Dissertation: Le Territoire en Droit Constitutionnel Français

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Le territoire en droit constitutionnel français

« Le Royaume est un et indivisible », la Constitution post révolutionnaire du 3 septembre


1791 évoquait dans son article premier l’unité et l’indivisibilité du territoire, malgré sa
division en départements, en districts, en cantons. Ces principes sont repris dans la
Constitution actuellement en vigueur, proclamée le 4 octobre 1948, « La France est une
république indivisible, laïque, démocratique et sociale. ». Le principe d’indivisibilité est
applicable aux éléments constitutifs de l’État : au territoire, à la population, au pouvoir et à
la souveraineté qui est unique et s’applique sur l’ensemble du territoire. Ainsi, dans l’article
premier de la Constitution est évoquée l’indivisibilité de la République, qui renvoie à l’État,
qui renvoie à ses éléments constitutifs et particulièrement au territoire.
Le territoire est le périmètre dans lequel la population est soumise au pouvoir organisé, dans
lequel la souveraineté s’applique. Les frontières d’un État délimitent sa compétence
territoriale, définissent la population nationale, et situent l’État dans l’espace international.
Le territoire peut aussi bien être terrestre que marin, souterrain ou aérien, il peut être
constitué de plusieurs entités distinctes géographiquement comme la France et ses
départements d’outre-mer, peut être enclavé dans les frontières d’un autre État comme St-
Marin ou le Vatican. Un État est souvent formé au gré des évolutions historiques qu’il
connait, sa création ou son extension peut aussi être justifié par deux théories. Celle des
frontières naturelles, l’État distingue dans la plupart du temps de grandes étendues
naturelles comme frontière (Russie avec la chaine de l’Oural, Brésil avec l’Amazonie…). Les
frontières peuvent aussi être considérées comme des barrière à un « espace vital », le
« lebensraum » instauré par le IIIème Reich par exemple. Ainsi, le territoire constitue à la foi
la limite de l’entité nationale à l’intérieur de laquelle s’exerce l’autorité de l’État, mais aussi
le support de son indépendance à l’égard des États étrangers. Cette définition du territoire
est étroitement liée au droit constitutionnel qui traite des règles relatives à l’organisation et
au fonctionnement de l’État, de ses institutions juridiques et politiques.
L’unité territoriale de l’État s’affirme à travers ses éléments constitutifs, c’est un principe
constitutionnel qui n’a pas lieu de disparaitre, d’être concurrencé. Mais la diversité de la
République française peut entrer en jeu et influer sur l’unité du territoire notamment. En
effet, la France est un pays dans lequel coexistent plusieurs populations ayant toutes des
particularités, malgré leur rassemblement en un peuple français un et indivisible. Les
particularités les plus fortes sont certainement présentes chez certaines populations vivant
dans les départements d’outre-mer, ce qui implique que dans l’histoire de la France, des
revendications locales d’indépendance aient déjà été formulées, ce qui pouvait donner lieu à
des conflits. Des conflits qui touchent alors à l’unité de la République, à l’unité territoriale
affirmée par la Constitution, « la règle interne supérieure qui conditionne l’application de
toutes les autres » selon Paul Bastid. Ainsi, tout en affirmant l’unité territoriale de l’État, le
droit constitutionnel français admet-il que cette unité soit concurrencée ?
A travers les Constitutions, en premier lieu de 1791 et désormais de 1958, l’unité territoriale
de l’État est affirmée (I), mais la montée de nouveaux enjeux à l’époque contemporaine
change la donne, ce qui donne lieu à une fragmentation de l’unité du territoire (II).
I- L’unité territoriale de l’État affirmée par le droit constitutionnel
français

L’unité territoriale est conditionnée par une indivisibilité définie par la Constitution(A), et par
une souveraineté unique pour l’ensemble du territoire (B).

A. Un territoire indivisible

A travers les éléments constitutifs de l’État, le principe d’indivisibilité est toujours présent et
relié au territoire qui délimite les compétences de l’État. En effet, la population qui est un
terme relevant notamment de la géographie, est l’ensemble des personnes vivant dans les
frontières du territoire national. Cela renvoie à la question de peuple, des nationaux français
par exemple qui constituent une entité indivisible par leur appartenance au peuple français.
C’est l’idée d’une communauté s’étant mise en quête d’un protectorat, qui a été trouvé en la
personne morale de l’État qui protège sa population par ses frontières. De plus,
l’indivisibilité et l’unité du territoire s’illustre par la mise en place d’un droit uniforme à
l’intérieur des frontières du pays. Les représentants mettant en place les dispositions
législatives représentent toute la nation d’où le terme de souveraineté nationale, et les lois
s’appliquent à tous ceux vivant dans le territoire, sans aucune distinction.
« Le Président de la République est garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité du
territoire », selon l’article 5 de la Constitution de 1958. Un État reste un État même si ses
frontières étaient annexées, même si le pays était occupé, tant que certaines institutions
restent en place. L’article 16 donne d’ailleurs des pouvoirs exceptionnels au Président de la
République dans la mesure où il y aurait une atteinte grave et immédiate à l’intégrité du
territoire.

B. Une souveraineté unique appliquée à l’ensemble du territoire

L’État unitaire, c’est-à-dire l’État mono constitutionnel qui se caractérise par l’existence d’un
seul pouvoir politique exerçant la souveraineté, ce qui se caractérise sur le plan juridique par
l’existence de lois qui s’appliquent sur l’ensemble du territoire. Ces lois sont les mêmes pour
tous, vivant sur le territoire national. Le principe de souveraineté unique présent dans un
État unitaire, renvoie à une souveraineté nationale indivisible. En effet, la souveraineté n’est
pas fragmentée comme c’est le cas dans un État fédéral, composé d’État fédérés qui ont
leurs propres constitutions. Dans le cas d’un État fédéral, l’unité du territoire est remise en
cause car chaque État fédérés constitue un territoire à part entière, disposant d’un pouvoir
exécutif, d’un pouvoir législatif et d’un pouvoir juridictionnel comme c’est le cas aux États-
Unis.
Dans le cas de l’État français, il y a bien une division au sein du territoire mais qui n’est pas
du même ordre que dans le cas fédéral américain ou allemand. Ainsi, selon l’article premier
de la Constitution de 1958, l’organisation de la République est décentralisée. Cela signifie
que l’État unitaire qu’est la France met en place un processus d’aménagement consistant à
transférer des compétences administratives de l’État vers des entités, collectivités distinctes
de lui. C’est le cas des collectivités territoriales (communes, départements…) et d’outre-mer
(Guadeloupe, Martinique…). Il ne s’agit aucunement d’un transfert de souveraineté, ces
autorités sont – au contraire des entités déconcentrées – pourvues d’autonomie et de
personnalité morale, mais ne sont en aucun cas souveraines et ne constituent pas des États
à part entières comme dans un État fédéral. Ce processus est conforme à l’unité territoriale
de l’État.

Malgré l’affirmation de l’unité du territoire français par les principes constitutionnels,


certains aspects font que le territoire peut tendre à se fragmenter, du fait d’une concurrence
accrue à son unité.

II- Un territoire de plus en plus fragmenté par la diversité

Après une période coloniale durant laquelle la France a étendu son autorité sur de
nombreuses populations caractérisées par leur diversité, des revendications
d’indépendances apparaissent ce qui a des conséquences sur l’indivisibilité du territoire (A),
de plus une ouverture européenne a lieu depuis la fin du XXème siècle ce qui impacte le
territoire (B).

A. Des revendications d’indépendances venues d’outre-mer

L’article 3 de la Constitution de 1958 dispose que « Nulle cession, nul échange, nulle
adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées ». La
procédure référendaire ici prévue vaut aussi bien dans l’hypothèse où la France acquerrait
ou céderait à un État étranger un territoire, que dans celle où un territoire cesserait
d’appartenir à la République pour constituer un État indépendant. Ainsi, le droit
constitutionnel reconnait dans une certaine situation qu’un territoire pourrait se détacher
de la France et devenir indépendant. Cependant, nombres de conflits liés à des
revendications d’indépendance ont secoués la France durant la seconde moitié du XXème
siècle.
Même si l’on peut évoquer la guerre d’Algérie ou d’Indochine comme guerre
d’indépendance, nombre de pays ont obtenus leur indépendance à la suite de l’année 1958
et de la mise en place de la Vème République. Les pays restant sous l’autorité de la France
intègrent d’abord la Communauté avec le statut d’États membres, Communauté déclarée
caduque en 1961. Ils sont donc des territoires d’outre-mer, terme remplacé par collectivités
d’outre-mer par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003.
Enfin à travers la décision du Conseil constitutionnel du 21 décembre 1975 sur les
conséquences de l’autodétermination des îles des Comores, le juge constitutionnel a décidé
qu’il était possible de pratiquer des sécessions à l’occasion de la décolonisation. Plus tard, le
9 mai 1991, le Conseil constitutionnel a statué sur le statut administratif de la Corse en
admettant qu’il puisse exister une organisation administrative de l’État non homogène.
La diversité présente sur le territoire français est donc à l’origine de fragmentation de
territoire, dans le sens où des territoires peuvent décider de quitter la république pour
devenir indépendants et cette possibilité est reconnu par la Constitution. Aujourd'hui, le cas
de la Nouvelle Calédonie est source de préoccupations, sa population devant voter par
référendum si oui ou non elle souhaite accéder à sa pleine souveraineté et devenir
indépendante, le 12 décembre prochain.

B. Une ouverture européenne récente et des conséquences pour l’unité du


territoire

Le Conseil constitutionnel ne s’oppose pas, ces dernières années à ce qu’un transfert de


souveraineté ai lieu au profit de l’Union Européenne. Le traité de Maastricht de 1992,
accepté par voie de référendum par le peuple français, et dont les dispositions sont ajoutées
à l’article 88 de la Constitution, entre en contradiction avec l’article 3 qui dit la souveraineté
nationale. Sauf que ce transfert de souveraineté peut avoir un impact sur le territoire
français, qui s’ouvre de plus en plus à l’Union européenne, phénomène observé avec la
création de l’espace Schengen permettant la libre circulation entre les pays européens qui
l’adopte. Est donc présente une tendance à la fédéralisation de l’UE, qui est considérée par
certains comme un État fédéral sur certains points. Si tel était le cas, le territoire définit par
le droit constitutionnel français en subirait les conséquences, il est probable qu’il ne serait
plus exactement le même, qu’il n’aurait plus les mêmes fonctions.
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