Marsol Lier

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L’INNOVATION PÉDAGOGIQUE :

SES FIGURES, SON SENS ET SES ENJEUX


Christophe MARSOLLIER
IUFM de la Réunion

Résumé. – Après avoir longtemps été l’apanage d’une minorité d’enseignants impli-
qués pour la plupart dans des mouvements pédagogiques, l’innovation en éducation se
trouve aujourd’hui brandie par les politiques comme un étendard. Malgré les difficultés
que connaît le système éducatif pour diffuser les réussites pédagogiques et susciter
véritablement l’innovation chez ses acteurs, de nombreuses initiatives locales et isolées
contribuent à modifier le paysage pédagogique, notamment grâce aux informations
qu’ils retirent des discussions entre collègues et des lectures de manuels scolaires et de
revues pédagogiques. Le début de l’année est pour cela un moment d’initiative et de
changement privilégié, notamment sur le plan didactique. Si le processus d’innovation
semble s’inscrire, pour une majorité d’enseignants, dans des phases spécifiques de leur
carrière, certaines personnes manifestent néanmoins, face au nouveau, une attitude
extrême liée à leur histoire personnelle. L’analyse des rapports qu’entretiennent les
enseignants avec l’innovation ouvre des perspectives heuristiques sur le plan de la
recherche et la formation en éducation.
Mots clés : innovation, enseignant, attitude, processus, rapport à l’innovation.

Abstract. – For a long time the private field of those very few teachers involved mainly
in pedagogical movements, educational innovation has now been appropriated by
politicians. Notwithstanding the difficulties encountered by the educational system in
its efforts to boost pedagogical successes and arouse a true sense of innovation among
its agents, countless isolated local initiatives have helped change the pedagogical
general outlook, namely thanks to various school books and magazines, and fruitful
exchanges between teaching colleagues. The beginning of the school year appears then
as the period most favorable to innovation on the didactic level. Though for most
teachers the innovation drive expresses itself during specific periods in their careers,
for some it is linked with their personal past experience. The analysis of the teachers'
response to innovation reveals heuristic prospects regarding both research and train-
ing in education.
Key concepts : innovation, teacher, attitude, process, response to innovation.
10 Christophe Marsollier

J amais les discours pédagogiques et politiques n’ont autant utilisé


qu’aujourd’hui le mot innovation. Comme si son usage pouvait réveiller à
lui seul, par sa connotation positive, l’ingéniosité, l’imagination, le pro-
grès et la créativité chez les enseignants ! Comme s’il restait à inventer des
pratiques miracles qui puissent répondre à la sédimentation des attentes de la
société à l’égard de l’école !
C’est que l’innovation pédagogique ne se décrète pas. Sa diffusion et son
appropriation restent très incertaines à l’échelle d’un établissement, a fortiori
au plan national. Processus complexe et fragile sur lequel les décideurs insti-
tutionnels n’ont que peu d’emprise, l’innovation est avant tout l’affaire de
ceux qui lui donnent naissance et la font vivre : les professeurs des écoles, des
collèges et des lycées qui, tous les jours, ajustent leur action à un système de
plus en plus exigeant. Comment ces acteurs vivent-ils au quotidien leurs rela-
tions à la nouveauté ? Qu’est-ce qu’innover veut dire, pour eux ? À quels
moments innovent-ils plus particulièrement, et dans quel but ? Le système
encourage-t-il vraiment l’innovation ? Qui sont ces « novateurs » et ces
« réfractaires » dont l’attitude se démarque d’une communauté majoritaire-
ment prudente ?
En abordant ces questions, notre propos ne cherche qu’à contribuer à
l’intelligibilité d’un processus devenu central dans la formation des nouveaux
enseignants à qui il est de plus en plus demandé de s’adapter, d’innover et
donc d’apprendre…

Innover, un processus personnel


sous contrainte institutionnelle
L’innovation, d’hier à aujourd’hui
Bien qu’ayant pénétré récemment le discours sur l’éducation, l’innovation est
marquée par une assez longue histoire. Elles s’est manifestée par des postures
différentes, selon qu’elle se situait à côté, contre ou dans l’institution. Les
quarante dernières années montrent, qu’à partir des questions de statut, de
repérage et de diffusion que pose l’innovation, s’instaure enfin aujourd’hui un
dialogue entre enseignants et décideurs sur la manière de relever des défis
fondamentaux comme la lutte contre l’échec scolaire.
Jusqu’au début des années 1960, l’école travaillait essentiellement au
maintien d’une tradition, à la transmission d’une culture de la connaissance,
contribuant par là même à reproduire les clivages sociaux, comme l’ont mon-
tré Bourdieu et Passeron (1970). Les enseignants, dans leur immense majorité,
L’innovation pédagogique : ses figures, son sens et ses enjeux 11

ne cherchaient pas à remettre en cause le modèle pédagogique directif par


lequel ils avaient eux-mêmes été formés. Ils ne se posaient d’ailleurs pas la
question de l’innovation, laquelle était l’apanage de mouvements pédagogi-
ques tels que :
- le Groupe français d’éducation nouvelle (GFEN), fondé en 1921, et dont
les principaux présidents, P. Langevin et H. Wallon, ont à l’époque contribué à
problématiser l’échec scolaire et diffusé des pédagogies actives ;
- l’Institut coopératif pour l’école moderne (ICEM), créé en 1948 et qui,
dans la continuité de la Coopérative de l’enseignement laïc, diffuse encore les
conceptions et les outils de la pédagogie développées par Célestin Freinet ;
- l’Office central de la coopération à l’école (OCCE), qui contribue, depuis
sa création en 1928, à développer l’éducation sociale, civique et économique
par l’élaboration de projets coopératifs (voyages, correspondances scolaires,
etc.) conduits par les élèves, concourant ainsi à changer les relations entre
enseignants et élèves ;
- les Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMEA),
connus pour la qualité de leur formation des personnels d’encadrement des
centres de vacances (depuis 1937), ont réussi à mettre en pratique les principes
de « l’éducation nouvelle »1.
L’innovation dans les établissements scolaires ne pouvait principalement
venir que « d’en haut », c’est-à-dire du ministère et donc aussi de l’inspection
générale. Jusqu’à ce que les événements de mai 68 viennent bousculer les
valeurs sociales – leurs fondements judéo-chrétiens – et les normes compor-
tementales qui leur étaient associées, innover dans sa classe, c’était d’une
certaine façon « transgresser l’interdit de création », se marginaliser vis-à-vis
de ses collègues et donc faire dissidence. L’innovation sentait l’objection et le
danger. C’était le temps où les notions de « travail en groupe » et
d’« autonomie » laissaient entrevoir le spectre d’une pédagogie libertaire. Pour
la majorité des enseignants, le nouveau, l’autrement, le différent, dans la prati-
que n’avaient pas de valeur en soi. Le droit à la nouveauté n’appartenait qu’à
des pédagogues capables d’en justifier le sens par un discours solidement
argumenté et souvent perçu par sa forte résonance militante.
Puis la création des collèges d’enseignement secondaire (CES) en 1962
ainsi que la mise en place des baccalauréats techniques en 1965, des BEP et
des IUT en 1966 ont amorcé ce double mouvement de réformes institution-
nelles et de prises de conscience individuelles qui, malgré les échecs – comme
celui de la « réforme des maths modernes » –, préfigurait les transformations
plus profondes que nous avons connues à partir de 1978 (date à laquelle fut
créé le collège unique sous R. Haby) : les 10 % pédagogiques, les CDI, la
dotation horaire globale, la création des ZEP2, des MAFPEN3 et des FAI4, la
12 Christophe Marsollier

rénovation des collèges, la mise en place des collèges expérimentaux et des


projets d’établissement. Puis furent mises en oeuvre les lois de décentralisa-
tion et de déconcentration (1982 à 1985), modifiant ainsi radicalement le sens
de diffusion des innovations et favorisant les initiatives locales. Enfin, la Loi
d’orientation de Juillet 89 institua en quelque sorte le statut du novateur en
faisant de l’innovation une « compétence professionnelle » au service de la
lutte contre l’échec scolaire.
Depuis quinze ans, l’innovation s’est considérablement élargie à
l’ensemble des champs disciplinaires enseignés dans les premier et second
degrés. Le développement des recherches en psychologie cognitive, en didac-
tique et sur l’efficacité des outils et des démarches d’aide pédagogique s’est
traduit par une multiplication des ouvrages pédagogiques à disposition du
corps enseignant et un effort accru, quoique inégal, de l’institution de vouloir
communiquer aux enseignants les pistes possibles d’innovation et de progrès.
Mais le ministère chargé de l’éducation se trouve depuis quelques années
confronté à la difficulté de favoriser la diffusion des innovations et de réperto-
rier celles qu’il convient de considérer comme des réussites. Ayant, dans un
premier temps, créé la DLC5 – devenue DESCO6 – le Bureau de la valorisa-
tion des innovations pédagogiques et, dans chaque rectorat, des postes de
chargés de mission pour « le développement des innovations et la valorisation
des réussites », il n’a pu que constater que, si l’innovation existe bien dans de
nombreux établissements, elle est le fait d’équipes pédagogiques très diverses
et n’irrigue pas suffisamment le système éducatif. Pour tenter d’apporter des
réponses à ce problème, Jack Lang a créé le Conseil national de l’innovation
pour la réussite scolaire (CNIRS) afin de « soutenir, évaluer et diffuser les
pratiques innovantes, accompagner les enseignants innovateurs et organiser le
débat sur l'innovation » (A-M. Vaillé) Cet organisme comprenant trente et un
membres dont des personnalités ayant, depuis des années, pris publiquement
fait et cause pour l'innovation dans le système scolaire, comme Gabriel Cohn-
Bendit, Jean-Claude Guérin ou Marie-Danielle Pierrelée, et qui avait permis la
création d'une quinzaine d'établissements expérimentaux, a finalement été
intégré à la DESCO, après la récente démission de sa présidente et de plus de
dix-sept de ses membres… Si l’émergence, depuis 1999, de nombreux sites à
visée pédagogique ouvre de grandes perspectives pour la diffusion des inno-
vations, le guidage institutionnel qui suppose une nécessaire évaluation des
innovations reste encore balbutiant et se confronte aux contraintes
d’appropriation personnelle propres à l’innovation en éducation et en forma-
tion. Pour appréhender cette réalité, attardons-nous sur le sens de l’innovation.
L’innovation pédagogique : ses figures, son sens et ses enjeux 13

Ce qu’innover veut dire…


Depuis une dizaine d’années, dans les colloques scientifiques comme dans les
publications, toute réflexion sur l’innovation en éducation ou en formation
renvoie d’emblée, et de manière systématique, à des questions épistémologi-
ques sur le sens de cette notion et sur la légitimité de son emploi. C’est que le
terme est flou et polysémique. De fait, il interroge plus qu’il ne guide. Innove-
t-on vraiment à l’école ? Que signifie « innover » pour un enseignant ? Com-
ment se traduisent réellement les innovations scolaires ? L’usage de ce voca-
ble est-il alors justifié dans le champ scolaire ?
Aucune définition ne parvient à circonscrire la notion d’innovation et à re-
cueillir l’adhésion de la communauté scolaire et scientifique. Seule
l’étymologie, rappelant qu’in-nover, c’est « introduire du nouveau dans… »,
offre des repères forcément consensuels. Néanmoins, de nombreux auteurs se
sont laissés tenter par cet exercice réducteur consistant à trouver une définition
minimale, alors limitative, les uns7 soulignant la stratégie volontariste et in-
tentionnelle du changement, les autres le versant fonctionnel de la pratique de
l'enseignant, ou bien encore la dimension procédurale8 de l'action.
Dans sa réflexion sur l’innovation comme objet de recherche, F. Cros
(1998) offre une autre perspective épistémologique en s’interrogeant très jus-
tement sur la pertinence de définir un concept à partir de la définition d’autres
concepts. Pour éviter les risques de régression sémantique, elle propose une
vision intégrative de cette notion à partir des propriétés qui la caractérisent :
- L'idée de nouveau : sachant qu'il y a peu de nouveauté absolue en éduca-
tion et en formation, cet attribut nous invite à tenir compte du contexte, des
pratiques déjà existantes de l’acteur et de la culture de l’observateur, ce qui
souligne le caractère très relatif de l'innovation. Ainsi, « le nouveau peut se
trouver dans une pratique pédagogique restaurée » (J. Hassenforder, 1972)
comme l’usage de l’ardoise Véléda, ou bien redécouverte voire réhabilitée
comme l’organisation de débats au cycle 3, inspirée des pratiques de C. Frei-
net.
- Le phénomène de changement : il est constitutif de l'innovation puisque
toute innovation produit ou induit du changement non seulement dans la prati-
que pédagogique mais aussi chez l’élève. Seulement, tout changement ne peut
être assimilé à une innovation (S. Moscovici, 1979). Le changement désigne
ce qui est observable, consécutivement à la création ou à l'appropriation de la
nouveauté.
- L'action finalisée : les innovations se traduisent, pour la plupart d'entre
elles, soit par une production nouvelle, soit par l'amélioration de certaines
modalités pédagogiques. Elles sont généralement portées par un désir
d’amélioration, de progrès et par les valeurs qui les sous-tendent. Or sur ce
14 Christophe Marsollier

plan, l’école regroupe des courants, des acteurs et des pratiques aux finalités si
différentes qu’il est légitime de douter qu’à soutenir la libre innovation on ne
finisse pas par bafouer le droit à l’égalité des chances. Certes, comme
l’indique P. Perrenoud (1996) à propos des finalités, « le flou a des fonctions
vitales : il permet de vivre ensemble. Dans une démocratie pluraliste, traversée
de contradictions, où coexistent des modèles différents de société et
d’humanité, l’école ne peut être commune qu’au prix d’une certaine ambiguïté
de ses finalités. Si l’on veut tout expliciter, pour lever cette ambiguïté, on
exclut certaines sensibilités, certaines cultures, certaines croyances et l’on
pousse les communautés exclues à constituer leur propre école pour préserver
leur identité ».
- Le processus : l'innovation est avant tout un processus, avec ses étapes, sa
temporalité, dans lequel l'engagement de l'enseignant l'amène à vivre des dif-
ficultés et des découvertes. L'innovation apparaît ainsi comme un moment lors
duquel la personne agit en fonction de son rapport au nouveau, à l’autrement,
au différent, à l’inconnu. Les novateurs affectionnent ce processus qui ren-
force leur identité et donne sens à leur vie, tandis que les réfractaires au chan-
gement cherchent à éviter l’innovation qui les expose à l’incertitude, à l’échec,
au doute et au questionnement.
Ces attributs montrent l'innovation dans une de ces composantes les plus
fortes : le mouvement. Et cette valeur très significative accordée au mouve-
ment n'est pas sans nous rappeler l'étymologie d'une autre notion : la notion de
« motivation » : « qui met en mouvement »… En effet, on n'innove pas sans
motivation personnelle, sans intention, sans projet d’action. En d'autres ter-
mes, l'innovation ne se décrète pas. L'innovation est un élan qui peut tout aussi
bien résulter d'un désir de changement que d'un besoin de répondre à une
difficulté.
Pour comprendre ce qu’innover veut dire, il convient de se placer du point
de vue de l’acteur principal de l’innovation : l’enseignant. Pour lui, adopter
une nouvelle conception, modifier voire révolutionner sa pratique, réclame de
s'engager, tâtonner, apprendre. Innover, c'est donc s'exposer au bouleverse-
ment et au deuil de certaines de ses habitudes ou de ses conceptions, parfois
aussi d'un certain confort... Cette mise en mouvement, cette trans-formation,
que réclame l’innovation, est en premier lieu celle de la décision : décider
d'essayer, décider de faire, quand, parfois, ni l'institution, ni personne ne nous
pousse, quand seul le regard sur les besoins de l'élève commande… Néan-
moins, ce regard, cette conscience professionnelle, cette éthique dans l'action,
qui sont fondamentaux pour motiver et orienter l'engagement, ne suffisent pas
à en rendre l'action efficace. S’il veut affiner son action, l’enseignant a besoin,
d'une part, de réelles compétences d'analyse de ses propres pratiques, pour
L’innovation pédagogique : ses figures, son sens et ses enjeux 15

cibler les problèmes, et d'autre part, d’une culture pédagogique lui permettant
de rechercher, donc de choisir ou d'imaginer les stratégies, les outils, les atti-
tudes et les gestes pédagogiques véritablement adaptés aux finalités qu’il
poursuit.
Décider d'agir positivement et, par là même, peut-être d'innover, c'est bien
souvent s'engager. C'est consacrer du temps à penser sa pratique différem-
ment, c'est donner de soi. En cela, l'innovation participe de la générosité. Or,
l’organisation et le pilotage de ce macro-système qu’est l’école, incite-t-il
vraiment ses acteurs à donner d’eux-mêmes pour innover ?

… dans un système qui ne suscite pas beaucoup l’innovation


Comparons le statut de l'innovation dans l'éducation à celui qui est le sien dans
les secteurs industriels et commerciaux où la dynamique est portée par des
intérêts économiques liés par le jeu de la concurrence. Comme l’a très bien
analysé J. Schumpeter, dans les entreprises, productivité, qualité, adaptabilité
commandent sans cesse les problématiques d'apport de nouveautés tant la
survie dépend de la pertinence des choix, de la capacité à les mettre en œuvre
dans un environnement donné et de la position stratégique occupée sur le
marché. De même, comparativement au secteur des métiers de service, à celui
de l’art, où, là aussi, les acteurs se doivent d’intégrer l’innovation comme une
composante nécessaire de leur évolution, dans l'enseignement, un premier
constat, relatif au statut et à la fonction d’enseignant dans l’Éducation natio-
nale, s’impose a priori, dans toute réflexion sur le statut, les enjeux ou les
obstacles de l'innovation.
En effet, des nombreux entretiens que nous avons conduits auprès
d’enseignants, depuis 1993, sur la manière dont ils vivent leur métier et leur
implication, il ressort que le confort statutaire propre à tout fonctionnaire de
l’État s’avère être un facteur surdéterminant les comportements face à la nou-
veauté en ce qu’il confère une confortable sécurité d’emploi, l’assurance d’un
revenu régulier et la certitude d’un développement de carrière minimum. Par
ailleurs, sur le plan de la liberté d’exercice professionnel, outre le cadre des
programmes et des instructions officielles au sein desquels il doit inscrire ses
pratiques, l’enseignant est relativement souverain dans sa classe, dans le sens
où il dispose d'une liberté d'expression, d'action et d'interprétation. Ce ne sont
généralement pas les quelques inspections auxquelles il est ponctuellement
soumis qui constituent une pression sur ses habitudes et ses choix pédagogi-
ques et didactiques quotidiens. Il peut, car il en a la liberté, dans la limite
qu'impose l'évolution des programmes, décider de reproduire annuellement la
majorité des modalités qui composent son action puisqu'il n'est soumis à au-
cune obligation d’innover.
16 Christophe Marsollier

L'enseignant apparaît finalement comme un acteur social qui jouit d'une


réelle liberté dans la manière d'agir avec ses élèves et ses collègues, mais cela
dans un cadre délimité, tout d'abord explicitement par les instructions offi-
cielles (attribution d'un domaine disciplinaire d'exercice, contrainte de pro-
grammes et d'échéances éventuelles d'examens) et le mode de fonctionnement
des structures (répartition des élèves, distribution des locaux, des emplois du
temps, des horaires, etc.), mais aussi, implicitement, par l'obligation de résul-
tats attendue légitimement à différents niveaux sociologiques :
- au niveau des élèves ; ceux-ci portent, dès l'âge de 7-8 ans, un regard cri-
tique sur l'enseignant et manifestent, a fortiori à l'adolescence où les enjeux
sont plus visibles, leurs attentes, leurs reproches et leurs droits ;
- au niveau des membres de l’équipe pédagogique qui, s'ils peuvent cons-
tituer le meilleur soutien professionnel, représentent aussi potentiellement au
quotidien une force de pression ne serait-ce que parce qu'au niveau fonction-
nel, ils bénéficient directement en aval des acquis ou des lacunes des élèves ;
- au niveau des parents d'élèves qui ont le pouvoir de manifester leur mé-
contentement et leurs attentes, tant sur des questions pédagogiques (traitement
de l'échec scolaire) qu'éducatives (violence dans les établissements) ;
- plus indirectement, au niveau du monde du travail et plus globalement de
la société toute entière dont les attentes sont relayées voire stigmatisées par
l'interprétation qu'en communiquent les médias, et qui fait reposer sur la
communauté enseignante un devoir de progrès et d’innovation de plus en plus
grand, dans les domaines des nouvelles technologies, des langues et du traite-
ment de l'échec scolaire et de la violence.
L'opacité de l'ensemble de ces attentes se traduit par une exigence d'effica-
cité croissante et fait de cette liberté de l'enseignant une liberté sous contrain-
tes. Laquelle sollicite une responsabilité personnelle et collective qui, lors-
qu'elle est ressentie comme telle, se vit dans une tension permanente entre
volonté d'aide à l'égard des élèves, désir d'accomplissement personnel et peur
d'être mal jugé. Avec cette présence multiforme du regard de l'Autre et les
enjeux auxquels sont exposés les choix pédagogiques, la fonction enseignante
se trouve, paradoxalement, statutairement protégée mais professionnellement
très exposée. Ce qui explique pourquoi l’innovation en éducation ne rime sans
doute pas suffisamment avec imagination, création ou invention mais encore
trop avec acceptation, exhortation et obligation.

Le paysage de l’innovation pédagogique


Si l'on veut se représenter avec une certaine clarté les différents types d'inno-
vations, il est intéressant, de considérer l’origine de ce processus et le cadre
L’innovation pédagogique : ses figures, son sens et ses enjeux 17

d’action dans lequel il se situe : ses motivations, les circonstances de son


émergence et les objets principaux sur lesquels il porte.
Le paysage de l’innovation scolaire se lit à plusieurs échelles selon
l’origine de sa commande. En effet, l'innovation peut être d'origine institution-
nelle, et dans ce cas d’ampleur nationale, lorsqu’elle est imposée ou recom-
mandée par des décrets, des circulaires ou des lois d'orientation. Lesquels
portent le plus souvent sur les programmes, le fonctionnement, l'organisation
et les structures du système éducatif. Mais l’innovation s’avère être de plus en
plus d'origine locale, sous forme de projets d’actions collectives intégrant
éventuellement des partenaires extérieurs à l’école notamment depuis que le
concept de projet, impulsé en 1970 par le Ministère, a envahi les différente
strates du système éducatif. Il en est ainsi des 10 % pédagogiques proposés à
l’horaire des lycéens en 1973, mesure remplacée par les projets d’actions
culturelle (PAC) en 1979, qui ont donné naissance aux projets d’action éduca-
tive (PAE) en 1981 et, plus récemment, en 2001, aux classes à projets artisti-
ques et culturels. La rénovation des collèges en 1982 avait initié la mise en
œuvre de projets d’établissements et de projets ZEP. Depuis le relais pris par
la loi d’orientation de 1989, la logique de projet a gagné l’ensemble des éche-
lons du système : les inspecteurs du 1er degré tentent, par exemple, de fédérer
les actions pédagogiques innovantes autour de projets de circonscriptions
intégrant les projets de cycles autour de thèmes fédérateurs comme la préven-
tion de l’illettrisme ou le développement des TIC.
Néanmoins, n’oublions pas que les innovations les plus importantes et les
plus nombreuses ne sont pas celles dont on parle le plus, et qui sont le plus
souvent collectives et spectaculaires, mais plutôt toutes ces petites améliora-
tions, ces transformations, ces ajustements, parfois ces bouleversements d'ori-
gine personnelle qu'effectue l'enseignant dans l'ombre, lors des ses prépara-
tions et dans se pratique de classe. Bien qu’elles consistent, pour la plupart
d’entre elles, en une redécouverte ou une appropriation d'une pratique exis-
tante par ailleurs, ce sont toutes ces « innovations incrémentales » (Cros,
2001) qui, par leur diffusion et leur dissémination, modifient en fait le paysage
des pratiques éducatives. À ce sujet, nous avons montré à partir d’une enquête
(C. Marsollier, 2000) menée auprès de 123 professeurs du secondaire que « les
discussions avec les collègues » et « les manuels scolaires » constituent, avant
« les revues » et « les ouvrages pédagogiques », les deux moyens les plus
utilisés pour découvrir des démarches et des approches innovantes. Ces chan-
gements personnels ne représentent certes pas toujours des innovations au sens
absolu du terme puisqu’ils sont relatifs aux compétences et à l’habitus de
l’enseignant, mais ils participent de cette ouverture et de cette remise en ques-
18 Christophe Marsollier

tion de tout acteur qui s’investit dans son rôle et cherche à modifier sa prati-
que.
D’un point de vue général, si l’on veut décrire la réalité de ce processus
personnel vécu plus ou moins intensément par chaque enseignant, trois ques-
tions nous semblent permettre d’en dessiner une ébauche :
- À quels moments les enseignants songent-ils le plus souvent à innover ?
- Quels sont les motifs leurs plus courants d’innovation ?
- Sur quelles composantes de la pratique leurs innovations portent-elles ?
L’enquête que nous avons menée9 en 1998 auprès de 423 enseignants du
primaire du secondaire de métropole et de la Réunion apportent des éléments
de réponse éclairants.
Tableau 1 :
Les moments à l’occasion desquels les enseignants songent à innover
D’après les enseignants, les moments où ils songent à innover sont le plus
souvent :
lorsqu'ils sont insatisfaits de leur travail 70,9 %
en début d'année scolaire 68,7 %
lorsqu’ils travaillent en équipe 57,2 %
lorsqu'ils veulent rompre avec la routine 50,1 %
à l'issue d'un stage 43,6 %
lorsqu'ils rencontrent de nouveaux manuels 40,4 %
lorsqu’ils rencontrent un obstacle 38,3 %
lorsqu’un collègue leur parle de ses pratiques pédagogiques 29,1 %
lorsque le ministère demande des changements 19,4 %
lorsqu’un inspecteur ou un chef d’établissement donne des 11,3 %
conseils

De cette enquête, il ressort que 72,5 % des innovations sont individuelles.


Or, comme le montrent les données issues des tableaux 1 et 2, l’innovation
apparaît prioritairement comme une réponse à un besoin personnel de
l’enseignant d’améliorer l’efficacité de son action, notamment à l’égard des
élèves en difficulté ou face à l’hétérogénéité d’un groupe. En outre, le début
de l’année scolaire constitue un moment privilégié pour apporter des change-
ments à ses pratiques habituelles (routines) en vue de les améliorer. De même,
la rencontre avec un formateur (par exemple, lors d’un stage) avec un collè-
gue, dans un travail en équipe, ou avec un nouveau manuel scolaire s’avère
être aussi un moment particulièrement déclencheur d’innovation. L’institution
n’exerce qu’une faible influence sur le désir d’innover.
L’innovation pédagogique : ses figures, son sens et ses enjeux 19

Tableau 2 :
Les motifs d’innovation des enseignants
D’après les enseignants, leurs motifs d'innovation sont le plus souvent :
l'amélioration de l'enseignement 75,4 %
l'échec de certains élèves 60,9 %
l'hétérogénéité des élèves 51,1 %
le niveau général des élèves 44,9 %
le besoin de rompre avec la routine 39,7 %
la réalisation d’un nouveau projet 28,4 %
la curiosité personnelle 27 %
l’expérimentation didactique 24,6 %
le défi personnel 10,2 %
l’obligation institutionnelle 7,3 %

Tableau 3 :
Les objets d’innovations des enseignants
D’après les enseignants, leurs innovations portent principalement sur :
les tâches des élèves 57,0 %
les stratégies didactiques 55,3 %
les thèmes de projet 47,8 %
l’évaluation des productions d’élèves 44,9 %
leurs choix d’objectifs pédagogiques 42,5 %
l’utilisation d’outils multimédia 39,7 %
la communication avec les élèves 37,8 %
la présentation des consignes 32,9 %
les traces écrites 32,6 %
la gestion de temps 32,4 %
l’organisation des groupes 31,4 %
les choix de manuels scolaires 29,8 %
le travail en équipe pédagogique 29,3 %
la gestion de la discipline 29,2 %
la gestion de l’espace 17,5 %

Ces innovations portent majoritairement sur les choix didactiques (tâches


des élèves, thèmes directeurs, stratégies et approches pour guider
l’apprentissage, choix des objectifs et des modalités d’évaluation) qu’opère
l’enseignant lorsqu’il prépare sa classe. Les modalités pédagogiques de ges-
20 Christophe Marsollier

tion de l’activité des élèves et d’organisation pédagogique font moins fré-


quemment l’objet d’innovations.
Si ces données quantitatives fournissent quelques repères généraux sur
cette composante déterminante de l’évolution des pratiques pédagogiques,
elles ne permettent cependant pas de comprendre la singularité des relations
qui se jouent entre la personne enseignante et la nouveauté pédagogique. C’est
pourquoi, nous nous proposons, dans une seconde partie, d’approcher le pro-
cessus d’innovation du point de vue de la psychologie sociale, à partir des
travaux que nous menons depuis 1995 sur les rapports des enseignants à
l’innovation.

Rapport à l’innovation, rapport à soi


Nous nous proposons, dans cette seconde partie, de montrer en quoi
l’innovation est un processus éminemment personnel en lien avec les logiques
prioritaire d’action professionnelle du sujet et les rapports qu’il entretient avec
le monde et donc avec lui-même.

Le poids des logiques dominantes


d’implication professionnelle
Les discours des formateurs, des inspecteurs et des conseillers pédagogiques
sur l’action de l’enseignant s’appuient communément et implicitement sur un
modèle chronologique et systémique (Bru, 1991) de décisions en chaîne plus
ou moins commun où le choix des objectifs d’apprentissage prime sur
l’organisation pédagogique :
L’innovation pédagogique : ses figures, son sens et ses enjeux 21

choix de l’objectif général d’apprentissage / acquis des élèves

anticipation des obstacles d’apprentissage

définition des objectifs d’apprentissage

choix de l’approche didactique choix de la démarche


pédagogique

choix des tâches données aux élèves

évaluation des compétences des élèves / objectifs fixés

Dans cette perspective, l’innovation pédagogique pourrait être considérée


comme l’introduction de nouveautés dans l’une ou l’autre des composantes de
ce modèle académique. Or, si l’exercice de la raison impose à l’acteur de se
soumettre effectivement à un enchaînement séquentiel de prises de décisions
proche de ce modèle, les motivations personnelles de l’enseignant, son état
d’esprit du moment, ses soucis, son état émotionnel, etc., parasitent considéra-
blement cet enchaînement idéal. Chacun sait que, lors des préparations de
classes, les prises de décisions à l’aide desquelles les enseignants structurent et
anticipent leur action pédagogique sont rarement fidèles à cette algorithmique
mais participent de logiques floues et de dialectiques personnelles mouvantes,
momentanément irrationnelles, et en cela peut-être plus humaines…
En effet, comme dans toutes les autres professions, les enseignants exer-
cent quotidiennement leur métier en étant personnellement animés par des
priorités parmi les logiques d’action propres à leur fonction. Ces logiques sont
interdépendantes. Et ce qui conduit ces acteurs à s’ouvrir à de nouvelles idées,
à expérimenter des pratiques ou bien à refuser le changement et s’enfermer
dans la routine, ce n'est pas le fait d'innover ou pas – car l'innovation en soi n'a
jamais constitué une garantie d'efficacité et de progrès – mais c’est essentiel-
lement la logique dominante de leur implication professionnelle. Elle com-
mande prioritairement leurs choix d’action.
22 Christophe Marsollier

D’après les entretiens que nous avons menés, quatre logiques distinctes
nous semblent traduire cette hypothèse et donc commander l’action de
l’enseignant :
1. La logique de programmation : elle est gouvernée par les programmes
figurant aux instructions officielles. Elle consiste, pour le maître, à disposer de
la liberté d’organisation personnelle de son enseignement pour définir et ré-
partir les progressions sur l’année, planifier ses cours et honorer le contrat qui
le lie au service public d’éducation. Un enseignant qui donne priorité à cette
logique cherchera à innover sur le plan des approches didactiques et aura ten-
dance à se laisser guider par les élèves en réussite afin de mieux maîtriser le
rythme de sa progression didactique.
2. La logique d'efficacité didactique : elle dépend de l’épistémologie des
savoirs de la discipline et de la culture disciplinaire de l'enseignant (connais-
sances, conscience des obstacles, méthodes acquises au gré de son expé-
rience). Elle consiste à rechercher et mettre en œuvre, avec le moins de risque
d'échec possible, les modalités qui permettront à l'ensemble des élèves de
franchir les obstacles épistémologiques et d’acquérir rapidement les connais-
sances et les compétences visées. Lorsque la priorité est conférée à cette logi-
que, elle conduit l’enseignant à imaginer et rechercher les démarches pédago-
giques (recherche d’hypothèse, projet, situation-problème, jeu, etc.) les mieux
adaptées, selon lui, à la spécificité des obstacles rencontrés dans les apprentis-
sages visés.
À ces deux logiques didactiques s’ajoutent deux autres, de nature plus pé-
dagogique :
3. La logique d'aide : plus présente à l’école primaire et au collège qu’au
lycée, elle consiste à prendre en compte l’hétérogénéité des élèves (en termes
d’acquis, de culture de référence, de rythme d’apprentissage et de personnali-
té) et à rechercher des modalités de soutien personnel (accompagnement indi-
viduel, groupe de besoin, groupe de niveau, etc.) afin de répondre à leurs diffi-
cultés. Donner la priorité à cette logique, c’est d’une certaine matière, mettre
entre parenthèses la logique de programmation. C’est non seulement se munir
d’outils d’évaluation et de suivi mais surtout porter des regards différenciés
sur chacun des élèves, se rendre disponible à leurs sollicitations et compréhen-
sif face à leurs résistances à s’approprier ou construire des savoirs.
4. La logique de confort et d'économie personnelle10 : elle se manifeste par
la dépense d’énergie, la générosité de l’investissement personnel dans l’action
pédagogique. Elle se heurte aux autres logiques puisqu’elle est nourrie par le
désir d’évaluer et de limiter les conséquences de l’action en termes de coût
personnel. Les sollicitations répétées des élèves, la gestion de la discipline et
la part d’investissement communicationnel que réclame la conduite de classe
L’innovation pédagogique : ses figures, son sens et ses enjeux 23

éprouvent physiquement et psychologiquement l’acteur, et font du métier


d’enseignant un des plus éprouvants. De sorte que la logique d’aide, à laquelle
tout enseignant est déontologiquement prêt à adhérer, se heurte en pratique à
des résistances qui limitent considérablement le soutien effectif des élèves.
Les enseignants qui privilégient cette logique de confort personnel limitent le
plus possible les contraintes d’exercice de leur fonction. Ils sont donc moins
enclins à donner de leur temps aux élèves en difficulté. C’est pourquoi, ils
favorisent la logique de programmation et se réfugient dans des pratiques
magistrales qui laissent dans l’ombre et l’oubli les besoins des élèves.
Partant de l’hypothèse que l’une ou l’autre de ces logiques d’action profes-
sionnelle exerce pour chaque enseignant une influence significative sur les
priorités qu’il s’assigne personnellement dans l’accomplissement de sa mis-
sion, la répétition de comportements d’ouverture ou de rejet à l’égard
d’informations ou de sollicitations porteuses d’innovation se manifeste par des
attitudes plus ou moins stables à l’égard de l’innovation. Ces attitudes repré-
sentent de précieux analyseurs de l’implication des enseignants et de leur
capacité à acquérir de nouvelles compétences.

Des logiques inductrices d’attitudes à l’égard de l’innovation


En fonction des habitudes de chaque enseignant de privilégier l'une ou l'autre
de ces quatre logiques d'action, on observe le développement d’attitudes dis-
tinctes à l’égard de l’innovation ; attitudes, au sens où l'entendent les psycho-
logues sociaux, c'est-à-dire un état d'esprit, une prédisposition générale psy-
chologique qui oriente dans un certain sens toutes les interactions avec l'objet
en question. Ainsi nous avons observé trois types d’attitudes caractéristiques
face à la nouveauté pédagogique :
- L'intérêt systématique, chez des personnels que l'on qualifie soit d'inno-
vateurs parce qu'ils n'hésitent pas, au prix de ruptures, à modifier leurs habitu-
des pour appliquer une réforme ou expérimenter d'eux-mêmes l'idée, nouvelle
pour eux, d'un collègue ; soit de pionniers, lorsqu'ils inventent des modalités
pédagogiques absolument nouvelles pour la communauté enseignante.
- La prudence, l'intérêt mesuré, fluctuant ou ponctuel, selon la nature et
l'origine de l'innovation. Cette attitude est la plus courante. Les enseignants
observent les premiers résultats de leurs collègues novateurs avant d'effectuer
eux-mêmes les changements ;
- La résistance, qui peut être active et farouche, voire collective et soutenue
par une position idéologique ou pragmatique, ou bien être passive et se mani-
fester par une indifférence totale voire un mépris à l'égard de toute nouveauté.
24 Christophe Marsollier

La proportion des réfractaires à l’innovation est sensiblement équivalente à


celle des innovateurs, soit 8 à 12 %.
Lorsqu'on effectue des enquêtes dans les établissements scolaires sur l'at-
titude générale des enseignants à l'égard des réformes, on observe que l'adop-
tion de l'innovation suit, au fil du temps, « une courbe en S » du même modèle
que les courbes épidémiologiques. On retrouve systématiquement le modèle
de diffusion décrit la première fois par Ryan et Gross en 1942.

% d’adoptants

8 à 12 Réfractaires

Majorité tardive

Majorité précoce

8 à 12 Innovateurs

Temps
Courbe d’adoption d’une réforme par les enseignants

Pour interpréter les raisons de l'existence de ces attitudes d’ouverture ou de


résistance, une première hypothèse a été apportée par les travaux américains et
ceux de M. Huberman qui ont montré que les enseignants passent communé-
ment, tout au long de leur carrière, par une succession de phases, de crises et
de transitions au cours desquelles l'attitude à l'égard de l'innovation varie.
L’innovation pédagogique : ses figures, son sens et ses enjeux 25

Années Phases / Thèmes de la carrière


de carrière

1-3 Entrée, tâtonnement

4-6 Stabilisation, consolidation


d’un répertoire pédagogique

7-25 Diversification, « activisme » Remise en question

25-35 Sérénité, distance affective Conservatisme

35-40 Désengagement
(serein ou amer)

« Cycle de vie professionnelle des enseignants » (M. Huberman, 1989)

Lors des entretiens que nous avons conduits auprès d’enseignants ayant
suffisamment d’ancienneté pour analyser les étapes de leur carrière, nous
avons, en effet, retrouvé ces variations, ces phases de transition et ces crises.
Mais ce modèle séquentiel demeure très normatif et très général. Le poids
significatif des représentations, de l'engagement et de la logique personnelle
de l'acteur n'est pas pris en compte, ce qui nous conduit à faire l'hypothèse qu'à
cette succession de phases qui semble se dérouler comme une tendance,
s'ajoutent des facteurs personnels déterminant la motivation ou la résistance à
innover.
L’analyse psychosociale que nous avons conduite (C. Marsollier, 1998) sur
le sens de l’attitude des enseignants du premier degré à l’égard de l’innovation
soutient cette seconde hypothèse.
26 Christophe Marsollier

Qui sont les innovateurs et les réfractaires ?


Nous avons cherché à comprendre l'origine des attitudes extrêmes de certains
maîtres à l'égard de l'innovation : les « innovateurs » et les « réfractaires ». La
conduite exploratoire de 31 récits de vie oraux, en métropole et à la Réunion,
nous a permis de discerner, à partir des représentations que les enseignants
nous ont communiquées sur leur enfance puis sur leur carrière professionnelle,
les événements, les influences et les conditionnements qui, dans leur histoire
personnelle, ont pu constituer des facteurs de construction de leur attitude.
Les entretiens se sont déroulés en deux temps : une première phase de type
« récit de vie » visait à discerner les événements et les principales influences
ayant structuré la personnalité de l’enseignant, notamment ses motivations et
ses résistances professionnelles. Dans une seconde phase, centrée sur
l’exploration des moments de rapport à l’innovation, la technique des
« entretiens d’explicitation »11 fut utilisée, afin d’explorer les motifs et les
conditions d’ouverture à la nouveauté.
Deux champs d'hypothèses nous ont conduit à interpréter, suivant une ap-
proche psychosociale, la construction de ces attitudes extrêmes à l’égard de
l’innovation.
Selon une interprétation statique, c'est-à-dire valorisant l'influence de l'en-
vironnement culturel du sujet, il apparaît que les réfractaires seraient majori-
tairement des personnes ayant vécu dans leur enfance une éducation aliénante
avec des relations affectives sereines mais réduites, simples et non passion-
nelles, associées à une autorité parentale régulière, et sans attachement parti-
culier à une personne susceptible de remettre en cause les normes et les réfé-
rents familiaux. Les valeurs et les principes éducatifs qui ont été assimilés par
pression à la conformité, ont considérablement réduit, chez ces sujets, les
opportunités de comparaison critique et de sensibilisation à d'autres modèles
éducatifs. De plus, les conditions souvent peu motivantes (manque de forma-
tion initiale, choix du métier par dépit, inspections trop espacées et absence
d'encouragement, faible renouvellement des équipes) dans lesquelles ils ont
débuté, ont pu éventuellement encourager l'immobilisme et les réactions de
défense.
S'agissant des innovateurs, la forte influence d'un parent ou d'un tiers asso-
ciée à une relation affective privilégiée ont invité le sujet à s'opposer aux va-
leurs familiales dominantes et à s'intéresser à l'ailleurs, à l'autrement. Devenus
enseignants, des rencontres marquantes avec des formateurs soutenant l'intérêt
des pédagogies centrées sur l'enfant (Freinet est très cité) ont constitué des
tremplins d'ouverture aux valeurs humaines (respect, égalité, liberté, accepta-
L’innovation pédagogique : ses figures, son sens et ses enjeux 27

tion inconditionnelle d’autrui, etc.). De même, les rencontres avec des collè-
gues dynamiques et créatifs ont déclenché ou renforcé une capacité à s'impli-
quer et à innover qui ne demandait qu'à s'exprimer.
L'interprétation dynamique nous invite, quant à elle, à considérer soit
l’enrichissement sous forme d’un travail de développement personnel accom-
pli par les personnes face aux situations vécues, soit le blocage psychoaffectif.
Ainsi, les innovateurs évoquent des relations affectives douloureuses avec
l'un des parents (majoritairement le parent de même sexe) ou des expériences
émotionnelles fortes (décès, conflit, agression, séparation) génératrices d'op-
position, de rébellion vis-à-vis du modèle éducatif parental, et qui ont ainsi
aiguisé leur sensibilité et leur résilience. Devenus enseignants, ces personnes
nourrissent leur sensibilité pour la recherche de solutions aux difficultés des
enfants auxquelles elles sont très attentives. L'apprentissage de nouvelles pra-
tiques pédagogiques renforce le sentiment de réalisation professionnelle. Le
travail (seul ou en thérapie) d'élaboration psychanalytique des souffrances de
leur enfance les aide à accepter leur histoire et à mieux se libérer des trauma-
tismes et des éventuels complexes accumulés.
Tandis que les réfractaires, qui ont soit vécu une enfance plutôt sereine et
« ronronnante », soit aussi des événements douloureux, apparaissent comme
véritablement enlisés dans leur histoire personnelle, incapables de mettre à
distance les peurs réveillées ou provoquées par la déstabilisation qu’entraîne
toute relation à la nouveauté et à l’autrement. Ils cherchent alors à se préserver
des risques de fragilisation qu’engendrerait l'innovation et à maximiser leur
confort existentiel, en déployant leurs résistances et leurs défenses.
Si ces modèles explicatifs apportent des éléments de compréhension de
certaines attitudes extrêmes observées au sein du corps enseignant, qu'en est-
il, par ailleurs, du sens de la conduite de la majorité qui n’est composée ni de
« novateurs » ni de « réfractaires » et dont le comportement prudent et moins
systématique varie selon les situations ? La notion d'attitude ne permet pas de
répondre à cette question car elle conduit à enfermer dans une pensée trop
catégorielle des processus qui vivent et évoluent tels une relation.

L’intérêt de considérer
la notion de « rapport de l’innovation »
En quoi la notion de « rapport à l’innovation » présente-t-elle un intérêt heu-
ristique plus grand que celles d’« attitude à l’égard de l’innovation » ou de
« relation à l’innovation » ? Quelles perspectives pour la formation des ensei-
gnants à l’innovation dessine-t-elle ?
28 Christophe Marsollier

Le rapport d’une personne à l’innovation renvoie à l’ensemble des rela-


tions qu’elle entretient avec tout ce qui lui paraît personnellement nouveau
ainsi qu’avec le processus même d’innovation. La notion d’attitude est restric-
tive car elle est centrée sur la personne, et son usage conduit à catégoriser le
comportement qu’elle décrit ou caractérise. Elle restreint la perspective et, du
coup, le champ d’analyse à la psychologie sociale du sujet, réduisant par là
même la prise en compte de la dimension interactive de la relation avec l’objet
d’attitude. Nous lui préférons la notion de « rapport à … » dont l’intérêt réside
dans son pouvoir d’évocation, plus fort et plus ouvert que celui de « relation à
… ». En effet, comme le précise M. Develay12, le terme « relation » évoque le
lien entre deux choses qui peut être un lien de dépendance (la relation d’une
personne aux livres), d’interdépendance (entre maître et élève), ou d’influence
réciproque (la relation entre pensée et langage). « Le mot relation évoque un
lien caractérisable ». Ainsi, la relation du maître à ses élèves peut être quali-
fiée de tendue, cordiale ou authentique. Tandis que le vocable « rapport à … »
est plus flou car il est changeant, intemporel, énigmatique et multiforme. M.
Develay parle de « quelque chose de lâche, de non prémédité, de flottant, […]
de non conscient ». Son usage, contrairement à celui des autres notions, invite
à considérer le caractère souple et labile du ressenti et des représentations de la
personne. En valorisant la dimension singulière de l’expérience du sujet, cette
notion de « rapport à … » se révèle plus opératoire et plus féconde pour rendre
compte d’une réalité relationnelle difficile à cerner. Son pouvoir heuristique
réside justement dans sa force d’intégration des composantes identitaires,
psychologiques, conscientes et inconscientes.
Les rapports qu’entretient un enseignant avec la nouveauté – qu’il s’agisse
d’une approche nouvelle d’une notion à enseigner, d’un manuel scolaire récent
ou d’une démarche d’accompagnement expérimentale – sont révélateurs de
son ouverture psychologique et culturelle, de ses aspirations et de ses peurs, de
ses valeurs et de son courage. Elles dévoilent sa capacité à se décentrer de la
dictature de son ego, et illustrent sa disposition à accepter l’autrement, le diffé-
rent, l’étrange et l’étranger. La rencontre, la découverte du « nouveau » peu-
vent en effet susciter des réactions cognitives et affectives manifestes ou dis-
simulées, sous forme d’enthousiasmes, de fantasmes, d’angoisses, de peurs,
etc. Ces réactions sont variables et surtout très évolutives dans le temps : à un
vif rejet immédiat peut succéder une adhésion sereine après dissipation des
premières appréhensions et réassurance, ou bien une reconsidération des ris-
ques et des enjeux de l’innovation. À l’inverse, l’ivresse légère et aveugle de
la première rencontre peut se trouver débordée par le jeu de la critique, et
finalement faire naître la prudence ou le repli.
L’innovation pédagogique : ses figures, son sens et ses enjeux 29

Envisager d’innover ou fantasmer son engagement dans un projet inno-


vant, c’est, d’une certaine manière, replonger dans la posture régressive du
sujet qui apprend et basculer alors du statut d’enseignant à celui d’apprenant.
C’est quitter le confort de ses certitudes et de son habitus professionnel et
accepter la déstabilisation voire le réveil de fragilités enfouies. Si le rapport à
« l’objet innovant » reste principalement un rapport d’extériorité au regard des
possibilités qu’il donne à voir et à penser, en termes d’efficacité pédagogique
et d’amélioration de ses propres compétences, le rapport « au processus
d’innovation » relève plutôt d’un rapport d’intériorité, un rapport à soi :
- un rapport à ses propres motivations à enseigner, à aider ;
- un rapport à ses propres représentations (de l’élève, du rôle de l'ensei-
gnant et de l'école) ;
- un rapport à ses convictions et à la volonté de les mettre en œuvre ;
- un rapport à sa responsabilité sociale : celle de donner le meilleur de soi
et de ne renoncer qu’après avoir tout tenté ;
- un rapport à ses compétences (sa capacité à analyser avec lucidité le sens
de ses micro- et de ses macro-pratiques, sa capacité à imaginer et à s'appuyer
sur des outils, des gestes et des stratégies adaptées aux besoins identifiés, sa
capacité à faire face aux résistances des élèves qui ne parviennent pas à suivre
le chemin que l’on projette pour eux) ;
- un rapport aux valeurs fondatrices de son action professionnelle ;
- un rapport à ses peurs : peur de prendre des risques, peur d’échouer, peur
d’être absorbé dans une spirale d’effort et de remise en question, peur d’être
déstabilisé et confronté à ce que l’on est vraiment…
Pour un système tel que l’Éducation nationale, se donner l’ambition de
rendre plus professionnels ses acteurs en leur offrant une formation continue
de haut niveau réclame de créer les conditions d’un dialogue formatif où cha-
cun puisse élaborer (au sens psychanalytique) son rapport au nouveau et abor-
der, pour cela, sereinement les questions personnelles et profondes qui com-
mandent le sens de son action professionnelle : qu’est-ce qui est prioritaire
dans mes choix pédagogiques ? Qu’est-ce que j’éprouve lorsque je rencontre
une idée nouvelle ? Ai-je vraiment envie d’améliorer ma pratique pédagogi-
que ? À quel niveau ? Pourquoi ? Quelle part d’effort suis-je prêt à concéder ?
Quelles sont les limites que je me fixe dans mon implication professionnelle ?
De quoi ai-je peur ? Etc.

Conclusion
Nous nous sommes attaché à traiter de l’innovation comme processus, et non
des innovations comme objets et comme pratiques. C’est que l’enjeu est de
30 Christophe Marsollier

taille ! L’école de demain se dessine chaque jour en fonction des rapports


singuliers que chacun de ses acteurs entretient avec le nouveau et le change-
ment. Or, face à l’hétérogénéité croissante des publics scolaires et aux attentes
de plus en plus grandes que la société fait peser sur le corps enseignant, la
recherche incessante de solutions et l’adaptation continue aux besoins des
élèves mobilisent constamment les capacités d’innovation des enseignants.
Chacun se trouve régulièrement confronté à l’introduction de nouveauté dans
ses conceptions et dans son action. De fait, l’information pédagogique circule
mieux, libérant ainsi l’innovation : les revues puis les sites pédagogiques se
sont multipliés, et les nouvelles générations de professeurs évoquent plus
ouvertement leurs difficultés pédagogiques, leurs expériences, leurs échecs et
leur réussites.
Conscients que toutes les innovations ne sont pas des réussites, que le pire
peut côtoyer le meilleur, ne serait-ce que parce que de nombreuses pratiques
n’ont de sens et de pertinence que dans le contexte qui les a fait naître et sous
la direction de ceux qui les ont créées, de nombreux enseignants sont raison-
nablement attachés aux pratiques qui, selon eux, ont fait leurs preuves. Ils se
méfient désormais avec lucidité des grandes réformes tout comme des inno-
vateurs, et dans le doute, ils préfèrent souvent la prudence voire l’abstention...
C’est qu’en éducation, contrairement au monde des entreprises, l’innovation
ne porte pas en elle de plus-value intrinsèque. Elle ne pose pas la question de
la survie du système scolaire. Elle est laissée à l’initiative de ses acteurs et
s’impose plus volontiers sous la forme d’ajustements et d’adaptations des
pratiques aux besoins des élèves, voire d’orientation nouvelles. Elle rime,
certes, avec progrès, amélioration, voire transformation, mais reste en principe
toujours attachée aux valeurs républicaines. De ce point de vue, l’innovation
présente justement l’intérêt de réactiver ces valeurs et de relancer régulière-
ment le débat sur les priorités de l’École. Ainsi, c’est en justifiant l’acceptation
ou le refus en cours de jeunes filles portant le foulard islamique que fut dé-
poussiéré et réanimé ce vieux principe de laïcité, dans une période ou le réveil
des nationalismes et des identités culturelles n’interpellait peut-être pas suffi-
samment les acteurs de l’École.
L’inventivité pédagogique ne se décrète pas et le transfert des innovations,
lent et difficile, freine considérablement la diffusion des réussites. Le système
éducatif français, comme de nombreux systèmes étrangers, ne s’est pas encore
doté d’une politique de recherche en éducation structurée et structurante, ca-
pable de guider l’innovation, par des travaux qui évaluent la pertinence de
l’ensemble des pratiques actuelles, explicitent clairement leur impact, antici-
pent les besoins de formation des futures générations et rassemblent les don-
nées scientifiques sur des médias accessibles à tous les enseignants. Bien des
L’innovation pédagogique : ses figures, son sens et ses enjeux 31

résultats de recherche, en didactique des disciplines, dans le champ de


l’éducation à la citoyenneté, ou bien encore en sociologie de l’éducation de-
meurent méconnus et totalement inexploités car ils ne sont ni centralisés ni
valorisés. Ce qui est fort regrettable !

Bibliographie
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32 Christophe Marsollier

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Notes
1. L’éducation nouvelle est un ensemble d’idées et de méthodes qui ont totalement
renouvelé la pensée pédagogique durant les deux premiers tiers du 20e siècle, en Eu-
rope et en Amérique. Elle se caractérise par les expérimentations de nombreux pédago-
gues, médecins et psychologues : comme E. Claparède, O. Decroly, R. Dottrens, R.
Cousinet, P. Bovet, A. Ferrière, P. Kergomard, P. Langevin, H. Wallon, Washburn, M.
Montessori, et C Freinet. Ne parvenant pas à recevoir l’approbation des ministères de
l’éducation successifs, ce mouvement d’idées n’a pas débouché sur une nouvelle ère
pour l’éducation mais continue encore à nourrir aujourd’hui les recherches en sciences
de l’éducation et la réflexion pédagogique.
2. ZEP : zone d’éducation prioritaire. La politique des zones d’éducation prioritaires
permet bien plus de disposer de laboratoires d’expérimentation pédagogique que de
traiter efficacement les problèmes sociologiques de violence et d’échec scolaires.
3. Missions académiques de formation des personnels de l’Éducation nationale.
4. Fonds d’aide à l’innovation.
5. Direction des lycées et collèges.
6. La DLC a fusionné avec la direction de l’enseignement primaire pour ne plus former
qu’une instance unique, la DESCO : Direction de l’enseignement scolaire.
7. Havelock R.G. et Huberman Michaël (1980), Innovation et problèmes de
l’éducation. Théorie et réalité dans les pays en développement, UNESCO, BIE, p. 41.
8. Cros Françoise (1998), « L’innovation en éducation et en formation : vers la cons-
truction d’un objet de recherche ? », Éducation permanente, n° 134, 1998-1, p. 16.
9. Enquête menée au CIRCI (Centre interdisciplinaire de recherche sur la construction
identitaire) à l’université de la Réunion.
10. Logique déterminante pour l’efficacité pédagogique et dont on parle trop peu. Les
recherches à ce sujet sont quasi inexistantes…
11. Vermersch Pierre (1994), L’Entretien d’explicitation en formation initiale et en
formation continue, Paris, ESF.
12. Dans la réflexion qu’il a menée sur l’intérêt de faire usage de la notion de « rapport
au savoir » ; cf. Develay Michel (1996), Donner du sens à l’école, Paris, ESF, pp. 43-
44.

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