Le Pakao Philosophie 2020
Le Pakao Philosophie 2020
Le Pakao Philosophie 2020
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Le sujet
La conscience, l'inconscient
La perception
Autrui
Le désir
L'existence et le temps
La culture
Le langage
L'art
Le travail
La technique
La religion
L'histoire
La raison et le réel
Théorie et expérience
La démonstration
L'interprétation
Le vivant
La matière et l'esprit
La vérité
La politique
La société et les échanges
La justice et le droit
L'État
La morale
La liberté
Le devoir
Le bonheur
BONUS
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Le sujet
La conscience, l'inconscient
• Pourtant, parce que la conscience l'arrache à l'innocence du monde naturel, l'homme connaît aussi
par elle sa misère, sa disproportion à l'égard de l'univers et, surtout, le fait qu'il aura à mourir.
• Cependant, avoir conscience de soi, ce n'est pas lire en soi comme dans un livre ouvert : savoir
que j'existe, ce n'est pas encore connaître qui je suis. Davantage même : c'est parce que je suis un
être de conscience que je peux me tromper sur mon propre compte, m'illusionner et me
méconnaître – un animal dénué de conscience ne saurait se mentir à soi-même.
• C'est ce que Husserl essaie de montrer : loin d'être une chose ou une substance, la conscience
est une activité de projection vers les choses. Elle est toujours au-delà d'elle-même, qu'elle se
projette vers le monde, ses souvenirs ou l'avenir, à chaque fois dans une relation ou visée que
Husserl nomme « intentionnelle ».
• Quand on l'a retrouvé, Victor, l'enfant sauvage qui avait grandi élevé par les loups, ne sursautait
pas lorsqu'on tirait derrière lui un coup de feu, mais se retournait lorsqu'on décortiquait des noix :
le coup de feu n'était tout simplement pas perçu, parce qu'il ne signifiait rien.
• Surtout, la conscience constitue la perception : par exemple, je ne verrai jamais d'un seul regard
les six faces d'un cube. Il faut donc que ma conscience fasse la synthèse des différents moments
perceptifs (le cube de devant, de côté et de derrière) pour construire ma représentation du cube.
Toute perception est une construction qui suppose une activité de la conscience : c'est ce que
Husserl nomme la synthèse temporelle passive – passive, parce que ma conscience opère cette
synthèse sans que je m'en rende compte, et temporelle, parce qu'elle synthétise différents
« moments » perceptifs qui se succèdent.
• L'inconscient n'est pas le non conscient : mes souvenirs ne sont pas tous actuellement présents à
ma conscience, mais ils sont disponibles (c'est le préconscient). L'inconscient forme un système
indépendant qui ne peut pas devenir conscient sur une simple injonction du sujet parce qu'il a
été refoulé. C'est une force psychique active, pulsionnelle, résultat d'un conflit intérieur entre
des désirs qui cherchent à se satisfaire et une personnalité qui leur oppose une résistance.
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• L'inconscient ne pourra s'exprimer qu'indirectement dans les rêves, les lapsus et les symptômes
névrotiques. Seule l'intervention d'un tiers, le psychanalyste, peut me délivrer de ce conflit entre
moi et moi-même, conflit que Freud suppose en tout homme.
La citation
« L'homme est à la fois le plus proche et le plus éloigné de lui-même. » (Saint Augustin)
La perception
J'ai la sensation d'une couleur ou d'une odeur, mais je perçois toujours un objet doté de
qualités sensibles (une table rouge et sentant la cire, et pas seulement le rouge ou l'odeur de
cire). Alors, si je ne perçois pas simplement du rouge, mais une chose rouge, cela signifie que
quand je perçois, j'identifie des objets (l'objet table, ayant telles ou telles qualités
sensibles) et que j'opère la synthèse des sensations provenant de mes différents sens. La
question est alors de savoir d'une part comment s'opère cette synthèse, et d'autre part
comment je reconnais tel ou tel objet.
• Mais comme certaines de ces sensations se présentent toujours conjointement dans mon
expérience sensitive, je finis par prendre l'habitude de les unir : je désigne alors leur union par un
seul nom (je nomme « tulipe » l'union de certaines odeurs, couleurs, formes visuelles se présentant
ensemble) ; je finis donc par considérer cette union comme formant une seule idée simple (la tulipe
en général). Au sens strict, toute chose n'est alors qu'une collection de sensations singulières et
distinctes, unies sous une seule dénomination par une habitude associative.
ce que je croyais : elle n'est pas un assemblage de qualités sensibles ; son essence doit être
distinguée de son apparence.
• Qu'est-ce donc alors qui me fait connaître ce qu'est la cire, si ce ne sont pas mes sensations ?
Selon Descartes, c'est une « inspection de l'esprit » : si l'objet, c'est ce qui demeure le même
par-delà les variations de l'expérience sensible, alors la perception de l'objet ne peut être
qu'un acte intellectuel. Or la raison me fait reconnaître que la cire n'est pas une somme de
qualités sensibles, mais un morceau d'espace flexible et muable. Percevoir un objet, ce ne serait
donc pas le sentir mais le concevoir.
• Chaque « vécu » de la table est vécu de la même table : il n'en est pas une représentation dans
l'esprit ni une simple apparence. Au contraire, chaque vécu de la table me la rend effectivement
présente, mais à sa façon, d'un certain point de vue, sous un certain aspect ; c'est ainsi dans un
flux temporel d'esquisses que chaque objet apparaît à la conscience, et il ne peut en être
autrement : je ne peux pas, par définition, percevoir en même temps les six faces d'un cube posé
devant moi. Le propre de la chose perçue, c'est donc de ne jamais pouvoir se donner tout entière
à la conscience : un objet perceptif entièrement présent, une perception saturée d'esquisses,
sont un idéal toujours visé mais jamais atteint.
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La citation
« Ce n'est pas une propriété fortuite de la chose ou un hasard de notre constitution humaine que
notre perception ne puisse atteindre les choses elles-mêmes, que par l'intermédiaire de simples
esquisses. »(Edmund Husserl)
Autrui
Qu'est-ce qu'autrui ? Un autre moi-même, c'est-à-dire celui qui est à la fois comme moi et
autre que moi. Rencontrer autrui, cela suppose donc d'une part la vie en communauté ; mais
d'autre part, comme je ne saurais être moral tout seul, la moralité elle-même suppose la
rencontre d'autrui.
• Husserl va montrer que la conscience n'est pas une substance, mais une ouverture à l'altérité :
je n'ai pas d'abord conscience de moi, puis d'autrui et du monde, parce que ma conscience est
d'emblée rapport au monde et à autrui. Le monde dont je suis conscient n'est pas un désert vide,
car je peux deviner la trace d'autrui derrière les choses : le champ n'existerait pas sans autrui
pour le cultiver ; de même, le chemin sur lequel je marche n'a pas été tracé par mes seuls pas.
• Par le langage, je suis avec autrui en situation de compréhension réciproque (ce pourquoi,
d'ailleurs, je ne me comporte pas de la même façon seul que devant autrui). Le langage fonde donc
la « communauté intersubjective » (Husserl). Un langage que je serais seul à comprendre serait au
mieux un code, au pire un charabia : par le seul fait que je parle une langue, je ne suis jamais seul,
parce que parler une langue, c'est d'emblée appartenir à une communauté.
• Hegel juge cette thèse insuffisante, car Hobbes suppose une nature humaine antérieure à la
rencontre d'autrui. Selon Hegel, je ne suis pas d'emblée un homme qui aurait besoin qu'autrui
reconnaisse en moi une humanité déjà constituée, je ne suis homme que si autrui m'accorde ce
statut. Le désir de pouvoir, et donc le besoin d'autrui, n'est pas seulement révélateur, mais
bien constitutif de mon humanité.
• Il faut le miroir de l'autre pour que la conscience que nous avons de nous ne soit pas une illusion :
ce qui différencie le fou qui se prend pour Napoléon, et Napoléon lui-même, c'est qu'autrui ne
reconnaît pas que le fou est ce qu'il croit être. Or, la reconnaissance par l'autre ne passe pas
simplement par la reconnaissance de l'autre. Il ne suffit pas que je reconnaisse autrui pour qu'il
me reconnaisse : tel est le véritable sens de la dialectique du maître et de l'esclave.
• Mais Hegel montre comment l'esclave se libérera à son tour par le travail et la maîtrise de soi,
tandis qu'à son tour le maître deviendra esclave de sa jouissance.
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• La moralité ne se fonde donc pas sur un prétendu « droit à la différence », bien au contraire :
c'est parce qu'autrui, malgré ses différences, appartient au même, c'est-à-dire à l'humanité, que
j'ai des devoirs moraux envers lui ; c'est pourquoi Rousseau faisait de la pitié, sentiment naturel
par lequel je m'identifie aux souffrances d'autrui, le fondement de la moralité.
La citation
« Le solipsisme ne serait rigoureusement vrai que de quelqu'un qui réussirait à constater son
existence sans être rien et sans rien faire, ce qui est impossible, puisqu'exister c'est être au
monde. » (Merleau-Ponty)
Le désir
Nous éprouvons sans cesse des désirs : que le désir vise un objet déterminé − une belle
voiture − ou un état diffus et général − le bonheur −, désirer semble faire corps avec l'élan
même de la vie qui sans cesse nous entraîne au-delà de nous-mêmes : vers les objets
extérieurs pour nous les approprier, ou vers ce que nous voudrions être mais que nous ne
sommes pas.
• C'est d'abord le signe d'un manque : on ne désire que ce que l'on n'a pas. Il y aurait au cœur de
l'homme une absence de plénitude et un inachèvement qui aspireraient à se combler et qui seraient
à l'origine de la dynamique même de l'existence.
• S'ajoutent à ces besoins physiologiques les besoins dits « artificiels », créés par la société. Dans
les deux cas, le besoin trouve son assouvissement dans un objet qui lui préexiste et le complète. Il
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en va autrement du désir : il n'a pas d'objet qui lui soit par avance assigné. Quand je désire être
heureux, suis-je capable de définir précisément ce que j'attends ? L'objet du désir
est indéterminé.
• Par ailleurs, le désir sent confusément qu'aucun objet n'est à même de le satisfaire pleinement.
C'est pourquoi, à la différence du besoin, il est illimité, insatiable et sans cesse guetté par
la démesure, comme le montre Platon dans le Gorgias quand il compare l'homme qui désire à un
tonneau percé qui ne peut jamais être rempli.
Selon Schopenhauer, la vie d'un être de désir est donc comme un pendule qui oscille entre
la souffrance (quand le désir n'est pas satisfait, et que le manque se fait douloureusement sentir)
et l'ennui (quand le désir est provisoirement satisfait).
• Les autres deviennent non pas seulement des concurrents, mais bien des adversaires, car le
meilleur moyen d'empêcher le désir de l'autre de me barrer la route est de tuer l'ennemi. Parce
qu'il est un être de désir, l'homme naturel est nécessairement violent : il faut un État pour faire
cesser « la guerre de tous contre tous ».
qu'il désire trop et mal. Apprendre à désirer seulement ce que l'on peut atteindre, en restant dans
les bornes du raisonnable, telle est la morale stoïcienne.
• S'arracher à la peur superstitieuse de la mort et des dieux et s'en tenir aux désirs naturels et
nécessaires, qui sont tout à la fois faciles à combler et dont la satisfaction est source de plaisir,
telle est la morale épicurienne. Toutes deux dessinent l'idéal d'une sagesse humaine fondée sur
l'absence de troubles (ou ataraxie) et l'harmonie avec la nature.
La citation
Le désir ouvre « la guerre de tous contre tous. » (Hobbes)
L'existence et le temps
• Plus qu'une chose à définir, le temps est la dimension de ma conscience, qui se reporte à partir de
son présent vers l'avenir dans l'attente, vers le passé dans le souvenir et vers le présent dans
l'attention (Saint Augustin).
• Surtout, la perception suppose que ma conscience fasse la synthèse des différents moments
perceptifs : j'identifie la table comme table en faisant la synthèse des différentes perceptions
que j'en ai (vue de devant, de derrière, etc.). Or, cette synthèse est temporelle : c'est dans le
temps que la conscience se rapporte à elle-même ou à autre chose qu'elle.
nous percevons est dans le temps) et cependant nulle part (nous ne percevons jamais le temps
comme tel).
• Nous ne pouvons percevoir les choses que sous forme de temps et d'espace ; et ces formes ne
sont pas déduites de la perception, parce que toute perception les suppose. La seule solution
consiste donc, pour Kant, à faire du temps et de l'espace les formes pures ou a priori de toutes
nos intuitions sensibles : le temps n'est pas dans les choses, il est la forme sous laquelle notre
esprit perçoit nécessairement les choses.
• Bergson montre ainsi que notre intelligence comprend le temps à partir de l'instant ponctuel :
elle le spatialise, puisque la ponctualité n'est pas une détermination temporelle, mais spatiale. Le
temps serait alors la succession des instants, comme la ligne est une succession de points. Notre
intelligence comprend donc le temps à partir de l'espace : comprendre le temps, c'est le
détruire comme temps. À ce temps spatialisé, homogène et mesurable, il faut donc opposer
notre vécu interne du temps ou « durée ».
• À ce temps spatialisé, homogène et mesurable, il faut donc opposer notre vécu interne du temps
ou « durée » : la durée, c'est le temps tel que nous le ressentons quand nous ne cherchons pas à le
comprendre. Elle n'a pas la ponctualité abstraite du temps : dans la durée telle que nous la vivons,
notre passé immédiat, notre présent et notre futur immédiat sont confondus.
Tout geste qui s'esquisse est empreint d'un passé et gros d'un avenir : se lever, aller vers la porte
et l'ouvrir, ce n'est pas pour notre vécu une succession d'instants, mais un seul et même
mouvement qui mêle le passé, le présent et l'avenir. La durée n'est pas ponctuelle, elle est
continue, parce que notre conscience dans son présent se rapporte toujours à son passé et se
tourne déjà vers son avenir. La durée non mesurable, hétérogène et continue est donc le vrai
visage du temps avant que notre intelligence ne le décompose en instants distincts.
• Parce que le temps est irréversible, je crains mon avenir et je porte le poids de mon passé ; parce
que mon présent sera bientôt un passé sur lequel je n'aurai aucune prise, je suis amené à
me soucier de ma vie.
Selon Heidegger, c'est même parce qu'il est de part en part un être temporel que l'homme existe.
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Les choses sont, mais seul l'homme existe (au sens étymologique) : l'homme est jeté hors de lui-
même par le temps. Être temporel, ce n'est donc pas simplement être soumis au temps : c'est être
projeté vers un avenir, vers du possible, avoir en permanence à se choisir et à répondre de ses
choix (ce que Heidegger nomme le souci).
• Je ne meurs pas parce que je suis un être temporel et soumis aux lois du temps, au contraire : le
temps n'existe pour moi que parce que la perspective certaine de ma mort m'invite à m'en soucier
(inconscients de leur propre mort, les animaux ne connaissent pas le temps). Et comme personne ne
pourra jamais mourir à ma place, personne ne pourra non plus vivre ma vie pour moi : c'est la
perspective de la mort qui rend chacune de nos vies uniques et insubstituables.
La culture
Le langage
• Il a aussi établi qu'il n'y avait aucun rapport logique entre le signifiant et le signifié : c'est la
thèse de l'arbitraire du signe. Le langage est donc une convention arbitraire ; ce pourquoi,
d'ailleurs, il y a plusieurs langues.
• Les animaux n'utilisent pas dans leur communication des signes composés, mais des signaux
indécomposables. Alors que le langage humain est un langage de signes, la communication animale
est un code de signaux, dont chaque signal renvoie à une seule signification possible.
• Le « langage » animal n'a pas de grammaire : les signaux qui le composent ont chacun un sens
précis et unique et ne peuvent donc pas être combinés entre eux. Grâce à la grammaire et au
nombre infini de combinaisons qu'elle permet, le langage humain, lui, est plus riche de
significations et surtout, il est capable d'invention et de progrès.
• Le langage est donc le fruit de notre faculté d'abstraction : le mot « arbre » peut
désigner tous les arbres, parce que nous avons, contrairement aux animaux, la faculté de ne voir
dans cet arbre-ci qu'un exemplaire de ce que nomme le mot « arbre » (le concept d'arbre).
• Le langage ne fait donc pas que décrire un monde qui lui serait préexistant : c'est lui
qui délimite le monde humain, ce que nous pouvons percevoir et même ce que nous pouvons penser.
N'existe, en fait, que ce que nous pouvons nommer dans notre langue.
• Le langage permet de viser intentionnellement autrui comme sujet : Husserl peut donc affirmer
que c'est lui qui fonde la communauté humaine entendue comme « communauté intersubjective. »
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• Wittgenstein remarque cependant qu'à côté de cette fonction descriptive, le langage a plus
fondamentalement une fonction éthique : dire que le chat est sur le paillasson, c'est certes
décrire la position du chat, mais c'est aussi célébrer la communauté humaine pour laquelle cette
proposition a une signification. Le langage fait de l'homme « l'animal cérémoniel » : il n'a de sens
que dans une communauté, et c'est cette communauté de langue que nous célébrons, même sans le
savoir, dès que nous parlons.
La citation
« Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde » (Wittgenstein)
L'art
L'art ne doit pas seulement être entendu dans le sens de « beaux-arts » : il ne faut pas
oublier l'art de l'artisan, qui lui aussi réclame une technique, c'est-à-dire un ensemble de
règles à respecter. Il est clair cependant que les beaux-arts n'ont pas la même finalité
puisqu'ils recherchent le beau et produisent des objets dépourvus d'utilité.
• L'art réclame toujours des règles : lorsque l'on est charpentier comme lorsque l'on est musicien,
il faut observer des règles si l'on veut produire l'œuvre désirée. C'est exactement ce que veut
dire le mot technè en grec : la technique, c'est l'ensemble des règles qu'il faut suivre dans un art
donné.
• L'artiste quant à lui ne vise pas l'utile, mais le beau. Si l'habileté technique est la limite
supérieure de l'art de l'artisan, elle est la limite inférieure des beaux-arts : alors qu'on attend
d'un objet courant qu'il soit bien conçu et réalisé de façon à être d'usage aisé, on n'attend pas
simplement d'un tableau qu'il soit bien peint, mais qu'il éveille en nous le sentiment du beau.
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• La seconde est inaugurée par Kant : le beau n'est pas une caractéristique de l'objet, c'est un
sentiment du sujet, éveillé par certains objets qui produisent en nous un sentiment de liberté et
de vitalité. En effet, le sentiment du beau est le « libre jeu » de l'imagination et de
l'entendement : le beau suscite un jeu de nos facultés par lequel nous éprouvons en nous le
dynamisme même de la vie.
• Le beau peut être universel parce qu'il fait jouer des facultés qui sont communes à tous les
sujets : le sentiment que j'éprouve devant la belle œuvre peut, en droit, être partagé par tous.
Pour Kant cependant, cette définition vaut aussi bien pour le beau naturel que pour le beau
artistique ; en un sens, le beau naturel peut être selon lui supérieur au beau artistique, parce qu'il
est purement gratuit : la belle œuvre est faite pour plaire, et cette intention, quand elle est trop
visible, peut gâcher notre plaisir ; rien de tel avec un beau ne paysage.
• Pour Kant cependant, cette inutilité n'est pas simplement une absence de fonction : elle résulte
de la nature même du beau. Dire qu'une fleur est belle ne détermine en rien le concept de fleur :
le jugement esthétique n'est pas un jugement de connaissance, il ne détermine en rien son objet,
qui plaît sans qu'on puisse dire pourquoi. C'est ainsi parce que le beau plaît sans concept que
l'œuvre ne peut pas avoir de finalité assignable.
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• Dans le tableau, ce n'est donc pas la nature que je contemple, mais l'esprit humain : l'art est le
moyen par lequel la conscience devient conscience de soi, c'est-à-dire la façon par laquelle l'esprit
s'approprie la nature et l'humanise. C'est donc parce que nous nous y contemplons nous-mêmes que
l'art nous intéresse.
Certes, un outil est aussi le produit de l'esprit humain ; mais il a d'abord une fonction utilitaire et
pratique. En contemplant une œuvre d'art en revanche, nous ne satisfaisons pas un besoin pratique,
mais purement spirituel : c'est ce qui fait la supériorité des œuvres sur les autres objets qui
peuplent notre monde.
La citation
« Est beau, ce qui plaît universellement et sans concept. » (Kant)
Le travail
Toute société humaine est fondée sur un partage du travail entre ses différents membres.
La nécessité du travail est pourtant vécue comme une malédiction pénible. N'est-il pas
cependant une condition de l'accomplissement de l'humanité ? En outre, chacun produisant
quelque chose de différent, comment mesurer la valeur relative des biens que l'on échange ?
• L'invention des machines ne résout pas le problème puisqu'il faut encore des hommes pour les
concevoir et les réparer.
• Dans l'effort, l'homme se rend peu à peu maître de lui : il se libère ainsi de la nature en lui (les
instincts) en transformant la nature hors de lui. Faire taire la tyrannie des instincts, n'est-ce pas
là précisément être libre, n'est-ce pas là la marque propre de l'humanité ? Le travail est donc
nécessaire en un second sens : sans lui, l'homme ne peut pas réaliser son humanité.
• Tel est le sens de la dialectique du maître et de l'esclave chez Hegel : le maître, c'est-à-dire
celui qui jouit du travail d'autrui sans avoir rien à faire de ses dix doigts, est finalement le
véritable esclave ; et l'esclave, qui apprend à se discipliner lui-même et acquiert patiemment un
savoir-faire, devient maître de lui comme de la nature. Alors qu'il était une contrainte subie et la
marque de l'esclavage, le travail devient moteur de notre libération.
• Rousseau ajoute cependant que ce droit naturel n'est pas le droit positif : dans un corps social
organisé, c'est la loi, et non le seul travail, qui fixe la propriété de chacun. Lorsqu'il passe de l'état
de nature à l'état civil, l'homme abandonne le bien dont il jouissait seulement pour en être le
premier occupant : désormais, n'est à moi que ce dont la loi me reconnaît légitime propriétaire.
L'État doit-il alors simplement constater l'inégalité des richesses et de la propriété de chacun, ou
doit-il chercher à les répartir entre ses membres ?
La citation
« Le travail ne produit pas seulement des marchandises ; il se produit lui-même et produit l'ouvrier
comme une marchandise. » (Marx)
La technique
« Technique » vient du grec technè qui signifie, selon Aristote, « une disposition à produire
accompagnée d'une règle vraie » : la technique au sens grec, c'est l'ensemble des règles
qu'il faut suivre pour produire un objet donné. Mais la technique moderne peut-elle encore se
comprendre ainsi ?
• La technique est l'ensemble des règles permettant d'ordonner ces causes dans un art donné : une
règle technique nous dit comment travailler telle matière, quelle forme lui donner, si l'on veut en
faire tel objet.
• Ces règles ne sont pas laissées au caprice de tel ou tel : elles sont nécessaires et enseignables,
c'est-à-dire qu'on peut les transmettre ; en ce sens, on peut dire qu'elles sont « vraies », parce
qu'elles ne changent pas et ne peuvent pas être modifiées.
• La technique n'est donc pas un instrument neutre qu'on peut bien ou mal utiliser, mais un mode
de pensée. L'homme ne pense plus qu'à gérer, à calculer et à prévoir : c'est la différence que fait
Heidegger entre la pensée méditante et désintéressée, et la pensée calculante qui veut par la
technique dominer la nature et l'asservir aux besoins de l'homme.
• Le danger lié à la technique n'est donc pas d'abord celui d'une explosion nucléaire ou d'un conflit
planétaire destructeur : le véritable danger, c'est que la technique devienne l'unique mode de
pensée, c'est-à-dire la seule façon que nous ayons de penser quelque chose. Car alors, il nous
faudra craindre que l'homme se pense lui-même en termes techniques, comme un objet manipulable
ou comme une ressource à exploiter de la manière la plus productive possible.
Or, nous dit Heidegger, cela a déjà eu lieu. La technique n'est plus un projet dont l'homme serait
encore le maître : elle est bien plutôt la façon dont l'homme moderne se comprend lui-même et
comprend le monde, en sorte que l'homme lui-même est mis au service de la technique, et non
l'inverse.
La citation
« Supposons maintenant que la technique ne soit pas un simple moyen : quelles chances restent
alors à la volonté de s'en rendre maître ? » (Heidegger)
La religion
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Il s'agit de savoir ici ce que sont les religions en général, et non de parler de telle ou telle
religion. Le fait religieux est présent dans toutes les cultures humaines, même les plus
primitives : fondamentalement, le fait religieux lie l'homme à des puissances qui sont plus
qu'humaines. La question est alors de savoir si raison et religion doivent s'exclure
réciproquement.
• Selon Comte, le stade suivant est celui du polythéisme : ce ne sont plus les objets qui sont
vénérés, mais des êtres divins représentés de manière anthropomorphique. Au rite religieux est
alors associé l'élément du mythe comme récit des origines : le mythe n'est pas qu'un récit
imaginaire, c'est un modèle qui sert à expliquer le réel et à le comprendre en racontant sa genèse.
• Surtout, c'est avec le monothéisme que Dieu n'est plus pensé à l'image de l'homme : il est
désormais infiniment distant, il est le tout-autre. Il ne s'agit plus alors de faire des sacrifices
pour s'attirer ses faveurs, mais de croire en lui : avec le monothéisme, c'est la notion de foi qui
prend tout son sens.
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• Selon Feuerbach, le monothéisme le plus radicalement neuf est le christianisme : c'est lui qui a
montré que les religions polythéistes adoraient des dieux imaginés à la ressemblance des hommes.
La religion grecque, en fait, adorait l'homme lui-même : le christianisme dépasse les autres
religions parce qu'il montre qu'elles ont toutes été anthropomorphiques.
• Même si l'homme l'ignore, Dieu n'est autre que l'homme lui-même : pensant Dieu comme étant
tout autre que lui, l'homme s'aliène puisqu'il se dépossède de ses caractéristiques les plus dignes
pour les donner à Dieu. « L'homme pauvre a un dieu riche » : cela signifie que le dieu chrétien n'est
que la projection des espérances humaines ; cela signifie aussi que l'homme a dû se dépouiller de
toutes ses qualités pour en enrichir Dieu. Nous devons alors réapprendre à être des hommes en
nous libérant de l'aliénation religieuse.
• Pour que le devoir lui-même ne sombre pas dans l'absurde, il faut alors nécessairement postuler
l'existence d'un Dieu juste et bon qui garantira ailleurs et plus tard la correspondance du
bonheur et de la moralité. Cette « religion dans les simples limites de la raison » n'est pas la
religion des prêtres : pas de culte, pas de clergé, ni même de prières, c'est une pure exigence de
la raison pratique qui pose que Dieu existe, même si la raison théorique ne pourra jamais le
démontrer.
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• C'est justement la marque de l'orgueil humain que de vouloir tout saisir par la raison et par
« l'esprit » ; mais ce n'est pas par la raison que nous atteindrons Dieu, mais par le sentiment
poignant de notre propre misère : la foi qui nous ouvre à Dieu est d'un autre ordre que la raison, et
la raison doit lui être subordonnée.
Les citations
« Je devais donc supprimer le savoir pour faire une place à la foi. » (Kant)
« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. » (Pascal)
L'histoire
L'histoire est toujours histoire d'une communauté humaine : il n'y a pas plus d'histoire de
l'individu pris isolément qu'il n'y a d'histoire des animaux. Il faut distinguer l'histoire comme
récit fait par l'historien des événements passés et l'histoire comme aventure en train de se
faire.
• L'histoire peut seulement nous enseigner comment les choses se sont passées, et non comment
elles se passeront. Si donc nous définissons une science par son objet, alors l'histoire n'est pas
une discipline scientifique ; en revanche, elle l'est peut-être par sa méthode : l'historien a pour
but de dire ce qui s'est réellement passé à partir de traces qu'il authentifie et qu'il interprète.
• De même, l'historien ne doit pas expliquer les chaînes causales et établir des lois, mais
comprendre un sens ; aussi l'objectivité historique n'a-t-elle rien à voir avec l'objectivité
scientifique : étant une interprétation, l'histoire peut et doit toujours être réécrite. En ce sens,
l'histoire est surtout la façon dont l'homme s'approprie un passé qui n'est pas seulement le sien.
• Nous faisons de l'histoire non pour prévoir notre avenir, mais pour garder trace de notre passé,
parce que nous nous posons la question de notre propre identité : c'est parce que l'homme est en
quête de lui-même, parce qu'il est un être inachevé qui ne sait rien de son avenir, qu'il s'intéresse
à son passé. Par l'histoire, l'homme construit et maintient son identité dans le temps.
• Hegel montre que l'histoire est en fait le processus par lequel un peuple devient conscient de
lui-même, c'est-à-dire conscient d'exister en tant que peuple ; c'est la raison pour laquelle nous
retenons principalement de l'histoire les moments où notre peuple a été menacé dans son
existence, autrement dit les guerres.
• Alors, quel est l'objet extérieur à lui qu'un peuple pose, et comment le reconnaît-il comme étant
lui ? Pour Hegel, l'objet posé, ce sont les institutions : c'est en créant des institutions chargées de
régir la vie en communauté qu'un peuple parvient à l'existence. Les institutions sont l'image qu'un
peuple se donne de lui-même, elles matérialisent le peuple comme peuple.
• Sans le « grand homme », cette image de lui-même que sont les institutions lui serait comme
étrangère : le second moment de la prise de conscience de soi est effectué par le chef éclairé (par
exemple Napoléon) qui s'identifie aux institutions d'un peuple et qui, animé par la passion du
pouvoir, les réforme et les impose autour de lui.
La citation
« Ce qu'enseignent l'expérience et l'histoire, c'est que les peuples et gouvernements n'ont jamais
rien appris de l'histoire. » (Hegel)
La raison et le réel
Théorie et expérience
• En d'autres termes, l'expérience a en science un rôle réfutateur de la théorie, qui n'est jamais
entièrement vérifiable : c'est la thèse de la « falsifiabilité » des théories scientifiques. La vérité
n'est donc pas l'objet de la physique, qui recherche bien plutôt un modèle d'explication cohérent
et efficace de la nature. Le physicien est devant la nature comme devant « une montre fermée »,
disait Einstein en citant Descartes : peu lui importe, finalement, de savoir comment la montre
fonctionne, le tout étant de proposer une explication efficace pour prédire les mouvements des
aiguilles.
La citation
« Je croirai avoir assez fait, si les causes que j'ai expliquées sont telles que tous les effets
qu'elles peuvent produire se trouvent semblables à ceux que nous voyons dans le monde, sans
m'enquérir si c'est par elles ou par d'autres qu'ils sont produits. » (René Descartes)
La démonstration
Comme le remarquait Husserl, la volonté de démontrer est apparue en Grèce antique, aussi
bien dans le domaine mathématique que dans celui de la logique. Être rationnel, l'homme a en
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effet la possibilité d'articuler des jugements prédicatifs (du type « Sujet est Prédicat »)
dans des raisonnements en trois temps nommés syllogismes, et qui sont la forme même de la
démonstration.
• D'ailleurs, un syllogisme pose ses prémisses comme étant vraies sans pour autant le démontrer.
En fait, la logique n'a pas pour but de démontrer la vérité des prémisses, mais d'établir toutes
les déductions cohérentes qu'on peut en tirer : si j'admets que la majeure est vraie, et si
j'admets que la mineure est vraie, que puis-je en tirer comme conclusion ? Au début de chaque
syllogisme, nous sous-entendons donc : « s'il est vrai que » : les prémisses sont des hypothèses, et
la logique en tant que telle ne peut produire que des raisonnements hypothético-déductifs. La
logique n'augmente en rien notre connaissance, elle ne fait qu'expliciter une conclusion qui par
définition devait déjà être contenue dans les prémisses, en ne tenant en outre aucun compte du
contenu même des propositions.
Aristote, nous dit Descartes, s'est trompé sur ce point : la logique, art de la démonstration
formelle, est l'art des démonstrations vides et en un sens, inutiles. Elle ne saurait servir
de méthode ou d'instrument (en grec organon) à la connaissance en général.
• La méthode géométrique ne nous conduit donc pas à vouloir tout définir, mais au contraire à
partir de termes absolument évidents pour définir les autres et commencer nos déductions. C'est
exactement ce que dit Descartes : la méthode de la connaissance, c'est la méthode géométrique,
qui consiste à déduire des vérités de plus en plus complexes à partir d'idées claires et
distinctes.
Ainsi, dans son Éthique, Spinoza va appliquer à la philosophie la méthode des géomètres : on pose
des définitions et des axiomes dont on déduit tout le reste, y compris l'existence et la nature de
Dieu.
• Cela n'a aucune importance en mathématiques : peu importe au mathématicien que le triangle
existe réellement : pour lui, la question est simplement de savoir ce que l'on peut démontrer à
partir de la définition du triangle et des axiomes de la géométrie. Mais quand
la métaphysique entend démontrer l'existence de Dieu selon une méthode mathématique, elle est
dans l'illusion, parce que les mathématiques sont justement incapables de démontrer l'existence
de leurs objets. Selon Kant, le seul moyen à notre portée pour savoir si un objet correspond
réellement au concept que nous en avons, c'est l'expérience sensible. Au-delà des limites de cette
expérience, nous pouvons penser, débattre, argumenter, mais pas démontrer ni connaître.
La citation
« À l'auberge de l'évidence, Monsieur Descartes a oublié de mettre une enseigne. » (Claude Adrien
Helvétius)
L'interprétation
Étymologiquement, l'interprète est celui qui parle entre moi et un autre, moi et un texte,
c'est-à-dire celui qui rend compréhensible un sens qui sans cela serait demeuré obscur.
Interpréter, c'est donc toujours faire passer de l'obscur au clair, révéler une signification.
En ce sens, on ne saurait réduire l'interprétation à la traduction des langues étrangères :
elle est bien plutôt la méthode des « sciences humaines ».
1. Qu'est-ce qu'interpréter ?
On parle d'interprétation dans des situations très diverses : le médecin interprète les symptômes
d'une maladie (c'est le diagnostic) ; le juge interprète les textes de lois pour les appliquer au cas
particulier qu'il juge ; le musicien interprète la partition ; le psychanalyste interprète le sens des
rêves de son patient. Plus généralement, nous ne cessons jamais d'interpréter le sens d'une parole,
la signification d'un geste, d'une attitude ou d'un événement. À chaque fois cependant,
interpréter, c'est tenter de découvrir un sens. Ce sens à découvrir n'est pas immédiatement
manifeste (c'est précisément pour cela qu'il nécessite un travail d'interprétation) ; mais il se
laisse deviner, sans quoi je ne chercherais même pas à l'interpréter. Interpréter, c'est
donc savoir que quelque chose a un sens, même si l'on ne sait pas encore lequel, et tenter de le
découvrir.
d'un terme grec signifiant tout à la fois expliquer et comprendre. L'herméneutique religieuse
comporte trois parties : interpréter, comprendre, et appliquer la signification dégagée au présent.
Cependant, le sens auquel on parvient n'est jamais définitif : une autre interprétation est toujours
possible (on n'interprète pas un texte comme on résout une équation !).
Ce caractère provisoire fait la faiblesse de l'interprétation par rapport à la démonstration ; mais
elle fait aussi sa force : si l'interprétation n'est pas une démonstration, cela signifie peut-être
qu'elle va nous permettre d'essayer de comprendre ce qui ne se démontre pas.
• Or, c'est exactement ce que fait l'historien : il part d'un intérêt présent pour, grâce au passé,
comprendre ce même présent et le voir sous un nouveau jour. La démarche est celle d'un va-et-
vient permanent entre passé et présent. La distance temporelle entre l'historien et les
événements qu'il étudie n'est donc pas un obstacle à la connaissance historique : elle en est le
moteur. Plus généralement, la structure circulaire de l'herméneutique nous fournit une méthode
pour toutes les disciplines que Dilthey nomme les sciences de l'esprit (qui tentent
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de comprendre un sens), et qui diffèrent des sciences de la nature (qui expliquent des
phénomènes dénués de signification).
La citation
« Nous expliquons la nature, mais nous comprenons la vie de l'esprit » (Wilhelm Dilthey)
Le vivant
• On voit ici que l'âme végétative est de toute la plus fondamentale : pour Aristote vivre, c'est
avant tout « se nourrir, croître et dépérir par soi-même ». Cela signifie que le vivant se
différencie de l'inerte par une dynamique interne, par une autonomie de fonctionnement qui se
manifeste dans un ensemble d'activités propres à maintenir la vie de l'individu comme de l'espèce.
fonctionnement et doué d'une autonomie relative par rapport à un milieu auquel il peut s'adapter.
La première caractéristique de tout être vivant, c'est alors la morphogénèse autonome qui se
manifeste par exemple dans la cicatrisation : le vivant produit lui-même sa propre forme et est
capable de la réparer.
• Ensuite, tout être vivant possède une invariance reproductive : les systèmes vivants en
produisent d'autres qui conservent toutes les caractéristiques de l'espèce.
• Enfin, tout être vivant est un système où chaque partie existe en vue du tout, et où le tout
n'existe que par ses parties : le vivant se caractérise par sa téléonomie, parce que c'est la
fonction qui définit l'organe. On nomme organisme cette organisation d'organes interdépendants
orientée vers une finalité.
• Devant l'harmonie des différentes parties d'un organisme, il est alors tentant de justifier
l'existence des organes par la nécessité des fonctions à remplir, et non l'inverse, en faisant
comme si l'idée du tout à produire guidait effectivement la production des parties. Cela
présuppose que l'effet ou la fin sont premiers, ce qui est scientifiquement inadmissible : la biologie
va opposer à notre compréhension naturelle du vivant par les fins une explication mécaniste.
• Bergson montre que l'intelligence a pour rôle d'analyser et de décomposer : au fur et à mesure
qu'elle s'empare du vivant, elle le décompose en des réactions mécaniques qui nous font perdre le
vitalisme de la vie.
• Comprendre le vivant, ce n'est pas le disséquer ou l'analyser, c'est établir les relations
dynamiques qu'il entretient avec son environnement : chaque espèce vit dans un milieu unique en
son genre et n'est sensible qu'à un nombre limité de stimuli qui définissent ses possibilités
d'action. La vie se définit alors non comme un ensemble de normes et de lois analysables, mais
comme une « normativité » (Canguilhem). Ce qui caractérise le vivant, ce n'est pas un ensemble de
lois mécaniques, c'est qu'il est capable de s'adapter à son milieu en établissant de nouvelles
normes vitales.
La citation
« Un vivant est normal dans un milieu donné pour autant qu'il est la solution morphologique et
fonctionnelle trouvée par la vie pour répondre à toutes les exigences du milieu. »
(Canguilhem)
La matière et l'esprit
La matière est ce qui est le plus élémentaire, au sens où c'est ce qui existe indépendamment
de l'homme, comme ce qui est susceptible de recevoir sa marque, la marque de l'esprit. La
définition est ici nominale : est matière ce qui n'est pas esprit, et inversement. Pourtant,
matière et esprit sont-ils deux réalités que tout oppose ?
nommant, crée des distinctions. De même pour l'esprit : il n'est pas en lui-même composé d'états
de conscience discontinus et homogènes. Chaque moment de la vie de l'esprit contient tous les
autres et n'est que leur développement continu.
Ce que Bergson nomme « durée » permet donc de penser sous un même concept l'esprit et la
matière.
La citation
« Descartes met d'un côté la matière avec ses modifications dans l'espace, de l'autre des
sensations inextensives dans la conscience. De là l'impossibilité de comprendre comment l'esprit
agit sur le corps ou le corps sur l'esprit. » (Henri Bergson)
La vérité
• En fait, seuls les énoncés qui attribuent un prédicat à un sujet, c'est-à-dire les jugements
prédicatifs, peuvent être vrais ou faux. La vérité serait alors d'attribuer à un sujet le prédicat qui
exprime bien comment le sujet est réellement (par exemple, l'énoncé « la table est grise » est vrai
si la table réelle est effectivement grise). Une proposition serait donc vraie quand elle
décrit adéquatement la chose telle qu'elle est.
• Or, rien ne m'assure que le monde est bien conforme à ce que j'en perçois ; il se pourrait, comme
l'a montré Descartes, que toute ma vie ne soit qu'un « songe bien lié », que je sois en train
de rêver tout ce que je crois percevoir : rien ne m'assure que le monde ou autrui existent tels que
je les crois être.
• Cependant, à ce stade du doute méthodique, je ne suis assuré que d'être en tant que chose qui
pense : pour m'assurer qu'autrui et le monde existent, et me sortir du solipsisme, Descartes devra
par la suite poser l'existence d'un dieu vérace et bon qui ne cherche pas à me tromper.
• Si j'ai l'idée de Dieu, il faut donc que ce soit Dieu lui-même qui l'ait mise en mon esprit ; par
conséquent, je suis certain que Dieu existe avant d'être sûr que le monde est comme je le perçois.
Mais si Dieu existe, et s'il est parfait, il doit être vérace et bon : il ne peut avoir la volonté de me
tromper, et le monde doit bien être tel que je me le représente. Descartes est ainsi contraint de
poser l'existence de Dieu au fondement de la vérité.
• Comme l'a montré le logicien Frege, la vérité se présuppose toujours elle-même, quelle que soit la
définition que j'en donne : que je définisse la vérité comme adéquation, comme cohérence logique
de la proposition ou comme intuition certaine, je présuppose déjà le « sens » de la vérité. Cette
circularité ne rend pas la vérité nulle et non avenue, mais invite plutôt à remarquer le paradoxe : la
vérité se précède toujours elle-même.
La citation
« La vérité est l'adéquation de la chose et de l'intellect. » (Saint Thomas d'Aquin)
La politique
La société et les échanges
Un État, c'est un ensemble d'institutions politiques régissant la vie des citoyens. Mais
qu'est-ce que la société ? Si la société n'est pas l'État, il serait tentant de la réduire à une
simple communauté d'individus échangeant des services et des biens. La société aurait par
conséquent une fonction avant tout utilitaire : regrouper les forces des individus, diviser et
spécialiser le travail, régir les échanges et organiser le commerce. On peut douter cependant
que la société se réduise à ces seules fonctions.
donc pas réductible à une simple communauté économique d'échange : elle se constitue aussi par
l'organisation des liens de parenté (le mariage), par l'instauration d'un langage commun à tous ses
membres, par un système complexe d'échanges symboliques (promesses, dons et contre-dons) qui
établissent les rapports et la hiérarchie sociale, etc. Pour Durkheim (le fondateur de la sociologie),
une société n'est alors pas une simple réunion d'individus : c'est un être à part entière exerçant
sur l'individu une force contraignante et lui fournissant des « représentations collectives »
orientant toute son existence.
Cette citation « La société n'est pas une simple somme d'individus, mais le système formé par leur
association représente une réalité spécifique qui a ses caractères propres. » (d' Émile Durkheim)
La justice et le droit
Que l'injustice nous indigne montre que la justice est d'abord une exigence, et même
une exigence d'égalité : c'est d'abord quand un partage, un traitement ou une
reconnaissance sont inégalitaires, que nous crions à l'injustice. La justice devrait donc se
définir par l'égalité, symbolisée par l'équilibre de la balance. Mais qu'est-ce qu'une égalité
juste ? Suffit-il d'attribuer des parts égales à chacun ?
• La justice distributive concerne la répartition des biens et des honneurs entre les membres de la
cité. Ici, la justice n'est pas de donner à chacun la même chose, car il faut tenir compte du
mérite : l'égalité n'est alors pas arithmétique (le même pour tous), mais géométrique, car elle
implique des rapports de proportion (à chacun selon son mérite).
• C'est ce que montre Rousseau dans le Contrat social : un État n'est juste et légitime que s'il
garantit à ses citoyens le respect de ce qui fonde la dignité humaine, à savoir la liberté. Seule en
effet elle est « inaliénable » : la vendre ou la donner au tyran, c'est se nier soi-même. Cette
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égalité en droit doit pouvoir ainsi se traduire par une égalité en droits : nul ne doit posséder de
privilèges eu égard à la loi de l'État.
• Mais ce n'est pas la position de Rousseau, ni de la pensée des « droits de l'homme » : les lois
peuvent être injustes, et cautionner des inégalités de droits. Un droit positif juste sera alors un
droit conforme au droit naturel, c'est-à-dire à ce que la raison reconnaît comme moralement
fondé, eu égard à la dignité de la personne humaine.
• Certes, l'homme a tendance à vouloir s'attribuer plus que les autres au mépris de tout mérite : si
comme Gygès, nous trouvions un anneau nous rendant invisibles, nous commettrions les pires
injustices. Mais Gygès était un berger privé d'éducation, et qui vivait hors de la cité : l'enjeu de
la politique, c'est précisément de rendre les citoyens meilleurs, en leur faisant acquérir cette
vertu qu'est la justice, contre leurs penchants égoïstes.
• Cette extension du « droit de » au « droit à » s'est achevée par l'exigence de droits « en tant
que » (femme, minorité, etc.). En démocratie, certaines minorités sont systématiquement ignorées,
puisque c'est la majorité qui décide de la loi : donner des droits égaux à tous, c'est donc
finalement reconduire des inégalités de fait.
Selon John Rawls il faut, au nom de la justice, tolérer des inégalités de droits, à condition que ces
inégalités soient au profit des moins favorisés. Cela cependant amène à nier que tous les droits
sont universels, parce que certains auront des droits que d'autres n'ont pas.
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La citation
« Ne pouvant faire que le juste soit fort, on a fait que le fort soit juste. » (Pascal)
L'État
Si « l'homme est le vivant politique » (Aristote), alors ce n'est qu'au sein d'une cité
(polis en grec) qu'il peut réaliser son humanité. Or l'organisation d'une coexistence
harmonieuse entre les hommes ne va pas de soi : comment concilier les désirs et intérêts
divergents de chacun avec le bien de tous ?
• Enfin, il y a la cité, parce que les seules communautés familiales et économiques ne satisfont pas
tous les besoins de l'homme : il lui faut vivre sous une communauté politique, qui a pour fonction
d'établir les lois. Selon Aristote, la cité, c'est-à-dire l'organisation politique, est pour
l'homme « une seconde nature : »par elle, l'homme quitte la sphère du naturel pour entrer dans un
monde proprement humain.
• L'État se caractérise en effet par sa transcendance (il est au-dessus et d'un autre ordre que la
société) et sa permanence sous les changements politiques. Expression du cadre commun à la vie
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de tous les citoyens, on comprend qu'il doive se doter d'un appareil de contrainte apte à en
assurer le respect.
• Rousseau formule deux objections : d'abord, Hobbes suppose une nature humaine alors qu'il n'y
a pas d'homme « naturel » ! Ensuite, la question est de savoir s'il est légitime de mettre ainsi en
balance la liberté et la sécurité.
• La force en effet ne fait pas le droit : les hommes ne peuvent conserver et exercer leur liberté
que dans un État fondé sur des lois dont ils sont les coauteurs. Ce n'est qu'à cette condition qu'ils
peuvent être libres tout en obéissant aux lois.
• Deuxièmement, les volontés particulières tendent toujours à se faire valoir contre la volonté
générale : nous voulons « jouir des droits du citoyen sans vouloir remplir les devoirs du
sujet » (Rousseau). Un État est donc le résultat d'un fragile équilibre qui à tout moment peut se
rompre. La société comme somme d'intérêts privés tend toujours à jouer contre lui.
Les citations
« Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la
volonté générale. » (Rousseau)
« L'impulsion au seul désir est esclavage ; l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est
liberté. » (Rousseau)
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La morale
La liberté
« Être libre, c'est faire ce que je veux » : telle est notre définition courante de la liberté.
Je ne serais donc pas libre lorsqu'on contraint ma volonté par des règles, des ordres et des
lois. Être libre serait alors la condition naturelle de l'homme, et la société la marque de son
esclavage. Pourtant, cette opinion ne semble pas tenable.
• C'est aussi, et plus largement, le rôle de la vie en communauté : la société civile nous libère de la
nature en substituant les lois sociales aux lois naturelles. C'est donc la culture au sens large,
c'est-à-dire la façon que l'homme a de faire taire la nature en lui, qui nous fait accéder à la
liberté.
• Ma volonté n'est donc libre que quand elle s'est libérée de toutes les déterminations qu'elle a
reçues, c'est-à-dire quand elle s'est affranchie de tout ce qui en fait ma volonté. Pour être
réellement libre, il faudrait que ma volonté veuille ce que toute volonté peut vouloir, donc que ce
qu'elle veuille soit universellement valable.
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• La liberté se conquiert donc en luttant contre les désirs qui réduisent l'homme en esclavage et en
obéissant à l'impératif de la moralité.
• Sur le plan politique, le « contrat social »garantit la liberté des citoyens non en les délivrant de
toute loi, mais en faisant d'eux les auteurs de la loi : par le vote, les hommes se donnent à eux-
mêmes leurs propres lois, en ayant en vue non leurs intérêts particuliers mais le bien commun.
• De même, sur le plan moral, Kant, en se référant à Rousseau, montre que la loi de la moralité à
laquelle je dois me soumettre (et qui s'exprime sous la forme d'un impératif catégorique) ne m'est
pas imposée de l'extérieur, mais vient de ma propre conscience : je suis libre lorsque j'obéis au
commandement moral, parce c'est moi-même qui me le prescris.
• D'instant en instant, l'homme (qu'il le veuille ou non) est une liberté en acte : j'ai à chaque
instant à choisir celui que je serai, même si la plupart du temps je refuse de le faire, par exemple
en laissant les autres décider à ma place. Que la liberté soit l'essence de l'homme, cela signifie
donc aussi qu'elle est un fardeau écrasant : elle me rend seul responsable de ce que je suis. C'est
précisément à cette responsabilité que j'essaye d'échapper en excusant mon comportement et
mes choix par un « caractère » ou une « nature » (sur le mode du : « ce n'est pas ma faute : je suis
comme cela ! »).
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La citation
« L'impulsion du seul appétit est esclavage, et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est
liberté. »(Rousseau)
Le devoir
Mon devoir, c'est ce que je dois faire, que cela me plaise ou non. Nos devoirs semblent donc
être autant d'entraves imposées par la société : ils sont peut-être nécessaires à la vie en
commun, mais ils limitent notre liberté. La question cependant est de savoir si le devoir peut
effectivement être pensé comme une contrainte.
de mes désirs sensibles : une volonté déterminée par les désirs n'est donc plus une volonté libre.
Être libre, c'est faire ce que la raison me dicte, c'est-à-dire mon devoir ; la question cependant
est de savoir en quoi ce devoir consiste.
La citation
« Je dois toujours agir de telle sorte que je puisse aussi vouloir que ma maxime devienne une loi
universelle. »(Emmanuel Kant)
Le bonheur
L'homme a une double nature : être de sensibilité aspirant à cet état de satisfaction
maximale de ses désirs qu'on nomme le bonheur, il est aussi un être de raison qui sait que ce
bonheur ne serait rien s'il l'amenait à nier l'exigence d'une conduite morale : le devoir.
bonheur n'est pas l'affaire d'un instant ; il doit, s'il est véritable, s'inscrire dans la durée.
L'ambition des grandes écoles de la philosophie antique, c'est donc de permettre à l'homme
d'accéder à la vie heureuse : la recherche d'un bonheur durable sera l'objet de cette partie de la
philosophie qu'on nomme l'éthique.
droite : il faut faire son devoir sans se soucier d'être heureux, tout en espérant qu'il y aura un
Dieu juste et bon pour m'accorder après la mort ce que Kant nomme le souverain bien, l'alliance
impossible dans cette vie du bonheur et de la moralité. Certes, on ne pourra jamais démontrer ni
que Dieu existe, ni que l'âme est immortelle : du point de vue de la connaissance (raison théorique),
ces propositions sont indécidables. Mais dire que l'alliance de la moralité et du bonheur est à
jamais impossible conduirait à désespérer de la loi morale : il faut donc poser qu'une telle alliance
doit être possible, en postulant l'immortalité de l'âme et l'existence d'un Dieu juste. Immortalité
de l'âme et existence de Dieu deviennent alors des postulats exigés par la raison pratique.
La citation
« Fais ce qui peut te rendre digne d'être heureux. » (Emmanuel Kant)
Bonus
La dissertation philosophique
La dissertation philosophique n’est pas un essai qui est un travail en prose, libre et dont le sujet
uniquement sur des signes univoques et contraignants. Qui plus est la démonstration
un langage conforme non seulement aux exigences d’une connaissance rationnelle, mais aussi aux
L’exposé doit être clair et écrit dans un langage concret qui respecte la syntaxe.
Faire des paragraphes mais éviter de morceler l’exposé au risque de donner l’impression de
décousu.
Il n’y a pas de sujet tabou en philosophie. Ainsi toutes les idées sont accueillies avec
bienveillance à condition des les conduire de manière cohérente. La cohérence supposant le bon
Il faut expliquer le sens du sujet avant de le commenter c’est-à-dire avant de donner son point
finale.
et l’esquisse du plan.
L’entrée en matière. C’est un prétexte ou une constatation à partir de laquelle on pose le sujet.
La position du problème. Il s’agit de reprendre en les précisant les termes du sujet en les
présentant sous forme de problème. Autrement dit, le sujet étant posé, il s’agit d’articuler à sa
suite toutes les questions qu’il implique ou entraîne et dont la résolution conditionne la réponse
finale. Il s’agit donc de reformuler le sujet de manière à aboutir à des interrogations qui
annoncent le plan ou la démarche à suivre pour résoudre le problème posé par le sujet [1].
L’esquisse de plan. Il s’agit d’indiquer brièvement le chemin à suivre pour aborder le sujet. Il
doit être clair car c’est le fil conducteur qui permet d’aborder d’une manière cohérente et
Le développement : Il s’agit de suivre le plan qui est esquissé dans l’introduction. Autrement dit
il s’agit d’argumenter à la suite du plan annoncé. Un argument est une idée développée en vue de
prouver quelque chose. Le but de la dissertation étant t de résoudre un problème à l’aide d’une
toute pratique qui consiste à prélever une notion et à l’étudier séparément car le développement
est un examen systématique des différents aspects du problème posé par le sujet.
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résoudre des problèmes posés. L’illustration est une référence aux auteurs et aux exemples
pour donner du poids à l’argumentation. Par exemple, les citations donnent du crédit à
l’argumentation ; mais parfois il est recommandé de les éclairer par un petit commentaire.
La conclusion
Attention !!!. Très souvent cette partie du travail est négligée, faute de temps due à une
mauvaise utilisation du temps de l’épreuve. Quoi qu’il en soit, une dissertation sans conclusion
est un travail inachevé. Tout comme l’introduction, la conclusion comprend trois éléments :
La transition récapitulative ou bilan du devoir : il s’agit de récapituler les idées essentielles qui
La conclusion proprement dite ou solution finale : il s’agit de répondre à la question posée par le
sujet de manière précise. Il s’agit également de donner son point de vue par rapport au
L’ouverture des perspectives : il s’agit de s’ouvrir à des problèmes liés à celui qui vient d’être
Notes
[1] NB : cette partie de l’introduction est essentielle car c’est en elle que se dessine et se décide
l’ensemble du devoir.
dans le fait que le commentaire s’applique à un texte qui constitue le prétexte à la réflexion.
et la conclusion.
L’introduction
dégager l’idée générale du texte, c’est-à-dire ce qui est en question à travers le texte.
Autrement dit il s’agit ici de déterminer le problème philosophique auquel le texte fait allusion.
Enoncer la thèse de l’auteur (si elle existe, c’est-à-dire quelle position, implicite ou explicite,
termes simples, il s’agit d’indiquer la démarche de l’auteur, c’est-à-dire les centres d’intérêt ou
les étapes successives de son argumentation. Cette étape correspond au plan dans la
dissertation et elle répond à la question : comment l’auteur s’y prend-il pour développer sa
pensée ?
Le développement
Il comprend généralement deux phases : une phase d’explication et une phase de discussion.
La phase d’explication Elle est d’une manière générale soit linéaire, soit thématique. Mais en
philosophie, c’est la démarche thématique qui est plus usitée car plus conforme à l’esprit
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propres articulations. Il s’agit tout en gardant à l’esprit que le texte garde sa cohésion,
d’expliquer ses idées essentielles en procédant par centres d’intérêt ou idées secondaires. NB :
L’explication de chaque articulation ou centre d’intérêt doit être bouclée par une conclusion
La phase de discussion Elle correspond à un examen critique du texte. Cela consiste à : montrer
Est-ce qu’il récuse des points de vue antérieurs ou est-ce qu’il reprend des idées déjà avancées
par d’autres ?
dire si le texte est central dans l’ouvrage d’où il est tiré ou s’il existe d’autres parties du livre
dégager le contexte socio-historique dans lequel l’auteur a écrit son livre En bref, il s’agit dans
cette phase de faire preuve détachement par rapport au texte et aux arguments de l’auteur,
c’est à dire d’émettre des réserves à un ou quelques arguments de l’auteur. Cela correspond à
l’antithèse dans la dissertation. On peut aussi, dans cette phase, confronter ou opposer l’auteur
La conclusion
Elle consiste à :
rappeler les idées principales du texte. Cependant il convient de préciser que ce rappel doit
Montrer la place du texte et les problèmes qu’il, soulève dans l’histoire de la philosophie
La liberté
Problème de définition
Au sens général du terme, la liberté est l’état de l’être qui ne subit aucune contrainte, qui agi
l’expérience nous montre, à chaque instant, que l’homme est un être limité dans le temps et dans
l’espace. Que peut bien être une illimitation par un être limité politiquement, biologiquement,
N’avons-nous pas tous le sentiment intérieur que nous sommes libres ? La réflexion, le dote, la
possibilité d’affirmer ou de nier, le pouvoir de choisir, nous font saisir que nous sommes libres.
C’est cette liberté absolue de l’homme qu’implique le cogito cartésien et que Descartes défend
lorsqu’il parle de libre- arbitre qui, selon lui, ne souffre d’aucune limitation. Mais si l’homme a une
volonté illimitée, son entendement est cependant limité. Il ne peut pas tout connaître.
René Descartes appelle la liberté d’indifférence cet état dans lequel la volonté se trouve
lorsqu’elle n’est pas portée par la connaissance de ce qui est vrai ou ce qui est faux, à suivre un
parti plutôt que l’autre. Pour lui, la liberté d’indifférence, liée à l’ignorance est le plus bas degré de
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la liberté. Bien avant le philosophe du cogito, le pouvoir absolu qu’a l’homme d’exercer son
jugement, de donner son assentiment, était déjà affirmé par les stoïciens. En effet, tout en
reconnaissant qu’il y a des choses qui dépendent de nous et d’autres qui ne dépendent pas de nous,
les philosophes du Portique soutiennent que les représentations dépendent entièrement de nous
car, par la volonté, nous pouvons nous sentir roi aussi bien en prison que sur le trône. La thèse du
libre-arbitre, notamment la liberté d’indifférence, conduit à l’affirmation des actes gratuits qui
sont des actes immotivés, « sans raison, ni profit » (cf. LAFCADIO dans les Caves du Vatican de
André Gide.
Dans cet ouvrage, Gide décrit l’acte gratuit en l’illustrant à travers les gestes absurdes de son
personnage Lafcadio qui balance un voyageur hors du compartiment d’un train en pleine vitesse. Ce
crime gratuit exprime ainsi la liberté du personnage qui aurait ainsi agi sans motif, ni raison. Le
problème est de savoir si le personnage Lafcadio a réellement agi sans motif et sans raison ? C’est
pour se prouver sa liberté que Lafcadio a commis un tel crime. Il a agi sous le motif du « je suis
totalement libre ». Apparemment gratuits, ces actes sont en réalité soit déterminés par des
forces psychiques inconscientes, soit par le simple désir intérieur d’agir gratuitement.
Notons bien que l’acte gratuit n’est pas sans rappeler cette autre forme de liberté dénommée
liberté d’indifférence. Cette forme de liberté s’exprime lorsque l’individu est confronté à un choix,
à une alternative. Comment choisir entre la solution A et la solution B en agissant librement, c’est-
à-dire sans contrainte ? Pour agir librement dans le choix auquel l’individu est confronté, il doit
agir sans préférence pour la solution A ou pour la solution B, c’est-à-dire de manière indifférente.
Jean Buridan imagine l’histoire d’un âne qui avait faim et soif. La pauvre bête est placée entre un
tas d’avoine et un seau d’eau. Comment choisir entre les deux ? L’âne se laisserait mourir de faim
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et de soif parce que, contrairement à l’homme, il n’aurait aucun pouvoir de se déterminer, aucun
motif entre satisfaire sa faim et étancher sa soif ne pouvant l’emporter sur l’autre. Pour
Descartes, la liberté d’indifférence est le plus bas degré de liberté. La solution A et la solution B
étant équivalentes, soit on choisit A, soit on choisit B. Le libre-arbitre est la faculté de choisir de
manière absolue. Il s’agit d’agir sans raison, d’agir parce que nous devons agir de manière
totalement libre. Il s’agit de choisir entre la liberté et l’esclavage, et pou le libre-arbitre nous
intérieure comme celle des Stoïciens, elle est plus chimérique que réelle car, qu’est-ce qu’être
libre dans les fers et qu’est-ce qu’une liberté qui n’a point d’expression réelle ?
La liberté humaine est incarnée et elle est toujours en situation. Au plan politique et social,
l’homme est toujours soumis à des lois. C’est-à-dire donc qu’être libre, c’est être libre en société,
et la liberté de l’homme ne sera que la liberté de faire tout ce qui n’est pas défendu par la loi et de
refuser de faire ce qu’elle n’ordonne pas. Des lois physiques ou sociales pèsent sur l’homme. Ce qui
laisse entendre, si l’on en croit Spinoza, que c’est une grande illusion que de se croire libre au sens
de ne subir aucune contrainte. L’homme est soumis à la loi de la nécessité comme le reste de la
repenser la situation comme in veut, la transcender c’est-à-dire la modifier par la, pensée en
l’acceptant ou en la rejetant.
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C’est dans ce sens qu’il faut comprendra le propos de Jean-Paul Sartre [1] : « jamais nous n’avons
été aussi libres que sous l’occupation allemande », et celui de Jean-Jacques Rousseau :
Il est sans conteste que, sur le plan extérieur, la liberté absolue est un mythe, un mot sans
contenu.
Karl Marx [2] ne pense pas autre chose. Il nie plutôt même la liberté pour mettre davantage
l’accent sur l’aliénation politique, économique et culturelle dans laquelle l’homme se trouve. Ainsi au
Sur le plan moral, Emile Durkheim rejette l’idée d’une liberté de la conscience individuelle car, pour
lui, la conscience individuelle n’est que le produit de la conscience collective. Enfin au double plan
moral et psychologique, Sigmund Freud [3] affirme de façon révolutionnaire que l’homme ignore les
véritables déterminations de son comportement qui sont inconscientes. Ainsi, selon le père de la
psychanalyse, l’homme est le jouet de sa maladie qu’il ignore : tous les hommes sont plus ou moins
névrosés.
Au total nous retiendrons que, de même que nous avons reconnu que la liberté absolue est un mythe
et non un fait, de même nous disons aussi que chez l’homme la détermination absolue est un mythe.
L’homme n’est pas contraint jusqu’au bout. Il a au sein des déterminismes physique, biologiques,
social, inconscient, etc., une marge de manœuvre où peut s’insérer son action libératrice ou
créatrice. La liberté n’est pas u vain mot. Elle est une réalité. Cependant, elle ne peut être pour
l’homme qu’une réalité incarnée c’est-à-dire en situation, non absolue, conditionnée par divers
Liberté et déterminismes
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Selon Charles, Renouvier, la liberté est le pouvoir que l’homme se reconnaît d’agir « comme si les
mouvements de sa conscience et par suite les actes qui en dépendent (…) pouvaient varier par
l’effet de quelque chose qui est en lui et que rien, non pas même ce que lui-même est avant le
dernier moment qui précède l’action, ne détermine ». Pour André Lalande, le déterminisme est par
particulier les actions humaines, sont liés d’une façon telle que les choses étant ce qu’elles sont à
un moment quelconque du temps, il n’y ait pour chacun des moments antérieurs et ultérieurs qu’un
état et un seul qui soit compatible avec le premier ». On distingue diverses sortes de déterminisme
Le déterminisme physique
Exposé : il dit que dans la nature, tout est régi par des lois
nécessaires.
s’excluent pas. Il nous rappelle par contre qu’il n’y a pas pour l’être
Le déterminisme biologique
Le déterminisme social
Discussion : l’influence du milieu social n’est pas absolue. Sinon les cas
librement.
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profondeurs qui révèle que la liberté absolue est une illusion. Mais il
n’en demeure mas moins que l’homme garde le pouvoir d’orienter ses
tendances vers les fins qu’il s’est choisies. Par ailleurs la méthode
Freud qui soutient que le psychanalyste doit avoir le seul désir de voir
Ainsi la liberté traduit la volonté de l’homme qui veut penser et agir sans subir de contrainte. ll est
question de se demander si l’homme peut être totalement libre. La liberté absolue libre-arbitre
est-elle une illusion ou une réalité ? La vie humaine peut-elle se concevoir sans l’acceptation des
contraintes ?
La morale
l’éthique qui est la science de la morale. Faire le Bien sous toutes ses formes et éviter le Mal
pareillement, voilà ce qui constitue les devoirs moraux. Mais, pourquoi faire le Bien et non le Mal
comme se le demande Nietzsche ? Certes, une société comme ditHerbert Marcuse, a besoin d’un
minimum de « sens moral », mail il est tout aussi vrai que la justification de ces devoirs pose
problème. C’est ce qui explique sans doute que les penseurs se divisent en de multiples écoles. Si
pour les uns, la morale repose sur l’intérêt : la morale utilitaire, certains sur le sentiment : la moral
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du sentiment ; d’autres enfin, considèrent que la raison suffit à fournir à la morale un fondement
La morale utilitaire
C’est celle d’après laquelle ma vie morale est fondée sur mon intérêt, sur ce qui m’est utile. Selon
W. James, « ce qui est bien, c’est ce qui est utile ». Il ne s’agit pas forcément de l’intérêt général.
Cette morale est en effet au service de l’intérêt individuel. On retrouve cette morale utilitaire
dans sa simplicité première à l’Ecole Cyrénaïque dont Aristippe est le principal représentant (390
B.C.). Pour cette école, l’avenir ne nous appartient pas, le présent seul est à nous. Profiter de tout
plaisir qui est à notre potée sans choix constitue une fin. C’est cette morale du plaisir considéré
comme le souverain bien qu’on appelle l’hédonisme. Cependant cette recherche du plaisir effréné
peut mener sûrement et rapidement à la douleur. Ainsi, la doctrine hédoniste s’est-elle élevée à
une forme supérieure : la morale de l’intérêt d’Epicure qui est hédoniste, mais d’un hédonisme très
sévère et très rigoriste car tout plaisir n’est pas souhaitable. Cette morale consiste en ceci : un
acte est bon quand il engendre une plus grande somme de plaisirs et la plus petite somme de
douleurs. Il faut par conséquent calculer, choisir, prévoir les plaisirs. Pour Epicure, cette
En somme, l’homme fait le bien parce qu’il y trouve son compte. Mais s’il n’y a pas de bien que pour
mes intérêts propres, cela veut dire que je peux tout me permettre. N’est-ce pas amoral, c’est à
La morale du sentiment
La conduite morale est dictée par des sentiments, des tendances qui nous poussent spontanément
à faire le bien. Il ne s’agit pas de forcer sa nature, de la contraindre pour se soumettre de façon
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résignée à un devoir strict et transcendant, de calculer. Il faut plutôt être soi-même, céder à
l’élan naturel du cœur. Contrairement à l’hypothèse de Hobbes, l’homme n’est pas pou Jean-
Jacques Rousseau un loup pour son prochain mais trouve au fond de son cœur un instinct de bien.
Rousseau croit à une inclination naturelle vers le bien. C’est dans la morale du sentiment qu’il faut
également qu’il faut situer la morale ouverte de Bergson. En effet, on note deux types de morale
chez lui : la morale et celle ouverte. La morale close désigne un ensemble figé de prescriptions
présentant un caractère obligatoire. La morale ouverte, quant à elle, est dynamique ; elle exprime
non point un système figé d’obligations sociales, mais une invention morale, un appel lié à une
énergie spirituelle.
Cette morale prend sa source dans l’émotion, dans un élan vital (force et impulsion), créateur de
l’individu, de la nature humaine. Contre quoi Kant s’élève et propose une morale du devoir.
La morale du devoir
La notion de devoir évoque dans notre esprit l’idée d’obligation. Le devoir, c’est ce que je suis tenu
de faire, ce que je ne peux pas ne pas faire même si cela est contraire à mes intérêts. C’est donc
quelque chose qui s’impose à moi. Cette force d’obligation qui accompagne le devoir provient de la
sanction qui découle de son non observation. Par exemple, on est obligé de faire son travail sous
peine de perdre son travail ou son salaire. Il y a donc dans le devoir une sanction qui me rend
n’est pas explicite, elle n’est pas non plus extérieure à l’individu. La sanction de la non-observation
du devoir moral est plutôt intérieure. Elle se traduit par la mauvaise conscience et apparaît comme
une auto sanction. Une sorte de dédoublement est à l’intérieur de l’individu qui le met en face de
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lui-même et qui l’oblige à faire son devoir ou qui le blâme s’il ne le fait pas. Cette dernière est un
La morale de Kant se situe dans cette perspective. Elle est un morale du devoir dont le principe est
le bien absolu. Il réside dans la bonne volonté, dans l’intention de faire le bien seulement pour le
bien quel que soit le résultat. L’action initiale est ici fondamentale. Le cadre de l’action, sa forme
plus que son contenu est essentielle : c’est le formalisme kantien. Donc, ce n’est pas n’importe
quelle intention de faire le bien qui relève de la morale. C’est plutôt la motivation de l’intention qui
est déterminante. Si un intérêt préside à l’intention de faire une bonne chose, cette intention n’est
plus la morale.
l’impératif hypothétique :
fît.
morale.
Le langage
Définition
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André Lalande, dans son vocabulaire technique et critique de la philosophie, définit le langage selon
une double acception. Il le définit d’abord comme « l’expression verbale de la pensée soit
intérieure soit extérieure ». Une telle définition cadre bien le langage dans le domaine social : mais
il faut signaler d’emblée que le signe linguistique déborde le verbe, le son articulé.
Il définit ensuite le langage comme étant « tout système de signes pouvant servir de moyen de
communication ». Cette deuxième définition présente l’avantage d’être moins limitative que la
première car, le langage n’y est plus défini en référence seulement au verbe, mais il caractérise
tout système de signe. En ce sens le signal, le symbole, etc.… sont autant de moyen de
communication.
Selon certains penseurs, il existe un langage animal. C’est le cas du zoologiste autrichien Karl Von
Frish qui a mené une étude exhaustive du système de communication chez les abeilles. Certes ses
travaux ont montré qu’il y a un échange d’informations chez les abeilles mais cela ne dénote pas
forcément de l’existence d’un langage. Et cela, un certain nombre de raisons nous autorise à
l’affirmer. Le premier critère discriminatoire est celui de la pensée. En effet Descartes dans Le
discours de la Méthode (5° partie, § 10) affirme que « la parole est l’expression de la pensée et
elle n’appartient qu’à l’homme puisque les animaux n’ont aucune pensée ».
Bien avant lui Aristote dans sa Politique opposait le logos à la phoné : le logos c’est le discours
humain ou la faculté d’expression des sentiments et des idées, la phoné c’est le cri animal, la simple
expression de besoin naturel. C’est par instinct que l’animal trouve l’équipement physique et
physiologique dont il a besoin pour communiquer avec ses semblables. Cependant il peut arriver que
l’animal dépasse sa nature, c’est le cas du dressage ou de la domestication qui n’est que le simple
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résultat d’un conditionnement ; d’une éducation provoquée par l’homme ; de ce point de vue l’animal
ne fait que répondre par accoutumance à des signaux, à des existants conditionnés car le rapport
du signal conditionnel au comportement attendu est simplement vécu et non pensé par l’animal
Mais là où le langage humain se démarque réellement de la communication chez les animaux, c’est là
où il cesse d’être expressions des besoins et des émotions, pour devenir représentation d’un fait
expressif qui ne fonctionne que par des signaux, alors que la faculté d’abstraire et de symboliser
les objets et les impressions par des signes inventés lui fait défaut. Et c’est précisément cette
Le langage et la pensée
Les problèmes du rapport entre le langage et la pensée sont classiques. D'ordinaire on les pose
sous la forme d’une alternative : doit-on oui ou non admettre la primauté de l’un sur l’autre ?
Certains penseurs estiment que le langage n’est que l’expression à posteriori d’une pensée déjà
dernier aurait pour rôle de l’habiller de mots. En plus, on a l’impression qu’il y a une inadéquation
entre la pensée et son expression verbale qui est le langage. Cela veut dire que le signe peut
échouer en rendant compte du sens, ou bien, s’il n’y parvient pas c’est au risque de le
dénaturer. Bergson soutient dans ce sens que « nous échouons à traduire entièrement ce que notre
âme ressent ». Dans ce sens, nous pouvons dire que le langage mutile la pensée, il appauvrit et
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trahit la richesse de la pensée. Au lieu d’exprimer le moi profond, le pur jaillissement de la pensée,
la richesse et la fluidité des impressions et des sensations, le langage n’exprime que les aspects
conventionnes et superficiels de a pensée. Mais ces raisons sont-elles suffisantes pour que la
pensée puisse se penser du langage ? Vladimir Jankélévitch pense que non car pour lui, le langage
est l’instrument obligé », l’instrument incontournable que la pensée emploie pour se dévoiler. En ce
sens là, le langage devient une contrainte pour la pensée pure du fait de sa double nature d’organe
obstacle et d’empêchement du sens à se livrer dans s pureté originelle. Le langage fonctionne ainsi
comme un mal nécessaire : mal en ce sens qu’il dénature et prostitue le sens ; nécessaire dans la
Certains penseurs soutiennent en revanche que l’antériorité de la pensée sur le langage n’est que
théorique puisque même quand nous cherchons nos mots, nous les cherchons avec d’autres mots. Ce
qui fait qu’on ne peut pas isoler une pensée pure. Lorsque nous pensons et raisonnons, nous ne
manipulons pas des pensées à l’état pur, mais directement des mots qui fixent le sens. Selon Hegel,
ce serait même une activité insensée de vouloir penser sans les mots, car pour lui « la force
externe », c’est-à-dire le mot et « l’activité interne » c’est-à-dire la pensée sont liées. Toute
pensée qui ne trouve pas de mots reste ineffable et obscure. Ce qu’on appelle une pensée pure
c’est, en réalité, un simple langage intérieur. C’est ce que dit Maurice Merleau Ponty : « le silence
La pensée pure n’est qu’une nébuleuse dont nous parle Ferdinand de Saussure et elle ne s’éclaircit
qu’avec l’apparition du langage ; et il poursuit en disant : « la langue est comme une feuille de
papier, la pensée est le verso et le langage, le recto ; on ne peut découper le recto sans découper
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en même temps le verso. De même, dans la langue on ne saurait isoler ni le son de la pensée, ni la
pensée du son ».
tout acte de parole met en jeu quatre élément liés : l’émetteur c’est-
à- dire le sens.
incantations du sorcier qui, grâce au verbe, agit sur les êtres et sur
les phénomènes. Tout cela donne au mot une force opératoire, celui qui
La fonction esthétique. Ici c’est le beau qui est recherché avant tout,
SUJET n° 1
SUJET n° 2
Qu’en pensez-vous ?
L’instinct n’a pas à être cultivé, l’animal est immédiatement et pleinement lui-même par
la croissance naturelle de son organisme, contrairement à l’homme qui doit devenir homme.
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Parce que le développement naturel de son corps conduit chaque individu adulte d’une
espèce animale au plus haut degré de perfection dont sa nature est capable, les bêtes ne sont
pas susceptibles de progrès d’une génération à l’autre : elles n’en ont pas besoin.
La raison permet à l’homme d’utiliser ses forces naturelles, l’agilité de son corps, l’habileté de sa
main, à des fins que l’instinct ne prédétermine pas. L’homme peut toujours devenir plus que ce qu’il
est, il s’invente sans cesse de nouveaux buts, fait de nouveaux projets ; la nature ne l’a
pas enfermé, comme l’animal, dans les étroites limites de l’instinct : elle l’a rendu ainsi apte à
la liberté.
Jean-Michel Muglioni
SUJET I
SUJET II
Le philosophe est celui qui dit en y pensant ce que tout le monde dit sans y penser.
Qu’en pensez-vous ?
L’art est ce qu’il y a de plus élevé ; c’est aussi ce qu’il y a de plus difficile et de plus fragile. Si
ses conditions ne sont pas respectées, ce qui revient à dire, au fond, si la liberté n’est pas tenue
en haleine, il cesse d’exister. Chacun comprend que l’art périt en devenant automatique, et qu’il
périt
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aussi bien en perdant contact avec le monde. L’effort de production artistique révèle que
travail, réflexion, invention et liberté sont solidaires, que l’œuvre naît de l’exécution plus que du
projet, et qu’on ne pense son œuvre qu’en l’accomplissant, en la faisant naître sous ses doigts, sans
qu’elle
ait jamais d’autre modèle qu’elle-même. N’est-ce pas l’évidence qu’un sculpteur sur bois ne
voit l’effet d’une entaille qu’après l’avoir creusée et qu’un peintre ne voit l’effet d’une touche
qu’après l’avoir posée ; qu’ils ne peuvent, en conséquence, méditer que le couteau ou le pinceau à la
main ?
Un tel travail suppose une lutte constante et progressive avec une matière déterminée, lutte à
la faveur de laquelle peut se dégager le style qui est la marque de l’œuvre humaine et le signe de
la réussite.
BRIDOUX
SUJET n° 1
SUJET n° 2
L’art n’est-il pas la preuve que le cœur a plus de génie que la raison ?
La pluralité des sciences et la spécificité de chacune d’elles résultent évidemment de leur nature
même, c’est-à-dire du fait qu’elles sont essentiellement des activités intervenant sur le réel pour
recueillir des données. Or, premièrement, elles sont obligées de choisir les aspects du réel qu’elles
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veulent étudier. Deuxièmement chaque mode d’intervention, c’est-à-dire chaque méthode, entraîne
la découverte de phénomènes qui ne peuvent être atteints par d’autres méthodes. On nous
l’éthologie. Nous dirons plus exactement que, contrairement aux sciences expérimentales, elles ne
peuvent pas ou ne veulent pas modifier certains facteurs du réel comme le font ces autres
sciences en vue de questionner celui-ci. Mais elles sont néanmoins essentiellement actives, et
l’observateur intervient, ne serait-ce que par le point de vue à partir duquel il observe et par ses
instruments.
Jeanne Parain-Vial.
SUJET I
SUJET II
Qu’en pensez-vous ?
Ce qui nous frappe quand nous abordons l’histoire de la philosophie, c’est cette abondance
Cette abondance est un thème favori de ceux qui nient ou ignorent la philosophie. De ce qu’il y en
a tant, ils concluent qu’il n’y en a point. Ceux qui disent qu’on ne saurait connaître la vérité, ne rien
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en savoir, s’appuient surtout sur le grand nombre de philosophies, et l’histoire de la philosophie est
par eux bien accueillie parce qu’ils pensent montrer par cette histoire que la raison qui pense n’a
abouti qu’à des aventures et des erreurs. La raison qui pense, disent-ils, n’a fait qu’errer çà et là,
sans découvrir le royaume de la pensée, nul chemin ne conduit à la vérité. Et ils ajoutent, il n’y a
tant d’erreurs que parce que le vrai ne peut se reconnaître. L’histoire de la philosophie offre
simplement le spectacle des tentatives malheureuses et manquées pour parvenir à la vérité, c’est
Hegel
Sujet I
Sujet II
Sujet III
Un monde sans objets reconnaissables, identifiables, qu’on puisse suivre dans le temps, serait
d’apparences changeantes pour organiser ce chaos ; ils laissent place aux fantasmagories des
mythes et des superstitions. La science entreprend la tâche de multiplier les objets, qu’elle
obtient à coup sûr, par des méthodes régulières et contrôlables, méthodes qui fournissent par le
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même effort l’interconnexion entre ces objets ; ainsi.se constitue un réseau, un filet toujours plus
étendu (et, nous le savons, aux mailles toujours plus fines) qui est jeté sur le flux des apparences
et qui lui confère la cohérence et l’ordre. Tout le problème est de savoir si cette méthode
aboutira, si le filet recouvrira tous les phénomènes, rendra compte de toutes les apparences, les
épuisera en un mot.
SUJET I
SUJET II
L’homme se trompe parce qu’il a la conscience ; l’animal ne se trompe pas parce qu’il a l’instinct.
Appréciez ce propos.
diminuer autant que possible la souffrance. Mais tout cela est problématique. Grâce aux moyens
dont il dispose, le médecin maintient en vie le moribond, même si celui-ci l’implore de mettre fin à
ses jours, et même si ses parents souhaitent et doivent souhaiter sa mort, consciemment ou non,
parce que cette vie ne représente plus aucune valeur, parce qu’ils seraient contents de le voir
délivré de ses souffrances. Seules les présuppositions de la médecine et du code pénal empêchent
le médecin de s’écarter de cette ligne de conduite. Mais la médecine ne se pose pas la question : la
Toutes lés sciences de la nature nous donnent une réponse à la question : que devons-nous faire si
nous voulons être techniquement maîtres de la vie ? Quant aux questions : cela a-t-il au fond et en
fin de compte un sens ? devons-nous et voulons-nous être techniquement maîtres de la vie ? elles
interrogations, qui toutes mettent en cause la nature de l'homme et la définition de son essence.
L'homme est-il naturellement ou culturellement portée à organiser sa vie avec les autres
hommes ? Toutes les communautés animales sont-elles de nature politique, ou est-ce une
exception humaine ? La solitude, le retrait de la vie de la cité sont-elles des attitudes inhumaines ?
Les conflits ne sont-ils pas la preuve que nous ne sommes pas naturellement fait pour vivre selon
Aristote donne comme définition essentielle de l'homme qu'il est « un animal politique » en plus
d'être « un animal rationnel ». Ce qui signifie trois choses : la nature et la fin ou perfection de
l'homme se trouve dans la construction d'une vie avec ses semblables. L'être isolé, exclus de la
communauté, est un être soit dégradé, sauvage, puni, soit surhumain : un dieu.
Ce qui distingue l'homme de l'animal, c'est la nature de cette communauté. Ce n'est pas la survie,
la répartition des tâches nécessaires à la vie qui lie les hommes mais un lien intelligent fondé sur le
discours, l'échange rationnel, et l'organisation autour de lois faites pour assurer le bonheur. La
communauté animale (abeilles, fourmis, etc.) est biologique et sert la survie. Le lien politique est le
Ce qui distingue la polis (vie dans la cité, dans le monde politique) des autres formes de
communauté humaine, comme la famille, le foyer, la camaraderie, c'est qu'elle n'est pas fondée sur
un rapport de force ou de domination. Il y a dans la vie politique une égalité qui est reconnue aux
hommes qui la partagent. Le citoyen a un statut public d'homme libre et égal aux autres citoyens,
alors que la famille, le foyer sont construits sur une autorité absolue du père sur sa progéniture,
C'est donc un espace où c'est la parole, et le dialogue dans les lois et pour faire les lois qui domine
et règle les rapports humains, alors que dans le foyer ou les communautés animales c'est
2. L'artifice politique
Mais cette position optimiste, qui fonde l'ordre politique sur la nature même de l'humanité, a été
contestée, notamment par Hobbes. Il considère que « l'homme est un loup pour l'homme », et
c'est le conflit, « la guerre de tous contre tous », la jalousie, le crime, les rapports de force et
Ce n'est qu'artificiellement, en imposant un pouvoir absolu, détenu dans les mains d'un seul
souverain, et en obligeant les hommes à se dessaisir de leur puissance naturelle, qu'une vie
politique et policée est possible. La politique est donc une construction artificielle qu'il faut
Au caractère artificiel de l'état civil, qui s'oppose à l'état de nature, violent et instable, s'ajoute
l'idée que l'on trouve formulée chez Machiavel que la politique est un art. Le gouvernement des
hommes, doit s'appuyer sur une connaissance des hommes, or « il faut supposer d'abord les
hommes méchants ».
Ce n'est qu'en utilisant avec ruse et habilité les passions violentes et asociales des hommes qu'on
peut les gouverner et atteindre des fins politiques. La fin justifie les moyens pour Machiavel, et la
politique n'est qu'une technique, une pratique qui doit viser une efficacité, et cela ne peut se faire
qu'à l'insu d'hommes qui naturellement s'entre-tuent, complotent et se déchirent sans fin. Seule
l'habileté du Prince peut transformer des natures égoïstes et des circonstances hasardeuses en
3. Humanité et communauté
Reste, entre ces deux positions, qui s'appuient sur des interprétations opposées de la nature
humaine, bonne ou mauvaise, sociale ou asocial, animale ou rationnelle, que la vie humaine dans les
L'isolement, les retraites, sont toujours des exceptions et non la norme dans l'humanité. De plus,
dans toutes les sociétés, l'exclusion du groupe, l'ostracisme, la mise au banc, l'exil forcé,
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l'enfermement ou l'emprisonnement hors de la sphère sociale (le prisonnier est hors du jeu social
et privé de droit civique) sont toujours les punitions les plus dures infligées aux hommes. L'esclave
est traité non comme un homme mais comme un animal précisément parce qu'on lui refuse un statut
politique.
Robinson Crusoé manque de perdre la raison et son humanité dans son île de solitude. Cela signifie
bien qu'il ne peut y avoir d'humanité sans une communauté politique d'hommes qui se donnent des
La nature de l'homme est culture, elle réside dans cet effort permanent pour passer de
construit péniblement une nature qui l'arrache à sa nature primitive pour devenir et tendre vers
cet idéal humain qui est politique. Vivre selon les lois, limiter ses instincts, traiter l'autre comme
son égal sans profiter de ses faiblesses et inégalités de nature, n'a rien de naturel ; c'est ce que
chacun cultive et travaille à admettre au sein d'une communauté politique qui le guide.
"tout attendre" : on a ici l'idée selon laquelle l'Etat nous devrait beaucoup, beaucoup, voire tout :
par exemple, le bonheur, le confort, etc., et pas seulement la liberté, la raison...
Etat : pouvoir souverain; distinct de la société par la vie en commun sous des lois (nécessite donc
l'existence du droit positif); la société est un terme à connotation économique : il s'agit
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d'organiser la vie en commun pour satisfaire au mieux nos besoins (cf. le travail): le terme d'Etat
est l'idée de société politique : il s'agit ici de gérer les libertés...
Problématique
Quel est le rôle de l'Etat ? Est-ce de nous permettre de vivre mieux, de vivre dans le confort et
heureux, ou bien est-il simplement de nous faire accéder à la liberté et à la raison ? N'y a-t-il pas
des sphères de la vie humaine dans lesquelles l'Etat n'a pas à intervenir ? Si l'Etat doit limiter nos
libertés et donc nous protéger des autres, doit-on pour autant attendre qu'il intervienne en
permanence dans nos vies, dans tous les domaines ? N'ya-t-il pas des domaines qui par définition
ne doivent pas relever de l'Etat ? Par exemple, doit-on attendre de l'Etat qu'il nous rende
heureux, qu'il nous maintienne en bonne santé, etc. ? C'est la fonction (et les limites) du politique
qui est ici interrogée ... ne confondons-nous pas souvent Etat et société ?
I- Quelle est la fonction de l'Etat ? que doit-on légitimement attendre de l'Etat ? (pourquoi l'Etat
: à cause de quoi, et en vue de quoi ?-cf. Hobbes)
A- l'état de nature = un état de guerre de tous contre tous (cf. fiche droit, fiche
Etat)
On voit ici que si l'Etat existe, est nécessaire, c'est à cause de la nature de l'homme ! L'homme
est naturellement non sociable, c'est un être de désir et de raison, mais la raison suit les désirs...
Or les hommes ont tous les mêmes désirs, les mêmes forces, etc., les mêmes droits naturels
illimités, donc, ils vont nécessairement se battre les uns les autres sans Etat
B- la fonction de l'Etat est donc de faire coexister les libertés de manière harmonieuse (les
limiter mais pour notre bien !)
L'Etat a pour fonction, pour finalité ("en vue de quoi") de garantir les libertés, en les limitant à
travers des lois. Cf. contrat social.
Mais aussi, finalement, de nous permettre de vivre dans le confort, d'être heureux (cf. Hobbes qui
dit grâce à l'Etat, les hommes pourront jouir tranquillement du fruit de leur travail).
II- N'est-il pas légitime, dès lors, de tout attendre de l'Etat ? N'avons nous pas sacrifié notre
liberté absolue que pour vivre mieux ? Ne doit-il pas dès lors nous apporter la
Oui, il paraît être légitime de tout attendre de l'Etat. Nous avons tous abandonné tous nos droits
naturels à son profit. Il nous doit bien "ça" ! C'est ce qu'on entend aujourd'hui par Etat-
providence (l'Etat c'est un peu mon papa)
A- c'est confondre Etat et société, politique et économie : la société a à voir avec les besoins et
les désirs de l'homme l'Etat seulement avec les libertés
B- c'est abandonner sa vie privée à l'Etat, donc, abandonner toute responsabilité et toute
humanité (cf. question «comment conduire sa vie" ? = l'Etat va s'en charger pour moi : c'est anti-
philosophique !)
cf. sujet: "le bonheur est-il affaire privée?", ainsi que le petit cours "le bonheur est-il
affaire de politique ?" ( auteur : Tocqueville)
C- on peut dire qu'on doit tout attendre de l'Etat seulement au sens où il est "chargé", justement,
de nous faire accéder à l'humanité (cf. Rousseau, Du contrat social : cf. la notion de volonté
générale) en nous apprenant à nous dégager de nos instincts, et à vivre selon notre raison .
Chez Socrate, le doute est synonyme de critique et de remise en cause de tout ce qui présente
comme savoir (définitif).
Chez les sceptiques, le doute est une attitude de suspens : on dit que, étant donné la nature
(précaire) de l'homme, on ne peut rien affirmer avec certitude, mais qu'on doit au contraire
douter de tout.
Chez Descartes, on retrouve le même doute radical que chez les sceptiques, mais, avec un mélange
du doute socratique : le doute radical sert à ne pas être dupe des opinions ou des faux savoirs;
c'est une méthode qui sert à nous purger de nos illusions, et à atteindre la vérité, sans se
précipiter.
Mais si le doute nous est présenté comme attitude philosophique par excellence, est-il quelque
chose de si positif? La question même de savoir si on peut douter de tout semble entraîner un
doute quant à la valeur même du doute. La question semble en effet présupposer qu'il est peut-
être exagéré de douter de tout : peut-être une vie humaine n'est-elle pas possible si on se met
réellement, dans la vie quotidienne, à douter de tout, car ce serait rester en suspens (cf.
étymologie du mot) et donc à la limite se laisser mourir.
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En tout cas, se demander si "on peut" douter de tout, c'est sous-entendre que douter de tout est
quelque chose qui ne va pas de soi, qui pose problème : que, si ce n'est pas impossible, ce sera au
moins difficile.
Il faut donc se demander s'il y a des limites au doute, et cela, au sens à la fois théorique, moral, et
politique.
Ce qui reviendra à se demander jusqu'où va la liberté de penser (d'abord au sens théorique, ie, au
sens où elle n'entraîne aucune conséquence pratique sur la vie des gens), et aussi, au sens pratique,
ie, au sens où cette fois notre doute a des conséquences sur notre conduite et peut-être la société
toute entière.
Bref le doute : attitude positive, ou négative? Est-il seulement une attitude théorique, n'ayant de
conséquences que pour la cohérence de la pensée avec elle-même, ou bien est-ce une attitude qui a
des conséquences pratiques? (selon réponse, on répond à première question différemment)
Bref : le problème posé par le sujet est double. D'abord, il pose le problème de savoir s'il existe
des connaissances indubitables. Ensuite, il pose le problème de la liberté, à la fois intellectuelle et
politique, de l'homme.
Pourquoi ne pourrait-on pas douter de tout? En effet, comme nous l'a montré Socrate, le doute est
cette attitude critique vis-à-vis de tout ce qui passe pour certain, ou de ce qui se donne comme un
savoir. Ne pas se remettre en question est l'attitude dogmatique que combat la philosophie. Le
doute a plus de vertu que l'assurance des dogmatiques. (développer, à l'aide d'un texte)
Pour Socrate, douter de tout, ne rien prendre comme allant de soi, pour acquis, est un devoir pour
l'homme.
Il va donc de soi que l'homme peut douter de tout, à la fois au sens de la capacité (l'homme ne
serait pas ainsi fait qu'il lui serait impossible de remplir ce qui par définition fait qu'il deviendrait
vraiment un homme) mais aussi au sens de droit à (si c'est un devoir moral, alors, ce n'est pas
immoral et donc aucun droit ne saurait aller contre).
Le doute, c'est ce qui permet le progrès de l'humanité, à la fois au sens moral mais aussi au sens
historique, scientifique, etc. Car douter ce n'est rien d'autre que faire preuve d'esprit critique.
Mais si douter c'est faire preuve d'esprit critique, et se caractérise comme une attitude anti-
dogmatique, peut-on pour autant douter de tout, à l'infini? N'y a-t-il rien d'assuré en ce monde,
n'y a-t-il pas pourtant des connaissances dont il paraît être humainement ou rationnellement
impossible de douter? Bref : n'y a-t-il aucune connaissance indubitable?
Peut-on douter des connaissances qui passent pour être les plus assurées?
Pour le savoir, partons de la connaissance la plus immédiate (la perception), donc, la moins
complexe, et qui bénéficie au premier abord d'une telle évidence, qu'il paraît absurde de la
remettre en cause. Par exemple : je suis assis à ma table, en train d'écrire ces lignes sur mon
ordinateur, etc. Peut-on douter de cette connaissance perceptive? Ie, existe-t-il de (bonnes)
raisons pour dire que peut-être il n'est pas vrai que je suis en ce moment assis à ma table, en train
d'écrire ces lignes? Que peut-être il n'y a même pas de table, ie, de monde extérieur? Ici, peut-on
aller jusqu'à dire qu'il faut faire preuve d'esprit critique et ne pas se précipiter, ie, ne pas
considérer mon inclination immédiate (qui me pousse à croire que cette perception est certaine)
comme certaine, comme indubitable? Ie : le doute ne rencontre-t-il pas ici ses limites, et ne
deviendrait-il pas négatif, pour ne pas dire incongru? (C'est bien ce que veut dire Woody Allen à
travers cette formule ironique : "si le monde extérieur n'existe pas, alors, j'ai payé ma moquette
beaucoup trop chère").
On peut pourtant répondre qu'ici, le doute est de rigueur : non seulement, il est possible, mais on
peut encore parler d'un devoir à le faire. En effet, si je réfléchis bien sur cette connaissance
immédiate, je me rends compte que je ne peux, dans le domaine des sensations, être certain d'être
dans le vrai. Par exemple, peut-être y a-t-il un savant fou qui est en train de simuler mes organes
récepteurs et m'envoie la perception : "en ce moment je suis (je sens que…) à ma table en train
d'écrire des mots sur mon ordinateur". Or, comment puis-je le savoir? Comment puis-je vérifier
que ce n'est pas le cas? Je ne peux en effet par définition sortir de moi-même, de mes organes
récepteurs, qui sont la seule chose dont je dispose pour avoir affaire au monde extérieur, afin de
vérifier si ma perception correspond au monde extérieur, et s'il y a même un monde extérieur -
comme l'a bien montré Berkeley, je ne peux avoir accès à quelque chose non perçu; or, si tout ce
que je peux connaître, n'est connaissable qu'à travers mes facultés de connaître, je peux toujours
douter du fait que mes perceptions correspondent bien au monde tel qu'il est vraiment, et même,
qu'un monde extérieur existe.
Dans ce domaine de la connaissance immédiate, le doute est donc rationnel, possible, puisque nous
ne pouvons jamais être certain d'être dans le vrai. Puisque je ne peux donner de bonnes raisons
pour établir que nous avons une réelle connaissance, alors, non seulement, je peux en douter, mais
aussi, je dois en douter (puisqu'elle peut être fausse).
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2) Mais peut-on pour autant douter de toutes les autres connaissances humaines, telles que celles
qui me sont transmises par des livres, donc, par la société à laquelle j'appartiens? Ne passent-elles
pas pour les plus assurées?
Ces connaissances sont diverses : on a l'histoire, la religion, la science, etc. On nous les enseigne
comme étant certaines, ou, du moins, on ne nous apprend pas à en douter. Comme le dit
Wittgenstein, dans De la certitude, §310 à 312, si l'élève se mettait à interrompre sans cesse le
maître en exprimant des doutes, par exemple quant à l'histoire (genre : comment savez-vous que
Louis XIV a réellement existé?), alors, il se mettrait en position de non-apprentissage. "Un tel
doute, dit Wittgenstein, est comme creux". Ie : il n'a aucun sens.
Pourtant, ne peut-on penser que cet élève n'a pas si tort que cela? N'est-il pas possible de douter
même de ce genre de connaissances? L'histoire ne repose-t-elle pas après tout, tout autant que
l'enseignement de la Bible, sur le témoignage des autres? N'est-elle pas dès lors de l'ordre de la
croyance? Peut-être après tout nous a-t-on menti! Cf. journalistes qui peuvent nous faire croire
n'importe quoi.
En fait, comme l'a bien montré Hume, dans l'Enquête sur l'entendement humain (Section IV, 1),
toute connaissance en tant que telle, ie, toute connaissance à caractère informatif, qui porte sur le
monde, est révocable, est incertaine. En effet, contrairement aux vérités mathématiques, la
plupart des connaissances humaines portent sur le monde, sur des "choses de fait" ("matters of
fact"). On ne peut douter des vérités mathématiques, car elles portent seulement sur des
"relations d'idées" (relations of ideas). Par exemple : même s'il n'existait aucun triangle dans la
nature, le théorème de Pythagore serait toujours vrai. Il s'agit de vérités éternelles, qui ne
changent jamais et qui ne sont donc pas révisables. On ne peut sans contradiction envisager leur
remise en cause, puisque l'on ne peut prouver sans contradiction leur fausseté possible. Par contre,
toutes les autres connaissances portent sur le monde, et peuvent toujours changer; on peut
toujours, dit Hume, démontrer le contraire. Il est donc possible, rationnellement, de douter de la
majeure partie de nos connaissances, parce qu'on ne peut jamais en être certain.
Ce qu'elles nous affirment peut toujours se révéler être faux demain, etc
Ceci vaut bien évidemment même des connaissances "scientifiques", qui passent, dans le sens
commun, pour être les mieux établies, et indubitables. Or, portant par définition sur le monde,
celles-ci ne peuvent mériter l'appellation de "vérités éternelles".
Les vérités scientifiques sont des vériéts empiriques, portant sur des "choses de fait", donc, elles
peuvent ne pas être vraies, elles peuvent même devenir fausses (cf; fait que la théorie de Galilée a
été remplacée par celle de Newton, celle de Newton par celle d'Einstein, et que la théorie
d'Einstein est loin d'être définitivement établie) : par conséquent, nous sommes bien en présence
d'un domaine logiquement incertain. Nous pouvons donc en douter, il n'y a là rien de logiquement
impossible, d'incohérent. Comme nous l'a bien montré Popper dans Conjectures et réfutations,
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c'est que tout ce que nous pouvons assurer, c'est qu'une théorie scientifique n'est pas encore
fausse…
Nous pouvons même aller plus loin et dire qu'il est de notre devoir de douter des "vérités"
scientifiques. En effet, toujours selon Popper, la science doit procéder par conjectures et
réfutations successives, si elle veut pouvoir progresser. Et plus elle va mettre à l'épreuve de
l'expérience ses théories, plus elle va pouvoir être sûre de cette théorie. En effet, plus on aura
fait d'expériences susceptibles de la réfuter, plus elle sera confirmée par les faits. Si nous avons
dit ci-dessus qu'il était logiquement possible de douter des théories scientifiques, nous affirmons
maintenant qu'il faut les soumettre au doute, à l'esprit critique. Une science qui ne le ferait pas
serait une pseudo-science, ou un dogme, mais certainement pas une vraie science. Ainsi peut-on
reprocher à la psychanalyse de tout faire pour que son hypothèse de l'inconscient soit
infalsifiable, hors d'atteinte, ie, indubitable.
CONCLUSION I :
Rien n'est sûr, ou définitivement tenu pour acquis : croire le contraire, donc, ne pas douter, c'est
aller droit vers les dogmes et vers une attitude que Nietzsche a stigmatisée comme étant celle du
"troupeau". On croira tout ce qu'on nous dit, sans en examiner le bien-fondé, sans même le
comprendre… (cf. les médias; les sectes; les pseudo-sciences; croire que la terre tourne sans
comprendre la théorie héliocentrique). Douter de tout, c'est interroger le bien fondé de tout, et
par là, refaire nous-mêmes le cheminement de tout ce qui se présente comme savoir. Comme le dit
Kant, dans Qu'est-ce que que les lumières?, c'est là penser par soi-même, et devenir un homme
libre.
TRANSITION:
Mais, si rien n'est certain, n'est-il pas exagéré d'en conclure que dès lors, on peut douter de tout,
au sens où cette fois on rejetterait tout ce qui est douteux comme si c'était faux? Douter de tout
en ce sens, ne serait-ce pas le propre du fou? Plus encore, ne serait-ce même pas prétentieux de
croire qu'il est possible de douter de tout?
Descartes ne nous a-t-il pas enseigné les limites de ce doute radical? N'y a-t-il pas des limites au
doute?
abandonner toutes les croyances qu'il a eues jusqu'alors; en effet, celles-ci ne sont autres que ce
que Spinoza appellera les "connaissances par ouï-dire" (Ethique, Livre II).
Pourtant, on peut dire que ce que Descartes nous montre, tantôt implicitement (ie : sans le vouloi),
tantôt explicitement (avec le cogito), c'est que le doute radical a bien des limites. Nous sommes
incapables de douter de tout.
En effet :
1) Ne faut-il pas, pour parvenir à douter de tout, même de ce qui est le plus évident (comme les
mathématiques et l'existence d'un monde extérieur) recourir à des artifices sans cesse plus
monstrueux que les autres?
Cf. le malin génie : il est obligé d'en arriver là afin de pouvoir douter même du probable; mais c'est
évidemment artificiel (je vais "feindre", nous dit Descartes, qu'il existe quelque chose de tel, car
je vois bien que même si j'ai trouvé de bonnes raisons pour douter, ie, que c'est logique, cela ne me
fait pas réellement douter de mes croyances spontanées).
On pourrait donc dire que le fait même que le doute cartésien soit hyperbolique, nous montre qu'on
ne peut douter de tout
2) De plus, Descartes, quand il emploie le doute méthodique, échoue lui-même, sans le savoir
vraiment, à douter de tout.
Cf. fait que Descartes ne doute pas vraiment de sa raison (cf. argument de la folie); de certaines
notions issues de la tradition soi-disant criticable; du langage hérité de la société dans laquelle il
est né; ne doute pas des mots; de la tradition philosophique; du doute lui-même; de son projet ; de
soi-même finalement…
des gens dignes ou non dignes de foi longtemps après avoir appris les faits qui lui sont racontés.
Mais que cette montagne existe depuis longtemps déjà, il ne l'apprend pas du tou; ie, cette
question ne se pose pas du tout. L'enfant, pour ainsi dire, avale cette conséquence avec ce qu'il
apprend"; §152 : "les propositions qui pour moi sont solidement fixées, je ne les apprend pas
explicitement"). Ainsi, on ne peut douter de certaines choses sans mettre par là en doute tout
notre système d'évidence, toute notre conception du monde (ainsi : que la terre tourne, que le
monde extérieur existe, que les mots ont un sens, que 2 + 2 = 4, etc)
Cela peut valoir aussi des sciences, qui ont bien un tel caractère holiste. Quand on veut mettre en
doute une hypothèse, sait-on, peut-on savoir que le résultat de notre mise en doute, s'il nous a
révélé une erreur, porte vraiment sur ce sur quoi on voulait faire porter notre doute? En effet, la
science est un ensemble d'hypothèses enchevêtrées les unes dans les autres. Par exemple : pour
douter d'une hypothèse, ne vais-je pas me servir d'une autre hypothèse qui appartient à la dite
théorie (on parle alors d'hypothèse "auxilliaire"), à savoir, de certains instruments qui ne sont rien
d'autre que l'application de la théorie, ou qui dépendent de son bien-fondé? Or, si je me mets à
douter des instruments eux-mêmes, ne vais-je pas m'empêcher de pouvoir soumettre cette
hypothèse à l'examen?
3) et finalement, on sait que Descartes en arrive à quelque chose de certain : le cogito. Le doute
s'arrête bien quelque part…
Conclusion A
On n'a pas les capacités de douter de tout, car c'est quelque chose qui irait à l'infini. Pour douter,
il faut que je pense, et pour que je pense, il faut bien que je m'exprime par des mots; or, ces mots
sont hérités de ma société, etc.
Descartes lui-même nous conseille de ne pas adopter la pratique du doute dans la vie quotidienne :
en théorie, le doute est conseillé car il ne faut pas se précipiter, il ne faut pas confondre sa
croyance avec un vrai savoir, etc. Mais en pratique, ie, quand il s'agit de vivre, d'agir, il ne faut pas
douter.
Il faut donc dans la vie courante s'abstenir de douter. Du moins, si on peut toujours douter, il ne
faut pas remettre l'action à demain. Je dois manger, etc. Descartes va même jusqu'à prôner le
conformisme en matière d'opinions politiques, morales, ou religieuses : là-dessus, on adoptera
celles de notre pays.
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(note : les sceptiques, contrairement à ce qu'on a pu dire d'eux, faisaient exactement la même
chose que Descartes)
CONCLUSION I
Pour Descartes, autant dans le domaine de la théorie que dans le domaine de la pratique, nous ne
pouvons douter de tout. Le doute est impossible à maintenir jusqu'au bout dans la théorie, même
quand on a le temps et qu'il s'agit seulement de rechercher la vérité. Mais dans le domaine de la
pratique, c'est encore plus impossible, car nous devons agir, et la vie est urgente. Le doute radical
nous ferait ici tomber dans les affres de la folie.
Ou : même si, comme on l'a vue en I, pratiquement toutes mes connaissances sont incertaines, ne
sont pas indubitables, il est impossible d'en douter au sens de les "révoquer en doute", ie, de faire
comme si elles étaient fausses. Sinon, c'est notre vie même qui devient impossible.
Nous venons de voir que autant dans le domaine théorique que pratique, nous ne pouvons douter de
tout : c'est impossible, l'homme n'en a pas la capacité. On en arrive donc maintenant à se
demander si le doute ne serait pas dangeureux quand il porte sur les valeurs traditionnellement
admises par sa société. Peut-on remettre en cause le bien-fondé des lois, des mœurs, ou des
dogmes religieux, sans remettre en danger l'existence de cette société? La question ne porte plus
vraiment, ici, sur la capacité qu'aurait l'homme à douter de tout; nous sommes ici à un niveau moral
et même politique : il s'agit de savoir si l'homme a le droit de douter de tout.
Cf.Socrate qui a été mis à mort car il était trop dangeureux pour l'ordre social. Ici, on répond à la
question de savoir si on peut douter de tout, par le risque de mort (comme précédemment);
seulement, cette mort n'a plus une origine biologique, ou naturelle, mais sociale/politique.
Cf. le crime de lèse-majesté; signification : il y aurait des choses sacrées, qu'aucun homme, en tant
qu'individu, ne saurait remettre en question. Ces choses sont principalement les dogmes religieux,
les lois de l'Etat. Les critiquer, c'est en effet entraîner un gros risque : que les hommes n'y
croient plus; car alors, le lien social est détruit. Il est interdit à l'homme d'en douter car ce serait
les remettre en cause, soupçonner leur bien-fondé, etc. (Ici, donc, réponse au sujet : on n'a pas le
doit de douter de tout : certains domaines nous échappent, on n'a pas le droit d'y toucher)
1) Dans un petit essai intitulé Qu'est-ce que les lumières? (1784), Kant répond pour ainsi dire
définitivement à cette grave objection.
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Répondre à cette objection, c'est bien entendu, comme on le voit dans cet essai, répondre aux
prêtres et hommes politiques de l'époque obscurantiste, ie, à ceux qui ont le pouvoir et veulent
maintenir le peuple dans l'ignorance afin de garder ce pouvoir. Selon eux, on vient de le voir,
laisser l'homme penser par soi-même et cela, sur la place publique, (dans des livres, dans des
jouranux), et à propos des choses publiques (eux diraient sacrées), entraînerait la ruine de l'ordre
politique extérieur, et de la moralité intérieure.
Ainsi, à l'époque de Kant, ceux qui voulaient publier des livres dont le contenu n'était pas en
accord avec la manière dont la religion était officiellement comprise et imposée, courraient le
risque de la censure. Cf. Descartes qui s'est réfugié, comme d'ailleurs bon nombre d'intellectuels
de cette époque, à La Haye, pour échapper à cette censure quasi-systématique. (Cf. aussi Diderot
et L'Encyclopédie).
Or, que leur répond Kant? Il oppose à l'obscurantisme l'idée-clef de "lumières", qui connote l'idée
de critique, de liberté absolue du jugement, par lequel nous nous délivrons de nos préjugés,
superstitions, préjugés.
Par là, Kant veut dire que la liberté d'opinion et d'expression est ce qui permet à un peuple de
progresser vers le bien. Ie : il doit y avoir une libre critique de l'Eglise comme de la législation.
Kant va même jusqu'à dire que de toutes les libertés que les hommes ont à conquérir et que le
gouvernement doit leur laisser prendre, la première est la liberté de l'usage public de sa raison.
Contre les obsucrantistes, il dit donc que la religion et le droit concernent tout homme en tant
qu'homme, et que rien ne saurait lui interdire, par conséquent, d'en douter, et de communiquer ce
doute à tout autre homme.
2) Mais cette liberté est-elle si totale? N'y a-t-il pas de nouveau des limites dans ce droit absolu
de douter même des choses "publiques"?
C'est bien ce que semble après tout soutenir Kant. En effet, de quelle liberté nous parle Kant?
Cette liberté concerne, comme nous l'avons dit, l"usage public de sa raison". Pour bien comprendre
la signification de cette formule, voyons ce qu'est, pour Kant, l'usage privé de la raison, celui qui
est néfaste et en conséquence interdit, illégal.
L'usage privé de la raison, c'est par exemple l'usage que ferait un fonctionnaire de cette liberté
radicale de tout soumettre à l'examen (critique) de sa raison. Il ne saurait s'étendre, nous dit
Kant, au-delà de l'exécution, et par exemple, aller jusqu'à discuter de l'ordre ou de la tâche à
accomplir. Ici, nous sommes bien en présence des limites (morales et/ou politiques) du doute : en
effet, si on le limite, c'est justement pour que la société continue à fonctionner, même si on doute
du bien-fondé des lois ou ordres à appliquer. Le doute, ici, a des conséquences pratiques très
graves, qui peuvent troubler, l'ordre public.
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Qu'est-ce alors que l'usage public de la raison? Kant veut dire par là que cet homme qui, en tant
que fonctionnaire de l'Etat ne peut douter de l'ordre qu'on lui donne et faire comme s'il était
faux, donc nul et non avenu, tant qu'il en doute. Par contre, il peut, et même il en a le devoir,
mettre en cause la stratégie du général, mais cette fois, en adoptant le point de vue d'un citoyen,
ou d'un homme raisonnable (bref : de tout "homme en tant qu'homme"). Car par là, il se met dans la
position d'un homme véritablement capable de juger et de savoir.
On ne doutera donc pas des affaires publiques en tant qu'homme privé, mais en tant qu'homme
public : ainsi, notre fonctionnaire ne le fera pas quand le général lui donnera un ordre, mais il le
fera dans un article de journal.
Ainsi, pour Kant, si la constitution de l'Etat reste inviolable, il n'en conclut pas vraiment au crime
de lèse-majesté quand on la remet en question : au contraire, son caractère sacré n'exclut pas que
nous ayions le droit et même le devoir (cf. affaire Papon) de la critiquer quand quelque chose ne va
pas ou se révèle être injuste. Que les hommes aient le droit de raisonner sur tout et d'exprimer
publiquement leurs pensées, non seulement ne ruine pas l'Etat et l'Eglise, mais c'est le seul moyen
d'assurer un ordre politique qui repose sur la liberté fondamentale de l'homme, et ne soit pa à la
merci de la moindre épreuve de force.
CONCLUSION
D'un point de vue théorique, ou plus précisément épistémologique, il nous est apparu impossible de
douter de tout. L'homme n'en a pas les capacités, car il lui faut toujours partir de quelque part,
et/ ou, s'arrêter quelque part. Il y a toujours des choses qui, dans l'entreprise du doute, restent
indubitables, ou du moins, qu'on continue de prendre comme allant de soi.
De même, du point de vue de la vie quotidienne, nous en sommes arrivés à la conclusion selon
laquelle on ne peut douter de tout, sous peine de mort ou de folie. Ici, l'incapacité est plus totale
encore que ci-dessus, car les risques étaient seulement alors logiques.
Mais, en nous interrogeant sur la légitimité du doute dans le domaine politique, nous avons réussi à
retrouver la connotation positive du doute, de la critique, telle qu'on la trouvait chez les
philosophes depuis Socrate. En effet, nous avons conclu, avec Kant, que le doute sur les choses
dites sacrées n'est pas illégal mais au contraire une sorte de devoir. Seul il peut permettre à
l'humanité un progrès véritable, et à la liberté d'être effective.
Bref : notre conclusion est que le doute signifie bien la liberté de l'homme, peut-être pas
intellectuelle, certes, mais au moins politique et morale. Son exercice constant peut permettre
l'émancipation de l'homme et empêcher qu'il soit sous le joug d'un Etat totalitaire.