suivante: dans toute série sédimentaire, l'ordre naturel des termes
lithologiques est celui qui est statistiquement le plus fréquemment réalisé. Diverses
méthodes statistiques peuvent aider à mettre en évidence un tel ordre.

Les séquences

Dans l'ensemble des séries sédimentaires, la succession des termes


lithologiques/faciès caractérise l'évolution des milieux de dépôt. Cette évolution
verticale présente des coupures "naturelles", définissant des séquences. Chaque
séquence est caractérisée par ses limites, son contenu (faciès) et la nature et le sens
de ses variations (Fig. II.2). Une autre caractéristique importante des séquences est
leur emboîtement à plusieurs échelles d'observation (caractère fractal): ceci a donné
lieu à une hiérarchisation des séquences avec la définition de séquences d'ordre 1,
2, 3, 4,... d'épaisseur décroissante et de fréquence croissante.

Les séquences peuvent être caractérisées par le sens d'évolution des faciès qui les
constituent: il existe ainsi des séquences régressives et transgressives. Suivant
l'environnement de dépôt, ces séquences régressives et transgressives sont
évidemment constituées de successions de faciès différents. On trouve dans la
littérature un certain nombre de séquences "classiques", par exemple: séquences
péritidales, séquences d'arrière-récif, etc. On caractérise souvent ces séquences par
une expression soulignant la variation d'un paramètre
sédimentologique:"coarsening upward", "thickening upward", "fining
upward", etc.

Notons que les turbidites et les tempestites constituent également des séquences,
mais dont la mise en place a un caractère instantané par rapport à l'histoire du
milieu de dépôt: ces séquences n'enregistrent donc pas d'évolution temporelle de
l'environnement.

L'identification des séquences doit être faite dès le levé de terrain. C'est lors du
banc par banc que se révèlent les divers types de surfaces remarquables: fonds
durcis, limites érosives, changement brutal de faciès qui soulignent en général les
limites de séquences. Après l'examen pétrographique et la définition des faciès et
microfaciès, l'examen de la courbe lithologique aide aussi à l'identification des
séquences.

Enfin, je voudrais rappeler que l'on doit voir en A. Lombard, naguère professeur à
l'ULB, un précurseur dans le domaine de l'étude des séquences et des corrélations
stratigraphiques basées sur leur identification: la séquostratigraphie (cf. Errera,
1976).
Fig. II.2: schématisation d'une séquence élémentaire classique.

Types de séquences

Si l'on envisage l'évolution des séquences au sein d'un corps sédimentaire, toujours
par rapport à la paléoligne de rivage, il est possible de distinguer trois types de
successions (Fig. II.3):

- des successions rétrogradantes (rétrogradation) où les séquences sont en


translation vers le domaine continental. Ces successions sont caractérisées
généralement par un amincissement progressif et l'occurence de plus en plus
fréquente de faciès distaux;

- des successions progradantes (progradation) où les séquences sont en translation


vers le bassin. Ces successions sont caractérisées par un épaississement progressif
et l'augmentation des faciès proximaux;

- des successions aggradantes (aggradation) où les séquences sont en empilement


vertical, en position relative déplacée soit vers le continent, soit vers le bassin.
Fig. II.3: successions progradante, rétrogradante et aggradante par rapport à la
paléoligne de rivage.

Corrélations séquentielles

Par rapport aux corrélations lithostratigraphiques, les corrélations séquentielles


(séquostratigraphiques) ont l'immense avantage de s'affranchir des faciès et de
représenter des lignes temps valables à l'échelle d'un bassin. Encore faut-il s'assurer
que les séquences que l'on observe résultent de phénomènes régionaux et non
locaux: des séquences de comblement d'un chenal par exemple ne sont pas des
phénomènes à l'échelle d'un bassin. Nous verrons ci-dessous que ce problème de
"l'échelle des causes" se pose pour la définition des "paraséquences".

Pour fixer les idées sur un exemple concret, il suffit de penser aux diverses
séquences générées par une baisse mineure du niveau marin:

- en milieu littoral, on aura par exemple une succession du type boue lagonaire
bioturbée, surmontée de laminites algaires (=séquence régressive, probablement de
type "thining upward");

- en plate-forme externe, on pourrait observer des sables bioclastiques à crinoïdes


surmontés de faciès récifaux (=séquence régressive, de type coarsening upward);
- plus au large, on pourrait avoir des boues à organismes pélagiques passant à des
faciès bioclastiques d'avant-récif (=séquence régressive, ici encore de type
coarsening upward).

Un autre exemple est donné à la Fig. II.4, dans un domaine détritique littoral.

Fig. II.4 : évolution des sédiments en fonction de l'avancée et du recul de la ligne


de rivage. A : situation de départ. B : recul de la ligne de rivage suite à une
transgression marine. C : avancée de la ligne de rivage suite à une régression
marine. D : ce que l'on observe lors du levé d'une coupe, longtemps après le
dépôt : colonne et courbe lithologiques. Noter que l'allure de la courbe
lithologique montre bien l'évolution des milieux et le cycle transgression-
régression.

On le voit, un même phénomène a des conséquences variées sur l'évolution des


sédiments, en fonction du milieu de départ, mais partout, l'évolution se fait dans le
même sens. La Fig. II.5 schématise les corrélations séquentielles entre trois coupes
échelonnées du littoral à la plate-forme externe. Chacune des séquences est
régressive et la succession est progradante. La différence entre les corrélations
lithostratigraphiques (diachrones) et les corrélations séquentielles (synchrones) est
évidente.

Il faut noter que les corrélations séquentielles sont facilitées lorsque l'on utilise des
"motifs" caractéristiques, par exemple une séquence régressive suivie d'une
séquence transgressive très affirmée, etc.

Fig. II.5: corrélations séquentielles et diachronisme des faciès. D'après Proust


(1994).

Par ailleurs, l'empilement des couches sédimentaires donne naissance à des unités
dont la géométrie est variable. Les termes utilisés pour préciser les caractéristiques
des transitions entre ces unités sont illustrés à la Figure II.6. Onlap se dit de
couches à pente faible venant buter sur des couches plus inclinées ; downlap se dit
de couches à pente forte venant reposer sur des couches à pente faible.
Figure II.6 : géométrie des surfaces de contact entre corps sédimentaires lors du
remplissage d'un bassin.

STRATIGRAPHIE SEQUENTIELLE

Généralités (d'après Guillocheau)

Les recherches actuelles montrent que la plupart des successions sédimentaires


correspondent à des variations cycliques du niveau marin. Les modalités de
l'empilement des couches et leur interprétation en termes de variations du niveau
marin sont décrites par lastratigraphie séquentielle.

La stratigraphie séquentielle est une méthode dont l'objectif est celui de la


stratigraphie au sens premier du terme : accéder aux relations géométriques et
chronologiques à l'intérieur d'ensembles sédimentaires. Son propos est de définir
des unités sédimentaires limitées par des surfaces à valeur temporelle qui
correspondent à des périodes particulières de variation du niveau marin.

La stratigraphie séquentielle est ainsi un outil permettant de reconnaître et de


quantifier les modalités de remplissage des bassins sédimentaires. Ses concepts ont
été élaborés par un groupe de géologues pétroliers (Van Wagoner et al., 1988).

Nature de l'enregistrement sédimentaire

Plusieurs ordres de variations du niveau relatif de la mer, correspondant à autant


d'ordres de séquences de dépôts, sont enregistrés dans les séries sédimentaires.
Elles différent (1) par leurs causes et donc (2) par leur durée, leur caractère
périodique et leur amplitude. On peut distinguer:

- les séquences à haute résolution, comprenant les paraséquences (~ séquences


génétiques de Guillocheau, mais voir remarque ci-dessous concernant les limites) et
les groupements de paraséquences (~ groupements de séquences génétiques). Leur
période est généralement de 20 Ka, 100 Ka, environ 400 Ka, 700-900 Ka. Leur
genèse correspondrait à des variations des paramètres orbitaux de la terre (cycles
dits de Milankovitch-Berger) (Fig. II.7) jouant sur le climat et le volume des eaux
océaniques. Ces effets sont actuellement bien connus pour les périodes froides où la
fonte et l'accroissement d'une calotte glaciaire font varier le volume des eaux
océaniques. Pour les périodes chaudes, l'explication de la présence de variations
périodiques dans la gamme des cycles de Milankovitch-Berger doit encore être
affinée.
Fig. II.7: paramètres orbitaux influençant l'insolation de la Terre. A : excentricité
de l'orbite de la Terre autour du soleil. B : inclinaison de l'axe de rotation de la
Terre. C : précession de l'axe de rotation de la Terre.

- les séquences apériodiques de durée supérieure au million d'années:

 "3e ordre": 1-5 Ma;


 "2e ordre": 3-15 Ma, correspondant probablement à une combinaison de
mouvements eustatiques et tectoniques (subsidence régionale, déformations
intraplaques);
 "1e ordre": 10-50 Ma.

Notion d'accommodation: contraintes stratigraphiques

Un des apports majeurs des concepts développés par Exxon est la notion
d'"accommodation". Il s'agit de l'espace disponible à tout instant pour piéger, en
domaine marin, les sédiments. Le paramètre le plus fondamental est en réalité la
vitesse de création ou de suppression de l'espace disponible ou potentiel
d'accommodation, représenté par la dérivée première de la courbe de variation du
niveau marin relatif. Les points critiques sont, non pas les minima et maxima, mais
les points d'inflexion.

Au point d'inflexion de chute, la vitesse de création d'espace disponible est


minimale. Il peut être minimal mais positif quand la vitesse de subsidence est
supérieure à la vitesse de chute du niveau de la mer. Il est négatif dans le cas
contraire. La tendance du système littoral est à la progradation maximale avec
simple transit ou érosion en domaine continental. Au point d'inflexion de montée,
la vitesse de création d'espace disponible est maximale. La tendance du système
littoral est à la rétrogradation/aggradation verticale maximale. Ces contraintes
stratigraphiques sont valables quel que soit la fréquence de la variation du niveau
marin relatif et donc quel que soit l'ordre des séquences.

Les séquences haute résolution ou paraséquences (20-400 Ka)

Les paraséquences sont les plus petites séquences de dépôts corrélables à l'échelle
d'un bassin sédimentaire. Leur épaisseur est comprise entre 1 et 10 m. Leur durée
est variable et comprise entre 20 et 900 Ka. Elles sont définies, en milieu marin
entre deux surfaces de première inondation ou surfaces de transgression (Fig. II.8).
Elles sont proches des séquences génétiques de Guillocheau, la différence résidant
dans les surfaces les délimitant qui sont dans ce cas les surfaces d'inondation
maximale.

Les paraséquences sont les briques élémentaires de la stratigraphie: c'est à cette


échelle qu'est contrainte la géométrie des environnements sédimentaires. Les règles
de variation d'accommodation sont également applicables à cette échelle.

Fig. II.8: schématisation de concepts de la stratigraphie séquentielle.

Les séquences de dépôt ("unconformity bounded-units") de durée supérieure


à 1 Ma

Les séquences de dépôt sont des unités stratigraphiques composées d'une


succession relativement conforme de strates génétiquement liées et limitées à leur
sommet et à leur base par des discordances ("unconformities") et leurs surfaces
corrélatives. Leur épaisseur est décamétrique à pluridécamétrique, leur durée est
comprise entre 1 et 5 Ma (Figs II.9, II.10).

Suivant les variations de potentiel d'accommodation, plusieurs types de surfaces


remarquables délimitant des corps de géométrie différente (ce sont les "cortèges de
dépôt" ou "systems tracts") peuvent être définis. La période d'accommodation
minimale (point d'inflexion de chute) induit une surface d'érosion en domaine
continental ("unconformity") et un déplacement brutal des faciès continentaux vers
la mer ("downward shift"). La surface de transgression ou de première
inondation ("flooding surface", FS) est le point d'inversion entre une tendance à la
progradation et une tendance à la rétrogradation (Fig. I.5.3). La surface
d'inondation maximale ("maximum flooding surface", MFS) est le point d'inversion
entre une tendance à la rétrogradation et une tendance à la progradation. Le prisme
de bas niveau ou de bordure de plate-forme, progradant ("lowstand systems tract",
"shelf margin systems tract") est compris entre l'unconformity et la surface de
première inondation. Le cortège transgressif, rétrogradant ("transgressive systems
tract") est délimité par la surface de première inondation et la surface d'inondation
maximale. Le prisme de haut niveau, aggradant puis progradant ("highstand
systems tract") est compris entre la surface d'inondation maximale et
l'unconformity. Grâce aux surfaces à valeur temporelle (unconformity et maximum
d'inondation), le modèle de dépôt ainsi construit permet d'associer simplement
lithostratigraphie et chronostratigraphie.

Le modèle d'Exxon est donc un modèle simple qui marque une révolution
conceptuelle. Il a une valeur de guide mais il n'est pas une réalité universelle. En
particulier, il intègre une marge passive: la subsidence croît avec la profondeur; le
profil de dépôt est simple: il n'intègre ni barrière, ni domaine marin restreint et
surtout, il n'a pas encore été vraiment validé sur les systèmes carbonatés.

 
Fig. II.9: représentation schématique du modèle de stratigraphie séquentielle
d'Exxon. Le prisme de bordure de plate-forme se développe à la place du prisme de
bas niveau quand la chute de niveau marin ne dénoie pas la plate-forme.
Fig. II.10: variations du niveau marin, surfaces remarquables et cortèges de dépôt
dans le modèle d'Exxon.

L'identification des différents ordres de séquences emboîtées

C'est une des difficultés fondamentales de la stratigraphie séquentielle. La solution


passe par l'étude des modalités d'empilement des paraséquences (le "stacking
pattern"). Le principe est de repérer sur la courbe lithologique les plus petits cycles
de déplacement des milieux de sédimentation (cycles transgression-régression): ils
correspondent probablement aux paraséquences. Les lissages successifs de cette
courbe permettent de faire apparaître les séquences d'ordre inférieur. Les surfaces
remarquables sont définies de la manière suivante:

- surface d'inondation maximale: c'est la surface correspondant aux milieux les plus
profonds ou les plus proches du domaine marin;

- surface de transgression ou de première inondation: surface située au-dessus des


milieux les moins profonds ou situés le plus près de la terre;

- "unconformity": accélération de la migration des milieux vers la mer (en domaine


marin, accélération de la diminution de profondeur).

Sur une coupe verticale, plusieurs ordres de séquences emboîtées peuvent


généralement être mis en évidence. Les corrélations se font sur base des surfaces
d'inondation maximale de même ordre. L'intérêt de cette méthode est double:

- elle est résolument sédimentologique et sa fiabilité est dépendante de la précision


de la zonation de milieu utilisée (précision de la série virtuelle). Elle ne présage pas
de la nature d'une surface en fonction de son expression lithologique (par exemple
toute surface d'érosion est une unconformity). C'est la position d'une surface dans
une évolution verticale de milieu qui permet de qualifier cette surface;
- elle permet une calibration en temps des séquences de dépôts. En effet, les
paraséquences tombent généralement dans une des gammes de fréquence des cycles
de Milankovitch, 20, 100, 400 Ka. Selon la position de la paraséquence dans le
rapport d'emboîtement des cycles de Milankovitch (1:5:4), il est possible de
connaître leur fréquence et donc, par dénombrement, de connaître la durée des
séquences d'ordre inférieur.

Une autre méthode est fournie par l'interprétation des diagrammes de Fischer
("Fischer plot"). Cette méthode (Fischer, 1964) permet de déterminer la séquence
de dépôt de 3e ordre et d'en suivre les variations en fonction du temps. La courbe
de Fischer (Fig. II.11) représente l'épaisseur cumulative des cycles (axe vertical) en
fonction du temps (axe horizontal). Cette méthode implique nécessairement que
chaque cycle représente un intervalle de temps constant et que la série de cycles
analysée s'est déposée pour une même valeur de la subsidence. La ligne qui relie la
base de la section stratigraphique au temps zéro correspond alors au vecteur de la
subsidence moyenne. Les cycles individuels sont reportés en fonction de leur
niveau stratigraphique au-dessus de ce vecteur de subsidence.

L'interprétation des courbes de Fischer donne alors les variations de l'espace


d'accommodation en fonction du temps. La succession des cycles épais,
correspondant à une pente positive, reflète donc une augmentation de l'espace
d'accommodation induite par une élévation du niveau marin relatif, tandis que
l'empilement de cycles peu épais, en pente négative, reflète au contraire une
réduction de cet espace lors d'une diminution relative du niveau marin.
L'interprétation de ces courbes doit être cependant menée avec grande précaution,
surtout quand il s'agit de cycles mixtes subtidaux et péritidaux. L'épaisseur des
cycles subtidaux s'avère en effet contrôlée par le taux de sédimentation plutôt que
par l'espace d'accommodation au contraire des cycles péritidaux. La courbe de
Fischer souligne alors les variations apparentes du niveau marin engendrées par des
variations de la profondeur d'eau liées au taux de sédimentation plutôt qu'aux
variations de l'espace d'accommodation. Afin d'éviter toute mauvaise interprétation,
il convient donc de tenir compte dans chaque cas de la composition des cycles par
rapport aux variations que présente la pente de la courbe de Fischer.
Figure II.11: A: construction d'un diagramme de Fischer. B: diagramme de
Fischer de la coupe de Wellin, d'après Kasimi, 1993. C: séquences de 3e ordre
dans le Dévonien moyen du bord sud du Synclinorium de Dinant. Les séquences 3-
10 définies dans la coupe de Wellin ont été reportées sur la courbe de 3e ordre.
D'après Kasimi, 1993.

Le cortège régressif

Plusieurs chercheurs, dont Plint & Nummedal (2000) ont mis en évidence
l'existence d'un cortège supplémentaire: le cortège régressif ("falling stage systems
tract", FSST), enregistrant des dépôts pendant une phase de baisse du niveau marin
("régression forcée"). Ce cortège est en fait le pendant du cortège transgressif et
s'intercale entre le cortège de haut niveau et le cortège de bas niveau. Si l'on
compare le schéma "classique" d'Exxon (Fig. II.9) et le modèle de Plint &
Nummedal (Fig. II.12), on constate que le cortège régressif reprend une partie des
dépôts du cortège de haut niveau (depuis le début de la chute du niveau marin
jusqu'au "downward shift") et une partie des dépôts du cortège de bas niveau (du
"downward shift" au point le plus bas du niveau marin).

Comme pour les autres cortèges, l'identification du cortège régressif est basée sur
sa position dans la séquence de dépôt, le mode d'empilement des séquences d'ordre
inférieur et la géométrie des corps sédimentaires. Le cortège régressif est le seul
cortège dont les unités successives s'avancent de moins en moins loin vers le
continent ("offlapping"); sa base correspond en pratique à la première séquence
d'ordre inférieur qui montre une surface d'érosion marine à sa base; son sommet
correspond à la surface d'émersion majeure (limite de séquence) sur laquelle se
dépose le prisme de bas niveau.

Fig. II.12: intégration du cortège régressif ("CR" ou "FSST") dans le modèle de


stratigraphie séquentielle. D'après Plint & Nummedal (2000).

Des pistes pour l'interprétation des systèmes carbonatés

Historiquement, le modèle de stratigraphie séquentielle d'Exxon a été développé en


environnement siliciclastique. L'adaptation des concepts et méthodes de la
stratigraphie séquentielle à la plate-forme carbonatée a été plus tardive et disons-le,
plus laborieuse. Ce n'est pas étonnant, puisqu'à la logique énergétique s'ajoute toute
la complexité du monde vivant. En conséquence, de nombreux problèmes sont
restés en suspens et n'ont pas encore trouvé de réponse satisfaisante.

Il semble que les variations de l'accommodation revètent une importance


considérable pour les systèmes carbonatés, notamment par une forte influence sur
l'évolution des écosystèmes. Au sein des communautés, les individus subissent des
gradients de stress au cours des cycles de variation de l'accommodation avec des
conséquences sur la sélection naturelle. Des communautés pionnières tendent à se
développer lors de l'augmentation de l'accommodation (avec production accrue de
matière organique), des communautés climax se développent lors de sa diminution
(avec production accrue de carbonate squelettique). Les récifs et constructions
carbonatées tendent ainsi à se développer au cours d'une diminution de
l'accommodation à plus long terme, surimposée à des cycles de fréquence plus
élevée. Lors d'une augmentation de l'accommodation à plus long terme, le
remplacement des écosystèmes récifaux par des communautés pionnières, de
moindre diversité, peut expliquer des paradoxes tels que l'ennoyage des plates-
formes carbonatées et la vulnérabilité des écosystèmes matures.

Une application de la stratigraphie séquentielle à la géométrie des atolls a été tentée


par Handford & Loucks (1993) (Fig.II.13).

Fig. II.13. Géométrie d'un atoll au cours d'un LST, TST et HST. Durant le LST, un
récif frangeant se développe et des phénomènes karstiques affectent la plate-forme
interne. Durant le TST, la croissance récifale ne peut équilibrer la hausse du
niveau marin qu'en périphérie de la plate-forme et une couronne atollienne se
développe; les sédiments sont exportés sur les flancs sous le vent; des sédiments
fins se déposent dans le lagon. Durant le début du HST, la diminution de
l'accomodation provoque une augmentation de l'exportation des sédiments;
ensuite, l'émersion fréquente de la plate-forme amène une diminution de la
productivité.

Qu'en penser?

L'existence de controverses quant à l'interprétation des séquences montre que la


stratigraphie séquentielle est un domaine en développement qui n'a pas encore
atteint sa pleine maturité. Il s'agit cependant d'un outil très prometteur pour
l'interprétation de l'évolution des bassins. Son application doit être effectuée avec
prudence, particulièrement en ce qui concerne les environnements carbonatés.

Pour en savoir plus

 http://strata.geol.sc.edu/
 S. Ferry, 1991. Une alternative au modèle de stratigraphie séquentielle
d'Exxon: la modulation tectono-climatique des cycles orbitaux. Géologie
alpine, mémoire hors-série, 18, 47-99.
 P. Homewood, 1996. The carbonate feedback system: interaction between
stratigraphic accommodation, ecological succession and the carbonate
factory. Bull. Soc. Géol. France, 167, 6, 701-715.
 C.R. Handford & R.G. Loucks, 1993. Carbonate depositional sequence and
system tracts-responses of platform to relative sea-level change. In:
R.G. Loucks & J.S. Sarg, eds., Carbonate sequence stratigraphy,
Mem. Am. Assoc. Petrol. Geol., 57, 3-41.
 A. Izart & D. Vachard, 1994. Subsidence tectonique, eustatisme et contrôle
des séquences dans les bassins namuriens et westphaliens de l'Europe de
l'ouest, de la CEI et des USA. Bull. Soc. Géol. France, 165, 5, 499-514.
 A.G. Plint & D. Nummedal, 2000: The falling stage systems tract:
recognition and importance in sequence stratigraphic analysis. In: D. Hunt &
R.L. Gawthorpe (eds.): Sedimentary response to forced regressions.
Geol. Soc. London Sp. Publ., 172, 1-17.
 J-N. Proust, 1994. Notions élémentaires de stratigraphie séquentielle
illustrées par un exemple. Ann. Soc. Géol. Nord, 3 (2e série), 5-25.
 J.C. Van Wagoner, H.W. Posamentier, R.H. Mitchum, P.R. Vail, J.F. Sarg,
T.S. Loutit, & J. Hardenbol, 1988. An overview of the fundamentals of
sequence stratigraphy and key definition. In: C.K. Wilgus, ed., Sea-level
changes-An integrated approach. S.E.P.M. Sp. Publ., 42, 39-45.

D'un point de vue historique:


 M. Errera, 1976. La séquostratigraphie: développement théorique et
application au Givetien franco-belge. Thèse de doctorat, ULB, 401 pp. (Non
publié).
 A. Lombard, 1972. Séries sédimentaires -genèse -évolution. Masson, 425 pp.

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