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COOPÉRATIVES FÉMININES AU MAROC

- RÉALISATIONS ET AMBITIONS

Abdelkrim AZENFAR, Rachida ELGHIAT et Abderrahim DEBBAH,


Office du Développement de la Coopération

RÉSUMÉ :

Le mouvement coopératif marocain enregistre des avancées considérables grâce


à la contribution de plusieurs acteurs. Vu l’intérêt de plus en plus croissant de ce
type d’entrepreneuriat collectif, le développement des coopératives est au centre
de toutes les stratégies et de tous les programmes de développement local.

L’intégration de la femme dans tout programme de développement est plus


qu’évident. L’organisation en coopératives est une forme d’intégration des
femmes dans les différentes activités socio-économiques, particulièrement au
niveau rural.

En effet, la femme est présente au niveau du tissu coopératif marocain dans


l’ensemble des secteurs d’activités et dans toutes les régions du pays. 29% de
l’ensemble des coopérateurs au Maroc sont des femmes et près de 14% des
coopératives sont constituées exclusivement de femmes. C’est cette dernière
population qui a été visée par l’actuelle étude afin d’analyser son
fonctionnement, ses contraintes, ses opportunités d’épanouissement… et ce afin
de contribuer à élaborer des indicateurs d’impact de son action et à alimenter les
programmes et stratégies de son développement.

L’étude a porté sur l’analyse des données existantes et surtout sur un travail de
terrain auprès d’un échantillon de 10% des coopératives féminines..

L’étude a permis de souligner l’importance des avancées enregistrées par ces


coopératives : niveau d’autonomie de prise de décision, intégration des jeunes
au sein des coopératives et même au sein des instances de leur gouvernance,
intérêt envers le renforcement de leurs compétences… De même, plusieurs
pistes d’amélioration sont mises en évidence pour concevoir dans le futur un
mouvement coopératif féminin plus développé avec des impacts plus visibles et
plus durables en termes de création d’emploi et de revenus.

1
I. INTRODUCTION

D’importantes avancées ont été enregistrées en renforcement des droits


constitutionnels de la femme marocaine, ces dernières décennies. Néanmoins,
beaucoup d’efforts restent à déployer, notamment pour assurer l’intégration des
femmes dans le développement socioéconomique. En effet, les opportunités
d’investissement offertes aux femmes demeurent encore limitées en plus du fait
qu’une large proportion de femmes a des emplois peu valorisés.

Un intérêt particulier est accordé à l’implication des femmes dans le


développement à travers plusieurs programmes qui traduisent cette volonté.
Sachant qu’il est évident que la réalisation de tout développement
socioéconomique qui confère à la société de tirer profit de ses fruits actuels et
futurs ne peut atteindre les résultats escomptés sans la participation des femmes.

Le secteur coopératif a été préconisé, depuis longtemps, comme l’une des


solutions adéquates pour l’insertion économique des femmes, ouvrant ainsi la
voie à l’amélioration de leurs conditions de vie et, incontestablement, la
valorisation de leur travail et la percée de nouveaux horizons d’épanouissement.

Le nombre de coopératives de femmes dans notre pays connait, depuis le début


du troisième millénaire, une évolution ascendante, ce qui traduit l’intérêt des
femmes et leurs capacités à introduire ce champ d’économie sociale et solidaire
pour se créer des opportunités de travail générateur de revenu.

L’importance de la présence de la femme au sein du travail coopératif marocain


est devenue plus qu’une évidence. En termes de chiffres, 29% des coopérateurs
au Maroc sont des femmes (ODCO, 2018). Ce pourcentage englobe en fait les
coopératives 100% femmes et les autres coopératives qu’on peut qualifier de
mixtes. Actuellement, l’effectif des coopératives totalement féminines avoisine
les 13% de l’effectif total national.

A travers la présente étude, le zoom a été fait exclusivement sur les coopératives
à 100% féminines afin de mettre en lumière l’état des lieux de ce type de
coopératives en montrant leur contribution au niveau du mouvement coopératif
marocain tout en soulignant les facteurs qui entravent leur développement et
proposant des mesures appropriées pour favoriser leur épanouissement.

La présente étude constituera un champ de réflexions continu dans la


perspective de déceler des programmes pertinents dédiés à cette population pour
plus d’épanouissement du travail coopératif féminin au Maroc.
II. HISTORIQUE DES COOPÉRATIVES DE FEMMES AU MAROC

Les coopératives de femmes au Maroc ont une longue histoire riche en


enseignements. Les premières coopératives de femmes au Maroc furent créées
dans l’artisanat. D’ailleurs, la toute première coopérative marocaine, constituée
en 1949 aux Oudayas à Rabat dans le tissage de tapis, fut féminine.

Il a fallu attendre les années 80 du siècle dernier, pour voir émerger les
premières coopératives de femmes au niveau de l’agriculture pratiquant des
activités essentiellement liées à l’élevage, à l’apiculture et à la cuniculture et
l’aviculture.

Le graphe ci-dessous met en exergue l’historique de création des coopératives


féminines.

Graphe 1: Evolution de création


des coopératives de femmes au Maroc

1200

800

400

Source: ODCO, 2018

Le développement des coopératives féminines est quasiment général au


niveau de toutes les régions du Maroc avec, certes, quelques disparités
comme l’illustre le graphe suivant.
600

500

400

300

200
avant 2000
2001-2010
100
2010-2017
Total
0

Source: ODCO, 2018

A la fin du siècle dernier, le nombre des coopératives de femmes avoisinait à


peine 165 structures pour atteindre, 17 ans après, les 2.678 coopératives, soit
une progression de presque 16 fois (environ 1.600%). Au cours de cette période,
la création des coopératives en général, et particulièrement de femmes, a connu
un essor sans précédent dû, comme nous le verrons plus tard, à l’appui accordé
par les différents programmes nationaux de développement, notamment
l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH).

III. PROBLÉMATIQUE ET OBJECTIFS DE L’ÉTUDE

Malgré l’existence d’un environnement juridique motivant pour le


développement du travail coopératif et les efforts déployés par plusieurs
intervenants pour encourager et accompagner ce mouvement, le nombre des
coopératives à 100 % féminines reste faible et ne représente que 14,5% du total
des coopératives à l’échelle nationale qui dépasse actuellement les 20.000.

La réalité de ces coopératives est également caractérisée par des contrastes en


termes de développement selon les régions et les secteurs. Des handicaps
d’accès au financement, des difficultés de gouvernance et de gestion, de
commercialisation et de relations avec leur environnement sont souvent
rencontrés par ces coopératives.
Il est évident que malgré les actuelles réalisations du mouvement coopératif,
essentiellement féminin, le potentiel de son développement est loin d’être
exploité en totalité notamment l’importance croissante de la population à la
recherche d’emploi au Maroc au niveau des jeunes et pour lesquels les
coopératives constitueraient une voie pour la création d’emploi à travers des
activités qui génèrent des revenus.

Compte tenu de ces constats et de l’importance de la contribution des


coopératives féminines dans l’insertion des femmes dans le marché du travail,
l’Office de Développement de la Coopération (ODCO) a entrepris la réalisation
de la présente étude relative à la réalité des coopératives de femmes au Maroc
afin de donner quelques éléments de réponse aux nombreuses interrogations qui
se posent sur ces coopératives, sur la situation de la femme dans ce secteur, leurs
réalisations et les problèmes rencontrés en vue de déceler les enseignements
d’une stratégie visant à améliorer le niveau du mouvement coopératif actuel et
encourager son extension territorial et sectoriel.

Il est important à souligner que l’une des toutes premières études des
coopératives de femmes au Maroc remonte à 1999 alors que ces structures
étaient au stade de naissance avec environ une centaine d’unités. Près de vingt
ans après, elles ont tellement évolué qu’il est devenu primordial de mettre en
lumière les atouts et les limites de cette dynamique sachant que ce champ
économique est peu étudié et qu’il est souvent entaché par le manque des
indicateurs socio-économiques de son activité et surtout de son impact.

Outre l’éclairage scientifique et informationnel escompté de la présente étude,


les objectifs suivants ont été également attendus :

Elaborer un diagnostic sur la réalité des coopératives féminines en mettant


en exergue l’histoire de leur création, leur fonctionnement et leur
contribution dans l’intégration des femmes dans le développement
économique,
Déceler les défis de développement de ces structures,

Proposer des mesures pour développer le mouvement coopératif féminin


marocain.

IV. DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE DE L’ÉTUDE


La présente étude a été réalisée selon la démarche méthodologique suivante :
Recherche bibliographique
Identification de l’échantillon représentatif de coopératives féminines
Enquête sur le terrain
Dépouillement des questionnaires
Conception d’une application informatique dédiée au dépouillement,
saisie et traitement des données de l’enquête
Analyse et interprétation des résultats
Rédaction de l’étude.

L’étude bibliographique a concerné essentiellement la première étude relative


aux coopératives féminines réalisée par l’ODCO en 1999, les publications, les
rapports internes ainsi que les annuaires statistiques de l’office.

Les données statistiques relatives aux coopératives féminines ont été analysées
notamment en termes de répartition par région et par secteur ce qui a permis
d’arrêter la taille de l’échantillon des coopératives et sa composition dans
l’esprit de garantir une représentativité par rapport à la globalité des
coopératives féminines au Maroc.

Le questionnaire a été conçu en axes relatifs à :

 Identification de la coopérative,
 Ressources humaines (adhérentes, employées permanents ou saisonniers),
 Gestion et gouvernance,
 Production et commercialisation,
 Appui et subventions,
 Limites de développement,
 Actions sociales des coopératives,
 Attentes des coopératives,
 Propositions et perspectives d’avenir.

L’enquête sur le terrain a concerné un échantillon de 214 coopératives de


femme, soit presque 10 % de la totalité des coopératives féminines constituées
avant 2016. Elle a touché toutes les régions du Maroc et tous les secteurs
d’activités desdites coopératives. En plus des données chiffrées recueillies
auprès des coopératives enquêtées, une série d’appréciations qualitatives a été
prévue au niveau des questionnaires, notamment, les retombées positives des
revenus générés par les coopératrices sur l’amélioration des conditions de vie de
leurs familles en matière de scolarisation des enfants, l’accès aux soins…

Le tableau suivant met en exergue la répartition des coopératives constituant


l’échantillon de l’étude par région :
Tableau 1: Répartition des coopératives enquêtées par région
Région Nombre des coopératives
Béni Mellal-Khénifra 28
Fès-Meknès 28
Tanger-Tétouan-Al Hoceïma 26
Rabat-Salé-Kénitra 20
Guelmim-Oued Noun 20
Laâyoune-Sakia El Hamra 18
Marrakech-Safi 16
Dakhla-Oued Ed Dahab 15
Souss-Massa 15
Casablanca-Settat 14
Oriental 9
Drâa-Tafilalet 5
Total 214

Concernant la répartition des coopératives féminines constituant l’échantillon


par secteur, la dominance de certains secteurs d’activités au niveau de ce type de
coopératives tels que l’artisanat et l’agriculture a été prise en considération
comme le montre le tableau suivant :
Tableau 2: Répartition des coopératives enquêtées par secteur
Secteur Nombre des coopératives %
Artisanat 118 55.1
Agriculture 58 27.1
Approvisionnement en denrées alimentaires 16 7.5
Valorisation des plantes aromatiques et
13 6.1
médicinales
Argane 9 4.2
Total 214 100

De même, les deux paramètres relatifs à la régularité de l’activité de ces


coopératives (régulière et saisonnière) et leur emplacement géographique (rural
ou urbain) ont été pris en considération dans la constitution dudit échantillon.

Lors de l’enquête sur le terrain, et afin de reproduire la réalité fidèle de ces


structures, les entretiens ont eu lieu avec les présidentes de ces coopératives,
mais également avec d’autres adhérentes qui n’ont ménagé aucun effort en
réagissant positivement à toutes nos questions.

Lesdits entretiens ont été effectués par les cadres de l’office aussi bien des
services centraux que des différentes délégations régionales.

V. ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE

L’analyse a porté sur des axes allant de l’idée de création des coopératives
jusqu’aux résultats enregistrés en passant par les ingrédients qui conditionnent
leur réussite.
1. L’accès des femmes aux coopératives

Les constations antérieures révélaient que l’initiative de création des


coopératives de femmes émanait essentiellement de l’administration, notamment
des autorités locales et d’associations, et non pas des femmes elles-mêmes.

Cette situation est, heureusement, en train de changer puisque l’enquête, menée


dans le cadre de la présente étude, a montré clairement que, depuis le début du
deuxième millénaire, l’initiative de création des coopératives de femmes est
l’idée essentiellement des femmes elles-mêmes pour 43% des coopératives
interviewées (92 coopératives).

Cette nette ascension montre l’évolution dans le choix de ces femmes des
meilleures voies de leur épanouissement à travers l’entreprenariat coopératif.
Tableau 3 : Répartition des coopératives selon l’initiative d’accès à la coopérative
Initiatives Nombre de coopératives de %
femmes
Adhérentes 92 43
Administrations 70 32.71
Agences. Associations… 52 24.29
Total 214 100
Source: enquête de l’étude, 2017

2. Activités pratiquées avant l’intégration de la coopérative


Les adhérentes de 103 coopératives, soit 48.13% des coopératives féminines
agricoles et d’artisanat interviewées, étaient femmes au foyer exerçant, avant
d’intégrer la coopérative, des activités intimement liées à celles de la
coopérative constituée. Il s’agit de concrétisation d’actions pratiquées
individuellement dans un cadre de projets coopératifs.
D’autres femmes ont choisi de créer leurs coopératives dans des activités dont
elles ont suivi des formations.
3. Lieux de travail préférés par les coopératrices
Généralement dans le passé, les coopératrices pratiquaient des activités dans leur
domicile, pour le compte de la coopérative afin de concilier entre ces métiers et
les obligations familiales et pour limiter les dépenses liées au transport. Les
adhérentes étaient ainsi approvisionnées par la coopérative en matière première
pour produire chez elles les commandes des clients de la coopérative.
Ce choix de travail des femmes coopératrices dans leurs domiciles pour le
compte de la coopérative se réduit continuellement vu les multiples avantages
du travail collectif au sein de la coopérative : amélioration des capacités et des
connaissances, échange d’idées et d’expériences, innovation et amélioration de
la qualité de production…
Ce sentiment de favoriser le travail en groupe au niveau des sièges des
coopératives (au lieu du travail à domicile) a été exprimé par 191 coopératives,
soit 89.25% de l’échantillon de l’étude. Ce constat concerne aussi bien les
coopératives situées en milieu urbain que rural.
Tableau 4: Répartition des coopératives féminines selon la préférence du lieu du travail
Lieu du travail privilégié Nombres de coopératives de femmes %
A domicile 23 10.75
Au siège de la coopérative 191 89.25
Total 214 100
Source: enquête de l’étude, 2017
4. Appui et accompagnement des coopératives féminines
Compte tenu de l’importance des impacts socio-économiques positifs engendrés
à travers le développement du travail coopératif féminin, 90,2% des
coopératives enquêtées (soit 193 coopératives) bénéficient de plusieurs formes
d’appui et d’accompagnement par plusieurs intervenants.

L’appui prend plusieurs formes comme l’illustre le tableau suivant :


Tableau 5 : Répartition des coopératives (bénéficiaires) selon la nature de l’appui
Nature de l’appui Nombre de coopératives de %
femmes
Matériels et équipements 137 70.98
Constructions des locaux 22 11.40
Cheptels 29 15.02
Espèces 05 2.60
Total 193 100
Source: enquête de l’étude, 2017
Les sources d’appui de ces coopératives sont les programmes nationaux, la
coopération nationale et internationale…
Tableau 6 : Répartition des coopératives selon les sources d’accompagnement financier
Organisme Nombre decoopératives %
Initiative Nationale pour le 90 42.26
Développement Humain
Département – Agriculture 36 16.90
Département –Artisanat 11 5.16
Autres (associations, agences de 76 35.68
développement…)
TOTAL 213* 100
Source: enquête de l’étude, 2017
(*) 20 coopératives ont bénéficiée de deux d’une subvention.
5. Gouvernance
Dans le passé, les adhérentes élisaient au conseil d’administration des femmes
âgées même si elles étaient généralement analphabètes et sans expérience et ce
pour motif de respect. Ceci impactait négativement la gestion de la coopérative
et par conséquent toutes ses activités.
Néanmoins, cette situation a relativement changé avec l’adhésion aux
coopératives de jeunes coopératrices ayant un certain niveau d’instruction, ce
qui constitue une valeur ajoutée sûre au niveau des organes de gestion des
coopératives.
Ces constats ont été mis en exergue, dans le cadre de la présente étude, à travers
une population de 798 femmes membres des conseils d’administrations des
coopératives enquêtées.

Tableau 7 : Répartition des membres des conseils d’administration des coopératives féminines par âge
Tranches d’âge Présidente Trésorière Secrétaire Vice- Vice- Vice- Total
(ans) présidente trésorière secrétaire
Moins de 30 09 27 37 08 11 12 103
31-45 91 98 99 21 12 19 337
46-55 75 56 51 11 15 16 234
56-65 26 23 19 14 12 06 93
+65 09 06 04 02 06 03 30
Total 210 210 210 56 56 56 798
Source: enquête de l’étude, 2017
Ainsi, les femmes âgées de 31-45 ans constituent la catégorie la plus représentée
dans les conseils d’administration des coopératives enquêtées sachant que plus
de 100 jeunes femmes âgées de moins de 30 ans sont représentées aux conseils
d’administrations sur un total de 798.
Ces jeunes coopératrices assument pleinement leur responsabilité dans la gestion
de leurs coopératives respectives, c’est une population assez bien formée et plus
encadrée au niveau de la gestion, la commercialisation.
Quant au niveau d’instruction des membres du conseil d’administration,
Sur cet effectif de 798 femmes membres des conseils d'administration des
coopératives constituant l’échantillon de l’étude, 621 femmes y assument la
responsabilité de présidentes, trésorières, secrétaire générales ou conseillères ont
un niveau d’instruction allant du niveau basique au supérieur. Seulement 177
femmes, soit 22% qui sont analphabètes dont certaines suivent des cours
d’alphabétisation.
Tableau 8 : Répartition des membres des conseils d’administrations des coopératives de
femmes par niveau d’instruction
Niveau d’instruction Effectif %
Analphabète 177 22.18
Coranique 103 12.91
Primaire 204 25.56
Secondaire 197 24.69
Baccalauréat 22 2.76
Formation professionnelle 6 0.75
Supérieur 89 11.15
Total 798 100
Source: enquête de l’étude, 2017

6. Formation au niveau des coopératives

Pratiquement toutes les coopératives féminines enquêtées avaient bénéficié d’au


moins un programme de formation dans différentes thématiques (législation,
gestion, techniques de production, commercialisation…). Plusieurs intervenants
assurent ces formations en fonction de leurs spécificités et de leurs attributions.

Lors de nos entretiens, les coopératrices avaient suggéré d'élargir les champs de
formation en incluant d'autres modules qu'elles jugent indispensables à leur
épanouissement. Ainsi, la majorité des femmes ont réclamé l’apprentissage des
langues étrangères (surtout l’anglais et l’espagnole) pour pouvoir communiquer
avec les clients étrangers et donc faciliter la commercialisation de leurs produits.
L’autre module qui a été également réclamé porte sur les techniques de
marketing.
7. Mixité dans les coopératives

Il est important de rappeler que la présente étude s’est focalisée sur les
coopératives exclusivement féminines sachant que la présence de la femme au
sein des coopératives marocaines est quasiment générale.

Au niveau de la présente étude, on a cherché l'avis de ces coopératives purement


féminines sur l’éventualité d’accepter l’adhésion des hommes à leurs
entreprises.

Ainsi, les coopératrices de 110 coopératives (soit 51.40% de l’échantillon) ont


déclaré être favorables à l'adhésion d'un nombre très limité d’hommes
(maximum deux). Des présidentes de coopératives estiment que, dans l'exercice
de leurs activités de production ou de prestation de service, certaines tâches
nécessitent une force physique qui justifie le recours aux adhérents hommes.
104 coopératives, soit 48.60% ont émis des réserves à ce sujet car elles estiment
que les femmes travaillent toute la journée dans la coopérative où elles
cohabitent ensemble comme au sein d’une famille. Elles développent un
caractère de vie spécifique privé qu'elles désirent préserver.

8. Locaux des coopératives

111 coopératives (soit 52%) sont propriétaires de leurs locaux (ou propriété de
l’un des membres de la coopérative) grâce à l’appui de divers acteurs nationaux
ou internationaux.

72 coopératives (soit 34% de l’échantillon) payent en moyenne 3.000,00 Dh le


loyer mensuellement en milieu urbain.

Pour 31 coopératives, les locaux sont mis à leur disposition généralement par les
services extérieurs de différents ministères dont relèvent les activités de ces
coopératives (notamment l’artisanat).
9. Structuration des coopératives de femmes
L'adhésion des coopératives de femmes à tout groupement local, régional ou
national joue un rôle primordial dans leur développement. Ainsi, les
coopératrices ont besoin de mutualiser leurs efforts et leurs moyens pour
surpasser les handicaps de développement de leurs coopératives. De même, ces
mêmes coopératives ont besoin de s’unir pour constituer une force face à
différents défis : marché, achats collectifs, amélioration de la qualité…
Parmi les 214 coopératives constituant l’échantillon de la présente étude, 48
coopératives (soit 22.43%) sont membres d’une structure de regroupement :
- 13 coopératives sont membres d’une union,
- 16 coopératives sont membres d’un groupement d’intérêt économique,
- 8 coopératives sont membres d’une union et d’un groupement,
- 11 coopératives sont membres d’une association.
Par contre, 166 coopératives ne sont adhérées à aucune structure et continuent à
agir individuellement.
De l'avis des 48 coopératives membres d’une structure de regroupement, cette
appartenance a été bénéfique pour elles au niveau de la commercialisation de
leurs produits à travers l’organisation de la participation aux foires et
expositions et également en matière de formation et encadrement, échange
d’expériences et lutte contre les intermédiaires…
10. Commercialisation
La commercialisation des produits des coopératives est l’un des principaux défis
du travail coopératif. C’est l’aboutissement des efforts de travail fournis en
amont qui génère des revenus tant attendus et bien mérités. Ces revenus
conditionnent la durabilité de l’activité au sein de la coopérative.
Au niveau d’une coopérative, la réussite de la commercialisation de ses produits
reflète une image de bonne gestion, de maitrise du processus de production et de
qualité ainsi que des techniques de marketing …
Dans l’échantillon des coopératives de la présente étude, 48 coopératives (soit
22%) ont bénéficié d’une forme d’accompagnement et d’assistance pour la
commercialisation de leurs produits.
19 coopératives seulement (soit 9.22%) commercialisent leurs produits à
l’étranger sachant que le reste se contente du marché national.
Le reste des coopératives n’ayant bénéficié d’aucune forme d’assistance, se
contente des canaux habituels de commercialisation : sièges des coopératives, à
travers les intermédiaires, foires et expositions…
11. Impact du travail coopératif
Les impacts générées par ces coopératives féminines sont multiples aussi bien
sur le plan de création d’emploi, de revenus que de comportements.
Ainsi, en termes de création d’emploi, presque 40.000 auto-emplois sont créés
par ces coopératives et ce en plus des emplois créés via le recours à la main
d’œuvre permanente ou saisonnière. Cette contribution est évaluée à 1.132
emplois dont 955 saisonniers et 177 sous forme permanente.
L’impact du travail coopératif sur la vie quotidienne de ces femmes a été
apprécié à travers un certain nombre de questionnements. En effet, sur les
214 coopératives enquêtées pour :
- 172 coopératives (soit 80.37%), la création de la coopérative contribue à
l’amélioration des revenus des adhérentes,
- 126 coopératives (soit 58.88 %), la coopérative contribue à la réduction
de la pauvreté,
- 196 coopératives (91.59 %), la coopérative contribue à l’intégration des
femmes dans la vie active,
- 160 coopératives (74.77 %), la coopérative contribue à l’auto-emploi.
12. Attentes et propositions des coopératives
Les attentes recueillies auprès des coopératrices interviewées étaient :
- Relation avec l’administration : souhait d’allégement des procédures
administratives jugées parfois trop drastiques et ce, auprès de toutes les
administrations mais le cas de l’Office National de Sécurité Sanitaire des
produits Alimentaires (ONSSA) a été fréquemment cité pour l’obtention
de l’attestation sanitaire des produits agricoles.
- Formation et encadrement : diversification des thématiques de
formation avec un intérêt particulier pour les nouvelles techniques de
production, l’apprentissage des langues vivantes, le marketing...
- Information : c’est un besoin quasi général exprimé par rapport à l’accès
à l’information en relation avec les nouveautés : législations, opportunités
offertes en formation, en commercialisation... Le souhait de création d’un
site web spécifique aux coopératives de femmes a été souligné comme
plateforme d’information, d’échange d’expériences….
- Commercialisation : besoin d’accompagnement pour maitriser les
techniques de commercialisation et l’inscription dans des d’outils
nouveaux tels que e-commerce…. avec plus d’implication des grandes
surfaces et des hôtels pour la promotion des produits des coopératives.
Avec comme doléance d’accorder des quotas aux coopératives féminines
au niveau des différentes occasions de promotion (foires, salons…).
- Financement : Financement, subventions… sont, entre autres, des leviers
sur lesquels les femmes ont beaucoup insisté pour la promotion des
coopératives et la conception d’outils de financement spécifiques.
- Couverture sociale : c’est un besoin et un droit réclamés par toutes les
coopératives.

- Inter coopération : importance générale de l’inter coopération exprimée


avec un besoin d’accompagnement.

VI. SYNTHÈSE DES CONTRAINTES, POINTS FORTS ET


RECOMMANDATIONS

En dépit des avancées réalisées par les coopératives de femmes en matière de


création soutenue de ces structures avec tous les impacts positifs qui en
découlent, leur développement se heurte à plusieurs difficultés liées à leur
gestion interne ou d’ordre externe en relation avec leur environnement.

Face à ces limites qu’il y a lieu de prendre en compte dans les différents
programmes afin d’assurer à la dynamique actuelle du développement coopératif
féminin son épanouissement, nous notons, bien entendu, plusieurs lueurs
d’espoirs.

1. Au niveau de la qualification des ressources humaines

La disponibilité de ressources humaines qualifiées est le meilleur investissement


au sein des coopératives pour réussir les défis de gouvernance, d’innovation, de
production, de commercialisation et de développement d’une façon générale.

En effet, les limites au niveau de la gestion et la gouvernance sont liées au faible


niveau d’instruction des ressources humaines de ces coopératives. Ainsi, malgré
les avancées réalisées au niveau de l’amélioration des compétences des
adhérentes, 22% de femmes membres des conseils d’administration demeurent
analphabètes. Les failles de gouvernance se reflètent aussi par le peu de respect
des lois qui régissent les coopératives surtout l’irrégularité de la tenue des
assemblées générales, la rareté de tenue d’une comptabilité conforme au plan
comptable spécifique des coopératives...
Heureusement, qu’une lueur d’espoir est représentée par les 89 membres des
conseils d’administration qui ont un niveau d’instruction supérieur (soit 11%), et
103 membres des conseils d’administration qui ont moins de 30 ans (13%) ce
qui permet de miser sur l’amélioration future de la gouvernance et l’innovation
au niveau de ces coopératives.

2. Au niveau financier

Le problème de financement est considéré comme l’une des principales


contraintes au développement du mouvement coopératif marocain en général.

En effet, depuis la création de la coopérative, les capitaux propres sont


généralement faibles (un minimum de 1.000,00 Dh est exigé par la loi des
coopératives) avec des possibilités d’autofinancement généralement limitées.
Les excédents réalisés en fin de chaque exercice sont rarement affectés à
l’augmentation du capital des coopératives.

L’insuffisance des moyens financiers impactent aussi négativement les


possibilités de recrutement d’un personnel qualifié pour s’occuper de certaines
activités cruciales.

L’accès des coopératives aux crédits bancaires est difficile en l’absence des
garanties exigées. Heureusement que des efforts se déploient par certaines
banques pour adapter leurs produits à ces populations. De même, certains
acteurs développent des initiatives de financement adaptés (fonds de
financement parfois même sans intérêts).

3. Au niveau commercial

La commercialisation de la production est un épineux problème qui se pose avec


acuité aux coopératives surtout féminines. Etant généralement artisanes, ou
maitrisant un autre métier, les femmes coopératrices ne peuvent pas toutes
maitriser les rouages de commercialisation. En conséquence, leurs produits ne
sont pas vendus sinon à des bas tarifs à cause de la prolifération des
intermédiaires qui tirent profit de cette situation. Ceci se répercute sur leurs
revenus qui demeurent très limités par rapport aux charges et au temps investis.

L’accès à d’autres espaces de commercialisation au niveau national et


international (salons, marchés solidaires, e-commerce…) est limité par la
disponibilité des certificats de qualité des produits des coopératives.
L’impact des salons / foires n’est pas tellement visible en termes de recherche de
clients potentiels et de conclusion de contrats de ventes sur des durées plus
longues et ce bien au-delà des ventes directes lors de ces rencontres.

Heureusement que diverses initiatives pour la commercialisation des produits


des coopératives ont été entreprises par divers acteurs. Il s’agit entre autre du
premier marché solidaire à Casablanca qui est un espace permanent mis à la
disposition des coopératives pour la commercialisation de leurs produits. Cette
initiative est en train d’être étendue à d’autres régions.

Le commerce électronique est également une voie prometteuse où s’inscrivent


certaines coopératives à travers plusieurs initiatives : sites individuels de chaque
coopérative, insertion dans des plates-formes déjà existantes… Cependant, un
travail d’accompagnement s’impose. C’est pourquoi des projets en ont fait une
finalité.

4. Multitude des intervenants

Plusieurs intervenants accompagnent et appuient ces coopératives de femmes


mais le manque de coordination est clairement noté et se répercute négativement
sur le développement et la durabilité de l’activité desdites coopératives avec
beaucoup de déperdition des moyens et de redondance des programmes.

L’idéal est d’appuyer ces coopératives à développer une vision stratégique claire
de leur développement et toutes les initiatives d’appui ne seraient que la
concrétisation de ladite vision pour atteindre les objectifs tracés.

VII. CONCLUSION

L’entrepreneuriat coopératif féminin enregistre, ces dernières années, plusieurs


avancées en termes de contribution au développement local à travers
l’intégration de la femme dans l’activité économique.

L’évolution du nombre des coopératives totalement féminines au niveau de


toutes les régions du Maroc et dans divers secteurs est l’un des indicateurs de
cette dynamique positive.

De même, des changements positifs dans le comportement des femmes engagées


dans ce mouvement coopératif sont notés via une autonomisation de prise de
décision y compris lors de la première décision d’adhésion ou de constitution de
la coopérative. Des changements sont également enregistrés au niveau de
l’intérêt exprimé pour renforcer leurs compétences, pour innover et améliorer la
qualité de leurs produits et services et pour conquérir de nouveaux marchés…

Convaincus que tout développement local passe inéluctablement par


l’intégration de la femme locale, plusieurs acteurs développent des programmes
d’appui et d’accompagnement des coopératives féminines.

Néanmoins et malgré les progrès enregistrés, plusieurs handicaps limitent


encore l’épanouissement des coopératives féminines au Maroc dont notamment
la modestie du niveau d’instruction des ressources humaines au sein de ces
structures, les difficultés de financement, de commercialisation et de
gouvernance…

Le travail coopératif commence à attirer de plus de jeunes scolarisées ce qui


constitue l’un des lueurs d’espoir pour rehausser le niveau de travail des
coopératives féminines au Maroc en termes d’innovation, d’ouverture sur
l’environnement, de gouvernance… ainsi actuellement 13% des femmes
membres des conseils d’administration ont moins de 30 ans d’âge. De même,
78% des femmes membres desdits conseils sont instruites, plus de 14% ont un
niveau de formation universitaire.

BIBLIOGRAPHIE

- ODCO, 2018 : données relatives aux coopératives au Maroc.

- ODCO, 2017 : Annuaire statistiques des coopératives et leurs unions


au Maroc, 152 pp

- ODCO, 1999 : Coopératives des femmes au Maroc : état des lieux, 65pp.

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